Histoire de l’Art Moderne CM1
La fin du règne de Louis XIV (1700 - 1715) : La Grâce
Le 18 e siècle occupe une place de choix dans l'histoire de l'art. Il correspond à un moment
heureux où un certain esprit, une culture raffinée ont trouvé leur expression dans des oeuvres d'art et une
langue qui ont séduit toute l'Europe. Au 18 e , la culture française rayonne jusqu'aux confins de l'Europe.
D'un point de vue chronologique, ce siècle s'ouvre avec les dernières années d'un très long règne, celui de
Louis SVI qui s'éteint le I e septembre 1715. Pendant ce siècle, il y a de nombreux bouleversement. C'est
ce siècle qu'on appelle traditionnellement le Siècle des Lumières.
Ce siècle s'étend de la fin du règne de Louis XIV jusqu'à la période révolutionnaire. L'histoire nous
a pourtant légué un autre 18 e siècle, plus court et plus caricatural. En effet, dès le début du 19 e siècle,
l'Europe bourgeoise à rêver l'image d'un 18 e élégant et frivole, d'un siècle libre de moeurs s'adonnant à la
fête et aux plaisirs : un âge d'or, de la douceur de vivre.
Les hommes du 19 e ont projeté sur le 18 e leur nostalgie, nostalgie d'un bonheur sans interdit. Il
faut dire que les images que le 18 e nous à laisser vont plutôt dans ce sens, qu'il s'agisse des parcs
enchantés de Watteau ou encore les scènes intimistes de Boucher.
Boucher, L'Odalisque Brune * Fragonard. La Surprise
Image d'un monde heureux qui serait coupable de s'être livré à cette recherche du bonheur, au
19 e siècle est né un mythe du 18 e siècle dont nous sommes les héritiers. Le 18 e serait une époque
élégante mais frivole, heureuse mais superficielle, brillante mais libertine. De nombreux auteurs ont
contribué à imposer cette image, ce mythe du 18 e siècle, notamment les frères Goncourt qui sont l'auteur
d'un ouvrage important intitulé L'art du 18 e siècle . Des poètes ont aussi participé à la création de ce
mythe. Les Frères Goncourt ont beaucoup fait pour imposer cette interprétation du siècle des Lumières,
interprétation contestable.
En ne retenant que cette vision du 18 e siècle, nous risquons de resserrer le 18 e siècle sur une
période qui correspond au règne de Louis XV c'est-à-dire la période centrale du 18 e siècle. Ce mythe du
siècle des lumières n'est pas totalement faux, n'est pas sans fondements historiques mais elle est très
réductrice. L'étude du 18 e montre que cette période a été beaucoup plus longue que le seul règne de
Louis XV et beaucoup plus complexe. Watteau (début 18 e ) et David (fin du 18 e ), excluent de ce demi-
siècle, sont deux peintres majeurs pour les représentations de cette époque.
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Histoire de l'Art Moderne CM1
Le 18 e siècle c'est le siècle du libertinage, de la liberté mais c'est aussi le siècle de la gravité, de la
raison triomphante et en même temps, le siècle qui a vu l'émergence d'une nouvelle sensibilité. Il faut
reprendre le 18 e siècle à sa légende, il faut rendre à ce siècle sa gravité, son goût des grands principes et
de la table rase.
Dans le domaine artistique, on serait tenté de réduire la production du 18 e à des scènes légères,
galantes, frivoles sans aucun sérieux. Or ce n'est pas le cas, certes il y a une peinture libertine mais il y a
aussi une peinture sérieuse et à caractère moralisateur. Par ailleurs, ce siècle a vu l'essor d'une réflexion
sur l'art. On ne se contente plus de débattre sur les moyens utilisés par l'artiste mais on s'interroge sur la
finalité même de l'activité artistique. Les objectifs sont très ambitieux. La finalité de l'art n'est pas
seulement de plaire, c'est aussi de contribuer à l'édification intellectuelle du public. Liberté d'un côté,
libertaire de l'autre, voici les deux principes du 18 e siècle.
1. Les années 1700 - 1715 ou l'aube des Lumières
Cette période concerne la fin du règne de Louis XIV mais c'est aussi le début du siècle des
Lumières. Si le 18 e est considéré comme l'époque des Lumières, il faut définir ce concept et en mesurer la
portée.
A. Définition des Lumières
Cette métaphore de la Lumière est contemporaine. Au 18 e siècle, des écrivains, des philosophes
ont tenté de définir ce mouvement en recourant à la métaphore de la lumière, c'est-à-dire la raison en
lutte contre les ténèbres, c'est-à-dire les obscurantismes de toute sorte.
C'est un grand phénomène historique et culturel fondé sur l'usage public et critique de la raison
par les personnes privées dans tous les domaines dans le but de libérer l'homme et de le rendre heureux.
Les Lumières se donnent pour objectif de lutter contre l'ignorance et les préjugés qui maintiennent les
individus dans un état de dépendance. D'emblée apparaît la double nature des Lumières avec cette
volonté d'intervenir dans le monde concret autant que dans la sphère des idées. Il y a un grand principe
qui guide ce mouvement, c'est celui de l'autonomie de l'individu, autonomie de la pensée.
Le philosophe layle qui publie en 1697 un dictionnaire historique et critique, il écrit « osez
penser par vous-même » ; cette injonction va sonner comme un mot d'ordre pendant tout le 18 e siècle.
C'est le principe essentiel des lumières pour que l'individu puisse penser par lui-même et ainsi se libérer
des préjugés.
Fin 18 e siècle, Kant, en 1784, à son tour défini les Lumières. Pour lui, les Lumières sont une
invitation au courage, à l'audace. Il formule « ayez le courage de vous servir de votre propre
entendement ». Il écrit cela dans son oeuvre intitulé Qu'est-ce que les Lumières . L'objectif est donc clair,
c'est la conquête de l'autonomie intellectuelle. Pour lui, le 18 e siècle est une époque de transition qui est
en marche vers les Lumières, ces Lumières ne seront atteints que lorsque les citoyens vivront librement.
Pour Kant, il faut atteindre l'horizon.
Le siècle des Lumières s'ouvre et se termine par le même mot d'ordre. Les Lumières rejettent
l'autorité au profit de la liberté, elles rejettent le clan au profit de l'individu, elles rejettent enfin le
fatalisme au profit du bonheur. Le bonheur que le 18 e siècle dit avoir inventé, Si ust, dans les années
1790 écrit que « le bonheur est une idée neuve en Europe ».
B. Interprétations données au Lumières
Remarquons que les français ont choisi un terme concret, contrairement aux anglais
(enlightenment) et aux allemands (aufklàrung) qui ont eu recours à des mots abstraits. Tous ces termes
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évoquent la lumière, même si pour les anglais et les allemands cela évoque un processus plutôt qu'un
effet de faits.
A partir du 19 e siècle, les interprétations vont de multiplier et diviser les penseurs. Le philosophe
, au début du 19 e siècle, rejette les Lumières pour imposer et assoir sa philosophie propre. Marx et
Tocqueville feront de même un peu plus tard. En revanche, au début du 20 e siècle, Cassirei (philosophe
allemand) publie en 1932 un manifeste en faveur des Lumières, il prend parti pour les Lumières dans un
contexte marqué par la monté du parti nazi.
Au lendemain de la 2 nd GM, d'autre philosophes vont également remettre en cause les lumières,
c'est le cas et de Adorno, ils mettent en cause une raison qui risque de s'autodétruire.
Ensemble, ils publient un libre en 1945 intitulé Lo Directigue de la Raison , ce livre est publié devant la
désolation des camps de concentration. C'est une critique de la raison glacée et technicienne des
Lumières. Pour eux, les Lumières auraient enfanté les régimes totalitaires du 20 e siècle.
Michel Foucaud, à la fin du 20 e , n'a pas souhaité entrer dans ce débat. Il ne définit pas les
Lumières historiquement comme une période mais comme une attitude intellectuelle qui transcende les
périodes. C'est le devoir de penser par soi-même, de se méfier des préjugés et des idées reçues.
C. L'héritage des Lumières
Les combats des Lumières n'ont rien perdu de leur actualité ni de leur attrait. Cet héritage est à
retrouver d'abord dans certaines valeurs, des valeurs qui nous parlent aujourd'hui, des valeurs auxquelles
nous sommes attachés comme la tolérance, la liberté de conscience et d'expression, le progrès, le
bonheur.
Cet héritage est aussi à retrouver dans une attitude critique face aux problèmes de société. Par
exemple, le débat autour des droits d'auteur et notamment dans l'affaire Google. Google a pour but de
numériser des livres imprimé et de les mettre à disposition gratuitement sur internet. Mais un problème
se pose, Google, ne demande pas toujours l'avis aux éditeurs et encore moins aux auteurs. Ce débat
rappelle un débat qui existait déjà au 18 e siècle, )iderot pense que l'auteur est propriétaire de son texte
et peut en disposer. Pour Condorcet, la propriété des textes ne peut pas exister, pour lui les textes
appartiennent à tous, dans la mesure où la diffusion des idées utiles à l'humanité doit se faire sans
entrave.
Le mouvement des lumières a inventé le monde où nous sommes, le 18 e a formulé de manière
précise claire et cohérente les principaux piliers de notre modernité : laïcité de l'état, égalité des sexes, les
droits de l'homme, liberté d'expression, éducation pour tous...
L'art du 18 e siècle est particulièrement imprégner de ces principes des Lumières, il est aussi au
cœur des débats qui agitent les philosophes et les intellectuels.
2. Une fin de règne contrasté
La fin du règne de Louis XIV ouvre le 18 e siècle, cette fin de règne triste et sombre ne marque pas
moins un moment capital dans l'évolution des arts marqués par un frémissement et une grâce nouvelle
qui annonce l'art du 18 e siècle.
A. Le crépuscule d'un long règne
Les dernières années du règne de Louis XIV ont été marquées par un certains nombres de
troubles comme des persécutions menées contre les protestions avec la révocation de l'Edit de Nantes en
1685. Il y a également des persécutions contre les jansénistes qui commencent à prendre du pouvoir, en
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1710 le couvent de Port-Royal est détruit et en 1713, Louis XIV fait officiellement condamnée le
jansénisme par le Pape.
Dans le domaine de la culture, Louis XIV fait renvoyer les comédiens italiens en 1697. Ces
comédiens étaient présents en France depuis la fin du 16 e siècle, et par ordre royal ils sont interdits et
chassés hors du royaume de France à l'entière satisfaction de la Comédie Française. Les comédiens
français ont obtenu cette expulsion à cause d'une pièce critiquant la femme du roi joué par les italiens.
Dans la Commedia Dell'arte, les comédiens improvisent le texte, le jeu est plus libre et plus vivant par
rapport à la Comédie Française
Jacob, d'après Watteau, Les Comédiens Italiens chassés de l'hôtel de Bourgogne en 1697, Paris
A la fin de son règne, les guerres du roi se soldent par de lourdes défaites causant de nombreux
décès mais aussi creusant les déficits de l'état. Il y a par exemple les Guerres d'Habsbourg ou encore la
Guerre de Succession d'Espagne. Watteau a pu observer à Valenciennes même les soldats de Louis XIV.
Watteau, Le Camp Volant, vers 1710,
Moscou, Musée Pouchkine
D'autres fléaux frappent les populations, en 1709 un froid glacial s'abat sur la France. Cet hiver
glacial entraîne une grande famine et des actes de cannibalismes sont signalés à Paris. A tous ces
malheurs s'ajoutent une série de deuils qui frappent la famille royale ; en 1711 meurt le Gand Dauphin, en
1712 c'est le Duc de Bourgogne qui décède suivit par sa femme la Princesse de Savoie ; la même année,
c'est le Duc de Bretagne qui décède. On a cru qu'une malédiction s'abattait sur la monarchie française
privant le vieux roi d'une succession dynastique. A la mort du roi en 1715, son successeur est en fait son
arrière-petit-fils et n'est âgé que de 5 ans.
Rien de cette fin de règne sombre ne transparaît dans le portrait de Louis XIV en costume de
sacre exécuté par Rigaud.
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Rigaud, Portrait de Louis XIV en costume de sacre, 1701 :
Commande passé par le roi pour le roi d'Espagne. C'est une oeuvre de
propagande, c'est le portrait du roi mais aussi de la monarchie. Cette
oeuvre véhicule un message politique : l'affirmation de la puissance du
roi de France. Portrait grandeur nature de roi soleil décoré des
insignes de son pouvoir : manteau d'hermine à fleur de lys, les bas et
les souliers blancs, la couronne sur le coussin, le sceptre et la main de
justice, épée (qui aurait appartenu à Charlemagne). Tous ces insignes
évoquent la monarchie de droit divin et le pouvoir suprême du roi. Il
s'agit d'affirmer le pouvoir du roi de France dans une période où se
pouvoir est contesté. Le roi se tient au centre, tout droit, rien ne vient
perturber la composition que ce soit le rideau rouge ou encore le
manteau. Tout conduit le regard vers le visage du roi qui se détache
sur un fond neutre. La composition est assez chargée, il y a beaucoup
de détails, mais pour focaliser le spectateur sur le visage du roi, cette
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zone du tableau est vide afin de mettre en valeur le visage du souverain. Louis XIV a posé à une
seule reprise pour ce tableau, le peintre à seulement esquisser le visage sur un petit rectangle de
toile qui a été cousu au sein d'une toile beaucoup plus importante. Les couleurs traduisent la
richesse et le rang du modèle, ce sont des couleurs chaudes et chatoyantes comme le rouge, l'or.
On ne trouve que de rares couleurs froides comme le bleu mais c'est le symbole de la monarchie.
Seul compte ici la gloire, la splendeur et la force de son pouvoir, rien ne transparaît de
l'épuisement du peuple en raison des famines et des guerres. C'est un tableau qui se situe hors
du temps pour devenir une oeuvre atemporelle. Cette oeuvre à tellement plu au roi que le roi l'a
gardé, c'est une copie qui a été envoyé en Espagne. Ce tableau est devenu le modèle par
excellence des portrait de souverain que ce soit en France ou à l'étranger.
Callet, Portrait de Louis XVI
en costume de sacre, 1799
B. La contestation de l'absolutisme
La fin du règne a été marquée par une contestation de l'absolutisme du pouvoir du roi. Cette
contestation de la situation critique du royaume prend naissance parmi les porches de Louis XIV et en
particulier Vauban. Vauban publie en 1707 Le Projet d'une Dime Royale, projet visant à réformer les
impôts jugés trop lourds et à l'origine de la misère de la population. Il s'adresse même au roi dans son
livre « Sir , vos peuples ont faim ».
La contestation gagne aussi les milieux littéraires et artistiques. Du coté littéraire on a la querelle
des Anciens et des Modernes. Concernant le monde artistique on a la querelle des Coloris. A l'origine de
cette querelle il y a eu une conférence à l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture. En 1671, la
querelle éclate pendant une conférence donnée par Philippe de Champaigne à propos d'un tableau de
Titien. Quand il commente cette œuvre, il critique le fait que l'artiste ait construit son tableau à partir de
grande masse de couleurs, il regrette que le tableau ne soit pas davantage dessiné.
Titien, Vierge à l'enfant avec sainte Agnès et Saint
Jean Baptiste, 1520 .
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La querelle va éclater entre les tenants du dessin ( oussinistes ) qui se réclament de Nicolas
Poussin et les partisans de la couleur ( rubénistes ) qui se réclament de Rubens. La querelle s'achève vers
1700 avec la victoire des rubénistes, le charme de la couleur l'emporte sur la rigueur du dessin puisque
cela donne une conception plus sensuelle à la peinture. Roger de Piles, théoricien qui défendait
ardemment la couleur, est nommé conseillé de l'Académie en 1699, cette même année, un nouveau
directeur de l'Académie est nommé, ussi (rubénistes).
Roger D(j remet à sa juste place le dessin dans un livre intitulé Cours de Peinture par
Principe . Le coloris devient la différence spécifique de la peinture, c'est ce qui caractérise la peinture,
puisqu'on ne la retrouve pas dans les autres formes d'arts visuels. Tout ce qui fait vibrer une composition
c'est la peinture.
Il y a deux principales conséquences de la querelle.
D'une part, on à une nouvelle manière d'appréhender la peinture, jusqu'alors on privilégiait une
lecture analytique du tableau, le regard s'arrêtant sur chaque détail renvoyant à un discours hiérarchisé. A
l'issu de cette querelle, on n'a plus une lecture analytique mais une vision synthétique de l'œuvre d'art,
c'est-à-dire globale, favorisée par la couleur qui saisit dans sa globalité le tableau. C'est un effet de tout-
ensemble.
D'autre part, on voit le succès immense de la peinture nordique du 17 e dans la France du 18 e
siècle. En effet, les peintres nordiques (hollandais, flamands) sont de grands coloristes. Les tableaux
nordiques vont connaître un immense succès auprès des collectionneurs français. Les œuvres vont être
marquées par les maîtres nordiques du 17 e siècle.
La victoire des coloristes assure le triomphe des genres dits mineurs. Cette hiérarchie se fondait à
l'époque sur une hiérarchie des sujets représentés, au somment de la hiérarchie se trouvait la peinture
d'histoire dans laquelle ont incluse quatre types de sujets : religieuse, mythologique, allégorique,
ancienne. Au niveau intermédiaire se trouve le portrait et la scène de genre. Enfin, au bas de la hiérarchie
se trouve la représentation de choses inanimées comme les natures mortes et les paysages. Cette
hiérarchie a été officialisée par dans sa préface aux conférences de l'Académie publiée en
1668. Il y avait trois enjeux :
> Intellectuelle : La hiérarchie des genres permettait de valoriser le statut de l'artiste en affirmant
les qualités intellectuelles requises malgré le caractère manuel. On en vient à démontrer que le
peintre d'histoire est un intellectuel. A l'opposé, le peintre de paysage ou nature n'a pas besoin
de possédé la même culture que le peintre d'histoire parce qu'il voit ce qu'il peint, contrairement
au peintre d'histoire.
> Technique : Le peintre d'histoire c'est le plus doué car pour peindre l'histoire il faut maîtriser tous
les autres genres comme le portrait, le paysage, la scène de genre, la nature morte.
> Moral : Le grand genre c'est le genre le plus noble, celui qui parle de thèmes sérieux susceptible
d'élever l'âme du spectateur. La peinture d'histoire est capable d'édifier le spectateur. L'art ne
doit pas seulement s'adresser au sens, elle doit s'adresser à l'esprit. font de Saint-Yenn* écrit
que le peintre d'histoire est le seul peintre de l'âme, les autres ne peignent que pour les yeux.
C. Le réveil du vieux roi
Si la fin du règne de Louis XIV est marquée par un certain raidissement dans la politique une
autorité accrut, une intolérance dans les affaires religieuses et culturelles. Le roi surprend par son goût
pour le raffinement, son admiration pour la grâce et sa fascination pour la jeunesse. Il proclame à
Versailles qu'il veut de l'enfance partout. Cette sensibilité nouvelle se traduit dans les œuvres d'art.
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Etienne Le Hongre, La Seine, 1686 - 1690 : C'est une
allégorie de la Seine. On a un homme âgé, barbu allongé sur
une urne qui déverse de l'eau. On remarque aussi l'idée du
fleuve nourricier avec la corne d'abondance. Le gouvernail
évoque la navigation fluviale mais aussi le bon gouvernement.
L'enfant présent représente le désir d'enfant formulé par Louis
XIV.
Dans le domaine artistique, on assiste à un assouplissement. Le roi exprime désormais sa
sensibilité à travers l'art, alors qu'avant il exprimait ses ambitions. Le roi se dévoile quelque peu, les
oeuvres créées à la fin de son règne ne sont plus des oeuvres de propagande mais des oeuvres plus
personnelles où le roi laisse parler sa sensibilité.
3. Des commandes royales marquées par le renouveau
A. L'assouplissement des formes architecturales
Dans le domaine de l'architecture des évolutions sensibles sont observables, particulièrement
dans le cadre de commandes passées par le roi. Cela va nous conduire progressivement vers l'architecture
du 18 e siècle.
Jules Hardouin Mansart, Château du Val, 1674 :
C'est la première réalisation de ce jeune architecte pour le Roi.
Il s'agit d'un petit château, c'est un pavillon de chasse. Il existe déjà
deux châteaux à Saint-Germain en Laye, le Château-Vieux et le
Château-Neuf. Il n'y a pas d'étage, il n'y a qu'un rez-de-chaussée.
Ce pavillon existe toujours mais a été très remanié depuis. Au
centre, il y a une pièce traversante, c'est-à-dire qu'elle ouvre des deux
côtés, elle est destinée à recevoir le roi et ses convives pour une
collation. La nouveauté essentielle réside dans la distribution (art
d'organiser les pièces les unes par rapport aux autres) des pièces, celle-
ci annonce celle des demeures du 18 e siècle. On peut constater la disparition de refend longitudinal, il
s'agit d'un mur porteur qui était construit dans le sens de la longueur du bâtiment et qui entravait la
distribution des pièces. Grâce à des progrès techniques les architectes peuvent désormais ce dispensé de
ce mur de refend, cela accorde une plus grande liberté aux architectes dans la disposition et le plan des
pièces.
De part et d'autre de cette salle sont rassemblées quatre pièces, on appelle cela un appartement.
Cet appartement se compose d'une chambre, d'une antichambre, d'une garde-robe et d'un cabinet. A
gauche, les pièces sont traditionnelles. En revanche, l'appartement de droite présente des dispositions
modernes qui ouvrent la voix aux dispositions du 18 e siècle, les pièces sont individualisées, elles
présentent un plan qui leur est propre. Ces pièces sont de petites dimensions ce qui leur confère un
caractère plus intime.
On constate également la présence d'un poêle présent au centre de l'appartement, ce poêle va
très rapidement être adopté et remplacer les cheminées traditionnelles ; contrairement à la cheminée il
offre une chaleur régulière, il peut également être chargé par les domestiques par l'arrière.
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Hardouin-Mansart, Château de Marly-le-Roi
Ce château est placé entre Versailles et Saint-Germain, c'est un château dans lequel il réunira ces
amis. Le roi s'y retire pour de court séjours, il s'entoure de courtisans qu'il a choisis avec qui il souhaite
partager de la proximité.
Il conçoit cette nouvelle résidence selon une composition éclatée, c'est-à-dire qu'elle comporte
un pavillon principal, le Pavillon du Soleil, et douze pavillons destinés à accueillir les invités de Louis XIV.
Ces douze pavillons représentent les mois de l'année mais aussi les planètes qui tournent autour du soleil.
Les bâtiments ont été édifiés entre 1680 et 1686, l'une des particularités de l'architecte ce sont
les décors en trompes l'œil pour la façade. Tous les éléments d'architecture décoratifs sont peints en
trompe-l'œil, deux hypothèses expliquent ce choix. D'une part des raisons économiques. D'autre part on
parle d'enchantement.
Ce château est entièrement détruit, ne subsiste de ce château uniquement les jardins. Il fut
détruit pendant la révolution ; il a servi de carrière de pierre pour construire le petit village de Marly.
Le pavillon du soleil se compose d'un plan centré avec quatre vestibules qui donnent accès à un
salon octogonal au centre. Ces vestibules desservent quatre appartements. C'est une composition centrée
parfaitement symétrique. Le salon est à l'italienne, c'est-à-dire un salon qui se déploie sur toute la
hauteur du bâtiment, c'est dans ce salon qu'était organisés des jeux, des concerts, des petites
représentations de théâtre. Une galerie à l'étage permettait aux invités d'assister aux petits spectacles.
Le parc est assez varié dans ces points de vue. Il s'ordonne autour d'un grand axe central
longitudinal et d'un axe transversal perpendiculaire. A l'intersection des deux a été bâti le Pavillon du
Soleil. Dans le parc, on trouve de nombreuses allées, des bosquets. L'eau jouait un rôle très important,
elle était retenue dans d'immenses réservoirs qui alimentaient les fontaines de Marly mais aussi celles de
Versailles. La machine de Marly construite sur la Seine permettait au moyen de pompes mécanique
d'élever l'eau en hauteur afin qu'elle gagne un aqueduc qui descendait en pente douce vers Marly et
Versailles.
Dans le parc, la dénivellation permettait tous les raffinements du spectacle de l'eau, il y avait des
jets hauts et puissants, des cascades, des bouillons. Cela s'opposait au calme des miroirs, c'est-à-dire des
bassins complètement immobiles, reflétant le ciel. A la beauté de l'eau s'ajoutait la polychromie, le bassin
était recouvert de rochers, coquillages et marbres polychromes.
A la différence du parc de Versailles, celui-ci était en évolution constante, le grand plaisir du roi à
la fin de sa vie était de créé et modifié perpétuellement le jardin de Marly. Ce jardin était agrémenté de
sculptures.
B. Le frémissement de la sculpture
La statuaire du parc de Marly a été réalisée entre 1694 et lèl5 différait d celle de Versailles par
une plus grande liberté dans les formes, une grâce nouvelle et un sens du mouvement plus affirmé. Les
sculpteurs ont fait preuve d'imagination et d'audace, on peut considérer Marly comme une sorte de
laboratoire. Les œuvres exécutées pour Marly annoncent déjà l'art rocaille. C'est une sculpture emplie de
vie. Aujourd'hui, elles sont pour ('essentielles rassemblées au Louvre.
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Flamen, Diane, 1694 : Par son thème elle s'inscrit dans l'iconographie
versaillaise. Diane c'est la déesse de la chasse, elle est représenté tenant son arc et
accompagnée de son chien. On peut voir qu'elle engage un léger mouvement, il y a
une souplesse nouvelle. Un sentiment de vie anime la sculpture.
Coysevox, Les chevaux de Marly (la Renommée, Mercure chevauchant Pégase), 1699 : Ils
étaient destinés à être placé à l'extrémité du parc. Les deux chevaux venaient clore la perspective
telle que le roi pouvait l'admirer. Le choix de représenté des chevaux s'expliquent par la
destination de ces sculptures, elles étaient placées auprès de l'abreuvoir. L'iconographie est plus
complexe, durant la période de Louis XIV les oeuvres sont porteuses de messages politiques. Ces
chevaux sont placés sur de hauts piédestaux de façon à être vu par tout le monde. A travers ses
sculptures, on peut voir un double portrait allégorique. D'une part le roi victorieux évoqué par la
Renommé mais aussi le roi pacificateur évoqué par Mercure puisque durant une période de paix
la culture et le commerce se développent. Sous le cheval il y a un amoncellement d'objets, on
appelle cela un trophée militaire, on retrouve ces trophées sous les deux sculptures. Etant donné
que le marbre est un matériau fragile, les sculptures n'auraient pas supporté le poids des chevaux
c'est pourquoi il y a cet amoncellement d'objets sous les chevaux. Les oeuvres ont été signées par
l'artistes, il en était très fier puisque les deux sculptures ont été faite dans un bloc de marbre
chacune.
Les Fleuves : Le fleuve est représenté par un vieil homme, la femme à ses côtés représente la
rivière. Un troisième élément est présent, c'est un petit enfin qui regarde dans une direction
différente des deux autres. Aucune des figures ne regardent dans la même direction, cela créé
une dynamique nouvelle, cela donne une impression de vie. Ces œuvres portent un message
symbolique et politique. L'homme s'appuie sur un gouvernail qui symbolise le bon
gouvernement, Louis XIV gouverne la France dans la bonne direction et de la bonne manière. Le
fait de placé ainsi dans le parc de Marly de façon assez équilibré des allégories fluviales c'est une
manière d'affirmer de manière symbolique l'étendu du pouvoir géographique du Roi. Cela fait
écho à la volonté de Louis XIV de placer dans la galerie du Louvre les maquettes des places fortes
de Vauban afin de montrer qu'il avait la maîtrise du territoire.
^ Prou f Amphitrite, 1704 : Œuvre qui représente
cette évolution sculpturale. Le visage est d'une parfaite
régularité ovale, dans la tradition du classicisme versaillais.
En revanche, le corps, avec les courbes et les contre-courbes
qui animent le corps sont caractéristiques de l'esthétique
rocaille qui se développera au début du règne de Louis XV.
Fremin, Flore, 1706 : Œuvre encore plus animée que la Diane, la statue est
prise dans le mouvement, elle s'avance. Elle esquisse un geste très délicat
avec sa main droite, elle tourne la tête avec souplesse. On a une véritable
animation dans la statue.
Les Coureurs de Marly : Le point de départ c'est une copie réalisée par Lepautre alors qu'il
séjournait à Rome à l'Académie de France. Les sculpteurs étaient très largement invités à copiés
des statues d'antique expédiée en France pour décorer à moindre frais les parcs des demeures
royales. Quand l'antique arrive dans le parc de Marly, cette figure est associée à la figure
d'Atalante, elle défiait ses amants à la course et promet d'épouser celui qui la battrait.
Hippomène est le premier à réussir à la battre à l'aide d'une ruse, il balance les pommes d'or du
jardin des Hespérides qui attire la curiosité d'Atalante. Hippomène et Atalante ont été disposées
de part et d'autre du pavillon du Soleil, au centre d'un bassin. Comme il y avait deux autres
bassins de libre, on a commandé deux autres coureurs : Apollon et Daphné. Les quatre statues
forment un ensemble très cohérant. Au bout du processus on aboutit à la statue de Daphné qui
est à la limite de chuter emportée par son élan, on peut presque sentir les drapés claqués sur son
corps. Dans un bloc de marbre, les artistes ont réussi à mettre en place une certaine liberté et
suggérer une certaine fluidité.
La mort de Louis XIV marque l'abandon de Marly, château qui sera vendu et dépecer durant la
révolution.
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Coysevox, La Duchesse du Bourgogne en Diane, 1710 :
Statue commandée par le duo d'Antin, c'est l'un des enfants de
Louis XIV et Madame Montespan. Il est nommé par son père
directeurs des bâtiments du roi en 1708, il met en œuvre la
politique artistique voulue par le souverain. Le duc d'Antin avait un
petit problème, il avait tendance à confondre deniers publics et bien
propre, souvent il a passé des commandes avec l'argent du roi pour
sa propre résidence, c'est le cas de cette statue. Elle se trouve dans
le Château de Petit-Bourg. Cette statue est elle aussi traversée d'un
frémissement assez neuf, il y a un frisson de vie qui s'empare du
marbre. C'est une œuvre importante car elle est doublement
novatrice. D'une part c'est une statue en pied, la duchesse de
Bourgogne est représentée en entière. La duchesse de Bourgogne
était la femme du petit-fils du roi qui devait lui succéder sur le
trône. La duchesse de Bourgogne c'est la mère de Louis XV, cette
duchesse est une personne importante dans la cour, elle occupait
même une place particulière à la cour, elle était très appréciée par
Louis XIV. A cette époque, il n'était pas d'usage de représenté les
personnages vivants en buste, cet honneur était réservé au roi pour
une représentation de son vivant en pied. Le sculpteur fait le choix d'une sculpture en pied alors
que la duchesse est encore vivante, s'il le fait c'est à la demande du commanditaire, on peut donc
y voir la volonté de flatter la duchesse en la représentant ainsi. D'autre part c'est un portrait
mythologique, l'œuvre inaugure un genre faisant une synthèse entre le portrait et la mythologie.
Diane c'est la déesse de la chasse mais aussi de la nuit. Le visage n'est pas idéalisé, il a été sculpté
d'après nature, ce que l'artiste a tenu à souligner dans sa signature, l'artiste a inscrit « ad
vivum ». Saint Simon la trouvait « régulièrement laide ». Son allure est gracieuse, elle est, elle
aussi traversée d'un sentiment de vie. Le thème du portrait mythologique va connaître un franc
Coysevox, Piéta ou Vierge de Pitié, 1712 - 1725,
chœur de Notre Dame de Paris : C'est un grand groupe de
marbre blanc, une composition classique pyramidale
parfaitement équilibrée et symétrique. En même temps, à ses
composantes très classiques s'ajoutent une certaine
véhémence, le mouvement douloureux de la Vierge, la
gestuelle et le visage larmoyant annoncent l'évolution de la
statuaire au 18 e siècle. C'est une œuvre de transition entre la
tradition du 17 e et l'assouplissement de la statuaire qui
s'effectue au 18 e siècle.
C'est l'une des conséquences de la querelle du coloris qui s'est achevée vers 1700 avec la victoire
des coloristes (rubénistes). La couleur s'impose désormais, les peintres coloristes vont s'imposer. Les
commandes royales vont les favoriser. C'est le cas à Versailles, non seulement au grand Trianon mais aussi
au sein de la Chapelle de Versailles qui voient la consécration des peintres coloristes.
Le Grand Trianon décoré par de grands artistes et en particulier par Charles de la Fosse, il sera
nommé directeur de l'Académie royale de peinture et de sculpture. Il se voit confié plusieurs décors au
sine du grand Trianon.
succès dans le domaine pictural.
C. L'éclat de la couleur
il
Histoire de l'Art Moderne CM1
De la Fosse, Le Repos de Diane, 1688 : Le tableau est construit
par la couleur, le train ne joue aucun rôle. C'est la couleur, les grandes
masses de couleurs qui construisent le tableau. C'est un univers
chatoyant, doré, l'ensemble est plongé dans un clair-obscur avec des
nuances surprenantes. Le contraste entre les zones de lumière et les zone
plus sombre est particulièrement accentué. Le paysage est sombre avec
au centre une nuée lumineuse où se déploient Diane et ses suivantes. La
mythologie prend une tournure sensuelle qui bientôt deviendra galante
au 18 e siècle.
La Chapelle royale de Versailles a été dessinée par Hardouin Mansart et achevée après sa mort
par Robert de Cotte. Cette chapelle devient le haut lieu des célébrations religieuses de la cour de France.
Elle comporte deux niveaux selon la tradition des chapelles palatine. La tribune était réservée à la famille
royale ; les tribunes latérales étaient destinées aux princes de sang, le reste de la cour se trouvait au rez-
de-chaussée. La chapelle a été décorée par différents artistes au cours des toutes dernières années du
règne de Louis XIV. Trois peintres coloristes ont décorés les voûtes.
m, h
+ Coypel, Dieu le Père, voûte de la nef : C'est une composition unifiée. On à
l'impression que l'architecture s'ouvre sur le ciel, c'est une composition en trompe
l'œil. Au centre. Dieu le père est représenté
Tout cela contribue à une grande clarté au sein de la chapelle. On a une certaine élégance voire
même gaieté qui contraste avec les appartements du roi dont les murs sont alourdis par les marbres et les
tissus. Cette chapelle constitue une transition vers une époque nouvelle. deviendra l'un des
peintres préférés du régent.
4. La cour donne le ton
Ces évolutions qui traduisent une inflexion de la sensibilité au sein de la cour et particulièrement
chez le roi vont avoir une incidence sur l'évolution des arts (architecture, sculpture, peinture).
12
Histoire de l'Art Moderne CM1
A. L'architecture privée
Le château du Val a lancé la mode des maisons de plaisance, c'est-à-dire de petits châteaux
construits par des financiers ou des banquiers désireux d'exprimer dans la pierre leur nouveau statut
social. Ces hommes rapidement enrichies n'avaient pas hérités de château. Elles se caractérisent par leur
proximité de Paris. Toutes ces demeures de plaisance trouvent leur modèle dans le château du Val.
Bullet, Château d'Issv, 1681 : C'est un plan carré massé (pas d'ailes
latérales) composé de trois travées. La travée centrale est double en profondeur et
les travées latérales sont triples en profondeur. Le fait que le mur de refend
longitudinal ait disparu donne plus de liberté à l'architecte, les pièces sont
individualisées. L'élévation présente une certaine sobriété avec un mélange
d'ouvertures rectangulaires (porte d'entrée), en plein cintre ou en segment.
L'architecte joue sur la variété des baies mais le décor est simple. Le recours aux
ordres antiques est limité. Il n'y a pas de différence dans les niveaux, il n'y a pas
d'étage noble puisqu'on recherche l'intimité et non l'apparat. Ce château a été
détruit mais l'avant-corps central a été conservé.
Bullet et Bullet de Chamblain, Château de Champs, 1707 : à l'origine
ce château ne comportait pas d'ailes en retour à gauche et à droite, il
ressemblait beaucoup au château d'Issy. On retrouve cette souplesse
dans l'organisation des pièces et dans le plan des pièces, les pièces
sont parfaitement individualisées, elles sont également de petites
dimensions ce qui les rend agréable et intime. La mise en place d'un
couloir permet de passer d'une pièce à l'autre sans passer par celles-
ci. Il existe encore dans une petite banlieue de Paris. Il a servi
d'habitation à Madame de Pompadour au milieu du 18 e siècle.
Cartaud, hôtel de Pierre Crozat, 1704 : Crozat était un financier ce qui lui a permis de construire
un hôtel particulier dans Paris qui aujourd'hui n'existe plus. C'est un hôtel entre cour et jardin. Le
corps de logis principal ouvre sur le jardin. Ce qui est original, c'est le plan du corps de logis, c'est
un plan en forme de T avec au centre toutes les pièces de service ou de distribution (vestibule,
escalier). Une pièce particulière vient couronner l'ensemble de la disposition, c'est une galerie qui
ouvre sur le jardin par trois de ses cotés. C'est dans cette galerie qu'il exposait ses collections
mais aussi qu'il organisait des concerts.
o Lancret, Concert chez Crozat, rue de Richelieu, Munich :
Delamaire, hôtel de Soubise, 1705 : Montre une grande
souplesse dans l'architecture, aujourd'hui il abrite les archives
nationales. Il se distingue par une cour des plus importantes de Paris.
Un portique fait le tour de cette cour. Au fond de la cour, on a une
façade parfaitement symétrique qui masque un hôtel très ancien et
très irrégulier; cette façade n'est qu'un masque à la manière des
décors de théâtre.
Boffrand, hôtel Amelot de Gournay, 1712 : Fait preuve de
recherches et d'invention puisque la cour de cet hôtel présente
un plan ovale ce qui fait repenser toute la disposition des pièces.
ON emploi un ordre colossal (enjambe l'ensemble des niveaux),
cela créé un sentiment d'unité ; par ce choix l'architecte a donné
une ampleur monument à un hôtel construit sur une surface
exigüe.
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Histoire de l'Art Moderne CM1
B. L'architecture religieuse
A la fin du règne de Louis XIV on lance la reconstruction de l'abbaye de Saint Denis, elle est
engagée vers 1700 par Hardouin-Mansart puis par Cotte. Ils ont sur adapté la grande manière aux besoins
de la communauté religieuse. Les bâtiments conventuels sont répartis autour du cloître. Le traitement est
moderne et se rapproche de l'architecture civile avec l'usage de vitres dans le cloître, de baies qui
rappellent celle du Louvre et l'ampleur des bâtiments qui rehausse le prestige.
C. La peinture de chevalet
La peinture de chevalet enregistre rapidement les changements de style, elle est plus réactive
que la grande peinture ou encore le décor monumental qui sont plus lents à évolués. Les petits tableaux
destinés aux collectionneurs privés se ressentent de la victoire des coloristes.
^ Coypel, Démocrite, 1692 : Les couleurs sont très vives, on sent que
l'artiste à travailler avec la couleur, avec la matière. Par son sujet et par son
traitement, ce tableau rappelle les oeuvres de Rembrandt (homme âgé en buste
avec matières abondantes, clair-obscur).
Louis de Boullogne, Le repos de Diane, 1707 : Tableau construit par la
couleur, le jeu du clair-obscur et les effets sensibles de la lumière.
Santerre, Jeune fille à la fenêtre, 1700 : Le tableau est un peu terne, mais on peut imaginer à
l'origine un clair-obscur avec des lumières chaudes et dorées. Œuvre qui copie une œuvre de
Rembrandt.
Santerre, Jeune fille à la fenêtre, 1700
Rembrandt, Jeune fille à la fenêtre, 1645
Cette nouvelle esthétique s'impose auprès d'un public plus large, c'est une nouvelle ère qui
s'ouvre. Durant la régence, Philippe d'Orléans dirige la France puisque Louis XV est encore trop jeune.
La Régence (1715 - 1723) :fête et intimité
Le terme de Régence désigne en France une période précise qui fait suite à la mort de Louis XIV
en 1715 et qui correspond à la minorité de Louis XV (arrière petite fils de Louis XIV). Louis XV âgé de 5 ans
est beaucoup trop jeune pour régner, durant cette période le gouvernement est dirigé par Philippe
d'Orléans qui prend le nom de régent.
En 1723, Louis XV atteint l'âge de majorité des rois de France. C'est un régime très court, la
Régence reste extrêmement riche dans l'histoire de l'art et plus généralement dans l'histoire de France.
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Histoire de l'Art Moderne CM1
C'est une période de transition et de réaction dans tous les domaines, surtout avec un épanouissement
des arts dont les prolongements se feront sentir tard dans le siècle.
1. Une nouvelle ère
A. Une volonté de réforme
La Régence apparaît comme une période de transition mais aussi une période de réaction dans
tous les domaines. Réaction d'autant plus nécessaire que la fin du règne du roi soleil a été
particulièrement assombrie par les guerres, les défaites, les pertes humaines, les difficultés économiques
de l'Etat et des épidémies.
La Régence constitue une période de réaction. Le duc d'Orléans mène une politique de rupture
après ce très long règne de Luis XIV, elle est d'abord marquée par une forte réaction aristocratique. Dans
le domaine politique, le régent cherche à redonner à la noblesse le rôle qu'elle avait perdu sous Louis XIV
au profit des ministres. La noblesse était contrôlée, c'était d'ailleurs l'un des enjeux de la construction de
Versailles. Le régent redonne à la noblesse un vrai rôle politique, les ministres sont remplacés par 8
conseils de 10 membres chargés de préparer les dossiers et traiter les affaires politiques du royaume
(polysynodie)
Anonyme, Le Conseil de Régence présidé par Philippe d'Orléans (16 septembre 1715), 1715,
Versailles
Rapidement le régent opte pour un mode de gouvernement très différent. Pour marquer la
rupture avec son oncle, le Régent établit le gouvernement à Paris dans son propre palais : le Palais Royal.
Chaufourier, Vue et perspective du Palais Royal depuis le coté du jardin, vers 1725, Paris, BNF,
estampe
En matière religieuse, il affirme sa volonté de tolérance et de paix. Il le fait en libérant les
jansénistes et les protestants emprisonnés par Louis XIV. Philippe d'Orléans ne reconnaît pas la bulle
papale.
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C. Balthazar, Portrait de John Law, contrôleur général des finances, 1843, Lorient
Dans le domaine économique, afin de rétablir les finances du royaume, le régent fait appel à un
écossait , il est nommé contrôleur général des finances. John Law invente un système censé
résorber la double crise du royaume. D'une part une crise monétaire liée à l'insuffisance des moyens de
paiement, il invente donc le papier monnaie. Ainsi, il augmente les moyens de paiement afin de fluidifier
les échanges et donc favoriser la reprise économique. D'autre part, il y a une crise financière, pour tenter
de résoudre cette grave crise de l'Etat il a suggéré de convertir la dette publique en action de la
Compagnie des Indes en espérant des profits immenses. Les profits espérés n'ont jamais été au rendez-
vous, la richesse produite était en deçà des espérances. Des émeutes ont donc eu lieues en 1720 et la
Banque de Law a fait faillite, cela ruinant des milliers de particuliers.
15
Histoire de l'Art Moderne CM1
Le système de Law favorise le métier de financier, il va s'imposer tout au long du 18 e siècle
jusqu'à la révolution. Le financier est une figure active dans le monde des affaires mais aussi dans le
monde de l'art. Les financiers vont construire et acheter des oeuvres sur le marché. Ce système a tout de
même donné une grande impulsion au commerce. De grands marchands d'art viennent à Paris et
prospèrent comme Gersaint.
B. Une libération des mœurs
La Régence apparaît comme une période de libération des moeurs qu'on appelle le libertinage. Au
vieux roi succède le régent avec des moeurs plus libre et un goût pour la fête.
Largillière, Portrait dit du Régent en Bacchus, Paris : Le Régent est
représenté en Bacchus. Au premier plan, on peut voir deux panthères qui mangent
du raisin.
Saint Simon écrit à propos du régent qu'il aimait la liberté autant pour les autres que pour lui-
même. L'austérité du règne de Louis XV cède la place à la liberté et la frénésie. Au souper du Palais Royal
« on buvait , on s'échauffait , on disait des ordures à gorges ouvertes... ». Dans les jardins du Palais Royal
ouvert au public mais fermé à la police royale on critique, on conteste très librement, on fait même courir
les bruits les plus fous sous l'arbre de Cracovie. Une chanson populaire résume assez bien cette libération
des mœurs.
Anonyme, Singerie dans les Jardins du Palais Royal, Paris, BNF
C. Un changement d'esprit
Il souffle un esprit nouveau durant la régence. Cet esprit nouveau c'est un peu l'autre versant du
libertinage auquel on serait tenté de réduire la période. Le libertinage n'est pas étranger au 18 e siècle
mais il représente l'une des expériences possibles de liberté. Cette autre expérience c'est la liberté
d'esprit.
La période s'est voulue libre pour la chasse au bonheur comme pour la conquête de la vérité,
d'un côté on a les libertins et de l'autre les libertaires. L'esprit nouveau se manifeste par un ton plus libre,
plus critique parfois impertinente et contestataire. Cet esprit se forme et se diffuse dans des lieux qui
deviennent à la mode. C'est là que se construit pour la première fois une opinion publique.
Les cours parallèles, dès la fin du 17 e siècle, s'affirment alors que la cour de Versailles s'éteint. A
la fin de son règne Louis XIV à cesser de danser. Dans le même temps des cours parallèles naissent plus
vivante et plus brillante. A Sceaux, la organise ses célèbres « Nuits ». Au cours de ces
fêtes on écoutait de la musique, on dansait, on se courtisait et on jouait de petites scènes de théâtres sur
les thèmes de l'amour et de Vénus. C'était de vraies scènes galantes.
L'esprit nouveau se diffuse également dans les salons, ils sont tenus par des femmes qui
reçoivent régulièrement chez elles pour discuter librement. Ce sont des espaces où se propagent l'esprit
nouveaux, dans ces lieux à la mode se croisent des savants, des artistes ou encore des hommes de lettres.
De ces discussions jaillissent des idées nouvelles. (mère de d'Alembert) est l'une des
16
Histoire de l'Art Moderne CM1
premières à avoir ouvert un salon, elle reçoit chez elle les plus grands écrivains de l'époque
(Montesquieu, Marivaux...).
Le troisième lieu où se forge cette opinion publique ce sont les cafés, ils deviennent très à la
mode à partir de la Régence. Le premier café ouvre à Paris en 1684, c'est le Procope (6 e arrondissement).
Depuis l'ouverture de ce café, les français ont pris l'habitude de se réunir dans ces lieux pour consommer
des boissons, pour manger, pour jouer et surtout pour commenter inlassablement l'actualité politique ou
culturelle. Tout le monde ne sait pas lire les journaux mais chacun écoute les beaux-parleurs qui crient les
nouvelles, on commente ainsi avec in certain sens critique la politique. La police envoie ses espions mais
rien n'empêche le développement des cafés, on en compte 300 en 1721, à la veille de la Révolution on en
compte 2000. Dans ses Lettres Persanes, Montesquieu évoque ces cafés. Tout le monde fréquente les
cafés, et notamment les philosophes.
Les académies de Provinces sont également des lieux où l'on discute des idées nouvelles. Elles
organisent des concours afin de favoriser les débats intellectuels. En 1749, l'Académie de Dijon a mis en
place un concours remporté par Rousseau.
Comme lieu de sociabilité il faudrait également citer les loges maçonniques. La franc-maçonnerie
existe déjà depuis un siècle an Angleterre. Ce nouvel état d'esprit qui invite les hommes à penser
librement par eux même est fortement encouragé par les philosophes.
La presse contribue également à la diffusion des idées nouvelles, elle connaît une expansion sans
précédent au 18 e siècle. Les livres jouent aussi un rôle important, le commerce de la librairie se développe
au 18 e siècle, malgré la censure le nombre de livres est en augmentation constante comme le nombre de
ceux qui savent lire. Pour ceux qui ne peuvent acheter des livres, on voit l'ouverture de cabinet de lecture
ou de premières collections de livres économiques comme le Livre de Poche. Au milieu du 18 e siècle sera
publiée l'Encyclopédie , projet le plus ambitieux de toute l'histoire de l'édition.
Tous ces facteurs concourent à l'émergence d'un nouveau protagoniste : l'opinion publique, elle
va s'exprimer sur tous les sujets aussi bien politiques qu'artistiques. Dans le domaine artistique elle
prendra la forme de la critique d'art.
2. Un homme sensible aux arts au sommet de l'Etat
A. Le Régent artiste
On l'ignore souvent mais le régent ne fut pas seulement un homme politique, il fut aussi artiste
amateur à ses heures. Il n'était pas dénué de talent. Le (petit neveu du cardinal) parle
dans ses mémoires de « l'inclination naturelle pour tout ce qui est beau et qui tient aux arts d'agrément , il
(Philippe d'Orléans) était musicien , gravait à merveille et avait un goût extrême pour l'architecture et la
sculpture ».
Le Régent, dans sa jeunesse a été formé par Charpentie , compositeur qui travaillait sous Louis
XIV. Il jouait de la flûte, on sait également qu'il appréciait particulièrement la musique italienne. Sa mère,
la Princesse Palatine, qui a laissé des lettres, écrit « il a composé deux ou trois opéras qui sont tous forts
jolis », mais ces opéras n'ont jamais été retrouvés.
Dans le domaine des arts graphiques, on sait que le régent a été formé par , qui a
également travaillé pour Louis XIV. Coypel lui a appris à dessiner, manier le pinceau et les couleurs.
Philippe d'Orléans, illustration des Amours pastorales de Daphnis et Chloé, 1718 : Ouvrage
antique dû à Longus, lors d'une réédition, on constate la présence de nombreuses gravures du
régent. Il ne maîtrise par le nu féminin.
17
Histoire de l'Art Moderne CM1
Deux cabinets du château de Bagnolet, propriété du Régent, furent décorés par Philippe
d'Orléans lui-même. Il avait réalisé 25 tableaux avec l'histoire de Daphnis et Chloé sur les dessins
d'Antoine Coypel et retouché par ce dernier.
B. Le Régent collectionneur
Parallèlement à la pratique artistique, le régent n'a cessé c'enrichir sa collection d'œuvres d'art. Il
apparaît comme un collectionneur averti et un amateur d'art moderne. En effet, il collectionne les valeurs
sures de la Renaissance (Raphaël, Titien, Véronèse), de l'époque baroque. Mais on trouve également des
tableaux contemporains d'artistes vivants, notamment de Santerre et de Watteau, grand peintre de la
régence dont le talent novateur n'a pas échappé au régent.
Watteau, Le bal champêtre
Il collectionne également des tableaux d'artistes italiens de son temps comme ceux de Paolo de
Mattéis. Voltaire, au début du siècle à souligner ce goût pour la création contemporaine chez Philippe
d'Orléans.
Cette collection fut décrite peu de temps après sa mort en 1727, dans un livre de Dubois de Saint-
Gelais. Au total, environ 500 tableaux dominés par l'école italienne, puis l'école du nord et enfin l'école
française. C'est une savante « école de peinture ». D'une part, en collectionnant des tableaux de
différentes époques et de différentes époques, elle offrait un panorama complet. D'autre part, le régent à
souhaiter ouvrir au public sa collection dans une aile du Palais Royal, de surcroît, cette collection était
mise en valeur par un éclairage naturel au moyen de verrière (éclairage zénithal), cela garanti une lumière
naturelle et égale tout au long de la journée.
Cette idée d'éclairage zénithal s'impose à partir du 18 e , elle s'est mise en place au Louvre, depuis
tous les grands musées du monde ont mis en place ce type d'éclairage quand c'est possible.
C. Le Régent mécène
Antoine Dieu, Portrait allégorique du Régent, 1718, Versailles : Le
tableau combine deux genres, le portrait et l'allégorie. Le visage du Régent
apparaît au centre de la composition, les arts sont représentés en bonne place
juste en dessous de son effigie. Le portrait est tenu par une figure allégorique
du Bon Gouvernement. La France est représentée avec le sceptre et la fleur de
lys, elle regarde le régent assurant le gouvernement. Les figures des arts sont
introduites par Hermès, reconnaissable à son caducée mais également à son
casque ailé. La peinture est représentée avec sa palette, l'architecture avec les
plans, les sciences sont également représentées. Il pose en mécène.
18
Histoire de l'Art Moderne CM1
Le choix des artistes protégés par le régent permet de déceler un goût très sûr et étonnement
moderne. Les artistes qu'il protège sont choisis par le régent. Il avait d'oreille et d'yeux que pour l'Italie de
son temps.
Le régent a même eu l'ambition de créé à Paris un foyer artistique italien moderne. Dans ce but, il
fait d'abord revenir les comédiens italiens en 1716, ils avaient été chassés hors du royaume par Louis XIV
en 1696. La Commedia Del Arte fait de nouveau rire les français. Le répertoire de la comédie italienne
n'avait pas totalement disparue, puisque la comédie française s'était emparée de ce répertoire tout
comme les théâtres de foire.
Gillot, Les Deux Carrosses, 1707, Paris, Musée du
Louvre : C'est une pièce créée par les comédiens italiens, elle fut
reprises et retravailler par les français. Gillot était un peintre
mais aussi un décorateur de théâtre qui à dessiner des costumes
de théâtre. Tableau qui restitue avec fidélité les scènes jouées.
On est réellement sur une scène de théâtre, on voit les limites
entre les planches de la scène et le décor peint sur une toile. Il
forme Watteau qui sera très influencé par cet univers du théâtre
auquel l'a initié Gillot. Deux carrosses sont représentés dans
une rue étroite. Arlequin et Scaramouche sont reconnaissables.
Arlequin porte un e fontange, coiffure formée en hauteur de fil
de fer et de dentelle.
Gillot, Le tombeau de maître André, 1716, Paris, Musée
du Louvre : C'est une farce donnée par les italiens
reprise à la foire Saint Germain en 1716. Cette scène
rassemble Scaramouche, Mezzetin, Arlequin et Pierrot.
Les planches de bois et la toile du décor sont visibles, ce
qui signifie que nous somme bien au théâtre.
Dans le domaine musical, son goût se porte prioritairement sur la musique italienne. Il fait venir
des musiciens italiens qui vont oeuvrer à son service au sein du Palais Royal, comme Vntonio Guido. C'est
sans doute qu'il l'a initié à la musique italienne.
Dans le domaine de la peinture, le régent se passionne pour la peinture italienne, plus
particulièrement pour la peinture vénitienne qui était à l'époque la peinture la plus moderne en Europe
par ses compositions souples et élégantes, ses coloris clairs et lumineux. Philippe d'Orléans va tout faire
pour les favoriser, il les invite chaleureusement à Paris : Carrier , ^ellegrir et Ricci. Ces trois artistes
reçoivent de prestigieuses commandes. réalise de nombreux portraits comme celui de Louis XV.
Pellegri remporte un concours prestigieux, celui organisé pour le plafond de la Banque de John Law,
face à Lemoine.
Ce goût pour la peinture italienne n'est pas exclusif, le duc d'Orléans fait également travailler un
artiste français : Antoine Coypel qui grâce au régent va donner sa véritable mesure dans le domaine de la
décoration. Le Régent lui confie la décoration de la galerie du Palais Royal, elle est ornée de peinture
inspirée de l'Enéide, c'est pourquoi on parle de la Galerie d'Enée. D'une part, on décore la voûte de 1703
à 1705 ; d'autre part on décore les murs de 1714 à 1717.
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Histoire de l'Art Moderne CM1
Les artistes protégés par le régent se rencontraient lors de soirées organisées par
(financier) dans son hôtel particulier. Il s'est enrichis grâce au système de Law, les proches du régent
avaient été prévenus au printemps de la faillite du système, ils ont donc revendu leur part et se sont
considérablement enrichis.
Cartaud, Plan de l'hôtel de Pierre Crozat, 1704 : Pierre Crozat a fait construire un hôtel
traditionnel mais étonnant. Il est séparé de la rue par un porche et une cour. L'hôtel est entouré
de jardin sur trois côtés. Le plan est très original, il est presque en T, dans la barre du T sont
rassemblées les pièces de distribution et les pièces de services. Dans la galerie qui comportait sa
collection, il organisait des concerts privés.
o Lancret, Concert chez Crozat rue de Richelieu, Munich : Au cours de ces concerts on
jouait de la musique italienne. La musique était interprétée par Guido et par le chanteur
Paccini. Le régent assistait à ces concerts privés, le peintre Watteau fut également logé
dans cet hôtel.
Watteau, Concert chez Crozat, Paris, Musée du Louvre : On a la représentation de Guido, Paccini
et Mlle d'Argenon.
Il est certain que la présence au sommet de l'état d'un homme si sensible aux arts a créé un
climat favorable à l'épanouissement des arts. Les préférences exprimées par le régent ont donné à la
création artistique de cette période une orientation, une coloration bien particulière.
3. Une extraordinaire floraison artistique
A. La fête
L'époque de la Régence, moins austère et moins contraignante correspond à une détente
sensible dans les moeurs mais aussi dans les arts. Les amateurs apprécient une peinture moins sévère,
plus aimable, plus claire, plus colorée et aux sujets plus léger.
îau est l'inventeur de la fête galante. C'est un type de sujet neuf dans la peinture
européenne. Watteau est né en 1684 à Valencienne, ville flamande rattachée au royaume de France par
les armées de Louis XIV, ce qui en fait un artiste français mais flamand de formation et de culture. Il a
formé sa sensibilité artistique au contact de tableaux flamands. Il meurt à Nogent-sur-Marne en 1721, à
l'âge de 37 ans. Watteau est parvenu en quelques années à bouleversé l'histoire de la peinture
européenne en créant ce type de sujet radicalement nouveau qu'on a baptisé la fête galante.
La fête galante c'est la réunion de couples élégants se promenant au sein de parcs galants
somptueux, ils évoluent dans un paysage onirique. L'artiste décrit toutes les étapes de l'amour sont les
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Histoire de l'Art Moderne CM1
hésitations, les déceptions. La délicatesse et la modernité voire même l'ambigüité sont les ressorts de la
fête galante.
Watteau, Le Pèlerinage à l'île de Cythère, 1717, Paris, Musée du Louvre : Œuvre qui marque la
reconnaissance officielle de ce genre. C'est avec ce tableau qu'il fut reçu à l'Académie Royale de
Peinture et de Sculpture en 1517. Sur le procès-verbal de la réception de l'artiste, le greffier à
barré le titre, au-dessus il a ajouté une fête galante, cette expression apparaît comme l'acte de
baptême de ce genre qui vient d'être reconnu, ce qui montre une certaine ouverture d'esprit. Ce
type de sujet est assez inclassable. Pendant longtemps on l'a interprété comme un
embarquement pour Cythère, en 1961, un conservateur anglais Levy avait remarqué qu'il fallait
inverser le sens de lecture. Il a remarqué que les pèlerins prenaient place sur l'embarcation, ils
vont quitter l'île à contrecoeur, il y a une certaine mélancolie qui se dégage. A droite, un buste
représente Vénus, Cythère c'est l'île où on vénérait Vénus. Les couples sont guidés par des
farandoles de putti. La composition est savamment structurée en deux parties : un groupe
bruyant à gauche et trois couples à droite très posés qui expriment tous un sentiment différent. Il
y a presque une décomposition cinématographique du mouvement dans ces trois couples.
L'ensemble se déploie dans une paysage panoramique avec au loin un horizon montagneux qui se
dissout dans la lumière. Il y a une dimension féérique liée à l'utilisation de costume, les
personnages ne sont pas habillés à la mode de la Régence, ils portent des costumes de pèlerins.
La manière de construire, les costumes relèvent de l'univers théâtral. On n'est pas face à une
description d'une scène de théâtre, c'est une scène imaginée, ce qui est très différent de Gillot. Il
y a une retenue dans l'expression des sentiments et une certaine modernité dans la manière de
représenté le sentiment amoureux. On traite l'amour d'une façon moderne sans avoir recours
aux héros de l'histoire, aux dieux de la mythologie. Contrairement aux grands peintres du passé, il
met en scène l'amour d'une manière moderne en représentant ses contemporains. Les visages
sont inexpressifs, les gestes indécis, les costumes de fantaisie qui entretiennent le doute sur
l'époque.
Watteau ne tient jamais un discours explicite. Peintre des émotions changeante, des humeurs et
de leur fluidité, il joue en permanence sur l'ambigüité. La fête galante s'appuie sur deux ressorts
principaux : la délicatesse voire même la grâce et la modernité. Il y a également un troisième ressort, c'est
l'ambiguïté.
La fête galante traite des relations humaines voire même amoureuses mais en laissant toujours
ouverte la fin du scénario.
21
Histoire de l'Art Moderne CM1
Watteau, Le Faux pas, 1717, Musée du Louvre :
Tableau qui représente un amoureux qui tente de vaincre
la résistance de la femme. La scène est parcourue d'une
violence contenue que reflètent la gamme chromatique
d'une part, la position respective des mains d'autre part. Il
exprime les sentiments non pas au travers des visages
mais au travers du choix des couleurs et de la position
respective des corps. Les couleurs expriment parfaitement
la tension psychologique de la scène. La rougeur des joues
de l'homme trahit l'ardeur de son désir. Ce rouge offre un
contraste frappant avec la blancheur de la nuque de la
jeune femme. De plus la position des mains est éloquente,
elle résume parfaitement la tension de la scène. La main
masculine crispée et nerveuse tente de rapprocher la
femme. La main gauche de la femme prend appui au sol et
sa main droite repousse l'homme. L'iconographie de cette
scène dérive de la peinture nordique du 17 e siècle.
Watteau ne laisse pas deviner quel sera l'issue de cet
affrontement. La résistance de la femme est-elle feinte ou
réelle ? Le repousse-t-elle ou l'approche-t-elle ? Il y a beaucoup d'ambigüité dans cette oeuvre. La
réponse pourrait se trouver dans le visage de la femme mais celui-ci a été dissimulé par l'artiste.
Face à tant d'incertitude, l'artiste nous laisse libre d'imaginer la chute de l'histoire au sens propre
comme au sens figuré. On constate que les deux figures sont placées dans un paysage
sommairement décrit. Le point de vue est particulier, c'est une contre-plongée, comme si on était
placé un peu en dessous d'eux, ils se détachent sur un ciel bleu ce qui renforce l'ambigüité de la
scène. Œuvre qui a appartenu à Louis La Case, docteur et grand collectionneur du 19 e qui s'est
consacré à la peinture française du 18 e siècle à une époque où celle-ci ne valait pas grand-chose
sur le marché ; il a légué toute sa collection en 1869 au Louvre. La Case ne pouvait pas
s'empêcher de retoucher les tableaux, l'arbuste à droite n'a pas été réalisé par Watteau mais par
ce collectionneur.
o Rubens, La Kermesse, 1635, Musée du Louvre :
Watteau a vraisemblablement vu ce tableau. Au
centre de l'œuvre on voit la scène du Faux pas,
c'est un thème traité à mainte reprise.
Watteau, Les Deux Cousines, 1717, Paris, Musée du
Louvre : Ce que l'artiste représente est clair mais ce qu'il a
voulu signifié l'est beaucoup moins. Le jeune homme vient
d'offrir une rose à la femme assise à droite, il l'accroche sur sa
robe. Dans le langage des fleurs, la rose accepter signifie
l'amour accepté. L'autre femme se détourne du couple et du
spectateur. Son isolement est d'autant plus marqué qu'elle
dirige son regard vers l'horizon. De l'autre côté de la rive, on
aperçoit un second couple lui aussi formé et assis. Cela accentue
la sensation de solitude de cette femme. On a longtemps interprété cette femme comme le
parangon de la mélancolie. Il y a quelques années, ce tableau a fait l'objet d'une analyse poussée
où l'on a découvert un sixième personnage grâce à la réflectographie infrarouge (permet de lire
en profondeur une peinture). On voit un personnage masculin debout et de profil, il s'adresse à la
femme debout. Cette découverte modifie radicalement l'équilibre de la composition mais surtout
l'équilibre psychologique de la femme. Cette femme qu'on pensait seule est en fait courtisée par
un homme. Watteau a effacé ce personnage et l'a remplacé par un nuage, il a fait ce choix sans
doute pour aérer la partie droite la composition. Watteau composait ses compositions en
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Histoire de l'Art Moderne CM1
ajoutant ou supprimant en fonction de l'effet produit et de la composition qui apparaissait. Nous
sommes les héritiers d'un regard porté sur la fête galante du 19 e siècle. Verlaine dans son recueil
des fêtes galante, et d'autres écrivains proposent une lecture très sombre et mélancolique teinté
de tristesse, depuis nous abordons la fête galante sur ce mode mineur om les figures souffres, les
scènes sont crépusculaires. Cette lecture un petit peu grave ne correspond pas à la réception des
hommes du 18 e siècle. Les fêtes galantes étaient perçues de manière gaie et légère.
La production de Watteau ne se résume pas à la fête galante, il a expérimenté tous les gens
picturaux.
Watteau, Le camp volant, 1710, Moscou, Musée
Pouchkine : Dans certaines de ses oeuvres il représente une vision
tragique de la guerre avec des soldats désoeuvrés et accablés par
des campagnes sans fin.
Watteau, L'enseigne de Gersaint, 1720, Berlin, Château de
Charlottenbourg : il fut hébergé par Gersaint et pour le
remercier il lui a peint cette enseigne.
Watteau, Pierrot, 1718 : Sujet tiré de la Commedia dell'Arte. Il
s'est inspiré du théâtre en mettant en scène de personnages de la
Commedia dell'Arte. L'expression de Pierrot est très difficile à
interprétée. Est-il mal à l'aise dans son costume trop court et trop
grand à la fois. Un personnage à gauche semble rire à ses dépens.
L'autographie de cette oeuvre est contestée, certains pensent qu'il
n'est pas l'œuvre de l'artiste. Le tableau est de très grande dimension
alors que Watteau nous a adoptés à des petits formats avec des
figures à toute petite échelle. Le tableau n'a pas été gravé au 18 e alors
que la quasi-totalité de ses œuvres ont été gravées. Le tableau n'a fait
l'objet d'aucun commentaire et n'apparait dans aucune source du 18 e
siècle. Comment se fait-il qu'une œuvre comme celle-ci n'a laissé
aucune trace durant le 18 e siècle. Cette pièce apparaît au 19 e siècle
quand Vivant-Denon l'achète pour lui, aussitôt il écrit qu'il a acheté un
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Histoire de l'Art Moderne CM1
tableau de Watteau, c'est le premier à attribuer cette œuvre à Watteau. Quelques maigres
indices permettent l'attribution à Watteau, notamment un texte de 1741 sur le théâtre. Un
certain acteur ayant interprété Pierrot a pris sa retraite en 1717, Belloni accroche à l'extérieur de
son café une enseigne peinte sur une toile de grande dimension le représentant vêtu en Pierrot.
Dans les grandes lignes et dans certains détails on reconnaît la main de Watteau, notamment
dans la reprise des cils au pinceau. Ce côté atypique est peut-être lié à sa fonction d'enseigne,
tout comme celle de Gersaint. Lors de la mort de Belloni, le nom et l'enseigne du peintre doivent
être mentionnés dans l'inventaire, mais cet inventaire n'a pas été retrouvé.
^ Watteau, Portrait d'un gentilhomme, Paris, Musée du Louvre : De
nombreux doutent planent sur cette œuvre notamment sur l'attribution à
Watteau ou encore le sujet représenté. On pense que ce serait Jean de Julienne,
proche de Watteau.
Watteau, Diane au bain, vers 1715 : L'artiste a peut-être fait de
cette scène de genre une scène d'histoire puisque le croissant de
lune de Diane n'est pas présent, on ne retrouve que son carquois.
Watteau a également laissé beaucoup de dessins, il était beaucoup à l'aise dans le maniement de
la pierre noir, de la sanguine que dans le maniement du pinceau et de la couleur. Mais à l'époque il
n'existait pas de marché de dessins, c'est pourquoi il a peint des œuvres pour gagner sa vie. Dans ses
dessins il se montre plus à l'aise et plus expressif.
Watteau, neuf étude de tête, Paris, Musée du Louvre :
Quand il fait posé un modèle, il le fait posé sous différents angles
parce qu'il ne sait pas quel visage ni même quelle position il
retiendra. Quand il dessine, Watteau ne pense pas au tableau,
quand il peint, il ouvre ses carnets et choisit un personnage, un
visage. C'est ce qui explique qu'un même personnage puisse
réapparaître dans plusieurs tableaux.
Watteau, Jeune femme assise vue de dos, une main droite pendante, deux femmes debout
vues de dos
Cet artiste incarne l'esprit de son temps, celui d'une période de transition majeure après la fin du
règne de Louis XIV et avant le règne de Louis XV. Boucher débute en recopiant des dessins de Watteau
dans les années 1720. Watteau est un artiste qui dessine avec force les orientations de l'art du 18 e en
proposant une peinture claire, élégante et raffinée, une peinture qui représente ce bonheur que le siècle
des Lumières semble avoir inventé.
B. La commodité
La Régence représente un moment florissant pour l'architecture. Paris voit se multiplier le
nombre d'hôtel particulier qui s'accompagne d'une recherche nouvelle de commodité. La commodité
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Histoire de l'Art Moderne CM1
signifie le confort. Après le règne de Louis XIV où les architectes concentraient leur attention sur les
façades, la Régence se soucie de l'intérieur des habitations, signe d'un changement des mentalités.
La société de la régence aspire désormais au confort. L'épouse de Louis XIV se plaignait à
Versailles de périr en symétrie. La Régence invente donc une nouvelle notion, celle de commodité. Les
pièces sont désormais plus petites donc plus intimes, plus faciles à chauffer et par conséquent plus
confortable. Ces pièces sont également individualisées. Chaque pièce est personnalisée pour éviter cette
symétrie pesante.
Une multitude de perfectionnement sont apportés dans le domaine du chauffage et de l'hygiène.
Dans le domaine du chauffage, le poêle tant à se généraliser. Dans le domaine de l'hygiène, on voit
l'apparition des premières salles de bains, désormais dans les hôtels particuliers on songe à en mettre en
place. Autrefois, la puanteur corporelle était un signe de virilité et de bonne santé. Des améliorations
techniques voient le jour comme les lieux à l'anglaise, ce sont des toilettes avec des systèmes de
soupapes qui évitent les odeurs.
A cela s'ajoute une évolution majeure, c'est-à-dire la disparition du mur de refend longitudinal,
qui s'effectue la première fois dans le Château du Val. Ce mur porteur, jusqu'alors entravait la distribution
des pièces, les architectes étaient très contraints, ils jouissent désormais d'une plus grande liberté.
Courtonne, Hôtel Matignon, plan, 1720 : Comme dans un hôtel du 17 e ,
le logis est double en profondeur. Mais le mur de refend transversal a disparu,
par conséquent, l'architecte peut jouer sur la variété des pièces qu'il agence
librement, tantôt elles avancent, tantôt elles reculent. Ces pièces sont de
dimensions et de formes différentes, il y a une grande liberté dans le plan. Les
côtés sont suffisamment dégagés pour permettre l'éclairage des travées
latérales, triples en profondeur. L'axe sur la cour (3 travées) ne correspond pas
à l'axe sur le jardin (5 travées). On trouve des pièces ovales, carrées,
rectangulaires.
o Elévation de la façade côté cour : Façade qui rappelle les
demeures de plaisance à la fin du règne de Louis XIV, il y a une grande sobriété
décorative et une égalité de niveau entre le rez-de-chaussée et le premier
niveau. Façade à trois travées.
o Elévation côté jardin : Se compose de 5 travées mais on
retrouve la même sobriété que sur la façade côté cour.
Mallet, Hôtel d'Evreux, façade cour, 1718 : Grade
souplesse dans le plan, recherche de commodité avec des
pièces plus petites et individualisées. Les façades sont sobres.
Seule l’entrée est marquée par des colonnes doriques, sinon
on a une absence totale d'ordre.
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Histoire de l'Art Moderne CM1
Lassurance, Aubert et Jacques V Gabriel, Palais Bourbon, 1722 - 1728 : Hôtel construit pour la
duchesse de Bourbon qui fait partie des enfants légitimé de Louis XIV et de Madame de
Montespan. C'est la plus grande commande privée de la première moitié du 18 e siècle. C'était un
bâtiment isolé au milieu d'un vaste jardin. Elle a hérité d'un terrain vaste en marge de la ville et
en bordure de la Seine. On quitte la typologie de l'hôtel urbain, l'hôtel est conçu comme un petit
château au milieu d'un jardin. L'élévation présente une particularité puisqu'il ne comporte pas
d'étage, il est couvert d'un toit plat (toit à l'italienne) qui rappelle la grande architecture noble de
la fin du 17 e siècle comme le Grand Trianon. Par son type, il faudrait plus le rapprocher des
demeures de plaisance. Le plan présente des particularités intéressantes. Il y a deux parties dans
ce plan. Une grosse moitié à droite composée de pièces de grande dimension, des pièces en
enfilades, de surcroît elles se commandent. Tout cela découle de l'architecture du 17 e siècle.
C'est un parti très traditionnel. En revanche, l'aile de gauche se distingue nettement par le choix
de pièces de petites dimensions, toutes individualisées. Des pièces plus intimes et plus
confortables, de surcroît, ces pièces ne sont pas en enfilades, elles sont desservies par un couloir,
c'est une grande nouveauté, cela protège la vie privée, notion qui émerge sous la régence et qui
va prendre de plus en plus d'importance. La distribution montre un très grand raffinement. Les
pièces publiques sont très traditionnelles alors que la partie privée est très innovatrice dans la
recherche d'intimité et de confort. La thèse de ïlippe Ariès insiste sur le besoin nouveau
d'isolement, cette thèse montre très bien l'émergence d'une sphère privée soustraite aux regards
extérieurs.
C. La liberté
La liberté dans la peinture s'exprime par le développement de tableau de cabinets de petits
formats à sujet religieux ou mythologique mais comportant une dimension galante voire érotique.
J. F de Troy, Suzanne et les Vieillards, 1715 : Scène tiré de l'Ancien
Testament représenté de façon grivoise. La scène biblique est interprétée sur
un mode sensuel voire même érotique.
J. F de Troy, Bacchus et Ariane, 1717 : Récit mythologique
représentant Bacchus au centre qui vient séduire Ariane. Il
est entouré de son cortège traditionnel. Une certaine
sensualité se dégage de l'œuvre.
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Histoire de l'Art Moderne CM1
Æ &
ifw
^ Rigaud, portrait de Marguerite Henriette de la Brisse, 1712 : Œuvre qui
mélange plusieurs genres. Œuvre qui mêle le portrait et l'allégorie. Ici, elle est
représentée sous les traits de Cérès, figure allégorique de l'été. Il a ainsi travesti
son modèle, la divinité est symbole de fécondité, ce n'est pas anodin pour un
portrait réalisé à l'occasion du mariage du modèle. Mais Rigaud n'est pas
l'inventeur de ce style.
Raoux, Mademoiselle Prévost en bacchante, 1723 : C'est le portrait d'une
célèbre danseuse de l'époque qui est représenté dans le rôle qu'elle a
tenu dans l'opéra Philomène qui a été donné en 1723. Le paysage évoque
un décor de théâtre, le climat est libre et joyeux. Il n'y a pas de
convention. C'est un portrait mythologique.
La liberté envahie les formes du mobilier et des arts décoratifs. Les lignes désormais ondulent,
les courbes et les contre-courbes s'enchaînent, tout cela animent désormais les meubles.
A.C Boulle, commode (d'une paire), vers 1720 : Les pieds sont légèrement arrondis, on parle de
pieds galbés. De même le corps de la commode ondule et la partie centrale est renflée, elle est
convexe. Cela créé une certaine animation et une certaine liberté.
Le décor intérieur envahie une liberté nouvelle.
^ Aubert, Chambre du prince de Condée à Chantilly, 1718
- 1722 : Décor sculpté sur bois, les panneaux de bois sont
sculptés. Les motifs sont rehaussés à la feuille d'or, ils se
détachent sur un fond blanc. Décor qui envahi toute les surfaces,
mais ce décor reste léger et aérer. On voit l'amorce du style
rocaille qui s'épanouira pendant le règne de Louis XV. C'est l'un
des plus beaux exemples de décors réalisé pendant la période de
la Régence.
R. de Cotte et Vassé, galerie de l'hôtel La Vrillière, 1718 - 1719 :
Aujourd'hui cet hôtel abrite le siège de la Banque de France,
désormais cette galerie se nomme la Galerie Dorée. Elle a été
construire par François Mansart dans les années 1630, elle était
destinée à abrité la collection de tableaux du propriétaire. Sous la
Régence, il appartient au Comte de Toulouse, il entreprend à
partir de 1718 de redécoré intégralement cette galerie. On
conserve tout de même la voûte peinte qui date du 17 e siècle mais
on conserve également les tableaux commandés par La Vrillière.
o Extrémité de la galerie : Décor très orignal puisque les décorateurs ont fait un usage
marqué de la courbe et de la contre-courbe. On est en plein dans l'esthétique rocaille. De
plus, le couronnement de la glace est cintré, ce qui est très inhabituel qui peut évoquer
le décor baroque du 17 e siècle. Les piédroits de la cheminée s'amincissent dans la partie
inférieure. A l'inverse, le piédestal du pilastre s'élargi dans sa partie inférieure, comme
s'il s'affaissait sous le poids de l'architecture. Très grande liberté dans le décor. On a un
très bel exemple de cette esthétique qui apparaît sous la régence et qui annonce déjà
l'esthétique Rocaille.
Oppenordt, extrémité de la galerie du Palais-Royal, 1717 : Décor beaucoup plus traditionnel
chez le Régent. Comparaison très éclairante sur les différences de sensibilité qui opposent les
deux commanditaires. Décor qui s'inscrit dans le grand style louis-quatorzien. On a une glace à la
royal au-dessus de la cheminée. Les piédestaux sont parfaitement droits. Par ailleurs, la ligne
Histoire de l'Art Moderne CM1
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droite domine l'ensemble de la composition. Enfin, en bas-relief, un obélisque et un trophée
militaire évoquent les décors qu'on pouvait réaliser sous le règne de Louis XIV et notamment sur
les arcs de Triomphe qui marquaient les entrées de Paris.
Le 15 février 1723, Louis XV atteint l'âge de majorité des rois de France, établi par un édit de
Charles V à 13 ans révolus. Le lendemain, Philippe d'Orléans se présente au réveil du roi pour lui remettre
le pouvoir. C'est donc la fin de la Régence. La brièveté de ce régime n'en a pas moins permis une
formidable floraison artistique, une production qui porte en germe les formations futures de la peinture,
de l'architecture et des arts décoratifs.
Cette production artistique de la Régence est aujourd'hui qualifiée de régence. L'époque à
donner son nom à un style, consécration de l'histoire pour cette période qui n'a duré que quelques
années.
Le début du règne de Louis XV (1723 - vers 1750) : exotisme et rocaille
Le règne de Louis XV est scindé en deux parties pour deux raisons. D'une part, son règne fut
particulièrement long puisqu'il régna sur le royaume de France de 1723 jusqu'à sa mort en 1774. D'autre
part, son règne est marqué par un changement de goût qui intervient aux alentours de 1750, ce qui
conduit à distinguer deux périodes au sein de ce long règne.
1. Orientalisme et chinoiseries : le goût pour l'exotisme
C'est un moment de l'histoire du goût qui culmine aux alentours des années 173 - 1750. Il faut
noter que l'exotisme n'a pas été inventé par le siècle des Lumières, on trouve des traces d'intérêt pour les
mondes lointains au 17 e siècle. En effet, Madame de Sévigné, dans ses correspondances, évoque déjà des
bureaux de laque.
Le 18 e siècle n'a pas inventé l'exotisme mais durant ce siècle il prend une ampleur sans
précédent. Les hommes du 18 e se sont pris d'un immense intérêt pour les autres cultures. On peut parler
de désirs purement esthétique de décorations nouvelles, de nouvelles formes et nouveaux parfums, c'est
tout un exotisme des sensations. Celui-ci se double d'une curiosité philosophique pour d'autres formes de
moeurs et de gouvernement.
Montesquieu dans ses Lettres Persanes publiées en 1721 résume parfaitement l'état d'esprit des
français à cette époque, plus particulièrement dans la lettre 30 où il écrit « Ho ! Ho ! Monsieur est persan !
C'est une chose bien extraordinaire. Comment peut-on être persan ? ». L'exotisme fascine, intrigue, il
aiguise la curiosité des contemporains, en même temps qu'il nourrit leur imaginaire avec des images de
luxe et de volupté.
Paradoxalement, alors que l'exotisme est la mode, le terme lui-même n'existe pas encore dans la
langue française. On lui préfère les non plus évocateurs de turqueries, chinoiseries ou encore russeries.
L'absence d'un terme précis et clairement défini nous conduit à formuler deux remarques quant aux
contours de l'exotisme au siècle des lumières.
D'une part, concernant les limites géographique de l'exotisme ne sont guerres précises, il
rassemble de nombreuses contrées en Extrême-Orient (Chine et Japon), au Moyen-Orient (Perse, Turquie)
mais encore en Afrique, en Amérique, en Russie et même en Espagne. Au gré des périodes, la mode a
évolué et cet exotisme a pris en France trois visages principaux : turqueries, chinoiseries et russeries.
Les limites conceptuelles sont encore plus vague, on serait bien ne peine de trouver une
définition convaincante dans les textes du 18 e siècle. La mode fut immense mais n'a pas été pensée à
l'époque. Comme entendre ce terme que nous employons aujourd'hui. D'une part, l'exotisme signifie le
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Histoire de l'Art Moderne CM1
dépaysement avec sa séduction et ses craintes. Il désigne un ailleurs lointains et mystérieux aux contours
incertains où les paysages, les costumes, les coutumes et l'architectures sont différents. En outre, cela
évoque également d'autres systèmes politiques, sociaux, philosophiques ou religieux qui peuvent servir
de référence dans une discrète critique du régime français.
L'exotisme au siècle des Lumières c'est non seulement celui qu'on découvre mais c'est aussi ce
qu'on rêve car à cette époque, l'Orient réelle se double d'un Orient imaginaire dont la place dans les
esprits français est tout aussi important sinon plus.
Il convient donc de distinguer plusieurs formes d'appropriations. L'exotisme est d'abord celui que
l'on découvre. C'est ensuite celui dont on s'inspire et qui inspire les artistes par son pittoresque. Enfin
c'est celui que l'on recréé en fonction de la culture occidentale en y projetant un certain nombre de désirs
et de fantasmes.
A. La découverte de l'exotisme
Des bribes d'exotismes sont recueillies en France à l'occasion d'abord des ambassades, à
l'occasion de publication de récits de voyages et enfin grâce aux relations commerciales.
1. Les ambassades
Les ambassades permettent aux français d'entrer en contact avec les mondes étrangers. Cela
remonte à la fin du règne de Louis XIV qui souhaitait resserrer les liens entre les Français et les pays
d'Orient. Les visites de délégations étrangères ont suscité de l'intérêt et de la curiosité. En février 1715, le
Louis XIV reçoit avec faste l'ambassadeur du roi des Perses dans la galerie des Glaces. Le séjour de cet
ambassadeur à Paris a littéralement fasciné Versailles et tout Paris. En 1789, Elisabeth Vigée-Lebrun
réalise à son tour, deux grands portraits d'ambassadeurs persans qu'elle expose au salon.
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Coypel, Réception par Louis XIV de Mehemet Reza Bey,
ambassadeur du roi Perse, le 19 février 1715, Versailles : Louis XIV
est représenté jeune alors qu'on est à la fin de son règne. Il reçoit
l'ambassadeur et sa suite dans la galerie de Versailles.
Watteau, Persan, Louvre : L'artiste restitue avec beaucoup de finesse les habits
des perses au-delàs même de la physionomie des personnages. Cela traduit
l'impression produite par ces persans de visite en France.
Aved, Portrait de Said Pacha, ambassadeur de la Porte ottomane, 1742 :
Tableau commandé par Louis XV pour ornée le château de Choisy-le-Roi, l'une de ses
résidences.
2. Les publications de récits de voyage
La publication de récits de voyages favorise à sa manière le goût pour l'exotisme. Les voyageurs
n'hésite pas é relater leurs aventures dans des récits de voyages, c'est un genre éditorial qui connaît un
véritable essor durant le siècle des Lumières. Cela a permis de faire connaître les mondes lointains.
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Histoire de l'Art Moderne CM1
L'histoire générale des voyages se compose de 21 volumes publiés à partir de 1746 à l'initiative de
l'abbé Prévost. Ces volumes sont agrémentés de nombreuses planches gravées sur lesquelles on voit des
animaux étranges, des costumes atypiques.
Planche de l'Histoire Générale des Voyages, Pèlerinage pour obtenir une année fertile : La
scène se déroule en Chine, c'est une gravure qui renseigne sur les coutumes et les costumes des
pays étrangers. Le titre est placé sur le phylactère.
A cela s'ajoutent les nombreuses lettres envoyées par les missionnaires jésuites en Chine, ils ont
fait connaître l'Orient en France, dont certaines étaient illustrées.
Les peintres eux-mêmes ont fait le voyage, certains sont partis au loin. C'est le cas de Van Mour,
il est né à Valencienne. En 1699, il est parti à Constantinople en suivant l'ambassadeur de France Fériol, il
va rester là-bas jusqu'à sa mort. Il a peint de très nombreux tableaux sur Constantinople. Il fut nommé
peintre ordinaire du roi pour le Levant, il était reconnu et apprécié du roi.
Van Mour, Dîner offert par le grand vizir au compte d'Andrezel,
1724, Bordeaux : Sorte de chronique des cérémonies officielles ottomanes.
Ici, c'est un diner offert à un diplomate de visite à Constantinople. Il y a une
certaine objectivité, les coiffures et les costumes sont très bien retranscrits.
C'est un témoignage précis de la vie à Constantinople dans les années 1720.
Le tableau joue sur le contraste entre les occidentaux et les orientaux.
Liotard a vécu à Smyrne entre 1738 et 1742, ville de Turquie (actuelle Ismir). Quand Liotard est
rentré en Europe, il fut surnommé le peintre turc puisqu'il était habillé à la mode turc avec une grande
barbe.
^ Liotard, M. Levett et Mlle Galvani en costume turc, 1740, Musée
du Louvre : Œuvre qui représente deux occidentaux habillés en costumes
locaux dans un atelier caractéristique. Soucis de réalisme et d'objectivité,
voire même un souci de vérité ethnographique. Le peintre adapte une
technique très minutieuse et fine pour restituer le moindre détail des
objets. La mise en page est très sobre, le peintre ne cherche pas à se
mettre en valeur.
est parti en Russie entre 1751 et 1762. A son retour, il fonde en France la mode des
russeries. Il est reçu à l'Académie de Peinture et de Sculpture grâce au Baptême Russe (1765).
3. Le commerce
La troisième façon d'entrer en contact avec l'orient c'est grâce au commerce. La France a fondé
en 1664 sa propre compagnie des Indes, elle ne devient vraiment active qu'à la fin du 17 e siècle. En effet,
elle va affréter deux bateaux en direction de la Chine qui vont rapporter de nombreux objets. La France
rénove deux ports pour cette compagnie des indes : le port de Nantes et le port de Lorient.
Les bateaux ramenaient des paravents, des meubles de laque, des soieries, du thé, du café, de la
porcelaine de Chine ou encore des indiennes (toiles de coton imprimées). Les ventes attiraient des
marchands de gros qui revendaient à des marchands de détail.
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Histoire de l'Art Moderne CM1
B. L'exotisme ou la quête du pittoresque
L'exotisme devient une source d'inspiration majeure pour les artistes. Il fournit aux peintres, aux
architectes et aux artisans d'autres décors, d'autres costumes, d'autres objets permettant un
renouvellement de sujet traditionnels ou d'objets usuels.
1. Les décors
La mode est à l'exotisme dans les intérieurs. De prestigieux décors sont réalisés dans les années
1740 qui s'inspirent de l'Orient.
Rigaud, vue du château de Bellevue prise du côté de la cours, Paris, BNF : Dans ce château,
Madame de Pompadour a fait aménager en 1750 une chambre turque dont nous connaissons
précisément la décoration et l'ameublement grâce à un inventaire présent aux Archives
Nationales. Il y avait une couchette à la turque couverte de satin blanc de Chine. Les fauteuils et
les chaises étaient recouverts du même tissu. Il y avait également des commodes ornées de
panneaux de laque de Chine, sur ces commodes étaient posés de nombreux objets d'art
orientaux comme des vases en porcelaine. Au-dessus des portes, on pouvait trouver des petites
peintures encadrées comme celle de C. Van Loo.
C. Van Loo, Sultane buvant du café, 1752 - 1755, Paris, Musée des Arts Décoratifs : Tableau qui
s'inscrit dans une série de quatre tableaux, tous représentent des scènes exotiques turques. Le
décor et les costumes situent les scènes en Turquie. Le visage de la sultane paraît bien européen,
on a même pensé à identifier dans les traits de cette sultane Madame de Pompadour.
Les décors peints par , il s'est spécialisé dans la peinture décorative et il a orné
différentes pièces dans différentes demeures de motifs chinois. C'est le cas à Chantilly dans les
appartements du Prince de Condé (1735), dans le Château de Champs ou encore au sein de l'hôtel de
Rohan à Paris.
Huet, Scène de jardinage, 1747, salon du Château des Champs
Huet, Scène de l'autruche, 1747, salon du Château des Champs
Huet, dessus de portes, 1749, Cabinet des Singes de l'hôtel de Rohan, Paris
2. Les costumes
L'exotisme inspire les artistes par son coté étranger notamment dans les costumes. Tous les
français ne s'habillent pas à la turque mais le goût du déguisement, le goût du costume exotique saisit
tout de même une partie de la population. Ces portraits sont des travestissements qui plaisent aux
commanditaires et au public.
Nattier, Portrait de Mlle de Clermont représentée en sultane sortant de son bain, 1733 :
L'artiste se plie au désir du commanditaire. Il a peint de nombreux portraits déguisés.
Aved, Portrait de la marquise de Sainte Maure en sultane, 1743
3. Les objets
L'exotisme inspire d'autres objets. C'est peut-être dans ce domaine que l'influence de l'orient a
été la plus forte. Dans le domaine du mobilier, à partir des années 1730 sont fabriqués des meubles à
panneaux de laques.
^ Bernard van Risen Burgh, commode du cabinet de la reine à Fontainebleau, 1737, Louvre : Le
bâti est en chêne, les lignes sont courbes et la façade est renflée, ce qui est typique du style louis
XV. En revanche elle est exotique par son décor. Sur ce bâti ont été fixé des panneaux de laque
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Histoire de l'Art Moderne CM1
importés par la compagnie des indes. Cette première commode fut livrée à la reine, seule une
clientèle riche pouvait s'offrir de tels meubles.
Les meubles en panneaux de laque étaient très chers en raison de l'opération technique de
fabrique très délicate puisque les panneaux de laques sont très raides et très fragiles. De plus, il fallait
beaucoup de temps pour les fabriquer puisqu'il fallait humidifier les panneaux avant d'exercer une
pression constante et douce dessus. C'était donc des meubles très chers qui étaient réservés à une
clientèle très fortunée.
Mais rapidement, une alternative va être cherchée pour fabriquer ces genres de meubles de
façon moins onéreuse et pour tout le monde. Les Yères Mari , vernisseurs parisiens, invente un vernis
qui imite les effets de la laque, le tout était beaucoup moins cher que les panneaux de laques.
La porcelaine est importée par la compagnie des indes en France. Durant la première moitié du
règne de Louis XV on ne sait pas faire de porcelaine, les chinois gardent le secret depuis un millénaire. La
porcelaine est importée en abondance.
Boite à thé à décor galante, Chine, Compagnie des Indes (époque Quianlong, vers 1760,
Lorient)
La découverte de kaolin dans les environs de Limoges va permettre à la France de créer sa propre
porcelaine. Il faudra attendre la fin des années 1740 pour que la France produise sa porcelaine.
Les indiennes étaient importées par la Compagnie des Indes. C'est une toile de coton sur laquelle
on applique un décor grâce à une plaque de cuivre, c'est le même principe que l'estampe. Ces indiennes
ont débarquées en Europe au début du 17 e siècle, elles ont connues un énorme succès pour une raison
économiques, pour une raison esthétiques (motif très gay), pour leur solidité (elle résiste aux lavages).
Cela a mis en péril les drapiers et les fabricants de soie. En 1686, Louis XIV interdit les indiennes en
France. La prohibition sera levée en 1759 par Louis XIV, on met en place les toiles de Jouy mise en place
par Oberkampf, ingénieur allemand installé en France.
L'exotisme se fait également sentir dans les jardins. L'exotisme inspire aussi la littérature et la
musique.
Littérature : Lettres Persanes (Montesquieu), Zaïre et Zadig (Voltaire), Bijoux indiscrets
(Diderot), l'Orphelin de la Chine (Voltaire)
Musique : Les Indes Galantes (Rameau), Zoroastre (1742 par Rameau), L'Enlèvement au sérail
(1782 par Mozart)
4. L'exotisme et l'imaginaire
C'est une vision fantasmagorique. La littérature va alimenter cette vision, notamment avec la
première traduction du récit des Milles et une nuit en 1707. C'est une vision où règne le luxe, le clame et
la volupté.
1. Le luxe
L'exotisme dans l'inconscient occidental évoque d'abord des monde raffinés et luxueux. C'est ce
que l'on perçoit à travers un certain nombre de tableau et particulièrement chez Boucher. a
participé, il a donné les modèles peints pour la seconde tenture chinoise tissée à la manufacture de
Beauvais dans les années 1740.
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Histoire de l'Art Moderne CM1
Boucher, la Pêche chinoise, 1742 : L'artiste imagine
une série de scènes chinoises, dont la pêche, c'est une oeuvre
qui montre dans une agitation théâtrale des personnages
chinois. On reconnaît ces personnages plus par leurs costumes
et leurs coiffures que par les traits de leur visages. Ces figures
prennent placent dans un paysage d'un exotisme imaginaire
qui se résume à quelques cabanes surmontés de toits pentus.
On a l'image d'une Chine plaisante mais qui est totalement
erronée où domine l'impression d'accumulation, de profusion
et de richesse. Pour peindre ces scènes, l'artiste s'est peut-
être inspiré des récits de voyage. Pour les objets, plus
particulièrement les éventails, les porcelaines et les bois de
laques, l'artiste s'est probablement rendu dans la boutique de
Gersaint. En effet, Boucher fréquentait régulièrement la
boutique de Gersaint où il achetait fréquemment des coquillages mais aussi des boites de laque.
C'est probablement au contact de ces objets exotiques qu'il s'est inspiré de cet Orient imaginaire.
Le goût pour un orient fastueux atteint son apogée aux cours des années 1730, c'est l'apogée de
l'exotisme aussi bien à la ville qu'à la cour.
En 1735, Rameau triomphe avec son opéra Les Indes Galantes . C'est un opéra ballet comportant
quatre entrées qui développent chacune une intrigue amoureuse. C'est un spectacle complet.
Aved, Portrait de Jean-Philippe Rameau, Dijon, Musée des Beaux-Arts
Au même moment, Gersaint se spécialise dans le commerce des objets exotiques, il change le
nom de sa boutique qui s'appelle désormais A Lo Pagode .
Caylus, d'après Boucher, A la Pagode, 1740 : Affiche publicitaire qui annonce le
nouveau commerce de Gersaint. Il vend toutes sortes de marchandises curieuses et
étrangères mais d'un certain luxe et d'une grande qualité comme des cabinets de
laque, des objets de porcelaine, des boites à laque. Tout fait référence à un
commerce haut de gamme de l'exotisme.
L'exotisme triomphe également à la cour, puisqu'e 1735, le roi fait réaménagé ses petits
appartement et passe une importante commande pour la galerie. En effet, il commande neuf tableaux de
même dimension sur le thème des chasses exotiques.
Pater, La Chasse Chinoise, 1736 : C'est une vision fantasmé qui
insiste sur la beauté des paysages, des objets. Un orient fastueux mais
totalement décalé par rapport à la réalité.
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Histoire de l'Art Moderne CM1
2. Le calme
L'exotisme est indissociable du mythe d'une vie heureuse et paisible. C'est une vision utopique
qui s'impose en France au cours de la première moitié du 18 e siècle.
Pillement, La Pêche chinoise : On perçoit une certaine
quiétude, du calme. Les chinois représenté se livrent dans une
atmosphère gaie et légère au jeu, à la promenade ou encore à la
dégustation du thé. Ils incarnent un bonheur terrestre utopique.
3. La volupté
Au 18 e siècle, exotisme rime aussi avec érotisme. Le sérail à nourrit l'imaginaire des artistes et des
écrivains. La littérature libertine s'en empare pour y situer ses intrigues à l'image du Sofa de Crébillon,
livre qui lui a valu quelques années d'emprisonnement. On a une réflexion qui mêle la philosophie à des
descriptions érotiques. Dans le domaine de la peinture, nombreuses sont celles qui décrivent l'intérieur
des sérails (harem), qui montrent des odalisques dans diverses postures et positions.
Le Prince, La Sultane, 1772, Metz, Musée de la Cour d'Or : L'artiste n'a pas d'autre but que de
satisfaire le voyeurisme du spectateur. On a un jeu sur ce qui est montré et dissimulé par le
miroir de la servante.
Boucher, l'Odalisque brune, 1745, Paris, Musée du
Louvre : L'Odalisque est allongée sur un sofa avec des
objets exotiques (vase en porcelaine de Chine).
Œuvre qui plaisait aux contemporains qui voyaient
dans l'exotisme une part d'érotisme. Mais ce tableau
sera condamné par la critique et jugé peu moral.
2. Le goût rocaille, ou premier style Louis XV
L'exotisme cohabite avec le style rocaille ou premier style Louis XV. L'art rocaille qui s'épanouie à
partir des années 1720 succède à l'art baroque. Il en constitue une version plus intime, une version à
échelle réduite. L'art rocaille est principalement réservé aux intérieurs, il y a un changement d'échelle et
de statut.
A. La prééminence de l'ornement
L'art rocaille repose d'abord sur l'ornement. Il mélange des motifs végétaux, des motifs marins et
parfois des motifs zoomorphes ou fantastiques. Ces différents motifs s'articulent avec souplesse dessinant
des courbes et des contrecourbes. Ornement qui suggère le mouvement grâce à la ligne serpentine et
l'asymétrie. Les prémices sont apparues sous la Régence et ont été développés par des ornemanistes. Ils
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Histoire de l'Art Moderne CM1
vont jouer un rôle central dans le développement de ce style. Dans la composition générale c'est un art
superficiel même s'il repose sur la nature.
Meissonnier, projet pour une table d'appartement, vers 1730 : Les pieds sont
constitués de différents motifs comme des coquillages, des feuilles ou encore des
guirlandes de fleurs. Ces motifs dessinent des courbes et des contrecourbes. Les motifs
sont également asymétriques, notamment au centre avec la coquille déchiquetée.
*
Meissonnier, projet pour des pièces d'argenterie,
1735 : Objets destinés à être posés sur une table.
Tous les objets sont composés de motifs assemblés
les uns avec les autres : dauphin crachant de l'eau
monté s par Amour et posé dus des coquillages. La
soupière est formée de coquillages. Il n'y a aucun
respect de l'échelle, on s'inspire de la nature mais
c'est un art très artificiel qui repose davantage sur
l'imagination. Place centrale de l'ornement avec un
triomphe de l'imagination.
o Adnet et Bonnestrenne, d'après un dessin de
Meissonnier, soupière, 1734
Lamour, grille, et Guibal, fontaine de Neptune, Nancy, place Stanislas : Ici, les
motifs s'articulent de manière irrégulière et asymétrique. C'est un chef d'œuvre de la
ferronnerie de l'art rocaille.
Éi
Lajoue, La Rivière, 1737, musée du Louvre, Paris : Paysage
imaginaire, les arbres sont très torturés. La composition repose
sur la juxtaposition de motif très capricieux. Paysage naturel
soumis aux lois de l'imagination.
B. La recherche de l'instant
« Je voudrais que cet instant durât toujours » - Rousseau, les Rêveries du promeneur solitaire
A la suite de Jon Locke, la plupart des philosophe affirme que l'homme n'a conscience d'existé
que dans l'instant où il sent. Horace Walpole pose les questions au milieu du 18 e siècle tout en y
répondant « On disparaît si vite et les mondes succèdent au monde , qu'est-ce qui nous appartient sinon le
moment présent ? ». Tous ces contemporains insistent sur le fait qu'il faut vivre l'instant présent.
Préoccupation qu'on retrouve dans les arts à cette époque. Ce n'est pas une raison si les artistes
fixent un instant présent. Ce n'est pas un hasard si les artistes s'attachent à saisir un instant, c'est une
ambition qui se fixe durant la période rocaille.
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Histoire de l'Art Moderne CM1
Chardin, Raisins et grenades, 1763
Boucher, Lumière du monde
Les amateurs de peintures se disputent dès les années 1740 les tableaux qui fixent l'instant
présent, qui saisissent la vie dans les moments fugitifs. C'est pourquoi on voit apparaître le succès des
esquisses peintes puisqu'elles expriment un moment très fugitif.
Fragonard, Combat de Minerve contre Mars, 1771, Quimper, Musée des
Beaux-arts : Belle esquisse qui montre la rapidité du geste, ce qui confère un
sentiment de vie et de liberté.
Fragonard, Portrait de l'abbé de Saint-Nam, 1769, Musée du Louvre : Œuvre
achevée mais peinte rapidement ce qui donne l'impression d'être une
esquisse peinte. Il saisit le mouvement fugitif. Œuvre qui garde toute sa
fraîcheur. Au dos de l'œuvre, une étiquette précise qu'elle a été peinte en
seulement une heure.
Coustou, Les chevaux de Marly, 1739 - 1745, Louvre : Ce ne sont pas les premiers chevaux de
Marly, les premiers ayant été commandés par Louis XIV à Coysevox ont été déplacé sous la
régence. C'est pourquoi Louis XV commande ces deux nouveaux chevaux destinés à trouvés une
place sur les piédestaux au-dessus des abreuvoirs du jardin de Marly. On a un sujet similaire aux
premiers chevaux mais pourtant les œuvres sont très différentes.
o Coysevox : L'artiste cherche à exprimer une idée et un message politique de façon
allégorique. Sculpture à dimension atemporelle,
o Coustou : C'est une simple représentation de palefreniers tentant de retenir les chevaux,
ici, l'artiste représente un bref moment, celui où les chevaux se dressent. Pour sculpter
ces chevaux l'artiste a utilisé le même cheval à deux instants différents. Afin de soutenir
les chevaux, l'artiste place un amoncellement de rochers alors que chez Coustou on avait
des trophées militaires. Coustou abandonne l'idée militaire présente chez Coysevox pour
une idée beaucoup plus naturelle avec la présence de feuilles, de rocher et de roseaux.
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C. L'horreur du vide
Courtonne, salon doré de l'hôtel Matignon, 1723 : Décor typiquement rocaille, décor qui est
omniprésent du plancher au plafond. Un décor couvrant, c'est-à-dire qu'il recouvre toute les
surfaces et déborde même sur le plafond. Décor qui se détache sur on fond clair permettant une
respiration
o Natoire, Psyché recueillie par Zéphyr, 1737
o Natoire, Les nymphes offrent des fleurs à Psyché sur le seuil du palais de l'Amour
o Natoire, Psyché monte ses trésors à ses sœurs
o Natoire, Psyché contemple son époux endormi
o Natoire, les Nymphes retirent de l'eau le corps inanimé de Psyché
o Natoire, Psyché recueillie par les bergers
o Natoire, Psyché défaille de frayeur en présence de Vénus
o Natoire, Psyché enlevée dans l'Olympe par l'Amour
La fin du règne de Louis XV (vers 1750 - 1774) : libertinage et morale
Si le libertinage n'est pas étranger à l'esprit du 18 e siècle, on ne peut réduire le grand moment de
lumières à ce seul aspect. Le libertinage a ses aspects et ses images mais alors qu'il triomphe auprès des
amateurs, on a au milieu du 18 e siècle une réaction contre celui-ci. On a un appelle à la moralisation des
beaux-arts. On attend un art porteur de sens qui participe à l'édification du citoyen. Cette moralisation
des beaux-arts, c'est la grande affaire de la seconde moitié du 18 e .
C'est également au cours de cette période que le goût évolue en direction d'un art plus épuré et
assagit, un art qui prend pour modèle l'antiquité. Ce goût on le nomme le goût à la grecque, ou encore
second style Louis XV pour le distinguer du premier style Louis XV. Ce goût à la grecque s'épanouie à partir
des années 1750 et conduira au grand mouvement néoclassique qui s'épanouira sous le règne de Louis
XVI à partir des années 1770.
1. Une époque vouée au libertinage
A. La sensualité
Elle est très présente dans la peinture de cette époque, cette sensualité s'insinue d'abord et en
priorité dans la peinture de genre avec les scènes de baignades, des scènes de femmes à leurs toilettes
sont gagnées par cette sensualité. Celle-ci s'insinue aussi dans la peinture mythologique et religieuse.
Habillement les peintres ont recours à des sujets bibliques ou mythologiques, c'est-à-dire des genres
historiques pour proposer des scènes d'une grande sensualité. L'histoire sert de prétexte pour une
peinture légère et libertine.
Boffrand, salon ovale de l'hôtel de Soubise, 1735 : Un
salon ovale, c'est un plan plutôt rare. Le mur est rythmé par un
certain nombre d'ouvertures, réelles ou feintes. Tout cela créé une
animation très forte. On note la profusion du décor qui envahit
presque toutes les surfaces, il déborde même sur les glaces. Dans la
partie supérieure, il repousse la corniche qui vient conclure une
élévation, c'est un élément de stabilisation. Ici, le décor ignore les
principes mêmes de l'architecture. C'est le triomphe de l'art
rocaille. Dans les écoinçons il y a huit tableaux peints par Natoire,
qui illustre l'histoire de Psyché.
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Le grand peintre de la sensualité de l'époque c'est ich . Il a peint de nombreuses scènes
intimistes. Ces scènes légères ont beaucoup contribué à la mauvaise réputation de l'artiste. Diderot
résumait bien l'embarras de ces contemporains en parlant « d'un vice si agréable » face à des tableaux
d'une grande séduction mais sans aucune portée morale.
^ Boucher, Diane au bain, 1742, Louvre : On comprend
comment la mythologie devient un prétexte au déploiement de
belles nudités féminine, au déploiement d'une sensualité sans
limite. Le sujet n'est qu'un prétexte à une scène d'une grande
sensualité. Les chairs féminines sont opposées au grand rideau de
velours bleu qui retombe en cascade. Il y a également un jeu de
couleurs. Diane n'a rien d'une déesse inaccessible, c'est une
simple de jeune femme qui n'est pas idéalisé et qui par
conséquent est assez proche du spectateur contrairement à la
version de Boullogne. L'attitude gracieuse de la divinité est l'une
des plus belles trouvailles de Boucher. C'est un hymne au corps
féminin. Exposé publiquement lors du Salon de 1742, mais il n'a pas suscité la moindre critique, il
n'a pas été gravé. Ce tableau est passé inaperçu au 18 e siècle.
Louis de Boullogne, Diane et ses compagnes se reposant après la
chasse, 1707 : C'est un tableau très classique dans la composition,
dans la gestuelle des figures, dans l'expression discrète des visages. Le
sujet est traité de façon traditionnelle et classique.
Boucher n'est pas le seul à avoir laissé des scènes sensuelles et libertines. en a
également réalisées. Ce sont des petits tableaux très nombreux qui représentent l'intérieur d'un boudoir.
Fragonard, La chemise enlevée, 1761
Fragonard, La jeune fille
faisant danser son chien, dit
aussi la Gimblette, 1770
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Ce type de tableau était réservé à des amateurs averties qui appréciaient cette peinture libertine.
A propos de ces tableaux, Diderot parlait de «polissonneries ». Le baron de Saint Julien à commander à
Fragonard Lune de ses oeuvres les plus célèbres :
Fragonard, Les hasards heureux de l'escarpolette, 1767 :
Sujet grivois, une femme se balance sur une escarpolette. Elle est
actionnée par un homme qu'on aperçoit dans la peine ombre à
l'arrière-plan. Mais il y a un troisième personnage dans la
composition, qui est caché et qui regarde la femme de façon
curieuse, c'est ce détail qui fait basculer la scène dans la
grivoiserie. Ce détail aurait été inséré à la demande du
commanditaire. Cette oeuvre ne se limite pas à cet aspect grivois.
Elle associe à la dimension galante la somptuosité d'un paysage
extraordinaire qui tire sa force de son exubérance. La précision du
feuillage au premier-plan s'oppose au fond vaporeux et brumeux.
C'est une nature luxuriante que met en place Fragonard, cette
nature est également animée à tous les sens du terme. C'est une
nature en mouvement, on sent le bruissement des feuillages, le
vent qui circule, la végétation en mouvement. C'est également une
nature abimé c'est à dire une nature douée d'une amé, on a
l'impression que c'est un personnage. La branche qui se penche très en avant semble observer
aussi la scène. On a une vision panthéiste de la nature. La mise en scène est savante et ample, la
femme occupe une place centrale dans la composition. Elle est non seulement au centre de la
composition mais l'éclairage la met également en valeur, tout le pourtour est sombre
contrairement au centre qui est très clair. Elle est vêtue d'une rose vif, rose qui est parfaitement
associé au vert de la végétation, l'effet visuel est des plus agréables.
à lui aussi proposé des scènes d'une certaine sensualité
Greuze, La Laitière, 1771/ La Cruche cassée, 1771: Elles illustrent les têtes de jeunes filles
alanguies, songeuses et affligées par la perte de leur virginité. La Cruche cassé dans la littérature
libertine du 18 e siècle évoque la perte de la virginité.
B. L'architecture de l'intime
Le libertinage a également ses lieux et ses espaces. Dans les petites pièces confortables des
demeures, il en est une où on se retire pour bouder mais aussi pour se faire consoler, c'est le boudoir.
, architecte et théoricien, écrit que c'est dans le boudoir que la volupté semble méditer ses
projets ou se livrer à ses penchants. L'ameublement et la décoration de ses boudoirs ne laissent aucuns
doutes quant à leur destination.
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Histoire de l'Art Moderne CM1
Le même besoin d'intimité et de petites pièces privées explique les ermitages ou encore ce que
l'on appelle les folies. Ce sont des petits édifices constitués d'une pièce souvent retiré au fond des parcs.
Folie dérive du même mot que feuillage, ce sont des bâtiments construits au fond des parcs sous les
feuillages. Dans ces petits bâtiments, les individus pouvaient retrouver une part d'intimité.
Madame de Pompadour fait construire à Versailles, à Fontainebleau ou encore à Compïègne des
petits ermitages à côté des châteaux. Ainsi elle était à la fois proche du roi et chez elle, cela traduit ce
besoin nouveau d'intimité qui s'est manifesté dès l'époque de la Régence.
C. Le quête du bonheur
C'est l'autre aspect, moins débridé de la grande entreprise de libération de l'homme que
constituent les Lumières. Le bonheur que le 18 e siècle dit avoir inventé, Saint Just écrit que le bonheur est
une idée neuve en Europe.
Un artiste incarne parfaitement cette préoccupation propre au 18 e siècle et lui a donner corps
dans ses tableaux, cet artiste c'est Chardin.
^ Chardin, le Bénédicité, 1740 , Louvre : C'est une scène de
genre. La servante sert le repas pendant que les deux enfants sont
assis et récite leur prière puisqu'ils ont les mains jointes. Chardin à
très finement observé la psychologie enfantine puisque l'ainée est
à table recueillie et l'autre était sans doute en train de jouer et a
été appelé plusieurs fois pour passer à table. On voit sa baguette
par terre, et il n'a pas encore eu le temps de replacer sa chaise face
à la table. L'enfant préfère jouer que passer à table. Le 18 e siècle
est également le siècle qui a inventé l'enfance, Rousseau publiera
en 1760 l'Emile ou Traité de l'Education . C'est avant tout la
représentation d'un bonheur paisible, on est loin des images
libertines de Boucher ou Fragonard. Le temps semble comme
arrêté dans cette scène, il immortalise la scène. Chardin peint les
personnages avec autant de gravité que les objets, les personnages
sont immobiles. Les traits des visages sont inexpressifs, il peint les
personnages comme il peint les objets, c'est peut-être ce qui fait le
lien entre ses natures mortes et ses scènes de genres. Ce tableau a été offert par l'artiste à Louis
XV, on sait que Chardin a eu l'honneur de rencontrer le roi en personne pour lui remettre le
tableau en main propre au mois de novembre 1740.
2. Un art porteur de sens
Les excès du libertinage suscite une réaction d'ordre morale et esthétique.
A. Le culte des grands hommes
Célébrer les grands hommes c'et fournir au public des exemples de vertu, des exemples de
comportement héroïque. On doit à Voltaire la rénovation de cette notion de grand homme. C'est une
notion ancienne qui remonte à l'antiquité mais qui revient au 18 e siècle grâce à Voltaire.
Autour de 1750, Louis XV commande une série de statues représentant des grands hommes. Elles
étaient destinées à ornée l'escalier d'honneur de l'école Militaire fondée par Louis XV. Cette série à
disparue, elle fut détruite sous la Révolution. On connaît toutefois un précédent qui date de la Régence.
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Histoire de l'Art Moderne CM1
L. Garnier, Le Parnasse Français, 1718 : Statue de bronze qui rassemble
sur le Parnasse les grands écrivains et artistes du 17 e siècle, on y trouve
Corneille, Molière, Racine, La Fontaine et celle du peintre Nicolas Poussin.
Ils sont susceptibles de servir d'exemple au spectateur, l'art doit
participer à l'édification du spectateur.
B. La peinture édificatrice
On a la demande de plus en plus pressent de ce type de peinture, cela est dut à une nouvelle
conception de l'art qui voit le jour que milieu du 18 e siècle. La peinture est investie d'un nouveau rôle
c'est-à-dire participé à la construction morale et intellectuelle du spectateur, elle ne doit plus satisfaire
ses désirs. La peinture doit s'adresser à l'esprit et non plus aux yeux, elle ne doit plus stimuler ses sens
mais s'adresser à la raison.
L'un des premiers auteurs à formuler clairement cette volonté c'est Laffont de Saint-Yenne. Il
formule cette exigence dès 1746 dans un livre qu'il publie intitulé Réflexion de Laffont de Saint-Yenne . Il
est considéré comme l'inventeur de la critique d'art, avant Diderot. Dans cet ouvrage, il demande que les
tableaux soit une « école de mœurs », pour cela, il explique que les tableaux doivent prendre pour sujet
les actions vertueuses et héroïques des grands hommes. Deux voies sont alors possibles.
La première voie est plus évidente, c'est la peinture d'histoire, autrement dit le grand genre. Elle
parle de thème sérieux capable d'élever l'âme du spectateur, de l'instruire et de le rendre meilleure c'est-
à-dire de l'édifier. Il écrit en 1746 « le peintre d'histoire est le seul peintre de l'âme , les outres ne peignent
que pour les yeux ». Cette peinture d'histoire va recevoir tous les encouragements de la critique mais
aussi des milieux officiels. Au sein de l'académie, les peintres d'histoire étaient les mieux considérés, ils
recevaient les plus prestigieuses commandes, ils pouvaient occuper des postes à responsabilités. La
formation de ces peintres était particulièrement soignées, avec la fondation en 1748 de l'Ecole Royale des
Elèves protégés, les jeunes peintres bénéficiaient d'un apprentissage intellectuel et recevaient une grande
culture classique puis ils allaient approfondir leur formation à Rome.
L'autre voie possible est plus subtile, c'est la peinture de genre, c'est-à-dire la représentation de
scène du quotidien, mais celle-ci doivent être traitées avec les moyens de la peinture d'histoire. On
appelle cela le genre moralisé. L'artiste qui incarne le mieux cette nouvelle sensibilité c'est Greuze. Au
salon de 1743, Diderot proclame son enthousiasme pour les œuvres de Greuze. C'est le meilleur
représentant de cette peinture morale destinée à édifier le spectateur, il tire ses sujets du monde et de la
vie contemporaine.
Greuze, La malédiction paternelle : Ce sont deux scènes de genres qui se répondent, elles
traitent deux moments distinct d'une même histoire, les tableaux ne peuvent être séparés. Il y a
une dimension morale forte dans cette peinture. Il adapte les moyens picturaux à la gravité du
sujet représenté.
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Greuze, Le Fils Ingrat, 1777
Greuze, Le Fils Punis, 1778
41
Histoire de l'Art Moderne CM1
o Le fils ingrat, 1777 : Un fils quitte sa famille malgré les protestations, la fureur du père,
les supplications de la mère et les gestes des frères et soeurs. Il quitte sa famille pour
rejoindre l'armée. Un sergent recruteur se tient debout au seuil de la porte. On à une
palette restreinte qui se concentre sur des teintes foncées, il n'y a pas d'arrière-plan,
c'est une composition en frise. L'artiste élimine tous les détails superflus pour concentrer
l'attention du spectateur sur la tension psychologique extrême qui parcourt la scène.
L'opposition est très violente entre le fils et les membres de la famille. La composition est
formée par une série de lignes obliques, celle-ci exprime une idée de mouvement et
d'agitation. L'agitation des corps reflète l'agitation des esprits. Deux motifs échappent à
ces lignes obliques, notamment le bras du fils et les mains du père, c'est une façon de les
mettre en avant. Greuze recourt à l'expression des passions c'est-à-dire représenter les
passions les plus violentes grâce aux visages et à la gestuelles, or cette expression des
passions c'est le propre des peintres d'histoire. Ici, c'est une scène de genre traitée avec
les moyens propres de la peinture d'histoire, il hisse la scène de genre à la dignité de la
peinture d'histoire, il créé une sorte d'échelon intermédiaire dans la hiérarchie des
genres, il transcende la hiérarchie des genres.
o Le fils puni, 1778 : Quand il revient, le père vient de mourir et on le voit accablé devant
le corps de son père. Il récupère des scènes de composition de la peinture d'histoire, elle
fait référence à de célèbre peinture d'histoire peint au siècle précédent comme l'œuvre
de Poussin, La mort de Germanicus .
Les scènes moralisatrices de Greuze ont connu un vrai succès puisque le spectateur peut
s'identifier aux personnages contrairement aux figures de la peinture d'histoire auxquelles on ne peut
s'identifier. Tout contribue à faire de ces images des scènes réelles, des scènes vécues.
C. L'embellissement des villes
L'embellissement des villes est un terme qui recouvre une réalité beaucoup plus vaste que le mot
urbanisme. C'est une notion qui fait appel à des domaines très divers comme l'architecture mais pas
seulement à l'échelle de la ville, la technique, la poésie, il y a l'idée d'introduire la poésie dans la ville.
L'embellissement doit permettre d'édifier le citoyen. C'est un terme central dans la France des Lumières
mais surtout durant le siècle de Louis XV, c'est une marque de l'hégémonie de la France du 18 e siècle.
D'une part on a les réalisations à grandes échelles qui modifient le visage de la ville et d'autre
part on a les projets. Les projets constituent tout un versant de la création architecturale, même si
beaucoup n'ont jamais vu le jour, il faut les intégrer dans une étude globale de l'architecture du 18 e siècle.
A travers ces projets on débouche sur l'imaginaire des Lumières.
L'embellissement s'inscrit également dans l'évolution de l'architecture qui se déplace de la
sphère domestique vers la sphère publique au 18 e siècle. La Régence, par opposition, s'était passionnée
pour les intérieurs, contrairement au règne de Louis XIV qui s'occupait des façades. Au milieu du 18 e
siècle, on voit une réflexion s'engager sur le fait d'envisager l'architecture dans la sphère publique parce
qu'elle joue un rôle dans l'édification du spectateur.
écrit du milieu des années 1780 un Tableau de Paris qui décrit la
population, les métiers, les mœurs, les coutumes, les costumes, c'est une sorte d'encyclopédie sociale de
Paris à la veille de la révolution. Il dit qu'il faut faire de Paris un livre de moral. Pour lui, chaque édifice doit
provoquer des sentiments en rapport avec sa fonction. Le promeneur est sans cesse solliciter par
l'architecture des bâtiments et des monuments dans le but de l'édifier.
De grands travaux sont entrepris dans de nombreuses villes, aussi bien à Paris que dans les
Provinces. Les places royales se multiplient dans les provinces (Rennes, Nancy, Bordeaux...), elles ont un
rôle important puisqu'elles permettent d'affirmer la puissance du roi malgré la distance. Elle comporte la
statue du roi et une architecture ordonnancée.
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A Rennes, nous avons la chance de pouvoir admirer une ville des Lumières qui réponds à ces
idéaux, cette chance est liée à l'incendie du centre-ville en décembre 1720. De ce désastre est née une
ville moderne.
3. Le goût à la grecque
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