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Full text of "Causes célèbres du droit des gens"

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I 


CAUSES  CÉLÈBRES 

DU 

DROIT  DES  GENS. 


-h- 


TOME         SECOND. 


■4 


\  *. 


CAUSES    CÉLÈBRES 


D  U 


DROIT  DES  GENS, 


RÉDIGÉES 


PAR 


LE  BARON  CHARLES  de  MARTENS. 


TOME    SECOND. 


A    LEIPZIG, 

CHEZ     F.     A.     BROCKHAUS. 

À   PARIS, 

cHRz      PONTHIBU     <t     C«. 

V1I.1II  SOVIL,  SAIiBSIC  DB  Mit. 

18  2  7. 


4^> 


TABLE   DES    MATIERES 


CONTENUES     DANS      CE     VOI.UMB. 


CAUSB  PREMIÈRE. 

Différend  survenu  en  1752,  entre  la  Grande-Bretagne  et  la 
Prnsse,  au  sojet  dea  prises  faites  p^  les  armateurs  anglais 
pendant  la  guerre  maritime  de  1744  à  1748,  et  de  l'arrêt 
mis  par  3.  M.  Prussienne,  à  titre  de  représailles,  sur  det 
capitaux  hypothèques  sur  la  Sil^sie  au  profit  de  quelques 
^        nëgocians  anglais     ••••••• •••••       1 

CAUSE   DEUXIÈME. 

Dlfficultd  d*^tiquette  survenue  en  1762,  entre  la  cour  de  France 
et  celle  de  Russie,  au  sujet  du  titre  d'impérial  •••••••••    89 

CAUSE  TROISIÈME. 

Refus  de  passeport  donne  en  177^2,  par  le  ministère  de  France, 
au  baron  de  Wrech,  ministre  de  Hesse-Cassel  â  Paris,  pour 
n'avoir  point  satisfait  ses  créanciers 110 

CAUSE  QUATRIÈME. 

Différends  survenus  en  1776,  entre  le  Danemark,  l'Angleterre 
et  la  Hollande,  au  sujet  du  commerce  avec  le  Groenlande  .  •  •  122 

CAUSE  CINQUIÈME. 

Différends  survenus  dans  les  années  1777  âl785,  entre  la  républi- 
que  de  Venise  et  celle  d'Hollande,  au  sujet  des  plaintes  por- 
tées par  des  négocians  d'Amsterdam ,  contre  M«  Gavalli ,  mi- 
nistre vénitien  près  la  cour  de  Naples ••.'••  142 

CAUSE    SIXIÈME. 

Représailles  exercées  en  1782,  par  le  général  Washington,  pen- 
dant la  guerre  d'Amérique  ;  et  intercession  du  comte  de  Ver- 


VI  TABLE  DES  MATIÈRES. 

gennes,  ministre  des  affaires  étrangères  de  Louis  XYI,  en  fa- 
veur da  capitaine  anglais  Asgill 169 

CAUSE  SEPTIÈME. 

Différend  survenu  en  1782)  entre  les  cours  d'Espagne  et  de  Dane- 
mark, au  sujet  de  la  corvette  le  St.  Jsijr,  conduite  à  Cadix, 
comme  suspecte  d'avoir  abuse  du  pavillon  militaire 183 

CAUSE    HUITIÈME. 

Différends  survenus  en  178S  et  1784,  entre  l'Autriche  et  la  répu- 
blique des  Provinces-Unies  des  Pays-Bas  ^  au  sujet  des  limites 
de  la  Flandre,  de  la  cession  de  Mastricht,  de  l'ouverture  de 
l'Escaut  et  du  commerce  aux  Indes-Orientales «  .  203 

CAUSE    NEUVIÈME. 

Rupture  entre  les  cours  de  Russie  et  de  Suède,  en  1788,  à  l'occa- 
.  sion  du  renvoi  du  comte  Rasoumoffsky,  ministre  de  Mmpëratrîce 
Catherine  II,  de  Stockholm  ;  et  discussions  qui  s' élevèrent  â  la 
suite  de  cette  rupture,  entre  le  Danemark  et  la  Suède,  au 
sujet  des  troupes  auxiliaires  que  S.  M.  Danoise,  d'après  les 
traitf^s  avec  la  Russie,  était  dans  l'obligation  de  fournir  â  cette 
puissance  •  •  • •  • r  .  •  •  • 275 

CAUSE  DIXIÈME. 

Contestations  qui  s'âevèrent  en  1793 ,  entre  la  cour  de  Dane- 
mark et  celle,  de  la  Grande-Bretagne,,  au  sujet  du  commerce  des 
neutres,  et  de  Padmission  des  armateurs  français  dans  les  ports 
danoiS'    ....•• • 332 

APPENDICE. 

I.  Différends  sur  les  immunités,  les  franchises  et  les  privilèges 

des  agens  diplomatiques 367 

II.  Insultes  faites  à  des  agens  diplomatiques  ou  aux  personnes  de 
leur  suite,  et  satisfactions  qui  leur  ont  été  données 391 

III.  Différends  sur  le  cérémonial  diplomatique 428 

IV.  Yiolences  exercées  contre  des  agens  diplomatiques  ou  des 
personnes  de  leur  suite 461 


.  I 


CAUSE  PREMIÈRE.'  ' 

9 

'      ...        ...      ..^ 

Différend  wurvenu  en  1752  entre  k$  €franêe^ 
Bretagne  et  la  Prusse^  au  sujet  dés  prises 
faites  par  les  armateurs  anglais  pendant  la 
guerre  maritime  de  1744  «i  1748  >  et  de  tarrêt 
mis  p€tr  8.  M.  Prussienne  ^  à  titre  de  repres^ 
sailleSy  sur  des  c€ipitaux  hypothéqués  sur  la 
Silésie  au  profit  de  quelque  négocians  anglais. 


JLjorsqtjb  par  le  traité  de  Breslan,  coiiclu  le 
11  Juin  1742,  entre  Marie -Thérèse,  reine  de  Hon- 
grie, et  le  roi  de  Prusse,  cette  province  vînt  à 
être  cédée  à  ce  dernier,  et  garantie  par  la  Grande- 
Bretagne,  Frédéric  II  s'engagea,  par  l'article  VII, 
jy  à  se  charger  seul  du  payement  de  la  somme  hy- 
„pothéquée  sur  la  Silésie  aux  marchands  anglais, 
,.  selon   le   contrat    signé    avec   eux   le  7  Janvier 

„  1735  (*).'* 

Cette  stipulation   fut  confirmée   plus  tard  par 

Tart  IX  du  traité  signé  à  Berlin  le  28  Juillet  1742^ 


(1)  L'empereur  Charles  VI  avait  contracta  en  1735  arec  plusienra 
Bëgocîans  de  Londres  un  engagement  par  leqnel  ils  lui  fournirent 
nne  somme  d'un  million  d'ëcus  et  pour  le  remboursement  duquel  il 
leur  hjpoth^ua  lei  rerenns  de  la  liante  et  basse  Silésie. 

IL  i 


2         L   APP.  DBS  CAPIT.  HYP,  SUR  LA  SIIiÉSIE, 

et  par  l'art.  II  du  traité  de  Dresde  du  25  Décembre 

1745. 

La  guerre  ayant  éclaté  eu  1744  9  entre  la 
Grande-Bretagne  d'une  part,  et  la  France  et  l'Es- 
pagne de  raulre9;le;|roi  de  Prusse  pour  assurer  le 
commerce  de  ses  sujets ,  ordonna  au  baron  Andrié, 
sôte  œiXIîstiA  à  la  cow  i^  Lpndres,  de  s'informer 
auprès  du  ministère  britannique 

1)  9^  véMent,  les  pijncipes  que  le  gouyer-* 
nement  anglais  adopiteraât  pendant  la  guerre ,  à 
regard  des  ,TAissaaip^  neutres,  et  notamment  à 
l'égaird  da  oeux  ap$arte>oant  aux  sujets  de  S.  M. 

2)  qwîls  tétaient  les  objets  que  le  gouyemement 
anglais  considérait  comme  de  contrebande. 

M.  Andrié  par  le  post  -  scriptum  ci-après  de  sa 
dépêche  du  ;13  Mai  transmit  à  S.  M.,  la  déclaration 
yerbale^  que  lord  Carteret,  secrétaire  d'état  pour 
les  affaires  étrangères  de  S.  M.  Britannique,  lui 
ayait  faite  à  ce  sujet. 

Post -scriptum  de  la  dépêche  de  M,  Andrié,  minùtre  de 
S.  M.  Pruffienfe  à  la  cour  de  Londres  y  adressé 
au  rot, 

p.  S.  Londres ,  le  44  Mai  1744. 

^  Conformément  aux  ordres  de  V.  M.  des  14  et 
25  Avril  dernier,  concernant  la  liberté  du  pavillon  de 
V.  M.  dans  la  guerre  présente,  entre  l'Angleterre  et  la 
France,  j'en  ai  parlé  à  diverses  fois  à  lord  Carteret 
sur  le  pied  que  V.  M.  me  l'avait  ordonné,  pour  obte- 
nir un  ordre  spécial  et  général  de  l'amirauté  là-dessus: 


ENTRE  li  A  PRUSSE  ET  l/ANGIi,  J  EN  f  752.         3 

mais  ce  secrétaire  d'état  m^a  déclaré,  que  pour  nn  tel 
ordre'  il  était  hors  d'usage;  qu'il  pouvait  me  déclarer 
au  nom  du  roi  son  mahre,  que  le  pauillon  de  p^,  M. 
serait  respecté  sur  le  même  pied  que  Pétait  celui  dé 
toutes  les  autres  puissances  alliées  de  P Angleterre'^ 
à  ^exception  des\  vaisseaux  qui  seraient  trouvés por^ 
tant  des  munitions  de  guerre  aux  ennemis  de  PAngle^ 
terre;  qu'à  la  vérité  il  y  avait  nn  ancien  conbcordat 
particulier  lâ-dessus  entre  les  Anglais  et  less' Hollandais, 
que  l'on  observait  religieusement,  mais  que  n'en  ayant 
point  avec  les  autres  puissances  maritimes  ailliéeè  de 
l'Angleterre,  on  se  contentait  d'en  agir  avec  elles  sut 
le  même  p|ed  qu'il  venait  de  me  le  déclàjrer,  et  qu'il 
ferait  également  la  même  déclaration  aux  ministres  des 
puissances  maritimes  du  Nord,  qui,  comme  nioi,  avaient 
fait  la  même  demande. 

Ut  in  humillima  relations     '^■'•' 

Ai^bRiÊ. 

•   ■/.Il    il 

Cette  déclaration  verbale  paraissài^t'3tiiJu£Ssante 
au  roi  de  Prusse,  M.  Andrîé  fut  de  nouyéaii  c^hargé 
de  demander  au  secrétaire  d'état  britapni|quç  i|ncf 
explication . plus  précise  et  par  écrit.  Ili.ne  put 
cependant  l'obtenir,  ainsi  qu'on  le  voit  par  le  post-^ 
scriptum  suivant  de  la  dépêche  du  29  Mai,  que  ce 

ministre  adressa  à  S.  M.  Prussîeûnç.' 

.  ■  •      .1  ' 

N«-  n. 

Post- scriptum  de  la  dépèche  de  M.  Andriéy  adreaée  à 

S.  M.  Prussieime. 

Londres,  le  ~^  1744. 

Jr.  o. 

J'ai  reçu  aussi  par  la  poste  d'hier  Té  irescrît  de 
y.  M«  touchant  la  libierté  de  son'i^aviHony'  et  les  m«r^ 

1* 


4(        L  A?P/  JPIJ?  fiATlT.  KYP.  «UR  LA  SIIiésiE, 

chandises^.  qui  pourraient  être  considérées  comme    de 
contrebande^  pendant  la  guerre  présente. 

Outr<ç  ce  qu,e  j'eus  l'Iionneur  de  mander  à  Y.  M.  par 
mon  po^t'-'^criptum  du  20  du  mois  dernier  sur  cette  ma- 
tière, j'en  ai  içncore  parlé  ce  matin  à  lord  Garteret,  confor- 
mément ^ux  ordres  ci -dessus  de  Y.  M.,  qui  m'a  déclaré 
que  les  bois  et  autres  matériaux  qui  servent  à  la  cons- 
truction des. vaisseaux,  cordages,  voiles,  chanvres ^  lin^ 
goudron,  n'étaient  nullement  réputés  comme  articles  de 
contrebande,  (pjte  les  vaUaeaux  des  sujets  de  V»  M.  et 
sonpavUlon,  seraient  exactement  respectés  de  la  part^ 
de  V Angleterre,  et  que  l'on  n'entendait  point  les  trou- 
bler ei^  quoi  que  ce  soit  dans  leur  commerce,  pourvd 
qu'ils^  .^e  fussent  pas  trouvés  portant  des  munitions 
de  guerre  a^^..  ennemis  de    l'Angleterre,   spécificées 
dans  tous  les  traités  entre  les  puissances  maritimes, 
ou  des  munitions  de  bouche  dans  une  place  qui  pour^ 
rait  étf^^fissiégée  ou  bloquée  par  les  Anglais;  que  d'ail- 
leurs   la    liberté    du    commerce,    pour    les    puissances 
nputref^^  ^}^tM  même  et  sur  le  même  pied  qu'en  temps 
de  paix,  que  c'était  de  cette  façon  qu'il  s'hélait  expliqué 
avec  les  autres  puissances  neutres  maritimes,   comme  la 
Suède  W  le  Danemark,   et  qu'il  me  le  réitérait  encore 
înjpurd'hàî,  en  priant  Y.  M.  d'être  bien  persuadée,  que 
Fint(^ûàn  de  l'Angleterre  ne  serait  jamais  de  troubler 
en  quoi  que  ce  fûti  le  commerce  des  sujets  de  Y.  M.; 
qu'il  espérait  enfin,  que  comme  il  n'était   pas  d'usage 
en  Angleterre    de    donner    des    déclarations    par    écrit 
dans    des    circonstances   pareilles,    à    aucune    puissance 
neutre,   Y.  M.   serait  satisfaite  de  celle   qu'il  venait  de 
me  faire  de  bouche  au  nom  du  roi  son  mattre. 

Vt  iri  humillima  relatione 
•  Andrié. 

En  conaéquenjce  de  cette  seconde   déclaration 
transmise  pai;  M.  Andrié  à  son  gouvernement^  le  roi 


ENTRE  JjA  PkUSSB  ET  li'AKGL. }  '■  «K  1752i         5 

dé  Prusse,  après  avoir, fait  examiner  scrupuleuse- 
ment les  traités  maritimes  conclus  entre  l'Angle- 
terre et  d'autres  puissances,  dans  lesquels  éë  trou- 
vaient précisés,  ainsi  que  lord  Carteret  Payait  désigné, 
tous  les  objets  qui  devaient  être  regardés  comme 
de,  contrebande,  ou  comme  marchandise  libre,  fit 

prévenir  ses  sujets,  par  un  rescrit  en  date  du 

qu'à  l'exception  des  munitions  dé  gueriie^  ûs^-pon- 
valent  librement  faire  le  commjeroe  cônune  en  temps 

de  paix  •  .,     .,..,.,  ;,.  ,  .,  .  ,,•,... 

.  Pendant  plus  d'vaifi  aimWtle»  drviftj^^tt  «gelais 
n'entravèrent  d'aucune  manière  le>  ooMmeroe  des 
sujets  ptussiens.  Ce  île  fot  qùe^'lc*«j(5ffté  ^eux-ei, 
qui  jusque  là  n'avïueni'fai^.fe''  comih'èihiJB  que  sur 
leurs  propres  vaisseaux  et  pour  leiu*  proj^re  compte, 
commencèrent  vers  la  fin  .de  1745^  ;  pi. charger  de» 
cargaisons  entières  sur  .leurs  taisieanx;':  pour  le 
compté  des  Français,  it^dis  qu'ils  se  servaient  de 
vaisseatiX  neutres  d'autres  '  nations  poui^'  tratisporter 
letirs  prop]^ès  marchandises,  que  plusiei^s  b&timens 
piriissiens  chargés  de  planches  pour  le  compte  de 
la  France,  fiirent  arrêtés  et  conduits  dficas.  les.  port^k 
de  rAi9glet?rrf ,  ou  ils  ;  furent  jugés  et  condamnés 
par  les  tribunaux.  Sur  lés  représentations  que  M. 
Mîchell,  secrétaire  d'âtliba^ade  de  Prusse,,  ayant 
rçmpilacé  M.  Andrîé  à  là  cour  de  Londrea,  fit  en 
1747  au  ministère  britaniiique  à  ce  suj[etj  lôrd  Ches- 
terfîeld,.^  quj  avait  supc<ç;di*  4  lord  Carteret  dans, 
la  charge  dîe  secrétaire  d'état,  lui  adressa  la  nota 
ci-après^ 


■M  .i 


6        h  rA^F.  I9E3  CJLBIT4  HYP.  8U&  LA  SILisiE, 

^*  m. 

Lettre  ,^e  Jorfl,  Cheitei^el4%.  fficrétaire  d*^tat  de  S.  M. 
Britannique  .pour  le$  ^ffîairei  étrangère»  j  adreuée  à 
M.  MicheiL  êecrétaire  d^ambofêade  de  Prune  à  la 
cour  de  Lindrei.' 


•  I  •  •»,,-. 


..k 


'>}.  ï 


WhîtehiOI,  le  5.  Janv.  174J. 


Mo]i0iei||:^^a](ant  eu  .^'h^imcw  àç  receroir  les  ordres 
du  roi  sur  ce  gui  a  formé  le  sujet  du  mémoire  que 
TOUS  m  avez  remis  du  8  de  ce;  mois  n.  s.,  je  nai  pas 
voulu  tarder  à  vous  informer,  que  S.  M.  pour  ne  rien 
omettto  pài^  4fr'  elle  plmt'tétilbigiier  èes  attentions  envers 
le  roi  ^notro» Mottre^f  no  liak  nulle  difficulté  •  de  déclarer^ 
^'elle  i|>  jm^Mfif  ;^u,Vifiteapopi  ni  ne  l'auta  jamais,  de 
donner  |e  ^pin^i!ç  ei^péçhemeiit  à  la  navigation  des 
sujets  pi*ussiens,  tant  c[u'ils  auront  soin  d'exercer  leur 
Commerce  dSme  manière  licite,  et  conformément  â  l'an- 
cien  usage  étàBIi  let  reconnu  par  les  puissances  neutres. 

Que  S.  M.  Prn&ienne'îie  peut  pas  ignorer,  qu'il  y 
a  des  traités  de.  commerce  qui  subsistent  actuellement 
entre  la  Grande-Bretagne  et  certains  états  neutre^,  et 
qu'au  moyen,  des  engagemens  formellemept  coi^tractés 
e  part  et  d'autre  par  ces  mêmes  traités,  tout  ce  qui 
regarde  '  la  manière  '  d'exercer  leur  commerce  récipro- 
quement, a  iété  finalement  Constaté  et  réglé. 

Qu'en  même  temps  -  il  ne  parait  point  qu'aucun 
traité  de  cette  nature  existe  à  présent,  on  a  jamais 
existé  entre  S.  M.  let  le  xoi  df(  Prusse  $  mais  que  cela 
n'a  jamais  epipêché,  que  \gs  sujets  prussiens  n'ayent 
été  favorisés  par  l'Angleterre  par  rapport  à  leur  navi- 
gation, autant  que  \qs  autres*  nations  neutres;  et  cela 
étant,  S.  M.  ne  suppose  pals, '  que  l'idée  du' roi  votre 
mattre  «soit,  d'exiger  d'elle*  des  distinctions,  encore 
moins  des  préférences  en  faveur  de  ses  sujets  à  cet 
égard. 


ENTBJB  liA  PAUSSS  ST  l/AlSGIjiyMN  17524        7 

Que  de  plas,  S*  M.  Pruscieonie  est.;t|:op  ^éclab^a 
pour  ne  pas  connaître  qu'il  y  a  des  lois  fixes  çt  .établies 
dans  ce  gouvernement  dont  on  ne  peut  point  s'écarterl 
Et  que  s^il  arrivait  que  la  piarine  anglaise  if^aVisât  de 
faire  la  moindre  injustice  atix  sujets  commerçâmes  du  roi 
votre  màttrèy  il  y  a  tm  txibmiÀl  ici,  savoir^'là^  haute 
càùr  del*amirauté,  à  laquelle  ils  se  trouviâit  ien:droit'de 
s^adresser^  et  de  porter  leurs  pkintea;  jas^wéf  i^V^^^^^i^^ 
on  pareil  ca^  qu'on  leur  y  rencUa  bonne  jjistiçef^  Ifif.  pron 
cédés  juridiques  de  ladite ,  cour  étant  et  ayant  été  de 
tout  temps  Iiors  d^atteintêi  et  irréprc)cliai>lës  :  '  témoin^ 
nombre  d'e'ïemples  oi  des  vai^séaùi^)  Aeiitfei^  'pris 
illicitement;  "o&t  été  restitués  avec  frais  ""eKV'dSlBfiâfiageif 
aux  propriétaires.  *•  ?    /*ot    o  f 

Voici,  ce  que  le  roi  m'a 'Ordonné  df.>lKoi^^r^ppi^drq 
sur  le  coMena  de  votre  mémoire;  et  S;  ]VJIj.,  |ie^  «.f^uyai^ 
que  se  fLalter',  qu'en  .  conséquence  de  ce. que, je.  viens 
d'avancer,  il  né  restera  plus  rien  k  désirer  au  roi  votre 
m^é  relatîvdâient  à  Tobjèt  dont  il  est  qiiébtioAl^  'Et'  lé 
roi  s^ên  croit  d'ànlant  pla«r  asdtiré^  qinl'>4sl(  pè^Miadé 
que  S.  M.  Prussienne  ne  Tdodrak  ri^ii  deinàideto^<|«ii  ;ii« 
fût  équitable. 

Je  suis  avec  bien  de  la  ciOMsidération, 
Monsieur, 
' .   ^  i  '.  yoûf«  très ThiniiiUA^ït  très- 

'  obéissant  serviteur 

Non  iobstant'  ces  dédaratioiut  poaîtiyeis  ^  :  jtotifir*^ 
mées  par  Ift;  lettre  ci-rdeJssUa,  lés  déprédatioM  <les 
ût^atetirs  anglais  non  seiilemeiit  continùêi^ëiit  ôbmlnè 
par  lei  passé^  mais  elles  augmentèrent  tellement|^ 
qu'^à  \  fin  de  Paniiée  1740,.  ils  ayaije^t  pr^  d«-. 
huit  hatime«s  prussiens  et  trente-troid  danf9%>ué«« 
dois,    hollandais    et  bambourgeoit^'  imii»^  aieutres^ 


8      I:  À^*  BES  cAPri^  HTP.  sua  la  sUiisis, 

frétés'  ou  €fn  entier  ou  en  partie  par  des  sujets 
prussiéiis. 

Jusque  là  iPoccasion  avait  manqué  au  roi  de 
Prussç  .,4^  Yfsnger  ces  injustices,  dont  il  avait  si 
souvent; 'niais  inutilement  demandé  et  tenté  la  ré- 
paratiàn:i  itemiable;  û  s'en  présenta  une  en  1751^ 
pat  Péc^éanee  du  terme  auquel  devait  être  acquitté 
le  reste  dés'  céîjpitaux  affectés  sur  la  Silésie  au  profit 
des  négociais  anglais  ;  et  S.  M.  la  saisit  avec  em- 
presseinent^  pour  indemniser  ses  sujets  des  pertes 
et  dommages  qu'on  leur  avait  fait  essuyer. 

Le  roi,  en  conséquence  de  cette  résolution, 
nomma  en-  date  du  7  Décembre  1751,  une  corn- 
jinissiôn^^'fcoib  la  direction  spéciale  des  quatre  minis- 
tres MM.  de  Podewils,  de' Bismark,  et  de  Fin- 
kenstein,  .Jpré^idée  par  le  grand- chancelier  du 
rôyaump,  le  baron  de  Cocceji,  pour  juger  entre 
ses  surjets  lésés  et  les  armateurs  anglais. 

N^  IV. 
Beiéfii  eommùi^rial  de  S,  M,  Pruatenne. 

Noos  Frédâîcy  par  la  grâce  de.Dîeu,  roi  de  Prusse 
etc.  etc.  etc.  salut  etc.  Ayant  résolu  d'acquitter  Tannée 
procludne  le»  sieste  des  capitaux  que  la  nation  anglaise 
avait  sf^ai^cés  fâ-devant  sur  Thypothèquéy  de  la  Silésie, 
Nous  i^  sommes  pas  sans  espérance ,  de  trouver ,  dans 
cette  circonstance,  roccasion  de  procurer  une  juste  in- 
demnisaUon  à  nos  sujets  lésés  injustement  dans  la  der- 
nière gfiaérre'pâr  les  déprédations  de  la  marine  anglaise. 

Étatft  pour  cet  effet  nécessaire  avant  toutes  choses, 
que  cetto  lésion  et  perte  de  nosdits  sujets  soient  examinées 


SNTRE  liA  FAUSSE  ET  li^ANOI^J  EN  1752.        9 

et  déterminées  selon  là  nature  et  les  circonstances  des 
cas  ^.  et  selon  les  règles  du    droit  y    Nous  avons  trouvé 
ktoUy   de  vous  charger  de  cette  commission,    vous,  nos 
conseillera  privés  de  justice,  de  Furst  et  Bebmer,  notre 
conseiller  privé  des  iBnances ,  Faescli ,  et  notre  conseiller 
de  commerce,   Kuhn,  par  un  eiSet  de  notre  confiance 
en  votre  intégrité,   capacité  et  expérience.     Et   comme 
nous^vons  fait  notifier  la  création  de  cette  commission 
à  np^  sujets  y  îatéressés,  par  toutes  nos  chambres  de 
guerre  et  des  domaines ,  Nous  vous  ordonnons  gracieu- 
seniçnf ,  -^'^^^c^^^i^P  nosdits.  .sujets,  d'examiner  avec  atten- 
tion. IçursplaintçA»-  et  nommément  de  vojus  informer,  de 
^elle^  nature  peuyent  être  les  vaisseaux  et  effets  pris  sur 
eux^  s'ils  peuvent  *êd'e' censés  être  dé  contrebande  ou  non, 
scion  ^  lé  droit  dés  gens',  selon'  robsei*vance  reçue  cintre 
les  états  souverains  ^^  surtout  sdion  la  déclaration  du  mi*- 
nistère  britannique,  >. faite  à  notre  ministre  Ândrié,.  ci* 
devai^t  résident  en  Angleterre,  ci-jpiçLte  (elle  se  trouve 
soi^s'lee  N^*'l.et  JJ\     Vous  ne  manquerez  pas  d*eii- 
jomare  à  nos  sujets,  de   justmer  leurs  prétentions  par 
des  cômiaisfseïnens,'  factures,  par'^léul-s  Ëvrcs  de  com-^ 
mejcjDç,  .et^au^e^  dooumens  semblables  .usités  en  pareil 
cas  :  de  tenir  un  protocolle  sépare  çle  chacune  des  liqui- 
dations, "d^arrôter  eïisuite  un  résultat  de  commun  accord, 
dé  dîfcssèr  en  confoVinité  une  sentehée,  et  de  nous'rà-- 
dresser  en  son  teiil|>$  Avec  les  motifs  de  décision;  votia 
reooimniiaàLdant,'   d?en,  hâtek;  le.  plotAt  possible  l'arrêté^  j 
avai}t  ^^C;  tienne  cp^i,  apprx^ohe,  <»ii:ilwvent,être  acquittées 
leçdites   spmnjLCs  hypothéquées  sur   la  Silésie.      Gomme 
notre  intention  en  tout  ceci  est  pure,  et  ne  tend  k  autre 
chose,  qu'à  procurer  à  nos  sujets,  lésés  sans  leur  faute, 
une.  indemnisation  juste  et  légale.    Nous  vous  faisons  sou- 
venir de  votre  serment,  prêté  à  nous  et  à  la  justice,  de 
ne  favoriser  personne  de  nos  sujets  mêmes ,  de  procéder 
à  rexâmen  dé  leurs  liquidations,  avec  toute  la  rigueur 
et  aVeo  lit  plus  parfaite  impartialité,  et  de  ne  rien  aBso* 


10      L  AFFi  DSa  CAPIT«  HTP.  8im  liA  SUil&SIEy 

luinent  leur  adjâger^  €jm  ne  puisse  être  justifié  (terant 
Dieu  et  devant  toute  la  terre  ^  afin  que  la  nation  britan-» 
nique  n'eût  pas  lé  moindre  sujet  de  croire ,  que  notrc^ 
intention  put  être,  de  gratifier  en-  ceci  nos  sujets^  au-^ 
delà  des  borni»  de  la  justice.  Sur  ce  etc.  Donné  à 
Berh'u,  le  7  Décembre  1751. 

Frédéric. 

Cocceju      Podeurflê.   "' 
Bismàrh.    Finhenéteîn: 

'■.  ■ .  J         ,  '  :  .       ■  ■       •  ■■  :  • 

_  •    ■ 

Dans  la  senteiice  que  cette  coliihiission  prononça 
le  17  Juillet  1752 ,  Qn  déléguant  aiui  sujets  p^iis- 
siens,  à, titre  de  aédominagement^,  Içs  créances  an- 
glaises, pour  la  sûreté  desqpellçs  les.  reivenus  \  4e  )a. 
Silésîe  avaient  été Jlypothéqué»,. il  était  dit:  -  ..i 

,,Nou8  sommés  d*avis,  que  comme  selon  le  drbit 

■ 

„  des  gens ,  et  robservancé  de  mer ,  reçue  et  pra- 
^tiquée  de  tout  temps  ^  en  conTormité  des  traités 
„ maritimes  entri?  Içs  p^ssànçes  souveraiçes," 

l)  „Les  armateurs  anglais  n'ont  pas  été  en  droit 
,,de  saisir  et  de  détenir  dans  les  ports  britanniques 
,,1qs  vaisseaux  prussiens,  ou  autres  vaisseaux  neu- 
^tres  en  course^  soit  vers  les  ports  ennemis,  ou 
^à  leur  rétour  d'iceux  :  soit  en  général,  soit  en  par^ 
^tîculier,  sous  le  jfrétexte  que  la  cargaison-  où  ùné 
„  partie  d'icelle  aurait  appartenu  aux  ennemis  de  la 
„  Grande  -  Bretagn  e." 

;'  2)  55  Les  traites  de  mer,  et  spécialement  la  dé- 
„claratio]l  du  ministère  britannique,  faite. au  mi- 
„nistre  prussien  Andrié,  déterminant  avec  exacti-' 
„tude  la  qualité  de  la  contrebande  pendant  la  guerre^ 


ENTHB  Xi  A  PaUSSBBT  L'ANGIi.;  tEN  1752«      11 

^  et  que  tant  les  eflfets  permis,  quoique  appartenans 
^à  l'ennemi,  quen  général  bois^  froment  etc.  ne 
,^ doivent  point  être  i*éputés  contrebande." 

3)  :  ,9  Donc  l'amiraAité  et  les  cours  *  de  justice 
,, britanniques  ont  agi  contre  le  droit  des  gens  et 
,, contre  cette  déclaration,  en  dédaraut  de  bonne 
„ prise  ces  effets  permis."  • 

4)  99  Par  conséquent  de  sembl^bleii  arrêtés  ne 
9,  pouvant  jamais  acqiiérir  force  de  chose  jugée» 
„  Nous  disons ,  !  qu'il  est  juste  de  bcmiGer  aux  su- 
„j0ts.:  prussiens  toutes  ces  pertes  essuyées  ioi^  par  r 
ff  la  sai&ie  et  détention  injuste  dés  paUseaux  pru$-*, 
^^mens  et.  de  Içur  cargaison  permise  :  ou  par  la 
,ysaisie  et  détention  injuste  d'autres  iHàisseaux  n^Ur, 

„  tre$y.  sur  lesquela  ils  auraient .  lait  charger  des, 
„. marchandises  permises  :  (m  par  la.  confiscation  4e 
fleurs  effeU  trouvés  à-  bord,  /tant:  des  vaisseau:^ 
„  prussiens  que  neutres  j  ou  enfin  par  les  procé- 
„ dures  injustes,  coûteuses  et  lentes  des  cours  de 
„  justice"  britanniques^';  tous  ces  principes  étant  dé-' 
,^dmts  plus  amp]^m<?Ut  dans  vaxescposé  particulie|r  ; 
„,et  ^après  l'exauieu  le.  plus  rigoureux  elle  plus 
„ impartial  de  chacune  des  prétentions:^^  Nous 
avons  arrêté  ce  qui' suit.  [Sitiçaiènt  ici  tes  deux 
tableaux  des  somihe3  liquidées  et  arrêtées  par  Ha 
commission,  ) 

La  somme  primitive  réclamée  par  les  négocias 
prussiens  avait  été  portée  par  eux  à  239340  écus; 
elle  fht  réduite  par  la  commission  à  156,486  éçus 
de  capital  et  33,283  écus  d'intérêts  à  6  pour  cent 
jusqu'à  4a  fin  de  l'année  1751* 


13      !•  AFF.  SJS8  CAPIT.  HTF«  BVR  LA  SthisiBy 

Pour  faire  coimeitre  les  raisons  sur  lesquelles 
le  roi  avait  mesuré  sa  conduite,  il  fit  rédiger  un 
écrit  {voyez  le  JSP^  f^.)  qu'il  fit  remettre  au  mi- 
nistère britamiique  et  communiquer  à  ses  minis- 
tres dans  les  cours  étrangères. 

Dans  un 'mémoire  *que  M.  Michell  fut  encore 
chargé  de  remettre  en  cette  occasion  au  duc  de 
Newcastle,  (du  g^Nov.  175  )  le  roi  de  Prusse  déclara, 
,,  qu'ayant  iiiutflement  et  a  différentes  reprises  de- 
„ mandé  satisfactioii  au  ministère  britannique,  des 
„  injustices  ceniniises  contre  ses  sujets,  il  s'était  dé- 
„ terminé  à  retenir^  par  droit  de  représailles,  le 
^payement  de  la  dette  hypothéquée  sur  la  Si- 
„lésie  au  profit  des  n^ocians  anglais,  jusqu'à  ce 
,^que  le  gouvernement  britannique  eût  indem- 
„nisé  ces  mêmes  sujets  des  pertes  et  dommages  que 
,)  leur  avaient  fait  essuyer  les  armateurs  anglais.^^ 

Expofitiim  det  motifs  Jbndéê  êur  le  droit  det  gens, 
qui  ont  déterminé  le  roi  de  Pirune  sur  les  instances 
réitérées  de  sei'imjéts,  à  mettre' arrêt  sur  les  capi- 
itmàc  que  S,  M.  avait  promis  '  de  rembourser  aux  su- 

'  jets   de  la  Grande-Bretagne  en  vertu  des  traités  de 

paiv  de  Breslau  et  de  Dresde,  et  à  procurer  sur  les- 

.  dits  capitaux  à  ses  sujets^  le  dédommagement  des  pertes 

que  leur  ont  causées  les  déprédations  et  les  violences 

*  des  armateurs  anglais  exercées  contre  eux  en  pleine 

mer,    Berlin  i7à2  {'). 

§.  1.    La  guerre  s'étant  allumée  en  1744  entre  la 

nation  anglaise  dWe  part,    et   les  rois    de  France  et 

•  ' I ;  '     .i  '  .  T.  .  :  ' 

(1)  Cet  exposé  éuât  accompagne  4o  deux  talileaux  doat  t'ua  son» 


ENTRE  LA  PaUJ»SB  BT  li^ANGL^J  EN  1752-      13 

d'Espagne  de  l'autre,  le  roi,  pour  mettre  en  sûreté  le 
commerce  de  ses  sofets,  prit  la  précaution ,  d'adresser 
au  S.  Andrié,  son  ministre  à  Londres,  un  prdi*e  en  date 
du  14  Avril  1744,  par  lequel  il  le  chargea: 

de  s'informer  au  ministère  anglais,  de  ce  qui  préci- 
sément chez  eux  passait  pour  contrebande,  et  si  les 
grains,  le  bois  de  charpente,  les  planches,  le  chanvre, 
la  graine  de  lin,  les  toiles  etc.,  y  étaient  compris, 
pour  que  le  roi  pût  en  avei*tir  ses  sujets,  et  leur 
donner  les  insti*uctions  nécessaires  sur  la  manière 
dont  ils  devaient  continuer  leur  commerce. 

§.  2.  La  déclaration  que  lord  Carteret  fit  au  S. 
Andrié,  au  nom  de  S.  M.  le  roi  de  la  Grande -Bre- 
tagne, et  qu'il  rapporte  dans  sa  dépêche  du  18  Mai 
1744,  porte: 

que  le  pavillon  du  roi  serait  respecté  à  l'égal  de 
celui  des  autres  puissances  alliées  de  l'Angleterre, 
A  l'exception  des  seuls  vaisseaux  qui  porteraient 
des  munitions  de  guerre  aux  ennemis  de  la  nation 
britannique. 

§.  3.  Le  roi  ayant  exigé  une  déclaration  plus  pré- 
cise sur  tous  les  objets  contenus  dans  le  mémoire  que 

la  lettre  A, ,  avait  pour  titre  :  Spécification  des  vaisseaux  prussiens 
pris  en  pleine  mer  contre  tout  droit  des  gens,  injnstement  détenus 
et  relâchëé  ensuite  par  la  marine  anglaise  durant  la  dernière  guerre 
et  dont  les  captures  ainsi  que  les  dëtentions  ont  cause  des  pertes 
et  dommages  à  des  suiett  de  S,  M.  soit  pour  leurs  vaisseaux  mêmes» 
soit  pour  les  marduujidises  qui  y  étaient  chargées*  —  Le  second 
sous  la  lettre  JB.  avait  pour  titre  :  Spëcification  des  vaisseattx  neu- 
tres pris  et  détenus  injustement  contre  tout  droit  des  gens  par  la. 
marine  anglaise  et  relâches  ensuite  durant  la  dernière  guerre,  et 
dont  les  captures  et  détentions  ont  cause  des  pertes  et  dommages 
a  des  sujets  de  S.  M.  le  roi  de  Prusse,  pour  les  marchandises  qu'ils 
y  avaient  chargées,  et  qui  ont  été  détenues  en  Angleterre  quoique 
m&a  relAchées. 


14    L  AFF.  Dsg  oafit;  tnm  «tm  la  silièiib, 

«on  Hlimstre  avait  présenté  li-dessna,  le  susdit  S%  An- 
drié 'dans  sa  dépêche  du   ^  jj^  manda; 

que  lord  Garterety  secrétaire  ^étât,  lui  avait  réitéré 
et  assuré 9  au  nom  du  roi  de  la  Grande-Bretagne, 
QU  A0CUN  Bsa  OBJETS  Gotttenus  dans  l'ordre  donné 
au  susdit  S.  Andriéy  conune  les  bois  et  autres  maté* 
.  riaux  de  construction  pour  les  vaisseaux,  non  plus  que 
les  cordages,  les  voiles,  le  chaÀvre,  la  graine  de  lin 
etc.  n'étaient  réputés  contrebande;  que  la  nation  an- 
glaise reispecterait  avec  soin  le  pavillon  et  les  sujets 
du  roi ,  et  qu'on  ne  troublerait  en  rien  le  commerce 
de  ces  derniers,  pourvu  quHU  ^^abstinssent  de  ne 

m 

porter  aucune  munition  de  guerre  aux  ennemis 
de  la  Grande-Bretagne  (munitions  spécifiées  dans 
tous  les  traités  de  commerce  entre  les  puissances 
maritimes)  ni  aucunes  munitions  de  bouche  aux 
places  assiégées  ou  bloquées  par  ladite  nation^ 

Qu'au  surplus  le  conmierce  demeurait  libre  aux 
puissances  neutres,  sur  le  même  pied  quHl  l'était 
en  temps  de  paix» 

§.  4.  n  est  à  remarquer ,  que  lorsque  le  S.  Andrié 
exigea  là-dessus  une  déclaration  par  écrit  de  lord  Car- 
teret,  celui-ci  lui  répondit  à  deux  reprises  différentes, 
que  ce  n'était  pas  l'usage  en  Angleterre. 

§•  5.  Lord  Carteret  s'étant  spécialement  rapporté,, 
quant  à  ce  qui  se  nomme  contrebande,  aux  traités  con- 
clus entre  les  puissances  maritimes,  le  roi  fit  examiner 
les  traités  conclus  en  1674,  entre  l'Angleterre  et  la  Hol- 
lande, et  l'on  y  trouva,  que  tous  les  objets  que  lord 
Carteret  avait  déclarés  au  S.  Andrié  être  de  contre- 
bande ou  marchandise  libre,  y  étaient  énoncés  mot  & 
mot;  car  dans  Tart.  m*  du  susdit  ti*aité  on  y  nomme 
contrebande  : 

• 

les  armes,  les  bombes,   et  tout  ce  qui  y  appartient, 
la  poudre,  les  armes  à  feu,  les  mortiers,  les  boulets, 


ENTRJB  liA  PRUSSB  ET  Ii'AKGI«.;  £N  1752*      15 

les  sabres  y  les   lances,   les   pétards,   les  arquebusesy 
les  grenades  y  le  salpêtre,  les  cuirasses  et  autre  attirail 
..de   guerre,  de  même  que  les  soldats,   les    chevauiCy 
.les  selles  etc.. 

et  par  contre  l'art,  IV.  met  au  nombre  de  ce  qui  n'est 
point  de  contrebande: 

les  draps,  la  laine,  le  lin,  les  b^its,  les  chemises, 
Pétain,  le  plomb,  les  charbons  de  ten*ei,  toutes  sortes 
de  grains,  le  tabac,  les  épiceries,  la  viande  salée,  le 
fromage,  le  beurre,  le  vin,  le  sel,  et  toute  sorte 
de  vivres;  les  mâts,  les  planches,  la  charpente  et 
autres  bois  propres,  à  construire  et  réparer  les  vais- 
seaux, et  en  général  toutes  les  marchandises  qui 
né  sont  pas  comprises  dans  l'article  précédent,  de 
sorte  qu'il  y  est  permis  aux  alliés,  de  transporter 
de  ces  dernières  marchandises  aux  places  ennemies, 
à  l'exception  seulement  de  celles  qui  se  trouveraient 
assiégées    ou  bloquées. 

II  est  constant,  que  dans  les  précédentes  guerres  la 
nation  anglaise  n'a  déclaré  être  de  contrebande,  que  les 
choses  uniquement  qui  étaient  d^usage  à  la  guerre. 
(Voyez  $.  34.) 

§.6.  Eh  conséquence  de  cette  déclaration,  dont  le 
roi  fit  faire  part  à  ses  sujets,  il  les  fil  avertir,  qu*à 
l'exception  des  munitions  de  guerre,  ils  pouvaient 
librement  commercer  comme  en  temps  de  paix. 

§.  7.  Les  armateurs  anglais  respectèrent  pendant 
plus  d'un  an  le  pavillon  prussien,  et  laissèrent  passer 
san^  empêchement  tous  les  vaisseaux  de  cette  nation, 
ceux  mêmes  qui  étaient  chargés  de  planches. 

Ce  ne  fut  qu'en  Octobre  1745,  qu'on  s'avisa  pour 
la  première  fois,  d'arrêter  des  vaisseaux  chargés  de 
planches  pour  la  France,  et  qu'on  ne  voulut  point 
laisser  passer  les  bois;  mais  la  déprédation  alla  ensuite 


16      i  AFF.  DES  GAPIT.  HYF.  SUR  LA  SIIiÉSIE, 

■ 

si  loin,  que  les  armateurs,  bien  qae  les  susdits  vaisseaux 
ne  fussent  chargés  que  de  marchandises  incontestable- 
ment libres,  et  que  leurs  capitaines  les  en  assurassent, 
par  la  production  de  leurs  lettres  de  mer,  connaissc- 
mens  et  certificats,  non  contens  de  le$  arrêter,  leur 
enlevèrent  tout  ce  qui  se  trouvait  à  leur  convenance  et 
les  conduisirent  avec  violence  à  leurs  ports. 

n  aiTiva  entre  autres^  qu'im  armateur  ayant  pris 
un  vaisseau  d'Embden,  chargé  de  sel,  non  content  de 
lui  enlever  sa  cargaison  et  les  habits  des  gens  de  Té- 
quipage,  les  maltraita  encore  indignement  à  coups  de 
bâton. 

$.  8.  Le  roi,  sollicité  par  les  plaintes  réitérées  de 
ses  sujets,  ayant  fait  faire  à  cette  occasion  itérativement 
des  représentations,,  tant  par  le  S.  Andrié,  que  par  le 
S.  Michell,  son  secrétaire  d'ambassade,  lord  Ghester- 
field ,    alors    secrétaire    d'état ,    répondit    par    écrit    le 


i  Jaurier  1747 


26  Décembre  1746  * 

que  le  roi  de  la  Grande-Bretagne,  pour  n'omettre 
aucune  occasion  de  faire  éclater  toute  l'attention  qu'il 
avait  pour  le  roi  de  Prusse,  ne  faisait  aucune  diffi- 
culté de  déclarer  qu'il  ne  porterait  aucun  empêche- 
ment à  la  navigation  des  sujets  prussiens,  aussi  long- 
temps que  ceux  -  ci  excerceraient  leur  commerce 
d'une  manière  permise,  et  se  conformeraient  aux 
anciens  usages  établis  et  reçus  entre  puissances 
neutres, 

§.  9.  Et  lorsqu'à  l'occasion  de  la  prise  d'un  vais- 
seau hollandais,  nommé  les  trois  soeurs,  le  secrétaire 
Michell  fit  de  nouvelles  représentations,  et  en  demanda 
satisfaction  au  lord  Ghesterfield,  celui  -  ci  lui  déclara  le 
44  Septembre  1747: 

que  l'intention  de  la  Grande-Bretagne  était,  de  s'en 
tenir  i  la  déclaration  du  lord  Garteret,  faite  au  nom 


ENTRE  JLA  PRUSSE  ET  li'ANGIi  ;  EN  1752.      17 

de   S.  M.  Britannique   au  susdit  S.  Andrië  au  corn* 
mencement  de  la  guerre.  ^ 

§.  10.  Les  choses  cependant  en  demeurèrent  à  ces 
simples  déclarations,  sans  que  l'on  donnât  la  moindre 
satisfaction,  soit  des  premiers  dommages  et  des  inso* 
lences  faites  par  les  armateurs,  soit  des  déprédations 
qui  allèrent  toujours  en  augmentant  les  années  1747  et 
1748,  bien  que  le  roi  eût  fait  déclarer  à  diverses  re- 
prises, qu'il  s*en  prendrait  aux  capitaux  des  Anglais,  qu'il 
s'était  engagé  de  leur  payer  à  l'acquit  de  la  Silésie,  par 
les  traités  de  paix  de  Breslau  et  de  Dresde ,  et  qu'il  in- 
denmiserait  là -dessus  ses  sujets. 

§.  11.  C'est  enfin  ce  qui  a  contraint  le  roi  à  céder 
aux  instances  pressantes  et  aux  sollicitations  réitérées  de 
ses  sujets,  à  prendre  réellement  fait  et  cause  en  leur  fa- 
veur, à  se  servir  à  cette  fin  des  moyens  dictés  tant  par 
la  raison  que  par  le  droit  des  gens,  à  dédommager  en 
un  mot  ses  sujets  sur  les  capitaux  des  Anglais  qui  se 
trouvent  entre  ses  mains. 

§.  12.  Mais  afin  que  tout  l'univers  puisse  être  plei- 
nement convaincu  du  procédé  injuste  des  armateurs  an- 
glais, on  examinera  ici  les  questions  suivantes,  qui  sont 
relatives  aux  griefs  des  sujets  prussiens  et  qui  serviront 
à  les   mettre  dans  tout  leur  jour,   savoir: 

L  Si  les  armateurs  anglais  ont  été  en  droit  d'arrêter 
en  pleine  mer  les  vaisseaux  prussiens,  de  les  visiter, 
et  malgi'é  l'exhibition  de  leurs  lettres  de  mer  et  con- 
naissemens ,  par  lesquels  ils  prouvaient  qu'il  n'y  avait 
aucune  contrebande  sur  leur  bord,  de  les  conduire 
avec  violence  dans  les  ports  d'Angleterre? 

II.  Si  lesdits  armateurs  anglais  ont  été  fondés  d'arrêter 
en  pleine  mer  des  vaisseaux  prussiens,  sous  le  pré- 
texte qu'il  sy  trouvait  des  marchandises  qui  ap^ 
partenaient  aux  ennemis  de  la  nation  britannique? 

IL  2 


18      !•  AFF.  im»  CAPIT.  HTP.  SUR  liA  SILl&SIE, 

S*i]s  ont  été  en  droit  de  les  condnnre  dans  leurs 
ports  et  retarder  par  là  le  cours  de  leur  naviga- 
tion? 

III.  Si  lesdits  armateurs  ont  été  en  droit  d'arrêter  en 
pleine  .mer  d'autres  vaisseaux  neutres,  comme  étaient 
ceux  de  Suède,  de  Hollande,  de  Danemark,  deHam-* 
bourg  etc.  frétés  en  tout  ou  en  ^partie  par  des  su- 
jets prussiens,  de  les  conduire  eu  Angleteri'e,  de  les 
y  détenir  des  années  entières,  et  de  troubler  de  cette 
manière  le  commerce  des  sujets  prussiens? 

lY.  Si  les  marchandises  chargées,  soit  sur  des  vaisseaulc 
prussiens  soit  sur  des  vaisseaux  neutres,  par  les  su- 
jets du  roi,  et  qui  leur  ont  été  confisquées  en  vertu 
des  injustes  sentences  rendues  par  les  tribunaux  an- 
glais, étaient  effectivement  de  contrebande? 

V.  Si  le  ministère  anglais  a  été  en  droit  de  renvoyer 
à  un  tribunal  de  marine  établi  en  Angleterre,  la  dé- 
cision des  différends  de  la  nature  de  ceux  qu'on  a 
examinés  dans  les  questions  précédentes  et  qui  s'a- 
gitent entre  deux  puissances  libres,  et  de  vouloir 
obliger  la  puissance  lésée  qui  demande  satisfaction, 
à  s'en  tenir  à  ses  décisions? 

VI.  Si,  au  contraire,  le  roi  n'est  pas  pleinement  fondé 
de  déférer  à  l'arrêt  que  ses  sujets  Tout  supplié  de 
mettre  sur  les  capitaux  anglais,  stipulés  par  les  paix 
de  Breslau  et  de  Dresde,  qui  se  trouvent  entre  ses 
mains,  pour  procurer  à  ses  sujets  les  dédommage- 
mens  et  la  réparation  convenables  des  violences  exer- 
cées contre  eux  par  les  armateurs  anglais,  contre  le 
droit  des  gens,  et  malgré  les  déclarations  formelles 
réitérées  par  le  ministère  anglais;  et  si  le  roi  n'est 
pas  en  droit  d'indemniser  ses  sujets  sur  ces  capi- 
taux, puisqu'on  leur  a  si  long^temps  dénié  toute  la 
justice  qu'ils  étaient  fondés  de  demander? 


ENTRE  liA  PRUSSE  ET  L^ANGIi.}  EN  1752»      19 

Examen  de  la  première  question. 

Si  les  armateurs  anglais  ont  été  en  droit  (tarréter 
en  pleine  mer  les  vaisseaux  prussiens  j  de  les  visi" 
ter,  et  malgré  P exhibition  de  leurs  lettres  de  mer 
si  connaissemens ,  par  lesquels  ils  prouvaient  quHl 
TÛy  avait  aucune  contrehande  sur  leur  bord,  de  les 
conduire  avec  violence  dans  les  ports  d* Angleterre? 

§.  13.  A)  n  paraît  par  la  pièce  cî-joînte,  cotée  A,  que 
18  vaisseaux  prussiens  ont  été  arrêtés  par  les  armateurs 
anglais  d'une  façon  aussi  insoutenable  qu'injuste,  et 
qu'on  les  a  conduits  de  force  en  Angleterre.  Ce  pro- 
cédé est  évidemment  contraire  au  droit  de  la  nature  et 
des  gens  9  çelon  lequel  c'est  un  principe  universellement 
reconnu  par  tous  les  peuples,  que  la  mer  est  au  nombre 
des  choses  appellées  res  nulliusy  ou  desquelles  l'homme 
ne  peut  se  rendre  le  maître. 

§.  6.     Inst.  de  rer.  divis. 

Si  donc  personne  ne  peut  s'attribuer  la  souveraineté  et 
la  propriété  de  la  mer,  il  s'ensuit  naturellement  que 
l'usage  en  est  commun  à  tous  les  hommes ,  et  que  per- 
sonne n'est  en  droit  de  l'interdire  aux  autres. 

i.  2.     §•  1.  ^  de  rer.  divis.    §.  1.  Inst.  eod,  . 
.  L,  13,  %*fin,Jf,  de  injur»  L.3.  §.1.  ne  quid  inloco puhl, 
L.  13.  ff.  comm,  praed. 

Scion  ces  principes  fondés  dans  la  raison,  toutes  les 
puissances  ont  un  droit  égal  de  naviguer  librement  et 
de  commercer  sur  mer. 

L.i.  §»1»J^*  de  rer.  divis»    §.  i.  Inst,  eod. 
D.  1*  13.  %,fin.    Zr.  1.  §•  1.  de  acquir.  rerum  dominio, 
L,  2.  §.  9.jff\  ne  quid  in  loco  publico,  L*  ïi^ff.  commun* 
praed, 

§.  14.  On  pourrait,  sans  recourir  même  aux  juris- 
consultes romains  (auxquels  le  droit  de  la  nature  et  des 

2* 


20      L   AFF.  DES  QAPIT.  HYP.  SUR  LA  SIIi^IE, 

gens  était  parfaitement  connu)  soutenir  cette  thèse  par 
une  infinité  (Tautorités  et  d'exemples. 

yid.  Grot.  in  tractatu  de  mari  lïbero. 

Mais  cela  serait  superflu ,  puisque  la  nation  anglaise 
elle-même  s'en  est  prévalue  dans  diverses  circonstances. 
Lorsque  l'envoyé  d'Espagne ,  Mendoza  se  plaignit  k  la 
reine  Elisabeth  de  ce  que  les  Vaisseaux  anglais  s'avi- 
saient de  naviguer  sur  la  mer  des  Indes,  la  reine  lui 
répondit  : 

Qu'elle  ne  voyait  point  de  raison  qui  pût  Vex- 
dure,  elle  çt  d'autres  nations,  de  la  navigation  aux 
Indes  ;  puisqu'elle  ne  reconnaissait  à  lŒspagne  aucune 
prérogative  à  cet  égard  y  et  bien  moins  encore  te  droit 
de  prescrire  des  lois  à  ceux  qui  ne  lui  étaient  tenus 
à  aucune  obéissance^  ou  de  leur  interdire  le  commerce; 
que  les  anglais  naviguaient  sur  Vocéan  dont  Vusage, 
tout  comme  celui  de  Vair ,  était  commun  a  tous  les 
hommes ,  et  qui  par  sa  nature  même  ne  pouvait  tom^ 
ber  en  la  possession  et  sous  la  propriété  de  personne. 

Cambd,  in  vita  Elis,  ad  ann.  1680.  p.  m.  328.  seqq. 

§.  15.  En  conséquence  de  ce  principe,  fondé  dans 
le  droit  de  la  nature  et  des  gens,  la  nation  anglaise  a 
protesté  avec  chaleur  dans  diverses  conjonctui'es  où  on 
lui  a  arrêté,  visité  et  pris  des  vaisseaux,  et  a  taxé  de 
pareils  procédés  de  violation  manifeste  du  droit  des  gens. 

On  ne  doute  pas  que  la  nation  anglaise  ne  se  rap- 
pelle encore  les  grands  mouvemens  qu'elle  se  donna, 
quand  le  roi  de  Suède,  dans  la  guerre  contre  la  Russie 
fit  arrêter  tous  les  vaisseaux  anglais  qui  étaient  destinés 
pour  \ts  ports  de  Livonie,  et  porta  par  là  un  grand 
préjudice  à  leur  commerce.  Ils  en  appelaient  alors  hau- 
tement au  droit  des  gens: 

Selon  lequel  ils  soutenaient,  qu'il  était  permis  aux  su- 
jets de  l'Angleterre,  de  commercer  avec  tous  les 
états   qui  à  leur    égard  étaient   neutres,   bien    qu'ils 


ENTRE  LA  PKUSSE  ET  L'ANGL.J  EN  1752-     21 

fussent  impliqués  dans  nne  guerre  avec  d'autres  puis- 
sances pareillement  neutres  à  leur  égard,  de  même 
que  les  Anglais  permettaient  aux  sujets  suédois  de 
naviguer  et  de  commercer  avec  tous  les  états  et  â 
tous  les  ports  neutres  par  rapport  à  la  Su^e,  bien 
qu'impliqués  dans  la  guerre  avec  l'Angleterre;  ce  qui 
était  évident  par  cela  même  qu'ils  permettaient  alors 
aux  sujets  suédois  de  commercer  librement  avec  la 
France  et  l'Espagne  qui  étaient  dons  ce  temps  là  en 
guerre  ouverte  avec  l'Angleterre. 

Cet  exemple  est  d'autant  plus  favorable  aux  sujets 
prussiens,  que  ces  vaisseaux  suédois  étaient  pour  la  plu- 
part chargés  de  contrebande,  et  qu'on  poussait  les 
choses  jusqu'à  conduire  des  vaisseaux  de  guerre  même 
aux  ennemis. 

§.  16.  Quelle  longue,  sanglante  et  coûteuse  guerre 
n'a  (Ças  soutenu  l'Angleterre  contre  l'Espagne,  pour  dé- 
fendreN  '  la  liberté  de  son  commerce  et  de  la  navigation, 
parceque  les  Espagnols  visitaient  leurs  vaisseaux  dans 
le$  mers  d'Amérique,  pour  empêcher  la  conlrebÉOide. 

Dans  la  déclaration  dç  guerre  du  30  Octobre  1739 
l'Angleterre,  après  y  avoiï  déduit  ses  griefs  con]i*e  l'Es- 
pagne, s'expliquç  ainsi: 

Que  tous  ces  griefs  venaient  de  ce  qne  l'Espagne 
s'attribuait,  contre  toute  raison,  le  dl'oit  d'arrêter  et 
de  visiter  les  vaisseaux  anglais,  prétension  contraire 
au  droit  de  navigation  qui  appartenait  aux  Anglais 
aussi  bien  qu'aux  Espagnols ,  et  par  conséquent  con- 
traire au  droit  des  gens. 

Sur  ce  fondement,  l'Angleterre  dans  la  susdite  dé- 
claration de  guerre,  taxe  celle  prétensioa  de  mal  fon- 
dée, d'injuste,  de  dangereuse  et  qui  intéressait  toutes 
les  puissances  de  l'Europe,  et  l'on  soutient  dans  les 
mémoires  suivans  qui  ont  paru  de  sa  part,  que  l'Es-  . 
pagne    devait  se  contenter  fie  la  simple  présentation 


22      L  AFF.  DES  CAPIT.  HYF.  SUR  liA  SUjÉSIE, 

que  les  vaisêeaux  anglais  feraient  de  leurs  lettres  de 
mer  et  de  leurs  connaissemens  ;  et  c'est  lA  dcMus  que 
roulent  encore  jn^qu'i  cette  heure,  les  plaintes  de  la 
nation  britanuicpe  contre  les  garde -eûtes  d'Espagne. 

§•  17,  Ces  principes  constatent  évidenunent  le 
droit  des  sujets  prussiens,  et  portent  avec  d'autant  plus 
de  force  contre  les  armateurs  anglais,  que  TAngletcrre 
avait  les  bras  liés  vis-à-vis  de  l'Espagne  par  divers 
traités  de  paix  et  de  commerce  avec  cette  couronne,  au 
lieu,  que  n'y  ayant  aucun  traité  pareil  entre  la  Prusse  et 
l'Angleterre,  cette  affaire  ne  peut  ni  ne  doit  être  discu- 
tée que  selon  le  droit  des  gens, 

§.  18.  Tout  ce  qu'on  pourrait  accorder  i  la  nation 
anglaise  serait,  de  permettre  à  ses  armateurs  de  s^ir^-- 
former  des  t^isseaux  neutres  qu^ih  rencontreraient 
en  mèrji  et  qui  feraient  voile  pour  P Espagne  ou  la 
France ,  s'ils  n'avaier^t  point  de  contrebande  etc.  Mais 
il  n'était  nullement  besoin  de  visiter  ces  vaisseaux,  en- 
core moins,  de  les  conduire  de  force  dans  les  ports 
d'Angleterre  et  de  les  y  détenir  des  années  entières;  les 
armateurs  n'avaient  d'autre  droit  que  de  se  faire  exhî-» 
ber  leurs  lettres  de  mer,  connaissemens,  ou  certificats, 
pour  découvrir  s'il  s'y  rencontrait  de  la  coi^trebande. 

On  s'appuie  ici,  par  rapport  à  cet  usage,  sur  les 
principes  que  la  Grande-Bretagne  a  établis  elle  même 
dans  son  différend  avec  l'Espagne  et  en  conséquence 
desquels  elle  soutient,  que  l'Espagne  aurait  dû  se  con- 
tenter qu'on  eût  produit  à  sqs  armateurs  les  lettres  de  mer 

et  les  certificats.     Voyez  §.  16. 

• 

§.  19.  Et  comme  le  oroit  des  gens  se  vérifie  prin- 
cipalement par  les  exemples  et  les  traités  des  puissances 
maritimes,  on  en  appelle  ici  aux  plus  célèbres  ti*aités 
conclus  entre  lesdites  puissances,  et  où  l'on  est  convenu 
de  part  et  d'autre  d'en  agir  de  cette  façon.     C'est  ainsi 


£NTA£  liA  PKUSSJB  ET  li'ANGIi.J  EN  1752-      ^23 

qu'en  parlent  les  traités  conclus  entre  TAnglctcrre  et  la 
Hollande  de  l'an  1667  et  1668  art.  10. 

Du  Mont  y  Corps  diplom.  T.  VIL 

et  le  traité  de  commerce   de  1674,   dans  l'art.  5.   s'ex- 
prime ainsi: 

Lorsqu'un  vaisseau  hollandais,  destiné  pour  un  port 
ennemi,  rencontrera  en  pleine  mer  des  vaisseaux 
anglais  j  celui-- ci  s^arrêtera  à  une  certaine  distance 
et  le  vaisseau  anglais  lui  dépéchera  sa  clialoupe,  de 
laquelle  deux  ou  trois  hommes  se  rendront  sur  son 
bord  et  se  feront  produire  par  son  capitaine  ou  pa- 
tron ses  lettres  de  mer  et  de  certificat,  pour  se 
convaincre  s'il  y  a  de  la  contrebande^ 

§.  20.  La  saine  raison  dicte  suffisamment,  que  sans 
celte  précaution,  et  s'il  était  permis  aux  armateurs  d'at- 
taquer un  vaisseau  neutre  à  force  ouverte,  d'en  rompre 
et  briser  les  caisses  et  les  coffres,  de  \i^s  trainer  de 
force  dans  les  ports  d'Angleterre,  non  obstant  que  par 
leurs  certificats  ils  prouvassent  n'avoir  point  de  contre- 
bande etc.,  on  ne  saurait  se  faire  aucune  idée  d'un 
commerce  libre.  Quelle  nation  neutre  en  effet  se  ha- 
sarderait de  commercer,  si  elle  prévoyait  qu'après  avoir 
recouvré  la  relaxation  de  son  vaisseau,  elle  n'aurait 
aucune  réparation  à  attendre  des  dommages,  des  fraix, 
ni  des  insolences  qu'elle  aurait  essui^ées,  et  verrait  en- 
core ses  vaisseaux  neutres  condamnés  à  payer  aux  ar- 
mateurs les  fraix  de  leur  capture  etc.  ;  peut-on  nommer 
cela  un  commerce  libre?  Si  les  négocians  prussiens 
avaient  dû  négocier  sur  ce  pied  là,  la  perte  eût  toujours 
à  coup  sûr  surpassé  le  gain,  et  si  la  guerre  avait  duré 
plus  long-temps,  ils  eussent  agi  en  dépit  du  sens  corn- 
mui;  de  continuer  un  commerce  aussi  ruineux. 

§.  21.  Le  ministère  anglais  a  déclaré  expressément 
que  la  liberté  de  commerce  i  l'égard  des  vai^eaux  neu- 
tres devait  subsister  sur  Iç  mét^e  pie4  ^u(en  tatnps  c?^ 


24      L  AFF.  DES  CAPIT.  HYP.  SUR  liA  KiiiAlB, 

paix,  à  ^exception  des  munitions  de  guerre.  Ea  temps 
de  paix  on  n'arrête  point  les  vaisseaux  dans  leurs  cours, 
loin  de  les  trainer  dans  les  ports  d'Angleterre. 

§.  22.  Les  conséquences  naturelles,  qu'on  peut 
tirer  de  tout  ce  qui  est  dit  ci-^dessus,  c'est  qu'on  n'a 
nullement  laissé  aux  sujets  prussiens  le  commerce  libre 
comme  en  temps  de  paixj  malgré  les  lois  du  droit 
naturel  et  l'assurance  positive  qu'en  avait  donnée  le  mi- 
nistère anglais  5  mais  qu'au  contraire  par  là  le  conunerce 
desdits  sujets  a  été  ruiné ,  et  que  par  conséquent  les 
armateurs  anglais  sont  tenus  &  la  réparation  des  dom- 
mages qu'ils  ont  causés  aux  sujets  du  roi. 

§.  23.  L'Angleterre  ne  saurait  s'inscrire  en  faux 
contre  cette  conséquence,  vu  qu'elle  a  traité  elle-même 
de  violation  du  droit  des  gens,  comme  on  l'a  déjà  re- 
marqué ci -dessus,  le  procédé  des  Espagnols,  quand 
ceux-ci,  non  contens  de  la  production  des  lettres  de 
mer  et  des  certificats,  se  sont  mis  en  devoir  de  visiter 
les  vaisseaux  mêmes.      Voyez  §.  16. 

Deuxième  question. 

Si  lesdits  armateurs  anglais  ont  été  en  droit  d^ar^ 
rêter  en  pleine  mer  des  vaisseaux  prussiens,  sous 
le  prétexte  qu'il  sy  trouvait  des  marchandises  ap^ 
partenant  aux  ennemis  de  la  nation  britannique  ?  sHls 
ont  été  en  droit  de  les  conduire  dans  leurs  ports 
et  retarder  par  là  le  cours  de  leur  navigation? 

§.  24.  L'un  des  plus  forts  griefs  des  sujets  prussiens 
consiste,  en  ce  que  leurs  vaisseaux  chargés  en  France,  se  sont 
vus  arrêtés  en  pleine  mer,  lorsqu'ils  retournaient  chez 
eux,  et  conduits  par  les  armateurs  anglais  dans  les  ports 
d'Angleterre  ;  qu'après  y  avoir  été  détenus  pendant 
quelque  temps,  on  les  a  relâchés  à  la  vérité,  mais  qu'on 
en  a  confisqué   les  marchandises  de  France,  ou  qu'au 


ENTKB  liA  PRUSSE  ET  L'ANGL.  J  EN  1752.      25 

moins  on  a  exigé  de  l'équipage  qu'il  prouvât  que  les- 
dites  marchandises  appartenaient  en  propre  à  des  sujets 
prussiens,  qu'elles  ne  leur  étaient  point  données  en 
commission  par  des  marchands  français,  et  que  ceux-ci 
ne  s'étaient  point  chargés  des  risques  etc, 

§.  25.  Cette  conduite  est  non  seulement  contraire 
au  droit  des  gens,  mais  aussi  à  tous  les'  traités  qui 
jamais  furent  conclus  entre  des  puissances  maritimes. 

Car  si  1)  comme  on  ne  peut  en  douter,  il  était 
libre  aux  sujets  prussiens ,  tant  selon  le  droit  .des  gens, 
que  selon  l'aveu  formel  du  ministère  anglais,  de  com- 
mercer avec  l'Espagne  et  la  France,  il  s'ensuit  néces- 
sairement de  là,  que  ledit  commerce  devait  être  général 
et  pouvait  se  faire,  soit  par  achat,  soit  par  échange, 
soit  en  prenant  des  marchandises  françaises  en  com- 
mission etc. 

Or  par  un  conmierce  de  cette  nature  2)  on  ne  fai- 
sait aucun  tort  à  la  nation  anglaise,  puisqu'à  Tégard  de 
ces  vaisseaux  de  retour,  destinés  pour  des  ports  neutres, 
il  ne  pouvait  être  raisonnablement  question  de  contre- 
bande, qui  est  la  seule  exception  qui  puisse  avoir  lieu 
ici,  et  selon  le  droit  des  gens  et  suivant  la  déclaration 
du  ministère  anglais. 

Il  est  de  plus  incontestable  3)  que  les  ennemis,  selon 
la  raison  et  le  droit  des  gens  même,  sont  en  sûreté 
l'un  à  l'égard  de  l'autre  quand  ils  se  rencontrent  dans 
un  lieu  neutre,  et  que  par  conséqnuent  un  ennemi  ne 
peut  attaquer  son  .ennemi  dans  un  tel  lieu,  ni  se  saisir 
d'aucun  de  ^^^  effets.  Or  les  vaisseaux  prussiens,  quand 
ils  auraient  été  chargés  des  effets  appartenant  aux  en- 
nemis de  l'Angleterre,  étaient  un  lieu  neutre,  d'où  il 
s'ensuit,  qu'il  est  parfaitement  égal  d'enlever  ces  effets 
desdits  vaisseaux  neutres,  ou  de  les  enlever  sur  un  ter- 
ritoire neutre*  Cette  loi  du  droit  des  gens  se  trouve 
confirmée  par  cette  maxime  notable,  expressément  éta- 


26      I*  AÏ*F.  DES  CAPIT.  HYP.  SUR  LA  SlIiÉSUB^ 

blie  dans  les  traites  entre  l'Angleterre  et  la  Hollande  et 
entre  l'Angleterre  et  la  France,  que  les  vaisseaux  libres 
rendent  les  marcliandises  libres. 

X  quoi  il  faut  ajouter  4)  que  selon  la  déclaration 
de  lord  Carteret,  le  commerce  des  sujets  prussiens  de- 
vait être  aussi  libre  qu'en  temps  de  paix;  or  personne 
ne  doute  qu'en  temps  de  paix  il  ne  soit  permis  à  tout 
le  monde  de  négocier  par  échange,   par  commision  etc. 

5)  Tous  les  traités  conclus  entre  les  puissances 
maritimes,  sont  en  ceci  parfaitement  d'accord  avec  le 
droit  des  gens.  Cela  se  trouve  clairement  stipulé  â 
l'art.  8,  du  traité  de  1667  entre  l'Angleterre  et  la  Suéde. 

Du  Mont,  Corps  diplom.    T.  VII  /?.  37. 

et  dans  l'art.  8  du  traité  de  1674  cité  ci -dessus  il  y 
est  expressânent  décidé  : 

Que  les  eflêts  de  l'ennemi  qui  sont  sur  un  vais- 
seau neutre  ne  doivent  point  être  confisqués. 

La  même  clause  se  trouve  mot  à  mot  répétée  dans 
le  traité  de  commerce  de  1713  entre  rAnglclcrre  et  la 
Hollande  et  dans  celui  entre  la  Hollande  et  la  France. 

Du  Mont,  T.  FUI  p.  345  §.  17.  et  p.  377  §.  17. 

et  on  en  donne  pour  raison  celle  que  l'on  a  déjà  rap- 
portée, 

que  les  vaisseaux  libres  rendent  les  marchandises 
libresj 

raison  puisée  dans  le  droit  des  gens. 

§.  26,  Le  roi  se  tix)uve  donc  parfaitement  fondé 
d'exiger  une  répai'alion  convenable  des  dommages  cau- 
sés à  ses  sujets  par  l'injuste  procédé  et  détention  de 
leurs  vaisseaux,  sans  qu'il  soit  tenu  de  s'inquiéter  si 
les  marcliandises  avaient  été  données  en  commission 
pour  '  des  lieux  neutres  par  des  négocians  français ,  ou 
&'ils  s'étaient  chargés  d  en  courir  les  risque^, 


SNTRE  liA  PKUSSB  ET  Ii'ANGIi.J  EN  1752-      27 

Troisième  question. 

Si  lendits  armateurs  ùnt  été  en  droit  d'arrêter  en 
pleine  mer  d autres  vaisèeaux  neutres  j  comme 
étaient  ceux  de  Suède  y  de  Hollande,  de  Danemark^ 
de  Hambourg  etc.  frétés  eu  tout  ou  en  partie  par 
des  sujets  prussiens,  de  les  conduire  en  Angle^ 
terre,  de  les  y  détenir  des  années  entières^  et  de 
troubler  de  cette  manière  le  commerce  des  sujets 
prussiens  ? 

§.  27.  La  pièce  cî-joîntc  côtce  L.  B.  prouve  qu'il  a 
été  arrêté  en  pleine  mer  33  vaisseaux  neutres  ,  aux- 
quels les  sujets  prussiens  étaient  intéressés ,  et  que  les 
armateurs  anglais ,  au  lieu  de  se  contenter  de  la  pro- 
duction des  lettres  de  mer  et  des  connaissemens ,  qu'en 
faisaient  les  capitaines  pour  justifier  qu'ils;  n'avaient  à 
bord  aucune  contrebande ,  \es  ont  conduits  dans  des 
ports  d'Angleterre,  les  y  ont  détenus,  au  moins  plu- 
sieurs, des  années  entières,  et  que,  bien  qu'à  la  fin  ils 
fussent  relâcbés,  on  n'a  pas  laissé  de  les  condamner 
aux  fraix  de  captui'c  envers  les  armateurs. 

Ce  procédé  qui  a  troublé  le  commerce  des  sujets 
prussiens,  n'est  pas  seulement  contraire  au  droit  des 
^ejLS^  mais  il  est  aussi  diamétralement  opposé  au  con- 
tenu de  la  déclaration  du  ministère  anglais. 

On  suppose  d'abord  ici  que  tous  les  vaisseaux 
neutres  ont  eu  le  même  droit  que  les  vaisseaux  prus- 
siens ,  d'où  il  s'ensuit  qu'il  est  parfaitement  égal  que 
les  Prussiens  aient  chargé  leurs  marchandises  sur  des 
vaisseaux  prussiens,  ou  sur  des  vaisseaux  neutres. 

§.  28,  Le  ministère  anglais  fit  assurer  en  général 
la  cour  de  Berlin,  que  la  liberté  du  commerce  subsis- 
terait à  l'égard  des  puissances  neutres,  sur  le  même 
pied  qu'en  temps  de  paix  (à  l'exception  des  inunitions 
de  guerre). 


28      I.  -AFP.  DES  CAPIT.  HYP.  SUR  I-A  SILÉSIS, 

Comme  en  temps  de  paix  les  sujets  prussiens  char- 
geaieut  leurs  marchandises  sur  d'autres  vaisseaux  neutres, 
sans  avoir  à  craindre,  pourvu  qu'il  ne  s'y  rencontrât 
point  de  contrebande,  de  les  voir  conduire  dans  des 
ports  d'Angleterre,  ils  ont  de  bonne  foi  continué  leur 
commerce  sur  ce  pied  là,  se  reposant  sur  la  déclara- 
tion de  l'Angleterre  dont  le   roi  les  avait  fait  informer. 

§.  29.  Les  sujets  prussiens  n'auraient  jamais  cbargé 
leurs  marchandises  sur  ces  vaisseaux,  s'ils  avaient  pu 
prévoir  que,  contre  le  droit  des  gens,  les  principes 
reconnus  par  les  Anglais  mêmes,  et  contre  la  déclaration 
expresse  de  leur  mim'stëre,  ceux-ci  arrêteraient  tous  les 
vaisseaux  neutres,  qu'il  y  eût  de  la  contrebande  ou  non, 
qu'ils  les  détiendraient  des  années  entières  dans  leurs 
ports  de  mer,  et  les  relâcheraient  à  la  fin  sans  aucun 
dédommagement,  et  en  les  condamnant  même  aux  fraix 
de  la  capture. 

§.  30.  Il  est  certain  que  la  nation  anglaise  ne 
pouvait  trouver  un  meilleur  moyen  pour  porter  le  der- 
nier coup  au  commerce  des  sujets  prussiens,  que  de 
procéder  contre  eux  de  la  manière  qu'elle  l'a  fait,  d'où 
il  s^eusuit,  que  ceux-ci  sont  fondés  à  prétendre  une 
satisfaction  proportionnée  aux  dommages  et  aux  fraix 
que  leur  ont  causés  ces  illégitimes  détentions. 

Quatrième    question. 

Si  les  marchandises  chargées  soit  sur  des  uaisseaux 
prussiens ,  soit  sur  des  vaisseaux  neutres  par  les  su-^ 
jets  du  roi  y  et  qui  leur  ont  été  confisquées  en  vertu 
des  injustes  sentences  rendues  par  les  tribunaux 
(trkglaiSf  étaient  effectivement  de  contrebande? 

§.  31.  Les  armateurs  anglais  ayant  confisqué  sui^ 
trois  vaisseaux  prussiens  ou  neutres,  le  seigle  et  les 
bois  qui  y  étaient  chargés  (voyez  fi.  38),  ce  fait  donne 
lieu  aux  deux  questions  suivantes: 


ENTRE  liA  PRUSSE  ET  I-'ANGL.J  EN  1752.      29 

lesditea  marchandises  étaient-belles  de    contrebande 

ou  non? 
et, 

quels  sont  les  objets  réputés  de  contrebande  selon  le 

droit  des  gens? 

C'est  un  axiome  du  droit  des  gens,  qu'une  guerre 
entre  deux  puissances  ne  saurait  interrompre  ni  empê- 
cher le  commerce  des  puissances  neutres  avec  Tune  et 
Tautre  des  puissances  belligérantes,  et  qu'aucune  de 
celles-ci  ne  saurait  défendre  à  celle  qui  reste  neutre, 
Tusage  de  la  liberté  du  commerce  qui  lui  appartient  à 
cet  égard,  en  vertu  des  di*oits  naturels  :  et  que  par 
conséquent  le  commerce  de  toutes  sortes  de  marchan- 
dises est  régulièrement  censé  permis. 

§.  32.  On  n'excepte  ici  que  le  seul  cas,  où  des 
puissances  neutres  s'aviseraient  de  conduire  à  Tune  des 
parties  belligérantes  des  munitions  de  guerre,  ce  qui 
porterait  préjudice  à  l'autre;  et  c'est  là  ce  que  l'on  nomme 
contrebande, 

§.  33.  Le  célèbre  Grotius  dans  son  Traité  du  droit 
de  la  guerre  et  de  la  paix,  en  examinant  la  même  ques- 
tion, distingue  L.  3.  Cl.  §.5.  n.  2.  entre  des  .marchan- 
dises qui  ne  servent  uniquement  que  pour  la  guerre, 
et  celles  qui  serpent  et  dans  la  guerre  et  Jiors  de  la 
guerre. 

Il  met  hi  première  sorte  de. marchandises  au  rang 
de  la  contrebande,  mais  pour  la  dernière  il  ne  la  répute 
telle,  qu'au  cas  qu'on  l'envoie  à  des  places  assiégées 
ou  bloquées. 

§.  34.  La  Grande-Bretagne  a  dans  tous  les  temps 
parlé  sur  ce  ton ,  là ,  lorsque  des  puissances  neutres  lui 
demandaient,  de  s'expliquer  sur  ce  sujet. 

Lorsque  la  guerre  s'alluma  entre  l'Espagne  et  la 
reine  Elisabeth,  la  ville  de  Luteck  s'étant  informée 
quelle  sûreté  elle  aurait  pour  son  commerce  et  quelles 


30      ï.    AFF.  nES  CAPIT.  HYP.  SUK  I.A  SIT>ÉSIE, 

inarcl)Qii(]i.s(-f:   il    serait  jicrmis  d'envoyer  en    Espagne? 

la  reinv  lui  iït  rcponilre  : 

„qu'e.n  n'abstenant  d'envoyer  des  armes  et  d'autrea 
,,attiraila  de  guerre,    il  lui  était    libre    d'y  com- 
f,rpercer  avec  toute  sorte  de  marchamlisea." 
Seld.  mar.  claus,  L.  2.  cap.  30.  p.  423. 

Le  Sr.  Bond,  commissaire  sinîdois,  reçut  en  1653  à  une 

demande  pareille   une    semblable  réponse,   cl   lo  pai'Ie- 

ment  d'Angleterre  lui  fil  dire  : 

„cjue  hors  les  munitions  de  guerre,  il  permettait 
„aux  Suédois  de  commercer  par  tout  où  bon  leur 
„semblerait.  " 

Pujf.  Ter.  Suec.  L.  25.   §.  46. 

§.  35.  Le  nùnisière  anglais  dans  sa  déclaraiinn  au 
minislrc  de  Prusse,  ae  servit  des  propres  termes  de  Gro~ 
tius  et  déclara  du  premier  abord,  que  les  munitions 
de  guerre  seules  seraient  réputées  coutrclmnde.  (Voyez 
§•  2J 

Déclaration,  tjui  fut  ensuite  réilcrée  plus  en  détail 
et  dans  les  termes  suivuus  : 
„<ju'onn'enlendiiitaucitnement  porter  obstacle  au  com- 
„merce  des  sujets  prussiens,  pourvu  qu'ils  s'abs- 
„  tinssent  de  porter  aux  ennemis  de  la  nation  bri- 
„tannique  des  munitions  de  gueiTe  (dont  les  noms 
„  détaillés  se  trouvaient  dans  tous  les  traités  de  eoin- 
„  merce  des  puissances  maritimes)  cl  des  mmjîiions  ^e 
.„bouche  aux  places  assiégées  ou  bloijuées  etc.  et  qu'au 
„  surplus  la  liberté  as  commerce  subsistait  k  l'égard 
„tles  puissances  neutres  sur  le  même  pied  qu'en  temps 
„de  paix,'"   voyez  §.  3. 

Le  ministère  anglais  ne  s'est  pas  borné  U,  il  a  spé- 
cifié en  détail  tout  ce  qui  n'était  pas  contrebande  comme 
les  grains,  les  bois  et  tous  les  autres  matériaux  ipi'un 


ENTRE  LA  PRUSSE  ET  L'ANGL.;  EN  1572.      31 

emploie  à  la  construction  des  vaisseaux ,  les  cordages, 
les  voiles,  le  chanvr^e,  la  graine  de  lin,  les  toiles  etc. 

%.  36.  Tous  les  tx'aités  de  navigation  s'expliquent, 
par  rapport  à  la  contrebande,  de  la  même  manière. 
On  renvoie  à  ce  qui  a  été  dit  sur  ce  sujet  au  §.  5.  ci- 
dessus,  et  au  U*aité  de  commerce  de  1674  conclu  enli*e 
l'Angleterre  et  la  Hollande,  qu'on  y  a  cité  et  où  se 
trouve  exactement  détaillé  ce  qui  est  contrebande  et  ce 
qui  est  mai*chandise  libre* 

'  Les  marchandises  libres  et  de  contrebande  se  trouvent 
désignées  dans  les  mêmes  termes  au  §.  19  et  20  da 
ti'aité  de  commei'ce,  conclu  entre  l'Angleterre  et  la 
Hollande  en  1713. 

Du  Mont,  T.  y  ni.  p.  348. 

§.  37.  On  trouve  d'autres  traites  antérieurs  à  ces 
deux,  dans  lesquels  se  trouve  détaillé  de  la  môme  ma- 
nière, ce  qui  ne  doit  point  être  compris  sous  le  nom 
de  contrebande. 

C*est  ainsi,  qu'au  §.  3  du  traité  de  commerce  de 
1667  entre  la  Suède  et  la  Hollande,  on  ne  nomme  con- 
trebande que  les  seules  munitions  de  guerre,  et  que 
dans  le  §.  4,  l'argent,  toutes  sortes  de  grains,  le  sel, 
le  vin,  l'huile,  les  voiles,  les  draps,  le  chanvre  y  tous 
les  bois  de  charpente  et  tout  ce  qui  sert  à  la  construc^ 
tion  des  vaisseaux,  les  ancres  etc.  sont  mis  au  nombre 
des  marchandises  libres. 

Du  Mont,    T.  r IL  P.  i.  p.  37. 

§•  38.  n  suffit  de  jetter  les  yeux  sur  les  marchan- 
dises qui  ont  été  confisquées  en  Angleterre  aux  sujets 
prussiens,  pour  se  convaincre,  qu'il  n'y  en  a  aucune 
qui,  selon  le  droit  des  gcnsj  les  traités  de  commerce 
et  les  déclarations  du  ministère  anglais,  puisse  passer 
pour  contrebande. 


32      I.   A  FF.  DES  CAPIT.  HYP.  SUK  liA  SILKSIE^ 

Car  on  confisqua  du  vaisseau  prussien,  les  Jumeaux, 
une  charge  de  bois,  du  vaisseau  hollandais  les  Trois 
soeurs,  une  pareille  charge  de  bois,  et  du  vaisseau  prus- 
sien, le  Soleil  d'or,  une  cargaison  de  seigle,  toutes 
marchandises  expressément  exceptées  de  la  contrebande 
dans  la  déclaration  du  ministère  anglais. 

§.  39.  Si  le  ministère  anglais  avait  déclaré  dès  le 
commencement,  qu'il  regardait  ces  marchandises  comme 
de  contrebande,  le  roi  n'aurait  pas  manqué  de  faire 
avertir  ses  sujets  de  n'en  poifit  hasarder  l'envoi,  jus- 
qu'à ce  que  l'on  fût  convenu  là- dessus  avec  la  cour 
d'Angleterre  5  mais  le  ministère  anglais  ayant  positive- 
ment déclaré  qu'il  regardait  les  dites  mai^chandises  comme 
libres,  et  le  roi  ayant  fait  part  de  cette  déclaration  à 
ses  sujets,  }e  susdit  ministère  ne  peut  en  aucune  ma- 
nière justifier  le  procédé  de  ses  armateurs. 

§.  40.  Le  ministère  actuel  de  l'Angleterre  cherche 
vainement  à  justifier  le  procédé  des  armateurs,  par  une 
raison  qui  choque  également  et  le  sens  commun,  et  les 
usages  reçus  par  tous  les  peuples  policés. 

On  avance  que  le  précédent  ministère  n'a  pas  été 
en  droit  de  faire  de  son  chef  de  semblables  déclara- 
tions,, et  de  déterminer  contre  la  disposition  des  lois 
du  pays,  ce  qui  était  conti*ebande  ou  ce  qui  était  mar- 
chandise libre. 

§.  41.  On  en  appelle  à  tout  l'univers,  s'il  est  per- 
mis entre  puissances,  d'user  de  tels  fauxfuyans. 

On  sait  1)  qu'il  est  d'usage  que  les  princes  ne 
traitent  avec  les  envoyés  étrangers,  que  par  l'entremise 
de  leurs  ministres;  on  est  donc  obligé  d'ajouter  foi  à  ce 
que  ceux-ci  déclarent  au  nom  de  leurs  maitres  aux 
envoyés  qui  friiitent  avec  eux  5  on  y  est  forcé  surtout 
lorsque  les  mim'stres  refusent,  comme  en  cette  occasion, 
de  s'expliquer  par  écrit. 


EKTRE  LA  PKU8SE  BT  li'ANGIi.  J  EN  1752-      33 

2)  Qui  plus  est,  la  susdite  déclaration  n'a  point  été 
faite  par  un  ministre  seul;  mais  bien  par  les  deux  mi- 
nistres secrétaires  d'état  qui  se  sont  succédés  dans  le  même 
emploi  et  &  différentes  époques,  et  toutes  les  fois  au 
nom  de  S.  M.  Britannique*  Serait -il  à  présumer  que 
deux  ministres  9  dont  l'intégrité  et  le  zèle  patriotique 
sont  si  universellement  reconnus ,  se  fussent  oubliés 
au  point  de  déclarer,  au  nom  de  leur  maître,  une 
chose  sur  laquelle  il  ne  leur  eût  pas  donné  ses  ordres^ 
de  tromper  d'une  façon  aussi  indigne  tme  puissance 
étrangère  son  alliée,  et  de  tendi*e  aux  sujets  de  cette 
puissance  des  pièges   aussi   dangereux? 

D'ailleurs  on  a  déjà  fait  voir  3)  que  les  susdits  mi- 
nistres n'ont  rien  accordé,  que  ce  qui,  selon  le  droit 
des  gens  et  tous  les  traités  entre  puissances  maritimes, 
est  toujours  regardé  comme  marchandises  libres. 

§.  42.  On  a  remarqué,  il  est  vrai,  par  certaines 
sentences  émanées  des  tribunaux  d'Angleterre,  qu'on  a 
confisqué  la  cargaison  de  quelques  vaisseaux  neutres, 
sur  lesquels  étaient  chargées  des  marchandises  prus- 
siennes ,  et  il  semblerait  du  premier  coup  d'oeil ,  que 
dans  un  tel  cas,  les  sujets  prussiens  ne  seraient  en  droit 
d'exiger  le  dédommagement  que  des  maîtres  ou  pro- 
priétaires du  vaisseau. 

On  n'en  disconvient  pas,  et  l'on  tombe  d'accord, 
que,  si  le  vaisseau  neutre  eût  porté  de  la  contrebande, 
les  sujets  prussiens  n'eussent  pu  avec  justice  prétendre 
à  aucune  mdemnîsation  ;  mais  comme  ils  assurent  for- 
mellement, ainsi  que  les  capitaines  desdits  vaisseaux, 
que  l'on  n'y  a  point  eu  de  la  contrebande,  et  que  par 
les  sentences  même  des  tribunaux  anglais  il  paraît  clai- 
rement, que  les  eiFets  confUqués  n'étaient  nullement  de 
contrebande,  ce  prétexte  ne  peut  sm^vir  de  rien  aux 
armateurs,  ni  les  exempter  de  réparer  les  dommages 
qu'ils  ont  causés. 

II.  3 


34    L  AFF.  DBS  cafit;  htp.  sxm  la  8iLisi% 

$.43.  n  eit  donc  démontré,  qu'on  a  violé  mani- 
festemenit  le  droit  des  geni  et  contrevenu  directement 
aux  assurances  données  par  le  ministère  anglais,  lora<pie 
l'on  a  arrêté  des  vaisseaux  neutres  qui  ne  portaient 
point  de  contrebande,  et  qu'on  a  par  là  causé  un  domr 
mage  très-considéraible  aux  sujets  prussiens. 

•  •  a  1 

Cinquième  question. 

Si  le  ministère  anglais  a  été  en  droit  de  renvoyer  à 
un  tribunal  de  marine  établi  en  Angleterre,  la  dé^ 
cision  des  différends,  de  la  nature  de  ceux  qu^on  a 
examinés  dans  les  questions  précédentesy  et  qui  s^a^ 
giteht  entre  deux  puissances  libres,  et  de  vouloir 
obliger  la  puissance  lésée  qui  demande  satisfaction, 
à  s* en  tenir  à  ses  décisions? 

§.  44.  Le  ministère  anglais,  dans  presque  tous  les 
cas  où  les  ministres  de  Prusse  lui  firent  des  représen- 
tations au  sujet  des  déprédations  et  insolences  commises 
en  pleine  mer  contre  des  sujets  prussiens,  leur  déclara: 

que  le  roi  d'Angleterre  avait  établi  dans  ses  états  des 
tribunaux  exprès,  pour  examiner  et  décider,  selon  les 
loix  d'Angleterre,  toutes  les  prises  sur  lesquelles  il 
y  avait  contestation,  et  pour  administrer  la  justice  â 
un  chacun,  lesquels  ne  manqueraient  pas  aussi  de 
rendre  justice  aux  sujets  prussiens  s'ils  les  trouvaient 
fondés  dans  leurs  plaintes.  Qu'au  surplus,  ni  le  roi 
de  la  Grande-Bretagne  ni  son  ministère  ne  pouvaient, 
ni  changer,  ni  se  départir  de  cet  usage  ou  constitu- 
tion de  Tétat  établi  dans  le  pays. 

§.  45.  On  ne  saurait  s'empêcher  de  demander  id, 
de  quel  droit  le  ministère  anglais  s'arroge  celui  d'entrer 
en  connaissance  de  cause  et  d'exercer  une  sorte  de 
jurisdiction  sur  un  souverain  neutre,  sur  ses  sujets  et 
ses  vaisseaux  arrêtés  dans   un  lieu  qui  n'est  point   de 


EHT&S  I-A  PRUSSE  ET  l^^ANOIi.;  EN  1752.      35 

la  domination  de  l'Angleterre^  et  où  les  vaisseaux  prus- 
siens ont  autant  de  droit  que  ceux  des  Anglais? 

§.  46.  Comment  l'Angleterre  aurait -elle  jugé  le 
roi,  si  dans  la  dernière  guerre  du  nord,  il  eût  saisi 
indifféremment  tous  les  vaisseaux  anglais  qui  commer^ 
çaient  aux  provinces  septentrionales,  les  eût  arrêtés  en 
pleine  mer,  les  eût  visités  et  les  eût  fait  conduire  dans 
ses  ports,  et  donné  ensuite  à  décider  au  collège  de 
son  amirauté,  s'ils  étaient  de  bonne  prise,  les  eût  relâ- 
chés sans  aucun  dédommagement  après  des  procédures 
de  deux  à  trois  ans,  et  condamnés  encore  an  paiement 
de  deux,  trois  jusqu'à  quatre  mille  écus  pour  fraix  de 
capture  et  de  justice? 

§.  47*  Quand  deux  puissances  se  trouvent  avoir 
entr'elles  quelques  différends,  on  ne  peut  d'aucun  des 
deux  côtés  en  appeler  aux  loîx  du  pays,  parceque  l'une 
des  deux  parties  ne  les  reconnaît  point 5  l'aiBaire  se 
traite  alors  par  voie  de  négociation,  et  de  cour  à  cour^ 
et  le  différend  ne  se  décide  du  consentement  des  deux 
parties,  que  selon  le  droit  des  gens,  ou  par  des  prin- 
cipes qui  s'y  trouvent  fondés. 

§.  48.  n  aurait  été  néanmoins  très -indifférent  au 
roi,  que  c'eût  été  le  ministère  anglais  ou  les  tribunaux 
de  cette  nation,  qui  eussent  rendu  justice  à  ses  sujets; 
mais  comme  ces  tribunaux,  contre  le  droit  de  la  nature 
et  des  gens ,  n'ont  procuré  auxdits  sujets  prussiens  aucune 
réparation,  on  croit  le  ministère  anglais  trop  raisonnable, 
po,ur  ne  pas  juger  par  lui-même,  que  le  roi  est  bien 
fondé  de  son  côté,  à  ne  pas  reconnattre  la  jurisdiction 
desdits  tribunaux  pour  compétente,  bien  loin  de  se  sou- 
mettre à  leurs  injustes  décisions. 

§.  49.  E^  comme  les  ministres  anglais  se  sont  tou- 
jours obstinés  y  toutes  les  fois  qu'on  leur  a  fait  des  re- 
présentations   au   nom   du  roi,   à  renvoyer  ces  sortes 

3* 


36      I*    A  FF.  DES  CAPIT.  HYP.  SVK  LA  SILlÉSIE, 

d'affaires  â  la  décision  de  leurs  tribunaux  et  de  leurs 
loix  9  S.  M.  Prussienne  y  jouissant  des  mêmes  droits  et 
prérogatives  que  S.  M.  Britannique,  s^est  vue  contrainte 
par  là  9  de  conmiettre  dans  ses  états  Texamen  des  griefii 
de  ses  sujets  à  ses  propres  tribunaux.  Le  roi  &  cet  efiêt 
a  établi  une  commisd«m,  composée  de  conseillers  versés 
dans  les  affaires  dé  justice  aussi  bien  que  dans  celles 
de  commerce  9  chargée  ^  sous  la  direction  de  quaCi^  dé 
ses  ministres  9  d'examiner  les  griefs  de  ses  sujets  ^  selon 
les  loix  du  droit  des  gens  universellement  reçu^  et  de 
constituer  en  conscience  et  selon  leur  devoir  un  quan- 
tum précis  et  liquidé ,  de  ce  à  quoi  les  dommages  de 
ses  sujets  peuvent  monter. 

§.  50.  C'est  aussi  ce,  que  la  commission  a  efleçti*^ 
vement  exécuté;  elle  a  exigé  des  preuves  légales  de 
cbaque  liquidation  des  dépens;  elle  a  modéré  d'une 
manière  équitable  les  articles  qui  paraissaient  surchar- 
gés ;  elle  a  débouté  de  leur  prétension  ceux  des  plai- 
gnans  qui  n'ont  pas  su  les  vérifier  dans  les  formes,  et 
par  conséquent  elle  a  agi  en  tout  et  rendu  justice  sans 
aucun  égard  à  la  personne  et  avec  la  plus  grande  im- 
paitialité. 

Sixième   question. 

Et  enfin  si,  au  contraire,  le  roi  n'est  pas  pleinement 
fondé  de  déférer  à  Varrét  que  ses  sujets  l'ont  sup- 
plié de  rn^tre  sur  les  capitaux  anglais^  stipulés  par 
la  paix  de  Breslau  et  de  Dresde,  qui  se  trouvent 
entre  ses  ?fiains ,  pour  procurer  à  ses  sujets  les  &'- 
domniageinens  et  la  réparation  convenables  des  vio^ 
lencès  exercées  contre  eux,  par  les  armateurs  anglais^ 
en  dépit  du  droit  des  gens  et  malgré  les  déclarations 
formelles  et  réitérées  par  le  ministère  anglais  i  et 
si  le  roi  nest  pas  en  droit  d'indemniser  ses  sujets 
sur  ces  capitaux,  puisqu'on  leur  a  si  long ^ temps 


BKTRE  LA  PRUSSE  ET  L'ANGIi.J  EN  1752-     37 

dénié  toute  la  justice  qu^ils  étaient  fondes  de  de^ 
mander. 

§.  51.  On  a  prouvé  dans  ce  qiiî  précède,  que  les 
sujets  du  roi  ont  des  prétensions  légitimes  à  former 
contre  les  armateurs  anglais,  on  y  a  vu,  que  depuis 
1745  jusqu'à  présent  on  n'a  pu  obtenii*  aucune  satis- 
faction du  ministère  anglais  ;  et  enfin  on  vient  de  voir 
tout  à  rheure,  que  le  roi  a  fait  examiner  par  une  com- 
mission établie  dans  s^s  états  le  quantum  précis  des- 
dites préteusions^  lequel  monte  à  194,725  écus,  14  gros; 
5  deniers,  y  compris  Iqs  intérêts  jusqu'au  10  Juillet 
1752.  Il  ne  reste  donc  plus  que  d'examiner  les  moyens 
par  lesquels  on  puisse  procurer  aux  sujets  prussiens 
la  satisfaction  et  le  dédommagement  de  leurs  pertes. 

§,  52.  C'est  une  règle  établie  et  par  la  raison  et 
|>ar  le  droit  des  gens,  que  lorsqu'un  souverain  dénie 
aux  sujets  d'un  autre  la  justice  que  ce  dernier  le  fait 
requérir  et  solliciter  de  leur  rendre,  ou  qu'il  ne  leur 
rend  pas  bonne  justice;  tant  le  souverain  que  ses  sujets 
en  sont  responsables  en  leur  pur  et  privé  nom. 

Grot.  Droit  de  la  G.  et  de  la  P^  i.  3.  c  2.  §.  2. 

Il  a  été  établi  par  le  droit  des  gens,  que  tous  les 
biens  des  sujets  d'un  état  seraient  comme  hypothé- 
quées pour  ce  que  l'état  ou  le  chef  de  l'état  doivent 
ou  directement  et  pxu*  eux-mêmes,  ou  en  tant  que 
faute  de  rendre  bonne  justice,  ils  se  sont  rendus  res-* 
ponsables   d'une   dt^tte  d'autrui. 

Groi.  Droit  de  la  G.  et  de  la  P.  L,  3,  r.  13. 

$•  1.  n.  2. 

non  seidement  les  biens  du  débiteur  ^nt  comme  hy- 

.   pothéqués  au  créancier ,  mais  eux^ore  ce  qui  appartient 

à  ses  sujets,    qui  sont  comme   répondans  de  la  dette. 

Grot,  L.  3.  c.  2.  §.  5  et  7. 

eu  ce  cas  là  on  peut  se  saisir  ou  des  personnes  ou 


38      I.   AFF.  BSS  CAPIT.  HTF.  SUA  lâA  BLLÉSiX^ 

des  effets  mobiliaires  des  sujets  du  souverdii,  cpii 
fuse  de  rendre  justice.  Cela  n'est  pas  &  la  vérité  auto- 
risé par  le  droit  de  nature,  mais  l'usage  l'a  établi  pres- 
que par  tout; 

où  il  allègue  plusieurs  exemples  de  l'antiquité. 

$.  53.  Ce  principe  du  droit  des  gens  est  fondé 
sur  la  raison  naturelle ,  parceque  les  sujets  sont  censés 
approuver  le  fait  de  leur  souverain  et  souscrire  à  son 
jugement,  d'où  il  s'ensuit  naturellement,  qu'ils  en  ré» 
pondent,  et  que  quand  tout  autre  moyen  manque,  c'est 
à  leur  propre  bien  qu'on  doit  s'en  prendre, 

$•  54.  Or,  puisque  le  roi  se  trouve  avoir  en  main 
certains  capitaux  appartenans  â  des  sujets  anglaia,.  et 
qui  doivent  leur  être  payés  i  la  décliarge  de  la  Sflésie, 
personne  ne  peut  désapprouver,  si  usant  du  droit  des 
gens,  et. sur  les  instances  faites  par  ses  sujets,  S.  M. 
arrête  ces  capitaux^  et  s'en  sert  pour  les  indemniser, 

$.  55.  Le  ministère  anglais  a  d'autant  moins  lieu 
de  se  récrier  sur  ce  qu'on  choisit  un  moyen  si  modéré, 
puisque  lui-même  dans  un  cas  semblable  et  avant  d'a- 
voir déclaré  la  guerre  à  l'Espagne,  l'a  suivi  pendant 
plusieurs  années* 

$.  56.  C'est  à  regret  que  le  roi  se  voit  dans  la 
nécessité  d'en  venir  à  cette  extrémité,  dont  les  suites 
retombent  sur  des  individus  appartenant  à  une  nation 
pour  laquelle  S.  M.  a  toujours  eu  une  considération  toute 
particulière,  exti*émité  à  laquelle  il  n'aurait  jamais  eu 
recours ,  s'il  avait  eu  d'autres  moyens  de  procurer  satis- 
faction à  ses  sujets. 

$.  57.  Le  roi ,  en  agissant  ainsi ,  ne  fait  que  suivre 
les  règles  dictées  par  la  plus  exacte  justice.  Il  ne  peut, 
sans  manquer  à  ses  devoirs  de  souverain  et  à  sa  gloire, 
refuser    de    protéger  ses    sujets,    qui   n'ont    commercé 


J^NTRE  IiA  PKUSSB  IfiT  JU'ANGIi.  J  EN  1752-      39 

qu'en  se  reposant  sur  la  déclaration  royale  j-  fondée  «itir 
la  parole  donnée  par  les  ministres  anglais*  /   . 

$.  58.  Les  sujets  anglais,  qui  sont  les  plus  iiitére^ 
ses  dans  cette  affaire,  trouveroiit  peut-^^tre  moyens,  & 
Taide  du  parlement,  d'inspirer  au  ministère  anglais  des 
sentimens  plus  équitables,  ou  de  forcer  les  armateurs 
au  paiement  réel  dès  sommes  liquidées  dont  ils  sont 
comptables  aux  sujets  prussiens,  à  quel  eflfet,  'cebx-iîl 
transportent  dès  «e  moment  aux  rentiers  intéressés  'à  hî 
dette  de  la  Silésie  tous  les  droits,  qu'ils  ont  contre  les 
susdits  armateurs.  .  •     i        .        , 

§.  59.  On  ne  ^comprend  pas  ce  qu^entend  le  «air. 
nislère 'anglais,  'lorsqu'il  prétend  que  PAnglefeevre  sb 
trouverait  dégagée  de  la  garantie  de  la  Si)ésie,^U' mo- 
ment que  le  paienient  de.  ces  capitaux,  gf^rantis  aux 
Stujets  anglais  par  les  traités  de-  paix  de  Breslau  et.  de 
Dresde ,  et  en  vue  desquels  seulement,  la  garantie  de  I^ 
Silésie  avait  été  accoi*dée,  serait  interj^omp^^  i)  ^^ifible, 
que  dans  le  cas  en  question,  le  ministère  anglais  a  de 
nouveau  perdu  de  vue  le  droit  de»  gén^,  car  il  n'est 
point  question  ici,  ni  de  la  précédente  paix,'  ni  ^u  mo^ 
tif  par  lequel  elle  a  été  èbncljde;  niais  dSine  nowéltè 
offense  faite  après  la  conclusion  de  la  paix,  par  les 
sujets  anglais  à  ceux  du  rof,  et  c'est  ceàîe  ^nouvelle  in- 
jure qni  engage  le  roi  à  user  de  représailles  '  pour  en 
tirer  satisfaction. 

§.  GO.  CTest  un  fait  constant,  que  ce  ne  fut  qu'a- 
près la  paix  de  Breslau  de  1742  et  celle  de  Dresde  de 
1745,  eonfirmalîve  de  la  précédente  (par  lesquelles  d\in 
côté,  le  i^oî  s'engagea  à  payer  k  Aes  sujets  anglais' plus 
d'un  milb'ou  hypothéqué  sur  la  Slésic,  et  d'autre  part, 
le  roi  de  la  Grande-Bretagne,  conaone  compris  dans  \i 
même  paix,  se  chargea  de  ta  garantie  de  ce  traité)  ce 
ne  fut  que  depuis  que  les  armateurs  anglais -^conuxieni- 
icèrent,  malgré  le  droit  des  gens  et  les  asaojwices.posi- 


40      L  AFF.  DBS  CAPIT.  HTP.  SUR  LA  SIL^SIS, 

tives  da  ministère  de  cette  nation,  &  insulter  taitt  les 
vaisseaax  prussiens  que  les  vaisseaax  neutres,  ma*  les- 
quels les  l^ussiens  avaient  chargé  des  marcbandises  per- 
mises, qu'ils  pillèrent  les  uns  et  trainèrent  les  autres 
de  force  dans  des  ports  d'Angleterre,  d'où  aprèff  les 
avoir  détenus  dçs  années  ^tières,  ils  les  ont  relftchés 
à  la  iin,  sans  leur  donner  aucune  satisfaction  de^  tloin- 
mages  et  fraix  que  la  détention  leur  avait  causés  ^  €t  eu 
les  condamnait  même  à  ceux  de  capture* 

* 

$•  01.  Il  est  donc  question  ici  d'une  nout^elle  of- 
fense, qui  ne  tire  point  son  origine  de  la  précédente 
guerre,  et  qui  n'a  point  de  rapport  avec  elle,  mais  qui 
demande  pari  elle-même  une  nwweUe  réparation, 

$,  62.  Le  roi,  pour  obtenir  réparation  de  cette 
noui^lle  offensç,  est  fondé  dans  le  droit  des  gêna,  de 
s'en  prendre  aux  capitaux  des  sujets  anglais,  qu'il  ae 
trouve  avoir  en  mains,  aussi  long-temps  que  ses  sujets 
ne  seront  pas  indemnisés.    (Voyez  ci -dessus  §.  52.  A3.) 

Ç,  Q3.  L(a  paix  précédente  ne  reçoit  par  11  aucune 
atteinte,  puisque,  selon  le  droit  des  gens,  la  réparation 
d'unç  nouvelle  offense  peut  être  poursuivie  (salua  pace) 
sans  interrompre  la  paix^ 

$.  64.  L'illustre  Grotius  décide  nettement  la  ques*^ 
tion  par  un  principe  fondé  sur  la  raison  naturelle  : 

c'est  une  question  (dit -il)  qui  se  présente  tous  les 
jours,  et  qui  est  souvent  débattue,  quand  c'est,  que 
la.  paix  peut  être  régardée  comme  rompue  cai*  autre 
cbose  est  fournir  un  nouveau  sujet  de  guerre  par 
une  nouvelle  offense,  et  autre  chose  est  rompre  la 
paix* 

n  y  donne  un  exemple  pareil  au  cas  que  l'on  vient 
d'examiner  ici: 

s'il  arrive,  qu'après  la  paix  conclue,  l'une  des  parties 
contractantes   fait   violence  aux  sujets   de  l'autre,   et 


ENTRE  li A  PRUSSE  ET  li^ANGI/.  ;  EN  1752.      41 


par  conséquent  l'offense  de  nouveauj  la  paix  ne 
pas  de  subsister,  mais  alors  la  partie  offensée  peqt 
(aalva  pace)  sans  violer  la  paixj  recommencer  lu 
guerre  pour  ce  nouveau  sujet. 

Qrot.D.  delaG.etdelaP.  L.3.  c.20.  §.  28  et32 
et  c.  20l  §.  32  et  §.  33.  n.  3. 

§.  65.  Si  donc  la  paix  conclue  entre  deux  parties 
en  guerre,  subsiste  même  après  que  Tune  des  parties 
contractantes  a  souiFert  de  nouveaux  actes  d^hostilité  de 
la  part  de  Pautre,  à  combien  plus  forte  raison  ne  doit- 
on  pasVegarder  la  paix  comme  subsistante,  lorsque  ce 
n^est  que  le  médiateur  et  le  garant  de  cette  paix,  qui 
par  une  nouvelle  injure  donne  lieu  à  l'un  des  contrac- 
tans ,  de  mettre  arrêt  sur  des  cboses  âtipnlées  dans  cette 
paix,  jusques  à  ce  qu*il  ait  obtenu  satisfaction  de  cette 
nouvelle  injure. 

$.  66.  Mais  quand  on  s'aviserait  de  soutenir  contre 
toute  raison,  que  du  moins  un  pareil  arrêt  anéantirait 
la  garantie  promise  au  traité  de  Breslau  et  de  Dresde,^ 
celle  qui  est  stipulée  à  Fart  22  de  la  paix  d'Âix-la- 
Chapelle  du  18  Octobre  1748,  ne  laisserait  pas  de 
subsister  toujours  dans  toute  sa  force.  En  tout  cas  le 
roi  se  trouverait  aussi  dégagé  de  celle,  qu'il  a  donnée 
à  l'égard  de  la  succession  de  1&  façiille  régnante  en  ' 
Angleterre,  et  de  celle  des  États  Electoraux  de  Hanovre. 

$.  67.  Il  est  donc  clair  par  tout  Ce  qui  est  dit 
ci* dessus,  que  malgré  l'arrêt  mia  sur  les  capitaux  an- 
glais hypothéqués  sur  la  Silésie,  la  paix  de  Breslau,  et  par 
conséquent  la  garantie  du  roi  de  la  (xrande- Bretagne 
et  de  l'Angleterre,  qui  y  est  contenue,  subsistent  en 
leur  entier;  garantie,  que  le  roi,  si  l'occasion  s'en  pré- 
sente, saura  faire  valoir  en  son  temps. 

Le  duc  de  Nevircastle  ayant  mis  sous  les  yeux  du 
roi  d'ÀDgleterre  l'exposé  ci-dessus  ainsi  que  le  mé- 


42      J-  AFF.  DES  CAPIT.  HYP.  SUE  JLA  SILÉSIE, 

moire  de  M.  Mîchell,  et  tous  les  antres  papiers  relatifë 
à  cette  afiaire,  S.  M.  Britannique  nomma  une  commis- 
sion composée  de  quatre  jurisconsultes,  pour  juger  sur 
la  nature  et  la  régularité  des  procédures  de  la  com- 
mission prussienne,  ainsi  que  de  prononcer  sur  le 
droit  de  représailles  dont  le  roi  de  Prusse  préten- 
dait pouvoir  se  prévaloir  envers  les  négodans  an- 
glais. Quand  cet  examen  fat  terminé,  le  duc  de 
Newcastle  eut  ordre  d'écrire  la  lettre  ci -après  a 
M.  Michell,  et  de  l-aocompagner  du  rapport  présenté 
à  S.  M.  par  la  commission  le  18  Janv.  1753* 

N«-  VI. 

Lettre  du  duc  de  Netccastfe,  adreuée  par  ordre  de 
S.  M.  Britannique j  à  M,  Michel/,  tecrétaire  d'ambas» 
gade  de  S,  3L  Prusiienne. 

Whîtehall,  le  8  Février  1753, 
Monsieur, 

Je  n'ai  pas  tardé  à  meure  sous  les  yeux  du  roi ,  le 
mémoire  que  vous  m'avez  présenté  le  23  Nov.  dernier, 
avec  les  pièces  dont  il  était  accompagné. 

S,  M,  en  a  trouvé  le  contenu  si  extraordinaire,  qu'elle 
iTa  pas  voulu  y  faire  réponse,  ni  prendre  de  résolution 
là-dessus,  avant  que  d'avoir  fait  mûrement  examiner  le 
mémoire  ainsi  que  l'exposition  d^s  motifs  etc.  que 
vous  me  remîtes  peu  de  temps  après,  pour  servir  de 
justification  de  ce  qui  s'était  passé  à  Berlin;  et  avant 
que  d'être,  par  là,  en  état  de  mettre  dans  leur  véri- 
table jour ,  les  procédures  des  cours  d'amirauté  d'ici, 
afin  que  S.  M.  Prussienne,  et  tout  le  monde,  fût  bien 
instruit  de  la  régularité  de  leur  conduite,  dans  laquelle 
elles  paraissent  avoir  suivi  la  seule  méthode  qui  ait 
jamais  été  pratiquée  chez  les  nations,  où   des  disputes 


SKTRB  I«A  PRUSSE  ET  I^'ANGIi.;  EN  1752«      43 

de  cette  nature  ont  pu  avoir  lieu;  et  s'être  conformées 
exactement  au/ droit  des  gens,  universellement,  reconnu 
comme  ;  règle  unique  dans  des  cas  pareils,  lorsqu'il 
n'est  rien':  stipiulé  dé  contraire  par^  des  traités  particu- 
liers entre  les  puissances  intéressées. 

Cet  examen,  et  la  pleine  connaissance  des  faits  qui 
en  a  résulté,  feront. voir  si  clairement  rirrégularité  du 
procédé  des  personnes  à  qui  cette  affaire  a  été  renvoyée 
à  Berlin,  que  Ton  se  promet  de  la  justice  et  du  discer- 
nement de  S.  M."Prùssiei)ne,  qu^elle  en  sera  couvain- 
eue,  et  révoquera  l'arrêt  qe'elle  a  mis  sur  les  capitaux 
assignés  sm*  la  Silésie;  du  paiement  desquels  elle  s*est 
chargée  envers  Tlmpératrice-Reinef  et  dont  le  rembour- 
sement a  fait  un  article  formel  des  traités  par  lesquels 
la  cession  de  ce  duché  a  été  faite;  '    '.   .       ' 

Pai  donc  les  ordres  du  roi,  de  vous  envoyer. kr 
rapport  qui  a  été  fait  à  S.  M,  sur  les  pièces  susmen- 
tionnées, par  le  chevalier  Lee,  juge  de  la  cour  piima- 
tiale,  le  docteur  Paul,  avocat -général  du  roi  aux  tri- 
bunaux de  droit  civil,  le  chevalier  Ryder,  procureur- 
général,  et  M.  Murray,  solliciteur -général  de  S.  M! 
Ce  rapport  est  foDfdé  sur  les  principes  reçus  du  droit 
des  gens,  et  reconnus  par  les  autorités  les  plus  respec- 
tables chez  toutes  les  nations. 

Les  points  sur  lesquels  toute  cette  affaire  roule,  et 
qui  sont  décisifs  y   sont  : 

1)  Qu'on  ne  prend,  ni  ne  peut  prendre  connais- 
sauce  des  affaires  de  cette  nature,  que  dans  les  tribunaux 
de  la  puissance  chez  qui  la  saisie  se  fait;  et  "ptàf 
conséquent,  qu'il  est  contraire  à  la  pratique  notoire  de 
toutes  les  nations,  dans  ces  cas  semblables,  d'ériger  des 
cours  ou  des  juiisdictions  étrangères  pour  en  juger; 
procédé,  par  conséquent,  qu'aucune  nation  ne  peut 
admettre. 

2)  Que  ces  cours,  qu'on  appelle  généralement  des 
cours  d'amirauté,    et  qui  comprennent,  tant   les  cours 


44     I-  AFF.  BBS  CAPIT.  HYF.  8UB  LA  SILlâfllBy 

inférieures,  qiie  les  cours  d'appel,  décident  toujours 
uniquement  selon  le  droit  des  gens  universel;  excepté 
dans  les  cas  où  il  y  a^  entre  les  puissances  intéressées 
des  traités  particuliers  qui  aient  cliangé  les  dispositions 
du  droit  des  gens,  ou  qui  s'en  écartent 

3)  Que  les  décisions  dans  les  cas  dont  on  se  plaint, 
paraissent,  par  le  rapport  ci -joint,  avoir  été  formées 
uniquement  sur  la  règle  prescrite  par  le  droit  des  gens* 
laquelle  règle  est  clairement  établie  par  Pusage  constant 
dçs  autres  nations,  et  par  Pautorité  des  plus  grands 
Sommes. 

4)  Que  dans  le  cas  présent,  on  ne  peut  pas  8en«- 
lement  prétexter  ancim  traité  qui  ait  changé  cette  règle, 
ou  en  vertu  duquel  les  pardes  pourraient  reclamer  des 
libertés  que  le  droit  des  gens  ne  leur  donne  point. 

5)  Que  comme  il  n'y  a  dans  le  cas  présent,  ui 
juste  grief,  ni  la  moindre  raison  A  alléguer  pour  pou- 
voir dire  que  la  justice  ait  été  dénît'c  après  qu'elle  a 
été  régulièrement  demandée;  et  que  dans  la  plupart 
des  cas  dont  on  se  plaint,  c*cst  les  plaignant  eux-mêmes 
qui  ont  négligé  les  mesures  seules  convenables  pour  se 
la  procurer;  il  ne  peut  par  couséqucnt  y  avoir  aucune 
juste  causç  sur  laquelle  des  représailles  2)uissent  se 
fonder. 

6)  Que,  quand  même  les  représailles  pourraient 
ae  justifier  par  les  règles  connues  et  générales  du  droit 
des  gens;  il  parait,  par  le  rapport,  et  même  par  des 
considérations  qui  doivent  se  présenter  à  tout  le  monde, 
que  des  capitaux  dus  aux  sujets  du  roi  par  Plmpéra- 
ti*ice-Reine ,  et  assignes  par  elle  siu*  la  Silésie ,  du  paie- 
ment desquels  S.  M.  Prussienne  s'est  cbargée,  tant  par 
le  traité  de  Breslau,  que  par  celui  de  Dresde,  en  con- 
sidération de  la  cession  de  ce  pays,  et  qui,  en  vertu 
de  cette  même  cession,   auraient  dû  cti*e  j)leinemcnt  et 


£NTR£  liA  TRUSSB  Et  L'ANG*!*;  EN  1751?.      45 

absolument  aequittés  «n  Pannée  1746 ^  c'est-à-dire^  vam 
aimée  avant  qu'aucun  des  faits  dont  on  se  plaint  soit 
airitë:^  He  pouvaient,  ni  en  justic^e,  ni  en  vaison^  ni 
selon  ce  qui  se  pratiqW'eonstamment  entre  toutes  les 
puissances  les  plus  respectables  >  être  saisis  ou  arrêtés 
par  représailles. 

Les  différents  faits  qu'on  vient  de  détailler  ^  sont  si 
clairement  établi»:;  et  prouvés  (Ji^ns  le  rapport  ci -joint, 
que  je  ne  répéterai  pas  les  raisons  particulières ,  et  les 
autorités,  qui  sont  alléguées  pour  les  appuyer,  et  pour 
justifier  la  conduite  et  les  procédures  dont  il  est  ques- 
tion. Le  roi  se  j>ersuade,  que  ces  raisons  suffiront  aussi 
pour  déterminer  le  jugement  de  tout  le  monde  impar- 
tial sur  le  cas  présent      *  * 

Il  est  imposant  d'observer  sur  cette  matière,  que 
la  dette  sur  la  Silésie  fut  contractée  pair  feu  Pemperenr 
Charles  VI  qui  s'engagea,  non  seidement  de  remplir 
les  conditions  énoncées  dans  le  contrat,  mais  encore, 
de  donner  aux  créanciers  telle  autre  sûreté  ultérieure 
qu'ils  pourl^aient  raisonnablement  demander  à  Tavenir. 
Celte  condition  aurait  été  très -mal  exécutée,  par  un 
transport  de  cette  dette  qui  eût  donné  pouvoir  A  un 
tiers  de  la  saisir  et  confisquer. 

Vous  ne  serez  pas  surpris,  Monsieur,  que  dans  un^ 
affaire  qui  a  si  fort  alarmé  toute  la  nation,  qui  est  en 
droit  de  reclamer  une  protection  que  le  roi  ne  saurait 
se  dispenser  de  lui  accorder,  S.  M.  ait  pris  du  temps 
pour  faire  examiner  les  choses  à  fond;  et  qu'elle  se 
trouve  obb'gée,  par  tes  faits,  d'adhérer  à  la  justice  et  à 
la  légalité  da  ce  qui  s'est  passé  dans  ses  tribunaux,  et 
de  ne  pas  admettra  Its  procédés  îrréguliers  qu'on  à 
tenus  ailleurs. 

La  dernière  guerre  a  "fourni  nombre  d'exemples, 
qui  auraient  dû  convaincre  toute  l'Europe,  combien  les 
tribunaux  d'Angleterre  rendent  justice  scrupuleusemiait 
en  de  pareilles  occasions.     Us   ne    se  sont   pas  ^me 


46      I.  AFP.  DES  CAPIT.  HYP.  SUR  LA  SILÉâTE^ 

prévalus  d'une  guerre  ouverte,  pour  saisir  ou  retenir 
lès  effets  de  Penneini,  lorsqu'il  a  para  que  ces  effibis 
avaient  été  pris  injustement  avant  la  guerre.  Cette -cir- 
constance doit  faire  honneur  ^à  leurs  procédures;  et 
montrera  en  même  temps,  qu'il  était  aussi  peu  néces-* 
saire,  que  peu  convenable,  d'avoir  recours  ailleurs  i 
des  procédures  absolument  inusitées. 

Le  roi  est  bien  persuadé,  que  ce  qui  s'est  passé  A 
Berlin,  n'a  été  occasionné  que  par  les  informations  mal 
fondées' qu'on  a  données  de  ces  affidres  à  S.  M .  Prus-* 
sienne;  et  ne  doute  nullement,  que  lorsqu'elle  les  aura 
envisagées  dans  leur  véritable  jour,  sa  disposition  natu- 
relle à  la  justice  et  à  l'équité,  ne  la  porte  à  redresser 
d'abord  les  démarches  que  ces  mêmes  informations  onft 
occasionnées,  et  à  achever  le  paiement  du  reste  des  dettes 
assignées  sur  la  Silésie,  conformément  à  ses  engagement 
à!  cet  égard. 

Je  suis  avec  bien  de  la  considération, 
Monsieur, 

Votre  très -humble  et  très- 
\  obéissant  serviteur 

HOLLES    NeWCASTLE. 

No-  vn. 


.  ■  • 


Rapport  fait  h  S.  M,  Britannique  par  la  eommtwsi^m 
nommée  pour  répondre  à  Vewposiiion  des  motifê  etc. 

Au  Roi. 

Sire, 
Conformément  aux  ordres  qu'il  a  plu  à  V.  M.  de 
nous  faire  signifier  par  le  duc  de  Newcastle,  lious  aravis 
mûrement' examiné  le  mémoire  présenté  à  ce  ministre  le 
22  Novembre  dernier  par  M.  Michell,  secrétaire  d'ambas- 
sade de  Prusse,  avec  la  sentence  des  commissaires  prussiens 
et  les  tableaux  côtés  A  et  B.  qui  y  étaient  joints;  aussi* 


ENTRE  LA  PRUSSE  ET  Ii'ANGIi.J  BN  i752-      47 

bien  que  V exposition  des  motifs  <,  etc.  remise  depuis  au 
due  de  Newcastle,  le  13  Décembre;  et  cela  après  nous 
être  fait  informer  avec  tout  le  soin  requis,  par  le  garde 
des  régitres  de  la  cour  d'amirauté,  comment  y  fut  pro-* 
cédé  dans  tous  les  cas  relatifs  auxdits  tableaux  A  et  B. 

Et  y.  M.  nous  ayant  en  même  temps  commandé, 
de  donner  notice  opinion  sur  la  nature  et  la  régularité 
des  procédures  pardevant  la  commission  prussienne  men- 
tionnée dans  ledit  mémoire,  aussi  bien  que  de  la  de- 
mande qu^on  prétend  fonder  isur  ces  procédures,  et 
jusques  où  celles-ci  peuvent  être  compatibles  ou  non, 
avecf  le  droit  des  gens,  avec  les  traités  entre  V.  M.  et 
le  roi  de  Prusse,  avec  les  règles  établies  de  toute  juris- 
diction  maritime,  et  avec  les  loix  de  ce  royaume: 

Afin  de  nous  en  acquitter  avec  plus  de  clarté,  nous 
établirons  ce  que  nous  pensons  sur  toutes  ces  diffé- 
rentes questions ,  sous  les  quatre  chefs  suivans  : 

1)  Nous  poserons  les  principes  de  droit  générale- 
ment reçus  et  reconnus. 

2)  Nous  constaterons  les  faits. 

3)  Nous  appliquerons  le  droit  établi  aux  faits  cons- 
tatés. 

4)  Nous  ferons  nos  observations  sur  les  questions, 
les  règles,  et  les  raisonnemens  contenus,  tant  dans  le 
mémoire,  que  dans  la  sentence  des  commissaii*es  prus- 
siens ,  et  dans  l^exposition  des  motifs ,  eti\  autant 
qu'ils  sembleront  avoir  quelque  apparence  d'objections 
contre  ce  que  nous  aurons  avancé. 

1.    Quant  au  droit  : 

Lorsque  deux  puissances  sont  en  guerre  entre  elles, 
elles  ont  droit  de  prendre  réciproquement  Tune  sur 
l'antre  les  vaisseaux,  marchandises  et  effets  qui  se  ren- 
contrent en  pleine  mer;  tout  ce  qui  appartient  à  Teii- 


48      I*   AFF.  BSS  CAPIT.  HYP.  SUR  LA  SIL^SIfi, 

iicnii  est  de  bonne  prise;  mais  ce   qui  appartient  it  un 
ami,  ne  peut  pas  l'éfre  tant  qu'il  garde  k  neutnJ&éb 

n  est  par  conséquent  statué  par  le  droit  des  gens: 

Que  les  effets  d'un  emiemi  peuvent  être  saièia^  qui»^ 
qu'à  bord  d'un  vaisseau  ami. 

Que  les  effets  d'un  anû  doivent  être  rendus,  qocnque 
trouvés  à  bord  d'un  vaisseau  ennemL 

Que  les  marchandises  de  contrebande  conduites  A 
l'ennemi  y  quoiqu^ppartenant  à  un  ami,  sont  de  bonne 
prise;  attendu  que  fournir  â  rennemi  de  quoi  poor» 
suivre  là  guerre,   c'est. rompre  la  neutralité. 

Par  le  droit  des  gens  maritime  reçu  uniTerscUe- 
ment  et  de  temps  immémorial,  il  y  a  une  voie  uniforme 
de  justice  établie,  pour  décider  si  une  capture  est  de 
bonne  prise  ou  non. 

Et  avant  que  celui  qui  fait  une  capture  puisse  se 
l'approprier,  il  faut  qu'un  examen  juridique,  où  les 
deux  parties  puissent  être  entendues,  ait  précédé,  et 
qu'elle  soit  déclarée  être  de  bonne  prise  dans  une 
cour  d^amirauté,  jugeant  selon  Je  droit  des  gens  et  les 
traites. 

Lé  seul  tribunal  compétent  pour  ces  condamna- 
tions, est  le  tribimal  du  souverain  de  celui  qui  a  fait 
la  capture. 

Et  les  preuves,  pour  la  décharger  ou  la  condam- 
ner avec  ou  sans  dépens  et  dommages,  doivent,  en 
première  instance,  vem'r  toutes  du  vaisseau  saisi,  telles 
sont  les  lettres  de  mer  qui  s'y  trouvent,  et  les  déposi- 
tions sous  serment  du  patron  et  des  autres  principaux 
officiers  du  navire.  Pour  quel  effet  il  y  a  dans  tons 
les  ports  considérables  de  toute  puissance  maritime  qui 
est  en  guerre,  des  officiers  de  l'amirauté,  pour  exami- 
ner les  capitaines  et  autres  principaux  officiers  de  tous 
les  vaisseaux  amenés  comme  bonne  prise;  et  cela  sur 
des  interrogatoires  généraux  et  impartiaux.  Si  d'après 
cela  il  n'y   a  pas  lieu  à  condanmer,  soit  comme  effets 


ENTEB  XiA  FRUSSB  ET  L'ANGL.}  £}K  1752-      49 

ennemie,  «oit  comme  contrebande,  ;  il  faut  ^e  la  dé* 
charge  «'ensuiye  :  à  moins  que  les  preuves  produites 
ufi  rendent  la  propriété  si  douteuse ,  qu'il  soit  raison- 
nable d'en  requérir  et  attendre  des  preuves  ultérieures. 

Comme  toute  revendication  de  vaisseau  ou  d'effets^ 
doit  nécessairement  être  appuyée  du  serment  de  quel- 
qu'un, du  moins  quant  à  ce  qui  peut  être  de  sa  con- 
naissance ou  croyance;  et  qu'en  général  le  droit  des 
gens  exige  une  bonne-foi  exacte  :  il  faut  que  tout  vais- 
seau soit  complètement  muni  des  documens  Ae  mer  usi- 
tés, et  que  l'originalité  en  soit  évidente;  et  il  faut  aussi, 
que  le  patron  du  navire  soit  au  moins  au  fait  du  véri- 
table état  de  sa  charge  eH  de  sa  destination. 

n  est  si  indispensable  d'observer  ce  que  Ton  vient  de 
dire,  que)  quand  il  arrive  que  les  lettres  de  mer  soient 
fausses  ou  suspectes;  que  des  papiers  soient  jettes  en  mer; 
que  le  patron  et  les  officiers,  préparatoirement  examinés, 
prévariquent  visiblement;  que  les  lettres  de  mer  usitéea 
ne  se  trouvent  point  abord;  ou  que  le  patron  et  l'équi^ 
page  d'un  navire  ne  puissent  pas  dire,  «i  le  vaisseau^ 
ou  la  cargaison  appartiennent  en  propre  i  l'ami  ou  à 
l'ennemi  :  le  droit  des  gens  veut,  que,  selon  les  diiTé- 
rens  degrés  de  manquement  ou  de  suspicion,  prove- 
nant de  la  faute  du  vaisseau,  ou  d'autres  circonstances 
particulières  du  cas,  un  demandeur  même  à  qui  resti- 
tution se  fait,  paie  pourtant  les  dépens,  ou  du  moins 
ne  i*eçoive  pas  les  siens. 

S'il  arrive  en  échange,  qu'une  capture  se  fasse 
sans  fondement  probable,  celui  qui  la  fait  est  condamné 
aux  dommages,  aussi  bien  qu'aux  dépens.  Et  c'est  pour- 
quoi tous  les  armateurs  Sont  obligés  k  donner  caution 
pour  leur  légal  comportement  :  à  quoi  se  réfèrent  plusieurs 
traités  où  cette  précaution  est  stipulée  expressément  ('). 

-    ■  ' 

(1)  Traitas  entre  T Angleterre   et  la  Hollande   du   17  Fëyr.  1663 
art.  13  et  da  1  Dec.  1674,   art.  10.     Traite  entre   l'Angleterre   et 

n.  *  4 


50      L  AFF.  H^S  CAPIT.  HYP.  SUR  IiA  BlhisiBy 

Souvent,  quand  ni  \ea  lettres  de  mer,  ni  les  ext- 
mens  préparatoires ,  ne  font  connaître  auffia^miment  que 
la  propriété  appartienne  à  un  sujet  neutre,  temps  est 
donné  au  demandeur  pour  suppléer  à  ce  défaut,  en 
envoyant  les  certificats  cpi  manquent.  Mais  lorsqu'il  ne 
peut  pa4  prouver  par  des  certificats  suffisans ,  que  la  pro- 
priété appartienne  à  un  ami,  elle  est  présumée  appartenir 
à  un  ennemi.  Et  s'il  fournit  des  preuves  subséquentes, 
mais  qtd  n'aient  pas  été  trouvées  &  bord  du  vaisseau  saisi, 
le  capitaine  qcd  l'a  amené,  est  exempt  de  blftme,  et  n'est 
point  tenu  de  payer  les  dépens  ;  ou  il  poiura  même,  selon 
les  circonstances  du  cas,  obtenir  les  siens  fort  justement 

Si  la  sentence  d'une  cour  d'amirauté  est  tenue  pour 
erronnée,  il  y  a  dans  tout  pays  maritime  un  tribunal 
supérieur  de  révision,  qui  est  composé  des  personnes  les 
plus  relevées  de  l'état,  et  auquel  la  partie  qui  se  <nroit 
lésée  peut  en  appeler.  Et  ce  tribunal  supérieur  juge 
par  les  mêmes  règles  qui  sont  prescrites  &  la  cour  d'a- 
mirauté, savoir,  selon  le  droit  des  gens  et  les  traités 
subsistant  avec  la  puissance  neutre  dont  le  plaignant  est 
sujet. 

Quand  aucune  des  deux  parties  n'interjette  appel, 
elles  sont  censées  reconnaître  elles-mêmes  la  justice  de 
la  sentence;  ce  qui  termine  le  procès. 

Cette  même  manière  de  juger  et  d'adjuger  les 
captures,  est  indiquée,  confirmée  et  autorisée  par  gi*and 
nombre  de  traités  ('). 

la  France  à  St.  Germain  ,  24  Ft^vr.  1677  ,  art,  10  et  à  Ryswîck.  Tr. 
de  commerce,  20  Sept,  1697,  entre  la  France  et  la  Hollande, 
art.  âO.  Traite  de  commerce  fait  à  Utrecht,  entre  la  Grande<>Bre^ 
tagne  et  la  France,  51  Mars  1713,  art.  29. 

« 

(1),  Comme  on  peut  le  voir  par  les  traites  suivans.  Quant  à  ce 
que  les  cours  d'amirautë  doivent  adjuger  les  prises  faites  par  les 
taîsseanx  de  leur  propre  nation,  et  quant  à  l^examen  des  tëmoîns 
dans  ces  cas.    Tr.  entre  l'Angleterre  et  la  Hollande,  17  Fëvr.  1668, 


J^TRBXiA  PRUSSE  ET  li'ANGIi.J  EK  1752-      SI 

YoOà  comme  pendant  cette  dernière  guerre,  toutes 
les  captures  faites  sur  mer  ont  été  jugées  par  la  Grande* 
Bretagne,  la  France  et  Tf^pagne;  et  toutes  les  puis- 
sances neutres  y  ont  acquiescé.  De  tout  temps  aussi 
et  dans  tous  les  pays  de  l'Europe ,  toutes  les  captures 
faites  en  mer  ont  constamment  été  jugées  de  la  même 
manière  )  c'est-'i'-dire,  par  des  cours  d'amirauté  pronon- 
çant selon  le  droit  des  gens  et  les  traités.  Et  tonte 
autre  méthode  d'en  décider  serait  manifestement  injuste, 
absurde  et  impraticable. 

Quoique  le  droit  des  gens  fasse,  pour  la  détermi^ 
nation  des  cas,  la  règle  générale,  cependant  deux  puis- 
sances peuvent,  par  accord  mutuel,  et  quant  i  elles,  la 
changer  ou  s'en  écarter.  Alors  ce  sont  les  exceptions 
et  les  changemens  introduits  parJeurs  traités,  qui  de* 
viennent  la  loi  pour  les  contractans  ;  et  le  droit  des  gens 


art.  9  et  14.  Tr.  1  Dec.  1674,  art.  11.  Tr.  29  AyrU  16S9,  art. 
12  et  13.  Tr.  entre  l'Angleterre  et  r£«pagne,  23  Mai  1667,  art.  2S, 
Tr.  de  commerce  â  Ryswick,  20  Sept.  1697,  entre  le  France  et  la 
Hollande ,  art.  26  et  SI.  Tr.  entre  l'Angleterre  et  la  France,  S  Nor. 
1655,  art.  17  et  18.  Tr.  de  commerce  entre  rAngloterre  et  la 
France,  à  8t.  Oermain,  29  Mars  1632,  art.  5  et  6.  Tr.  do  8c  Ger« 
main,  24  Févr.  1677»  art.  7.  Tr.  de  commerce  entre  la  Grande- 
Bretagne  et  la  France,  â  Utrecht,  31  Mars  1713,  art.  26  et  30. 
Tr.  entre  l'Angleterre  et  le  Danemark.  29  Not.  1669,  art.  23  et  34. 
Heîneccius  qai  a  été  conseiller  prive  de  S.  M.  Prussienne,  et  gënërale^ 
ment  trés-estimë,  traite  de  cette  mëthode  de  juger  les  captures,  dans  son 
livre  de  Navihus  ob  vecturam  vetitarum  mercium  commissis  cap,  2. 
^ect,  17  et  18.  Quant  aux  appels  et  révisions;  Tr.  entra  l'Angleterre 
«t  la  Hollande,  1  Dec.  1674»  art.  12  expliqué  ensuite  par  l'artiele  2 
du  traité,  de  Westminster,  le  6  Février  1715-6.  Tr.  entre /l'Angle- 
terre et  la  France  de  St.  Germain,  24  Févr.  1677,  art.  12.  Tr. 
de  commerce  de  Byswick,  20  Sept.  1697,  entre  la  France  et  la 
Hollande,  art,  33.  Tr.  de  commerce  d*Utrecht,  31  Mars  1713, 
entre  la  Grand»-  Bretagne  et  la  France ,  art.  SI  et  32.  Bt  d*antres 
traités. 

4* 


52      I*  AFF.  BBS  CAPIT.  HTP.  SUR  I^A  SIUteOBy 

n^entre  en  rien,  qa*en  tant  qae  les  traités  vfj  dérogent 

point. 

Cest  ainsi  que  par  le  droit  des  gens,  lorsque 
deux  puissances  sont  en  guerre,  tout  vaisseau  est  su- 
jet à  être  arrôté  et  examiné,  pour  voir  à  qui  il  ap- 
partient, et  sMl  ne  porte  pas  de  la  contrebande  â 
Tennemi;  et  que,  par  des  traités  particuliers,  cette  re- 
cherche  a,,  jusqu'à  un  certain  point,  été  mitigée,  sur 
la  foi  et  Texhibition  ou  de  passe*ports  solemnels^  oa 
d'autres  preuves  de  propriété,  attestées  en  bonne  et 
due  forme. 

U  y  a'  aussi  des  conventions  particulières  qui^  tout  aa 
révers  du  droit  des  gens,  déclarent  de  bonne  prise  les 
effets  d'un  ami  qui  se  trouvent  à  bord  d'un  vaisseau 
ennemi,  et  rendent  libres  les  effets  d'un  ennemi  qui  se 
trouvent  à  bord  d*un  vaisseau  ami  ('). 

Il  y  en  a  même  qui  déclarent  libres  certains  effets 
qui,  par  le  droit  des  gens,  sont  réputés  de  contre- 
bande. 

S'il  arrive  qu^un  sujet  prussien  ait  une  plainte  ou 
une  demande  à  former  cputre  quelqu'un  qui  est  domi- 
cilié ici,  il  doit  s'adresser  aux  tiûbunaux  de  V.  M., 
.  qui  tous  sont  également  ouverts  aux  étrangers  comme 
aux  nationaux;  de  même  qu'un  sujet  de  Y.  M»,  si  tort 
lui  est  fait  par  quelqu'un  qui  ait  son  domicile  dans  les 
états  pini^siens,  doit  s'adresser  aux  tribunaux  de  S.  M. 
Prussienne» 

Si  le  grief  regai'de  une  capture  faite  sur  mer  en 
temps  de  guerre,  ou  que  le  difTércnd  soit  relatif  à  une 
capture,  il  faut  s'adresser  aux  tribunaux  établis  pour 
juger  ces  causes* 


(1)  Comme  on  peut  le  voir  par  les  traites  d<îjà  cites,  et  plu- 
sieurs autres,  particulièrement  par  celui  du  1  Dec.  1674  et  le  traité 
d'Utrecht  entre  la  Grande-Bretagne  et  la  France. 


SKTHB  XA  PB.TJ8SB.  Bit  li'ANGXi.  ;  XN  1752.      53 

Le  ^oit  des  gens,  fondé  sur  la  justice,  sur  Téquité, 
sur  la  raison  et  la  conT>GBaace  des.  choses,  et  consacré 
par  un  long  usage^  ne  permet  des  représfôiles  que  dans 
les  deux  -cas  seuls,  ou  d'un  tort  violent,  diriigé  et  sou- 
tenu par  un  souverain,  eu  > d'un  absolu  déni  de  justice 
de  la  part  de  tous  les  tribunaux,  et  du  souverain  même  5 
et  cela  en  choses  qui  n'admettent  pas  le  moindre  doute 
ni  lidge.     .  . 

Mais  là' où  liberté  ^tière  est  laissée. aux.  j^gcs  de 
prononcer  •selon  leur»  consciences  ;  qofind  même  une 
sentence) qu'ils  rendent  serait^  de  fait,.  erronQ^,  elle 
ne  donheJrait  pourtant,  nul  juste  lieu  à  représaiUcs.  U 
ne  se  peut  g^^*e,  que  difl^ens  espritâ^  qo  pensent  et  ne 
jugcAt  différ^mm^ent  sur  des  cas  douteux;  et  dans  ces 
cas,  tout  ce  que  l'ami  é^anger  peut  dc^mander  raison- 
nablement ,  est,  que  justice  lui  soit  rendue  aussi  impar- 
tialement qu  aux  gens  du  pays  où  ^9,  caisse  ce  plaide, 

2*    Qaant  aux  fait»: 

Nouç  joignons,  ici  deux  £abléaux,  qui  répondent 
exactement  k  ceux  cotés  A  çt  B.  que  M:  IVGèhéll  a 
délivrés  au  due  d^e  Hfewcastle  avçc  soii;  iriéïnoîre,  le 
23  prdyçnibi'e,  et  qui  ôrà  été  imprimes;  depuis  4vç€ 
^exposition' (tes  motifs^  ..:     ■     . 

Pîar  là  on  venra,  (çiie  des  18  vsdssèàiiic  que  le  ta^ 
bleauA.  contiëx^t,  avec  leurs,  cargaisons, 

4  s!ij.^t^ vrai  qu'ils  aîçnjt  été  priai,  f^ren^  rçndus  par  le^ 
armatçur^^  mêmes,,  à  la  satisfaction  d{^  sujets  prus-^ 
^çp*,,  qui  n'en  ont  jomfis  pacte  plajtç^e  à  aucune 
,  caw  de  justice. de  Y..  ]\1U 

1  fut  restitué  par  sentence,  «^vçc  tous  ^j^en^  etdonv» 
mages,  liquidés-  à  29011,  12,  s,  1  d.  Sterling. 

3  furent  restitués  par  sentence,  avec  paiement  àFciv- 
wvoif  et  qui  o^^  été  cçjç^damn^s  cpmnjç^.tels^ 


a 


j  ».  ' 


54     h  AtF.  DES  CAPlt.  HTP.  8U&  LA  SUlfalISy 

8  transp, 

4  furent  resUlnés  par  santmce,  mais  leora  cargaiiona^ 

on  partie  de  lenia  cargaisons,  condamnées  comme 
de  bonne  prise,  on  comme  contrebande  :  les- 
qnefles  aussi  les  tableaux  A«  et  B.  ne  désignent 
point  pour  avoir  appartenu  k  des  sujets  prus- 
siens. 

5  furent  restitués  leurs  cargaisons,   mais  les  deman- 

deurs condamnés  aux  dépens,  parce  '^e  sur  les 
papiers  des  vaisseaux,  et  les 'examens  prépara- 
toires, il  j  avait  lieu  à  condamnation ,' et  que  la 
restitution  ne  fut  décrétée  que  sur  Jafoi  des  cer- 
tificats fbumîs  et  admis  dans  la  suite. 

1  vaisseau  et  sa  cargaison  fiirelit  rendus  par  sentence 
18      sur  appel,  mais  avec  compensation  des  dépens, 
'-'^^    vu  les  circonstances  de  la  capture. 

Ce  tableau  n'a  pas  besoin  d'éclaircissement 

n  ne  peut  pas  y  avoir  une  ombre  de  plainte  par 
rapport  aux  8  premiers  cas. 

Quant  aux  4  suivans,  puisque  dans  les  tableaux  A. 
et  B.  il  ii'est  pas  seulement,  fait  mention  des  effets  con- 
damnés,  il  faut  qu'Us  l'aient  été  bien  justçmen.tj  (^u  comme 
effets  de  Tennemi,  ou  comme  contrebande.  Si  c'était 
comme  contrebande,  les  yaisscaux  ne  pouvaient  pré- 
tendre ni  fret  ni  dépens;  et  les  sentences  étaient  même 
favorables,  en  restituant  les  navires  sur  la  simple  pré- 
somption, que  les  propriétaires  des  navires  pouvaient 
n'avoir  pas  été  instruits  de  la  nature  des  cargaisons  ou 
de  leurs  vrais  propriétaires.  Si  c'était  comme  effets 
ennemis,  les  vaisseaux  ne  pouvaient  point  prétendre  de 
fret,  parce  que  les  connaisscmens  étaient  faux,  en  les 
donnant  pour  effets  prussiens;  ni  ils  ne  pouvaient  pré- 
tendre vaux  dépens,  parcequMs  avaient  été  amenés  avec 
raison,  les  cargaisons,  on  pai*tie  des  cargaisons  s'étant 
trouvées  être  de  bonne  prise. 


BKTHB  jLA  PRUSSB  £T  L'ANGIa  }  £M  dl752«     55 

Gomme  les  derniers  6  vaiaseaux  opt  .cto  restitués 
avec  toutes  leurs  cargaisons  y  il  ne  peut  être  question  à 
leur  égard  que  des  dépens  qu'on  leur  a  fyil  payer, 
ou  qu'on  ne  leur  a  pas  adjuges  ;  ce  qui  dépiendait  en- 
iièrement  des  circonstances  des  cas,  de  Tauthei^icité  des 
documens  de  mer  et  de  Ja.  conduite  des  équipages  : 
seuls  motifs  sur  lesquels  une  demande  de  restitution  ou 
de  dépens  puisse  se  fouder.  Or,,  ni  les  commissaires 
prussiens  dans  leur  sentence,  ni. le  mémoire  de  M.  Mi- 
cbell,  ni  l'exposition  des  motifs,  etc^u^ allèguent  une 
seule  raison  fondée  en  faits  pai*eils,  pour  .faire  voir  par 
les  circonstances  particulières'  des  cas  dîi^er^i^.. qu'ils  .aient 
été  mal  jugés.  •      .  •  .   »^ 

Pour  ce  qui  est  du  tablcjau  B,  .  •   '   i 

Chaque  vaisseau  à  bord  duquel  les: sujets  prussiens 
prétendent  avoir  eu  de  leurs  elFels  propres ,  allait  à  un 
port  eni^emi,.ou  en  venait  directement^  .et  plusieurs  de 
ces  vaisseaux:  paraissaient  évidemment,  être  jgliai'gcs  en 
partie>  d'effets  ennemis,  ou  .f$ous  leur$.  pVQpves  noms, 
ou  sous  des  noms  feints.  . 

Toutes  les  fois  que  J'on  allégufiit,  qu'aucune  partie 
de  la  cargaison  appartenait  i  un  suj^^  prussien  quoi 
qu'on  ne  le  prouvât  ni  par  les  lettres  de  m^r.^-  ni  par 
les  examens^  préparatoires,  eonune  cela  se  devait,  tou- 
jours néanmœns  un  temps  ;  suffisant  était  accordé  à  ce 
sujet  prussien,  pour  certifier  sous  serment,  que  ces 
effets  lui  appartenaient,*  et  ^on  propre  '  certifici^t  asser- 
menté en  était  reçu  pour  preuve,  quai^;  à  ta,  restitution 
des  effets.  .        ;       ,.. 

Lorsque  le  demandeur  ne.v^ut  pas<;pr|i^^*  sermfînt, 
ou  en  prête  Un  qui  n'aille,  point  au  fait;,  il  est  clair, 
qu'il  n'est  qu'un  prête -nom  poui*  couvrir  la  propi'iétc 
des  ennemis  5  comme  cela  s'est  vu  souvent  i  ne  pas  en 
douter»  ^  .  ■'    . . 

Voici  comment  M.  Andrié,  dans  un*  lëtti'e' écrite  à 
S«  M.  Prussienne  le  -^t^  1747  et  dont  iiib.^xiraitL  attesté 


56     L  AFF.  DBS  CAPrr.  HYP.  sur  la  SILlâsiBy 

sous  la  main  de  M.  Micbell  fut  produit  dans  une  cause, 
explique  cette  façon  spécieuse  de  mettre  à  l'abri  les 
elTets  de  Tennemi  : 

Zfès  sujets  de  V.M^ne  dowent  point,  sur  des  vau^ 
seaux'  neutres-,  charger  de  marchandises   réelleFnént 
appartenantes  aux  ennemis  de  P Angleterre;  maie  ils 
doivent  les  charger  pour  leur  propre  compte^  moyen" 
*nant  quoi  ils  pourront  avec  sûreté  les  envoyer  en  quel 
pays  quHls  trouveront  à  propos,  sans  courir  aucun  ris^ 
quel  car  si  alors  des  armateurs  causent  aucun  dotn^ 
mMge  aux  sujets  de  V.M.;  elle  peut  être  assurée,  que 
pleine  Jiê^tice  leur  sera  faite  ici  y  comme  on  Pa  faite 
jusques  à  présent  dans  tous  les  cas  pareils  (*)• 
{jC  tableau  B,  contient  33  cas,  dont 
2  liront  jamais  été  portés  devant  aucune  cour  de  jus- 
tice en  Angleterre,  les  vaisseaux  supposés  avoir  été 
pris,  ayant  été  relâchés  par  les  armateurs  mêmes, 
à  rentière  satisfaction  des  propriétaires.    Dans 
16  cas,  les  effets  reclamés  par  des  sujets  prussiens  se 
trouvent  avoir  été  restitués  actuellement  par  sen- 
tence,   aux  patrons   des  navires  sur  lesquels   ils 
étaient  chargés.     Or  par  les  us  et  coutumes  de 
mer  le  patron  tient  la  place    du  chargeur  d'ef- 
fets, et  lui  en  est  responsable.    Dans 
14  cas  la  propriété  prussienne  n'a  été  vérifiée  ni  par 
\gs  lettres  de  mer,  ni  par  les  examens  prépara- 
toires, ni  par  des  certificats  subséquens  et  asser- 
mentés   des    demandeurs,    à    qui    temps    en    fut 
accordé.    Et 
1  cas,  qui  regarde  une  portion  de  cargaison,  est  en- 
*33^     core  pendant,   parce  qu*aucune  des  parties  n*a, 
jasques  à  présent,  requis  qu'il  fut  jugé  (^). 


(l)   Cet   extrait   n'ayant    pas  M  produit   en   français,    mais   en 
anglais  4  il  a  fidla:le  tri^duire  ,>  oe  qnfon  a  fait  littéralement. 

(3)   Le   dsnandeiir  prussien  ayant  le  29  Janvier  dernier  exhibé 


SKTRE  II  A  PRirSSB  ET  Ii'ANGIi.;  EN  1752.     57 

Et  il  faut  que  les  demandeurs  en  général  aient 
intérieurement  été  bien  convaineus  eux-mêmes  de  la 
justice  des  sentences  rendues  par  la  cour  d'amirauté  $ 
puisque  dans  tout  le  tableau  B.  il  ne  se  trouye  pas  un 
seul  exemple  qu'il  en  ait  été  appelé ,  et  dans  le  ta* 
bleau  Â.  qu'un  seul  exemple. 

0 

3*    Pour  appliquer  le  droit  aux  fiuts: 

.  Nous  remarquerons  d'abord,  que  la  sixième  question 
de  l'exposition  des  motifs  etc.  ne  fonde  le  droit  de  re« 
présailles  que  sur  ce  qu'on  leur  a  si  long^tempe  dénié 
toute  la.  justice  qu^^  étaient  fondés  de  demander. 

..De  même  y  le.  susdit  mémoire  ne  fonde  le  droit  et 
1^  régularité  des  représailles  auxquelles  recourt  S.  M. 
Prussienne,  que  sur  ce  que  ses  sujets  n'ont  pu  obtenir 
jusqu^à  présent  aucune,  justice  des  tribunaux  anglais 
qu^Hs  ont  réclamés,  ou  du  gouvernement  auquel  ils 
ont  porté  leurs  plaintes^ 

Ce  qui  dans  up  autre  endroit,  du  mémoire  est 
ainsi  exprimé.:  Après  avoir  envain  demandé^  des  té-- 
parcUions  de  ceux  qui  seuls  pouvaiei^p.les  faire» 

Cependant  le  contraire  de  tout  c^sla  est  manifeste 
par  l'exposé  ci-dessus,  et  nos  tableaux  annexés» 

Daiv  6  des  cas  qui  y  sont  spécifiés,,  si  tant  est  que 
les  captures  aient  jamais,  été  faites,  les  sujets  prussiens  se 
sont  montrés  si  çontens  de  la  restitution  faite  par  lés 
armateurs,  qu'ils  n'en  ont  jamais  porté  de  plainte  à 
aucun  tribunal  de  y.  M. 

Tous  les  autres. cas  ont  été  jugés  pi^r  une  cour  ^'a- 
mirauté.,  seul  tribunal  compétent  pour  décider  des  cap^ 
turcs  laites  sur  mer,  tant  par  rapport  à  la  restitution 

8iir  ce  cas  des  certificats  assermentés  de  proprîe'të  devant  la  cour 
d'amirauté,  et  là-dessus  requis  jugement^  elle  lui  a  adjuge  lareatif- 
tntion  de  tes  effets. 


58     L  AFF.  BBS  CAPIT.  HYP«  SUIL  I<A  SnjsaiB, 

nitme,  que  par  rapport  aux  dépens  et  dominages;  et 
cela  conformémeot  au  droit  des  gens,  seole  règle  k  smn 
dons  les  décisions  de  cette  nature. 

Et  dans  tous  les  cas  la  cour  d'amirauté  a  lait  jus- 
tice avec  une  impardaUté  si  grande,  que  tous  les  vais- 
seaux mentionnés  comme  prosaiens  dans  le  tableau  A. 
ont  été  restitués ,  et  que  toutes  les  cargaisons  mentionnées 
dans  les  taUeauy  J^,  et  B.  Ont  été  ^eai^ues,  à  Texceptioii 
de  15  dont  une  est  encore  indécise. 

Généralement  même,  dans  les  cas  de  l'un  et  de  Tautre 
tableau,  justice  a  été  rendue  aux  sujets  prussiens  de* ma- 
nière i  les  bien  convaincre  dans  leurs  propres  cons- 
ciences, qu'ils  ont  acquiescé  à  toutes  les  sentences*  stfns 
en  appeler;  un  seul  exemple  excepté  y  où  la  partie  de 
la  sentence  dont  il  y  eut  plainte,  fut  infirmée  et  reformée. 
Or,  quoique  tout  demandeur  prussien  aitdû'savoor 
que  Iç  droit  des  gens  lui  interdirait  le  recours  à*  soh 
propre  souverain,  jusqu'à  tant  qu'une  injustice  mam- 
ïestement  avérée  lui  fût  faite  en  dernier  ressort,  et  qu^ 
n'y  restÂt  plus  aucun  remède  ici;  et  quoiqu'aucun  d'eux 
n'ait  pu  ignorer  que  ce  principe  du  droit  des  gens  dievait 
être  d'autant  plus  scrupuleusement .  observé  par  rapjxirt 
aux  prises  de  la  dértlière  guerre,  ^è,  toute  le  propriété 
en  étant  donnée  à  ceux  qlii-les  faisaient,  aucune  pàrdé 
rfen  pouvait  être  répétée  sur  etix  qu'en  justice 'réglée  : 
que  néanmoins,  des  demandeurs  prussiens  quî^  en  n'ap- 
pelant point,  'ont  donné  leur  propre  acquiescement  k  et 
que  les  prises  qui  les  intéressaient  dèmeurassent'àdjugées 
à  ceux  qui  les  avaient  faites,  viennent  après  cela  en  for- 
mer une  demande  sur  tout  le  corps  de  l'état,  c'est  ce  iqu'ils 
ne  peuvent  jamais  être  fondés  à  faire.  Si  les  sentences 
étaicM  même  indubitablement  injustes,  c'est  leur  faute 
qu'elles  n'aient  pas  été  redressées. 

Mais  on  n'a  jamais  tenté,  et  on  ne  tentera  point  à 
rheLU*e  qu'il  est,  de  faire  voir  par  Iqs  preuves  et  les 
circonstances  mises  devant  la  cour  d'amirauté;  que  ces 


BNTHE  LA  PBUSSS  ET  Ii'ANGIf.;  £H  1752-      59 

senlfiuces  soiont  reprélieiisibles  dans  aucune  de  leurs  par- 
ties. C'est  là  toutefois  Punique  moyen  légal  pour  juger 
de  la  justice,  ou  de  l'injnJ^ce. 

Car  9  que  dans  les  états  prussiens  on  érige  une  com- 
mission expresse  pour  la  révision  des  sentences,  et  cela, 
sur  des  allégations  toutes  neuves,  dans  l'absence ,  et  à 
l'insçu  de  Tune  des  parties,  c^est  ce  qui  n'a  jamais  en** 
core  été  entrepris  dans  aucun  autre  pays  du  monde. 

Il  faut  que  toute  question  sur  la  légalité  ou  Pillé- 
galité  d'une  prise,»  soit  décidée  par  les  cours  d'amirauté 
de  la  puissance  dont  les  sujets  font  la  capture.  Tout 
souverain  étranger  avec  qui  on  est  en  amidé,  a  irait 
de  demander,  que  justice  se  fasse  k  ses  anjets  confor- 
mément au  droit  des  gens,  ou  aux  traités  particuliers 
s'il  en  existe  avec  lui.  Et  lorsqu'en  des  cas  qui  ne 
peuvent  être  susceptibles  d'aucun  doute,  ces  tribunaux 
procèdent  d'une  manière  diamétralement  opposée  au  droit 
des.  gens,,  pu  aux  trailié^^en  vigueur,  le  souverain  neutre 
est  très-^fondé  à  s'en  plaindre. 

.  Mais  il.  n'a  jamais  e^xisté,  et  il  n'existera  jiEonais  d'aur 
tré  méthode  équitable  ni  légitime ,  pour  juger  ces  causes. 
Depuis  les  temps  les  plus  reculés  toutes  les  nations  de 
l'Europe  qui  étaient. en  guerre,  ont.  procédé,  ainsi  uni- 
forniémenti  et  cela  avec  l'approbation  unanime  de  toutes 
les  puissances  de  l'Europe  qui  étaient  en  paix. 

Qui  plus  est,  les  personnes  chargées. par  S.  M.  Prus*- 
sienne  d'une  commission  si  extraordinaire  et  si  inouie, 
ne  prétendent  même  pas,  par  rapport  aux  quatre  seuls 
cas  dû  tableau  A.  où  satisfaction  se  demande  pour  des 
effets  condamnés ,  qu'ils*  aient  appartenu  &  des  sujets  prtis^ 
siens;  elles  déclarent  franchement  ne  procéder  en  ceïà 
que  sur  le  principe  évidemment  faux,'  que  lesdités  car- 
gaisons ,  bien  qu'appartenant  à  l'ennemi ,  n'étaient  su- 
jettes pourtant  ni  aux  recherches  ni  à  la  saisie,  ni  à  la 
confiscation,  dès  qu'elles,  se  trouvaient  chargées  svfT  un 
vaisseau  neuti*e. 


60     L  AFF.  BSS  CAPIT.  HYP.  8UK  IiA  61I«^UB^ 

4«  Quant  aux  questions ,  règles ,  aUégations  et  rai- 
sonnemens  contenus  dans  le  mémoire  de  H. 
Michell,  dans  la  sentence  des  commissaires  prus- 
siens et  dans  l'exposition  des  motifs  : 

Les  propositions  suivantes  peuvent  s'en  tirer  comme 
ayant  qud^e  apparence  d'objections  contre  ce  «pie  nous 
vçnops  d'exposer  A  Y.  M. 

Première  préposition. 

Que  par  lé  droU  des  gêna,  les  effets  dun  ennemi  ne 
peuvent  pas  être  saisis  à  bord  d^un  vaisseeu^.iunL 

.  .  Mt  ëest  ce  '  que  les  commissaires  prussiens  poserU 
pour  base  de  tout  leur  travail^ , 

■  Réponse.  Le  contraire  est  trop  notoirement  reçu 
et  reconnu  partout,  pour  pouvoit*  £tre  contesté  i  àbmme 
cela  est  prouvé  par  tous  les  auteurs  mit  ont  écrit  sur  le 
droit  des  gens  j  dont  iipus  citons  quelques  uns  de  diffé- 
rentes nations  (^);  et  par  l'usage  coiistant,  tant  ancien  cnie 


^^- 


{X)  R  Consolato  del  Mare  cap»  $73  dit  expressément,  que  td 
effets  ennemis  ^  bord  d'an  vaisseau  amt  doiyeçt  être  oonfis^oés^  et 
c'est  un  livre  de  grande  aatorit^  Gr»tiu9  dis  jurs  helli  ae  jktcit 
lib.  3,  cap.  1.  sect.  5.  n.  4.  dans  les  iv>te8y  où  it  cite  ee  papsage 
en,  consolatoy  et  dans  ses,  notes  lib.  3.  cap.  6«  sect,  G.  JLooceniut 
de  jure  maritime-  lib.  t*  cap.  4.  soct.  12.  FoeP  de  jure  mUitmri  cap.  & 
n».ftl»  Heineccifi^  ontenr  prossien  ci-pdessqs.oit^,  décide  cette  qaet» 
tiAn  durement  est  possitiveo^ent  àa^nfi,  toxf.  lire  4e  navibus  ob  itecta-r 
Tçmvetitarumm^rçium  commissis  çap^  !•  sect.  14.  et  cap.  2.  aect.9. 
^^kersboek  qaaestione^  jjaris  publici  Ubu  1.  cap.  14.  per  ^^iun« 
Siouch,  anglais,  dans  sou  Hvre  de  ju^tido  inter  gentesy  paM  2. 
sect.  8.  n.  6.  Traita  entre  l;a  Grande-Bretagne  et  la  Sadde, 
^  Octobre  1661 ,  art.  12  et  13.  Traite  entre  la  Grande-Bretagne 
et  le  Banemark  29  Nov.  1669,  art.  2.  £t  le  règlement  &it  daM 
èe  traite  pour' les  pfuweports  et  les  certificats,  est  euenticl 'Mv 
cette  matière. 


JSNTAS  IiA  FXUSSB  ST  jL'AKGI/.;  £N  1752*     6i 

moderne  :  mais  il  n'y  a  point  de  preuves  plus  fortes 
de  cette  règle  {générale  ^  que  les  exceptions  qui  y  ont 
été  faites  par  des  traités  particuliers  (')« 

Deuxième  proposition. 

On  cite  deux  déclarations  verbales  faites  en  1744  par 
lord  Carter  et,  par  lequelles  il  aurait  donné  au  nom 
de  V.  Mi,  f  assurance ,  que  rien  de  ce  qui  se  trouve^ 
rait  à  bord  ^un  vaisseau  prussien ,  hors  la  contre^* 
bande,  ne  serait  saisi;  conséquemment ,  que  tous 
effets  appartenant  à  Pennemi,  mais  qui  ne  seraient 
point  contrebande,  seraient  libres;  et  que  lord  Ches^- 
terfield  aurait  ensuite  confirmé  ceè  mêmes  assurances 
par  écrit  le  h  Janvier  VlVt*  '  ■ 

Réponse.  Que  ces  allégations  soient  en  elles-mêmes^ 
bien  exactes  ou  non,  peu  importe,  quant  aux  faits  por- 
tés dans  les  tableaux  A  et  B.  Vu  qu'il  ne  s'y  trouve 
que  quatre  vaisseaux  prussiens  à  bord  desquels  il  y  ait 
eu  des  effets  qui  aient  été  condamnés;  et  que  dans  ces 
tableaux  mêmes  nulle  satisfaction  n'est  mentionnée  seu- 
lement, comme  étant  prétendue  pour  ces  quatre  car- 
gaisons, n  paraît  cependant  convenable  de  faire  voir 
à  quel  point  les  conséquences  qu'on  voudrait  en  tirer 
sont  mal  fondées. 

Supposé  même  que  lord  Carteret  se  soit  servi  des 
mêmes  termes  qu'on  lui  attribue,  ils  ne  sauraient  pour- 
tant donner  aucuQ  lieu  à  ce  qu'on  s'efforce  d'en  inférer. 
Car  loin  qu'ils  renferment,  comme  il  le  faudrait  pour 


(1)  Traite  entre  la  France  et  l'Angleterre,  24  F^vr.  1667,  «rt.  8. 
Trah^  d'Utrecht  entre  l'Angleterre^  et  la  France,  1715»  art.  17. 
Traite  entre  l'Angleterre  et  la  Hollande,  17  Fëvr.  1668,  art.  10. 
Traita  entre  l'Angleterre  et  la  Hollande  1  De'c.  1674,  art.  8.  Traite 
entre  l'Angleterre  et  le  Portugal^  10  Joillet  1654,  art.  8.  Traite  enUe 
la  France  et  la  HoUanâei  4  Utrcchty  11  Avril  1718,  art  26. 


62      I*   AVF.  DES  CAPIT.  HTP.  SUR  XiA  SHiÉSIX^ 

.cela,  de  stipulations  nouTelles,  si  différentes  de  la  ki 
générale,  ils  placent  au  contraire  les  Prussicais  très  ex- 
pressément à  l'égal  des  sujets  de  toutes  les  autres  pui»* 
sances  alliées ,  ou  neutres  ;  et  on  ne  pouvait  entendre  par 
là  que  celles  avec  qui,  conune  c'était  le  cas  avec  le  roi 
de  Prusse,  on  n'avait  à  cet  égard  point  de  traité  parti-* 
culier;  puisque  c'est  là  le   sens  reçu  de  cette  formule 
générale  qui  se  rapporte  aux  autres  puissances,   même 
dai|s  les  traités  formels.     Quelque  usitée   qu'elle  soit, 
jamais  on  ne  lui  a  fait  signifier  encore  une  admission  aux 
termes  d'aucun  traité  particulier  qui  demande  hécesssi- 
rement  une   explication  spécifique,   qu'on,  ne  prétend 
même  pas  avoir  été  faite.    Or  comme  les  traités  avec  la 
Hollande,  la  Suède,  la  Russie,   le  Portugal,,  le  Dane- 
mark, etc.  difilèrent  entre  eux,  qui  est  ce  qui  détermi- 
nerait, duquel  on  aurait  communiqué  le  bénéfice?   D'ail- 
leurs dans  ce  cas  il  n'y  aurait  nulle  réciprocité:  le  roi 
de  Prusse  ne  s'étant  lié,  par  son  consentement  exprès, 
à  aucune  des  clauses  stipulées  entre  les  autres  puissances 
par  leurs  traités  respectifs.     Par  exemple,  si  les  traités 
avec  la  Hollande  avaient  dû  servir  de  règle  entre  la  Grande- 
Bretagne  et  la  Prusse,  on  aurait  dû  confisquer  toaa  les 
effets  prussiens  trouvés   a  bord  d'un  vaisseau   ennemi, 
au   lieu   qu'on  n'a   jamais    prétendu  ici    en   confisquer 
aucuns;  et  pareillement  tout  ce  qui  est  prétendu  aujotùv 
d'hui  de  la  part  de  la  Prusse,  se  trouverait  formelle- 
ment improuvé  par  les  mêmes  traités  :  selon  lesquels 
il  est  expressément   enjoint  à   tout  sillet  hollandais,  de 
ne  recourir  en  dernier  ressort  qu'à  la  cour  d'appel  de 
V.  M. 

Article  II.  du  traité  d'alliance  entre  la  Grande-Bretagne 
et  la  Hollande,  signé  à  Westminster,  le  6  Févr.  171^. 

Comme  il  s'est  éUvé  des  contestations  toucïiant  Vex^ 
plication  du  12^""*  article  du  traité  de  marine  de  Van 
1674,  c^in  de  mettre  fin  à  tout  différend  sur  ce  sujets 


ENTRB  XÀ  fRVBST&  ET  l'aKOL.  ;  BX  1753*      63 

il  est  convenu  et  conclu  par  les  présentes  que,  par  les 
révisions  désignées  dans  ledit  article,  on  n*a  entendu 
que  celles  qui  par  usage  sont  reçues  et  Font  été  de 
tout  temps  dans  la  Grmde-Bretagne  et  dan»  les  PrO" 
vinces-Vniesj  et  qui  sont  accordées,  et  ont  toujours 
été  {accordées  en  pareil  cas  auxdits  états,  et  à  toute 
nation  étrangère  quelconque* 

On  avance,  que  lord  Carteret  a  deux  fois  refusé  à 
M.  Andrié,  de  donner  une  déclaration  par  écrit ,  cela 
étant  inusité  en  Angleterre. 

Mais  si)  comme  il' est  à  supposer,  lord  Carteret, 
dans  ces  conversations  avec  M.  Andrié,  n'entendait  loi 
faire  qu'une  déclaration  très-naturelle  en  l'assurant  qu'à 
tous  égards  justice  serait  rendue  aux  sujets  prussiens  de 
la  même  manière  qu'à  ceux  de  toute  autre  nation  neutre, 
avec  laquelle  on  n'avait  point  de  traité  particulier  :  il 
était  d'autant  moins  besoin  d'en  rédiger  une  déclaration 
par  écrit,  qu'en  Angleterre  la  justice  a  son  libre  cours,' 
et  que  jamais  la  couronne  ne  s'y  interpose  ;  jamais  ordre 
n^est  donné,  ou  intimation  ou  insinuation  n*est  faite  â 
un  juge,  et,  le  devoir  des  cours  d'amirauté  étant  de 
rendre  bonne  et  égale  justice  à  tous,  lord  Caiteret  sa- 
vait bien  qu'elles  feraient  d'elles-mêmes  ce  dont  il  assu- 
rait M.  Andrié. 

Si  on  avait  eu  Tîntcntion  de  convenir  entre  la 
Grande-Bretagne  et  la  Prusse  de  quelque  dérogation  k 
l'ime  ou  l'autre  règle  du  droit  des  gens,  et  d'établir 
ainsi  une  loi  nouvelle,  selon  laquelle  les  cours  d'ami? 
rauté  dussent  prononcer;  on  n'aurait  pu  le  faire  que 
par  un  traité  solemnel,  duement  autorisé,  et  revêtu  de 
toutes  SCS  formalités. 

Mais  puisqu'on  insiste  également  sur  ce  que  ces 
mêmes  assurances  avaient  été  confirmées  pai*  écrit,  dans 
une  letti*e  de  lord  Chesterfield,  adressée  à  M.  Michel! 


64     I*  AFF.  DES  CAPIT.  HYP,  SUR  LA  SIIiiaUB^ 

du  5  Janvier  1747;   Noua  croyons  devoir  Tinserer  ici 
mot  à  mot     {Voyez  le  N^'  III,  placé  à  la  page  &^ 

Cette  lettre  s'explic[ue  assez  d'elle  même.  Elle  met 
la  Prusse  en  termes  bien  exprès  sur  le  même  pied  que 
d'autres  puissances  neutres  avec  lesquelles  on  n'avait 
point  de  traités,  et  indique  tout  aussi  expressément  k 
seule  voie  propre  de  demander  réparation. 

n  faut  de  même,  que  les  deux  déclarations  faites 
par  lord  Carteret  à  M.  Andrîé  en  Mai  1744,  et  que 
l'on  prétend  avoir  été  confirmées  par  cette  lettre  de 
lord  Ghesterfîeld,  n'aient  en  effet  dit  rien  de  plus.  Du- 
moins  est  il  clair,  par  l'extrait  ci-dessus  inséré  de  la 
lettre  de  M.  Andrié  à  S.  M.  Prussienne,  que  le  nr^ 
1747  il  n'entendait  pas  encore  lui-même  ces  déel^rar 
tions  comme  ayant  promis,  ou  seulement  fait  espérer, 
aucune  liberté  ni  sûreté  pour  les  effets  ennemis  qui  se 
trouveraient  chargés  sur  des  vaisseaux  neutres. 

Et  il  parait  évidemment  par  des  pièces  authentiques, 
que  les  sujets  prussiens  n'ont  jamais  cru,  que  sur  ce 
point  aucun  droit  nouveau  et  particulier  leur  eût  été 
accordé  en  1744. 

Car  nous  ne  trouvons  point  d'exemple  qu'avant  l'an- 
née 1746,  ils  se  soient  permis  de  couvrir  aucuns  effets 
ennemis. 

Ce  n'est  -pas  aussi  en  vertu  des  déclarations  ver* 
baies  de  lord  Carteret,  que  les  vaisseaux  britanniques, 
armés  en  guerre,  pouvaient  s'abstenir  de  faire  des  captures 
depuis  1744  jusqu'en  1746;  vu  qu'ils  n'en  ont  jamais 
eu  ni  pu  avoir  connaissance  ;  et  supposé  que  ce  niaient 
été  que  de  simples  assurances  d'une  justice  impartiale, 
il  était  même  fort  inutile  de  les  notifier  aucune  part: 
puisque  sans  cela,  lesdits  vaisseaux  étaient  indispensa- 
blement  astreints  à  agir,  et  les  cours  d'amirauté  à 'juger 
conformément  au  droit  des  gens  et  aux  traités. 

Jusques  en  174&,  les  documens  prussiens  ont  coti- 
isté  dans   un  certificat  dé  l'amirauté,    que  le  vaisseau 


EN^RS  IiA  PRUSSE  ET  L'ANGIi.  }  EN  1752-      65 

était  dé  construction  prussienne,  accordé  sur  serment 
du  charpentier  qui  l'avait  construit;  et  dans  un  autre 
certificat  de  l'amirauté,  <jue  le  vaisseau  appartenait  à  un 
sujet  prussien,  accordé  sur  serment  du  propriétaire. 
Et  c'est  seulement  depuis  1746,  que  les  Prussiens  s'en- 
gagèrent ouvertement  dans  la  pratiqiie  lucrative  de  couvrir 
les  efTets  ennemis.  ;Mais  ils  paraissent  avoir  été  embar* 
rassés  d'abord  comment  s'y  prendre,  et  quelle  couleur 
y  donner,  pour  le  faire  avec  succès. 

Il  se  trouva  sur  le  vaisseau  nommé  les  trois  Soeurs 
un  passeport  sous  le  sceau  royal  de  la  régence  prus- 
sienne de  Poméranie,  daté  de  Stettin,  le  6  Octobre  1746, 
portant,  que  la  cargaison,  qui  était  du  bois  de  con- 
struction pour  lés  vaisseaux  chargé  pour  le  port  de  l'O- 
rient, appartenait  à  un  sujet  prussien,  et  en  vertu  de 
cela ,  requérant  libre  passage  pour  le  vaisseau. 

M^s*  oonmie  de  fonder  la  liberté  du  vaisseau  sur 
celle  de  la  cargaison,  était  une  nouveauté  trop  grande 
pour  pouvoir  réussir,  on  prit  ensuite  le  contrepicd,  et 
sur  le  vaisseau  nommé  les  Jumeaux,  il  se  trouva  un 
passeport  sous  le  sceau  royal,  etc.  daté  de  Stettin  le 
27  Juin' 1747,  portant,  que  le  vaisseau  appartenait  à  un 
Prussien,  et  en  vertu  de  cela,  requérant  libre  passage 
pour  les  effets. 

On  ne  -s'était  pourtant  pas  fié  à  ce  seul  passeport; 
car  sur  Ipj.iaéme  vaisseau  il  s'en  trouva  encore  im  autrç, 
pareillement  muni  du  sceau  royal ,  etc.  et  daté  de  Stet- 
tin le  14  Juin  1747,  portant,  que  la  cargaison  était  à 
un  Prussien.  ,    .  : 

Il  est  à  remarquer,  que  les  sermcns  sur  lesquels  ces 
divers  passeports  avaient  été  pbtenus,  se  trouvèrent  être 
manifestement  faux;  et  qu^aujourd'bui,  dans  les  .tableaux 
A  et  B,  il  n'est  plus  prétexté  seulement  que  les  car- 
gaisons auxquelles  ils  se  rapportaient  fussent  à  des 
Prussiens. 

Comme    il    est   dit    dans  Vexposition   des  motifs, 

11.  5 


66      l'    AFF.  DES  CAPIT.  HTP.  SUR  I.A  SOAsiEp 

qu'en  Septembre  1747,  M.  Miehell  remit  i  lard  Chester- 
field  des  représentations  toacliant  la  cargaison  du  vais- 
seau hollandais  nommé  les  trois  Sœurs  ^  â  bord  daqodi 
elle  fut  saisie,  et  reclamée  ensuite  comme  appartenante 
h  un  Prussien;  et  comme  néanmoins  nulle  mention  de 
cette  cargaison  n'est  faite  dans  les  tableaoxA  etB^  nous 
ayons  fait  mettre  devant  nous  les  procédures  de  cette 
cause,  et  y  avons  vu,  qu'il  fut  prouvé  de  la  manièie 
du  monde  la  plus  claire  et  la  plus  convaincante,  tant 
par  les  lettres  de  mer,  que  par  les  dépositions  de  vais- 
seau :  que  la  cargaison  était  du  bois  de  construction^ 
chargé  pour  le  compte  et  aux  risques  des  Français  à 
qui  il  devait  être  délivré  au  pori  de  F  Orient,  en  payant 
le  fret  selon  la  Cliarte-partie;  que  le  demandeur  prus- 
sien n'était  ni  fréteur,  ni  chargeur  ni  consignataire  de 
la  cargaison;  et  que  toute  la  part  qu'il  y -avait  jamais 
eue,  était  d'y  avoir  prêté  son  nom  et  sa  conscience; 
car  il  avait  fait  serment  que  cette  cargaison  lui  appar- 
tenait en  propre,  et  qu'elle  avait  déjà  été  chargée  le 
6  Octobre  1746,  on  même  avant;  et  cependant  le  vais- 
seau avait  alors  encore  été  en  lest ,  et  -aucune  partie  de 
toute  cette  cargaison  ne  fut  chargée  avant  le  mois  de 
Mai  1747. 

Nombre  d'autres  revendications  prussiennes  se  trou- 
vèrent également  n'être  que  simulées,  de  sorte  que  M.  An- 
drié,  par  sa  lettre  du  '^^  1747,  ci-dessus  dtée,  semble 
en  avoir  eu  honte. 

Troisième   proposition. 

Que  lord  Carterety  dans  les  deux  conversations  sus^ 
dite»,  a  spécifié  au  nom  de  V.  M.^  quels  objets  de-- 
paient  être  réputés  de  contrebande. 

Réponse.  Ce  qui  peut  en  être,  n'est  d'aucune  consé- 
quence par  rapport  aux  cas  mentionnés  dans  les  tableaux  A 
ctB.^  attendu  que  de  tous  les  effets  condamnés  ici  comme 


BNTRE  IiA  PRUSSE  ET  L'ANGL.  J  EN  1752.      67 

contrebande,  réelle  on  prétendue,  il  neVen  trouve  au- 
cuns portés  dans  les  tableaux  comme  ayant  appartenu 
à  des  Prussiens.  De  sorte  que,  soit  conune  mardiandises 
de  conti*ebande,  soit  comme  appartenantes  i  Tennemi, 
elles  étaient  9  dans  l'un  et  l'autre  eas,  condamnée*  avec 
toute  justice;  et  les  connaissemens  s'en  étant  trouvés 
faux,  les  propriétaires  des  vaisseaux  ne  pouvaient  pas 
être  Ibndés  à  en  demander  le  fret. 

Mais  supposé  que  cette  déclaration  susmentionnée 
de  lord  Carteret  fût  exacte^  comment  ne  conviendrait-on 
pas  que,  si  les  réponses  verbales  faites  par  un  ministre 
Âun  ministre  étranger,  font  connaître  ce  qu'il  croit  lui- 
même  être  de  contrebande  selon  le  droit  des  gens,  eUes  ne 
doivent  pourtant  pas  être  considérées  équivalentes  à  un 
traité  fait  exprès  pour  j  déroger?  Même  fussent  elles 
rapportées  littéralement. 

Toutes  les  autres  observations  déjà  faites  sur  cea 
déclarations  verbales,  sont  aussi  également  applicables 
â  cette  proposition. 

Quatrième  proposition. 

Que  les  ministres  britanniques  ont  dit,  que  ces  cas 
étaient  décidés  suivant  les  loix  d^Angleterre^ 

Réponse^  Il  ne  se  ^eut  que  les  ministres  britan- 
niques n'aient  été  mal  entendus  5  parce  que  par  les  loix 
d'Angleterre  même,  il  est  statué  de  toute  ancienneté, 
qu'en  temps  de  guerre ,  toutes  les  captures  faites  sur  mer 
soient  jugées  par  une  Cour  d'amirauté,  conformément  au 
droit  des  gens  et  aux  traités  particuliers,  s'il  en  existe. 

Aussi  n'a-t-il  jamais  existé  de  cas,  où  une  des  cours 
de  justice  établies  pour  juger  selon  les  loix  d'Angleterre, 
ait  pris  connaissance  d'une  capture. 

Comme  dans  celte  dernière  guerre,  la  propriété 
entière  des  prises  avait  d^avance  été  concédée  à  ceux  qui 
les  feraient,  il  n'était  point  dans  le  pouvoir  de  Y.  M.  de 

5*' 


68      I-  AFF.  DES  CAPIT.  HTP.  SUR  LA  BThiSTBy 

les  faire  relâcher  arbitrairement  à  leur  |>réjuâiGe$  il  fal- 
lait nécessairement  C[ue  toutes  les  captures  fussent  lais-^ 
sées  à  la  décision  des  tribunaux  établis  pour  les  fnger 
selon  le  droit  des  gens,  et  les  traités,  s'il  en  existait; 
et  il  n'a  jamais  été  imaginé,  que  les  loix  qui  sont  par- 
ticulières à  ce  royaume,  pussent  affecter  la  propriété  d'mi 
sujet  étranger  amenée  ici  comme  prise  faite  en  pleine  mer. 

es.,».*».  ,™,»iu.. 

Que  V.  M.  ne  pouvait  pas  avoir  plus  de  droit  que  & 
M,  Prussienne,  d'ériger  des  tribunaux  pour  juger 
ces  causes» 

Réponse.  Il  est  hors  de  tout  doute  que  chaque 
gouvernement  a  un  droit  égal  d'ériger  des  cours  d'ami- 
rauté, pour  juger  les  pi^ises  faites  en  vertu  de  leurs 
commissions  respectives.  Mais  il  n'y  a  aucun  gouverne- 
ment quelconque  qui  ait  le  droit  de  juger  les  '  prises 
faites  par  les  sujets  d'une  autre  nation,  ni  d'infirmer  les 
sentences  émanées  du  tribunal  d'un  gouvernement.  La 
seule  voie  régulière  d'en  faire  rectifier  et  réparer  les 
erreurs,  est  par  appel  au  tribunal  supérieur  du  même 
souverain. 

Telle  est  incontestablament  la  loi  du  droit  des  gens, 
et  telle  la  manière  d'après  laquelle  les  prises  ont  cons- 
tamment été  décidées  dans  tous  les  pays  de  l'Europe, 
ainsi  qu'en  Angleterre. 

Sixième  proposition. 
Que  la  mer  est  libre. 

Réponse.  Ceux  même  qui  soutiennent  celte  pro- 
position avec  le  plus  de  force,  et  lui  donncA  le  plus 
d'étendue,    conviennent  (*)   loutefois,   que   quand    deux 


(1)  Gomme  on  peut  le  voir  dans  les  passages  de  Grotius  cîtës 
ci -dessus,  lib,  S.  cap,  1.  sect,  5.  n,  4.  dans  ses  notes.  Et  lih,  3. 
cap,  6.  sect,  6,  dans  ses  notes. 


ENTRE  I-A  PRUSSE  ET  li^ANGIi.J  EN  1752-     69 

« 

puissances  sont  en  guerre,  elles  ont  droit  de  saisir  les 
effets  Tune  de  l'autre  en  pleine  mer,  et  à  bord  des 
vaisseaux  amis  5  de  sorte  ^e  cette  objection  ne  peut  en 
aucune  manière  s'appliquer  aux  cas  dont  il  s'agit  pré- 
sentement, 

Septiàme  proposition. 

Que  la  Grande-Bretagne  a  publié  elle-même  des  re- 
présailles contre  t Espagne ,  pour  cause  des  captures 
faites  par  elle  sur  mer. 

Réponse*  Ces  captures  n'avaient  point  cté  faites 
dans  un  temps  de  guerre  avec  aucune  puissance;  elles  n'a- 
vaient point  été  jugées  par  des  cours  d'amirauté  selon  le 
droit  des  gens,  mais  par  des  cours  de  finances  sur  des 
règlcmens  qui  faisaient  eux-mêmes  un  des  griefs;  la 
demande  des  dommages  causés,  avait  ensuite  été  ad- 
mise; le  montant  des  dommages  avait  même  été  liquidé 
à  une  somme  fixe,  et  le  paiement  en  avait  été  promis 
par  une  convention  expresse,  mais  qui  ne  fut  point 
exécutée.  Les  représailles  s'ensuivirent;  mais  elles  furent 
générales;  aucimes  dettes  qui  étaient  dues  ici  à  des  su- 
jets espagnols  ne  furent  arrêtées,  ni  aucuns  effets  qui 
se  trouvaient  ici^leur  appartenans  ne  furent  saisis  :  ce 
qui  nous  conduit  naturellement  à  une  autre  observation. 
Le  roi  de  Prusse  a  engagé  sa  parole  royale  à  payer 
la  dette  sur  la  Silésie  due  à  des  particuliers*  Cette 
dette  est  commerçable ,  et  une  bonne  paitie  peut  en 
avoir  été  transférée  à  des  sujets  d'autres  puissances.  Il 
sera  difficile  de  trouver  un  exen^le,  que  jamais  souve- 
rain se.  Joit  pprté  à  saisir  par  représailles  une  dette 
qu'il  devait  à  des  particuliers. 

'  Un.  pai*ticulier  prête  son  argent  à  vax  souverain  suv 
la  foi  de  son  honneur;  parce  qu'un  souverain  ne  peut 
point,  comme  le  reste,  des  hommes,  être  actionné  et 
contraint  à  payer  par  voie  de  justice. 


70      t  AFF.  DES  CAPIT-  HYP.  SUR  LA  SII.ÉSTS, 

L'AngleterFe ,  la  France  et  l'Espagne  ont  gardé  cetu 
foi  publique  si  religieusement,  qu'elles  n'ont  pas  soii£^ 
fert,  même  durant  la  guerre ,  qu'on  s'enqutt  seulement 
de  ce  qui  des  dettes  publiques  pouvait  être  dû  i  l'en* 
nemi;  quoiqu'il  fût  certain ,  que  beaucoup  d'argent  an- 
glais était  dans  les  fonds  de  France,  et  beaucoup  d'ar- 
gent français  dans  les  fonds  d'Angleterre. 

Cet  emprunt  que  feu  l'empereur  Charles  VI  fît  en 
Janvier  1734-5,  n'était  point  une  transaction  d'état  à 
état ,  mais  un  simple  contract  fait  avec  des  particuliers, 
qui  prêtaient  leur  argent  sur  l'engagement  que  prenait 
l'empereur,  pour  lui,  s^s  héritiers  et  descendans,  de 
rembourser  le  capital  avec  l'intérêt,  de  la  manière  et 
dans  les  termes  réglés  par  le  contract  ;  sans  délais  re- 
tardement,  déduction,  ni  rabais  quelconque  i  pro- 
mettant, au  cas  que  les  instrumens  et  les  paroles  dont 
on  fit  usage  ne  fussent  pas  jugés  assea  forts,  d'assurer 
l'exécution  de  son  contract,  dans  et  par  tels  autres 
actes,  moyens,  manières ,  formes  ^t  paroles,  qui  se- 
raieni  les  plus  valides  et  les  plus  efficaces  pour  lier 
ledit  empereur,  ses  successeurs  ^t  descendant  ^  et  que 
les  prêteurs  pourraient  raisonnablement  exiger. 

Il  a  hypothéqué  ses  revenus  des  duchés  de  la  haute 
et  basse  Silésie,  pour  sûreté  réelle  et  spécifique  du  paie- 
ment du  capital  et  des  intérêts.  La  dette  entière,  capi- 
tal et  intérêts,  devait  être  çicquittée  dans  le  courant  de 
Pan  1745: 

S'il  était  même  arrivé  qu'elle  n'eût  pas  pu  être 
payée  hors  des  revenus  de  la  Silésie,  l'empereur,  ses 
héritiers  et  descendans  en  fiissent  toujours  demeurés 
débiteurs,  et  obligés  à  la  payer;  car  l'éviction  ni  la 
destruction  de  ce  qui  est  hypothéqué,  n'annullent  la  dette^ 
ni  n'en  déchargent  le  débiteur,  Pour  cette  raison  l'im- 
pératrice reine,  sans  le  concours  des  prêteurs,  stipula 
comme  la  condition  sous  la'quelle  elle  cédait  les  duchés 
de  Silésie  au  roi  de  Prusse,  que  par   rapport  i  cette 


BNTRSIiA  PAU8SE  BT  I^'ANGIi.  j  £N  1752*      71 

dette,  S.  M.  Prussienne  se  tiendrait  pour  subrogée  au 
lieu  et  place  du  feu  empereur  son  père.  Et  voici  les 
propres  termes  du  septième  des  articles  préliminaires 
entre  la  reine  de  Hongrie  et  le  roi  de  Prusse,  signés  i 
Breslau,  le  il  Juin  1742  i  S.  M.  le  roi  de  Prusse  se 
charge  du  seul  paiement  de  la  somme  hypothéquée  sur 
la  Silésie  aux  marchands  anglais,  selon  le  contract 
signé  à  Londres,  le  7  Jam^ier  1734-5. 

Cette  stipulation  a  ensuite  été  confirmée  par  le 
neuvième  ar^cle  du  traité  entre  leursdites  majestés  signé 
à  Berlin,  le  28  Juillet  1742. 

Elle  a  encore  été  renouvellée  et  confirmée  par  le 
second  article  du  traité  entre  leursdites  majestés  signé 
à  Dresde,  le  25  Décembre  1745. 

En  considération  de  la  cession  de  la  Silésie  faite 
par  l'Impératrice -Reine,  le  roi  de  Prusse  de  son  côté 
s^e^t  engagé  envers  elle,  à  payer  cette  somme  selon  le 
contrait;  et  -il  est  par  conséquent  obligé  d'être  en 
tout^ens,  quant  â  cette  somme,  au  lieu  et  place  du  feu 
empereur. 

Or,  feu  l'eqipereur  n'aurait  pas  pu  saisir  cette  somme 
par  représailles,  ni  même  comme  effets  ennemis,  en  cas 
de  guerre  ouverte  entre  les  deux  nations;  parce  qu'il 
avait  engagé  sa  foi  de  la  payer  sans  délai,  retardement, 
déduction,  ni  rabais  quelconque. 

Quand  ces  termes  ne  s'étendraient  pas  à  tous  les 
cas  possibles,  il  avait  engagé  son  honneur,  de  se  lier 
encore  plus  efficacement  à  payer  cette  somme,  en  telle 
forme  de  paroles  qu'on  pourrait  exiger.  El  ainsi  il  pou- 
vait être  requis  en  tout  temps,  de  déclarer  expressé- 
•Meilt,  que  cette  somme  ne  serait  saisie,  ni  par  repré- 
«aiUes,  ni  en  temps  de  guerre;  comme  cela  se  pratique 
fréquemment  lorsque  les  princes  et  états  souverains 
empruntent  de  l'étranger. 

De  sorte  qu'en  supposant  même  pour  un  moment, 
que  les  plaintes  de  S,  Mf  Prussienne  fuiseiU  fondées  eii 


72      I.   AFF.  DES  CAPIT.  HYF.  SUR  UL  WUÉSlMy 

justice  et  selon  le  droit  des  gens,  et  qu'il  :fût  plemement 
en  droit  d'user  de  représailles  contre  la  Grande-* Bre- 
tagne en  général  :  toujours  ne  pourrait-il  pa»  aaiair  cette 
somme  par  représailles^,  sans  enfreindre- ses  mga^emeiu 
avec  l'Impératrice-Reine. 

D'ailleurs  cette  dette  entière  devait^  selon:  le  cou- 
tract,  avoir  été  acquittée  dès  1745.  On  doit  donc  en 
justice  et  en  équité,  considérer,  le  contraet  conàme  ayant 
été  rempli  dès-lors,  en  tant  que  cela  peut  Intëi^esSer  la 
sûreté  des  créanciers;  or,  les  plaintes  *  jn'ussitïunes  n'ont 
commencé  qu'en  1746,  quand  toute  la  dette  aurait  déjà 
dû  être  payée  en  entier. 

C'est  sur  ce  principe  de  justice  naturelle,  qn«  les 
vaisseaux  et  effets  français  qui  avaient  été  saisis  à  tort 
durant  la  guerre  avec  l'Espagne,  mais  avant  Celle'  avec 
la  France,  ont,  par  les  sentences  des  tribunaux  de  V.  M., 
été  restitués  aux  propriétaires  français ',  lilôrtic  '  au  plus 
fort  de  la  guerre  avec  la  France,  et  énôbrè  '  depuis  ;  on 
n'a  jamais  prétendu  confisquer  ces  vaîsiseâlii  rii  ces  ^fibts, 
quoiqu'ils  appartinssent  à  des  sujets  d'un  ennemi  actuel, 
et  se  trouvassent  entre  nos  mains;  parce' qù^'ls  n'y  eussent 
point  été  alors,  sans  le  tort  qui  leur  avait  été  fait  avant  : 
tout  comme  cet  argent  ne  se  trouverait  point'  aujour- 
d'hui entre  les  mains  dé  S.  M.  Prussienne,  si  elle  n'avait 
manqué  au  contract,  en  ne  payant  pas  la  sîomtne  entière 
en  1745. 

La  garantie  de  V.  M.  des  susdits  trois  traités,  ne 
peut  que  dépendre  des  mêmes  conditions  sous  les- 
quelles la  cession  de  l'Impcratricc-Reine  a  été  faite. 

Mais  c'est  ce  qui  est  suj^erflu  de  remarquer.*;!  w 
que  le  roi  du  Prusse  convient  lui-même  que,  de  ne 
pas  payer  cette  dette,  serait  de  sa  part  une  infraction 
desdits  engagemens,  et  une  renonciation  auxdits  traités, 
si,  par  le  droit  des  gens,  il  n^était  point  autorisé  a  user 
de  représailles  contre  les  sujets  de  Y.  M.  3  et  nous  croyon» 


ENrâB  ^  PHUSSB  ET  li'ANGIi.  J  EN  1752-     73 

avoir  .claireinent  fait. voir  i^u'^en  aucun  sens  il  ne  salerait 
'  l'être.»  ^.      -, 

Il  ne  nous  reste  qu'à  soumettre  très -respectueuse- 
ment tout  ce  c[ue   dessus  aui^ .  lumières  et  à  la 
prudence  de  V.  M. 
-  '  Geo.  Lee. 

'     :  G.  Paul. 

D.  Ryder. 
Le  18  Janvier  1753.  W.  MuRRAY. 

!  ... 

La  réplîquç  que  la  commission  prussienne  fut 
chargée  par  le  roi,  de  faire  au  rapport  des  commis- 
saires anglais  (*),  était  divisée  en  deux  parties,  la 
première  contenait  la  réfutation  des  objections 
f^tes-  quant  au  droit i  la  seconde,  celles  faites 
par  rapport  aux  faits.  Nous  nous  boiserons  à 
donner  ici  les  paragraphes  les  plus  importans 
de  la  premièrq  p^tie  de  cette  réplique,  ayant 
fi}9ule  rapport  JkJl^..  discussion  sur  les  principes  du 
droit  *des  gens  '  fi  .axiopter  dans- cette,  circonstance. 


,  I 


.  :  : .  ■  I  i .  ;  •  ;    fl  :  *     ■  ;    ;    . . 

*  i  "i.  i:.     '         .  ■  ••; 


N^  vm. 


JSitPraa^ide^la  répHque  faite  ûu-  mj^purt  des  commUr 
n'êaires  amglais^^teiuehant  le$  déprédatîom  de9  ar^M' 
M-:tâuri  ang^faUf \€iUANt  AU:i>HOiX'^^        ■ 

.fi .  .§.  6i.  Çcsî,prînqîp^,  (éta^t  P9«(çsFj,ex^npu^.in^i^ 
tenait  la.  ques^Qijijiquji  .s'agite^  açtuellf^ent  ontre.  1^ 
Pcuj^en^:  e^.le$  ^gl^js^,  savoir,,, si}|{^/2.  vaisseau  neutre 
pé^ut^  être  détourné  de  spn  poturs,  et  amené  au  porjt,  en 
conséquence  dune  présomptiçn  (fu  du(i  soupçon,  çfa- 

T — : -. : : : 

(1)  Cette  r<^Hai;^-.  ^/^^t.^e  yiDgtt>dei:^  polgea  imprimëes  en  4°;, 


74     L  Af'F.  B£S  GAPIT.  HYF,  SÛR  Ii^IIiésiB^ 

voir  à  bord  des  effets  appartenons  aux  ennemis,  ei  si 
Pon  peut  déclarer  ces  effets  de  bonne  prise,  à  moins 
que  le  vaisseau  ne  fournisse  des  préwes  y  quHls  appar^ 
tiennent  à  des  amis. 

§.  7.  U  faut  avouer  qu'en  de  pareils  cas,  des  nations 
belligérantes  se  sont  donné  de  grandes  L'bertés,  parti- 
culièrement vis-à-vis  des  vaisseaux  appartenans  i  des 
états  neutres  )  qui  ne  se  trouvaient  pa^  à  même  de  res- 
sentir l'injure.  Mais  cette  pratique,  tant  qu'elle  sera 
contraire  au  droit  de  nature  et  incompatible  avec  l'u- 
tilxté  et  la  convenance  générale  du  genre  humain,  ne 
^aurait  jamais  s'établir  en  principe  de  droit  des  gens. 

§.8.  Op  c'est  évidemment  blesser  .le  droit  de  mn 
ture,  que  4^  saisir  la  propriété  d'un  hofame  qui  ^ 
en  paix  avec  moi,  ou  de  l'en  déposséder,  quand  ce  ne 
serait  que  pour  un  moment  :  pai*  conséquent,  de  saisir 
le  vaisseau  d'un  tel  homme  en  mer,  est  très-swréineiit 
imè  infraction  du  susdit  droit.  Son  vaisseau  est  sa  "pro^ 
priété  en  quelque  endroit  qu'il  se  trouve,  et  je  n'y  piâ 
entrer  pour  saisir  ies  effets  ennemis,  qu'il  pourrait  avoir 
à  bord,  non  plus  que  dans  un  port  ou  territoire  neutre, 
pour  m'emparer  des  navires,  ou  des  effets  d'un  ennemi. 
Bien  au  contraire,  ce  droit  de  nature  a  été  si  ferme, 
ment  établi  par  les  loix  et  les  coutumes  de  tdttteslés 
nations,  que  quand  je  suis  actuellement  en  poursuite 
d'un  vaisseau  ennemi,  et  que  celui-^ci  s'échappe  dans^  un 
port  neutre,  ce  serait  une  infraction  de  la  neutralité,  si 
Pbn'me  permettait  d^ieltitrer  dans  lé  port  et  de  m'em- 
parer du  vaisseau.  Grotius  dit  en  termes  exprès  Livré 
IIL  cliap.  6.  sect,  26.  no.  2-  qu'uiiè  puissance  neutre  est 
en  droit  d'empêcher,  qu'on  ne  saisisse  les  effets  dél 
ennemis  sur  son  territoire. 

§.  9.  Quand  on  considère  ensuite  l'utilité  «et  la 
convenance  générale,  du  genre  humain,  il   est  certain 


SKTRE  IiA  P ATJS8S  ET  li'ANGI*  ;  EN  1752.      75 

^e  la  Bberté  du  commerce  et  de  la  navigation  est  d'une 
utilité  universelle  y  et  que  tout  le  monde  y  trouve  son 
compte,  an  lieu  €pie  la  nuqdme  qui  permet  de  saisir  les 
effets  ennemis  à  bord  d'un  vaisseau  neutre,  doit  néces- 
sairement assujettir  toutes  les  nations  à  tant  de  vexations, 
et  occasionner  tant  de  disputes  et  de  discussions,  que  si 
elle  était  universellement  reconnue,  il  n'y  aurait  plus  de 
liberté  de  commerce  et  de  navigation,  aussi  longtemps 
qu'il  resterait  encore  au  monde  deux  nations  qui  se 
lissent  la  guerre.  Aussi  toutes  les  nations  commerçantes 
en  Europe  sentent  si  vivement  les  inconvéniens  qui  ré- 
sulteraient pour  tout  le  monde  de  la  maxime  en  question, 
que  la  plupart  d'entre  elles  ont  adopté  la  règle  contraire, 
savoir  :  yue  bord  libre  rend  la  marchandise  libre,  et 
Tont  établie  par  des  traités  exprès.  Et  comme  Futilité  et 
la  convenance  générale  du  genre  humain  fournissent  l'u- 
nique fondement  solide  an  droit  des  gens,  ces  traités, 
bien  loin  d'en  former  une  exception,  prouvent  évidem- 
ment, qne  la  règle  qu'ils  y  établissent,  appartient  au  droit 
des  gens,  et  devrait  être  suivie  dans  la  pratique  de  toutes 
les,  nations. 

$.  10.  En  effet,  il  n'est  point  de  nation  qui  ait 
tant  d'intérêt  de  soubaiter  que  cette  règle  soit  reconnue 
partout,  comçoe  une  maxime  du  droit  àes  gens,  qne  les 
Anglais.  Que  deviendrait  leur  commerce  dans  la  Médi- 
terranée, si  les  Turcs  et  les  Maures  saisissaient  tous  les 
vaisaeanx  qu'ils  rencontreraient  en  mer,  sous  prétexte 
qu'ils  avaient  à  bord  des  effets  appartenans  anx  Espagnols, 
et  qu'ils  les  retinssent  jusqu'à  ce  qu'on  leur  eût  prouvé 
par  des  certificats  apportés  d'Angleterre,  que  ces  effets 
appartenaient  en  propre  à  des  Anglais?  et  si  de  l'autre 
c6té  les  Espagnols  en  usaient  de  même,  sous  prétexte, 
que  les  vaisseaux  anglais  portaient  des  marchandises  ap- 
partenantes à  des  Turcs  ou  à  des  Maures  :  que  devien- 
drait leur  commerce  dans  la  Baltique,  durant  la  guerre 


76      i  rAFP.OIES  CAPIT.  HYP.  SI»  I-A  81IjÛ91Bj 

entre    quelques    unes    des    puissances     dont    les    états 
touclient   à  ces  parages?     Que  deviendrait  leur    com- 
merce- en  Espagne  ou   en   Portugal,    durant  la.  guerre 
entre  ces  deux  couronnes,   ou  celle  de  la  France  avec 
Tune  ou  arec  l'auti'e.    Bref,   que  deviendrait  leur  com- 
merce aux  Indes  orientales  et  occidentales,  et  même  en 
tout  autre  endroit  du  monde,   en  cas  de  guerre   entre 
l'Espagne  et  la  Hollande,  si  les  deux  parties  belligérantes 
étaient  autorisées  à  saisir  et  à  arrêter  les  vaisseaux  anglais, 
«olis  prétexte  qu'ils  portaient  quelques,  effets    apparte- 
nans  aux  ennemis  de  l'une   ou  de  l'autre?     Car   il  est 
aisé   de    trouver  quelque   fondement   à    de    semblables 
soupçons^,   et  souvent  il   nest  pas  au  pouvoir  du  capi- 
taine ou   du  patron  du  vaisseau,   de  déclarer  sous  ser- 
ment,   â  qui  appartient  réellement  chaque  parcelle  de 
sa  cai^aison,  vu  que  les  connaissemens  portent  fréquem- 
ment à  Tordre  de  celui  qui  les  a. remis  à  boiFd^  et  que 
par   une  correspondance  secrette  entre  Içs  parties  qui 
envoient  les  marchandises,  et  qui  doivent  les  ^recevoir, 
lai'cbose  peut  être    ménagée  '  en ,  sorte    que   les  eS&s 
paraissent  appartenir  à  Tune,    et  passer   à  son  risqae, 
tandis  qu'ils  appartiennent  cfrectivemcnt  à  l'autre. 


!• 


li.:^  §.  11,  Ainsi  la  maxime,  que*  bord  libre;  rend  la 
marckandiae  libre,  est  non  seulement  tout  à.f^t  con- 
forinc  au  droit  des  gens,  mais  il  sera  de  plas  toujours 
de  l'intérêt  de  l'Angleterre,  qu'elle, soit  établie  et  adop- 
tée partout  avec  l'unique  exception  des  marcJum(U$e8 
xle  '  contrebande,  et .  de .  celles  qu'on  transporte  dans 
•des-  ports  des  ennemis  bloqiiés.  par  des  vaisseftUx  de 
guerre.  Et  comme  les  Anglais  ont  eflectivement .  étar 
bli  cette  règle,  par  des  traités  formels  avec  quelques 
nations,  ils  sont  obligés  en  justice  de  l'établir'  avec 
toutes  celleS'-  qui  veulent  s'engager  à  Tobserver  ré- 
ciproquement :  toutes  les  nations  neutres  étant -en  droit 
de  prétendre  à  un  traitement,  égal,    et  à    une  îudulT 


ENTRE  liA  PRUSSE  ET  li'ANGIi.  J  EN  1752.     77 

gence  égale  par  rapport  à  la  liberté  du  commerce.  Aussi 
en  auraient-ils  sûrement  usé  de  la  sorte  durant  le  coursi 
de  la  dernière  -guerre  ^  si  la  considération  d'un  intérêt 
étranger  ne  les  avait  indtiits  à  envisager  comme  leurs  en-^ 
nemis  secrets,  certaines  puissances  étrangères  qui  ne  se 
proposèrent  jamais  d'autue  but,  que  de  se  défendre  contre 
l'injustice  de  ceux  qui,  sous  le  nom  d'alliés,  ont  toujours 
agi  comme  s'ils  étaient  les  maîtres  d'Angleterre. 

§.  12.  Or,  parmi  toutes  les  nations  qui  ont  adopté 
cette  règle,  on  convient  que  les  effets  d'un  ami,  même 
quand  on  les  trouve  à  bord  d'un  ennemi,  deviennent  de 
bonne  prise,  et  appartiennent  aux  capteurs,  tandis  que  les 
nations,  qui  suivent  la  maxime  contraire,  soutiennent  que 
les  biens  d'im  ami  ne  sauraient  être  regardés  de  bonne 
prise,  quand  même  on  les  aurait  saisis  sur  un  bord  en- 
nemi, mais  qu'il  faut  les  rendre  au  propriétaire,  àès  qu'il 
aura  duement  prouvé  qu'ils  lui  appartiennent.  Voyeas 
les  annotations  sur  le  passage  allégué. de  Grotius ,  et  ce 
qu'il  a  dit  sur  ce  sujet,  Livre  IIL  C.  è..fi.  6. 

§.  13.     Mais  dans  la  dernière  guerre  le  gouverne- 
ment d'Angleterre  semble   avoir  adopté  tantôt  l'une  de 
ces  maximes,  tantôt  Fautre,  selon  que  cela  convenait* le 
mieux  aux  intérêts  de  sqs  armateurs.    Car  quand  on  trou- 
vait sur  des  bords  neutres  des  effets  qu'on  pouvait  soup- 
çonner tant  soit  peu  d'appartenir  à  l'ennemi,  on  ne  bésita 
point  de  les  déclarer  de  bonne  prise ,  à  moins  qu'on  ne 
prouvât  clairement  tjn'elles  appartenaient  à  quelque  ami. 
Non  obstant  cela,  on  déclara  la  même  chose  à  l'égard  de 
tous  les  eflfets  trouvés  sur  des  vaisseaux  ennemis,  quoi- 
qu'on se  fût  offert  de  prouver,   que  les  effets   en  ques- 
tion appartenaient  réellement  à  des  amis,  et  même  à  des 
Anglais^  pratique  qui,  étant  adoptée   comme  établie  par 
le  droit  des  gens,  donnerait  à  la  vérité  des  avantages  ex- 
trêmes aux  armateurs,  et  à  tous  les  vaisseaux,  armés  qu 
en  agissent  en  cette  qualité  5  mais  combien  de  troubles 


78      I  AFF.  DES  CAPrr.  HTP*  SUR  ZiA  SIUisiB, 

et  de  vexationa  elle  causerait  aux  vaîsaeatiz  marchancU 
de  toutes  les  nations  en  temps  de  guerre,  cela  aaute  tel- 
lement aux  yeux  9  qu'il  serait  superflu  d'j  répandre  de 
nouvelles  clartés.     Il  paraît  d'ailleurs  assez  par  la  con- 
duite de  l'Angleterre  vis-à-vis  des  autres  nadona,  com- 
bien elle  est  .éloignée  de   leur  passer  la  pratique  de  It 
maxime  en  question.     Car  dans  les  traités  de  commerce 
qu'elle  à  conclus  avec  d'autres,  elle  a  généralement  grand 
soin  de  stipuler,  qu'en  quelque  temps  qu*il  s'élevât  des 
guerres  entre  la  nation  contractante  et  quelques  autres, 
les  Anglais  jouiront  constamment  d'tm  libre  commerce 
avec  l'ennemi  9  et  pourront  par  conséquent  prendre  une 
cargaison  entière  de  lui,  au  cas  qu'ils  eussent  jcoutume 
d'en  user  de  la  sorte  en  temps  de  paix  :  traités  qui,  comme 
j'ai  observé,  bien  loin   d'introduire  une  nouveauté  qui 
dérogeât  au  droit  Universel  des  nations,  ne  font  que  cou* 
firmer  une  règle  qui  en  fait  partie,    et  devrait  s'obser- 
ver partout  indépendamment  des  traités  :  d'autant  qa« 
sûrement  personne  n'osera  soutenir,   que  le  meurtre,  le 
larcin,  ou  d'autres  crimes  semblables  ne  sont  pas  défen- 
dus par  le  droit  de  nature,  parce  que  dans  toutes  lea  so- 
ciétés, bormi  celles  des  pirates,  des  brigands  et  des  vo- 
leurs, les  loix  positives  et  municipales  les  défendent  et 
les  punissent^ 

$.  14.  Il  résulte  donc  de  tout  ceci,  que  non  obs^ 
tant  tout  ce  qui  peut  avoir  été  pratiqué  de  contraire  parmi 
certaines  nations,  et  dans  des  siècles,  où  l'utilité  gêné* 
raie  da  la  liberté  du  commerce  n'a  pas  été  bien  enten- 
due^ c'est  constamment  une  maxime  du  droit  des  gens^ 
que  le  vaisseau  libre  rend  la  marcJiandise  libre,  et 
que  tous  lea  effets  trouvés  sur  un  vaisseau^nnemi  ^  sont 
de  bonne  prise  :  d'autant  que  cette  règle  termine  toutes 
les^  contestations  concernant  les  cargaisons,  et  laisse  i 
chaque  nation  neutre  la  puissance  d'un  commerce  libre 
à  l'égard  de  tous  Tes  effets  qui  ne  sont  pas  de  contre^ 


ENTRX  IiA  PRUS8B  ]&T  Ii'ANGIi.  ;  EN  1752«      79 

bande,  et  de  tous  les  ports  qui  ne  sont  pas  bloqués 
par  dés  vaisseaux  de  guerre,  aussi  long-temps  qu'elle 
ne  poursuit  que  son  propre  commerce,  sans  s'engager 
à  ce  qu'on  peut  appeler  avec  raison,  faire  le  commerce 
des  ennemis  pour  eux.  Car  alors  elle  n'agirait  plus 
conune  une  puissance  neutre,  mais  comme  alliée  et 
auxiliaire  de  l'ennemi ,  et  si  sur  un  avertissement  con- 
venable elle  ne  s'abstenait  pœnt  d'une  pareille  mar- 
noeuvre,  elle  mériterait  d'être  traitée  en  ennemie. 

§.  15.  Cependant  comme  il  peut  s'élever  des  disputes, 
tant  sur  cet  article,  que  sur  ce  qui  est  censé  être  de  contre^' 
bande,  ou  non,  et  que  ci-devant  la  règle  en  question,  n'a 
pas  été  trop  bien  bbservée,  non  plus  que  la  plupart 
des  autres,  il  est,  selon  Grotiusj  du  devoir  de  chaque 
nation  qui  entre  en  guerre,  d'envoyer  des  notifications 
à  toutes  les  puissances  neutres,  pour  s'expliquer  avec 
elles,  de  quelle  façon  elles  auront  4  se  conduire  durant 
le  cours  de  cette  guerre  :  et  cela  doit  s'observer  plus 
particulièrement  envers  celles  avec  lesquelles  il  n'y  a 
point  de  traité  exprès. 

§.  16.  Le  gouvernement  britannique  paratt  avoir  né~ 
gligé  d'envoyer  ces  sortes  de  notifications  aux  puissances 
neutres,  tant  au  commencement,  que  dans  le  cours  de 
]a  dernière  guerre,  mais  malgré  cette  négligence,  le  roi 
de  Prusse,  qui  veille  sans  cesse  au  bien  de  ses  sujets, 
et  à  leur  prospérité,  eut  soin  d'y  suppléer  et  de  de- 
mander une  pareille  explication.  Il  en  reçut  une  du 
ministère  britannique,  d'abord  verbale,  et  puis  par  écrit: 
ce  qtd  me  conduit  à  examiner  la  déclaration  faite  par 
lord  Carteret,  et  la  lettre  écrite  par  le  comte  de 
Cbesterfidld,  que  je  suppose  couchée  dans  les  mêmes 
termes,  qu'elle  est  énoncée  dans  le  rapport,  attaché  à 
la  lettre  du  duc  de  Néwcastle. 

§.  17.  On  convient  que  la  déclaration  verbale  du 
lord  Carteret  porte  en  termes  exprès,  que  rien  de  ce 


80      I.  AFF.  BBS  CAPIT.  HYP.  SUR  LA  Sll,iSJ^j 

qui  se  trouverait  h  bord  des  vaisseaux  prusêisnê'  nt 
serait  saisie  à  moins  quHl  ne  fût  de  contrebandes 
N'était-ce  pas  dire  avec  autant  de  précision  qne  :des 
termes  en  puissent  porter,  qu'on  observerait  la  maxinifiy 
quûun  vaisseau  libre  rend  la  marchandise  libre  ^  h 
tous  égards j  hormis  la  contrebande?  Et  lord  Càrteret 
ayant  ajouté,  que  les  navires  prussiens  seraient  traités 
sur  le  même  pied  qiie  ceux  des  autres  puissances  neutres^ 
il  n'a  pu  entendre  par  là  que  les  puissances-  neutres 
avec  lesquelles  la  maxime  susdite  a  été  établie.  Autre- 
ment la  dernière  partie  de  sa  déclaration  contredirait 
directement  la  preJère. 

§.  18.  Cependant  comme  des  déclarations  verbales 
sont  sujettes  'à  être  mal  interprétées,  nous  allons  examiner 
celle  que  le  comte  de  Chesterfield  a  faite  par  écrit 
En  voici  les  propres  termes  :  „S.  M.  Prussienne  ne 
„peut  ignorer,  qu'il  y  a  des  traités  de  commercé  qui 
„ subsistent  actuellement  entre  la  Grande-Bretagne  et 
„ certains  états  neutres,  et  moyennant  les  engagement 
„ formellement  contractés  de  part  et  d'autre,  par  ces 
„ traités,  tout  ce  qui  regarde  la  manière  de  poursuivre 
„ réciproquement  leur  commerce,  a  été  finalement  dé- 
,^  terminé  et  réglé.  En  même  temps  il  ne  parait  point 
„ qu'un  pareil  traité  existe  présentement,  ou  eut  jamais 
„  existé  entre  S.  M,  et  le  roi  de  Prusse.  Non  obstant, 
„cela  n'empêcha  jamais  que  les  sujets  prussiens  ne 
„  fussent  favorisés  par  l'Angleterre  à  l'égard  de^  leur 
„ navigation,  autant  que  d'autres  nations  neutres^  et 
„S.  M.  ne  présume  point,  que  le  roi  votre  maître  en- 
„ tende  demander  à  S.  M.  des  distinctions,  et  beaucoup 
„  moins  des  préférences  en  faveur  de  ses  sujets  sur 
„ce  point." 

Or,  le  terme  non  obstant j  n'implique- 1- il  pas, 
que  la  suivante  expression,  de  nations  neutres^  doit  s'en- 
tendre des   nations  avec  lesquelles  S.  M.   a  des  traités 


IBNTiLE  I-A  PRUSSE  ET  li'ANGI*.;  EN  1752.      81 

de  commerce  9  moyemiant  lesqiielles  l'exercice  du  corn* 
merce  en  temps  de  guerre  est  déterminé?  Combien 
n'aurâit-il  pas  été  ridicule  de  dire  :  Non  obstant,  cela 
n'a  point  emp<^ché  que  les  sujets  prussiens  ne  fussent 
favorisés  par  l'Angleterre  à  l'égard  de  leur  navigation, 
autant  que  d'autres  nations  neutres  avec  lesquelles  il 
n'existe  point  de  pareils  traités?  Ne  saute- 1- il  pas  aux 
yeux  d'un  chacun,  que  le  terme  de  non  obatanty  aurait 
été  ici  tout  à  fait  déplacé  et  niôme  ridicule? 

§.  19.  H  s'ensuit  donc  incontestablement  de  ces 
déclarations,  que  les  Prussiens  étaient  en  droit  de  de- 
mander qu'on  observât  à  leur  égard  le  principe,  que  le 
paisseoi^  libre  rend  la  marchandise  libre,  et  que  tous  les 
eflets  trouvés  à  bord  d'un  vaisseau  ennemi  sont  de  bonne 
prise.  Et  il  est  évident  qu'ils  ont  regardé  ce  principe 
comme  adopté  et  reconnu  par  l'une  et  l'autre  nation  5 
car  ils  se  sont  soigneusement  abstenue  de  charger  leurs 
eflets  à  bord  des  vaisseaux  français,  ou  s'ils  Font  fait, 
ils  ne  les  ont  jamais  reclamés  quand  ces  navires  sont 
tombés  entre  les  mains  des  Anglais. 

$•  20.  Mais  on  objecte  premièrement ,  que  ni  les 
armateurs  anglais  ni  les  cours  de  l'amirauté  britannique, 
n'ont  pu  prendre  connaissance  des  déclarations  susdites. 
Supposé  que  cela  soit,  ce  qui  parait  toutefois  douteux, 
le  ministère  britannique  aurait  dû  en  avertir  le  ministère 
de  Prusse  :  auquel  cas  S.  M.  Prussienne  n'aurait  cer- 
tainement pas  manqué  d'insister  sur  la  conclusion  d'un 
traité  formel  de  commerce,  que  les  Anglais  n'auraient 
point  refusé  non  plus  dans  ce  temps  là,  malgré  la 
jalousie  qui  subsista  dès  lors  entre  le  roi  de  Prusse  et  un 
électeur  voisin.  Si  l'on  objecte  encore,  secondement,  que 
l'obligation  n'était  pas  réciproque ,  d'autant  que ,  supposé 
que  les  Prussiens  fussent  engagés  dans  une  guerre, 
ils  n^auraient  pas  été  tenus  de  se  conduire  scion  le  même 
principe  à  l'égard  du  commerce  des  Anglais;  je  réponds, 

II.  6 


82      I.  AFF.  DES  CAPIT.  HYP.  SUR  IiA  SIIillsiE, 

que  le  principe  en  question  étant  la  véritable  règle 
établie  par  le  droit  des  gens,  pour  l'avantage  du  com- 
merce, les  Prussiens  ne  sont  pas  moins  obligés  de  s'y 
conformer.  S'ils  ne  s'y  sont  pas  encore  engagés  par 
un  acte  formel,  la  faute  en  est  au  ministère  anglais^ 
puisqu'il  ne  dépendait  que  de  lui,  d'insister  sur  une 
contre -déclaration  de  la  part  de  la  Prusse,  ou  de 
réduire  cet  objet  en  forme  d'un  traité,  et  de  le  faire 
ratifier  de  part  et  d'autre. 

§fc  21,  n  est  donc  évident  que  les  Prussiens  sont  en 
droit  de  demander  satisfaction  et  réparation  pour  cbaque 
navire  qu'on  leur  a  détenu  sous  prétexte  d'avoir  i 
bord  des  effets  appartenans  à  des  Français,  et  pour 
cbaque  parcelle  des  effets,  qui  leur  ont  appartenu  en 
propre,  et  qu'on  ne  leur  a  pas  rendus.  Qui  plus  est, 
ils  sont  en  droit  de  demander  la  même  satisfaction  pour 
chaque  obole  d'effets  appartenans  effectivement  à  des 
Français,  et  qu'ils  ont  eu  à  leur  bord.  (Voyez  Grotius 
S.  3»   Chap.  !•  §.6.  No.  4.  dans  les  remarques.) 

§.  25.  Ayant  établi  aîusî  la  justice  de  la  prétension 
des  Prussiens,  je  vais  observer  ensuite,  que  dans  tdbtes 
les  transactions  entre  des  états  indépendans  l'un  et 
l'autre,  le  roi  ou  le  gouvernement  d'une  nation  et  ses 
sujets,  sont  censés  être  una  et  eadem  personaj  une 
même  personne  .'  par  conséquent,  ce  qui  est  dû  par  le 
roi  ou  au  roi  et  gouvernement  d'une  nation,  l'est  aussi 
par  ou  aux  sujets  d'une  nation,  et  par  contre,  ce  qui 
est  dû  par  ou  aux  sujets  d'une  nation,  Test  aussi  par 
ou  à  son  roi  ou  à  son  gouvernement.  Cela  est  fondé 
sur  les  principes  de  l'équité  aussi  bien  que  sur  le 
droit  des  gens  :  ainsi  qu'il  est  prouvé  clairement  dans 
^exposition  des  motifs  N^-  52.  63.  En  effet  je  ne  crois 
pas  qu'il  y  ait  homme  de  bon  sens  qui  ose  le  con- 
tester. Ainsi  tout  ce  que  les  armateurs  et  les  sujets 
d'Angleterre    doivent    à  ceux  de  Prusse   à   raison  de 


ENTRE  LA  PRUSSE  ET  J/ANGL.  J  EN  1752.      83 

'     saisies  injustes,  le  roi  d'Angleterre  le  doit  à  celui  de 

*  Prusse,   et  tout   ce   que  le  roi  de  Prusse  doit  au  sujet 

*  d'Angleterre  à  compte  du  prêt  sur  la  Silésie.,   est  aussi 
du  au  roi  d'Angleterre  :  d'où  il  s'ensuit  nécessairement, 

r  que  dès  le  moment  que  la  dette  mentionnée  en  pre- 
nuer  lieu,  commença  à  être  due  par  le  roi  d'Angleterre 
^  au  roi  de  Prusse,  elle  a  éteint  à  proportion  celle  que 
'  le  roi  de  Prusse  devait  à  celui  d'Angleterre,  et  cela  par 
la  nature  même  des  compensations,  reconnue  générale-»» 
ment  par  toutes  les  nations.  Quand  quelqu'un  doit  â 
un  autre  certaine  somme  sans  intérêts,  et  que  celui-ci 
.  lui  en  a  prêté  une  autre,  quoiqu'à  titre  d'intérêts,  l'em- 
pereur Severus  a  statué,  que  les  intérêts  des  deux  prêts 
doivent  être  compensés  \qs  uns  contre  les  autres,  à  pro- 
portion de  la  quantité  du  principal,  disent  les  pandectes 
Liv.  16.  Tit.  2.  Loi  2,  Et  selon  les  loîx  romaines  non 
seulement  les  dettes  dues  en  justice,  mais  encore  celles 
qui  n'étaient  dues  qu'en  équité,  étaient  admises  dans  les 
compensations.  Lip,  16*  2^it.  2.  Loi  6.  De  sorte  que 
dès  le  temps  que  le  dédommagement  pour  les  injustes 
saisies  commença  à  être  dû  au  roi  de  Prusse,  il  cessa 
de  devoir  à  titre  de  prêt  sur  la  Silésie,  autrement 
qu'en  tant  que  cette  dernière  surpasse  l'autre,  et  quand  il 
aura  payé  cet  excédent,  ou  qu'il  est  prêt  de  s'en  acquit- 
ter, il  aura  pleinement  satisfait  à  rengagement  con- 
tracté par  le  traité  de  Breslau  :  la  compensation  ayant 
toujours  passé  pour  bon  paiement.  Voyez  Cod,  Liv.  4. 
Tit.  31.  Loi  4.  et  Grotius  en  parlant  de  la  compensa- 
tion, dit  Liv,  3.  Ch,  19.  §.  17.  que  quoique  celui  qui 
presse  l'accomplissement  d'une  promesse,  ne  soit  obligé 
par  aucun  contract,  il  faudra  pourtant  dire  la  même 
chose,  sMl  a  causé  quelque  dommage;  et  puis  §.  19. 
N.  13.  „il  faut  observer  toutefois,  que  la  compen- 
,,5ation  se  fasse  entre  les  mêmes  personnes,  et  que 
,,le  droit  de  quelque  tiers  n'y  soit  pas  intéressé,  bieu 
„ entendu  néanmoins,   que  les  biens  des  sujets  selon  le 

6* 


84      I-   AFF.  DES  CAPIT.  HYP.  SUR  IiA  SILiâsiK, 

9^ droit  des  gens,   doivent   demeurer   obligés    pour    les 
„ dettes  de  l'état." 

§.  26.    Nous  voyons   par  là   que  ce  n*est  pas  pro- 
prement   par     voie    de    représailleà ,    maïs    à  titre    de 
compensation,   que  le  roi  de  Prusse    est  en  droit  de 
rcteuir  entre  ses  mains  sur  le  prêt  de  Silésie^  autant  qu'il 
en  faut  pour  le  dédommager  de  saisies  injustes  faites 
sur  ses  sujets.   Cependant  les  créanciers  de  ce  prêt,  ne 
doivent    rien    perdre    de    leur   argent,    étant    en    droit 
de    demander   le   résidu  au    roi    et    au    gouvernement 
d'Angleterre,     Il  faut  avouer  d'ailleurs,  que  le  roi-  de 
Prusse  en  agit  généreusement,  puisqu'il  ne  demande  les 
intérêts  pour  les  saisies,    qu'à  raison  de  5  pour   cent 
Car  puisque  les  intérêts  du  prêt  de  Silésie  à  7  pour  cent, 
avaient  cessé   dès  le  moment  cpie    le  roi  de  Prusse  a 
été   en  droit  de  demander  compensation,  il  aiurait   en 
raison   de  demander  également  7  pour  cent,  sur  ce  qui 
lui  a  été  dû  à  cause  des  saisies.     On  ne  saurait  disQon- 
venir  non  plus,  que  de  toutes  les  nations  du  monde,  il 
n'en  est  point  qui  ait  moins  de  raison  de  trouver  à  re- 
dire à   cette  méthode  de  remboursement,   que  l'Angle- 
terre.    Ou  se  souvient  encore,   qu'immédiatement   après 
l'avènement  du  feu  roi  à  la  couronne,  lorsque  le  parle- 
ment eut  accordé  une  certaine  somme,  comme  due  aux 
Hollandais,  bien  loin  de   leur  faire  remettre  la  somme 
entière,  le  pai'lement  fit   examiner   ce  qui  était  dû  aux 
oflSciers     de    deux    régimens    écossais    au     service    des 
deux  états,   qu'on  avait  reformés  :  en  suite  de  quoi  on 
défalqua  sur  la  susdite  somme  la  prétensîon  de  ces  offi- 
ciers,  dont  ils  furent  payés  directement,    et  l'on  n'en 
remit  aux  Hollandais  que  le  surplus. 

§.  27.  On  a  opposé  i  ceci,  qu'en  premier  lieu  le 
roi  de  Prusse  n'est  pas  recevable  dans  le  cas  présent,  à 
reclamer  le  bénéfice  de  la  compensation ,  vu  que  le  prêt 
silésien  aurait  dû,  conformément  au  contract,  être  déjà 


ENTRE  IiA  PRUSSE  ET  li'ANGL.J  EN  1752-      85 

remboui'sé  en  1745,  et  que  par  conséquent,  s'il  n^avail 
pas  manqué  à  sa  promesse ,  il  n'aurait  pas  eu  cet  argent 
entre  «es  mains  dans  le  temps ,  quand  les  jlnglais  de- 
vinrent ses  débiteurs  à  raison  des  saisies.  J'y  réponds, 
que  toutes  les  fois  qu'on  emprunte  de  l'argent  en  vertu 
d'un  contpact  ou  obligation,  qui  assigne  le  rembourse- 
ment à  un  certain  intérêt  annuel j  jusqu'à  l'entier  acquit 
de  la  dette,  jamais  on  n'est  censé,  selon  les  principes  de 
l'équité,  avoir  mal  fait  ou  contrevenu  aux  conditions  du 
contract,  quand  on  n'a  pas  payé  précisément  le  jour 
marqué,  surtout  quand  le  créancier  ne  l'exige  point; 
attendu  que  les  intérêts  tiennent  lieu  de  récompense  pour 
le  délai  du  remboursement,  et  que  le  silence  du  créan- 
cier sert  de  preuve,  qu'il  consent  de  laisser  l'argent  entre 
les' mains  du  débiteur  moycimant  cette  récompense  :  or 
les  créanciers  intéressés  au  prêt  sur  la  Silésie  étaient  si 
éloignée  de  presser  leur  remboursement,  qu'ils  auraient 
été  charmés  qu'on  eût  voulu  continuer  le  conti'act  sur 
le  même  pied  pour  jamais. 

§.  28.  On  a  objecté  en  second  lieu ,  que  la  com- 
pensation ne  saurait  être  admise  ])ar  rapport  au  prêt 
sur  la  Silésie,  parce  que  c'est  une  obligation  transpor- 
table e%  peut  actuellement  se  trouver  entixî  les  mains  des 
éti'angersj  mais  n'est-ce  pas  une  règle  de  loi  générale-^ 
ment  reconnue,  que  le  cessionnaire  tient  la  place  de  celui 
qui  cède,  et  que  tout  ce  qu'on  peut  demander  contre 
celui -T ci,  on  le  peut  aus^i  contre  l'autre?  Il  est  vrai, 
qu'en  faveur  du  commerce,  o^  a  introduit  une  excep- 
tion de  cette  règle  pai^  rapport  aux  billets  de  cThangei 
mais  aucune  exception  de  cette  nature  ne  fut  jamais  agréée, 
nî  n'a  pu  être  introduite  en  faveur  des  usuriel^ ,  ou  de 
commerçais  en  fonds  publics.  Quant  à  la  conduite  des 
Français  et  des  anglais  envers  les  projiriétairçs  des 
fonds  publics ,  elle  n'est  nullement  applicable  à  la  dis- 
pute présente.     Aucune  autre  ^ation  n'est  obligée  dç  se 


86      !•    AFF.  DES  CAPIT.  HYP.  SUR  TJL  SlLlÉSIB^ 

conduire  de  la  même  façon,  ui  de  renoncer  au  droit 
^e  lui  donnent  lesloix  et  la  guerre,  de  s'emparer  des  effets 
appartenans  aux  ennemis,  quand  elle  en  trouve  car  son 
propre  territoire  :  d'autant  plus  que  les  Français  aussi  bien 
que  les  Anglais  ont  les  uns  et  les  autres  des  raisons  toutes 
particulières  pour  en  user  de  la  manière  qu'ils  fout, 

§.  29.  On  a  prétendu  en  troisième  lien,  que  puis-* 
que  la  reine  de  Hongrie  a  été  obligée  en  vertu  du  con- 
tract  de  rembourser  le  prêt  sur  la  Silésie  sans  aucun 
délai,  surséance,  défalcation,  ni  rabais  quelconque, 
le  roi  de  Prusse,  en  entrant  à  sa  place,  s'est  imposé  les 
mêmes  obligations.  Il  est  aisé  d'y  répondre.  C'est  que 
la  compensation  étant  paiement,  et  ayant  été  toujours 
censé  tel,  tout  homme  qui  paie  une  partie  de  sa  dette 
moyennant  une  compensation  et  tout  le  reste  en  ar- 
gent comptant  aussitôt  qu'il  en  est  requis,  la  paie  en 
entier,  sans  délai,  surséance,  défalcation  ou  rabais 
quelconque»  Si  la  reine  de  Hongrie  était  restée  en 
possession  de  la  Silésie,  et  qu'elle,  ou  ses  sujets  eussent 
eu  une  dette  à  prétendre  à  la  charge  du  gouvernement 
d'Angleterre  ou  de  ses  sujets,  elle  aurait  été  en  droit 
de  porter  cette  dette  en  compte  dans  le  remboursement 
du  prêt  sur  la  Silésie,  et  selon  toutes  les  apparences 
elle  n'aurait  pas  manqué  de  le  faire, 

M.  Michell,  qui  fut  chargé  de  remettre  cette 
réplique  au  ministère  britannique,  eut  ordre  de 
déclarer  en  même  temps,  „que  S.  M.  Prussienne, 
„  après  l'examen  le  plus  exact  de  la  réponse  faite 
„par  la  commission  anglaise,  n'y  avait  point  trouvé 
„de  raisons  suffisantes  qui  dussent  la  déterminer 
„à  changer  de  résolution;  mais  qu'elle  n'en  était 
„pas   moins  disposée    à   terminer  cette   affaire  a 


ENTRJB  liA  PRUSSE  ET  li'ANGIi.;  EN  1752-      87 

,,  Pamiable  et  conformément  à  ses  déclarations  pré- 
„  cédentes.  ^^ 

Ce  ne  fut  toutefois  que  par  le  traité  de  West- 
minster, qui  fîit  suivi  d'une  déclaration  des  pléni- 
potentiaires anglais,  que  Ton  peut  regarder  comme 
un  article  même  du  traité,  que  ces  discussions  se 
terminèrent  (*).  Voici  le  texte  de  cette  déclara- 
tion. 

N«-   IX. 

Déclaration,  faisant  suite  à  la  convention  de  neutralité 
conclue  entre  la  Prusse  et  la  Grande-Bretagne,  signée 
à  Westminster  y  le  16  Janvier  1756. 

Déclaration. 

Afin  de  terminer  les  différends  qui  peuvent  s'être 
élevés  entre  LL.  MM.  Prussienne  et  Britannique,  il  est 
déclaré  9  que  dés  que  S.  M.  Prussienne  lèvera  l'arrêt 
mis  sur  la  dette  de  la  Silésie,  et  fera  payer  aux  sujets 
de  S.  M,  Britannique  ce  qui  leur  en  reste  du,  selon  le 
contract  original,  tant  intéi^t  que  principal;  S.  M.  Bri- 
tannique promet  et  s'engage  de  son  côté  de  faire  payer 
à  S.  M.  Prussienne  la  somme  de  vingt  mille  livres  Ster- 
lings,  en  exdnction  de  toute  prétension  de  Sadile  M. 
ou  de  ses  sujets,  à  la  charge  de  S.  M.  Britannique, 
sous  quelque  prétexte  que  ce  puisse  être. 

Fait  à  Westminster,  le  seizième  jour  de  Janvîçr,^ 
l'an  de  grâce  1756. 


(1)  M,  de  Herzberg,  fit  en  1747  un  mëmoire  sur  cette  dispute^ 
qai  u'a  pas  été  imprime  mais  envoyé  au  ministère  britannique. 
On  pent  dire  que  c'est  Frédéric  II  qui  a  le  premier  soutenu  les  prin- 
cipes de  la  neutralité  maritime,  et  que  M.  de  Herzbern;  en  «  été 
le  prçmîer  défeqaieur. 


88      I.   AFF.  DES  CAPIT.  HYP.  SUR  IiA  SHiJ^IS. 

L'arrêt  ayant  été  levé  peu  de  temps  après,  et 
les  vingt  mille  livres  Sterlings  payés  par  le  gou- 
vernement anglais,  cette  somme  fîit  distribuée  entre 
les  sujets  prussiens  spécifiés  dans  la  sentence  du 
17  Juillet  17529  en  présence  de  la  commission. 


CAUSE  DEUXIEME. 

Difficulté  d^ étiquette  survenue  en  1762,  entre  la 
cour  de  France  et  celle  de  Russie  y  au  sujet 
du  titre  d'impérial. 


J-^epuis  que  les  papes  et  les  empereurs  romains 
ont  cessé  de  disposer  de  la  dignité  royale ,  au  point 
d'obliger  par  là  d'autres  nations  à  reconnaître  ou 
à  refuser  la  reconnaissance  (  *  ) ,  toutes  les  puissances 
de  l'Europe  ont  adopté  pour  principe,  que  le  titre 
ou  la  dignité  qu'un  état  s'attribue ,  ou  dont  il  revêtit 
son  chef,  ne  peuvent  point  fonder,  par  eux  mêmes, 
aucime  prérogative  sur  les  autres  états  ou  souve- 
rains; et  il  dépend  par  conséquent  des  puissances 
étrangères  de  le  reconnaître,  de  le  refuser  ou  de 
ne  Paccorder  que  çopditionnellement. 


(l)  Le  pape  Sylveaitre  II,  ërîgea  en  1005  la  Hçngriey  en  royaume, 
çu  (aveur  du  prince  Etienne,  fils  4e  Geisa  qui,  le  premier  de  cette 
cation ,  embrassa  le  christianisme.  —  Innocent  III ,  fit  Galoïcan  xoi 
des  Bulgares,  —  ï<e  titre  de  roi  de  Portugal,  qui  avait  dtë  dëfërë 
â  Alphonse  I,  par  sou  armée,  lui  fut  confirme  par  le  pape  Eu^énei 
et  ensuite  par  le  pape  Alexandre  JII  en  1179.  Le  comte  Roger 
obtint  d'Honorius  II ,  le  titre  de  duc  de  Sicih;  Tanti-pape  Anaclet, 
lui  accorda  en  1136,  la  qualité  de  roi  de  Sicile;  et  le  pape  Inno- 
cent Il   loi   donna  l'investiture   en   1159.    —     Boleslaw  I,   duc   de 


90       II.    AFFAIRE  BU  Cl^RÉMONIAIi  DlPIiOM. 

Anciennement  les  souverains  de  la  Russie  por- 
taient le  titre  Jlutocratores  {^)  y  Magni  donUm^ 
Grands -Princes,  Czars{^). 

Dans  le  dix-septième  siècle  ils  commencèrent  à 
se  servir  du  mot  imperatorj  dans  les  traductions 
latines  des  actes  et  écrits  publics  adressés  aux  autres 
puissances  (^);  mais  ce  ne  fut  que  Pierre  I,  qui  en 
172  Ij  après  les  victoires  remportées  sur  Charles XII, 
roi  de  Suède ,  prit  formellement  le  titre  d^ empereur 
de  Russie. 

n  en  donna  connaissance  à  tous  les  ambassa- 
deurs des  cours  étrangères  (*)  qui  toutefois  ne  se 


Pologne  y  reçut  en  906 ,  de  Pempereur  Otton  III  le  titre  et  les 
ornemens  royaax;  et  depais  ce  temps  lâ,  les  chefs  de  la  rt^pablîqae 
de  Pologne  prirent  le  titre  de  rois.  L'empereur  Henry  IV,  éleva 
a  la  dignité  royale  Vladislas  duc  de  Bohême,  L'empereur  Fré- 
déric I  surnommé  fiarberousse,  donna  au  duc  Pierre  I*inyestitare  da 
Danemark  et  Teu  couronna  roi. 

(!)  Titre  que  les  empereurs  grecs  avaient  adopté  anciennement. 

(2)  Le  mot  Czar  ou  Tzar  signifie  en  langue  slave  roi  y  et  non 
pas  Caesar  ou  imperator,  comme  les  autres  nations,  faute  de  con- 
naissance de   la   langue  russe,   le  traduisaient   pendant  long -temps. 

(S)  L'empereur  d'Allemagne  Léopold  I  fut  si  choqué  de  cette  inno- 
vation, que  dans  la  lettre  qu'il  écrivit  à  Pierre  I  en  1687,  il  lui 
déclara  qu'il  renverrait  â  l'avenir  tout  acte  émané  de  la  chancellerie 
russe,  si  l'on  persistait  dans  cet  usage.  Lorsque  dans  la  suite 
ces  deux  cours  s'allièrent,  l'empereur  d'Allemagne  ne  voulant  donner 
â  Pierre  I,  ni  le  titre  de  Czar  ni  celui  d'Empereur,  se  servit  de 
l'épitliète ,  Majesté  Busse ,    ou ,  5.  M.  de  toutes  les  Bussies, 

(4)  Le  czar  fit  transmettre  en  cette  occasion,  la  copie  d'une  lettre 
de  l'empereur  Maximilien  I,  adressée  au  czar  Basile,  en  1514 >  daoi 
laquelle  l'empereur  donnait  à  ce  prince  le  titre  imveratof. 


BNTHE  IjA  RUSSIE  ET  liA  FRANCE  J  EN  1762.    91 

déterminèrent  que  successivement  à  reconnaître  ce 
nouveau  titre.  ♦  . 

La  reine  Anne  d'Angleterre  fut  la  première  qui 
déjà  en  J721  donna  le  titre  d'empereur  à  Pierre- 
le-  grand  lorsqu'elle  chargea  son  ambassadeur^  lord 
Wîthworth,  de  faire  des  excuses  à  ce  prince  de 
l'attentat  commis  sur  la  personne  de  son  envoyé 
à  Londres,  M.  Mathweof  (*). 

La  Prusse  ne  fit  aucune  difficulté  à  reconnaître 
le  nouveau  titre, 

La  Suède  reconnut  cette  dignité  en  1723;  et 
le  Danemark  en  1732. 

La  république  de  Denise  la  reconnut  en  J726. 
.  U empereur  d'Allemagne  Charles  YII  la  recon- 
nut en  1744  (^);  et  François  I  la  reconnut  égale- 
ment peu  de  temps  après  son  élection  comme 
empereur  d'Allemagne;  et  Y  Empire  russe  ^  dans 
Vannée  1748  (^). 

(1)  Voyez  T.  I.  de  cet  onvrage ,  Cause  deuxième ,  p,  70. 

(2)  Charles  VU  avait  envoyé  en  1743  un  ministre  en  Russie, 
dans  la  lettre  de  crëance  duquel  on  avait  à.  la  vëritë  donne  le  titre 
^impératrice,  à  Elisabeth ,  mais  comme  cette  lettre  avait  été  expë-- 
diëe  de  la  chancellerie  électorale  de  Bavière  et  non  pas  de  celle 
de  l'Empire ,  ce  plénipotentiaire  ne  fut  admis  à  l'audience ,  que  le 
15  Janvier  174A,  après  avoir  produit  une  autre  lettre  de  créance 
ejqiédiée  de  la  chancellerie  de  r£mpire  et  dans  laquelle  la  nou- 
veDe  dignité  impériale  était  reconnue. 

(3)  En  1745,  lors  de  l'élection  du  nouvel  empereur  d'Allemagne 
à  la  diète  do  Francfort,  l'impératrice  Elisabeth  y  envoya  un  ambas- 
sadeur, dans  le  seul  but  d'obtenir  la  reconnaissance  du  titre  à!impé^ 
rial  dn  collège 'électoral  rassemblé,  et  elle  y  réussit. 


92       II.  AFFAIRE  DU  CÉRÉMONIAIi  DIFIiOM. 

Marie-Thérèse ,  reine  de  Hongrie  ne  donna  le 
titre  impérial  à  Elisabeth,  qu'en  1742,  dans  la 
lettre  de  créance  dont  elle  chargea  le  marqnis  de 
Botta,  son  envoyé  à  la  cour  de  Russie. 

Dans  l'accommodement  fait  à  Constantinople,  le 
8  Septembre  1741?  entre  la  Russie  et  la  Porte 
ottomane  y  cette  dernière  s'engagea  par  Part.  L ,  de 
donner  toujours  à  la  czarine  le  titre  dUmpéror- 
trice  (^). 

La  république  de  Pologne  n'accorda  à  Cathe- 
rine n  le  titre  df Impératrice  de  toutes  les  Itussiesy 
qu'en  1764,  lors  de  la  diète  de  convocation  des  états; 
et  sous  condition  qu'elle  ne  formerait  aucune 
prétensiqn  sur  la  Russie -rouge  (^). 

Les  cours  de  France  et  d^ Espagne  n'accordèrent 
à  Elisabeth  le  titre  d^ Impératrice  qu'en  1745  et  en-r 
çprç  en  exigeant  d'elle  une  rêver  sale  (^)  ou  déclarar 

(1)  L'art,  portait  ,^qae  dans  toutes  les  nëgociatÎQps  qui  auraient 
y,lieu  entre  la  Porte  et  la  Russie,  le  Grand- Sultan  donnerait  à 
^S.  M.  la  G^arîne  le  titre  d'Impêrialie^*',  et  même  encore  dans  la 
paix  de  Kainaj^dgi  en  1774,  1^  Porte  promit  par  l'art,  JS™*  j^,d*em- 
y,  ployer  en  gangue  turque  le  titre  sacre  d' Impératrice  de  toutes  les 
,1  Russies  dans  tous  les  ac^ea  et  lettres  publiques,  ^insi  que  dans  tOQ^ 
,y  les  autres  caç  c^chëans.  '^ 

Le  titre  :  Impératrice  de  tçutes  les  Russies,  se  traduit  en  I^gu^ 
turque  par^   Temamen  Roussie  1er  in  Padischatz* 

(2)  £q  l76S.f  rimpëratrice  avait  fait  notifier^  qu'elle  n'avait  pi 
reconnaître  M.  de  Borch  comme  ambassadeur  de  Pologne,  tant  quf 
Taccomodement  relatif  au  titre  d'Impérial  n'ait  eu  lieu. 

(S)  Reversâtes ,  ou  litterae  reversâtes ,  sont  des  lettres  par  les- 
quelles quelqu'un  rëpond  qu'il  gardera  les  conditions  ëMibHes.  Voyci 
Pu  Cçinge,  Glossarium» 


y 


ENTRE  liA  RUSSIE  ET  LA  FRANCE  J  EN  1762.     93 

tîon,  portant  que  le  titre  (VImpérial  n'apporterait 

I 

aucun  changement  au  cérémonial  usité  eijtre  les 
deux  cours.  Voici  celle  que  la  cour  de  Russie  jQt 
remettre  à  M.  d'Aillon,  ministre'  de  Louis  XV. 

La  réversale   donnée  à  cette  même  époque  â 
la  cour   d'Espagne,   fut  remise   au  marquis  d'Aï- 
modayas,  ministre  plénipotentiaire  de  S.  M.  Catho- 
.  lique  près  la  cour  de  Russie. 

N*»-   I. 

Béveriole  que  fit  remettre  la  cour  de  Busste  à  M, 
d'Aman^  minùtre  plénipotentiaire  de  France  à  Saint" 
Pétenèourgf  en  1745. 

S.  M.  le  roi  de  France,  par  amitié  et  une  attention 
toute   particulière  pour  S.  M.  Impériale  de   toutes  les 
Rossies,  ayant  condescendu  à  la  reconnaissance  du  titre 
Impérial,  ainsi   que  d'autres  puissances  le  lui  ont  déjà 
concédé  5   et  voulant  que  ledit  titre  soit  toujours  donné, 
et  à  l'avenir,  tant  dans  son  royaume  que  dans  toutes  les 
autres  occasions^   S.  M.  Impériale   de  toutes  les  Russîcs 
a  ordonné,  qu'en  vertu  de  la  présente,   il  soit  déclaré 
et  assuré  que,  comme  cette  complaisance  du  roi  lui  est 
très -agréable,    ainsi    cette    même    reconnaissance   du 
titre  impérial  ne   devra  porter  aucun  préjudice   au 
\    cérémonial  usité  entre  les  deux  cours  de  S.  M.  le  roi 
de  France  et  de  S,  M,  Impériale  de  toutes  les  Russies. 
Fait  à  Saînt-PctersLourg,  le  16  Mars  1745. 

ALEXIS    COMTE    DE    BeSTOUCHEFP. 
RUMIN  MiCH.  COMTE  DE  WORONZOW, 


if 

11? 


En  conséquence  de  cet  arrangement,  M.  d'Ail- 
Ion,  dans  l'audience  solemnelle  qu'il  eut  le  27  Mars 
1     1745  de  la  czarine,  lui  donna  ^   en  lui  présentant 


94       IL   AFFAIHE  DU   CJ^RlÉHONIAIi  DIPLOM. 

ses  letti*es  de  créance  (^),  la  qualité  ^Impéra- 
trice de  toutes  les  Russies  et  la  traita  de  Majesté 
Impériale  (^). 

Quoique  cette  réversale  donnée  par  la  Russie, 
parut  devoir  prévenir  toute  contestation  entre 
les  deux  souverains,  elle  donna  cependant  lieu 
plus  tard  à  de  nouvelles  difficultés  sur  le  céré- 
monial. 

Pierre  III,  qui  avait  succédé  en  Janvier  1762, 
à  l'impératrice  Elisabeth,  n'ayant  point  encore 
donné  à  la  cour  de  France  la  réversale  qui  lui 
assurait  le  titre  d'Impérial^  la  gazette  de  France 
donnait  à  ce  monarque  la  qualité  de  Czar^  mais  ne 
lui  accordait  point  celle  d'Empereur,  Le  coiqte  de 
Czernicheff,  alors  ministre  de  Russie  à  la  cour  de 
Louis  XV,  crut  devoir  en  conséquence  écrire  la  lettre 
ci -après  au  duc  de  Choiseul,  ministre  des  afifaires 
étrangères  de  S.  M.  Très -Chrétienne. 


(1)  La   lettre    de    créance   portait    pour    sascription    :    ^  notre 
très- chère  et  grande  amie  l'Impératrice  de  toutes  les  Russies. 

(2)  M.  d'Aillon,  dans  son  discours  d'audience,  témoignait  encore 
à  l'Impératrice  :  ^^que  le   roi   reconnaissait  en  elle  avec   plaisir  na 

titre  qu'elle  .portait  si  dignement  et  auquel  elle  ajoutait  un  nooTel 
ëclat,   par   des  vertus  si   propres   à  perpétuer   dans   l'esprit  de  Ut 

,, nation,  ]<>  re.spect  et  la  vénération  dus  à  la  mémoire  de  Pierre  I| 

„dout  ellc.suîvuit  si  glorieusement  les  traces." 

Lorsque    ce   ministre    fut    ensuite   conduit    aux    audience*  dn 

grand- duc   et  de  la  grande  -  duchesse ,  il   leur   donna    à   l'an  et  â 

l'antre  le  litre  d'Altesse  Impériale, 


I* 


ENTRE  LA  RUSSIE  ET  liA  FRANCE;  EN  1762.    95 

N«  n. 

Lettre  du  comte  de  Czemicheff^  mtnùtre  de  Rusne 
à  la  cour  de  France  ^  adressée  au  duc  de  Choùeul 
ministre  des  affaires  étrangères  de  S.  M.  Très^Chré" 
tienne;  du  6  Mai  1762. 

Monsieur,  ayant  remarqué  que  depuis  quelque  temps, 
la  gazette  qui  s'imprime  en  celte  ville  (Za  gazette  de 
JFVa/z ce),  partout  où  il  est  parlé  de  l'empereur,  mon  maître, 
ne  le  qualifie  point  de  cette  suprême  digm'té,  et  que 
cela  parait  même  se  continuer  avec  quelque  afiectation, 
ne  sachant  si  je  dois  Tattribucr  uniquement  à  l'ignorance 
ou  à  l'inadvertance  du  gazetier;  et  ces  papiers  qui  se 
trouvent  dans  les  mains  de  tout  le  monde,  pouvant 
donner  sujet  à  des  explications  non  fondées;  je  me 
crois  obligé  de  m'adresser  à  V.  Exe,  pour  la  prier 
qu'elle  veuille  bien  donner  ses  ordres  à  ceux  qui  sont 
commis  à  la  correction  de  cette  gazette,  d'être  un  peu 
plus  attentifs  à  l'avenir,  à  empêcher  que  de  pareilles 
bévues  ne  passent  à  l'impression,  etc. 

CZERNICHEFP. 

No  m. 

Réponse  du  duc  de  Choiseul  à  la  lettre  précédente; 

du  10  3Iai  1762. 

Monsieur,  j*aî  reçu  la  lettre  de  V.  Exe,  par  laquelle 
elle  me  demande  une  explication  sur  le  titre  de  czar, 
inséré  dans  la  gazette  de  France.  Ce  titre  est  trop 
beau  pour  excite*  tm  juste  sujet  de  mécontentement  de 
la  part  du  souverain  à  qui  il  est  donné.  Pierre-le-grand 
et  ses  successeurs  n'en  ont  jamais  reçu  d'autres  de  la 
France.  L'impératrice  Elisabeth  est  la  première  à  qui 
le  titre  bnpéria!  ait  été  accordé.  Mais  V.  Exn.  ne  doit 
pas  ignorer  que  le  roi  ne  reconnut  cette  princesse  pour 


1 


96       IL   AFFAIHE  DU  CKAÉBd[OKIAI<  DIPIiOMT. 

Impératrice^  que  sous  la  condition  formelle  d'une  ré* 
vcrsale ,  par  laquelle  il  fut  stipulé  que  ce  nouTeaii  titre 
n'apporterait  aucun  préjudice  au  cérémonial  usité  entre 
les  deux  cours.  S.  M.  désirant  sincèrement  de  mainte- 
nir Tunion  et  la  bonne  harmonie  qui  ont  régné  jusqu'à 
présent  entre  la  France  et  la  Russie,  n'a  pas  fait  diffi- 
culté d'accorder  le  môme  titre  au  successeur  de  Wmpc- 
ratrice  Elisabeth;  et  les  lettres  de  créance  de  son  mi- 
nistre sont  adressées  à  Tcmpereur  de  toutes  les  JR.us- 
sies;  mais  &  condition  d^une  semblable  révcrsale,  on 
d'une  déclaration  qui  constate  que  la  première  subsiste 
dans  toute  sa  vigueur.  M.  de  Br'èteuil  n'ayant  pas  en- 
core remis  ses  lettres  de  créance ,  ce  point  de  cérémo- 
nial ne  peut  être  fixé;  et  j'espère  apprendre  par  les 
premières  nouvelles  de  Pétersbourg,  que  toutes  les  dif- 
ficultés auront  été  applanîes. 

J'ai  expliqué  en  dernier  lieu  k  V.  Exe.  que  IVt  le 
baron  de  Breteuil  avait  ordre  préalablement  à  tout,  de 
demander  l'audience  dans  laquelle  il  doit  remettre  ses 
lettres  de  créance.  C'est  la  première  fonction  que  doit 
faire  tout  ministre  étranger  dans  la  cour  près  de  la- 
quelle il  est  accrédité;  et  celle  audience  indépendante 
de  toute  autre  formalité,  ne  saurait  lui  être  refusée  sous 
aucun  prétexte. 

J'ai  déclaré  en  même  temps  à  V.  Exe,  que  M.  de 
Breteuil  n'avait  point  refusé  de  faire  la  première  visite 
à  M.  le  prince  George  de  Holstein,  et  qu'il  avait  simple- 
ment demandé  une  notification  de  son  arrivée;  forma- 
lité d'usage,  et  qui  ne  peut  même  être  considérée  comme 
un  honneur  (*).  En  conséquence,  le  mim'stre  du  roi 
à  Pétersbourg,    n'ayant  pas   le   titre   d'ambassadeur,  t 


(1)  L'empereur  avait  fait  signifier  an  ministre  de  Louis  X? 
qu'il  refusait  de  recevoir  ses  lettres  de  cre'ance,  jusqu'à  ce  qn^O 
edt  fait  une  visite  de  prévenance  au  prince  George  de  Holiteiii 
qui  pre'tendait  l'exiger  sans  lui  avoir  fait  notifier  son  arrivée. 


ENTKE  liA  RUSSIE  ET  IiA  FRANCE  J  EN  1762.   97 

ordre  de  déclarer,  qu'après  avoir  eu  dOQ  audience,  il 
fera  volontiers  la  visite  à  M.  le  prince  de  Holstein,  dés 
que  S.  M.  Czarienne  daignera  lui  faire.  :€onnattre  que 
cette  visite  lui  sera  agréable;  considérant  cette  invitai 
tion  comme  un  équivalent  préférable  à  la  notification 
prétendue,  etc«  . .  r 

Choiseul  duc  de  Praslin. 

•  • .        *  ■ 
K»-  IV. 


RêptiqUe  faite  par   le  comte  de  Cieniicheffi 

±2  Mai  1762. 


I  ' 


»  *! 


Monsieur,  par  la  lettre  que  j'ai  eu  liionneur'd'é*^- 
crire  à  Y.  Exc.^  le  6  de  ce  mois,  elle  aura  observé^» 
que  je  ne  me  plaignais  que  de  l'ignorance  >  ou  de  la* 
négligence  du  gazetier  de  cette  ville,  qui  affectait  de 
ne  pas  qualifier  l'empereur^  monmattre,  du  titre  auguste 
éP empereur ,  sous  lequel  il  a  bien  voulu  consentir  que 
toutes  \eB  puissances  de  l'univers  le  reooimussent. 

Mais  la  réponse  de  V.  Exe»,  que  j'ai  reçue  avant^ 
hier,  me  fait  connaître  que  le  gazetier  en  ce  points  n'a 
agi  que  par  autorité,  d'autant  plus  que.;danfs  la  lettr<i| 
de  y.  Exe.  j'ai  lu  ces  motâ  :  dès  que  &  M».  Gaarienne 
dcUgneta  etc*  

En  adressant  ma  lettre,  du  six,  k  V^  Ëici^.  je. n'ai 
pas  eu  l'intention  de  lui  demander  aucune  explication  sur 
le  titre  de  Czar^  inséré  dans  les  gazettes  de  France,  m'é-* 
tant  certainement  connu ^  pour  être  en  tous  points,  le 
plus  beau  qu*aucun  des  monarques  de  tunipers  ait  ja^ 
mais  portée  mais  comme  ce  titre  a  été  ctifabstitCié  A  c^lui 
d'empereur^  avec  quelque  affectation^' tou6;  ceulc  qn^ 
auront  lu  les  gazettes^  ne  donnaîssant  pas  l'étendue  de 
la  signification  du  titre  de  czar,  n'auront-ils  pas  sup- 
posé qu'on  avait  dessein  d'y  attacher  une  espèce  d'in- 
fériorité? 

Ce    fut  autant   pour .  obvier   à  la  diffieulté   de    la 

II.  1 


98        II.  ÎAPPAIRB  DU   CÉRÉMONIAL  DIPIiOM. 

prononciation,  que  pour  rendre  ce  titre  plus  inteUi- 
gible,  que  mes  augustes  maîtres  ont  consenti  à  le  chan- 
ger en  celui  d'eiApereur;  titre  que  toutes  les  puissances 
de  la  terre  se  »ont  empressées  de  leur  faire  agréer.  La 
France,  il  est  vrai,  a  été  une  des  dernières;  mais  son 
retard  n'a  porté  aucun  préjudice,  puisque  comnae  vous  le 
reconnaisses  vous-même,  S.  M.  le  roi,  votre  niattre,  n'a 
pas  hésité  à  continuer  de  donner  le  titre  d'empereur,  au 
successeur  de  l'impératrice  Elisabeth,  et  que  les  lettres 
de  créance  de  M.  le  baron  de  Breteuil  sont  adressées  â 
Vempereùr  de  toutes  les  Russies, 

A  l'égard  de  la  réversaUj  ou  déclaration  que  M.  le 
baron  de£reteuil  récjame,  je  n'en  connais  point  d'autre 
que  >eeUe*du  16  Mars  17455*  et  je  ne  vois  pas  pour 
quelle  raison  elle  est  citée,  ainsi  que  ces  mots  soulignés: 
aucun  préjudice  au  cérémonial  usité  entre  les  deux 
cours,  puisque  cette  réversale  est  à  l'avantage  de  la 
conr  de  Russie  5  et  pour  ce  qui  est  du  cérémonial, 
j'ignore  qu'il -y  en  ait  un  particulier  d'établi  entre  ces 
deux,  cours.' 

Quant  à  ce  qui  regarde  M.  de  Breteuil,  je  ne 
puis  y  l*époadre  que  ce  que  j'ai  déjà  eu  Thonneur  de 
vous>  disè>  eà-  dernier  lieu,  lorsque  je  vous  fis  part  de 
la  déclaration  qui  a  été  faite  par  M.  le  chancelier,  de 
la  part  de  l'empereur,  mon  mattre,  k  tous  les  ministres 
étrangers  résidant  à  sa  cour,  qu'il  désirait  avant  de  les 
admettre  i  «en  audience,  qu'ils  fissent  la  première  visite 
à  S.  A.  M.  le  prince  George  de  Holstein;  j'eus  ordre 
de  vous  assurer,  comme  je  l'ai  fait,  que  l'empereur  mon 
mattre,  s'attendait  à  d'autant  moins  de  difEcultés  de  la 
part  de  cette  cqut,  qu'il  régardait  cette  démarche  comme 
une  preuve  de  l'union  et  de  la  bonne  harmonie  qui  a 
régné  jusqu'à  présent  entre  la  Russie  et  la  France. 

TouS'Jes  'ministres  étrangers  ont  satisfait  à  ce  qae 
l'empereur  exigeait  d'eux;  et  celui  de  LL.  MM.  Impé- 
riales et  Royales,   qui  est  revêtu  du  caractère  d'ambas- 


ENTRE  LA  RUSSIE  ET  LA  FRANCE  j  EN  1762.    99 

sadenr  extraordinaire,  Ta  déjà  fait  ausâi,  sachant  que 
cette  visite  était  agréable  à  Tempereur  mon  maître  :  et 
il  n*y  a  eu.qiie  le  baron  de  Breteuil  qui,  quoique  mi- 
nistre du  second  ordre,  s'en  soit  dispense  jusc[u'à  pré- 
sent. Au  reste,  Monsieur,  je  soubaite  bien  sincère- 
ment, que  toutes  ces  difficultés  s'évanouissent Mais 

comme  les  dernières  lettres  de  créance  que  j'ai  eu  l'hon- 
neur de  présenter  au  roi,  sont  au  nom  de  l'empereur 
de  Russie,  mon  auguste  maître,  je  déclare  i  Y,  Exe. 
que  je  ne  peux  continuer  mes  fonctions  ministérielles 
sous  aucun  titre* 

Oserais-je  supplier  V.  Exe,  lorsqu'elle  rendra  compte 
au  roi,  du  contenu  de  ma  lettre,  d'avoir  la  bonté  de  lui 
présenter  les  assurances  du  vif  regret  dont  je  suis  pé- 
nétré 9  en  me  voyant  forcé  -de  me  priver  de  Thonueur 
de  lui  faire  .ma  cour,  jusqu'à  ce  que  le  point  dont  il 
est  question,  soit  décidé?  L'importance  et  l'extrême 
délicatesse  de  ce  point,  m'obligeant  à  faire  cette  dé- 
marche, f  espère  de  la  bonté  et  de  l'équité  de  S,  M., 
qu'elle  ne  m'en  saura  pas  mauvais  gré;  etc. 

CZERNICHBFF. 

Pendant  que  cette  discussion  eut  lieu,  la  cour 
de  Russie  délivra  au  ministre  de  France  à  Saint- 
Pétersbourg,  M.  de  Breteuil,  la  réversale  désirée, 
qui  leva  la  difficulté  élevée  à  l'égard  des  titres  à 
donner  au  monarque  russe. 

Mais  bientôt,  de  nouvelles  discussions  s'élevèrent 
lorsque  Catherine  II,  après  la  fin  tragique  de  Pierre  III, 
montée  sur  le  trône  de  Russie,  le  9  Juillet  1762) 
refusa  de  donner  audience  à  tout  ministre  étranger 
qui  ne  lui  donnerait  le  titre  ^Impératrice. 

M.  de  Breteuil,  accrédité  en  qualité  de  ministre 
plénipotentiaire  auprès  la  nouvelle  impératrice,  ayant 


100      U.  AFFAIRB  PU  ciRKMONIAIi  DIPIiOM. 

d'après  les  ordres  du  rpi^  demandé  au  chancelier 
comte  de  Woronsoff>  qu'il  lui  fut  remis  une  réyersale 
semblable  à  celle  donnée  par  l'impératrice  Elisabeth, 
et  par  Pierre  III ,  le  chancelier  après  avoir  essayé 
d'en  montrer  l'inutilité ,  en  protestant  que  jamais  les 
souveraine  de  Russie  ne  formeraient  des  prétentions 
de  cérémonial  qui  blessassent  la  plus  par£dte  égalité, 
finit  par  dire  au  ministre  de  Louis  XV,  qu'il  crai- 
gnait que  l'impératrice  offensée  de  cette  démarche, 
ne  refusât  de  le  satisfaire.  En  même  temps  le 
comte  de  Woronzoff  prévenait  le  baron  de  Brer 
teuil,  qu'il  aurait  le  lendemain,  6  Septembre,  une 
audience  de  l'impératrice,  avec  les  ministres  de 
Suède ,  de  Danemark'^  de  HoUande  et  de  Prusse. 

Maià  M.  de  Bretêuil,  qui  avait  ordre  d'exiger  la 
réversale  avant  la  remise  de  la  lettre  de  créance, 
se  rendit  chez  le  chancelier,  pour  savoir  à  quoi 
s'en  tenir  sur  ce  point  Le  comte  de  Woronzoff 
lui  ayant  dit  qu'on  traiterait  cette  affaire  après  les 
audiences,  le  baron  de  Bretêuil  lui  fit  connaître,  qu'il 
ne  pouvait  profiter  de  la  bonté  que  Pimpératrice 
avait  eue  de  lui  assigner  son  audience  pour  le  len- 
demain, si  elle  ne  lui  faisait  remettre  auparavant 
la  réversale  j  et  il  exposa  à  M.  de  A^^Oronzoff,  les 
conséquences  générales,  et  celles  propres  à  l'impé- 
ratrice, qui  naîtraient  de  son  refus  de  remplir  en-  I 
vers  le  roi  une  formalité  sans  laquelle  ce  monar^e  / 
ne  pouvait  la  traiter  que  de  czarine.  M.  de  Wo-  l" 
ronzoff  répondit  à  M.  de  Bretêuil  par  la  note  dr  l  ' 
après,  du  26  Août.  (y.  st.)  1 


ENTRE  II  A  RUSSIE  ET  LA  FRANCE;  EN  1762.   101 

N»-  ■  V. 

Noie  du  comte  de  Woronzt^^  ekancefter  de  S.  M. 
HmpéraMce  Catherine  i7»  adrenée  au  baron  de  Bre^ 
teuilj  ministre  plén^otentiaùre  de  Louit  XVy  à  Saint- 
Pêterihourg. 

S.  M.  Impériale  en  montant  au  trône  de  ses  an- 
cêtres, pense  dçvoîr  jouir  de  tous  les  avantages  qui  y 
sont  attacbésy  et  que  )e  titre  Impérial  une  fois  accordé 
par  toutes  les  puissances,  a  dA  Tâtre  pour  toujours.  II 
ne  tient  point  au  personnel  du  souverain,  mais  au  pays  ; 
et  il  serait  inutile  k  cbaquc  succession  de  réitérer  les 
réversales  qui  avaient  été  données,  lorsqu'il  fut  reconnu 
pour  U  première  fois;  d'autant  plus  qu'on  n*a  point 
intention  ici  de  s'en  prévaloir  pour  rien  changer  au  céré^ 
monial.  C'est  pourquoi  l'impératrice,  quoique  trcs  jfcn- 
sible  à  l'amitié  du  roi  ^  dont  votre  retour  k  sa  cour  lui 
est  une  marque,  et  disposée  à  y  répondre  en  toutes 
occasions,  ne  peut  point  accorder  l'effet  d'une  demande 
qui  paraîtrait  affaiblir  la  certitude  d'un  droit  attaché  à 
6a  couronne.  Je  dois  ajouter.  Monsieur,  par  ordre  de 
S.  M.,  qu'elle  ne  croît  pas  que  cette  formah'lé  retarde 
qc^e  vous  remplissiez  l'objet  de  votre  mission  qui  lui 
est.  agréable. 

Le  baron  de  Breteuil,  qui  avait  été  chargé 
par  le  comte  Poniatowski ,  à  Varsovie,  de  deux 
lettres  pour  Timpératrice ,  profita  de  cette  cir- 
constance pour  écrire  directement  à  cette  princesse, 
la  priant  ,9 de  ne  point  vouloir,  par  le  refus  ioat-r 
^  tendu  d'une  formalité  usitée  entre  les  deux  cours, 
„  occasionner  une  tracasserie  et  àes  inquiétudes  ca- 
„ pables  d'altérer  une  union,  qui  pouvaient  troubler 
„le  bonheur  des  sujets  respectif  et  U  gloii^e  de 
y^leurs  souverains.^ 


102      H-  AFFAIRE  DU  CJÊRiÉMOKIAL  DIPLOM. 

L'impératrice  fit  de  sa  propre  main  la  réponse 
suivante. 

Lettre   autographe   de  Nmpératrice  Catherine  Hj   au 

baron  de  Bretewl. 

Monsieur  y  fai  répondu  avec  empressement  aux 
marcpies  d'amîtîé  du  roî,  votre  maître,  en  vous  indi- 
quant votre  audience,  le  lendemain  de  votre  arrivée  ; 
vous  y  avez  trouvé  des  difficultés;  j'y  ai  fait  répondre; 
et  je  crois  avec  vérité,  que  mon  titre  est  attaché  k 
mon  empire  et  que,  par  conséquent  il  est  inutile  de 
répéter  ce  qui  a  été  une  fois  arrangé.  J'ai  toujours 
beaucoup  d'estime  pour  vous,  et  n'ai  mis  aucune  dif- 
ficulté, comme  de  raison,  k  vous  voir. 

Voici  la  réponse  i  la  lettre  que  vous  m'avez  en« 
voyée.  Faites-la  passer  sûrement,  mais  bien  incognito. 
Vouz  devez  être  assuré  que  je  répondrfd  toujours  avec 
plaisir  à  l'amitié  du  roi, 

Catherine. 

Louis  XV  désirant  toutefois  voir  terminée  cette 
discussion,  le  duo  de  Choiseul  donna  de  nouvelles 
instructions  au  baron  de  Breteuil  par  la  lettre 
suivante. 

,         No  vn. 

Lettre  du  duc  de  Choùeul  ministre  des  affairée  itran^ 
gères  de  Louis  XV ^  adressée  au  baron  de  BreteuU^ 
ministre  du  roi  à  Suint-'Pétersbourg;  du  12  Octobre 
1762. 

M.  le-prince  Gallitzin^  qui  est  ici  chargé  des  «flaires 
de  Russie,    depuis  que  M.  de  Gzeinicbeff  a    pris,  ses 


ENTAS  VA  RUSSIE  ET  LA  FfiJiNCE;  EN  17^2.   103 

audiences  de  congé,  m'est  venu  trouver  il  y  a  liuit  jours, 
et  m'avait  déjà  fait  part  de  cet  incident;  mais  avec  cette 
différence,  qu'il  m'avait  dit  qae  le  chancelier,  :après  avoir 
essayé  de  tous  faire  sentir  tout  le  prix  du  procédé  de^ 
l'impératrice,  qui  consentait  à  vous  voir  dès  le  lende- 
ikiain  de  votre  arrivée,  et,  après  vous  avoir  représenté 
la  di£Sciilté  qu'il  aurait  à  parler  à  cette  princesse  dans 
un  si  court  Intervalle,  avait  fini  par  vous  offrir  la  pro- 
messe formelle  de  vous  délivrer  la  rcversale,  après 
votre  audience. 

Je  vous  avoue,  que  sui*  cette  exposition  de  M.  de 
Gallitasin,  j'avais  quelque  regret  que  vous  n'eussiez  pas 
eu  une  complaisance  que  la  circonstance  pouvait  auto- 
riser, et  je  voyais  avee  beaucoup  de  peine  une  tracas- 
serie sérieuse,  occasionnée  par  ce  refus  de  votre  part^ 
mais  le  détail  que  vous  me  faites  à  ce  sujet,  a  rectifié 
mes  idées.  Je  vois  avec  jUaisir  que  vous  avez  accepté 
le  tempérament  que  M.  de  Woronzoff  vous  a  proposé. 
Le  métier  de  négociateui*  exige  une  sorte  de  souplesse 
dans  la  manière  de  traiter  les  affaires.  Le  gi-and  art 
«x>nsiste  à  se  rendre  agréable,  sans  se  relâcher  en  rien 
sur  les  intérêts  et  la  dignité  de  sa  eom*.  U  ne  faut  pas 
être  si  scrupuleusement  attaché  à  la  lettre  de  ses  iu- 
stractions,  qu'on  ne  sache  s'en  écarter,  et  en  étendi*e 
l'esprit,  lorsque  par  une  conduite  intelligente,  on  peut 
éviter  de  tomber  dans  une  discussion  sérieuse  sur  un 
objet  de  peu  d'importance,  ou  se  faire  un  mérite  de  sea 
facilités^  L'intention  du  roi  n'est  certainement  pas  de 
fléchir  vis -i- vis  d'aucune  puissance,  et  moins  encore 
vis-à-vis  de  la  Russie,  à  laquelle  nous  ne  teno^as  que 
par  des  intérêts  indirects,  ou  par  des  spéculaiioins:  U*ès- 
éloignées.  Nous  savons  cependant  employer  des  nuances 
différentes  dans  le  ton  que  nous  mettons  aux  affaires, 
et  distinguer  la  noble  feimeté  qui  s'attire  la  considéra- 
tion d'avec  la  hauteur  impérieuse  qui  ne  fàit.quQrévplT- 
.  ter*    Nona  n  imiterons  pas  enfin  la  déférence  -servile  de 


104      IL   AFFAIRE  DU  CÉRÉMONIAIi  BIPIiOM. 

quelques  autres  cours  enyers  celle  de  Pétersboni^;  et 
jamais  elle  ne  nous  verra  nous  aasujétir  ayeuglement 
à  ses  caprices,  mais,  après  lui  avoir  suffisamment  fait 
connattre  nos  maximes  i  cet  égard,  nous  profiterons 
volontiers  des  moyens  qui  se  présenteront  natarellement, 
pour  concilier  la  dignité  du  roi,  avec  son  amour  pour  le 
maintien  de  la  bonne  intelligence  etc. 

Le  duc  de  Choiseul  proposa  deux  expédieqs ,  et 
s'exprimait  emsi  à  ce  sujet: 

La  réversale  donnée  par  Pierre  m,  vaudrait  encore 
pour  Catherine  II,  attendu  que  la  France  lui  avait  accordé, 
du  vivant  de  son  époux,  le  titre  àHmpérairice;  mais  que 
l'exemple  de  Catherine  II  ne  pourrait  tirer  k  conséquence, 
et  que  leurs  successeurs  seraient  tenus  à  donner  une  ré-r 
versale. 

Le  second  expédient  serait  de  conclure  tine  convenu* 
tîon  perpétuelle,  qui  assurAt  le  titre  Impérial  aux  souve^ 
rains  russes,  en  réservant  en  faveur  de  la  France,  les  avan-»- 
fages  du  cérémonial  portés  dans  la  réversale.  Par -là,  les 
empereurs  de  Russie  seraient  débarrassés  à  jamais  de  la 
répétition  importune  de  cette  formalité.  Sur  ce.  Monsieur, 
il  sera  bon  que  vous  fassiez  observer  à  M.  de  Woronwff, 
que  si  ce  point  de  cérémonial  entre  les  deux  cours  était 
réglé  par  l'effet  d'une  convention  régulière  ou  la  stipulation 
d'un  traité,  nous  le  regarderions  comme  un  engagement 
de  l'état  et  de  la  couronne  de  Russie  ;  mais  qu'une  simple 
réversale  j  telle  que  nous  l'avons  eue  de  l'impératrice 
Elisabeth  et  de  l'empereur  son  neveu,  n'est  qu'un  ac- 
cord personnel,  qui  meurt  avec  la  partie  contractante,  et 
qui,,  par  conséquent,  a  besoin  d'être  renouvelé  par  son 
successeur.  Le  dernier  moyen  serait  le  plus  convenable 
pour  étouflisr  à  l'avenir  tout  germe  de  discussion  sur 
l'article  diï  cérémonial,  çt  c'est  celui  que  vous  devez  pro- 
poser d'abord.  Mais  vous  ferez  en  même  temps  connaître 
que  ce  serait    s'abuser,  que  de  regarder  ces  ouvertmres. 


ENT^E  II  A  RUSSIE  ET  liA  FRANCE;  EN  i762*   105 

de  notre  part,  comme  Teffet  d'une  timidité  ingénieuse, 
et  q[u'elle8  nous  sont  uniquement  inspirées  par  Télolgne- 
ment  que  nous  avons  pour  ces  sortes  de  discussions,  et 
par  le  désir  que  nous  aurions  de  terminer  amiablement 
une  affiure  sur  laquelle  la  fermeté  du  roi  et  sa  dignité 
ne  sauraient  jamais  se  relâcber,^etc. 

Nous  désirons  d'éviter  une  rupture,  surtout  pour 
une  cause  aussi  minutieuse  que  oelle-là;  mais  en  conser- 
vant la  dignité  du  roi.  H  faut  tdober  d'allier  ces  deux 
articles;  et  s'il  se  présentait  quelqu^autre  expédient  qui 
ne  me  soit  pas  venu  en  tête,  et  qui  vous  conduise  au 
même  but,  le  roi  vous  autorise  i  ^accepter  etc. 

Aucun  des  arrangemens  proposés  par  le  duc 
de  Choiseul,  n'ayant  été  goûté  par  Catherine  II, 
l'impératrice,  sur  l'avis  du  comte  Panin,  adressa 
à  tous  les  ministres  étrangers ,  et  à  celui  de  France 
en  particulier,  la  déclaration  suivante,  en  date  du 
3  Décembre  1762» 

Déclaration  du  minitthre  rusge,  adreaée  à  tout  le»  am- 
basêodeurt  et  minùtret  étrangère  résidant  à  Saint-Pé- 
tersbourg ;  du  3  Décembre  1762. 

Le  titre  à^ Impérial,  quePierre-le-grand,  de  glorieuse 
mémoire,  a  pris  ou  plutôt  renouvelle  pour  lui  et  ses  suc- 
cesseurs ,  appartient  tant  aux  souverains  qu'à  la  couronne 
et  &  la  monarchie  de  toutes  les  Russies,  depuis  bien  du 
temps.  S.  M.  Impériale  trouve  contraire  à  la  stabilité 
de  ce  principe,  tout  renouvellement  des  réversales  qu'on 
aiurait  données  à  chaque  puissance,  lorsqu'elle  reconnut 
j^mitivement  ce  titre. 

En  conformité  de  ce  sentiment,  S.  M.  Impériale  vient 
d'ordonner  à  son  ministère,  de  faire  une  déclaration  gé« 


106      n.  AFFAIHE  BU  CSHÉMOKIAIi  BJPIiOM. 

nërale,  que  le  titre  di  Impérial  j  par  sa  nature  même, 
étant  une  fois  attaché  à  la  coui*onne  et  à  la  monarchie  de 
Russie  y  et  perpétué  .depuis  longues  années  et  succes- 
sions; ni  elle  y  ni  ses  successeurs  à  perpétuité,  ne  poiu> 
ront  plus  renouveler  lesdites  réversales,  et  encore  moins, 
entretenir  quelque  correspondance  avec  des  puissances 
qui  refuseraient  de  reconnaître  le  titre  impérial  dans 
la  personne  des  souverains  de  toutes  les  Russies^  ainsi 
que  dans  leur  couronne  et  leur  monarchie. 

Et  pour  que  cette  déclaration  termine  une  fois  pour 
toutes,  les  difficultés  dans  .une  matière  qui  n'en  doit 
offrir  aucune,  S.  M.  Impériale,  en  partant  de  la  dédar 
ration  de  Pierre-le-grand ,  déclare  que  le  titre  ^impé- 
rial n^apportera  aucun  changement  au  cérémonial  usité 
entre  les  cours,  lequel  restera  sur  le  même  pied^ 

Fait  à  Moscou,  le  21  Nov,  (v.  st.)  1762. 

Pr.  a.  Gallitzin,. 

Quoique  cette  déclaration  convertît  en  droi^ 
ce  qui  n'était  qu'une  concession,  et  que  sa  forme 
fût  différente  de  celle  sollicitée  par  le  baron  de 
Breteuil;  il  crut  devoir  l'accepter  par  une  lettre 
qu'il  écrivit  au  comte  de  Paninj  et  eut  le  lendemain 
son  audience  de  l'impératrice.  ^ 

Mais  la  cour  de  France  y  trouvant  la  déclaration 
de  la  Russie  trop  hautaine,  crut  devoir  faire  la 
contre -déclaration  suivante. 

N«-  IX. 

Contre  -  déclaration  de  la  cour  de  France  i  du  28  Janvier 

1763. 

Les  titres  ne  sont  rien  par  eux-mêmes.  Ils  n^oal 
de  réalité  qu'autant  qu'ils  sont  reconnus,  et  lem*  valeur 
dépend  de  l'idée  qu'on  y  attache,  et  de  l'étendue  que 


ENTRE  I«A  RUSSIB  ST  I«À  FRANCE;  EN  1762-   107 

leur  donnent  ceux  qui  ont  le  droit  de  les  admettre  ^  de 
lea  rejeter  ou  de  les  limiter. 

Les  souverains  eux-mêmes  ne  peuvent  s'attribuer  des 
litres  &  leur  choix;  Taveu  de  leurs  sujets  ne  suflSt  pas; 
celui  des  autres  puissances  est  nécessaire;  et  chaque 
couronne  libre  de  reconnaître  ou  de  récuser  un  titre 
nouveau,  peut  aussi  l'adopter  avec  les  modifications  et 
les  conditions  qui  lui  conviennent. 

Suivant  ce  principe ,  Pierre  I  et  ses  successeurs, 
lusqu'i  l'impératrice  Elisabeth,  n'ont  jamais  été  connus 
en  France,  que  sous  le  nom  de  czar.  Cette  princesse 
est  la  première  de  tous  les  souverains  de  Russie,  à  qui  le 
roi  ait  accordé  le  titre  impérial;  mais  ce  fut  sous  la 
condition  expresse,  que  ce  titre  ne  porterait  aucun  pré- 
judice au  cérémonial  usité  entre  les  deux  cours.^ 

L'impératrice  Elisabeth  souscrivit  sans  peine  à  cette 

condition,    et  s'en  est  expliquée  de  la  manière  la  plus 

précise   dans    la    réversale  dressée    par  son   ordre,    et 

signée  au  mois  de  Mars  1745,  par.  les  comtes  de  Bestu- 

cbeff  et  de  Woronzoff.    La  fille  de  Pierre  I,  y  témoigne 

toute  sa  satisfaction  :  elle  y  reconnaît,    que    c^est   par 

amitié  et  par  une  attention  particulière  du  roi  pour 

elle,  que  S.  M,  a  condescendu  à  la  reconnaissance  du 

titré  impérial,  que  d^ autres  puissances  lui  ont  déjà 

concédé f  et  elle  a  avoué  que  cette  complaisance  du  roi 

de  France  lui  est  très-agréable. 

Le  roi,  animé  des  mêmes  sendmens  pour  l'impéra- 
trice Catherine,  ne  fait  pas  difficulté  de  lui  accorder 
aujourd'hui  le  titre  impérial  y  et  de  le  reconnaître  en 
elle,  comme  attaché  au  trône  de  Russie;  mais  S.  M. 
entend,  que  cette  réconnaissance  soit  faite  aux  mêmes  con- 
ditions que  sous  le  deux  règnes  précédens  ;  et  elle  déclare 
que^  si,  par  la  suite,  quelqu^un  des  successeurs  de  Tim-* 
pératrjce  Catherine,  oubliant  cet  engagement  solemnel  et 
réciproque,  venait  à  former  quelque  prétention  contraire 
i  l'usage  ^onstammeut  suivi  entre  les  deux  cours,  sur 


108      H*  AFÏ'AIR£  BU  ciR£MOKIAI«  DFIIiOM. 

le  rang  et  la  préséance  5  dès  ce  moment  la  couronne 
de  France,  par  une  juste  réciprocité,  reprendrait  son 
ancien  stile,  et  cesserait  de  donner  le  titre  impérial 
i  celle  de  Russie. 

Cette  déclaration  tendant  à  prévenir  tout  sujet  de 
difficulté  pour  Tavenir,  est  une  preuve  de  l'amitié  da 
roi  pour  Pimpéralrîçe ,  et  du  désir  sincère  qu-il  a,  d'é- 
tablir entre  les  deux  cours  une  union  solide  et  inal- 
térable (*). 

Fait  à  Versailles,  le  28  Janvier  1763. 

ChOISEUL,  duc  de  PfiASX«IN. 


(1)  La  contre  '  déclaration  ^ue  la  cour  d'Espagne  fit  remettre 
en  cette  m^me  ocoHsion  f^a  ministère  russe)  le  5  Février  176B| 
{yof/ez  plus  haut  p,  93)  était  ainsi  conçue: 

Le  roi  Don  Carlos  III,  régnant  en  Espagne,  sachant  que  le  titre 
Impérial f  ainsi  que  tout  autre,  n'abolit  ni  ne  fixe  le  ran|f  des 
monarchies,  lorsque  quelque  souverain  se  l'attribue  de  son  propre 
mouvement,  ainsi  'que  l'a  fait  le  osav  Pierre  I,  n'a  pas  baUmo^  d^ 
son  avènement  au  trdne,  à  donner  ce  titre  à  rimpératrice  de  Roi- 
aie  Elisabeth,  sans  avoir  e'gard  aux  refus  qu'en  avaient  faits  les 
rois  ses  prëdécesse^rs.  Cette  princesse  a  répondu  a  cette  marque 
d'amitié  j,  en  remettant  au  marquis  d'Almodavas,  ministre  de  S.  M. 
Catholique  auprès  de  sa  personne ,  une  rëversale  semblable  a  .celle 
qu'elle  avait  donnée  an  roi  Très-Chrétien ,  lorsque  ce  monarque  ao 
oorda  le  même  titre  à  cette  princesse,  sous  la  condition,  que  cela 
n'apporterait  aucun  changement  au  cérémonial  usité  entre  les  deux 
cours.  A  l^exemple  d'Elisabeth,  Pierre  III,  son  neveu,  tenonvela 
cette  réversale  ;  mais  l'impératrice  actuelle  Catherine  II,  a  cm  devoir 
y  substituer  une  déclfration  donnée  à  Moscou,  le  3  Décembre  1763^ 
signée  par  le  comte  de  Woronzo^,  son  grand-rchancelier»  et  remise 
au  ministre  de  Q.  ]\|I.  Qatholiquei^  ainsi  qu'à  ceux  des  autres  puissances. 
Le  roi  Catholique  connaît  tout  le  prix  de  l'amitié  de  l'impéra- 
trice de  Russie,  Catherine,  et  de  la  bonne'  correspondance  établie  entre 
les  deux  cours.  Pour  lui  prouver  ses  sentimens  a  cet  égard,  il  consent 
avec  plaisir  I  et  sans  exiger  d'autre  formalités  que  la  déclaration  ci- 
dessus  mentionnée,  â  lui  accorder  le  titre  impérial,  et  à  le  re- 
oonaaitre  comme  attaché  d  sa  personne  «t  au  trdae  de  Rusaie }  mai* 


ENTRE  liA  RUSSIE  ET  LA  FRANCE  J  EN  1762.   109 

Celte  déclaration  fiit  remise  en  original  par  M. 
de  Choiseul  au  prince  Gallitzin,  chargé  des  affaires 
de  Russie  à  Paris,  et  le  baron  deBreteuil  se  borna 
à  en  donner  une  communication  confidentielle  au 
grand -chancelier  comte  de  Woronzoff  (^). 

ea  m^me  temps  S.  M.  CatHoliqae  entend ,  comme  elle  Ta  toojoars 
entendn,  que  ce  titre  n'inflaera  en  rien  sut  le  rang  et  la  prësëance 
réglés  entre  les  puissances;  et  elle  déclare  que,  si  quelque  succes- 
seur au  tr<)ne  de  Russie,  oubliant  ces  engagemens,  Tenait  à  former 
quelque  entreprise  qui  y  fût  contraire,  dès  ce  moment  le  monarque 
d'Espagne  et  les  empires  de  sa  domination ,  reprendraient  leur  ancien 
stUe ,  et  refuseraient  de  donner  le  titre  impérial  à  la  Russie, 
Fait  au  Prado,  le  5  Février  1763. 

Don  Ricàrdo  Wall. 

.(1)  Le  premier  mouvement  de  Catherine  U,  dit  M.  de  Flassan  dans 
•on  kiêt.  générale  de  la  diplomatie  française,  fut,  de  ne  point 
recevoir  cette  déclaration  ;  le  second  fut  d'y  répondre.  Mais  le  baron 
de  Breteuil  fit  entendre  aux  deux  chanceliers ,  quels  seraient  le  ri- 
dicule et  les  inconvéniens  de  cette  guerre  de  plume;  et  l'affaire  fat 
terminée  ainsi. 


CAUSE  TROISIEME. 

Refus  de  passeport  donné  en  1772  ^  ptMr  le  m- 
ndstère  de  France^  au  baron  de  tVrechj  ministre 
de  Hesse  "  Cassel  à  Paris  j  pour  n^ avoir  pomt 
satisfait  ses  créanciers. 


J-Jorsqu'en  1772  j  le  baron  de  Wrech,  rappelé 
de  la  cour  de  France ,  où  il  avait  résidé  en  qaa*- 
lité  de  ministre  plénipotentiaire  du  Landgrave  de 
Hesse - Cassel ,  voulut  partir  de  Paris,  sans  avoir 
payé  ses  dettes,  le  duc  d'Aiguillon,  ministre  des  af- 
faires étrangères  de  S.  M.  Très  -  Chrétienne ,  sur 
les  sollicitations  des  créanciers  du  ministre  étran- 
ger et  notamment  sur  celles  qui  lui  furent  adres- 
sées  par  le  marquis  de  Bezons,  envers  lequel  le  ba- 
ron de  Wrech  s'était  engagé  par  écrit,  à  fournir 
caution  boiu*geoise  pour  l'exécution  du  bail  de  la 
maison  qu'il  lui  avait  louée,  refusa  à  ce  ministre  les 
passeports  qu'il  lui  avait  demandés. 

Le  baron  de  Wrech  croyant  devoir  réclamer 
en  cette  occasion  l'appui  de  ses  collègues,  sut  les 
porter  à  adresser  en  commun  au  ministre  secrétaire 
d'état  de  France  la  note  suivante. 


m.    AFFAIRE  DU    BARON  BE  WRECH.      lH 

NO     I. 

^ote  des  amboffadeurs  et  ministret  résidant  à  la  etntr 
de  France^  adressée  en  commun  au  duc  d'Aiguillon^ 
ministre  des  affaires  étrangères  de  S.  M,  Très  •Chré- 
tienne; du  1  Janvier  1772. 

Les  soussignés  ayant  été  instruits  que  le  go.uvcme- 

ment  du  roi  a  r^usé  les  passeports  qui  lui  ont  été  de* 

mandés  de  la  part  d'un  des  ministres  étrangers  résidant 

à   la  cour  de  S.  M.  Très  -  Chrétienne ,   pour  retourner 

dans   son  pays ,  et  que  Ton  a  attenté  à  leurs  droits  et 

privilèges    en    faisant  signifier    un   exploit  à   ce   même 

ministre,    se  trouvent   appelés    à    réclamer  contre  une 

mesure  si  contraire  au  droit  des  gens,  et  à  la  liberté 

qui  leur  est  nécessaire   pour  poilvoîr  quitter    la    coui' 

près  laquelle  ils  sont  accrédités,  lorsque  les  circonstances 

peuvent  l'exiger  $  ils  réclament  en  conséquence  ia  justice 

et  réquité  de  S.  M.  Très-Chrétienne,  pour  mettre  leurs 

droits  et  privilèges  en  sûreté. 

Paris,  le  iJanvier  1772. 

{Signatures  des  amh^sadeurs  et 
ministres.^ 

]S<>-  n. 

Béponse  du  duc  d'Aiguillon  à  la  note  précédente;  du 

7  Janvier  1772. 

Le  soussigné,  ministre  des  affaires  étrangères,  ayant 
eu  l'bonneur  de  rendre  compte  au  roi  de  la  note  que 
MM.  les  ambassadeurs  lui  ont  remise  le  premier  de  ce 
mois,  S.  M.  Ta  chargé  de  les  assurer  qu'elle  a  toujours 
eu  et  qu'elle  aura  constamment  l'attention  la  plus  scru- 
puleuse à  maintenir  les  immunités  inhérentes  au  carac- 
tère de  ministre  public.  S.  M.  pense  au  surplus  que 
les  circonstances  qui  accompagnent  le  fait  qui  a  donné 


112       m.  AFFAIRE  DU  BARON  DE  WHECHy 

lieu  aux  réclamations  de  MM.  les  ambassadeurs  et  mi- 
nistres, sont  telles,  qu'il  ne  peut  en  résulter  aucune  at- 
teinte à  leurs  droits  ni  à  leurs  privilèges. 
Fait  à  Versailles,  le  7  Janvier  1772» 

Le  duc  D'Al(JUILLON« 

Pour  justifier  la  conduite  que  Ton  avait  teâùe 
envers  le  ministre  de  Hesse  -  Cassel  ^  la  cour  de 
France  fit  remettre  le  mémoire  ci -après,  à  tous  les 
ambassadeurs  et  ministres  étrangers. 

N®-  m. 

Mémoire  que  le  ministère  de  Praneejit  remettre  oM 
amhassadeurs  et  miniitrei  étrangers  résidant  à  Paris; 

en  Février  1772  (*). 

L'immunité  des  ambassadeurs  et  autres  ministres 
publics,  est  fondée  sur  deux  principes}  1)  sur  la  dignité 
du  caractère  représentatif  auquel  ils  participent  phu 
ou  moins;  2)  sur  la  convention  tacite  qui  résulte  de 
ce  qu'en  admettant  un  ministre  étranger,  on  recon-^ 
natt  les  droits  que  l^ usage,  ou  si  Von  veut,  le  droit 
des  gens  lui  accorde* 

Le  droit  de  représentation  les  autorise  à  jouir  dans 
une  mesure  déterminée,  des  prérogatives  de  leurs  maîtres. 
En  vertu  de  la  convention  tacite,  ou,  ce  qui  est  la  même 
cbose,  en  vertu  du  droit  des  gens,  ils  peuvent  exiger 
qu'on  ne  fasse  rien  qui  les  trouble  dans  leurs  fonctions 
publiques. 

L'exemption  de  la  jurisdiction  ordinaii*e,  qu'on  ap- 
pelle proprement  immunité,  découle  naturellement  de 

(1)  Ce  fîit,  dit  M.  de  Flassan,  dans  son  hist,  de  la  diplomatie 
française^  M*  Pfeffel ,  jorisconsnlte  da  roi*^  qui  fat  charge  de  làH- 
daction  de  ce  mémoire.  Dana  ToaTrage  citë^  il  ne  se  troave  qa'im 
extrait  de  cette  pièce. 


HIN*  BB  HESSE-CASSEL  À  PARIS;  EN  1772^   113 

ce  double  principe.  Mais  rimmnnité  n'est  point  illi- 
mitée; elle  ne  peut  s'étendre  qu'en  proportion  des  mo-^ 
tifs  qiii  lui  servent  de  base. 

n  résulte  de  là ,  i)  qu^rni  ministre  piiblic  ne  peut 
en  jouir  qu^autant  que  son  maître  en  jouirait  lui- 
même^ 

2)  qu^U  ne  peut  en  jouir  dans  le  cas  où  la  con^ 
vention  tacite  entre  les  deux  souverains  vient  à  cesser. 

Pour  éclaircir  ces  maximes  par  des  exemples  ana« 
logues  à  l'objet  de  ces  observations ,  on  remarqueras 

1)  qu'il  est  constant  qu'un  ministre  perd  son  im-« 
xaunité^  et  se  rend  sujet  à  la  juridiction  locale,  lorsqu'il 
«e  livre  i  des  manoeuvres  qui  peuvent  être  regardées 
conune  crime  (tétat,  et  qui  troublent  la  sécurité  pu- 
l>lique.  L'exemple  du  prince  de  Gellainare  constate 
ces  maximes  à  cet  égard. 

2)  L'immunité  ne  peut  avoir  d'autre  effet  que  d'é- 
cairter  tout  ce  qui  pourrait  empêcber  le  ministre  public 
de  vaquer  à  ses  fonctions. 

De  là,  il  résulte  que  la  personne  seule  du  ministre 
jouit  de  l'immunité,  et  que  ses  biens  pouvant  être  atta- 
qués sans  interrompre  ses  fonctions,  tous  ceux  qu^un 
ministre  possède  dans  le  pays  où.  il  est  accrédité,  sont 
soumis  à  la  puissance  territoriale,  et  c'est  par  une  suite 
de  ce  principe,  qu'une  maison  ott  une  tente  qu*un  mi- 
nistre étranger  posséderait  en  France,  seraient  sujettes 
aux  mêmes  lois  que  les  autres  héritages; 

3)  La  convention  tacite  stir  laquelle  l'immunité  se 
£>&de ,  cesse  lorsque  le  ministre  se  sotimet  formellement 
à  Tautorité  locale,  en  contractant  par-devant  un  notaire, 
c'est-à-dire  en  invoquant  l'autorité  civile  da  pays  qu'il 
habite* 

JVicquefort  qtd,  de  tous  les  auteurs,  est  le  plus 
lélé  pour  la  défense  du  droit  des  ministres  publics,  et 

H.  8 


114       in.   AFFAIRE  DU  BARON  DE  WRJEBCH, 

qui  s'y  livrait  avec  d'autant  plus  de  chaleur  qu'il  défen- 
dait sa  propre  cause,  convient  de  ce  principe  et  avoue: 

Que  les  ambassadeurs  peiiuent  être  forcés  de  rem- 
plir les  contrats  quHls  ont  passés  par-devant  notaire, 
et  qv^on  peut  saisir  leurs  meubles  pour  prix  de  loyer 
des  maisons  j  dont  les  baux  auraient  été  passés  de 
cette  m^anière,    (  Tl  /.  p.  416.) 

4 

4)  L'iJnmunîté  étant  fondée  sur  une  convention,  et 
toute  convcntioh  étant  i*éciproque,  le  ministre  puLb'c 
perd  son  privilège,  lorsqu'il  en  abuse  contre  les  inten- 
tions constantes  de  deux  souverains. 

C'est  par  cette  raison  qu'un  ministre  public  ne  pent 
pas  se  pfévaloii^  de  son  privilège  pour  se  dispenser  de 
payjcr  '  le*  '  dettes  qu'il  peut  avoir  contractées  dans  les 
pays  où  ilrérîdé  : 

1)  Parce  que  l'intention  de  son  maître  ne  peut 
point  être  qu'il  viole  la  première  loi  de  la  justice  natu- 
relle, qui  est  antérieure  aux  privilèges  du  droit  des 
gens  5 

2)  Parce  qu'aucun  souterùin  ne  veut,  ni  ne  peut 
vouloir  que  ces  prér'ogatives  tournent  au  détriment  de 
ses  sujets,  et  que  le  caractère  public  devienne  pour  eai 
un  piège  et  un  sujet  de  ruine; 

3)  On  pourrait  saisir  les  biens  mobilier-s  du  prince 
même  que  le  ministre  i:*eprésentc,  s'il  eh  possédait  sous 
notre  juridiction  ;  de  quel  droit  ]es  biens  du  ministre 
seraient -ils  donc  exceptés  de  cette  règle? 

4)  L'îmmtmîté  du  ministre  public  consiste  essen- 
tiellement à  le  faire  considérei"  comme  s'il  continuait  i 
résider  dans  les  états  de  son  maître. 

Kien  n'empêche  donc  d'employer  vis-à-vis  de  lui 
les  moyens  de  droit  dont  on  userait  s'il  se  trouvait  dans 
le  lieu  de  son  domicile  ordinaire. 


-Jr.- 


HIN.  DB  H£S8EM3AS8EIi  À  FARI8;  HK  1772*   115 

5)  n  en  résulte  qu'on  peut  le  sommer  d'une  ma- 
nière légale,  de  Satisfaire  à  ses  engàgeniens  et 'de  payer 
ses  dettes,  et  Bynherahoeh  décide  formeUeinelit,  p«  186, 
que  ce  n^esi  pas  peu  respecter  la  maison  (tun  ambas^ 
sadèur  que  d^y  envoyer  des  officiers  de  justice^  pour 
signifier  ce  dont  il  est  besoin  de  donnet  connaissance 
à  l'ambassadeur. 

6)  Lé  privilège  des  aml)assadeti]'s  ne  ifegàrde  que 
les  biens  qu'ils  possèdent  comme  ambassadeurs,  et  sans 
lesquels  ils  ne  pourraient  exercer  les  fonctions  de  leur 
emploi. 

Bynkershoei  p.  168  et  172,  et  Barbey ràc,  p,  l73, 
sont  de  cet  avis,  et  la  cour  de  Hollande  a  adopté  tette 
base  dans  l'ajournement  qu'elle  fit  signifier  en  1721  à 
l'envoyé  de  Holstein,  après  at^oir  accordé  saisie  de  tous 
Èes  biens  et  effets^  autres  que  meubles  et  équipages,  et 
autres  choses  appartenantes  à  son  caractère  de  mi- 
nistre. -^  Ce  sont  les  teirmes  de  la  cour  de  Hollande 
du  21  Février  1721. 

Ces  considérations  ju^tifieiii  suffisainÉhent  là  règle 
^ni  est  i^eçue  dans  toutes  les  cours^  qu'un  ministre  pu^ 
hUë  né  doit  point  partir  d'un  pays  sans  avoir  satisfait 
èés  créaiicierSi 

Lorsqu'un  Ininisire  manque  à  ce  devoii',  quelle  est 
k  Conduite  k  tenir?  c'est  la  seule  question  essentielle 
que  la  litatiète  puisse  faire  naître.  Elle  doit  se  décider 
par  un  osage  conforîHe  aux  diJflTérentes  inaxiiiies  qu'on 
k  établies  ci -^dessus. 

On  lie  parlera  point  de  l'Angleterre,  où  l'esprit  de 
la  législation  borné  à  la  lettre  de  la  loi,  n'admet  point 
de  convention  tacite,  ni  de  présoïnption ,  et  où  le  dan* 
gei^  d'une  loi  positive  dans  une  matière  aussi  délicate, 
a  jusqu'ici  empêcbé  de  fixei^  légalement  les  prérogatives 
des  minisli'es  publics. 

8* 


116    lin*!  JiîFFAIitE  BU  BARON  DE  WHECH, 

Dans,  toutes  les  autres  cours,  la  jurisprudence  parah 
à  peu  près  >  égale,  les  procédés  seuls  peuvent  différer. 

X  Viennû^  le  maréchalat  de  l'empire  s'arroge,  sur 
tout  ce  qui  ne  tient  pas  à  la  personne  de  rambassadénr 
et  à  ses  fonctions,  une  juridiction  proprement  dite,  dans 
une  étendue  qu'on  a  quelquefois  envisagée  di£Bcile  i 
concilier  avec  les  maximes  généralement  reçues.  Ce  tri- 
bunal veille  d'une  manière  particulière  sur  le  paiement 
des  dettes  contractées  par  les  ambassadeurs,  surtout  au 
moment  de  leur  départ.  / 

On  en  a  vu  l'exemple,  en  1764,  dans  la  personne 
de  M.  le  comte  de  Czernicheff,  ambassadeur  de  Russie, 
dont  les  effets  furent  arrêtés  jusqu'à  ce  que  le  prince 
de  Liechtenstein  se  fût  rendu  sa  caution. 

En  Ai^ssfe  un  ministre  public  est  assujetti  i  annon- 
cer son  départ -par  trois  publications.  On  y  arrêta  les 
enfans,  Içs  papiers  et  les  effets  de  M.  de  Bausset,  and>as' 
sadeur  dé  France,  jusqu'à  ce  que  le  roi  eût  fait  son 
affaire  des  detties  que  ce  ministre  avait  contractées. 

il  la  Haye  y  le  conseil  de  Hollande  s'arroge  une 
juridiction  proprement  dite  dans  les  états  où  les  intérêts 
des  sujets  se  trouvent  compromis. 

En  1688  un  exploit  fut  sigm'jRé  à  un  ainbassadenr 
d'Espagne  en  personne,  qui  en  porta  des  plaintes  {Byn* 
hershoeh  p.  188);  les  Etats  jugèrent, qu'elles  étaient  fon- 
dées, en  ce  qu'il  n'aurait  fallu  remetti*e  l'exploit  qu'aux 
gens  de  l'ambassadeur. 

A  Berlin,  en  1723,  le  baron  de  Posse,  ministre  de 
Suède,  fut  arrêté  et  gardé,  parce  qu'il  refusait  de  payer 
un  sellier,  malgré  les  a.vertissemens  réitérés  du  magistral; 

À  Turin,  le  carosse  d'un  ambassadeur  d'Espagne 
fut  arrêté  sous  le  règne  d'EiviANUEL.  La  cour  de  Turin 
se  disculpa  à  la  vérité  de  cette  violence;  mats  personM 
ne  réclama  contre  les  procédures  qui  avaient  été  faites 
pour  condamner  l'ambassadeur  à  payer  ses  dettes. 


MIN.  VB  HESSS^OASSBIi  À  PAHIS  $  EN  ITVK-    1 17 

Ces  exemples  paraissent  su£b«  pour  ëublir>ai  prin- 
cipe qu'on  ministre  étranger  peut  être  contraint  â  payer 
ses  dettes.  Ils  constatent  même  l'eitaitîon  'i^'ozi  la 
quelquefois  donnée  au  droit  de  coacâon.  .   ;'  »:  :'..U  -f 

On  a  soutenu  qu'il  suffisait  d'avertir  :  le  'mBnmtde  de 
payer  ses  dettes  pour  justifier,  en,  cas  de  refôs^  JesVoîes 
judiciaires  et  même  la  Saisie  des  efiets,       !       «       o      .; 

Grotiusy  Liv,  II,  Chap.  18.  dit  :  que  si  un  ambas- 
sadeur a  contracté  des  dettes  et  qu^il  n^ait  point 
^immeubles  dans  le  pdy^,  il/aut  lui  dire  honnête- 
ment de  payera  sHl  le  refusait,  on  s^ adresserait  à^  son 
maître,  après  quoi  on  en  uiendrait  aux  voies  que^^  Von 
prend  contre  les  débiteurs  qui  sont  d^un^  cmtre  jU(ri- 
diction^ 

Or  ces  voies  sont  les  procédures  légales  qui  tombant 
sur  les  biens  de  l'ambassadeur,  autres  que  ceux  qui  sont 
immédiatement  nécessaires  à  l'exercice  de  ses  £f)nctions, 
ainsi  qu'on  l'a  déjà  observé.  '     . 

L'opinion  la  plus  modérée  est,  qu'il  couvient  dansi 
tous  les  cas  de  s'abstenir,  autant  qu'il  est  possible,  de: 
donner  atteinte  à  la  déoence  qui  doit  environner  le  ca^ 
ractère  public;  mais  le  souverain  ec(t  autorisé  à  employer- 
Tespèce  dç  coactioçi  qui  n'emporte  aucuQ  trouble  dans 
86$  fonctio4:is,  et  qui  consiste  à  interdire  à  Tambassadeur 
la  sortie  du  pays,  avaçit  qu'il  a^t  sa^sfait  &  s^  Ç.^^g^'^ 
gémens. 

Ce^t  dans  ce  senç  que  Bynisershpeh  conseille  d'em-« 
ployer,  contre  les  ambassadeursj^  des  actions  qui  empor- 
tent plus  une  défense  qu'un  ordre  de  faire  telle  ou 
telle  chose^  Ce  n'est  alors^  qu'une  simple  défense,  et 
personne  n'oserait  soutenir  qu'il  soit  illicite  de  se  dé-* 
fendre  contre  un  ambassadeur ,  qui  ne  doit  pas  troubler 
les  babitans  en  usant  de  violence  et  emportant  ce  qui 
appartient  à  autrui. 


118      UU;UPFAIIIE  DU  B4KON  DE  WRECHy 

CeUe  ntoxime  est  encoce  plus  de  saison,  lorsque  des 
circonstances  particulières  et  aggravantes  chargent  le  mi* 
nistre  du  reproche'  de  mauvaise  foi  et  de  manoeuvres 
repréfaensibles. 

>i>  îLanqu'il  viole  lui-même  ainsi  la  sainteté  de  son  pa^ 
ract^e  let  la  sécurité  publique ,  il  ne  peut  point  exiger 
(^e  d'autres  le  respectent*. 

Pour  appliquer  ces  maximes  au  cas  particulier  de 
M.  le  baron  de  Wrecb,  ministre  plém'potentiaire  du  Land* 
grave  de.Hesse-Çassel,  il  suffît  de  rappeler  sa  Conduite 
depuis  son  arrivée  à  Paris ,  et  surtout  depuis  huit  moi& 

Les  voies  indécentes  qu'il  avait  adoptéfss  pour  se 
pi^ocuyer  de  Pargent,  ayant  étp  supprimées,  il  s'est  livré 
à  toutes  sortes  de  manoeuvres,  que  I(es  ménagemens  qn^on 
a  pour  SQtt  caractère  empêchent  de  caractériser. 

On  se  contentera  de  remarquer,  que  tout  coiidnit 
i  petiser^  qiie  ce  ministre  a  formé  le  deissein  de  frustrer 
^^s  créanciers  en  sortant  du  royaume;  et  cette  circons- 
tance suffit  pour  autoriser  à  prendre  contre  lui  les  mêmes 
mesures  ;qu'on  prendrait,  s'il  était  effectivement  sorti  du 
royaume  y  après  avoir  déposé  son  caractère  par  la  remise 
de  s^  lettres  de  rappel. 

Le  ministère  des  affaires  étrangères  Ta  fait  exhorter 
par  le  magistrat  chargé  de  la  police ,  et  Pa  exhorté  loi- 
n:^êmé,  à  faire  honneur  à  ^ts  engagemens. 

Dès-lors  les  poursuites  qu'pn  pouvait  faire  contre  lui 
devenaient  légitimes,  pourvu  qu'elles  ne  passassent  pas  les 
bornes  indiquées  plus  haut. 

Le  marquis  de  Bezons  se  trouvait  même  dans  un  cai 
plus  particulier;  le  barx)n  de  Wrech  avait  contracté  ayec 
lui  par  écrit;  il  avait  promis  de  fournir  caution  bour- 
geoise pour  l'exécution  du  bail  de  la  maison.  Le  baron 
de  Wrech  avait  donc  contracté  rengagement  d'assujettir 


MIN.  DE  HESSE- CAS8JBU  À  PA&IS;  EK  1772.    119 

indirectement  cette  exécution  à  la  juridiction  territoriale 
dans  la  personne  de  sa  caution».  U  est  vrai  qu*il  n*a  pas 
jngé  k  propos  de  remplir  Cfîtte  obligation;  mais  comme 
il  est  assurément  le  garant  de'  son  propre  fait,  le  niar* 
qms  de  Bezons  pouvait,  selon  les  règlus.  .de  l'équité  et 
du  bon  sens,  s^en  prendre  à  lui-jnéme;  et  il  ne  peut 
être  admis  à  se  faire  up  titre  de  la  mauvaise  foi  même 
qui  caractérise  le  refus  d^exéouter  cette  clause  de  la 
convention. 

C'est  d'après  ces  considérations  que,  sur  les  plaintes 
multipliées  des  créanciers  du  baron  de  Wrecb,  le  mi- 
nistre des  affaires  étrangères  crut  devoir  suspendre  Tex- 
pédition  du  passeport  que  ce  ministre  demanda  pour 
sortir  du  royaume,  en  alléguant  des  ordres  du  Land- 
grave son  matlre,  jusqu'à  ce  que  les  intentions  de  ce 
prinoQ  fussent  connues  par  le  canal  du  ministre  qui  ré- 

de  la  part  du  roi  auprès  de  lui. 


Il  permit  en  même  temps  au  marquis  de  Bezons 
de  faire  valoir  ses  droits  par  les  voies  légales,  et  il  eu 
prévint  le  baron  de  Wrecli. 

Ce  nnnistre  s^étant  néanmoins  pjaint  qu'on  s^tait 
prévalu  de  cette  permission  pour  forcer  sa  pprte,  pour 
lui  sigm'fier  l'exploit  de  la  vente  de  ses  meubles,  et 
tout  acte  de  violence  devant  être  banui  des  procédés 
en  pareil  cas,  on  n'a  pu  s'empêcber  de  blâmer  cet 
excès,  et  on  a  cru  devoir  suspendre  toute  poursuite 
ultérieure.  Mais,  afin  de  concilier  la  protection  que  le 
roi  doit  4  ses  sujets,  avec  les  égards  dus  au  cai*actère 
public,  et  afin  de  remplir  tous  les  procédés  que  les 
règles  du  droit  des  gens  peuvent  dicter,  le  ministère 
des  affaires  étrangères  vient  de  déférer  au  Landgrave 
hiî-méme  la  conduite  de  son  ministre. 

Ce  prince  pourra  d'autant  moins  trouver  à  redire 
i  la  conduite  qui  a  été  tenue  avec  son  ministre,    qu*un 


120     ni*  AFFAHUB  JDU  BA&ON  SE  WABCH,. 

fait  récent  a  miâ  en  évidence  le  sentiment  qu^fl  avah 
lui-même  sur  l'immunitéi'^  Il  fit  en  effet  empriaonneri 
il  y  a  qnatpe  on  idnq  ai^s^  le  comte  de  Warteuslebeiiy 
ministre  de  HoUandp,  pour  le  forcer  de  rendre  compte 
d'une  fondation  dont  fl  étdit  Texécnieur.  L'entreprise 
sur  la  pevsônne  d'un  ministre  public  fut  à  la  vérité 
condamnéef  mais.'le&Etfits^pgénéraux  ne  contestèrent  pas 
la  juridîctiob  du  «Iiandgrave;  -et,  dans  le  cas  où  se  trouve 
le  baron  de  Wrech ,  les  principes  que  ce  prince  a  sou-' 
tenus,  ne  lui  permettront  pas  de  soustraire  son  ministre 
aux  mesures  capables  d'assurer  les  droits  des  sujets  du 
roi,  ni  de  les  priver  du  seul  gage  qu'ils  aient  de  rezé- 
çiuion  de  leurs  co^ventions  avec  lui. 

l^a  gazette  de  France  ayant  publié  oe  mémoire 
dans  une  de  ses  feuilles^  le  baron  de  Wrech  en 
porta  plainte  au  duc  d'Aiguillon;  qui  toutefois  se 
conteuta  de  lui  fs^re  la  réponse  auiyoutet 

N«-  IV, 

Jjettre  du  duc  d^AiguUlan  au  baron  de  Wrech  ^  minùtre 
de  He»9e'Cas9el  à  la,  cour  de  France;  du  23  Janvier 

1772. 

Je  ne  perds  pas  un  moment,  Monsieur,  pour  ré- 
pondre à  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de 
m'écrire  le  22  de  ce  mois. 

C'est  avec  une  peine  bien  vive  que  j'apprends  que 
l'on  a  inséré  dans  la  gazette  de  ,....  un  écrit  relatif  à 
votre  position  et  qui  vous  soit  injmneux.  Je  m'empresse) 
Mo^sieur,  de  vous  déclarer  que  je  désavoue  tout  ce 
qu'on  peut  avoir  publié  sur  cette  affaire,  qui  par  sa 
nature  et  par  les  mesures  que  le  roi  a  jugé  à  propos 
de  prendre  doit  être  tenue  secrète.  Je  ne  puis  ^nc 
qu'applaudir   au  parti  que  vous  avez  pris  de  demandes 


MIN.  DE  HES8£-CASS£Ii  À  PARIS;  EN  1772«   121 

justice  contre  la  publicité  donnée  à  cette  affaire,  et  vous 
prie  d'agréer  l'assurance  de  ma  haute  considération. 
Versailles,  le  23  Février  1772. 

Le  duc  d'Aiguillon. 

Ce  ne  fut  que  lorsque  le  I^andgrave  de  Hesse- 
Cassel  eut  fait  son  affaire  des  engagemens  pris  par 
le  baron  de  Wrech,  que  celui-ci  obtint  ses  passe* 
porU^  et  put  qi4tter  Paris, 


.  I 


I  « 


■V, 


■  r  '» 


:  'il/ 


'  1 


CAUSE  QUATRIÈME. 

Différends  surténus  en  1776/  en^ê  te  DimeàkÊrhy 
P Angleterre  et  la  Hùtlahde^  au  iujét  du  cmn^ 
merce  avec  le  Chroenlande. 


Jl  RÉdéric  V,  roi  de  Danemark,  ayant  accordé  à 
une  compagnie  privilégiée  de  Copenhague,  le  droit 
exclusif  de  faire  le  commerce  ayec  les  colonies  et 
loges  danoises  établies  en  Groenlande,  son  succes- 
seur le  roi  Christian  VII,  fît  publier  en  1776  l'or- 
donnance ci- après,  par  laquelle  la  défense  du 
commerce  des  étrangers  et  des  sujets  non  privilé- 
giés avec  ce  pays  fut  renouvelée.  Voici  le  tejçte 
dç  cette  ordonnance. 

No-  I. 

Ordonnance  du  roi  de  Danemark  y  portant  renouvelle- 
ment de  la  diifeme  du  commerce  des  étrangers  et  des 
sujets  non  privilégiés  avec  le  Groenlande;  e^  date  du 
18  Mars  1776  (*).     (Extrait.) 

Christian  Vn,  etc.  savoir  faisons  :  Malgré  tous  les 
avertissemens  et  placards  tant  anciens  que  récens  (entre 

(1)  Traduit  du  Danois ,   qui   se  troav^  dans  Schou  Chronoiogi^^^ 


99 
99 


lY.  AFF.  DU  COMMERCE  DE  01lO£NIiAND£.    j23 

autres  les  placards  du  26  Mars  1751  (^)  et  du  22  Avril 
1758),  on  apprend  cependant  par  les  plaintes  formées 
<}e  temps  en  temps  ^  ^e  plusieurs  navigateurs  de  puis- 


register  ■  over  de  Kongei.  Forordningar  T,  VL  p.  13,  et  dans  ie 
Recueil  des  principaux  traités  de  M.  de  Martens.  T,  IF.  êdit,  l*** 
p.  164. 

(1)  Ce  placard,  confinnë  par  celui  de  Tannëe  1758  est  de  la 
teneur  suivante  :  »  Comme  noas  avons  accorde'  â  notre  compagnie 
^y  générale  et  privilégiée  de  commerce  le  droit  de  naviguer  et  de 
,,  commercer  seule  aux  colonies  établies  par  nous  dans  notre  pays 
,,de  Groenlande,  Nous  avons  aussi  jagé  à  propos  ^  en  qualité  de 
soayerain  seigneur  héréditaire  du  même  pays,  et  des  lieux  qui  en 
dépendent,  et  conformément  aux  ordres  émanés  de  notre  part  sur 
,,  ce  anjet  en  différentes  occasions,  de  donner  plus  d'étendue  à  cette 
9, concession,  afin  de  contribuer  par  là,  au  plus  grand  avantage  et  à 
,pl&  toreté  de  son  commerce.  Ainsi  nous  nous  sommes  déterminé 
^â  consentir,  ctmime  noua  consentons  par  la  présente,  que  la 
,,  peine  de  saisie  et  de  confiscation  ait  lien  â  l'égard  de  tous  et  uu 
jycliacnn,  tant  de  nos  sujets  qu'étrangers,  qui,  sous  quelque  pré- 
y, texte  qne  ce  puisse;  être,  et  au  préjudice  du  droit  exclusif  ac- 
jj cordé  â  la  compagnie,  entreprendrait  de  négocier  aux  colonies  ou 
,, logea  déjà  établies  dans  notre  dit  pays  de  Groenlande,  ou  â  celles 
^qni  pourraient  y  être  établie^  dans  la  suite,  après  avoir  préala- 
blement spécifié  et  marqué  la  position  d'icelles,  ainsi  que  Téten- 
dne  des  limites,  dans  lesquelles  la  défense  doit  être  observée. 
„Sq  conséquence,  nous  déclarons  que  ces  limites  devront  s'éteu- 
„  dre  à  quinze  milles  de  l'un  et  de  l'autre  c<$té  de  chaque  colonie, 
„en  y  comprenant  tons  les  liei^x  et  endroits  situés  depuis  les  îles 
,,d«  rOnest  jnsqvi*d  la  baye  désignée  dans  les  cartes  sous  le  nom 
^àô  baye  des  Oiseaux  noirs}  déclarant  en  outre,  que  la  peine  de 
„saiaie  et  de  confiscation  aura  lieu  pareillement  à  l'égard  de  tous 
x,cenx  qui  Tondront  entreprendre  de  troubler  ou  de  molester,  soit 
„par  mer  on  par  terre,  nos  sujets  dudit  pays  de  Groenlande.  Et 
^, seront  tenus  tons  et  chacun,  auxquels  il  appartiendra,  de  se  cou- 
j,former  à  la  disposition  de  notre  présente  ordonnance,  à  peine 
,,d'enconrir  ce  qui  est  statué  dans  le  cas  de  contravention.  Donné 
„etc."     Yoje*  Mercure  hist,  et  polit.  1751.    T.  L  p.  577. 


>9 
99 


124  IV-  AFF.  BU  COMMERCE  DE  GHOENIiAKBE, 

5ances  étrangères  se  rendent  annuellement  en  Groen- 
lande  et  dans  les  îles  et  places  qui  en  dépendent,  en 
s'appropriant  non  seulement  les  meilleures  productions 
du  pays  par  un  commerce  illicite  avec  les  habitans, 
tant  dans  les  ports  que  dehors ,  mais  en  outre  en 
exerçant  toute  sorte  de  violences  contre  eux,  soit  pour 
leur  enlever  ou  gâter  leurs  instrumens  de  pêche  ou 
autres  propriétés  ;  à  ces  causes  le  Roi,  en  qualité  de 
souverain  roi  et  seigneur  légitime  et  héréditaire  de  ces 
pays,  et  des  îles  et  endroits  qui  en  dépendent,  ^'est 
trouvé  engagé,  pour  avancer  le  bien  et  la  sûreté  de  ce 
commerce,  de  répéter  et  de  renouveler  par  la  présente 
ordonnance  (laquelle  dans  la  suite  servira  seule  dérègle 
et  de  norme  à  cet  égard)  tous  les  avertissemens  et  dé- 
fenses émanées  jusqu'ici,  et  de  les  déclarer  et  déter- 
miner ultérieurement  d'après  les  circonstances  préfsentes. 

^rL  L     Navigation  et  commerce  défendus. 

Comme  rétablissement  actuel  du  commerce  et   de 
la  pêche  de  Groenlande,  ou   celui  qui  dans  la  $uite  du 
temps  pourrait  être  privilégié,   est  et  restera  seul  s^uto- 
rîsé  à  faire   exercer  le  commerce  et  la  navigatiop  avçc 
toutes   les  colonies   et  loges   établies,    ou   qui  pouçrout 
3'établir  dans   la  suite,  eu  Groenlande   et  dans  les  îles 
qui  en  dépendent,   da^s  le  détroit  de  Davis  et  la  bay^ 
de  Disco,  ainsi  que  daus  tous  les  autres  port5  ou  places 
quelconques,  sans  distinction  ou  exception  quelconque: 
il  est  entièrement  défendu  par  la  présente  ordonnance 
à  tous  autres,  soit  étrangers  soit  sujets  de  S.  M.  quelcon- 
ques, et  sous  quelque  prétexte  que  ce  puisse   être,  de 
naviguer  ou  de  faire  le  conwnerce  avec  ledit  pays  et  \e& 
îlçs,   places  et  ports  qui  en  dépendent,   et  les  cploniçs 
et  loges  qui  y  sont  établies,    et    qui    pour  le  présent 
s'étendent  depuis  le  60  jusqu'au  73   degré   de  latitude 
boréale,   et  ceux  qui  dans  la  suite  pourraient  être  éta- 
blis daus  ce  pays,  lesquels  établissemens^  dès  qu'ils  auronL 


ENT.  Il©  BAN.9 1-'ANGIi.  ET  IiA  HOIiL  ;  EK 1776.  125 

eu  lien,  seront  publiés,  en  indiquant  leur  porition,  afin  que 
chacun  puisse  s'y  régler. 

Art.  IL   avec  les  hahitans. 

Personne,  soît  étranger,  soit  sujet,  qui  n'est  point 
autorisé  à  la  navigation  et  au  commerce  susdit,  ne  pourra 
exercer  un  commerce  quelconque,  soit  grand  ou  petit, 
soit  dans  les  ports  soit  sur  mer  avec  les  Groenlandais 
ou  avec  les  colons  danois,  et  en  conséquence  de  tels 
Vaisseaux  rencontrés  par  les  armateurs  du  roi  ou  des 
particuliers,  seront  obL'gés  de  se  soumettre  à  la  visite 
de  ceux-ci. 

H  est  bien  moins  encore  permis  à  quelqu'un ,  soit 
sur  terre  soit  sur  mer,  de  piller  les  Groenlandais ,  de 
les  enlever  bors  du  pajs,  ou  de  commettre  quelques 
violences  ou  molestations  de  quelque  genre  que  ce  soit, 
contre  lés  Groenlandais  ou  contre  les  colonies  et  loges 
des  Danois  et  leurs  gens  ou  leurs  biens. 

Art.  m.    Peine  contre  les  contrePenans. 

Si  quelqu'un,  soît  étranger,  soît  sujet,  s'avîsàît  de 
contrevenir  à  ceci,  soit  en  exerçant  un  commerce  illicite 
par  mer  ou  par  terre,  soit  en  commettant  quelque  vexa^ 
tion  ou  violence  contre  les  Groenlandais,  ou  contre  les 
colonies  danoises  et  contre  la  personne  ou  les  biens  des 
colons,    les    commerçans    privilégiés  pourront,   partout 
où  ils  le  trouveront,  le  faire  attaquer,  prendre  et  de- 
mander la  confiscation  du  vaisseau  et  de  ses  biens  et  de 
tout    ce  dont  il  est  muni,    et  le    tout  sera  conduit  à 
Gûpenbague,  et  sera  écbu  aux  commerçans  privilégiés, 
si  ce  sont  ceux-ci.  qui  ont  occasionné  et  fait  les  fraix 
de  la  prise,,  et  leur  sera   ensuite  adjugé  par  l'amirauté 
(par  laquelle  le  procès  sera  duement  instruit  et  jugé). 

Art,  IV*    Cas  de  nécessite  exceptés. 
Si  quelqu'un  par  des  causes  urgentes.,  comme  dans 
le  cas  de  naufrage,  ou  pour  manquer  d'eau  douce,  se 


126  IV-  AFF.  BU  COMMERCE  DE  GROENUkKBS, 

Toit  forcé  malgré  lui  de  cherclier  nn  port  de  la  Groen- 
lande  ou  des  îles  qui  en  dépendent,  ceci  ne  lui  sera 
pas  défendu:  mais  d'un  autre  côté  il  aura  soin  de  ne 
pas  s'y  arrêter  plus  long-temps  que  ne  l'exige  la  néces- 
sité urgente.  Et  s'il  pouvait  nattre  un  soupçon  fondé 
contre  lui,  soit  d'un  commerce  illicite,  soit  d'un  traite- 
ment illégitime,  ou  de  violences  contre  les  habitans  ou 
les  colons  danois,  non  seulement  il  subira  une  in- 
quisition légale,  mais  sera  même  puni  d'après  l'art.  IH, 
si  qu'on  lui  trouve  des  marchandises  achetées  en  Groen- 
lande,  ou  des  marchandises  étrangères  destinées  pour 
le  commerce  avec  les  Groenlandais. 

Peu  de  temps  après  la  publication  de  cette 
ordonnance,  il  s'éleva  à  ce  sujet  des  difiërends 
entre  la  cour  de  Danemark  et  celle  de  la  Grande^ 
Bretagne  et  les  Provinces  -  Unies  des  Pays-Bas. 
Les  premiers  furent  occasionnés  par  là  saisie  d'un 
brigantin  anglais  nommé  le  Windsor ^  amené  par  le 
capitaine  d'une  frégate  danoise  au  service  de  là 
compagnie  de  commerce  de  Groenlande,  Ils  don- 
nèrent lieu  à  la  correspondance  suivante  entre  left 
deux  gouvernemens. 

« 

N°-   IL 

Noté  de  M.  de  Lai)al^  ministre  résident  de  &.  M.  Bri* 
tannique  à  la  cour  de  Copenhague,  adressée  au  comté 
de  Bemstorffj  ministre  et  secrétaire  d'état  des  ajfmris 
étrangères  de  S.  M.  Danoise;  du  25  Septembre  XTIQ. 

Ce  fut  le  20  Mars,  qu'Etienne  Kidder,  maître  d'un 
brigantin   nommé  le   TVindsor,    du  port  de   cent  ton- 
neaux ou  environ,  paitit  de  Nantuchet  sur  les  côtes  de^ 
la  Nouvelle -Angleterre,    lieu    de   sa  naissance"",    et    d^ 


EMT.XEpAN.9li'ANOXi.£TI<AH0IiL.;  EN  1776-   127 

8on  domicile  y  pour  la  pêche  de  la  baleine  dans  les 
mers  de  Groenlande  et  du  détroit  de  Davis.  La  moitié 
de  son  équipage  était  composée  d'Iroquois  et  d'individus 
des  nations  qui  occupent  les  pays  situés  sur  les  der- 
nières des  colonies  anglaises.  Il  entra  dans  les  glaces  le 
29  Avril  vers  les  iles  de  l'Ouest  en  compagnie  de  plus 
de  quatre-vingts  voiles  de  différentes  nations, 

n  prit  dans  ces  parages  deusc  baleines  ^  dont  il  tira 
deax  cent  dix  barriques  d'huile.  Le  4  Mai  les  glaces  le 
poiusërent  vers  les  iles  de  la  .Baleine ,  dont  il  eut  con- 
naissance, le  19  Juin  à  10  heures  du  matin,  étant,  dans 
le  69"  degré  de  latitude  N. 

Le  besoin  d'eau  fraiche  après  un  aussi  long  voyage 
le   fit  approcher  des   côtes  pour  en  chercher  5    l'igno- 
rance des  lieux,  et  le  gros  temps  l'empêchèrent  d'aller 
i  terre.     Le    même  jour   vers  les   6  heures    du  soir  le 
sieur  Pal,  commandant  un  bâtiment  armé,  employé  par 
la  compagnie  danoise  de  Groenlande,  lui  lâcha  un  coup 
de  canon,   le  fit  venir  sur    son  bord,    et  envoya  sur 
le  brigantin  du  monde,    qui  fouilla  ce  bâtiment,   sous 
prétexte  d'y  chercher  des  marchandises  propres    à  un 
commerce  clandestin  avec  les  colons  danois   et  les  na- 
turels du  pays*    H  n'en  fut  point  trouvé,  maïs  quatre 
mauvaises  peaux  de  ehiens-marins  trouvées  dans  la  pos- 
session d'un  Iroquois  de  l'équipage,  fournirent  au  com- 
mandant Pul  l'excuse   qu'il   cherchait  sans  doute,  pour 
s'etaparer    du    brigantin,    le    déclarer   de   bonne  prise, 
l'entrainer  dans  le  havre  de  la  colonie,  où,  après  avoir 
retenu   Kidder   à    bord    du    vaisseau    danois    jusqu'au 
1  Juillet ,  il  le  fit  descendre  à  terre  avec  son  éqm'page 
le  2  du  liiois,  et  leur  fit  jui'er  de  conduire  le  brigantin 
à  GopenhaguCi     II  sépara  ensuite  Kidder  de  son  équi- 
pée et  de  son  vaisseau,  et  Tenvoya  à  Copenhague  comme 
Passager  à  bord  d'un  vaisseau  hollandais  dont  il  s'était 
^i  de  la  même  façon^    Il  y  arriva  le  18  Août,  et  son 
^AÎiseau  peu  de  jours  après. 


128  IV.  AFF.  DIX  COHHBRCE  BE  GBOENIi ANBBy 

Cet  exposé  que  le'  sonsaigni  ministre  résident  du 
roi  de  la  Grande-Bretagne  croit  devoir  présenter  à 
Y.  £xc.»  est  fondé  sur  Tezamen  le  pins  exact  et  le 
plus  scrupuleux,  que  le  soussigné  a  fait  du  susdit  Kid- 
der  dans  plusieurs  conversations  réitérées,  d^où  la  crainte 
et  toute  autre  influence  illicite  ont  été  bannies* 

n  est  corroboré  par  le  rapport  même  du  tiear  Pul, 
qui  quoiqu'intéressé  &  justifier  sa  démarche  et  A  pallier 
de  son  mieux  sa  conduite,  n'a  pas  osé  avancer  rien 
qui  se  trouve  contraire  à  cette  déposition  de  Kidder. 
y.  Exe.  permettra  au  soussigné  de  lui  rappeller,  que 
lorsqu'il  eut  Pbonneur  de  l'entretenir  sur  cet  événement 
le  19  Août,  elle  lui  fit  espérer  que  cette  affaire  serait 
incessamment  discutée  et  décidée  avec  toute  la  prompti- 
tude possible.  Nonobstant  cette  promesse  et  les  bonnes 
intentions  de  Y.  Exc«  qui  ne  sont  point  douteuses,  le 
soussigné  se  voit  obligé  de  se  plaindre  des  délais  qu'on 
fait  essuyer  au  Sr.  Kidder. 

Quoique  son  vaisseau  fut  le  premier  arrêté,  et  son 
afiaire  très-distincte  de  celle  des  deux  capitaines  boUan* 
dais,  on  les  a  confondus  ensemble;  on  a  difieré  son 
examen  qui,  par  sa  nature,  devrait  être  très-court,  jus- 
qu'après celui  des  Hollandais  dont  les  équipages  étant 
nombreux  ont  dû  prendre,  et  ont  pris  beaucoup  de 
temps  à  interroger. 

Depuis  quinze  jours  que  ces  examens  sont  finis,  on 
le  retient  encore,  quoiqu'il  n'y  ait  rien  à  sa  charge,  et 
que  même  ces  peaux  qui  ont  servi  de  prétexte  &  son 
arrêt,  soient  reconnues  appartenir  à  un  de  ces  Iroquoisy 
qui  dit  „les  avoir  eues  d'un  de  ses  frères  groenlandais, 
„en  échange  d'une  vieille  chemise  et  d'un  vieux  cha- 
,,peau,  à  Tinsçu  de  son  patron  et  du  reste  de  l'équi-* 
„page,  et  dans  l'intention  de  s'en  faire  des  culottes.^ 
Dans  une  affaire  qui  intéresse  des  nations  puissantes, 
peut-on  sérieusement.  Monsieur,  risquer  de  troubler  li 
bonne  harmonie  pour  un  pareil  sujet?  peut-on  sérieu" 


BNT.  US  B AN.^ Ii'ANGIi.  ET  LA  HOLL,  J  EN  1776.  129 

sèment  vouloir  miner  plusieurs  familles ,  en  imputant  à 
nn  maître  de  vaisseau  une  telle  action  d'un  de  ses  gens? 
peut-on  sérieusement  traiter  de  commerce  un  pareil 
troc?  Cet  Indien  môme  de  quoi  est-il  coupable?  Il 
n^a  violé  aucune  loi;  elles  lui  sont  toutes  inconnues. 
Quand  Kidder  lui-même  aurait  trafiqué,  il  ignorait,  que 
cela  fût  défendu.  Mais  il  ne  l'a  pas  fait;  Pul  ne  l'en 
accuse  point,  et  cependant  il  est  enlevé  de  son  vaisseau, 
entraîné  dans  des  parages  qui  lui  sont  inconnus;  on 
l'expose  aux  dangers  d'une  longue  et  périlleuse  naviga- 
tion dans  des  mers  qu'il  ignore,  et  dans  une  saison 
peu  favorable. 

■ 

Et  comme,  pour  aggraver  son  malheur,  on  le  retient 
plusieurs  semaines  de  ]>]us  qu'il  n'était  nécessaire,  sans 
que  ni  la  justice  ni  l'humanité  puissent  même  faire 
prononcer  cette  sentence,  qui  du  moins  l'éclaircirait 
sur  son  tort;  le  tribunal  qui  le  retient,  ignore -t- il 
donc  les  difficultés  que  des  délais  aussi  inconvenables 
opposent  &  son  retour  dans  son  île,  où  sa  femme  et 
ses  enfans,  et  les  familles  de  ses  pauvres  matelots  gé- 
missent dans  la  crainte  de  leur  perte,  et  doivent  périr 
de  misère  en  les  attendant  inutilement? 

À  ces  causes.  Monsieur,  le  soussigné  proteste  contre 

l'arrêt   d'Etienne  Kidder  et  tout  ce   qui  s'en   est  suivi. 

n  demande  au  nom  de   S.  M.  Britannique  la  restitution 

du  brigantin  le  fVindsor  et  de  sa  cargaison,   avec  les 

dédommagemens    que   l'équité    dictera,   pour  le  temps 

perdu,  le  déchet  de  la  cargaison  et  du  vaisseau,  et  les 

fraix  extraordinaires    auxquels  le  capitaine  a   été  assu- 

1^9  réservant  en  outre  au  roi  son  mattre  le  droit  de 

demander  satisfaction  s'il  le  trouve  à  propos. 

Et  comme  par  ce  qui  vient  d'arriver,  M.  le  comte 
4e  Bernstorff  ne  verra  que  trop ,  les  incidens  fâcheux 
J^d  çic   doit    entraîner    la    publication    itérative    faite    le 
^  Mais  dernier ,  du  placard  de  1758  :  S.  M.  ne  doute 


130  IV.  A  FF.  DU  COMMERCE  DE  GROE^IiANDB, 

point  que  la  prudence  de  V.  Exe.  ne  lui  montre  la  né- 
cessité de  les  prévenir  et  ne  lui  en  suggère  les  moyens. 
Copenhague,  le  25  Septembre  1776. 

1  D.  DE  Laval. 

N»-  m. 

Réponse  du  comte  de  Bermtorff  à  la  note  précédente. 

C'est  une  bien  grande  satisfaction  pour  moi,  Mon- 
sieur, de  pouvoir  vous  annoncer,  en  réponse  à  votre 
mémoire  du  25  Septembre,  que  le  roi,  mon  mahre,  s'é-  ' 
tant  de  suite  fait  rapporter  tout  ce  qui  pouvait  parler 
en  faveur  du  vaisseau  le  TVindsor^  commandé  par  le 
maître  Etienne  Kidder,  légalement  condamné  et  con- 
fisqué, par  le  tribunal  de  l'amirauté,  S.  M.  a  adond  la 
rigueur  des  loix,  et  que  désirant  particulièrement  de 
donner  à  S.  M.  Britannique  un  témoignage  public  de 
son  amitié  et  de  son  égard  pour  la  nation  anglaise,  elle 
vient  d'ordonner  que  l'arrêt  dudit  vaisseau  et  de  sa 
cargaison  soit  incessamment  levé,  et  qu'on  ne  porte  aucun 
obstacle  à  son  départ  et  à  la  liberté  de  continuer  sa 
route. 

Du   département   des   affaires  étrangères    à   Copen- 
hague, le  5  Octobre  1776. 

A.  P.  Bernstorff. 

No    IV. 

Seconde  note  de  M.  de  Laval j  adressée  au  comte  de 

Bernstorff;  du  7  Octobre  1776.  J 


Le  soussigné  voit,  Monsieur,  par  la  note  qui  lai  a 
été  remise  hier  matin  de  la  part  de  V.  Exe.  que  S.  M. 
le  roi  de  Danemark,  prêtant  Toreille  à  la  voix  de  la 
justice,  a  daigné  révoquer  la  sentence  portée  par  le  lii- 
bunal  de  l'amirauté  contre  le  vaisseau  le  Windsor  deNan- 
tuchet,  et  qu'il  était  ordonné  que  l'arrêt  dudit  vaisseau 


ENT.  liB  DAN.,  îi'ANGIi.  ET  liA  HOJiL.  J  EN  1776.  131 

et  de  sa  cargaison  soit  incessamment  levé,  et  qu'on  ne  porte 
aucun  obstacle  k  son  départ  et  â  la  liberté  de  continuer 
sa  route. 

Cette  décision  équitable  de  S.  M.  Danoise  ne  pourra 
pas  manquer  d'être  très -agréable  au  roi  de  la  Grande- 
Bretagne,  et  V.  Exe.  peut  compter;  qu'on  rendra  ample- 
ment justice  à  la  part  qu'elle  y  a  eue  par  sa  puissante 
intercession.  Mais,  Monsieur,  la  note  de  V,  Exe.  ne  fait 
mention  d'aucun  dédommagement,  et  Kidder  se  trouvant 
sans  argent,  sans  crédit,  sans  provisions,  manque  de 
moyen  pour  pouvoir  partir,  à  moins  qu'on  ne  le  lui 
iacilite.  Il  a  consommé  les  provisions  dont  il  était  muni 
pour  un  voyage  de  six  mois  ;  il  a  été  forcé  de  contracter 
ici  des  detties  pour  son  entretien  et  celui  de  ses  gens, 
d'autres  fraix  imprévus  se  manifesteront  peut-être  au  mo- 
ment de  son  départ. 

Ce  dédommagement  fait  un  des  objets  du  mémoii*e 
que  le  soussigné  a  eu  l'bonneur  de  présenter  le  25  Sep- 
tembre, et  il  ne  peut  se  dispenser  d'en  réitérer  la  de- 
mande, espérant  d'en  obtenir  Teffet  de  l'équité  reconnue 
de  S.  M.  le  roi  de  Danemark;  au  défaut  de  quoi  il  se 
croit  obligé  de  renouveler  sa  protestation  contre  la  saisie 
arbitraire  4udit  vaisseau,  la  procédure  qui  l'a  accom- 
pagnée et  particulièrement  contre  la  sentence  qui  l'a  con- 
damné, réservant  au  surplus  au  roi,  son  maître,  tous  les 
droits  qui  lui  appartiennent  dans  la  suite  de  cette  affaire. 

Fait  à  Copenhague ,  le  7  Octobre  1776. 

D.  DE  Laval. 

N^'  V. 
Réponse  du  comte  de  Bernstorff  à  la  note  précédente; 

du  10  Octobre  1776. 

On   a  l'honneur  de  répondre  à  la  note  remise  par 

M.  de  Laval  en  date  du  7  Octobre  1776 ,  que  la  demande 

■  du  dédommagement  du  S.  Kidder,  menant  le  vaisseau  le 

fVincUor,  pouvait  avoir  lieu,  tant  qu'il  était  douteux  si 

9* 


132   IV.  AFF,  DU  COMMERCE  DE  GROJBKIiANDE, 

ta  saisie  était    légale,    ou    si    elle  ne  Pétait  pas;   mais 
qu'elle  n'est  plus  admissible  selon  la  nature  de  la  chose 
et  les  usages  généralement  reçus  de  toutes  les  puissances 
de  l'Europe,   dès   (ju'une  sentence  a  été  prononcée  par 
un  tribunal  compétent  à  décider  ce  point,  et  dès  qu'un 
vaisseau  a  été  légalement   condamné   et  déclaré  confis* 
cable  avec  sa  cargaison.     S.   M.  est  sure  d^avoir  donné 
la  preuve  la  moins  équivoque  et  la  moins  ordinaire  de 
son  amitié  pour  S.  M.  Britannique ,   en  arrêtant  l'exécu- 
tion  et  l'effet  d'un  arrêt  donné   en  faveur  de  la  com- 
pagnie de  Groenlande.     C'est   elle    seule  qui  pourrait 
demander  un  dédommagement,  et  le  roi  est  très-con- 
vaincu   que  S.   M.  Britannique  ne    verra  dans    le  dé^ 
nouement  amical  de  cette  affaire,  que  ses  égards  parti- 
culiers pour  elle,  et  son  désir  constant  de  loi  en  donner 
toutes  les  preuves  qu'elle  peut  souhaiter  et  attendre  de 
sa  part. 

Du  dépailement  des  affaires  étrangères  à  Copen- 
hague, le  10  Octobre  1776. 

A.  P.  Bernstorff. 

Les  différends  qui  à  cette  même  époque  s*âc- 
vèrent  pour  le  même  sujet  entre  le  gouyemement 
de  S.  M.  Danoise  et  celui  de  la  république  de  Hol- 
lande, par  suite  de  la  saisie  de  deux  bâtimens  hol- 
landais déclarés  de  bonne  prise,  donnèrent  lien 
à  réchange  des  notes  ministérielles  suivantes. 

N*»-  I. 

Note  de  M,  Bosc  de  la  Calmetie^  ministre  de  Hollande 
à  la  cour  de  Copenhague,  adressée  au  comte  de  Bemt' 
torff,  ministre  et  secrétaire  d'état  des  affaires  étraf^ 
gères  de  S.  M.  Danoise;  du  26  Septembre  1776. 

Les  SS.  Comelis  et  Jacob  Middelhoven,  négociai* 
à  Zaardam  en  Nord-Hollande,  et  propriétaires  des  vais- 


ENT.UB  DAN^  L'ANGIi.  ET  LA  HOIiL.J  EN  1776.    133 

seanx  Middellioven  et  Rust  van  het  Vaterland^  ex- 
pédiés le  7  Mars  passé  pour  la  pêche  de  la  baleine 
dans  le  détroit  de  Davis,  ayant  été  informés  par  leurs 
commandans  respectifs,  Gerrit  Bol  et  Gerrit  Ger- 
litson  Bol^  son  fils,  que  le  20  Juin  leurs  vaisseaux  avaient 
été  visités  dans  \qs  parages  de  Ttle  aux  Baleines  par  le 
S.  Pul,  capitaine  d'une  frégate  danoise,  conduits  à  la 
Golonie  d'Egedesminde,  déclarés  de  bonne  prise  par 
les  marchands  et  autres  employés  de  la'^direction  royale 
dans  cet  endroit,  parce  qu'il  s'était  trouvé  à  bqrd  du 
premier  de  ces  vaisseaux,  dix,  et  à  celui  du  second, 
cinq  peaux  de  chiens -marins,  et  en  conséquence  en- 
voyés ici  à  Copenhague  pour  y  être  jugés   par  l'ami-' 

raaté. 

Les  susdits  propriétaires,  convaincus  par-  les  rela- 
tions de  ces  commandans,  que  ni  l'un  ni  l'autre  n'a- 
vait contrevenu  aux  ordonnances  du  roi,  se  sont  adressés 
par  requête  aux  Etats -Généraux,  pour  les  supplier  de 
leur  accorder  leur  protection  spéciale  dans  un  cas  si 
important  pour  eux,  et  c'est  en  conséquence  de  cette 
requête,  que  LL.  HH.  PP.,  persuadées  par  le  détail  des 
faita  qui  y  sont  énoncés,  de  l'innocence  de  ces  com- 
^  mandans,  m'ont  ordonné  expressément  par  leur  réso-t 
\  latioii  dû  30  Août,  de  faille  là-dessus  les  représentations 
k  convenables  à  cette  cour,  et  de  reclamer,  non  seule- 
ment ces  deux  vaisseaux  avec  leur  charge  comme  ayant 
été  ararêtés,  confisqués  et  conduits  ici  sans  aucune  raison 
légitime  y  mais  aussi  sur  le  même  fondement,  d'insister 
sor  une  entière  indemnisation  de  tous  frais  et  dom- 
mages. 

J'avais  déjà  agi  conformément  à  ces  ordres,  même 
airant  de  les  avoir  reçus.  V.  Exe.  se  rappellera  sans 
doute,  que  le  19  Août,  le  }our  même  que  ces  com- 
mandans étaient  venus  m'apprendre  leur  arrivée  ici, 
<*  ce   qui  s'était  passé,    j'ai   eu    Thonneur    de   l'entre- 

>**    t«ùr  à  ce   sujet j  et  ayaiit  depuis  suivi  le  CQurs  de  li^ 
1* 


/ 


134  IV.  AFF.  DU  COMMERCE  DE  GROENIiANDE, 

procédare,  j'ai  eu  d'autant  plus  lieu  d'attendre  une 
issue  favorable  de  cette  affaire ,  que  j'eus  la  satisfaction 
d'appi*endre  quelques  jours  après,  que  la  visite  la  plus 
exacte  de  ces  vaisseaux ,  n'avait  pu  donner  lieu  au 
moindre  soupçon,  qu'ils  fussent  destinés  à  faire  le  com- 
merce, ou  qu'ils  en  eussent  pu  faire  aucun  dans  un 
pays  où  le  négoce  ne  se  fait  que  par  écl\ange,  puis- 
qu'il ne  s'y  est  trouvé  ni  marchandises  à  l'usage  de  ce 
pays,  ni  quoi  que  ce  soit  qui  pût  être  regardé  comme 
un  objet  de  négoce. 

J'eus  encore  la  satisfaction  d'être  informé  dans  la 
suite,  que  les  dépositions  de  ces  commandans  se  trou- 
vaient en  tout  conformes  à  la  plus  exacte  vérité  et  au 
rapport  même  du  capitaine  Pul,  qu'elles  étaient  pleine- 
ment confirmées  par  le  résultat  des  dépositions  de  toat 
leur  équipage,  et  qu'à  mesure  que  l'affaire  se  traitait, 
toutes  les  accusations  vagues,  toutes  les  présomptions  allé- 
guées contre  eux,  toutes  les  insinuations  à  leur  désavan- 
tage, s'évanouissaient  par  l'examen,  et  qu'ainsi  il  était 
clair  comme  le  jour,  que  ni  l'un  ni  l'autre  n'avait  eu  le 
moindre  dessein  de  contrevenir,  et  n'avait  en  effet  con- 
trevenu à  aucun  égard,  au  vrai  sens  ni  au  but  raison- 
nable de  l'ordonnance  royale  de  l'année  1758  (la  seule 
qui  leur  fût  connue  lors  de  leur  départ  de  Hollande)  lequel 
but  ne  peut  être  autre ,  que  de  défendre  et  de  prévenir 
tout  négoce  que  les  vaisseaux  des  nations  étrangères  pour- 
raient vouloir  faire  avec  les  babitans  de  Groenlande. 

Je  me  flatte  donc  que  ces  vaisseaux  ne  peuvent  être 
déclarés  de  bonne  prise  sur  le  seul  fondement  des  peaux 
de  chiens -marins  trouvées  à  leur  bord,  puisque: 

Il  est  prouvé  que  ces  deux  commandeurs,  qui  n'ont 
pas  une  seule   fois  quitte    leur   vaisseau,    ni   seulement 
jette  l'ancre  sur  les  côtes  de  Groenlande,  non  seulemeni; 
n'ont  fait  aucun  commerce  eux-mêmes,  mais  aussi  qu'ils 
ont  défendu  très-expressément  à  tout  leur  équipage,  d'exm 
iaire,  et  qu  ils  ont  réitéré  ces  défenses  aux  gens  de  la  cha^j— 


ENT,  IiB  DAN.,  JL'ANGIi.  ET  liA  HOLIi.J  EN  1776.  135 

loupe,  les  deux  seules  fois  qu'ils  l'ont  envoyée  à  terre,  l'une, 
pour  faire  de  l'eau,  et  l'autre,  pour  y  remettre  des  femmes 
venues  à  leur  bord,  pour  obtenir  d'eux  la  carcasse  d'une 
baleine  qii'ils  auraient  d'ailleurs  jettée  à  la  mer,  et  que 
la  charité  seule  les  avait  engagés  d'y  souffrir  pendant 
plusieurs  jours  que  le  gros  temps  ne  leui*  avait  pas 
permis  de  s'approcher  assez  des  côtes,  ni  de  leurs  habi- 
tations pour  s'en  défaire. 

n  est  prouvé   que  le  commandant  Gerrit  Bol,  jus- 
qu'au moment   que  les   gens   de   la  frégate  du  capitaine 
Pul,    où   les   commandans   s'étaient   déjà   rendus,  y  ont 
apporté    ces    2)eaux   trouvées   dans    son  vaisseau,    igno- 
rait absolument   qu'il  y  en   eût  une   seule  5  mais  quand 
cela  ne  serait  pas  aussi  clairement  prouvé  que  cela  l'est, 
l'assertion  positive   du   commandant  ne  devrait -elle  pas 
suflSLre  pour   en   convaincre?     Peut -on  raisonnablement 
supposer   qu'un  homme    à    qui   les  marchands    et   em- 
ployés  de   la   colonie  n'ont  pas  fait  difficulté  d'accorder 
Un  témoignage  par  écrit,   que   depuis  dix-huit  ans  qu'il 
fréquentait  ces  côtes,  ils  n'avaient  jamais  appris,  ni  seu- 
lement   ouï    dire    qu'il   eût   fait  le  moindre   commerce, 
qu'un  homme  aussi  sage,  aussi  honnête,  aussi  véridique 
que    toute  la  procédure   a  prouvé   qu'est   ce    comman- 
dant 9  puisse  être  assez  insensé  pour  risquer  son  vaisseau 
et  sa  charge,  qu'il  puisse  être  assez  indigne  pour  souil- 
ler sa  conscience   par  un  parjure,   pour   un   objet   aussi 
vil  que  la  valeur  de  ces  peaux,    qui  ne  monte  pas  à 
deux  écus?   Comment  pourrait-il  donc  être  censé  avoir 
firit   le  commerce?    Peut- il  être  responsable  de  ce  que 
caciques  misérables  matelots,  à  son  iusçu,  et  conti*e  ses 
ordres  exprès,    se  sont  procuré  ces   peaux,  pour   s'en 
garantir  contre  le  froid    dans   un  climat    si  rigoureux, 
qu'ils  les  ont  échangées  contre  quelques    guenilles   dont 
ils  pouvaient  se  passer?  qu'ils  les  ont  introduites  furtive-- 
ment  dans   le  vaisseau?     Ces  matelots  mêmes  peuvenl- 
ik  eu  bonite  foi  être  réputés  avoir  fait  le  conuAcrce,. 


136  TV.  AFF.  BU  COMMERCE  DE  GROENIiAKBE^ 

surtout  après  ^'il  conste,  ipe  les  marcliancls  eux-^mêmes^ 
lorsqu'ils  les  ont  consultés  ^  leur  ont  dit  que  l'ordon** 
nance  n'était  pas  si  rigoureuse,  que  quelques  peaux 
pour  leur  habillement  ne  faisaient  pas  un  objet,  pourva 
seulement  qu'ils  s'abstinssent  du  lard,  de  l'huile ,  des 
fanons  de  baleine  et  d'autres  productions  importantes 
du  pays,  ce  qui  s'accorde  aussi  entièrement  avec  tout 
le  préambule  de  l'ordonnance  de  1758,  qui  en  détep* 
mine  assez  le  but 

n  est  enfin  prouvé,  que  de  cinq  peaux  qui  se 
sont  trouvées  dans  la  cabane  du  commandant  Gerrit 
Gerritson  Bol,  l'upe  lui  appartenait  de  droit,  étant  celle 
d'un  chien -piarin  tué  de  son  bord  l'année  précédente 
par  un  Groenlandais ,  à  qui  il  l'avait  ensuite  donné,  en 
s'en  réservant  seulement  la  peau  laquelle  celui-ci  lui 
avait  aussi  fidèlement  rapportée  celte  année,  en  y  joi- 
gnant une  autre,  par  reconnaissance  de  son  honnê- 
teté à  son  égard ,  et  que  les  trois  autres  lui  ont  de 
même  été  données  par  le  même  motif,  pour  le  bien 
qu'il  avait  fait  en  différentes  occasions  à  plusieurs  de 
ces  pauvres  gens.  Cela  peut -il  être  appelé  faire  le 
commçrce?  Si  c'en  est  un,  c'est  de  bienfait,  et  celui- 
là  ne  fait-il  pas  trop  d'honneur  à  l'humanité  pour  pou- 
voir être  censé  défendu  par  la  loi,  et  être  imputé  à 
crime  entre  des  sujets  de  puissances  alliées  et  amies. 

Les  senlîmens  de  l'équité  si  reconnue  du  roi  ne  me 
permettent  pas  de  douter^  que  S,  M.  n'en  juge  pas  autre*- 
ment,  ni  les  vôtres,  Monsieur,  que  V,  Exe.  ne  veuille 
bien  interposer  ses  bons  et  puissaus  offices,  pour  obte- 
nir de  S*  M.,  conformément  à  la  réquisition  de  mes 
mattres,  les  ordres  nécessaires  pour  la  prompte  restitu- 
tion de  ces  vaisseaux  et  de  leur  charge,  ainsi  que  l'en-» 
tière  indemnisation  des  frais  et  dommages. 

X  Copenhague ,  le  26  Septembre  1776. 

BOSC  DE   LA  CAXMETTE, 


BNT.  liE  D AN.,  li'ANGL.  ET  LAHOLL.J  EN  1776.  137 

La  réponse  que  fit  le  comte  de  Bernstôrff  à  cette 
note  était  mutatis  mutandis  entièrement  pareille  à 
celle  adressée  le  5  Octobre  à  M.  de  Laval,  ministre 
rendent  de  S.  M.  Britannique.     (^ Voyez  N^'  III.) 

]N«   IL 

Note  de  M.Bosc  de  la  Calmette^  adreisée  au  comte  de 

Bermtorff;  du  17  Janvier  1777. 

Ayant  communiqué   à  LL.  HH.  PP.   mes  maîtres  la 
note  que  V.  Exe.  m'a  fait  l'honneur  de  me  remettre  le 
5  Octobre,  en  réponse  au  mémoire  que  j'avais  eu  celui 
de  lui  présenter  le  25  Septembre,  au  sujet  de  deux  vais- 
seaux hollandais  arrêtés  sur  les  côtes  de  Groenlaude,  con- 
duits ici,  confisqués  par  sentence  de  Tamirauté,   et  en- 
soite  relâchés  par  ordre   du  roij    LL.  HH.  PP.  ont  été 
charmées  de  voir  par  cette  note,  que  le  roi  ait  bien  voulu 
ordonner  la  levée  de  l'arrêt  de  ces  vaisseaux  et  de  leur 
cargaison,  et  qu'on  ne  portât  aucun  obstacle  à  leur  départ. 
Sensibles  comme  mes  maîtres  le  sont,  à  ce  que  le 
roi  ait  voulu  par  là  leur  donner  un  témoignage  de  son 
amitié  y  et  remplis  de  sentimens  réciproques  pour  S.  M. 
ils  m'ordonnent  expressément  d'en  faire  parvenir  au  roi, 
leurs    sincères    remercimens,    mais    de    représenter    en 
même   temps,    que  quelque   gi^acieuse   que   puisse    être 
la  restitution  de   ces  vaisseaux  et  de  leur  cargaison,    et 
quelqu'agréable   qu'elle   ait   été   à    LL.   HH.  PP.  par  le 
motif  que  S.  M.  en  allègue,  elles  ne  peuvent  se  dispenser 
de  faire  observer ,  qu'elle  est  insuffisante  pour  remédier 
aux  griefs  si  bien  fondés  des  maîtres  de  ces  vaisseaux,  rela-» 
threment  tant  à  leur  saisie  même,'  qu'aux  frais  de  procé- 
dures et  aux  dommages  que  cette  saisie  et  la  détention  des 
vaisseaux  leur   ont   occassionnés  5   elles  m'ordonnent  en 
conséquence  de  réitérer  en  leur  nom  les  plaintes  les  plus 
trieuses,  du  procédé  injuste  de  l'officier  qui  a  arrêté  et 
^t  conduire  ici  les  deux  vaisseaux  en  question,  insistant 


138   IV.  AFF.  DU  COMMERCE  DE  GROENLAKDE, 

par   cette  raison ,  sur   ce  que  les  sentences  qui  les  ont 
condamnés  9  soient  aonullées,   que  leurs  frais  et  dam- 
mages  leur  soient  bonifiés ,  et  qu'il  leur  soit  J)rocuré  une 
satisfaction  convenable,  étant  notoire  qu'on  ne  peut  con- 
cilier avec  le  droit  de  nature  et  des  gens,  que  des  vais- 
seaux d'autres  puissances,  naviguant  ou  péchant  dans  des 
eaux  de  la  compagnie  royale  de  Groenlande ,  soient  con- 
fisqués en  vertu  de  quelque  octroi  ou  ordonnance  du  roi 
en  leur  faveur,  comme  Tont  été  ceux-ci;  de  représenter, 
qu'après  la  confiscation  de  ces  vaisseaux,  une  simple  res- 
titution sans  indemnisation,  peut  d'autant  moins  rassurer 
pour  l'avenir,  que  LL.  HH.  PP.,  à  qui  Tordonnance  de 
1758  n'a  jamais  été  communiquée  ministériellement,  mais 
qu'elles  jugent  bien  être  contenue  dans  la  derm'ère  de  1776, 
ont  pu  (ces  ordonnances  ne  s'exprimant  pas  bien  claire- 
ment) croire  jusqu'à  présent,   qu'elle  n'avait  pour  objet, 
que  le  commerce  défendu  en  Groenlande,  et  les  violences 
ou  l'excès  dont  les  nations  étrangères  pourraient  s'y  ren- 
dre coupables.    11  semble,  ajyrès  ce  qui  vient  de  se  passer, 
que  ces  sentences  déterminent  le  sens  et  le  vrai  but  de 
ces  ordonnances  qui ,  par  les  conséquences  qui  en  résul- 
tent nécessairement,  ne  tendraient  pas  à  moins  qu'à  in- 
terdire à  toute  autre  nation  qu'à  la  nation  danoise,  non 
seulement  tout  commerce  en  Groenlande,  ce  qui  pour- 
rait se   comprendre,  mais  aussi  la   pêclic,   et  même  la 
navigation  dans  ces  mers  là;   puisqu'interdîre  une  cbose, 
ou    y   apporter    des   obstacles    qui    la  rendent  imprati- 
cable,  revient  absolument  au  même.     Et   en  effet,   qui 
voudraient  mettre  son  vaisseau,    ses  équipages,   sa  car- 
gaison à  la  merci  du  premier  matelot  avide  et  malhon- 
nête, de  qui  il  dépendrait  toujours,   en  bravant  les  dé- 
fenses les  plus  expresses  de  ses  officiers ,  et  faisant  à  leua 
insçu  quelque  commerce  clandestin  même  de  la  moindr— 
valeur,   d'exposer  le  vaisseau   à  être  pris  et  confisquer 
qu'ainsi  il  serait  nécessaire  d'une  preuve   plus  convai 
cante,  que  les  ordonnances  du  roi  n'autorisent  pas 


BNT.  IiB  DAN.,  Ii'ANGIi.  ET  liA  HOIili.J  EN  1776.   139 

pareils  procédés,  et  à  cet  effet,  pour  prévenir  tout  doute 
ou  équivoque  là*  dessu^s ,  que  les  susdites  ordonnances 
soient  incessamment  ou  réitérées,  ou  du  moins  expliquées 
de  manière  à  faire  connaître  clairement ,  que  les  limites 
au  sujet  du  commerce  dans  le  détroit  de  Davis  n'y  sont 
pas  plus  étendues  qu'ils  ne  Tétaient  auparavant,  et  que 
cette  ordonnance ,  ainsi  que  l'arrêt  et  la  saisie  qu'elle 
permet  de  ceux  qui  pourraient  y  contrevenir,  ne  s'étend 
pas  au-de-là  du  cas,  où  quelques  personnes,  s'élant  ren- 
dues coupables  d'un  commerce  défendu,  ou  de  quelque 
acte  de  violence,  auraient  été  poursuivies  et  atteintes,  soit 
en  Groenlande  et  les  îles  qui  en  dépendent,  soit  dans 
celles  situées  dans  le  détroit  de  Davis  et  la  baye  de  Disco, 
mais  nullement  à  quelque  visite,  bien  moins  à  quelque 
vexation,  arrêt  ou  saisie  de  vaisseaux  en  pleine  mer. 
Puisque  LL.  HH.  PP. ,  comme  d'un  côté  elles  ont  montré 
par  leur  placard  du  15  Févr.  1762  (dont  j'ai  eu  l'honneur 
de  donner  communication  ici  dans  son  temps ,  et  qui  alors 
a  pu  mériter  l'approbation  et  la  satisfaction  du  roi)  comme 
elles  ont  montré,  dis -je,  leur  intention  et  désir  sincère 
de  coopérer  autant  qu'il  dépend  d'elles,  à  ce  que  leurs 
sujets  n'abusent  pas  de  la  liberté  naturelle  de  naviguer 
et  pêcher  librement  dans  toutes  les  mers ,  pour  en  pren- 
dre occasion  de  faire  quelque  négoce  défendu  à  terre  : 
d'an  autre  coté  elles  ne  pourraient  regarder  d'un  oeil  in- 
différent des  procédés  pareils  à  ceux  qu'on  a  eus  avec  les 
Vaisseaux  ci -dessus. 

Mais  comme  véritablement    cette   affaire    est  d'une 
importance  générale  pour  toutes  les  puissances  intéressées 
dans  la  pêche  de   Groenlande    et  du  détroit  de  Davis, 
XL.  HH.  PP.   se  verraient  obligées  d'en  faire  une  cause 
.  commune   avec  ces  puissances ,  et  de  défendre  et  pro- 
téger   le  droit  indisputable    de    toutes    les    nations    de 
pouvoir  naviguer  et  pêcher  librement  paf  toutes  les  mers 
ouvertes,    les   détroits,   et  les  bayes,    et   en  particulier 
celai  de  leurs  sujets^  qui  de  temps  inmiémorial  ont  été 


140   rV.  AFF.  DU  COMMERCE  DE  GROENIiAKBE^ 

en  possession  d'user  de  ce  droit  sur  les  côtes  de  Groen- 
lande,  dans  le  détroit  de  Davis,  et  nommément  aussi 
dans  la  baye  de  Disco. 

À  Copenhague  9  le  17  Janvier  1777. 

BOSC    DE   LA   CaLMETTE, 

NO-  m. 

Réponte  du  comte  de  Bernstorff  à  la  note  précédente; 

du  4  Avril  1777. 

Le  roî  mon  maître  s'étant  fait  rendre  un  compte 
détaillé  du  contenu  du  mémoire  remis  en  date  du  17  Jauv. 
de  cette  année  par  M.  de  la  Calmette,  envoyé  extraor- 
dinaire de  LL.  HH.  PP.  m'a  ordonné   d'y  répondre: 

Que  S.  M.  y  reconnaisssait  avec  une  satisfaction 
particulière ,  que  LL.  HH.  PP.  avaient  rendu  justice  à  ses 
sentimens  pour  la  république,  et  à  la  preuve  qu'elle 
lui  en  avait  donnée,  en  ordonnant  la  levée  de  l'ar- 
rêt sur  les  vaisseaux  hollandais  arrêtés  sur  les  côtes  de 
Groenlande;  qu'elle  était  également  persuadée,  qu'on 
reconnaîtrait  qu'il  ne  lui  est  point  possible  d'aller  plus 
loin,  ni  d'admettre  la  demande  des  propriétaires  desdits 
vaisseaux,  tendant  à  une  satisfaction  qui  ne  saurait  avoir 
lieu  dans  un  cas  pareil  à  celui-ci,  lorsqu'il  existe  une 
confiscation  fondée  sur  une  sentence  entièrement  légale. 

Ce  sera  toujours  avec  un  regret  sensible  que  S.  M. 
se  déterminera  à  des  mesures  nécessaires  pour  empê- 
cher un  commerce  prohibé  avec  ses  états  septentrio- 
naux, mais  que  les  sujets  de  la  république  continuent 
de  faire  malgré  les  défenses  publiées  à  cet  égard  en 
Hollande,  dont  l'observation  exacte  préviendrait  toute 
discussion  et  tout  désagrément  réciproque. 

Elle  attend  de  l'amîtié  de  LL.  HH.  PP.  qu'elles 
n'omettront  rie*  de  ce  qui  pourra  contribuer  à  leur 
manutention,  s'engageant  de  son  côté  à  concourir  avec 
l'éqnité  et  la  modération  la  plus   tetière,  soutenue  de 


•  BNT.  liE  DAN.,  L*ANGIi.  ET  I/A  HOlili.  J  EN  1776.  141 

tons  les  motifs  que  l'amitié  la  plus  sincère  peut  inspi- 
rer, à  entretenir  un  ordre  et  une  tranrpiillité  parfaite 
par  tous  les  moyens  qu'une  distance  aussi  grande  dans 
des  parages  aussi  éloignés  peut  rendre  possibles. 

S.  M.  d'ailleurs  aussi  éloignée  du  projet  de  troubler 
ses  alliés  dans  l'exercice  de  leurs  justes  droits  acquis 
par  des  traités  et  par  une  possession  immémoriale,  que 
résolue  à  défendre  et  à  soutenir  ceux  qui  lui  ont  été 
incontestablement  transmis  par  ses  prédécesseurs,  ne 
peut  que  prévoir  une  harmonie  toujours  ininterrompue 
avec  une  république,  dont  le  système  se  fonde  sur  des 
principes  également  justes  et  également  équitables,  et  rien 

n'est  plus  conforme  à  ses  souhaits  décidés  et  invariables. 
Du  département  des  affaires  éti*angèrcs    à   Copen- 

kgae,  le  4  Avril  1777* 

A.  P.  Bernstorff. 


CAUSE   CINQUIEME. 

Différends    survenus    dans    les    années    1777   c> 
1785,   entre  la  république  de  Venise  et  cell^ 
de  Hollande  j  au    sujet   des  plaintes  portées 
par    des  négocians  d* Amsterdam,    contre  M. 
Cavalliy   ministre   vénitien  près    la    cour    de 
Naples  (1). 


U  N  jeune  Albanais  né  à  Budoa,  de  la  domination 
Tenitienne,  qui  à  Vienne,  avait  pris  le  nom  de 
comte  Castriotto,  et  à  Berlin,  celui  de  comte 
Chiud- Zannowich,  se  disant  issu  de  la  famille 
de  Castriotto-Scanderbec,  vint  en  1772  se  pré- 
senter sous  le  dernier  nom,  chez  MM.  Chomel  et 
Jordan,  banquiers  à  Amsterdam,  muni  d'une  lettre 
de  recommandation  de  MM.  Grenier  Arles  et  com- 
pagnie,  négocians   à    Lyon,   leurs   correspondans. 


(1)  Cette  affaire  qui  n'était  dans  son  origine  qu^une  affaire  de 
particulier  à  particulier ,  devint  une  affaire  de  gouvernement, 
lorsque  les  Ktats  -  Généraux  déclarèrent  qu'ils  la  prenaient  sur  eux, 
disant,  que  les  loix  qui  lient  le  souverain  et  le  sujet  ne  leur  per- 
mettaient pas  d'abandonner  des  sujets  si  cruellement  lësës. 


V.   AFF.  DES  NIBG.  CHOMEL  ET  JORDAT^.      143 

Peu    de  temps   après   MM.  Cliomel   et  Jordan  lui 
BYancèrent    jusqu'à    la    somme   de   27^000  florins, 
partie  en  numéraire,  partie  en  dîamans  qu'ils  en- 
^«yèrent  à  leur  correspondant  à  Gênes,  pour  en 
"toucher  le  montant  par  un  "banquier  de  cette  ville, 
désigné   par   le  comte  Zannowich.     Celui-ci  leur 
donna  pour  nantissement  de  ces  avances,  une  lettre 
de  change  de  3,500  Sequins,  prétendue  tirée  par 
lord  Lincoln  sur  ses  banquiers  à  Londres,  et  ac- 
ceptée   par    eux  ;     ainsi    qu'une    traite    d'environ 
9000  piastres  sur  Gênes  ;  les  assurant  en  outre  qu'un 
bâtiment  de  vin  chargé   pour  son   compte,  devait 
aniver  sous  peu  au  Texel,  qui  leur  servirait  en- 
core de  plus  de  nantissement. 

Mais  la  lettre  de  change  de  lord  Lincoln, 
que  l'on  avait  envoyée  à  Londres,  fut  reconnue 
être  falsifiée,  la  traite  sur  Gênes  fut  protestée, 
et  la  cargaison  de  vin  promise  n'arriva  point. 

Malgré  cela,  le  prétendu  comte  Zannowich 
sut  persuader  MM.  Chomel  et  Jordan,  que  sa 
présence  à  Gênes  lèverait  toutes  les  diflScultés,  et 
que  l'intendant  de  son  père,  nommé  Nicole  Péo- 
yite,  paierait  ses  dettes  s'il  pouvait  se  rendre  sur 
les  lieux.  Les  banquiers  y  consentirent,  et  le 
comte  partît  d'Amsterdam,  muni  par  eux  de  lettres 
de  recommandation.  Au  lieu  de  se  rendre  à 
Gênes,  le  comte  alla  en  droiture  à  Naples^  ayant 
toutefois  soin  d'écrire  diverses  lettres  simulées  à 
ces  banquiers,  comme  venant  de  Gênes. 


I 


144     V.   A  FF.  DES  NÉG.  CHOMEL  ET  JOKDAN, 

Arrivé   à  Naple»,   Zanno-wîch   ne  tarda   pas  à 
s'insinuer  dans   les  bonnes  grâces   de  M.  Cavalli^ 
ministre  résident  de  Venise  à  cette  cour.     Il  lui 
présenta  sous  le  nom  de  Péovite,  un  individu  qui, 
descendant,  comme  il  disait,  d'une  riche  maison  de 
commerce    de  la  Dalmatie,  était  à  même  d'ouvrir 
une  nouvelle  branche  de  commerce  très -avanta- 
geuse à  la  république  de  Venise  avec  la  Hollande, 
si  par  la  protection  de  M.  de  CavaUi,   il  pouvait 
entrer    en    correspondance    avec   une   maison  de 
commerce   d'Amsterdam,      ^anncwich  ne  man^ 
pas  de  proposer  au  ministre  la  maison  de  MM. 
Chomel  et  Jordan,  auxquels  M.  Cavalli  écrivit  en 
1774?   yyqu^en  qualité  de  ministre  de  F^enise^  U 
„  se  trouvait  obligé  de  leur  recommander  le  &  Ni- 
yyColo  Péovite  y  sujet  vénitien  ^  qui  faisait  un  grand 
„  commerce  de  produits  de  la  Dalmatie ^  où  il  ap- 
^^partenait  à  une  famille  accréditée'^  qi^  il  méritait 
yytoute  confiance  etc.''     Dans  une   seconde  lettre 
que  ce  ministre  écrivit  à  ces  banquiers,  et  par  la- 
quelle il  confirma  ce  qu'il  leur  avait  mandé  précé- 
demment au  sujet  du  S.  Péovite,  il  ajouta   „çi^i/ 
j^  connaissait  particulièrement  la  personne   et   la 
^y famille  de  Péovite.  ^^ 

Sur  ces  recommandations,  MM.  Chomel  et  Jor- 
dan entrèrent  en  affaires  avec  Nicolo  Péovite,  qui 
se  chargea  d'acquitter  les  dette^  du  comte  Zanno- 
wich.  Ils  lui  firent  remettre  les  diamans  et  d*au- 
très  marchandises  déposées  à  Gênes,  et  laissant 
aussi  entre  ses  mains  la  lettre  de  change  de  lord 


BNT.  Xw  BjSp.  D.  HOIiL.  ET  D.  VBN.  J  EN  1777-    145 

Lmcoln,    ik  lui  livrèrent   encore   à   crédit  pour 
6000  florins  de  diamans. 

Ces  avances  devaient  être  payées  au  moyen 
d'un  envoi  d'huile,  prétendu  expédié  sur  un  bâti- 
ment nommé  Minerve  et  conduit  par  Alexandre  Pé- 
trico.    Péovite  eut  soin  d'en  envoyer  les  connais- 
lemens  à  MM.  Chomel  et  Jordan,  et  de  les  inviter 
k  faire  assurer    ce  bâtiment  pour   la  somme  de 
iSSyOOO  florins;   ce  que  ces  bcuiquiers  efiectuèrent 
en  partie  à  Amsterdam ,  en  partie  à  Londres. 

M.  Cavalli,  qui  à  cette  époque  résidait  en  qua- 
lité de  ministre  de  Venise  à  la  cour  de  Milan,  man- 
dait à  ces  banquiers,  qu'il  était  instruit  de  cet 
ènroi;  et  les  engageant  à  envoyer  au  moins  la 
moitié  d'ime  nouvelle  commande  en  diamans ,  faite 
par  Péovite,  il  ajouta  :  ,yJe  suis  à  portée  de  con-- 
y^naitre  la  marche  de  cette  affaire  dans  toutes  ses 
^circonstances ^  et  si  je  croyais  qu'il  fût  nécessaire 
9,de  prendre  quelque  sorte  de  précautions ,  ce  que 
9,poiir  le  présent  je  crois  de  trop,  je  vous  le  man- 
^yierai  sur  le  champ.  ^^  Quoique  ce  second  envoi 
de  diamans  ne  s'efiectua  pas ,  MM.  Chomel  et  Jor- 
dan ne  purent  cependant  se  refuser  à  payer  encore 
plusieurs  traites  pour  le  compte  de  Péovite. 

Mais  le  bâtiment  promis  chargé  d'huile  n'arriva 
pointj  Péovite  annonçant  à  MM.  Chomel  et  Jordan 
^'il  avait  fait  naufrage,  et  leur  transmettant, 
comme  preuve  de  son  expédition  un  certificat 
dû  Podesta  de  Budoa,  nommé  Zuanne,  et  plu- 
deura  lettres  de  M.  Cavalli,  invita  ces  banquiers  à 

II.  10 


146     V.  ÀFF.  Ï>ES  lïÉCî^.  CHOMEIi  ET  JORDAN, 

réclamer  des  assureurs  le  paiement  des  i  33)000  flo- 
rins. Mais  les  assureurs  parvinrent  à  se  procurer 
les  preuves  juridiques  de  la  non  •«  existence^  de  ce 
bâtiment. 

MM.  Chomel  et  Jordan  chargèrent  alors  un 
de  leurs  cor]tespondans  à  Venise  de  faire  des  re- 
cherches sur  cette  affaire  et  de  poursuî'we  en  jus- 
tice ceux  qui  se  seraient  rendus  coupables  de 
quelque  fraude.  On  leur  répondit  que  l'impos- 
ture était  manifeste,  mais  que  des  personnes  con- 
sidérables étant  impliquées  dans  cette  aifaire,  on 
ne  saurait  les  poursuivre  avec  succès,  à  moins  que 
le  consul  hollandais  ne  voulût  y  prêter  tes  mains^ 
et  qu'il  y  fut  autorisé  par  les  États -Gtënéraux. 

MM.  Chomel  et  Jordan  recoururent  en  consé- 
quence à  la  protection  de  ceux-ci,  qui  leur  firent 
délivrer  le  11  Février  1777  une  lettre  de  recomman- 
dation pour  leur  consul  à  Venise.  Celui--cî  cepen- 
dant ayant  pour  les  mêmes  raisons  qui  avaient  été 
alléguées  par  le  correspondant  •  de  MM.  Chomel  et 
Jordan,  refusé  de  faire  les  premières  démarches 
auprès  du  gouvernement  de  Venise,  les  banquiers 
s'adressèrent  de  nouveau  aux  États-Généraux,  qui 
alors  le  26  Mai  1777?  ordonnèrent  à  leur  consul,! vu 
que  le  ministre  de  la  répubhque  de  Venise  se  trouvait 
impliqué  dans  celte  affaire,  d'agir  en  leur  nom  auprès 
du  gouvernement,  de  s'adresser  directement  au  tri- 
bunal de  la  haute  inquisition  pour  réclamer  le  paie- 
ment des  avances  faites  par  les  banquiers  d'Amster- 
dam, de  demander  satisfaction,  non  seulement  de 


BNT.  lé.  KÉP.  D.  HOLL.  ET  D.  VEN.  J  EN  1777.   147 

Péoyite  et  compagnie  mais  en  général  de  tous  ceux 
qui  avaient  eu  part  à  la  fraude ,  et  surtout  d'appeler 
devant  ce  tribunal  le  ministre  de  Venise,  Cayalli, 
qui  avait  non  seulement  donné  aux  banquiers  d'Am- 
sterdam des  assurances  par  écrit,  de  l'existence  du 
bAtiment  en  question,  mais  les  avait  engagés  même 
à  faire  de  fortes  avances  en  argent  au  S.  Péovite. 

Le  tribunal  de  haute  inquisition  renvoya  les 
plaignan»  au  tribunal  civil  ordinaire ,  et  comme  le 
consul  hollandais  se  persuada  que  ce  ne  serait  pas 
li  le  moyen  d'obtenir  satisfaction,  il  crut  devoir 
s^adresser  directement  au  sénat.  Celui-ci  n'ayant 
même  pas  répondu  à  la  demande,  MM.  Chomel 
et  Jordan,  sur  l'avis  du 'consul,  s'adressèrent  ité- 
rativemenl^  le  13  Juillet  i  777,  aux  États-Généraux 
pour  requérir  d'eux  Pintercession  de  la  cour  de 
ViéDiie. 

Les  États -Généraux  acquiescèrent  à  cette  de- 
mande, et  donnèrent  ordre  au  comte  de  Degenfeldt, 
de  réclamer  ^intervention  de  la  cour  impériale  et 
d'en  instruire  M.  Contarini,  ambassadem*  de  Venise 
à  Vienne.  Sur  le  rapport  que  ce  dernier  fit  à  son 
gouvernement  à  ce  sujet,  le  sénat  déclara  le  30  Août 
1777)  AU  consul  hollandais,  qu'il  venait  de  nom- 
mer un  conseil  criminel  extraordinaire,  chargé  ex- 
ckuivement  d'examiner  cette  affaire,  et  de  la  juger 
selon  la  loi;  le  ministre  Cavalli  fut  rappelé  de  Mi- 
lan pour  comparaître  devant  cette  commission. 

Comme  on  exigea  que  toutes  les  pièces  ayant 
rapport  à  cette  affaire,  fussent  envoyées  à  cette  com- 

10* 


148      V*  AFF.  DES  màG.  CHOMEL  ET  XOBDAK, 

mission,  MM.  Chomel  et  Jordan  ne  manquèrent 
pas  de  fourm'r  toutes  celles  qui  pouvaient  donner 
quelques  éclaircissemens.  La  procédure  eut  lieu 
à  huis  clos,  et  ce  ne  fut  qu'à  la  cinquantième  séance, 
tenue  le  11  Avril  1778,  qu'on  publia  une  décla- 
ration, en  vertu  de  laquelle  M.  Cavalli,  en  sa  qualité 
de  ministre  de  la  république  fut  entièrement  absous. 
Les  recherchés  contre  les  autres  accusés  furent  en- 
core poursuivies  par  cette  commission  pendant  plu* 
sieurs  mois,  jusqu'à  ce  qu'enfin  par  arrêt  du  30  Aou^ 
Princeslav,  et  Etienne  Zannowich  et  un  troisième, 
reconnus  avoir  été  les  auteurs  de  cette  supercherie^ 
furent  condanmés  à  l'exil;  le  premier  à  perpétuité, 
le  second  pour  dix  ans.  Il  fut  déclaré  en  même 
temps,  que  le  bâtiment  Minerve  et  la  cargaison 
d'huile,  n'avaient  jamais  existé,  et  que  la  maison 
de  commerce  NicoloPéovite  n'avait  été  qu'une  fiction. 

Les  biens  des  ZanhoAvich  furent  confisqués  au 
profit  de  MM.  Chomel  et  Jordan,  mais  ne  suffirent 
nullement  pour  les  indemniser  des  pertes  qu'ils 
avaient  essuyées. 

P.  Chomel  qui  à  cette  époque  s'était  déjà  sé- 
paré de  son  compagnon  Jordan,  ne  voulant  point 
se  désister  de  son  recours  sur  M.  Cavalli,  pour 
être  payé  du  restant  de  la  dette,  et  préten- 
dant que  la  procédure  du  conseil  avait  été  irré- 
gulière, sollicita  de  nouveau  le  8  Décembre  1778> 
l'assistance  des  États^Généraux.  Ceux-ci,  d'après 
la  résolution  prise  le  9  Février  1779,  chargèrent 
leur  consul  à  Venise,  d'insister  près  du  sénat  poiff 


ENT.  II.  HÉP.  D.  HOLIi.  ET  D.  VBN.  ;  EN  1777.    149 

que  la  révision  du  procès  fut  ordonnéç^  et  que  le 
ministre  Calralli  fut  déclaré  responsable  des  enga- 
gemens  pris  par  Nie*  Péovite.  Mais  le  sénat  pré- 
tendant qu'une  pareille  révision  était  contraire  à 
la  constitution  de  l'état,  déclara  cette  demande 
inadmissible  et  se  borna  simplement  à  justifier  la 
procédure  juridique. 

Les  représentations  '  que  le  consul  eut  ordre 
de  £Bdre  itérativement  auprès  du  gouvernement 
vénitien  étant  restées  sans  réponse,  les  États- Gé- 
néraux après  une  ■  résolution  prise  le  7  Février 
1780  5  adressèrent  de  nouvdlea  instructions  à  leur 
consul  pour  qu'il  insistât  avec  force  sur  leur  de- 
mande, et  qu'il  exigeât  une  réponse  prompte  et 
satisfaisante,  ,,a^/z,^^  disaient  ces  instructions  yyde 
„  jiêtre  pas  dans  la  nécessité  de  recourir  à  d'autres 
jyinoyens.^'  La  réponse  du  séçat  fut  aussi  peu 
satisfaisante  que  ne  l'avait  été  la  précédente  j  on 
tâcha  de  nouveau  de  justifier  la  marche  de  la  pro- 
cédure, et  voulait  avoir  maintenue  la  non-responsa- 
bilité du  ministre  M.  CavaUi. 

Ce  fut  alors  le  31  Mai  1780,  que  les  États- 
Crénéraux,  sur  l'avis  du  conseil  d'amirauté,  firent 
requérir  le  sénat  ^  de  consentir  pour  que  leur  mi- 
nistre, quoique  absous  parle  tribunal  criminel,  put 
être  poursuivi  devant  im  tribunal  civil.  Cette  de- 
mande fîit  accordée,  mais  sous  la  condition  expresse 
que  la  sentence  d'absolution  prononcée  le  1 1  Avril 
1778,  contre  M.  Cavalh,  serait  maintenue  dans  toute 
sa  force,  et  que  le  procès  civil  contre  ce  ministre 


150      V.  APF.  DBS  NÉG.  CHOMEL  ET  JORDAN, 

serait  instruit  et  jugé  par  devant  nn  tribunal  dvil 
de  Venise. 

Les  États- Généraux,  pour  donner  plus  de  poids 
aux  nouvelles  démarches  qui  leur  restaient  à  faire 
auprès  du  gouvernement  de  la  république,  en- 
voyèrent le  13  Juillet  1781,  M.  Tor  en  qnalité 
de  ministre  résident  à  Venise. 

Comme  les  affaires  ^ntre  MM.  Chomel  et  Jor- 
dan et  -M.^Oavalli  avaient  été  traitées  à  Amsterdam, 
M.  Tor  insista'  auprès  du  sénat  pour  quei^  le  .procès 
fut  instruit  devant  un' tribùndl  civil  de  cette,  ville^ 
laissant  à  M*  Cavâlli  là  faculté  de  donnei^  caution, 
s!il  ne  voulait  point  y  oomparaître  en  personne. 
Cette  demande  ayant  été  refusée,  les  États-Gé- 
néraux, sur  une  résolution  prise  le  24  Octobre  1781> 
ordonnèrent  à  leur  ministre,  de  déclarer  catégo- 
riquement au  sénat,  que  s'il  se  refusait  encore  de 
faire  droit  aux  justes  réclamations  de  leurs  sujets 
^yils  se  verraient  obligés  de  rappeler  ve  wacto  leur 
^y plénipotentiaire  et  d^user  d'autres  moyens  pour 
^^  dédommager  leur  sujets  maltraités/^ 

La  satisfaction  demandée  ne  fut  point  donnée, 
et  M.  Tor  eut  ordre  de  quitter  Venise  sans  prendre 
congé;  ce  qu'il  fit  le  13  Mai  1782.    On  en  instrui- 
sit en  même  temps  le  comte  de  Degenfeldt  ambassa- 
deur de  Hollande  à  Vienne,  qui  fut  chargé  de  décla- 
rer à  M.  Contarini,  ministre  de  Venise  à  cette  cour^ 
que  les  États -^  Généraux  étaient  décidés  à  termineur 
cette  affaire  d'une  manière  sérieuse. 

Cette  déclaration  engagea  le  sénat  à  solliciteX" 


ENT.  li.  BJSP.  D.  HOIili.  ET  O. :VEN,J  pN  1777.    151 

la  médiation  de  PEmpereur;  qui  déclara^  ^toutefois 
de  ne  Vouloir  intervenir  dans  cette  affaire  que  dans 
le  cas  qu'on  voulût  le  consfitûer  juge  arbitre. 

Mais  M.  de  Degenfeldt  ayant  représenté  au  mi- 
nistère  impérial,  que  cette  aifaire  n'était  point  de 
nature  à  être  jugée  par  sentence  arbitrale,  l'inter- 
vention de  cette  corn*  n'eut  plus  lieu. 

Une  proposition  qui  en  Juin  1782,  fut  faite  à  M. 
Tor,  alors  ministre  de  Hollande  à  Londres,  par  un 
particulier  vénitien  nommé  Eataglia,  pour  terminer 
ce  difiereud  à  l'amiable,  resta  également  sans  effet 

Ce  fut  enfin  le  9  Janvier.  1784>  quejes  États- 
Généraux,  sur  les  ii^stances  réitérées  'de  M.  Cho- 
mel  et  sur. l'avis  de  leur  ambassadeur  à  Vienne,  ré- 
solurent d'user  de  représailles  envers  la  république 
de  Venise  et  de  prononcer  la  saisie  de  tous  les 
hâtimens  vénitiens  qui  se  trouveraient  dçLm  les  ports 
de  la  Hollande. 

No-    I. 

Résolution  des  Etats  -  Généraux ,  du  9  Janvier  1784. 

(Extrait.) 

Il  a  été  trouve  bon  et  arrêté,  qu'il  sera  fait  un 
essai,  s'il  est  possible  de  satisfaire  les  justes  prétentions 
des  négocians  Chomel  et  Jordan,  en  faisant  la  saisie 
des  navires  vénitiens  qui  se  trouvent  dans  les  ports  de 
cette  république,  ou  de  tel  nombre  d'iceiix  qu'il  sera 
nécessaire  pour  procurer  auxdits  Chomel  et  Jordan  paie- 
ment et  satisfaction  due  au  moyen  de  l'argent  qui  pro- 
viendra de  leur  vente;  qu'en  conséquence  il  sera  écrit 
aux  collèges  respectifs  d'amirauté  de  n'accorder  provi- 
sionnellement  aucune  expédition   de  sortie  à  des  bâti- 


152      y.  AFF.  DES  NÀ>.  CHOMEIi  ST  70EDAN, 

mens  vénitieDS  et  de  ne  leur  point  permettre  le  départ, 
mais  d'en  faire  faire  immédiatement  la  saisie,  et  de  s'in- 
former ensuite  de  la  nature  des  chargemens  de    ceux 
qui  sont  chargés ,  pour  constater  jusqu'où  ces  cliarge- 
mens  appartiennent  k  la  république,  de  Venise,  ainsi  que 
de  la  valeur  des  navires  et  des  effets  qui  y  sont  chiir- 
gés,  appartenans  aux  Vénitiens;  d'en  donner  connais- 
sance  à  LL.  HH.  PP.;  et  de  faire  prévenir  en  même 
temps  sous  main,  les  citoyens  commerçans,  pour  éviter 
les  représailles  sur  leurs  navires  et  effets,    de  ne  pas 
envoyer  pour  le  présent,  et  jusquà  nouvel  avis,  vers  les 
états  vénitiens  des  navires  ou  effets,  et  de  rappeler  autant 
que  possible  ceux  qui  seraient    d^'à   en   route  :  Que, 
pour  garantir    ultérieurement   autant   que    possible  les 
navires  et  effets  des  citoyens .  de  la  répnbUque  contre 
tout  ressentiment  et  contre'  les   attaques  imprévues  des 
Vém'tiens   sous   prétexte    de  représailles,    S.  A.  M; -.le 
prince  d'Orange   sera  requis  d'enjoindre  aux  comman- 
dans  des  vaisseaux  de  guerre,  qui  sont  déjà  partis  pour 
la  Méditerranée,  ou  qui  partiront  encore  pour  s'y  ren- 
dre, de  prendre  sous  leur  protection  les  bâtimens  mar- 
cbands  des  citoyens  de  la  république  qui  naviguent  dans 
celte  mer: 

Que  de  plus  il  sera  ordonné  aux  négoçians  Cho- 
mel  et  Jordan,  comme  ils  sont  chargés  par  la  présente, 
de  fournir  au  plutôt  à  LL.  HH.  PP.  un  état  de  leurs 
créances  et  prétentions  à  la  charge  des  sujets  de  la  ré- 
publique de  Venise;  qu'après  la  réception  de  cet  état 
et  de  ces  informations  il  sera  délibéré  ultérieurement, 
s'il  ne  conviendrait  pas  d'autoriser  les  susdits  négoçians 
Chomel  et  Jordan,  à  s'indemniser  de  leurs  prétentions 
légitimes,  sous  la  taxation  et  modération  des  échevins 
d'Amsterdam,  sur  tous  les  effets  appartenant  aux  Véni- 
tiens qui  seraient  trouvés  dans  ce  pays; 

Qu'en  attendant    il  sera  fait  communication    de  Ist 
présente  résolution  de  LL.  HH.  PP.  à  M.  le  comte  de 


BNTi  I*.  HÉP,  D.  HOIiL.  ET  D.  VENT.  J  EN  1777-   153 

Wassenaer-Wassenaer,  leur  envoyé -extraordinaire  et 
plénipotentiaire  à  la  cour  de  S.  M.  Impériale  et  Royale^ 
pour  lui  sei-vir  d'information,  et  avec  ordre  d'en  don- 
ner connaissance  à  M.  l'ambassadeur  de  Venise  résidant 
k  Vienne,  en  y  ajoutant,  „que,  puiscpi'il  ne  restait  à 
,,1X1.  HH.  PP.  d'autre  moyen  pour  procurer  justice  k 
,,leur3  citoyens  lésés,  et  pour  les  indemniser  de  leurs 
„ pertes,  elles  avaient  dû  enfin  en  venir  à  la  susdite 
^résolution,  tandis  qu'elles  étaient  disposées  en  atten- 
^dant  &  ne  laisser  sortir  effet  envers  d'autres  sujets 
„ vénitiens  (jue  ceux  qui  sont  les  débiteurs  directs,  pas 
,^lu8  longtemps  qu'il  ne  plairait  à  ses  seigneurs  et  maîtres, 
^ponr  faire  indenmiser  les  sujets  lésés  de  LL.  HFf.  PP. 
„par  leurs  débiteurs  directs,  et  qu'elles  prendraient  en- 
„core  volontiers  en  considération  ce  qu'ils  voudront  leur 
„ faire  exposer  encore,  à  ce  sujet  par  leur  ministère  ou 
„par  quelque  autre  voie." 

Mais  il  ne  se  trouvait  point  alors  de  vaisseau 

vénitien   dans  les  ports  des  Provinces -Unies  des 

Pays-Bas,   et  l'ambassadeur  de  Venise  à  Vienne, 

le  chevalier  Foscaiini,  d'après  l'ordre  qu'il  avait  reçu 

de  son  gouvernement  déclara  au  comte  de  Wasse- 

naer,  dans  une  note  qu'il  lui  adressa  le  10  Février 

1784  j  5jque  le  sénat  était  plus  disposé  à  employer 

„des  moyens  d'acconmiodement  amiable,  que  d'u- 

„ser  de  ceux  qui  ne  feraient  qu'exciter  davantage 

,,1'ammosité  des   deux    parties;   qu'ensuite  de  ces 

„dispositiona  et  pour  donner  ime  marque  non  équi- 

},voque  à  LL.  HH.  PP.  du  désir  de  ne  point  voir 

^troublée  la  bonne  intelligence  existante  entre  les 

„deux  républiques,   il  s'était  déterminé  à  ne  point 

),ii8er  de  représailles  sur  les  vaisseaux  hollandais  qui 


154     V.   AFF.  DBS  N:ÉG.  CHOMEL  et  JOB.DAN, 

„  se  tronvaient  actuellement  dans  les  ports  vénitiens^ 
,,  quoique  la  dignité  et  l'Jionneur,  non  moins  que 
9,  l'intérêt  de  ses  sujets  semblassent  l'eziiger;  que  le 
,^ sénat  offrait  au  contraire,  d'entrer  en  négociations 
^y  à  Vienne,  et  de  charger  son  ambassadeur  de  traiter 
,,  cette  affaire  avec  le  comte  de  Wassenaer;  mais 
5,  qu'en  revanche  il  espérait  que  la  modération  et 
,,la  manière  loyale  avec  laquelle  la  république  agis- 
„sait  en  cette  occasion,  engagerait  LL.  EH,  PP.  à 
„ révoquer  Tordre  donné  le  9  Janvier." 

Ces  propositions  ayant  été  goûtées  par  les  Etato- 
Généraux,  ils  donnèrent  le  27  Février  1784,  à  leur 
Envoyé  à  Vienne,  M.  VTassenaer,  les  pleinspou- 
voîrs  nécessaires  pour  entrer  en  négociation,  et 
suspendirent  l'exécution  de  la  résolution  prise  le 
9  Janvier  jusqu'à  ce  qu'ils  fussent  instruits  du  résul- 
tat de  cette  nouvelle  négociation. 

No-  n. 

Résolution  des  Etats  -  Géuérmix ,  du  27  Février  1784. 

(Extrait.) 

Il  a  été  trouve  bon  et  arrête,  que,  pour  faire  un 
essai  si  le  sénat  de  Venise  était  plus  disposé  qu^autre- 
fois  à  coneourir  sérieusement  à  un  arrangement  de  la 
susdite  affaire,-  led  ordres  donnés  par  la  résolution  de 
LL.  HH.  PP.  du  9  Janvier  dernier  au  sujet  de  la  saisie 
des  vaisseaux  vénitiens  et  des  aiTangemens  ultérieurs  pris 
par  la  susdite  résolution  seront  provisoirement,  et  jus- 
qu'à ce  que  LL.  HII.  PP.  soient  informés  du  succès  de 
la  négociation  entamée,  suspendus  et  différés  et  qu'on 
adressera  à  cette  fin  les  avis  nécessaires  aux  collèges 
respectifs  d'amii'auté^ 


ENT.  !.•  MÈP.  D.  HOIiL.  ET  D.  VBN.J  EN  1777-    155 

X^pe  de  pliis  les.  négocians  Chon^el  et  Jordan  seront 
chargés  non  seulement,  de  remettre  au  plutôt  à  LL.  HH. 
PP.  un  état  de  leurs  dettes  et  prétentions  à  la  charge 
des  sujets  de  la  république  de  Venise ,  maïs  aussi  de 
faire  une  déclaration  précisé  de  toutes  les  offres  sons 
main  (jui  auraient  pu  leur  être  faites  indirectement  de 
k  part  de  Zannowich,  et  de  tout  ce  qui  pourrait  avoir 
eu  lieu  à  cet  égard>  soit  directement  soit  indirectement, 
afin  que  la  susdite  déclaration  ayant  été  faite,  elle  soit 
transmise  par  LL.  HH.  PP.  au  susdit  S.  Envoyé  extra- 
ordinaire comte  de' Wassenaer,  en  le  chargeant  d'entrer 
â  cet  égard  en  Aégocialîons  avec  l'ambassadeur  vénitien  à 
Vienne^  et  de  faire  ensuite  rapport  à  LL.  HH.  PP.  de 
ce  qui  aurait  été  fait  et  exécuté  dans  cette  affaire,  et  sur 
quel  pied  un  arrangement  convenable  pourrait  avoir  lieu, 
afin  qu'il  puisse  être  pris  alors  au  sujet  de  la  levée  dé- 
finitive de  la  susdite  saisie.,  et  au  sujet  de  ce  qui  pour- 
rait alors  convenir  de  faire,  telle  résolution  qui  sera 
jugée  s'accordei:.  avec  la  dignité  de  cet  état  et  avec  Pé- 
qnité^  et  sera  envoyé  extrait  de  la  présente  résolution 
de  ULi.  HH.  PP.  au  susdit  S.  comte  de  Wassenaer,  pour 
lui  servir  provisoirement  d'information. 

t 
•Malgré  les  instaiitiGes  que  fit  la  république  de 
Venise  pour  obtenir  la  révocation  définitive  de  cet 
ordre  d'arrestation  prononcé  par  les  États- Géné- 
raux,  ceux-ci  s'y  refusèrent  toutefois,  prétextant 
qn'ils  désiraient  avant  tout,  être  instruits  de  quelle 
manière  le  sénat  de  Venise  était  intentionné  de 
Êdre  droit  aux  ^déclamations  des  sujets  hollandais 
lésés. 

Quoique  le  comte  W^assenaer  eût  remis  au  mois 
d'Août  1784,  au  chevalier  de  Foscarini,  ambassa- 
deur de  Venise  à  Vienne,   l'état  des  réclamations 


156     V.  AFF.  DES  NEG.  CHOMEI«  ET  XOBDAN, 

de  M.  Chomel,  et  que  ce  ministse  l'eut  envoyé 
de  suite  à  son  gouvei^ment,  il  se  passa  plur- 
sieurs  mois,  sans  que  le  sénat  jugeât  à  propos  de 
faire  une  réponse  quelconque  ;  ce  qui  fit  soupçonner 
aux  États -Généraux  que  le  gouyemement  vénities^ 
TU  les  mésintelligences  existantes  à  cette  époque 
entre  la  république  de  Hollande  et  l'empereur  d'Al- 
lemagne, avait  essayé  d'engager  ce  dernier,  ou  à 
conclure  une  alliance  défensive  avec  la  république 
de  Venise,  ou  du  moins  à  lui  prêter  son  assistance 
dans  cette  circonstance.  Mais  cette  tentative,  si 
effectivement  eUè  a  été  faite,  n'ayant  point  eu  de 
succès,  et  la  négociation  entamée  à  Vienne  entre 
le  comte  de  Wassenaer  et  le  chevalier  Foscarîni, 
n'ayant  point  été  continuée,  la  république  de  Ve- 
nise ordomia  en  Octobre  1784,  à  M.  TornieUo,  son 
ministre  à  Londres,  de  se  rendre  à  la  Haye,  pour 
tenter  de  parvenir  à  un  accommodement  à  l'amiable. 

Les  négociations  entre  ce  ministre  et  les  com- 
missaires nommés  à  cet  effet  par  les  États -Géné- 
raux, comencèrent  le  27  Octobre.  Comme  toute- 
fois ces  derniers  insistèrent  que  l'affaire  fût  reprise 
dans  l'état  où  elle  avait  été  laissée  à  Venise,  disant 
qu'il  ne  s'agissait  que  de  prononcer  sur  l'indem- 
nisation due  aux  banquiers  Chomel  et  Jordan,  sans 
qu'il  fût  nécessaire  de  faire  de  nouvelles  recher- 
ches sur  le  point  de  droit,  M.  TornieUo  demanda 
im  délai,  pour  se  procurer  de  nouvelles  instructions. 
Après  avoir  reçu  la  réponse  de  Venise,  il  présenta 
le  13  Décembre  1784,  la  note  ci- après  aux  Etats— 


BNT.  II.  HBP.  D.  HOLIi.  ET  D.  VBN.J  EN  1777-    157 

1 

Généraux,  qui  fut  communiquée  par  l'ambassadeur 
de  Venise  à  Vienne  à  tous  les  ministres  étrangers 
résidant  près  cette  cour. 

N°-  m. 

fféte-de  M,  Tomiello^  résident  de  fa  république  de  Ve- 
mue 9  adressée  aux  États-Généraux;  du  13  Décembre 
1784. 

Le  résident  de  Venise  ayant  rendu  compte    à    sa 
république,  des  propositions  qu'on  lui   avait  faites  dans 
le  comité  y    destiné  par    LL.    HH.    PP.,    conformément 
i  sa   commission,  toucbant  l'affaire  connue  de  Chomel 
et  Jordan,  a  l'honneur  d'informer  aujourd'hui  LL.  HH. 
PP.,  d'après  les  ordres  qu'il  vient  de  recevoir,  que  la 
république  de  Venise  a  appris  avec  peine  et  avec  éton- 
nement,    comme    quoi  le   comité  susdit  lui    ait    refusé 
la  discussion  ultérieure  et  paisible  du  différend,  tandis 
qne  c'était  là  précisément  l'objet  de  sa  mission  à  la  Haye, 
et  qu'il  se  soit  borné  au  contraire  à  reproduire  seule- 
ment l'état  des  prétentions  à  la  charge  de  la  république, 
qui,  ayant  été  présenté  à  Vienne  dans  le  mois  d'Août, 
fat  réjeté  par  elle,  comme  absolument  inadmissible  et 
contraire  même    aux   principes    dont    étaient   convenus 
auparavant  les  deux  souverains  dans  les  mémoires  res- 
pectifs du  10  Février  et  du  1  Juin  passé.     Cette  con- 
duite  ëtant  tout  à  fait  opposée  à  l'attente  de  la  répu- 
bUqae,  et  impliquant  en  elle-même  des  vues  qu'elle  ne 
peut  jamais  admettre,  il  est  indispensable  d'en  venir  â 
tme  déclaration  positive,  laquelle  en  écartant  le  danger 
de  toute  mésintelUgence,  puisse  dégager  la<  négociation 
de  tout  équivoque. 

C'est  pour  cela  que  la  république,  intimement  con- 
vaincue de  la  droiture  de  ses  propres  démarches,  dé- 
<^  formellement,  que  dans  quelque  cas  qu'elle  puisse 


/ 


158      V.   APF.  DES  NÉG.  CHOMEL  ET  JOILDAK, 

se  trouver^  elle  n'admettra  jamais  rien  qui  la  constitiie 
débitrice  vis-à-vis  des  marchands  hollandais  :  Elle  pro- 
teste hautement  contre  toute  prétention,  qu'on  voudrait 
former  à  sa  charge  sous  le  prétendu  titre  d*an  déni 
de  justice;  cette  supposition  étant  aussi  injurieuse  que 
fausse  et  démentie  par  une  suite  de  faits  incontestables. 

EfTectivementy  la  république  a  été  ai  éloignée  de 
refuser  la  justice  aux  Hollandais,  qu'à  peine  eut* elle 
connaissance  de  là  première  demande  de  UL.  HH.  PP., 
elle  ne  différa  pas  un  seul  instant  l'établissement  d'un 
tribunal  criminel  extraordinaire  et  solemnel,  rappelant 
de  sa  place  de  résident  le  S.  Cavalli,  pour  l'y  assujettir 
immédiatement.  Il  est  connu  que  des  quatre  sujets  vé- 
nitiens qui  se  trouvent  imph'qués  dans  le  procès,  trois 
furent  condamnés  aux  peines  les  plus  infamantes,  et  i 
la  confiscation  de  tous  leurs  biens  au  profit  de  Chomel 
et  Jordan;  et  le  S.  Cavalli  seul  fut  déclaré  exempt  de 
faute  criminelle. 

Il  arriva  que  les  biens  des  coupables  lie  forent 
point  suffisans  à  l'indemnisation  complette  des  sujets 
hoUandais;  et  s'ils  l'avaient  été,  l'affaire  était  d'abord 
terminée.  C'est  la  raison  pour  laquelle  on  se  plaignit 
de  la  sentence  que  ce  tribunal  avait  portée,  et  on  en 
demanda  la  révision ,  dans  Tespérance  d'en  tirer  un  plus 
grand  avantage,  si  Cavalli  était  condamné. 

La  république  fit  voir  évidemment,  que  la  révision 
était  impraticable  selon  sa  constitution;  et  les  Etats- 
Généraux  eux-mêmes  en  étaient  convaincus  lorsqu'ils 
demandèrent  que,  puisque  le  S.  Cavalli  ne  pouvait  plus 
être  soumis  à  un  procès  criminel,  il  fût  permis  aux  négo- 
cians  d'Amsterdam  de  l'attaquer  par  la  voie  civile.  Cela 
étant  conforme  aux  loix,  à  la  méthode  et  à. ce  qui  se 
pratique  dans  les  tribunaux  de  Venise,  la  république  y 
consentit  avec  toute  la  promptitude,  et  offrit  même  de 
son  propre  chef  de  rendre  la  voie  civile  aussi  facile  et 
aussi  courte  que  possible. 


\ 


ENT.  li.  ILÉP.  D.  HOIili.  ET  D.  VEN.  J  EN  1777-    159 

Le  jugement  n'eut  jamais  l'effet  qu'on  en  attendait, 
parce  que  les  HollaTidais  le  rejetèrent  apris  l'avoir  eux- 
mÊmes  demandé;  d'où  il  s'ensuit,  qu'il  n'y  a  pas  d'au- 
tres sujets  vénitiens,  les  trois  ci -dessus  exceptés,  que 
la  république  puisse  avec  justice  forcer  au  paiement  des 
crédits  de  Chomel  et  Jordan,  puisqu'il  n'y  a  aucun  autre 
qui  ait  été  déclaré  responsable. 

Pour  détruire  pourtant  entièrement  tout  motif  qu'on 
pourrait  tirer  du  prétendu  déni  de  justice,  la  répu- 
blique, qui  souhaite  sincèrement  d'être  une  fois  délivrée 
d'une  dispute  si  longue  et  si  fastidieuse,  propose  de 
nouyeau  la  voie  civile  dans  les  tribunaux  compétens  de 
Venise  contre  le  S.  Cavallî,  qui,  s'il  n'a  pu  être  déclaré 
criminel,  parce  qu'on  ue  le  trouve  pas  tel,  peut  néan- 
moins Atre  responsable  vis-à-vis  de  Chomel  et  Jordan 
par  d'autres  raisons,  et  sans  être  ciîminel. 

Que  si  mcme  LL.  HH.  PP.  le  souhaitaient,  la  ré- 
publique de  Venise  ajoute  à  l'offre  précédente,  celle  de 
leur  laisser  pleinement  libre  le  choix  de  tout  autre  lieu 
et  de  tout  autre  juge  impartial ,  pour  qu'on  décide  dé- 
finitivement, si  le  S.  Cavalli  est  obligé  ou  non  à  dédom- 
mager Chomel  et  Jordan  des  pertes  dont  ils  assurent 
ledit  Cavalli  avoir  été  cause  5  et  elle  déclare  expressé- 
ment, que  dans  ce  jugement  civil  ne  doit  influer  pour 
rien,  relativement  à  la  personne  du  S.  Cavalli,  le  juge- 
ment criminel  porté  en  sa  faveur,  comme  n'ayant  aucun 
rapport  avec  celui  qu'on  propose  maintenant. 

La  république  engage  sa  parole,  que  si  le  S.  Cavalli 
était  jugé  responsable,  elle  prendra  les  mesures  les  plus 
efficaces  et  les  plus  vigoureuses,  afin  que  les  marchands 
hollandais  obtiennent  du  S.  Cavalli  et  de   ceux  qui  au- 
raient pai'tagé  sa  faute,  ce  qu'on  leur  aurait  adjugé  par  cette 
sentence;  et  dans  ce  cas,  leur  dédommagement. serait  à  la 
charge  des  débiteurs  directs  et  jugés  tels,  ce  que  les  Etals- 
Généraux  ont  toujours  demandé;  bien  entendu  que  par 


160      V^  AFF.  DES  Nia.  CHOKEIi  ET  JORDAN^ 

là  toute  contestation  ultérieure  entre  les  deux  souYeniins 
soit  terminée  pour  toujours. 

La  républiqrue  ne  doute  pas  (jue  T.T.,  HH.  PP. 
n'acceptent  avec  plaisir  une  proposition  si  amicale  et  si 
juste  ;  elle  déclare  néanmoins,  que  si  LL.HH.PP.  croyaient 
qu'il  y  eût  un  expédient  plus  satisfaisant  pour  elles,  et 
d'une  convenance  réciproque,  la  république  ne  sera 
pas  éloignée  de  le  saisir,  n'ayant  rien  plus  à  coeur :qae 
de  consolider  de  plus  en  plus  la  bonne  intelligence 
avec  les  Provinces -Unies. 

Que  si  malgré  tout  cela,  et  contre   toute    attente 
raisonnable,  LL.  HH.  PP.  voulaient  pousser  cette  dispute 
privée   aux   extrémités    dont  elle  n'est   pas    susceptible 
par  sa  nature,  et  qui  seraient  aussi  nouvelles  dan^  l'bis- 
toire  des  nations,   qu'elles  sont  contraires  aux  intérêts 
de  deux  puissances  commerçantes,  et  qui  ont  été  constam- 
ment amies,  la  république  de  Venise  se  contentera  de 
n'avoir  laissé  en  arrière  aucun  moyen  capable  de  con- 
duire à  un  accommodement  amiable  et  juste  :  et  en  tout 
cas ,  ce  ne  sera  qu'à  contre-coeur  qu'elle  se  verra  forcée 
à  conformer  ses  propres  démarches  à  celle  d'autrui,  pour 
le  soutien  d'une  cause  qui  deviendra  commune  à  tous 
les  souverains. 

Le   résident  ayant  exposé  jusqu'ici  les  vrais  senti- 
mens  de  sa  république  a  l'honneur  etc. 

TORNIELLO. 

I 

Cette  note  resta  sans  réponse.  M.  Tomiello 
peu  de  temps  après  étant  entré  en  pour -parler 
avec  M.  de  Tor,  un  des  membres  de  la  commis- 
sion, qui  lui  avait  fait  une  proposition  d'ac- 
commodement, au  moyen  duquel,  en  satisfaisant 
les  réclamations  de  MM.  Cbomel  et  Jordan,  l'af- 
faire serait  définitivement  terminée,    et  auquel  les 


BNT.  II.  mSp.  d.  hoIiIi.  et  d.  ven.j  bn  1777.  161 

États-Généranx,  avaient  acquiescé,  promit  au  moyen 
d'un  courrier  qu'il  expédierait  à  Venise,  d'obtenir 
la  ratification  de  cette  proposition ,  dans  l'espace  de 
vingt-quatre  jours.  Mais  loin  de  là,  le  sénat  refusa 
formellement  son  approbation  >  et  ce  fut  en  suite 
de  ce  refus  que  les  États-Généraux  prirent  le  1  Mars 
17669  Ift  résolution  suivante  j  qui  toutefois  n'eut 
point  son  exécution,  attendu  que  les  diverses  pro-- 
Vinces  ne  purent  s'accorder. 

N^»-  IV. 

Eztra^  dei  rSgîtrei  dei  résolutiom  de  LL.  HH.  PP. 
fet  EMê^  Généraux  des  Provinces •  Urnes;  du  iMars 
1786/ 

Les  S*"  van  Lynden,  van  tiemmen  et  autres  dé- 
putés de  IJL<  HH.  PP.  pour  les  affaires  étrangères,    ont 
npporté  i  l'assemblée  :  qu'en  conséquence  et  pour  sa- 
tÛîire  à  la  résolution  de  LL.  HH.  PP.  du  26  Octobre 
de  l'année  précédente,  ils  étaient  convenus  le  27  Octobre 
suivant,  dans  une  délibération  préliminaire  sur  le  com- 
inencement  des  conférences  avec  le  S.  Torniello,  rési- 
dent de  Venise  5  que  l'état  de  la  question  à  négocier  avec 
ledit  résident,  ne  pouvait  concerner  que  le  soin  de  pro- 
curer un  dédommagement  aux  négocians  Cbomel  et  Jor- 
dan sans  entrer  dans  ime  discussion  ultérieure  sur  le 
fend  de  la    cause,    lequel  doit  être  considéré  comme 
tui  objet  déjà  terminé,  et  qu'ils  avaient  jugé  en  même 
^ps  à  propos,  pour  parvenir   plus  promptement    et 
^ec  moins  d'embarras  à  finir  cette    affaire,  de  prier  le 
S,  pensionnaire  van  Berkel,  co-député  de  LL.  HH.  PP. 
pour  ces    conférences,  de  vouloir  avec  l'assistance    du 
S.  Bisdom,  pour   lors  ministre  du  collège  de  l'amirauté 
tur  la  Meuse,  entrer  en  négociation  avec  le  S.  Torniello 


162      V.   AFP.  DKS  NKG.  CHOMEIi  ET  JORDAN, 

et  de  plus  d'appeler  &  leur  aide  (comme  manua  mi" 
nistra)  le  S.  de  Tor,  comme  ayant  déjà  été  employé 
dans  cette  affaire,  et  ensuite  de  faire  rapport  de  leur 
négociation .  à  la  conmiission. 

Qu'en  conséquence  de  ceci,  eux  les  S*^  députés 
étaient  entrés  le  lendemain  en  conférence  avec  le  S. 
Tornielloy  lequel  leur  ayait  fait  une  déclaration  verbale, 
qui,  fait  voir  que  l'intention  du  susdit  S.  résident  est  d*ex- 
aminer  cette  affaire  de  novo  et  de  contribuer  ensuite 
à  faire  des  propositions  équitables  d'accommodement  A  la 
satisfaction  réciproque  $  que  là-dessus  et  en  conséquence 
de  ce  qui  a  été  résolu  le  jour  précédent,  il  a  été  poli- 
ment représenté  par  le  premier  des  S*"  députés  deLL. 
HH.  PP.  audit  résident  :  que  l'affaire  devait  être  reprise 
dans  les  termes  où  elle  est  demeurée  à  Vienne,  et  que 
par  conséquent  il  s'agissait  simplement  de  déterminer  la 
somme  du  dédommagement  qui  doit  être  accordé  et 
donné  auxdits  négocians  Chomel  et  Jordan. 

Que  le  S.  Torniello  déclarant  n'avoir  point  d'ins- 
truction à  cet  égard,  a  demandé  un  délai  de  tout  au  pins 
deux  mois,  pour  pouvoir  en  écrire  à  Venise,  et  recevoir 
la  réponse;  sur  quoi  cette  première  conférence  avec  le 
susdit  résident  a  été  terminée. 

Que  le  22  Décembre  dernier,  le  premier  des  S** 
députés  de  LL.  HH.  PP.  a  commimiqué  à  la  comnuV  ' 
sion  un  •  mémoire  remis  par  le  S.  Torniello  à  Vamor 
nuensis  Tor,  conçu  en  langue  italienne  et  traduit  pir 
celui-ci  en  français,  destiné  à  exposer  les  sentûnens  de 
la  république  de  Venise  sur  la  manière  de  laquelle  l'af- 
faire de  Chomel  et  Jordan  pourrait  être  terminée. 

Que  le  S.  Tor  ayant  parlé  au  long  a  difierentes  \ 
époques  avec  le  S.  résident  et  avec  l'ami  de  cdoi-d^  ï 
le  S.  Battaglia,  et  ceux-ci  ayant  à  la  suite  de  ces  entre-  j 
tiens,  proposé  au  S.  Tor,  un  expédient  par  lequel,  «ans  '^ 
porter  atteinte  à  l'honneur  et  à  la  dignité  de  la  rép«-  4 
blique  de  Venise,  les  négocians  Chomel  et  Jordan  seraient   i^ 


BNT.  II.  RIÎF.  D.  HOLL.  ET  D.  VBN.;  BN  1777.  l63 

contentés j  en  ajoutant,  (ju'au  sujet  de  ce  projet,  ils 
pourraient  avoir  réponse  de  Venise  dans  vingt -<{uatre 
jours,  la  déclaration  verbale  que  le  S.  Tor  a  faite  de 
ceci  aux  commissaires  a  été  cause,  que  dans  Pattente  du 
retour  du  courrier  envoyé  à  Venise  par  le  résident,  le 
suadit  mémoire  est  demeuré  sans  délibération  et  a  été 
mis  provisoirement  de  côté. 

Que  le  S.  pensionnaire  van  Berkel^  en  vertu  de  l'au- 
toiisation  qui  lui  a  été  donnée  par  les  membres  de  la 
commission,  ayant  représenté  le  21  du  mois  présent, 
qu'après  tous  les  soins  et  toutes  les  peines  employées,  il 
semblait  que  les  Vénitiens  n'avaient  point  la  sincère  in- 
tention de  terminer  cette  affaire  à  l'amiable,  ce  dont  peut 
servir  de  preuve  la  relation  du  S.  Tor,  au  srujet  de  la 
négociation  entamée  avec  les  S^  Tomiello  et  Battaglia, 
et  dont  le  S.  van  Berkel  a  présenté  la  copie  k  la  com- 
nûssion;  d'autant  plus  que  les  points  principaux  de  ce 
qui  a  eu  lieu  entre  le  S.  Tomiello  et  le  susdit  bomme 
d'aflhires,  sont  actuellement  désavoués  par  le  premier. 

Que  eux,  les  S*"  députés,  ne  pouvant,  par  les  rai- 
«ms  susmentionnées,  se  flatter  que  les  négociations  avec 
le  résident  de  Venise  pussent  encore  se  continuer  avec 
quelque  succès,  devaient  proposer  &  la  délibération  de 
Uj.  HH.  pp.,  s'ils  ne  trouveraient  pas  à  propos  de  con- 
sidérer les  conférences  avec  le  résident  comme  rompues, 
et  d'en  donner  l'avis  nécessaire  audit  résident,  en  consé- 
quence de  quoi ,  la  surséance  accordée  par  LL.  HH.  PP. 
k  27  Février  de  l'année  passée,  et  par  laquelle  la  réso- 
lution de  LL.  HH,  PP.  du  9  Janvier  précédent,  portant 
fosage  des  représailles,  est  demeurée  sans  effet,  devrait 
être  levée  par  LL.  HH.  PP.  et  que  de  plus,  il  devrait 
être  examiné  dans  un  comité  tenu  avec  les  députés  des 
Collèges  d'amirauté  respectifs,  quelles  mesures  il  faudrait 
choisir  et  arrêter  pour  que  LL.  HH.  PP.  fissent  ressentir 
enfin  aux  négocians  Chomel  et  Jordan  les  effets  de  leur 
jtaissaate  protection. 


l64   V.  AFF.  DES  N:éo.  CHOMEL  ET  JOHDAN^ 

Que  de  plus^  Sa  Hautesse  devraic  être  remise  de 
donner  connaîssance  de  cette  résolution  de  LL.  HH*  PP. 
aux  officiers  commandant  les  vaisseaux  de  Tétat  dans  la 
Méditerranée,  afin  qu'Us  fassent  avertir  les  navires  mar- 
chands de  la  république,  d'éu*e  sur  leurs  gardes,  et 
afin  qu'ils  leur  accordent  la  protection  nécessaire ,  sans 
encore  pour  le  présent  et  jusqu^à  nouvel  ordre ,  com- 
mettre quelques  hostilités  contre  les  yénitiens;  comme 
aussi  il  serait  nécessaire  de  s'adresser  aux  collèges  res- 
pectifs d'amirauté,  pour  donner  à  cet  égard  les  avertis- 
semens  nécessaires;  et  qu'enfin  il  devrait  être  donné 
directement  connaissance  de  tout  ceci  aux  S<^  Leste^ 
venon  van  Berkenroode  et  Branzen,  ambassadeurs  ordi- 
naire et  extraordinaire  à  la  cour  de  France,  pour  en 
faire  part  au  comte  de  Yergennes,  et  pour  faire  voir 
avec  quelle  facilité  LL.  HH.  PP.  se  sont  conduites  dam 
toute  cette  afiaire,  et  combien  peu  on  y  a  répondu  de 
la  part  de  la  république  de  Venise. 

Sur  quoi  ayant  été  délibéré ,  les  S^*  députés  des 
provinces  de  Gueldre,.  de  Hollande  et  de  Westfirise  se 
sont  confonnés  au  rapport  ci-dessus,  et  ceux  des  pro- 
vinces îde  Zeelande,  de  Frise  et  de  la  ville  de  Groe- 
ningue  et  des  Ommclandes,  en  ont  pris  copie  pour  en 
communiquer  plus  au  long  avec  les  leurs. 

Les  S^**  députés  des  provinces  d'Utrecht  et  d*0- 
veryssel  ont  promis  de  s'en  expliquer  ultérieurement 

Les  S^"  députés  des  provinces  de  Hollande  et  de 
Westfrise  ont  insisté  sur  une  prompte  conclusion  et 
sur  ce  que  cette  affaire  soit  terminée. 

Cette  résolution,  ainsi  qu'un  artide  inséré 
dans  la  gazette  de  Leyde  (du  15  Mars),  qui  accusa 
le  ministre  de  Venise,  d'avoir  retiré  la  parole  qu'il 
avait  donnée  aux  État^  -  Généraux ,  engagèrent  M 
Torniello  à  adresser  la  note  ci-après  à  ces  derniers. 


-i 


BNT.  h.  nÈP.  D,  Hoiiii,  :bt  b.  V£K.;  sn  1777-  165 

iVb/«  vfe  Jf.  Torfiieflo^  résident  de  la  république  de 
Venise j  adressée  aux  Etats ^  Généraux;  du  11  Avril 
1785. 

Hauts  et  Puiasans  Seigneurs. 
Le  résident  de  la  république  de  Venise,  avant  d'a-r 
voir  reçu  la  réponse  qu'il  plaira  à  LL.  HH.  PP.  de 
donner  sur-  le  pro  memoria  qu'il  leur  a  présenté  le 
13  Décembre  de^^-niér,.  au  nom  de  sa  républiquç,  cgnte-^ 
nant  des  propositions  poiir  accommoder  à  la  sati^action 
réciproque,  des  diiTérends  qui  subsistent  depuis  long- 
temps entre  les  deux  états,. ne  peut  obsei*v0r  sans  une 
vraie  émotion,  qm'il  a  été  iiiiroduit  diversçs  équiypques 
à  regard  de  plusieurs  çirooxiistaAcea,  ne  tendant  4  ]^i^^ 
moiiiis  qu'à  interronipre  les  négociation^,  et  à  porter  d[u 
cbangemeni  dans  les  principes  par  lesquels  seuls  Taf- 
fiire  peut  être  portée  facilement  à  la  fin,  au  contente- 
ment des  deux  parties.  C'est  par  cette  rai$on  qu'il  croit 
de  aon  devoir  indispensable,  de  ne  pas  laisser  subsîstev 
plus  long-temps  pareilles  équivoques  au  désavantage  de 
I^  vérité  et  de  son  propre  caractère  personnel;  qu'en 
conséquence  il  croit  devoir  représenter  à  LL,  HH.  PP. 
comme  une  yérhé  incontestable,  que,  depuis  qu'il  a 
présenté  le  pro  memoria  sous  la  date  du  13  Décembre, 
il  n'a  été  fait  aucune  proposition  formelle,  ni  ministé- 
rielle de  la  part  de  sa  république,  ni  lien  produit  de 
la  p^t  des  Etat^- Généraux  à  Pégard  de  l'aiiaire  en 
question 5  que  conséquemment  cett&  affaire  se  trouve 
sans  le  moindre  changement,  dans  le  même  état  et  d'a- 
près les  yvsûs  principes  tels  qu'ils  ont  été  représentés 
dans  ledit  pro  memoria  \  mais^  que  quelques  interpréta- 
tions à  double  sens,  que  Pon  pourrait  donner  à  de  simples 
entretiens  coi^dentiels,  provenus  peut-être  d'un  louable 
4éf ^  9    QUiîs:  destituée   d'^u^orité ,   ^e   pourront   jameai*. 


166      V*  AFF.  DES  NÉG.  GHOMEL  BT  JORDAN, 

atténuer  les  dispositions  sincères  et  constantes  de  la  ré- 
publique,  exprimées  plus  au  long  dans  la  lettre  minis- 
térielle dç  ceUe-ciy  tendant  à  embrasser  toi|d|es  Ie9  voies  • 
qu'un  souverain  puisse  prendre  pour  parvenir  i  uie 
réconciliation  amicale,  et  à  une  satisfaction  réciproque, 
dont  le  mim'stre  soussigné  a  l'honneur  de  renouveler 
par  la  présente  les  assurances  les  plus  sincères  et  les 
plus  formelles. 

X  la  Haye,  le  U  Avril  1785. 

TORNIBIXO. 

• 

•  M.  Tomiello  après  être  resté  près  d*un  an  à  la 
Haye  y  sans  avoir  pu  réussir  à  accommoder  ce  diffé- 
rend, reçut  en  Octobre  1785?  l'ordre  de  son  goiH 
yemement  de  retourner  en  Angleterre.  Avant  son 
départ,  il  se  rendit  chez  le  président  de  semaine^ 
pour  lui  remettre  lé  mémoire  de  congé  suivant 

N°    VI. 

Mémoire  de  eangé^  remit  par  M.  TornieUo  aux  Éiaih 

Généraux:;  en  Octobre  1785. 

Hauts  et  Puissans  Seigneurs, 
Par  la  communication  faite  de  la  part  du  consul  de 
LL.  HH.  PP.  au  bailli  de  Venise  à  Constantinople,  il  est 
parvenu  à  la  connaissance  de  la  république  de  Venise, 
que  la  frégate  hollandaise  commandée  par  le  capitaine 
van  Kinsbergen,  laquelle  a  quitté  depuis  peu  Smym^ 
ayant  offert  de  prendre  sous  son  convoi  les  pavillons 
des  puissances  amies,  pour  les  protéger  contre  les  dangers 
à  redouter  dans  l'Archipel,  a  bien  voulu  prendre  effecd-  ' 
vement  sous  son  convoi,  deux  navires  vénitiens  et  les 
garantir  de  tous  sinistres  événemens.  Ce  procédé  amical 
a  été  considéré  par  la  sérénissime  république  avec 
toute  la  sensibilité    et  satisfaction  due  à  cette  nouvelle 


KNT.  II.  HEP.  D.  HOlili.  JET  D.  VISN.;  JSN 1777*    l67 

preuve  de  la  bonne  intelligence  exlstauie  entre  Je6  deux 
nariong;  et  le  résident  Torniello  est  charge  d'en  té- 
moigner la  reconnaissance  au  nom  de  la  sérénissime  ré- 
publique à  LL.  HH.  PP,,  ainsi  que  le  dcsîr  de  celle-ci, 
d'en  faire  preuve  dans  toutes  les  occasions.  En  même 
temps  le  résident  a  rhonneùr  de  faire  part  â  LL.  HH. 
PP.  que  le  terme  de  sa  mission  à  Londres,  dont  il  a 
été  éloigné  près  d'une  année,  pour  l'affaire  concernant 
les  .sieurs  Ghomel  et  Jordan,  étant  expiré,  il  se  voit 
obligé  de  retourner  au  presser  jour  en  Angleterre,  pour 
remettre  son  ministère  entre  les  mains  de  son  succes- 
seur dont  l'arrivée  ne  tardera  guères;  cependant  cette 
absence  indispensable  n'arrêtera  point  ni  ne  nuira  au 
cours  de  cette  affaire,  vu  que  le  nouveau  ministre  So* 
derini  sera  pourvu  pendant  sa  résidence  à  Londres,  des 
m£mes  commissions  dont  le  soussigné  a  été  cbargé. 

La  république  de  Venise  désire  que  LL.  HH.  PP, 
soient  persuadées  que  la  république  est  pénétrée  du  désir  le 
plus  vif  et  des  intentions  les  plus  sérieuses  de  cultiver  avec 
elles  l'amitié  la  plus  parfaite  et  la  plus  constante.  Quant 
i  ce  qui  concerne  le  soussigné  en  particulier,  il  s'esti- 
mera très-heureux,  si  en  se  retirant  d'ici,  ren^pli  de  la 
plus  haute  vénération  pour  un  gouvernement'  qu'il  a  eu 
le  bonheur  de  contempler  de  près,  il  pouvait  emporter 
avec  lui  la  conviction  flatteuse,  d'avoir  mérité  pendant 
«on  séjour,  l'approbation  de  LL.  HH.  PP. 

Torniello. 

G^est  ainsi  que  cette  dernière  négomtion  comme 
toutes  les  précédentes,  se  termina  sans  amener 
nn  résultat  définitif.  Ënvain  les  banquiers  d' Ams- 
terdam s'adressèrent -ils  depuis  à  diverses  re-^ 
prises  aux  États  -  Généraux  et  aux  États  de  la 
Hollande  et  de  Frise,   dont  ils  étaient  le&  sujets. 


l68      V.  AFF.  DBS  NÈG.  CHiiHEXi  £T  JOKDAN. 

immédiats,  pom*  obtenir  rexécution  de  la  résolntion 
du  p  Jmy*  1784)  q^  prononçait  l'embargo  à  mettre 
sur  les  vaisseaux  vénitiens  dans  les  ports  de  la  Hol- 
lande; Paffaire  en  resta  là,^  s^ns  que  même  d^n^  la 
suite  pn  spit  parvenu  4  h.  tp|:i^iner  (^), 


(1)  Le9  joarnaiiz  de  ce  temps  rapportent ,  qa'â  Pocoaslon  des 
diseiissions  qui  s'élevèrent  entre  Femperenr  d'Allemagne  et  larëpa- 
bliqne  de  Hollande  y  aa  snjet  de  l'onvertiire  de  l'Escaut,  l'impM- 
teav  Étîeittio  Zannowieh,  sons  le  nom  de  Gastriotto,  proposa  aox 
États-Gënânnx  la  leytfe  d'un  corps  de  Montf^n^grmss  qne  cette  oflâre 
fi}t  acceptée  jjifLT  efix,  mais  qpe  les  hostilités  n'a^fant  point  en  de  soite, 
il  i^yait  en  l'^padence  de  yenir  à  1^  Haye,  demande^  on  dé^bnir 
inagement  4cs!fraix  qfie  loi  ayaif  occasionnes  cette  entreprise;- qa'8> 
riyë  à  Amsterdam,  il  fat  reconiui  et  tfain^  en  prison,  où  â}  se  si^is- 
pidil  pep  dfi  temps  ap^^, . 


I  . 


'  i 


CAUSE  SIXIEME, 

Représailles  exercées  en  1782,  par  le  général 
Washington,  pendant  la  guerre  d'Amérique  ;  et 
intercession  du  comte  de  Vergennes,  ministre 
des  affaii^es  étrangères  de  Louis  J^VIy  en  fa- 
veur du  capitaine  tmgla^s  AsgilL 


JLIans  la  guerre  d'Amérique ,  en  1789 ,  un  capi- 
taine de  la  milice  de  Jersey,  nommé  Huddy,  at- 
taqué dans  un  petit  fort  sur  Tom*s-Rivery  par  un 
parti  de  réfugiés  à  la  ^olde  et  au  service  britannique, 
Jut  fwt  prisonnier  et  conduit  à  New  -  York  (*). 
Après  avoir  été  renfermé  à  la.  prévôté  de  la  ville 
pendant  trois  semaines  environ,  il  fut  conduit  à 
bord  d^un  v^dsseau  qui  servait  de  prison,  et  trans- 
porté sur  les  côtes  de  Jersey,  où  le  capitaine  Lip* 
pincoote,  à  \^  tête  d'un  détachement  de  fantassins, 
le  fit  pendre  prévôtalement,  en  lui  faisant  attacher 
un  écritaan  sur  sa  poitrine ;i  portant  en  substance: 


(1)  Ces  réfagiés  qui  forent  appelas  Loyalistes,  seraient  fonné  â 
New -York  lue  association  presque  indépendante  du  gin&sfl  en  ohef 
de  iHffifide  royale  anglaise. 


170      VI.  APP.  DU  CAFITAIKE  ANGL.  ASGILL^ 

,,  que  c'était  en  représailles  de  la  mort  d'un  homme 
,,tué  par  une  sentinelle  lorsqu'il  tentait  de  s'édhap- 
„per  après  avoir  été  fait  prisonnier." 

Les  habitans  de  cette  partie  du  pays  où  cette 
exécution  avait  eu  lieu,  ayant  envoyé  une  dépu- 
tation  au  général  Washington,  commandant  en  chef 
l'armée  américaine,  avec  les  preuves  complètes  qui 
attestaient  cet  acte  de  Violence,  ce  général  écrivit 
la  lettre  suivante  au  commandant  en  chef  de  l'ar- 
mée anglaise,  Sir  Henry  Clinton,  pour  lui  deman- 
der l'extradition  du  capitaine  Lippincoote,  afin  de 
pouvoir  le  faire  punir  comme  assassin.    « 

N«-  L 

Lettre  du  général  Washington  ^  adressée  à  Sir  Hettrfi 
Clinton^  commandant  en  chef  V armée  royale^anglaite; 
'  du  21  Avril  1782.     (Traduit  de  l'anglais.) 

Au  quartier-général,  le  21  Avril  i782 

Monsieur,  les  représentations  ci -incluses  de  la 
part  des  habitans  du  comté  de  Monmouth,  avec  les 
attestations  du  fait  (qui  peuvent  être  corroborées  par 
d'autres  preuves  indubitables)  mettront  sous  les  yeux  de 
V.  Exe.  le  meurtre  le  plus  téméraire,  le  plus  cruel,  cl 
le  plus  hors  d'exemple,  qui  ait  jamais  terni  les  armes 
d'ime  nation  civilisée.  Je  n'importunerai  point  V.  Exe. 
(parceque  je  le  crois  peu  nécessaire)  par  des  réflexions 
sur  le  fait  en  question.  La  franchise  m'oblige  4  parler 
rondement.  Pour  sauver  l'innocent,  je  demande  le  cou- 
pable. Le  capitaine  Lippincoote,  ou  l'officier  qui  a 
commandé  à  Texécution  du  capitaine  Huddj,  doit  donc 
être  livré  $  ou,  si  cet  officier  était  d'un  rang  inférieur  i 
ce  dernier,   il   faut   livrer   tel  nombre   des  coupables? 


BANS  IiA  GUERRE  d'aK^IQUE  ;  EK  1782«    171 

(ja^iU  fassent  un  équivalent,  conformément  au  tarif  d'é- 
diange.  Cette  extradition  sera  une  mar<jue  de  la  justice 
qpi  caractérise  Y.  Exe.  En  cas  de  refus,  je  me  tiendrai 
pour  justifié  aux  yeux  de  Dieu  et  des  hommes,  &  Té* 
gard  de  la  mesure  à  laquelle  j'aui*ai  recours. 

Je  prie  V.  Exe.  d'être  persuadée,  qu'il  ne  saurait 
vous  être  plus  desagréable  de  recevoir  une  lettre  conçue 
sur  ce  ton,  qu'il  ne  me  Test  de  vous  Técrire;  mais  le 
sujet  exige  de  la  franchise  et  un  parti  décisif.  Je  dois 
vous  demander  une  prompte  détermination,  ma  résolu- 
tion n'éjtant  suspendue  que  jusqu'à  ce  que  je  reçoive 
votre  réponse.    J'ai  l'honneur  d'être  etc. 

George  Washington. 

No-  n. 

Répome  de  Sir  Henry  Clinton  à  la  lettre  précédente; 
d»  23  Avril  1782.    (Traduit  de  l'anglais.) 

New-York,  le  23  Avril  1782. 

Monsieur,  votne  lettre  du  21  du  courant,  avec  les 
attestations  y  Incluses,  concernant  l'exécution  du  capi- 
taine Huddy,  m'a  été  remise  hier;  et  quoique  je  sois 
extrêmement  touché  du  fait  qui  y  a  donné  Ueu,  je  ne 
saurais  cacher  xga  surprise  et  mon  déplaisir  au  sujet 
da  ton  très -peu  convenable,  que  vous  avez  employé, 
et  que  vous  n'avez  pu  vous  empêcher  de  reconnaître 
comme  étant  absolument  hors  de  toute  nécessité. 

La  douceur  du  gouvernement  britannique  n'admet 
point  d'actes  de  cruauté  ni  de  violence  persécutrice; 
et  conmie  ils  sont  notoirement  contraires  à  la  teneur 
de  ma  propre  conduite  et  de  ma  disposition  (n'ayant 
encore  jamais  souiHé  mes  mains  du  sang  innocent),  je 
dois  réclamer  la  jùsdce  d'être  cru,  que  si  de  tels  actes 
sont  commis  par  qudlque  personne  sous  mes  ordres, 
ils  n'ont  pu  être  munis  de  mon  autorité,  et  qu'ils  ne 


172     VI.    AFF.  DU  CAPITAINE  ANGI<.  ASGII^Ii^ 

sauraient  jamais  être  sanctionés  par  mon  approbation. 
Mes  sentimens  personnels  n'exigent  donc  aucun  aiguillon 
de  cette  espèce,  pour  m'exciter  à  prendre  toute  la  con- 
naissance due  de  Toutrage  barbare  (que  vous  m'avez 
représentée) 9  dès  le  premier  moment  qu'il  est  parvenu 
i  ina  connaissance.  Et  en  conséquence,  d'abord  que 
j'ai  entendu  parler  de  la  mort  du  capitaine  Huddy,  (ce 
qui  n'a  été  que  quatre  jours  avant  la  réception  de  votre 
lettre)  j'ai  ordonné  à  l'instant,  qu'il  en  fût  fait  une  re- 
cherche exacte  dans  toutes  ses  circonstances  ;  et  j^en  sou-^ 
mettrai  les  coupables  i  un  jugement  immédiat.  . 

Sacrifier  Finnocenoe   dans  l'idée  de  pr-évenlr  par-lâ 
le  crime,  ce  n'est  pas  supprimer  la  barbarie;   c'est  l'a- 
dopter, c^est  la  porter  à  son  plus  haut  comble;  tandis 
que,  si  les  violateurs  des  loiz  de  la  guerre  sont  punis 
par  les  généraux,  sous  l'autorité  desquels  ils  agissent,  les 
horreurs  que  ces  loix  ont  pour  but  de  prévenir,   pour- 
ront s'éviter,  et  Ton  pourra  maintenir  tout  degré  d'hu- 
manité  dont  1^  guf^rrc  est  susceptible.    Si  des   atteintes 
portées  à  l'humanité  pouvaient  se  justifier  par  l'exemple, 
l'oix  pourrait  en  citer  plusieurs  commises  dans  les  con- 
trées où  votr«  pouvoir  a  le  dessus;   atteintes,    qui  sur- 
passent   celle   dont  vous  vous  plaignez,    et    qui  y  ont 
probablement  donné  occasion.     Dans  l'espoir  que  yons 
agréerez  la  façon  de  procéder  que  j'ai  dessein  de  suivre, 
et  qu'elle  préviendra  to^te$  énormitç^  pour  Pavenir,  je 
snx^  toujours  eiç, 

ïIbnry  Cuî^ton, 

Le  général  Clinton  ordonna  effectivement  la 
tenue  d'un  coiiseil  dô  guerre  pour  juger  et  pro- 
^oiicçr  syr  la  conduite  du  capitaine  Lippincoote; 
mais  ipdépeiidanuneut  que  ces  procédures,  aprè^ 
avoir  duré  plusieurs  mois,  n'eurent  aucun  résultat^ 
la  conMnission  nommée  à  oet  e0et>  fut  même  ^ 


BulNS  liA  GUERRE  D'AMÉRIQUE;  EN  1782.   173 

toute  9  lorsque  par  la  nomination  du  général  James 
S.obert8on,les  fonctions  du  général  Clinton  cessèrent. 
Voici  la  lettre  que  ce  nouveau  commandant  en  chef 
idressa  en  cette  occasion  au  général  Washington. 

Lettre  A§  général  angfaù  Sir  Jame»  Roberison^  adret* 

êée  tm  général  Washington;  du  1  Mai  1782L 

(Traduit  de  l'anglais.) 

New-York,  le  1  Mai  1782* 

Monsieur,  ayant  reçu  par  un  navire  nouveUement 
tmiyéj  une  commission  du  roi  qui  me  nomme  com- 
mandant en  chef  de  ses  forces  dans  ce  pays,  un  des 
premiers  soins  que  je  prends,  c'est  de  vous  con- 
raincâre  de  mon  dcsir  de  faire  la  guerre  conformément 
i«z  règles  tracées  par  Thumanité,  et  aux  exemples  que 
iOQS  recommandent  les  nations  les  plus  civilisées.  Je 
vous  fais  cette  déclaration  de  ma  résolution,  dans  l'es- 
poir .de  trouver,  une  disposition  pareille  de  votre  côté. 
Pour  atteindre  ce  but,  convenons  de  prévenir  ou  de  pu- 
ikSr  toute  Tiolation  des  régies  de  la  guerre,  chacun  dans 
1t  sphère  de  notre  commandement. 

Les  papiers  qui  accompagnent  la  présente,  vous 
pouveront,  qu'il  s'est  commis  beaucoup  de  barbaries. 
.D  en  est,  dont  vous  pourrez  n'avoir  pas  entendu  par- 
ler; il  en  est  d'autres,  dont  j'apprends  avec  satisfaction 
^e  vous  avez  déjà  déclaré  votre  horreur.  On  a  mis 
CCI  faits  entre  mes  mains,  comme  une  justification  du 
crime  récemment  commis,  dont  vous  vous  plaignez.  Je 
IK}  saurais  nullement  avouer  le  raisonnement  qu'on  en  tire. 
Bien,  sinon  la  nécessité  la  pluslextréme,  ne  saurait  justi- 
fier Faction;  et  si  cette  mesure  cruelle  et  dangereuse 
^ait  être  confiée  à  des  honunes  enflammés  par  la  passion, 
3  s'ensuivrait  des  horreurs  et  une  barbarie  universelles. 


174     VI.  APP.  DIT  CAPITAINE  AKGL.  ASGIIiIi, 

Pour  juger  la  personne  dont  vous  vous  plaignez,  et 
tous  ses  complices  dans  la  mort  du  capitaine  Huddy,  il 
a  été  établi  un  conseil  de  guerre  par  Sir  Henry  Clin- 
ton, qui  avait  pris  des  mesures  à  cet  effet  déjà  ayant 
d'avoir  reçu  de  lettre  de  votre  part  sur  cette  affaire. 
Les  papiers  ci- joints  vous  fourniront  l'occasion  de  venger 
pareillement  de  votre  côté  les  droits  de  l'humanité,  et 
de  punir  la  flétrissure  causée  à  votre  commandement  par 
les  auteurs  de  ces  cruautés.  J'apprends  que  les  sieurs  Hat- 
field  et  Badgely,  quoicpie  sous  la  garantie  d'un  pavillon 
parlementaire,  ont  été  faits  prisonniers  àJElisabeth-Topifnj 
où  ils  se  trouvaient!,  en  vertu  des  ordres  de  votre  com- 
missaire des  prisonniers,  sous  des  prétextes  qui  ne  sau- 
raient se  justifier»  Ponr  première  preuve  que  vous  ac- 
ceptiez ma  proposition  de  nous  réunir  à  empêclier  toute 
atteinte  portée  aux  règles  de  la  guerre,  je  vous  prie  de 
vouloir  bien  ordonner  que  ces  gens  soient  renvoyés  à  VÛe 
des  États.  J'aurai  le  plus  promptement  égard- à  toute 
réquisition  que  vous  me  ferez,  fondée  sur  ce  principe. 

J'ai  l'honneur  d'être  etc. 

James  Robertson. 

Peu  satisfait  du  contenu  de  cette  lettre,  et 
moins  encore  de  ce  que  les  coupables  avaient  été 
mis  hors  de  cour,  le  général  Washington,  consi- 
dérant ce  procédé  comme  un  déni  de  justice  formel} 
fit  la  réponse  suivante. 

N»   IV. 

Bépome  du  général  Washington  à  la  lettre  précédente; 
du  5  Mai  1782.    (Traduit  de  l'anglais.) 

Au  quartier-général ,  le  6  Mai  1782. 
Monsieur,  j'ai  eu  l'honneur  de  recevoir  votre  lettre 
en  date  du  1  du  courant.     Y.  Exe.  est  informée  de  la 
détermination    exprimée  dans  ma  lettre  du  21  Avi*il  â' 


DAK8  I.A  GUERRE  D'AMiÉRIQUE  ;  EN  1782-    175 

BT  Heniy  Clinton.  Je  dois  &  présent  vous  apprendre, 
(Kl  bien  loin  de  me  départir  de  cette  résolution ,  il  a 
tjB  donné  ordre  de  désigner  un  officier  anglais ,  pour 
grvir  de  représaille.  Le  temps  et  le  lieu  sont  fixés. 
ïm  j'espère  toujours  que  le  résultat  de  votre  conseil 
ègnerre  préviendra  cette  terrible  alternative. 

Regrettant  sincèrement  la  cruelle  nécessité ,  qui  seule 
M  porter  à  une  mesure  aussi  désolante ,  j'assure  dans 
s  cas  présent  Y.  Exe,  que  je  délire  aussi  vivement  qu'elle, 
ne  la  guerre  se  fasse  conformément  aux  règles  tracées 
ir  Ilinmanité  et  aux  exemples  que  recommandent  les 
dons  les  plus  civilisées;  et  je  m'estimerai  fort  beureux, 
I  m'accordant  avec  vous,  à  prévenir  ou  à  punir  toute 
olation  des  règles  de  la  gueiTC  dans  la  spbère  de  nos 
limiuidemens  respectifs. 

Je  ne  suis  pas  instruit  des  circonstances  de  la  déten- 
m  des  nommés  Badgely  et  Hatfield;  l'on  fera  des 
srqnîsitions  sur  l'affaire;  et  justice  sera  rendue.  Mais 
dois  vous  informer,  qu*à  mon  avis,  des  déserteurs  ou 
es  gens  notés  que  pour  crimes  dont  ils  sont  coupables, 
m  est  en  droit  de  traduire  devant  le  pouvoir  civil,  ne 
mraient  être  garantis  par  un  pavillon  parlementaire. 
ependant  je  ne  prétends  pas  avancer,  que  les  personnes 
A  .qaesdon  soient  de  cette  espèce. 

n  serait  inutile  de  récriminer.  Je  me  dispense  donc 
e  dter  ici  de  nombreux  exemples  qui  ont  souillé  la 
Ëpntation  de  vos  armes,  marqué  le  progrès  de  cette 
nerre  d'une  rigueur  inusitée,  et  flétri  l'honneur  de  la 
Atnre  humaine  même.  Mais  tandis  que  je  m'épargne 
ette  discussion  désagréable,  je  réitère  l'assurance,  que 
'est  mon  désir  le  plus  ardent,  non-seulement  d'adoucir 
Bs  calamités  inévitables  de  la  guerre ,  mais  aussi  de  don- 
ler  lieu  en  toute  occasion  à  autant  de  douceur  et  d'hu- 
lanité  qu'on  puisse  en  exercer  dans  un  état  de  guerre. 
J'ai  l'honneur  d'être,  etc. 

George  Washington. 


176    VI.  APF.  DU  CAPITAINE  AKGL.  ASGIIiL^ 

EffectiTement,  lorsqu'arec  Tassistailce  des  troupeê 
françaises,  le  général  Washington  parvint  à  s'e&h 
parer  de  Yorh-Town,  qui  se  rendit  à  lui  par  capi- 
tulation, il  fit  tirer  au  sort  tous  les  o£Sciers  pri- 
sonniers de  la  garnison  du  rang  de  capitaine,  pour 
faire  pendre  celui  d'entre  eux  que  le  sort  aurût 
marqué^  par  voie  de  représailles.  Le  sort  tomba 
sur  le  capitaine  Asgill,  du  régiment  des  gardes,  à 
peine  âgé  de  vingt  ans  et  fils  tifiiîqiie  de  Sir  James 
Asgill,  baronnet  et  l'un  des  premiers  banquiers  de 
Londres. 

Quand  la  mère  de  cet  infortuné  jeune  homme 
apprit  cette  triste  nouvelle,  elle  prit  la  résolu- 
tion de  s'adresser  au  comte  de  Vergennes,  mî- 
nîstre  de  Louis  XVI,  pour  solliciter  eu  faveur 
de  son  fils,  son  intercession  auprès  du  général 
Washington. 

K^-   V. 

Lettre  de  tady  Asgill^  adressée  au  comte  de  Vergemei, 
ministre  des  affaires  étrangères  de  S.  M,  Trèê'^Ckrè' 
tienne;  du  18  Juillet  1782. 

Si  la  politesse  de  la  cour  de  France  permet  qu'un 
étranger  s'adresse  à  elle,  il  ne  saurait  y  avoir  de  doute, 
qu'une  prière  capable  d'intéresser  tous  les  tendres  send- 
mens  d'un  individu,  éprouvera  une  réception  favorable 
de  la  part  d'un  seigneur,  dont  le  caractère  fait  honneur 
non  seulement  à  sa  propre  patrie  mais  aussi  à  la  nature 
biunaine.  Le  sujet,  monsieur^  à  l'égard  duquel  j'ose  im- 
plorer votre  secours,  me  perce  trop  profondément  le  coeur 
pour  que  j*y  insiste,  et  très -probablement  les  rapports 
publics  vous  en  ont  déjà  informé.    La  tâche  pénible  est 


DAK8  UL  GUBRHB  D^AMiÉHIQtJEJ  BN  1782-    177 

donc  pea  nécessaire.     Mon  fils  (un  fils  nnicpe)  aussi 
dier  qall  est  brave,  aussi  aimé  cpi'il  mérite  de  l'être, 
Igé  reniement   de  dix -neuf  ans,    prisonnier  en  vertu 
dei  articles    de    la    capitulation   de    York-^Town,    est 
•ttiieDement  confiné  en  Amérique,   comme  un  objet  de 
Beprésailles.    L'innocent  souffiriraTt-il  pour  le  coupable? 
ïqiresentez^vous,  Monsieur,   la  situation  d'une   famille 
iûiB  ces  circonstances,   environnée,  comme  je  le  suis, 
Ad>jets  de  détresse,   en  proie  à  la  crainte  et  k  la  dou- 
leur,   n  n'est  point  de  mots  qui  puissent  exprimer  tout 
te  que  je  sens,  ni  peindre  Thorreur  de  la  scène.     Mon 
^nx,  abandonné  par  les  médecins  peu  d'heures  avant 
l'anivéïB  de  la  nouvelle,  et  hors  d'état  d'être  instruit  du 
inaDienr  :  ma  fille,  saisie  d'une  fièvre  avec  délire,  je- 
tant des  cris  de   désespoir  pour  son  frère  et  ne  reve- 
nant à  ses  sens  que  durant  le  court  intervalle  néces- 
aaire  pour  sentir  toute  l'angoisse  de  la   douleur  qui  les 
Ini  6te.    Laissez,  Monsieur,  votre  sensibilité  vous  sug- 
gérer tout  ce  que  j'ai  à  dire;  laissez-la  plaider  en  faveur 
it  ma  désolation  inexprimable.     Un  mot  de  votre  part, 
Ofonme  une  voix'  du  ciel,  nous  siauvera  de  l'horreur  de 
Il  situation    où    nous    sommes    plongés.     Je    suis  bien 
kSpsnaïée   que    le   général    Washington   respecte    votre 
tivactère   :    dites    lui   seulement,    que   vous    souhaitez 
{ne    mon   fils  soit   relâché  :  il    le  restituera  à  sa  fa- 
Hûlle  éplorée  :  il  le  rendra  au  bonheur.     La  vertu  et 
^  bravoure  de  mon  fils  justifieront  l'action.    Son  hon- 
Irar,    Monsieur,    l'a    conduit    en   Amérique  x  il   était 
lé  an  milieu  de  l'abondance,    de  l'indépendance,    des 
iapérances  les  plus  heureuses.     Permettez  que  je  sup- 
ilie    de   nouveau    votre    bonté  :  permettez   que    j'im- 
ilore  respectueusement  votre  puissante  influence  en  fa- 
veur  de  l'innocence,    dans  la  cause  de  la  justice,    de 
humanité  :  permettez  que  je  vous  prie.  Monsieur,  d'en- 
oyer  de  France  une  lettre  au  général  Washington,  et 
Ov  me  faire  la  faveur  de  m'en  communiquer  une  copie, 

II.  12 


178     VI.   A  FF.  DU  CAPITAINE  AKGL.  ASGIIiL^ 

pour  Tcxpédier  cl^iei.  Je  sens  toute  la  liberté  que  je 
prends  en  vous  faisant  cette  prière;  mais  je  aens  aussi 
que,  soit  que  TOtis  J'accordiez  ou  non,  voua  aurez  pitié 
de  la  profonde  douleur  qui  me  la  suggère.  Votre  hu- 
manité laissera  couler  une  larme  sur  la  faute ,  et  elle 
l'eiTacera.  Je  fais  des  voeux  au  ciel  pour  qu'il  vous 
accorde  la  grâce  de  n'avoir  jamais  besoin  de  la  conso* 
lation  qu'il  est  en  votre  pouvoir  d'accorder  & 

Londres,  le  18  Juillet  1782.  \ 

ÂAGILL.  j 

.  ^  •  1 

Le  comte  de  Vergennes,  après  avoir  mis  cette 
lettre  sous  les  yeux  du  roî  et  de  la  reine,  écrivît 
avec  l'approbation  de  LL.  MM.,  la  letl;re  suivante 
au  général  Washington. 

N«-  VL 

Lettre  du   comte   de   Vergenne»^   adressée   au  général 
Washington;  du  29  Juillet  1782. 

Monsieur,  ce  n'est  pas  comme  ministre  d'un  roi, 
Tami  et  Pallié  des  Etats-Unis,    quoique  du  sçu  et  avec 
l'aveu  de  S.  M.,  que  j'ai  aujourd'hui  Thonneur  d'écrire 
i\  V.  Exe.     C'est  comme  un  homme  qui  a    de  la  senri- 
hilité,  comme   un  père  tendre  qui   sent  toute  la  force    , 
de  l'aménr  paternel,  que  je  prends  la  liberté  d'adresser    ; 
h  V.  Exe.   mes  pressantes  sollicitations  en  faveur  d'une    \ 
mère  et  d'une  famille  en  pleurs.    Sa  situation  me  parait    « 
mériter  d'autant  plus  d'égards   de  notre  part,   que  c'ett    \ 
k  l'humanité  d'une  nation  en  guerre  avec  la  sienne,  qu'elle 
a  recours    pour  obtenir  ce  qu'elle  aurait    dû  recevoir    , 
de  la.  justice  impartiale  de  ses  propres  généraux. 

J'ai  l'honneur  d'envoyer  ci-incluse  i  V.  Exe.  copie    j 
d-nne  lettre  que  Lady  AsgîU  vient  de  m'écrire.    Je  ne 
lui  suis  point  connu,  et  je  ne  savais  pas  que  son  fils 


r  I 


DANS  II  A  GUERRE  D'AMiÉRÎQUE  ;  EN  1782.    179 

ffit  layîctiiiie  infortunée,  destinée  par  le  «ort,  pour  expier 
le  crime  odieux  qu^un  déni  formel  de  justice  tous  a  ob- 
ligé de  vttiger.     V»  Exe.  ne  lira  point  cette  lettre  sans 
être  extrêmement  touché  :  elle  a  produit  cet  effet  sur  le 
Toi  et  SUT  la  reine,  à  qui  je  l'ai  communiquée.   La  bonté 
"    rfe  coeur  de  LL,  MM.  leur  fait  désirer,  que  les  inquié- 
tncles  d'une  mère  infortunée  soient  calmées  et  sa  ten- 
diresse  rassurée»     Je   sens.  Monsieur,  qu'il  est  des  cas 
oà  l'humanité  elle-même  exige  la  rigueur  la  plus  ex- 
trême :  peut-être  celui  dont  il  s'agit  est -il  du  nombre; 
mais,  en   accordant   que  les    représailles  soient  justes, 
dies  n'en  sont  pas  moins  horribles  pour  ceux  qui  en 
«ont  les  victimes,  et  le  caractère  de  V.  Exe.  est  trop 
bien  connu,   pour  que  je  ne  sois  persuadé  que  vous 
ne    désires  rien   davantage  que  d'éviter  la  désagréable 
nécessité. 

n  y  a  une  considération,  Monsieur,  qui,  quoiqu'elle 

ne  soit  pas  décisive,  peut  influer  sur  votre  résolution. 

Le  capitaine  Asgill  est  hors  de  doute  votre  prisonnier; 

mais  il  est  du  nombre  de   ceux  que  les  armes  du  roi 

ont  contribué  à  faire  tomber  entre  vos  mains  à  York- 

Tou^n.     Quoique   cette  circonstance  n'ait  pas  la  force 

d'une   sauvegarde,  elle  justifie  néanmoins  l'intérêt    que 

je  me  permets  de  prendre  en  cette  affaire.    Si  c'est  en 

Votre  pouvoir,  Monsieur,   de  le  considérer  et  d'y  avoir 

tgKtAj   vous  ferez  une  chose  qui  sera  très  «^agréable  à 

tJL  MM.     Le  danger  du  jeune  Asgill,  les  pleurs,   le 

désespoir  de  sa  mère  les  affectent  seqsiblement,  et  elles 

Verront  avec  plaisir  l'espoir  de  consolation  reluire  pour 

ees  infortunés. 

En  tichant  de  soustraire  M.  Asgill  au  sort  qui  le 
menace  9  je  suis  loin  de  vous  engager  à  chercher  une 
antre  victime  :  le  pardon,  pour  être  parfaitement  satis- 
£uaant,  doit  être  entier.  Je  ne  satirais  m'imaginer  qu'il 
poisse  avoir  aucune  mauvaise  suite.  Si  le  général  anglais 
n'a  pas   été  en    état  de  punir  le  crime  horrible  dont 

12* 


] 


180     VL  AFP.  DU  CAPITAINE  ANGIi.  ASGIIili, 

TOUS  VOUS  plaignez^  d'uvie  manière  aussi  exemplaire  qa'il 
aurait  convenu,  il  y  a  lieu  de  croire,  qu'il  prendra  les 
mesures  les  plus  efficaces  ppur  qu'il  ne  s'en  commette 
de  pareils  à  Tavenir. 

Je  souhaite  sincèrement,  Monsieur,  que  mîon  inter- 
cession puisse  avoir  du  succès.  Le  sentiment  qui  le 
dicte,  et>  que  vous  n'avez  cessé  de  manifester  dans  tontes 
les  occasions,  m'assure  que  vous  ne  serez  pas  indif- 
férent aux  prières  ni  aux  pleurs  d'une  famille  qui  a 
recours  à  votre  clémence  par  mon  organe.  C'est  rendre 
hommage  à  votre  vertu  que  de  l'implorer. 

J'ai  l'honneur  d'être  avec  la  considération  la  plos 
parfaite  etc. 

Versailles,  le  29  Juillet  1782. 

DE  VeRGENNES. 

Le  congrès  ayant  nommé  une  commîssion  char- 
gée de  l'examen  de  cette  affaire ^  prit,  sur  le  rap- 
port qui  lui  fut  fait,  la  résolution  suivante. 

N*»-  vn. 

Résolution  prise  par  le  gouvernement  des  États "Vm^ 
d^ Amérique.     (Traduit  de  l'anglais.) 

De   par   les  Etats-Unis    assemblés    en  congrès,  le 
7  Novembre  1782. 

Sur  le  rapport  du  comité  auquel  avait  été  ren-  F 
voyé  l'examen  d'une  lettre  du  commandant  en  chef,  en  ? 
date  du  19  Août,  ensemble  le  rapport  d'un  comité  '^ 
établi  à  ce  sujet,  et  d'une  motion  de  MM.  WiUiamson  j* 
etRutledge,  y  relative;  déplus,  une  autre  lettre  du  corn-  f 
mandant  en  cbef,  en  date  du  25  Octobre,  avec  copie 
d'une  lettre  du  comte  de  Yergennes,  en  date  du  29  Juillet  ^ 
dernier,  par  laquelle  il  intercède  en  faveur  du  capi-  ^ 
taine  Asgill;  il  a  été  résolu,  „que   le  commandant  en  r 


SAKS  IiA  GUJBRRE  B'AM^RIQtTE  ;  EN  17S!]f*    181 

^dief  sera  chargé  comme  il  est  chargé,  par  la  présente^ 
„de  mettrç  le  capitaiue  Asgill  en  liberté.  ^^ 

Charles  Thomson, 
Secrétaire. 

En  €)oiimiuQiquant  cette  résolution  au^  capitaine 
AxgiU,  le  général  Washington  l'accoiiipàgna  de  la 
lettre  suiTante;, 

N«  vm. 

Lettre  du  général  Washington^  adressée  au  capitaine 
Asgill;  du  13  Nov.  1782.     (Traduit  de  l'anglais.) 

Monsieur,  c'est  avec  une  bien  grande  satisfaction 
cpîe  je  me  vois  à  même  de  vous  envoyer  la  copie  ci- 
incluse  d'un  acte  du  congrès  du  7  du  courant,  par  le- 
quel vous  êtes  tiré  de  la  situation  pénible  où  vous  vous 
£tes  si  longtemps  trouvée  Supposant  que  vous  souhai- 
terez de  vous  rendre  à  iVe^^-Ybri  le  plutôt  possible,  je 
joins  ci -inclus  un  passeport  à  cet  effet, 

Votre  lettre  du  18  Octobre  m*est  parvenue  dans  le 
temps.  Je  vous  prie  de  croire  que  le  délai  que  j'ai 
mis  à  y  répondre,  n^a  pas  été  causé  par  un  manqué 
d'égard  envers  vous  ou  faute  de  compassion  pour  votre 
situation  :  je  me  promettais  tous  les  jours  de  recevoir  la 
détermination  prise  à  votre  égard;  et  je  crus  qu'il  valait 
mieoz  l'attendre,  que  de  vous  nourrir  d'un  espoir  qui 
pourrait  se  trouver  illusoire^  Vous  voudrez  bien  attri-! 
baer  à  la  même  cause,  que  j'ai  détenu  jusqu'à  présent 
les  lettres  ci -incluses  que  |'ai  eu  environ  quinze  jours. 
entre  les  mains^ 

Je  ne  saurais  prendre  congé  de  vous,  Monsieur, 
tens  vous  assurer  que,  sous  quelque  point  de  vue 
qu'on  considère  la  part  que  j'ai  eu  à  cette  affaire  dés-^ 
agrçable,  je  n'ai  jamais  été  conduit  durant  tout  son  coui^ 


182     Yt  APFk  DU  CjÀPtTAINE  ANOIi.  ASQU^Ii. 

par  des  motifs  8aiiguinaij>es  ;  mais  par  ce  que  je  crois 
être  un  sentiment  de  mon«  devoir  ^  ;  cpû  m'appelait  hau- 
tement à  prendre  des  mesures^  quelcpie  f&cheuses  cpi'eDes 
fussent,  pour>  empéclier  la  repétition  des  excès  énormes 
qui  ont  fait  l'objet  de  la"  discussion;  et  que  cette  fia 
paraisse  devoir  se  i^mplir  ^ans  répandre  le  sang  d'une 
personne  injo^opçntCy  ce,  n'est  pas  pour  vous  \m  plus 
grand  sujet  ae  joie  que  pour  celui  qui  a  l'honneur 
d'être  etc, 

G,  WAsamoTON, 


4 


\         * 


I   ■  « 


CAUSE  SEPTIEME. 


Différend  survenu  en  1l7%2j  entre  les  cours  ^Es-^ 
pagne  et  de  DanemcMrhy  au  sujet  de  la  cor- 
wtte  XJ5  8t.  JsaNj  conduite  à  Ca^ixy  comme 
suspecte  d'avoir  abusé  du  pavillon  militaire. 


Lia  corvette  danoise  le  St.  Jean^  commandée  par 
le  capitaine  Herbst,  partit  le  1  Février  1782>  duSund, 
6e  trouva  le  25  du  même  mois,  à  la  hauteur  du 
Cap  Spartel,  où  elle  fut  accueillie  d'un  si  gros  temps, 
^'elle  fiit  obligée,  tant  par  la  difficulté  de  passer 
le  détroit  pendant  un  orage,  que  par  un  article 
eiprèa  des  instructions  qu'avait  reçues  le  capitaine, 
qui  portaient  „de  ne  point  tenter  le  passage  du 
,1  détroit,  sans  pouvoir  serrer  la  côte  d'Afrique  d'as-^ 
uSes  près  pour  ne  point  causer  d'ombrage  à  l'es- 
„  cadre  du  blocus  de  la  place  de  Gibraltar^^,  de  s'ar-* 
réter  deux  jours  dans  ces  parages. 

Soit  paA.  ménagement  pour  la  cQur  d'Espagne 
joît  par  la  force  des  vents  ^  la  corvette  se  trouva 
;e  27  Février^  dau3  le  goUe  de  Larracbe,  lorsque  k 


y 


184  YEL  APF.  DE  IiA  CORVETTE  :  IiB  8T.  JEAN, 

capitaine  Herbst  apperçat  en  y  entrant,  une  escadre 
espagnole  de  douze  yaisseaux  de  différentes  forces^ 
qui  l'environnait.  Deux  yaisseaux  de  ligne ,  une 
frégate  et  un  chebec  montrèrent  leur  payillon  et 
lui  tirèrent  un  coup  de  canon;  surquoi  la  corvette 
mit  en  panne. 

Ces  quatre  vaisseaux  ayant  entouré  •/&  St^Jean^ 
le  brigadier  espagnol  Solafiranca,  envoya  un  offi- 
cier à  bord  de  la  corvette,  pour  connaître  d'où  elle 
venait  et  pour  où  elle  était  destinée,  et  avec  ordre 
de  se  faire  montrer  les  papiers  du  capitaine.  Celui-d 
lui  fit  répondre  „  qu'il  venait  de  Copenhague  ^  qu'il 
„  allait  à  la  Méditerranée,  et  qu'étant  armé  en  guerre 
„il  n'avait  point  d'autres  papiers  à  bord  que  ses  or- 
„dres.^^  L'officier  espagnol  revint  immédiatement 
après  avec  un  nouvel  ordre  de  son  commandant, 
portant,  que  le  capitaine  danois  avait  à  se  rendre 
lui  -  même  avec  ses  papiers  à  bord  du  vaisseau  es- 
pagnol, vu  que  le  commandant  voulait  faire  visiter 
la  corvette.  Le  capitaine  Herbst  répondit,  „ qu'il 
„  n'abandonnerait  point  son  vaisseau  sans  y  être 
„ obligé  par  la  force"  et  assura  de  nouveau  qu'il 
n'avait  point  d'autres  papiers  que  ses  ordres. 

Le  lieutenant  de  la  corvette  danoise  Conrad^ 
qui  fut  envoyé  par  le  capitaine  pour  s'expliquer 
avec  le  commandant,  revint  bientôt  avec  un  offi- 
cier espagnol,  qui  déclara  de  nouveau  au  capitaine, 
que  son  commandant  insistait  positivement  à  visiter 
son  bâtiment,  conformément  aux  ordres  particur 
liers  qu'il  avait  reçus  à  l'égard  de  ce  bâtimen^  qui. 


BKTAS  Ii'jBSPAGN£  ET  liE  DAN.  J  EK  1782.   185 

quoique  monté  par  des  oflSciers  de  la  marine  royale, 
n'était  cependant  qu'un  bâtiment  marchand;  que  ce- 
pendant il  se  contenterait,  s'il  voulait  le  suivre  avec 
son  bâtiment  à  Cadix  ;  mais  que  dans  le  cas  qu'il 
a^  refusait,  il  enverrait  des  troupes  à  son  bord  pour 
ly  obliger  de  force  (^).  Le  capitaine  Herbst,  pour 
oonyaincre  le  commandant  Solafranca,  qu'il  était  vé- 
ritablement armé  en  guerre,  envoya  alors  ses  or- 
dres originaux,  et  assura  sur  sa  parole  d'honneur, 
^ qu'il  n'avait  rien  à  bord  qui,  par  sa  destination, 
y, était  contraire  aux  traités;  qu'à  aucun  prix  il  ne 
„ laisserait  visiter  son  vaisseau;  qu'il  ignorait  qu'il 
^y  eut  guerre  entre  son  souverain  et  le  roi  d'E*r 
^■pagne;  mais  que  si  c'était  là  le  cas,  il  était  prêt 
^à  amener  devant  une  force  aussi  supérieure,  et 
i,à  envoyer  son  épée  au  commandant,  après  avoir 


(1)  La  forme  de  ces  sortes  de  visites  de  bâtîmens  marchands 
Bfeatreii^  est  déterminée  par  des  traités  et  par  l*asage  général  qui  y 
est  coaforme;  et  il  nVst  point  permis^  ni  aux  vaisseaux  de  guerre 
ni  aux  armateurs ,  de  s'en  écarter.  Voici  en  quoi  consiste  cet  usage  : 
le  bâtiment  de  guerre  doit  se  tenir  hors  de  la  portée  du  canon  du 
bitiment  neutre,  il  lai  fait  la  semonce  avec-  un  coup  de  canon  a 
pondre;  celui-ci  doit  mettre  en  panne ^  si-non  il  s'expose  à  rece* 
voir  une  seconde  semonce  à  boulet;  lorsqu'il  s'est  arrêté,  le  corn- 
auiadaint  da  bâtiment  de  guerre  envoie  deux  ou  trois  hommes  pour 
TÎsher  les  papiers  de  mer;  s'ils  sont  en  règle,  c'est  à  dire  s'ils 
jiutifieiit  la  propriété  neutre  du  bâtiment  et  des  marchandises,  il 
art  défoada  de  le  visiter;  la  visite  n'en  est  autorisée  qu'en  cas  de 
foapçon  bien  fondé  de  fraude;  et  en  cas  de  contestation,  ce  soupçon 
doit  être  justifié.  Ce  droit  de  visiter  ne  porte  jamais  sur  le  bâti- 
ment de  guerre,  attendu  que  celui-ci  n'est  point  présumé  et  ne 
pent  étrt  présumé  faire  le  commerce. 


186    Vil-  AFF.  DE  liA  CORVBTTJB  :  Ii£  ST. 

,,Tuidé  son  artillerie  à  l'honneur  du  pavillon  royal 
„ qu'il  portait."  ,  ;; 

Peu  satisfait  de  cette  déclaration,  le  comman- 
dant espagnol  fit  signifier  au  capitaine  Herbst^  :qu'il 
le  coulerait  bas  s'il  tirait  un  seul  coup  defusU;  que 
l'amitié  subsistante  entre  les  deux  cours  il  ne  pou** 
vait  point  accepter  l'ofire  qu'il  lui  ayait  faite  de. loi 
envoyer  son  épée  ;  mais  que  s'il  voulait  le  suivre,  i 
Cadix  on  y  procéderait  à  la  reconnaissance  de  sea 
ordres  en  présence  du  consul  de  Danemark^et  du 
commandant  en  chef  de  l'escadre  espagnole;  ajou- 
tant, que  si  ses  ordres  se  trouvaient  en  règle  ^  il 
serait  libre  de  continuer  sa  route. 

La  supériorité  des  forces  espagnoles,  non  moins 
que  la  promesse  formelle  du  commandant,  que  le 
pavillon  de  S.  M.  Danoise  serait  respecté,  déter- 
minèrent le  capitaine  Herbst  à  céder,  et  à  se  rendre 
à  cette  dernière  sommation.  U  arriva  avec  sa  cor-< 
vette^  conjointement  avec  les  deux  vaisseaux  de 
guerre  espagnols,  à  Cadix,  le  1  Mars,  où  on  jeta 
d'abord  l'ancre  au-dehors  de  la  baye. 

Lorsque  le  lendemain  au  matin  la  corvette 
remonta  la  baye,  une  chaloupe,  montée  d'un  dé- 
tachement de  soldats  espagnols  et  d'un  officiera 
leur  tête,  se  présenta  au  capitaine  Herbst  et  lui  dë^ 
elara  qu'il  avait  ordre  de  passer  avec  sa  troupe  à 
son  bord.  Aussitôt  le  capitaine  danois  fit  placer 
son  équipage  -sur  le  pont  de  son  vaisseau  l'arme 
blanche  à  la  main;  ce  qui  engagea  la  chaloupe  espa- 
gnole à  se  contenter  à  le  suivre  et  à  jetter  Tancre 


BNTA£  I-'BflPAGNE  ET  I-E  DAN.;  EN  1782-    187 

à  sa  proue,  aveo  défense  de  eommuniquer  avec 
persoBne  ou  de  quitter  le  vaisseau  sans  permission 
expresse  du  èommandant  de  l'escadre. 

.  Le  «éme  jour  le  major -général  de  l'escadre 
espagnole  se  rendit  à  bord  du  St.  Jean^  et  notifia 
au  capitaine  Herbst  ,,qu'on  ayait  déjà  sçu  son  arri- 
jyTée  depuis  trois  semaines;  que  le  vaisseau  n'ap- 
^partenait  point  au  roi,  mais  à  une  compagnie  mar- 
^ehande;  qu'il  était  destiné  pour  Alger;  que  lui- 
,iinêine,  le  capitaine  et  son  second,  étaient  à  la 
,,  vérité  des  officiers  de  la  marine  royale  mais  qu'ils 
n n'étaient  mis  à  bord  du  vaisseau,  que  pour  y.  ar- 
,,borer  le  pavillon  royal;  qu'il  était  suspect  pour  la 
^portée  inférieure  de  son  bâtiment,  et  le  nojqibre 
^bomé  de  son  équipage,  qui  ne  lui  permettait  pas 
9  de  passer  pour  bâtiment  de  guerre  (^)." 

XiO  capitaine  danois  répondit  „que  le  bâtiment 
^appartenait  au  roi,  pour  l'expédition  actuelle, 
y^âiuA  que  la  cargaison;  que  le  bâtiment  était  assez 
„  grand  pour  se  défendre  contre,  toute  autre  de  force 
„ég|de;    qu'il  venait  de  Copenhague  et  qu'il  allait 


(l)'Dàlis  quelques  feuilles  pabliqaes  de  ce  temps,  qui  rendaient 
ipto  et  cet  ^ènementi  il  ëtait  dit^  que  cette  corvette  mont^ 
àêjlé  onoons  et  53  hommes  d'ëquipage,  ëtait  â  la  vëritë  commandëe 
ptr  deux  officiers  de  la  marine  royale,  mais  qn'ils  n'avaient  point 
de  eôncIlBuioii  dn  roi  ;  et  simplement  des  instructions  particnliéret  des 
armateurs  du  bâtiment  qoi  appartenait  à  la  compagnie  de  Groen- 
lande.  D'antres  feuilles  disaient,  que  le  bâtiment  le  St,  Jean  ap- 
partenant â  la  compagnie  de  conmierce  de  la  Baltique  et  de  Guinée, 
avnit  été  oonduit  â  Cadix  comone  suspect  d'avoir  voulu  jetter  daus 
Gibraltar  sa  cargaison^  consistant  en  munitions  de  guerre. 


188  VU.  AFF.  BE  IiA  CORVETTE  :  I«E  ST.  JEAN, 

„à  Malihe,  et  de  là  à  Marseille  comme  ses  or- 
,,dres  originaux  le  constataient.^  Après  ces  in*- 
formations,  le  commandant  espagnol  exigea  qffon 
lui  donnât  encore  une  note  de  tout  le  char- 
gement ;  et  le  capitaine  Herbst  y  déclara  avoir*,  à 
bord  dix -sept  lastes  de  charbon  de  terre,  cent 
tonneaux  de  poix,  cent  tonneaux  de  résine;  deux 
mats,  des  cordages,  du  fer,  des  planches,  dix 
caisses  de  poivre ,  des  merrains,  et  trois  cent  qiUK 
rante  six  tonneaux  de  poudre.  Cette  déclaration 
ayant  été  faite,  le  commandant  espagnol  se  retira 
en  promettant  au  capitaine  Herbst,  qu'il  ne  serait 
procédé  à  rien  jusqu'à  ce  qu'il  eût  reçu  de  nouvel 
ordre  de  Madrid. 

Ce  ne  fut  que  le  lendemain  3  Mars,  que  le  consul 
danois  résidant  à  Cadix,  obtint  la  permission  de 
se  rendre  à  bord  du  St.  Jean  :  et  dès  le  4  il  en* 
voya  un  exprès  au  ministre  de  Danemark  à  Ma-* 
drid,  le  comte  de  Reventlow,  pour  lui  i*endre 
compte  de  ce  qui  venait  d*arriyer^  en  lui  tram^ 
mettant  à  la  fois  le  rapport  circonstancié  que  le 
capitaine  Herbst  avait  dressé  à  cet  effet  (*). 

Aussitôt  que  le  comte  de  Reventlow  fut  instruit 
de  cet  événement,  il  se  rendit  de  suite  che»  le 
comte  Florida-Blanca,  secrétaire  4*état  de  S.  M. 
Catholique,  pour  lui  faire  des  représentations  à  ce 


(1)  Nous  croyans  pouvoir  nous  dispenser  de  dentier  ici  ce  rapport, 
rà  que  l'exposé  des  faits  que  l'on  vient  de  lire^  reoferme  dëjà  les 
détails  dont  cet  événement  fut  accompagné. 


BNTRE  I-'JBSPAGNE  ET  liB  JDAN.J  BK  1782.   189 

mjet     Dans  la  note  que  ce  dernier  lui  adressa  en- 
core le  même  jour  (8  Mars),  et  que  le  ministre  de 
Danemark   communiqua  aux   ministres   des   puis- 
sances alliées  et  neutres  qui  se  trouvaient  alors  à 
Madrid,  le  comte  Florida-Blanca  tâchait  de  jus- 
tifier   la    conduite    du   commandant  espagnol,    et 
a'appuya  surtout  sur  ce   que  le  capitaine  Herbst, 
dont  le  bâtiment  n'était  pas  sufiBsamment  armé  pour 
être   considéré  comme  vaisseau  de   guerre,  avait 
abusé  du  pavillon  royal,  et  is'était  en  outre  rendu 
suspect,    en   s'approchant  de  trop   près  du  port 
bloqué  de  Gibraltar,     Toutefois  le  secrétaire  d'é- 
tat s'offrit  de  faire  relâcher  le  bâtiment,  si  le  ca- 
pitaine  danois  voulait  consentir  à  lui  vendre  les 
munitions  de  guerre  qu'il  avait  à  son  bord. 

Le  baron  de  Rosenkron,  ministre  des  affaires 
étrangères  de  S.  M.  Danoise,   auquel  M.   de  Re- 
ventloff  avait  fait  rapport  de  ce  qui  venait  d'ar- 
river, après  avoir  pris  les  ordres  du  roi,  chargea 
ce  dernier  de  déclarer,  au  nom  de  S.  M.,  au  mi- 
nistère espagnol,  que  la  corvette  le  St.  Jean  ainsi 
que  la  cargaison,  non- seulement  étaient  propriété 
du  roi,   mais   qu'étant  muni  du  pavillon  militaire, 
unique  caractère  indispensable  des  i^aisseaux  de 
guerre  y  S.  M,  s'attendait,  que  Tordre  de  relâcher 
la  corvette,   et  de  la  faire  considérer  à  sa  sortie 
du  port    de   Cadix    comme    vaisseau    de    guerre, 
serait  donné  immédiatement  après  cette  déclaration. 
Le  roi  d'Espagne  hésita  de  prononcer  sur  l'ad- 
mission de  ce  principe  mis  en  avant  par  la  cour 


190  Vn.  AFP,  DE  LA  CORVETTE  :  LB  ST.  JEAN, 

de  Danemark,  et  crut  devoir  consulter  les  puis- 
sances de  la  neutralité  armée^  ayant  que  de  prendre 
une  détermination  définitive  à  ce  sujet  n  chargea 
en  conséquence  son  ministre  à  la  Haye,  le  cheva- 
lier de  Liano,  et  M.  Normandez,  son  chargé  d'af- 
faire à  la  cour  de  St  Pétersbourg,  de  présenter 
une  note  à  ce  sujet,  aux  États  -  Grénéraux  et  an 
ministère  de  l'impératrice  de  Russie. 

Voici  celle  que  M.  de  Liano  remit  aux  Ëtats^ 
Généraux  (*). 

N<^-  I.  ■ 

Mémoire  de  M,  de  Liaho^  minùfre  de  S.  M.   Cathê- 
lique  à  la  Haye^  présenté  aux  Etats ^  Généraux;  le 

27  Mai  1782. 

Hauts  et  Puissans  Seigneurs, 
Des  vaisseaux  de  guerre  de  S«  M.  Catholique  ont 
conduit  le  nloîs  de  Février  dernier,  à  Cadix,  la  frégate 
danoise  nommée  le  St.  Jearij  commandée  par  le  S.  HerbsL 
Ayant  reconnu  que  c'était  un  bâtiment  marchand,  quoi- 
qu'il 7  eût  deux  officiers  de  la  marine  royale  danoise; 
qu'il  n'appartenait  point  à  S.  M.  Danoise,  quoiqu'il  eut 
abusé  de  son  pavillon^  qu'il  n'était  pas  suffisamment 
armé  pour  être  vaisseau  de  guerre,  comme  on  voulait 
le  prétendre;  qu'il  portait  des  munitions  de  guerre,  qui 
sont  des  effets  de  contrebande  selon  tous  les  traités,  et 
nommément  selon  ceux  auxquels  l'art.  2.  de  la  conven- 

(1)  La  note  remise  par  M.  de  Normandez  au  chancelier  d« 
l'empire^  comte  d'Ostermann,  fut  semblable  â  celle-ci.  On  trouTera 
sous  le  N.  lY.  la  réponse  que  M.  de  Zinowîff,  ministre  de  Russie 
à  Madrid,  eut  ordre  de  remettre  an  comte  Florida - Blanca  â  ce 
sujet. 


ENTRE  li'ESPAGNE  ET  liE  DAN.;  EN  1782.   191 

tion  de  la  ncatralité  armée  se  réfère;  çp^il  s^était  aussi 
Tcmdii  suspect,  en  s'nrrétant  dans  les  mers  voisines  de  la 
place  blocpée  de  Gibraltar  :  on  aurait  pu  prendre  les 
résoladons  les  plus  sérieuses  sur  cette  rencontre.  Ce- 
pendant le  roi,  par  pure  considération  d'amitié  envers 
S.  M.  Danoise,  ordonna  gu^on  proprosât  au  capitaine  dn 
bâtîment  danois  qu'on  lui  achèterait  pour  le  compte  de 
S.  M.  Catholique,  toutes  les  munitions  et  autres  effets 
de  guerre  qui  étaient  à  bord,  et  qu'on  lui  rendrait  sa 
liberté  ou  qu'on  mettrait  à  dépôt  la  cargaison  jusqu'à 
nouvel  ordre. 

Le  ministère  du  roi,  en  communiquant  à  la  cour 
de  Danemark  le  parti  proposé  au  S.  Herbst,  a  ajouté 
que  ai  Tachât  de  la  cargaison  ne  se  ferait  pas,  S.  M. 
Catholique  demanderait  aux  autres  souverains  et  parti- 
culièrement à  l'impératrice  de  toutes  les  Russies,  qui  a 
été  la  première  à  proposer  et  adopter  le  système  de  la 
nentralité  armée,  comment  on  devait  entendre  Tart.  2 
da  la  convention  pour  le  cas  présent,  qui  selon  toutes 
les  circonstances,  est  celui  qui  doit  être  déterminé  par 
cet  article. 

Le  comte  de  Reventlow,  envoyé  du  roi  de  Dane- 
mark à  Madrid,  a  adressé  en  réponse  k  cette  commu- 
nication, une  note  datée  du  3  de  ce  mois,  dans  laqueUe, 
après  avoir  expliqué  que  la  cargaison  du  St.  Jean  ap- 
partenait à  S.  M.  Danoise  et  que  le  vaisseau  était  à  son 
service,  il  déclare  que  ce  bâtiment  étant  muni  de  Pu^ 
nique  caractère  indispensable  des  vaisseaux  de  guerre 
êo^^ir  du  pavillon  militaire,  S.  M.  Danoise  ne  doute 
point  que  le  roi  donnera  immédiatement  ordre  de  le 
relAcher  et  de  le /aire  considérer  à  sa  sortie  de  Cadix, 
comme  vaisseau  de  guerre. 

Le  roi  Catholique  n'écoutant  que  sa  générosité  et 
ses  sentimens  d'amitié  pour  S.  M.  Danoise  n'aurait  pas 
hésité  de  faire  remettre  les  effets  trouvés  à  bord  du 
vûssean,  quoique  de  contrebande,  puisque  ce  sont  des 


192   Vn,  APF.  DE  li A  CORVETTE  :  IiB  8T.  XB AK9 

munitions  de  guerre ,  d'après  la  déclaradon  qu'ib  ap* 
partenaient  à  S.  M.  Danoise,  et  la  promesse ^  qn'ik  iw 
seraient  pas  portés  aux  ennemis  de  S.  M.;  mais  comme 
on  cherclie  à  établir  le  nouveau  principe  de  regarder 
comme  vaisseaux  de  guerre  y  tous  ceux  qui  portent pa* 
Villon  militairey  qui,  selon  l'opinion  de  la  cour  de  Dane- 
mark, est  l'unique  caractère  indispensable,  quand  même 
ce  serait  des  navires  marchands  qui  ne  seraient  pas  suf- 
fisamment armés,  comme  c'est  le  cas  du  susdit  bâtiment 
le  St.  Jean  :  le  roi  catholique  croit  ne  pas  pouvoir  ni 
devoir  prendre  une  résolution  positive  et  finale  à  ce 
sujet,  avant  que  de  connaître  la  façon  de  penser  des 
souverains  qui  sont  compris  dans  la  confédération  dei 
neutres  et  des  puissances  maritimes,  sur  le  nouveau 
principe,  qui,  par  l'abus  que  tout  vaisseau  marchand 
en  pourrait  faire,  rendrait  nulles  les  précautions  prises 
dans  tous  les  traités  relatives  à  l'exemption  des  vais- 
seaux de  guerre  de  la  visite  et  détention  des  autres. 

Le  roi  m'ordonne  en  conséquence  d'en  faire  paît 
à  LL.  HH.  PP.,  en  y  ajoutant  que  S.  M.,  suivrait  sans 
difficulté  le  nouveau  système  de  considérer  comme  bâtH 
ment  royal  de  guerre,  celui  qui  porterait  pavillon  mili- 
taire, qu'il  soit  ou  non  bâtiment  marchand,  et  qu'il  soit 
plus  ou  moins  armé,  si  les  puissances  maritimes  trouvent 
qu'il  est  juste  de  l'adopter;  le  roi  dans  ce  cas  là  se 
réserverait  seulement  le  droit  de  faire  tels  règlemens  que 
S.  M.  jugerait  convenables  pour  le  commerce  maritime 
des  autres  nations  dans  ses  états,  ports  et  mers^  «fin 
d'éviter  des  inconvéniens  et  des  abus. 

La  Haye,  le  27  Mai  1782. 

LiaSo  comte  be  sanafb. 

A  cette  même  époque  le  comte  de  Reventlow 
eut  ordre  de  sa  cour,  d'adresser  la  note  circulaire 
ci-après,  à  tous  les  ambassadeurs  et  ministres  des 


BKTRE  I-'JBSPAGNE  BT  IrB  BAK.;  SS  1782*   1^3 

pnissances  alliées  et  neutres  qui  se  trouyaient  alors 
accrédités  près  la  cour  d'Espagne. 

NO-  n. 

Extrait  de  la  note  circulaire  adre»»èe  par  le  comte  de 
Revewtlow  aux  ambastadeurg  et  ministres  des  puis^ 
sancet  alliées  de  S.  M.  Danoise,  résidant  à  Madrid; 
du  6  Mai  1782. 

(^  Après  apoir  rappelé  les  mémoires  antérieurs  j  le 
ministre  ^exprime  ainsi ^)  Sans  prétendre  prévenir 
le  jugement  que  portera  le  miuistère  de  ..•\,  sur  la 
réponse  de  la  cour  de  Madrid  aux  propositions  qui  lui 
ont  été  faites,  et  qui  sont  si  propres  à  termioer  ce  dif- 
fèrend  A  la  satisfaction  réciproque  des  deux  cours ,  le 
soussigné    ne    saurait    se    dispenser    de  soumettre  à  la 

considération  de  la  cour  de quelques  observations 

sur  le  principe  que  le  ministère  de  S.  M.  Catholique 
semblerait  voidoir  établir  dans  cette  pièce,  qui  attirera- 
peat-étre  d'autant  plus  l'examen  attentif  de  toutes  les 
puissances,  que  le  susdit  ministère  attache  ià  la  ques« 
tion  qu'il  propose,  toute  l'importance  d'un  règlement 
universel  du  droit  public  des  gens. 

Le  ministère   du  roi  d'Espagne  déclare^   y^^que   le 
^chargement  de  cette  frégaJte  est  de  contrebande,  s*il 
yf  consiste  en  munitions  de  guerre.  ^^  Cependant  le  droit 
des  gens  et  les  conventions  des  nations  ajoutent  la  clause 
nécessaire  de  la  destination  i  l'usage  des  ennemis  ouverts 
d'une  nation  beUigérante,  pour  qu'elle  puisse  de  droit 
déclarer  contrebande,  des  munitions  qui  d'ailleurs  restent 
des  effets  de  commerce  licite  entre  les  nations  neutres,* 
inalgré  la    guerre  qui  subsiste  entre  d'autres  puissances. 
S'il  suffit  ainsi  de  constater  la  propriété  neutre  et  la  des- 
tination neutre  d'un  chargement  en  munitions  de  guerre, 
transporté  par  un  b&timent  marchand  d'un  pays  neutre 
à  un  antre,  pour  en  rendre  le  commerce  pleinement 

n,  13 


J94  VIL  APP.  DE  liA  CORVETTE  :  I.K  8T.  JEAN, 

licite-;  la  propriété  avérée  â'nn  souverain,  dont  il  dé* 
clare  que  le  transport  se  fait  poiir  aon  service  immé- 
diat,  aurait -elle  moins  de  droits  et  serait-*  elle  sujette  i 
des  discussions  plus  difficiles  à  terminer? 

Il  est  de  plus  nécessaire ,  ^  de  soumettre  i  la  consi- 
dération de  là  cour  de  .....  si  le  terme  A^ ennemis  n'au- 
rait pas  besoin  d'une  limitation  et  d'une  interprétation 
explicite  et  positive;  et  si  des  guerres  de  forme,  qui, 
fondées  peut-être  dans  des  siècles  reculés,  ne  subsistent 
plus  que  dans  des  déclarations  vagues,  et  restent  ainsi 
suspendues  sans  pacification-  formelle,  par  des  raisoiu 
partiçuliéresi  de  Tadministration  interne  des  puissances, 
qui  maintiennent  ces  guerreS'  apparentes  é^inactives,  soit 
par  ce  que.  les  principes  et  la  forme  de  certaines  pei^ 
ceptions,  soit  par  ce  que  d'autres  raisons  politiques  les 
font  agir  de  cette  manière  (comme  potirrait  être  la 
guerre  perpétuelle  entre  TEspagne  et  la  Turquie)  si  une 
semblable  guerre  inactive,  peut  donner  aux  puissances 
qui  la  maintiennent,  les  mêmes  prétentions  qui  résnt* 
tent  d'une  guerre  ouverte,  et  imposer  aux  nations  neu- 
tres les  obligations  et  les  mcnagemcns  qu'elles  recon- 
naissent avoir  vis-à-vis  des  puissances  véritablement 
belligérantes  ? 

Le  ministère  du  roi  d'Espagne  insiste  principale- 
ment sui*  ce  ,yque  la  corvette  danoise  était  un  bdiiment 
marchand,  et  ne  se  trouvait  point  véritablement  armé 
en  guerre '^  y  sans  en  avoir  donné  d'autres  raisons  qae 
celles  alléguées ,  qui  se  réduisent  à  l'usage  antérieur  de 
ce  bâtiment  et  à  sa  forme  'de  construction*  Le  minis- 
tère de  S.  M.  Gatboliqne'n'a  point  cité  les  conventions 
entre  les  souverains,  qui  les  obligent  à  telle  on  telle  ma- 
nière d'équiper  leurs  vaisseauX)  pour  être  véritablement 
armés  en  guerre.  £t  comme  on  ignore .  qu^il  existe 
des  règles  semblables  entre  les  puissances  maritimes,  on 
se  contente  d'opposer  i  ces  assertions  incertaines,  la 
notion. >gén:érale  d'un,  véritable  bâtiment  marchand,  qui 


SKTHS  Ii'SSPAGN£  EtT  Ii£  BAN.;  SK  l785t.   195 

n'est  autre  9  cpé  celui  qiii  est  mis  en  mer  pour  compte 
des  négociftiis  paiticuliers  et  employé  dans  des  opéra* 
tiontf  de  lucre  des  propriétaires  et  des  fréteurs.  Un  tel 
bAtiment  pouiYait  avoir  toute  la  constitiction  d^un  vais* 
seau  de  ligne ,  avoir  fait  partie  de  là  marine  dW  état 
qoelcoB^e;  et  dans  cet  emploi  mercantile  il  n'en  serait 
pas  moins  un  bâtiment  marchand. 

En  rapprochant  de  cette  idée  non  équivoque  d*un 
véritable  bâtiment  marchand,  les  circonstances  alléguées 
dans  le  précis  des  circonstances  daté  d,u  11  Mars^  et  la 
déclaration*  qu'à  fait  faire  Se  M.  Danoise  dans  sa  note 
dn  3  de  ce  mois  (que  le  bâtiment  est  équipé  par  ses 
ordres  et  navigue  pour  les  ejtécuter),  le  contraste  dé- 
teanninera  aisément  ^  dans  quelle  classe  doit  être  l*angée 
la  corvette  en  question. 

Les  conséquences  que  le  ministère  de  S*  M.  Ca* 
diolique  suppose  pouvoir  s'ensuivre ,  s'il  reconnaissait  le 
droit  d'un  souverain ,  de  prendre  k  son  service  des  bâ-^ 
timens  de  ses  sujets  qui  lui  paraitt*aient  plus  propres  à 
Tusage  auquel  il  les  destine ,  que  ceux  de  sa  marine; 
de  lea  nntoriseï*  par  son  pavillon  militaire ,  lorsqu^il  les 
emploie  dans  son  service  effectif ,  et  les  armer  de  la  ma- 
nière qui  convient  davantage  à  ce  même  service  ;  ces  con- 
séquences sont  évidemment  nulles ,  quand  on  considère 
qa'one  frégate  de  guerre  convoyant  cent  bâtimens  mar- 
chands, les  exempte  k  beaucoup  moins  de  frais,  par  les 
droits  indispensables  de  son  pavillon  militaire,  de  la  visite 
et  des  antres  précautions  reçues  de  la  part  des  puis- 
belligérantes  vis-â-vis  des  bâtimens  marchands 

oonroi.  Si  donc  il  pouvait  jamais  y  avoii*  un  sou- 
^erlûny  qui  s'abaissât  â  couvrir  une  fraude,  ce  ne  pour- 
Itnt  pourtant  pas  être  par  des  armemens  de  la  nature 
de  celui  qu'on  discute  aujourd'hui,  qu'il  compromettrait 
directement  sa  dignité  souveraine,  puisqu'il  aurait  dé- 
claré dés*' lors,  que  la  fraude  se  faisait  par  ses  ordres 
immédiats.     À  moins   donc   d'oseï*  supposer   dans    les 

13* 


196   Vn.  AFF.  DE  liA  CORVETTE  :  LE  ST.  JEAN, 

souverains  des  vues  aussi  incompatibles  avec  leur  gloire,  r 
il  faut  convenir  que  des  arméniens  semblables  à  cehd  1' 
de  la  corvette  le  Saint-Jean,  qui  se  font  par  des  c«r-  ■" 
dres  exprès  d'un  :  souverain  pour  son  service  effectif  €t 
immédiat,  ne  sont  sujets  à  aucun  inconvénient.  Enfin, 
quant  au  cas  présent,  quelle  que  soit  même  la  question 
de  théorie,  la  déclaration  du  roi  de  Danemark,  et  les 
ordres  produits  par  l'es  officiers  de  la  corvette  élent 
tout  doute  quelconque  sur  la  nature  du  bâtiment. 
Aranjuez,  le  6  Mai  1782. 

Voici  la  résolution  que  prirent  les  Etats -Gé- 
néraux .dans  leur  séance  du  16  Août  1782,  sur  le 
mémoire  qui  leur  avait  été  présenté  par  l'envoyé 

d'Espagne.     (jToyez  JV°-  /.) 

N°-  m. 

Extrait  du  regître  des  résolution  de  LL.  JTff.  PP.  ki 
Etats-Oéneraux  des Provinces^Vnies ;  du  IG Août i78Z 

Ouï  le  rapport  de  MM.  Brantsen  et  autres  dépntéi 
de  LL.  HH.  PP.  pour  les  affaires  maritimes,  lesqnek 
en  conséquence  de  la  résolution  du  27  Mai  dernier,  ont 
examiné  un  mémoire  de  M.  le  chevalier  de  Liano,  mi- 
nistre plénipotentiaire  de  S.  M.  le  roi  d'Espagne,  rela- 
tivement à  une  frégate  danoise  nommée  le  St»  Jean, 
qui  dans  le  mois  de  Février  passé  avait  été  emmenée  i 
Cadix  par  des  vaisseaux  de  guerre  espagnols,  et  que  S. 
M.  le  roi  de  Danemark  reclamait  comme  un  vaisseau  de 
guerre  ;  ces  députés  ayant  encore  examiné,  en  consé- 
quence de  la  résolution  de  LL.  HH.  PP.  du  29  Mai, 
une  letti'e  de  M.  le  comtB  de  Rechteren,  leur  envoyé 
extraordinaire  à  la  cour  d'Espagne,  écrite  d'Aranjuez  le 
9  du  mois  précédent,  et  accompagnée  de  copies  et  pa- 
piers qui  lui  avaient  été  remis  par  M.  le  comte  de  Revent- 
low,  ministre  de  la  cour  de  Copenhague  auprès  de  celle 


:9NTH£  li'BSPAGNB  ET  I^S  BAN.;  EN  1752.    197 

d*Espagnè,  relativement  à  ladite  frégate  danoise,  comme 

ànaai  la   noté  originale  que  par  considération  pour  LL. 

HH..  FP,  ce  atiinistre  danois  lui  Uvait  en  même  temps 

fiit  parvenir  ;  de  plus  ces  députes  ayant  y  en  conséquence 

de  la  résolution  du  17  Juin,   examiné   un  mémoire  de 

M.  de  St.  Sapliorin,  envoyé  extraordinaii'e  de  S.  M.  le 

toi  de  Danemark  (^),  communiqtiant  àLL.  HH.  PP.  par 

•rdre  de  sa  oour,  cinq  péces  originales  relatives  h  ladite 

frégate  danoise;  le  tout  mentionné  plus  au  long   dans 

ces  mémoires  et  la  lettre  susmentionnée,    ainsi  quaux 

aolei  du  27  et  29  Mai  et  17  Juin  derniers;  et  ayant  sur 

le  tout  ouï  les  considérations  et  l'avis  des  commissaires 

leipteetifs  de  l'amirauté  présentemeùt  assemblés: 

Sur  quoi  ayant  été  délibéré^  il  a  été  trouvé  bon  et 

xàolu  qu'il  sera  répondu   à  M.  le  chevalier  de  Liaâo, 

«ur  son  mémoire  du  27  Mai  dernier,  que  LL.  HH.  PP. 

préféraient  pour  elles  de  ne  pas  déterminer  si,  et  j-us- 

qi^à  quel  point  Von  pourrait  h  la  vue  du. pavillon 

Hulj   distinguer  précisément  un  vaisseau  de  guerre 

iua  navire  marchand ,  mais    qu'elles  pensent  pouvoir 

dans  lei  cas  présent,  faire  intercession  et  instance  auprès 

de  S^  M.  9  pour  qu'il  hii  plaise  de  relâcher  le  vaisseau 

dmoîs  en  question,  comme  vaisseau  du  roi,    et  de  lui 

periMQre  de  coptinuer  sa  route  :  ^Yû,  qu'à,  leur  avis, 

)4t  conste  pleinement  que   ce  n'est  pas  un  navire  mar- 

^ehand  propre  à  transporter  des  marchandises  peur  le 

^eompte  de  particuliers,  mais  qu'il  est  équipé  effective- 

liment  pour  le  service  de  S.  M.  Danoise,,  et  mis  réelle- 

i,ment  sous  les  ordres   de$  officiers  du  roi,    qui  munis 

nde  commissioii  en  forme,  sont  chargés  d'exécuter  avec 

jfCe  vaisseau  les  ordres  de  Sfidite  M.   conformément  à 

,1  leurs  instructîon&^^ 

£t  sera  remis  extrait  de  la  présente  résolution  de  LL. 
HH.  pp.  par  l'agent  van  der  Bujpg  de  Spieripgshodk  i 

(l>  A  la  Haye. 


198  VII*  AFF.  BB  I<A  CORVIBTTS  :  IiS  ST.  IBAK, 


MM.  de  liiano  et  de  St.  Sapliopin*  minûtres  des  coon 
respective3  d'Espagne  et  de  Danemark,  tandia  que  pareil 
extrait  sera  envoyé  à  M.  le  comte  de  Recfateren,  envoyé 
extraordinaire  de  LL,  HH.  PP,  k  la  cour  de  Madrid,  de 
mâme  qu'à  M.  le  comte  de  Rechter^  de  Burgbminin- 
gen,  envoyé  extraordinaire  à  la  cour  de  Copenliagn^ 
pour  leur  servir  d'informations  et  pour  en  faire  Tosage 
qu'ils  jugeront  convenable;  et  sera  finalement  remis 
extrait  de  la  prés^te  résolution  à  M,  le  prince  de  Gal- 
lit^in  et  M.  de  Marcoff»  ministre  de  Russie  près  la  lé- 
pu))]ique,  pour  [leipr  servir  d'informations  et  les  pi^ 
de  voidoir  s'informer  de  l'intention  de  S.  M^  Impéinab 
relativement  à  la  différence  qui  caractérise  le  vaisseau 
de  guerre  et  le  vaisseau  mardiand,  et  cp]a  poi}p  pou- 
voir prévenir  toute  dispute,  et  établir  ensuite,  ^e  concert 
avec  les  auti*es  puissances,  un  principe  fixe  à  cet  égard. 
Et  sera  ^voyé  extrait  de  cette  même  résolution,  comme 
aussi  de  toutes  les  pièces  qui  y  ont  rapport,  à  M.  de 
Wassenaer  Starrenburg,  ambassadeur  extraordinaire  et 
plénipotentiaire  de  LL.  HH.  PP.  à  la  cour  de  Russia 

V.  KUFFELAER. 

S'accorde  avec  le  susdit  rcgttre 

FageL 

La  réponse  que  M.  de  Zinowiefi*,  ministre  de 
rimpératxioe  de  Russie  fut  ch^gé  d'adresser  en.  cette 
mépie  occasion  au  ininistèr^  dp  S.  M*  Çatl^ollque 
fut  la  suiyante. 

N«-   IV. 

Note  de  M.  de  Zinowteff,  ministre  de  Bui$ie  à  MadrU^ 
adressée  au  ministère  de  JS.  Hf.  Catholique  (^). 

S,  M.  Impériale  de  toutes  les  Russies,  convaincue 

de  l'équité  qui  règle    dans  toutes  les  occasions  les  dé-^ 

-^ 

{\)  Cette  QOte  fat  commoniquëe  a  M.  de  W^s^eoaer-Stiirreiibiurgi 


BNTBJB  Ii'jBSPAGME  £T  JLB  DAK^j  EN-  1782-    199 

ntfà^^wM  de  S.  M.  Githoliq[ae,  était  dans  Tattente  que 
ses  représentations  antérieures  du  29  Avril,  faites  en 
firearde  la.  corvette  danoise  le  St,  Jean  ne,  demeure- 
T^ent  pas  sans  effet,  et  que  cette  dernière,  ne  tarderait 
pis  .d'âtrp  relâchée  d'une  manière  satisfaisante  pour  la 
four.  .de.  Copenhague. 

Mais   la   note .  qui    vient   d'être  remise  par  M.  le 

diapgé  d'affaires  de  Normandez  au  ministère  de  Tlmpé- 

ntrice,  en  date  du  22  Juin,   ayant  donné   à  connaître 

Je  désiv  de   la  cour  de  Madrid,  de  pouvoir  recueillir, 

avant  que  de  prendre  un  parti  décisif  quelconque  sur 

l'affaire  en  question,   le  sufiragç   des  puissances  mari- 

tmes,   sur'  ce  qui  constitue  le  véritable  caractère  d'un 

raisseaii  armé  en  guerre;   et  s'il  faut  considérer  comme 

vaisseau  royal  de  guerre,  tout  bâtiment  portant  pavillon 

nifitaire,  qu'il  soit  marchand  ou  ne  le  soit  point;   qu'il 

soit  on  non  entièrement  armé  :  S.  M.  Impériale,  pour 

ne  pas  retarder  trop  sa  réponse,  en  la  concertant  au 

)^véalahle  avec  les  autres  cours,  auxquelles  toutefois  elle 

en  donnera  part,  ne  balance  point  de  confier  en  atten* 

danl  son  propi*e  sentiment  sur  cet  objet  i  S,  M.  Ga- 

dioHque,  persuadée  que  l'ayant  pujsé   dans  les  notions 

primitives  du  droit  dçs  gens,  il  se  rencontrera  proba- 

Uement   ftvec  celui   des   autres  puissances,   et  qu'aipsi 

&  Bff  Catholique  elle  même  n'aura  pas  de  peine  à  y 

sdhérér  en  plein, 

^  conséquence  le  soussigné  ministre  plénipoten- 
âaire^  est  chargé  de  dédier  par  ordre  exprès  de  sa 
Cour: 

1)  Que  l'impératrice  juge  être  conforme  aux  prin- 
^pes  da  droit  des  gens,  qu'un  bâtiment  autorisé  selon 
les  usages  de  la  cour  qu  de  la  nation  à  laquelle  il  ap- 


IMliaMadear  de  HoUande  à  6t.  PétqFshourg,  ^ fUr  lo  comte  ^OhXtx-r 
muni;!  ohaiiçelier  4e  Ve«ipire. 


200    Vn.  AFF.  DE  IiA  CORVETTE  :  liE  8T.  ÏEAN, 

partient,  à  porter  pavillon  militaire,  doit  être  enfiaagé 
dés-lors  comme  un  bâtiment  armé  en  guerre. 

2)  Que  ni  la  forme  de  ce  bâtiment  ni  aa  déstina- 
iion  antérieure,  ni  le  nombre  d'individus  qui  en  com- 
posent l'équipage,  ne  peuvent  plus  altérer  en  loi  cette 
qualité  inhérente,  pourvu  que  l'officier  commandant  soit 
de  la  marine  militaire. 

3)  Que  tel  ayant  été  le  cas  de  la  corvette  le  St.  Jean^ 
ainsi  que  la  commission  du  capitaine,  et  ce  qui  plus 
est,  la  déclaration  formelle  de  la  cour  de  Copenbagne 
l'ont  démontré,  cette  dernière  peut  aussi  appliquer  i  ce 
bâtiment,  les  mêmes  principes,  et  revendiquer  en  n 
faveur  tous  .  \es  drois  et  les  prérogatives  du  pavillon 
militaire. 

Le  soussigné  doit  ajouter,  que  la  conviction  inthne 
avec  laquelle  S.  M.  Impériale  se  sent  affectée  de  ces 
vérités,  ne  lui  laisse  aucun  doute  que  S.  M..  Catholique, 
en  les  appréciant  de  son  côté  de  plus  près,  ne  leur 
refusera  pas  la  même  évidence,  d^autant  plus,  que  les 
droits  exclusifs  du  pavillon  militaire  sont  tellement  re- 
connus et  avoués  par  les  puissances  maritimes ,  que  les 
bâtimens  marchands  mêmes,  qui  se  trouvent  être  som  sa 
protection  sont  exempts  par  là  de  toute  visite  quelconque, 
et  que  dans  la  contestation  récente  qui  s'est  élevée  au  mois 
de  Septembre  de  l'année  passée,  entre  l'Angleterre  et  la 
Suéde,  au  sujet  de  six  navires  marchands  de  celle-ci 
qu'en  dépit  du  convoi  du  vaisseau  de  guerre  nommé 
le  Wasa^  la  première  en  se  fondant  en  cela  sur  mi 
traité  de  commerce  particulier  avec  l'autre,  prétendait 
faire  visiter  dans  une  de  ses  rades,  la  cour  de  Londres 
a  fini  par  laisser  tomber  la  question  ('). 

^11  1-  _  I        -  ■ ■ r^ * 

(1)  L'indécision  de  la  question  si  importante  et  à^icate,  savoir: 
si  la  visite  des  bâtimens  marchands  naviguant  soos  convoi  d'une 
puissance  amie  y  peut  avoir  lieu^   ou  si  dans  ce  cas,  le  vaisseau  de 


XNTBE  .Ii'XSFAGNE  ET  IiE  DAN.  j  BK  1782.  201 

Au  reste  y  comme  d'un  côté  l'impératrice  est  trè«- 
ëloignée  de  trouver  à  redire  à  ce  que  la  cour  de  Ma- 
drid premie,  en  cas  d'admission  des  principes  susdits, 
lea  arrangemens  qu'elle  jugera  convenables  dans  ses 
états 9  ports  et  mers,  au  sujet  du  commerce  mai*itime 
des  autres  nations,  elle  se  promet  aussi  de  l'antre,  de 
m  sagesse  et  justice,  que  ces  arrangemens  seront  tou- 
jours tels  k  ne  point  restreindre  ni  gêner  la  liberté  de 
commerce  des  autres  nations;  puisqu'autrement  ees  der* 
nières  seraient  réduites  à  la  nécessité  d'en  prendre  k 
leur  tour  de  pareils,  vis-à-vis  du  commerce  espagnol. 

S.  M.  Impériale  se  flatte  enfin,  et  vu  les  raisons, 
qui  selon  toutes  les  circonstances  alléguées,  parlent  en 
faveur  de  la  corvette  danoise  le  St.  Jean,  que  S.  M. 
Catbolique  voudra  se  rendre  aux  instances  qu'elle  est 
dans  le  cas  d'interposer  de  rechef  dans  cette  affaire,  pour 
la  conr  de  Danemark,  son  alliée,  et  qu'en  conséquence 
celle-ci  ne  tardera  plus  d'obtenir  la  satisfaction  qu'elle 
sollicite. 

DE  ZlNOWIEFF. 

n  ne  nous  a  point  été  possible  de  poursuivre 
cette  affaire  plus  loin;  les  recherches  que  nous 
ayons  été    à  même  de  faire   à   ce  sujet  ne  nous 

gvem  on  l*armatear  doivent  s'en  rapporter  au  seul  pavillon,  on  â 
la  seule  déclaration  da  vaisseau  de  guerre  qui  sert  de  convoi,  qne 
les  bAtimens  convojës  sont  neutres  et  n'ont  point  de  contrebaude 
i  leur  bord,  donna  déjà  lien  en  1762  à  une  contestation  entre 
FAngleterre  et  les  Provinces -Unies  des  Pays-Bas,  {Foyez  Re- 
eueii  yan  Placaten,  T.  IX,  p,  207.)  Elle  occasionna  en  1779» 
la  gaerre  eiktre  ces  deux  puissances;  donna  lieu  en  1793  à  une 
rupture  entre  les  cours  de  Londres  et  de  Copenhague,  et  à  l*unîon 
eondne  entre  le  Danemark,  la  Suède,  la  Russie  et  la  Prusse,  sous 
la  dénomination  de  neutralité  armée,  ainsi  que  ces  mêmes  puissances 
en  avaient  formëe  nnc  en  1780. 


202  VU  afp.'de  jLA  corvette  :  us  st.  jtean, 

ayant  point  donné  de  résultat  satis&isant  sur  la 
manière  dont  elle  a  été  terminée.  Toutefois  il 
est  à  présumer,  d'après  les  démarches  faites  par 
le  ministère  espagnol,  que  l'on  aura  relâché  h 
corvette  danoise  ainsi  que  sa  cargaison,  sans  qu'il 
s'en  suivrait  pour  cela  que  le  roi  d'Espagne  eut 
reconnu  le  principe,  mis  en  avant  par  l'impéra- 
trice de  Russie  et  que  les  États -Générau^c  n'ado- 
ptprent  sans  doute  qu'avec  des  restiictions« 


CAUSE  HUITIEME. 

JHfférendê  sisrvenùs  en  178S  et  17849  entr^  P Au- 
triche et  la  république  des  Provinces''  Unies  des 
Pays 'Bas y  au  sujet  des  limite^  de  la  Flandre^ 
de  la  cession  de  Mastrichtj  de  Couverture  de 
l'Escaut  et  du  commerce  aux  Indes-Orientales. 


ITar  la  paix  d'Utrecht,  conclue  le  11  Novembre 
1713  (*)j  la  branche  survivante  de  la  maison  d'Au- 
triclfe  fîit  mise  en  possession  des  Pays-Bas  catho- 
liques (^).'  Toutefois  cette  acquisition  fut  grevée  de 


(1)  Far  la  paix  de  Maiùter,  da  30  Janvier  1648,  Philippe  IV  fot 
oblige  à  renoncer  poar*  les  dix  provinces  qui  lui  étaient  restées 
fidèles ,  ans  avantages  da  commerce  qne  lenr  situation-  géographique 
leor  ofiEraît.  L'art*  14  portait  :  ,,Les  rivières  de  l'Escànt,  comme 
anssi  les  canaux  de  Sas^  Swyn  et  autres  bouches  de  mer  y  aboa- 
tissaoB  seront  tenues  clauses  du  odté  desdits  Seigneurs  États.  ^ 

V.  DvifoirT  Corps  âipL  T,  Vh  P.  1.  p.  429. 
Cette  stipulation  était  nne  confirmation  de  l'antique  droit  d'étappes, 
d'après  lequel  des  batimens  étrangers,   entrant   dans  l'Escaut,    de- 
vaient rompre  leur  charge,  et  la  remettre  à  des  navires  Zeelandais, 

(2)  M.  ScHOBLL,  dans  woitL,hist,  des  traités  de  paix ^  dit,  que  ce 
fut  d'après  les  principes  dictés  par  l'intérêt  général  derEiprope  ç^ue 


204  VIII.  AFF.  D.  II.  lilBRE  NAVIG.  D.  X.^JiSCAUTy 

Charges  si  onéreuses  dictées  à  Fempereur  par  lies 
puissances  maritimes  dépositaires  des  Pays-Bas,  Ion 
du  traité  de  la  Barrière,  en  1715>  qu'elles  excitèrent 
le  plus  vif  mécontentement  chez  les  Flamands  (^). 

Le  traité  ne  fiit  pas  plutôt  connu,  que  les  étals 
de  Brabant  et  de  Flandre  représentèrent  à  Yent-. 
pereur,  par  leurs  députés,  le  préjudice  énorme  que 
son  exécution  causerait  aux  peuples  des  Pays-^Bas, 

• 

qu'il  assujettissait  en  quelque  sorte  à  lemrs  voîims 
les  Hollandais.  Us  protestèrent  encore  contre  ce 
traité,  comme  en&eignant  leurs  libertés  et  leurs 
prérogatives,  en  engageant  à  la  république  le  sub- 
side des  Pays-Bas,  comme  si  c'était  un  domaine 


la  monarchie  espagnole  fut  partagëe,  et  que  lea  Paya -Bas  foreaC 
mis  entre  lea  mains  de  rAutrîoliey  paM;eqnt  cet  arrangement  fat 
juge  convenable  au  maintien  de  r^qiulibre  politique. 

(1)  L*art.  1^  porte  ^  Les  États  -  Génëraor  remettront  4*8,  M, 
Impériale  toutes  les  provinces  et  villes  des  Pays-Bas,  et  dëpen- 
dances,  tant  celles  qui  ont  été  possëdëes  par  le  feu  roi  d'Espagne 
Charles  U,  que  celles  qui  viennent  d'être  ced^s  par  feu  S,  M.  Tré»- 
Gatholique^  pour  en  jouir  S.  M«  Impériale^  ses  successeurs  et  héri- 
tiers ,  en  pleine  et  irrévocable  ao^veraînetë  et  propriëtë  3  savoir  à 
l'égard  des  premières  provinces;^  couAme  en  a  joui  ou  dd  jouir  feu  \t 
roi  Charles  IX  coAformément  au  traité  de  Ryswik;  et  â  1/égard  det 
autres ,  aux  conditions  sous  lesquelles  ont  été  cédées  auxdits  État*- 
Généraux  par  feu  le  roi  Très-Catholique  etc.  (  Pans  Fart.  19™"  du 
traité  de  Rastadt^  de  1714,  conclu  entre  la  France. et  PAutriche, 
par  lequel  cette  première  céda  les  Pays-Bas  à  P Autriche,  il  était 
dit  :  sauf  les  commentions ,  que  Pempereur  fera  avec  les  États-Gé- 
néraux des  Provinces  -  Unies  touchant  leur  Barrière,  et  la  reddi- 
tion des  susdites  places  )u  Par  Part.  17°^  du  traité  de  la  Barrière, 
les  limites  de  la  Flandre  furent  fort  étendues  en  faveur  de  la  Ré- 
publique. 


l 


■ 

ENTRE  Ii*AUTR.  ET  JCA  HOLIi.;  EN  1784-     205 

<  on' on  revenu  fixe;  tandis  que  d'après  la  constitu- 
tion, il  dépendait  de  leur  libre  consentiment  de 
le  TÔter. 

Ces  rjBprésentatîons  engagèrent  Pempereur  à 
entamer  ared  les  États- Généraux  une  nouvelle  né- 
gociation, pour  obtenir  des  conditions  plus  favo- 
rables.' Le  marquis  de  Prié,  ministre  plénipoten- 
tiaire près  le  gouvernement  de  Pays-Bas,  fut  envoyé 
i  la  Haye,  où  il  conclut  le  22  Décembre  1718, 
arec  les  ministres  de  la  Grande-Bretagne  et  des 
Ëtats-Généraux,  une  convention,  p^  laquelle  quel- 
ques articles  de  traité  du  la  Barrière  furent  chan- 

En  exécution  de  ce  traité,  l'empereur  fut  mis  en 
1719»  ^^  possession  des  pays  rétrocédés  par  la 
France;  mais  la  cession  du  territoire  en  Flandre, 
promise  aux  États  -  Généraux ,  essuya  de  nouvelles 
difficultés,  de  manière  qu'elle  eut  lieu  sur  quelques 
points,  mais  que  sur  d'autres,  les  choses  restèrent 
«ur  le  pied  où  elles  avaient  été  avant  le  traité. 


(1)  I/art.  1^  entre  autre,  modifîant  Part.  17"*  du  traita  de  la 
Bivnère>  Hduisit  de  quatre  cinquièmes  le  territoire  de  la  Flandre 
•vtrichienne,  dout  les  Hollandais  prétendaient  avoir  besoin  pour  opërer 
les  inondations.  Par  Tart.  6"®,  les  États -Gënëraux  s'engagèrent 
â  remettre  à  l'empereur,  immédiatement  après  l'ëchauge  des  ratiiica- 
tionsy  lea  villes  et  les  pays  que  la  France  avait  rëtrocëdës  par  la 
paix  d'Utrecht,  contre  la  remise  des  terres  que  l'empereur  cédait 
par  l^art.  1"  (v.  Dumoht  corps  dipL  T,  VIIL  P.  1.  p.  551).  Une 
carte  géographique  qui  fut  jointe  au  traité^  et  â  laquelle  les  mi- 
nietres  apposèrent  leurs  signatnrts^  indiqua  les  limites  entre  les 
deux  états. 


206  Vin.  APP.  D.  II.  lilBRE  NAVIG.  D.  L'eSCAUT, 

Les  différends  qui  s'étaient  élevés  à  cette  même 
époque  entre  P Autriche  et  les  Proyinces-Umes,  ao 
sujet  de  l'établissement  d'une  compagnie  de  com- 
merce à  Ostende,  pour  les  Indes-Orientales  j  furent 
accommodés  par  le  traité  de  Vienne^*  le  16  Mars 
1731,  conclu  entre  l'Autriche  et  la  Qrande-- Bre- 
tagne, auquel  les  États  -  Généraux  accédèrent,  en 
1732  C^),  et  par  lequel  les  deux  puissances  maxt- 
times  se  chargèrent  par  l'art  2™^  de  la  garantie  de 
la  Sanction-Pragmatique  (^).  Il  fîit  encore  convenu 

(1)  L'art.  5™^  porte  :  S.  M.  Impériale  et  GathoUqae  promet^  et 
en  vertu  da  présent  article  s'oblige,  de  faire  cesser  incessamnieflt  et 
pour  toujours  tout  commerce  et  navigation  anx  Indes -Orientalei 
dans  toute  rétendue  des  Pays-Bas  autrichiens,  et  dans  toni  les 
autres  pays,  qui  du  temps  de  Charles  II,  roi  Catholique  d'Espagne, 
étaient  sous  la  domination  d*Espagne,  et  que  de  bonne  foi  die  fera 
en  sorte,  que  ni  la  compagnie  d'Ostende,  ni  aucune  autre f  soit 
dans  les  Pays-Bas  autrichens ,  soit  dans  les  pays  qui  ^  comme  Ton 
vient  de  dire,  étaient  sous  là  domination  espagnole  du  temps  de 
Charles  II  ci  '-  devant  roi  Catholique ,  puisse  jamais  contrevenir  ni 
indirectement  à  cette  règle  établie  à  perpétuité,  Y.  Mémoireê  it 
MoiTTGOM  T.VIIL  p.  326— 530.  Rouget.  Recueil  T,  FL  p.iS 
et  p.  4:4:2. 

• 

/  (2)  L'art.  2"®  porte  :  En  vertu  du  présent  article  (S..  M.  le  roi 
de  la  Grande-Bretagne  et  les  Etats -Généraux)  se  chargent  de  la 
garantie  générale  du  susdit  ordre  de  succession,  et  s'obligent  de 
le  soutenir  toutes  les  fois,  qu'il  en  sera  besoitt  contre  qui  que  ce 
soit ,  et  par  conséquent  ils  promettent  de  la  manière  la  plus  auten** 
tique  que  faire  se  peut  de  défendre,  maintenir,  et  comme  l'on  dit, 
garantir,  de  toutes  leurs  forces  et  contre  qui  que  ce  soit,  toutes 
fois  qu'il  en  sera  besoin^  cet  ordre  de  succession  que  S.  M,  Jhh 
périale  a  déclaré  et  établi  par  un  acte  solemnel  le  19  Avril  1713) 
en  forme  de  perpétuel,  indivisible  inséparable  Fidéi- commis  en  fin 
venr  des  atnés  pour  tous  les  héritiers  de  l'un  et  de  Pavtre  sexe, 
de  S.  M.     V.  RoussET  Recueil  T.  IF.  p.  38. 


XNTRB  I-'AUTR.  ET  LA  HOLIi.;  EN  1784.     207 

par  Part  5™%  que  les  parties  contractantes  nomme- 
mient  des  commissaiires,  pour  s*entendre  snr  Pexé- 
cation  entière  du  traité  de  la  Barrière  de  17159 
et  de  J|L  convention  de  1718  >  ainsi  que  sur.un  traité 
et  un  tarif  de  commerce  à  conclure  par  les  puis- 
sances maritimes,  d'après  les  principes  énoncés 
dans  l'art*  26^^  du  traité  de  la  Barrière. 

Peu  de  temps  après  ^  des  commissaires  se  ren- 
dirent à  Anyers  et  entrèrent  en  conférences;  mais 
la  mort  de  l'empereur  Charles  VI  y  mit  bientôt  fin. 

Conformément  à  leurs  engagemens  arec  l'An- 
triche^  les  Provinces-Unies  assistèrent  Marie-Thé- 
rèse dans  la  guerre  de  succession  qu'elle  eut  à  sou-^ 
tenir.'  Les  Français  s'étant  emparés  vers  la  fin 
ée  Tannée  de  la  plupart  des  places  de  la  Barrière 
atttrichienne,  Tlmpératrice-Reine  consentit,  à  la  paix 
conclue  en  1748  à  Aix-la-Chapelle,  à  ce  que  les 
garnisons  hollandaises  restassent  dans  les  places  où 
il  y  en  avait  eu  avant  la  guerre  pour  la  succession 
d'Autriche,  sans  toutefois  s'engager  au  paiement 
des  subsides  (^). 

Les  conférences  tenues  antérieurement  à  Anvers 
par  les  plénipotentiaires  de  l'Autriche,  de  l'Angle- 
terre et  des  Provinces-Unies ,  et  renouées,  en  1752, 
à  Bruxelles^  pour  arranger  les  deux  difierends  re- 


(1)  QnoiqQe  les  tttltés  de  Westphalie^  de  Nimégae,  de  Ryswicki  d'Ut- 
recht  et  de  Bade,  servissent  de  base  ao  traite  d'Aix-la-Ghapellej  le  comte 
de  Kaanits,  pl^nipotentiaite  de  l*Imp^ratride*-Reine,  s^opposa  â  ce  que 
l*on  y  fft  mention  dn  traité  de  la  Barrière  et  de  la  convention  sub* 
•Cliente  de  1718  y  ainsi  que  les  États -Gënëranz  l'avaient  demande. 


208    VIII.  ÀfF.  D.  li.  lilBRE  NAVIG.  J}.  Ii'ESCAUT, 

lati&  aux  aabsides  et  à  la  cession  d'une  partie  de 
la  Flandre  par  l'Autriche,  n'eurent  aucun  résultat 
Les  plénipotentiaires  en  furent  rappelés  en  1753* 

Après  la  paix  d^Aix -la -Chapelle,  les  troupes 
hollandaises  étant  entrées  de  nouveau  dans  les  places 
de  la  Barrière,  presque  tombées  en  ruine,  ;lés 
discussions  entre  les  deux  gouvememens  récent- 
mencèrent.  .lies  choses  toutefois  en  restèrent  li 
jusqu'à  ce  qu'au  retour  de  Pempereur  Joseph  H^ 
d'un  voyage  qu'il  avait  fait  dans  les  Pays-Bas  et 
en  HoUajide  (*),  le  gouvernement  général  de  Bru- 
xelles déclara  aux  plénipotentiaires  de  la  républi^pie^ 
que  l'empereur  ayant  résolu  de  démolir  la  plu- 
part des^  forteresses  des  Pays-Bas^  avait  ordomié 
de  prévenir  de  ses  intentions  les  États -Généraux^ 
afin  qu'ils  pussent  donner  à  leurs  garnisons  les 
ordres  nécessaires.  En  vain  les  États-Généraux  se 
reclamèrent -ils  des  traités;  le  prince  de  KAuniti 
n'opposa  à  leurs  prétentions  que  la  volonté  de  son 
maître ,  et  Tinutilité  des  places  de  barrière ,  depuis 
l'alliance  entre  la  France  et  l'Autriche  (^). 


(1)  Le  voyage,  dit  M.  Scmoell  dans  son  histoire  des  traits  de 
paix  T.  TV  p,  59  que  ce  prince,  insU'uit  et  actif  (Joseph  H)  fit  en 
1781  dans  les  Pays-Ras  et  delà  en  Hollande,  lai  fit  faire  des  obser- 
yations  qui  devinrent  la  canse  de  ses  différends  avec  les  Étata-G^ 
néraux.  L'agricoltnre  fiorissait,  il  est  vrai,  dans  la  Belgique,  et 
l'industrie  y  était  animée;  mais  Tempereur  ne  put  voir  sans  le 
pins  vif  chagrin ,  qu'un  des  plus  beaux  fleuves  du  monde ,  fdt  fermtf 
au  commerce,  et  que  la  politique  eût  dépouille  ses  sujets  des  avan- 
tages dont  la  nature  avait  voulu  les  gratifier. 

(2)  f,  L'empereur  ne  veut  plus  entendre  parler  des  barrières  ;  elles 


XNTRB  I«'AUTR.  ET  liA  HOI^Ii.;  BN  1784*    209 

Impliqués  alors  dans  une  guerre  malheureuse 
contre  l'Angleterre,  les  Hollandais  furent  obligés 
de  céder;  ils  retirèrent  leurs  troupes  (^);  mais  ils 
iéàarèr&at  le  11  Mars  1782,  qu'ils  ne  le  faisaient 
ffÊO  pour  ne  pas  troubler  la  bonne  intelligence  avec 
kcour  impériale,  et  en  se  reservant  leurs  droits 
fiindés  sur  les  traités. 

La  facilité  avec  laquelle  les  Hollandais  avaient 
cédé  à  là,  demande  de  la  cour  de  Vienne,   encou- 
njgea  bientôt  l'empereur  à  élever  de  nouvelles  pré- 
tttitioiis  plus  injustes  encore.     Les  traités  de  1715 
*  1718>  étaient,  d'après  lui,  abrogés  de  fait;  mais 
i|  réclama  l'exécution  de  celui  qui  avait  été  conclu 
le  20Septembre  1664,  entre  Philippe IV  et  les  États- 
Généraux,  relativement  aux  limites,  et  surtout  de 
cehp  dn  30  Août  1673>  qui  était  resté  sans  effet  {^). 

Ces  prétentions  donnèrent  de  nouveau  naissance 
k  nontibre  de  différends  territoriaux,  la  plupart 
peu.  sigmfians ,  mais  dont  quelques  uns  cependant 
enrent  des  suites  très -sérieuses. 


ni'entteiit  plas.*'    Telle  fut  la  seule  r^ponse^  que  ce  ministre  fit  à 
Imob  repr^entatioiis. 

(1)  Ce  f«t  an  mois  de  Janvier  1782  qae  leurs  troupes  ^Tacnèrent 
Wfiniîii  mont  toutes  les  places. 

(f)  La  cour  de  Vienne,  dit  encore  M«  Schoell,  dans  son  hist.  des 
trafics  de  paix,  regarda  les  engagemens  qu'elle  avait  contractes  par  la 
pdx  dlTtrecht,  â  l'ëgard  des  Pays-Bas  catholiques,  comme  tellement 
unraUrfs  de  fait,  que,  par  le  traite  du  13  Mai  1757,  qui,  il  est  rrai, 
le  fat  pas  ratifia,  elle  promit  d'en  c^der  une  partie  à  la  France. 

II.  14 


210   VIII.  AFF.  D.  Ti.  lilBRE  NAVia.  D.  L'iESCATJT, 

Un  soldat  de  la  garnison  hollandaise  de  Lief- 
kenshoek^  fut  enterré  le  17  Octobre,  avec  les  hoiH 
neurs  militaires,  dans  le  village  de  Doel,  sur  leqiiel 
l'Autriche  prétendait  avoir  le  droit  de  souveraineta 
Non  senlement  un  détachement  de  la  garnison  de 
Gand  fut  commandé  pour  déterrer  le  cadavre  et  le 
jeta  en  passant  dans  le  fossé  du  fort  de  liiefkeiii- 
hoekj   mais  un  autre  détachement  de  la  garnison 
de  Bruges ,  s'empara  le  4  Novembre  des  forts  hol- 
landais de  St  Donaes,  St.  Paul  et  St.  Job  et  de 
plusieurs  autres  places  et  districts ,  renfermés  dam 
les  limites  qui  avaient  été  fixées  par  la  conveidioii 
de  1664,  niais  qui  selon  les  traités  de  1715  et  1718> 
se  trouvaient  placés  en  dehors  des  frontières  de  k 
Flandre.  | 

Les  États  -  Généraux  s'étant  plaints  de  ces  vîo-  * 
lences,  l'empereur  leur  fit  répondre,  qu^il  ne  recon-  ^ 
naissait  d^ autres  limites  de  la  Flandre  que  celles  ^ 
dont  on  tétait  convenu  en  l664>  et  qu'il  envisagecà  \ 
le  règlement  de  1718^  comme  étant  sans  farce  ei  t 
sans  vigueur.  Toutefois  il  proposa  d'entrer  en  r 
conférences  avec  eux  pour  terminer  ces  différends.  '^ 
Elles  eurent  lieu  à  Bruxelles. 

Dès  l'ouverture  de  ces  conférences,  le  4  Mai 
1784  j  le  comte  de  Belgiojoso,  plénipotentiaire  de 
Pempereur,  présenta  un  mémoire  intitulé  :  Tableau 
sommaire  des  prétentions  de  Pempereur,  qu'il  ac- 
compagna de.  la  note  suivante. 


ENTRE  li'AUTR.  ET  LA  HOLIi.-  EN  1784.     211 

N»-  I. 

Nête  dm  comie  de  BefgioJoiOy  plénipotentiaire  de  Pempe^ 
reur  Joseph  XT,  remise  à  M.  Hop ,  ministre  plénipo^ 
tetOiaire  des  États -Généraua;;  du  4  Mai  1784. 

Le  plâupotendaire  de  l'empereur  entame  avec-  autant 
de  plaidr  que  de  confiance  une  négociation,  dont,  con- 
formément aux  intentions  de  S.  M.,  consignées  dans  un 
mémoire  que  le  gouvernement -général  a  remis  à  M.  le 
Laron  de  Hop,  le  IQ  Novembre  1783,  et  confirmées  en- 
core par  la  teneur  du  plein  -  pouvoir   de  S.  M.,  l'objet 
porte    sur   l'établissement    et   le   rafTermissement  d'une 
amitié  .sincère,  durable  et  inviolable  entre  l'empereur  et 
k  République,   S.  M.  étant  véritablement  animée  de  ce 
désir  y  il  sera  la  base  et  l'objet  de   la  conduite  et  des 
procédés  de  son  plénipotentiaire  dans  cette  négociation; 
et  il  ne  fait  point  de  doute ,  que  LL.  HH.  PP.  ayant, 
comme  elles  l'ont  exprimé  en  tant  d'occasions,  l'inten- 
tion   de    marquer  leur  attachement  à    S.  M.,   le  prix 
qu'elles  mettent  à  son  amitié,  à  sa  bienveillance,  et  le 
désir  sincère  de  vivre  en  bonne  intelligence  avec  elle, 
ce  ne  soit  là  aussi    la  base    des  instructions  de   leurs 
plénipotentiaires;  et  que  ces  MM.  ne  repondent  d'ail- 
lenrSy  par  leur  inclination  et  leur  concours  personnel, 
à  la  francbise  et  aux  facilites,  qu'apportera  le  plénipo- 
tentiaire de  l'empereur  dans  tout  ce   qui  pourra  con- 
oerner  un   ouvrage,    qui    sera   aussi  agréable  i   S.  M. 
^"intéressant  pour  la  RépubUque,    et    qui   établira  un 
jM>uvel  état  plein  et  de  satisfaction  réciproque,  assis  sur 
tae  confiance  inébranlable  et  mutuelle.   Dans  cette  vue  le 
plénipotentiaire  de   Tempereur  regardera  comme  con- 
iorme  aux  intentions  et  aux  sentimens    des  souverains 
respectifs,  d'abréger  autant  que  possibk,   les  formes  et 
les  détails  ;  de  dégager  la  négociation  du  ton  de  discus- 
sion;  qui  n'est  pas  convenable,  ni  fait  pour  un  ouvrage 

14* 


212   VIII.    APF.  D.  li.  lilBRE  NAVIG.  D.  I«'ES0AXJT, 

de  conciliation  entre  deux  états  ;  qui  de  bonne  foi  ont 
résolu  de  s'entendre  pour  toujours ,  et  de  conduire  k 
marche  et  la  forme  de  négociation  d'après  ce  que  didat 
le  désir  réciproque  et  les  vues  qui  y  ont  donné  liem 
Il  est  dans  la  confiance,  que  MM.  les  plénipotentiaires 
agiront  de  leur  côté,  dans  le  même  esprit  et  d'après  les 
mêmes  principes  ;  et  il  se  félicitera  avec  eux,  d  «voir  ps 
concourir  à  donner  à  cette  négociation  une  fin  heu- 
reuse, en  employant  à  cet  eflfet,  les  seules  voies  qui 
soient  faites  pour  réussir,  et  qui  conviennent  autant  m 
bien  et  à  l'intérêt  de  la  République,  qu^à  la  dignité  et 
aux  principes  de  S.  M. 

Pour  ne  pas  différer  de  donner  i  MM.  les  plénipo- 
tentiaires de  LL.  HH.  PP.  connaissance  des  droits  et 
prétentions  que  l'empereur  réclame,  son  plénipotentiaire 
a  l'honneur  de  leur  remettre  ci -joint  un  écrit,  ayant 
pour  titre  :  Tableau  sommaire,  et  qui  indique  ces 
mêmes  droite  et  prétentions.  On  se  promet  du  cété  de 
S.  M.,  que  la  réponse,  qui  y  sera  faite,  confirmerait 
confiance  où  elle  est  sui*  l'équité  et  la  justice  de  LL 
HH.  PP- 

Fait  A  Bruxelles ,  le  4  Mai  1784. 

Louis  comte  de  Barbiano  de  Belgiojoso. 

tableau  sommaire  des  pretentions  de  l*empereur; 

A.rt.  1*^.  Conformément  aux  déclarations  réitérées 
de  feu  rimpératrice-Reine  et  de  S.  M.  l'Empereur  glo- 
rieusement régnant,  les  limites  de  la  Flandre  doivent 
rester  sur  le  pied  de  la  convention  de  l'an  1664,  et  d^ 
par  le  laps  du  temps,  elles  se  fussent  déjà  perdues  oa 
qu'elles  se  perdissent  encore,  S.  M.  s'attend,  que  LL. 
HH.  PP.  nommeront  des  commissaires,  pour  rétablir, 
avec  ceux  qu'elle  désignera  à  cet  effet,  le  pied  où  elles 
doivent  être  en  vertu  de  ladite  convention^  comme  Ta- 
nique  base  que  S.  M.  reconnaît.  ^ 


ENTRB  I-'AUTR.  ET  LA  HOIiL.J  EN  1784.     213 

Ait.  2**.  s.  M.  s'attend  pareillement,  que  LL.  HH. 
P.  feront  démolir  la  partie  des  ouvrages  du  fort  de 
[efteiulioeL  qui  s*étend  plus  loin  que  l'art.  10^  de 
convention  de  1664  n'a  reconnu  la  propriété  de  la 
ftpablique;  et  qu'elles  feront  cesser  eu  même  temps 
otes  usurpations  qu'on  a  permises,  particulièrement 
r  le  district  étendu  du  Polder  den  Doel. 

Art  3*^.  S.  M.  demande  que  les  forts  de  Kruis- 
^hans  et  de  Frédéric-Henri  soient  démolis  et  évacués 
ir  le  champ  y  attendu  que  le  traité  de  1648,  est  trës- 
tûr  à  cet  égard. 

Art  4^.  S.  M.  demande  que  les  ouvrages  du  fort 
)  liUoy  qui  s'étendent  sur  le  terrain  usurpé^  là  et  ail- 
Ors  y  sor  son  territoire,  soient  mis  &  tous  égards  dans 
itat  où  ils  étaient  lorsque  la  possession  en  est  restée 
iz  Etals-Généraux  par  ledit  traité. 

Art.  6"*»  S.  M.  qui  croit  avoir,  conformément  aux 
ntëa,  la  souveraineté  absolue  et  indépendante  sur  toutes 
I  partie»  de  l'Escaut,  depuis  Anvers  jusqu'à  l'exti*é- 
!té  de  la  terre  de  Saftingen,  demande,  que  le  navire 
i  garde  placé  devant  le  fort  de  Lillo,  et  que  LL. 
B.  PP.  ont  fait  retourner  provisoirement,  soit  éloigné 
inr  jamais,  S..  M.  ne  pouvant  souffrir  dans  toute  l'é- 
adao  de  sa  souveraineté  sur  l'Escaut^  aucun  navire  ni 
[tre  antorité  ou  recherche  étrangère. 

Art.  6**.  S^^M.  demmide  que  la  République  rende 
I  villages  de  Bladel  et  Reusel,  dont  la  république  s'est 
nparée  sous  prétexte,  qu'anciennement  ils  avafent  fait 
iitie  de  la  mairie  de  Bois-le-Duc,  tandis  qu'au  con- 
lire  il  est  évident  que  le  roi  d'Espagne  les  possédait 
ttift  le  temps  du  traité  de  Munster,  et  qu'ils  ont  tou- 
mn  appartenu  au  quartier  d'Anvers. 

Art^  7**.  S.  M.  demande  que  les  Etats-Généraux, 
*e]ionçant  à  leurs  prétentions  sur  le  village  de  Postel^ 


214  VUL  AFF.  D.  li.  lilBRE  NAVIG.  D.  li'KSCAUT, 

dont  ils  sont  en  possession ,  restituent  à  l'abbaye  de  ce 
nom,  les  biens  qu'ils  possèdent  sur  ce  territoire,  et 
dont  ils  se  sont  emparés  en  contravention  à  Tart.  43^ 
du  traité  de  Munster. 

Art.  8"^.  S.  M.  demande  que  les  États-Généraux 
fassent  cesser  toute  usurpation  contre  sa  souveraineté 
évidente  9  à  l'égard  des  terres  de  Koningsbeim,  Telogne 
ou  Yoelen,  Grootlon,  Heer  et  Keer,  Hopperdngen, 
Moppertingen,  Nederen,  Paus,  Russen  ou  Rutten^  Sloy- 
sen,  Sepperen,  Falais,  Argemeau  et  Hermaal,  et  que 
du  côté  de  LL.  HH.  PP.,  l'on  s'abstienne  de  toutes 
exactions  soit  sous  le  titre  de  subside  ou  autrement,  qu*oii 
s'est  arrogé  d'extorquer  de  ces  districts,  contre  tout 
droit  et  équité,  et  au  préjudice  du  droit  et  de  la  sou- 
veraineté de  l'empereur. 

Art.  9"*.  S.  M.  demande  que  les  États-Généraux, 
remplissant  les  engagemens  qu'ils  ont  pris  par  le  traité 
du  30  Août  1673,  lui  rendent  enfin  la  ville  de  Maestrieb 
et  le  comté  de  Vroenhove  avec  toutes  ses  apparte- 
nances dans  le  pays.  d'Outre  «Meuse,  qu'ils  retiennent 
injustement  et  contre  la  teneur  du  susdit  traité. 

Art.  10™*.  S.  M.  demande  Tindemnité  et  la  resti- 
tution des  revenus,  produits,  fruits  quelconques  etc.  qae 
la  République  ou  ses  employés  ont  perçus  sous  quelque 
nom  ou  titre  que  ce  puisse  être,  de  tous  les  articles 
mentionnés  dans  ce  détail. 

Art.  11"*'.  S.  M.  demande  que  les  États-Généraux 
Tindemnisent ,  des  préjudices  immenses  qu'elle  a  souf- 
ferts par  le  produit  des  droits  d'entrée  et  de  sortie,  ai 
maintenant  durant  une  longue  suite  d'années  (sur  la  foi 
de  la  promesse  expresse  d'un  traité  de  commerce,  don-  * 
née  par  la  République,  mais  toujours  éludée  et  nulle-  ^ 
ment  remplie)  l'imposition  de  ces  droits,  sur  un  pied  dé- 
favorable et  préjudiciable  à  tous  égards.  t 


SNTAJS  L'AUTR.  et  liA  HOIil*.;  EN  1784-     215 

Art.  12^.     S.  M.    demande  que  les  Etats-Généraux 
hi  rendent  le  montant   de  tout  ce  qui  lui  appartient  à 
dtre  de  la  ville  et  du  marquisat  de  Berg-op-Zoom ,  de 
k  Tille  et  de  la  baronnie  de  Breda,   et  des  antres  par- 
ties du  Brabant'HoUandais;   qu^ils  lui  paient  leur  quote 
part  aux  arrérages    dus  sur  les  anciennes  aides  de   la 
province  de  Brabant;  et  qu^indépendamment  de  la  resd- 
tmion  entière  du  capital,   à  compter  du  moment  que 
ces  possessions  sont  entrées   sous  la  souveraineté  de  la 
Aépnblique,  les  Etats -Généraux  paieut  à  Tavenir  leur 
contingent  sur  le  pied,  dont  on  conviendra. 

Art.  13™*.  S.  M.  demande  la  restitution  ou  le  paie- 
inèiit  de  toute  l'artillerie  et  des  munitions  de  guerre» 
qui  ont  été  laissées  sous  leur  garde  et  leur  direction, 
lorsque  leurs  troupes  sont  entrées  eu  garnison  dans 
quelques  endroits  de  ce  pays.  S.  M.  demande  en  même 
temps  le  paiement  de  deux  millions  de  livres,  que  la  France 
a  dû  payer  à  la  république  en  vertu  du  traité  de  paix 
d'Âix-la-Cbapelle ,  à  titre  de  l'artillerie  et  des  muni- 
tions de  guerre  emmenées  bors  de  ces  places  durant 
la  gnerre. 

Art.  14"*;  S.  M.  demande  que  les  Etats-Généraux 
fusent  payer  aux  corporations  et  particuliers,  mention- 
nés dans  la  note  ci-jointe,  les  capitaux  qui  y  sont  énon- 
cés,  avec  leurs  intérêts. 

NOTE. 

i)  Les   états  de  Namur  ont  livré,    en  vertu  d'un 
urangement  avec  le  gouverneur  hollandais  de  Namiir, 
et  avec  le  consentement  de  LL.  HH.  PP. ,   le  12  Juillet 
1746,  du  bétail  pour  la  somme  de  fl.  8236 — ^1,  pour  l'en- 
tretien de  la  garnison  dont  jusqu'à  présent  ils  ont  vai- 
nement sollicité  le  paiement. 

2)  Le  magistrat  de  Namur  a  livré  pareillement  en 
1746,  du  bétail  pour  la  somme  de  fl.  5268 — 6»  pour  l'en- 


216.  VIIL  AFP.  D*  li.  lilBRE  NAVIG.  1).  Ii'JB8CAT7T, 

ff 

tretien  de  la  garnison,  sana  que  jusqu'ici  il  en  ait  reçu 
le  paiement. 

3)  Les  nommés  Hannoust,  Gabriel,  d'Ootrebande 
et  Manefie,  ont  livré,  par  ordre  du  gonvemeur  de 
Namur,  pour  le  service  de  la  garnison,  pendant  le  siège 
de  1746,  des  lits  avec  ce  qui  y  appartient,  faisant  en- 
semble une  somme  de  fl.  37862 — 2;  et  jusqu'à  présent 
ils  n*en  ont  pas  pu  obtenir  de  paiement,  quoique  ces 
effets  aient  été  taxés  sur  ce  pied  par  les  otages  liollandais 
restés  à  Namur  après  la  reddition  de  la  place. 

4)  Â  Toumay  l'on  doit  satisfaire  la  rége^pice,  pour 
tout  le*  montant  des  dettes  qui  y  ont  été  contractées 
de  la  part  des  Etats-Généraux,  par  le  général  de  Doidi^ 
durant  le  siège  en  1745,  faisant  une  somme  de  fi.  8224-7-1, 
et  à  dificrens  particuliers  de  ce  district  fl.  14680.  Ce  gé- 
néral a  passé  dans  la  même  année,  pour  cette  dette  une 
reconnaissance  formelle  de  la  part  de  LL.  HH.  PP.;  mais 
toutes  sollicitations  pour  en  obtenir  le  paiement  ont  été 
infructueuses  jusqu'à  présent. 

5)  Les  nommés  Martin  Robyns,  Pierre  Langord, 
Henri  Heymann  et  N.  Castro,  ont  fourni  aux  troupes  de 
la  République,  en  1709,  1710,  1712  et  1715,  des  vivres 
et  fourages  pour  la  somme  de  fl.  263362  —  lô,  argent 
de  Hollande,  sans  qu'ils  en  aient  été  payés  jusqu'ici,  quoi- 
qu'il ait  été  dépêché  par  le  conseil-d'état  plusieurs  ordon- 
nances en  leur  faveur,  notamment  en  1721  et  en  1729, 
et  malgré  leurs  sollicitations  continuelles. 

Les  États- Généraux  répondirent  à  ce  tableau 
sommaire  par  un  mémoire  où  ils  firent  voir  com- 
bien peu  son  contenu  était  fondé.  Ils  opposèrent 
aux  prétentions  de  la  cour  de  Vienne,  celles  que 
la  République  formait  à  sa  charge;  tel  que  les 
arrérages  des  subsides  promis  par  le  traité  de  b 


.     JBNTHE  li'AUTR.  ET  I-A  HOIiL.;  BN  1784.    217 

Barrière,  les  fraix  employés  à  la  fortification  de  Na- 
mur  et  autres  places,  le  remboursement  des  sommes 
oyancées  sur  la  Silésie  etc.  Alarmés  cependant  par 
la  multitude  de  prétentions  de  l'empereur,  les  États- 
Généraux  communiquèrent  le  tableau  sommaire  à 
la  cour  de  France  dès  le  mois  de  Mai ,  et  en  solli- 
citèrent les  bons  offices. 

Par  un  mémoire  que  le  duc  de  Vaugignon,  am- 
bassadeur du  roi,  à  la  Haye,  fut  chargé  de  re- 
mettre le  20  Mai  aux  États-Généraux ,  S.  M.  Très- 
Chrétienne  se  déclara  prêté  à  acquiescer  à  leur 
demande  j  et  lorsque  peu  de  temps  après,  par  l'in- 
fluence toujours  croissant  du  parti  anti  -  orangiste, 
les  ambassadeurs  de  la  République  à  Paris  eurent 
ordre  de  solliciter  le  roi,  d'entrer  avec  les  États- 
Généraux  dans  une  alliance;  le  roi,  non  seulement 
y  consentit,  mais  encore  leur  fit -il  remettre  un 
projet  d'alliance  défensive  (^). 

Après  que  le  mémoire  des  États-Généraux,  re- 
mis au  comte  de  Belgiojoso;  en  réponse  au  tableau 
sommaire^  eût  été  envoyé  par  lui  à  Vienne,  et 
que  la  réplique  du  ministère  impérial  fût  parvenue 
aux  États -Généraux,  l'on  vit  tout  d'un  coup  la 
négociation  prendre  une  tournure  toute  différente, 
par  la  déclaration  inattendue  contenue  dans  la  note 
ci-après,  que  le  comte  de  Belgiojoso  eut  ordre  de 
remettre  aux  plénipotentiaires  hollandais. 


(1)  La  coar  de  France  en  diSVîra  cependant  la  signature  '  jus- 
^t'an  moment  de  l'entière  décision  des  contestations,  qui  pouvaient 
eatndoer  la  République  dans  ane  guerre  avec  rAutricke,  son  alliée. 


218   VilL  AFF.  D.  Xi.  lilBRE  KAVIG.  D«  li'jBSCAUT, 

No-^  n. 

Note  de  la  cour  de  Vienne  y  remue  par  le  comte  de 
Belgiojoio,  aux  commùtairet  de$  Etati-GênératiX ;  & 
23  Août  1784.     (Extrait.) 

Que  du  moment  qu'on  avait  commencé  à  traiter  des 
affaires  et  des  ëvènemens  qui  avaient  donné  liéù  aux 
conférences  entamées  à  Bruxelles ,  l'empereur ,  manifes- 
tant évidemment  sea  sentimens  et  son  affection  pour  I9 
république  des  Provinces-Unies,  avait  témoigné  sans  cesse 
son  désir  de  trouver  dans  son  inclination  pbur  une  con- 
ciliation, et  dans  la  confiance,  les  moyens  d'accommoder  les 
différends,  et  d'établir  sur  une  base  inébranlable  une  amitié 
sincère  et  inviolable  avec  la  République  ;  que  c'étidtdans 
cette  disposition  et  dans  cette  confiance ,  qu'on  avait  conçu 
et  remis  à LL.  HH.  PP.,  par  un  mémoire  du  4  Mai,  le  tableau 
des  demandes  et  prétentions  que  l'empereur  avait  formées 
à  la  charge  de  la  République;  et  qu'il  serait  d'autant  plus 
superflu  de  rappeler  à  MM.  les  plémpôtentiaires  de  LL. 
HH.  PP.,  sous  quel  point  de  vue  le  plénipotentiaire  de 
Tempereur  leur  avait  représenté  sans  cesse,  tant  de  bouche 
que  par  écrit,  les  sentimens  favorables  pour  la  Répu- 
blique ,  qui  ont  animé  S.  M.  dans  cette  conjoncture,  puis- 
que par  leur  mémoire  du  27  Juillet,  ils  en  ont'  appelé 
cfux- mêmes  aux  assurances  qui  leur  avaient  été  don- 
nées au  nom  de  S.  M.; 

Que  LL.  HH.  PP.  ayant  pris  dans  leur  réponse,  le 
parti  de  contester  les  plus  essentielles  de  ces  demandes 
et  de  ces  prétentions  de  l'empereur,  l'on  avait  cru  de- 
voir développer  la  justice  et  le  fondement  des  unes  et 
des  autres,  comme  il  avait  été  fait  par  le  mémoire  re- 
mis le  18  du  courant,  à  MM.  les  plénipotentiaires;  qu'a- 
près avoir  rempli  ainsi  ce  qui  était  dû  à  la  dignité  de 
l'empereur,  son  plénipotentiaire  ne  différerait  plus  de 
commum'quer  à  LL.  HH.  PP.  le  moyen,  que  la  mode- 


BKTRJBIi'AXrTR*ETLAHOLI<,$  SN178^4*    219 

radon  et  la  générosité  de  S.  M.  lui  fournissaient  pour 
rétablir  cet  ordre  des  choses ,  qui  devait  servir  de  base 
k  une  conciliation  et  â  la  confiance;  que  dans  la  com* 
paraison  de  ce  moyen  S.  M.  avait  préféré  le  bien*étre  de 
ses  sujets  et  la  convenance  de  la  République  même  à  ses 
droits  et  a  ses  intérêts  ;  mais  qu'elle  ne  se  serait  pas 
déterminée  à  faire  des  sacrifices,  si  dans  son  desintéres* 
sèment  elle  n'avait  trouvé  Toccasion  dé  donner  des 
preuves  des  sentimens  qui  l'animent  envers  la  Répu- 
blique, et  de  son  inclination  à  vivre  avec  elle  en  bonne 
.intelligence;  que  ce  moyen  consistait  en  ce  que  LL. 
HH.  PP.  décorassent,  j^q^t^  Ict  rivière  de  t Escaut  soit 
ouverte,  et  que  la  navigation  y  soit  tout ^àr fait  et 
absolument  libre;  qu^il  soit  .libre  aux  sujets  de  Veny-^ 
pereurde  naviguer  et  de  commercer  des  ports  des  Pays^ 
Bas  vers  les  Deux-Indes  %  et  que  S,  M.  ait  le  droit  de 
régler  les  douanes,  comme  elle  le  juge  à  propos.^^ 

Que  si  cette  reconnaissance  avait  lieu,  si  les  limites 
de  la  Flandre  restaient  réglées  sur  le  pied  fixé  par  la 
convention  de  1664;  si  l'on  faisait  des  arrangemens  du- 
rables, pour  prévenir  à  l'avenir  toutes  di£ScuItés  et  tous 
empêchemens  dans  lé  cours  des  eaux  de  ce  pays,  et 
si  LL.  HH.  PP.  faisaient  évacuer  les  forts  de  Lillo  et 
de  Liefkenshoek,  ainsi  que  le  Kruis-Scbans  et  le  fort 
Frédéric -Henri,  pour  qu'ils  pussent  être  démolis,  S. 
M.  voulait  bien  renoncer  à  toutes  ses  autres  prétentions 
territoriales  exposées  dans  le  tableau;  spécialement  de 
ses  droits  et  prétentions  sur  la  ville  de  Maestricbt,  le 
comté  de  Vroenhoven  et  le  pays  d'Outre -Meuse  hol- 
landais, ainsi  que  de  ses  prétentions  en  argent,  avec 
compensation  de  celles  de  la  République;  que  pom* 
ce  qui  regardait  les  prétentions  des  régences  et  des  su- 
jets particuliers  de  S.  M.,  comme  aussi  les  petits  difie- 
rends  qu'il  pouvait  y  avoir  relativement  aux  limites  du 
Brabant,  du  pays  d'Outre -Meuse  et  de  la  Gueldre, 
ces    objets    pouvaient  se  ti*aiter  et  être   arrangés    dans 


220  VIIL  AFF.  B.  li.  lilBRE  KAYia.  D.  li'BSCAUT, 

les  conférences,    selon  l'équité  et  la  convenance  réci- 
proque; 

Que  telles  étaient  les  conditions  auxquelles  S.  M. 
s'était  déterminée,  pour  conclure  d'abord  un  accommo- 
dement général  avec  la  République;  qu'elles  conte- 
naient absolument  sa  dernière  résolution}  et  qne  d'a^ 
près  les  vues  que  LL.  HH.  PP.  avaient  dans  cette  affiâre, 
S.  M.  ne  saurait  douter  qu'elles  ne  se  hâtassent  d'ac- 
cepter ces  conditions  comme  une  marque  particuBère 
de  sa  bienveillance  et  de  son  affection  pour  laRépuMique; 
que  dans  cette  attente  l'empereur  avait  jugé  à  "propos 
de  regarder  dès  à  présent  F  Escaut  pour  entièrement  et 
absolument  ouuert  et  libre;  qu'en  conséquence  S.  K 
avait  résolu  de  rétablir  la  navigation  sur  cette  rivière: 
et  que  c'était  d'après  les  ordres  de  S.  M.,  que  le  comte 
de  Belgiojoso  déclarait  à  MM.  les  plénipotentiaires  de 
LL.  HH.  PP.,  yjque  si  l'on  donnait  du  côté  de  la  Ré- 
y,publique  la  moindre  offense  au  pav^illon  de  tempe- 
,,reury  S.  M*  le  regarderait  comme  nne  déclaration 
„  de  guerre  et  un  acte  formel  (^hostilité,  ^* 

Les  États-Généraux  ne  se  laissèrent  point  dé- 
concerter par  les  menaces  de  Pempereurj  déjà  le 
30  Août,  ils  prirent  la  résolution  ci-après,  que  leurs 
plénipotentiaires  remirent  au  comte  de  Belgiojoso, 
et  ordonnèrent  au  vice- amiral  Reynst,  de  prendre 
poste  avec  une  escadre  à,  l'embouchure  de  l'Es- 
caut, pour  empêcher  tout  passage  de  vaisseau  [im-' 
périal  ou  flamand. 

N*-  m. 

Extrait  des  regîtres  des  résolutions  des  Etati-GéfU' 
vaux;  du  30  Août  1784.    (Extrait.) 

Que  LL.  HH.  PP.,   se  reposant  sur  la  sincérité  do 
ces  assm'ances^    ne  sauraient  s'aitcndre,    que    la  vrai^ 


SNTBE  li'AUTR.  ET  liA  HOIiIi.J  BN  1784.     221 

mteiilion  de  Sadite  M.  serait  de  demander,  au  lieu  des 
prétendons  qu'elle  a  faites  ci-devant  à  la  chaîne  de  la 
République,  et  qui  en  tout  cas  ne  sauraient  nullement 
être  regardées  comme  liquides ,  la  renonciation  à  des 
.  poMessions  et  &  des  droits  qui  leur  appartiennent  incon- 
testablement,  sur  lesquels  se  fondent  la  sûreté  et  l'in- 
dépendance  de  la  République,  et  qu'elles  ne  peuvent  par 
conséquent  abandonner,  sans  se  rendre  indignes  de  Tes- 
dme  et  de  la  considération  de  S.  M.  elle-même; 

Que,  sans  entrer  dans  la  discussion  de  divers  ar- 
rangemens  proposés  par  le  susdit  mémoire,   et  sur  les- 
quels Ton  pourrait  traiter  ultérieurement  sous  le  bon-^ 
phîsir   de   S.  M.,  Ton   doit  indubitablement    regarder 
comme  tel,  F  ouverture  de  P Escaut  $  événement,  des  suites 
duquel  ne  dépend  rien  moins  que  le  salut  ou  la  perte 
de  Li  République  entière,  et  la  sûreté  de  ses  habitans;  que 
pour  cette  raison  la  paix  de  Munster  n'a  été  conclue  en 
1648^  avec  le  prince  auquel  appartenaient  alors  les  Pays- 
Bas  en  cette  qualité,  sinon  à  la  condition  expresse,  que 
la  médite  rivière  serait  tenue  fermée  du  côté  de  LL, 
HSL.  pp.;   et  que  LL.  HH.  PP.  se  promettent  ainsi  de 
la  magnanimité  et  de  l'équité  de  S.  M.  Impériale,  qu'elle 
)K>ndra  bien  ne  pas  insister  d'avantage  sur  ce  point,  dont 
ie  ce  cAté-ci  l'on  ne  s'est  jamais  départi,  ni  ne  pourra 
se  départir  jamais; 

Qu'à  l'égard  de  la  libre  navigation  des  Pays^ 
Boê  aux  Deux -'Indes,  l'on  doit  rappeler  à  S.  M. 
Impériale,  qu'en  1731,  LL.  HH.  PP.  se  sont  portées  à 
promettre  le  maintien  de  la  Sanction-Pragmatique,  par 
rapport  à  la  succession  dans  les  états  de  la  maison  d'Au- 
Iriciie,  conformément  à  un  article  séparé  aujouté  audit 
traité,  persuadées  i  cela  par  l'empereur  Charles  YI  et  par 
le  roi  de  la  Grande-Bretagne,  dans  l'attente  de  la  sup- 
pression de  }a  compagnie  des  Indes-Orientales  d'Ostende» 
et  parce  que  par  l'art  6"*  dudit  traité  il  avait  été  pro- 
^  tant  au  royaume  de  la  Grande-Bretagne  qu'à  cette 


222  VŒ.  AFF.  B.  II.  LIBRB  KATÏO.  D.  Ii^BSCAUT, 

République  y  que  désormais  ton  ferait  cesser  entière^ 
ment  et  pour  toujours  tout  commerce  et  toute  na/çiga^ 
tion,  particulièrement  des  Pays-Bas  (Uêtrichien»  vers 
les  Indes ''Orientales; 

Qu'ainsi  l'équité  la  plus  évidente  exige  que,  puisque 
la  succession  dans  les  états  de  la  maison  d'Autricîieaété 
effectiTement  maintenu^/  depuis,   entre  autres  par  cette 
■République  et  à  ses  frais,  la  condition  réciproqpue  soit  éga- 
lement remplie,  de  sorte  qu'il  faut  attribuer  uniqnenunt 
aux  égards  que  LXi.  HH.  PP.  ont  témoignés  en  tant  de 
cas,  et  qu'elles  témoigneront  volontiers  et  toujours^  autant 
qu'il  sera  seulement   possible,  pour   S.    M.  Impérial^ 
qu'elles  aient  différé  jusqu'ici  leurs  plaintes  si  fondëeg, 
que  pendant  les  négociations  actuelles  sur  tous  les  grieb 
et  sur  les  prétentions  de  la  cour  de  Bruxelles^  et  suis 
que  dans  ces  négaciations  il  eût  été  question  d'un  senl 
mot  relativement  i  cette  navigation  des  Indes-Orientales, 
il  ait  été  introduit  dans  le  port  d'Ostende,  en  violation 
de  la  lettre  si  claire  et  si  expresse  du  susdit  traité,  cinq 
vaisseaux  revenant  des  Indes-Orientales  5  et  que  même  un 
de  ces  vaisseaux,  qui  avait  été  abattu  de  ses   ancres  et 
jeté  dans  un  état  dangereux  devant  les  ports  de  la  Répu- 
blique, ait  été  aidé  ici  et  pourvu  du  nécessaire,  de  façon 
que  c'est  à  ces  secours  qu'il  a  dû  presqu'uniquement  son 
salut; 

Qu'à  ces  causes^,  LL.  HH.  PP.  espèrent  aussi  qu'on 
leur  prendra  en  bien,  qu'au  lieu  d'accepter  les  arran» 
gemens  qui  viennent  de  leur  être  [offerts,  et  qui  ont  cer- 
tainement été  présentés  à  S.  M.  Impériale  sous  un  jour 
tout  à  fait  différent,  elles  préfèrent  d'examiner  ultérieu- 
rement ce  qui  a  été  avancé  dans  le  mémoire  de  la  Répu- 
blique ,  qui  vient  d'être  remis  récemment  pour  la  justi- 
fication des  prétentions  de  Sadite  M.;  IX.  HH*  PP. 
protestant,  que,  pour  autant  que  par  cet  examen  elles 
pourraient  être  convaincues  de  l'équité  d'aucune  de  ces 
prétentions,  elles  y  condescendront  d'abord,  et  que  pour 


SKTKE  Ii'AITTR.  ET  LA  HOIiL.;  EN  1784-     223 

le  reste  elles  persisteront  dans  le  même  esprit  de  faci* 
Kcé  et  de  condescendance  qu'elles  ont  déjà  manifesté  si 
évidemment  à  cet  égard,  tandis  qu'elles  assurent  en  même 
temps,  qu'à  l'égard  de  tels  autres  points  auxquels  LL. 
HH.  PP.  croiraient  ne  pouvoir  condescendre,  elle  youdi*a 
bien  y  conformément  à  sa  façon  de  penser  magnanime  et 
équitable,  préférer  d'attendre  les  sentimens  d'autres  Puis* 
nnces  neutres,  pour  lesquelles  LL.  HH.  PP.  montreront 
atlssi  dans  l'occurence  présente,  toute  la  déférence  qui 
leur  est  due; 

Qu'au  surplus  LL.  HH.  PP.  sont  fermement  persua- 
dées >  que  la  déclaration,  faite  par  S.  M.  relativement  i 
faun^erture  et  à  la  libre  navigation  de  r Escaut  ^  doit 
rfSentendre  dès  à  présent  et  en  tout  cas  ne  s'étendre 
pat  plus  loin  qu'aux  eaux  qu'elle  soutient  appartenir  à 
sa  souveraineté,  et  nullement  aux  eaux  et  parages  con- 
nus sous  le  nom  d'Escaut-Oriental,  et  de  Hund  oud'Es- 
caat-Occidental ,  dont  la  souveraineté  appartient  indu-* 
bitablement  àLL.HH.  PP.,  et  d^autant  plus,  non-seulement 
parce  que  dans  le  tableau  qui  a  été  remis,  et  qui  est 
censé  contenir  tputes  les  prétentions  de  S.  M.  sur  cette 
République,  aussi  peu  que  dans  aucune  autre  pièce  quel- 
conque, il  n'a  été  avancé  la  moindre  prétention  sur  ces 
eaax^  mais  aussi,  parceque  les  droits  de  LL.  HH.  PP.,  par 
rapport  à  ces  eaux,  se  fondent  autant  sur  le  droit  des  gens 
que  sur  des  traités  et  des  conventions  reconnues  avec  les 
Seigneurs,  dans  les  droits  et  obligations  desquels  S.  M. 
a  notoirement  succédé  à  l'égard  des  Pays-Bas; 

Que  pour  ces  raisons  LL.  HH.  PP.  ne  sauraient  par 
conséquent  s'imaginer,  qu'aucuns  des  sujets  de  S.  M.  vou- 
draient, en  interprétant  mal  cette  déclaration,  contreve- 
nir aux  ordres  qui  ont  toujours  eu  lieu  .à  cet  égard 
dans  ce  pays,  envers  qui  que  ce  soit  sans  distinction,  et 
dont  Texécntion  ne  saurait  être  arrêtée;  que  LL.  HH. 
PP.  peuvent  encore  moins  s'attendre,  que  l'exécution  im* 
manquable  de  tels  ordres  anciens  et  usités  serait  attribuée 


224  VIII.  AFP.  D,  I-.  LIBRE  NAVIG.  D.  I«'J58CA17T. 

dans  un  pareil  cas ,  qui  arriverait  contre  tout  espoir,  i 
quelque  vue  offensive  de  la  part  de  LL.  HH.  PP.,  beau- 
coup moins  qu'elle  serait  suivie  de  l'exercice  dliosdlités, 
auxquelles  l'on  devrait  d'abord  répondre  par  le  devoir 
de  défense  propre,  tandis  que  par  ce  moyen  l'on  con^ 
perait  actuellementtoutes  voies  de  conciliation,  l'onfenit 
tort  à  la  grandeur  et  à  la  générosité  de  S.  M.  Impéiiale, 
et  l'on  ternirait  la  splendeur.de  son  règne  glorieux; 

Que  de  plus ,  il  sera  envoyé  en  même  temps  copie 
de  la  présente  résolution  de  LL.  HH.  PP.  à  M.  le  comte 
de  Wassenaer-Wassenaer,  envoyé  extraordinaire  et  plé- 
nipotentiaire de  LL.  HH.  PP.  à  la  cour  de  Vienne,  povr 
lui  servir  d'information,  ainsi  qu'aux  ambassadeurs  de 
LL.  HH.  PP.  â  la  cour  de  France,  afin  qu'ils  conliniuot 
de  soUidter  avec  toutes  les  instances  possibles,  et  d'ef- 
fectuer les  bons  offices  de  la  susdite  cour  prés  S.  M.  Im- 
périale. 

Les  États-Généraux,  par  la  voie  de  leur  am- 
bassadeur à  Paris  9  ayant  fait  communiquer  aa 
roi  de  France  les  nouvelles  propositions  de  Tem- 
pereur,  contenues  dans  la  note  du  23  Août,  ainsi 
que  leur  réponse  du  30  ;  M.  Bérenger,  chargé-d'af- 
faires  de  S.  M.  Très -Chrétienne  à  la  Haye,  eut 
ordre  de  leur  adresser  la  note  suiyante. 

N°-   IV. 

Note  de  M.    Bérenger^   chargé --d'affairei  de  Frêmee^ 
adreaée  aux  ÉtaU^Oénéraux ;  du  8  Septembre  1784. 

Le  roi  a  reçu  avec  sensibilité  la  communication 
que  les  Etats-Généraux  lui  ont  donnée  du  mémoire  r&- 
mis  à  Bruxelles  aux  plémpoténtiaires  hollandais,  le  23  du 
mois  derniei*^  et  S.  M.  juge  ne  pouvoir  mieux  répondre 


BNTa£  li'AUTR.  ET  IiA  HOIiL.;  EN  1784-     225 

i  cette   nouvelle  marque    de  confiance  de    la  part  de 

LL»  HH.  PP.,  qu'en  continuant  ses  offices  conciliatpires 

niprès  de  S,  M.  Impériale.    Mais  le  roi  ne  doit  point  dis- 

aimnler  à  IX.  HH.  PP.,  que  ses  démarches  ne  pourront 

être  efficaces,  qu'autant  qu'elles  seront  accompagnées  d'où- 

TOturea  propres    à   servir  de  base  à  un  arrangement 

d'nne  convenance  réciproque.    Ainsi  S.  M.  croit  devoir 

proposer  i  LL.  HH.  PP.  de  chercher  les  expédiens  pro* 

près   à  remplir  cet  objet;  et  si   LL.  HH.  PP.  veulent 

bien  les  lui  confier,   elle  se  fera  un  véritable  plaisir  de 

les  porter  à  la  connaissance  de  Tempereur,   et  de  faire 

usage   de  tous  les  moyens  que  les  liens  qui  l'unissent 

â  eé  monarque,   pourront  lui  fournir  pour  l'engager  à 

les  prendre  en  considération. 

Dans  l'état  actuel  des  choses,  le  roi  croirait  trahir 
son  amitié  pour  la  République  et  l'intérêt  qu'il  prend 
i  sa  tranquillité,  s'il  n'exhortait  pas  LL.  HH.  PP.  à  per- 
lister  dans  la  juste  modération  qu'elles  ont  montrée 
jos^'à  présent,  et  à  s'abstenir  de  toutes  démarches  qui 
poorrîdeàt  blesser  la  dignité  de  l'empereur,  et  ne  ser- 
viraient qu'à  éloigner  la  conciliation,  qui  fait  l'objet  des 
Toeux  de  LL.  HH.  PP.  comme  de  ceux  de  S.  M.  Im- 
périal^. 
'    X  la  Haye,  le  8  Septembre  1784. 

BÉRENGER. 


Déjà  la  veille,  le  7  Septembre,  le  comte  de 
Belgiojoao  avait  remis  la  note  ci-après  aux  pléni- 
potentiaires hollandais,  en  réponse  à  celle  qu'ils 
H  avaient  adressée  sur  le  fond  de  la  résolution 
ies  États-Généraux  du  30  Août. 


«.  15 


226  VIU.  AFF.  D.  L.  lilBRE  NAVIG.  D.  I«'£8CAUT, 

Note  du  comte  de  Belgiojoso  adressée  aux  pléui^oteih 
tiaires  hollandais;  du  7  Septembre  1784. 

Les  propositions  d*accommodement  renfermées  dins 
le  mémoire  r^mis  aux  plénipotentiaires  de  LL.  HH.  PP. 
en  date  du  23  Août,  sont  évidemment  Teffet  de  la  nuH 
dération  et  du  désintéressement  de  S.  M.  comme  ausn 
de  son  afFection  pour  la  République.  Elles  «ont  si  ma- 
nifestement,  et  à  tous  les  égards ,  favorables  k  la  RépiH 
blique  qu^on  devait  s^attendre  que  les  États -Gënéraiu 
auraient  saisi  avec  empressement  ce  moyen  proposé  par 
la  générosité  de  l'empereur ,  et  ne  se  seraient  occnpéi 
qu'à  en  témoigner  les  sentimens  naturels  et  convenaUei 
de  reconnaissance.  Mais  ils  ont  préféré  au  contraire 
de  prendre  avec  une  précipitation  sans  exemple  ^  et  qui 
ne  s'accorde  pas  avec  ce  qui  dans  toutes  leà  autres  oc- 
casions a  été  allégué  par  eux  et  par  leurs  ministres  fur 
la  forme  de  la  constitution  de  la  République,  une  réso- 
lution très-peu  mesurée  et  qui ,  alléguant  vaguement  et 
sans  probabilité  d'un  fondemeut  réel,  que  la  sûreté  et 
l'indépendance  de  la  République  dépendraient  du  14^  ar- 
ticle du  traité  du  30  Janvier  1648,  paraît  même  renfer- 
mer des  doutes  inconcevables  sur  l'étendue  de  la  dé- 
claration que  renferme  le  mémoire  du  23  Août,  concer- 
nant la  navigation  sur  TEscaut,  et  en  parle  même  comme 
d'un  objet  dont  il  n'aurait  pas  même  été  question  jus- 
qu'ici. Cet  objet  ne  saurait  être  cependant  et  n'était 
sûrement  pas  nouveau  pour  les  Etats -Généraux.  La 
Jréplique  remise  le  8  Août,  a  exposé  claii*ement  le  droit 
et  le  système  de  l'empereur  à  cet  égard,  et  ce  que  ledit 
mémoire  renferme  en  outre,  n'est  rien  que  le  résultat 
de  ce  que  le  plénipotentiaire  de  S.  M.  a  dit  et  témoigné 
aux  plénipotentiaires  de  la  République  dans  toutes  les 
conférences  et  même  lors  de  la  première  "ouverture  de 
la  négociation  actuelle. 


^  BNTHiB  I**AUTIl.  ET  IaA  hoi«i<.;  EN  1784.    227 

I 

De  Pantre  côté,  S.  M.  fort  éloignée  de  vouloir  por- 
ter atteinte  A  la  «ûreté  et  à  Tindépenâance  de  la  Repu- 
Uiq[ae,  qui  ne  saurait  dépendre  de  l'ouverture  de  l'Eflcaut, 
ertportëe  â  donner  des  preuves  convaincantes  du  contraire. 
Son  dësir  de  parvenir  à  un  accommodement  l'a  engagé  & 
iire  céder  ses  prétentions  et  ses  droits  les  plus  essentiels 
CI  mdabhables  aux  égards  pour  les  objets  qui  sont  de  la 
icriiière  importance  pour  la  République,  à  sa  sûreté,  à  son 
lidépendance  et  à  sa  dignité,  et  même  i  ce  qui  lui  est  le 
'fine  convenables  et  ce  n'est  sûrement  pas  à  une  époque 
C&  rempereur  fit  de  généreux  efforts  pour  se  borner  à 
QB  qn'eidgent  son  bonneur  et  sa  dignité,  que  S.  M.  pouvait 
attendre  une  opposition,  et  bien  moins  encore  une  allé- 
^ttian  d'équivoque  sur  la  nature  de  l'objet  d'une  décla- 
qoi  renferme  clairement  et  distinctement  une  liberté 
et  plénière  de  navigation  sur  l'Escaut  et  l'ouver- 
dana  tout  le   cours   de   cette  rivière,    et  qui  était 
tamxaaat  moins  sujette  à  des  doutes  probables  et  même 
spédcox,  que  LL.  HH.  PP.  ne  sauraient  de  bonne  foi 
ae  diasimnler,  que  ce  n'est  qu'en  faveur  d'une  navigation 
^nrisè  dans  le  sens  susdit,  que  S.  M.   pouvait  faire  des 
ncrificea  si  considérables  que  ceux   que    son   extrême 
aodération  lui  a  suggérés.    Cependant  comme  les  États- 
Générânx  ont  cru  devoir  adopter  et  avancer  une  inter- 
piétation,  que  des  égards  dûs  k  la  digm'té  de  l'empereur  et 
néme  àl'ordre  et  à  l'équité  ne  sauraient  admettre  (considé- 
Wit  d'un  cAté  l'évidence  des  droits  de  S.  M.  et  de  l'autre 
kl  contraventions  et  infractions  multipliées  et  commises 
JtBt  la  République),  le  plénipotentiaire]  de  l'empereur,  en 
fc^MSluut  dans  sa  déclaration  renfermée  dans  le  mémoire 
d|.2SAoût,  croit  devoir  repéter,  que  la  condition  rela- 
"Are  â  l'Escaut,  et  sous  laquelle  S.  M.  veut  bien  con- 
aesoendre  aux  sacrifices  et  arrangemens  susdits,  renferme 
^e  navigation  entièrement  et  totalement  libre,  et  l'ou- 
hrture  de  TEscaut  dans  tout  le  cours  de  cette  rivière. 

15* 


228   Vin.  AFF,  D.  L.  IJBRE  NAVIG.  D.  I«'SSCAUT, 

Et  vu  toutes  les  circonistniices ,  S.  M • ,  qui  sait  bien  ce 
qu^elle  doit  à  sa  di^ité  et  à  la  gloire  de  son  gouTerne- 
ment,  comme  aussi  au  bien-être  de  ses  sujets,  déit  attendit 
que  la  sagesse,  la  justice  et  le  bien-être  de  la  République^ 
en  les  pesant  bien,  l'emporteront  sur  le  caprice  de  vains 
préjugés,  auxquels  seuls  on  croît  devoir  attribuer  raHie- 
gation  de  motifs  incompatibles  avec  le  bien-être  de  la 
République  :  et  que  LL.  HH.  PP.  après  les  avoir  mienx 
balancés  et  combinés  ensemble,  prêteront  l'oreille  i  la 
persuasion  et  a  la  preuve  du  véritable  bien  de  la  £épa- 
blique  et  qu'étant  guidées  par  la  prudence  et  la  josdc^ 
elles  agiront  de  manière  à  prévenir  des  cvènemena  qd 
seraient  la  suite  d'une  opposition  dénuée  d'argumeni 
probables,  et  qui  met  au  jour  un  système  directement 
opposé  à  rassurancc  des  égards  et  des  sentîmeiis  con- 
ciliatoircs  qu'elles  ont  si  souvent  témoignés  ;  sentimena  que 
S.  M.  de  son  côté  a  manifestés  par  les  propositions  ren- 
feiTuées  dans  le  mémoire  du  23  Août,  même  avec  on 
désintéressement  qui  ne  saurait  manquer  de  lui  attirer 
Tadmiration  de  l'Europe  entière. 

Au  reste,  le  plénipotentiaire  de  Tempereur  ne  fait 
point  de  difficulté  de  déclarer,  que  cependant  on  vent  bien 
de  la  part  de  Tempereur  accorder  que,  sauf  ce.qnele 
mémoire  renferme  relativement  à  la  navigation  de  TEs- 
caut  et  aux  limites  de  Flandre,  le  reste  des  arrangemens 
y  compris,  soit  négocié  dans  les  dernières  conférences 
de  la  présente  négociation.  ^ 

Fait  à  Bruxelles,  le  7  Septembre  1784.  • 

Louis  G.  de  Barbiano  de  BEiiGiojoso. 

L'empereur   qui   espérait  peut-être    que  d'a- 
près   sa    déclaration    catégorique,    savoir   :    y^qi^'il 
était  décidé  à  regarder  dès-lors  l* Escaut  comme 
libre  f   et  envisagerait  toute  offense  faite  à  son 


93 
>9 


ÈNTBK  li'AUTR.  ET  I.A  HOLI..;  EN  1784»    229 

^papUloUj  comme  une  hostilité ^  et  une  déclaration 
,,cfe  g^^rre/^  les  Hollandais  n'oseraient  venir  jus- 
qu'à des  voies  de  fait,  donna  ordre  au  capitaine 
iMeghenii  commandant  le  brigantin  le  Louis j  des^ 
tiné  à  se  rendre  directement  avec  son  vaisseau  et 
4&  cargaison  d'Anvers  en  mer,  de  ne  point  se  sou-- 
mettre  à  aucune  recherche  quelconque  de  la  part 
des  vaisseaux  de  la  Réphulique  qic^il  pourrait  ren- 
contrer sur  la  rivière;  et  de  ne  faire  aucune  dé- 
claration aux  douanes  de  la  République^  ou  de  les 
reconnaître  en  aucune  manière. 
,  Mais  le  brigantin  impérial  ayant  tenté  le  8  Oc- 
tobre^ le  passage  près  du  fort  de  Lillo,  fut  arrêté 
&  la  hauteur  de  Saftinghen  par  un  cutter  hollan- 
dais qui,  sur  le  refiis  qu'il  fit  de  cingler  en  ar- 
rière, tira  sur  lui  et  le  força  d'amener  son  pa- 
Tillon. 

Le  journal  du  capitaine  van  Isseghem  ainsi 
que  le  rapport  du  cutter  hollandais,  donnent  les 
Bétails  suivants  sur  cette  rencontre. 


i  ' 


N«-   VI. 


humai  Ai  brigantin  le  Lours^  commande  par  te  eapi^ 
taine  Ldeven  van  Is9€ghem^  natif  ttOstende,  allant 
icms  papillim  impérial  et  royal  j  du  port  d' Anvers  à 
ht  mer. 

Le  mercredi  ©Octobre  1784,  appareillé  à  deux  heures 
et  demie  après-midi,  fait  voile  du  port  d'Anvers  vers  la 
mer  par  TËscaut  à  trois  heures,  mouillé  à  quatre  heures 
deyant  la  PhiCppe  avec  noire  ancre  commime,  le  veul 
ëtaHt  A  Test-nord-est^  Dieu  aidant. 


330  VUL  AFF.  DE  li.  I<IBR£  NAYIG.  D.  I«'B8CAUT, 

Le  jeudi  7  Octobre  1784,  à  une  heure  après-midi, 
nous  avons  commencé  à  lever  notre  ancre,  laquelle  étant 
à  pic,  par  le  grand  vent  qu'il  faisait  d'est*  nord -est, 
est  sauté  avant  que  nos  voiles  fussent  prêtes;  ce  qni 
nous  à  fait  dériver  vers  la  rive  gauche  de  l'Escaut,  de 
manière  que  nous  avons  été  obligés  de  jeter  l'ancre  de 
nouveau  pour  ne  pas  échouer.  Le  vent  continuant  da 
même  c6té,  il  a  été  jugé  impossible  de  faire  route  pir 
cette  marée  descendante.  À  six  heures  du  soir  noni 
avons  levé  l'ancre,  et  fait  voiles  pour  gagner  la  me 
droite  de  l'Escaut,  après  avoir  pris  un  ris  dans  chaque 
hunier.  À  onze  heures  du  soir  nous  avons  levé  l'ancre 
et  fait  voiles  jusque  vis-à-vis  le  fort  de  Gruys-Schaiu, 
d'où  l'on  a  crié  ^^Werda,^^  lorsque  nous  y  mouillâmes; 
â  quoi  nous  n'avons  rien  répondu.  Il  était  alors  qua 
heure  après-minuit. 

Le  vendredi  8  Octobre  1784,  à  six  heures  du  matin, 
nous  levâmes  l'ancre  et  fîmes  voiles  dehors.  Nous  pas- 
sâmes au  quart  avant  sept  heures  vis-à-vis  le  fort  IJIlo, 
d'où  l'on  n'a  rien  dit,  et  n'y  avons  rien  vu  de  remar- 
quable. Un  quart  avant  huit  heures  est  venu  un  petit 
canot,  ayant  à  bord  un  homme  habillé  de  bleu  à  pare- 
mens  rouges,  accompagné  de  six  autres  hommes,  leqnd 
nous  a  demandé,  où  était  le  capitaine;  surquoi  le  capi- 
taine, qui  était  sur  pont,  lui  a  répondu  :  C'est  moi. 
Le  Hollandais  lui  a  demandé  alors  où  il  allait  ^  surquoi 
le  capitaine  lui  répondit  :  Nous  venons  i Anvers,  et 
nous  allons  à  la  mer.  Le  Hollandais  repartit  :  f^oui 
deuez  déclarer.  Le  capitaine  lui  dit  alors,  „ qu'il  avait 
„  ordre  exprès  de  S.  M.  l'empereur  et  roi  Joseph  II  de 
„ne  s'arrêter  ni  faire  aucune  déclaration  aux  douanes 
„ou  vaisseaux  de  la  république  des  Provinces -Unies.** 
Alors  le  canot  s'éloigna  de  notre  vaisseau  et  fit  on. 
signal.  X  huit  heures  du  matin  nous  passâmes  devant 
un  brigantin  à  l'ancre,  portant  pavillon  hollandais  vis- 
à-vis  de  Saftinghen.     Il  nous  th*a  de  loin  un  coup  de 


.      XNTJGUB  li'AUTK.  ET  IiA  HOliL.;  EN  1784.     231 

amon  k  poudre,  en  bissant  un  signal  de  pavillon  blanc 
d  flamme  hollandaise.  Etant  vis-à-vis  de  lui,  il  nous 
demanda,  itoù  nous  venions  et  où  nous  allions  :  Le  capi- 
Uîne  répondit,  que  nous  venions  â!AnverSj  et  que  nous 
ûBions  à  la  mer  l'U  nous  ordonna  alors  de  mettre  en 
pnme  :  Le  capitaine  répondit  de  la  même  manière,  qu'il 
avait  r^ondu  précédemment  au  canot  ci*  dessus  men- 
tiomié  :  Lfon  nous  tira  alors  un  coup  de  canon  à  balle  en 
fair  :  Noua  suivîmes  toujom*s  notre  route  :  L'on  nous  tira 

m 

alors  deux  coups  de  suite  à  balle  à  fleur  d'eau  et  fort 
pris  de  la  proue  de  notre  navire.  Le  capitaine  en 
BHKnirant  le  décret  de  S.  M.  Impériale  et  Royale  dont 
3' était  muni,  étant  alors  à  la  portée  de  pistolet  dubri- 
gMilin  hollandais,  demanda,  ^^si  c'était  par  ordre  ex- 
jfpris  qu^on  tirait  sur  notre  vaisseau  ''  :  Mais  les  Hol- 
Imdais  n'y  firent  pas  d'autre  réponse  que  de  nous 
Itdber  trois  autres  coups  de  canon  à  balle  et  mitrailles, 
dont  notre  vaisseau  fut  endommagé  à  un  cap  de  mou- 
ton, rides  et  grand  bauban  du  grand -mât  &  tribord: 
\jeê  éclats  ont  frappé  le  capitaine  à  la  tempe  droite, 
mBM  danger.  La  marmite  qui  se  trouvait  ^ur  le  pont 
près  de  la  Cambuse  à  cuisine,  a  été  frappée  de  mitrailles 
loi  deux  endroits  :  La  grande  voile  d'état  de  hune  a 
plnsieuTS  marques  de  brûlure  de  cartouche. 

Après  cette  bordée,  le  capitaine  van  Isseghem,  voyant 
ion  vaisseau  endommagé,  fit  carguer  les  voiles,  et  dans 
le  même  moment  l'on  nous  cria  du  brigantin  hollandais, 
f^quê,  si  nous  ne  mettions  pas  en  panne,  ton  nous 
fpCoulerait  à  fond*'  :  Surquoi  nous  jetâmes  Fancre. 
Eimron  ime  demie  heure  après,  un  canot  de  la  frégate 
hollandaise,  leJPoUux,  commandée  par  le  capitaine  WoUs- 
bcrghen  (vanYolbergen),  nous  aborda  :  Trois  oflSiciers  hol- 
landais vinrent  i  notre  bord  :  Ils  demandèrent  au  capitaine 
laaeghem,  d'où  il  venait  et  où  il.  allait.  Le  capitaine 
leur  fit  la  même  réponse  que  précédemment  au  canot 
et  an  brigantin,  que  nous  avons  appris  être  k  Duu^ 


232  VUL  AFF.  D.  lé.  IiIBRE  NAVIG.  D.  I«'X8CATJT, 

phirij  commandé  par  le  capitaine  Gnpieres  (Cnpenit) 
Us  lui  demandaient 9  ^pourquoi  il  n^ayait  pas  amené  aa 
premier  coup  de  canon/^  Il  leur  répondit,  qu^il  avaii 
ordre  exprès  de  S.  M.  l'Empereur  et  Roi  de  nepaa  à^ar^ 
réter,  et  leui*  montra  le  décret  de  'S.  M.,  qiii  leur  fat 
expli(pié  en  langue  flamande.  Le  capitaine  leur  dit, 
qiiHls  pouvaient  garder  ce  décret  pour  leur  informa- 
tion :  Us  répondirent,  qu'ils  V acceptaient  comme  une 
politesse  de  notre  part,  mais  que  noua  ne  passerions 
pas  outre  j  et  que  nous  rCa\>ions  qiCa  retourner  sur 
nos  pas  :  Nous  leur  répondîmes ,  que  nous  ne  le  pour 
vions  pas.  Le  capitaine  van  Issegliem  leur  demanda, 
,y  s'ils  avaient  à  leur  chaloupe  des  gens  pour  amarrer 
„son  vaisseau  ^^  :  X  quoi  ils  répondirent  que  non{%  qae 
leur  intention  n'était  pas  de  nous  prendre,  mais  de 
nous  empêcher  à  coup  de  canon  de  passer  outre»  Nous 
avons  demandé  à  ces  trois  officiers,  „si  c'était  par  ordre 
exprès,  que  Ton  avait  tiré  sur  notre  vaisseau  ^^  :  ils  répon- 
dirent unanimement,  que  c^ était  par  ordre  exprès.  Le 
capitaine  van  Issegliem  leur  reprocha,  ,,qu*on  avait  tiré 
i.  mitraille  sur  notre  vaisseau.  ^^  L'un  des  officiers  ré- 
pondit, quHl  rCen  savait  rien  :  mais  Tun  d'entre  eux 
convint,  que  cela  se  pouvait.  Cette  réponse  a  été  en- 
tendue par  le  capitaine,  le  second  et  l'écrivain  :  ces 
trois  officiers  hollandais  se  sont  retirés,  disant  qu^ils 
allaient  faire  leur  rapport. 

Comme  l'endroit  où  nous  avions  été  forcés  de  je- 
ter l'ancre,  se  trouvait  trop  près  de  la  côte  de  Flandre, 
le  pilote  nous  fit  observer  qu'il  conviendrait,  pour  la 
sûreté  du  vaisseau,  d'ancrer  plus  au  large.  En  consé- 
quence l'on  envoya  le  second  avec  le  canot  avertir  le 
brigantin  hollandais,  que  nous  alUons  changer  de  place. 
On  lui  répondit,  „que  nous  pouvions  ancrer  où  nous 
„  voulions,  pourvu  que  nous  ne  dépassassions  pas  le  bri- 
,gantin,  ou  que  nous  ne  nous  missions  pas  âsoncôté.^ 
Le   bi*igantin  hollandais   nous    a    fait    dire    depuis,   de 


BNT&RIi'AUTH.  ETIiAHOLL.;  EN1784»     233 

se  pas  placer  notre  vaisseau  liors  de  la  portée  du  porte* 
Toiz.  Le  capitaine  van  Isseghem  ne  peut  que  se  louer 
de  ses  officîefrs  et  de  la  fermeté  de  son  équipage  durant 
le  péril  du  feu.  Le  capitaine -lieutenant  du  corps  de 
gaH9  de  Lannoy,  qui  a  été  spectateur  sur  le  pont  près 
de  la  barre,  pense  de  même,  et  a  signé  le  présent 
journal  comme  témoin. 

Fait  à  bord   du  brigantin  le  Louis,  vis-â-vis  de 
Stfungben  sur  TEscaut,  le  8  Octobre  1784. 

A.    DE   Lannoy,   capitaine  "  lieute-- 
nant  et  ingénieur* 

R.  F.  Peeters,  écrivain. 
.  L.  L  VAN  Isseghem,  capitaine. 

GoRNEUS  DrvooRTs,  second. 

Paulus  Artsens,  pilote. 

Continuation  du  journal  du  brigantin  LJS  Louis, 
capitaine  van  Isseghem,  suite  du  vendredi  8  Oc- 
tobre 1784. 

L'après-midi  nous  avons  mouillé  plus  au  large  et 
«fiynrché  le  navire  devant  nos  deux  grandes  ancres. 
Au  qnart  avant  six  heures ,  une  chaloupe  armée  de  la 
fr^jate  le  Pollux  nous  aborda  :  Le  premier- lieutenant, 
on  officier  et  leur  pilote  sont  venus  à  notre  bord  nous 
oirdoimer  de  la  part  du  capitaine  de  ladite  frégate,  de 
lever  nos  ancres  et  de  venir  nous  placer  sous  le  feu  de 
ladite  frégate  :  Le  capitaine  van  Isseghem  leur  répondît, 
'„ qu'ayant  été  forcé  par  le  brigantin  le  Dauphin,  à  jo- 
uter Tancre  dans  Tendroit  où  il  se  trouvait,  avec  me- 
„nace  d'être  coulé  à  fond  s^il  tentait  de  le  dépasser, 
,il  refusait  de  bouger.  ^^  Surquoî  le  premier-lieutenant 
déclara,  ,9 qu'il  allait  lui-même  faire  lever  nos  ancres 
„par  l'équipage  de  la  chaloupe  et  conduire  notre  vais- 
^sean  k  l'endroilt  ordonné.  ^^  En  effet  tous  les  gens  de  la 
chaloupé-  montèrent  à  notre  bord  et  commencèrent  à 
lever  lea  ancres;  mais  par  leur  mauvaise  manoeuvre  ils 


234   VIII.  AFF.  D.  II.  IiJBRE  NA  VI&.  D.  I«^£9CAUT, 

mirent  notre  vaisseau  sur  un  banc  de  sable  à  la  côte  de 
Flandre  à  Saftinghcn,  où  il  demeura  toute  la  nuit  en  grand 
danger  d'être  rompu  :  les  officiers  hollandais  et  leur 
équipage,  consistant  en  dix  hommes,  sont  restés  consuon* 
ment  à  notre  bord  et  y  sont  encore  aujourd'hui  samedi 
9  Octobre  1784,  à  onze  heures  du  matin ,  notre  yaisseao 
n'étant  pas  encore  dégagé.  La  marée  ayant  monte,  notre 
vaisseau  fut  mis  à  flot;  et  les  Hollandais  Tont  affourché 
;)  peu  près  dans  le  même  endroit  où  nous  avions  été 
forcés  par  le  brigantin  à  jeter  Tancre.  Pendant  raprèa- 
midi  des  Hollandais  ont  changé  et  renouvelle  le  nombre 
qu'ils  avaient  à  notre  bord. 

Vers  les  six  heures  du  soir  arriva  un  exprès,  por- 
teur des  ordres  du  gouvernement- général  des  Pays- 
Bas,  en  conséquence  desquels  le  capitaine  van  Isseghem 
s'adressa  au  premier- lieutenant  de  la  frégate  le  PoUuSj 
qui  était  sur  notre  bord,  en  lui  demandant,  „s'il  per- 
„sistait  à  empêcher  que  notre  vaisseau  ne  At  voile  verj 
„la  mer.*^  Ce  lieutenant  répondit,  que  sea  ordres  rié' 
taient  pas  changés,  et  quHl  fallaip  s"* adresser  cui  capi- 
taine de  la  frégate  le  Pollux.  Là -dessus  le  capitaine 
vnn  Isseghem  est  allé  à  bord  de  la  susdite  frégate  et  a 
demandé,  par  ordre  de  S.  M.  l'Empereur  et  Roi,  au 
capitaine  de  ladite  frégate,  „s'il  voulait  laisser  passer 
„vers  la  mer  notre  vaisseau  arrêté.  ^^  Ce  capitaine  loi 
demanda,  s'*  il  avait  fait  sa  déclaration  à  lÂlloI  Sur- 
quoi  le  capitaine  van  Isseghem  lui  répondit,  „ qu'il  avait 
„ ordre  exprès  de  ne  reconnaître  aucune  douane  de. la 
„ République  ni  &ç,s  vaisseaux."  Le  capitaine  de  la  fré- 
gate déclara  alors,  „ qu'il  ne  pouvait  pas  laisser  passer 
„  noire  vaisseau,  et  qu'il  ferait  rapport  de  cette  demande 
„à  s^s  maîtres."  Nous  nous  préparâmes  alors  à  quitter 
le  vaisseau  pour  nous  rendre  à  Bruxelles,  selon  les  or- 
dres reçus  I  Le  capitaine  van  Isseghem  chargea  son  second 
et  l'écrivain,  qu'il  a  laisse  à  bord  avec  tout  l'équipage, 
de  se  couformer  aux  instructions  reçues  le  même  jour. 


BNTHS  It'AUTR.  ET  LA  HOliL.  ;  EN  1784.    235 

An  moment  de  notre  départ  le  premier -lieutenant  de 
k  frégate  le  PoUux  demanda  au  capitaine  van  laseghem, 
k  nom  de  son  vaisseau,  celui  du  propriétaire ,  la  gran- 
deur da  vaisseau,  le  nombre  de  Téquipage,  Tendroit 
tùk  û  venait  et  où  il  allait.  Le  lieutenant  inséra  le 
ttmt  dans  les  rubriques  d'une  tablette  imprimée,  ainsi 
que  le  nom  d'Augustin  de  Lannoy,  comme  passager. 
Lorsque  nous  abandonnâmes  le  vaisseau,  il  s*y  trouvait 
i  bord  le  lientenimt  de  la  frégate  le  PoUuXy  et  un  autre 
oiEcier  hollandais  avec  vingt-quatre  bommes  destinés  k 
y  passer  la  nuit,  lesquels  étaient  venus  sur  trois  cba- 
knpes  armées.  La  partie  du  présent  journal  qui  est 
postérieure  A  onze  heures  du  matin  du  samedi  9  Octobre 
1784,  n'est  pas  inséré  au  livre  de  log  du  brigantin  le 
Louiëf  ayant  été  rédigée  k  notre  arrivée  à  Bruxelles,  le 
matin  du  dimanche  10  Octobre  1784,  ayant  été  pressés 
pir  la  marée  de  nous  mettre  en  route. 

L.  L  TAN  IssEGHEM,  Capitaine. 

A.  DE  Lannoy,  capitaine  -  lieute-' 
nant  et  ingénieur. 

Relation  du  CVTTER  hollandais. 

Le  sous -signé  lieutenant  certifie  sous  le  serment 
qu'il  a  prêté  à  l'état  :  Que  le  cutter  de  l'état  le  Dau- 
phin j  qu'il  commande,  étant  à  l'ancre  devant  Stock- Agtc 
le  8  Octobre  1784  au  matin,  il  a  vu,  au  moyen  de  lu- 
nettes d'approche  de  ce  cutter  ^  venir  du  Haut -Escaut 
nn  bricg  sous  pavillon  impérial;  que  sur  cela  il  a  en- 
voyé d'abord  dans  une  chaloupe  un  oflSicier  vers  ce 
bricgy  lequel  officier  (le  lieutenant  van  Dorn)  l'ayant  hélé, 
il  lui  fut  répondu,  „ que  c'était  un  navire,  qui  par  ordre 
„de  S.  M.  Impériale  devait  se  rendre  k  la  mer,  en  re- 
„  fusant  d'aborder/^  Ledit  bricg  s'étant  avancé  ensuite 
dans  la  même  matinée  k  la  portée  du  canon  du  cutter 
de  l'état  y  le  sous -signé  fit  tirer  un  coup  de  canon  sans 
boulet 9  en  le  faisant  héler  de  nouveau,  et  lui  demander 


236   VIII.  AFP.  D.  li.  LIBRE  NA^G.  D.  L'£SGAUT, 

s'il  devait,  se  rendre  à  la  mer?  Il  lui  fîit  répondu  affir- 
mativement en  lui  montrant  un  papier  ;  Surquoi  on 
requit  encore  le  bricg  de  s'arrêter ,  en  lui  donnant  i 
connaître  99  que  les  ordres  portaient  de  ne  pas  le  laisser 
9,  passer^^;  ce  qui  ayant  été  répété  quatre  à  cinq  fois  de  snite 
avec  menace,  99^6  s'il  persistait  k  refuser  d'aborder,  on 
,, ferait  feu  sur  lui,^^  ledit  bricg  continuant  dans  sonrefîu 
en  répétant  qu'il  devait  se  rendre  à  la  nuer^  on  lui 
lâcha  un  coup  de  canon  â  boulet,  en  réitérant  de  nou- 
veau Tordre  i^ amener  y  ou  qtûon  Vy  obligerait  %  ce  qoi 
ayant  encore  été  refusé,  le  sous -signé  lui  a  fait  lâcher 
sa  bordée;  surquoi  le  bricg  jeta  Tancre. 

À  bord  du  cutter  de  l'état  susmentionné,  étant  i  l'ancre 
devant  Stock -Agté,  le  8  Octobre  1784. 

GUFERUS. 

Dès  que  les  États  -  Généraux  furent  instruits 
de  cet  événement,  ils  prirent  encore  le  même 
jour  à  onze  heures  du  soir,  la  resolution  suivante. 

N*»-  vn. 

Extrait  du  rêgître  des  résolutiom  de  LL,  HH.  PP. 
les  États '  Généraux  des  Provinces»  Unies;  du  9  Oc- 
tobre 1785.    (Extrait.) 

Il  a  été  trouvé  bon  et  arrêté,  „ qu'il  sera  envoyé 
au  capitaine  de  Volbergen  des  instructions,  pour  qu'il 
ait  à  relâcher  sur  le  champ  pour  cette  fois-ci,  le  patron 
et  le  brigantin,  qui  avait  passé  outre  venant  d'Anvers, 
quoique  le  bâtiment  fût  sujet  à  une  procédure  devant  le 
collège  de  Tamirauté  en  Zeelande,  comme  ayant  dépasse 
la  garde  à  Lillo  sans  y  avoir  pris  un  passeport,  et  de 
retirer  de  dessus  son  bord  la  garde  au  cas  qu'il  y  en 
eut  été  placé  une,  à  condition  que  le  patron . retourne 
d'abord  ou  qu'autrement  il  s'engage  par  écrit,  &  ne  point 


ISNTRE  li^AITiR.  ET  liA  HOLIi.  ;  ,ïîïf  1784,    237 

continuer  sa  route  par  TEscaut  :  Qu'il  sera  aussi  envoyé 
eDpie'de  ce»  instructions  au  vice-amiral  Reynst,  pour  lui 
lervir  d^infoinnation.^^ 

„  Qu'en  outre  MM.  les  ministres-plénipotentiaires  de 
liL.  HH;  PP.  à  Bruxelles  9  seront  chargés  de  se  plaindre 
anssî-tât  que  possible ,  en  termes  mesurés ,  mais  aussi 
lérieiÎBement  qu'il  convient  à  la  nature  de  la  cbose,  près 
de  M.  le  comté  de  Belgiojoso ,  qu'hier,  8  du  courant,  de 
bon  matin ,  il  est  venu  d'Anvers  un  brigantin  sous  pa- 
villon impérial ,  qui  avait  passé  non-seulement  le  bureau 
déLillo^  la  dernière  garde  du  côté  de  la  République,  sans 
prendre  de  passeport,  en  violation  direete  de&  ordres  de 
Jili.  HH.  pp.  qui  s'observent  pour  la  perception  des  re- 
venos  maritimes  :  mais  qu'ensuite  il  a  voulu  passer  de  la 
m£me  manière  un  des  bâtimens  de  garde  de  l'état  postés 
devant  Saftinghen,  sans  que  le  patron  ait  voulu  jeter  l'an- 
cre ^  stir  l'ordre  exprès  qui  lui  en  fut  porté  par  im  lieu- 
tenant au  service  de  l'état^  sans  qu'il  ait  même  voulu 
virer  de  bord,  ni  sur  ce  que  le  lieutenant  Cuperus,  com- 
mandant ledit,  bâtiment,  lui  cria  itérativement  en  per- 
sonne, ni  même  sur  un  coup  à  poudre,  ni  sur  un  coup 
1  bonlet  qi.ii  s'ensuivit,  jusqu'à  ce  qu'enfin  on  fut  obligé 
de  lui  Mcher  la  bordée  entière.  ^^ 

•  -  5»  Qu'un  acte  si  ouvert  de  mépris  pour  les  ordres  de 
l'état  et  de  désobéissance  aux  injonctions  réitérées  d'un 
officier  de  la  République  sur  le  territoire  incontestable  de 
SiL.  HH.  PP. ,  nc^  fournirait  pas  sans  doute  un  objet  de 
^ainte,  mais  devrait  être  corrigé  immédiatement  par  LL. 
HH. 'PP.  mêmes,  au  cas  qu'elles  n'eussent  pas  remarqué 
oaeM.Iecomte  de  Belgiojoso  avait  déclaré  le  5  du  courant, 
nlkz  ministres -plénipotentiaires  de  LL.  HH.  PP.,  „qu'im 
yytel  bâtiment  descendrait  l'Escaut  en  vertu  d'un  ordi*c 
y, exprès  de  S.  M.  Impériale"  : 

99 Que  LL.  HH.  PP.  s'assuraient,  qu'en  tout  cas  cet 
ordre  de  S.  M.  Impériale  aurait  été  donné  avant  qu'elle 
eât  été  ou  pu  être  convenablement  informée  de    l'im- 


238   Vm.  AFP.  D.  li.  lilBRE  KAVJG.  D.  L'JBSCAUT, 

l'impoitance  qu'on  attachait  en  ce  pays  à  rouverture  de 
TEscaut,  et  avant  que  UL  HH.  PP. ,  par  leurs  réaoludoiu 
des  30  Août  et  24  Septembre  derniers,  eussent  exposé  à 
S.  M.  Impériale  et  &  M.  le  comte  de  Belgiojoso,  que  les 
ordres  qui  avaient  constamment  subsisté  en  ce  pays  de- 
puis la  paix  de  Munster,  pour  tenir  l'Escaut  fermé,  ne 
pouvaient  nullement  être  révoqués  ni  mis  hors  d'effet, 
puisque  LL.  HH.  PP.  croiraient  faire  tort  à  la  magnani* 
mité  naturelle  de  S.  M.  Impériale,  si    elles  supposaient 
que  S.  M.  voulût  former  à  la  charge  de  la  République  des 
j)rétentions   qui  ne  seraient   pas   conformes  à  l'équité; 
que  pour  cette  raison  elles  ne  pouvaient  attendre  de  sa 
part  une  telle  demande  de  la  libre  navigation  de  l'Escaut^ 
attendu  que  par  le  traité  de  Munster,  le  droit  de  tenir 
cette  rivière  fermée  du  côté  de  LL.  HH.  PP.,  avait  été 
reconnu  en  même  temps  que  Tindépendance  de  la  Ré- 
publique; que  ni  le  roi  Philippe  IV,  avec  qui  ce  traité  a 
été  conclu,  ni  ses  successeurs,  n'ont  jamais  réclamé  contre 
cette  stipulation;  que  le  roi  Charles  U,  en  particulier,  n*a 
jamais  possédé  les  Pays-Bas  sur  un  autre  pied  :  que  par 
la   grande  alliance  de  1701,    il  n*a  pas  été  fait  d'autre 
règlement  à  cet  égard;  que  les  susdites  provinces  ont  été 
remises  sur  le  même  pied ,  en  vertu  du  traité  de  la  Bar- 
rière par  LL.  HH.  PP.  à  l'empereur  Charles  VI,  et  pos- 
sédées (tant  par  lui  que  par  ses  augustes  successeurs  jus- 
qu'à ce  jour;  que  même  aux  conférences  d'Anvers  et  de 
Bruxelles ,  où  l'on  a  traité  tout  ce  qui  était  litigieux  par 
rapport  aux  Pays-Bas  autrichiens,  l'on  n'a  pas  porté  la 
moindre  plainte  sur  ce  que  l'on  tenait  l'Escaut  fermé,  et  que 
même  il  n'en  est  pas  dit  un  seul  mot  dans  le  tableau  remis 
le  4  Mai  de  cette  année,  et  qui  contient  toutes  les  préten- 
tions de  S.  M.  Impériale  à  la  charge  de  la  République." 
„ Qu'ainsi  LL.  HH.  PP.  doivent  penser,  que  S.  M. 
Impériale  a  considéré  connue  un  objet  de  peu  d'impor- 
tance pour  la  République,  si  l'Escaut  était  ouvert  ou 
fermé,   et   que  pour  cette   raison  elle  propose  Touvcr- 


SNTRB  Ii'AUTB.  ET  liA  HOLX.«;  JSiH  1784*     239 

ture^  comme  un  moyen  (t arrangement,  qui  manifestait 
M  modération  et  son  affection  pour  la  République  (ainsi 
^*elle  à  bien  touIu  s^exprimer),  par  lequel  moyen  Ton 
pourrait  terminer  d'autres  prétentions  à  la  charge  de 
cet  état  hien  plue  importantes  à  ce  qu'elle  croyait  : 
Qne  LL.  HH.  PP.  supposaient  de  même,  que  c'était 
uniquement  à  la  ferme  persuasion  où  S.  M.  paraissait 
aTcnr  été^  que  LL.  HH.  PP.  n'hésiteraient  point  â  em-* 
fcraaaer  cet  arrangement  comme  une  preuve  convaincante 
de  «a  bienveillance ,  qu'on  devait  attribuer  l'ordre  qu^elIe 
avak  donné  audit  bâtiment ,  pour  la  navigation  de  cette 
mière;  mais  que  LL.  HH.  rPP.,  obligées  par  devoir  de 
jager  des  intérêts  de  la  République  suii^ant  leurs  lu-' 
ÊÊÎèrêë  et  celles  de  leurs  ancêtres,  devaient  considérer 
em  point  9  comme  de  l'importance  la  plus  extrême  pour 
ellea  et  pour  leurs  citoyens,  et  comme  intimement  lié 
arec  l'existence  et  la  sûreté  de  cet  état;  de  sorte  qu'il 
ne  leur  était  pas  permis  de  s'en  désister  :  Qu^aussi  LL. 
HH.PP.  s^étaient  déjà  exprimées  de  cette  façon  par  leur 
césolution  du  24  Septembre,  mais  qu'elles  avaient  appris 
aTec  regret,  que  par  accident,  le  contenu  de  cette  réso- 
lution n'avait  été  communiqué  que  le  5  Octobre  à  lui 
M.  le  comte  de  Belgiojoso;  retard,  qui  peut-être  avait 
été  Qiuse,  qu'il  n'avait  pu  êti*e  sursis  à  l'exécution  de 
l*ordre  pour  le  départ  de  ce  bâtiment  ^^: 

yyQue  LL.  HH.  PP.  s'assuraient  néanmoins,  que 
eiGnnme  elles  avaient  donné  de  toutes  manières  les  preuves 
les  plus  convaincantes  de  leurs  égards  pour  S.  M.  Im- 
périale, entre  autres  par  l'évacuation  de  Namur  et  de 
Umtea  l^s  autres  places  de  la  Barrière,  quoique  ce  fût, 
pour,  ainsi  dire,  uniquement  dans  la  vue  de  se  procurer 
cette  barrière  à  Tavantage  de  leur  République,  qu'elles 
accédèrent  à  la  grande  alliance  de  1701,  et  qu'elles  firent 
mie  gnen*e  si  coûteuse  et  si  ruineuse  pour  elles,  et  en 
retiraiDt  provîsionnellement  le  vaisseau  de  garde  de  de- 
vant UUo,  quoique  ce  bâtiment  y  eût  été  placé  de  très- 


240    VHL  APP.  D.  L.  LIBRE  NAVIG.  D.  Ii'SSCA^ 

bon  droit,  et  sans  la  moindre  contestation ,  depuii  la  i 
paix  de  Mmister  jusqu'en  cette  année;  le  même  espiît 
s'était  aussi  manifesté  par  la  réponse  au  tableau  det 
prétentions  de  S.  M.  Impériale,  ainsi  qu'il  coastenit 
encore  ultérieurement  par  ce  qui  serait  remis  dans  pea  i 
lui  M.  le  comte  de  Belgiojoso,  pour  réfuter  ce  qui  avait  èà 
avancé  par  son  mémoire  de  réplique,  remis  le  23  Août,  aux 
ministres  de  la  République  :  Que  la  même  façon  de  pen- 
ser s'était  encore  manifestée  avec  la  plus  grande  évidence 
dans  ce  qu'elles  avaient  déclaré  par  leur  résolulion  da 
30  Août  dernier,  portant  en  substance  :  ^^qu'i  l'égard 
,,de  toutes  les  prétentions  de  S;  M.  Impériale,  exposéei 
99 dans  ce  io&i^au,  elles  voulaient  se  prêter  à' tout  ce 
9, qui  serait  jugé  équitable;  que  pour  le  surplus  ellsi 
,9 montreraient  toute  la  facilité  possible;  et  qu'à  J'é^[aid 
,9  de  ce  qu'elles  croiraient  ne  pouvoir  pas  concéder,  ellei 
„  voulaient  bien  s'en  rapporter  au  jugement  des;  puis- 
,,sances  neutres." 

9, Qu'après    une  telle  déclaration  LL.  HH. .PP.  ne 
pouvaient  attendre    de  la  générosité  connue   de  S. -M. 
Impériale,    qu'elle   exigerait  rien  de  plus  de  la  part  de 
cet  état,    qui  avait  ti*ouvé  précédemment  et  plus  d'aoe 
fois  son   refuge   et   de  la  protection  prés  de  sa  maison, 
tandis    que    de    son  côté,   la  République    avait   épuisé, 
pour  ainsi    dire,    toutes    ses  facultés    au  service   de  It 
même  maisoii  et  ]à  son  agrandissement;  beaucoup  moins 
qu'on  voudrait  imposer  à  LXi.  HH.  PP.  un  sacrifice,  qui 
avec  le  temps  entrainerait  inévitablement  la  ruine  de  la 
République  entière  :  Qu'au  contraire  elles  s'assurent  qtie 
S.  M.  Impériale,  suivant  sa  sagesse  connue,  Téquité  (fà 
la  distingue,  et  les  bonnes  intentions  dont  elle  fait  pro- 
fession, voudra  bien  laisser  LL.  HH.  PP.  dans  la  pos-^ 
session  tranquille  du  droit  bien  acquis  de  tenir  TEscaut 
fermé  de  leur  côté,  afin  de  prévenir  dans  la  suite  tout 
ce  qui  pourrait  donner  occasion  à  de  la  mésintelligence 
sur  ce  sujet  :  Que,  dans  cette  persuasion  et  pour  don- 


BNTRB  Ii'AUTR.  ET  IiA  HOLL.J  BN  178  4^    241 

ner  une  preaYfe  surabondante  de  leurs  égards  constans 
pour  S.  M.  Impériale.,  elles  avaient:  donné  des  ordres, 
en  vertu  desquels  il  n'avait  été  employé  aucune  voie  de 
&ity   lorsqi^ie  le  bâtiment  avait  passé  devant  Lillo,  sans 
j  prendre  les  passeports  requis  suivant  les   règlemens 
du  pays  :  Que  pareillemeût  les  ordres  accoutumés,  en 
co]i5éq[uenc'e  desquels  les  bfttxmens  de  1- état  ou  vaisseaux 
de  garde  avaient  été  placés  ^ur  les  rivières,   avaient  été 
exécutés  avec  tant  de  mépa^^iement,  que  le  capitaine  du 
bâtiment  avait  d'abord  été  prié  de  jeter  l'ancre*,  par  un 
officier    de  l'état  qui  lui  fut  envoyé  expressélnent  à  cet 
effet;  !que,  sur  son  refui ,  *  la' même  réquisition  fut  en- 
core réitérée  par  rdfficier-commandanti&éme$- et  qu'en- 
fin  ce  n'a  été  que  d'après  la  désobéissance- réitérée  du 
capitaine  de  ce  bâtiment  marchand,   que,  sur  «le  même 
pied  que  cela  se  pratique  et  doit  se  pratiquer  par-tout 
et  en  tous  temps   à   l'égard  de  tous  autres  indistincte- 
ment, soit  qu^Us  naviguent  sous  le  pavillon  de  cet  état 
ou  sous  tout  autre,   Ton  s'est  porté  aux  voies  de  con- 
trainte": 

„Que  LL.  HH.  PP.,  continuant  toujours  d'être  ani- 
mées du  même  esprit  avaient  chargé  le  capitaine  de 
Yolbergen  (quoique  tous  autres  navires,  sans  distinction 
de  nation,  qui,  naviguant  le  long  des  rivières,  passant 
la  dernière  garde  sans  prendre  de  passeport,  soient  su- 
jets à  des  procédures  de  la  part  du  collège  d'amirauté 
da  ressort),  de  relâcher  pour  celte  fois-ci  Je  brigantin 
susdit,  et  d'en  retirer  la  garde,  au  cas  qu'il  en  eût  clé 
placée  une,  pourv'u  que  ce  bâtiment  s'en  retournât  sûr 
le  champ,  ou  s'engageât  à  ne  pas  descendre  l'Escaut 
pins  avant  etc.  ..    . 

Un  autre  brigantin  impérial,  de  f^erwagtinge, 
commandé  par  le  capitaine  van  Pitténlio ven ,  qui 
avait  ordre  de  l'empereur  de  se  rendre  d'Os- 
tende  à  Anvers,  en  remontant  l'Escaut,  fut  arrêté 

II.  16 


242   Vni.   ATT.  D.  li.  IiTBRE  NAVIG.  D.  L'ESCAUT, 

le  15  Octobre,  a  l'cmbouohiire  de  ce  fleure^  devant 
Flessînguc,  par  Pescadre  du  TÎce-àmîràl  Reynst 

Dès  que  Pempereiuf  fut  instruit  de  ces  .voies 
de  £Edt,  il  ordonna  au  baron  de  Reisch|idbL)i  son 
ambassadeuiTo  pi^è^  l^^  Kta:(A^  Généraux  ^  de  quitter 
la  Haye  sans  prendre  cotigé  (^).  Ce  fiit  le  comte 
de  Belgiojoso  qui,  le  30  Octobre,  en  donnk  con- 
naissance aux  plénipotentiaires  hollandais,  en  leôr 
déclarant,  que  S.  Ml  Impéricde  se  voycût  ohUgk 
de  rappeler  son  ministre ,  depant  considérer  Pin- 
suite  faite  à  son  papiUony  comme  une  déckwaUm 
de  guerre. 

Ce  ne  fut  qu'à  cette  époque  qM  Pemperair 
donna  les  ordres  nécessaires  pour  la  marche  des 
troupes.  Encore  le  même  jour  les  plénipotentiaires 
des  États -Généraux  adressèrent  la  noté  suivante 
au  comte  de  Belgiojoso. 


. .' . 


N°-  vm. 


Noie  des  plémpoieiUiairei  hoUandaiij  adressée  au  amte 
de  Belgiojoso;  du  30  Octobre  1784. 

Les. ministres  plénipotentiaires  de  la  république  des 
Provinces -Unies  ayant  reçu  communication  par  S.  Exe. 
M.  le  comte  de  Belgiojoso,  des  ordi'cs  de  S.  M.  Impé- 


(1)  n   y   a   lien  de   croire ,   dit  M.  Sghobll  ,   dans  son  hiiU  dit 
traités  de  paix,  que  Joseph  îl^,  ne  s'était  pas  attendu  à  nne  rào- 
Intion  si  hardie  de  la  part  de  la  rëpubliqne,   puisquVn  moiiiflBt  oà 
les  coups   de  canon,    qui   selon  lui,   devaient   être  le   signal  de  li     '^ 
guerre,  furent  tir^s,   les  Pays-Bas  'se  trouvaient  encore  d^ponrvBi     ^ 
de  troupes,  de  magasulB  et  .de  manitions  de  guerre.  -Vj 


99 

», 
3» 


BNTRB  X^AUTIL  ET  IiA  HOliI,.;   fil*  1784.    243 

riale  piff  lesquels  il  est  chargé  de  déclarei*^  i,  que  par 
la  conduite  que  Sadite  M.  nomme  insulte  faite  à  êon 
^pavillon,  elle  juge,  que  la.Répitblique,)a  vomp^ncé 
^leê  hostilités/*  et  qu'elle  a  en  conséquence  rappelé 
le  baron  de  Reîschach  du  poste  qu'il  occupait  auprès 
de  LL*  HH.  PP.  9  ils  doivent  à  cette  occasion,  rappeler 
de  la  manière  la  plus  forte,  la  déclaration  qu'ils  ont 
en  l^onneur  de  remettre  le  18  Août,  &  M.  le  comte  de 
Belgiojoso  de  la  part  des  États-Généraux;  savoir  :  qu'ils 
protestent,  que  n'ayant  point  d'autre  dçssein  que  de 
maintenir  leur  juste  droit,  ils  ne  peuvent  être  nullement 
soupçonnés  d'une  aggression  hostile,  qui  leur  doit  être 
d*aiitant  mohis  attribuée,  qu'ils  se  tiennent  entièrement 
irresponsables  des  suites,  que  les  démarches  ide  S.  M. 
Impériale  pourront  avoir,  par  la  manière  dont  il  lui  a 

plè  de  considérer  cette  affaire, 

•  ■  .   ■  • 

La  République,  bien  loin  de  pouvoir  être  tenue 
cotnihe  j[iartie  aggressive,  persiste  toujours  dans  ses  dis- 
positions pacifiques;  mais  ces  dispositions  n'ont  mal- 
lienreosement  aucune  influence  sur  l'esprit  de  S.  M.  Im- 
péziale,  quoique  les  Etats  n'en  perdent  point  *  encore 
(espoir  :  elle  se  trouvera  obh'gée  à  regret,  de  faire  usage 
des  moyens  auxquels  elle  est  autorisée  par  le  droit  de 
la  nature  et  des  nations,  espérant  que  la  protection  di- 
vine et  l'approbation  des  puissances  neutres  soutiendront 
W  défense  légitime  de  ses  droits   incontestables. 

Baron  de  Hop. 

W.  A.  Lestevenow. 

P.  VAN  Leyden. 

P.  E;  YAN  DE  PeRIIE. 


:i 


Le  comte  de  Wassenaer,  ambassadeur   de  la* 

^  République  à  la  cour  de   Vienne*,  fut   également 

'appelé,  et  quitta  cette  ville  sans  que  Fempereur 


24i  YlJl.yifB.  D.  li.  I^|BR^  NAYIG.  B.  I^'ESCAUT, 


Toulût  lui  accorder  l'audience  de  concé  géu'iI  a^Bit 
solliditéb.^'v.  '     • 

JMefih^II'  jkmr'inâÈrèlkser'  les  autres  puissances 
dans  sa 'qteèréll0,'^fit  adresser  la  note  ci-*  après  k 
tous  ses  ministres  près  ibs  cours  étrangères. 


■  •  •  j  "  - 


,.       .      N"-  IX. 

Note  circulaire  du  mintifère  impérial^  emvoffêe  amx  toh 
bafgadeurt  et  mtniiires  de  S.  M.  daut  les  cours  étrmh 
gères;  du  23  ^Oàtobre  1784. 

■     ■    I  .  i  c  i      ■    '  I 

1    ,  Voua:  a'îgftereas  pas   Foriglne  et  la  suite  des  diffé- 


rends, qm  ''S0f')4Qut  éleyés  e^  dernier  lieu  entre  Teni- 
pereni^  etjlalxépijbliqae  de«Pro\ânces-Unies;  le^grùft 
et  les  prétentions  les  plus  fondées,  que  depuis  bien 
longtemps  se  trouve  avoir  S.  M.  Impériale  à  la  charge 
des  États-,  Généraux  ;.}!ofire,  que  malgré  cela  S.  M.  lenr 
a  faite  de  les  arranger  k  Tami^Ie  avec  eux^  les  con- 
férences qui  ont  été  établies  en  conséquence  pour  cet 
effet  à  Bruxelles  5-  et  enfin  F  ultimatum,  que,  dans  la  vue 
A^ abréger  la.néjgociation,  l'empereur  a  bien  voulu  faire 
remettre, aux  Etats -» Généraux* 

Par  V inexécution  et  les  violations  des  traités  ^  qne    ; 
les   Hollandais  se  sont  permises  dans  toutes  les  occa-    : 
sions,  qui  leur  ont  paru  favorables,  la  clôture  de  l'Es- 
caut est  devenue  depuis  ,long^temps  une  servitude  non 
obligatoire /pour  les  Pays r Bas   autrichiens;   et  la  face 
des  affaires  générales  de  l'Europe  est  même  d'aillcnrs 
si  différente  aujourd'hui  de  ce  qu'elle  était  lors  de  h 
conclusion  du  traité   de  Munster,    qu'il    est   manifeste^ 
que  la  stipulation  de  ce    traité,    qui   regarde  l'Escaut^    J 
est  réellement  sans  objet  dans  ce  moment-ci.  ^ 

L'empereur  ce  non-obstant  a  été   disposé  à  s'ac-    ^ 
coimnodér  amiablement  avec  la  République,  même  ao 
sacrifice  des  prétentions  les  plus  légitimes  et  les  plo^    <t 


BNTJRB  li'AUTR.  ET  iA  Horily.'^  Uni^if^.    24S 

importantes;  mais  plus  S.  M.^  témoigné  de  facilités  ^^oùr 
cet  efFet,  moins  il  en  a  trotta  àt  fe'^^'^de!  là  Répu- 
blique. On' a  tâché  au  cdntrairé*'Âé  irïettre  toutes*  sortes 
d'entravés  au  ^ccès  Aé  Ih  itégMiatibn  ■  :  bt  &  ^ettè'finj 
on  a  persisté  à  vouloir  soutenir  et  se  conserver  une 
prétention,  -.  1  laquelle^'  îttoyeofcisftit  ta^e  dôiiàdntravcn- 
tiens  aux  tndtés,  on  sairâit  fort^bkn^ne.pI^Siavofr-Vlfï^ou/) 
droit  légitime.  .^^,,^  ;.,,.  .•.  ,  »,  .,j   ;   .,    ^  ;    ■ 

Pour  prévenir  le  preytfdiçe  a^e  Içs  Ela^-TCTéné•- 
raux  avaient  en  vue  actabhv  par -là  contip  les  ctrojits 
încontestàMés  de  S.  iWr'tfîi^'i^rye;  ey^Mr^e^iâis^êr 
aucun  doute  ^ur  sa  -^'ésofutiàH 'inkiitSfVm^j^'^9éJ^i^ka 
tenir  aux  propositions  contenues  dans  Vultimatum^  S. 
M.  n'a  pas  pu  s'empêcher-  de  se  déterminer  à  faire  sor- 
tir d'A.nvers.  pour  la  mer  un  bâtiment  sous  son  p^villoiu 
après  avQU"  declajre  as5ç;z,Ioi\g-temps.anparavaïit,  com- 
ment il  " "^vîsageraît  toutç  opposition  violente,  qu'on 
oserai!  faire  au  libre  passage  'de  ce  bâtiment, 

I^  r^ation  çi-j^ointe  ei^  copie  contieçt^le  détail  de 
la.&çon  âe  laç[uelle  Içs  HoIlAudaîs  $e  sont  permi^  d'in- 
sulter 9U  pavillon  impérial^  ^U  lieu  de  se  borner  à 
mettre  çn  tout  C93  leur  prétenài^  droit  h  cpuvert  par 
des  protestations  en  forme.. 

S.  Mk  Impériale  ne  peut  done  envfsager  ce  &it  que 
comme  une  déclaration  dç  guerre  effective  de  la  part 
de  la  République.  En  conséquence  ell^  a  déjà  rappelé 
M.,  le  baron  de  Reischaçh,  qui  a  été  jusqu'ici  son  mi- 
nistre à  la  Haye  y  avec  oj^*<l^e  de  quitter  la  Hollande 
sans  prendi^ç  congé  des  Etatsi  -  Généràu]?  i  Et  toutes  les 
dj^positionç  nçcçssaires  ont  également  déjà  été  faites, 
pour  qu'il  se  rassemble  sans  délai ^  dans  les  Pays-Bas, 
une  armée  de  quatre-vingt  mille  hommes  de  troupes 
knpériales ,  que  S.  AL  se  propose  d'augmenter  selon,  les 
circonstances. 

L'empereur  se  flatte,  que  ces  mesures  seront  envi- 
sagées par  toute  la  partie  de  l'Europe  impartiale,  comme- 


246  VUL  AFF.  D.  Il,  liJBRE  NAVI&.  D.  Ii'£SOAUT, 

des  suitçâ  .naturelles  d'une , hostilité  aussi  manifeste,  et 
d'un  fait,  pajr  lequd  s^,  dignité  a  été  si  grièvement  bles- 
sée. Vous  voudreii  bien.  Monsieur,  vous  expliquer  i 
l'occasion  en,  cpna^qupniçii  de  tout  ce  (jue  dessus. 


De  leur': côté,  les  Hollandais  se  préparèrent  à 
une  défense  vigoureuse,  et  mirent  le  comte  de  Mail* 
lebois  à  la  tête  de  leurs  troupes  (^)« 

Qu^t'aûx  instruction  qu'ils  donnèrent  à  leurs 
ministres  4^, les  cours, étrangères,  elles  se  trouvent 
consig^ées,4a^Q  la  résolution  ci t- après. 


'^\      *iiMV\'\       "^      -li      . 


N»-  X. 


i 

Èa;traiil  du  regttre  det  résolutions  de  LL.  tOS.  fP.  la 
Etats '-Généraux;  du  3  Novembre  1784. 

(Extrait.) 

Ouï  le  rapport  etc.  il  a  été  trouvé  bon  et  arrêté: 
Qu'il  sera  écrit  à  tous  les  ministres  de  l'état  près 
des  puissances  étrangères ,  et  qu'ils  seront  chargés  de 
représenter  aux  cours  respectives  près  descpielles  ils 
résident,  en  termes  aussi  pressans  mais  aussi  décens 
qu'il  leur  sera  possible  :  Qu'après  une  guerre  de  quatre- 
vingt  ans  LL.  HH.  PP.  ont  conclu  le  30  Janvier  1648, 
à  BÎtunster,  avec  S.  M.  Philippe  IV,  roi  d'Espagne,  un 
traité  de  paix,  par  lequel  elles  ont  été  déclarées  états, 
provinces ,  et  pays  libres  et  souverains ,  sur  lesquels  loi 
Seigneur  roi  n'avait  aucune  prétention,  ni  pour  le  pré- 
sent, ni  pour  l'avenir,  pour  lui  ou  pour  ses  successeurs 


(1)  Ce   fut  le  roi  de  Prusse,  FrëdérioII,  qui  leur  avait  con»«fl* 
lous  mains,  d'appeler  ce  genëral  à  la  place  de  M.  de  Moellcndorf» 
qn^ls  lai  avaient  demande^   et   qu'il  ne  pouvait  leur  céder  sans  s^ 
compromettre* 


«Noras  li'AUTii.  JKT  XiA  uojjL,.;  J5N  1784.    247 

et  desceùdatis;  et  qu^enU'c  aitti*es  pnr  rart  14"^,  du 
ouftme  iirailc  elles  ont  stipule  èîxpresscmcnt ,  t^qt^^  PJEs- 
„caMÂt 'serait  tenu  fermé  d^i  côté  de  jLL,  HH.  PP,;*^ 
Gomme  Aiiasi  constamment  depuis  ce  temps  ladite  rivière 
a  été-  e^Tectivement  tenue  fermée  en  conséquence  par 
deux  forts,  nommés  Lillo  et  Liefkenshoek,'  avec  assis- 
loice  d'mi  ou  de  plusieurs  bâtimens  de  garde. 

Que  durant  cet  intervalle  en.  1702,  LL.  HH.  PP. 
ont  accédé  k  l'alliance,  conclue  le  6  Septembi*e  1701, 
entre  S.  Mi  Impériale  et  Royale,  Leopold  I  et  le  roi 
de  la  Grande-Bretagne,  particulièrement  dans  la  vue, 
àm  .qn'il  est  expressément  dit  dans  le  susdit  traité 
d'alliance,  ,,de  se  procurer  par  là  dans,  les  Pays-Bas 
^espagnols  (ainsi  qu'on  les  nommait  alors)  une  barrière 
^conveiiable  pour  cet  état/^ 

Que  par-là,  ainsi  qu'il  est  connu,  LL^^HH.  PP.  ont 
été  impliquées  dans  une  guerre  très.- dispendieuse  et 
très -ruineuse  pour  eUes,  à  la  suite  de  laquelle  elles 
ont  stipulé  par  le  traité  de  paix  avec  S.  M.  Trèso-Cliro- 
tienne  conclu  à  Utrccht,  le  11  Avril  1713  (Dumont 
corps  dipL  T.  VIII.  p.  367.)  „  qu'en  contemplation  de 
py  cette  paix  la  maison  d'Autriche  entrerait  en  la  posses- 
y, don  desdits  Pays-Bas  espagnols,  pour  en  jouir  désor- 
„mai9  et  à  toujours  pleinement  et  ]>aisiblement  selon 
„rordre  de  succession  de  ladite  maison,  aussitôt  que 
,)LL.  HH.  PP»  seraient  convenues  avec  elle  de  la  ma- 
„iiiëre,  dont  lesdits  Pays-Bas  espagnols  leur 'serviraient 
jyde  barrière  et  de  sâreté.^- 

Qu'en  conséquence  LL^  HH.  PP.  ont  conclu,  ainsi 
que  S.  M.  Britannique,  le  14  Novembre  1715,  avec  Tem- 
pereur  Charles  YI,  pareil  traité  de  bari*ière,  et  que  les- 
dits Pays-Bas  ont  été  effectivement  remis  à  Sadile  M. 
Impériale  et  Royale  sur  ce  pied. 

Que  bien  loin  de  se  départir  par  ce  traité  en  aucune 
'àçoa,  de  la  clôture  de  l'Escaut,  expressément  stipulée 
Pai*  le  traité  de  Munster  susmentionné,  IJu.  HH.  PP. 


248  VUL  AFF.  D*  II.  XiIBBE  NAYIG.  D.  Ii'BSCAXTT, 

ont  au  contraire  stipulé  pour  elles  par  l'art.  17"*  dndit 
traité,  entre  autres,  pour  la  conserration  du,  Bas-Escavt, 
la  propriété  et.  souveraineté  pleine  et  entière  de  quelques 
districts. et  places  y  dénommés;  et  ultérieurement  par 
Tart.  2&^  (DuMONT  corps  dipl  Tom,  VIIL  p.  464.), 
9, que  les  navires,  marchandises,  et  denrées,  venant  de 
9,1a  Grande-Bretagne  et  des  Provinces -* Unies ,  et  en- 
„trant  dans  les]  Pays-Bas'  autrichiens,  de  même  que 
y^lea  navires,  marchandises,  et  denrées,  sortant  desdits 
„  Pays -Bas  vers  la  Grande -«Bretagne  et  les  Provinces* 
„  Unies ,  ne  paieraient  les  droits  d'entrée  et  de  sortie^ 
„que  sur  le  mfime  pied  qu'on  les  levait  alors,  et  parti- 
„culièrement  tels  qu'ils  avaient  été  réglés  avant  la  signa** 
,,ture  du  présent  traité,  selon  la  réquisition  faite  au 
„  conseil  d'état  à  Bruxelles  par  les  ministres  des  deux 
„puis^nces  en  date  du  6  Novembre  1715  et  qu'ainsi 
„le  tout  resterait,  continuerait,  et  subsisterait  sur  ledit 
„pied,  sans  qu'on  y  pût  faire  aucun  changement,  inno* 
„vation,  diminution,  ou  auginentation,  sous  quelque 
„ prétexte  que  ce  pût  être,  jusqu'à  ce  qiie  S.  M.  Impé- 
„riale  et  Catholique,  S.  M,  Britannique,  et  les  S^^ Etats- 
„  Généraux  en  conviendraient  autrement  par  un  traité 
„de  commerce  à  faire  le  plutôt  qu'il  se  pourrait;  de- 
„  meurant  au  reste  le  commerce  et  tout  ce  qui  en  dé- 
„pend  entre  les  sujets  de  S.  M.  Impériale  et  Catlioliqoe 
,,dans  les  Pays-Bas  autrichiens,  et  ceux  des  Provinces- 
„ Unies,  en  tout  et  en  partie  sur  le  pied  établi,  et  de 
„  la  manière  portée  par  les  articles  dudit  traité  de  Munster, 
„  lesquels  articles  venaient  d'être  confirmés  par  le  pré- 
„sent  traité." 

Que   dans  la  suite  il  s'est  bien  élevé  quelques  dif*- 
ficultés  sur  Texécution  du  susdit  art.  17*^®  du  traité  de 
Barrière  ;  mais  qu'il   a  été  conclu  à  ce  sujet  entre  les 
trois  puissances  contractantes,  le  22  Décembre  1718,  un^^ 
convention  ultérieure,  par  laquelle  la  cession  des  terre -^ 
et  districts   déjà  faite  pai'  le  ti*aité  de  Barrière  pour  L  ^ 


JSNTaB  L'AUTR.  ET  JLA  HOl^Ii.;  EN  1784.     249 

conaervation  du  Bas -Escaut,  a  été  spécialement  et  ex- 
pressément confirmée  et  éclaircie  : 

'  Qu'ensuite  y  S.  M.  Impériale  Pempereup  Cliarl^s  VI, 
et  le  roi  de  la  Grande-Bretagne,  ont  conclu  à  Vienne 
le  16  Mars  1731,  im  nouveau  traité,  auquel  LL.  HH; 
ÏP.  ont'  accédé  en  1732  (suppL  au  corps  dipL  Tom*  lit. 
p.  291.)  et  par  lequel  l'on  est  convenu  au  sujet  du 
maintien  de  la  Sanction-Pragmatique,  et  que  tout  coin-' 
merce  et  navigation,  particulièrement  enti*e  les  ,Pays-»Bas 
autrichiens  et  les  Indcs-^rientales,  cesseraient  toujours; 
et  en^  même  temps,  „ qu'il  serait  d'abord  nommé  par 
^lev  parties  contractantes  des  commissaires,  qui  s'assem- 
„blei«ient  dans^  un  délai  de  deux  mois,  i  compter  de 
9  la  signature  de  ce  traité,  à  Anvers,  pour  convenir  tant 
ffàe  oe  qui  concernait  l'exécution  entière  dudit  traité 
,ydé'bÂnrière  du  17  Novembre  1715,  et  de  la  convention 
^nhérieure  du  22  Décembre  1718,  que  pour  conclure 
^on  nouveau  traité  au  sujet  du  tarif  pour  les  Pays-Bas 
,^ autrichiens,  d'après  le  sens  dudit  art.  26"^*  du  traité 
„cle  Barrière/^ 

'Qu'en  effet,  pour  remplir  cet  engagement  (quoique 
quelque  temps  après)  il  a  été  nommé  des  commissaires, 
qm  ont  eu  entre  eux  plusieurs  conférences  à  Anvers, 
jiiuqa'i  ce  qu'elles  ont  été  interrompues  par  la  mort 
de  l'empereur  Charles  VI,  de  glorieuse  mémoire,  arri- 
vée en  1740,  les  commissaires  impériaux  n'ayant  pas 
été  pourvus  de  nouveaux  pleins -pouvoirs,  quoique  les 
ounistres  de  LL.  HH.  PP.  attendissent  asses  longtemps 
pour  qu'on  les  envoyât- 

Qne,  dans  la  guerre  de  succession  qui  s'ensuivit^ 
Ui.  HH.  PP.  remplissant  les  engagemens,  qu'elles  avaient 
pïis  pour  le  maintien  de  la  susdite  sanction  pragmatique, 
<ïxtt  assisté  la  maison  d'Autinohe  de  toutes  lcui*s  forces; 
»WDi  qu'il  en  a  résulté  pour  elles  la  suite  malheureuse, 
^J}^  presque  toutes  leurs  places -baiTÎères  ont  été  rui- 


250   VIII,  AFF.  D.  JU  lilBBE  NAVIG.  D.  L^iSSCAUT, 

nées,  et  que  la  République  elle-même  a  été  entraînée 
sur  le  bord  de  la  ruine. 

Que  dans  la  suite,  les  conférences  qui  s'étaient  ter- 
minées sans  effet  â; Anvers,  ont  été  reprises  à  Bruxelles, 
en.  1751,  mais,  n'ont  eu  non  plus  un  meilleur  succès; 
de  sorte  que  les  commissaires  de  LL,  HH.  PP. ,'  après 
y  avoir  fait  un  séjour  aussi  long  qu'infructueux,  ont 
enfin  été  rappelés ,  pour  attendre  que  les  af&iires  prissent 
uu  tour  plus  favorable. 

Que  la  suite  de  tous  ces  faits  a  été,  que  noii-sea- 
Icment  lesditeis  places-barrières  n'ont  pas  été  convena- 
blement rétablies,  à  l'exception  seule  de  la  ville  et.da 
cbâteau  de  Namur,  dont  la  .dépense  a  été- portée  par 
LL.  HH.  PP.,  mais  qu'il  a  même  été  mis  dans  les  Pays- 
Bas  autrichiens,  diverses  impositions  et  levé  divers  dnâbSf 
d'une  manière  directement   contraire  audit  article  26** 
du  traité  de  Barrière,  jusqu'à  ce  qu'eïifin,  pour  ne  pis 
parler  ici  de  moindres  griefs,  en  Tannée  1781,  lorsque 
cette  République  se  trouvait  malheureusement  impliquée 
dans  une  guerre  ruineuse  avec  le  royaume  de  la  Grande- 
Bretagne,    il  a  plû  à   S.  M.  l'Empereur  des  Romains 
actuellement  régnant ,  de  démolir  entièrement  toutes  les 
fortifications   des  places-barrières,  Namur  seul  excepté, 
et  d'exiger  que   cet  état  en  retirât  les  troupes   qu'il  y 
tenait  en  garnison. 

Qu'aussitôt  qu'il  eut  été  satisfait  à  ce  désir,  la  même 
réquisition  a  été  faite  à  l'égard  de  la  ville  et  du  châ- 
teau de  Namur  même. 

Que  la  République  y  ayant  encore  eu  égard,  il  lui 
a  été  suscité  aussitôt  diverses  querelles,  pour  avoir  fait 
usage  des  environs  de  ces  forts  sur  le  même  pied  que 
cela  s'était  constamment  pratiqué  auparavant,  spéciale- 
ment à  régai*d  du  village  et  du  Polder  du  Doel,  dont 
la  souveraineté  pleine  et  entière  avait  été  expressément 
cédée  à  LL.  HH.  PP.   dans  les  termes  les  plus  clairs 


SNTHE  li'AUTH.  £T  JLA  HOLJL.J  EN  1784.     251 

par  VaxU  47^ ,  du  traité  de  Barrière  et  par  l'art  1"^  de 
la  conventioii  ultérieure   du  22  Décembre  1718. 

•  *  Que  S.  M.  Ivipériale  ne  s'en  tenant  pas  encore  à 
ùth^f  a^  enauite  jugé  à  propos ,  au  mois  de  Novembre 
1783  9  de  se  mettre '.elle-même,  par  voie  de  fait,  .«ans 
la.i  moindre  avis  ni.  plainte  préalable,  en  possession,  entre 
•nûrea,  du  fort  de  St.  Donat,  quoi^e  ce  fort  eût. été 
cédé  par  ledit  ti*aité  de  1715,  et  par  la  convention 
snbaéquentc,  en  termes  exprès,  à  LL.  HH.  PP.  en  pleine 
propriété  et  souveraineté,  et  quoique  spécialement  dans 
CQ.  momesit  même  il  fût  eiFectivement  occupé  par  un 
4éudiement  de  troupes  de  l'état 

.  QlKÇ  .pour  passer  sous  silence  diverses  autres  in- 
JQifticca  dt  prétentions  auxquelles  LL.  HH.  PP.  ont  ré- 
pondu chaque  fois  avec  la  plus  grande  facilité  possible, 
àr'.faûmcore  été  exigé  de  la  même  manière,  au  mois 
d*â9yjnl  dç  Tannée  épurante,  de  la  part  de  S.  M.  Impé* 
ijalii,  que  le  nia  vire  de  garde  de  la  République,  qui 
depnii  la  conclusion  de  la  paix  de  Munster,  en  1648, 
el> «par.  conséquent  depuis  plus  de  136  ans,  avait  cons- 
tanument  été  en  station  devant  Lillo,  sans  la  moindre 
contestation!  en  .fût  retiré  sur  le  champ ^  vu,  qu'entre 
«ntres  S,  M.  prétendait  à  présent,  que  le  Bas -Escaut 
jusqu'à  Safiinghen  appartenait  aussi  à  sa  souveraineté. 

Que    pour    éviter    encore   toutes    entreprises  -  par 
voie  de  fait,  LL.  HH.  PP.  ont  préféré  de  démontrer  à 
SdditeM.  leur,  bon  droit,  pour  y  temr  pareil  navire  de 
garde;  mais  de -le.  retirer,   en  attendant  l'eiFet  de  cette 
démonstration,   jusques  devant  le  territoire  qui  jusqu'a- 
IptiS . n'avait  pas  été  contesté  à  LL.  HH.  PP.,  savoir,  dé- 
viant Saftinghen.    Que  dans  l'intervalle,  des  commissaires 
^ant  été  nommés  par  LL.  HH.  PP..  à  la  prière  et  sur 
'ea  instances  de  S.  M.  Impériale,  pour  terminer  tous  les 
différends    qui  pouvaient   subsister    entre    elles,    il    fut 
^^mis  à  ces  commissaires ,  le  4  Mai  de  Tannée  courante, 
^^oie  pièce  intitulée  :  Tableau  des  prétentions  formées 


252   Vin.  AFF.  V.  li.  lilBRE  KAVIO.  B.  Ii'jBSCAUT, 

de  la  part  de  S.  M.  Impériale  à  la  charge  de  la  Bi^ 
publique. 

Que  là* dessus  il  fut  arrêté,  par'vësolution  de  LL 
HH.  PP.  en  date  du  13  Juillet,  et  veons  immédiatement 
au  gouyemement  des  Pays-Baa  autrichiens,  une  "réposse 
convenable,  où  l'on  démontra  de  la  façon  la  plus  éTidotte, 
I»  nouveauté  et  le  peu  de  fondement  notoire  de  presqae 
tontes  ces  prétentions,  et  où  l'on  exposa  en  même  temps 
plusieurs  contre  -  prétentions  notables-,  qoi  pouvaient 
être  formées  i  très-*  juste  titre  de  la  part  de  LL.  HE 
PP.;  le  tout  néanmoins,  en  donnant  en  même  temps  lu 
preuves  les  plus  convaincantes  de  la  oondescendaoee 
non-interrompue^  que  LL.  HH.  PP.  voulaient  contînaer, 
autant  qu'il  leur  serait  possible,  d'observer  dans  ions 
leurs  procédés.  .       .      v     )  î.  • 

•'•Que  pendant*  la  durée  ïnême  de  ces  négoeiadcos, 
et  en  contravention  directe  de  ce  qui  avait  été  exprès* 
sèment  stipulé  par  l'art.  6"*  du  tr£Àé  de  Vienne?,  il  i 
été  conduit  dans  le  port  d'Ostcnde,  cinq  navires  reve- 
nant des  Indes -Orientales,  sans  qu'il  eût  même  été 
montré  d'aucune  façon  queIcon€[ue  de  la  part  de  S. 
M.  Impériale,  qu'elle  formait  aussi  à  cet  égard  quelques 
prétentions,  ou  qu'elle  voulait  soutenir  quelques  r«50DS 
à  ce  sujet. 

Qu'ensuite  il  a  été  remis  le  18  Août,  aux  ministres 
de  LL.  HH.  PP.  à  Bruxelles,  une  réplique  à  ladite  ré- 
ponse de  LL.  HH,  PP;,  pour  appuyer  ultérieurement 
les  prétentions  de  S.  M.  Impériale^  réplique  néanmoins, 
dont  le  mérite  peut  s'apprécier  le  plus  évidemment  pos- 
sible par  la  seconde  réponse  de  LL,  HH.  PP.  en  date 
du  28  Octobre  dernier. 

Mais  que  cinq  jours  après,  savoir  le  23  dû  même 
mois   d'Août,    et  sans   laisser  ainsi  à  LL.  HIL   PP.  le 
temps  nécessaire  pour  examiner  ladite  réplique,  il  fut. 
remis,  de  la  part  de  S.  M.  Impériale,  aux  ministres  de 
LL.  HH.  PP.,   un  mcmoii^e  ultérieur,  par  lequel,  sous-^ 


!•     I. 


:9HTRB  J^'AUTR.  et  la  HOIili.J  EN  1784-    253 


les.  piMe^fadoQ;s  mullipHécs  d'amitié  et  d'afiecdon  pour 
^ellÇvRépiibfiqaey  l'on  propose  à  LL.  HH.  PP.  comme 
Mi'tfJto^rd'arrai^emeDl»  1^  remise  de  plusieurs  droits  et 
pQsaesaioiis  de  cet  état,  pur  lesquels  jusqu'alors  il  n'a- 
qit  pas  été  formé  la  moindre  prétention  par  qui  que 
M  f6Âj  et  de  plus  ^tàuverture  de  l*Escaut  et  la  libre 
navigation  aux  Indes  des  ports  des  Pays  Sas  aiUri'- 
fkiena,  en  ajoutant,  y^que  S.  M.  Impériale  ne  doutait 
yipoint  que  LL.  HH.  PP.  n'acceptassent  avec  empresse* 
i^iieiit  cet  arrangement,  comme  une. marque  particu- 
^lière  de  sa  bienveillance;  çt  que  de  plus  elle  avait 
(^JHgé'i  propos  de  tenir  dès-lors  la  rivière  de  l'Escaut 
j^|KMi3r>  ouverte,  et  de  déclarer  la  navigation  sur  icelle 
nlSbrCy  nvec  menace,  qu'au  cas  qu'il  se  fit  de  la  part 
ly^  fai  Bépublique,  quelque  insulte  au  pavillon  impé- 
^rial^  S;  M.  le  regarderait  comme  une  déclaration  de 
^gaeme  «t  comme  un.  acte  d'hostilité  formelle.  ^^ 

Que  sur  cela  LL.  HH.  PP.,  conformément  à  leur 
rétcdution  du  30  Août,  en  témoignant  combien  elles 
£tHent  sensibles  aux  assurances  réitérée^  de  l'aiFection 
dfe  S»  M.  et  de  sa  bienveillance  pour  la  République, 
loi  ont  fait  représenter,  (/ci  se  trouvait  inséré  tex^ 
irait  de  la  résolution  prise  le  30  jioût,  voyez  A'^*  ///.) 

Que  LL.  HH.  PP.,  informées  ensuite  le  10  Sept. 
dt  {l'année  courante ,  qu'il  avait  été  déclaré  à  leurs 
ministres  à  Bruxelles,  99 que  le  coup  de  canon  qui 
Plierait  tiré  de  Lillo  sur  les  navires  impériaux  qui  y 
npaaseraient,  serait  aussi  regardé  par  S.  M.  comme  une 
»  déclaration  de  guerre  ^S  ont  encore  trouvé  bqn  (en 
^gard  que  les  navires  qui  passaient  Lillo  et  y  devaient 
payer  des  droits,  pouvaient  aussi  y  être  contraints,  en 
Cas  de  besoin,  aux  autres  bureaux  ou  postes  de  garde 
le  la  République,  et  dans  la  vue  de  prévenir,  s'il  était 
ENMsible,  tout  refroidissement  ultérieur  et  ce  qui  poui^- 
K^adt  donner  le  moindre  prétexte  à  commettre  des  bosti- 
^tés  de  la  part  des  Autrichiens) ,  de  faire  sur  le  champ 


254    Vin.  APF.  D.  li.  LTBRE  KAVIG.  D.  I#'fiSCATJT, 

défense  aux  lofliciers  k  Lillo,  ^^  d'employer  avctae  voie 
„de  fait,  dans  le  cas  cpe  Ton  on  l'antre  des  navires 
,9 impériaux  qui  y  passeraient,  ne  voulût  pas  se  laisser 
„  visiter  de  bon-gré  ni  payer  les  droits  dus,  mais  en  td 
„ca5,  d'en  donner  d'abord  connaissance,  afin  qu*on  jk 
„  prendre  ensuite  A  cet  égard  telles  mesures  ultérieures 
„ qu'on  jugerait  recjuises  par  les  circonstances.^ 

Que  sur  ce  qu'après  cela  le  20  Septembre ,  il  fbt 

témoigné,  de  la  part  de  l'empereur,  en  substance,  qu'on 

était  surpris  de  la  réponse  si  précipitée  de  LL.  HH.  PP. 

du  30  Août,  par  laquelle,  à  cause  de  certains  préjugés 

(ainsi  qu'on  s'exprimait)  ou  d'autres  raisons,  les  vnis 

intérêts  de  la  République  n'avaient  pas  été  convenible- 

ment  pesés,  „et  sur  ce  qu'il  fut  déclaré  en  même  temps, 

„  que  l'intention  de  Sadite  M.  Impériale  était  indiibru- 

„blement  de  déclarer  la  navigation  libre  et  ouverte  sur 

„rEscaut,  dans  toute  son  étendue,  et  non  pas  seulement 

„sur  les    eaux   auxquelles  S.    M.  avait  soutenu  par  le 

„ tableau,  remis  de  sa  part,  avoir  le  droit  de  souverai- 

„neté,    mais    que  néanmoins  ce  point  étant  réglé  dès 

„à  présent.  Ton  pourrait  entrer  en  négociation  sur  le 

„ reste" 5   LL.   HH.  PP.   ont  cru,   pour   prévenir  tout 

mal-entendu,   devoir  témoigner   sans  perte    de   temps, 

„que  LL.  HH.  PP.  avaient  remarqué,  que  l'ouverture 

„  de  l'Escaut  était  considérée,  de  la  part  de  S.  M.  [Impé- 

„riale,   comme  un  objet  d'un  intérêt  secondaire  pour 

„ cette  République;  et  que  vraisemblablement  pour  ceue 

„ raison,  S.  M.  Impériale  avait  cru  que,    sans  faire  de 

„  notre  côté  aucun  sacrifice  notable,  l'on  pourrait  arran- 

„ger  de  cette  manière  et  éteindre  toutes  les  prétentions 

„que   S.   M.  prétendait   avoir  à  la  charge   de  cet  état. 

„  Que  LL.  HH.  PP.  avaient  répondu,  qu'elles  seules  étaient 

„à  même  d'apprécier  les  vrais   intérêts  de  cette  Répu^ — 

„bliqiie  et  de  ses  citoyens,   qu'elles  suivaient  les  idée-^ 

„de  leurs  ancêtres,  qui  avaient  toujours  regardé  la  dô- — 

„ture  de  cette  rivière  comme  une  des  principales*  stL  — 


ENTRE  li'AUTR.  ET  JLA  HOIuIi.;  EN  1784-    255 

„piilationA  du  traité  de  Munster;  et  qu*eii  concéqucnce 
,,  elles  ne  pouvaient  se  départir  d'un  droit  qu'elles  avaient 
9,  acquis  au  prix  de  tant  de  sang  avec  la  liberté  et 
y,  l'indépendance  de  cet  état.  Enfin  que  la  précipitation 
„avec  laquelle  avait  été  prise  la  résolution  de  LL.  HH. 
^PP.  du  30  Août  dernier  devait  s'attribuer  principale* 
^ment  à  leur  sincère  intention.de  prévenir,  autant  qu'il 
9,  serait  aucunement  possible  9  tout  refroidissement  ulté-» 
prieur ,  et  de  faire  voir  à  cet  effet,  aussi  promptement 
^que  possible,  à  S.  M.  Impériale,  qu'il  était  impossible 
^que  les  ordres,  qui  subsistaient  du  côté  de  cette 
„  République  contre  la  navigation  de  l'Elscaut,  fussent 
^ levés,  et  par  conséquent  dans  la  vue  de  prévenir 
„ qu'on  ne  tentât  point  le  susdit  passage,  ou  du  moins 
^pour  se  mettre  â  l'abri  de  tout  reprocbe  k  l'égard  des 
„  suites  qui  pouvaient  en  résulter  contre  l'intention  dé- 
^darée  de  S.  M.  Impériale." 

Qu'avec  toutes  ces  précautions  cependant  l'on  n'a 
pu  prévenir,  que  le  8  Octobre  il  ne  soit  effectivement 
venu  d'Anvers,  sous  pavillon,  impérial  un  navire  mar- 
cband,  pourvu  d'un  ordre  par  écrit  donné  le  1  Octobre 
à  Bruxelles,  au  capitaine,  de  la  part  de  S.  M.  Impériale, 
portant,  99 qu'il  était  destiné  &  se  rendre  avec  son  vais«< 
,9Seau   et   sa  cargaison,  directement  d'Anvers  en  iner, 
9,  sans  ^e  soumettre  sur  la  rivière  de  l'Escaut ,  à  aucune 
„r€chercbe  ni  visite  de  la  part  de  quelques  vaisseaux 
,9  ou  bâtimens   de   cette  République  qu'il  pourrait  ren- 
„ contrer  sur  ladite  rivière,   avec  interdiction  et  défense 
,9  expresse  de  faire  aucune  déclaration  aux  douanes  de 
99 la  République  sur  cette  rivière,   ou  de  les  reconnahre 
„en  aucune  manière."    Et  qu'en  conséquence  ledit  bâ- 
timent a  passé  effectivement  ladite  douane  de  LL.  HH. 
PP.  à'  Lillo,  sans  s'y  laisser  visiter ,  selon  l'ordre  établi 
et  constamment  observé,  bien  moins  encore,  qu'il  ait 
pris  un  passeport  des  marchandises  qui  y  étaient  chargées, 
ou  payé  aucuns  droits  3   et  qu'enfin  le  même  bâtiment, 


256  Vin.  AFP.  D.  li.  lilBRE  NAVIO.  D.  li'ESCAUT, 

après  des  avis  réitérés  et  des  admonidons  amicales ,  a 
été  arrêté  par  un  des  bfttimens  de  l'état  sur  le  territoire 
de  cette  République. 

Que  d'abord  après  la  réception  de  ces  infomii- 
tions  y  quoique  le  capitaine  du  susdit  b&timent  marchind 
fût  notoirement  sujet  à  une  procédive,  pour  avoir  pané 
la  douane  à  Lillo  sans  y  avoir  pris  un  passeport  ^  LL. 
HH.  PP.  ont  donné  ordre  de  le  relâcher  sur  le  cbamp, 
dès  que  ce  capitaine  ou  commandant  du  bâtiment  susdit 
se  serait  engagé  à  retourner  sans  délai  ou  à  ne  pu 
continuer  plus  loin  son  passage  par  l'Escaut.  Abis 
qu'en  même  temps  elles  s'en  sont  plaintes  de  la  manière 
la  plus  sérieuse 9  et  qu'elles  ont  représenté.  (^Ici  étaii 
inséré  V extrait   de   la   note  du    9  Octobre,    depuis: 

Qu'un  acte  si  ouvert  de  mépris &  ne  pas  descendre 

l'Ëscaut  plus  avant  etc.  voyez  iV®-  VII.  ) 

Qu'en  attendant,  le  19  du  même  mois  d'Octobre,  il 
est  arrivé  de  nouveau  d'Ostende  un  autre  bâtiment  com- 
mandé par  le  capitaine  Pittenhoven,  et  muni  pareille- 
ment d'un  ordre  par  écrit  de  la  même  teneur,  de  la 
part  de  S.  M.  Impériale,  ,)de  ne  pas  se  laisser  retenir,' 
,,en  remontant  de  la  mer  TEscaut  directement  versAn- 
„vers,  de  ne  pas  souflfrir  non  plus  de  recherche  ni 
,,  visite  )de  la  part  de  quelques  navires  ou  bâtimens  de 
,,la  République,  ni  de  reconnaître  aucun  .'de  ses  ba- 
rreaux." Qu'ainsi  ce  bâtiment  a  été  arrêté  encore  par 
les  navires  de  l'état,  selon  l'ordre  établi,  mais  de  la 
manière  la  plus  civile  qu'il  était  possible,  et  qu'ensuite 
il  a  été  ordonné  aussi  par  LL.  HH.  PP.  de  le  relâcher 
pour  cette  fois-ci,  comme  il  avait  déjà  été  [fait  à  l'égard 
du  premier  bâtiment,  et  sous  le  même  engagement  de 
ne  pas  remonter  l'Escaut  plus  loin;  et  qu'elles  ont  re- 
nouvelé \q8  plaintes  déjà  faites,  en  témoignant,  99qQ'îl 
„  était  tout- à- fait  impossible  de  respecter  de  pareils 
„ ordres  de  S.  M.  Impériale,  sur  le  territorie  de  LL. 
„HH.  PP." 


SNTRS  li'AUTR.  ET  ZiA  HOIili.J  JSN  1784.     257 

Qu'en  effet  il  eai  clair  et  palpable^  .que  quoiqu'il 
«n  8oit  de  la  prétendue  dureté  et  de  Tobligadon  contre 
nature,  qu'on  voudrait  bien  faire  croire  qu'il  y  aurait  à 
tenir  fermée  cette  partie  de  l'Escaut ,   S.  M.  Impériale, 
en  tout  cas,  n'a  pas  le  moindre  droit  d'exiger  actuelle- 
ment et    dès  ce  moment  l'ouverture   de    cette   rivière, 
après  qu'elle  a  été  fermée  k  juste  titre  depuis  plus  de 
cent  trente  six  ans  de  la  part  de  LL.  HH.  PP. ,  en  con- 
séquence des  stipulations  expresses  du  traité  de  Munster 
de  l'an  1648,  par  lequel  cette  République  a  été  recon- 
nue pour  puissance  souveraine,    et    en    conformité  du 
traité  de  Barrière  de  l'an  1715,  d'après  les  conditions 
duquel  ces   mêmes  Pays-Bas  que  S.  M.  Impériale  pos- 
sède aujourd'bui,  ont  été  remis  par  LL.  HH.  PP.  à  son 
prédécesseur,  l'empereur  Charles  YI   de  glorieuse  mé- 
moire;  bien  moins  encore  que  S.  M.  aurait  le  droit  de 
regarder  cette  rivière  comme  effectivement  ouverte  dès- 
à-présent,  et  de  se  mettre  en  possession  par  voie  de 
fait  de   la  navigation   d'icelle,    sur -tout  pendant  qu'on 
était    en    négociation   pour  un   arrangement   amical   de 
toutes  les  prétentions  de  S.  M. ,  parmi  lesquelles  cepen- 
dant il  n'avait  pas  setdement  été  fait  mention,    de   sa 
part,  de  cette  navigation  de  l'Escaut.    Que  l'on  ne  dira 
pas  même  ici,  qu'on  ne  pouvait   s^attendre  que  S.  M. 
en  faisant    des    protestations  si  multipliées  d'amitié    et 
d'affection  pour  la  République,  tiendrait  un  pareil  pro- 
cédé envers  elle;    qu'on    ordonnerait  en    Son  nom   de 
passer  le   territoire  d'une  puissance   étrangère,   tel  que 
Test  l'Escaut- Inférieur  depius  Lillo,  du  moins  depuis 
Saftinghen  jusqu'à  la  mer,  appartenant  à  la  souveraineté 
de  LL.  HH.  PP.;    et  qu'on  ferait  en  même    temps  |la 
défense  expresse  mais  inouie,    de  se  conformer  sur  ce 
territoire  étranger,  et  dont  la  souveraineté  n'avait  jamais 
été  contestée   jusqu'alors,    aux    ordres    qui  doivent  s'y 
observer  par  tous  et  chacun.    Et  que  néanmoins,  parce 
que  LL.  HH.  /PP.  ont  fait   difficulté    de   condescendre 

U.  17 


258  Vin.  AFF.  D.  II.  lilBRE  NAVIG.  D.  lé^BSOAVTj 

sur  le  diamp,  et  d'après  le  premier  ordre  de  &  M.,  i 
un  désir  aussi  extraordinaire,  contraire  à  tons  éguè 
au  bofi  sens,  i  Téqnité  naturelle,  ainsi  qu'au  droit  dci 
gens  unÎTersellement  reçu,  et  par  ce  qu^ainai  Vim  A 
pas   révoqué  immédiatement,  par  égard  pour  les  Mli- 
mens   naviguant  sous  pavillon  impérial,   mais  qa*on  i 
exécuté  (quoiqu*avec  toute  la  modération  et  le   méM- 
gcment  possibles)  les  ordres  usités,  qui  ont  Hea  dni 
ce  pays -ci  comme  dans  tous  les  autres  paya,  boidéi 
par  des  rivières,    à   Tégard   des   étrangers  non  moins 
qn*à  regard  des  habitans  du  pays  :  cette  difficulté,  ùkt 
par  LL.  HH.  PP.,  a  servi  de  prétexte  &  Sadite  M.,  pour 
>  rassembler  ses  troupes  de  tous  côtés  dans  les  Pays-Bas 
autricbiens ,  pour  donner  ordre  à  son  ministre  de  re- 
venir  sans   prendre   congé,    pour    rompre    les   eoiott' 
rences  de  Bruxelles,  et  pour  faire  marcher  le  phiAt 
possible  (ainsi  que  LL.  HH.  PP.  en  ont  été  informées  i» 
bonne  part)  encore  un  corps  de  plus  de  quarante  nûBe 
hommes,  sans  doute  avec  intention  d'attaquer  hostile- 
ment cet  état. 

Que  LL.  HH.  PP.  veident  bien  ne. .pas  douter  que 
ces  procédés,  qui  certainement  ne  sauraient  s'accorder 
avec  la  grandeur  et  la  magnanimité  si  vantées  de  S.  M. 
Impériale,  doivent  s'attribuer  aux  conseils  pervers  qu'on 
lui  aura  suggérés.  Mais  qu'il  n*en  est  pas  moins  cer- 
tain, que  tous  les  efforts,  qu'ont  fait  LL.  HH.  PP.  pour 
représenter  les  choses  à  S.  M.  sous  leur  vrai  jour,  ont 
été  infructueux,  et  que  leur  patience  à  souifiîr  des  in- 
justices si  multipliées,  la  condescendance  dont  elles  ont 
usé  si  long- temps  et  en  tant  de  cas,  les  égards  sans 
bornes  qu'elles  ont  manifestés  pour  S.  M.  Impériale,  et 
leur  désir  sincère  de  contribuer  tout  ce  qui  dépendait 
d'elles  pour  éviter  les  voies  de  fait,  n'ont  absolument 
rien  effectué,  sinon  de  que  multiplier  les  demandes  de 
S.  M.  à  la  charge  de  cet  état,  jusqu'à  ce  qa'enfin,  se 
réservant  encore  toutes  ses  autres  prétentions ,  elle  parah 


SMXEB  li'AUTR.  £T  IaA  HOI1L.J  BN  1764.    259 

m  être  veime  au  point  de  ^e  persuader,  qu'A  l'égard 
de  cette  République,  elle  n'était  plus  tenue  à  Tobserva- 
don  d'aucuns  traités  ni  conventions  quelconques;  pas 
même  de  ce  traité  par  lequel  la  République  a  été  recon» 
ime  pour  indépendante,  ni  de  celui,  conformément  auquel 
les  Pays-Bas  qu'elle  possède,  ont  été  remis  par  LL. 
HH.  PP.  i  sa  maison;  et  qu'enfin  qu'elle  prétend  que 
lei  ordres  de  S.  M.  doivent  être  suivis  et  respectés 
fÊpê  la  moindre  contradiction,  sur  le  territoire  incon- 
testable de  la  République. 

Qu'ainsi  par  tous  ces  faits  LL.  HH.  PP.  quoique 
ne  cessant  d'être  animées  du  désir  d'éviter  de  leur 
eèlé  tonte  raison  d'ofiense,  et  de  donner  à  S.  M.  Lnpé- 
lule^  dans  les  négociations  entamées,  toute  satisfaction 
niscmiiable  &  l'égard  de  ses  prétentions,  se  verront 
ndanmoinii  réduites,  en  cas  d'hostilités  réelles,  à  em- 
ployer pour  la  protection  de  leurs  citoyens  et  babitans 
les  moyens  qu'il  a  plu  au  ciel  de  leur  laisser;  le  tout 
dans  cette  confiance  assurée,  que  la  divine  providence, 
4ont  le  secours  a  donné  l'existence  à  cette  République 
et  lui  a  conservé  jusqu'à  présent  son  indépendance, 
M  permettra  point  non  plus,  qu'elle  soit  ruinée  par  des 
procédés  tels  qu'on  vient  de  les  exposer,  et  qu'aussi 
loidea  les  autres  puissances  de  l'Europe,  celles  particu- 
fièrement  dont  les  états  sont  contigus  à  ceux  de  S.  M. 
Impériale,  verront  encore  à  temps,  par  la  manière  dont 
cette  République  a  été  traitée,  ce  qu'elles  peuvent  at- 
tendre pour  dles- mêmes  des  principes  que  S.  M.  Im- 
périale suit  dans  le  gouvernement  de  ses  états;  et  que 
pour  cette  raison  elles  ne  se  refuseront  point  à  épouser 
lî  cause  de  la  République,  à  convaincre  S.  M.  Im- 
^^riale  de  ses  torts,  et  A  prévenir  toutes  hostilités  de 
•a  part. 

W.  VAN  CiTTERS,   Président. 

S'accorde   avec  le  susdit  régitre, 
77.  FageU 

17* 


260  VID*  AFF.  B.  li.  I.IBRE  NAYIG.  D.  I«'BSCATJT, 

bidépèndamment  de  ces  instruptioâs  données  à 
leurs  ministres  dans  les  cours  étrangères,  les  États- 
Généraux  firent  encore  remettre  au  comte  de  Ver- 
gennesy  ministre  secrétaire  d'état  des  affaire»  étran- 
gères de  France,  la  note  ci  -  après  (*).  . 

N*-  XI. 

Note  que  la  Etati -^  Généraux  Jireni  remettre  au  em^te 
de  Vergennegf  par  leur  ambauadeur  à  Paru, 

(Extrait.) 

Que  LL.  HH.  PP.  ont  été  informées  arec  certitade  p» 
M.  le  comte  de  Wassenaer,  leur  envoyé  extraordinaire  et 
ministre  plénipotentiaire  à  la  cour  de  S.  M.  Impériale  et 
Royale ,  que  Sadite  M. ,  qui  a  déjà  fait  rassembler  tontes 
ses  troupes  réparties  dans  les  Pays-Bas  autricIiienSy  i 
de  plus  trouvé  bon  d'ordonner  à  un  corps  considérable 
de  plu^  de  quarante  mille  hommes,  de  se  mettre  en 
marche  vers  lesdits  Pays-Bas,  et  qu'en  effet  ils  ont 
déjà  commencé  leur  marche,  non  sans  doute  avec  antre 
dessein,  que  de  faire  ressentir  à  celte  République  le 
mécontentement,  qu'elle  a  conçu  contre  elle  sans  qu'elle 
l'ait  mérité,  et  de  manifester  par-là  l'intention  positive  de 
se  faire  respecter  par  une  si  grande  supériorité  de  forces 
et  de  se  faire  accorder  les  demandes  dures  et  iniques 
qu'elle  a  formées  et  étendues  sans  cesse,  pour  que  la 
République   renonçât  immédiatement  aux  droits  qu'elle 

(1)  Pour  stimuler  la  coup  de  France,  dît  M.  Schoell,  à  s'inttfrec- 
ser  pour  eux,  ils  firent  semblant^  ou  ils  tentèrent  peut- être  de 
renouer  leurs  liaisons  avec  l'Angleterre,  qui  avaient  été  rompoet 
depuis  la  guerre  d'Amérique.  Ils  entamèrent  quelques  n^odadoos 
avec  le  chevalier  Harris,  ministre  de  cette  cour  à  la  Haye,  et 
envoyèrent  le  baron  de  Lynden  â  Londres;  mais  le  cabinet  britan- 
nique déclara  vouloir  >  rester  neutre  dans  ce  différend. 


.  ENTRE  li'AUTB.  ET  liA  HOLL.;  ENi7B4*     26l 

a  légitimement  acquis  par  le   traité  de  Munster,  ainsi 
que    son  <  existence    indépendante    et   sa   souy^sfdneté; 
droits ,  sur  lesquels  avant  cette  époque ,  p^ti^onlie,  pas 
même  S.  M.  Impériale  elle-même  ou  ses  augustes  prér 
décesseurs,  n'avaient  formé. de  prétention  du  4cix^âiide 
quelconque;   et  cela  d'une  façon  tout-à-fait  arbitraire 
et  directement  contraire   à  ce   qui  peut  jamais  être  ac- 
cordé par  une  puissance  indépendante  :   Que  LL.:  HH. 
PP.  ayant  successivement  donné  à  la  cour  d^ , Y€gi?{||i)ie& 
une  ample  ouverture   de  tout  ce  qui  est  spécifié  à  l'é- 
gard des  prétentions  de  l'empereur  dans  le  méviç&r^  re-^ 
mis  sous  le  nom  de  tableau,  et  au  sujet  desquelles  la 
réplique  déjà  arrêtée  va  s'ensuivre  incessamment,  et  ayant 
communiqué  également  à  la  même  cour,  lQSi<prét^tions 
qui  '  ensuite    ont  particulièrement   concerné  ropivc^r^ç 
denuindée  de  l'Escaut,  n'entreront  pas  pour  Ic^^résçnt 
de  nouveau  en  cette  matière,  mais  se  borneront  umqîic- 
ment  &  donner  avis  de  cette  marché  avec  leï  stâtè^  dàHn- 
gereoses    qui   en  pourront  résulter,   la  Réptttflilji^^'se' 
toyant  mise  ainsi  dans  un  danger  imminent  et  îdaAaJfim:-? 
possibilité  absoltie  de  résister  aui^  forces  supérieçl^e^^de 
S.  M.  Impériale  pu  de  la  détourner  de  son  d^ein  san». 
le  secoors  pvompt  et  efficace  de  S.  M.  TrèsrGhrétienne  i 
Qu'à  titre  des  relations  particulières  dans  lesqiaellés' 
elles  ont  l'bonneur  d'être  avec  S.  M.  Très-Chrétienne,  et 
qui  vont  être  resserrées  encore,  à  ce  qu'elles  espèrent,  par 
une  aHîa^dë  pltis  étroite,  LL.  HH.  RP.  s'assurent* fetmèî-^ 
nïént)  qn'èâès  doivent  msîster  àvectoirt  Pempress^ent  et 
toute  l'ardeur  possibles,  comme  l'exige  l'unportanéc'de 
l'afiaire^  que  S«  M.,  convaincue  mieux  que  toute  autre  puis- 
mcCf  des  p^cédés  iniques] et  inouis  de  S.. M.  Impériale 
et  Royale,  et  de  la  condescendance  sans  exemple  qu'ont 
eue  lii.  HH.  PP.,  et  ayant  bien  voulu  prendre  un  in- 
térêt si  direct  en  l'existence  et  au  bien-être  de  cet  état, 
voudra  bien.encore  venir  au  secours  de  cette  République 
d^uœ  manière  eflScace  et  sans  perte  de  temps,,  dans  l'ex- 


262   Vm.  AFF.  D.  II.  lilBRE  NAYIG.  B.  Ii^CAITT, 

trëmitë  où  elle  est  de  devoir  prendre  les  armes  pour  sa 
défense;  secours ,  sans  lequel  cet  état  ne  saurait  se  ga- 
rantir du  danger  le  plus  imminent;  et  que  S.  M.  voudra 
bien  donner  k  MM,  leurs  ambassadeurs^  la  conunnmcaticm 
nécessaire  des  arrangemens  qui  pourront  servir  A  une 
si  puissante  assistance  par  une  prompte  opposition  aux 
desseins  de  S.  M.  Impériale  et  Royale,  tandis  que  LL, 
HH.  Pï^.  mettront  de  leur  côté  tout  en  oeuvre,  ainsi 
qu'eBiBs  s'en  occupent  déjà  effectivement,  pour  employer 
tous  les^  moyens  qu'il  a  plu  à  la  divine  providence  dé 
lent  Imker,  et  dont  MM.  les  ambassadeurs  ponrront  en 
tout  temps  donner  ouverture  à  S.  M.  Très -Chrétienne. 

Dans  un  conseil  qui  fut  tenu  le  7  NoTembre 
1784  >  le  comte  de  Vergennes,  ayant  rejprésentéi 
qu^én  abandonnant  les  Hollandais  dans  une  cir- 
constanœi  si  critique,  on  les  forcerait  de  se  jeter 
entre  }es  bras  de  l'Angleterre  et  qu'on  perdrait  ainsi 
le  firuit  de  toutes  les  dépenses  qu'on  ayait  faites 
peut' les  attacher  aux  intérêts  de  la  France,  le  roi 
fit  reniettre  la  déclaration  suivante  au  comte  de 
Mercy,  ambassadeur  de  l'empereur  àParis(*). 

No-  xn. 

Déclaration  de  la  cour  de  France,  remue  au  comte  de 
Mercjf,  ambasiadeur  de  l'empereur  à  Paru;  du  27  As- 
vembre  1784. 

L'amitié  sincère  qui  attache  le  roi  i  l'empereur  ^  et 
les  voeux  que  S.  M.  forme  pour  le  maintien  de  la  tranqoil- 

(1)  M.  de  Vergennes  engagea  encore  Louis  XVI,  d'oavrîr  mw 
correspondance  directe  avec  l'empereur^  pour  le  disposer  â  la  mo- 
dération et  a  la  paix.  Cette  correspondance  eut  lieu  en  effet;  et 
c'est,  dit  M.  de  Flissin,  dans  son  kiêt,  de  la  diplomaiie  françaUe, 


BNTRB  li'AUTR.  £T  JLA  HOLI..;  £N  1781*     263 

lité  publique  9  lui  font  un  devoir  de  s^cxpliquer  sans  ré- 
serve avec  S.  M.  Impériale  sur  le  différend  qui  s'est 
âevé  entre  ce  monarque  et  les  Provinces-Unies.  Le  roi 
hérite  d'autant  moins  à  exprimer  sa  façon  de  penser  sur 
cet  important  objets  que  la  pureté  de  ses  principes  et 
de  ses  intentions  ne  peut  être  révoquée  en  doute.  S.  M. 
en  employant,  à  la  demande  des  deux  parties,  ses  bons 
offices  pour  concilier  l'empereur  et  les  Frovinces-Um'es, 
l'est  abstenue  d'articuler  aucune  opinion  sur  Je  fond  des 
premières  prétentions  de  &  M.  Impériale  :  le  roi  se 
prescrit  encore  le  même  silence  :  mais  l'intérêt  qu'il 
prend  i  la  gloire  de  l'empereur,  l'autorise  i  lui  faire 
observer,  que  ses  premières  prétentions  et  la  demande 
de  l'ouverture  de  l'Escaut,  ne  sauraient  être  considérées 
aons  le  même  point  de  vue.  Les  Hollandais,  en  résistant 
i  cette  demande,  n'ont  fait  que  soutenir  un  droit  qu'ils 
exercent  sans  trouble  depuis  près  d'un  siècle  et  demi, 
qui  leur  est  assuré  par  un  traité  solemnel,  et  qu'ils  re- 
gardent comme  le  fondement  de  leur  prospérité  et  même 
de  leur  existence.  Il  semble  résulter  de  là,  que  le  refus 
des  Etats -Généraux,  qui  ne  porte  que  sur  un  objet  de 
compensation ,  ne  devrait  avoir  d'autre  effet,  que  de  ra- 
mener la  négociation  entamée  &  Bruxelles  i  ceux,  énoncés 
dans  le  tableau  sommairey  et  établir  une  discussion,  dont 
le  véffoltat  devait  naturellement  dépendre  des  titres  res- 
pectifr. 

Le  roi  désirerait  d'autant  plus  que  cette  naarche 
Ittt  adoptée,  qu'elle  préviendrait  les  hostilités,  et  qu'elle 
pourrait  conduire  â  des  arrangemens  équitables.  En 
suivant  nne  marche  opposée,  il  est  i  craindre  que  Tem- 


ezpHeatitas  qu'elle  amena  insensiblement  que  Pon  doit  l'aecom- 
■odement  anqnel'  l'eraperear  se  prêta ,  mais  après  aroir  manifeste 
numear  la  pins  aigre ,  pique  de  ce  que  le  roi ,  qn'il  croyait 
dofluner  par  le  crMit  de  la  reine,  n'aTait  ^ottté  en  définitif  que 
ravit  de  soo  coaseiL 


264   Vin.  AFF.  D.  li.  IiIBRE  NAVIG.  D.  Ii'jBSCAXTT.     , 

pereup  n'excite  une  inquiétude  générale,  et  que  la  plu- 
part des  puissances  ne  se  croient  dans  le  cas  de  prendre 
les  précautions  et  lès  mesures  que  les  évènemens  pour- 
ront exiger  de  leur  part.     Le  roi  lui-même  ne  pourra 
se  dispenser  d'assembler  des  ti'oupes  sur  les  frontières. 
D'ailleurs,  dans  aucune  hypothèse,  S.  M.  ne  pourrait  être 
indifférente  au  sort  des  Rrovinces-Unies ,  et  les  voir  at- 
taquées à  force  ouverte  dans  leurs  droits  et  dans  leurs 
possessions.    S.  M.  le  peut  i>ien  moins  aujourd'hui,  qu'elle 
est  au  moment  de  consommer  avec  la  République  une 
alliance,    dont  la  base  était  arrêtée  avant  les   derniers 
différends. 

Si  des  considérations  aussi  importantes  peuvent  dé- 
terminer l'empereur  i  suspendre  toutes  démonstratioiis 
hostiles,  pour  n^écouter  que  la  voix  de  la  modération 
et  de  l'humanité,'  le  roi  renouvelle  l'offre  de  son  entre- 
mise, pour  procurer  entre  S.  M.  Impériale  et  les  Pro- 
vinces-Unies un  accommodement  juste  et  convenable. 
S.  M.  s'y  prêtera  avec  d'autant  plus  de  zèle,  qu'en  sui- 
vant les  mouvemens  de  ses  sentimens  personnels  pour 
l'empereur,  elle  aura  la  satisfaction  de  concourir  i 
éteindre  dans  son  principe,  le  feu  d'une  guerre  dont  les 
suites  seraient  incalculables. 

L'impératrice  de  Russie  que  Joseph  II  avait  sa 
captiver,  voulant  épouser  les  intérêts  de  celui-ci, 
chargea  son  ministre  à  la  Haye,  M.  de  Kalitscheff, 
de  présenter  la  note  ci-après  aux  États -Généraux. 

N«-  xm. 

Note  de  M.  de  Kalitscheff,  adressée  aux  EtaU^  Géné- 
raux; du  10  Novembre  1784. 

* 

Toutes  les  démarches  de  l'impératrice,  depuis  le 
commencement  de  son  l'ègne,  ayant  toujoui*s  été   diri- 


JBNTRE  Ii*AUTR.  ET  liA  HOLL.}  EN  1784-     265 

gées  par  l'amoar  de  la  paix  et  de  la  tranquillité  géné- 
rale; S.  M.  Impériale  ne  saurait  voir  avec  indifTérencc 
la  situation  fôcheuse  dans  laquelle  la  République  se 
trouve  de  nouveau  plongée  :  elle  ne  dissimule  point  à 
LL.  HH.  PP.  ses  sentimens  pour  S.  M.  l'empereur  des 
Romains  9  son  ami  et  son  allié  :  elle  a  aussi  manifesté 
en  tant  d*occasions,  l'intérêt  qu^elle  n'a  jamais  discon- 
tinué de  prendre  au  bonheui*  de  la  République,  que 
LL.  HH.  PP.  ne  peuvent  envisager  que  comme  une 
suite  de  ces  dispositions  le  regret  avec  lequel  S.  M. 
Impériale  a  vu  tout  d'un  coup  interrompre  les  négocia- 
lions  amiables  par  des  voies  de  fait,  qui  semblent  ne 
laisser  &  l'empereur  d'autre  parti  à  suivre,  que  celui 
que  loi  dicte  le  soin  de  sa  dignité  compromise  à  la 
ùce  de  toute  l'Europe. 

L'Impératrice,  guidée  par  la  persuasion  de  faire  une 
chose  agréable  à  la  République,  et  désirant  prévenir 
des  suites  qui  pourraient  affecter  le  repos  général  de 
l^nrope,  a  ordonné  au  soussigné,  d'inviter  LL.  HH.  PP. 
de  vouloir  bien,  tandis  qu'il  en  est  temps  encore,  avi- 
ser aux  moyens  que  leur  sagesse  leur  suggérera,  pour 
ouvrir  derecbef  les  voies  aux  négociations  qui  viennent 
d'être  interrompues  si  malHeureusement,  et  obvier  par- 
la 'aux  progrès  d'une  mésintelligence  qui  menace  de 
^j^éoérer  dans  une  guerre  ouverte. 

Les  considérations  du  bien-être  de  la  République, 
attaché  i  la  conservation  de  la  paix  d'un  cêté;  et  de 
Tantre,  les  sentimens  pacifiques  que  S.  M.  l'empereur  a 
toujours  fait  paraître,  et  dont  il  ne  se  départira  qu'à  la 
dernière  extrémité,  ne  laissent  aucun  doute  à  l'Impéra- 
trice,  que  LL.  HH.  PP.,  en  donnant  à  ces  invitations 
dictées  par  les  motifs  les  plus  respectables,  le  degré 
d'attention  et  d'égard  qu'elles  méritent,  ne  prennent  une 
résolution  digne  de  leur  prévoyance,  et  telle  enfin  qu'il 


266   VIII.   AFF.  J}.  li.  lilBRJB  KAYIG.  D.  Ii'ESCAUt, 

en  puisse  résulter  un  arrangement  salutaire  et  utile  aux 
deux  parties. 

k  la  Haye ,  le  10  Novembre  1784. 

Kalitschbpf. 

Voici  la  résolution  que  prirent  à  ce  sujet  les 
États-  Généraux. 

N«-  XIV. 

Ex  irait  de  la  rêfolution  prUe  par  le9  États^Oénéranx 

du  24  Décembre  1784. 

Ouï  le  rapport  de  M.  de  Haeften  et  autres  députés 
de  LL.  HH.  PP.  pour  les  affaires  étrangères,  qui  en 
conséquence  de  leur  résolution  commissoriale  du  20  de 
ce  mois,  ont  examiné  conjointement  avec  quelques  dé- 
putés du  conseil  d'état,  une  note  remise  k  M*  van  Cit- 
ters,  président  h  rassemblée,  par  M.  de  Kalitscheff, 
envoyé  -  extraordinaire  de  S.  M.  l'Impératrice  de  Russie, 
au  nom  de  sa  souveraine,  relativement  à  la  situation 
actuelle  de  la  RépubL'que  concernant  ses  différends  avec 
l'empereur,  plus  amplement  insérée  dans  les  régttres  i 
la  date  du  20  du  même  mois,  et  qui  ont  pris  de  plus, 
pour  autant  que  l'affaire  de  l'Escaut  y  est  aussi  mêlée, 
dans  une  conférence  avec  les  députés  des  collèges  res- 
pectifs d'amirauté,  leur  avis  et  leurs  considérations  i 
ce  sujet  :  surquoi  délibéré,  il  a  été  trouvé  bon  et  ar- 
rêté, qu'en  réponse  à  ladite  note,  il  sera  communi^ 
à  M.  de  Kalitscheff ,  envoyé  extraordinaire  de  S.  M.  to- 
périale  de  Russie  : 

Qu'il  a  été  très -agréable  à  LL.  HH.  PP.  de  rece- 
voir de  nouvelles  assurances  des  sentimens  affectionnes 
de  S.  M.  pour  la  prospérité  et  le  bien-être  de  cette 
République,  et  d'être  informées  en  même  temps,  de  la 
part  que  Sadite  M.,   par  un  effet  de  sa   magnaainiité, 


ENTHK  JJaVTR.  ET  liA  HOIiI<.;  £N  1784*     267 

prend  au  maintien  de  la  paix  :  Que,  dans  cette  at- 
tente, et  en  conformité  de  la  résolution  de  LL.  HH. 
FP.  du  3  Novembre  dernier,  tout  l'état  de  Taffaire  a 
été  exposé  â  S.  M. ,  avec  prière  d'employer  son  inter- 
cessicm  prés  de  l'empereur;  que  sur -tout  après  cette 
déclaration,  LL.  HH.  PP.  ne  pouvaient  que  se  pro- 
mettre Tefiêt  désiré  de  Tinfluence  toute  puissante  que 
S.  M.  a  et  doit  naturellement  avoir  sur  l'empereur 
comme  son  ami  et  son  allié;  et  que  LL.  HH.^  PP.  se 
flattent  particulièrement,  que  S.  M.  Impériale  de  toutes 
les  Rnssies  pourra  pleinement  convaincre  l'empereur  du 
ménagement,  dont  LL.  HH.  PP.  en  ont  usé  en  toute 
oocaaion,  relativement  aux  prétentions  successives  et  tou- 
jours croissantes  de  la  cour  de  Vienne,  et  sur-tout  de 
la  modération  avec  laquelle  LL.  HH.  PP.  ont  fait  exé- 
cuter les  ordres  généraux  qui  ont  toujours  été  usités 
dans  ce  pays,  &  Tégard  des  deux  navires  marchands 
auxquels  le  gouvernement  des  Pays-Bas  autrichiens  a 
fidt  passer  les  eaux  de  cette  République  par  voie  de 
fintf  sans  reconnaître  les  bureaux  de  douane  de  LL. 
HH.  PP.,  sans  respecter  leurs  vaisseaux  de  guerre,  sans 
permettre  même  aucune  recherche  ni  visite,  et  cela  dans 
le  temps  même  qu^on  était  en  négociations,  pour  arran- 
ger i  l'amiable  tous  les  différends  subsistans  ••  Que  la 
modéradon  de  LL.  HH.  PP.  a  été  telle,  que  ces  navires 
marchands  non-seulement  n'ont  pas  été  traités  avec  plus 
de  rigueur  qu'auraient  dû  Tétre  ceux  de  l'état  même  en 
pareil  cas  et  sur -tout  en  pareilles  circonstances,  mais 
aussi  9  qu'il  n'a  pas  été  possible  d'exécuter  les  ordres 
avec  plus  de  ménagement;  et  que  LL.  HH.  PP.  n'ont 
pu  manifester  d'une  mam'èrc  plus  convaincante,  leur 
intention  de  maintenir,  tant  à  l'égard  des  navires  sus- 
dits que  de  tout  autre  sans  distinction,  soit  étranger  ou 
hollandais,  leur  droit  de  souveraineté  sur  le  territoire 
de  la  République,  sans  la  moindre  insulte  k  leur  pa- 
villon. 


268   Vin.  APF.  D.  I-.  LIBRE  NAVIG.  D.  I-*JBSCAUT, 

Qu'ainsi  LL.  HH,  PP.  ont  clé  autant  surprises  qu'af- 
fectées d'éprouver,  que  pour  celte  raison  S.  M.  Pem- 
pcreur  ait  trouvé  bon  de  faire  rompre  tout-à-coup  les- 
dites  négociations  amicales  à  Bruxelles,  .et  de  rappeler 
d'ici  son  ministre  sans  prendre- congé;  de  façon  q[ae 
LL.  HH.  PP.  se  sont  trouvées  dans  la  nécessité  de  rap- 
peler pareillement  leui*s  ministres,  dont  la  présence, 
par  cette  démarche  de  S.  M.  l'emperenr,  était  derenae 
infructueuse  et  sans  objet  dans  ses  états  : 

Que  néanmoins .  LL.  HH.  PP.,  ayant  toujours  été 
et  étant  encore  actuellement  très -éloignées  de  youloir 
offenser  S.  M.  l'empereur,  en  quelque  manière  que  ce 
soit  (ce  qu'elles  -croient  même  avoir  déclaré  assez  ouver- 
tement à  toutçs  les  puissances  de  TEurope)  sont  non- 
seulement  très -disposées  â  faire  reprendre  les  négocia- 
tions interrompues,  mais  que  même  elles  se  croiront 
très-redevables  à  S.  M.  l'Impératrice  de  Russie,  au  cas 
que  par  sa  co- opération  puissante  et  affectionnée,  la 
paix  puisse  être  conservée,  mais  d'une  façon  qui  soit 
compatible  avec  les  droits  et  les  possessions  incontes" 
tables  de  cet  état. 

Et  sera  renus  extrait  de  la  présente  résolution  de 
LL.  HH.  PP.  à  M.  de  Kalitscheff,  envoyé-extraordinaire 
de  la  cour  de  Russie,  avec  réquisition  d'appuyer  de  la 
manière  la  plus  convenable,  le  voeu  de  LL.  BH.  PP.  i 
cet  égard,  près  de  l'Impératrice,  sa  souveraine. 

N°-   XV. 

Secmd^  note  de  M.  de  Kaltischeff,  adressée  aux  EtaU- 

Généraux;  du  7  Mars  1785. 

La  réponse  de  LL.  HH.  PP.  à  la  note  que  le  sous- 
signé a  eu  l'honneur  de  leur  remettre  le  19  Novembre 
dernier,  annonçant  les  dispositions  de  la  République  à 
s'arranger  à  l'amiable  avec  S.  M.  l'empereur  des  Romain^ 


ENTRE  L'AUTR.  ET  I-A  HOLI,.  J  EK  1784-    209 

a  été  d'autant  plus  agréable  à  rimpératrice ,  qu'elle  est 
instruite  de  la  sincérité ,  avec  laquelle  l'empereur  se  prê- 
tera à  faciliter  ce  but  salutaire ,  par  des  propositions 
justes  et  modérées  dont  la  République  a  déjà  même  reçu 
les  premières  ouvertures. 

Dana  la  fei*me  espérance  donc  9  qu'un  accommode- 
ment aura  lien  entre  les  deux  parties ,  l'Impératrice,  gui- 
dée par  sc$  sentimens  naturels  d'humanité   autant  que 
par   le  vif  intérêt  qu'elle  prend  à  S.  M.  l'empereur  son 
ami  et  son  allié,  et  celui  qu'elle  a  constanmient  mani- 
festé pour  le  bien-être  de  la  République,  ne  peut  s'em- 
pêcher de  renouveler  à  celle-ci   ses  instances  les  -plus 
pressantes,  de  porter  sans  délai  la  négociation  à  des  termes^ 
qtûf  en  satisfaisant  la  dignité  de  S.  M.  Tempereur,  faci- 
fitent  un  arrangement  amiable  sur  ses  autres  prétentions 
à  la  charge  de  la  République.    Les  considérations  les  plus 
fortes  doivent  engager  LL.  HH.  PP.  à  déférer  aux  conseils 
salutaires  de  l'Impératrice,  dictés  uniquement  par  le  dé- 
sir de  prévenir  une  guerre  dont  les  suites  ne  pourraient 
être  que  fâcheuses  pour  la  République. 

L'Impératrice,  persuadée  que  la  prévoyance  et  la 
sagesse  de  LL.  HH.  PP.  leur  feront  envisager  ces  objets 
importans  sous  le  même  point  de  vue,  ne  doute  pas  qu'elles 
ne  s'appliqueront  à  prendi'e  les  mesures  les  plus  propres, 
pour  assurer  le  succès  des  négociations  qui  viennent  d'être 
si  heureusepent  reprises. 

Kalitscheff. 

L'empereur  ayant  accepté  la  médiation  de  la 
France  (*),  des  conférences  s'ouvrirent  à  Versailles, 

(1)  Le  prince  Kaunitz,  dît  M.  Schobll,  dans  son  hist,  des  traités^ 
T.  JF"^  p,  75.  qui  ne  craignait  rien  tant  qae  la  dissolution  de  l'ai- 
liance  entre  les  cours  de  YersaiUcs  et  de  Tienne,  qu'il  regardait 
comme  le  chef  d'oeavre  de  sa  politique,  engagea  l'empereur  à  ac- 
œpter  la  médiation. 


270   Vm.  AFF.  D.  li.  lilBRB  NAVIG.  D.  Ii'SSCAirT, 

le  8  Décembre  1784  >  entre  le  comte  de  Mercy  et 
MM.  de  Berkem*ode  et  de  Brantzen,  ministres  de 
la  République. 

Malgré  les  difficultés  de  toute  espèce  que  pré- 
sentait à  l'empereur  la  guerre  avec  la.  République, 
il  •  ne  persistait  pas  moins  dans  le  commencemei^ 
de  ces  conférences  y  dans  ses  prétentions  sur  la  li- 
berté de  l'Escaut   Ce  iut  avec  peine  qu'il  céda  fina- 
lement sur  ce  point,  mais  il  exigea  qu'on  lui  rendt 
Mastricht  et  un  district  considérable  sur  la  Meuse. 
Comme  les  États- Généraux  se  refusèrent  positî- 
rement  à  cette  cession,  et  que  M.  de  Vergemies 
se  déclara  pour  eux,  les  négociations  allaient  âtre 
rompues,  lorsque  le  comte  de  Mercy  déclara,  an 
mois  de  Février  i  785  j  que  si  on  donnait  à  Pempe- 
reur  une  satisfaction  éclatante  pour  P  affront  fait  à 
son  pavillon  sur  P Escaut,  S.  M.  Impériale  se  con- 
tenterait d'un  léger  arrondissement  de  territoire  et 
d'une  somme  d'argent,   tant  pour  ses  prétentions, 
qu'en  réparation  des  dommages  causés  par  lés  inon- 
dations.    Le  comte  de  Vergennes  décida  alors  les 
États -Généraux  à  envoyer  deux   députés  à  l'em- 
pereur,  chargés  de  faire  des  excuses  a  S.  M.  sur 
ce  qui  s'était  passé. 

En  conséquence,  le  comte  de  Wassenaer-Twi- 
ckel,  et  le  baron  de  Lynden  se  rendirent  à  Vienne, 
où  ils  eurent,  le  24  Juillet  1785 ,  leur  audience  (^). 

(1)  Le  prince  de  Kannitz,  dit  encore  M.  Sgrobll^  qui  vr^^ 
moins  de  grandeur  d'ame  que  son  maître^  reilla  soigneusement  à 
ce  que  les  deux  députés  ne  fussent  pas  traite's  en  ministres   pl^i' 


BKTBB  I^'AUTR.  ET  I«A  HOIiL.}  EN  1784     271 

Voici  le  discours  que  le  comte  de  Wassenaer 
prononça  en  cette  occasion. 

K*    XVI. 

DUe^mn  prononcé  par  le  comte  de  Wanenaer-Titickelf 
à  toeeoiion  de  l'audience  tolemnelle  que  l'empereur 
Joêepi  II  accorda  aux  députéu  dei  ElaU-Généraux^ 
le  24  Juillet  1785. 

Sîre, 
Nous  avons  Thonneur  d'oflTrir  à  V.  M.  Impériajle  et 
Boyale  les  sendmens  de  la  haute  considération  9  de  Tat- 
tacÂiement,  et  dés  égards  dont  LL.  HH.  PP.  ont  tou- 
jours été  pénétrées  envers  l'auguste  maison,  particuliè- 
rement envers  la  personne  sacrée  de  Y.  M. ,  et  à  l'égard 
desquels  elles  n'ont  jamais  varié.  Nous  sommes  chargés 
d'en  porter  de  nouvelles  assurances  à  V.  M.;  et  c'est  en 
nous  acquittant  de  ce  devoir  que  nous  avons  l'honneur 
de  donner  à  Y.  M.  pleine  certitude  : 

,,Qne  LIi.  HH.  PP.  n'ont  pu  voir  sans  émotion  et 
„sans  regrets  les  commencemens  d'un  refroidissement 
^de  cette  amitié  et  de  cette  heureuse  harmonie  qui  ont 
^toujours  subsisté  entre  Y.  M.  et  la  République  :  Que 
^LL.  HH.  PP.  n'ont  jamais  eu  la  moindre  intention 
^d*offenser  Y.  M.  Impériale  et  Royale,  ni  d'insulter 
„son  pavillon,  puisque  dans  toute  la  conduite,  que  le 
^*oours  successif  des  évènemens  les  a  obligées  de  tenir, 
„  elles  se  sont  fait  une  loi  constante  d'allier  toutes  les 
„ mesures  que  leur  sûreté,  leurs  droits  incontestables, 
et  leur  dignité  les  forçaient  à  suivre,  aux  égards  et  à 
la  considération  dus  à  Y.  M.  :  Que  LL.  HH.  PP.  dé- 
parent avec  la  plus  vive  ardeur,  de  rétablir  au  plutôt 


99 

5» 


poteatiairei.  Par  cette  raison,  leurs  Toitares  furent  fouillées,  et 
^  leur  confisqua  plusieurs  effets,  comme  ^tant  de  contrebande. 
Joteph  U  en  ordonna  cependant  la  restitution. 


272   VIIL  APF.  D.  li.  IiIBRBNAVIG.D^L'BSCAXTT, 

„  cette  bonne  harmonie,  interrompue  si  malbeurensement^ 
„et  de  la  voir  assurée  sur  des  bases  immuables  :  Que 
„LL.  HH.  PP.  n'ont  jamais  pu  former  le  projet  d'en  agir 
„  envers  les  sujets  de  Y.  M.  que  de  la  même  façon  et  sur 
,,le  même  pied  qu'envers  les  sujets  de  la  République 
„même**: 

„Que  d'après  ces  sentimens,  LL.  HH.  PP.  se  flattent, 
„que  ces  assurances  si  claires,  rendront  évidente  l'impos- 
„sibilité  de  vues  offensantes  qu^on  aurait  pu  leur  prêter 
„ injustement,  mais  que  leurs  égards  pour  Y.  M.  ne  leur 
,9 permettraient  jamais  d'admettre.'^ 

Et  c^est  en  conséquence  de  ces  sentimens.  Sire,  que 
tous  les  voeux  de  LL.  HH.  PP.  tendent  au  retour  parfiiit 
de  la  bonne  intelligence  avec  Y.  M.  Impériale  et  Royale^ 
qu^elles  espèrent  ardemment  de  voir  rétablie  par  les  bons 
oiEces  et  la  médiation  d'un  monarque,  qui  par  les  liens 
les  plus  chers,  est  l'ami  et  l'allié  de  Y.  M.  Impériale  et 
Royale  :  —  époque  heureuse ,  qui  ne  pourra  jamais  ar- 
river assez  tôt  au  gré  de  LL.  HH.  PP.  qui  n'ont  jamais 
varié,  et  ne  vaincront  jamais*,  sur  le  haut  prix  qu'elles, 
attachent  à  Tamitié  et  à  la  bienveillance  de  Y.  M.  Impé- 
riale envers  la  République. 

Réponse  de  l'empereur. 

Je  suis  charmé  que  LL.  HH.  PP.,  par  voti'c  dépu* 
talion,  Messieurs,  aient  satisfait  à  ce  que  j'avais  désiré 
comme  uu  préalable  à  tout  accommodement.  Je  vais 
faire  passer  des  ordres  à  mon  ambassadeur  à  Pai'is,  de 
reprendre  les  négociations  sous  la  médiation  du  roi  de 
France,  mon  allié  et  beau -frère  :  et  je  ne  doute  point 
qu'une  prompte  conclusiou  pourra  faire  éviter  tous  les 
fâcheux  évèiiemcns,  suite  inévitable  d'ultérieui's  délais. 

Ce  point  préliminaire  ayant  été  ainsi  réglé  à  la 
satisfaction  de  l'empereur,  les  négociations  enta- 
mées à  Paris,  fmrent  reprises. 


BKTBE  li'AITTB.  ET  liA  HOliIi.J  EN  1784-    273 

Lf'empereur  fixa  d'abord  à  quinze  millions  de 
la  somme  qu'il  réclamait;  il  la  réduisit 
ensuite  à  douze,  et  finalement  à  dix,  dont  neuf 
et  demi  devaient  être  pour  lui-même,  et  un  demi 
pour  dédommager  les  Brabançons  des  pertes  qu'ils 
araient  souffertes  par  les  inondations  (^). 

Les  ambassadeurs  de  la  république  refusant 
toujours  leur  consentement  à  ce  payement,  le  comte 
Mercy  déclara  que  si  le  21  Septembre  au  plus 
tard,  .les  États-Généraux  n'avaient  point  consenti  à 
payer  cette  sônune,  il  regarderait  les  négociations 
comme  rompues  et  que  la  guerre  commencerait. 

A  Papproche  de  ce  terme,  les  plénipotentiaires 
hollandais  confièrent  au  comte  de  Vergennes,  que 
leurs  instructions  ne  leur  permettaient  pas  d'accor- 
der au  delà  de  cinq  millions  et  demi.  Le  roi  de 
France,  se  trouvant  dans  le  cas  d'opter  entre  un 
ancien  allié  avec  lequel  il  était  lié  par  les  liens  du 
sang ,  et  un  nouvel  allié  auquel  il  était  sur  le  point 
de  s'attacher  plus  étroitement,  chargea  le  comte  de 
Vergennes  de  déclarer  au  comte  de  Mercy,  qu'il 
payerait  la  somme  que  les  plénipotentiaires  de  la  ré- 
publique ne  pouvaient  accorder  (^).    Ce  fut  en  suite 

(1)  Les  Hollandais  avaient  en  soin  de  mettre  soos  Peau  les  en- 
virons de  leors  places  fortîliées  de  la  Flandre,  afin  de  les  garantir 
contra  les  attaques  des  Impe'riaox.  Les  inondations,  en  embrassant 
une  grande  ëtendne  de  terrain^  avaient  cansë  des  dommages  consi- 
dérables aux  sujets  autrichiens  de  la  Flandre,  dont  Tempereur  de- 
manda la  réparation. 

(2)  C'ëtaient  4,500,000  florins,  repartis  en  huit  termes  de 
^62,000  flonns»    La  France  paya  eiFectivement  les  quatre  premiers 

II.  18 


274  VIII.  AFF.  D.  li.  lilBRE  NAVIG.  D.  I^'ESCAUT. 

de  cette  déclaration  que  les  préliminaires  furent 
signés  le  20  Septembre,  la  veille  du  jour  fixé  par 
Tempereur. 

Le  traité  définitif  fut  conclu  à  Fontainebleau, 
le  8  Novembre  1785  9  sous  Isrmédiation  et  la  ga- 
rantie de  la  France,  et  signé  par  le  comte  deVer- 
gennes ,  au  nom  du  roi  comme  médiateur  ;  par  le 
comte  de  Mercy  d'Argenteau,  ambassadeur  de  l'em- 
poreur  à  la  cour  de  France,  pour  et  au  nom  de 
ce  prince;  par  MM.  Mathieu  Lestevenon,  seigneur 
de  Berkenrode,  et  Gérard  Brantzen,  bourguemaitres 
de  la  ville  d'Amheim,  en  qualité  d'ambassadeurs 
et  plénipotentiaires  des  États  -  Généraux. 


termes,  dont  le  dernier  ëtait  échn  le  24  Septembre  1787;  mais  Ion- 
qu'en  1788 ,  le  système  français  fat  remplace  en  Hollande  par  celai 
de  rAsgleterre ,  la  France  se  prt^valut  du  traite  conclnc  le  15  AttII 
1788,  entre  cette  puissance  et  les  Etats -Génëraux,  pour  se  lous- 
traire  A  roblîgation  d'acquitter  les  quatre  derniers  termes. 


CAUSE  NEUVIEME. 

Stipture^  entre  les  cours  de  Russie  et  de  Suède, 
em  17889  à  l'occasion  du  renvoi  du  comte 
RoMumoffshy,  ministre  de  ^impératrice  Ca- 
tierine  II ^   de  Stockholm;  et  discussions  qui 

« 

f  élevèrent  à  la  suite  de  cette  rupture  ^  entre 
le  Danemark  et  la  Suède,  €m  sujet  des  troupes 
ÊmsUiaires  que  S.  M.  Danoise,  ^ après  les 
traités  avec  la  Russie,  était  dans  tobligation 
de  fournir  à  cette  puisscmce. 


IjA  Russie  ayant  perdu  par  la  révolution  qui  se 
ft  en  Suède,  en  1772,  en  faveur  de  Pautorîté 
loyale,  l'influence  qu'elle  y  avait  exercée  jusqu'a- 
1«P8,  Catherine  II  tâcha  de  la  regagner,  en  or- 
donnant à  ses  ministres  à  la  cour  de  Stockholm, 
4insi  qu'à  des  émissaires  secrets  qu'elle  envoya  en 
Suède,  d'exciter  le  mécontentement  de  la  noblesse, 
^  laquelle  le  roi  avait  enlevé  une  grande  partie 
les  prérogatives  dont  elle  s'était  emparée  après  la 
Hort  de  Charles  XII. 

Quoiqu instruit!  de    ces  intrigues,   Gustave  III, 
sanquant  d'argent,  et  n'ayant  pour  allié  que  l'in- 

18  * 


276     IX.  AFF.  DU  COMTE  DE  RASOUMOFFSKY^ 

dolent  Lmiis  XV,  se  vît  obligé  de  cacher  son  res- 
sentiment; attendant  toutefois  une  occasion  favo- 
rable pour  éclater  (*).  La  guerre  des  Turcs  dé- 
clarée au  mois  d'Août  1787?  occupant  la  Russie 
sur  le  Dniester  et  en  Crimée,  parut  favoriser  ses 
projets.  A  peine  au  printemps  de  1788,  l'impé- 
ratrice avait -elle  fait  équiper  à  Cronstadt,  une 
flotte  de  quinze  vaisseaux  de  ligne,  destinée  à  passer 
le  Sund,  et  à  se  rendre  à  la  Méditerrannée  pour 
soutenir  les  opérations  militaires  dans  l'Archipel; 
que  le  roi  fit  sortir  la  sienne,  le  Ç  Juin  1788,  du 
port  de  Carlscrona,  sous  le  commandement  de 
son  frère,  le  duc  de  Sudermanie.  En  même  temps 
une  flotte  de  vingt  huit  galères,  qui  avait  été  équipée 
avec  une  promptitude  extraordinaire,  transporta  en 
Finlande  une  armée  rassemblée  à  Stockholm  (^). 

(1)  Le  prince  Charles  de  Hesse  ,  dans  ses  Mémoires  sur  la  cam^ 
pagne  de  1788  en  Suède,  dit,  en  parlant  da  voyage  imprévu  que 
le  roi  de  Suéde  fit  à  Copenhague  au  commencement  de  rann<^ 
1788  :  ,,Ce  prince,  qui  depuis  sa  jeunesse  avait  été  nourri  dans 
des  principes  d'inimitié  contre  le  Danemark.,  sa  nation  presque  r^ 
pnblicaine  étant  partagée  alors  en  factions,  dont  celle,  nommée  les 
bonnets  y  opposée  aux  intérêts  de  la  cour,  était  attachée  à  la  Rus- 
sie, â  l'Angleterre  et  au  Danemark,  déploya  à  Copenhague  tous  les 
talens  de  l'éloquence  et  de  la  politique^  pour  détacher  la  cour  de 
Danemark  de  son  ancienne  et  étroite  alliance  naturelle  avec  la 
Russie,  et  pour  la  porter  â  s'unir  étroitement  avec  la  Suéde." 

(2)  Déjà  le  12  Juillet  1778  le  roi  renouvella  l'alliance  qui  subsis- 
tait, depuis  1739,  disait -il,  entre  la  Suède  et  la  Porte,  mais  qui 
par  l'art,  l®'  de  la  paix  d'Abo  avait  été  véritablement  annullée. 
Par  le  traité  de  1787,  le  roi  s'engagea  à  attaquer  la  Russie;  et  h 
Porte  promit  de  lui  payer  des  subsides.  Le  traité  de  1788  n'a 
point  été  publié. 


MIN.  DJB  RUSSIE  A  STOCKHOIiM  ;  EN  1788.   277 

Ce  fut  alors  que  le  comte  André  de  Rasou- 
moffsly,  envoyé  extraordinaire  de  Fimpératrice  à 
la  coiir  de  Stockholm^  adressa  le  18  Juin,  la  note 
çî- après  ^  au  comte  d'Oxenstiema ,  chancelier  du 
rojFBume,  pour  demander  une  explication  sur  ces 
aniiemen& 

N«-  I. 

Nêie  ém  comte  de  Basoumoffiky  ^  envoyé  eofiraorâinaire 
de  Bmiie  à  Stockholm^  adresiée  au  comte  d'tkven- 
$iiema^  ckancelier  de  Suède;  du  18  Juin  1788. 

}l  la  suite  des  objets  dont  le  soussigné ,  envoyé 
extraordinaire  et  ministre  plénipotentiaire  de  la  cour 
mpériale  de  Russie,  vient  d'entretenir  S.  Exe.  M.  le 
sénateur  comte  d'Oxensticma,  il  a  l'honneur  de  lui  en 
représenter  une  récapitulation  succincte  dans  cette  note. 
Quelle  qu'ait  été  la  surprise  de  Tlmpépatrice,  ma  sou- 
veraine, lorsqu'elle  fut  informée  des  arméniens  qui  se 
fàsaient  en  Suède,  S.  M.  Impériale,  ne  \ojanl  aucun 
motif  légitime  qui  ait  pu  y  donner  lieu,  avait  résolu 
de  gavder  le  silence,  tant  que  ces  mouvemens  eussent 
été  renfermés  dans  l'intérieur  du  royaume;  mais  appre- 
nant les  motifs  aUégués  d'ans  la  communication  qui  a 
«lé  faite  par  M.  le  sénateur  comte  d'Oxenstierna,  au 
numistre  de  Danemark,  et  dont  celui-ci,  par  une  suite 
de  cette  intimité  qui  règne  entre  les  deux  cours,  a  fait 
fart  au  soussigné,  S.  M».  Impériale  s'est  déterminée  à 
rompre  ce  silence,  et  a  ordonné  au  soussigné  d'entrer 
dans  les  explications  suivantes  avec  le  ministre  de  S. 
li.  Suédoise. 

Pendant  vingt  six  ans  de  règne  de  Tlmpératrice, 
elle  n'^a  cessé  de  donner  des  témoignages  au  roi  et  à  la 
nation  de  Suède,   de  son  désir  de  cultiver  avec  elle  un 


278    DL  AFF.  BU  COMTE  DE  RASOUHOFFSKT| 

bon  voisinage  et  une  bonne  harmonie  ainsi  que  la  der- 
nière paix  d'Âbo  Tavait  rétablie  entre  le^  deux  états. 
Si  au  milieu  du  repos  dont  son  empire  jouissait  da 
côté  de  ses  autres  voisins,  S.  M.  Tlmpératrice  avait 
jamais  connu  la  moindre  idée  de  troubler  ou  d'altérer 
le  moins  du  monde  cet  ordre  des  choses;  il  serait  hors 
de  toute  vraisemblance  de  la  lui  attribuer  au  moment 
où  elle  se  trouve  engagée  dans  une  guerre  que  loi  a 
suscitée  injustement  un  ennemi  puissant,  et  à  lacpelle 
elle  ne  saurait  donner  trop  d^attention.  Provoquée  de 
cette  manière  à  déployer  les  moyens  qu'elle  tient  de  la 
providence,  pour  repousser  l'attaque  de  son  finiy#nmîy  elle 
a  eu  soin  d'en  prévenir  amicalement  toutes  les  puis- 
sances de  la  chrétienté;  et  nommément  elle  a  obaeryé 
cette  conduite,  lorsqu'elle  a  pris  la  résolution  d'armer 
une  flotte,  pour  l'envoyer  dans  l'Archipel,  et  le  soua- 
signé  en  a,  par  son  ordre,  communiqué  Fintentioa 
au  ministre  de  Suède.  Toutes  ces  dispositions  et  ces 
préparatifs  se  rapportant  visiblement  et  uniquement  à  la 
circonstance  dans  laquelle  se  trouvait  la  Russie,  n^étaient 
nullement  faits  pour  alarmer  ses  autres  voisins,  qui  ne 
nourriraient  pas  quelque  dessein  caché  d'en  profiter  en 
multipliant  ses  embarras. 

En  admettant  pour  un  instant,  que  la  cour  de  Rus- 
sie ait  supposé  de  tels  desseins  à  celle  de  Suède,  quel- 
ques contraires  qu'ils  soient  à  la  religion  des  traités  qui 
les  lient,  la  saine  raison,  ainsi  que  l'intérêt  de  la  pre- 
mière, devaient  borner  toutes  ses  mesures  au  soin  d'en 
prévenir  les  effets  et  non  de  les  provoquer  :  Et  en 
effet,  celles  que  la  prudence  dicte,  et  qui  furent  adop- 
tées sur  les  bruits  qui  se  répandaient  de  toutes  parts, 
des  armemens  qui  se  faisaient  en  Suède,  se  réduisaient 
à  un  renfort  très -modique  des  troupes  russes  en  Fin- 
lande, et  à  la  destination  de  l'escadre  ordinaire  qui  a 
coutume  de  croiser  tous  les  ans  dans  la  Baltique  pour 
l'exercice    des  marins;    coutume,    à    laquelle    la  Suède 


IflN.  BE  RUSSIE  À  STOCKHOLM  J  EN  1788*   279 

na  jamais  porté  attention,  et  qui  ne  lai  a  jamais  causé 
d'ombrage.  Cependant  les  armemens  avançaient  et  se 
Knfbrçaient  journellement,  sans  que  le  comie  de  NoI- 
cken  jugeât  à  propos  de  s^en  ouvrir  formellement  vis- 
i^vis  de  la  cour  de  St.  Pétersbourg;  et  Iorscj[u'enfin  ils 
aont  parvenus  &  leur  maturité,  M.  le  comte  d'Oxcn- 
édema,  au  nom  du  roi,  n'a  pas  balancé  de  déclarer  au 
ministre  d'nne  cour  intimement  alliée  à  la  nôtre,  et 
apposée  par  conséquent  ne  devoir  pas  nous  lè  cacher, 
j^qae  ces  préparatifs  étaient  dirigés  contre  la  Russie, 
iidans  la  supposition  que  la  Suède  était  menacée  d'en  être 
nittaquée.^^ 

Dans,  ces  tçrmes,  Tlmpératrice  ne  balance  pas  non 

pins  de  son^'côté,  de  faire  déclarer  par  le  soussigné,  au 

ministre  de  S«  M.  Suédoise,  ainsi  qu'à  tous  ceux  de  la 

nation  qui  ont  quelque  part  à  Tadministration,  „que  S. 

„M.  Impériale  ne  saurait  leur  donner  une  preuve  plus 

usolîde  de  ses  dispositions  pacifiques  à  leur  égard,  et 

„de  rinlérét  qu'elle  prend    à  la  conservation    de  leur 

jytranquillité,  qu'yen  les  assurant  sur  sa  parole  Impériale, 

nque  les  intentions  contraires  qu'on  pourrait  lui  impu- 

„tcr,  sont  destituées   de  tout  fondement;  mais  que  si 

„uie  assurance  aussi  formelle,  aussi  positive,  jointe  aux 

^argnmens  simples    et    convaincans    qui   se    présentent 

i,dans  ce  qui  est  exposé  ci -dessus,   n'était  pas    suflS- 

„ santé  pour  rétablir  le  calme   et  la  tranquillité,  S.  M. 

^Impériale  est  résolue  d'attendre  l'événement,  avec  cette 

„  confiance  et  cette  sécurité    que   doivent    lui   inspirer 

jyla  pureté    et  l'innocence   de  ses  intentions,   ainsi   que 

„Ibl  suffisance  des  moyens  que  Dieu  lui  a  mis  en  mains, 

y,  et  qu'elle  n'a  jamais   employés  que  pour  la  gloire  de 

^9on  empire  et  le  bonheur  de  ses  sujets.**' 

Stockholm,  le  18  Juin  1788. 

Le  comtb  de  Rasoumoffsky. 


280    IX.  AFF.  DU  COMTE  DIS  RASOUMOFFSKT, 

Comme  le  roi  de  Suède  regarda  Pezpresaioii  dont 
le  comte  de  Rasoumoffsky  s'était  servi  dans  sa  note, 
en  l'adressant  à  la  fois  à  son  ministère  et  à  Um 
ceux  de  la  nation  qui  participaient  <m  gourer-- 
nementy  comme  une  offense  personnelle  ^  et  qu'il 
accusa  à  la  fois  ce  ministre  d'avoir  voulu  mettre  la 
désunion  entre  le  gouvernement  et  la  nation,  en  rap- 
pelant les  temps  d'anarchie  auxquels  la  révolution 
de  1772  avait  mis  fin,  il  lui  fit  signifier  de  quitter 
Stockholm  et  le  royaume.  On  voulut  même  le 
forcer  de  s'embarquer  sur  un  yacht  suédois  qui  de- 
vait le  transporter  à  Pétersbourg,  mais  il  s*y  re- 
fusa, et  ne  quitta  la  capitale  que  le  11  Août,  pour 
se  rendre  à  Lubeck. 

Le  23  Juin,  peu  de  jours  avant  que  les  minis* 
très  étrangers  prirent  congé  du  roi  se  rendant  à 
l'armée  en  Finlande,  S.  M.  leur  fit  remettre  par 
le  comte  d'Oxenstierna,  la  note  suivante,  pour  leur 
communiquer  les  griefs  qui  avaient  motivé  sa  con- 
duite envers  le  ministre  de  l'Impératrice. 

No   n. 

Note  du  comte  d'Oxenstierna^  adreaée  par  ordre  duroiy 
à  tous  les  ministres  étrangers  résidant  à  Stockholm; 
du  23  Juin  1788  ('). 

Pendant  que  le  roi,  soigneux  de  maintenir  la  bonne 
harmonie  avec  tous  ses  voisins,  n^a  rien  négligé  pour  la 


(1)   Cette    note    est    ea    quelque    sorte    individuellement    dirigée 
contre  le  comte  de  Rasoumoil'sky,   et   n*cst  guôrc   propre   à    expU- 


MIN.  DE  HT78SI£  A  STOCKHOLM;  EN  1788*  281 

oilthrer  avec  la  cour  de  Russie,  il  n'a  pu  voir  qu'avec 
âoimeinent  le  peu  d'effet  que  ses  sentimens  ont  pro* 
chut  sur  la  conduite  du  ministre  de  cette  puissance; 
elle  langage  qui  depuis  quelques  mois  accompagne  ses 
demarcLes,  paraît  encore  porter  l'empreinte  du  système 
de  division,  que  ses  prédécesseurs  se  sont  transmis,  et 
ifCÛB  ont  tous  travaillé  à  étendre.  Le  roi  chercliait 
encore  â  se  faire  illusion  sur  cet  objet  :  il  souhaitait  de 
pouvoir  douter  des  efforts  que  faisait  l'envoyé  de  Rus- 
sie pour  ramener  la  nation  suédoise  aux  erreurs  qui 
Pivaient  séduite  pendant  le  temps  de  Tanarcliie,  et 
pour  répandre  de  nouveau  dans  le  sein  de  l'état,  cet 
anden  esprit  de  division  que  le  ciel  et  les  soins  de  S. 
IL  ont  su  heureusement  éteindre;  lorsqu'enfin  la  cour 
de  Russie  vient  de  lever,  par  sa  note  du  18  Juin,  tous 
les  doutes  que  le  roi  aimait  encore  à  conserver  à  cet 
^ard. 

X  la  suite  des  assurances  d'amitié  de  l'Impératrice 
ponr  le  roi,  dont  cette  note  est  remplie,  ce  ministre 
n'a  pas  hésité  d'en  appeler  encore  à  d'autres  qu'au 
itù  seul;  il  s'adresse  à  tous  ceux  qui  ont  part  à  Pad-- 
winistration,  ainsi  qu^à  la  nation  même  y  pour  les 
«tnrer  des  sentimens  de  sa  souveraine,  et  de  l'intérêt 
fju'clle  prend  à  leur  tranquillité.  La  Suède  ne  la  de- 
Tant  plus  qu'à  sa  propre  union,  le  roi  n'a  pu  voir 
qu'avec  la  plus  grande  surprise  une  déclaration  conçue 
dans  ces  termes  9  et  n'y  reconnaît  que  trop  la  politique 
et  les  discours  des  prédécesseurs  de  ce  ministre,  qui, 
peu  contens  de  semer  la  division  parmi  les  sujets  de 
S.  M.,  auraient  encore  voulu  opposer  d'autres  autori- 
tés au  pouvoir  légitime,  et  sapper  les  lois  fondamen- 
tales de  l'état,  en  appellant  au  secours  de  leurs  asser- 

qaer  les   objets  da  mëcontentement  qne  Gustave  III    avait  contre 
l'Impératrice. 


282    IX.  AFF.  BU  COMTE  BE  RASOUMOFFSKY, 

lions  des  témoins  qvte  la  forme   du  gouYemement  ne 
peut  reconnaître. 

S.  M.  cliercherait  vainement  à  concilier  les  assu- 
rances d^amitié  de  l'Impératrice  de  Russie  d'un  côté 
et  Tinterpellation  des  Suédois  de  l'autre.  Chaîné  de 
déclarer  les  sentimens  de  ses  maîtres,  tout  ministre  ne 
doit,  ni  ne  peut  les  annoncer  qu'au  souverain  seul,  aapris 
duquel  il  est  accrédité;  toute  autre  autorité  lui  est 
étrangère,  tout  autre  témoin  lui  devient  superflu*  Tdie 
est  la  loi,  tel  est  l'usage  constant  de  tous  les  cabinet! 
de  l'Europe:  et  cette  règle  n'a  jamais  cessé  d'être  ob- 
servée,  k  moins  que  par  des  insinuations*  captieuses 
on  n'ait  pour  but,  comme  autrefois  en  Suède,  de 
brouiller  les  cboses,  de  tout  confondre  et  d'y  relever 
de  nouveau  la  barrière  qui  séparait  jadis  la  nation  et  le 
souverain. 

Blessé  de  cette  manière  par  l'endroit  le  plus  sen- 
sible à  sa  gloire,  et  n'apperccvant  plus  cbcz  le  comte 
de  Rasoumoffsky  le  langage   d'un  ministre,    cbargé  jus- 
qu'à présent  d'annoncer  les  sentimens  amicaux  de  l'Im- 
pératrice; mais  ne  pouvant  non  plus  se  figurer  que  des 
expressions  aussi  contraires  aux  lois   fondamentales  de 
la  Suède,  et  qui,  en  séparant  le  roi  et  Tétat  rendraient 
tout  sujet  coupable,  lui  aient  été  prescrites,  le  roi  aime 
mieux  les  attribuer  aux  sentimens  particuliers   du  mi- 
nistre de  Russie,   qu'il  a  osé  manifester,   qu'aux  ordres 
de  sa  cour.     Cependant  après  ce  qui  vient  de  se  pas- 
ser, après  les   déclarations   aussi  contraires  au  bonhenr 
du  royaume  qu'aux  lois  et  aux  égards  dûs  au  roi,  S.  M 
n'est  plus   en  état  de  reconnaître  le   comte  de  Rasou- 
moffsky dans  la  qualité  de  ministre,   et    se   voit   obïgée 
d'exiger  son   départ    de    la   Suède,    en    confiant   à  son 
ministre  à  la  cour  de  Russie^    la  réponse    aux    autres 
points  de  la  note  qui  vient  d'elrc  communiquée. 


MUï.  Ds  Bjjasa  À  STOCKHOLM:  BN  1788-  283 

Il  n'a  fallu  qu'une  attaque  aussi  directe  à  la  gloire 
du  roi  9  de  la  part  du  comte  de  Rasoumoffsky ,  pour  se 
teerminer  à  demander  de  se  séparer  de  quelqu'un  qu'il 
I  lionoré  de  sa  bonté  particulière;  mais,  se  voyant  & 
regret  réduite  à  cette  nécessité,  S.  M.,  par  une  suite 
le  son  ancienne  bienveillance,  a  cherché  â  diminuer  ce 
giie  le  inoment  avait  de  désagréable,  par  les  soins  qu'elle 
fHsm  de  prendre  pour  le  départ  du  comte  de  Rasou- 
tnoBskjj  et  par  les  attentions  qu'on  aura  à  l'égard  du 
UfOips  et  de  sa  commodité  dans  le  voyage  et  trajet  pour 
S|k  Pétersbonrg. 

S;  M.  voulant  que  le  corps  diplomatique  fût  in- 
finln^  de  ce  qui  vient  d'être  exposé  ci-dessus,  le  séna- 
tenr  comte  d'Oxenstierna  a  l'honneur  d'en  faire  part 
fù  son  ordre. 

X  Stockholm,  le  23  Juin  1788. 

Le  comte  d'Oxenstierna. 

Le  roi  ne  reconnaissant  plus,  d'après  cette  dé- 
daratUm,  le  comte  de  RasoumoflPsky  en  sa  qualité 
de  ministre ,  envoya  à  son  ambassadeur  à  Péters- 
kmrg,  le  baron  de  Nolcken,  la  réponse  à  la  note 
dn  18  Juin,  pour  être  remise  par  lui  au  ministère 
de  Russie.  Mais  déjà  le  27  Juin,  dans  un  grand 
conseil  qui  fut  tenu  à  Czarko-Zelo,  il  avait  été 
résolu  de  réciproquer  les  procédés  de  la  cour  de 
Saède,  et  de  ne  plus  reconnaître,  dès -à -présent, 
la  qualité  d'ambassadeur  dans  la  personne  de  M. 
dé  Nolcken.  Ce  ne  fut  toutefois ,  que  le  4  Juillet, 
que  cette  résolution  fut  mise  en  exécution  ;  le  public 
en  fut  instruit  par  l'article  ci -après,  inséré  dans 
la  gazette  de  Pétersbourg,  du  12  Juillet. 


284    IX.  AFF.  BU  COMT£  D£  KASOUMOFFSKT, 


N«-  m. 

Article  imérê  dam  la  gazette  de  Pêtenbowrg;  A     \i 

12  Juillet  1788. 


La  cour  n*a  pas  appris  sans  étonnement,  qu'une  iwte 
que  son  ministre  à  Stockholm  avait  remise  le  18  Jnin  1 
la  cour  de  Suède,  pour  s'éclaircir  sur  les  annemens  in- 
attendus de  cette  puissance,  ait  pu  servir  de  préteUe 
à  celle-ci,  pour  déclarer  au  comte  de  IUsounudM[y 
qu'elle  ne  pouvait  plus  le  reconnaître  dans  son  caractère 
public.  Cependant  ne  pouvant  pas  être  indifférente  1 
im  procédé  si  imprévu,  M.  de  Koch,  premier  officier 
des  bureaux  du  vice -chancelier  comte  Ostermann,  a'eit 
rendu  le  4  Juillet,  dans  l'absence  du  maître  des  céré- 
monies, chez  le  baron  de  Nolcken,  envoyé  de  Suède  i 
St.  Pétersbourg,  et  lui  a  déclaré: 

„Que  S.  M.  l'Impératrice  avait  été  extrêmement 
„  surprise  du  message  fait  à  son  ministre  à  Stockholm; 
„  qu'en  conséquence  et  par  réciprocité  S.  M.  Impériale 
„lui  faisait  savoir,  que  ses  ministres  ne  traiteraient  plus 
„avcc  lui  dans  son  caractère  public,  et  qu'il  eut  à  qnit- 
,,ter  dans  la  huitaine  l'empire  de  Russie,  les  ordres 
„  ayant  été  donnés  pour  lui  faciliter  le  voyage. 


u 


Le  vice -chancelier  refusa  en  conséquence  de 
recevoir  des  mains  du  ministre  de  Suède,  la  note 
ci -après,  qui  lui  fut  remise  par  le  secrétaire  de 
légation,  M.  de  Schlaff. 


MIN.  DE  RUSSIE  À  STOCKHOLM;  EN  1788-   285 

NO-  IV. 

Jfote  de  la  cQur  de  Suèdes  remise  au  vice-' chancelier 
de  Musiiej  comte  d'Ostermanuj  par  M.  de  Schlaff, 
secrétaire  de  légation  du  roi;  du  1  Juillet  1788  (^). 

• 

,  Le   roi  a  pendant  dix -sept  ans  de  règne,  donné 
trop  de  preuves  de  son  amour  pour  la  paix,  et  du  soin 
ayec   lequel  S.  M.   a  taché  de  maintenir  la  bonne  har- 
monie avec  ses  voisins,  pour  que  le  roi  croie  néces- 
aaire   de    justifier  des  sentimens  aussi  connus,    et  que 
tant  d'années  de  repos  et  de  tranquillité  ont  justifiés  aux 
yeux  de  l'univers  enrîer.    Le  roi  a  surtout  mis  tous  ses 
^flK>rt8  à  maintenir  la  paix  avec  la  Russie,   que  S.  M. 
trouva  conservée  durant  tout  le  règne  du  roi,  son  père  ; 
Et  quoique  cette  puissance  donnât  au  roi,  dès  son  avè- 
nement au  trône,  les  plus  justes  sujets  de  mécontente- 
ment, par  les  intrigues  réitérées  qu'elle  se  plaisait  d'en- 
tretenir  contre  la  personne  même  du  roi,  comme  elle 
Pavait  déjà  fait  contre  la  personne  du  feu  roi,  pendant 
1^  dernières  années  du  règne  de  ce  prince,  S.  M.  sa- 
crifia son  juste  ressentiment  à  la  tranquillité  publique, 
et  crut  que  l'Impératrice,  égarée  par  des  rapports  faux 
et  exagérés,  éclairée  par  la  conduite  uniforme  du  roi, 
et  ouvrant  les  yeux  sur  ses  vrais  intérêts,  rendrait  en- 
fin justice  aux  sentimens  de  S.  M.  et  cesserait  enfin  de 
vouloir  porter  la  division  et   le  trouble    dans    le  sein 
d'une  nation,  réunie  par  le  courage  du  roi,  et  qui  avait 
eu  la  noble  fermeté  de  briser  les   liens  que  ses  voisins 
étaient  occupés  à  lui  donner  par  le  soutien  de  l'anarchie 


(I)  L'on  remarque  dans  cette  note,  comme  dans  tontes  les  antres 
pièces  diplomatiques  éckwagées  à.  l'occasion  de  cette  mptnre  entré 
la  SoMe  et  la  Russie ,  nn  ton  de  rigueur  et  d'amertume ,  qui  s'é- 
carte des  -mënagemens  nsitës  aujourd'hui  en  Europe,  même  entre 
des  paiaaaiioet  enaendei. 


286    IX.  AFF.  DU  COMTE  DE  RASOUMOFFSKT^ 

et  du  désordbre.  L'époque  où  la  Russie ,  accablée  à^uut 
guerre  onéreuse ^  longue  et  flagrante,  q[aoique  rempfie 
de  succès,  éprouvant  les  calamités  de  la  disette  et  de 
la  peste,  déchirée  dans  son  sein  par  la  révolte  qui 
menaçait  jusqu'au  trAnemême  de  Tlmpératrice;  où  Mot- 
cou,  tremblant  à  l'approche  du  rebelle  Pugatschew, 
demandait  de  prompts  secours;  et  où,  pour  les  hn 
donner,  l'Impératrice,  forcée  de  dégarnir  sa  frontière! 
la  laissait  ouverte  et  sans  défense,  suivit  bientôt  cdie 
où  elle  ne  paraissait  occupée  que  d'ébranler  le  trftne 
du  roi.  Si  S.  M.  n'eût  consulté  que  les  mêmes  prin- 
cipes qui  déterminaient  les  démarches  du  cabinet  de 
St.  Pétersbourg,  le  roi  eût  pu  porter  defs  coups  funestes 
à  la  Russie,  et  qui  eussent  pu  rejaillir  même  sur  b 
personne  de  l'Impératrice.  Loin  de  se  livrer  à  des 
sentimens,  qui  par  tout  ce  qui  avait  précédé,  eussent 
peut-être  été  excusables,  le  roi  resta  dans  une  parfSdte 
tranquillité,  et  espéra  par  une  conduite  aussi  pure,  de 
convaincre  l'Impératrice  de  ses  sentimens  particuliers  et 
des  principes  qu'il  s'était  prescrit  de  suivre  pendant  tout 
le  cours  de  son  règne. 

Non  content  d'une  conduite  aussi  pacifique,  et  ne 
voulant  rien  négliger  pour  arracher  jusqu'à  la  moindre 
semence  de  l'animosité  que  les  succès  même  du  roi  pou- 
vaient avoir  laissée  dans  l'esprit  de  l'Impératrice ,  et  en 
même  temps  éteindre  toutes  les  haines  nationales  qae 
tant  de  guerres  avaient  allumées,  S.  M.  chercha,  par  une 
connaissance  personnelle,  à  convaincre  Ilmpératrice  de 
son  amitié  et  de  son  désir  de  maintenir  la  paix  et  la 
bonne  harmonie  entre  ses  états  et  les  siens.  Le  roi  aime- 
rait à  s'arrêter  à  cette  époque,  dont  le  souvenir  encore 
cher  à  son  coeur  lui  rappelle  la  douce  et  trompeuse 
illusion  dont  il  fut  pendant  longtemps  ébloui ,  et  pendant 
laquelle  il  croyait  pouvoir  regarder  l'Impératrice  comme 
son  amie  personnelle,  si  les  circonstances  qui  se  sont 
depuis  développées,  lui  permettaient  de  se  retracer  ces 


MIN.  DE  RUSSIB  À  STOCKHOIiMJ  EN  1788*   287 

inomens  de  son  règne.  Le  roi  en  appelle  à  Tlmpéra- 
trice  elle-même,  si  S.  M.  a  rien  négligé  pour  lui  témoigner 
A  elle  personnellement,  et  à  Tcmpire  de  Russie,  la  con- 
fiance et  les  sentimens  pacifiques  et  amicaux  qu^il  regardait 
comme  utiles  aux  deux  empires.  C'est  cependant  au  milieu 
de  ces  soins,  et  tandis  que  le  roi  ne  cessait  de  compter  sur 
la  constante  union  qu'il  avait  si  bien  établie,  que  le  ministre 
de  rimpératrice  ne  cessait,  par  ses  menées  sourdes,  par 
ÊCB  propos,  par  ses  actions,  de  vouloir  réveiller  cet  esprit 

&  désunion  et  d'anarchie,  que  le  roi  avait  eu  le  bon- 
r  d^étoufier  au  commencement  de  son  règne,  et  qu'a- 
lors Fbnpératrice  avait  fomente  et  soudoyé  avec  tant  de 
aoin  :  et  tandis   que  le  comte   de  RasoumofFsky  tachait 
ainsi  de  troubler  l'intérieur  de  Fétat,  et  de  changer  le 
sacré  caractère  d'un  ministre  de  paix  en  celui  d'un  per- 
torbateur  du  repos  public,  il  osait  prêter  au  roi  dans  ses 
rapports  les  desseins  les  plus  hostiles  contre  la  Russie. 
Le  roi  se  croit  cependant  en  droit  de  prétendre,  que 
les  offices  repétées  de  bons  offices  et  de  médiation  que 
S.  M.  a  fait  faire  par  son  ministre,  pour  rétablir  la  paix 
entre  la  Russie  et  Tcmpire  ottoman,  auraient  dû  convaincre 
l'Impératrice  des  désirs  du  roi  de  pacifier  les  différends, 
au  lieu  de  troubler  son  repos.    Mais  lorsque  le  roi  ne 
peut  point  connaître  les  secrets  du  cabinet  de  Tlmpéra- 
trice,  S.  M.  ne  peut  aussi  juger  que  par  les  effets,  des 
véritables  principes  qui  le  guident.    Et  lorsque  le  roi  a 
vu,  d'un  côté,  les  menées  du  ministre  de  Russie  dans  son 
intérieur,  et  de  l'antre,  les  préparatifs  de  l'Impératrice, 
surtout  les  démarches  de  cette  princesse  pour  semer  la  dis- 
corde entre  lui  et  un  de  ses  voisins  (démarche,  que  S.  M. 
se  reserve  dans  une  autre  occasion  de  révéler),  le  roi  n*a 
pu  que  prendre  les  précautions  que  le  devoir  de  sa  place, 
sa  gloire,  l'intérêt  de  l'état  et  la  sûreté  de  son  peuple 
exigeaient,  et  de  déployer  avec  la  célérité  et  l'énergie  d'une 
grande  puissance,  toutes  les  ressources  que  dix -sept  ans 
de  sa  propre  administration  lui  ont  procurées. 


288    IX.  AFF.  DU  COMTE  DE  RASOUBCOFFSKT, 

C'est  dans  ces  circonstances,  et  lorsque  le  roi  comptait 
s'expliquer  définitivement  avec  l'Impératrice,  que  le  comte 
deÂasoumofisky^  mettant  le  comble  &  ses  démarches  of- 
fensantes dans  une  note  ministérielle ,  conçue  dans  les 
termes  les  plus  insidieux,  sous  les  apparences  de  l'amir 
tié,  a  osé  vouloir  séparer  le  roi  de  la  nation,  en  a  ap- 
pelé à  elle,  et  sous  le  spécieux  prétexte  de  l'amitié  de 
l'Impératrice  pour  la  nation,  a  voulu  rompre  les  Heni 
sacrés  qui  unissent  le  roi  et  ses  sujets.  S.  M.  a  consulté 
ce  qu'elle  se  doit  à  elle-même,  à  ses  peuples,  à  la  tran* 
quiUité  publique,  et  a  écarté  de  sa  personne  un  particiH 
lier,  qui  en  abusant  du  droit  des  "gensj  cessait  d'avoir 
droit  d'en  jouir  :  Et  lorsque  S.  M.  en  respectant  encore  en 
lui  le  caractère  dont  il  mésusait,  a  mis  dans  la  démardie 
que  le  roi  devait  &  sa  gloire,  tous  les  inénagemens  po»« 
sibles,  S.  M.  croit  avoir  encore  donné  une  dernière  preuve 
de  ses  égards  pour  l'Impératrice,  et  du  respect  que  le 
roi  porte  au  droit  des  gens. 

C'est  dans  ces  circonstances  que  le  roi  s'est  renda 
en  Finlande  à  la  tête  de  son  armée,  et  qu^il  demande 
une  réponse  catégorique  et  définitive,  qui  décidera  de 
la  paix  ou  de  la  guerre  :  et  voici  à  quelles  condidons^ 
le  roi  ofire  la  paix  à  Tlmpératrice. 

1)  Que  le  comte  de  Rasoumoffsky,  ministre' de  l'Im- 
pératrice, soit  puni  exemplaii*ement,  pour  avoir  employé 
en  Suède  toute  sorte  de  moyens  illicites,  à  l'efiet  de 
troubler  l'amitié,  la  confiance  et  la  bonne  intelligence: 
et  ce  afin  que  cet  exemple  serve  à  empêcher  d'autres 
de  se  mêler  jamais  dans  les  afiaires  domestiques  d'un 
royaume  indépendant. 

2)  Que  pour  dédommagement  des  frais  de  la  guerre, 
S.  M.  Impériale  cède  i  perpétuité  au  roi,  toute  la  partie 
de  la  Finlande  et  de  la  Carélie  avec  le  gouvernement  et 
laville  deKexhoIn,  tels  que  ces  pays  ont  été  abandonnés 
à  la  Russie  par  les  traités  de  paix  de  Nystadt  et  d'Abo, 
et  que  Susterbeck  fasse  désormais  la  frontière. 


MIN.  HB  &USSIE  À  STOCKHOLM;  BN  1788*  289 

3)  Que  s.  M.  Impériale  accepte  la  médiation  du  roi 
de  Suède  9  pour  effectuer  la  paix  avec  la  Porte -Otto- 
BMJHey  et  qu'elle  autorise  le  roi  à  proposer  à  la  Porte, 
la  cession  absolue  de  pa  Crimée  et  la  démarcation  des 
Baûles  conformément  au  traité  de  paix  de  1774.  Qu'au 
que  le  roi  ne  put  engager  la  Porte  à  faire  la  paix  à 
conditions,  il  ferait  proposer  à  cette  dernière,  de 
r^er  les  limites,  telles  qu'elles  étaient  avant  la  guerre 
iû  1768.  Enfin,  que  pour  sûreté  de  ces  sacrifices,  S. 
IL  Impériale  désarmerait  sa  flotte;  qu'elle  rappellerait 
de  la  Baltique,  les  vaisseaux  qu'elle  y  avait  envoyés,  ainsi 
qae  aes  troupes,  des  provinces  nouvellement  conquises; 
et  qu'elle  consentirait  à  ce  que  le  roi  de  Suède  restât 
sena  les  armes  jusqu'à  la  conclusion  de  la  paix  entre 
h  Bnasie  et  la  Porte. 

•  I/impératrice  répondit  à  cette  note  par  une 
dédaration  de  guerre  du  11  Juillet,  qui  fut  suivie 
le  12  Août,  d'un  manifeste,  contenant  les  motifs 
qd  Payaient  déterminée  à  cette  démarche.  Voici 
ces  deux  pièces. 

No-   V. 

DSdaraU&m  de  S.  M.  Impériale  de  toutei  les  Busnes; 

du  30  Juin  (11  Juillet)  1788. 

(?est  i  la  fin  de  l'hiver  dernier  que  des  armemens 
emaidérables  par  terre  et  par  mer  ont  commencé  à 
éclater  en  Suède.  Des  bruits  sourds,  semés  à  dessein j 
circnlaient  dans  le  royaume,  comme  si  la  Russie  médi- 
Bah  de  l'attaquer.  X  mesure  que  ces  préparatifs  avan- 
pdent,  et  qu'on  croyait  avoir  fait  des  progrès  sur  la 
Brédnlité  de  quelques  esprits  nationaux,  le  cabinet  de 
Stockholm  a  commencé  à  étendre  des  insinuations  du 
nème  genre  jusqu'aux  cours   étrangères.    L'impératrice 

II.  19 


290    IX.  AFP.  DU  COMTJ5  DE  RASOUMOFPSKY, 

avait  la  satisfaction  d'apprendre,  que  ces  insiniiatioiis 
ont  manqué  partout  leur  but.  En  effet  ^  ces  court  MUl 
trop  éclairées  pour  croire  que  la  Russie,  ayant  pendant 
une  si  longue  suite  de  .temps  suivi  un  système  con»- 
tament  pacifique  à  l'égard  de  la  Suède,  choisit ,  pour 
s'en  écarter,  le  moment  où  elle  était  occupée  d'ime  fi 
gueiTC  aussi  sérieuse  que  celle  que  la  Porte* Ottomane  |i 
lui  avait  suscitée. 

Cependant  l'impératrice ,  attentive  i  font  ce  qui  m 
passait  dans  un  voisinage  aussi  immédiat  de  ses  étati, 
crut,  sur  les  avis  qui  lui  en  sont  parvenus,  ne  devoir 
pas  négliger  quelques  mesures  de  précaution  ;  mais  là 
m£me,  voulant  éviter  tout  ce  qui  pouvait  donner  de 
l'ombrage  et  exciter  qiielqu*alarme ,  elle  se  contenta  de 
faire  passer  en  Finlande  un  renfort  léger  de  troopci, 
et  d'établir  dans  cette  province  des  magasins  proportion- 
nés à  leur  nombre ,  et  indispensablcment  nécessairet  k 
leur  subsistance.  Ensuite  se  reposant  sur  la  religion  da 
ti'aité  de  paix  perpétuelle  toujours  subsistant  entre  l'ent- 
pire  de  Russie  et  le  royaume  de  Suède,  et  ne  connaii- 
saiit  d'ailleurs  aucun  sujet  de  discussion  ouverte  ni  ca- 
chée entre  les  deux  cours,  la  correspondance  amicale 
au  contraire  continuant  toujours  entre  elles  sur  Fanden 
pied,  elle  avait  sans  doute  toutes  sortes  de  droits  de  pen- 
ser, que  quelque  exaltées  que  puissent  être  l'ambition, 
Tinquictude  et  Tenvie  de  sa  puissance,  les  seuls  motifi 
qui  poun*aient  pousser  le  roi  de  Suède  k  lui  faire  la 
guerre,  elles  seraient  reprimées  ])ar  le  respect  dû  â  la 
bonne  foi,  qui  doit  présider  aux  actions  des  souverains 
encore  plus  qu'à  celles  des  autres  hommes;  par  l'im- 
possibih'té  de  donner  quelque  couleur  d'équité  i  l'caeDr 
qu'il  voudrait  faire  prendre  à  ses  passions;  et  enfin  pr 
un  frein  également  puissant,  celui  de  l'engagement  so- 
lemnel  qu'il  a  conti*acté  vis -â -vis  de  sa  propre  nation, 
de  n'entreprendre  aucune  guerre  sans  la  rassenrd>]er,  la 
consulter  et  obtemr  son  consentement. 


KIN.  BB  RUSSIE  A  STOCKHOLM;  BN  178&  291 

.  Bien  ne  prouve  mieux  la  flécurité  que  tant  de  titres 
livaië  devaient  inspirer  à  S.  M.  Impériale,  que  la  ré- 
aalntion  qu'elle  adopta,  de  faire  détacher  de  sa  flotte 
destinée  pour  rArchipel,  une  division  composée  de  trois 
Viôaaeauxy  qui  mirent  à  la  voile  au  commencement  de 
ee  moié»  malgré  les  avis  positifs  qu'on  avait,  que  toute 
k-  flotte  suédoise  croisait  déjà  dans  la  Baltique.  Ces 
vaisseaux,  trois  jours  après  leur  sortie  du  port  de  Gron- 
ÉÊaàtf  la  rencontrèrent  en  effet  à  la  hauteur  de  Ttle  Dago. 
Une  frégate  s'en  détaelia  et  vint  aborder  le  vaisseau  du 
fiée -amiral  van  Ddssen,  qui  conduisait  cette  petite 
escadre.  Le  commandant  de  la  frégate  suédoise  annonça 
an  vice -amiral  la  présence  du  duc  de  Sudermam'e, 
frère  da  roi,  à  bord  de  la  flotte  suédoise,  et  demanda 
le  talnt  Le  vice-amiral  répondit  ;  que  par  l'article  l?""* 
dn  traité  d'Abo,  le  salut  ne  devait  pas  avoir  lieu  entre 
Ict  vaisseaux  russes  et  suédois,  mais  que,  respectant  dans 
la  personne  du  duc  de  Sudermanie  le  cousin -germain 
de  rimpératrice  et  le  frère  du  roi  de  Suède,  il  ne  fe- 
rait pas  diflSculté  de  rendre  à  ces  titres  tous  les  hon- 
nenra  qui  leur  étaient  dûs. 

n  fit  tirer  treize  coups  de  canon,  et  envoya  un  offi- 
i  bord  du  vaisseau  que  montait  le  duc  de  Suder- 
ie^  pour  le  complimenter  et  pour  lui  annoncer  en 
■éme  temps,  que  c'était  uniquement  &  sa  personne 
gu  s'adressaient  ces  honneurs  qui  venaient  de  lui  être 
pendus. 

La  réponse  du  duc  de  Sudermanie  fut  :  que  quoi- 
jpfû  n'ignorAt  pas  la  teneur  de  la  convention  faite  entre 
b  Suède  et  la  Russie,  à  Tégard  du  salut,  il  n'acceptait 
m»  moins  celui  qui  venait  d'être  fait,  comme  apparte- 
lant  an  pavillon  de  Suède,  attendu,  qu'il  avait  les  or- 
bres  les  plus  précis  du  roi  son  frère,  de  faire  respecter 
m  pavillon  partout  et  en  toute  occasion. 

Déjà  rimpératrice  se  disposait  à  faire  porter  des 
laintes  à  la  cour  de  Stockholm,  contre  l'injustice  et 

19* 


292     IX.  AFP.  nu  COMTE  DE  KASOtrMOPFSKY, 

l'irrégiilarïté  de  ce  procédé,  lorscpi'elle  reçut  la  nouvelle 
encore  moius  attendue,  tlii  renvoi  de  son  ministre  de 
la  cour  et  des  états  de  S,  M.  Suédoise.  Les  pi'étendues 
raisons  de  celle  démareKe  sont  exposées  dans  la  décla- 
ration qne  ce  prince  fit  remettre  aux  ministres  accré- 
dités auprès  de  lui  de  la  part  des  autres  puissanset. 
Ces  raisons  ne  sout  point  (ailes  pour  en  imposer  même 
anx  moins  clairvoyans,  et  par  conséquent  elles  ne  seront 
point  combaltnes;  mais  on  ne  peut  s'empêclier  d'obser- 
Tcr,  que  c'est  le  premier  exemple  d'un  souverain,  irai 
s'offense  de  ce  qu'un  autre  souverain  l'assure  conjointe- 
ment avec  ses  états,  de  ses  sentimens  paciiicpies  et  bien- 
veîllans  à  leur  é^ard. 

Cependant  l'impératrice,  fermement  résolue  de  per- 
sister jusqu'au  bout  dans  les  principes  de  modération 
qu'elle  s'était  prescrits,  borna  son  rtissentiment  de  ce 
procédé,  à  la  réciprocité  dont  elle  était  naturellcmnit 
autorisée  d'user  à  l'égard  du  ministre  du  roi  de  Soide, 
Elle  lui  fit  signifier  de  quitter  sa  cour  et  ses  états,  dans 
le  même  espace  de  temps,  qui  a  été  fixé  à  son  ministre 
à  Slockbolm.  La  seule  diU'érence  qu'il  y  eût  dans  cette 
dùmarcbc,  consiste,  en  ce  que  tonte  inculpation  fausse 
et  insidieuse  cti  fut  écartée:  et  cette  différence  a'esi 
établie  d'elle-même,  par  le  bon  droit  qui  accompgnc 
la  cause  de  l'impératrice,  et  la  mauvaise  foi  qui  agnidé 
loulc  la  conduite  du  roi  de  Suède, 

Malgré   ces   scènes ,    qui  faisaient  présager  un  écl«l 
inévitable,  l'impératrice  se  plaisait  encore  Anonrtnrl'cs-    / 
poir,  que  des  explications  amicales  que  le  roi  de  Snidt 
avait  annoncées  biî-même  dans  ses  ouvertures  aux  puif'     " 
sancGS  étrangères,   parvi  end  l'aient    à  conserver  la  Iwnrf     V 
harmonie    et  le   bon  voisinage,    qu'aucune  raison  ni  in-    J* 
térêt   d'état,    de    ]>art  ni    d'antre,    n'excïtait    à  ro 
Mais  cet  espoir  lui  est  tout-à-coup  ravi    :   elle    apprcniJ 
que    dans  la   nuit  du  21  an  22  de   ce  mois,   les  Ironp"^ 
du  roi  de  Suède,    s'étaot    brusquement    jelées  sur  h 


iriK.  J»  HUSaiE  À  STOCKHOIiM  ;  £K  17â&  293 

frràti&rea^de  Rusaiey  en  ont  enlevé  quel<|ues  bureaux  de 

doiianë,  ont  pénétré  dans  les  fauxbourgs  de  Ifieslot»   et 

entouVeit  le  siège  de  son  cliateau. 

'  ■     CS^ete  par  un  tissu  de  procédés,  violens,  dont  il  n'y 

en  «  aucun  qniiii'enfreigne  les  droits   les  plus  généra- 

lenent  mçuÂ-t  parmi  les.  nations  civilisées ,  que  le  roi  de 

Suède^'Sanft  avoir   articulé  le  moindre  grief  contre  1^ 

Rossiey  est  enfin  parvenu  de  poUsser  à  bout'  la  modéra-^ 

iom  dje-rômpératrice,  et  de   la  contraindrq  i  recourir 

ètFimiqae  ^Vaie-  qui  lui  i*este,vcdle  de  repousser  la  force 

jàr^ht^tAr€k,\  C-es\  à  regret' quelle,  vient  d'en  adresser 

lêi  ctrdreai.  aux  commandans  de  se&  forces  de.  terre  et 

dé  meiv    En  faisant  part  de  cette  résolution ,  ainsi  que 

dfcftBMftîfs  qui  Pont  provoquée^  à  toutes  les  puissances 

«nesy  ;elle  proteste  devunt  elles,   que  le.  roi  de  Suède 

est  aeid  responsable  devant  Dieu,   devant- Icf  BcuNide  e£ 

ta  propre  nation,  de  tousjes  maux  dont:  ^n  (unbition 

et  I  son  injustice  '  vont  ouvrii:  la .  sourde. 

•    Se.  PétËTsbourg,  le  30  Juin  178a.  : 

■  >        •      I 

-■;....,•  •  •  -  -  ..•,••.;:.• 

'  >#■  Il  #^l.i 

Mimf^Mi&  iè  Nny^ératrice  de  Russie  j  au  sujet  de  ta 

-p^erfe  àvèe  la  Suède;  du  30  Juin  (11  Juillet)  1788. 

,■■•«■ 

■  ■.■•'■ 

• '.Noua- Catberine,  par  la  grâce  de  Dieu,   Impératrice 
et  Autocratrice  de  toutes  les  Russies.,  à  tous  nos 
.'      .  fid^ks  sujets  savoir  faisons  : 

I  Les  stipulations,  mutuellement  eonfûrraées  par  les 
Inhiés  de  paix  perpétuelle  conclus  à  Njcstadt  et  à  Abo,.- 
ÉS(|ntîaBiâi8  été  violées  de  notre  part.  En  vertu  de  la 
iedeor  de  ce  dernier  traité,  notre  (mdc,  Adolphe-Fré- 
iènCf  duc  de  Holstein,  parvint  au  trône  de  Suède;  et 
|tr  conséquent  son  fils  et  notre  cousin,  Gustave  III, 
«stnellement  régnant,  reçut  son  héritage  par  cette  même 
interposition  efficace  de  ta  Russie,  si  constamment  zélée 
pour  le  bien  de  la  maison  de  Holstein. 


294    IXt  AFF.  BU  COMTE  DB  BASOTTKOFFSX.T, 

Les  liens  da  sang  et  les  sentimens  de  la  reconnais- 
sance établissaient  ainsi  d'autant  plus  solidement  l'amitié 
et  l'harmonie  d'un  bon  voisinage  de  la  part  de  la  cou- 
ronne de  Suéde,  envers  notre  empire.  Qui  donc  ne 
doit  considéra?  avec  étonnement  l'artifice,  la  violence 
et  le  manque  de  bonne  foi,  qui,  au  mépris  de  toutei 
les  obUgations  naturelleji  et  nationales,  accompagnent  les 
entreprises  insidieuses  du  roi  de  Suède  envers  la  Bas- 
sic?  n  faut  rajouter,  pour  manifester  '  davantage  nos 
inclinations  pacifiques.  Lorsque  ce  prince  renversa  d*mis 
manière  violente  la  forme  du  gouvernement  de  la  Sai4e^ 
sur  laquelle  se  fondaient  le  pouvoir  du  sénat  et  la  B-» 
berté  du  peuple,  et  qu'il  s'empara  ainsi  du  pooroir 
absolu^  nous  ne  flihes  pas  valoir,  pour  le  prisent,  b 
droit  que  nous  avions  de  nous  y  opposer,'  quoiqae 
les  stipulations  du  traité  de  paix  de  Nystadt,  oonfirméei 
dans  toute  '  leur  étendue  par  la  dernière  paix  d'Abo, 
fussent  par -là  manifestement  violées.  Ce  pripcédé  de 
notre  part,  se  fondait  sur  l'attente,  que  cet  événement 
n'ébranlerait  point  le  bien-être  de  la  Suéde,  ni  ne  pour- 
rait avoir  des  efiets  préjudiciables  pour  le  repos  des 
voisins.  Cependant  peu  après,  nous  découvrîmes  l'envie 
entreprenante  qu'avait  le  roi,  de  troubler  la  tranquillité 
du  nord;  car  tantôt  il  s^adressait  à  nous,  tantôt  â  h 
cour  de'  Danemark ,  pour  proposer  à  chacune  en  parti- 
culier et  dans  le  secret,  une  alliance,  uniquement  dam 
la  vue  de  rendre  illusoire  celle  qui  subsistait  entre  lc« 
deux  états.  Nous  ne  fîmes  &  cette  tentative  d'autre  ac- 
cueil, que  de  répondre  brièvement^  99 que  nous  nou 
,9  montrerions  prêtes  à  entrer  dans  toute  alliance  qm 
,,  n'aurait  pas  pour  but  de  troubler  le  repos  du  Nord.^ 

La  mauvaise  réussite  de  ce  projet,  n'arrêta  pas  néan- 
moins un  prince,  consumé  par  un  ardent  désir  d'exci- 
ter des  querelles.  La  guerre  qui  éclata  entre  nous  el^ 
les  Turcs,  ouvrit  une  libre  carrière  à  ses  injustes  des- 
seins.     Lorsque    pour  seconder  nos  armées  de   terre 


MIN.  DB  HU8ai£  À  SXOCKHOIiM  ;  £N  1788-  395 

imtre  l'ennemi  du  nom  chrétien,  nous  fimes  équi- 
er  notre  flotte  pour  l'envoyer  dans  la  Méditerranée, 
t  qne  nous  commoniquâmes  de  bonne  heure  cette  in* 
aition  que  nous  avions,  à  ]a  cour  de  Stockholm,  comme 
tontes  les  autres  cours  de  l'Europe,  il  commença  k 
ire  répandre  sous  main,  d'abord'  hors  de  son  royaume, 
L  i  faire  seimer  ensuite  dans  la  Suède  même,  des  bruits 
mrds  et  clandestins,  comme  si  nos  armemens  étaient 
Bstinéa  contre  elle.  Par  cette  fiction  il  chercha  à  en 
iqpoaer  à  Topinion  du  peuple  suédois  «  et  à  justifier  les 
MBmfiTis  qu'il  commença  alors  de  faire  de  son  côté, 
liniiie  entrepris  pour  sa  prétendue  défense.  Personne 
IjgiMytait  le  véritable  objet  de  nos  armemens  maritimes  : 
I»  nne  seule  cour  n'ajouta. foi  &  cette  calomnie,  â  la* 
ioUe  Ton  en  ajouta  encore  une  seconde,  non-seule- 
(Bkit  contre  des  cours  qui  vivent  avec  nous  eu  bonne 
taffigence,  mais  mÊme  contre  notre  alUée,  la  cou- 
nne  de  Danemark,  comme  si  elle  voulait  appuyer 
iM  en  même-temps  que  d'autres,  les  entreprises  du 
d  de  Suède. 

Pour  réfuter  aux  yeux  de  l'univers  entier,  les  vues 
le  le  roi  nous  attribuait  faussement,  comme  si  nous 
des  desseins  préjudiciables  sur  son  royaume;  -^ 
y  qu'il  était  impossible  d'accorder  avec  les  sen- 
meiis  d'amitié  pour  la  Suède,  que  nous  avions  si  sou- 
BÉt  manifestés  de  notre  côté  par  des  faits,  entre  autres, 
iiaj[^roviaonnant  ce  royaume  de  grains,  dans  un  temps 
oSlfâait  «ffligé  de  la  disette,  et  en  afiranchissant  uni- 
jMBient  pour  son  avantage,  de  tous  droits  de  douane, 
i^xnnmerce  des  vivres  sur  les  frontières;  —  pour  rér 
Mér  ces  vues  supposées,  il  suffit  de  rappeler,  que, 
reposant  principalement  sur  la  sainteté  des  enga- 
qui  liaient  ce  roi,  notre  voisin,  et  n'ayant  pas 
I  Buxindre  soupçon  d'une  pareille  démarche  de  sa  part, 
ans  le  moment  que  nous  devions  employer  nos  armes 
outre  lesTurcSy  qui  avaient  perfidement  rompu  la  paix 


i 


296    IX.  AFF.  BU  COMTE  DE  &ASOI7MOFFSKY9 

nous  n'avions  pourvu  nos  frontières  de  ce  cAté-Il  ni  de 
troupes  ni  de  munitions  de  guerre,  en  telle  quantité 
que  Tauraient  exigé  des  desseins  hostiles ,  au  cas  qne 
nous  en  eussions  eu  réellement. 

C'est  ainsi  que  nous  demeurâmes  constamment  dans 
les  mêmes  sentimens  d'amibe,  lorsque  le  roi  de  Suède 
fit  connaître  pour  la  première  fois  ses  intentions  hosdbii 
en  envoyant' sa  flotte  dans  la  Baltique.  Ait  commenoflh 
ment  de  ce 'mois  (de  Juin)  tandis  que  trois -de  nos  vus* 
seaux  de  guerre,  qui  avaient  été  détachés  de  notve  escudre 
destinée  pour  la  Méditerrœtiée,  faisaient  vôilc  à  la  hantsnr 
de  111e  de  Dago,'  une  frégate  de  la  flotte  suédoise  ?nit 
en  joindre  un^  que  montait  le  vice -amiral  de  Deinca 
et  exigea  le  salut,  isous  prétexte  qne  sur  cette  flotte  se 
trouvait -le  frère  .du  roi,  le  duc  de  Sudermanie.-  Notre 
vice -amiral  se  référa  i  l'article  ±7^  du  traité  d'AbOi 
où  il  est  stipulé,  5, qu'il  ne  se  fera  point >- de- aalut  entre 
,,les  vaisseaux  des  deux  nations  ;'^^  et  il  ne  promit  eeUe 
marque  d'honneù  que  sur  le  pied  d'-un  témoigasge 
d'égard  rendu,  non  au  pavillon  de  Suède,  mais  mûre- 
ment comme  appartenant  àU'  duc  de  Sudermanie,  en 
qualité  de  notre  cousin  et  de  frère  du  roi.  En  consé- 
quence il  fit  tirer  treize  coups  ;  et  il  envoya  à  ce  prinee 
un  officier,  pour  lui  en  faire  la  notification  f  mais  cdoi- 
ci  reçut  pour  réponse  sur  son  message,  „ qu'à  la  vérité 
„le  prince  connaissait  ces  stipulations  qui  subsistaient  entre 
„Ia  Russie  et  la  Suède;  mais  qu'il  avait  ordre  du  roiy 
„ d'exiger  dans  toutes  les  occasions,  cette  naalrqkie-  de 
„  respect  qui  appartenait  à  son  pavillon.  ^^  Noosn'avioDi 
pas  encofre  eu  le  temps  de  demander  une  explication 
sur  ce  procédé,  qtii  blessait  la  dignité  de  notre  pafviHo% 
et  qu'on  ne  pouvait  considérev  que  comme  une  pro?^ 
cation  &  la  guerre,  lorsque  nous  reçûmes  un  second 
avis,  que  le -roi  de  Suède  avait  fait  signifier  an  comte 
Rasotunofisky,  qui  résidait  avec  le  caractère  de  notre 
envoyé  à  la  cour  de  Suède,  qu'il  eut  à  quitt»  sa  conr 


KXN^JDE  fiUSaiB  À  STOCXHOIiM;  EN  178S.  297 

pour-  ^retourner  en  Russie  ;  précisément  dans  le  temps 
même  que  notre  dit  ministre  portait  au  ministère  de 
Snède,  les  assurances  lés  plus  positives  de  notre  incli- 
naliDn  invariable  pour  entretenir  la  bonne  intelligence 
a?cc  le  roi  et  son  royaume.  Â  cette  expression  il  donna 
Finterprétation  forcée  et  sinistre,  qu'elle  tendait  à  le 
ai^arer  ide  la  .nation,  quoiqu'il  n'y  ait  pas  de  prince 
^nê  puisse  prendre  en  mauvaise  part,  qu*on  exprime 
des  sentimens  de  bienveillance  pour  Itii,  et  .en  même 
tiaffe  pour  ses  sujets.-  Cependant  encore  dans  ce  cas 
Kons  pouvions  espérer,  qu'en  suite  de  cette  démarcbè, 
JHttitée  ft  la  Vérité,  le  roi  s^expliquérait  avec  nous,  et 
qu'ainsi  il.  donnerait  occasion  à  deséclairciasemensrpar 
ïâêqutls  ron  aurait  pu  arrêter  les  bostiUtés  qui  allaient 
édaterw  Mais  au  lieu  de  cela,  nous  reçûmes  immédia- 
lement  de  nos  frontières  de  la  Finlande  Tavis,  que  des 
troupes  suédoises  venaient  de  les  passer;  qu'elles  avaient 
«g^^y^  un  de  nos  b.nreaux  d^  douane  sans,  défeo^;  .qu'elles 
a^eitt  tué  à. coups  de  fusil  .un  officier  et  deux  soldats, 
^pi,  ne  soupçonnant  rien  dliostile,  naviguaient  en  pleine 
•écniité  sur  un  bateau;  et  que  le  21  Juin  (2  Juillet) 
éDes  étaient  entrées  par  force  dans  les  fauxbourgs  de 
Nialoti  qu'elles  avaient  hi>stilement  bloqué  et  commencé 
àtcanonner  le  château.  .  , 

De  cette  manière^,  avant  que  npqf  connaissions  en* 
Qons  le  moindre  motif  de  cette  guerre,  l'on  en  a  fait 
B)|l(fÇ|ftiE,tles.  effets,  aux  confins  de  notre  empire  d'une 
teiière  ■_  qui  n'^  PfQpi*?:  ^^'à  ^^^  ■.  bai^bar^s  ;axîdps.  de 
iPbigey.  et  non  4  des  nat^ns.  éclairées  Me  l'Europe,  qui 
^  prennent  les  anficff  qu'après,  avoir  préalablement 
d^flai^é  les  motifs  qui  les  y  détermiifeqt..  En  consé- 
^^fncp  nous  aypnç  ordonné  à  notre  armée  rassemblée 
^iffous.jif  conduite  du  général  comtq  Mussin-PuschLine, 
d^aller  à  l'encontre  de  Fennemi,  qui  a  fait  invasion  dans 
Dioa  états,  et  &  notre  flotte,  sous  les  ordres  de  Tamiral 
Greigky.  d'agir  contre  la  marine  suédoise.    Vous  tous, 


298    IX.  AFF.  DU  COMTE  D£  KASOtJMOFFSKY, 

nos  fidèles  sujets,  i  qui  nous  faisons  part,  avec  tm 
coeur  plein  de  sollicitude,  d'une  violation  si  noire  de 
la  bonne  foi,  réunissez  vos  prières  ardentes  &  celles  qae 
nous  adressons  au  Très-Haut,  pour  que  sa  bénédietion 
toute -puissante,  précède  nos  armées,  et  que  sa  justice 
dirige  ses  décrets  de  façon,  que  par  la  défaite  d'un 
nouvel  ennemi,  qui  a  attaqué  si  injustement  la  Russie^ 
quoiqu'elle  ne  l'cât  ofiensé  en  rien,  la  valeur  des  ne- 
veux remporte  la  même  gloire  avec  laquelle  leurs  an- 
cêtres triomphèrent  de  ce  même  ennemi  pour  la  défeiue 
de  leur  patrie. 

Donné  â  Czarsko^zelo,  le  30  Juin  (llJuillet)  l'in 
de  grâce  1788  et  de  notre  règne  le  vingt- septième. 

L'original  est  signé  de  la  propre  main  de  S.  tf. 
Impériale. 

(L.  S.)  Gatherinb. 

Peu  de  jours  après  la  cour  de  Russie  fit  in- 
sérer l'article  officiel  suivant,  dans  la  gazette  de 
Pétersbourg  (*). 

N»- vn. 

Article  officiel  que  la  cour  de  Russie  Jit  insérer  dans  h 
gazette  de  Pétersbourg;  du  18  Juillet  1788. 

Le  roi  de  Suède,  après  avoir  rompu  par  les  hdstî- 
lîtcs  effectives,  commencées  de  son  côté,  la  paix  qui 
avait  subsisté  jusqu'ici  entre  l'empire  de  Russie  et  h 
couronne  de  Suède,  envoya  â  la  légation  qui  avait  ré- 
sidé ici  de  sa  part,  une  note,  pour  la  remettre  au  mi- 
nistère impérial  de  Russie.  Dans  cette  note,  le  rd 
allègue  plusieurs  motifs  peu  convenables  et  faux,  qnî 


(1)  M.  de  Nolcken  ëtait  parti  de  Pëtersboarg  le  léJnîHet 


MIN.  BB  Rvasa  A  stockhoIiM;  bk  1768.  299 

niraieiit  nécessité  &  foire  des  armemens  pour  une  guerre; 
il  finit  par  proposer  des  conditions  auxquelles  il  dé- 
m.  que  la  paix  soit  rétablie.    Ces  conditions  sont  les 
iyantes. 

{^Suivaient  ici  les  conditions  qui  se  trompent  por^ 
èê  danë  la  note  du  comte  (tOxenstierna,  du  1  Juillet; 
^em  le  N^  ir.) 

On  laisse  au  monde  impartial  et  éclauré  â  juger  de 
^vpleur  de  pareilles  propositions.  En  attendant,  par 
^TO  de  S.  M.  Impériale,  il  fut  signifié  par  le  général 
i  chef  comte  d.e  Pruce,  commandant  en  cette  rési- 
;noe,  au  S.  Sdil^fTi  qui  a  fait  les  fonctions  de  secré- 
gi;e:  de  la  légation  suédoise  ici,  et  qui  avait  remis  la 
Ij^liie  note,  qu'il  eAt  à  quitter  le  plutôt  possible,  avec 
Ole  la  légation,  ainsi  que  les  courriers  que  sa  cour  lui 
ait  envoyés,  cette  résidence  et  les  frontières  de  l'em- 
re.  de  Hussie. 


•«■■ 


r  Voici  la  contre-dédaration  que  le  roi  de  Suède 
■dit  le  20  Juillet  à  Helsingfbrs,  mais  qui  ne 
it  publiée  que  le  29  Août 

N«^-  vm. 

^Être-'dieImtaÊi9n  dm  rat  de  Suède ^  rendue  à  Heltùêg-- 

fers,  le  29  Août  1788. 


T  • 


*; 


[^La première  partie  de  cette  contres-déclaration,  se 
tuve  littéralement  dans  la  note  suédoise  du  1  Juillet, 
N^  ly^Jusqu^aux  mots  „les  desseins  les  plus  hostiles 
Mre  la  Russie.^'  Le  roi  ne  saurait  se  résoudre  &  dévoiler 
î-anx  yeux  de  TEurope  entière,,  les  fausses  démarches 
ixqaelles  une  partie  de  ses  sujets  a  été  séduite,  plus 
ir  les  efibrts  que  la  Russie  n'a  cessé  de  faire  pour 
iossir  dans  ses  projets,  que  par  un  esprit  de  vertige 


300    EC.   AFF.  DU  COMTE  DE  RASOUMOPFSKY, 

dont  ils  étaient  efToctivemcnt  anhnés.  Accoutumée  à 
regarder  son  peuple  avec  des  yeux  pleîus  de  tendresse 
paternelle,  à  chérir  ses  sujets  comme  ses  enfans,  S.  M. 
senl  en  ce  moment  comtïen  il  en  coûte  à  un  père  de 
découvTÎr  à  un  tiers,  des  fautes  qd'il  aurait  volontiers 
ensevelies  daus  l'oulili  :  mais  comme  tien  ne  maniresic 
plus  au  grand  jour,  la  conduite  de- son  puissant  voisin 
et  la  justice  des  griefs  du  roi;  comme  rinlérêl  même 
de  tous  les  Suédois  exige  que  l'Eiiropc  connaisse  Je 
malheur  dont  l'état  a  été  menacé,  les  complots  failî, 
même  contre  la  personne  du  roî ,  au  milieu  de  l'ahri, 
oïl  la  paix  semblait  le  mettre  a  cet  égard;  et  le  véri- 
table fond  des  procédés  que  la  Russie  tenait  sous  l'ex- 
térieur d'une  modération  apparente;  procédés  qui  ea- 
cliaient  des  vues  plus  horribles  que  le  fléan  d'une  guerre 
ordinah-e,  le  roi  se  voit  dans  la  nécessité  de  montrer 
ici  la  véi-ite  toute'  nue  et  de  la  mettre  dans  tout  son 
jour.  L'Euroj)c  y  reconnaîtra  le  cours  non  interrompu 
de  cette  ambition,  de  ce  désir  d'aggrandissement ,  qui 
a  toujours  caractérisé  le  mim'stère  de  Russie:  Elle  recon- 
naîtra, seulemenl  sous  une  forme  un.  peu  dillërente,  ces 
mêmes  détours  et  ces  manèges,  qui  parjagci'eni  la  Po- 
logne il  y  a  seize  ans,  qui  s'assujettirent  Ja  Crimée,  el 
qui  ont  presque  fait  de  la  Gouvlaude  une  dépendutee 
de  la  Russie. 

C'est  une  chose  connue  depftis  plusieurs  aanéest 
que  peu  apri^s  la  paix.  d'Abo,  la  Russie  forma  le  jikn 
de  séparer  la  Finlande  de  la  Suède,  et  sous  le  préteïlc 
pariieulier  de  rendre  ce  pays  indépendant,  d'en  faire 
dans  la  réalité  une  province  feudatairc  de  la  Russe, 
comme  la  Courlandc  l'est  encore  en  ce  jour;  Il'eit 
triste  de  penser,  que  les  mots  sacrés  de  liberté  et  d'»- 
dtpendance,  ainsi  que  le  nom  adoralile  d'un  Dicu^ 
miséricorde  et  de  paix,  soient  prescfuc  toujours  le  «giul 
des  divisions  et  du  m.Jbeur  public  :  mais  telle  estiJ« 
faiblesse  inliéfcnlc  à  Thumanité,  que  ce  qui  derrait-io*^ 


MTV.  DE'HUSSnS  A  STOCKHOI^AC^  EN  1788.  301 

rir  au  bonheur  des  hommes  n'est  que  trop  souvent  la 
BUse  -  des  niaux  et  des  usurpations  que  la  guerre  en- 
tame après  elle.  Ces  projets  de  la  Russie  furent  &  la 
rérité  étouffés  alors  dans  leur  naissance,  plus  peut-être 
par  l'attachement  des  Finlandais  à  Tégard  de  la  Suède, 
bIé  par  la  mémoire  aussi  douloureuse  que  fraiche  encore, 
foe  las  habitans  conservaient  dea  dévastations  que  les 
ftiiases  avaient  exercées  dans  cette  province  durant  la 
guerre  de  Charles  XII,  et  celle  de  1741,  que  par  la 
oondnite  modérée  de  la  Russie.  Cependant  le  cabinet 
de  Pétersbourg  n'abandonna  ni  ses  principes  ni  ses  pro- 
jeta; et  il  saisit  la  première  occasion  favorable  pour 
les  mettre  à  exécution;  savoir,  la  défection  d'un  officier 
de  marque,  qui  avait  été  honoré  pendant  plusieurs  an- 

'de  la  confiance  de  son  souverain  et  des  départe- 
importans  dans  la  Finlande,  et  qui  revêtu  d'un 
eàmmandement  fort  étendu  dans  cette  province,  avait 
pft  y  gagner  la  confiance  de  plusieurs  habitans  du  pays, 
mais  qui  abandonna  ensuite  le  service  du  roi  5  las  aussi, 
<dtt  service  d'une  puissance  étrangère  près   laquelle   le 
rai  loi  avait  procuré   une  place  des  plus   honorables. 
Cet  homme  passa  au  service  de  Russie;  et  dès -lors  les 
projets  ambitieux  de  cette  puissance  se  réveillèrent;  dès- 
lors  elle  ti^vailla  sans  relâche,  à  semer  la  zizanie  et  l'es- 
prit de  révolte  dans  le  grand -duché,    et  à  en  cultiver 
le  germe.    Vers  la  fin  de  Tannée  1786,  un  de  ses  offi- 
ciers-généraux  parcourut,  sous  prétexte  de  voyager,  le 
temtoire  de  Finlande,  s'occupa  à  reconnaître  tous  les 
pbstes'.,   tous  les    endroits  que  leur  situation  exposait  à 
tme  attaque,  ou  que   la   nature  avait  fortifiés;  prit  des 
informations  chez  les  habitans;  sonda  les  esprits,  et  ne 
trahit  que  trop  évidemment,  par   son  grand  désir  de 
tout  savoir  et  par  l'ardeur  de  ses  recherches,   les  vues 
secrètes  de  sa  cour. 

Si  le  voyage  que  l'impératrice  fit  bientôt  après  à 
Cherson,   détourna  pendant  quelque  temps  le  cabinet 


302    CL  AFF.  DU  COMTE  DE  EASonHOFFSKT, 

de  Pétersbonrg,  de  ses  efforta  pour  arracher  la  Fut' 
lande  &  la  Suède  x  ils  furent  repris  immédiatement  aprèi 
le  retour  de  cette  princesse  de  son  grand  voyage,  ayee 
une  double  ardeur  5  et  les  intrigues  que  son  ministre  i 
Stockholm  trama,  de  concert  avec  les  mouvemens  se- 
crets du  cabinet  de  Pétersbourg,  pour  troubler  la  tran- 
quillité publique  dans  la  Finlande,  manifestèrent  asin 
clairement  les  projets  et  les  vues  de  la  Russie)  vnei 
directement  dirigées  contre  la  personne  du  roi  et  le 
repos  intérieur  de  la  Suède. 

La  déclaration  de   guerre   que  la  sublime  Porte- 
Ottomane  fit  â  la  Russie,  survint  durant  ces  intrigues  et 
servit  de  nouveau  motif  â  cette  cour,  pour  travailler  i 
forces  redoublées,  i  semer  la  discorde   et  le  troobb 
dans  la  Suède;  royaume,   qui  était  lié  avec  la  Porte- 
Ottomane  par  un  ancien  traité  conclu  déjè  en  1739  et  qm, 
ne  pouvant  renoncer  à  une  alliance,  laquelle  avait  sub- 
sisté tant  de  temps  sans  interruption  en  vertu  de  ce  traita 
paraissait  par  U  même  être  à  craindre  pour  les  Russen 
Cependant  malgré  cela,  le  roi  a  fait  tout  ce  qui 
était  possible  pour  convaincre  la  Russie  de  ses  seaJàr 
mens  pacifiques,  sans  oublier  néanmoins  pour  cette  rai- 
son un  aUié  avec  lequel  la  Suède  est  unie  par  des  liens 
si  formels.     Le  roi  a  ofiert,  jusqu'à  trois  fois,  sa  mé- 
diation à  la  Russie,  pour  accorder  les  différons  qui  s'é- 
taient élevés  entre  cet  empire  et  la  Porte;  médiation  d'au- 
tant plus  efficace,  que  l'Europe  entière  connaît  le  créilit 
et  l'influence  de  la  Suède  près  la  Porte,  qui  a  toujonn 
duré  depuis  le  long  séjour  que  Charles  XII  fit  dans  le> 
états  de  cette  dernière. 

C^est  précisément  dans  ce  moment  que  le  comte 
de  RasoumoiFsky,  mettant  le  comble  à  toutes  ses  dé- 
marches offensantes,  dans  une  note  ministérielle,  con- 
çue dans  les  termes  les  plus  insidieux  sous  les  appa- 
rences de  Tamitié ,  a  osé  vouloir  séparer  le  roi  de  la 
nation;  a  voulu  rompre  les  liens  sacrés  qui  unissent  le 


MIN.  DE  HUSSIB  A  STOCKHOLM;  BN  1788-   303 

roi  et  sea  sujets.  Rien  ne  pouvait  mieux  démasquer  les 
sentimens.  et  les  projets  encore  cachés  de  la  Russie,  que 
cette  démarche,  et  même  les  façons  de  parler  employées 
dans  la  note  susdite.  Le  roi  a  communiqué  â  d'autres 
cours  liées  avec  S.  M.,  ou  avec  lesquelles  elle  a  d'ail- 
leurs des  relations  d'une  bonne  intelligence  plus  étroite, 
les  motifs  d'après  lesquels  elle  a  agi.  En  cela  le  roi 
n'a -consulté  que  ce  qu'il  devait  à  lui-même,  à  ses 
peuples,  â  la  tranquilité  publique,  et  a  écarté  de  sa 
personne  un  particulier,  qui  en  abusant  du  droit  des 
OenSy  cessait  d'avoir  droit  d*en  jouir  :  Et  lorsque  S.  M., 
en  respectant  encore  en  lui  le  caractère  dont  il  se  ren- 
dait indigne,  a  mis  dans  la  démarche  qu'elle  devait  â  sa 
gloire,  tous  les  ménagemens  possibles,  elle  croit  avoir 
encore  donné  &  cet  égard  une  grande  preuve  de  son 
estime  pour  l'impératrice,  et  du  respect  qu'elle  porte 
au  droit  des  gens. 

C'est  dans  ces  circonstances  que  le  roi  s'est  rendu 
en  Finlande  à  la  tête  de  son  armée,  dans  le  dessein  de 
•*éclaircir  avec  l'impératrice,    et  de  s'assurer  du  repos 
d'une  province  aussi  importante.    Le  roi  espérait  d^ob- 
temr,  par  des  paroles  amicales,  la  satisfaction  qui  lui 
était  due  â  Tégard  d'un  ministre  qui  avait  abusé  de  son 
caractère  sacré.    Le  roi  espérait  de  pouvoir  porter  la 
Russie  i  accepter  la  médiation  de  la  Suède,  et  de  rem* 
pKr  par  li  les  engagemcns,    dont    le  royaume  est  lié 
envers  la  Porte-Ottomane,  sans  être  obligé  de  se  battre 
préalablement  à  cet  effet.    Enfin  le  roi  espérait  de  la 
justice  de  l'impératrice,  qu'elle  l'indeumiserait  des  fraix 
d'un  armement,  que  les  circonstances  l'avaient  obligé  à 
efiêctner  :  mais  un  enchaînement  de  circonstances  im- 
prévues, entraiua  bientôt  la  rupture  d'une  paix,  dont  la 
conservation  avait  été  pendant  seize  ans,  le  but  de  tous 
les  voeux  du  roi.    Dans  cet  intervalle,  des  troupes  lé- 
gères ruines,  attaquèrent  les  postes  avancés  des  Suédois 
près  de  Savolax  :  le  brigadier  qui  commandait  pour  le 


304    K.  AFF.  DU  COMTE  DE  RASOUMOFFSKY, 

roi  dans  ces  provinces  éloignées,  tint  la  guerre  pour 
commencée  en  voyant  des  hosulilés  commises  sur  la 
frontière  ;  et  en  vertu  des  ordres  qui  lui  avaient  été 
nécessairement  donnes  dans  le  cas  d'une  attaque,  il  bloqua 
le  château  de  liïslot,  pour  s'assurer  d'un  poste  cpii  éiaïl 
important  pour  couvrir  ces  contrées  lointaines  contre 
les  dévastations  des  lioi'des  barbares  qui  sont  au  ser- 
vice de  la  Russie  ;  vu  qae  ces  provinces,  dont  les  limites 
ont  été  reculées  par  la  paix  d'Abo ,  se  trouvent  entière- 
tnent  ouvertes  et  sont  absolument  bors  d'état  de  se  dé- 
fendre, sans  se  rendre  maîtres  des  défilés  de  la  Finluide 
russe.  L'avis  de  cet  événement  parvint  À  la  flotte;  m 
accéléra  l'activité;  et  une  bataille  navale  que  le  dttc  de 
Sudermanie  gagna  peu  après  sur  des  forces  supérieure), 
décida  l'éruption  d'une  guerre,  quelques  efforts  que  le 
roi  fit  pour  l'éviter,  en  rcnouçant  mCme  dans  cette  vne, 
profiter  du  moment  si  irare  et  si  favorable  qui  s'offiil, 
pour  s'emparer  de  sept  vaisseaux  de  guerre  russes  enve- 
loppés pai-  la  flotte  de  Suède. 

Au  milieu  de  tous  ces  chagrins,  et  quoique  le  roi 
ne  sache  pas  encore  ce  que  sont  devenus  son  ministre, 
et  deux  oQicîers  envoyés  comme  courriers  à  Pétersbourg, 
S,  M,  ne  veut  cependant  pas  renoncer  à  son  inclînatiw 
pour  la  paix;  mais  elle  est  encore  prête  à  accepter  tontei 
conditions  honorables  de  paix,  qui  lui  seront  offertes  dï 
la  part  de  l'impératiîce ,  pourvu  seulement  qu'on  accorde 
au  roi  et  qu'on  lui  donne  la  certitude  de  pouvoir  pro- 
curer une  paix  sûre  et  stable  à  la  Porte -Ottomane. 

X  Helsingfors,  le  21  Juillet  1788. 


Pour  ne  point  être  obligé  d'interrompre  pins 
tard,  le  fil  des  négociations  qui  eurent  lieu  entre  le» 
gouvememens  de  Danemark  et  de  Suède;  nous  pUr- 
cerons  ici  la  note  que  le  baron  de  Sprengporten, 
ministre  de  Suède  à  Copenliague,  adressa  le  lOAoùt, 


KIK.  DS  EU88I£  À  8T0CSJSOLM  ;  £N  1788.  305 

m  comte  de  Bemstorff^  ministre  des  affaires  étran* 
pbres  de  S.  M.  Danoise  ^  pour  se  plaindre  des  pi- 
rateries qne  les  Russes,  disait-il,  exerçaient  jusque 
10U8  les  canons  de  Cronenbourg  contre  les  bâti- 
nens   marchands  suédois. 

N«-  IX. 

■ 

NétB  eu  harùn  de  Sprengiparfen^  aw^oisadeur  de  S.  M. 
Suédoiie^  adteuée  aU  comte  de  Bermtorff;  du  10  Août 
1788. 

Le  soussigné,  ambassadeur-extraordinaire  de  Suède, 
^ant  reçu  4es  rapports  des  consuls  du  roi,  comme  quoi 
depuis  l'arrivée  de  l'escadre  russe  sur  la  rade  d'Hel- 
loigoer,  il  s'y  est.  établi  j^ne  sorte  de  piraterie  sous  le 
canon  de  Cronenbourg,  qui  en  outrepassant  les  droits 
de  la  guerre  d'une. manière  indécente  et  inouïe,  renferme 
en  même  temps  la  violation  la  plus  manifeste  et  la  plus 
lensible  du  territoire  de  S.  M.  Danoise;  l'ambassadeur 
ae  peut  s'empécber  de  réclamer  de  la  justice  comme  de 
la  dignité  de  S«  M.,  qu'elle  fasse  veiller  à  l'avenir  avec 
plus  d'exactitude,  sur  le  maintien  de  ses  propres  droits, 
et  de  ceux  dont  elle  doit  la  protection  aux  sujets  com- 
merçans  de  toutes  les  nations ,  qui  étant  en  paix  avec  elle 
ddvent  s'attendre  d'autant  plus  à  jouir  chez  elle  d'une 
sûreté  parfaite,  qu'ils  lui  en  offihent  tous  les  ans  une  re- 
tontiaissance  particulière.  En  méilie  temps  l'ambassa- 
deur a  l'honneur  de  représenter  au  ministre  de  S.  M. 
Danoise,  la  nécessité  de  faire  instruire  au  plutôt  le  pro- 
cès, soit  par  le  tribunal  de  inarine,  ou  par  une  com- 
mission particulière,  à  l'égard  des  prises  suédoises  qui 
ont  déji  été  faites  et  amenées  ici;  nécessité  d'autant  plus 
ux|;ente,  que  le  traitement  qu'on  apprend  être  fait  aux 
équipages  suédois  à  bord  des  vaisseaux  de  guerre  russes, 
soHirite  leur  délivrance  avec   tm  intérêt  qu'on  n^aurait 

n.  20 


I 


306    K.  AFF.  DU  COMTE  DE  IIA80UM0F7SKT, 


flf 


pas  cru   être   dans    le  cas   de  plaider   dans  un  sièdi^ 
dont  rhumanité  fait  le  plus  beau  caractère»     L'amba» 
deur,  connaissant  Texactitudc  avec  laquelle  dans  kstti- 1  ( 
bunaux  de  S*  M.  Danoise  on  soutient  les  titres  et  non 
les  protections  des  partis ,   est  fort  éloigné  de  rien  de- 
mander au  delà  de  la  plus  parfaite  justice.    Qu'on  en- 
mine  les  faits  avec  leurs  circonstances,  que  les  ténumu 
soient  entendus;   qu'on  rapproche  ces  dispositions  de  h 
loi  générale  du  droit  des  gens  (à  laquelle  les  puissaiml 
du  Nord  ont  donné  uHe  sanction  plus  pairticuli&re  iuâ 
leur  convention  de  Tlsinnée  1780)  des  lois  partîciiliireii 
qui  sont  en   vigueur  dans  les  états  de   S.  M.  DanmN^ 
et  de  ce  droit  coûtumier  enfih  qui  n'est  pas  moins  Sàoii 
parceque  toutes  les  nations  j  appellent  mutuellement;  et 
les  sujets  du  roi  de  Suède  obtiendront,   ce   qu'oti  oie 
réclamer  pouf  eux,  de  nouvelles  preuves  de  cette  éqnité» 
dont  l'échange  est  devenu  Theureuse  habitude  des  den 
nations,    et  dont  Inobservation   la  plus  sci^upulense  eit 
toujours  si  essentielle  «^itre    des  natiohs  voisines.    En 
^  conséquence  de  ces  principes  et  de  ces  usages,  l'ambai- 

^  sadeur  doit  se   réserver  avant  tout,  qu'il   ne  soh  pnh 

cédé  à  la  vente  des  prises  suédoises,  avant  le  procès 
instruit  et  fini,  qui  seul  doit  constater  si  elles  sont 
bonnes  ou  illégales. 

Son  Exe.  M.  le  comte  de  Bemstorff  reconnahn 
sans  doute  dans  cette  représentation,  le  même  esprit 
de  modération  et  d'équité,  qui  caractérise  toutes  ceDet 
qui  lui  ont  été  faites  au  nom  du  roi  de  Suède,  airnint 
mieux  se  sacrifier  tout  entier  pour  soutenir  ses  droili» 
lorsqu'ils  son^  attaqués ,  que  d'imposer  des  sacrifices  i 
ses  amis.  S.  M.,  même  dans  le  moment  le  plus  critiqoe 
de  son  règne,  se  borne  à  ne  demander  au  roi,  son 
beau -frère,  que  le  maintien  des  principes  les  plus  nni- 
versels,  qui  ont  même  de  Tintérèt  pour  S.  M.  Danoise 
elle-même,   et  laisse  à  ses  ennemis  la  peine  indiscrète 


HIK.  DE  RUSSIE.  À  STOCKHOIiM  ;  EN  1788*  307 

d'imponnner  sa  bonté   jusqu'à    vouloir  enfreiiidre  sa 
joifice. 

Copenhague  y  le  iO  AoAt  1788. 

J.  W.  Sprengtporten. 

Le  comte  de  Bematorff,  qui  regarda  le  contenu 
m  cette  note  comme  indécent  et  outrageant  pour 
i^  commandons  et  officiers  d^une  puissance  amie 
et  alliée  de  la  cour  de  Danemark,  se  refusa  de 
huwepter.  Comme  toutefois  elle  fut  publiée  dans 
ht  joiimanx,  le  baron  de  Krudner,  ministre  de 
Hiissie  à  Copenhague,  crut  devoir  adresser  la  note 
tf-aprÀs  au  comte  de  Bemstorfi* 


\» 


iVafe  dm  hmron  de  Krudiêer^  minUtre  de  Rtmie  prèi  la 
eomr  de  Copenkaguej  adrenie  au  comte  de  Bermtorff; 
dm  24  Septembre  1788. 

^  Le  soussigné  a  vu  avec  autant  de  surprise  que  d'in- 
di^lftation  dans  plusieurs  feuilles  publiques,  une  note 
qa\>n  prétend  avoir  été  remise  par  l'ambassadeur  de 
Suède  A  S.  Exe.  M.  le  comte  de  Bemstorff.  Cette  pièce 
n'est jpas  parvenue  à  la  connaissance  du  soussigné;  et 
db'^ért  d'tin  contenu  à  n'avoir  pu  être  acceptée  par  un 
re  qui  connaît  si  bien  ce  qui  est  dû  à  sa  propre 
ainsi  qu'à  celle  d'une  cour  amie  et  alliée.  Dans 
biT  prétendu  mémoire  on  se  plaint  que  des  vaisseaux 
soj^doîs  ont  été  pris  sous  le  canon  même  du  château  de 
Gfonenbonrg.  Les  rapports  du  commandant  de  cette  for- 
teresse ont  dû  donner  le  démenti  &  cette  assertion  in- 
décente» Si  quelques-unes  des  premières  prises  ont 
été  faites  dans  une  distance  trop  rapprochée  de  la  côte, 
ce  qui  cependant  n'est  guères  i  supposer,  c'est  contre 

20* 


308    IX.  AFF.  DU  COMTE  DE  RASOUMQFFSKY, 

■ 

les  ordres  exprès  des  chefs  :  et  ce  fait  ne  peut  âtre  dé- 
cidé que  dans  un  jugement  légal,  que  les  officiers  nttwt 
sont  bien  éloignés  de  retus^r»   On  charge  dii  tenue  in- 
jurieux de  piratea,  les  commandans  des  yaisseauz  de 
S.  M.  Impériale  qui  ont  fait  des    prises  suivant  la  pn> 
tique  constante   de  toutes  les  guerres  marjtim^s;  pn-*^ 
tique,   qui  est  sans  doute  dans  ce  moment  fort  sensibk 
à  la  nation  suédoise,  mais   dont  leur  roi   a  le  premier 
donné  le  malheureux  exemple.  L^oh  ose  taxer  étinhùmâ' 
nité  inouïe  j  le  traiteihent  qui  à  été  fait  aux  prisonniers, 
tandis  qu'ils  ont  été  soignés,  noùrfis,  traités  comnte  ki 
propres   matelots  nationaux  ç    que  les  .  excis  imévitaUei 
dans  toutes  les  occasions  où  une  troupe  n'agk  pas  sou 
l'inspection  immédiate  des  chefs,  ont  été  pnnis^  et  Je 
malheur  des  particuliers  souvent  réparé  par  la  généro- 
sité des  commandans  russes.    Mais  le  cïd)inet  de  Stock- 
holm s'est  permis  dès  le  tomûiencement  de   la  guerre, 
d'avancer  à  k  face  de  l'Europe  des  faits  si  évidemment 
controuvés ,  que  rien  ne  doit  étonner  de  sa  part. 
fait  à  Copenhague,  le  13  (24)  Septembre  1788. 

Le  baron  de  KruoneÉi 


;! 


£)es  que  lés  premières  hostilités  de  là  part  de^ 
Suédois  eurent  eu  lieu,  par  la  prise  de  la  viUe 
de  Nyslot  et  par  une  invasion  en  Carélie,  ITm 
pératrite  de  Russie  réclama  l'assistance  du  Dan^ 
mark,  en  vtertu  des  traités  d*alliance  de  1768» 
1769  et  de  1773  (0* 


(1)  Le  roi  de  Suè^è  ayanl  en  17^2,  de  la  ^inlandey  menace  le  Bf 
nemark  d^une  invasion,  se  fondant  sor  la  cession  d'anciennes  préten- 
tions, et  svLt  le  troc  ^e  la  partie  dncale  du  lïolsteiny  contre  le 
dnchë  d^Oldenbonrg,  qni  s'ëtait  fait  sans  sa  participation;  rimpén- 
trice  de  Russie  et  le  roi  de  Danemark  conclurent,  le  1  Jko^t  177Sf 
à  Pétersboorg  une  alliance  perpëtnelle  et  secrète,  suyie  d'une  coo- 


i 


HIN.  2>E  HUS81£  À  STOCKHOLM;  EN  1788-   309 

Comme  le  roi  reconnut  la  justice  de  cette  ré- 
clamation ^  et  (ju'il  déclara  que  le  aeçouf's  de- 
iliandé  était  dès  ce  moment  à  la  disposition  de 
Impératrice;  le  comte  de  Çemstorff  adressa  la 
note  amyante  au  baron  de  Sprengtporten ,  pour 
Kiutruire  de  l'obligation  dans  laquelle  se  trouvait 
tb  roiy  de  céder  à  l'impératrice  une  partie  de  se? 
fixrceç  de  feri*e  et  de  iner  (^)« 

« 

IWrtioi^  s^ar^y  relatîre  anx  afi^res  de  Saède.  Ces  deux  traite^ 
yftftX  jamaû  été  publies;  ils  entraludrent  toatefois  le  Danemark, 
•oinie  mmi  le  Toyons,  dans  cette  gnerre  entre  la  Sndde  et  la  Rassie. 
Le  tndttf  du  18  D^embre  1769  y  est  relatif  aox  affaires  intërieares 
ds  la  8iiAd0|  et  celui  de  1768  »  est  eutièrement  inconna  jusqu'à  ce 
JMir» 

(2)  Un  corps  de  1)2,000  Danois  spns  le  comandement  du  fbld- 
■aréclud  prince  CAMiries  .de  Hesse,  qui  s'ëtait  forme  en  Norwège, 
entn  en  Sadde  le  23  Septembre,  et  avança  jasqn'd  Udevalla  et  dans 
la  pxozimitë  de  Gothenbourg.  Trois  vaisseaux  de  ligne  et  trois 
frégates  4AOoi«(BB  forent  en  outre  mUes  a  la  disposiljoi\  àp  \\k 
Hune, 

V  S^ps  pfurler  ici  des.  ëvènen^ens  dge  1^  guerre,  qnj  9e  dcjventi 
poin;^  jBUtrer  dana  notre  cadre,  noqs  croyons  cependant  devoir  dire 
«n  mot  de  celuj(  qui  paralysant  tout  d'un  co.np  Ips  forces  du  roi  dç 
dajde ,  loi  fit  perdre  le  fruit  de  tous  ses  efforts.  Gustave  Ifl ,  qui 
avait  rtfonî  36,000  hopime^  d'excellentes,  troi;ipes  en  Finlande ,  aux- 
qadlea  l'Impératrice  n'avait  pu  lai-  opposer  qu^nne  armée  formée 
pav  la  plapail  des  régimens  tirés  des  garnisons  de  l'intérieure  et  peu 
l^aerm,  avait  i  peine  quitté  son  quartier -général  de  Kymenegord, 
■poq^  se  Vendbce  â  Stockholm,  où  sa  présence  était  devenue  néces- 
mire  à  eanse  dea  préparatifs  qu^e  le  roi  de  Danemark  faisait  en 
Horwége,  qu'un  grand-  nombre  d^offiorers  suédois  réunis  a  Aniccla, 
augurent  dn  duc  de  Sadermanie,  qu^il  proposât  au  général  russe  un 
.Mliftîce  pour  mettre  fin  i  une  guerre  que  le  roi,  disaient  -  ils, 
a'arait  pd  entreprendre  sans  violer  la  constitution.  Le  duc  do 
9adevmaiiie  t'y  ét^at  ref^8éj  ces  officiers  envoyèrent  une  députatîoi»» 


310    CL  AFF.  DU  COMTE  PS  iLASOXTMOFFSKY, 

N«-  XI. 

Note  du  comte  de  Bermtotff^  minittre  dei  eaffmbree  itna^ 
gères  du  roi  deDanemarkj  adreaée  au  harom  de  SprengU 
porten,   ambaitadeur   de   Suède  à  Copenkague;  Ai 

19  Août  1788. 

■ 

S.  M.  Timpératrice  de  toutes  les  Rossiesy  atlaqnée 
par  mer  et  par  terre,  par  les  années  et  par  la  flotte  de 
S.  M.  Suédoise,  ayant  réclamé  les  secours  stipulés  dans 
ses  traités  d*alliance  défensive,  conclus  avec  le  Dane- 
mark dans  les  années  1765  et  1769,  renouvelles  et  ocm* 
firmes  par  le  traité  définitif  de  Tannée  1773;  et  ayant 
exposé  ii  S,  M.  Danoise  les  faits  et  les  argumens  destin 
nés  i  fonder  cette  réclamation,  et  à  servir  de  preavs 
du  cas  d'aggression;  S.  M.  les  a  pesés  avec  cette  at« 
tention  soigneuse,  qu'elle  devait  &  S.  M,  Suédoise,  i 
son  respect  pour  tous  ces  devoirs,  à  son  amour  pour 
la  paix ,  enfin  à  tous  les  principes  qu'elle  a  avouéi 
depuis  le  commencement  de  son  règne.  Elle  en  a 
reconnu  Tévidence ,  et  n'ayant  ainsi  plus  i  consul^ 
ter  que  la  fidélité  due  à  des  engagemens  anciens  et 
inviolables,  et  la  bonne  foi,  cette  loi  sacrée  pour  tons 
les  souverains,  elle  déclare  à  S,  M.  le  roi  de  Suède, 
que  ce  sont  ses  propres  démarches  qui  la  déterminent 
à  présent;  qu'elle  les  regrette  d'autant  plus,  qu'elle  n'a 

â  la  tête  de  laquelle  se  trouTait  le  oolonel  Jaegerhoro,  â  Pëten^ 
bourg,  pour  déclarer  à  rimpëratrice  que  Tarmée  suédoise  ne  paH 
serait  pas  la  froutiôre  si  les  troupes  russes  reoeyaîent  Tordre  de  ne 
point  entrer  en  Finlande.  Catherine  II,  aocueillit  trés->-biea  cette  dépiH 
tation.  Un  armistice  fut  arrêté,  que  les  officiers  insurgea  commuii-' 
quérent  au  duc  de  Sudermanie.  Obligé  de  céder  à  la*  n^ceasitéi  le 
duc  l'accepta  et  se  retira  de  la  Finlande  russe.  Plus  tard  leprecès 
fut  fait  à  ces  conjurés,  dont  quatre  furent  oondamnés  â  mort  par 
sentence  d'un  conseil  de  guerre,  le  19  Avril  1790.  Le  coloael 
Hestesko  fut  toutefois  le  seul  que  l'on  exécuta,  le  8  Septesibre  1790^ 


MIN.  PB  RUSSUEi  A  STOCKHOIiM;  BN  1788'  311 

2i^ligé  aucun  moyen  qm  éts^l  dans  aon  pouvoir,  pour 
les   prévenir,  et  qu'elle  a  constamment  ambitionné  son 
tankié  et  une  harmonie  parfaite  avec  lui.    S,  M.  déclare 
^n  même  temps,  qu'elle  cède  dès  à  présent  et  en  con- 
fermité  de  ses  traités  défensifs   et  de  la  manière  qui  y 
est   stipulée,  une  partie  de  ses  vaisseaux  de  guerre  et 
de  ses  troupes,  qu'elle  commencera  d'armer,  à  la  libre 
disposition  de  l'impératrice  de  Russie,  son  auguste  alliée. 
^  M.   ajoute  i  cette  déclaration  l'assurance  solemnelle, 
de  n'avoir  d'autre  vue  et  d'autre  souhait,  que  le  réta- 
blissement d'une  paix  solide  et  assurée,  et  que  cette  dé- 
marche actuelle   puisse    servir  elle-même  à  y  contri- 
buer.   Le  moment,  où  elle  verra  ses  souhaits  remplis  à. 
cet  égard,    lui  sera  aussi   cher  que  celui  où  la  tran- 
quillité a  été  interrompue,  lui  a  paru  amer  et  affligeant, 

S.  M.  a  ordonné  au  soussigné  de  communiquer  cette 
déclaration  â  M.  S.  £lxc.  le  b^ron  de  Sprengtporten,  am- 
bassadeur de  Suède,  et  de  Tenvoyer  également  à  Stock- 
holm à  M.  le  cconte  de  Reventlow,  pour  la  remettre 
sa  ministère  de  S.  M.  Suédoise. 

Du  département  des  affaires  étrangères  k  Copen-* 
hsgne^  le  19  d'Août  178a 

Bernstorff. 

Le  mêine  jour  encore  j^  le  comte  de  BemstorflT 
communiqua  cette  déclaration,  par  ordre  du  roi, 
à  tau8  les  ministres  étrangers  résidant  à  Copen- 
hague, en  l'^tccooipagnant  de  la  note  cir-apjrèsit 

N«-  xn. 

iVbl»  efreulaùife  adressée  par  le  comte  4e  Bertutorff 
am^  wdHiitres  accrédités  à  la  ceur  de  Copenhague; 
du  19  4oit  1788. 

C'est  par  les  ordres  du  roi,  mon  mattre,  que  j'ai 
l'honneur  de  vous  communiquer  une  copie  de  la  dé- 


312    IX.  AFF.  PU  COMTB  D£  B.^SOUHOBS'SKT, 

claration  remise  aujourd'hui  à  M.  l'ambassadenr  de  SoUcl  I^ 
S.  M.  ambidoime  le  auffirage  de  l'£a]*ope,  et  particufièM*  Ijlr 
ment  des  cours,  auxquelles  elle  est  liée  par  des  traités  qa'dk  1» 
respecte  et  qu'elle  chérit,  et  avec  lesquelles  elle  paituge  ctt  lii 
esprit  de  modération  et  de  paix,  qui  caractérise  dans  ce  m 
siècle  éclairé  les  souverains  qui  en  font  l'omement.  S.1L 
soumet  avec  plaisir  et  avec  confiance  sa  condotte  et  lei 
principes  ii  leur  jugement  Elle  doit  leur  abandonna 
i  présent  ces  moyens  de  conciliation  dont  elle-nituB 
n'en  a  négligé  aucun,  mais  qui  ne  sont  plus  dans  son 
pouvoir.  Elle  leur  répète  à  tous  et  &  chacun  en  pu^ 
ticulier,  qu'elle  s'y  prêtera  avec  tout  l'empressanent 
possible  et  qu'elle  justifiera  par  ses  démarches  les  prin? 
cipes  qu'elle  avoue,  et  selon  lesquels  elle  consent  et 
consentira  toujours  à  être  jugée. 

Du  département  des  affaires  étrangères  à  GopeiH 
haçue,  le  19Aoû^  1783. 

A.  P.  Bbrnstobpf, 

Cette  déclaration  fiit  en  même-temps  transmiie 
à  tous  les  ministres  de  8.  M*  Danoise  dans  les 
cours  étrangères,  celles  de  Russie  et  de  Suède  ex- 
ceptées j  elle  fut  accompagnée  d^  la  note  suiYaQte, 

N*»-  xin. 

Lettre  circulaire ,  adrenée  à  tout  let  miniitrei  de  S. 
M.  Danoise  résidant  dans  les  cours  éirangires,  en 
leur  transmettant  la  déclaration  de  S.  M'  :  dfs  23  4^ 

1788. 

n  y  a  long-tçmps,  M,,  que  vous  êtes  prévenu  fup 
le  système  du  roi.  Vous  ne  serez  donc  pas  surpris  de 
ce  que  j'ai  l'honneur  de  vous  communiquer  la  déclara- 
tion mim'stérielle  remise  par  ordre  du  roi  à  M.  l'ambas- 
sadeur  de  Suède  y  et  la  note  avec  laquelle  celle-ci  a 


KIK.  DE  RUSSIE  À  STOCKHOLM;  EN  17Ô8..  313 

£t^  communiquée  A  tous  les  ministres  des  cours  étran- 
gères  accrédités  &  celle-ci.  Les  véritables  sentimens  du 
voi  y  sont  exposés;  et  comme  la  yérité  a  des  droits 
■nzqaeb  il  est  difficile  de  résister,  je  suis  persuadé 
qu'on  rendra  généralement  justice  à  leur  sincérité ,  i 
leur  candeur,  et  à  leur  modération.  Si  ceux  du  roi  de 
Saède-  leur  avaient  ressemblé,  le  Nord  jouii*ait  d'une 
tnmquillité  parfaite.  Ses  efforts  pour  la  troubler^  ont 
Ci|  plus  de  succès  que  ceux  du  Danemark  pour  la  con- 
teryer;  mais  comme  cela  était  dans  Tordre  naturel  des 
diotfes,  il  a  fallu  s*y  soumettre.  S.  M.  ne  s'en  consolera 
jamaia^  mais  elle  trouve  dans  la  situation  même  du  roi  de 
Saède,  et  dans  les  dispositions  pacifiques  de  S.  M.  Timpé- 
mtrice,  qui  égalent  les  siennes,  bien  des  motifs  à  pouvoir 
espérer  le  prompt  rétablissement  d'une  paix  si  légère- 
ment rompue,  par  un  prince,  qui  ne  pouvait  le  faire 
«ans  violer  sa  constitution,  et  sans  trahir  ses  devoirs  et 
lea  intérêts  les  plus  sacrés  de  sa  nation. 
Copenhague,  le  23  Août  1788. 

BERNSTOaFF. 

N«-   XIV. 

JMpome  du  baron  de  Sprengtporienj  amhanadeur  de 
Suède  à  Copenhague  ^  à  la  déclaration  du  comte  de 
Bermtorff;  du  11  Septembre  1788. 

Après  les  ouvertures  que  le  roi  a  fait  faire  par 
son  ambassadeur  à]  Copenhague,  et  la  confiance  que 
le  roi  a  témoignée  au  roi  de  Danemark,  en  lui  remet- 
Umt  le  soin  de  rétablir  la  paix  entre  le  roi  et  Timpéra- 
trice  de  Russie,  S.  M.  n'a  pu  recevoir  qu'avec  étonne- 
ment  et  déplaisir,  la  déclaration  que  le  roi,  son  beau- 
iErère,  lui  a  fidt  remettre  en  date  du"  19  Août  dernier. 
8*  M.  voulant  encore  écarter  tout  ce  qui  peut  exciter  de 
l'aigreur  et  de  l'éloignemcnt  entre  lui  et  un  prince  qui 
loi  est  uni  par  des  liens  si  sacrés,  se  réserve,  si  la  né- 
cessité  des  circonstances  Texige  indispensablement,  de 


314    IX  AFF.  DU  COMTE  DE  aASOUMOFFSKT, 

rappeler  à  S.  M,  Danoise,   combien  il  a*est  donne  c|e 
aoina  pour  consolider  la   bonne  harmonie   qui  depntt 
plus  de  Soixante  ans  a  subsisté  entre  la  Suède    et  le 
Danemark  y   et   pour  la   rendre    stable  et  permanentei 
Le  roi,  ne  voulant  rien  négliger  encore  pour   conserr 
Ter  le  maintien  de  la  plus  longue  paix,  que  lea  annales 
de  deux  royaumes  peuvent  montrer,  et  connaissant  d*ail- 
leurs  les  soins  que  d'autres  puissances  vont  se  donner 
pour  éteindre  le  nouvel  incendie  qui  menace  le  Nord, 
se  borne  uniquement  dans  ce  moment  k  demander  une 
explication  claire  et  précise  des  intentions  de  S.  M.  Da-> 
noise,  d'après  laquelle  le  roi  réglera  ses  démarches. 

S,  M.  Danoise  annonce,  qu'elle  vft  céder ^  en  con- 
formité de  ses  traités  défensifs,  et  de  la  manière,  qui 
y  est  stipulée,  une  partie  de  ses  vaisseaux  de  guerre  el 
de  ses  troupes,  i  la  libre  disposition  de  l'impératrice 
de  Russie.  Le  roi,  qui  jusqu'à  ce  moment  a  ignoré  le 
contenu  et  l'étendue  des  engagemens  contractés  entre 
le  Danemark  et  la  Russie,  demande  au  roi,  son  beau- 
frère,  si  ce  sont  des  troupes  et  des  vaisseaux  auxiliaires 
qu'il  compte  remettre  k  la  dispositioiit  de  la  Russie;  en 
ce  cas,  et  selon  l'usage  de  tout  temp^  reçu,  ses  troupes 
et  ses  vaisseaux  ne  peuvent  agir  contre  la  Suède  qne 
dans  les  mers  et  dans  les  provinces  appartenantes  k  la 
Russie,  et  être  transportés  dans  les  lieux  où  se  trouve 
actuellement  établi  le  théâtre  de  la  guerre  :  et  dans  ce 
caSj  loin  de  regarder  les  démarches  de  S.  M.  Danoise 
comme  hostiles,  le  roi  se  bornera  aux  regrets  de  voir 
le  roi,  son  beau-frère,  soutenir  par  ses  secours,  l'ennemi 
de  la  Suède,  Mais,  si  ces  troupes  sortent  des  provinces 
soumises  k  la  domination  de  S,  M.  Danoise  jst  limitro- 
phes k  la  Suède,  pour  entrer  sur  les  terres  du  roi;  s'ils 
y  attaquent  les  sujets  de  S.  M. ,  ses  places  fortes  et  ses 
troupes ,  le  roi  se  verra  forcé  pour  lors  de  regarder  la 
longue  paix  qui  subsiste  entre  la  Suède  et  le  Dane- 
mark comme  rompue,  et  le  roi  de  Danemark  comme 


MIN.  dbbu86ieÀ8Tocj[^oi<m;sn1788.  315 

af^reMeu^  Le  roi  assure  de  la  manière  la  plus  for- 
melle et  sur  sa  parole  royale,  que  les  précautions 
fa^il  Ta  prendre  sur  la  frontière  de  Norwège  et  en 
Scandinavie,  ne  sont  que  purement  défensives,  et  que 
lès  voeux  les  plus  sincères  tendent  au  maintien  d'une 
paix  également  nécessaire  aux  deux  peuples.  Le  roi  at- 
tend ane  réponse  claire  et  précise,  qui  décidera  de  ses 
démarches  ultérieures. 

Copenhague,  le  11  Septembre  1788. 

J.  U.  Sprbngtforten. 

N«-   XV. 

Réplique  du  comte  de  Bermtorff  à  la  réponse  du  baron 
de  Sprèngtporten;  du  13  Septembre  1788. 

S.  M.  le  roi  de  Danemark,  loin  de  trahir  la  con- 
fiance de  S.  M.  le  roi  de  Saède,  n'a  eu  d'autre  regret 
que  de  n'avoir  pas  été  mis  de  sa  part  dans  le  cas  d'y 
répondre  entièrement,  ses  premières  ouvertures  sur  son 
retour  à  des  intentions  pacifiques  ne  lui  étant  parvenues 
qae  lorsque  sa  déclaration  du  19  Août  était  déjà  remise 
i  M.  l'ambassadeur,  et  partie  pour  la  Suède.  Elle  eu 
a  cependant  tiré  tout  le  parti  qui  était  encore  dans  son 
pouvoir,  pour  avancer  le  rétablissement  de  la  paix,  et 
eDe  déclare  d'être  toujours  également  prête  &  concou- 
rir avec  toute  la  candeur  et  avec  tout  le  zèle  pos- 
sibles,  aux  vues  et  aux  démarches  des  puissances  amies 
tpâ  tendront  au  même  but. 

n  ne  dépend  pas  de  S.  M.  de  donner  i  ses  secours 
inxiliairet  une  autre  direction  que  celle  qui  a  été 
,  énoncée  dans  sa  première  déclaration,  et  qui  est  sti- 
pulée dans  ses  traités  défensifs  qui  y  sont  cités.  Ils 
•ont  déjà  cédés  à  la  libre  disposition  de  la  Russie,  et 
comme  le  théâtre  de  la  guerre  n'est  pas  borné  et  ne 
Sfinrait  Têtre  à  la  seule  Finlande,  S.  M.  n'est  pas 
autorisée  à  adopter  une  explication  nouvelle,  entièrement 
opposée  au  sens  et  aux  mots  de  ses  engagemeus  avoues. 


316    IX.  AFF.  DU  COMTE  P£  RASOUKOFFSKT^ 

Tant  que  le  Danemark  n*a  point  un  intérêt  propre, 
et  qu'il  n'agit  qu'en  auxiliaire  de  son  alliée,  il  ne  peut 
avoir  d'autre  but,  que  le  rétablissement  d'une  pik 
prompte  et  solide,  et  dés  que  S.  M.  Timpératrice  ooii" 
Tiendra  de  ses  conditions  avec  la  Suède,  la  sienne  eat 
faite  également.  11  doit  respecter  toutes  les  démarebet 
de  la  Russie,  qui  terminent  ou  qui  suspendent  cettt 
guerre  où  elle  se  trouve  engagée.  Aussi  long-tempi 
que  les  troupes  et  les  vaisseaux  auxiliaires  qui  agiront 
contre  la  Suède,  n^ excéderont  pas  le  nombre  stipulé, 
et  que  le  reste  des  forces  danoises  ne  commet  aucun 
acte  d'hostilité  d'aucun  genre,  S.  M.  le  roi  de  Suéde 
n'est  point  fondé  à  se  plaindre;  CjS  sera  elle-même  qm 
changera  la  nature  de  la  situation  présente,  si  elle  vent 
envisager  et  traiter  en  ennemis  les  forces  qui  n'aglsscnl 
pas  contre  la  Suéde,  et  qui  ne  le  fei*ont  que  lorsqu'db 
aura  déclaré  la  guerre  au  Danemark.  Ce  sera  elle-mèina 
qui  aura  donné  alors  une  existence  à  des  différends  qni 
n'existaient  pas,  et  qui  ne  le  seront  non  plus,  si  les  son-' 
haits  et  les  conseils  du  roi,  et  la  considération  du, bon- 
heur des  sujets  réciproques ,  peuvçnt  fivoir  quelque  in^ 
fluence  sur  S.  M.  Suédoise^ 

Le  roi  n'a  riçn  à  objecter  aux  mcs^res  qu'on  opposera 
en  Suéde  aux  forcer  auxiliaires  danoises  :  S.  M.  déclare  plu- 
tôt, qu'elle  ne  donnera  aucune  étendue  de  plus  â  ses  plans 
et  à  ses  démarches ,  avant  que  d'apprendre  qvie  la  résola- 
tîon  de  S.  M,  Suédoise  d'en  donner  aux  siennes ,  soit  irré- 
vocable. Elle  SQuhfiite  vivement,  que  la  réponse  décisive 
qu'elle  attend  encore  de  sa  part,  puisse  ne  pas  devenir 
le  signal  d'une  guerre,  dont  l'idée  même  est  péuiblç  â 
$on  coeur,  mais  amener  la  confirmation  de  cette  paùçi 
qui  fait  toujours  l'objet  constant  de  ses  voeux. 

Du  département  des  affaire^  étrangères  k  Gopenhagae, 
le  13  Septembre  1788, 

A,  P.  Pernstorff, 


IIIN.  BB  RUSSIE  À  STOCKHOLM;  EN  1788*    317 

'  En  communiquant  la  contre -déclaration  de  la 
Suède  5  ainsi  que  la  réplique  du  ministère  danois, 
aux  ministres  du  roi  dans  l'étranger,  le  comte  de 
Benstorff  leur  adressa  la  note  suiyante. 


tâettre  dtcutaire  adrestée  par  le  comte  de  Bermtorff 
emx  mwistrei  de  S.  M.  Danaùe  aûa;  couru  de  Ber- 

'/!«(•)  de  Londres^  de  Vienne^  de  Paru  et  de  Madrid; 
dhr  16  Septembre  1788. 

Je  m'acquitte  de  tna  parole,  Monsiienr,  en  vous  com- 
muiîqaant  aujourd'hui  la  copie  de  la  contre-déclaration 
du  JToi  de  Suède  et  de  nbtre  répokise^  dont  j'ai  fait  aussi 
incessaonment  part  &  MAI.  le  baron  de  la  Houzé>  Elliot  etc. 
Les  sentimens  qui  sont  exposés  dans  celle-ci,  sont  assez 
exacts  pour  épuiser  la  matière  ;  je  n'ai  ainsi  qu'une  seule 
réflexion  à  y  ajoutel*;  q^est  qu'il  aurait  sans  doute  dé- 
pendu du  roi  de  regarder  la  menace  du  roi  de  Suède, 
de  vouloir  envisager  la  paix  comtne  rompue  dès  que  les 
troupes  auxiliaires  du  Danemark  auraient  commencé  d'a- 
gir,   comme  décisive  et  comme  irrévocable;  mais   cela 
a'auraît  point  été  conforme  au  système  véritablement  mo- 
déré dû  roi,  et  à  son  amour  pour  la  paix  et  pour  les 
voies  les  plus  douces^     Il  y  avait  une  possibilité  d'ad- 
■mttre  et  de  supposer  encore  de  nouvelles  explications, 
et  nous  l'avons  saisie.     Nous   ne  pouvons  plus  arrêter 
les  opérations  des  troupes  déjà  cédées  i  la  Russie ,  et  qui 
peat-^étre  auront  déjà  commencé.    Trois  de  ces  vaisseaux 
de  guerre  se  sont  déjà  joints  à  l'escadre  commandée  par 
l'amiral  de  Deissen  :  nous  manquerions  essentiellement  à 
la  Russie,  si  nous  nous  permettions  des  procédés  con- 
traires i  notre   déclaration  et  à  nos  engagemens.     Nos 
devoirs  vis -à  vis  d'elle  sont  la  base  de  nos  premières  dé- 


318    IX.  AFF.  BtT  COMTB  DE  RASOUHOFFSKYy 

marches  ;  ils  doivent  donc  Têtre  également  de  ceBei  qd 
en  sont  la  conséquence  naturelle  et  nécessaire* 

Tout  ceci  n'est  nullement  en  opposition  avec  noi 
efforts  continués,  de  hâter  le  rétablissement  de  la  paii,  et 
avec  la  satisfaction  que  nous  éprouvons  de  voir  des  pm^- 
sances  amies  s'occuper  sérieusement  d'une  médiation  con- 
ciliante. Déjà  le  roi  de  Suède  a  accepté  celle  de  TAïf 
gleterre,  et  quoique  nous  ne  puissions  pas  encore  connaître 
les  intentions  de  la  Russie,  nous  savons  en  général,  que 
son  système  est  de  désirer  la  paix,  et  qu'elle  s'y  prêtert 
dès  que  sa  dignité  offensée  par  les  procédés  offensans  da 
roi  de  Suède  sera  sauvée. 

Tels  succès  que  puissent  avoir  nos  troupes ,  ils  sont 
censés  être  ceux  de  la  Russie,  S.  M.  continuant  à  désa- 
vouer toute  idée  de  conquête. 

Copenhague,  le  16  Septembre  1788. 

Berkstortf. 

N«-  XVII. 

« 

Ultimatum  de  la  cour  de  Suède  ^  remis  par  te  iar&n  de 
SprengtporteUy  en  réponse  à  la  réplique  du  oowêie  ie 
Bemstwff;  du  5  Octobre  1788. 

Le  roi  n^a  pu  voir  qu'avec  surprise  les  principes  avan- 
cés par  le  comte  de  Bernstorff,  dans  la  note  qu'il  a  re* 
mise  par  ordre  de  S.  M.  Danoise  à  l'ambassadeur  du  ro^ 
le  19  du  mois  passé ,  qui  porte  qu'aussi  long-temps  qne 
}e8  troupes  et  les  vaisseaux  auxiliaires,  qui  agiront  contre 
la  Suède,  n'excéderont  pas  le  nombre  stipulé,  et  que  la 
reste  des  forces  danoises  ne  commet  aucun  acte  d'hostî* 
lité  d'aucun  genre,  le  roi  de  Suède  n'était  point  fondé 
à  se  plaindre ,  que  S.  M.  ne  peut  reconnaître  conformes 
au  droit  des  gens ,  et  contre  lesquels  le  roi  a  ordonné  an 
soussigné  de  protester  hautement.  Cependant  par  l'a- 
mour de  la  paix,  et  pour  épargner  aux  sujets  des  deux 


UIS.  BS  HUSSIE  À  STOCKHOLM;  EN  1788*    319 

royanine9  une  effusion  inutOe  de  sang,  dans,  un  moment 
oà  des  négociations  s'ouvrent  sous  les  meilleurs  auspices 
ppur  le  rétablissement  de  la  paix  dai|s  le  Nord,  le  roi 
Teat  dads  ce  moment  écarter  toute  discussion  de  prin- 
cipes et  se  tenir  seulement  à   l'assurance  indiquée  dans 
là  note,  que  S.  M.  Danoise  n'a  aucune  vue  hostile  ni 
d*aggruidissement  pour  elle-même,  le  roi  voulant  d'ail- 
lenrs  se  confier  entièrement  à  ce  ^e  le  &  EUiot,  en- 
Toyé    extraordinaire  et  ministre  plénipotentiaire,   lui  a 
présenté  à  te  sujet;  et  S.  M.  voulant  encore  mettre  tous 
les   bornes    possibles    aux   malheurs    que   l'étendue   de 
la  guerre  doit  nécessairement  entrainer  pour  les  deux 
royaumes,  S.  M.  consent  &  considérer  la  paix  conmie 
non  interrompue  entre  eux,  jusqu'à  ce  que  S»  M.  verra 
le  succès  des  négociations  entamées  pour  le  rétablisse- 
ment d'une  paix,  que  S.  M^  Danoise  a  de  nouveau  dé- 
claré faire  l'objet  constant  de    ses  voeux*     Le   roi   se 
bornera  donc  à  repousser  par  la  force  les  troupes  anxi* 
liaires  qui  sont  entrées  dans  ses  états* 
À  Copenhague,  le  6  Octobre  1788. 

Déjà  dans  les  premiers  jours  d'Août,  M.  Elliot^ 
miniatre  d'Angleterre  près  la  cour  de  Copenhague^ 
avait  £dt  accepter  à  S.  M.  Danoise  la  médiation 
des  cours  de  Prusse,  de  Londres  et  de  la  Haiye^ 
qui  Tenaient  de  s'allier  étroitement  par  le  traité  de 
la  triple  alliance,  signé  le  15  Avril  1788-  Ce  fîit 
epcore  sous  la  médiation  de  ce  ministre,  qu'un 
armistice  entre  le  roi  de  Suède  et  le  prince  Charles 
de  Hesae,  commandant  en  chef  les  troupes  auxi- 
liaires de  Danemark,  fut  conclu  le  9  Octobre,  et 
prolongé  le  169  jusqu'au  13  Novembre.  Avant  que 
ce  dernier  terme  fut  écoulé,  on  arrêta  le  5  No- 
vembre, à  Udewralla,  un  nouvel  armistice  qui  devait 


320    IX.  AFF.  DU  COMTE  DE  RASOUMOFFSK.Y, 

durer  jusqu'au  13  Mai  1789,  et  qui  par  l'art.  T" 
fut  garanti  par  l'Angleterre  et  la  Prusse. 

Le  roi  de  Prusse  de  son  côté,  dès  qu'il  fat 
instruit  des  progrès  de  l'armée  danoise  en  Suèd^ 
et  notamment  de  l'attaque  prochaine  de  la  Tille  de 
Gothenbourg,  par  le  prince  de  Hesse,  envoya  le 
comte  de  Rohde  à  Copenhague,  pour  faire  au  mi- 
nistère de  Danemark  une  déclaration,  dont  le  pré- 
cis est  contenu  dans  ^instruction  ci-après  (*). 

'.,.,,  IN'"-  XYm. 

Ptècit  de  la  décîaritiion  verhale  faite  par  le  comte  dt 
Rohde  au  nom  de  S.  M.  pTiiasienne,  au  comte  de  Berfw 
torff.      (Extrait.) 

J'ai  été  surpris  loi-sque  j'ai  appris  qu'un  corps  de 
douze  mille  Danois  est  entré  de  la  .ft'orwège  eu  Suéde, 
et  qu'il  menaçait  l'importante  ville  de  Gotlienbourg,  le 
principal  siège  du  commerce  de  la  Suède.  Vous  vous 
rendrez  donc  incessamment  chez  le  comte  de  Bernslorff, 
et  vous  lui  déclarerez  de  ma  pan,  que  j'avais  toute  l'a- 
miùé  possible  pour  S.  M.  le  i-oi,  le  prince  royal  el 
pour  toute  la  maison  royale  de  Danemark,  et  que  je 
souhaitais  de  vivre  constamment  avec  elle  dans  la  plus 
parfaite  union  ;  mais  que  je  ne  pouvais  pas  voir  avec 
indifférence,  qu'on  prenne  des  mesures  qui  meneiaienl 
directement  à  écraser  le  roi  de  Suède,  à  changer  1> 
présente  forme  du  gouvernement   de    ce  royaume,    et  i 


(1)  La  d^cUralion  ns  fat  faite  qne  Verbalement,  \e  minwtra 
l'ayant  point  ^t^  autorisa  d'en  donner  copie;  le  prince  de  HeiH  !• 
rendît    pabliqoe    dana   sei   Mémoires    sur   la    campagne    de  iTSS 


MIK.  DB  RUSSIE  A  STOCKHOLM  J  EN  J788«   32  J 

bouleverser  par  ses  suites  tout  Téquilibre  entre  les  puis- 
sances  du  Nord;     que  telle  était  la  démarche  qne  le 
Danemark   venait  de  faire  en  attaquant  hostilement  la 
Suède,  dans  un  temps  où  ses  principales  forces  étaient 
éloignées;  que  par  cela  elle  outrepassait  de  beaucoup  la 
qualité  d'une  partie  auxiliaire  ;  que  c^était  d'ailleurs  man- 
quer aux  égards  qui  étaient  dûs  i  moi  et  à  toutes  les 
autres  puissances  qui  avaient  offert  leur  médiation  aux 
puissances  belligérantes;  qu^il  me  semblait  donc,  que  la 
cour  de  Danemark  ne  pouvait  être  engagée  dans  la  dé- 
marche hostile  contre  la  Suède,  que  par  une  sorte  de 
surprise  et  par  des  ressorts  sûrement  contraires  â  ses  véri- 
tables intérêts  et  à  ceux  de  ses  voisins;  que  je  priais  par 
conséquent  très-instamment  S.  M.  Danoise  de  donner  des 
ordres  prompts  et  précis,  pour  que  ses  troupes  évacuassent 
sans  délai  le  territoire  de  la  Suède  et  qu'on  étabUsse  un 
armistice  du  moins  entre  le  Danemark  et  la  Suède,  surtout 
du  c6té  de  la  Norwège,  afin  que  les  puissances  médiatrices 
aient  le  temps  de  moyenner  une  paix  entre  les  puis- 
sances belligérantes;   mais  que  si  la  cour  de  Danemark 
ne  voulait  pas  écouter  mes  représentations,  je  ne  pou- 
vais pas  me  dispenser  de  faire  entrer  dans  le  Holstem 
an  corps  de  troupes,  qui  avait  déjà  reçu  ordre  de  se 
tenir  prêt  à  agir  et  à  marcher  vers  ce  pays  là;  que  je  m'y 
voyais  obligé  par  les  intérêts  majeurs  de  mon  état,  de 
tout  le  Nord  et  de  la  cour  de  Danemark  même.    Vous 
prierez  le  comte  de  Bemstorff,    de  faire  en  sorte   que 
cette    déclaration  soit  acceptée  et  exécutée,   et   que  je 
reçoive. une  réponse  aussi  prompte  que  possible.    Vous 
pourrez  lire  cette  déclaration  plusieurs  fois  au  comte  de 
Bemstorff  y  et  vous  lui  ferez  entendre,  que  le  roi  d'An- 
gleterre est  parfaitement  de  concert  avec  moi,  et  que 
les  troupes  hanovriennes  se  joindront  aux  miennes  pour 
occuper  le  Holstein  et  le  SIesvic. 

IX.  21 


\ 


322    IX.    APF.  DU  COMTE  DE  RASOUMOFFSKY, 


Cette  déclaration  précise  et  menaçante  engft- 
gea  le  roi  de  Danemark  à  envoyer  le  24  Octobre 
au  prince  de  Hesse ,  l'ordre  d'évacuer  avec  toutes 
ses  troupes  le  territoire  suédois. 

L'impératrice  de  Russie  ayant  décliné  la  mé- 
diation des  cours  alliées,  M.  Ëlliot  adressa  la  note 
ci -après  au  comte  de  Bemstorff,  pour  demander 
une  déclaration  précise  sur  les  intentions  ultérieures 
de  S.  M.  Danoise  pendant  la  guerre  entre  la  Suède 
et  la  Russie. 

N°   XIX. 

Lettre  de  M,  Elliot  adrettée  au  comte  de  Bermt&fff; 

du  23  Avril  1789. 

Monsieur  le  comte,  je  me  prête  avec  plaisir  an 
désir  que  V.  Exe.  m'a  témoigné  de  recevoir  par  écrit 
]e  sommaire  des  représentations  que  j'ai  eu  Thomieur 
de  lui  faire  de  bouche  par  ordre  de  ma  cour. 

V.  Exe.  voudra  bien  se  rappeler  qu'au  moment  çie 
le  roi  de  Danemark  fît  cession  d'une  partie  de  ses 
troupes  de  terre  et  de  mer,  comme  auxiliaires,  i  la 
Russie,  S.  M.  Danoise  a  demandé  Tintervention  de  S. 
M.  Britannique  pour  rétablir  la  tranquillité  entre  la  Suède 
et  la  Russie.  En  conséquei^ce  de  cette  démarche,  le 
roi  mon  maître  a  formellement  offert  sa  médiation,  de 
concert  avec  ses  alliés,  aux  parties  belligérantes.  j 

C'est  avec  le  plus  vif  regret  que  je  dois  aussi  rap-  jj 
peler  à  V.  Exe.  que  l'impératrice  de  Russie  jugea  â 
propos  de  décliner  la  médiation  du  roi  et  de  ses  alliés, 
et  que  ce  refus  fut  l'unique  cause  de  la  continuation  àes 
hostilités,  puisque  S.  M.  le  roi  de  Suède  avait  accepté  de 
la  manière  la  plus  franche  et  la  plus  amicale  cette  oSrc   A 


MIK.  DS  RUSSÎE  A  STOCKHOLM;  EN  1788.  323 

de  la  part  des  trois  cours,  animées  du  seul  désir  d'ar- 
rêter reffusion  du  sang  et  de  maintenir  l'é^'Iibre  du 
Nord. 

V.  Exe.  a  ensuite  été  témoin  que  le  roi  et  ses  aUiés 
ont  agi  avec  énergie  pour  donner  les  preuves  les  moins 
équivoques  de  Timportance  qu'ils  mettaient  à  la  conser- 
Yation  de  la  Suède,  et  que  ces  cours  travaillèrent  de 
coticert  et  avec  l'effet  le  plus  salutaire,  pour  obtenir 
ime  cessation  d'hostilités  entre  les  forces  et  de  terre  et 
de  mer  de  S.  M.  Suédoise,  et  les  forces  de  terre  et  de 
mer  danoises  qui  avaient  eu  part  aux  opérations  mili- 
taires dans  la  dernière  campagne. 

Le  roi  mon  maître  voit  encore  avec  regret  que  de- 
puis cette  époque  les  ofires  de  médiation  et  de  bons 
oflEices  de  la  part  du  roi  et  de  ses  alliés  n'ont  p^s  pro- 
duit Teffet  désiré,  et  n'ont  pu  porter  l'impératrice  à  se 
prêter  i  une  négociation  pour  le  rétablissement  de  la 
paix,  ni  dans  le  Nord,  ni  dans  TOrient  de  l'Europe. 
Dans  ces  circonstances,  quand  le  refus  de  la  Russie 
d'accepter  toute  médiation,  est  la  seule  cause  de  la  con- 
tinuation des  hostilités,  S.  M.  Britannique  et  ses  alliés 
croient  devoir  représenter  fortement  â  la  Cour  de  Da- 
nemark, que  cette  cour  leur  paratt  être  libérée  de  toute 
stipulation  d'un  traité  purement  défensif ,  et  même  d'a- 
jouter,  que  dans  le  cas  actuel  la  jonction,  des  forces 
danoises,  ou  de  terre  ou  de  mer,  à  celles  de  la  Russie, 
mettrait  le  Danemark  lui-même  dans  le  cas  d'être  con- 
sidéré conmie  une  des  parties  belligérantes,  et  ne  pour- 
rait que  justifier  le  roi  de  Suède  à  demander  des  secours 
efficaces  et  prompts  de  S.  M.  Britannique  et  ses  alliés, 
dont  S.  M.  Suédoise  a  accepté  la  médiation  pure  et  il- 
limitée. 

D'après  les  principes  de  franchise  que  j'ai  toujours 
observés  vis-*à-vis  d'une  cour  alliée  et  amie  de  l'Angle- 
terre, je  dois  vous  assurer,  M.  le  comte,  que  ni  le 
roi  d'Angleterre  y  ni  ses  alliés,  ne  pourront  abandonner 

21  * 


324    IX.  AFF.  BU  COMTE  D£  RASOUMOFFSKT, 

le  système  qu'ils  ont  adopté  dans  Funique  vue  de  con- 
server Téquilibre  du  Nord,  équilibre  pas  moins  intéres- 
Sfint  au  Danemark  qu'à  toute  nation  maritime  et  com- 
merçante. 

Je  ne  doute  pas  que  Y.  Exe.  ne  reconnaisse  combien 
peu  l'interprétation  la  plus  favorable  de  votre  traité 
pourrait  aider  l'impératrice,  si  elle  entriainait  une  co- 
opération vigoureuse  par  mer  et  par  terre  des  trois  puis- 
sances, pour  soutenir  la  Suède;  et  que  le  cabinet  de 
Copenhague  ne  soit  trop  sage  et  trop  modéré  ponr  , 
exposer  ou  la  Russie  ou  le- Danemark,  A  une  extension  < 
des  hostilités  de  la  part  des  cours  qui  ne  respireot 
d'ailleurs  que  la  paix,  et  qui  cherchent  i  Tétablir  sur 
la  base  la  plus  stable,  et  sous  les  conditions  les  plm 
avantageuses  possibles  pour  toutes  les  parties  intéresses. 

Je  doi*  donc,  M.  le  comte,  vous  prier  formelle- 
ment de  la  part  du  roi  et  de  ses  alliés,  de  porter  la 
cour  de  Danemark  à  n'accorder  aucune  portion  de 
ses  forces,  ou  de  terre  ou  de  mer,  &  la  Russie,  ponr 
agir  offensîv  cment  contre  la  Suède  sous  le  prétexte  d*un 
traité  défcnsif  ;  mais  au  contraire  de  soutenir  une  neu- 
tralité parfaite  dans  toutes  les  provinces  et  dans  toutes 
les  mers  appartenantes  au  roi  de  Danemark. 

Soyez  persuadé,  M.  le  comte,  que  dès  que  le  Da- 
nemark   aura    embrassé    un   parti    aussi   conforme  aux 
voeux  de  ses  vrais  amis,   le   concours  du  roi  de  Dane- 
mark au  rétablissement  de  la  paix  générale  serait  infiDi- 
ment  agréable  au  roi  mon  maître;    et  j'ose   ajouter  que 
V.  Exe.   a   été   trop  longtemps  au  fait  des  vrais  intérêts 
de  la  Russie  et  des  sentimens  de  l'Angleterre,  pour  ne    ;, 
pas  sentir  que  l'impératrice  ne  saurait  mieux  placer  su    . 
confiance,  pour  effectuer  la  pacification,   que  dans  les   i 
mains  de  S.  M.  Britannique  et  de  ses  alliés.  i 

Je  suis  instruit  de  demander  de  V.  Exe.  une  ré-  f 
ponse  claire  et  décisive  sur  les  intentions  de  S.  M.  Di-  fi 
noise,    par  rapport  à  la  jonction  d'ime  paitic  de  ses    fi: 


laK.BS BuasiB  A  stockhojlm;  en  1788-  325 

teesj  ou  de  terre  pu  de  mer,  aux  forces  de  S.  M. 

mpératrîce  de  Russie,  et  de  proposer  la  neutralité  des 

its  danois  et  des  mers   danoises,   sous  la  garantie  la 

oa  efficace  du  roi  d'Angleterre  et  de  ses  alliés.    L'en- 

i  d'éviter  tout  sujet  d'aigreur  inutile  m'a  engagé   de 

Bdressi&t  à  Y.  Esc.  dans  une  lettre  particuL'ère ,  plu- 

;   que  d'aycir  remis  une  déclaration  formelle,    dont 

GOBtena   amrait  pu  devenir   plus  public  que  le  cas 

mel  des  cireonstances  ne  l'exige.    Et  j'ose  me  flatter, 

/le  comte,  que  quelque  soit  l'issue  de   mes    négo* 

ilioiis^  .V.  Exe.  me   rendra  toujours  la  justice  d'avoir 

KVaillé  avec  sincérité  à  prévenir  les  misères  de  la  guerre. 

'  Puissent  nos  efforts  réunis  faire  renaître  dans  les 

eura   des  souverains  le  vrai  amour   de   leurs    sujets, 

vp. malheureuses  victimes  de  cet  amour  chimérique  de 

^gloire  militaire  qui  ensanglante  si  fréquemment  et  si 

Btilement  l'Etirope. 

J'ai  rhonneûr  d'être,  etc« 

Copenhague,  le  23  Avril  178a 

Elliot. 

:  Comme  S.  M.  Danoise  crut  ne  pas  devoir  prendre 
le  détermination  décisiye  à  ce  sujet,  ayant  de  s'être 
ihsnâtie  avec  l'impératrice  de  Russie,  te  comte  de 
nmstorff  répondit  à  M.  Elliot  par  la  lettre  sui- 
intew . 

N«   XX. 

ipWÊie  êi$  comte  de  Bemitotff  à  la  lettre  précédente; 

dm  30  Avril  1789. 

Ayant  mis  sous  les  jeux  du  roi  la  lettre  que  vous 
ilavea  fait  l'honneur  de  m'écrire  en  date  du  23  Avril, 
ioasieur,  et  au  contenu  de  laquelle  les  ministres  de  S.  M* 
e  roi  de  Prusse  et  de  LL.  HH.  PP*  ont  accédé  par  leurs 


326     IX.  AFF.  BU  COMTJB  DE  aASOCTMOFFSKT, 

déclarations  verbales ,  S.  M.  m*a  ordonné  d'y  répondre: 
,,  qu'elle  adhérait  invariablement  à  ce  système  de  paix,  I* 
dont  le  Danemark  ne  s'est  jamais  écarté  y  et  qni  de  Pa-  1'^ 
veu  de  la  Suède  même  n'a  pas  été  interrompu  ptr  ki  |> 
secours  auxiliaires  fournis  conformément  k  ses  engi-  ■> 
gemensy  à  la  Russie;  qu'elle  avait  toujours  vivement  dé- 
siré que  les  démarches  faites  par  les  puissances  rei* 
pectables  qui  s'occupent  du  désir  de  rétablir  la  paix 
dans  le  Nord^  eussent  le  succès  le  plus  heureux,  et 
que  tous  ses  voeux  seraient  remplis  si  elle  pouvait  y 
contribuer  elle-même:  que  ce  sentiment ^  joint  aux 
preuves  sans  nombre  qu'elle  avait  données  pendant  tout 
le  cours  de  son  règne  ^  et  de  sa  bonne  foi  et  de  son 
attachement  particulier  aux  souverains  augustes  qui  s'ex- 
pliquent actuellement  avec  elle,  devait  leur  être  garant 
non  seulement  de  son  système  général,  mais  aussi  de 
son  souhait  décidé,  de  ne  pas  contredire  leurs  vues,  qui 
tendaient  &  la  pacification,  générale;  qu'elle  y  ajoutait 
avec  satisfaction,  qu'elle  était  persuadée  que  leur  équité 
lui  garantissait  également  la  certitude,  qu'elles  entreront 
avec  amitié  dans  sa  situation,  et  qu'elles  reconnaitront 
et  approuveront  qu'elle  s'entende  préalablement  et  in- 
cessamment avec  S.  M.  Timpératrice  de  Russie ,  qui  a 
le  droit  incohtestable  de  réclamer  les  engagemens  dont 
il  s'agit  à  présent  uniquement,  avant  que  de  donner  une 
réponse  entièrement  définitive." 

S.  M.  hésite  d'autant  moins  d'y  insister,  qne  la  du- 
rée de  la  trêve,  qui  assure  la  tranquillité  actuelle,  rend 
non  seulement  le  délai  indifférent ,  mais  que  S.  M.  s'en- 
gage d'ailleurs  d'en  respecter  toutes  les  conditions  aussi 
long -temps  qu'elle  ne  se  croit  pas  autorisée  de  don- 
ner cette  réponse.  Connaissant  d'ailleurs  la  sagesse  de 
son  alliée,,  convaincue  de  sa  modération,  sure  de  ses 
propres  sentimens,  S.  M.  prévoit  l'issue  la  plus  satisfai- 
sante; et  quelle^  serait- sa  joie,  si  une  réunion  parfaite 
et  entière  pouvait  y  appartenir  !  i 


MIN.  DE  RUSSIE  À  STOCKHOLM;  EN  1788*   327 

Je  ne  puis  m^acquitter  de  ces  ordres,  Monsieur,  sans 
TOUS  assurer  de  toute  Tetendue  de  la  confiance  du  roi 
dans  les  vues  équitables  et  modérées  du  roi  votre  mat- 
tre.  S.  M.  en  est  entièrement  persuadée.  Elle  l'est  éga- 
lement de  vos  sentimens  personnels ,  et  si  j^ose  me  nom- 
mer après  cela,  je  n'ai  pas  de  perspective  plus  chère  que 
celle  de  pouvoir  vous  féliciter  bientôt  d'avoir  travaillé 
preférablement  et  avec  succès  à  rétablir  la  tranquillité 
du  Nord,  à  assurer  le  bonheur  général  et  individuel,  et 
i  rapprocher  les  cours ,  unies  par  tous  les  intérêts  natu* 
rels.    J*ai  l'honneur  d'être  etc. 

Copenhague,  le  30  Avril  1789. 

A.  P.  Bernstorff. 

N«>-  XXI. 

Seconde  lettre  de  M.  Elliot  à  M,  le  comte  de  Berus^ 

torff;  du  1  JUai  1789. 

M.  le  comte,  j'ai  reçu  la  lettre  que  Y.  Exe.  a  bien 
voulu  m'écrire  en  date  du  30  Avril,  eu  réponse  à  la  lettre 
particulière  que  je  lui  avais  adressée  eu  date  du  23  Avril. 
Vous  êtes  trop  clairvoyant,  M.  le  comte,  pour  ne 
pas  sentir  que,  si  ma  lettre  avait  dû  être  considérée  sous 
le  rapport  d^une  démarche  officielle,  faite  au  nom  des 
trois  cours  alliées ,  la  réponse  que  Y.  Exe.  a  bien  voulu 
y  faire ,  ne  saurait  être  censée  qu'un  refus  de  la  part  de 
la  cour  de  Danemark,  de  se  conformer,  daus  les  cir- 
constances  actuelles,  à  la  neutralité  illimitée,  par  mer  et 
par  terre,  que  j*ai  eu  l'honneur  de  lui  présenter  comme 
le  voeu  commun  des  trois  cours  alliées. 

Mais  puisque  Y.  Exe.  a  bien  voulu  s'ouvrir  person- 
nellement à  MM.  les  ministres  des  trois  cours,  de  ma- 
nière à  nous  persuader    que  le  délai    demandé,    avant 
que  de  donner  la  réponse  entièrement  définitive  de  la 
cour  de  Copenhague,    n^est  qu'un  égard  que  S.  M.  Da- 


328    IX.  AFF.  BU  COMTE  BE  RASOUMOFFSKT, 

noise  croît  dû  à  son  auguste  alliée,  et  ne  changera  rien 
à  la  conclusion  heureuse,  que  Y.  Exe^  nous  promet  â 
notre  négociation,  je  me  refuse  d'entrer  dan^  toute  dis- 
cussion ultérieure  sur  l'équité,  la  justice  et  la  sagesse  des 
vues  de  nos  trois  cours. 

Je  dois  néanmoins  réitérer  qu'elles  adhéreront  inya'» 
clablement  au  principe  déjà  annoncé  dans  ma  précédente: 
,,Qae  la  continuation  des  hostilités  étant  uniquenient  causée 
par  le  refus  de  laRussie  d'accepter  une  médiation)  queS.M. 
Suédoise  avait  embrassée  sans  hésitation,  les  trois  cours 
regardent  le  Danemark  connue  libéré  de  toute  stipulation 
d'un  traité  défensif ,  d'autant  plus  que  ladite  médiation 
n'a  été  offerte  aux  puissances  belligérantes,  qu'à  la  suite 
des  ouvertures  faites  pour  cet  effet  par  le  Danemark  méme.'^ 

Pour  prouver  d'ailleurs  ma  confiance  parfaite  dans 
les  expressions  rassurantes  de  Y.  Exe. ,  je  me  charge  de 
faire  part  de  la  lettre  que  Y.  Exe.  m'a  éciîte ,  et  de  su> 
seoir  à  toute  démarche  plus  formelle  et  plus  concluante, 
jusqu'à  nouvel  ordre ,  en  cas  que  V.  Exe.  croit  être 
autorisée  par  sa  propre  cour  de  donner  une  explication 
satisfaisante  des  paroles  suivantes  de  sa  lettre: 

S,  M,  hésite  d'autant  moins  cfy  insister^  que  la  du^ 
rée  de  la  trêve  y  qui  assure  la  tranquillité  actuelle^ 
rend  non  seulement  le  délai  indifférent,  mais  qu$ 
S.  M,  s^engage  d^ ailleurs  d'en  respecter  toutes  ht 
conditions  aussi  longtemps  qu^elle  ne  se  croit  fM 
autorisée  de  donner  cette  réponse. 

Yous  n'ignorez  pas,  M.  le  comte,  que  l'on  a  donné 
à  différentes  occasions  des  explications  contradictoires  de 
ladite  trêve,  et  pour  prévenir  toute  mésentendue  à  ce 
sujet,  je  supplie  Y.  Exe.  de  m'assurer ,  en  réponse  à  cette 
lettre,  que  S.  M.  Danoise  consent  de  ne  pas  oëder  i  la 
Aussie  aucune  partie  de  ses  forces,  ni  de  terre,  ni  de 
mer,  pour  agir  en  qualité  d'auxiliaires  contre  la  Suède 
jusqu'au  24  Juin  prochain,   inclusivement,    et   que  V. 


MIN.  BE  ATTSSŒ  À  STOGJLHOLM;  £K  1788«    329 

Exc.  nous  communiqruera  la  réponse  définitive  de  la  cour 
de  Copenhague  dès  le  retour  du  courrier  qui  va  en 
Russie. 

Connue  le  temps  prescrit  pour  le  retour  des  cour- 
riers anglais  et  prussiens  s'écoule,  je  supplie  V.  Exc.  de 
m'accorder  une  réponse  à  cette  lettre,  dans  le  plus  court 
délai  possible. 

J'ai  l'honneur  d'être  etc. 

Copenhague,  le  1  Mai  1789. 

Elliot. 

P.  S.    Les  ministres  de  Prusse  et  d'Hollande  ont 
lu  e&  approuvé  cette  lettre, 

N^  xxn. 

Jt^pMte  du  comte  de  Bermforff  à  M.  Elliot;  du  2  Mai 

1789. 

Les  explications  que  vous  m^avez  demandés,  et  que 
je  me  suis  empressé  de  vous  donner,  Monsieur,  n'ont  pu 
Vous  laisser  aucun  doute  sur  le  sens  de  la  lettre  que 
fai  eu  l'honneur  de  vous  écrire  en  date  du  30  Avril,  et 
sur  les  motifs  qui  ont  déterminé  le  choix  des  expressions 
de  celle-ci. 

Mais  comme  vous  insistez  sur  une  nouvelle  sûreté, 
'et  que  je  n'hésiterai  jamais  à  répéter  par  écrit  ce  que 
j*ai  avancé  dans  des  conférences  ministérielles,  je  renou- 
velle par  ces  lignes  l'assurance  positive,  que  le  Danemark 
admet  cette  interprétation  de  la  trêve  qui  a  fixé  sa  durée 
jusqu'au  24  Juin  de  cette  année ,  et  que  S.  M.  ne  four- 
nira point  de  secours  auxiliaire,  ni  par  terre,  ni  par 
mer,  à  la  Russie  jusqu^au  retour  du  courrier  qui  partira 
demain  pour  Pétersbourg. 

J'ai  l'honneur  d'être  etc. 

Copenhague,  le  2  Mai  1789. 

Bernstorff. 


330    IX.  AFF.  DU  COMTE  DE  HASOVMOFFSKT^ 

N^  xxin. 

Lettre  adreaée  en  commun  par  les  troit  minùtrei  plém- 
potentiatreg  d'Angleterre  y  de  Pmue  et  d^Hottande^ 
au  comte  de  Bermiorff;  du  6  Juillet  1789. 

M.  le  comte,  dans  le  courant  du  mois  d'Avril  der- 
nier, nous  nous  adressâmes  à  V.  Exe.  au  nom  de  nos 
souverains,  pour  engager  S.  M.  le  roi  de  Danemark  par 
des  voies  amicales  à  conserver  une  neutralité  parfaite  et 
illimitée  dans  les  troubles  du  Nord,  et  de  prévenir  par 
là  une  extension  d'hostilités  qui  rendrait  plus  difficile  le 
rétablissement  d'une  paix  solide  et  stable.  Y.  Exe.  noos 
répondit  alors  au  nom  du  roi,  que  S.  M.  ne  pouvait  don- 
ner une  réponse  définitive  avant  qu'elle  ne  se  fiiit  entendu 
avec  S.  M.  l'impératrice  son  alliée,  et  qu^un  courrier  se- 
rait incessamment  expédié  à  cet  effet  pour  Pétersbonr;. 
Ce  courrier  étant  de  retour,  nous  nous  adressons  de  nou- 
veau à  y.  Exe.  en  la  priant  de  vouloir  nous  commnniqaer 
les  résolutions  de  sa  cour,  et  nous  osons  nous  flatter 
qu'elles  satisferont  les  voeux  de  nos  souverains,  en  les 
assurant  d'une  neutralité  illimitée  et  parfaite  de  la  part 
de  S.  M.  le  roi  de  Danemark. 

Nous  avons  l'honneur  d'être  etc. 
Copenhague,  le  6  Juillet  1789. 

ÂRNtM.      Elliot. 
Vandergoes. 

Le  roi  de  Danemark  ayant  obtenu  Fagrénient 
de  Timpératrice  de  pouvoir  garder  une  neutralité 
entière  pendant  la  guerre,  le  comte  de  Bernstorff 
adressa  la  déclaration  suivante  aux  ministres  des 
trois  cours  alliées.  Elle  mit  fin  aux  discussions  entre 
le  Danemark  et  la  Suède. 


I 


MIN.  HE  nVSSIE  A  STOCKHOIiM  ;  JSN 1788-  331 

N"-   XXIV. 
Déclaration  du  comte  de  Bernttorff,  du  9  Juillet  1789. 

Le  roi  mon  mattre,  aussi  fidèle  à  ses  engagemens, 
qu^à  son  amour  pour  la  paix  et  à  ses  voeux  constans  pour 
Ufhonlieur  général,  n'a  pas  pu  se  permtBttre  de  manquer 
aux  .stipulations  sacrées  d'un  traité  défensif,  sans  en 
avoir  reçu  Taveu  de  la  puissance  qui  avait  le  droit  in- 
contestable de  les  réclamer.  S.  M.  a  donc  dû  s'enteudre 
avec  la  Russie  sur  la  demande  que  les  ministres  des  rois 
àe  la  Grande-Bretagne ,  de  Prusse  et  des  Etats-Généraux 
des  Provinces-Unies,  accrédités  près  de  sa  personne,  lui 
ont  faite  au  nom  de  leurs  souverains,  qu'elle  voulût  bien 
conserver  dans  celle  guerre,  qui  trouble  malheureuse - 
ment  la  tranquillité  du  Nord,  une  neutralité  parfaite  et 
illimitée  par  terre  et  par  mer.  Celte  neutralité  n'est  à  la 
vérité  pas  incompatible  avec  la  cession  de  quelques  se- 
eonrs  auxiliaires,  stipulé  dans  un  traité  qui  n'a  d'autre 
objet  qu'une  défense  commime;  mais  S.  M.  a  trouvé  dans 
Pamitié  et  dans  la  modération  de  S.  M.  l'impératrice  de 
toutes  les  Russies  un  appui  de  la  sienne,  et  convaincu 
avec  elle  que  les  démarches  des  trois  cours  réunies  sont 
dirigées  par  le  désir  général  de  la  paix,  elle  consent 
de  garder  pendant  la  durée  des  troubles  actuels  du 
Nord  cette  neutralité  telle  qu'on  la  lui  a  proposera.  Mais 
elle  espère  et  demande  aussi  de  son  côté,  que  ces  trois 
augustes  cours,  par  un  retour  aussi  juste  que  naturel 
des  mêmes  principes  et  sentimens,  gardent  et  conservent 
aussi  dans  la  même  époque  une  neutralité  également 
parfaite  et  illimitée  relativement  aux  affaires  du  Nord, 
afin  que  leurs  efforts  réunis  avec  les  siens,  puissent 
hâter  le  rétablissement  d'une  paix  qui.  fait  le  seul  objet 
de  ses  voeux. 

Le  soussigné   a  Thonheur  de  remettre  cette  décla- 
ration du  roi  son  maître  aux  trois  ministres  des  cours 


332    IX.  AFF.  J>U  COMTB  DE  KASOUMOFTSKT. 

réunies,  en  réponse  d'une  note  commune  du  6  âe  ce 
mois,  en  les  priant  de  la  faire  parvenir  à  leurs  sou- 
verains. 

Copenhague,  le  9  Juillet  1789. 

Berkstorff. 

La  paix  deWerelae,  signée  le  14  Août  1790^ 
pour  la  Russie  par  le  général  d'Igelstroem  et 
pour  la  Suède  par  le  général  d'Armfeld  y  mit  fin  à 
la  guerre  du  Nord. 


CAUSE  DIXIÈME. 

^^estations  gui  s^élevèrent  en  1799,  entre  la 
cour  de  Dumemarh  et  celle  de  la  Chrande-Bre- 
tagne,  au  sujet  du  commerce  des  neutres  et  de 
f admission  des  armateurs  français  dans  les 
forts  danois. 


«. 


Au  commencement  de  la  guerre  qui  éclata  en 
1793,  entre  la  France  et  PAngleterre,  le  gouver- 
nement français  sentant  le  besoin  de  continuer  le 
commerce  avec  les  puissances  neutres  pour  se  pro-> 
curer  des  grains  et  d'autres  objets  de  première  né- 
cessité^ publia  au  mois  d'Avril,  une  proclamation, 
par  laquelle  on  promit  toute  assistcuice  et  protection 
aux  capitaines  et  équipages  des  vaisseaux  danois  et  sué- 
dois qtd  se  rendraient  dans  les  ports  de  la  république. 
Mais  bientôt  après ,  les  Anglais  ayant  arrêté 
plusieurs  bâtimens  neutres  chargés  de  blé,  destinés 
pour  les  ports  de  France,  la  convention  natio- 
nale décréta  le  9  Mai,  ime  loi  qui  autorisa  les  bâ- 
tmiens  de  guerre  et  corsaires  français,  à  arrêter  et 


334      X.  AFF.  DU  COMMERCE  DES  NEUTRES, 

à  amener  dans  les  ports  de  la  république,  tout  na^ 
vire  neutre  qui  se  trouverait  chargé ,  *  en  tout  ott 
en  partie,  soit  de  comestibles  appartenant  à  des 
neutres  et  destinés  pour  des  ports  ennemis ,  soit  de 
marchandises  appartenant  aux  ennemis  (^)* 

Déjà  ayant  la  France,  la  Grande-Bretagne 
avait,  sous  prétexte  que  la  guerre  contre  ce  pays 
n'avait  pour  but  que  de  punir  des  rebelles  et  des 
perturbateurs  de  l'ordre  social,  mis  en  pratique 
lés  maximes  énoncées  dans  ce  décret  .  Elle  vQiilnt 
adopter  contre  la  république,  le  syaitême  de  la 
famine  (^),  que  cent  ans  auparavant  le  roi  Guil* 
laume  lU,  avait  essayé  de  mettre  en  usage  contre 
la  France ,  dVprès  l'exemple  de  la  reine.  Elisabeth) 
qui  vers  la  fin  du  16™*  siècle,  y  avait  eu  recours 
contre  l'Espagne  (^).    Ce  système  fut  développé  sans 


(1)  Ces  dernières  y  farent  d^clarëes  de  bonne  prise,  et  deraîeqt 
être  confisquées  an  profit  des  capteurs;  les  comestibles  appartenant 
à  des  neutres,  'devaient  être  payes  sur  le  pied  de  leur  râleur,  J 
compris  le  fret,,  et  une  indemnité  serait  accordée  aux  bâtimeos  i 
raison  de  leur  détention.  Par  ce  décret  la  France  viola  les  sdpt- 
lations  du  traité  du  50  Septembre  1749,  le  dernier  qui  ait  réglé 
les  rapporta  entre  la  France  et  le  Danemark  et  dont  la  validité 
devait  durer  Jusqu'à  ce  qu'on  fût  convenu  d'un  nouveau  traité  à» 
commerce. 

(2)  M.  Azuniy  dans  son  Droit  maritime  de  l'Europe,  T.2»  pAiOt 
dit  en  cette  occasion,  ^former  un  pacte  de  famine  contre  un  peuple 
entier,  prétendre  affamer  des  femmes,  des  enfans,  des  vieillards  etc. 
voila  une  mesure  monstrueuse,  dont  il  a  été  réservé  à  TAngleterre 
de  prendre  l*affrense  initiative/' 

(3)  En  1589,  la  reine  Elisabeth  fit  enlever  soixante  bâtiment 
appartenans  '  aux  villes  hanséatiques,   chargés  de  grains  et  de  mat^ 


ENTRE  Ii'AKOIi.  ET  I^E  DAN.J  EN  1793-      335 

détour  dans  l'instruction  ci-après,  qui  fut  adres- 
lée  au  commandans  des  vaisseaux  du  roi  et  aux 
annateiurs. 

N*»-  I. 

biiructiami  de  S.  M.  Britannique  pour  ses  armateurs; 
du  8  Juin  1793.    (Traduction  privée). 

hêtructions  additionnelles  données  par  &  M,  Britanni-- 
que  aux  commandans  de  ses  vaisseaux  de  guerre  et 
armateurs  qui  ont  ou  auront  des  lettres  de  marque 
contre  la  France.  Données  à  St.  James,  le  8  Juin 
1793. 

jirt,  L  Qu'ils  auront  &  arrêter  et  à  détenir  tous 
les  Taisseaux  chargés  en  tout  ou  en  partie  de  blés, 
froment,  ou  farine,  destinés  pour  quelque  port  de  France, 
on  popr  quelque  port  occupé  par  les  armées  françaises  ; 
et  à  les  envoyer  à  tels  ports  qu'il  sera  le  plus  conve- 
nable, pour  que  lesdits  blé,  farine  ou  froment  puissent 
être  achetés  pour  le  compte  du  gouvernement  de  S.  M. 
Britannique,  et  les  vaisseaux  relâchés  après  une  telle 
^ente,  et  après  un  paiement  proportionné  pour  le  fret, 
ou  bien,  que  les  capitaines  de  tels  vaisseaux  après  avoir 
donné  suffisante  caution  qui  sera  approuvée  par  la  cour 
d'amirauté,  pourront  procéder  à  la  disposition  de  leur 
cai^aison  de  blé,  farine  ou  froment,  dans  les  ports  d'un 
pays  ami  de  S.  M.  (^) 

rianz  propres  A  la  construction  des  vaisseanz,  destines  pour  Lis- 
iMmne,  dont  l'Sspagne  ëtait  alors  en  possession,  voulant,  disait-elle, 
réduire  TEspagne  par  la  famine. 

-  (1)  Quoique  cette  indemnité  annoncée  par  le  gouvernement  bri- 
tannique ne  pût  faire  disparaître  Pinjustice  fondamentale  d'une  telle 
prétention^  elle  n'eut  pas  moins  son  plein  e£fet  par  l*adoucissemeat 
qa'eUe  apportait  an  commerce  des  nations  neutres. 


336      X.   AFF.  DU  COMMERCE  DS8  NEUTlLSSy 

Art.  IL  Que  les  conunandaïuB  des  vaÎMeaiix  de 
guerre  de  S.  M.  et  les  armateurs  qui  ont  ou  auront  dei 
lettres  de  marque  contre  la  France,  auront  à  saisir  toot 
vaisseaux  quelle  que  soit  leur  cargaison,  qui  seront  trou-  | 
vés  tenter  d'entrer  dans  quelque  port  bloqué,  et  de  les 
envoyer  avec  leur  cargaison  pour  adjudication,  eoi[cep* 
tant  les  vaisseaux  danois  et  suédois,  lesquels  la  première 
fois  seront  seulement  empochés  d'entrer ,  mais  s'ik  le 
tentaient  pour  la  seconde  fois,  ils  seront  envoyés  de 
même  pour  adjudication. 

Art,  111.  Qu'en  cas  que  S.  M.  déclarerait  quelque 
port  pour  bloqué,  il  est  enjoint  aux  commandans  des 
vaisseaux  de  guerre  de  S.  M.  et  des  armateurs  qui  ont 
ou  auront  des  lettres  de  marque  contre  la  France,  s'ils 
rencontrent  des  vaisseaux  en  mer,  dont  les  papiers  font 
voir  qu'ils  sont  destinés  pour  de  tels  ports  bloqués, 
mais  qu'ils  ont  quitté  les  ports  de  leur  pays  respec» 
tifs,  avant  que  la  déclaration  du  blocus  y  ait  été  con- 
nue, de  les  en  avertir,  et  de  les  engager  à  chercher 
d'autres  ports:  mais  ils  ne  devront  point  les  molester, 
à  moins  qu'il  ne  paraisse  qu'ils  ont  continué  leur  course 
dans  Imtention  d'entrer  dans  le  port  bloqué,  dans 
lequel  cas  ils  seront  sujets  à  être  pris  et  condamnés; 
comme  le  seront  de  même  tous  les  vaisseaux  en  quelq[ue 
lieu  qu'ils  soient  rencontrés,  dont  il  conste  qu'ils  ont 
mis  à  la  voile  de  leur  port  pour  un  port  qui  a  été 
déclaré  bloqué  par  S.  M.  après  qu'une  telle  déclaration 
a  été  connue  dans  le  pays  d'où  ils  viennent,  et  tous 
les  vaisseaux  qui,  après  avoir  été  informés  de  quelque 
manière  du  blocus  pendant  leur  voyage,  auront  ce- 
pendant continué  leur  course  dans  le  dessein  d'entrer 
dans  un  tel  endroit. 

Le  cabinet  de  St.  James,   en  communiquant 
cette  ordonnance   aux  puissances  neutres,    essaya 


SNTRE  I*»ANGL.  ET  liE  DAN.;   EN  1793.       337 

^justifier  ce  qu'elle  renferm  ait  d'inusité  (*),  parla 
ocmridération ,  que  l'on  ne  pouvait  point  regarder 
le  gouyemement  français  comme  légitime  et  établi, 
puisque  même  les  puissances  qui  n'étaient  point  en- 
Tées  dans  la  coalition  pour  le  combattre,  se  refu- 
nient  à  le  reconnaître,  et  que  la  nature  de  cette 
perce  différait  de  celle  de  toutes  les  autres ,  en  ce 
ja'elle  n'intéressait  point  le  système  du  droit  public 
établi  entre  les  souverains ,  mais  le  bien-être  général 
de  toute  l'Europe. 

M.  de  Hailes ,  envoyé  extraordinaire  de  S.  M. 
Britannique  à  la  cour  de  Copenhague,  fut  chargé 
en  conséquence,  d'adresser  au  ministère  danois  la 
DotQ  ci-après  en  lui  transmettant  la  susdite  ordon- 
nance. 

NO-  n. 

Vue  de  M.  de  HaUe$y  ministre  d'Angleterre  à  la  cour 
de  Copenhague^  adressée  au  comte  de  Bernstorffj  mini-- 
Hre  des  affaires  étrangères  de  S.  M.  Danoise;  du  17 
Juillet  1793. 

Le  soussigné  9  envoyé  extraordinaire  de  S.  M.  Bri- 
innique,  est  chargé  de  'remettre  à  M.  le  comte  de 
emstorffy  par  ordre  de  sa  cour,  la  copie  de  l'ordre  ci- 
lint  donné  par  S.  M.  Britannique  dans  son  conseil 
rivé,  sur  quelques  points  qui   concernent  le  commerce 

(1)  En  1589,  la  reine  Elisabeth  fit  enlever  soixante  bâtimens  ap- 
■rtenans  aux  yilles  hansdatiques ,  charges  de  grains  et  d^  maté- 
ittix  propre  à  la  constractîon  des  yaisseaux^  destinas  pour  Lis- 
onne,  dont  l'Espagne  ëtait  alors  en  possession,  roulanl,  disait^elle, 
Maire  l'Espagne  par  la  famine. 

II.  22 


338      X.  APF.  DU  COMMERCE  DES  NEUTRES; 

des  nations  neutres  ayee  la  France  pendant  la  guerre 
actuellçy  et  il  lui  est  enjoint  en  même  temps  de  faire  i 
M.  le  comte  de  Bernstorff  quelcpies  observations  sur  ce 
sujet  y  aussi  bien  que  sur  celui  des  vaisseaux  apparte- 
nant aux  sujets  britanniques  qui  pourraient  être  amenés 
comme  prises  dans  les  ports  de  S.  M.  Danoise. 

Personne  ne  peut  méconnaître  combien  les  circons* 
tances  de  cette  guerre  diflerent  de  celles  sur  lesqad- 
les  sont  fondés  le  système  du  droit  public  et  les  usages 
ordinaires  établis  entre  les  souverains  de  TEurope.  On 
ne  peut  pas  nier  non  plus,  que  celte  différence  ne  doive 
influer  d'une  manière  importante  et  essentielle  sur 
l'exercice  des  privilèges  des  puissances  neutres ,  résol- 
tans  ou  du  droit  général  des  nations,  ou  des  traités 
particuliers. 

Il  n'existe  actuellement  en  France  aucun  gouverne- 
ment qui  soit  reconnu,  non  pas  par  les  puissances  Ld- 
ligérantes,  mais  par  celles  même  qui  tiennent  encore  i 
leur  neutralité.  La  cour  de  Danemark  ne  conserve  au- 
cun ministre  à  Paris  ;  elle  n'en  a  reçu  aucun  de  la  part 
de  la  France  depuis  la  -  mort  funeste  de  feue  S.  M. 
Très-Chrétienne;  elle  s'est  abstenue  soigneusement  de 
reconnaître  l'existence  d'une  autorité  légitime  en  France, 
comme  de  fait  il  n'en  existe  point;  et  quoique  des  rai- 
sons particulières  ne  lui  aient  pas  permis  d'entrer  dans 
la  guerre,  elle  ne  peut  rependant  pas  considérer  la 
France  comme  une  puissance  avec  laquelle  il  lui  soît 
possible  dans  ce  moment  de  maintenir  tous  les  rapports 
usités  d'amitié  et  de  neutralité. 

Si  dans  les  cas  ordinaires,  une  puissance  neutre 
continue  de  faire  son  commerce  avec  deux  nations,  ses 
amies,  qui. sont  en  guerre  l'une  avec  l'autre,  elle  a  le 
moyen  de  s'assurer,  tant  par  les  voies  établies  de  né- 
gociation, que  par  l'usage  reconnu  des  tribunaux  de 
toute  l'Europe,  que  sa  neutralité,  observée  par  Tune,  le 
sera  également  par  l'autre;    elle   peut   de    même  s'assn- 


\ 


I 


SKTJEU3  Ii'ANGIi.  ET  liK  DAK.J  EK  1793-       339 

■i  ^^9  que  Pime  de  ces  puissances  n'abusera  pas  de  cette 
k  tteatralité  au  préjudice  de  l'autre,  et  en  violation  de 
Tamitié  impartiale  qu'elle  leur  doit  également;  et  si,  par 
des  circonstances  imprévues,  la  manière  usitée  d'exer- 
cer ces  privilèges  de  commerce  neutre  devenait  plus 
particulièrement  préjudiciable  à  l'une  de  ces  puis- 
sances qu'à  l'autre,  elle  pourrait,  par  des  représen- 
tations amicales,  faii'e  valoir  cette  raison  auprès  de  cette 
dernière,  et  renoncer  sans  difficulté  à  un  droit  qui  ne 
«erait  plus  compatible  avec  les  principes  de  sa  neu- 
tralité. 

Aucune  de  ces  circonstances  n'existe  actuellement. 
Le  Danemark,  en  conservant  vis-à-vis  de  l'Angleterre 
tooft  les  privilèges  de  commerce  neutre  qui  lui  ont  été 
donnés  pour  les  cas  ordinaires,  le  droit  général  des  na- 
tions et  ses  traités  particuliers,  ne  peut  s'assurer  d'une 
observation  pareille  en  France,  où  cette  neutralité  a 
déjà  été  violée  et  l'est  encore  journellement;  où  S.  M. 
Danoise  n'a  aucun  ministre  pour  réclamer  ses  droits  et 
ceux  de  ses  sujets,  où  elle  ne  reconnaît  pas  d'autorité 
légitime  qui  puisse  leur  rendre  justice,  et  où  il  n'existe 
de  fait  ni  lois  ni  tribunaux  autres,  que  la  volonté  d'une 
populace  effrénée. 

S.  M.  Danoise  est  dans  une  impossibilité  égale 
de  traiter  amicalement,  et  comme  puissance  neutre, 
avec  la  France,  sur  les  moyens  d'établir  des  précau- 
tions que  les  autres  puissances  belligérantes  ont  un  si 
JMe  dîroit  à  demander,  pour  empêcher  qu'on  n'abuse 
do  privilège  d'un  commerce  neutre,  surtout  en  bleds  et 
l  gÊmSy  dans  un  moment  où  il  existe,  par  rapport  à  cet 
1,  objet,  tant  de  circonstances  absolument  nouvelles.  Il 
ttt  notoire  que  le  commerce  de  la  France  avec  l'étran- 
fer,  en  grains,  n'est  plus  un  commerce  de  particulier  à 
.  pirticalier;  mais  que,  contre  Tusage  ordinaire,  il  est 
I  jtasque  entièrement  entre  les  mains  du  prétendu  co/z- 
p     *eil  exécutif  et  des  différentes  municipalités.  Il  ne  doit 

22* 


340       X.    AFF.  DU  COMMERCE  DES  NEUTRES; 

donc  plus  être  considéré  comme   une  combinaison  de 
spéculalions    parliculièrcs    auxquelles  les    individus  <Iei 
autres  nations  pailicipent,   mais  comme   une  opération  , 
directe    et   immédiate   dii    soi-disant  gouvei*uement  qui 
nous  a  déclaré  la  guerre. 

Il  est  de  même  noèoire,  que  dans   ce  moment,  un 
moyen  des  plus  efTicaces  de  ceux  qui  se  présentent  pour 
i*éduire  les  personnes,  qui  -nous  ont  déclaré  cette  gaerre;    i 
â  de  justes  conditions  dé.  paix,  c'est  celui  de  las  empè^ 
cher  de  remédier,  par  des  itnportations^  à  la  disette  m-  "-. 
turellement  résultante  de  ce  qu^ils   ont  fait  pour  aimer  \ 
coiltre  les  autres  gouvei-nemens  et  contre  la  tranquillité 
générale  de  l'Europe,  toute  la  classe  laborieuse  du  peu- 
ple français.     C'est  un  principe  reconnu  par  tous  ceux 
qui  ont  écrit  sur  le  droit  public,  que  ces  importations 
peuvent  être  légalement  empêchées    quand    on    espèie 
de  réduire  son  ennemi  par  ce  moyen.  Elles  le  peavent 
être  bien  plus  encore,  quand  la  détresse  de  cet  ennemi 
n'est  occasionnée  que  par  les  moyens  dont  il  s'est  seni 
pour  nous  nuire  ;  et  il  est  incontestable  que  ce  cas,  d'an 
genre  a])solument  nouveau,   ne  peut  -être   jugé   d'après 
des   ])riiiclpes    et  des    règles   établies   pour   les  cas  des 
guerres  poursuivies    selon  l'usage   ordinaire   des  souve- 
rains de  l'Europe.   Ou   doit  aussi  remarquer,  qu'en  ad- 
mettant dans  ses  ports  les  armateurs  français  avec  leurs  ^ 
])riscs,  S.  M.  Danoise   ne    pourrait  avoir  aucune  de  ces  j 
sûretés  qu'exige   la   loi   des    nations,   sur   la   validité  de 
leurs  commissions  et  la  régularité  de  leur  conduite.  Ses   j 
cours  de  justice  ne  peuvent,  sans  une  conti'adiction  mt-  , 
nifeste,  reconnaître  la  légabté  d'une  patente  ou  conlnli^  ' 
sion   quelconque,    émanée   d'une  autorité  qu''elle  ne  re- 
connaît pas  pour  souveraine;    sans  cette  reconnaissance) 
non  seulement  les  prises  ne  peuvent  pas   être  condam- 
nées, mais  les   sujets   et  les   propriétés  britanniques  ni 
peuvent,  sans  une  violation  directe  des  ti*aités,  être  dé- 
tenus   dans   les  ports  appartenans   à    un   gouvernement 


ENTRE  L'ANGIi.  ET   LE  DAN.;  EN   1793-       341 

Siî,  dont  ils  «ont  en  droit  <1e  réclamer  la  protection: 
i  surtout  il  est  impossible  d'appliquer  à  ce  c^s,  les  lois 
irtiinaires  d'une  neutralité  impartiale^  puisqu'il  n'existe 
a  France  aucune  autorité  i*econnue  qui  })uisse  régler 
I  conduite  des  armateurs,  et  à  laquelle  un  gouverue- 
lent  neutre  puisse  avoir  recours  pour  les  punir  de  Fin* 
ioiction  de  ces  règles,  sans  robserTance-  desquollips  ils 
le  sont  plus  des  armateurs,  mais  des  pirates. 

C'est  ajîrès  ces  principes  que  le  soussigné  a  été 
liargé,  dans  les  premières  ouveiturcs  qu'il  a  du  faire 
.  M.  le  comte  de  Bernstorff  relativement  à  cet  objet, 
le' loi  proposer  d'entrer  dans  la  discussion  de  ce  qu'ion 
narrait  régler  entre  les  deux  souverains  dans  des  cir- 
onsCances  si  difl'érentes  de  celles  qui  ont  existé  fus- 
H^d.  C'est  sur  les  mêmes  principes  qu'est  fondéi  l'or- 
te  donné  par  S.  M.  Britannique,  et  que  le  soussigné 
actuellement  Tbonneur  de  communiquer  à  M.  le 
omte  de  Bemstorff.  S.  M.  se  persuade  que  la  cour  de 
hmemark  y  verra  non  seulement  la  justice  qui  résulte 
es  principes  ci-dessus  établis,  mais  aussi  Taraitié  cons- 
ulte et  invariable  d'après  laquelle  cette  mesure  a  été 
églée,  de  manière  à  ne  porter  aucun  préjudice  réel 
u  intérêts  des  sujets  de  S.  M.  Danoise,  qui  seront  en 
mt  cas  pleinement  indemnisés  de  leurs  peintes  et  de 
sors  dommages.  S.  M.  Britannique  espère  avec  la 
dnfiance  la  plus  intime,  que  par  une  suite  des  liaisons 
t  des  rapports  d'amitié  et  d'intérêt  qui  ont  si  long- 
mps  lié  les  deux  cours,  elle  trouvera  une  pareille  at- 
ntion  dans  toutes  les  démarcbes  du  gouvernement 
mois  sur  ce  qui  a  rapport  à  ce  sujet  intéressant  dans 
1  moment  si  critique,  et  à  l'occasion  d'une  guerre,  au 
iccès  de  laquelle  toute  nation  civilisée  doit  nécessai- 
ment  prcndi^e  le  plus  grand  intérêt.  S.  M.  compte 
irtout  sur  ce  qu'il  soit  donné  les  ordres  les  plus  po- 
ti£i  pour  empêclier  que  les  armateurs  français  ne 
dÎMent  amener  dans  les  ports  sous   la  domination  de 


342      X.  AFF.  DU  COMMERCE  DES  NEUTRES; 

S.  M.  Dauoisiey  leurs  prises,  et  moins  encore  les  y  ve2i 
dre  sous  prétexte  d'une  condamnation  quelconque;  d 
elle  ne  manquera  pas,  en  retour,  d'apporter  de  sa  paît  [ 
tous  les.  soins  possibles,  pour  empêcher  que  le  com- 
merce des  sujets  danois  ne,  soit  troublé,  molesté  ou  in- 
quiété par  les  vaisseaux  armés  appartenans  soit  &  S.  M. 
soit  à' sefi-su>ets,  qui  auront  des  lettres  de  marque  on 
des  commissions  pour  fiore  la  course  sur  les  yaisseanx 
ennemis. 

Pour  ce,  qui  est  des  ports  français  bloqués  par  les 
forces  de.  S.  M.  ou  des  puissances  qui  font  cause  com- 
mune ayec  elle  dans  cette  guerre,  le  soussigné  ne  lait 
aucune  observation  sur  cette  partie  de  Tordre  ci  des- 
sus, qui;  y  >  a  !  rapport,  les  règles  qui  y  spnt  établies  ëunt 
confonhes  à  ce  quf  a  toujours  été  pratiqué  en  de  pa- 
reilles occasions,  et  le  principe,  ainsi  que  son  appfica- 
tion  à  la.  position  relative  des  puissances  engagées  dans 
cette  guerre,  ayant  été  déjà  pleinement  reconnu  par  le 
gouvernement  •  danois. 

Copenhague,  le  17  Juillet  1793. 

DE  Hailbs. 

En  même  temps  que  M,  de  Hailes  fit  cette  com- 
munication au  gouvernement  danois,  M.  Keen, 
chargé  d'affaires  britannique  à  la  cour  de  Stockholm 
en  donna  connaissance  au  baron  de  Sparre,  chance- 
lier de  Suède,  qui  peu  de  temps  après,  par  la  voie 
de  M.  de  Bergstedt,  chargé  d'affaires  de  S-  M.  Sué- 
doise à  Londres,  fit  exprimer  au  ministère  britanni- 
que la  satisfaction  que  ce  règlement  avait  donnée  an  ^ 
roi  son  maître  (*). 


1 


(1)    Poar   se   rendre   raison  de  I^^pcneîl   si    différent    qne    cette 
communication   reçut  â  deux   cours  voisines,  qvà  avaient,   sons  le 


KNT&£  li'ANGL.  ET  LE  DAN.J  EN  1793.       343 

Le  roi  de  Prusse  ayant  accédé  en  plein  aux 
■  principes  de  la  cour  de  Londres  et  aux  demandes 
^  ^'elle  avait  faites  par  M.  deHailes,  chargea  le  comte 
de  Goltz,  son  ministre  à  la  cour  de  Copenhague, 
d'appuyer  par  la  note  suivante  celle  du  ministre 
df Angleterre. 

NO-  m. 

Note  du  comte  de  Goltz^  envoyé  extraordinaire  de  S.  M. 
Prwiienne  à  la  cour  de  Copenhague  ^  adret^ée  au  comte 
de  Bermtorff;  le  21  Juillet  1793. 

S.  M.  le  Roi  de  Prusse  qui  n'a  qu'un  intérêt  com- 
mun avec  S.  M.  le  roi  de  la  Grande-Bretagne,  en  tout 
ce  qui  peut  contribuer  aux  succès  d'une  guerre  à  l'issue 
de  laquelle  toutes  les  nations  doivent  prendre  le  plus 


rapport  de  leur  commerce   avec   la  France,     les   mêmes  intérêts,  il 
faat  se  rappeler^  que  le  traite  da  11  Jaillet  1670,     qui  rëglait  les 
rapports  entre  rAngleterre  et  le  Danemark,  n^ëtablîssant  que  d'nne 
manière  très-imparfaite  les  droits  du    commerce   neutre,   fut  expli- 
que par  nne  conrention  conclue  le   4    Juillet    1780,     qui   renferme 
la  nomenclature  des  marchandises  qui  doivent  être  rëputëes  de  con- 
trebande de  guerre,  et  en  excepte  expressément  le  froment,  la  fa- 
mine, le  blëd  et  les  autres   grains.  Quant   â  la  Suéde,   elle  se  trou- 
vait dans  un  cas  tout  différent.     Dans  son  traite  de  commerce  avec 
l'Angleterre,  du  2S  Oct.  1661»   Targent  et  les  munitions  de  bouche 
étaient  expressément  désignés  au  nombre  des  marchandises  de  con- 
trebande $  et  cette  disposition  fut  confirmée  par  Fart.   V*  du  traité 
de  commerce  du  16  Février    1666.      De  sorte  que  le  même  règle- 
ment qui  était  une   violation  des  traités  envers   le  Danemark,  était 
une  faveur  pour  la  Suède,  puisque    les    conventions    susmentionnées 
donnaient  â   l'Angleterre   le   droit   de    confisquer  les  grains  chargés 
sur  des  vaisseaux   suédois   et   destinés   pour   la  France,   tandis  que 
le  règlement  du    8  Juin    1793,     en   ordonnait   seulement   la  vente, 
pour  compte  de»  propriétaires.  V.  Scuoell,  hist.  de  traités,  T.  VI. 


344        X.  AFF.  DU  COMMERCE  DES  NEUTRES; 

grand  intérêt,  ne  saurait  s'écarter  en  rien  des  principes,  h 
que  les  circonstances  ont  fait  adopter  à  la  cour  de  Lon-  la 
dres  relativement  au  commerce  des  nations  neutres  avec 
la  France  pendant  la  guerre  actuelle. 

En  conséquence  elle  vient  d'ordonner  au  soossigné, 
son  conseiller  privé  'd'ambassade  et  son  envoyé  extra- 
ordinaire^ de  joij[idre  ses  représentations  à  celles  que 
M.  HaileSy  envoyé  extraordinaire  de  S.  M.  Britannique, 
a  été  chargé  de  faire  sur  cet  objet  à  son  Excellence  M. 
le  comte  de  Bernstorfl^ 

Le  soussigné,  en  se  référant  ici  en  tout  au  contenu 
de  la  note  remise  pour  cet  effet  par  le  ministre  de  S. 
M.  Britannique,  et  en  accédant  en  plein  et  sans  excep- 
tion d'aucun  point,  aux  opinions  y  énoncées  et  aux  de- 
mandes y  faites,  a  Fbonneur  de  s'acquitter  ainsi  des  or- 
dres de  sa  cour  de  la  manière  la  plus  solemnelle  ^  la 
plus  propre  à  prouver  le  concert  qui  règne  à  cet  égard, 
comme  à  tous  les  autres,  entre  S.  M.  le  roi  de  Prusse 
et  S.  M.  le  roi  de  la  Grand-Bretagne. 

Si  les  considérations  sur  lesquelles  portent  les  de- 
mandes du  mînîstcre  britannique,  motivées  par  les  cir- 
constances et  par  la  nature   de  la  présente  guerre,  ne 
peuvent  que  mériter  par  leur  solidité  l'attention  de  S. 
M.  Danoise  et  de  son  ministère,  et  si  la  manière  de  les 
exposer  et  de  régler  les  mesures    en  conséquence  à  ne 
porter  aucun  préjudice  réel  aux  intérêts   des   sujets  de 
S.  M.  Danoise,  prouvent  le  prix    que    met  la    cour  de 
Londres  au  maintien  des   liaisons   et    des  rapports  d'a- 
mitié   et   d'intérêt    qui  ont  si   long-temps   lié  les  deux 
cours,     l'empressement    avec    lequel    S.    M.  le   roi  de 
Prusse  concourt  à  l'appui   de  ces  demandes,  ne  prouve 
pas    moins   la  confiance   qu'il  met    dans   la   sagesse  du 
gouvernement   danois    et  dans    la  justice    résultant  des 
principes   qui  font  la  base    de    la  présente    démarche, 
confiance,  qui  est  faite  pour  cimenter  la  bonne  harmo- 


£NTR£  li'AKGIi.  ET  liE  BAN.J  EN  1793.      345 

lue  et  la  parfaite   intelligence   qui  subsistent  si  Leureu- 
•ement  entre  les  deux  cours. 

Copenhague^  le  21  Juillet  1793. 

GOLTZ. 

Comme  le  gouvernement  danois  avait  le  plus 
grand  intérêt  à  ce  que  les  sujets  de  S.  M.  profitant 
de  la  guerre  presque  générale,  continuassent  à  faire 
le  commerce  si  lucratif  avec  la  France,  le  comte  de 
fiemstorff,  loin  de  reconnaître  les  principes  des  cours 
de  Londres  et  de  BerUn,  défendit  ceux  de  la  neutra- 
lité que  son  gouvernement  avait  adoptés.   H  adressa 
en  conséquence  le  28  Juillet,  une  note  au  ministre 
d'Angleterre  en  réponse  à  la  sienne  du  17  du  même 
mois,  qu'il  accompagna  d'un  mémoire  (^). 

No    IV. 

Bépome  du  comte  de  Bernstorff  à  M.  de  Hazles^  accom^ 
pagnéed'un  mémoire;  du  28  Juillet  1793. 

C'est  toujours  un  regret  très-vif  pour  S,  M.,  quand 
elle  se  voit  dans  la  nécessité  indispensable  de  combat- 
tre les  principes  des  puissances  ses  alliées  et  ses  amies, 
ou  de  se  plaindre  de  leurs   démarches.    Elle  avait  es* 


(1)  C'eat  de  cette  réponse  et  de  ce  mémoire  da  comte  de  ' 
fiemftorfiE^  écrits  avec  cette  ooble  franchise  qui  caractérise  tont  ce 
qui  est  sorti  de  la  plame  de  ce  ministre,  dont  la  droitare  et  la 
ULge  politique  lui  ont  valu  les  suffrages  de  toute  TEurope,  que  le 
maxqnis  de  Landsdown,  dans  son  discours  prononcé  le  17  Février 
1794^  an  parlement,  disait:  „The  reply  of  count  Bernatorff  to  our 
,,remonstran€e,  was  one  of  the  boldest,  wisest  and  most  honourable 
,,r€phea  y  hâve  ever  read.  It  was  a  state-paper,  that  êhould  be 
^,kept  for  the  model  ofevery  cabinet  in  Europe, 


346      X.   AFF.   BU  COMMERCE  DES  NEUTRES; 

péré  que  robseryation  la  plus  scrapulense  de  la  nea- 
tralité  la  plus  exacte,  et  son  attention  à  se  confonaer  i 
ses  traités,  la  lui  épargneraient;  mais  le  contenu  inattendu 
de  la  note  remise  par  M.  Hailes,  envoyé  extraordinaire 
de  S.  M.  Britannique,  et  appuyée  par  M.  le  comte  de 
Goltz,  envoyé  extraordinaire  de  S.  M.  le  roi  de  Parusse, 
ne  lui  permet  plus  de  garder  le  silence.  Les  argumens 
que  S.  M.  oppose  à  ceux  qui  lui  ont  été  allégués,  sont 
contenus  dans  le  mémoire  ci-joint.  Ce  n'est  pas  le  dé- 
sir de  soutem'r  une  opinion  une  fois  avancée,  qui  ren- 
gage à  persister  dans  la  sienne;  c'est  sa  conviction  h 
plus  intime  et  ses  intérêts  les  plus  majeurs,  le  désir  de 
conserver  la  paix  â  ses  sujets,  qui  en  ont  besoin,  qui  la 
déterminent. 

S.  M.  est  persuadée  qu'elle  parle  à  des  amis  et  â 
des  souverains  justes  et  équitables  :  elle  parle  ainsi  sans 
détour  et  avec  francbise.  Il  ne  s'agit  pas  d'une  discus- 
sion de  droits;  ceux  du  Danemark  ne  sont  pas  problé- 
matiques: -et  le  roi  mon  maître  en  appelle  aux  senti- 
mens  des  souverains,  ses  amis,  s'il  ne  doit  pas  lui 
paraître  pénible  d'entrer  en  négociation  sur  l'exéculion 
de  ses  traités,  clairs,  reconnus  et  avoués.  Il  se  flatte 
qu'où  n'adoptera  jamais  comme  un  principe,  ou  qu'on 
puisse  vouloir  le  faire  valoir  contre  lui,  que  la  nature 
différente  d'une  guerre  peut  altérer  la  nature  des  con- 
trats bilatéraux,  ou  que  des  concessions  réciproques 
puissent  être  regardées  comme  des  faveurs  ou  des  pri- 
vilèges, ou  que  des  puissances  quelconques  puissent 
faire  des  arrangemens  aux  dépens  d'un  tiers,  ou  que 
des  étals  en  guerre  voulussent  alléger  le  poids  qui  en 
est  inséparable,  en  rejetant  le  fardeau  sur  des  neuU'CS 
innocens.  Ces  objets  peuvent  faire  la  matière  d'une  Ss- 
cussion;  mais  S.  M.  croirait  faire  injure  aux  cours  res- 
pectables à  qui  elle  s'adresse,  si  elle  craignait  queDes 
insisteraient  après  avoir  entendu  ses  réclamations,  et 
bien  moins  encore,  qu'elles  puissent  vouloir  faire  usa{C 


ENTRE  li'ANGI,.  ET  LE  DAN.  ;   EN  1793-      347 

lue  force  prépondérante  pour  la  substituer  aux  argu- 
ent on  au  consentement  nécessaire  des  parties  inté- 
Bsées.  N'ayant  pris  aucun  concert  avec  les  autres 
dssances  neutres  comme  elle,  S.  M.  ignore  ce  qu'elles 
snsent  à  cet  égard;  mais  elle  est  persuadée  que  leur 
dnion  et  leur  résistance  seront  unanimes,  et  qu'elles 
Qtiront  également  qu'il  est  impossible  de  concilier  le 
stème  de  la  neuti*alité  avec  des  mesures  qui  l'anéan^ 
isent. 

S.  M.  ne  redoute  pas  qu'on  puisse  se  plaindre 
'die;  elle  n'a  rien  exigé  au-delà  des  traités;  elle  a  été 
dèle  &  ses  stipulations  et  à  la  neutralité;  elle  est  la 
«rde  souffrante,  mais  elle  ne  comprend  pas  comment 
i,  M.  le  roi  de  la  Grande-Bretagne  a  pu  donner  aux 
ommandans  de  ses  navires,  et  cela  sans  demander  son 
Teo,  une  instruction  additionelle  parfaitement  contraire 
Qz  instructions  pi*écédentcs  et  à  ses  traités  avec  le  Da- 
lemark.  Elle  avait  espéré  qu'elle  ne  s'étendrait  qu'à 
les  états  avec  qui  l'Angleterre  n'est  pas  liée  par  des 
ionventions  décisives;  mais  ne  pouvant  plus  admettre 
lette  explication,  elle  se  voit  obligée,  malgré  elle,  de 
protester  contre  elle,  comme  contre  une  infraction  ma- 
nfeste  des  traités  (la  loi  la  plus  sacrée  qui  existe 
sntre  les  hommes),  de  se  réserver  tous  ses  droits,  et  de 
linuander  avec  instance  à  S.  M.  Britannique  de  révo- 
{oer  cette  instruction  nouvelle,  et  de  n'en  point  don- 
ner qui  ne  soit  conforme  à  des  engagemens  évidem- 
Bent  obligatoires.  Ce  n'est  pas  que  S.  M.  soit  indiffé* 
KUe  au  plaisir  de  pouvoir  témoigner  son  amitié  au  roi 
Se  la  Grand-Bretagne ,  ainsi  qu'au  roi  de  Prusse  et  à 
hun  alliés,  en  allant  au-delà  du  devoir  rigoureux.  Elle 
bni  tout  ce  qui  lui  sera  possible  sans  compromettre  sa 
■tcotralité  et  le  bien-être  de  la  nation.  EIlc^  consent  à 
regarder  conmie  bloqués  tous  les  ports  de  la  France, 
'^•^à-vîs  ou  près  desquels  il  se  trouve  une  force  mari- 
■^  supérieure  de  l'Angleterre  ou  de  ses  Alliés.    Elle 


348      X.  AFF.  DU  COMMERCE  DES  NEUTRES  J 

ne  fera  et  ne  fayorisera  aucun  contract  avec  le  goaver- 
iiement  français  sur  des   approvisionnemens   de  sa  ma- 
rine ou  de  SCS  armées*     Elle  ne  permettra  pas  la  vente 
des  prises  faites  par  des    vaisseaux    français    dans  ses 
états,  et  elle  ne  cessera  de  réclamer  en  France  la  res- 
titution   des  effets  des  Anglais    et  de    sujets   des  alliéfl 
de  TAngleterre  confiés  à  son  pavillon,  et  de  faire  pour 
cela  les  mêmes   efforts  comme  si  c'était  propriété  da- 
noise: enfin  S.  M.  n'omettra  et  n'oubliera  rien  de  tout 
ce  qui  pourra  afTermir  ses    liens    avec    les    puissancet 
dont  elle  a  toujours  brigué  l'amitié  et  l'estime,  et  ooo»- 
tater  sa  fîdéb'té  à  des  engagemens    et    son  respect  pov 
les  bases  de  la  société  et  de  la  prospérité  univezsdle^ 
Copenhague,  le  28  Juillet  1793. 

Bebnstorff. 

« 

Voici  le  mémoire  qui  était  joint  à  cette  noté. 

MÉMOIRE. 

Le  droit  des  gens  est  inaltérable;  ses    prindpes  n0 
dépendent  pas  des  circonstances.  Un  ennemi  en  çaerre 
peut  se  venger  de  ceux  qui  les  oublient:  il  peut  exister 
alors  une  réciprocité  funeste  qui  sauve  le   droit  rigou- 
reux: mais   une  puissance  neutre   qui   est  en  paix,  nC' 
peut  pas  composer  ou    connaître  une  compensation  pa-* 
reille.     Sa  sauvegarde  est  dans   son  impaitlallté  et  dan^ 
ses  traités,  ou  ne  lui  pardonne  pas   de    renoncer  à  se^ 
droits  quand  c'est  en  faveur  d'une   des  parties  belllgé-* 
rtintcs:  elle-mÊme  repose  sur  le  droit  public  universel» 
qui  ne  connaît  pas  de  distinction;   elle  n'est  ni  juge  ï*| 
partie;   les  traités  n'accordent  aussi,  ni  des  privilèges  ï* 
des  faveurs;  toutes  les  stipulations  sont   d'un  di'oit  pa 
fait;  ce  sont  des  obligations  réciproques;  c'est  un 
tract  qui  serait  dénaturé,  si  une  des  pallies  contracta.'**' 
tes  pouvait  le  suspendre^     ou  l'expliquer   ou  le 


BNTR£  Ii'ANGI*.  ET  liE  DAN.  ;  EN   1793.       349 

\ifgc  à  son  gré  sans  Tayeu  de  Tantre;  tous  les  traités 
leviendraient  impossibles  puisqu'ils  seraient  inutiles: 
l'égalité,  la' bonne  foi^  la  sûreté  en  souffriraient  égale- 
ment, et  l'oppression  n'en  devient  que  plus  injuste  lors- 
qu'elle est  précédée  par  la  violation  d'im  engagement 
sacré  des  bénéfices  duquel  on  a  joui,  et  qu'on  a  re- 
connu et  avoué  aussi  long-temps  que  ses  intérêts  ne 
s'y  opposaient  pas* 

Le  Danemark  ne  prétend  certainement  pas  justifier 
le  gouvernement  actuel  de  la  France,  sa  nature  et  son 
origine  $  mais  il  ne  veut  pns  prononcer   à  eût  égard,  et 
la  neutralité  lui   défend  d'cxpnmcr  tous  ses  sentimens. 
Noos  ne  ferons  entendre  que  nos    regrets  et  nos  voeux 
de  voir  bientôt  la  fin  des  maux  qui  affligent  ce  pays  et 
i  cause  de  lui ,  l'Europe  .entière  ;    mais  il  ne  s'agit  pas 
dans  ce  moment  de  Taveu   de  la  forme  du   gouverne- 
ment et  de   sa   reconnaissance,    que  nous  avons   con- 
stamment refusé.     La  nation  existe    et  l'autorité  qu'elle 
reconnaît  est  celle  à  qui  on  s'*adresse  dans  les  cas  indi- 
viduels.    Les  liens    du  commerce   subsistent  aussi,  tout 
comme  ils  ont  subsisté    entre  F  Angleterre  et  la  France, 
tant  que  celle-ci  a  voulu  conserver   la  paix.     La  nation 
i^onnait  encore  ses  traites   avec   nous;    elle   s'y   con- 
fonne  du  moins  fréquemment;  elle  les  réclame,  et  nous 
les  réclamons ,   et  cela  souvent  avec  succès  non  seule- 
ment pour  nous,  mais  aussi  pour  les   effets  appartenans 
•ttt  sujets   des  puissances  en  guerre  couverts  par  notre 
Pavillon;  dans  les  cas  de  refus  ou  de  délai,  nous  avons 
^endu  souvent,    et  avec  regret,   alléguer  le  motif  des 
'tressailles  de  ce  que  les  nations   en  guerre   avec  elle 
^  Respectaient  pas  davantage  leurs  traités  avec  nous  ;  et 
^^9t  ainsi  que  le  pavillon  neutre  devient  la  victime  des 
^eurs  qui  ne  sont  pas  les  siennes.  Les  voies  de  la  jus- 
^e    sont  encore,  ouvertes  en  France;  les  consuls  et  les 
■^^dataires  des  parlicuL'ers  sont  admis;    les  appels  aux 
''^unaux  de  commerce  ne  sont  pas  refusés.     Cela  suf- 


350      X.  AFF.  DU  COMMERCE  DBS  NEUTaES; 

fit  dans  les  cas  ordinaires:  il  n'est  pas  nécessaire  d'epr 
tamer  des  négociations  nouvelles  pour  la  simple  mana- 
tention  des  traitéa.  Il  n'y  a  pas  besoin  de  négociateurs; 
les  juges  suffisent 

Ces  considérations   sont  déjà  affaiblies  par    la  re- 
marque que  nos  réclamations   sont  souvent  écoutées  en 
France,  et  que  l'impossibilité  de  les  faire  valoir  n'existe 
pas.     Il  est  vrai  que  les  municipalités  auxquelles  il  faat 
s'adresser^  ne  sont  pas   également  équitables^    que  les 
sentences   des  tribunaux   de   commerce    n*ont    pas  une 
base  uniforme;  que  la  ressource  du  recours  à  un  cen- 
tre de  l'autorité  manque,  et  que  cela  fait  éprouver  quel- 
ques fois  des  injustices  fâcheuses;  mais  elles  ne  sont  pas 
fréquentes;  personne  n'en  souffre  plus  que  les  puissan- 
ces neutres;  et  il  n'est  pas  juste   qu'elles   en  soient  en- 
core punies,  et  cela  par  les  puissances  qui   condamnent 
le    plus   ces    procédés  et  qui    les    justifieraient  en  les 
imitant. 

Une  négociation  entre  une  puissance  neutre  et  une 
des  parties  belligérantes,  pour  que  celle-ci  n'abuse  pas 
de  la  neutralité  au  préjudice  de  Tautre,  ne  peut  pas  se 
penser.     Une  puissance   neutre  remplit  tous  ses  devoirs 
en  ne  s'écartant  jamais  ni  de  l'impartialité  la  plus  stricte 
ni  du  sens  avoué  de  ses  traités.     Les   cas  où  sa  neutra- 
lité est  plus   utile   à   une   des   parties  belligérantes  qu'à 
l'autre  ne  la  touchent  et  ne  Talleignent  pas.     Cela  dé- 
pend des  situations  locales  et  des  circonstances  du  mo^ 
ment;  cela  varie;   les    pertes   et  les   avantages   se  com- 
pensent et  se  balancent  dans  la  suite   du  temps.     Tout 
ce  qui  ne  dépend  absolument  pas   des   puissances  neu- 
tres, ne  doit  aussi  pas  iiïfluer   sur  la    neutrahté:  un  in- 
térêt particulier  et  souvent  momentané   deviendrait  ail^ 
lieurs  l'interprète  et  le  juge  des  traités .  permanens.    La 
distinction  entre    de   spéculations   particulières   et  celles 
du  gouvernement  et  des  municipalités,  nous  parait  aussi 


BNTRE  li'ANGL,  ET  liE  DAN.;   EN  1793.       351 

nouvelle^  qu^elIe  nous  est  entièrement  inconnue.  Gomme 
le  cas  n'existe  pas   ici^  il  serait  inutile  de   discuter  la 
question,  si  un  contrat  entre   un   gouvernement  neutre 
et  celui  d'une  puissance  belligérante,    portant  sur  des 
proyisions  destinées  à  nourrir   des  armées  ou  des  gar- 
nisons ou  des  équipages  des  navires    de  guerre,   déro- 
geait à  un  traité  qui  ne  fait  pas  cette  exception.     Il  ne 
lagit  que   de   spéculations   absolument  particulières  du 
débit  des  productions  entièrement  innocentes ,  aussi  in- 
téressantes pour  le    vendeur    que  pour  Pacbeteur,    de 
remploi  des  vaisseaux   d'une  nation  qui  tire   sa  subsis- 
tance   principale    de  la  navigation  et  de  la  vente  des 
grains.    IL  ne  s'agit  ici  pas  des  ports  de  guerre,  mais 
de  conmiet*ce;     et    s'il  est  permis   d'ajQTamer  des  places 
bloquées,  il  n'est  peut-être  pas  également  juste  d'ajou- 
ter ce  fléau  à  tant  d'autres,    quand  il  tombe  sur  des 
innocens   et  qu'il  peut  aussi    atteindre  en  France    des 
provinces  qui  ne  méritent  cette  aggravation  de  ses  mal- 
heurs ni  de  la  part  de  l'Angleterre  ni  de  ses  alliés.    La 
détresse,  qui  est  la  suite  du  défaut  des  provisions ,  n'est 
pas  tme  circonstance   extraordinaire  attacbée  à  ce  mo-^ 
ment,  ou  occasionnée  par  les  mêmes  motifs  qui  établis- 
sent d'ailleurs  la   différence  si    souvent   citée    de    cette 
guerre  à  d'autres;  mais  la  France  est  presque  toujours 
dans  le  cas  d'en  tirer  de  l'étranger:    l'Afrique,    l'Italie, 
l'Amérique  lui  en  fournissent  plus  que  la  Baltique.  Dana 
l*aiinée  1709,   la  famine   était  bien  plus  menaçante  en 
'ï'ance;  et  cependant  l'Angleterre  ne  fit  pas   usage  du 
^Uie  argument.  Bien  au  contraire,  quand  peu  de  temps 
*P^ès  Frédéric  IV.,  roi  de  Danemark,  faisant  la  guerre 
^  «a  Suède,  qui  est  toujours  dans  le  même  cas  que  la 
***^nce,  crut  pouvoir  adopter  le  principe,   que  les  im- 
P^inations^  pourraient  être  légalement  empêchées  quand 
^-  espérait  de  réduire  ses  ennemis  par  ce  moyen,    en 
*Pj)liquaflt  à    un  pays   entier  la  thèse    reçue  pour  les 
P^^ces  bloquées,  toutes  les  puissances  réclamèrent  con- 


352      X.  AFF.  DU  COMMERCE  DJSS  NEUTRES  ; 

tre,  et  nommément  la  Grande-Bretagne.  Elles  la  décla<- 
rërent  unanimement  pour  nouvelle  et  pour  insoutenable; 
et  le  roi,  convaincu,  s'en  désista  entièrement.  Une  guerre 
peut  certainement  différer  de  l'autre  par  ses  motifs,  par 
son  but,  par  sa  nécessité,  par  sa  justice  ou  son  injus- 
tice; cela  peut  être  de  la  plus  grande  importance  pour 
les  parties  belligérantes;  cela  peut  et  doit  influer  sur  la 
paix,  sur  ses  dédommagemens,  sur  toutes  les  considéra- 
tions accessoires;  mais  cela  ne  regarde  absolument  pas 
les  puissances  neutres.  Elles  s^intéresseront  sans  doute 
pour  celles  qui  ont  la  justice  de  leur  côté,  mais  elles 
n'ont  pas  le  droit  d'écouter  ce  sentiment;  la  neutralité 
n'existe  plus  dès  qu'elle  n'est  pas  parfaite. 

Les  Vaisseaux  portans  pavillon  anglais,  ainsi  que 
ceux  des  alliés  de  l'Angleterre,  trouvent  dans  tous  les 
ports  du  roi  toute  la  sûreté,  assistance  et  protection  pos- 
sible; mais  ils  ne  sont  plus  sur  cette  ligne  quand  ils 
ont  été  pris  par  leurs  «ennemis;  les  armateurs  français 
ne  peuvent  pas  être  considérés,  par  des  puissances  neu- 
tres, comme  des  pirates  ou  comme  des  forbans,  quand 
l'Angleterre  ne  les  regarde  et  ne  les  traite  elle-même 
pas  comme  tels;  elle  considère  donc  les  prisonniers 
comme  des  prisonniers  de  guerre;  on  les  échange;  on 
a  même  négocié  pour  cet  effet;  les  lois  de  la  guerre 
ordinaires  sont  observées  et  respectées  dans  tous  les 
détails;  et  c'est  celte  règle  seule  que  nous  avons  à  sui- 
vre. Le  pavillon  tricolore  a  été  reconnu  en  Danemark 
dans  le  même  temps,  qu'il  fut  reconnu  presque  partout. 
Tout  changement  à  cet  égard  serait  impossible  sans  nous 
attirer  la  guerre  et  sans  la  mériter.  L'admission  des  ar- 
mateurs et  des  prises  en  Norwège  est  la  suite  de  cette 
neutralité,  qui  ne  connaît  pas  de  distinction;  elle  a  eu 
lieu  de  tout  temps,  dans  toutes  les  guerres  maritimes 
qui  ont  affligé  l'Europe.  Tour  à  tour  toutes  les  nations 
en  ont  profité  et  l'ont  désiré.  La  nature  du  local  s'op- 
pose à  une  défense  générale;  elle  nous  compromettrait, 


BKtKE  li'ANGIi.  ET  liE  DAN.;  EK  1793.      353 

puisqxi'il  serait  impossible  de  là  faire  observer  dans  un 
pays  éloigné,  qui  a  des  côtes  d'une  longueur  immense 
et  des  ports  et  des  rades  sans  nombre,  dans  ses  con- 
trées peu  habitées;  elle  serait  donc  illusoire  et  même 
nuisible,  puisque  les  Français,  conformément  à  leurs 
décrets,  détruiraient  alors  les  vaisseaux  qu'ils  ne  pour- 
raient plus  espérer  de  mettre  en  sûreté.  L'objet  est 
d'ailleurs  peu  considérable  et  les  moyens  d'y  remédier, 
aont  nombreux  et  peu  difficiles.  ; 

A.  P.  DE  Bernstorff. 

Le  même  jour  encore  le  comte  de  BemstprfF 
communiqua  cette  réponse,  ainsi  que  le  mémoire ,  à 
l'enToyé  de  Prusse,  et  les  accompagna  de  la  note 
suivante. 

Note  du  comte  deBemêtorffau  comte  de  GoliZy  en  lui  corn-' 
^  mnmiquant  la^répome  faite  au  ministre  d* Angleterre;  du 
28  Juillet  1793. 

M.  le  comte  de  Goltz,  envoyé  extraordinaire  de  S. 
M.  Prussienne,  ayant  joint,  en  conformité  de  ses  ordres, 
ses  représentations  à  celles  de  M.  de  Hailes,  envoyé  ex- 
traordinaire de  S.  M.  Britannique,  remises  en  date  du 
17  Juillet ,  le  soussigné  a  l'honneur  de  lui  communiquer 
la  réponse  que  le  roi  son  maître  lui  a  ordonné  de  faire 
i  celles-cî.  S.  M.,  en  expliquant  avec  toute  Pamitié 
possible,  les  démarches  des  souverains  réunis  contre  la 
France,  se  flatte  de  trouver  chez  eux  le  retour  des  mê- 
mes sentimens  pour  elle.  Sûre  d'avoir  fait  tout  ce  qui 
a  dépendu  d'elle  pour  se  prêter  à  leurs  souhaits,  elle 
espère  surtout  que  S.  M.  le  roi  de  Prusse  rendra  jus- 
tice  à  ses  sentimens  et  à  son  désir  constant  de  cultiver 

II.  23 


354      X.  AfT.  DU  COMMERCE  DES  NEUÏBES; 

et  crafibrmir  tous  les  liens  réciproques  qui  subsistent  si 
heureusement  entre  elles. 

Du   département  des  affaires  étrangères  à  Copen- 
hague, le  28  Juillet  1793. 

Bernstorpf. 

Dès  le  commencement  de  la  guerre,  Pimpéra- 
trice  de  Russie,  par  la  convention  signée  à  Londres, 
le  25  Mars  1793,  s'était  engagée  d'unir  ses  efforts 
à  ceux  de  S.  M.  Britannique,  pour  empêcher  les 
puissances  neutres  non  impliquées  dans  cette  guerre, 
de  protéger,  soit  directement  soit  indirectement,  le 
commerce  du  la  propriété  des  Français  en  mer,  ou 
dans  lè^  ports  de  la  France.  C'est  dans  cette  yne 
qu'elle  fit  sortir  de  ses  ports ,  au  mois  d'Août,  vingt- 
cinq  vaisseaux  de  guerre  pour  croiser  dans  la  Bal- 
tique et  dans  la  mer  du  Nord,  pour  empêcher  le 
commerce  des  Français ,  et  qu'elle  exhorta  le  gou- 
vernement danois  de  refuser  les  convois  de  guerre 
aux  vaisseaux  danois  destinés  pour  des  ports  de  la 
France. 

M.  de  Krudner ,  ministre  de  l'impératrice  à  la 
cour  de  Copenhague,  fut  chargé  en  conséquence  de 
remettre  la  note  suivante  au  comte  de  Bernstorff. 

N°-  VI. 

Note  du  baron  de  Krudner^  envoyé  extraordinaire  de  S. 
M,  li'mpératrice  de  toutes  les  RussieSy  adressée  au  cobU 
de  Bernstorff;  du  10  Août  1793  {'). 

Le  soussigné ,  envoyé  exlraordmaîre  et  ministre  plé- 

(1)  Il  est  à.  remarquer  que  dans    cette   note   le    ministre   de  Ca- 
therine II,  fait  hommage  au  principe   d*après  lequel   les  conroîs  g^' 


f5 


ENTRE  I-'ANGIi.  ET  liB  DAN.;  EN  1793.       355 

nipotentiaire  de  S.  M.  Tlmpératrice  de  toutes  les  Rus- 
sîes,  en  se  rapportant  aux  ouvertures  amicales  et  confi- 
dentielles qu'il  a  été  chargé  de  &ire  dans  le  commen- 
cement de  cette  année  au  ministère  de  S.  M.  Danoise, 
conjointement  avec  les  ministres  des  autres  cours  inté- 
ressées it  la  présente  guerre,  a  l'honneur  de  lui  annon- 
cer aujourd'hui,  que  conséquemment  au  concert  arrêté 
ITCC  S.  M.  Britanm*que,  S.  M.  Impériale  a  fait  sortir  de 
les  ports  une  flotte  de  vingt-cinq  vaisseaux  de  ligne  et 
de  quelques  frégates,  dont  la  destination  est  de  croiser 
dans  la  Baltique  et  la  mer  du  Nord,  à  l'effet  d'empê- 
cher et  d'intercepter  la  navigation  et  le  commerce  des 
rdelles  français,  et  de  protéger  contre  leurs  pirateries 
et  brigandages  les  côtes  de  ces  mers.  Les  instructions 
dont  le  commandant  de  cette  flotte  est  muni,  lui  pres- 
crivent de  saisir  tous  les  vaisseaux  sous  le  soidisant 
pavillon  national  français  ou  sous  tout  autre  qu'ils  ose- 
raient arborer,  ainsi  que  d'arrêter  dans  sa  route  tout 
bfttiment  neutre  fretté  et  chargé  pour  les  ports  de 
France,  PobUgeant  de  rebrousser  chemin  ou  de  gagner 
quelque  port  neutre  selon  la  convenance. 

Après  toutes  les  preuves  que  S.  M.  Impériale  a  don- 
nées de  ses  soins  généreux  et  désintéressés  pour  assurer 
les  droits  des  neutres  en  temps  de  guerre,  à  la  faveur  d'un 
code  des  lois  maritimes,  auquel  la  plupart  des  puissances 
ont  mis  le  sceau  de  leur  assentissement  par  des  traités 
solenmels,  elle  ne  peut  point  être  soupçonnée  de  vou- 
loir déroger  à  ce  système  bienfaisant  et  salutaire,  attendu 
qu'il  n'est  nullement  applicable  à  la  circonstance  présente. 
Pour  démontrer  et  constater  cette  assertion,  U  suffît  dédire, 
que  les  usurpateurs  du  gouvernement  en  France,  après 
avoir  tout  bouleversé  chez  eux,  après  avoir  trempé  leurs 
mains  parricides  dans  le  sang  de  leur  roi ,  se  sont  déclarés 

Tintiasent  contre  la  visite;  principe  snr  lequel  les  conventions  de  la 
Qeutralitë  ann^e  de  1780  ne  s'étaient  pas  jiroponcées. 

23* 


356      X.    AFF.  DU  COMMERCE  DBS  NEUTRES} 

par  un  décret  solcmnel,  les  amis  et  les  protecteurs  de 
tous  ceux  qui  oseraient  entreprendre  des  attentats  et  des 
crimes  semblables  aux  leurs  dans  les  autres  états,  et  leur 
ont  non  seulement  promis  tout  secours  et  toute  assis- 
tance, mais  ils  ont  en  effet  attaqué  à  main  armée  la 
plupart  des  puissances  qui  les  avoisincnt.  Par  là  même, 
ils  se  sont  constitués  de  la  manière  la  plus  directe  en 
étal  de  guerre  vis-à-vis  de  toutes  celles  que  l'Europe 
renferme  5  et  dès-lors  la  neutralité  n'a  pu  avoir  lieu  qne 
là,  où  la  pnidence  obligeait  de  dissimuler  le  parti  que 
Fîntérét  général  dictait.  Mais  ce  motif  n'existe  plus  de- 
puis que  les  puissances  les  plus  formidables  se  sont 
réunies  entre  elles  pour  faire  cause  commune  conlre 
l'ennemi  de  la  sûreté  et  du  bonbcur  des  nations.  S*il 
en  est  auxquelles  leur  situation  ne  permet  pas  des  ef- 
forts aussi  efficaces  et  aussi  décisifs  que  ceux  que  ces 
puissances  déploient,  il  est  juste  qu'elles  veuillent  bien 
y  concourir  par  d'autres  moyens  qui  sont  absolument 
en  leur  pouvoir,  et  nommément  par  celui  de  l'inter- 
ruption de  tout  commerce  et  de  toute  communication 
avec  les  perturbateurs  du  repos  public.  S.  M.  Impé- 
riale se  croit  d'autant  plus  permis 'de  proposer  cette 
mesure,  qu'elle  a  été  la  première  à  en  donner  l'exem- 
ple, en  l'adoptant  dans  ses  états  non-obstant  le  préju- 
dice passager  qui  en  résulte  pour  le  débouché  et  le 
débit  des  productions  de  son  empire.  Elle  a  trop  bien 
senti  les  in  convenions  auxquels  l'intérêt  générai  serait 
axposé,  si  l'on  fournissait  à  Tennemi  commun  la  facilité 
d'alimenter  et  de  prolonger  les  troubles,  au  moyen  d'un 
libre  transport  de  vivres  ou  de  munitions  navales  pour 
balancer  sur  le  sacrifice  de  quelques  profits  momentanée, 
[e  moindre  de  tous  ceux  qu'exige  une  aussi  grande  cause. 
Aussi  pleine  de  confiance  dans  la  justice  de  ses  moûfs 
ainsi  que  dans  l'amitié  de  S.  M.  Danoise,  l'impératrice 
n'hésite-t-elle  pas  de  renouveller  ses  instances  auprès 
du  roi  son  allié,  pour  l'engager  à   adhérer  à  ses  inten- 


£NTRJB  li'ANGIi.  ET  LE  DAN.J  EN  1793-       357 

tions  aussi  amicales  que  salutaires ,  en  donuant  ordre  à 
aon  amirauté  de  refuser  des  convois  de  guerre  à  tous 
les  vaisseaux  danois  destinés  pour  la  France  dans  la 
conjoncture  actuelle,  et  en  faisait  prescrire  à  tous  ceux 
qui  feront  voile  pour  d'autres  ports ,  de  subir  la  visite 
des  vaisseaux  de  guerre  de  S.  M.  rimpératrice,  néces- 
saire et  indispensable  dans  ce  moment,  avec  la  déférence 
et  les  égards  qui  se  pratiquent  entre  les  puissances 
amies^  alliées  et  voisines, 

Bépofue  du  comte  de  Bermiorff  à  la  noie  du  baron  de 

Krudner;   du  23  Août  i793{'). 

Après  avoir  rendu  compte  au  roi,  mon  maître,  de 
la  note  remise  par  M.  le  baron  de  Ki'udner  ,•  envoyé  de 
la  cour  de  Russie,  datée  du  10  Août  1793,  S.  M.  m'a 
ordonné  d'y  répondre:  qu'elle  voyait  avec  le  plus  ex- 
trême regret,  combien  les  principes  qui  y  étaient  énon- 
cés, différaient  dans  ce  moment  des  siens;  qu'elle  ne 
s^était  pas  attendue  à  des  ouveitures  qui  paraissaient 
supposer  des  doutes  qu'elle  n'avait  pas  mérités;  qu'il 
ne  pouvait  pas  être  inconnu  à  S.  M.  Impériale,  que  le 
roi  était  décidé  à  ne  pas  accorder  des  convois  aux  vais- 
seaux danois  destinés  pour  la  Frauce,  et  que  S.  M.  ne 
prétendait  pas  pouvoir  porter  dans  ce  pays  de  muni- 
tions navales;  qu'elle  ne  pénétrait  par  conséquent  pas]  le 
sens  d'une  déclaration  qui  ne  l'atteignait  pas,  ni  d'une 
démarclie  qui  appliquait  les  principes  et  les  prérogati- 
ves d'un  blocus,  à  des  positions  qui  repoussaient  toute 
idée  de  ce  genre;  que  le  commerce  des  grains,  limité 
comme  il  l'était  actuellement,  était  un  objet  presque  nul 


(1)    n  y  a  dans  cette  réponse  quelques  passages  qui  se  rapportent 
à  &eft  négociations  qui  sont  encore  couvertes  du  voile  du  mystère. 


358      X.  AFF.  DU  COMMERCE  DES  KEUTRES; 

pour  la  cause  que  S.  M.  Impériale  avait  embrassée,  mais 
qu'il  ne  Tétait  pas  pour  le  Danemark,  puisque  le  sacri- 
fice  de  ses  droits,  de  son  indépendance  et  de  ses  traités 
y  était  attaché;  que  S.  M.  ne  se  permettrait  cependant 
pas  d'entrer  dans  une  discussion  formelle  &  cet  égard, 
S.  M.  Impériale  ayant  refusé  le  seul  juge  qu^elle  pouvait 
reconnaître,  le  droit  des  gens  universel  etpcttticulier; 
que  ne  pouvant  par  conséquent  plus  ^i  appeler  i  celui- 
ci,  elle  ne  voulait  en  appeler  qu'à  l'équité  et  k  l'amitié 
de  S.  M.  Impériale,  cimentées  par  tant  d'années  et  par 
des  preuves  réciproques;  ce  qu'elle  faisait  avec  d'autant 
plus  de  confiance,  qu'elle  croyait  lui  avoir  donné  une 
preuve  bien  forte  et  décisive  de  la  sienne,  en  ne  faisant 
pas  usage  de  son  droit  incontestable,  de  réclamer,  pour 
la  liberté  de  sa  navigation,  l'appui  qui  lui  était  dà  par 
les  traités  les  plus  solemnels  et  qui  lui  avaient  été  pro- 
posés par  S.  M.  l'Impératrice  elle-même. 

Du  département  des  affaires  étrangères  à  Copen- 
hague, le  23  Août  1793. 

Berxstorff. 

Non  seulement  les  armateurs  anglais  continuè- 
rent à  exécuter  avec  riguein*  l'instruction  du  8  Juin 
1793  (*);    mais  l'amiral  Hood,  commandant  de  la 

(1)  Depuis  le  commencement  da  mois  de  Fëyrîer  jusqu'au  15  Août 

1793,  cent  quatre-vingt-neuf  bâtimens  danois^  charges  de  grains, 
de  viande,  de  poissons  etc.,  furent  conduits  en  Angleterre,  et  le 
gouvernement  britannique  fut  três-lent  dans  le  paiement  des  car- 
gaisons qu'il  s'e'tait  ainsi  appropriées.  Des  557,504  Lîv.  Steri. 
auxquelles  elles  avaient  été  estimées,  il  n'avait  paye,  en  Novembre 

1794,  que  88,407  Liv.  Sterl.  IS  ScHU.  Dans  Pintervalle,  les  tri- 
bunaux d'amirautë  anglais  établirent  une  maxime  nouvelle,  d'après 
laquelle  les  nations  neutres  n'avaient  pas  le  droit  de  porter  dans 
des  pays  étrangers  les  produits  et  marchandises  d'autres  nations» 
chaque  nation  devant  se  borner   au   commerce  de  ses  propres  pro- 


BMTaB  I/ANGL.  ET  liE  DAN.J  EN  1793.       359 

flotte  anglaise  dans  la  mer  Méditerranée,  déclara 
mêine  de  bonne  prise,  tout  bâtiment,  de  quelque  na- 
tion qu'il  fut,  destiné  pour  un  port  français,  bu  sorti 
de-là,  sans  égard  à  la  nature  de  sa  cargaison.  Le 
gouyernement  lui-même  publia,  le  6:  Novembre 
1793,  l'instruction  additionelle  suivante  (^). 

N°-  vm, 

L$»truction  addiiionelle  de  S.  M,  Britatmique  pour  leg 
commandant  de  968  vameaua;  de  guerre  etarmateun; 
du  6  Novembre  1793.    (Traduction  privée.) 

Qu'ils  aient  à  arrêter  et  à  ;  détenir  tous  les-  vaisseaux, 
chargés  de   marchandises    du  produit  de  toute  colonie 


t  .■ 


XbL 


•  I  ; 

dactîons.  l)*après  ce  principe  qui  dés  lors  forma  préjuge  (prëcë- 
dent)  dans  les  tribananx,  on  refusa  â  divers  bâtimens  neatres  le 
paiement  da  prix  de  lenr  cargaison  et  da  fret. 

(1)    Cette   instruction   additionelle    demande     une    explication. 
Les  Anglais  avaient  professe  pour  la  première  fois,  pendant  la  guerre 
de  1756,  la  maxime ,   qu'il  n'était  pas  parmi  aux  'néatrès'  de  'faire, 
en  temps  de  gaprre,  un  commerce  que  les  lois  d*fvi9.  poissanoe  belr 
ligërante   leiHr    interdisaient    en   temps   de    paix;    ce  qui  veut  dire, 
que  si  les  neutres  sont  exclus  en  temps    de    paix  dn  commerce  des 
colonies  françaises  ;     il   n'est   pas   permis   à  la    Frknoe  '  de  le  leur 
accorder  en  :temps  de  guerre,  parce   qu'une  telle:  permission  n'au- 
rait d'antre  but  que  de  soustraire  les,  productions  des 'colonies  fi^an- 
çaises  aux  armateurs  anglaise   .La   France    avait  aboli,  en  176S,  le 
monopole  de  ses  sujets  avec  ses  colonies  ;  aussi  les  Anglais  ne  prë- 
tendirent-ils  pas,  pendant  la  guerre  de  1778,  eiâ^do'^er  les  neutres 
de  prendre  part  â  ce  commerce.     Mais  ce  monopole,  avait   ëtë  ré- 
tabli après  la  paix  de  Versailles,   et   les  Anglais  se  crurent  fondes, 
en  1793,  à  regarder   comme    illicite    le   commerce   que   les  Suédois 
et  les  Danois  faisaient  avec  les  colonies  françaises,  plutôt   par   une 
tolérance  du   gouvernement  français    que   par  une   autorisation   ex- 
presse. 


360      X.  AFF.  BU  COMM£RC£  DES  N£UTB£8  y 

appart^ant  à  la  France ,  ou  portant  des  provisions  ou 
autres  munitions  pour  l'usage  d'une  de  ces  colonies  et 
qu'ils  aient  à  amener  lesdits  vaisseaux  avec  leurs  cargai- 
sons, pour  en  faire  adjudication  légale  dans  la  cour  d'à- 
nuranté. 

îPap  ordre  de  S.  M. 

.^  Henry  Dunbas. 

Cette  instruction  iîit  modifiée  plus  tard  par  une 
autre  du  8  Janvier  1794  j  qui  statua  1®,  que  les 
bâtimens  chargés  de  produits  des  Indes  occidentar 
les  fraïlç&îses  et  allant  directement  d'un  port  de 
ces  îles  à  lin  port  en  Europe,  seront  arrêtés  et 
condamnés;  2^ y  que  les  navires  chargés  de  pro- 
ductions de  ces  îles  étant  la  propriété  de  sujets 
français,  seront  confisqués;  3^ y  qu'il  en  sera  de 
même  de  tout  bâtiment  qui  essayera  d'entrer  dans 
un  port  de  ces  îles  bloqué  par  les  forces  britan- 
niques; ainsi  que  4°,  de  tout  bâtiment  chargé 
de  provisions  navales  ou  militaires  pour  ces  îles  (*}. 
Ënfiu  au  .  commencement  du  mois  de  Mars  1794) 
le  gouvernement  britannique  donna  aux  capitaines 
de  ses  vaiisseiaux  un  ordre  secret  qui  portait,  que  tout 
bâtiment  chargé  de  provisions  de  bouche  où  de 
provisions  navales,  quelle  qu'en  fût  la  destina- 
tion, serait  amené  dans  les  ports  britanniques;  et 
qui  établit  une  série  de  vingt  questions,  qui  du- 
rent être  proposées  aux  gens  de  l'équipage  de  tout 
bâtiment  de  ce  genre  qui  serait  arrêté  (•^). 

(1)  L'instraction  du  10   Août    1794,  rëvoqiie   à  la  vérîtë  an  ar- 
ticle de  celles  ci~dessus^  mais  confirme  tous  les  autres. 

(2)  Questions  vraiment  captieuses  et  inqulsltoriales^  comme  le  dit 


JSNTRE  Xi'ANGIi.  ET  JLE  DAN.J  EN  1793.      36l 

'  *  Pour  mettre  fin  aux  violences  destructives 
commises  par  le  gouvernement  anglais,  le  comte 
de  Bemstorffj  sentant  la  nécessité  de  réprimer  à 
finain  armée  les  entreprises  des  corsaires,  engagea 
son  souverain  dîe  conclure  avec  le  roi  de  Suède 
une  convention,  dont  yoici  les  articles  principaux. 

.  Par  ÏQTt.  1  —  3>  les  deux  souverains  décla- 
rent Touloir  conserver,  dans  le  courant  de  cette 
goerre,  la  neutralité  la  plus  parfaite,  et  ne  préten- 
dre à  aucun  avantage  qui  ne  soit  clairement  fondé 
dans  leurs  traités  avec  les  différentes  puissances 
en  guerre,  ou  qui,  dans  les  cas  qui  ne  sont  pas 
exprimés  dans  les  traités,  ne  soit  fondé  dans  le 
droit  des  gens  universel. 

;    Par  tort.  4y  ils  annoncent  leur  résolution,  de 


tr^btea^M,  ScroÉli.  dans  son  hist,  des  traités,  T.  YT.  chap.  XXX, 
qm'u&'jngê  (étranger  ëuât  aussi  pea  autorisé  à  faire ,  que  le  sujet 
d'une,  puissance  indëpendante  n'ëtait  oblige  d'y  répondre.  -^  Yoioi 
quelques  exemples  de  ces  enquêtes.  ,,SaTez~yous,  avez-YOUS  en- 
tendti  ^dlre,  '  OU  croyez-yous  que  des  contracts  considérables  ont  été 
étodli  par  certaines  persounes  en  Danemark,  en  Suàde,  â  Ham- 
bourg on  ailleurs,  avec  des  personnes  autorisées  par  la  France,  pour 
Ibnmir  aux  Français  des  provisions  et  des  effets  militaires  ou  nava- 
les de  toute  espèce  pendant  cette  guerre?  Par  qui)  quand  et  où.  ces 
contraets  ont-il  été  passés  >  et  A  quelles  conditions  tavez-yous,  avez- 
yput  entendu  dire,, ou  çjroyeiB-yous  qu'ils  l'aient  été?  Savez-vous, 
ayei-ypua  entendu  dircj  ou  oroyez-yous  que  la  totalité  ou  la  plus 
grande  partie  de  ces  objets  ont  été  payés,  avant  le  départ  des  na- 
viies  pur  les  agens  du  gouvernement  français?  Savez-vons,  avez- 
fouB  entendu  dire,  ou  croyez- vous  que  ces  objets  qui,  d'après  les 
papiers  du  bâtiment,  paraissent  destinés  à  tel  port  neutre,  sont 
Vraiment  destinés  aux  Français,  et  doivent  être  envoyés  directement 
Ou  indirectement  en  France,  lorsque  les  circonstances  le  permet- 
tront? etc." 


362       X,  AFF.  BU  COMMERCE  DES  NEUTRES; 

donner  à  la  norigation  innocente  de  leurs  sujets 
toute  protection  contre  ceux  qui  Tondraient  la 
troubler. 

I/art.  5  et  6  portent  à  8  vaisseaux  de  ligne 
et  un  nombre  proportionné  de  frégates  l'escadre 
que  chacun  fera  équiper;  ces  escadres  se  réum- 
ront  ou  se  sépareront,  selon  qu'on  jugera  de  l'in- 
térêt et  du  bien  commun.. 

Uart  7»  dit,  qu'on  ne  :fera  aucune  distinction 
entre  les  intérêts  des  deux  nations  et  des  deux 
pavillons,  excepté  celle  que  ées  traités  subsistans 
difiërens  arec  d'autres  nations  pourront  exiger. 
Les  yaisseaux  danois  défendront  les  vaisseaux  et 
le  pavillon  suédois,  et  vice  versa. 

Par  Fctrt.  10  >  la  Baltique  est  déclarée  mer 
fermée. 

Par  Part.  11,  LL.  MM.  s'engagent  à  com- 
muniquer en  commun  cette  convention  à  toutes 
les  puissances  en  guerre,  en  y  ajoutant  les  assu- 
rances les  plus  solemnelles  de  leur  désir  sincère 
de  conserver  avec  elles  l'amitié  et  l'harmonie  la 
plus  parfaite,  et  de  la  cimenter  plutôt  que  de  la 
blesser  par  cette  démarche  etc. 

Uart.  12  ajoute:  mais  si  le  cas  malheureux 
existait,  qu'une  puissance,  au  mépris  des  traités  et 
du  droit  des  gens  univei?Sel,  ne  voulût  plus  res- 
pecter les  bases  de  la  société  et  du  bonheur  gé- 
néral, et  molester  la  navigation  innocente  des  su- 
jets de  LL.  MM.  Danoise  et  Suédoise,  alors  cel- 
les-ci, après  avoir  épuisé  tous  les  moyens  de 
conciliAtion  possibles,    et  fait  des  représentations 


ENTRE  Ii'ANGL.  ET  IiE  BAN.;  EN  1793«'     363 

communes  les  plus  pressantes,  pour  obtenir  la  sa- 
tisfaction et  l'indemnisation  dues,  useront  de  repré- 
sailles au  plus  tard  quatre  mois  après  le  refus 
de  leurs  instances,  partout  où  cela  sera  jugé  con- 
Tenable,  la  Baltique  toujours  exceptée,  et  répon- 
dront entièrement  Tune  pour  Pautre,  et  se  sou- 
tiendront également  si  Pune .  ou  Tautre  nation  fut 
attaquée  ou  offensée  à  cause  de  la  convention  pré- 
sente. ^ 

UarU  13  borne  la  durée  de  la  convention 
à  la  présente  guerre. 

Cette  convention  conclue  a  Copenhague  le 
27  Mars  1794?  fut  signée  pour  le  Danemark,  par 
le  comte  André  Pierre  de  Bernstorff,  et  pour  la 
Suède^  par  le  baron  Ëric-Magnus  Staël  de  Hol- 
stein,  plénipotentiaire   de  S.  M.  Suédoise. 

La  réunion  des  flottes  suédoise  et  danoise  sta- 
tionnées dans  le  Sund  pendant  les  années  1794 
et  1795?  sauva  à  la  vérité  l'honneur  des  deux  na- 
tions, mais  la  convention  de  Copenhague  ne  put 
préserver  leur  commerce,  des  vexations  et  des  in- 
justices que  l'Angleterre  et  la  France  excerçaient 
à  l'envi  contre  elles. 


APPENDICE, 

CONTENANT 

N  ABRÉGÉ  HISTORIQUE  DE  QUELQUES  DIFFÉRENDS 
[JXQUELS  DES  CONTESTATIONS  SUR  DES  PRINCI- 
BS  DU  DROIT  DES  GENS  SURVENUS  ENTRE  LES 
LJISSANCES  DE  L'EUROPE,  OU  LEURS  AGENS  DIPLO- 
ATIQUES    DANS    LES     COURS    ÉTRANGÈRES,     ONT 

DONNÉ  LIEU. 


I.  Différends  sur  les  immunités,  les  franchises 
et  les  privilèges  des  agens  diplomatiques. 

n.  Insultes  faites  à  des  agens  diplomatiques  ou 
aux  personnes  de  leur  suite ,  et  satisfactions 
qui  leur  ont  été  données. 

m.  Différends  sur  le  cérémonial  diplomatique. 

IV.  Violences  exercées  contre  des  agens  diplo- 
matiques ou  de  personnes  de  leur  suite. 


I 

I. 

t 

DIFFÉRENDS  SUR  LES    IMMUNITÉS ,  LES  FRANCHISES 
ET  LES  PRIVILÈGES  DES  AGENS  DIPLOMATIQUES. 


i  survenu  en  1646 ,  entre  les  ministres  de 
.  France  et  le  comte  de  Northumberland  j  secré- 
taire d'état  d'Angleterre  y  au  sujet  de  f^irresta- 
tion  d'un  courrier  français. 

JLioRS  des  mouyemens  réyolutionnaires  en  Angle- 
terre, on  avait  arrêté  à  Rochester,  nn  courrier  f5pan- 
çais  chargé  de  lettres  pour  M.  de  Sabran,  ministre 
de  France  à  Londres ,  ainsi  que  pour  M.  de  Mon- 
treuil^  qui  s'y  trouvait  également  de  la  part  du 
roi  pour  les  affaires  des  Écossais.  Le  ministre  en 
ayant  été  instruit,  réclama  ses  lettres ,  et  demanda 
satisfaction  de  l'insulte  que  l'on  venait  de  lui  faire. 
Comme  le  courrier  avait  été  conduit  à  l'hôtel  du 
comte  de  Northumberland,  M.  de  Montreuil  s'y  ren- 
dit aussitôt,  et  ne  trouvant  point  le  comte  chez  lui, 
se  fit  conduire  dans  une  chambre  haute,  où  entre 
plusieurs  paquets,  il  trouva  sm*  la  table  celui  dans 
lequel,  d'après  la  déclaration  du  courrier ,  on  avait 


368  APPENDICE. 

mis  les  lettres  qui  lui  avaient  été  enlevées.    M.  de 
Montreuil  s'en  saisit,  et  Payant  ouvert  il  mit  les  let- 
tres dans  sa  poche,  avec  plusieurs  autres  adressées  à 
M.  de  Sabran.     Les  gens  du  comte  de  Northumber- 
land,  surpris  d'un  procédé  si  hardi,  ne  dirent  ce- 
pendant mot:  mais   le  comte  étant  rentré  bientôt 
après,  M.  de  Montreuil  lui  fît  des  reproches  san- 
glans  et  emportés,  sur  ce  que  contre  le  droit  des 
gens,  il  s'était  permis  d'arrêter  son  courrier  et  de 
lui  enlever  les  lettres  du  roi  son  maître,  deniandant 
à  la  fois  une  réparation  éclatante  d'une  pareille  in- 
sulte.    Le  comte  répondit  que  ce  n'était  pas  de  sa 
faute  :  et  que  les  lettres  avaient  été  portées  chez  loi, 
pour  les  communiquer  aux  députés  des  deux  nations, 
auxquels  il  était  obligé  d'en  répondre.     Qu'il  leur 
ferait  part  de  ses  plaintes,  mais  qu'il  ne  trouvait  pas 
moins  fort  étrange  que  dans  sa  maison,  lui,  Mon- 
treuil, se  fut  permis  de  s'emparer  et  d'ouvrir  un  pa- 
quet qui  n'était  point  adressé  à  lui.    M.  de  Montreuil 
répartit,  qu'il  trouvait  bien  plus  étrange  encore  que 
les  Anglais  osaient  retenir  un  jour  entier  les  lettres 
du  roi  de  France,  et  qu'on  ne  voulût  point   que  son 
ministre  ouvrît  un  papier  qui  les  enfermait,  pour  les 
reprendre.     Le  comte  de  Northumberland  le  pria 
de  les  lui  rendre  ;  mais  M  de  Montreuil  lui  dit  d'un 
ton  élevé,  que  l'outrage  qu'il  lui  faisait  en  ce  mo- 
ment, en  jugeant  qu'il  eût  le  coeur  assez  lâche,  pour 
trahir  les  secrets  et  les  intérêts  du  roi,  son  maître, 
était   bien  plus    offensant   que  celui  .qu'il  lui  avait 
déjà  fait  en  arrêtant  son  courrier,   et  en  intercep- 
tant ses  lettres.     Qu'il  était  si  éloigné  d'acquiescer  à 
une  pareille  demande,  qu'il  n'y  avait  point  de  dan- 


APPENDICE.  369 

ger  auquel  îl  ne  s'exposât ,  pour  empêcher  qu'on  ne 
les  lui  otât ,  ou  pour  les  prendre  de  force  d'entre  les 
mains  de  celui  qui  oserait  les  retenir.  M.  de  Sabran 
de  son  côté,  ayant  été  instruit  de  ce  qui  était  arrivé 
à  l'hôtel  du  secrétaire  d^étaty  accourut  aussitôt  et  dit 
au  comte  deNorthumberland  en  arrivant  „que  si  ses  let- 
^tres  étaient  entre  les  mains  d'un  souverain,  il  irait  les 
„lui  arracher."  Le  comte  ne  voulut  point  que  M.  de 
Montreuil  emmenât  le  courrier  avec  lui,  à  moins  que 
IML  de  Sabran  ne  s'engageât  de  le  représenter  toutes  les 
ibis  qu'il  en  serait  requis.  Mais  les  deux  ministres, 
loin  de  lui  donner  cette  promesse,  insistèrent  sur  une 
réparation  éclatante  de  l'outrage  que  l'on  avait  fait  à 
leur  caractère  public.  Encore  le  même  jour  il  envoya 
aux  députés  anglais  et  écossais  un  rapport  dans  le- 
quel il  rendit  compte  de  cette  événement.  Plu- 
sieurs d'entre  eux  prétendaient  qu'on  devait  appeler 
M.  de  Montreuil  devant  un  conseil  de  guerre,  pour 
lui  faire  son  procès  ;  d'autres,  qu'il  fallait  s'informer 
du  motif  de  son  séjour  à  Londres,  et  que  l'on  y  trou- 
verait sans  doute  de  quoi  le  rendre  coupable.  Mais 
comme  le  comte  de  Lauderdale,  qui  fut  le  seul  dé- 
puté de  la  nation  écossaise,  dit  qu'il  ne  pouvait  con- 
f eotir  que  Fon  manquât  de  respect  au  ministre  du  roi 
de  France ,  les  députés  ne  prirent  aucune  résolution 
et  renvoyèrent  l'affaire  au  parlement,  qui  fut  bien 
aise  de  ne  point  s^en  mêler. 


II.  24 


370  APPENDICE. 


ir 


Sentence  de  mort  prononcée  en  1603 ,  par  ttm- 
hassade^ir  de  France  à  Londres^  contre  w^ per- 
sonne de  sa  suite. 

En  1603  j  Henri  IV  envoya  le  marquis  de  Iti 
Rosny  (depuis  duc  de  Sully")  au  roi  Jaques^  pour  le  |i 
complimenter  sur  son  avènement  au  trône  d'An- 
gleterre. Le  jour  même  de  son  arrivée  à  Londres, 
quelques  gentilshommes  de  sa  suite  s'étant  rendoi 
dans  une  maison  de  débauche,  prirent  querelle  avec 
des  Anglais,  dont  un  fut  tué.  Le  peuple  s'attroupa 
et  ayant  menacé  de  vouloir  s^emparer  des  Français, 
ceux-ci  se  sauvèrent  dans  l'hôtel  d'Ârondel  qu'habi- 
tait l'ambassadeur. 

Le  marquis  de  Rosny,  instruit  de  révéoemeot 
qui  venait  d'arriver,  s'assura  aussitôt  de  l'anteur  dn 
meurtre ,  et  s'étant  retiré  dans  une  des  pièces  de  son 
appartement  avec  plusieurs  seigneurs  français  qui 
l'avaient  accompagné  dans  ce  voyage,  le  coupable 
fut  condamné  à  la  mort,  après  que  l'on  eut  re- 
tiré l'aveu  de  sa  bouche.  Il  était  le  fils  d'un  des 
grands -audienciers  de  chancellerie,  et  d'une  des 
meilleurs  familles  de  Paris  ce  qui  n'empêcha  point 
l'ambassadeur,  d'envoyer  dire  au  maire  de  Londres, 
qu'il  avait  fait  faire  le  procès  au  coupable;  qu'il 
avait  été  condamné  à  la  mort  ;  et  que  les  officiers  de 
justice  n'avaient  qu'à  le  venir  prendre  pour  faire 
exécuter  la  sentence. 

Le  maire  envoya  chercher  le  condamné^  et  le 
fît  emmener  pour  exécuter  la  sentence;  mais  le 
comte  de  Beaumont-Harlay,  ambassadeur  ordinaire 
de  France  à  Londres,  qui  s'était  fortement  opposé  à 


APPENDICE.  371 

la  résolution  prise  par  M.  de  Rosny  ^  alla  trouver  le 

3:01,  et  en  ayant  obtenu  le  pardon,  le  fit  mettre  en 

liberté,    Henry  IV,  qui  approuvait  toutes  les  actions 

du  marqtiis  de  Rosny,  loya  encore  celle-ci,  quoique 

contre  Pavis  du  conseil  et  de  toute  la  France,  qui 

soutenaient  qu'il  n'y  avait  que  le  prince  souverain  et 

naturel  du  criminel  qui  pût  lui  faire  grâce  5  et  que 

le  roi  d'Angleterre  qui  n*avait  point  de  jurisdiction 

•or  les  gens  de  l'ambassadeur,  pouvait  bien  tnoins 

i  encore  prononcer  sur  la  vie  ou  la  mort  d'un  d'entre 

I  eux.     Voyez,  Mémoires  de  Sully,  T.  VI.  chap.  1. 


JSMètement  d^exUés  napolitains  des  carrosses  de 
toÊnbussotdeur  de  France  à  Rome;  en  1655- 

Le  marquis  de  Fontenay-Mareuil ,  ambassadeur 
de  France  à  Rome,  donnait  retraite  aux  exilés  et 
aux  rebelles  de  Naples,  pendant  les  troubles  qui  en 
1605  eurent  lieu  dans  ce  royaume.  •    . 

Comme  toutefois  il  avait  de  la  peine  à  se  faire 
rembourser  de  la  dépense  qu'ils  y  faisaient,  il  voulut 
s'en  débarrasser  en  les  renvoyant  à  Naples,  et  se 
servit  à  cet  effet  de  quelques  vaisseaux  et  galères, 
qoi  avaient  amené  le  prince  Thomas  de  Savoie  en 
Toscane.  Les  carrosses  de  l'ambassadeur  et  du 
cardinal  Barberin,  escortés  de  quelques  domes- 
tiques de  l'amba^adeur,  sous  la  conduite  de  son 
maître-d'hôtel,  devaient  les  conduire  jusques  au  lieu 
de  leur  embarquement  Mais  en  sortant  de  la  ville 
ils  se  virent  attaqués  par  deâ  soldats  corses  de  la 

24* 


372  APPENDICE. 

garde  du  pàpc ,  qui  s'étaient  cachés  dans  des  maisons 
voisines,  et  qui  malgré  la  résistance  que  l'on  fit,  ar- 
rêtèrent un  nommé  Hippolyte  Pastena,  un  des  prin- 
cipaux rebelles  de  Naples,  et  seize  autres,  qu'ils 
conduisirent  en  prison.  L'ambassadeur  se  trouvant 
offense  de  l'insulte  que  l'on  avait  osé  faire  à  son  car- 
rosse, après  en  ayoir  délibéré  avec  les  cardinaux 
Barberiu  et  d'Ursin,  fit  courir  le  bruit,  qu'il  allait 
quitter  Rome  et  s'embarquer  sur  les  vaisseaux  du 
prince  Thomas;  ordonna  à  sa  fille  de  se  préparer  au 
voyage,  et  fit  demander  audience  au  pape  pour  Fin»- 
truire  du  sujet  de  son  mécontentement  et  de  son 
départ  Admis  à  l'audience,  il  se  plaignit  haute- 
ment contre  la  violence  qui  avait  été  faite  kses  gens 
et  à  son  carrosse,  disant  9,que  c'était  une  chose  inome 
„qu'un  pareil  procédé  qui  offensait  à  la  fois  la  di- 
„gnité  du  roi  son  maître,  et  le  droit  des  gens,  capable 
„de  faire  rompre  toutes  les  relations  entre  les  prin- 
„ces;  aussi"  ajouta-t-il  „ne  pouvait- il  se  persuader 
„qiie  ce  fut  de  l'ordre  de  sa  Sainteté  qu'on  l'eût  fait, 
,,niais  bien  à  l'instigation  de  quelques  ministres  at- 
„tachés  au  parti  espagnol/^  Il  demanda  au  pape  la 
mise  en  liberté  des  prisonniers ,  ainsi  qu'une  répa- 
ration de  l'affront.  Le  pontif  lui  répondit  „que  c  é- 
„tait  par  son  ordre  que  cette  arrestation  s'était  faite, 
„et  que  puisque  l'ambassadeur  s'était  permis  de 
„protéger*les  criminels  dans  l'état  de  l'église,  il  de- 
„vait  pour  le  moins  être  permis  à  lui ,  qui  en  était 
„le  souverain,  de  les  faire  reprendre  partout  où  ils  se 
^rencontreraient  j  le  droit  et  le  privilège  des  ambas- 
„sadeurs  ne  devant  pas  s'étendre  jusque  là^  d'autant 
„plus  qu'il  l'en  avait  fait  avertir.     L'ambassadeur 


APPENDICE.  373 

répartit,  qu'il  ne  s'en  trouvait  point  de  sujets  de 
S.  S.  auxquels  il  eût  donné  asile,  mais  seulement  à 
Quelques  Napolitains,  auxquels  il  pouvait  donner  re- 
traite contre  les  persécutions  des  Espagnols.  Après 
quelques  contestations,  le  pape  consentit  de  faire 
mettre  en  liberté  ceux  que  Pambassadexur  nomme- 
rait; mais  M.  de  Fontenay  ne  se  contenta  point  de 
ce  coHsentement  et  insista,  qu'on  punît  exemplaire- 
ment ceux  qui  avaient  fait  cet  outrage  au  roi  en 
arrêtant  le  carrosse  de  son  ambassadeur.  Le  pape 
soutînt  que  c'était  l'ambassadeur  lui-même  qui  avait 
donné  lieu  à  ce  qu'on  eût  manqué  de  respect  pour 
son  carrosse,  puisqu'il  l'avait  fait  servir  pour  sauver 
dès  prisonniers.  Après  de  grandes  contestations  et 
même  des  menaces  de  part  et  d'autre,  M.  de  Fon- 
tenay à  qui  il  importait  de  renvoyer  les  Napolitains 
et  qui  avait  pem*  qu'Innocent,  qui  était  extrêmement 
opiniâtre  et  plus  porté  pour  les  Espagnols  que  pour 
les  Français ,  ne  se  rebutât  enfin ,  consentit  à  la  fin 
qu'on  ferait  sortir  tous  les  prisonniers,  et  que  le 
nonce  du  pape  à  Paris  réglerait  avec  le  roi,  la  répara- 
tion que  l'ambassadeur  demandait.  Voyez,  Wicque- 
poRT,  Uambciss,  et  ses  fonctions,  Liv.  I.  Sect.  28. 


Affaire  du  secrétaire  de  tambasstideur  d^Espagfèe 
'  à  Parisy  à  ^occasion  de  l'arrestation  du  baron 
de  Mairargues;  en  1605- 

Sous  le  règne  de  Henri  IV,  roi  de  France,  dans 
un  temps  où  les  esprits  étaient  aigris  par  les  guerres 


374  APPENDICE. 

civiles,  Taxis,  ambassadeur  de  Philippe  Uly  et  après 
lui  Balthazar  de  Zuniga^.son  successeur^  avaient  cor- 
rompu la  fidélité  d'un  nommé  l'Hoste,  commis  atta- 
ché au  ministère  du  secrétaire  d'état,  duc  de  Villeroi, 
qui  instruisit  l'ambassadeur  d'Espagne  des  résolu- 
tions du  conseil  du  roi.  L'intelligence  ayant  été  dé- 
couverte y  on  fit  le  procès  à  l'Hoste ,  qui  eut  la  tête 
tranchée,  sans  que  le  roi  de  France  portât  plainte 
contre  les  menées  de  l'ambassadeur.  Mais  quelque 
temps  après  le  roi  fut  instruit  que  le  ministre  d'Es- 
pagne n'en  restait  pas.  la  et  qu'il  travaillait  à  porter 
ses  sujets  à  la  révolte. 

•  Un  gentilhomme  provençal  nommé  Louis  d'Ak- 
gon,  baron  de  Mairargues,  avait  peu  d'années  avant^ 
proposé  au  roi  de  France,  d'entretenir  toujours  deux 
galères  armées  pour  la  sûreté  du  port  de  Marseille, 
dont  il  reçut  le  commandement.  Par  ce  moyen  l'en- 
trée de  la  ville  lui  était  ouverte  du  côté  de  la  mer; 
pour  l'avoir  du  côté  de  la  terre  ferme,  il  avait  su  se  faire 
nommer  f^iguier  par  les  habitans  de  la  ville,  pour 
l'année  suivante.  Son  dessein  était  de  livrer  Mar- 
seille aux  Espagnols  ;  mais  ayant  eu  l'imprudence  de 
s'en  ouvrir  à  un  forçat  de  ses  galères  qu'il  avait  re- 
connu homme  d'esprit  et  entreprenant,  celui-ci  en 
fit  instruire  le  duc  de  Guise  qui  en  donna  avis  au  roi. 

Mairargues  fut  arrêté  avec  un  nommé  Bruneau^ 
secrétaire  de  l'ambassadeur  d'Espagne,  qui  se  trou- 
vait aîirec  lui  et  sous  les  jarretières  duquel  on  trouva 
tout  le  plan  de  la  conspiration  :  se  voyant  ainsi  con- 
vaincu et  pris  en  flagrant  délit,  il  ne  fit  plus  de  dif- 
ficulté de  tout  confesser  ;  Mairargues  fut  condamné 
par  arrêt  du  parlement  de  Paris  à  avoir  la  t^te  tran- 


APPENDICE.  375 

chéé  et  à  être  écartelé  après  sa  mort,  comme  traître 
et  criminel  de  lèse-majesté.  Ë&  cette  occasion  le  roi 
offirit  au  duc  de  Montpensier  et  au  cardinal  de 
Joyeuse,  de  commuer  cette  peine  prononcée  contre 
leur  parent,  en  une  prison  perpétuelle;  mais  tous 
deux  répondirent,  qiie  s'il  n'y  avait  point  de  bour- 
reau pour  punir  une  pareille  trahison ,  ils  en  servi  - 
raient  eux-mêmes.  L'ambassadeur  d'Espagne  gui 
craignait  qu'oti  ne  voulût  également  user  de  violence 
contre  son  secrétaire ,  se  rendit  au  Louvre  pour  se 
plaindre  de  ce  qu'on  avait  violé  le  droit  des  gens,  en 
ayant  arrêté  et  fait  subir  un  interrogatoire  à  son  se- 
crétaire. Il  ajouta  que  le  roi  de  France  faisait  bien 
d'autres  pratiques  dans  les  cours  étrangères  au  pré- 
judice de  la  maison  d'Autriche^  qui  ne  songeait  qu'à 
les' parer,  sans  insulter  les  ministres;  et  cita  pour 
exemple,  de  ce  que  M.  la  Boderie,  étant  4  la  cour 
des  archiducs,  avait  tâché  de  corrompi-e  la  fidélité 
de  leur  secrétaire  et  de  quelques  personnes*  de  leur 
conseil.  Mais  le  roi  lui  répondit  avec  beaucoup  de 
ierineté  „I1  y  a  bien  de  la  différence  entre  vouloir 
„pénétrer  dans  les  secrets  des  princes,  et  porter  leur 
„sujets  à  la  révolte.  L'un  est  d'un  usage  établi, 
„Pautre  doit  être  reprimé  par  toute  la  sévérité  des 
„lois.  La  coutume  qui  autorise  l'envoi  des  espions, 
,,sousle  nom  honorable  d'ambassadeurs,  chez  les 
,^ouverains  avec  qui  l'on  est  en  paix,  ne  leur  permet 
„pas  de  faire  des  hostilités  propres  à  renouveller  la 
„guerre.*'  D  finit  par  dire  à  l'ambassadeur,  qu'il 
demanderait  raison  au  roi  catholique  d'une  entre- 
prise si  criminelle,  mais  ordonna  la  mise  en  liberté 
du  secrétaire  de  l'ambassadeur ,  en  ordonnant  toute- 


376  APPENDICE, 

fois  à  ce  dernier  de  le  fiEiire  sortir  du  royaume.  Voyer 
DE  RÉAX,  Science  du  goiwernementy  T.  Y.  Sect.  IX. 
WiCQVEronTy L^ambasaàdeur  et  ses  fonctions^T.  L 
Sect.  27. 


Difficulté  qui  s'élefHê  en  1680,  pour  les  privilèges 
de  fan^assadeur  de  France,  à  Madrid. 

Les  ministres  étrangers  avaient  à  Madrid  denx 
privilèges.  Le  premier  était  d'avoir  un  arrondisse- 
ment autour  de  leur  palais,  dans  lequel  aucun  officier 
de  justice  ne  pouvait  exercer  ses  fonctions  sans  la 
permission  de  Tambassadeur ,  ni  même  passer  avec 
le  signe  de  sa  charge ,  qui  est  une  baguette  blanche. 
L'autre  privilège  était  une  exemption  des  droits 
d'entrée  pour  les  objets  de  la  consonmiation  de  l'am- 
bassadeur. 

Cette  dernière  exemption  ayant  amené  des  abus, 
fut  convertie  en  une  somme  annuelle  de  seize  mille 
francs,  donnée  à  chaque  ambassadeur  par  le  roi 
d'Espagne.  Mais  quant  à  l'exemption  de  justice  des 
ministres  étrangers,  elle  avait  été  observée  avec  tant 
de  rigueur,  que  quelques  -  uns  avaient  fait  pen- 
dre des  officiers  de  justice,  pour  avoir  violé  ce 
privilège,  et  les  plus  modérés  les  avaient  fait  mal- 
traiter. Il  arriva  que  sur  la  fin  de  Janvier  1680,  le 
corrégidor  de  Madrid,  accompagné  de  ses  algua- 
zilsj  passa  en  plein  jour  dans  le  quartier  de'  l'am- 
bassadeur de  France ,  marquis  de  Villars ,  qui  n'en 
fut  averti  qu'après  son  passage  ^  mais  il  ne  laissa  pas 


APPENDICE.  377 

Se  lui  envoyer  dire,  qu^il  devait  savoir  qu'il  avait 
violé  ses  privilèges,  et  qu'il  prît  garde  à  ne  pas  les 
enfreindre  de  nouveau.  Le  corrégidor  s'excusa  sur 
ce  qu'il  n'avait  pas  su  que  ce  fut  le  quartier  de  l'am- 
bassadeur; et  cependant  dix  jours  après,  lors- 
que l'ambassadeur  fiit  hors  de  chez  lui,  il  passa 
de  nouveau  dans  son  quartier.  L'ambassadeur 
s'en  plaignit  aux  ministres.  La  réponse  signée  d'un 
secrétaire  d'état,  fut,  que  le  roi,  en  conséquence 
d'une  déclaration  de  1671 9  ayant  résolu  de  traiter  à 
Madrid  les  ambassadeurs  de  chaque  prince,  comme 
cetix  d'Espagne  l'étaient  à  leur  cour  ;  sa  Majesté  ca- 
tholique avait  considéré  qu'en  France  l'ambassa- 
deur d'£spagne  n'avait  aucun  privilège  ni  juridic- 
ticm  hors  de  son  palais,  à  la  porte  duquel  la  justice 
passait;  et  qu'ainsi  elle  entendait  qu'à  l'avenir 
Pambassadeur  de  France  n'eût  pas  plus  de  privilège 
à  Madrid  que  celui  d'Espagne  n'en  avait  à  Paris. 

Le  marquis  de  Yillars  répondit^  f^que  son  sou- 
„Terain  entrerait^lontiers  dans  une  réciprocité  de 
„traitement  pour  les  ambassadeurs  respectifs;  mais 
„qiie  pour  prendre  des  décisions  plus  justes  à  cet 
„égard,  il  représenterait  à  sa  Majesté  catliolique  les 
faveurs  particulières  dont  jouissait  en  France  l'ani- 
„baa6adeur  d'Espagne,  lequel  entrait  chez  le  roi  et 
,,la  reine  quand  il  voulait,  sans  demander  audience, 
^accompagnait  le  roi  à  la  chasse  et  en  d'autres  ren- 
„contre6,  sans  permission;  assistait  assis  aux  fêtes  et 
„aux  cérémonies  publiques ,  et  allait  à  six  chevaux 
„dans  Paris  quand  il  voulait.^^  H  ajoutait:  „qu'il 
„ferait  part  au  roi,  son  maître,  de  la  déclaration 
«,qu'on  lui  avait  faite,  et  demandait  que  provisoire- 


378  APPENDICB. 

^inent  on  laissât  lés  choses  dans  le  même  état^  jus- 
^qu'à  ce  qu'il  pût  receyoir  les  ordres  de  sa  Majesté.^ 

Le  secrétaire  d'état  adressa  à  Tambassadenr  mie 
seconde  note ,  portant  y^que  le  roi  ayant  vu  sa  ré- 
^^ponse,  persistait  dans  sa  première  résolution,  et 
^ui  ôtait  à  l'avenir  les  immunités  et  franchises  da 
^quartier. 

La  cour  de  France  en  iîit  fort  blessée,  et  chargea 
son  ambassadeur  de  demander  à  celle  d'E^agne 
une  satisfaction  publique ,  comme  d'une  injure  pei^ 
sonnelle  qui  lui  était  faite. 

Leduc  de  Médina- Céli,  premier  ministre^  ré- 
pondit au  marquis  de  Villars,  qu'en  1671 9  le  roi 
d'EIspagne  avait  déclaré,  que  les  ambassadeurs  et  mi- 
nistres des  princes  étrangers  qui  étaient  à  Madrid 
n- avaient  point  de  quartier  privilégié;  que  s'ils  en 
avaient  joui  depuis,  ce  n'avait  été  que  par  tolérance, 
mais  qu'afin  que  celui  de  France  n'eût  pas  sujet  de 
se  plaindre,  on  ferait  à  tous  les  autres  ambassadeurs 
la  même  déclaration  qu'on  lui  avai^  faite. 

L'ambassadeur  répondit,  „qu'une  pareille  satis- 
„faction  lui  paraîassit  plutôt  une  injure;  que  Fam- 
„bassadeur  de  France,  d'après  les  liens  qui  unissaient 
„les  deux  cours,  pouvait  bien  attirer  des  grâces  aux 
,,autres  ambassadeurs,  mais  non  pas  leur  faire  per- 
„dre  les  avantages  qu'ils  avaient  déjà  ;  qu'il  ignorait 
,,la  déclaration  dé  l671;  que  depuis,  il  avait  été 
„plus  de  deux  ans  à  Madrid,  ambassadeur  avec  tous 
„ses  privilèges,  qu'on  ne  les  ôtait  présentement  qu'à 
„lui  seul,  et  qu'il  en  demandait  le  rétablissement 
„d'une  manière  qui  pût  satisfaire  le  roi  son  maître." 

Le  leudemain,  le  marquis  de  Villars  eut  au- 


APPENDICE.  379 

Eience  du  roi,   auquel   il    présenta  une  lettre  de 
Ipëance  spéciale  pour  cette  affaire,  et  lui  fit  copsidé- 
er  que  le  sang,  les  alliances  et  la  paix  nouYellement 
Cirée,  semblaient  être  un  garant  des  égards  dûs  à  sa 
i4bjesté  très-<^hrétienne ,  laquelle  espérait  recevoir 
le  lui  dans  cette  occasion ,  tout  ce  qu'elle  avait  lieu 
l'attendre  de  sa  justice  et  de  son  amitié.       > 
^.     Cette  affaire  fut  portée  au  conseil  d'état,  et  la 
Mdsfaction  exigée  par  la  cour  de  France  fut  accor- 
dée; en  sorte  que,  le  44  d'Avril ,  le  marquis  de  les 
Balbasès  vint  trouver  l'ambassadeur,  et  lui  remit  un 
écarit. signé  de  lui,  portant,  que  le  roi  d'Espagne  ayant 
Aargé  son  ambassadeur  en  France  de  la  satia&o- 
lion  et  de  la  réponse  à  la  lettre  du  roi  très-chrétien, 
lai  avait  commandé  en-même  temps  de  venir  assu- 
rer-l'ambassadeur,  qu'en  considération  des  liaisons 
dé  sftng  et  d'amitié  qui  unissaient  leurs  majestés,  et 
pour  faire  connaître  au  roi  très -chrétien,  le  désir 
qu'il  avait  de  le  satisfaire,  il  conservait  à  l'ambassa- 
deipr  de  France  l'immunité  et  le  privilège  de  son 
quartier  ;  et  qu'à  l'égard  des  franchises  des  entrées, 
oe  n'avait  point  été  son  intention  de  les  lui  ôter,  et 
qu'elles  lui  auraient  été  payées,  s'il  en  avait  iait  de-* 
mander  l'indenmité  (  ^  )• 


■1.4- 


(1)  La  rëclamation  de  l'ambassadear  de  France  ëtait  fondëe, 
]^ttêeqit'il  parait  qu'en  1671,  maigre  la  sappression  des  privilèges 
ôm  «mliassadears ,  la  plupart  d^eotre  eux  avaient  été  mainteuas 
itokê  Hmr  jouissance,  et  il  ëtait  peu  séant  d'en  commencer  â  soy 
^gard  la  suppression,  après  l'alliance  de  famille  existant  entre  les 
deox   GOOTonnes. 


380  APPENDICE. 

Différend  survenu  en  I6889  entre  la  cour  de  Borne 
et  celle  de  France  j  au  sujet  des  franchises. 

n  y  avait  à  Rome,  par  concession,  abus  ou  to- 
lérance, des  palais  et  même  des  quartiers  ass» 
étendus  exempts  de  la  juridiction  du  pape,  et  dons 
lesquels  le  fisc  et  la  justice  ne  pouvaient  remplir 
leurs  fonctions  envers  les  banqueroutiers,  les  contre- 
bandiers et  même  envers  les  Voleurs.  lies  Jiô- 
tels  de  certains  ambassadeurs,  et  notamment  celui  de 
l'ambassadeur  de  France,  jouissaient  de  ces  fran- 
chises ou  immimités,  que  plusieurs  papes  avaient 
tenté  d'abolir;  mais  ces  ambassadeurs  s'y  étaient 
toujours  refusés,  ou  avaient  éludé  les  ordonnances 
pontificales.  Innocent  XI  entreprit  sérieusement 
l'abolition  de  ces  privilèges,  comme  aussi  contrair 
res  à  la  dignité  du  souverain  local ,  qu'opposés  aux 
intérêts  du  fisce  et  aux  droits  de  la  justice.  Après 
avoir  déterminé  l'empereur,  et  les  rois  d'Espagne, 
de  Pologne  et  d'Angleterre  à  consentir  à  leur  sup- 
pression, il  proposa  à  Louis  XIV  de  concourir 
comme  ces  princes  à  la  tranquillité  et  au  bon  ordre 
de  Romej  mais  ce  monarque  répondit:  „Qu'il  ne 
„s'était  jamais  réglé  sur  l'exemple  d'autrui,  et  que 
^c'était  à  lui  a  servir  d'exemple." 

Le  pape  déclara  alors  aux. têtes  couronnées  que, 
<Jéterminé  à  tolérer  labus  à  l'égard  des  ambassadeurs 
qui  étaient  actuellement  à  Rome,  il  s'était  décidé  à 
n'en  admettre  aucun  à  l'avenir,  avant  qu'il  eut  re- 
noncé à  la  franchise  des  quartiers. 

Le  duc   d'Estrées,    ambassadeur  de   France  à 


APPENDICE.  381 

Rome,  y  étant  mort  le  30  de  Janvier  1687,  le  pape 
envoya  aussitôt  après  ses  obsèques ,  les  sbires  j  dans 
là  place  Famèse,  où  ce  ministre  logeait,  et  y  fit  exer- 
cer quelques  actes  de  juridiction ,  malgré  l'opposi- 
tion du  cardinal  d'Estrées,  qui  prétendait  pour  lui, 
comme  protecteur  des  églises  de  France,  le  même 
privilège  que  son  frère  avait  eu  comme  ambas- 
sadeur. 

Le  cardinal  sortit  de  Rome,  le  pape  fit  prier 
Louis  XIV,  de  ne  pas  lui  envoyer  de  ministre  avant 
que  la  dispute  fut  terminée j  mais  ce  prince,  sans 
égard  pour  cette  demande,  nomma  près  du  saint- 
siège,  en  qualité  de  son  ambassadeur  extraordinaire, 
Bmumanoir,  marquis  de  Lavardin,  lequel  arriva  à 
Rome  dans  un  cortège  qui  ne  différait  guère  de  ce- 
kd  d'un  général  en  chef  prenant  possession  d'une 
ville  conquise.'  Ce  seigneur  y  fit  son  entrée,  accom- 
pagné de  quatre  cents  gardes  de  la  marine,  la  plu- 
part gentilshommes,  lesquels,  avec  le  reste  de  sa 
suite,  formaient  un  corps  de  plus  de  huit  cents  hom- 
mes armés,  marchant  devant  et  après  son  carrosse. 
n  se  rendit  ainsi  au  palais  Farnèse,  autour  duquel  il 
disposa  ses  gens,  résolu  de  défendre  les  franchises. 
Le  pape,  justement  mécontent  de  ces  bravades,  re- 
fusa l'audience  que  l'ambassadeur  avait  démandée 
pour  la  forme,  défendit  à  ses  ministres  de  conférer 
ateclui,  et  l'excommunia  par  une  bulle  du  12  de 

Mai  1687. 

Lavardin  ayant  été  faire  ses  dévotions,  la  nuit  de 
Noël,  dans  l'église  de  Saint -Louis  des  Français,  le 
lendemain  on  afiScha  à  la  porte  de  cette  église  un 
placard  en  forme   de  sentence,     qui  la   déclarait 


382  APPENDICE. 

soumise  à  l'interdit,  par  le  motif  que  Lavardin ,  no-- 
toirement  exconununié,  avait  été  admis  par  le 
curé  et  les  prêtres  de  cette  église  à  y  faire  ses  ^é* 
votions. 

Lavardin  fit  publier  le  lendemain  une  protesta- 
tion dans  laquelle  il  déclarait  qu'il  ne  pouvait  croire 
qu'une  pareille  sentence  fut  émanée  du  pape:  ^t- 
,,tendu  qu'il  n'était  pas  vraisemblable  que  sa 
^Sainteté  eût  voulu  sans  forme,  ni  cause,  ni 
„motif,  et  sans  l'avoir  entendu,  interdire  l'église 
„de  Saint-Louis  et  le  qualifier  de  notoirement  ex- 
^communié,  avant  qu'il  eût  rien  fait  qui  pût  attirer 
„la  censure,  et  qu'on  eût  pu  même  savoir  les  ordres 
„dont  il  était  chargé  par  S.  M.  Tr.  Chr.  ;  que  d'ail- 
„leurs,  son  caractère  représentant  la  personne  sa- 
„crée  d'un  si  grand  monarque,  le  devait  toujours 
„mettre  à  l'abri  d'une  excommunication  ;  et  qu'ainsi 
„il  présumait  qu'il  n'y  avait  aucune  personne  de 
„bon  sens  qui  regardât  l'ambassadeur  comme  at- 
„teint  par  l'excommunication  ;  qu'il  protestait  donc 
„de  nullité  de  tout  ce  qui  pouvait  avoir  été  fait,  ou 
,,être  à  l'avenir  prononcé ,  publié  ou  afiîché  contre 
„sa  personne,  sa  famille,  ses  domestiques  ou  au- 
„tres  etc/' 

Achilles  de  Harlay,  procureur -général  du  par- 
lement de  Paris,  interjeta  appel  comme  d'abus  de  la 
bulle  d'excommunicalion,  le  26  de  Décembre  1688; 
et  le  jour  suivant,  la  grand'-chambre  et  la  Toumelle 
étant  assemblées.  Dénis  Talon,  avocat-général,  por- 
tant la  parole  dit:  „Que  sa  Sainteté,  jalouse  de  signa- 
,,ler  son  pontificat  par  quelque  nouveauté  fastueuse, 
^,avait  conçu,  contre  tout  droit,  le  dessein  de  détruire 


APPENDICE.  383 

yjta,  franchise  des  ambassadeurs  des  têtes  conron- 
^ées  ;  qu'en  supposant  la  légitimité  de  son  droite  le 
^pape  n'eût  pas  dû  le  soutenir  en  employant  les  cen-* 
yjsares  ecclésiastiques,  mais  l'établir  par  la  voie  des 
^négociations  ;  que  la  licence  qu'il  se  donnait  d'em- 
^plojer  la  puissance  des  clefs  pour  détruire,  devait 
^tré reprimée  par  l'autorité  d'un  concile;  que  c'était 
jyla  raison  qui  obligeait  les  gens  du  roi  à  y  avoir 
i^recours,  quoique  d'ailleurs  les  droits  du  monarque 
^e  pussent  jamais  être  la  matière  d'une  contro-* 
^veorse  sujette  au  tribunal  et  à  la  juridiction  ecelé- 
^^siaktique.^^ 

n  requit,  que  les  gens  du  roi  fussent  reçus  appe- 
lans  de  la  bulle  du  12  de  Mai  1687  9  et  de  l'ordon- 
nance  du  26  de  Décembre  suivant ,  et  que  le  roi  fut 
snpplié  d'employer  son  autorité  pour  conserver  les 
franchises  et  immunités  du  quartier  de  ses  ambassa- 
deurs à  Rome,  dans  toute  l'étendue  qu'elles  avaient 
eue  jusqu'à  ce  jour. 

En  conséquence  le  parlement  rendit  Un  arrêt 
conforme  à  ces  conclusions ,  lequel  fut  afHché  à  la 
porte  du  nonce  Ranucci,  à  Paris,  et  dans  toute  la 
capitale. 

Déplus,  le  roi  fit  arrêter  le  nonce,  et  l'envoya 
dans  la  maison  de  Saint- Lazare,  afin  qu'il  servît 
d'otage  pour  Lavardin,  et.  Saint-Olon  lui  fut  donné 
pour  compagnie  pendant  les  huit  mois  que  dura  sa 
détention. 

Innocent  XI  ne  fut  point  ébranlé.  H  fit  faire 
des  processions,  défendit  les  plaisirs  du  carnaval  et 
ordonna  de  mettre  ses  places  maritimes  en  état  de 
défense.     Ce  pape,  d'après  le  conseil  de  quelques 


384  APPENDICE. 

princes,  se  prêta  à  lever  Finterdît  sur  l'église  de 
Saint -Louis;  mais  il  refusa  la  médiation  de  Ja- 
ques II,  roi  d'Angleterre,  et  celle  de  la  république 
de  Venise,  disant:  „que  les  droits  de  Téglise  ne  pou- 
„vaient  être  mis  en  arbitrage ,  et  qu'il  ne  reconnaî- 
,,trait  point  Layardin  pour  ambassadeur,  jusqu'à  ce 
„qu'il  eût  reçu  la  satisfaction  due  à  sa  souveraineté 
„oflFensée." 

Dans  cet  état  de  choses  le  marquis  de  Layardin, 
rappelé  par  sa  cour,  partit  de  Rome.  En  partant 
il  fit  ôter  de  son  palais  les  armes  du  roi,  et  déclara 
publiquement  qu'il  n'avait  plus  ni  franchise,  ni  ti- 
tre royal. 

C'est  dans  ces  dispositions  opiniâtres  que  mou- 
rut, en  1689?  1®  pape  Innocent  XL  Le  roi  sentant 
la  nécessité  de  montrer  quelque  condescendance 
envers  son  successeur,  le  cardinal  Ottoboni,  qui  prit 
le  nom  d'Alexandre  VIII,  commença  par  consentir 
à  la  réduction  du  droit  d'asile  et  d'immunité  pour 
l'hôtel  de  son  ambassadeur  à  Rome  ;  et  le  3  de  Novem- 
bre 1689)  il  ordonna  la  restitution  du  comtat  Ve- 
naissin  et  d'Avignon.  Le  neauveau  pontife,  quoi- 
que plus  rapproché  de  la  France,  refusa  la  confir- 
mation aux  évêques  nommés  par  le  roi,  et  condamna 
par  une  bulle  du  4  d'Août  1690,  les  articles  décrétés 
par  le  clergé  de  France  dans  les  assemblées  de  1681 
et  de  1682. 

L'accommodement  définitif  n'eut  lieu  qu'en 
1693  j  sous  le  pape  Innocent  XII,  Pignatelli,  par 
une  cession  mutuelle  de  prétentions. 

Cette  contestation  donna  lieu  à  des  observations 
opposées.     Les  partisans  de  la  France  disaient  que 


APPENDICJ5.  385 

le  pape  avait  abusé  de  la  puissance  spirituelle^  en 
employant  Texcommunication  pour  un  fait  pure- 
ment temporel,  et  qu'il  avait  tort  de  contester  à 
l'ambassadeur  la  franchise  de  son  palais,  laquelle 
était  du  droit  des  gens. 

Les  partisans  de  Rome  reprochaient  à  la  France 
de  vouloir  étendre  la  franchise  du  palais  de  Pambas- 
«adeur  au  quartier  où  il  était  situé;  ils  disaient  que 
la  prescription  alléguée  par  elle  dans  une  matière  où 
h.  possession  n'avait  pas  toujours  été  paisible,  était 
mal  établie;  que  la  franchise,  quelle  que  fîit  son 
origine,  ne  pouvait  être  considérée  que  comme  une 
faveur,  ou  un  privilège  accordé  aux  ministres  étran- 
gers, et  révocable  dans  l'intervalle  d'une  ambassade 
à  mie  autre,  en  prévenant  d^avance  le  souverain  ;  que 
h^  cour  de  Rome  avait  prévenu  le  roi  à  la  mort  du 
duc  d'Estrées  qu'elle  abolissait  le  privilège  des  fran- 
chises ;  que  la  réponse  faite  en  cette  occasion  par  le 
roi,  qu'il  ne  s'était  jamais  réglé  sur  les  exemples 
d'autrui,  et  que  c'était  à  lui  à  en  servir,  était  aussi 
liautàine  que  déplacée  ;  et  que  la  conduite  enfin  du 
marquis  de  Lavardin,  arrivant  à  Rome  avec  une 
suite  de  huit  cents  hommes  armés,  justifiait  complè- 
tement le  pape  Innocent  XI.  —  Voyez,  Hist.  gén.  de  . 
la  diplomatie  française,  par  M.  de  FiiASSAN, 
ï.  IV.  Liv.  V.  De  réal.  Science  du  gouvernement^ 
r.  V.  Sect.  IX. 


II.  25 


386  APPENDICE. 

Différend  surrenu  en  1702,  entre  le  comte  ie 
Chamilli,  ambassadeur  de  France  ^  et  M.  de 
Sehestedy  ministre  de  cabinet  du  roi  de  Do- 
nemarh. 

Il  s'éleva  au  mois  de  Juin  i  702,  un  démêlé  très- 
vif  entr.e  le  comte  de  Chamilli,  ambassadeur  de 
France  a  Copenhague,  et  M.  deSehested^  ministre  de 
cabinet  du  roi  de  Danemark.  Ce  démêlé  protint  de 
ce  qu'un  comte  de  Schlieben,  s'étant  engagé  à  lever 
un  régiment  pour  le  service  de  Danemark,  aprèi 
avoir  touché  l'argent  pour  cette  levée,  l'avait  dissipé 
sans  faire  aucun  enrôlement,  et  la  cour  de  Dane- 
mark l'avait  fait  arrêter.  S'étant  évadé  au  momot 
de  sa  détention ,  il  fut  poursuivi  par  ses  gardes  tpsl 
le  rejoignirent  près  de  l'hôtel  du  comte  de  dumiiliL 
Les  domestiques  de  celui-ci  le  dégagèrent,  nonsau 
grande  rumeur,  des  mains  des  gardes.  Le  comte 
de  Chamilli,  s'étant  mis  à  la  fenêtre,  déclara  que 
Schlieben,  se  réfugiant  dans  son  hôtel ,  était  sous  sa 
protection,  et  les  gardes,  malgré  leurs  réclamatioiis, 
furent  obligés  de  se  retirer.  Le  comte  de  Chamilli 
fit  dresser  dans  son  hôtel  un  procès-verbal  de  ce  qui 
s'était  passé,  et  fit  interroger  et  déposer,  après  ser- 
ment, un  des  gardes  et  les  sentinelles  danoises  qui 
étaient  devant  sa  porte.  Ensuite  il  écrivit  au  secré- 
taire d'état  Sehested,  pour  demander  satisfaction 
sur  ce  que  les  gardes  de  Schlieben  avaient  violé  le 
respect  dû  â  son  hôtel.  M.  de  Sehested  lui  répon- 
dit par  la  lettre  suivante  : 


V 


APPENDICE.  387 

N«-  I. 
Lettre  de  M.  de  Sehested  au  comte  de  ChamUli. 

Monsieur,  j'ai  fait  rapport  au  roi  de  la  lettre  que 
Votre  Exellence  m'a  fait  l'honneur  de  m'écrire,  du  20 
du  courant,  et  S.  M.  trouve  que  voiis  ayez  eu  tort  d'exer- 
cer une  espèce  de  juridiction  sur  un  de  ses  gardes,  et 
mxr  les  sentinelles  qu'on  met  ordinairement  devant  votre 
porte  pour  vous  faire  honneur,  en  les  faisant  examiner 
juridiquement  et  sous  serment  dans  votre  maison,  chose 
dont  3  n'y  a  peut-être  pas  d'exemple,  et  qui  n'est  per- 
mise qu'au  souverain,  ou  à  ceux  qui  sont  autorisés  par 
loi;  ce  qui,  joint  à  la  protection  que  V.  Exe.  a  trouvé 
bon  de  donner  au  comte  de  Schlieben,  sur  lequel  le  roi 
même  avait  fait  mettre  les  mains ,  et  qui  s'est  échappé 
de. sa  détention,  ne  peut  qu'augmenter  auprès  de  S.  M. 
l'opinion  que  tant  de  disputes  passées  de  temps  en 
temps  lui  ont  fait  naître,  et  dans  laquelle  elle  se  trouve 
confirmée  par  ces  dernières  démarches,  que  V.  Exe  ne 
cherche  que  Toccasion  de  brouiller  les  deux  cours; 
trouvant  la  protection  qu'elle  donne  à  un  criminel  d'état 
également  peu  conforme  à  la  dignité  d'un  représentant 
et  aux  justes  sentimens  dont  on  l'assure  du  côté  du  roi 
Trés-Chrétien.  Pour  conclusion,  je  dois  dire  à  V.  Exe. 
que  le  roi  n'est  plus  en  humeur  de  soufirir  que  chez 
loi  on  se  mêle  d'interrompre  le  cours  de  la  jus- 
tice, et  d'exercer  des  actes  de  souveraineté,  ayant  eu 
jusqu'ici  assez  de  complaisance  pour  faire  voir  au  monde 
qtie  c'est  la  seule  considération  qu'il  a  pour  la  personne 
dç  S.  M.  Très -Chrétienne,  qui  l'a  empêché  .d?y  mettre 
ordre.  Je  suis  au  reste  avec  tout  le  respect  pos- 
sible, etc. 

• 

■  *        ■  ■ 

M.  de  Chamîllî  répondit  par  la  lettre  suivante. 


368  APPENDICE. 

N«  n. 

Réponse  du  comte  de  ChamUIi. 

J'ai  reçu,  Monsieur,  la  lettre  que  vous  ayez  pris  la 
peine  de  m'écrîre,  fin  24  du  passé,    dont  le  style  m'a 
paru  si  Tandale,    que  je  me  persuaderais   aisément  qnc 
vous  l*aVez  prise  dans  quelque  archive  du  temps  daroi 
Dan,  SI  le  peu  d'expérience  que  vous  avez  encore  dans 
votre   charge    vous   avait  permis    de  prendre   connais- 
sance de  CCS  siècles  si  recules,  dont  il  vons  plait  de  ra- 
mener la  dureté,  sous  un  prince   d'un  caractère  si  dif- 
férent, dont  rhonnéteté  et  les  manières   gracieuses  sont 
les  pi'emiers  traits   de  son  portrait.      C'est  pourquoi  je 
vous  prie.  Monsieur,  s'il  vous  arrive  d'avoir  i  m'écrire, 
que  vous   le  consultiez,  non   seulement  sur  les  choses 
que  vous  devez  me  mander,    mais   encore   sur  la  ma- 
nière de  le  faire,  dont  il  s'est    certainement  rapporté  i 
vous   dans    cette   occasion.      Mais    de  quelque   manière 
que  vous  vous  en  soyez  acquitté,  le  respect  et  l'attache- 
ment que  j'ai  pour   S.  M.,   et  rindifférence    où   je  suis 
pour  tonte  autre  approbation  que  la  sienne,  m'obligent 
à    détruire   par   cette  réponse,    les    mauvaises    impres- 
sions qu'on  travaille  depuis  si  long-temps  à  Inî  donner 
de  moi. 

Pai  deux  choses  à  dire  pour  cela;  Pnne  générale, 
qui  est,  que  depuis  que  j'ai  eu  l'honneur  d'être  auprès  de 
sa  personne,  je  n'ai  eu  que  deux  reproches  du  roi,  mon 
maître  :  l'un  d'avoir  témoigné  trop  de  partialité  poiu*  les 
intérêts  du  Danemark,  dans  le  temps  que  j'étais  chargé 
de  la  médiation  de  ses  différends  avec  d'autres  puissan- 
ces, auxquelles  le  roi,  mon  maître,  trouvait  que  je  me 
rendais  légitimement  suspect,  en  soutenant  avec  trop  de 
chaleur,  la  justice  qui  me  paraissait  se  trouver  dans  le 
parti  danois   contre    l'oppression  qu'on  lui-  voulait  faire. 

L'autre  reproche  a  raillé^  sur  ce  que  je  n'avais  pas 
quelquefois  repoussé  avec  assez  de  hauteur,  les  mauvai- 
ses chicanes  qu'on  m'a  tant  de  fois  suscitées  dans  cette 


APPENDICE.  389 

^ujvciy  et  qui  auraient  épuisé  la  patieuce  de  tout 
grince  qui  aurait  été  moins  maitrc  de  lui-même,  que- 
ue Test  le  roi  mon  mattre. 

Pour  ce  qui  regarde  le  fait  particulier  d'aujour- 
dlini,  je  ne  comprends  pas  qu'on  piusse  se  prendre  i 
moi  de  Tcxercice  du  droit  d  asile  établi  chez  tous  les 
ambassadeurs  du  monde  chrétien,  plusieurs  siècles  ayant 
que  je  fosse  au  monde,  et  qui  ne  souffre  aucnne  ex- 
tension par  l'usage  qu'en  a  fait  le  comte  de  Schlieben, 
au-delà  de  celle  qu'il  a  eue  par  la  retraite  de  cent  scé- 
lérata  ou  meurtriers  que  la  mauvaise  observation  des 
loia  attire  chez  moi  tous  les  jours,  depuis  quatre  ans; 
aana  que  personne  ait  trouvé  à  y  redire,  hors  moi  qui 
souffre  beaucoup  d'une  si  mauvaise  compagnie. 

X  l'égard  de  Tespèce  de  juridiction  que  vous  dites 
donner  atteinte  à  la  souveraineté  du  roi,  votre^ mahre, 
cet  article  renferme  une  ignorance  inexcusable  en  qui- 
conque est  en  place,  et  ne  sait  ;pas  que  les  ambassa- 
deurs ont,  non  une  espèce^  mais;  une  véritable  juridic- 
tion pour  s'informer  de  ce  qui  se  passe  dans  Tenceinte 
de  leurs  maisons ,  et  qu'ils  j  peuvent  appeler  comme 
téinoins,  tous  ceux  qui  veulent  bien  y  cômparattre;  qui 
est  tout  ce  que  j'ai  fait,  en  demandant  anï  factionnaires 
qui  avaient  été  relevées  devant  ma  porte,  de  venir  dé- 
clarer ce  qu'elles  avaient  vu.  Après  quoi,  renvoyant 
tout  le  monde,  je  me  suis  réduit  à  demander  justice 
par  la  lettre  que  je  vous  ai  écrite,  du  fait  que  j'avais 
éclairci,  et  duquel  je  la  demande  encore  aujourd'hui. 
Pour  ce  qui  regarde  l'atteinte  donnée,  dites-vous,  au 
droit  de  souveraineté  du  roi  voti'e  mattre,  il  faudrait 
que  ce  droit  s'étendtt  sur  moi  et  sur  ma  maison  ;  ce  que 
je  suis  sur  que  S.  M.  ne  prétend  pas,  puisque  jamais 
aucun  prince  n'a  pensé  d'être  le  souverain  des  ambas- 
sadeurs qui  sont  à  sa  cour,  ni  de  leur  suite.  Ainsi, 
Monsieur,  toutes  vos  chimères,  par  ces  éclaircissemens, 
feront  voir  au  roi,  votre  maître,  qu'on  cherche  à  l'en- 
gager dans  un  mauvais  parti,  auquel  son  inclination  et 
la  connaissance  naturelle  qu'il  a  de  ses  véritables  inté- 


390  APPENDICE. 

rets,  a  -bès  loag^temps  résisté  contre  les  mauvais  con*' 
seîls    dfane  cabale.     Ce   sera  donc    à  eux.    Monsieur^ 
qu'il  faudra  imputer  la  mauvaise  ,intelligence  que  vou^ 
m'accuse»   mal  à  propos  de  fomenter,    et  il  ne  faudra^ 
pour  eu  convaincre  le  roi,  nM>n  maitre,  que  lui  envoyer 
la  lettre  que  vous  m'avez  écrite,  d^près  laquelle  il  ne 
pourra  douter  de  quel  côté  sont  les  mauvais  procédés. 
Je  voudrais  qufil  me  fût  aussi  facile  de  découvrir  la  vé- 
rité  auxyeuk  du  roi  votre  maître;    il  serait  persuadé 
de  mon  re^ect  et  de  mon   attacheinent  pour  sa  per- 
sonne,  et  du  sèle  que  f  ai  toujours  eu  pour  affermir  et 
augmenter  la  bonne  intelligence  entre  le  roi  mon  mat- 
ire,   et  lui;  .  et  il   verrait  aussi  combien  ces  sentimens 
m'ont  aliéné  les  esprits  dans  sa  cour,  et  qu^il  n'a  pas 
tenu  4  moi  que  je   ne  piiisse  toujours  me  dire,  Mon- 
sieur, votre  etc. 

t  I 

Cette  lettre  peu  mesurée  ne  réussît  point,  et  le 
comte  de  ChamiUî  fut  peu  aptes  rappelé  par  sa  cour, 
qui  ne  laissa  à  Copenhague  qu'un  secrétaire  de  lé- 
gation. —  Voyez  Hist.  gén.  de  la  dipl.  française, 
T.  IV,  Liv.  VI. 


■  À 


i»  I  '      f  < 

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I  *  m 


«       •    r  :   • 


II. 


INSULTES    FAITES    A     DES     AGENS     DIPLOMATIQUES 
pu    AUX    PERSONNES    DE    LEUR    SUITE,    ET    SATIS- 
FACTION   QUI  LEUR   ONT  ÉTÉ   DONNÉES. 


Insuite  faîte  par  tambassadeur  d'Espagne  à  cehêi 
de  France j  et  satisfaction  doufiée  à  81  M.  Tr. 
Chr.  en  1661. 

i-ie  10  Octobre  166 1,  le  comte  de  Brahé^  ambas- 
sadeur de  Suède,  devait  faire  son  entrée  à  Londres. 
Il  était . d^usage  alors,  que  les  autres  ambassadeurs 
envoyassent  leurs  carrosses  au  devant  du  nouveau 
venu.  Le  comte  d'Estrades,  ambassadeur  de  France, 
ayant  appris  que  M.deVatteville,  ambassadeur  d'Es- 
pagne, avait  dessein  de  prendre  le  pas  sur  lui,  ren- 
força sa  suite  de  manière  à  ce  qu'il  espérait  pouvoir 
par  ce  moyen,  se  maintenir  dans  la  préséance 
due  à  soii  maître.  Mais  M.  de  Vatteville  avait  pris 
des  mesures  bien  plus  efficaces  encore;  non  seule- 
ment il  avait  fait  venir  des  soldats  d'Ostende  ;  avait 
gagné  par  des  largesses  une  quantité  de  gens  du  peu- 
ple, pour  le  seconder;  mais  encore  il  avait  fait  mettre 


392  APPENDICE. 

des  chaînes  à  ses  carrosses,  pour  seryir  de  traits  aux 
chevaux,  et  les  avait  fait  couvrir  de  cuir,  pour  que 
Ton  ne  s^en  appercût  point.  Dès  que  les  carrosses  de 
ces  deux  ambassadeurs  se  rencontrèrent,  les  gens  de 
M.  de  Vatteville  se  jettèrent  sur  les  chevaux  du  comte 
d'Estrades  et  en  coupèrent  les  traits,  en  tuèrent  plu- 
sieurs, et  blessèrent  même  mortellement  deux  des 
cochers  de  l'ambassadeur ,  après  quoi  le  carrosse  de 
M.  de  Vatteville  s'avança,  et  prit  de  cette  manière 
la  première  place.  Le  comte  d'Estrades  au  con- 
traire n'eut  d'autre  parti  à  prendre  que  celui  de  s'en 
retourner  à  son  hôteL 

Le  roi  de  France,  dès  qu'il  fut  informé  de  cette 
affaire,  donna  ordre  au  comte  de  Fuensaldagne,  am- 
bassadeur de  S.  M.  Cath.,  de  se  retirer-  de  sa  cour, 
et  de  défendre  l'entrée  du  royaume  au  marquis  de  la 
Fuente,  son  successeur,  qui  était  en  route  -pour  se 
rendre  en  France;  en  même-temps  il  écrivit  une  let- 
tre très-forte  au  roi  d'Espagne  pour  lui  demander 
une  satisfaction  publique  et  éclatante.  A  son  refus 
il  résolut  de  rappeler  l'évêque  d'Embrun,  son 
ambassadeur  à  Madrid,  voulant  rompre  avec  l'Es- 
pagne. Ayant  conféré  à  ce  sujet  avec  son  conseil, 
surtout  avec  le  vicomte  de  Turenne,  qui  devait 
commander  les  troupes  qu'il  voulait  mettre  en  cam- 
pagne ,  celui-ci  dit  au  roi,  après  l'avoir  remercié  de 
Phonneur  qu'il  lui  faisait  de  vouloir  le  mettre  à  la 
tête  de  ses  armées  :  „Qu'il  suffisait  à  S.  M.  d'avoir 
„témoigné  son  ressentiment ,  sans  pousser  les  cho- 
„ses  à  l'extrémité  ;  que  les  Espagnols  n'étant  pas  en 
„état  de  recommencer  la  guerre,  il  n'y  avait  guère 
„d'apparence,  que  sur  une  chose  si  injuste  ils  voulus- 


APPENDICE.  393 

^aent  s'exposer  aux  inconvéniens  d'une  rupture  :  que 
„8on  opinion  était,  qu'ils  abandonneraient  leurs  pré- 
^tèntions,  et  que  sous  peu,  S.  M.  saurait  ce  qu'elle  de- 
,,Tait  faire,  et  quelles  mesures  elle  aurait  à  prendre 
„pour  satisfaire  à  ce  qu'elle  devait  à  sa  dignité,  et  à 
„Ia  qualité  de  beau-père  d'un  roi,  qui  jusques  ici  n'a- 
„Tait  pas  eu  de  part  à  la  faute  de  son  ambassadeur/^ 
Ce  discours  arrêta  l'impétuosité  du  monarque  of- 
fensé. La  résolution  de  la  cour  de  Madrid  fiit 
effectîyement  telle  que  le  vicomte  de  Turenne  l'avait 
prévue. 

-  i:  Philippe  IV,  ayant  été  informé  par  M.  de  Vouldi 
que  le  roi  de  France  lui  envoya,  de  l'insulte  faite  par 
son  ambassadeur  à  celui  de  S.  M.  T.  C,  tint  im  con- 
seil extraordinaire^  où  il  appela  ses  principaux  mi- 
nistres,  et  leur  ayant  exposé  ce  qui  s'était  passé  à 
Londres,  et  la  prompte  satisfaction  qu'en  demandait 
le  roi  de  France  et  au  refus  de  laquelle  il  le  menaçait 
delà  guerre,  il  ajouta:,,  Que  le  roi  de  France  son  gfoi*- 
),dre,  agissait  en  prince  jeune  et  belliqueux;  mais  que 
^c'était  à  lui  d'agir  en  père,  et  d'cdler  à  pas  plus 
^leiits  et  plus  pacifiques.  Qu'il  avait  résolu  de  rap- 
„peler  Vatteville ,  -pour  s'informer  de  ce  qui  s'était 
^passé,  et  pour  le  punir  même  en  cas  qu'il  eût  tort/^ 
Sa' résolution  fat  louée  de  tout  le  conseil,  et  le  roi 
senyoya  M.  de  Vouldi  chargé  des  lettres  pour  le  roi, 
pour  lui  témoigner  le  déplaisir  qu'il  avait  de  la  con- 
duite de  Vatteville  qu'il  rappelait,  et  qu'il  pimirait. 
Mais  Louis  XIV  ne  crut  pas  que  c'en  fût  assez  pour 
réparer  l'attentat  commis  en  la  personne  de  son 
ambassadeur  :  il  prétendit  non  seulement  un  désaveu 
solemnel  de  la  cour  de  Madrid,  mais  encore  une 


394  APPENDICE. 

renonciation  expresse  de  sa  prétention  a  là  pré- 
séance, que  les  rois  de  France  avaient  toujours  eue 
sur  ceux  d'Espagne,  et  dans  laquelle  il  était  résolu 
de  se  maintenir.  H  fallut  que  Philippe  IV  en  pasr- 
sât  par  là,  et  qu'il  fît  la  déclaration  positive  et  solem- 
nelle  demandée.  Elle  eut  lien  le  24  de  Mars  1662* 
Le  marquis  de  Fuente  étant  venu  a  Paris  pour  s'ac- 
quitter d'une  commission  si  mortifiante,  revêtu  du 
caractère  d'ambassadeur  extraordinaire,  et  ayant 
demandé  audience,  le  roi  convoqua  les  ministres 
étrangers,  les  princes  du  sang  et  les  grands  du 
royaume,  dans  le  grand  cabinet  du  Louvre,  où  Pam- 
bassadeur  fut  introduit.  Là,  en  présence  de  cette 
assemblée  que  le  roi  voulut  en  avoir  pour  témoin,  et 
des  quatre  secrétaires  d'état  qui  en  prirent  acte,  il 
dit  :  „Que  le  roi  son  maître  Pavait  envoyé  pour  de*- 
„avouer  de  sa  part  l'insulte  que  le  baron  de  Vatte- 
„ville  avait  faite  au  comte  d'Estrades,  ambassadeur 
„de  S.  M.  en  Angleterre.  Que  le  roi  d'Espagne,  son 
„maître,  en  était  fâché,  et  que  pour  témoigner  le  dé- 
„plaisir  qu'il  en  avait,  il  avait  rappelé  le  baron  de 
„Vatteville  avec  ordre  de  s'en  retourner  en  Espagne. 
„Qu'il  avait  aussi  ordre  d'assurer  S.  M.  Tr.  Chr.,  que 
„le  roi  Catholique  avait  envoyé  ses  ordres  à  tous  ses 
^ambassadeurs  et  ministres,  tant  en  Angleterre  qu'en 
„toutes  les  cours  et  autres  lieux  où  ils  résident  et 
^résideront,  et  où  de  pareilles  difficultés  pourraient 
„se  présenter  pour  raison  de  la  préséance,  de  s*ab- 
5,stenir  de  s'y  trouver  j  et  de  ne  point  entrer  en  con- 
,5currence  avec  les  ambassadeurs  et  ministres  de  S. 
„M.,  dans  toutes  les  fonctions  et  cérémonies  publi- 
5,ques  oii  ils  assisteraient." 


APPENDICE.  395 

■  Alors  le  roi,  adressant  la  parole  à  tous  les  minis- 
InS' étrangers  qui  se  trouyaient  à  l'assemblée:  ^^Yous 
yfifCB  entendu,  leur  dit-il,  la  déclaration  que  Pam- 
,,ba8sadeur  d'Espagne  m'a  faite:  je  vous  prie  de 
,,Pécrire  à  yos  maîtres ,  afin  qu'ils  sachent  que  le  roi 
,^Gatholiqu6  a  donné  ordre  à  tous  ses  ambassadeurs, 
„de  céder  le  rang  aux  miens  en  toutes  occasions.^^ 

D  fut  en  même  temps  dressé  un  acte  de  la  dé- 
claration faite  par  le  marquis  de  la  Fuente  au  nom 
dâ  roi  Catholique^  qui  ftit  signé  par  les  quatre  secré- 
taires d'état,  afin  que  la  postérité  en  fat  informée, 
et  que  la  chose  ne  pût  à  l'avenir  recevoir  de  contes- 
tKtibn,  ni  être  révoquée  en  douta  Voyez,  de 
Larbet^  Hist.  de  France  sous  le  règne  de 
XIF,  T.  IL 


Inndte  et  réparation  faites  en  1679  9   ^  ^-  ^ 
Chaumgwy^  ministre  de  France  à  Genève. 

La  cour  de  France  n'avait  jusqu'en  1679)  point 
encore  de  résident  à  Genève;  elle  se  contentait  de 
choisir  parmi  les  bourgeois  de  la  ville  un  agent 
chargé  de  recevoir  les  paquets  de  la  cour  pour  la 
Suisse  et  l'Italie.  Le  particulier  qui  était  chargé  de 
cette  commission  étant  mort,  le  roi  jugea  à  propos 
d'avoir  un  résident  à  Genève,  et  nomma  à  ce  poste 
en  1679)  M-  ^®  Chauvigny.  Ce  ministre  fut  reçu 
à  Genève  avec  beaucoup  d'égards;  mais  ayant  fait 
disposer  une  chapelle  pour  ses  gens  et  les  catholi- 
ques de  la  ville ,  cette  nouveauté  excita  une  grande 


396  APPENDICE. 

rumeiir  parmi  les  habitons ,  dont  la  majorité  était 
calviniste.  Le  4  de  Décembre  le  peuple  s'étant 
attroupé  près  de  Thôtel  du  résident ,  un  par- 
ticulier tira  d'une  maison  voisine ,  un  coup  de  pis- 
tolet sur  une  galerie  où  il  se  trouvait;  et  ce  coup 
de  pistolet  fut  suivi  de  deux  coups  defiisil,  après 
que  le  résident,  qui  se  trouvait  en  ce  moment 
avec  deux  religieux  chartreux,  fiot  rentré  dans  son 
appartement 

M.  de  Chauvigny  s'étant  incontinent  transporté 
i  rhôtel  de  ville,  entra  brusquement  dans  la  cham- 
bre du  conseil,  et  demanda  trois  choses  :  1)  que  l'on 
donnât  ordre  à  l'instant,  de  fermer  les  portes  dek 
ville  ;  2)  qu'on  envoyât  sans  délai  un  corps  de  garde 
chez  lui,  pour  y  maintenir  le  respect  dû  aa  roi;  3) 
que  Ton  fît  avec  grand  soin  la  recherche  de  ^^  ce- 
lui qui  avait  tiré  le  premier  coup,  et  qui  avait 
répondu  par  des  menaces,  aux  reproches  qu'on  lui 
avait  faits.  Ces  demandes  furent  accordées,  et  le 
criminel  arrêté. 

Le  roi  écrivit  aux  magistrats  de  la  ville  de  Ge- 
nève, qu'il  voyait  avec  plaisir  qu'ils  étaient  étrangers  à 
cet  événement,  et  qu'il  agréait  qu'ils  accordassent  la 
grâce  aux  coupables.  Les  prisonniers  ayant  été 
amenés,  et  le  plus  criminel  d'entre-eux  s'étant  mis  à 
genoux,  Dupan,  premier  syndic,  lui  annonça  la 
grâce  dont  le  roi  voulait  bien  le  faire  jouir^  quoiqu'il 
fût  digne  du  dernier  supplice.  Le  résident  fut  re- 
conduit che.T  lui  aux  applaudissemens  universels^  et 
le  dénouement  de  cette  affaire  fit  beaucoup  d'honneur 
à  la  modération  du  ministère  français.  Chauvigny 
ayant  été  rappelé  en  1680,  fut  remplacé  par  Dupré. 


APPENDICE.  397 

Voyez  Hist.  générale  de  la  diplomatie  française, 
par  M.  DE  FiiAssAN,  T.  V.  Lîv.I. 


donnée  en  1682  9   à  M.  de   Venter^ 
mmbassadeur  de  Venise  à  la  cour  de  France. 

Dix  à  douze  créanciers  de  M.  de  Venier,  ambassa- 
deur de  Venise  auprès  du  roi,  et  dont  la  mission  finis- 
sait, ne  pouvant  en  être  payés,  s'adressèrent  au  lieute- 
ijant-dvil,  M.  le  Camus,  poiur  avoir  la  permission  de 
saisir  les  effets  de  l'ambassadeur.  Ce  magistrat  en- 
Toya  à  M*  de  Croissi,  ministre  des  affaires  étrangères, 
kl  requête  de  ces  créanciers.  Celui-ci  fit  inviter  l'am- 
bassadeur à  les  satisfaire  ;  ce  qu'il  promit. 

Plus  tard  un  tapissier  pré9enta  une  nouvelle  re- 
quête au  lieutenant-civil,  pour  une  somme  de  quatre 
cents  livres,  que  l'ambassadeur  lui  devait. 

Le  lieutenant  civil  mit  au  bas  de  la  requête: 
^Soit  donnée  assignation  au  sieur  Venier,  ci- devant 
^ambassadeur  à  Venise:  et  cependant  attendu  qu'il  y 
^a  im  autre  ambassadeur,  nous  avons  permis  de 
^^aire  saisir  et  arrêter  éz  mains  des  débiteurs  du 
„8Îeur  Venier,  ci -devant  ambassadeur,  les  ballots 
%,et  effets  étant  hors  de  sa  maison,  etc.^' 

Au  bas  de  la  même  requête,  un  sergent  donna 
assignation  à  Venier,  pour  comparaître  sous  trois 
jours  par-devant  le  lieutenant-civil. 

Le  tapissier,  muni  de  cette  pièce ,  fit  saisir  trois 
chevaux  conduits  par  des  gens  à  la  livrée  de  l'am- 
bassadeur.    L'affaire  fîit  portée  au  ministre  des  af- 


398  APPENDICE. 

faires  étrangères ,  qui  jugea  que  sans  attendre  aucun 
ordre,  il  fallait  rendre  les  chevaux  à  rambassadenr. 

Le  lieutenant-civil,  pour  justifier  sa  conduite, 
dit,  que  lorsque  les  ambassadeurs  avaient  eu  l'au- 
dience de  congé ,  Ton  avait  coutume  de  saisir  pour 
dettes  hors  de  leur  maison. 

L'ambassadeur  Venier,  et  son  successeur  Erino, 
demandèrent  au  roi  par  la  voie  du  Nonce  : 

i)   Que  le  lieutenant-civil  fut  suspendu  de  ses  1 
fonctions  ; 

2)  Que  l'assignation  fut  révoquée ,  et  que  le 
procureur,  l'huissier  et  le  sergent  qui  y  avaient  coo- 
péré, fussent  mis  en  prison  ; 

3)  Que  les  ambassadeurs  de  Venise  iraient  trour 
ver  le  ministre  des  affaires  étrangères,  et  lui  deman- 
der que  l'on  conservât  au  lieutenant-civil  sa  charge, 
et  que  le  procureur,  l'huissier  et  le  sergent  seraient 
mis  en  liberté  ; 

4)  Que  le  lieutenant- civil  irait  en  robe,  remer- 
cier les  ambassadeurs. 

Le  roi,  voulant  donner  pleine  satisfaction  aux 
ambassadeurs  de  Venise,  décida:  „Que  l'huissier  et 
,,le  sergent  seraient  emprisonnés  pour  s'être  com- 
,,portés  insolemment;  que  le  lieutenant-civil  serait 
„tenu  de  faire  biffer  de  dessus  ses  registres,  rordon- 
„nance  qu'il  avait  rendue,  portant  assignation  à  Pam- 
„bassadeur  à  comparaître,  et  qu'il  irait  en  personne 
„lui  faire  des  excuses.^' 

De  plus,  le  roi  ajouta  au  ministre  des  affaires 
étrangères,  qu'il  ferait  une  forte  réprimande  au  lieu- 
tenant-civil, sur  ce  qu'il  n'avait  pas  faitprévenir  l'am- 
bassadeur de  Venise  avant  de  l'assigner  à  comparaître. 


APPENDICE.  399 

;  .  Le  lieutenant-civil  se  rendit  chez  le  nouvel  am- 
bassadeur de  Venite,  Erizzo,  chez  qui  se  trouvait 
Venier,  à  qui  il  fit  des  excuses.  Celui-ci  les  reçut 
en  présence  de  tous  les  membres  des  légations  étran- 
gères qu'il  avait  convoqués  chez  lui ,  et  répéta  tout 
haut  chaque  parole  des  excuses  du  lieutenant-civil, 
quoique  cette  répétition  affectée ,  ni  l'invitation  faite 
aux  ministres  étrangers  ne  fissent  point  partie  es- 
sentielle de  la  satisfaction. 

Le  roi  décida,  touchant  le  fond  de  la  contestation^ 
et  afin  d'en  prévenir  de  pareilles,  que  le  lieutenant- 
civil  ferait  savoir  aulx  huissiers,  la  défense  qu'il  leur 
&isait  à  l'avenir,  d'assigner  les  ambassadeurs  pour 
dettes;  sa  majesté  entendant  que  les  ministres* étran- 
gers fussent  invités  poliment  à  payer  leurs  dettes, 
afin  de  concilier  le  respect  dû  au  corps  diplomatique 
avec  l'intérêt  de  ses  sujets.  Voyez,  Hist.  gén.  de  la 
diplomatie  française^  par  M.  de  FijASSAN,  T.  IV. 


Satisfaction  donnée  en  1685  9  (^u  roi  de  France 
par  la  république  de  Oènes. 

Louis  XIV  était  très-irrité  contre  la  république 
de  Gènes,  soit  à  cause  des  discours  injurieux  qui  se 
tenaient  publiquement  contre  lui  dans  Gènes;  soit 
parce  que  les  Génois  avaient  fourni  des  munitions  de 
guerre  aux  Algériens  dans  leurs  courses  sur  les 
Français  ;  mais  principalement  parce  que  la  républi- 
que, en  vertu  d'un  traité  secret  avec  l'Espagne,  fai- 
sait construire  quatre  galères  pour  le  service  de  cette 
puissance,  alors  en  guerre  avec  la  France. 


400  APPENDICE. 

Pidou  de  Saint-Olon ,  envoyé  extraordinaire  du 
roi  à  Gènes,  avait  déclaré  de  s#part^  que  si  la.  ré- 
publique faisait  mettre  ces  bâtiméns  en  mer,  la 
France  regarderait  cette  conduite  comme  tme  hosti- 
lité, et  ordonnerait  à  ses  vaisseaux  de  les  saisir  par- 
tout où  ils  se  trouveraient  Après  cette  menace  que 
les  Génois  regardèrent  comme  une  insulte  faite  à 
leur  indépendance ,  ils  né  gardèrent  plus  de  mena- 
gemens  envers  Saint-OIon.  Ses  domestiques  furent 
insultés  ;  on  chassa  de  la  ville  le  religieux ,  confes- 
seur de  sa  femme;  on  mit  à  l'amende  son  médecin,  son 
chirurgien  et  son  apothicaire,  qui  étaient  Génois,  et 
on  attenta  même  à  sa  vie.  Saint-Olon  de  son  cdté^ 
se  permit  des  vivacités  peu  dignes  de  son  rang,  et 
donna  publiquement  des  coups  de  bâton  à  des  Génois, 
quoiqu'il  existe  des  armes  plus  nobles  pour  le  mi- 
nistre d'un  grand  roi. 

Les  galères  ayant  été  achevées  et  mises  en  mer, 
Saint-Olon  prit  son  audience  de  congé,  d'après  l'or- 
dre de  sa  cour,  et  partit  de  Gènes.     Le  15  de  Mai 
1684,  la  guerre  fut  déclarée  à  la  république,  et  peu 
après  ^    une  escadre  française  aux  ordres  de  Du- 
quesne ,  parut  devant  Gènes.     Le  sénat  députa  six 
sénateurs  qui  se  rendirent  à  bord  du  vaisseau  com- 
mandant  où   se  trouvait  le  ministre  de  la  marine, 
Seignelai,  lequel  leur  déclara,  qu'il  voulait  bien  leur 
laisser  le  temps  de  recourir  à  la  clémence  du  roi,  les 
assurant    qu'ils    pouvaient  encore  compter  sur  sa 
protection  pourvu  que  le  sénat  envoyât  près  du  roi 
quatre  de  ses  principaux  membres,  pour  lui  deman- 
der sa  bienveillance  et  l'oubli  du  passé;  qu'en  outre, 
on  remettrait  à  la  France  les  quatre  galères  que  la 


APPENDICE.  401 

république  avait  fait  construire  pour  le  service  d'Es- 
pagne. Le  ministre  ajouta  aux  députés,  que  s'ils 
refusaient  ces  conditions,  il  avait  ordre  de  bombar- 
der leur  ville. 

-  Le  sénat,  indigné  de  ces  propositions,  fit  pour 
toute  réponse,  tirer  le  canon  des  forts  sur  la  flotte. 
Après  cette  démarche  des  Génois,  les  galiotes  à 
bombes  commencèrent  à  agir,  le  18  de  Mai  ±684» 
Une  grande  partie  de  la  ville  fut  détruite  par  la 
chute  de  près  de  quatorze  mille  bombes  qui  y  furent 
lancées  jusqu'au  28  du  même  mois. 

Cependant,  une  négociation  ayant  été  entamée 
à  Paris  sous  la  médiation  du  pape,  entre  le  minis- 
tre des  affaires  étrangères  et  l'envoyé  de  Gênes,  le 
marquis  Marini,  les  articles  furent  signés  entre  eux, 

le  12  de  Février  1685. 

Le  roi  (art.  I.)  imposait  au  doge  et  à  quatre  sé- 
nateurs, l'obligation  de  venir  dans  deux  mois  au  lieu 
où.  S.  M.  se  trouverait  ;  et  lorsqu'ils  seraient  admis  à 
son  audience,  revêtus  de  leurs  habits  de  cérémonie, 
le  doge  portant  la  parole ,  témoignerait  au  nom  de 
la  république  de  Gênes,  l'extrême  regret  qu'elle 
àyait  d'avoir  déplu  à  S.  M. ,  et  se  servirait  dans  son 
discours  des  expressions  les  plus  soumises,  les  plus 
respectueuses ,  et  marquant  le  mieux  le  désir  sin- 
cère qu'elle  avait  de  mériter  à  l'avenir  la  bienveil- 
lance de  S.  M.  et  de  la  conserver  soigneusement. 

Il  était  dit  (art.  II.)  que  le  doge  et  les  quatre  sé- 
nateurs rentreraient  à  leur  retour  ,^  dans  l'exercice 
de  leurs  charges  et  dignités,  sans  qu'il  fut  permis 
d'en  mettre  d'autres  à  leur  place  pendant  leur 
absence. 

II.  26 


402  APPENDICE. 

Les  Génois  (art  III.)  s'obligeaient  à  remettre  leur 
marine  sur  le  pied  où  elle  était  le  1  Janvier  1683. 

En  conséquence  de  ce  traité,  le  doge  ^Las- 
cari,  accompagné  des  quatre  sénateurs ,  Gari- 
baldi,  Durazzo,  Lomellini  et  Salvago,  et  de  huit 
autres  gentilshommes  qualifiés,  se  rendit  à  Paris.  H 
garda  plusieurs  semaines  tincognito ,  afin  de  faire 
préparer  ses  équipages,  qui  furent  d'une  grande 
magnificence.  Le  15  de  Mai  il  se  rendit  à  l'au- 
dience du  roi  :  dès  qu'il  l'eût  apperçu  il  se  découvrit, 
avança  de  quelques  pas,  et  fit  ensuite,  ainsi  que  les 
sénateurs^  deux  profondes  révérences  au  roi,  qui  se 
leva  en  ôtant  un  peu  son  chapeau.  Après  quoi  le 
monarque  leur  fit  signe  d'approcher,  comme  en  les 
appelant  de  la  main.  Le  doge  alors  monta  sur  le 
premier  degré  du  trône  :  le  roi  et  lui  se  couvrirent, 
et  le  doge  adressa  au  roi,  en  italien,  le  discours 
suivait  : 

„Sire,  ma  république  a  toujours  tenu  pour  ma- 
„xirae  fondamentale,  de  se  signaler  par  le  profond 
„respect  qu'elle  porte  à  cette  puissante  couronne  que 
„V.  M.  a  reçue  de  ses  ancêtres,  et  qu  elle  a  élevée  à 
„un  si  haut  degré  de  force  et  de  gloire,  par  des 
^actions  étonnantes,  que  la  renommée,  qui  dans  tout 
„autre  sujet  ordinairement  exagère,  ne  pourra, 
„même  en  les  diminuant,  les  rendre  croyables  à  la 
„postérité." 

„Ces  prérogatives. si  sublimes  qui  obligent  tous 
„les  états  à  les  considérer  et  k  les  admirer  avec  une 
,souraission  très -profonde,  ont  particulièrement 
„porté  ma  république  à  se  distinguer  par- dessus 
„tous  les  autres ,  en  la  témoignant  de  telle  manière 


APPENDICE.  403 

^que  tout  le  inonde  en  doive  demeurer  conyaîncuj 
,,et  l'accident  le  plus  funeste  qu'elle  ait  jamais 
^éprouyé,  est  celui  d'avoir  pu  véritablement  offenser 
„V.  M.  ;  et  quoiqu'elle  se  flatte  que  c'est  un  pur  effet 
,,de  son  malheur,  elle  voudrait  néanmoins  que  tout 
,,cequi  s'est  passé,  et  dont  V.  M.  n'a  pas  été  con- 
^tente^  fut,  à  quelque  prix  que  ce  fut,  effacé  non 
^seulement  de  sa  mémoire,  mais  encore  de  celle  de 
,,tous  les  hommes;  étant  incapable  de  se  consoler 
^dans  une  si  grande  affliction ,  jusqu'à  ce  qu'elle  se 
^voie  rétablie  dans  les  bonnes  grâces  de  S.  M.,  qu'elle 
,^'attachera  désormais ,  non  seulement  à  conserver, 
„inai8  même  à  en  mériter  l'augmentation. 

„C'est  dans  cette  vue  que,  ne  se  contentant  pas 
^ydes  termes  les  plus  respectueux,  la  république  a 
„Toulu'  se  servir  de  manières  inusitées  et  très-parti- 
„culières,  en  lui  envoyant  son  doge  avec  quatre  de 
„se8  sénateurs,  espérant  qu'après  de  teUes  demons- 
^,tratîons,  V.  M.  sera  pleinement  persuadée  de  la  très- 
jyhaute  estime  que  ma  république  fait  de  votre  royale 
^bienveillance." 

„Pour  ce  qui  est  de  moi.  Sire,  je  m'estime  très- 
^heureux  d'avoir  l'honneur  d'exposer  à  V.  M.  ces 
^^sentimens  respectueux,  et  je  tiens  à  gloire  particu- 
^^îèi^^)  de  paraître  devant  un  monarque  d'un  courage 
^^vincible,  et  révéré  par  sa  grandeur  d'ame  et  sa 
^m  agnanimité." 

^J'espère  que  V.  M.,  pour  faire  voir  de  plus  en 
^plus  à  tout  l'univers ,  l'étendue  de  sa  générosité, 
^daignera  regarder  ces  témoignages  aussi  justes  que 
j^espectueux ,  comme  provenant  de  la  sincérité  de 
^,inon  coeur,  et  de  ceux  de  messieurs  les  sénateurs. 


^r  * 


404  APPENDICE. 

,,comme  de  tous  les  citoyens  génois,,  lesquels  atten- 
^dent  ayac  impatience  les  marques  que  V.  M.  youdra 
,,bien  leur  donner  du  retour  de  sa  bienveillance." 

Le  roi  répondit:  5,Qu'il  était  content  des  sou- 
,^missions  que  lui  faisait  faire  la  république  de  Ge- 
,,nes;  que  comme  il  avait  été  fâché  d'avoir  eu  sujet 
^de  faire  éclater  son  ressentiment  contre  elle,  il  était 
„bien  aise  de  voir  les  choses  au  point  où  elles  étaient, 
,,parce  qu'il  croyait  qu'à  l'avenir,  il  y  aurait  une 
„très-,bonne  intelligence  ;  qu'il  voulait  se  la  promet- 
„tre  de  la  bonne  conduite  que  la  république  tien- 
,,drait  à  l'avenir,  et  que  l'estimant  beaucoup,  il  lui 
,,donnerait  dans  toutes  les  occasions  des  marques  de 
„sa  bienveillance." 

A  l'égard  du  doge,  S.  M.  parla  de  son  mérite 
personnel,  lui  faisant  connaître  qu'elle  lui  donnerait 
avec  plaisir  des  témoignages  de  l'estime  particulière 
qu'elle  en  faisait. 

Après  cette  réponse  du  roi,  les  quatre  sénateurs 
firent  leur  harangue  séparée,  et  S.  M.  répondit  à 
chacun  en  partîcuher(^).     Voyez,  Histoire  générale 


(1)  Le  doge  conserva  toujours,  maigre'  la  singularité  de  son 
rôle,  un  air  civil  et  spirituel.  Sa  contenance  n'avait  rien  d'em- 
barrassë,  et  il  montra  de  la  dignité  sans  morgue,  et  de  rabaisse- 
ment sans  bassesse.  Ce  fut  lorsqu'il  se  rendit  à  Versailles  poor 
visiter  ce  qui  y  était  le  plus  digne  de  curiosité',  que  quelqu'un  lai 
demandant  ce  qui  le  frappait  le  plus  en  France,  il  re'pondit  par 
ce  mot  fin:  „C'est  de  m'y  voir/*  Le  roi  lui  fit  présent  de  son 
portrait  garni  de  diamans,  et  de  plusieurs  riches  teintures.  Lfs 
sénateurs  eurent  des  présens  eemblables,  mais  de  moindre  prix. 
La  soumission  de  la  république  de  Gènes  fut  le  sujet  d'une  mé- 
daille. On  y  voit  le  roi  debout  sur  le  marche-pied  de  son  tr<5ne, 
et  devant  lui,     le   doge    avec   ses   quatre   sénateurs  en   posture   de 


APPENDICE.  405 

de  la  diplomatie  française,   par  M.  de  Flassan, 
T.IV-Uv.V. 


Satisfaction  donnée  en  1702  ^  ^  ^oi  de  Ffance^ 
par  la  république  de  Venise. 

L'ambassadeur  extraordinaire  de  la  république 
de  Venise,  Pisani,  fit  au  roi  de  France  une  satisfac- 
tion sur  l'objet  suivant.  Deux  bannis  condamnés  à 
mort  par  la  république  de  Venise,  s'étaient  mis  sous 
la  protection  du  duc  de  Mantoue,  et  avaient  pris 
parti  dans  les  troupes  de  France  en  qualité  d'ofiîciers. 
Arrivés  à  Venise  avec  des  passeports  du  duc  de  Man- 
toue et  du  comte  de  Tessé,  lieutenant- général  des 
années  du  roi  en  Italie,  ils  s'étaient  munis  encore  de 
celui  de  l'ambassadeur  du  roi  à  Venise  où  ils  demeu- 
rèrent quelques  jours;  mais  à  leur  départ  ils  furent 
arrêtés  en  mer  à  dix  milles  de  la  ville  et  conduits 
dans  les  prisons  ;  ce  qui  ne  put  se  faire  si  secrète- 
ment que  l'ambassadeur  de  France  n'en  fut  averti, 
qui  aussitôt  les  réclama.  Mais  avant  que  le  sénat  fût 
assemblé  pour  délibérer  sur  la  plainte  de  l'ambassa- 
deur, ils  furent  étranglés  dans  la  prison,  et  exposés 
de  grand  matin  au  gibet  de  la  place  de  Saint-Marc. 
Ce  procédé  irrita  le  roi.  Le  pape  intervint,  et  ob- 
tint que  sa  majesté  se  contenterait  des  excuses  que 
lui  ferait  un  ambassadeur  extraordinaire  du  sénat. 


supplions.  La  lëgenda  est:  Genua  ohsequens  (Gènes  sQumise); 
Texergue,  dux  legatus  et  deprecator ,  (le  doge  envoya  j^ont  implo- 
rer  1«  clémence  du  roi)  1685.    • 


406  APPENDICE. 

La  prière  en  fut  £dte  au  roi  dans  une  audience 
publique  qu'il  accorda  le  29  ^^  Décembre  1702>  au 
nonce   Gualtieri. 

Le  lendemain,  l'ambassadeur  extraordinaire  de 
Venise,  Pisani,  dans  une  audience  encore  plus  so- 
lennelle, présenta  au  ï-oi  une  lettre  de  la  république 
dans  laquelle  elle  lui  témoignait  le  désir  de  perpé- 
tuer J^  bonne  harmonie,  et  le  déplaisir  qu'elle  res- 
sentait  que  quelques  procédures  de  justice  eussent 
déplu  à  sa  majesté.  Le  roi  répondit  avec  autant  de 
fermeté  que  de  dignité.  Voyez  de  Flassan  ERst. 
gén.  de  la  dipl,  française,  T*  IV,  L.  VI. 


Insulte  faite  en  1708  y  à  la  gondole  du  comte 
de  Manchester  y  ambassadeur  d'Angleterre  à 
Venise. 

Le  comte  de  Manchester,  ambassadeur  de  la 
reine  Anna  auprès  de  la  république  de  Venise, 
étant  en  1708>  sur  le  point  de  partir  pour  s'en  re- 
touriier  en  Angleterre,  quelques  uns  de  ses  domes- 
tiques se  laissèrent  gagner  par  un  marchand,  à  char- 
ger dans  la  gondole  de  l'ambassadeur  plusieurs 
colli  de  draps  d'Angleterre  arrivés  par  un  vaisseau 
anglais  en  station  à  Malamoque,  pour  les  transpor- 
ter secrètement  au  magasin  du  propriétaire.  Les 
douaniers  vénitiens  en  ayant  été  avertis,  arrêtèrent 
la  gondole,  la  visitèrent,  et  l'ayant  trouvée  chargée 
de  contrebande,  l'amenèrent  et  en  firent  la  déclara- 
tien  aux  autorités.     Le  comte  de  Manchester  ayant 


APPENDICE.  407 

appris  cette  nouvelle,  tout  indigné  qu'il  lut  de  ce  que 
ses  domestiques  s'étaient  permis  une  telle  fraude,  ne 
s'en  plaignit  pas  moins  au  sénat  de  Finsulte  qui  lui 
avait  été  faite,  et  demanda  une  satisfaction  prompte 
et  éclatante* 

La  reine  d'Angleterre  approuvant  la  conduite  de 
son  ministre  fit  défendre  à  l'ambassadeur  de  la  répu- 
blique à  Londres  la  com*,  jusques  à  ce  que  l'on  eût 
donné  à  son  ambassadeur  une  satisfaction  complète. 

Le  comte  de  Manchester,  selon  les  ordres 
qu'il  avait  reçus  de  sa  cour,  fit  remettre  par  M.  Cole 
son  secrétaire,  le  12  de  Février,  au  sénat,  un  mé- 
moire, par  lequel  il  témoignait  de  nouveau  le  mécon- 
tentement de  la  reine,  sa  souveraine,  au  sujet  de 
l'insulte  faite  à  sa  gondole ,  et  l'ordre  qu'il  avait  reçu 
de  se^  retirer  après  en  avoir  fait  une  dernière  dé- 
claration. 

Le  sénat  après  avoir  délibéré  sur  le  mémoire  de 
M.  de  Manchester  lui  envoya  le  lendemain  un 
des  secrétaires  d'état  de  la  république,  avec  une 
réponvB  par  écrit,  par  laquelle  on  le  priait  de  différer 
encore  son  départ  en  l'assurant  de  lui  donner  une 
pleine  et  entière  satisfaction.  On  lui  promit  même 
que  la  gondole  avec  les  colli  de  draps  en  question, 
serait  conduite  au  même  lieu  où  elle  avait  été  prise, 
et  que  l'on  condamnerait  aux  galères  les  commis  de 
la  douane  qui  s'étaient  rendus  coupables  de  cette 
offense.  L'ambassadeur  consentit  alors  de  rester.  Il 
eut  diverses  conférences  avec  les  commissaires  nom- 
més par  la  république  pour  s'entendre  avec  lui  sur 
la  satisfaction  qu'on  pourrait  lui  donner. 

Après  bien  des  discussions,  la  république  se  vit 


408  APPENDICE. 

obligée  de  céder  aux  demandes  de  l'ambassadeur,  et 
de  condamner  les  commis  de  la  douane  qui  avaient 
arrêté  la  gondole  du  ministre,  aux  galères* 

La  république  espérait  que  l'ambassadeur  se 
contenterait  de  la  seule  condamnation;  mais  lord 
Manchester  déclara  que  cela  n'était  pas  en  son  pou- 
voir y  et  que  puisque  l'insulte  avait  été  commise  non 
en  parole,  mais  par  voie  de  fait,  il  fallait  que  la 
satis&ction  le  fut  de  même.  En  conséquence  l'exé- 
cution eut  lieu ,  et  les  onze  condamnés  furent  con- 
duits de  leur  prison  à  la  galère  appelée  la  FustOy 
où  ils  furent  enchaînés.  Le  commis  principal  avait 
deux  écritaux  attachés  sur  la  poitrine  et  sur  le  dos, 
avec  cette  inscription  ^fiondamnati  in  galera,  per 
aver  violata  la  barca  delP  ambasçiadore  deUa 
Grande-Bretagna.  ^^  Le  même  jour,  M.  Cole,  se- 
crétaire d'ambassade,  se  rendit  à  l'île  du  St.  Esprit, 
située  à  deux  milles  de  Venise ,  où  par  ordre  de  la 
république,  on  lui  rendit  les  vingt  neuf  et  demi  piè- 
ces de  drap  qui  avaient  été  enlevées  de  la  gondole. 
Sur  les  instantes  prières  des  femmes  et  des  enfans 
des  condamnés,  l'ambassadeur  d'Angleterre  se  ren- 
dit au  palais  du  doge,  et  demanda  leur  pardon;  ce 
qui  lui  fut  accordé  ;  il  fit  distribuer  après  les  pièces 
de  drap  aux  quatre  principaux  hôpitaux  de  la  ville. 
Voyez,  Lettres  historiques,  T.  33. 


APPENDICE.  409 

InsuUe  faite  en  1749^  à  l'hôtel  de  M.  de  Larre^^  mi- 
nistre d* Hollande  à  Paris,  et  satisfaction  qui 
lui  fut  donnée  (^). 

En  1749 1®  suisse  du  ministre  d'Hollande  à  Paris, 
étant  soupçonné  de  vendre  du  tabac  rkpé,  un  con- 
seiller de  l'élection  de  Paris  et  plusieurs  commis  des 
fermes-unies  se  transportèrent  à  l'hôtel  de  M.  de 
Larrey,  pour  faire  une  visite  domciliaire.  Les  faits 
qui  donnèrent  lieu  aux  plaintes  portées  par  le  minis- 
tre d'Hollande  au  ministère  de  France,  se  trouvent 
consignés  dans  le  procès  verbal  ci-après. 

N«   I. 

Prodti-verbal ^dre$$é  par  ordre  de  M.  de  Larrey,  ministre 
des  Etats- Généraux  des  Fr.  U.  des  P.  B. 

Aujourd'hui  21  Mai  1749,  à  7  heures  3  quarts  du 
matin,  le  suisse  de  l'hôtel  d'Hollande,  qu^habite  M. 
fje  Larrey,  ministre  de  LL.  HH.  PP.  les  États-Généraux 
des  Provinces-Unies  à  la  cour  de  S.  M.  T.  C,  est  des- 
cendu dans  sa  chambre ,  où  il  a  trouvé  trois  hommes, 
avec  lesquels  il  y  eu  avait  un,  vêtu  d'habit  de  commis- 
saire. Surpris  de  voir  un  commissaire  dans  l'hôtel,  le 
suisse  a  voulu  fermer  la  porte  de  la  rue,  mais  trois  au- 
tres personnes,  qui  étaient  en  faction  à  cette  poi'te,  l'en 
ont  empêché.  Elles  sont  tombées  sur  lui,  et  lui  ont 
donné  plusieurs  blessures  avec  des  couteaux  de  chasse. 
Au  bruit  qu'il  a  fait,  en  criant  au  meurtre,  plusieurs 
valets  sont  venus  à  son  secours.  Trois  de  ces  hommes, 
y  compris  le  commissaire,  ont  pris  la  fuite.  Il  en  est 
resté  un,  qui  n'a  pas  eu  le  temps  de  se  sauver,  et  qui 
a    déclaré,   que  la  personne   en  habit  de  commissaire^ 


U)  Voyez,  Mercure  hist.y  de  1749,  T.  II.  1752,  T.  I. 


410  APPENDICE. 

était  un  nommé  Jagues-Ârmand  Petit ,  se  qnalifiam  de 
conseiller  et  avocat,  et  demeurant  rue  de  Tarcade  pro- 
che Notre-Dame;  que  les  autres  étaient  trois  brigadiers 
et  trois  commis  ;  que  lui  déposant ,  s'appelait  Prévôt,  et 
demeurait  au  cimetière  de  St.  Jean;  qu'on  l'avait  appelé 
ce  matin  pour  aller  avec  les  autres  susnommés  à  l'hAtel 
d'Hollande,  où,  i  ce  qu'on  lui  avait  dit,  le  suisse  vendatt 
du  tabac  râpé.  U  a  déclaré ,  que  ht%  camarades  avaient 
blessé  le  suisse,  quoique  celui-ci,  qui  était  en  robe  de 
chambre  ne  les  eût  point  insultés,  ni  ait  pu  se  défendre,  et 
qu'au  reste  il  demandait  pardon  d'être  entré  dans  l'hô- 
tel. Sur  quoi  M.  de  Larrey  a  aussitôt  fait  relâcher  ledit 
Prévôt. 

(signé.)        J.  DE  Weller,  Secret 

M.  de  Larrey  envoya  le  même  jour  ce  procès- 
verbal  au  marquis  de  Puisieulx,  ministre^  des  affaires 
étrangères  du  roi  de  France  en  l'accompagnant  de  la 
note  suivante. 

K*>-   II. 

Lettre  de  M,  de  Larrey^  adressée  au  marquis  de  Puisieulx 
pour  accompagner  le  procès-verbal  ci^dessus. 

Monsieur,  j'ai  l'honneur  d'adresser  à  Votre  Exe.  les 
informations  que  je  viens  de  faire  prendre  à  l'occasion 
d'une  seènc  très-désagréable,  arrivée  ce  matin.  Je  ne  puis 
me  dispenser  de  lui  en  porter  mes  plaintes,  et  je  suis  as- 
suré qu'elle  ne  se  refusera  pas  à  me  procurer  une  satis- 
faction proportionnée  à  l'insulte  et  à  la  violence  commi- 
ses contre  moi.     J'ai  l'honneur  d'être,  etc. 

Paris,  le  21  Mai  1749. 

(signé.)  DE  LArrey. 

Lelendemaîn,lemarquis  de  Puisieulx,  après  avoir 
informé  le  roi  de  cet  événement,  fit  à  M.  de  Larrey 
la  réponse  suivante. 


APPENDICE.  41 1 

K«-  ni. 

Réponse  du  marquis  de  Puisieulx  à  la  lettre  précédente. 

Le  roi  m'a  ordonné,  Monsieur,  de  prendre  la  con- 
naissance la  plus  exacte  du  fait  dont  il  parait  que  voua  vous 
plaignez  avec  tant  de  raison.  Comme  je  suis  persuadé  que 
TOUS  ne  l'avez  point  aggravé,  je  puis  vous  assurer  d'avance 
que  S.  M.  vous  en  fera  faire  la  satisfaction  la  plus  com- 
plète. Je  ne  saurais,  en  mon  particulier,  donner  trop 
d^élôgerà  votre  sagesse  et  à  votre  circonspection,  dont  je 
n*ai  pas  manqué  d'instruire  S.  M. 

DE  Puisieulx. 

.  Le  même  jour  le  roi  envoya  M,  de  Toumelle, 
80u»-introducteur  des  ambassadeurs,  chez  M.  de  Lar- 
rey  pour  lui  témoigner  le  mécontentement  qu'avait 
S.  M.  de  cette  affaire,  et  la  disposition  dans  laquelle 
elle  était  d'en  donner  satisfaction  au  ministre.  Les 
personnes  impliquées  dans  cette  affaire  ayant  été  ar- 
rêtées par  ordre  du  ministère  et  interrogées  sur  les 
motifs  d'une  démarche  aussi  inconvenante,  préten- 
dirent se  justifier,  en  alléguant  qu'elles  avaient  cru 
que  comme  M.  de  Larrey  n'était  pas  revêtu  du  ca- 
ractère d^  ambassadeur  y  son  hôtel  pouvait  être  con- 
sidéré comme  celui  d'un  simple  particulier.  Comme 
il  fut  constaté  par  l'interrogatoire,  que  l'avocat  Petit 
et  les  gens  qui  l'accompagnaient,  n'avaient  agi  que 
de  leur  propre  mouvemeut  et  sans  ordres  des  fer- 
miers-généraux, le  roi  ordonna  que  les  commis  des 
fermes  qui  s'étaient  rendus  coupables  de  cet  attentat, 
fussent  chassés  de  leur  emploi  et  mis  en  prison  pour 
être  jugés  selon  les  lois  ;  que  l'avocat  Petit  fût  démis 
de  ses  fonctions;  et  qu'une  satisfaction  éclatante  iut 
donnée  au  ministre  d'Hollande.    Par  la  lettre  sui- 


412  APPENDICE. 

vante,  le  marquis  de  Puisieulx  fit  connaître  à  M.  de 
Larrey  les  ordres  du  roi. 

N«    IV. 

Lettre  du  marq.  de  PuùieulXj  adresiée  à  M,  de  Larre), 

y  ai  rendu  compte  au  roi,  de  la  violence  qui  a  été 
faite.  Monsieur,  dans  votre  maison,  par  les  commis  des  fer- 
mes, ayant  à  leui'  tête  le  sieur  Petit,  conseiller  de  Pélec- 
tion.  S.  M.  a  ordonné  sur  le  cliamp,  que  les  commis  fas- 
sent chassés  de  leurs  emplois  et  mis  en  prison.  Le  con- 
seiller sera  interdit  de  ses  fonctions  et  conduit  au  fort 
l'Evêque.  Quatre  fermiers-généraux,  après  avoir  pris 
votre  heure,  se  rendront  chez  vous,  pour  vous  assurer 
que  la  compagnie  n'a  rien  su  de  ce  qui  s'est  passé  dans  la 
maison  du  ministre  de  UL.  HH.  PP.  le  21  de  ce  mois,  et  tous 
marquer  combien  elle  a  été  peinée  lorsqu'elle  Fa  appris. 
Une  réparation  si  prompte,  est  une  preuve  éclatante  des 
sentimens  de  S.  M.  envers  les  États-Généraux,  ainsi  que 
de  son  attention  à  maintenir  le  droit  des  gens  et  i  ne  pas 
permettre  que  ses  sujets  s'écartent  des  justes  égards  qu'ils 
doivent  à  la  personne  des  ministres  étrangers  qui  ont 
l'honneur  de  résider  auprès  d'elle.     Je  suis  etc. 

DE  PUISIEUJLX 

M.  de  Larrey  se  rendit  peu  de  jours  après  à 
Versailles  pour  témoigner  au  marquis  de  Puisieulx 
combien  il  était  sensible  à  la  bonté  du  roi  au  sujet 
de  cette  affaire.  Les  ordres  du  roi  furent  exécutés, 
mais  le  ministre  d'Hollande  pria  M.  de  Puisieulx 
d'intercéder  pour  les  coupables  auprès  de  S.  M. 


APPENDICE.  413 

Insulte  faite  en  1752  au  ministre  d'Hollande  à  la 
cour  de  Stockholm  et  satisfaction  qui  lui  fut 
donnée  piar  S.  M.  Suédoise. 

A  roccasîon  d'une  insulte  qui  ayait  été  faîte  pen- 
dant l'absence  du  roi,  à  quelques  domestiques  de  M. 
de  Marteville,  envoyé  extr.  des  États- Généraux, 
dont  l'un  avait  été  arrêté  par  le  guet  de  nuit,  le  ba- 
ron de  Hôpken,  président  delà  chancellerie,  écri- 
vît à  ce  ministre  la  lettre  suivante  : 

Stockholm,  le  4.  Septembre  1752. 
Monsieur  9    le  roi   sVtant    fait   rendre   compte   du 
contenu  de  votre  mémoire,  relativement  à  Tinsulte  faite 
i  votre   livrée   par  le  guet  de  nuit,  S.   M.   a  ordonné 

au'on  procédât  dans  cette  affaire  conformément  aux  or- 
onnances  émanées  pour  ces  sortes  de  cas.  La  sentence 
publiée  contre  le  bas-officier  qui  à  été  reconnu  coupa- 
ble, porte  cassation  de  son  emploi,  et  vingt  un  jours  au 
pain  et  à  l'eau;  ce  qui,  à  quelques  jours  près,  quadre 
avec  la  punition  de  mort,  suivant  les  lois  de  ce  royaume. 
Je  ne  doute  point  que  Leurs  Hautes  Puissances  ne  re- 
connaissent dans  la  sévérité  de  cette  sentence,  l'atten- 
tion du  roi  pour  le  maintien  des  droits  des  mim'strcs 
publics,  et  son  amitié  pour  la  république.  J'ai  l'hon- 
neur d'être  avec  beaucoup  de  considération  etc. 

Hôpken. 

Le  lendemain  M.  de  Marteville  répondit  au  ba- 
ron de  Hôpken  en  ces  termes.         ^ 

Monsieur,  j'ai  reçu,  avec  la  plus  vive  reconnais- 
sance, la  lettre  que  V.  Exe.  m'a  fait  l'honneur  de  m'é- 
crire  hier  4  du  courant,  par  laquelle  elle  me  communi- 
que le  contenu  de  la  sentence  prononcée  par  ordre  du 
roi  contre  le  guet  de  nuit.  Je  n'ai  pas  différé  d'en  en- 
voyer le  rapport  à  mes  Seigneurs  et  maîtres,  et  ne  doute 


414  APPENDICE. 

nullement,  qneUL.UH.  PP.  sensibles  aux  dispositions  favo- 
rables que  la  cour  a  fait  pai*aitre  dans  cette  affaire,  ne  me  don- 
neront des  ordres  exprès  pour  lui  en  marquer  leur  recon- 
naissance. J'airbonneur  en  mon  particulier,  de  témoigaerà 
V. Exe.  toute  l'étendue  de  celle  que  j'en  conserve;  me  flat- 
tant, que    S.  M.  en  égard  à   ma  très-humble  interces- 
sion, voudra  bien  absoudre    le   coupable  et  le  faire  ré- 
tablir dans  sa  fonction.   C*est  pour  donner  des  marques 
authentiques  des  sentimeus   dont  je  fais  profession,  que 
j'ai  fait  signifier  à  tous  mes  domestiques  sans  exception, 
que  le  premier  d'entre-eux   qui  se   trouvera   après   dix 
heures  du  soir,  hors  de  la  maison,  sans  mes  ordres,  en 
sera  châtié,  et  que  venant  à  être  enveloppé  dans  quel- 
que aventure  pareille  à  celle  dont  il  s'est  agi,  il  ne  sera 
fait  nulle  attention  au   droit  qu'il   pourrait  avoir;  mais 
que  la  livrée  lui  sera    d'abord  ôtée,   et   qu'il  sera  mis 
hors  de  ma  maison.     J'ai  l'honneur  d'être  etc. 

« 

L.  DE  Marteville, 

Le  bas-ofiîcier  de  la  garde  de  nuit  fut  conduit 
après,  par  le  lieutenant  du  guet,  chez  M.  de  Mar- 
teville,  auquel  il  demanda  pardon  dans  les  termes  les 
plus  soumis ,  et  le  remercia  de  sa  généreuse  inter- 
cession, en  promettant  de  réparer  par  sa  bonne  con- 
duite, la  faute  qu'il  avait  commise.  Voyez,  le  Merc. 
hist.  de  1752,  T.  II. 


Insulte  faite  en  1752,  àthotel  du  ministre  de 
Suède  à  Pétersbourg ,  et  satisfaction  qu'ion  lui 
donna. 

Un  détachement  de  trente  soldats  sous  les  or- 
dres d'un  officier,  se  rendit  à  Pliôtel  du  baron  de 
GreifFenheim,  ministre  de  Suède  à  Pétersbourg.  Tan- 


APPENDICE.  415 

dis  que  plusieurs  soldats  occupèrent  les  avenues  et 
les  portes  de  l'hôtel,  d'autres  marchèrent  directe- 
ment à  PoflBce,  dont  ils  brisèrent  la  porte,  et  d'où  ils 
enlevèrent  deux  domestiques  de  ce  ministre,  sous 
prétexte  qu'ils  avaient  vendu  clandestinement  des 
boissons  de  l'espèce  de  celles  que  la  ferme  impériale 
avait  seule  le  privilège  de  débiter.  Ces  deux  domes- 
tiques, auxquels  on  avait  liées  les  mains  sur  le  dos, 
furent  conduits  publiquement  en  prison.  Le  baron  de 
Greiffenheim  était  dans  la  plus  grande  perplexité  à  cet 
égard;  mais  plus  la  chose  lui  paraissait  extraor- 
dinaire, et  plus  il  jugeait  important  d'éviter  toute 
démarche  de  précipitation. 

A  peine  eût -on  appris  cet  incident  à  la  cour, 
que  Ton  en  fut  indigné,  ainsi  que  de  la  témé- 
rité que  les  régisseurs  de  la  ferme  avaient  eue  de 
fisûre  de  leur  propre  chef  une  action  si  contraire  au 
droit  des  gens,  et  sur  laquelle  ils  n'avaient  reçu  ni 
ordre  ni  permission  du  sénat  ou  du  ministère.  Sur- 
quoi,  les  auteurs  de  cette  violence  furent  immédiate- 
ment arrêtés  et  l'impératrice  ordonna  d'en  faire  sa- 
tisfaction au  ministre  de  Suède.  A  cet  effet,  M. 
Oroussiof,  maître  des  cérémonies,  se  rendit  le  len- 
demain chez  le  baron  de  Greiffenheim  et  chez  les 
ministres  des  autres  puissances,  auxquels  il  remit  la 
note  suivante  du  comte  de  Bestoucheff,  chancelier  de 
l'empire. 

Note  remise  à  31,  de  Greiffenheim^  ministre  de  Suède ^  par 

M    Oroussiof, 

En  suite  de  ce  qui  est  arrive  le  3  du  présent  mois, 
dans  là  maison  de  M.  de  Greiffenheim,  envoyé  extr.  de 
S.  M.  le  roi  de  Suède,  par  la  faute  et  l'inadvertence  du 


4l6  APPENDICE. 

chef  de  la  chancellerie  établie  pour  empêcher  la  yentê 
clandestine  de  Teau  de  vie  et  de  la  bierre,  le  ministère 
de  S.  M.  Impér.  de  toutes  les  JRussies  a  cru  deroir  in- 
former Messieurs  les  ministres  des  puissances  étrangè- 
res,  que  S.  M.  Imp.  par  une  suite  naturelle  de  sa 
façon  de  penser,  de  son  amour  pour  la  justice  et  en 
particulier  de  ses  seutimens  d'amitié  et  d'estime  pour 
S.  M.  le  roi  et  le  royaume  de  Suède,  n'a  pu  apprendre 
cet  événement  qu'avec  beaucoup  d'indignation  et  avec  tout 
le  mécontentement  possible.  Et  afin*  que  M.  Tenvoyé 
extr.  de  GreifTenheim  en  fût  exactement  informé,  et 
qu'il  ne  pût  douter  en  même  temps  qu'on  ne  loi  donne 
une  entière  satisfaction,  S.  M.  Imp.  a  ordonné  le  lende- 
main matin  à  son  maître  des  cérémonies,  de  l'aller  troor 
ver  de  sa  part,  et  de  lui  faire  connaître  combien  dk 
était  indignée  et  combien  elle  avait  de  regret,  que  con- 
tre son  intention,  il  lui  fût  arrivé  un  accident  aussi  fl- 
cheux,  et  que  S.  M.  Imp.  voulant  que  prompte  répara- 
tion lui  en  fût  faite,  dès  le  premier  avis,  avait  donné  ses 
ordres  pour  amener  à  la  cour  le  chef  de  ladite  chan- 
cellerie, lequel,  après  avoir  été  interrogé,  avait  immé- 
diatement été  mis  aux  arrêts,  et  envoyé  au  sénat  avec 
ordre  d'y  instruire  son  procès,  et  de  lui  infliger  la  pu- 
nition qu'il  avait  méritée.  Messieurs  les  ministres  étran- 
gers étant  instruits  de  ce  que  dessus ,  voudront  bien  en 
rendre  compte  à  leurs  cours  respectives. 

Bestoucheff. 

Peu  de  jours  après,  le  ministère  impérial  fit  no- 
tifier au  baron  de  Greitfenheim  ;  „Que  comme  cette 
j,insi|lte  avait  été  commise  par  la  précipitation  du 
5,lieutenant-colonel  PosnakoflT,  qui  avait  outrepassé 
jjle  devoir  de  sa  charge,  par  laquelle  il  était  seule- 
55ment  chargé  de  veiller  à  ce  qu'il  ne  se  commît  point 
,,de  fraude  au  préjudice  de  la  ferme  des  boissons,  S. 
„M.  Imp*,  pour  le  punir  de  cette  violation  du  droit 


APPENDICE.  417 

9,de8  gens,  Fayait  dégradé  de  son  rang  de  lieutenant- 
jjcolonel,  et  réduit  à  la  qualité  de  simple  soldat 
^Qu'elle  Pavait  aussi  déposé  de  la  charge  d'inspecteur 
^a'il  exerçait  auprès  du  bureau  des  boissons,  et 
^qu'elle  y  en  avait  établi  un  autre  à  sa  place/* 

.--Le  baron  de  Greiffenheim  fit  aussitôt  part  de 
cette  notification  à  sa  cour,  qui  lui  envoya  des  ordres, 
en  conséquence  desquels  il  se  rendit  chez  le.comte 
de  Bestonchefi*,  auquel  il  déclara:  „Qu'il  avait  été' ex- 
,,trêmenient  agréable  au  roi ,  son  maître,  d^ppreih^ 
i^dre,  avec  la  nouvelle  même  de  cet  incident ,  la 
i,pronipte  réparation  qui  en  avait  été  faite  ;  que  S.  M. 
lySuédoise  en  remerciait  sincèrement  l'impératrice,  et 
i,qu'elle  regardait  un  procédé  si  obligeant  de  sa  part, 
„conime  une  preuve  des  plus  convaincantes  de  Pàmi- 
„tié  de  S.  M.  Imp/*  Ce  ministre  ajouta:  que  comme 
la  ôlémence  était  une  vertu  naturelle  à  l'impératrice^ 
le  roi  espérait  qu'elle  voudrait  bien ,  sur  son  inter- 
cession, pardonner  au  lieutenant-colonel  Posnakoff, 
et  le  rétablir  dans  son  précédent  poste.  Le  comte  de 
Bestouchefi*  répondit  au  remerciement  du  ministre  de 
Suède:  qu'il  ressentait  en  son  particulier  une  bien 
„grande  satisfaction  de  voir  que  S.  M.  Suéd.  était 
,,contente  de  ce  qui  avait  été  fait  en  cette  occasion,  et 
„qu'elle  rendait  un  témoignage  si  vrai  aux  dispositions 
yysincères  et  amiables  de  cette  cour;  quant  à  Tinter- 
„ces6ion  qu'elle  voulait  bien  employer  en  fieiveur  du 
„Iieutenant-colonelPosnakofi*,  il  lui  promit  d'en  faire 
„exactement  rapport  à  l'impératrice."  Voyez,  le 
Mercure  hisL  et  polit,  de  1752?  T.  I. 


II.  27 


418  APPEKDICE. 

Insulte  faite  en  1777>  à  Vamhasêadeur  d^ Autriche 
à  Venise ,  et  satisfaction  qui  lui  fut  donnée  par 
la  r^ublique. 

Le  comte  de  Durazzo ,  ambassadeur  d'Autriche, 
rentrant  de  la  campagne  qu'il  habitait,  située  à  deux 
lieues  de  Venise,  en  ville,  sa  barque  fut  attaquée  par 
àesAirres  de  mer.  Sur  le  refus  que  firent  «es  gens 
de  s^arréter  et  de  laisser  approcher  les  sbirreSj  ceux-* 
ci  se  jettèrent  sur  eux  avec  violence,  blessèrent  trois 
des  gondoliers  à  coups  de  rames,  et  menacèrent  aTec 
leurs  fusils  tous  ceux  qui  étaient  dans  la  barque,  et 
ne  se  retirèrent  à  la  fin,  qu'après  que  l'ambassadeur, 
voyant  qu'il  n'y  avait  pas  d'autre  moyen,  leur  eut 
parlé:  lin -T.même  pour  les  persuader.  Ce  ministre 
ayant  fait  sur  cette  atteinte  portée  à  son  caractère^ 
les  représentations  convenables,  le  sénat  fit  arrêter 
les  coupables,  et  informa  l'ambassadeur  de  la  satis- 
faction qui  lui  avait  été  donnée,  par  le  mémoire 
suivant. 

Mémoire  adressé  par  le  sénat  de  Venise  à  famhassadevr 

d'Autriche. 

Aux  Pregadi,  le  15  Nov.  1777. 
M.  le  comte,  à  peîiic  avons  nous  appris  par  votre 
mémoire  du  29  <îu  mois  derm'er,  l'attentat  que  voire  \ 
gondole  avait  essuyé  le  soir  préeédent  dans  les  eaux  de 
S.  Seconda  j  qu'il  a  d'abord  été  donné  ordre  d'arrêter 
les  six  coupables;  et  Ton  a  fait  les  perquisitions  que 
vous  aviez  demandées  par  votre  mémoire.  Après  un 
court  intervalle,  que  les  circonstances  ont  exigé,  nous 
sommes  à  présent  en  état  non  seulement  de  vous  don- 
ner des  preuves  manifestes  de  notre  désaveu  le  pins 
formel  et  de  notre  déplaisir,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà 


APPENDICE.  419 

déclaré  le  30  du  mois  dernier,  d^tm  événement  qm  blesse 
les  égards  dûs  au  caractère  que  vous  soutenez  avec  tant 
de  dignité,  et  pour  lequel  nous  avons  toujours  eu  l'es- 
time la  plus  particulière,  mais  aussi  de  vous  informer 
de  la  punition  ordonnée.  Nous  vous  donnons  en  con- 
séqaence  avis,  que  les  six  coupables,  déjà  mis  en  pri- 
ion  pour  vous  procurer  la  satisfaction  due,  par  le  châ- 
timent qu'ils  ont  mérité,  ont  été  transférés  aux  galères, 
ayant  les  fers  aux  pieds,  et  leur  chef  ayant  un  écriteau 
pendu  au  col,  portant  qu'ils  étaient  condamnés  aux  ga- 
lères pour  avoir  usé  de  violence  envers  la  gondole  de 
(ambassadeur  impérial;  et  que  la  barque  avec  laquelle 
le  délit  a  été  commis,  a  été  brûlée  &  la  place  la  plus 
fréquentée  du  public. 

Le  sénat  saisit  en  même  temps  avec  plaisir  cette 
occasion,  de  donner  un  témoignage  éclatant  de  son  ami- 
tié constante  et  de  son  respect  affectionné  pour LL.  MM. 
Impériales,  ainsi  que  de  montrer  la  haute  estime  qu^il  a 
pour  la  personne  de  leur  ministre.  Il  s'assure  d'ailleurs, 
qae  le  rappoil  que  vous  en. ferez  à  ces  souverains  avec 
la  loyauté  qui  vous  est  propre,  trouvera  un  accueil  fa- 
Torable  de  la  part  de  Leurs  Majestés,  et  servira  à  prou- 
ver de  plus  en  plus  la  vérité  des  sentimens  avec  les- 
quels nous  vous  assurons  de  notre  considération  et  de 
notre  affection  distinguées.  Voyez,  le  Merc.  hist.  de 
1777,  T.  IL 


Autres  exemples  d^msultes  fmtes  à  des  agens  di- 
plomatiques ou  auw  personnes  de  leur  suite^  et 
satisfactions  qui  leur  ont  été  données. 

En  1731  la  mort  du  propriétaire  d'une  maison 
qu'occupait  à  Paris  le  comte  de  Mafféi ,  ambassadeur 
de  Sardaîgne,  ayant  donné  lieu  à  quelques  poursui- 

27* 


420  APPENDICE. 

tes  de  la  part  de  ses  créanciers,  contre  sa  succession, 
un  homme  qui  avait  ÇOO  livres  à  prétendre,  fit  saisir 
les  loyers  qui  pouvaient  être  dûs  par  l'ambassadeur  de 
Sardaigne,  et  fit  assigner  en  même  temps  ce  ministre 
devant  le  lieutenant- civil  du  châtelet  de  Paris,  ponr 
faire  son  affirmation  sur  les  causes  de  cette  saisie. 
L'exploit  fut  donné  à  son  suisse  pendant  que  le  comte 
de  Mafiëi  était  à  la  campagne.    Ce  ministre  en  porta 
plainte  au  gouvernement      Pour  s'excuser,  l'huis- 
sier disait  qu'il  n'avait  pas  cru  manquer  au  respect 
dû  à  l'ambassadeur,  parceque  l'affaire  pour  laquelle 
cette  assignation  avait  été  donnée  ne  le  regardait  pas 
personnellement;  et  que  d'ailleurs  on  ne  pouvait  pas 
aller  à  Turin  faire  des  poursuites  pour  une  si  petite 
somme,  et  pour  le  même  fait  pour  lequel  les  héri- 
tiers du  propriétaire  de  la  maison   qui  étaient  par- 
ties principales,  avaient  été  assignés  au  châtelet  dont 
ils  étaient  justiciables. 

Le  roi  de  France  fit  arrêter  l'huissier,  et  ne  le  fit 
sortir  de  prison  qu'au  bout  de  six  semaines,  à  la 
prière  de  l'ambassadeur;  mais  il  l'exila  à  Nantes,  et 
cet  huissier  n'en  revint  au  bout  de  quelque  temps, 
que  sur  les  instances  réitérées  du  ministre  de  Sar- 
daigne.     Voyez,  ibid. 


Le  roi  de  Prusse  envoya  en  1740,  le  colonel 
Creitzen,  pour  négocier  auprès  du  prince  évêque  de 
Liège,  sur  un  différend  qu'il  avait  avec  ce  prince  au 
sujet  de  la  souveraineté  de  la  ville  de  Herstall.  Un 
paysan,  sujet  de  l'évêque  de  Liège,  auquel  cetoflScier 
devait  de  l'argent,  fit  mettre  par  voie  de  justice  arrêt 


APPENDICE.  421 

sur  ses  effets.  Dans  ce  pays-là,  les  procureurs  étaient 

autorisés  à  faire  ces  sortes  d'^rréts,  sans  le  ministère 

* 

du  juge.  Dès  que  l'éy êque  de  -Liège  eut  été  informé 
de  celui-ci,  il  ordonna  aux.  échevins  de  Liège  de 
faire  cômx>âraître  sur  le  champ  lé  payisan  et  son  pro- 
cureur; on  les  obligea  de  réyoquer  l'arrêt  en  plein 
$iège  et  de  faire  leurs  excuses  au  colonel;  Us  les 
firent,  en  déclarant  à  ce  ministre,  que  s'ils  ayaièht 
su  sa  qualité  d'envoyé ,  ils  se  seraient  bien  gardés  de 
jSdre  signifier  aucun  arrêt  à  sa  charge.  Voyez,  de 
RÉAii,  Science  du  gouvernement^  T.  V. 


Un  des  domestiques  du  comte  de  Haslang,'  mi- 
nistre de  l'électeur  de  Bavière  auprès  du  roi  d'Angle- 
terre, ayant  en  1751  été  arrêté  par  un  ojfficier  du 
grand -^maréchal,  à  la  réquisition  d*un  particulier 
nommé  Olivier  Trulore ,  sans  que  le  ministre  eut  été 
prévenu,  •  cet  officier  ainsi  que  le  particulier' furent 
obligés  le  2  Janvier  1752  de  demander  pardon  au 
€X>inte  de  Haslang  publiquement  et  à  genoux. 
Vbyez  ibid. 


En  1752,  à  la  porte  du  théâtre  de  Popéra  à 
Rome,  le  cocher  de  M.  d'Andrada,  ministre  du  roi 
de  Portugal,  ayant  pris  querelle  avec  les  soldats  qui 
y  étaient  de  garde,  après  avoir  été  maltraité  par  eux, 
fut  conduit  au  corps  de  garde  ;  mais  l'officier-com- 
mandant le  relâcha  de  suite,  et  se  rendit  au  théâtre 
où  il  fit  des  excuses  à  M.  d'Andrada  sur  ce  qui  s'était 
passé.     Le  pape  ayant  été  informé  de  cette  affaire, 


422  APPENDICE. 

ne  crut  pua  cette  satis&ction  suffisante ,  et  voulant 
donner  au  roi  des  marques  de  sa  grande  .affection^ 
fit  aussitôt  arrêter  l'officier  et  les  soldats ,  dont  il  fit 
instruire  le  ministre,  qui  toutefois  intercéda  pour 
leur  relâchement.  L'officier-commandant  eut  ordre 
de  se  rendre  avec  le  baillif  Solare  chez  M.  d'Andrada, 
pour  hd  demander  pardon  et  lui  faire  ses  excuses  de 
l'insulte  qu'on  lui  avait  faite*  Voyez  le  Merc.  hùt. 
de  1752.  T.  I. 


Les  ministres  de  France  à  Gênes  étaient  en  pos- 
session depuis  un  temps  immémorial,  de  ne  point 
permettre  aux  sbirres  ou  soldats  de  police,  de  passer 
devant  leur  hôtel.  En  1759,  le  chevalier  de  Chaor 
velin,  envoyé  extraordinaire  du  roi  à  cette  cour,  in- 
formé que  plusieurs  sbirres  avaient  paru  devant  son 
hôtel,  chargea  ses  gens  d'y  veiller  et  de  s'y  opposer. 
Un  homme  que  l'on  prit  pour  un  çbirre ,  vint  à  pas- 
ser, et  quoique  averti  de  retourner  en  arrière,  il 
s'obstina  à  continuer  son  chemin.  Les  gens  du  che- 
valier de  Chauvelin  se  jetèrent  sur  lui  et  le  mal- 
traitèrent. On  sut  ensuite  que  ce  n'était  pas  un 
sbirrey  mais  le  gardien  d'une  des  portes  de  la  ville. 
Le  gouvernement  génois  en  fit  porter  plainte  à  l'en- 
voyé de  France  ;  et  celui-ci,  reconnaissant  que  se» 
domestiques  l'avaient  trompé,  voulut  que  ceux  d'en- 
tre eux  qui  avaient  pris  part  à  cette  affaire ,  se  ren- 
dissent en  prison;  ils  furent  remis  à  la  disposition 
du  magistrat,  qui  sur  le  champ  fit  prier  M.  de  Chau- 
velin de  leur  rendre  la  liberté.     Voyez,  ibid. 


APPENDICE.  42jf 

Eki  1769>  à  l'occasion  du  transport  de  Tétendart 
de  Malibmet,  les  Turcs  faisaient  à  Constantînpple 
une  procession  par  la  ville.  U  n'était  point  permis 
alors  aux  chrétiens  de  paraître  dans  les  rues,  ou  aux 
feiDêtres.!  L'épouse  et  la  fille  du  ministre  d'Autriche 
eurent  cependant  la  curiosité  de  voir  cette  prooesaion 
d^une  des  fenêtres  de  l'hôteL  Les  Turcs  s'en  étant 
appèrçus,  s'indignèrent  tellràient,  qu'ils  essayèrent 
de  forc^  rentrée  de  l'hôtel.  Les  gens  du  ministre 
voulant  s'y. opposer  prirent  les  armes,  et  la  rixe 
devint  si  sérieuse  qu'il  en  coûta  la  vie  à  plu8  de  cent 
personnes,  pormi  lesquelles  se  trouvait  la  fiUe  du 
ministre* 

Aussitôt  que  la  Porte  fut  instruite  de  ce  désordre, 
elle  fit.  arrêter  et  décapiter  quatre  chefs  des  mutins, 
dont  elle  envoya  les  têtes  au  ministre  lui  ofirant 
d'ailleurs  toute  autre  satisfaction  qu'il  pourrait  de- 
mander. Indépendamment  de  cette  satisfaction  le 
premier  interprête  de  la  Porte  se  rendit  chez  l'inter- 
nonce  et  lui  fit,  au  nom  du  grand-seigneur,  un  com- 
jriiimeQt  d'excuse  au  sujet  du  tumulte  qui  avait  eu  lieu. 
Il  l'assura  en  même  temps  qu'un  Iman  et  un  Émir, 
auteurs  de  cet  excès,  étaient  en  prison,  et  que  la 
Porte  ne  manquerait  point  de  les  faire  punir  sévère- 
ment. Il  lui  présenta,  en  même  temps  une  robe 
fourrée  d'hermine ,  qu'il  le  pria  de  vouloir  bien  ac- 
cepter comme  une  marque  de  Pestime  particulière 
du  grand-seigneur  pour  sa  personne.  Ensuite  il  fit  un 
semblable  compliment  à  l'épouse  de  ce  ministre,  et 
lui  remit  une  aigrette  en  diamans  de  rubis  et  émé- 
raudes.     Ces   deux   présens   furent  évalués  à  en- 


424  APPENDICE. 

viron  40,000  piastres.    Voyez ,  le  Merc.hist.  de 
1769,  T.  L 


En  1771,  trois  individus  de  la  milice  turque,  at- 
taquèrent le  sabre  a  la  main,  un  Arménien  qui  pas- 
sait à  Péra  devant  le  palais  du  ministre  d'Autriche^ 
le  baron  de  Thugut.  L'Arménien  s'y  réfugiant^  deux 
d'entre  eux  le  poursuivirent  jusqu'à  la  porte  de  Thô- 
tel,  et  le  troisième  eut  même  l'audace  de  le  poursui- 
vre jusques  dans  le  palais  même,  où  il  brisa  les  vitres 
de  la  loge  du  suisse.  Les  janissaires  préposés  à  la 
garde  de  l'hôtel,  y  accoururent;  et  l'un  d'eux  ayant 
fait  feu,  le  mutin  prit  la  fuite  avec  &^s  deux  camara- 
des, qui  tous  trois  furent  bientôt  arrêtés  et  con- 
duits en  prison. 

Dès  que  les  autorités  en  furent  instruites,  on  s'em- 
pressa-de  faire  des  excuses  au  ministre  qui  toutefois  ne 
crut  pas  devoir  s'en  contenter.  Il  fit  porter  plainte  au 
reis^effendi,  en  demandant  satisfaction  de  l'insulte  faite 
à  son  caractère  et  à  son  hôtel,  et  exigeant  en  même 
temps  que  l'on  prît  des  mesures  de  sûreté  pour  l'a- 
venir, tant  pour  lui  que  pour  tous  les  autres  minis- 
tres étrangers.  La  satisfaction  qu'il  demanda,  lui 
fut  donnée  sur  le  champ.  Le  reis-effendi  fit  appe- 
ler chez  lui  à  la  fois  tous  les  interprêtes  des  minis- 
tres étrangers,  auxquels  il  déclara  au  nom  du  grand- 
seigneur,  qu'il  avait  appris  avec  le  plus  grand  dé- 
plaisir ce  qui  s'était  passé  j  qu'il  avait  ordonné  de 
nouvelles  mesures  pour  que  la  sûreté  de  MM.  les 
ministres  étrangers  ne  puisse  plus  être  exposée;  que 


APPENDICE.  425 

le  plus  coupable  des  trois  malheureux  arait  payé  de 
sa  tête  sa  témérité,  et  qu'il  laissait  au  résident  impé-^ 
rial  et  royal  à  prononcer  sur  le  sort  des  deux  au- 
tres. M.  de  Thugut  se  borna  à  demander  qu'ils 
fiassent  bannis  de  Constantinople  à  perpétuité,  et  sous 
peine  de  mort;  et  qu'ils  fussent  relégués  fort  ayant 
dans  l'Asie,  ce  qui  effectiyem^it  eut  lieu.  Voyez, 
le^ferc.  hiat.de  1771,  T.  H, 


£!n  1775 ,  lors  des  fêtes  du  Bairam  à  Constanti- 
nople, quatre  religieux  de  l'ordre  de  François  et  un 
chirurgien  français  ayant  rencontré  dans  la  me  de 
ce  fauxbourg  quelques  lazea  (milice  originaire  dea 
côtes  de  la  mer  noire)  ceux-ci  les  insultèrent,  et  les 
premiers,  oubliant  peut-être  le  danger  qu'il  y  a  pour 
les  chrétiens  de  se  montrer  dans  la  rue  pendant  ces 
|ours  de  solemnité,  leur  répondirent.  Un  des  lazeê 
s'empara  du  bâton  deFun  des  religieux;  celui-ci  le 
lui  arracha  à  son  tour,  lui  en  donna  un  coup  dans  la 
figure  et  te  blessa;  ses  camarades,  accourus  au  nom- 
bre de  plus  de  quatre-vingts,  tirèrent  leurs  pistolets 
et  leurs  couteaux ,  et  tuèrent  le  cocher  de  l'inter- 
nonce  impérial  d'Autriche  qui  était  survenu  pen- 
dant cette  affaire.  Les  religieux  et  le  chirurgien 
français  cherchant  dans  cette  extrémité  un  asyle,  se 
réfugièrent  dans  l'hôtel  de  M.  de  Zégelin ,  ministre 
de  Prusse.  La  soldatesque  animée  jusqu'à  la  fureur, 
voulut  lés  y  poursuivre,  repoussa  la  garde  de  l'hôtel 
qui  voulait  en  défendre  l'entrée,  et  tira  sur  le  portier 
qui  reçut  plusieurs  blessures.     On  parvint  à  la  fin  à 


426  APPENDICE.       ' 

fermer  la  porte;  mais  les  mutins,  furieux  d'avoir 
manqué  leurs  adversaires ,  s'en  vengèrent  en  tirant 
des  coups  de  pistolet  contre  les  fenêtres  de  l'hôtel  et 
cassant  à  coups  de  pierre  toutes  les  vitres  tant  de 
l'hôtel  que  des  maisons  voisines.  Leur  rage  parut 
augmenter  à  mesure  qu'ils  rencontraient  de  la  résis- 
tance. Ils  menaçaient  tous  les  Francs,  et  attaquè- 
rent même  un  sous-officier  russe  qui  se  trouvait  par 
hazard  dans  leur  chemin.  Mais  heureusement  il  sut 
se  défendre  en  rétrogradant  jusqu'à  ce  qu'il  pût  en- 
fin se  sauver  dans  l'hôtel  de  l'intemonce  autrichien. 
Us  y  pénétrèrent,  en  le  poursuivant  jusqu'à  l'appar- 
tement où  les  janissaires  de  ce  ministre  avaient  la 
garde.  Ceux-ci  les  arrêtèrent,  quoiqu'avec  beaucoup 
de  peine^  le  nombre  de  ces  misérables  augmentant  à 
chaque  moment  Dans  ces  entrefaites,  une  cinquan- 
taine d'entre  eux  coururent  à  f  hôtel  de  France.  La 
femme  du  suisse ,  en  l'absence  de  son  mari,  voulant 
les  arrêter,  fut  blessée  à  la  main;  mais  les  janissaires 
du  chevalier  de  Saint-  Priest ,  ambassadeur  de  S.  M. 
T.  C.  étant  venus  à  son  secours,  les  repoussèrent  vi- 
goureusement et  les  firent  sortir,  avant  même  que 
les  ordres  de  M.  de  St.-Priest  arrivèrent  de  les  chas- 
ser de  son  hôtel,  à  main  armée,  s'il  le  fallait 

Enfin  la  garde  de  Péra  arriva,  et  parvint  à  dis- 
perser les  séditieux;  elle  en  tua  quelques-uns ,  et  se 
saisit  de  treize  autres  qui  furent  conduits  chez  le 
topdgibachi  et  ensuite  chez  faga  des  janissaires. 

M.  de  Zégelin,  ministre  de  Prusse,  ayant  porté 
plainte  de  l'insulte  faite  à  son  hôtel,  le  grand-sei- 
gneur lui  fit  témoigner  le  déplaisir  qu'il  en  avait,  et 


'      APPENDICE.  •   427 

« 

lui  promit  la  satisfaction  la  plus  éclatante^  en  l'assu- 
rant qu'une  trentaine  de  ces  mutins  avaient  déjà  été 
condamnés  à  mort;  mais  que  comme  ils  apparte- 
naient au  corps  des  janissaires,  l'usage  ne  permettait 
point  de  les  exécuter  en  public.  En  effet  les  treize 
qm  avaient  d'abord  été  saisis  furent  étranglés  le 
même  soir. 

Le  colonel  de  Peterson,  chargé  d'affaires  de 
Ruséde,  fit  également  prier  le  grand-vîsir  de  pren- 
dre des  mesures  pour  que  ni  lui  ni  aucune  personne 
de  sa  suite  ou  de  sa  nation  ne  fussent  attaqués,  puis- 
qu'ayant  cinq  à  six  cens  hommes  à  sea  ordres,  il 
se  défendrait  par  la  voie  des  armes,  sans  être  respoa*^ 
MJUë  de  ce  qui  pourrait  en  arriver.  Voyez,  le  Merc. 
hùLde  1775,  T.  I. 


::■.<..  :  111-    •■   K 


m. 


DIFFÉRENDS  SUR  LE  CÉRÉMONIAL  DIPLOMATIQUE. 


,      .  ..iT 


Mms^aù  traitement  qu*e$smfa  -en  1681,  il£  ie 
OuillerargueSy  ambmssadefêr  de  Fra/nce  ci  Cèm- 
tantinople ,  à  f  occasion  de  la  contestation  fitU 
eut  (»cec  la  Porte  €m  sujet  du  cérémoniaL 

JLiA  Vergne  de  Guîilerargues ,  président  à  la  cour 
des  aides  de  Bordeaux,  successeur  de  Nointel  dans 
l'ambassade  de  Constantinople,  y  était  arrivé  au  mois 
de  Septembre  1679'  Dès  son  début  en  cette  cour, 
il  eut,  au  sujet  du  sopha,  avec  le  grand -visir  Mus- 
tapha ,  la  même  difficulté  qui  avait  fait  partir  M.  de 
Nointel,  son  prédécesseur,  sans  prendre  congé.  Cette 
difficulté  consistait  dans  le  refus  du  grand-visir  de 
mettre  le  siège  de  l'ambassadeur  à  la  même  hauteur 
ou  sur  le  même  degré  que  le  sien,  ce  que  le  roi  exi- 
geait, enjoignant  à  ses  ambassadeurs  de  ne  point 
prendre  d'audience  si  cet  honneur  ne  leur  était  dé- 
féré j  mais  il  survint  un  événement  d'une  plus  haute 
importance,  et  dans  lequel  Guillerargues  eut  besoin 
de  toute  sa  fermeté. 


APPENDICE.  429 

Des  corsaires  tripolitains  ayant  pris  un  yaisseaa 
sous  payillon  français,  et  mis  en  esdatvage  une  par^ 
tie  de  Péigfuipage,  le  roi  ordonna  de  poursuivre  tous 
les  navires  tripolitains  en  quelque  lieu  qu'ils  se  reti- 
reraient. '  Duquesne ,  commandant  d'une  escadre 
française,  alla  en  attaquer  plusieurs  qui  s'étaient 
retirés  dans  l'île  de  Chio  pour  se  radouber.  Là ,  il 
s'engagea  un  combat  entre  l'escadre  de  Duquesne  et 
la  yille  de  Chio ,  sur  laquelle  ce  général  fit  un  feu 
très-vi^ .  et  elle  répondit  par  des  décharges  qui  tuè- 
rent quelques  hommes  de  l'escadre  française.  La 
Tille  fit  demander  à  composer,  se  plaignant  d^être 
exposée  à  la  destruction ,  à  cause  des  Tripolitains, 
qu'elle  n'était  pas  en  état  de  £Edre  sortir  du  port 
Duquesne  ne  fit  point  de  réponse.  La  nouvelle  du 
combat  qu'il  avait  livré,  parvint  bientôt  à  la  Porte, 
et  y  causa  un  mouvement  extraordinaire. 

L'ambassadeur  de  France  fut  appelé  le  23 
d'Août  I68I9  chez  le  hiaga  ou  lieutenant  du  visir, 
avec  lequel  il  eut  une  longue  conférence.  Cet  offîder 
lui  apprit  l'extrême  colère  où  était  le  grand-seigneur 
pour  Tentreprise  de  Duquesne,  et  il  finît  par  lui  dire 
qu'Userait  peut-être  trop  heureux  de  pouvoir  ra- 
cheter son  sang  et  celui  des  Français,  au  moyen 
A-'pne  forte  somme  d'argent  Guillerargues  répon- 
dit, ,9qu'il  était  en  sûreté  à  Constantinople  comme  à 
„Paris ,  parce  que  le  sultan  était  juste  et  le  roi  de 
„France  puissant;  qu'on  ne  devait  rien  attendre  de 
„lui,  pour  réparer  les  dommages  de  Chio,  et  que 
„c'était  aux  seuls  Tripolitains  à  les  payer." 

Guillerargues  fut  invité  par  un  chiaoux  à  se  ren- 
dre à  l'audience  du  visir.     Lorsqu'il  fut  arrivé ,  on 


430  APPENDICE. 

m 

Youlut  le  faire  asseoir  sur  un  tabouret,  hors  du  se- 
pha;  ce  qu'il  refusa,  et  prit  le  parti  de  parler  debout 
Après  une  assez  vive  contestation  à  ce  suje^  on  le 
conduisit  dans  la  chambre  d'audience.  Le  grand-* 
visir  j  étant  entré  presqu'aussitôt,  salua  Guillerar* 
gnes ,  et  monta  sur  le  sopha ,  où  un  siège  lui  était 
préparé.  Les  chiaoux  en  présentèrent  un  autre  au 
bas  du  sopha,  à  l'ambassadeur;  mais  il  se  retoiuna 
fièrement,  en  le  repoussant  du 'pied  jusqu'à  deux 
fois,  ce  qui  engagea  le  grand-Tisir  à  ordonner  qu'on 
ne  l'importunât  plus  sur  cet  cirticle  ;  mais  en  entrant 
en  matière,  il  lui  dit  que  Duquesne  ayait  tiré  sur  le 
château  de  Chio,  abattu  plusieurs  maisons,  miné 
des  mosquées  ;  que  le  grand-seigneur  était  fort  irrité, 
et  que  le  seul  moyen  de  l'appaiser,  était  de  payer  le 
dommage  fait  par  les  Français,  évalué  à  750  bourses, 
ou  375,000  écus. 

Guillerargues  répondit  :  9,que  les  vaisseaux  du 
,,roi  n'avaient  rien  fait  qui  pût  choquer  sa  Hau- 
,,tesse,  ni  fournir  occasion  de  rupture  entre  les  deux 
„états  ;  que  les  vaisseaux  français,  n'avaient  eu  d'au- 
„tres  ordres  que  de  poursuivre  partout  les  pirates 
,^tripolitains,  ennemis  de  la  France,  et  que  si  le  châ- 
„teau  de  Chio  n'eût  pas  tiré  le  premier  sur  les  vais- 
„seaux  de  S.  M.,  ceux-  ci  n'eussent  jamais  tiré  contre 
„la  ville." 

Le  grand-visir  lui  répliqua  „que  les  Français 
^auraient  dû  porter  plainte  au  grand- seigneur,  qui 
,,leur  eût  fait  rendre  justice  ;  qu'il  eût  enfin  à  se  dé- 
„cider  à  payer  les  750  bourses,  ou  à  s'attendre  d'al- 
„ler  aux  sept-tours." 

Guillerargues  lui  dit:  „que  la  prison  ne  l'étonnait 


APPENDICE.  431 

^pointy  mais  qu'il  le  priait  de  se  souyenir  qu'il  était 
^ambassadeur  du  roi  de  France,  assez  puissant  pour 
^le  venger  si  le  droit  des  gens  était  violé  dans  sa 
,,personne/^ 

Les  menaces  du  grand-visir  se  bornèrent  à  faire 
enfermer  le  cheval  de  l'ambassadeur  dans  ses  écu- 
ries, et  à  faire  mener  Guillerargues  dans  la  chambre 
duchef  des  cAiooiiar/ située  proche  du  divan.  Là, 
on  lui  envoya  offrir  toutes  les  viandes  et  les  refraî- 
dûssemens  qu'il  pouvait  désirer.  Il  refusa  tout, 
et  se  fit  apporter  de  son  palais  les  choses  qui  lui 
étaient  nécessaires.  Tout  le  reste  du  jour,  et  le  len- 
demain ,  on  continua  à  le  menacer  de  le  mettre  aux 
sept-tours ,  s'il  ne  donnait  satisfaction  à  la  Porte  ; 
mais  Guillerargues  persista  à  dire  qu'il  était  disposé 
à  tout  souffrir,  plutôt  que  de  consentir  à  aucune 
proposition  qui  blessât  l'honneur  de  son  souverain, 
et  que  tout  ce  qu'il  pouvait  promettre,  était  un  pré- 
sent de  curiosités  de  France,  mais  en  son  propre 
nom,  et  non  en  celui  de  soii  maître.  Le  grand-visir 
accepta  ces  offres,  en  lui  donnant  six  mois  pour  y 
satisfaire. 

Guillerargues  ratifia  sa  promesse,  en  ajoutant 
que  si  l'affaire  des  Tripolitains  ne  se  terminait,  et 
qu'on  différât  à  lui  accorder  l'audience  sur  le  sopha, 
il  ne  s'engageait  à  rien.  Le  chef  des  chiaoux  Tassura 
qu'il  serait  pleinement  satisfait  Guillerargues  re- 
tourna chez  lui.  Mais  le  grand-seigneur  ayant  ap- 
pris depuis  en  quoi  consistait  le  présent  que  l'amfcis- 
sadeur  se  proposait  de  faire,  et  le  trouvant  très- 
éloigné  des  prétentions  de  sa  Hautesse,  fit  de'nou- 
velles  instances  auprès  de  lui,  et  lui  envoya  l'effendi 


432  APPENDICE. 

des  chiaoux  et  le  drogman  dé  la  Porte,  en  renouve- 
lant la  menace  de  le  £ure  emprisonner  et  de  confis- 
quer la  cargaison  de  tous  les  bâtimens  français. 
Guillerargues  répondit  qu'il,  était  prêt  d'aller  aux 
sept-tours ,  mais  que  quand  il  y  serait  une  fois  en- 
tré ,  il  ne  serait  pas  si  facile  de  Ten  faire  sortir,  et' 
qu'il  y  demeurerait  jusqu'à  ce  que  le  roi  son  maître 
lui  en  fît  ouvrir  les  portes.  L'ambassadeur  craignant 
même  que  les  drogmans  n'osassent  pas  rendre  exacte- 
ment ses  paroles,  les- mit  par  écrit,  afin  qu'ils  ne 
pussent  rien  y  changer  :  en  même  temps ,  il  fit  tenir 
des  chevaux  prêts  à  partir,  pour  se  rendre  aux  sept- 
tourSy  si  on  en  venait  à  cette  extrémité.  Les  cho- 
ses demeurèrent  dans  cet  état  jusqu'au  six  de  Mai, 
où  le  grand-visir  envoya  de  nouveau  chercher  les 
drogmans  de  l'ambassadeur,  pour  lui  demander  s'il 
ne  voulait  rien  ajouter  aux  présens  qu'il  avait  pro- 
mis, lui  accordant  deux  jours  pour  se  décider. 
Guillerargues  fit  paraître  la  même  fermeté.  Le 
grand-visir  ayant  enfin  dit  à  ses  drogmans  qu'il  l'en- 
verrait chercher  pour  lui  apprendre  lui  même  ses 
dernières  résolutions,  Guillerargues  leur  déclara, 
qu'il  ne  voulait  point  lui  parler  debout ,  ainsi  qu'il 
l'avait  fiait  dans  l'afiaire  de  Chio,  et  souffrirait  plutôt 
la  mort  que  de  consentir  à  prendre  place  au  bas 
du  sopha. 

L'ambassadeur  se  rendit  avec  ses  trois  drogmans 
chez  le  Jciaia^  avec  lequel  étaient  le  reis-effendi  et  le 
chiaoux-  bachi.  Le  hiaia  voulut  l'ébranler  par  de 
nouvelles  menaces,  et  lui  faire  sentir  que,  même 
conformément  à  son  billet,  il  s'était  engagé  à  faire 
un   présent  qui  fût  agréable   au    grand -seigneur. 


APPENDICE.  433 

L'ambassadeur  répondit  qu'il  entendaitle  mot  agréa- 
ble dans  un  sens  différent  de  ce  qu'on  l'entendait  à 
la  Porte;  que  ce  qu'il  avait  promis,  devait  être  com- 
posé de  choses  que  sa  Hautesse  agréerait  comme 
belles,  rares  et  curieuses,  et  non  comme  riches  et 
d'un  prix  extraordinaire  3  et  qu'un  gentilhonmie  ne 
pouvait  point  avoir  assez  de  présomption  pour  croire 
qu'auciln  présent  offert  par  lui ,  pût  être  digne  d'un 
empereur  tel  que  le  grand- seigneur;  qu'il  n'avait 
point  fait  part  de  son  engagement  à  sa  cour;  et  que 
si  elle  était  instruite  des  propositions  qu'on  lui  fai- 
sait, elle  pourrait  en  témoigner  sa  juste  indignation* 
Le  iiaia  alla  rendre  compte  plusieurs  fois  de  l'in- 
ébranlable fermeté  de  l'ambassadeur,  et  surtout  de 
sa  résolution  de  ne  plus  sortir  des  sept-tours,  une 
fois  qu'il  y  serait  entré,  sans  un  ordre  de  sa  cour. 
Cela  fit  changer  le  dessein  qu'on  avait  formé  de  le 
conduire  aux  sept-toiirs,  quoique  toutes  les  mesures 
eussent  été  prises  pour  cela.  Le  kiaia  revint  alors  à 
Guillerargues,  et  dans  les  termes  les  plus  honnêtes, 
lui  demanda  im  diamant  du  prix  de  50,000  livres  pour 
sa  Hautesse;  le  reis-effendi  qui  se  joignit  à  lui,  ne  fut 
pas  plus  heureux.  Us  se  retirèrent,  et  le  hiala^  après 
une  conférence  d'une  demi -heure  avec  le  grand- 
visir,  revint  et  réduisit  le  diamant  à  dix  mille  écus: 
il  eut  le  même  refus,  et  ayant  encore  diminué  ce 
prix  de  moitié ,  il  n'obtint  cependant  rien.  Alors  il 
dit  aux  drogmans  qu'ils  se  jetassent  aux  pieds  de 
l'ambassadeur,  et  lui  baisassent  le  bas  de  son  habit, 
en  hiî  faisant  connaître  que  s'il  refusait  ce  diamant, 
il  fallait  qu'eux-mêmes,  comme  sujets  de  la  Porte, 
engageassent  tout  ce  qu'ils  avaient  pour  le  donner. 
II.  28 


434  APPENDICE. 

Guillerargues  surpris  de  la  bassesse  de  Pexpedient,  se 
leva  avec  mépris,  et  se  retira  dans  son  appartement 
sans  rien  répondre.  Cette  conduite  de  l'ambassa- 
deur frappa  d'étonnement  tous  les  assistans,  d'autant 
plus  que  tout  le  monde  était  persuadé  qu'il  allait  être 
conduit  aux  sept-tours;  ce  qui  semblait  confirmé 
par  l'arrivée  de  Taga  des  janissaires  avec  quatre  cents 
soldats. 

Deux  jours  après  cette  singulière  conférence, 
Hussein-Âgay  grand-douanier,  vint  trouver  Guil- 
lerargues, pour  examiner,  suivant  la   coutume,  le 
présent  destiné  au  grand-seigneur  et  au  grand-visir. 
L'ambassadeur  lui  dit  qu'il  manquait  quelques  pier- 
reries à  son  présent ,  et  que  ne  se  connaissant  point 
assez  en  diamans  pour  les  bien  choisir,    il  le  priait 
de  vouloir  bien  les  acheter,  et  d'avancer  pour  quel- 
qties  mois  l'argent  nécessaire.   Hussein-uàga  répon- 
dit qu'il  ne  pouvait  rien  lui  refuser,  et  en  effet,  il 
vint  quelques  jours  après,  avec  les  pierreries.  Guil- 
lerargues fit  servir  une  collation  où  il  y  avait  des 
fraises  qu'il  faisait  venir  dans  son  jardin.     Ce  fruit 
que  le  grand  douanier  ne  connaissait  pas,   lui  pint 
beaucoup  et  il  lui  en  demanda  un  plat  pour  le  grand- 
seigneur,  qui  ne  le  connaissait  pas  non  plus. 

Guillerargues  manifesta  au  grand-douanier  son 
désir  que  son  présent  fût  porté  par  les  personnes  de 
sa  maison;  nouveauté  qui  fut  accordée  quoiqu'elle 
chocquât  les  usages  de  la  Porte.  Enfin  le  présent  de 
l'ambassadeur,  qui  d'abord  avait  été  porté  chez  le 
grand-visir,  fut  offert  à  sa  Hautesse.  Après  son  dî- 
ner, on  fit  avancer  les  gens  de  l'ambassadeur.  Son 
chancelier,  son  secrétaire,   un  négociant,   les  trois 


ir< 


APPENDICE.  435 

drogmans  de  la  Porte,  et  dix  valets  prirent  chacun 
une  partie  des  présens,  et  les  présentèrent  au  sultan, 
qui  était  assis  sur  une  espèce  de  trône,  entouré  de 
son  fils  et  de  ses  principaux  ofiGlciers.  Le  présent^ 
objet  d'une  si  longue  et  si  vive  discussion,  consistait 
dans  une  petite  boîte  pleine  de  pierreries,  deux  fau- 
teuils artistement  travaillés,  un  grand  miroir  de  Ve- 
nise orné  de  moulures  d'argent,  cinq  pendules,  un 
tapis  des  Gobelins,  et  plusieurs  pièces  de  drap^  de 
satin,  de  velours  et  de  brocart  de  Venise. 

Quelques  jours  après,  le  kiaia  vint  déclarer  à 
l'ambassadeur  en  lui  remettant  le  billet  par  lequel  il 
avait  promis  quelques  raretés  de  France,  que  son 
présent  avait  été  agréable  à  sa  Hautesse.  La  con- 
duite courageuse  de  l'ambassadeur  donna  une  si  haute 
idée  de  la  puissance  et  delà  dignité  du  roi  de  France, 
que  le  grand-seigneur  voulut  avoir  son  portrait 

La  contestation  au  sujet  du  sopha,  après  avoir 
duré  cinq  ans  entre  le  grand-visir  et  l'ambassadeur 
de  France ,  fut  accommodée  à  la  satisfaction  de  la 
France,  au  voyage  de  M,  de  Guillerargues  à  Andri- 
nople  en  1684. 

Cet  ambassadeur,  conduit  à  l'audience  du  grand- 
visir,  se  plaça  sur  le  sopha  qui  était  disposé  comme 
il  avait  demandé,^  et  s'entretint  avec  le  grand- visir 
d'objets  divers.  A  la  fin  de  cette  conversation ,  le 
Teschifrat-Emini,  ou  maître  des  cérémonies,  pré- 
senta une  réquête  pour  demander  qu'on  fît  l'insertion 
de  cette  distinction  dans  les  archives  de  l'empire, 
comme  n'ayant  jamais  été  pratiquée,  criant  même 
tout  haut  qu'il  fallait  brûler  l'ancien  livre  du  céré- 
monial. 


t^r%  iÉ> 


436  APPENDICE. 

Guillerargues  eut  audience  du  grand-seigneur  le 
26  de  Novembre,  et  le  harangua.  Le  sultan  Im 
parla  deux  fois ,  ce  qui  est  une  faveur  particulière; 
car  il  se  contente  d'entendre  les  ambassadeurs,  et  de 
leur  répondre  par  un  signe  de  tête.  Voyez,  de  Flas- 
SAN,  Hist.  de  la  dipL  française ,  T.  IV,  Liv.  IV. 


Contestation  élevée  en  1 682 j  pour  le  céréfnonial  de 
tambassenleur  de  Fra/nce  en  Suède. 

Bazin,  ambassadeur  de  France,  arriva  à  Stock- 
holm le  18  de  Juillet  1682,  et  ne  témoigna  aucun 
empressement  de  faire  sa  cour  au  roi  de  Suède,  quoi- 
que ce  prince  lui  eût  permis,  sur  la  prière  que  lui  en 
avait  faite  le  marquis  de  Feuquières,  qu'il  venait  de 
remplacer  dans  cette  cour,  de  le  voir  incognito^  en 
attendant  qu'il  pût  avoir  son  audience  publique. 

Dans  le  premier  entretien  que  Bazin  eut  avec  le 
chancelier  comte  Oxenstierna,  le  discours  tomba  sur 
la  conduite  qu'on  avait  tenue  envers  Feuquières,  au 
sujet  de  son  audience  de  congé,  dont  le  cérémonial 
avait  été  restreint.  Le  comte  Oxeïistierna  dit  à  ce 
sujet,  que  l'usage  d'envoyer  deux  sénateurs  au-devant 
des  ambassadeurs  des  iêtes  couronnées,  était  du 
nombre  des  abus  introduits  pendant  la  minorité  du 
roi  de  Suède,  et  que  ce  prince  était  résolu  d'abolir; 
ne  jugeant  point  à  propos  de  rendre  plus  d'honneurs 
aux  ambassadeurs  des  têtes  couronnées,  que  les  siens 
n'en  recevaient  dans  leurs  cours;  et  qu'ainsi,  comme 
on  n'envoyait  en  France  au-devant  d'eux  qu'un  duc 


APPENDICE.  437 

et  pair,  ou  un  maréchal  de  France,  il  croyait  rendre 
un  pareil  honneur,  en  envoyant  un  sénateur  qui  oc- 
cupait le  poste  le  plus  considérable  de  son  état;  il 
ajoutait  que  ce  règlement  ayant  été  observé  à  Tégard 
du  dernier  ambassadeur  de  Danemark ,  il  n'y  avait 
pas  lieu  d'y  rien  changer. 

Bazin  répondit  qu^il  était  difiScile  d'établir, 
une  parité  de  rang  entre  un  duc  et  pair  et  un 
sénateur,  leurs  fonctions  et  leurs  emplois  étant 
très-différens ;  que  de  plus,  les  ambassadeurs  du 
roi  son  maître  étant  en  possession  de  recevoir 
des  honneurs,  on  ne  pouvait  les  diminuer  sans 
lui  faire  injure  ;  que  le  changement  introduit  à  l'oc- 
casion du  refus  fait  il  y  avait  deux  ans  en  Dane- 
mark, d'envoyer  deux  conseillers  du  conseil  privé 
au-devant  de  l'ambassadeur  de  Suède,  changement 
qui  avait  donné  lieu  au  règlement  qu'on  avait  fait  en 
Suède,  ne  pouvait  tirer  à  conséquence  pour  les  am- 
bassadeurs de  France,  puisque  S.  M.  Très- Chrétienne 
n'avait  rien  changé  aux  honneurs  qu'elle  faisait  ren- 
dre aux  ambassadeurs  de  Suède.  Le  comte  Oxen- 
stiema  persista  à  dire  que  le  roi  de  Suède  ne  chan- 
gerait rien  à  ses  résolutions.  Ce  monarque  donna 
toutefois  le  13  de  Mai,  à  Bazin  une  audience  parti- 
culière, dans  laquelle  il  l'accueillit  avec  bienveillance, 
et  l'ambassadeur  lui  ayant  demandé  la  permission  de 
pouvoir,  avant  son  audience  de  cérémonie,  se  réunir 
aux  personnes  de  la  cour  qu'elle  daignait  accueillir,  le 
monarque  lui  répondit  qu'il  seraitbîen  aise  de  le  voir, 

La  cour  de  France,  consultée  par  l'ambassadeur 
sur  la  conduite  qu'il  avait  à  tenir  à  l'occasion  du 
changement  de  cérémonial,  décida  d'abord:  „que  les 


438  APPENDICE. 

^deux  derniers  ambassadeurs  de  France  en  Suè- 
,,de,  n'ayant  point  fait  d'entrée  ^  parc^eque  parim 
,,demier  règlement  il  avait  été  arrêté  qu'on  n'en- 
„verrait  plus  de  sénateurs  au-devant  d'eux ,  et  qrfon 
,,ne  les  traiterait  plus  pendant  les  trois  jours  entre 
,,celui  de  l'entrée  et  celui  de  l'audience  j  le  roi 
9,ne  voulait  point  que  le  sieur  Bazin  fît  d'entrée 
,,publique." 

A  l'égard  de  la  difiGlculté  qu'on  faifsait  de  donner 
à  cet  ambassadeur  deux  sénateurs  pour  le  conduire 
à  son  audience  de  cérémonie,  le  roi  jugea  que,  quoi- 
qu'on alléguât  que,  sous  le  feu  roi  de  Suède,  les 
ambassadeurs  de  France  n'avaient  été  conduits  à  Pau- 
dience  que  par  un  sénateur,  il  suffisait  que  les  deux 
derniers  eussent  été  conduits  par  deux  sénateurs, 
pour  exiger  le  même  traitement,  et  ne  point  s'en  re- 
lâcher; mais  qu'il  était  facile  de  détruire  la  compa- 
raison faite  entre  un  sénateur,  qui  n'avait  plus  même 
de  fonctions  depuis  la  suppression  du  sénat,  avec  les 
ducs  et  pairs,  premiers  dignitaires  de  France,  et  les 
princes  qui  accompagnaient  ordinairement  les  am- 
bassadeurs de  Suède;'  qu'enfin,  comme  toutes  ces 
sortes  de  contestations  devaient  se  traiter  par  l'usage, 
le  roi  ne  voulait  pas  que  Bazin  entrât  dans  une  con- 
testation sur  une  chicane  que  la  mauvaise  disposi- 
tion  de  la  Suéde  avait  formée  ;  son  intention  étant, 
que  si  l'on  persistait  à  lui  retrancher  la  jnoindre 
partie  des  honneurs  qui  avaient  été  accordés  à  ses 
prédécesseurs,  il  revînt  incessamment  en  France 
sans  attendre  aucun  nouvel  ordre  ;  celui-ci  lui  de- 
vant servir  de  congé. 

La  cour  de  Suède  ne  voulut  rien  changer  à  son 


APPENDICE.  439 

règlement,  sous  prétexte  qu'il  avait  été  communiqué 
à  toutes  les  cours. 

Ba2dn  se  bornia  alors  à  demander  une  audience 
particulière  du  roi  ;  mais  ce  prince  la  lui  refusa  for- 
mellement y  pour  avoir  dit  des  paroles  dures  à  son 
premier  ministre,  le  comte  Oxenstiema.  Bazin  par- 
tit de  Stockholm  le  27  de  Septembre,  laissant  en 
Suède  son  secrétaire,  afin  de  donner  avis  au  roi  de 
tout  ce  qui  s*y  passerait.     Voyez,  ibid. 


Satisfaction  donné  en  1699,  au  marquis  de  Vil- 
lars,  enrobé  ea:traordinaire  de  France  à  la  cour 
de  Vienne. 

Sur  la  fin  du  dernier  siècle ,  le  marquis  de  Vil- 
lars,  depuis  maréchal  de  France ,  était  envoyé  ex- 
traordinaire à  Vienne  auprès  de  l'empereur  Léopold. 
A  cause  de  quelques  difficultés  de  cérémonial,  il  n'a- 
vait point  vu  l'archiduc,  depuis  empereur,  sous  le 
nom  de  Charles  VI.  H  y  eût  bal  dans  une  salle  fort 
élevée  de  Pappartement  destiné  aux  impératrices 
douairières,  dont  une  partie  était  occupée  par  Parchi- 
duc.  C'était  le  seul  endroit  propre  à  ce  divertisse- 
ment, et  celui  où  en  effet  on  donnait  d'ordinaire  le 
bal.     L'envoyé  de  France  s'y  présenta. 

Le  prince  de  Lichtenstein ,  gouverneur  de  l'ar- 
chiduc, ne  l'eut  pas  plutôt  apperçu,  quil  alla  à  lui 
et  lui  dit  d'un  air  très-brusque:  qu'il  était  bien  ex- 
traordinaire ,  que  n'ayant  point  vu  l'archiduc,  il  vou- 
lût voir  la  fête  ;  et  qu'il  le  priait  de  se  retirer.  Vil- 
lars  lui  répondit  :  „que  toutes  les  apparences  étaient 


440  APPENDICE. 

>9,qu'il  était  chez  Fempereur  et  dans  un  lîeu  de  peu 
„de  cérémonie,  puisqu'on  y  faisait  de  petits  soupers, 
9^que  révéque  de  Raab  soupait  dans  une  loge,  qiie 
„d'ailleurs  plusieurs  des  ministres  qui  étaient  placés 
„comme  simples  spectateiu*s  n'avaient  pas  pris  ait- 
„dience  de  Parchiduc  ;"  et  il  sortit.  Le  roi  ordonna 
à  M.  de  Yillars  de  ne  point  demander  une  audience  à 
l'empereur  pour  se  plaindre,  mais  de  parler  une 
seule  fois  au  ministre  des  affaires  étrangères ,  et  de 
hii  dire,  qu'il  avait  ordre  de  ne  pas  solliciter  de  ré- 
paration, le  roi  étant  dans  la  pensée  qu'elle  aurait 
été  faite  dans  le  moment;  qu'il  n'était  pas  de  sa 
dignité  d'attendre  qu'elle  se  fît  sur  ses  représenta- 
tions, puisque  l'insulte  avait  été  faite  en  présence  de 
l'empereur  ;  que  ses  pouvoirs  étaient  suspendus  jus- 
qu'à une  satisfaction  entière,  et  qu'il  avait  ordre  de 
ne  plus  mettre  le  pied  chez  l'empereur  ni  chez  aucun 
ministre.  La  satisfaction  qu'on  demandait  était,  que 
l'empereur  ordonnât  au  prince  Lichtenstein  d'aller 
chez  M.  de  Villars  l'assurer  du  sensible  déplaisir 
qu'il  avait  de  ce  qui  s'était  passé,  et  d'avoir  man- 
qué au  respect  dû  à  son  caractère.  L^étiquette 
rendait  difficile  la  réparation  demandée,  parce  que 
les  gouverneurs  des  archiducs  ne  quittaient  jamais 
les  princes ,  dont  l'éducation  leur  était  confiée,  qu'ils 
ne  rendent  aucune  visite,  et  qu'ils  ne  sortent  du  pa- 
lais qu'avec  leurs  élèves.  Le  prince  de  Lichtenstein 
publiait  hautement  qu'il  perdrait  la  tête  plutôt  que  de 
souffrir  qu'il  fût  dit  qu'un  prince  de  sa  maison  eût 
été  le  premier  gouverneur  qui  eût  violé  l'étiquette. 
L'empereur  fit  offrir  au  marquis  de  Villars,  que  le 
ministre  des  affaires  étrangères  irait  chez  lui  de  la 


APPENDICE.  441 

part  de  ce  prince,  témoigner  le  déplaisir  qu'il  avait 
de  ce  qui  s'était  passé.  Cette  satisfaction  paraissait 
à  Penvoyé  plus  grande  que  l'autre ,  mais  ses  ordres 
étaient  précis ,  et  il  ne  dépendait  pas  de  lui  de  les 
changer.  Le  satisfaction  fut  faite  telle  qu'elle  avait 
été  désirée  par  la  cour  de  France.  Voyez,  Mémoires 
deYiXji'ARs;  et  Histoire  du  règne  de  Louis  XIV ^ 
par  Reboulet,  dans  Tannée  1699. 


Difficulté  survenue  en  17 00 j  au  sujet  de  f  étiquette 
de  l'ambassadeur  de  France  à  Constantinople. 

Charles  de  Fériol,  marquis  d'Argenthal,  succes- 
seur de  M.  de  Châteauneuf,  ambassadeur  de  France 
près  la  Porte,  arriva  à  Constantinople ,  en  Décem- 
bre 1699-  Son  audience  du  grand-seigneur  ayant 
été  fixée  au  5  de  Janvier  1700,  il  se  rendit  au  sérail, 
où  quarante  caffetané  furent  distribués  à  lui  et  à  sa 
suite.  Il  était  sur  le  point  de  paraître  devant  le 
grand -seigneur,  lorsque  le  chiaoux-bachi  s'étant 
apperçu  qu'il  portait  une  épée,  lui  fit  dire  par 
Mauro  -  Cordato ,  premier  interprète  de  la  Porte, 
qu'il  ne  pouvait  être  introduit  avec  des  armes.  L'am- 
bassadeur répondit  qu'il  était  surpris  de  la  difficulté 
qu'on  lui  faisait,  attendu  que  son  prédécesseur  dans 
le  rapport  écrit  qu'il  avait  laissç  de  son  ambassade, 
avait  été  admis  avec  l'épée  à  l'audience  du  grand- 
seigneur.  Mauro  -  Cordato  assura  que  M.  de  Châ- 
teauneuf avait  déguisé  la  vérité.  Fériol  répliqua,  que 
son  prédécesseur  était  un  homme,  d'honneur  et  inca- 
pable d'en  imposer.     Alors  le  grand -visir  crut  ter- 


442  APPENDICE. 

miner  ce  débat  en  envoyant  à  Fériol^  six  des  andens 
Capiggisj  pour  rendre  témoignage  que  le  port  d'ar- 
mes n'avait  jamais  été  usité  par  aucun  ambassadeur, 
et  lui  représenter  que  le  grand  -  visir  lui-même ,  et 
faga  des  janissaires  ne  portaient  point  d'armes  dans 
le  sérail  (^). 

L'ambassadeur  répondit  que  le  grand -visir  et 
Fagadea  janissaires  étaient  sujets  du  grand-seigneur; 
que  ces  lois  étaient  faites  pour  eux  ;  mais  que  pour 
lui  il  ne  quitterait  les  armes  qu'avec  la  vie. 

Le  grand-visîr,  fit  dire  à  l'ambassadeur ,  que  le 
grand  -  seigneur  écrirait  au  roi,  pour  le  disculper 
d'avoir  paru  devant  lui  sans  épée,  et  on  lui  proposa 
de  lui  donner  une  déclaration  de  tous  les  grands  oflt- 
ciers  de  l'empire ,  pour  l'assurer  que  jamais  aucun 
ambassadeur,  ne  verrait  le  grand-seigneur  avec  son 
épée,  pas  même  celui  de  l'empereur;  mais  Féiiol 
demeura  inébranlable.  Mauro-Cordato  dit  à  l'am- 
bassadeur de  prendre  conseil  des  officiers  français 
qui  étaient  présens  j  à  quoi  il  répliqua^  qu'il  était  lui- 
même  l'interprète  des  ordres  de  S.  M.  sur  ce  qui  in- 
téressait sa  gloire,    ofirant  d'entrer  dans  le    divan 


(1)  Cet  usage  fut  introduit  a  la  suite  de  Pëvënement  suivant 
En  1492,  un  derviche  (chef  des  Chiaoux)  s'etant  approche  de  Baja- 
3Bet  II,  sous  prétexte  de  lui  demander  l'aumône,  tira  nn  hangiar 
(petit  poignard  que  les  turcs  et  surtout  les  janissaires  portent  a  leur 
ceinture  )  et  en  blessa  le  sultan  pendant  que  ce  prince  mettait  la 
main  à  la  poche  pour  assister  le  malheureux*  La  blessure  fut  1^ 
gère,  et  le  derviche  tue'  sur  le  champ  par  la  garde.  Bajazet  or- 
donna depuis  lors,  que  nul  étranger  ne  pourrait  dans  la  suite  appro- 
cher le  grand-seigneur  sans  être  désarme  et  que  des  oHiciers  du  pa- 
lais ne  lui  tinssent  les  bras  et  les  mains. 


AFFElfDICE.  443 

pour  expliquer  lui-même  ses  motifs,  ce  que  le  grand- 
yisir  refusa. 

Mauro-Cordato  dit  à  Fériol  que  cette  journée 
pourrait  être  signalée  par  quelque  malheur  s'il  s'ob- 
stinait à  vouloir  porter  ses  armes  à  l'audience,  „Tant 
,,pis  pour  le  plus  faible,"  répondit  Fériol ,  ,,mais  je 
^^déshonorerais  le  roi  mon  maître ,  si  je  quittais  mon 

*     '     ce 

^epee." 

Les  officiers  turcs  qui  présidaient  aux  audiences, 
voyant  l'obstination  de  l'ambassadeur,  feignirent 
dç  consentir  à  l'introduire  chez  le  grand-seigneur 
avec  son  épée.  Le  maître  des  cérémonies  le  vint 
prendre  comme  si  l'affaire  eût  été  accommodée ,  et 
ne  le  laissant  suivre  que  des  quatre  capitaines  de 
vaisseau  qui  étaient  avec  lui,  de  son  premier  secré- 
taire et  de  deux  officier^,  deux  capiggis  le  prirent 
par-dessous  les  bras,  comme  cela  s'observe  quand 
on  paraît  devant  le  grand-seigneur.  Cependant  un 
autre  capiggi  s'approcha  de  l'ambassadeur  pour  lui 
ôtersonépée;  Fériol  le  repoussa  vivement,  ets'é- 
tant  dégagé  de  ceux  qui  le  tenaient,  il  mit  la  main 
sur  la  garde  de  son  épée;  et  demanda  avec  fierté  à 
Mauro-Cordato,  s'il  était  parmi  des  ennemis,  et  si 
l'on  traitait  ainsi  l'ambassadeur  de  France. 

Le  chef  des  eunuques  blancs  sortit  de  l'apparte- 
ment du  grand -seigneur,  et  interpella  Fériol  de 
déclarer  s'il  voulait  l'audience  à  condition  de  déposer 
son  épée.  L'ambassadeur  rejeta  cette  offre,  et  se 
retira  en  rendaift  les  caffetans  dont  lui  et  sa  suite 
avaient  été  revêtus ,  et  en  faisant  reprendre  les  pré- 
sens   destinés    au   grand-seigneur.     Voyez,    Hist. 


444  APPEKDICfi. 

gén*   de    la   dipL  française  par   i>s    Fjuassak, 
T.IV.Liv.V.(*). 


Contestation  qui  eut  lieu  en  1703 ,  entre  fambêt- 
sadeur  de  France  et  le  grandr^oisir. 

L'ambassadeur  de  France  près  la  Porte ,  Fériol, 
ayant  reçu  la  nouvelle  de  la  naissance  du  due  de 
Bretagne,  fils  aîné  du  duc  de  Bourgogne,  crut  deyinr 
célébrer  cet  événement  avec  éclat.  Il  donna  une 
fête  pompeuse  qui  fut  terminée  par  une  illumination 
brillante.  Le  grand-visir,  soit  pour  mortifier  les 
Français  qu'il  n'aimait  point,  soit  qu'il  craignît  qu'il 
n'arrivât  un  incendie,  chose  fréquente  à  Constantino- 
pie,  envoya  dire  à  Fériol,  par  un  capiggiy  qu'il 
eût  à  éteindre  son  illumination.  L'ambassadeur  ré- 
pondit que,  célébrant  la  naissance  de  l'héritier  pré- 
somptif de  la  couronne  de  France,  il  ne  pouvait  pas 
trop  manifester  sa  joie  et  celle  de  sa  nation,  qu'au 
reste,  il  n'avait  d'ordre  à  recevoir  que  du  roi  son 
maître,  et  qu'il  était  étonné  que  le  ministre  d'une 
autre  puissance  osât  lui  en  envoyer. 


(1)  Fëriol  se  plaisait  à  braver  les  usages  de  la  cour  ottomane, 
chez  laquelle  pourtant  les  usages  sont  des  lois.  La  gondole  qui 
sert  à  la  promenade  du  grand-seigneur  sur  la  mer ,  a  une  impériale 
de  soie,  couleur  de  pourpre,  doublée  en  drap  d*or,  et  supporte  par 
quatre  colonnes  dorëes.  Il  n'est  permis  â  personne  de  de'corer  la 
sienne  de  cette  manière.  Fériol  se  fit  faire  une  gondole  toute 
semblable.  En  vain  ses  amis  lui  représentèrent  que  le  sultan  en 
serait  blesse;  il  ne  fit  qu'en  rire,  jura  qu'il  ne  viendrait  jamais  à 
Gonstantiuople  dans   une  gondole  difiércuto>  et  tint  parole. 


APPENDICE.  445 

Sur  ce  refus,  nouveau  message  du  grand-visir ; 
même  réponse  de  la  part  de  Fériol.  Enfin  le 
grand-vîsir cnyoya.\f; capigi-bachi  avec  plusieurs  des 
siens  pour  réitérer  ses  ordres,  et  déclarer  à  l'am- 
bassadeur, que  s'il  n'obéissait  pas  sur  l'Iieure,  on  fe- 
rait entrer  des  janissaires  dans  le  palais  de  France, 
pour  éteindre  l'illumination  malgré  lui.  Le  capigi- 
hachi  avec  une  escorte  considérable  exécuta  sa  com- 
mission, quoique  avec  beaucoup  de  ménagement 
„Soyez  les  bien -venus,"  dit  Fériol  à  lui  et  à  sa 
suite,  „vous  prendrez  part  à  notre  joie;  je  vais  vous 
„conduire  moi-même  partout,  et  vous  connaîtrez 
„bientot  que  les  alarmes  du  grand- vîsir  ne  sont  pas 
„fondées.  Une  illumination  ne  peut  embraser  un 
„édifiee  de  pierres,  et  mon  palais  est  loin  de  toutes 
„les  maisons  de  bois  du  fauxbourg." 

Aussitôt  Fériol  iit  fermer  toutes  les  portes ,  et 
mettre  sous  les  armes  tous  les  Français  qui  étaient 
chez  lui,  au  nombre  de  cinq  cents,  pour  faire  voir, 
disait-il  au  capigij  combien  ils  avaient  bonne  grâce 
suus  les  armes.  Fériol  s'étant  approche  des  am- 
bassadeurs étrangers,  il  leur  dit,  qu'il  les  avait  invi- 
tés pour  qu'ils  honorassent  sa  nation  en  partageant 
ses  plaisirs;  mais  qu'il  n'était  ni  convenable  ni  juste 
de  leur  faire  partager  les  dangers  que  cette  circons- 
tance pouvait  amener;  qu'ainsi  il  priait  leurs  excel- 
lences de  se  retirer.  Les  ministres  étrangers  se  ren- 
dirent avec  peine  à  cette  invitation,  qui  avait  pour  , 
but  de  ne  pas  compromettre  leur  caractère  dans  une 
querelle  personnelle  à  l'ambassadeur  de  France. 
Lorsqu'ils  furent  partis,  Fériol  voulant  intimider  le 
capigij  lit  faire  à  ceux  qui  étaient  s