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<'^^-
:^i^
«r/t.'-;5v;^};;;
I
CAUSES CÉLÈBRES
DU
DROIT DES GENS.
-h-
TOME SECOND.
■4
\ *.
CAUSES CÉLÈBRES
D U
DROIT DES GENS,
RÉDIGÉES
PAR
LE BARON CHARLES de MARTENS.
TOME SECOND.
A LEIPZIG,
CHEZ F. A. BROCKHAUS.
À PARIS,
cHRz PONTHIBU <t C«.
V1I.1II SOVIL, SAIiBSIC DB Mit.
18 2 7.
4^>
TABLE DES MATIERES
CONTENUES DANS CE VOI.UMB.
CAUSB PREMIÈRE.
Différend survenu en 1752, entre la Grande-Bretagne et la
Prnsse, au sojet dea prises faites p^ les armateurs anglais
pendant la guerre maritime de 1744 à 1748, et de l'arrêt
mis par 3. M. Prussienne, à titre de représailles, sur det
capitaux hypothèques sur la Sil^sie au profit de quelques
^ nëgocians anglais ••••••• ••••• 1
CAUSE DEUXIÈME.
Dlfficultd d*^tiquette survenue en 1762, entre la cour de France
et celle de Russie, au sujet du titre d'impérial ••••••••• 89
CAUSE TROISIÈME.
Refus de passeport donne en 177^2, par le ministère de France,
au baron de Wrech, ministre de Hesse-Cassel â Paris, pour
n'avoir point satisfait ses créanciers 110
CAUSE QUATRIÈME.
Différends survenus en 1776, entre le Danemark, l'Angleterre
et la Hollande, au sujet du commerce avec le Groenlande . • • 122
CAUSE CINQUIÈME.
Différends survenus dans les années 1777 âl785, entre la républi-
que de Venise et celle d'Hollande, au sujet des plaintes por-
tées par des négocians d'Amsterdam , contre M« Gavalli , mi-
nistre vénitien près la cour de Naples ••.'•• 142
CAUSE SIXIÈME.
Représailles exercées en 1782, par le général Washington, pen-
dant la guerre d'Amérique ; et intercession du comte de Ver-
VI TABLE DES MATIÈRES.
gennes, ministre des affaires étrangères de Louis XYI, en fa-
veur da capitaine anglais Asgill 169
CAUSE SEPTIÈME.
Différend survenu en 1782) entre les cours d'Espagne et de Dane-
mark, au sujet de la corvette le St. Jsijr, conduite à Cadix,
comme suspecte d'avoir abuse du pavillon militaire 183
CAUSE HUITIÈME.
Différends survenus en 178S et 1784, entre l'Autriche et la répu-
blique des Provinces-Unies des Pays-Bas ^ au sujet des limites
de la Flandre, de la cession de Mastricht, de l'ouverture de
l'Escaut et du commerce aux Indes-Orientales « . 203
CAUSE NEUVIÈME.
Rupture entre les cours de Russie et de Suède, en 1788, à l'occa-
. sion du renvoi du comte Rasoumoffsky, ministre de Mmpëratrîce
Catherine II, de Stockholm ; et discussions qui s' élevèrent â la
suite de cette rupture, entre le Danemark et la Suède, au
sujet des troupes auxiliaires que S. M. Danoise, d'après les
traitf^s avec la Russie, était dans l'obligation de fournir â cette
puissance • • • • • r . • • • 275
CAUSE DIXIÈME.
Contestations qui s'âevèrent en 1793 , entre la cour de Dane-
mark et celle, de la Grande-Bretagne,, au sujet du commerce des
neutres, et de Padmission des armateurs français dans les ports
danoiS' ....•• • 332
APPENDICE.
I. Différends sur les immunités, les franchises et les privilèges
des agens diplomatiques 367
II. Insultes faites à des agens diplomatiques ou aux personnes de
leur suite, et satisfactions qui leur ont été données 391
III. Différends sur le cérémonial diplomatique 428
IV. Yiolences exercées contre des agens diplomatiques ou des
personnes de leur suite 461
. I
CAUSE PREMIÈRE.' '
9
' ... ... ..^
Différend wurvenu en 1752 entre k$ €franêe^
Bretagne et la Prusse^ au sujet dés prises
faites par les armateurs anglais pendant la
guerre maritime de 1744 «i 1748 > et de tarrêt
mis p€tr 8. M. Prussienne ^ à titre de repres^
sailleSy sur des c€ipitaux hypothéqués sur la
Silésie au profit de quelque négocians anglais.
JLjorsqtjb par le traité de Breslan, coiiclu le
11 Juin 1742, entre Marie -Thérèse, reine de Hon-
grie, et le roi de Prusse, cette province vînt à
être cédée à ce dernier, et garantie par la Grande-
Bretagne, Frédéric II s'engagea, par l'article VII,
jy à se charger seul du payement de la somme hy-
„pothéquée sur la Silésie aux marchands anglais,
,. selon le contrat signé avec eux le 7 Janvier
„ 1735 (*).'*
Cette stipulation fut confirmée plus tard par
Tart IX du traité signé à Berlin le 28 Juillet 1742^
(1) L'empereur Charles VI avait contracta en 1735 arec plusienra
Bëgocîans de Londres un engagement par leqnel ils lui fournirent
nne somme d'un million d'ëcus et pour le remboursement duquel il
leur hjpoth^ua lei rerenns de la liante et basse Silésie.
IL i
2 L APP. DBS CAPIT. HYP, SUR LA SIIiÉSIE,
et par l'art. II du traité de Dresde du 25 Décembre
1745.
La guerre ayant éclaté eu 1744 9 entre la
Grande-Bretagne d'une part, et la France et l'Es-
pagne de raulre9;le;|roi de Prusse pour assurer le
commerce de ses sujets , ordonna au baron Andrié,
sôte œiXIîstiA à la cow i^ Lpndres, de s'informer
auprès du ministère britannique
1) 9^ véMent, les pijncipes que le gouyer-*
nement anglais adopiteraât pendant la guerre , à
regard des ,TAissaaip^ neutres, et notamment à
l'égaird da oeux ap$arte>oant aux sujets de S. M.
2) qwîls tétaient les objets que le gouyemement
anglais considérait comme de contrebande.
M. Andrié par le post - scriptum ci-après de sa
dépêche du ;13 Mai transmit à S. M., la déclaration
yerbale^ que lord Carteret, secrétaire d'état pour
les affaires étrangères de S. M. Britannique, lui
ayait faite à ce sujet.
Post -scriptum de la dépêche de M, Andrié, minùtre de
S. M. Pruffienfe à la cour de Londres y adressé
au rot,
p. S. Londres , le 44 Mai 1744.
^ Conformément aux ordres de V. M. des 14 et
25 Avril dernier, concernant la liberté du pavillon de
V. M. dans la guerre présente, entre l'Angleterre et la
France, j'en ai parlé à diverses fois à lord Carteret
sur le pied que V. M. me l'avait ordonné, pour obte-
nir un ordre spécial et général de l'amirauté là-dessus:
ENTRE li A PRUSSE ET l/ANGIi, J EN f 752. 3
mais ce secrétaire d'état m^a déclaré, que pour nn tel
ordre' il était hors d'usage; qu'il pouvait me déclarer
au nom du roi son mahre, que le pauillon de p^, M.
serait respecté sur le même pied que Pétait celui dé
toutes les autres puissances alliées de P Angleterre'^
à ^exception des\ vaisseaux qui seraient trouvés por^
tant des munitions de guerre aux ennemis de PAngle^
terre; qu'à la vérité il y avait nn ancien conbcordat
particulier lâ-dessus entre les Anglais et less' Hollandais,
que l'on observait religieusement, mais que n'en ayant
point avec les autres puissances maritimes ailliéeè de
l'Angleterre, on se contentait d'en agir avec elles sut
le même p|ed qu'il venait de me le déclàjrer, et qu'il
ferait également la même déclaration aux ministres des
puissances maritimes du Nord, qui, comme nioi, avaient
fait la même demande.
Ut in humillima relations '^■'•'
Ai^bRiÊ.
• ■/.Il il
Cette déclaration verbale paraissài^t'3tiiJu£Ssante
au roi de Prusse, M. Andrîé fut de nouyéaii c^hargé
de demander au secrétaire d'état britapni|quç i|ncf
explication . plus précise et par écrit. Ili.ne put
cependant l'obtenir, ainsi qu'on le voit par le post-^
scriptum suivant de la dépêche du 29 Mai, que ce
ministre adressa à S. M. Prussîeûnç.'
. ■ • .1 '
N«- n.
Post- scriptum de la dépèche de M. Andriéy adreaée à
S. M. Prussieime.
Londres, le ~^ 1744.
Jr. o.
J'ai reçu aussi par la poste d'hier Té irescrît de
y. M« touchant la libierté de son'i^aviHony' et les m«r^
1*
4( L A?P/ JPIJ? fiATlT. KYP. «UR LA SIIiésiE,
chandises^. qui pourraient être considérées comme de
contrebande^ pendant la guerre présente.
Outr<ç ce qu,e j'eus l'Iionneur de mander à Y. M. par
mon po^t'-'^criptum du 20 du mois dernier sur cette ma-
tière, j'en ai içncore parlé ce matin à lord Garteret, confor-
mément ^ux ordres ci -dessus de Y. M., qui m'a déclaré
que les bois et autres matériaux qui servent à la cons-
truction des. vaisseaux, cordages, voiles, chanvres ^ lin^
goudron, n'étaient nullement réputés comme articles de
contrebande, (pjte les vaUaeaux des sujets de V» M. et
sonpavUlon, seraient exactement respectés de la part^
de V Angleterre, et que l'on n'entendait point les trou-
bler ei^ quoi que ce soit dans leur commerce, pourvd
qu'ils^ .^e fussent pas trouvés portant des munitions
de guerre a^^.. ennemis de l'Angleterre, spécificées
dans tous les traités entre les puissances maritimes,
ou des munitions de bouche dans une place qui pour^
rait étf^^fissiégée ou bloquée par les Anglais; que d'ail-
leurs la liberté du commerce, pour les puissances
nputref^^ ^}^tM même et sur le même pied qu'en temps
de paix, que c'était de cette façon qu'il s'hélait expliqué
avec les autres puissances neutres maritimes, comme la
Suède W le Danemark, et qu'il me le réitérait encore
înjpurd'hàî, en priant Y. M. d'être bien persuadée, que
Fint(^ûàn de l'Angleterre ne serait jamais de troubler
en quoi que ce fûti le commerce des sujets de Y. M.;
qu'il espérait enfin, que comme il n'était pas d'usage
en Angleterre de donner des déclarations par écrit
dans des circonstances pareilles, à aucune puissance
neutre, Y. M. serait satisfaite de celle qu'il venait de
me faire de bouche au nom du roi son mattre.
Vt iri humillima relatione
• Andrié.
En conaéquenjce de cette seconde déclaration
transmise pai; M. Andrié à son gouvernement^ le roi
ENTRE JjA PkUSSB ET li'AKGL. } '■ «K 1752i 5
dé Prusse, après avoir, fait examiner scrupuleuse-
ment les traités maritimes conclus entre l'Angle-
terre et d'autres puissances, dans lesquels éë trou-
vaient précisés, ainsi que lord Carteret Payait désigné,
tous les objets qui devaient être regardés comme
de, contrebande, ou comme marchandise libre, fit
prévenir ses sujets, par un rescrit en date du
qu'à l'exception des munitions dé gueriie^ ûs^-pon-
valent librement faire le commjeroe cônune en temps
de paix • ., .,..,., ;,. , ., . ,,•,...
. Pendant plus d'vaifi aimWtle» drviftj^^tt «gelais
n'entravèrent d'aucune manière le> ooMmeroe des
sujets ptussiens. Ce île fot qùe^'lc*«j(5ffté ^eux-ei,
qui jusque là n'avïueni'fai^.fe'' comih'èihiJB que sur
leurs propres vaisseaux et pour leiu* proj^re compte,
commencèrent vers la fin .de 1745^ ; pi. charger de»
cargaisons entières sur .leurs taisieanx;': pour le
compté des Français, it^dis qu'ils se servaient de
vaisseatiX neutres d'autres ' nations poui^' tratisporter
letirs prop]^ès marchandises, que plusiei^s b&timens
piriissiens chargés de planches pour le compte de
la France, fiirent arrêtés et conduits dficas. les. port^k
de rAi9glet?rrf , ou ils ; furent jugés et condamnés
par les tribunaux. Sur lés représentations que M.
Mîchell, secrétaire d'âtliba^ade de Prusse,, ayant
rçmpilacé M. Andrîé à là cour de Londrea, fit en
1747 au ministère britaniiique à ce suj[etj lôrd Ches-
terfîeld,.^ quj avait supc<ç;di* 4 lord Carteret dans,
la charge dîe secrétaire d'état, lui adressa la nota
ci-après^
■M .i
6 h rA^F. I9E3 CJLBIT4 HYP. 8U& LA SILisiE,
^* m.
Lettre ,^e Jorfl, Cheitei^el4%. fficrétaire d*^tat de S. M.
Britannique .pour le$ ^ffîairei étrangère» j adreuée à
M. MicheiL êecrétaire d^ambofêade de Prune à la
cour de Lindrei.'
• I • •»,,-.
..k
'>}. ï
WhîtehiOI, le 5. Janv. 174J.
Mo]i0iei||:^^a](ant eu .^'h^imcw àç receroir les ordres
du roi sur ce gui a formé le sujet du mémoire que
TOUS m avez remis du 8 de ce; mois n. s., je nai pas
voulu tarder à vous informer, que S. M. pour ne rien
omettto pài^ 4fr' elle plmt'tétilbigiier èes attentions envers
le roi ^notro» Mottre^f no liak nulle difficulté • de déclarer^
^'elle i|> jm^Mfif ;^u,Vifiteapopi ni ne l'auta jamais, de
donner |e ^pin^i!ç ei^péçhemeiit à la navigation des
sujets pi*ussiens, tant c[u'ils auront soin d'exercer leur
Commerce dSme manière licite, et conformément â l'an-
cien usage étàBIi let reconnu par les puissances neutres.
Que S. M. Prn&ienne'îie peut pas ignorer, qu'il y
a des traités de. commerce qui subsistent actuellement
entre la Grande-Bretagne et certains états neutre^, et
qu'au moyen, des engagemens formellemept coi^tractés
e part et d'autre par ces mêmes traités, tout ce qui
regarde ' la manière ' d'exercer leur commerce récipro-
quement, a iété finalement Constaté et réglé.
Qu'en même temps - il ne parait point qu'aucun
traité de cette nature existe à présent, on a jamais
existé entre S. M. let le xoi df( Prusse $ mais que cela
n'a jamais epipêché, que \gs sujets prussiens n'ayent
été favorisés par l'Angleterre par rapport à leur navi-
gation, autant que \qs autres* nations neutres; et cela
étant, S. M. ne suppose pals, ' que l'idée du' roi votre
mattre «soit, d'exiger d'elle* des distinctions, encore
moins des préférences en faveur de ses sujets à cet
égard.
ENTBJB liA PAUSSS ST l/AlSGIjiyMN 17524 7
Que de plas, S* M. Pruscieonie est.;t|:op ^éclab^a
pour ne pas connaître qu'il y a des lois fixes çt .établies
dans ce gouvernement dont on ne peut point s'écarterl
Et que s^il arrivait que la piarine anglaise if^aVisât de
faire la moindre injustice atix sujets commerçâmes du roi
votre màttrèy il y a tm txibmiÀl ici, savoir^'là^ haute
càùr del*amirauté, à laquelle ils se trouviâit ien:droit'de
s^adresser^ et de porter leurs pkintea; jas^wéf i^V^^^^^i^^
on pareil ca^ qu'on leur y rencUa bonne jjistiçef^ Ifif. pron
cédés juridiques de ladite , cour étant et ayant été de
tout temps Iiors d^atteintêi et irréprc)cliai>lës : ' témoin^
nombre d'e'ïemples oi des vai^séaùi^) Aeiitfei^ 'pris
illicitement; "o&t été restitués avec frais ""eKV'dSlBfiâfiageif
aux propriétaires. *• ? /*ot o f
Voici, ce que le roi m'a 'Ordonné df.>lKoi^^r^ppi^drq
sur le coMena de votre mémoire; et S; ]VJIj., |ie^ «.f^uyai^
que se fLalter', qu'en . conséquence de ce. que, je. viens
d'avancer, il né restera plus rien k désirer au roi votre
m^é relatîvdâient à Tobjèt dont il est qiiébtioAl^ 'Et' lé
roi s^ên croit d'ànlant pla«r asdtiré^ qinl'>4sl( pè^Miadé
que S. M. Prussienne ne Tdodrak ri^ii deinàideto^<|«ii ;ii«
fût équitable.
Je suis avec bien de la ciOMsidération,
Monsieur,
' . ^ i '. yoûf« très ThiniiiUA^ït très-
' obéissant serviteur
Non iobstant' ces dédaratioiut poaîtiyeis ^ : jtotifir*^
mées par Ift; lettre ci-rdeJssUa, lés déprédatioM <les
ût^atetirs anglais non seiilemeiit continùêi^ëiit ôbmlnè
par lei passé^ mais elles augmentèrent tellement|^
qu'^à \ fin de Paniiée 1740,. ils ayaije^t pr^ d«-.
huit hatime«s prussiens et trente-troid danf9%>ué««
dois, hollandais et bambourgeoit^' imii»^ aieutres^
8 I: À^* BES cAPri^ HTP. sua la sUiisis,
frétés' ou €fn entier ou en partie par des sujets
prussiéiis.
Jusque là iPoccasion avait manqué au roi de
Prussç .,4^ Yfsnger ces injustices, dont il avait si
souvent; 'niais inutilement demandé et tenté la ré-
paratiàn:i itemiable; û s'en présenta une en 1751^
pat Péc^éanee du terme auquel devait être acquitté
le reste dés' céîjpitaux affectés sur la Silésie au profit
des négociais anglais ; et S. M. la saisit avec em-
presseinent^ pour indemniser ses sujets des pertes
et dommages qu'on leur avait fait essuyer.
Le roi, en conséquence de cette résolution,
nomma en- date du 7 Décembre 1751, une corn-
jinissiôn^^'fcoib la direction spéciale des quatre minis-
tres MM. de Podewils, de' Bismark, et de Fin-
kenstein, .Jpré^idée par le grand- chancelier du
rôyaump, le baron de Cocceji, pour juger entre
ses surjets lésés et les armateurs anglais.
N^ IV.
Beiéfii eommùi^rial de S, M, Pruatenne.
Noos Frédâîcy par la grâce de.Dîeu, roi de Prusse
etc. etc. etc. salut etc. Ayant résolu d'acquitter Tannée
procludne le» sieste des capitaux que la nation anglaise
avait sf^ai^cés fâ-devant sur Thypothèquéy de la Silésie,
Nous i^ sommes pas sans espérance , de trouver , dans
cette circonstance, roccasion de procurer une juste in-
demnisaUon à nos sujets lésés injustement dans la der-
nière gfiaérre'pâr les déprédations de la marine anglaise.
Étatft pour cet effet nécessaire avant toutes choses,
que cetto lésion et perte de nosdits sujets soient examinées
SNTRE liA FAUSSE ET li^ANOI^J EN 1752. 9
et déterminées selon là nature et les circonstances des
cas ^. et selon les règles du droit y Nous avons trouvé
ktoUy de vous charger de cette commission, vous, nos
conseillera privés de justice, de Furst et Bebmer, notre
conseiller privé des iBnances , Faescli , et notre conseiller
de commerce, Kuhn, par un eiSet de notre confiance
en votre intégrité, capacité et expérience. Et comme
nous^vons fait notifier la création de cette commission
à np^ sujets y îatéressés, par toutes nos chambres de
guerre et des domaines , Nous vous ordonnons gracieu-
seniçnf , -^'^^^c^^^i^P nosdits. .sujets, d'examiner avec atten-
tion. IçursplaintçA»- et nommément de vojus informer, de
^elle^ nature peuyent être les vaisseaux et effets pris sur
eux^ s'ils peuvent *êd'e' censés être dé contrebande ou non,
scion ^ lé droit dés gens', selon' robsei*vance reçue cintre
les états souverains ^^ surtout sdion la déclaration du mi*-
nistère britannique, >. faite à notre ministre Ândrié,. ci*
devai^t résident en Angleterre, ci-jpiçLte (elle se trouve
soi^s'lee N^*'l.et JJ\ Vous ne manquerez pas d*eii-
jomare à nos sujets, de justmer leurs prétentions par
des cômiaisfseïnens,' factures, par'^léul-s Ëvrcs de com-^
mejcjDç, .et^au^e^ dooumens semblables .usités en pareil
cas : de tenir un protocolle sépare çle chacune des liqui-
dations, "d^arrôter eïisuite un résultat de commun accord,
dé dîfcssèr en confoVinité une sentehée, et de nous'rà--
dresser en son teiil|>$ Avec les motifs de décision; votia
reooimniiaàLdant,' d?en, hâtek; le. plotAt possible l'arrêté^ j
avai}t ^^C; tienne cp^i, apprx^ohe, <»ii:ilwvent,être acquittées
leçdites spmnjLCs hypothéquées sur la Silésie. Gomme
notre intention en tout ceci est pure, et ne tend k autre
chose, qu'à procurer à nos sujets, lésés sans leur faute,
une. indemnisation juste et légale. Nous vous faisons sou-
venir de votre serment, prêté à nous et à la justice, de
ne favoriser personne de nos sujets mêmes , de procéder
à rexâmen dé leurs liquidations, avec toute la rigueur
et aVeo lit plus parfaite impartialité, et de ne rien aBso*
10 L AFFi DSa CAPIT« HTP. 8im liA SUil&SIEy
luinent leur adjâger^ €jm ne puisse être justifié (terant
Dieu et devant toute la terre ^ afin que la nation britan-»
nique n'eût pas lé moindre sujet de croire , que notrc^
intention put être, de gratifier en- ceci nos sujets^ au-^
delà des borni» de la justice. Sur ce etc. Donné à
Berh'u, le 7 Décembre 1751.
Frédéric.
Cocceju Podeurflê. "'
Bismàrh. Finhenéteîn:
'■. ■ . J , ' : . ■ ■ • ■■ : •
_ • ■
Dans la senteiice que cette coliihiission prononça
le 17 Juillet 1752 , Qn déléguant aiui sujets p^iis-
siens, à, titre de aédominagement^, Içs créances an-
glaises, pour la sûreté desqpellçs les. reivenus \ 4e )a.
Silésîe avaient été Jlypothéqué»,. il était dit: - ..i
,,Nou8 sommés d*avis, que comme selon le drbit
■
„ des gens , et robservancé de mer , reçue et pra-
^tiquée de tout temps ^ en conTormité des traités
„ maritimes entri? Içs p^ssànçes souveraiçes,"
l) „Les armateurs anglais n'ont pas été en droit
,,de saisir et de détenir dans les ports britanniques
,,1qs vaisseaux prussiens, ou autres vaisseaux neu-
^tres en course^ soit vers les ports ennemis, ou
^à leur rétour d'iceux : soit en général, soit en par^
^tîculier, sous le jfrétexte que la cargaison- où ùné
„ partie d'icelle aurait appartenu aux ennemis de la
„ Grande - Bretagn e."
;' 2) 55 Les traites de mer, et spécialement la dé-
„claratio]l du ministère britannique, faite. au mi-
„nistre prussien Andrié, déterminant avec exacti-'
„tude la qualité de la contrebande pendant la guerre^
ENTHB Xi A PaUSSBBT L'ANGIi.; tEN 1752« 11
^ et que tant les eflfets permis, quoique appartenans
^à l'ennemi, quen général bois^ froment etc. ne
,^ doivent point être i*éputés contrebande."
3) : ,9 Donc l'amiraAité et les cours * de justice
,, britanniques ont agi contre le droit des gens et
,, contre cette déclaration, en dédaraut de bonne
„ prise ces effets permis." •
4) 99 Par conséquent de sembl^bleii arrêtés ne
9, pouvant jamais acqiiérir force de chose jugée»
„ Nous disons , ! qu'il est juste de bcmiGer aux su-
„j0ts.: prussiens toutes ces pertes essuyées ioi^ par r
ff la sai&ie et détention injuste dés paUseaux pru$-*,
^^mens et. de Içur cargaison permise : ou par la
,ysaisie et détention injuste d'autres iHàisseaux n^Ur,
„ tre$y. sur lesquela ils auraient . lait charger des,
„. marchandises permises : (m par la. confiscation 4e
fleurs effeU trouvés à- bord, /tant: des vaisseau:^
„ prussiens que neutres j ou enfin par les procé-
„ dures injustes, coûteuses et lentes des cours de
„ justice" britanniques^'; tous ces principes étant dé-'
,^dmts plus amp]^m<?Ut dans vaxescposé particulie|r ;
„,et ^après l'exauieu le. plus rigoureux elle plus
„ impartial de chacune des prétentions:^^ Nous
avons arrêté ce qui' suit. [Sitiçaiènt ici tes deux
tableaux des somihe3 liquidées et arrêtées par Ha
commission, )
La somme primitive réclamée par les négocias
prussiens avait été portée par eux à 239340 écus;
elle fht réduite par la commission à 156,486 éçus
de capital et 33,283 écus d'intérêts à 6 pour cent
jusqu'à 4a fin de l'année 1751*
13 !• AFF. SJS8 CAPIT. HTF« BVR LA SthisiBy
Pour faire coimeitre les raisons sur lesquelles
le roi avait mesuré sa conduite, il fit rédiger un
écrit {voyez le JSP^ f^.) qu'il fit remettre au mi-
nistère britamiique et communiquer à ses minis-
tres dans les cours étrangères.
Dans un 'mémoire *que M. Michell fut encore
chargé de remettre en cette occasion au duc de
Newcastle, (du g^Nov. 175 ) le roi de Prusse déclara,
,, qu'ayant iiiutflement et a différentes reprises de-
„ mandé satisfactioii au ministère britannique, des
„ injustices ceniniises contre ses sujets, il s'était dé-
„ terminé à retenir^ par droit de représailles, le
^payement de la dette hypothéquée sur la Si-
„lésie au profit des n^ocians anglais, jusqu'à ce
,^que le gouvernement britannique eût indem-
„nisé ces mêmes sujets des pertes et dommages que
,) leur avaient fait essuyer les armateurs anglais.^^
Expofitiim det motifs Jbndéê êur le droit det gens,
qui ont déterminé le roi de Pirune sur les instances
réitérées de sei'imjéts, à mettre' arrêt sur les capi-
itmàc que S, M. avait promis ' de rembourser aux su-
' jets de la Grande-Bretagne en vertu des traités de
paiv de Breslau et de Dresde, et à procurer sur les-
. dits capitaux à ses sujets^ le dédommagement des pertes
que leur ont causées les déprédations et les violences
* des armateurs anglais exercées contre eux en pleine
mer, Berlin i7à2 {').
§. 1. La guerre s'étant allumée en 1744 entre la
nation anglaise dWe part, et les rois de France et
• ' I ; ' .i ' . T. . : '
(1) Cet exposé éuât accompagne 4o deux talileaux doat t'ua son»
ENTRE LA PaUJ»SB BT li^ANGL^J EN 1752- 13
d'Espagne de l'autre, le roi, pour mettre en sûreté le
commerce de ses sofets, prit la précaution , d'adresser
au S. Andrié, son ministre à Londres, un prdi*e en date
du 14 Avril 1744, par lequel il le chargea:
de s'informer au ministère anglais, de ce qui préci-
sément chez eux passait pour contrebande, et si les
grains, le bois de charpente, les planches, le chanvre,
la graine de lin, les toiles etc., y étaient compris,
pour que le roi pût en avei*tir ses sujets, et leur
donner les insti*uctions nécessaires sur la manière
dont ils devaient continuer leur commerce.
§. 2. La déclaration que lord Carteret fit au S.
Andrié, au nom de S. M. le roi de la Grande -Bre-
tagne, et qu'il rapporte dans sa dépêche du 18 Mai
1744, porte:
que le pavillon du roi serait respecté à l'égal de
celui des autres puissances alliées de l'Angleterre,
A l'exception des seuls vaisseaux qui porteraient
des munitions de guerre aux ennemis de la nation
britannique.
§. 3. Le roi ayant exigé une déclaration plus pré-
cise sur tous les objets contenus dans le mémoire que
la lettre A, , avait pour titre : Spécification des vaisseaux prussiens
pris en pleine mer contre tout droit des gens, injnstement détenus
et relâchëé ensuite par la marine anglaise durant la dernière guerre
et dont les captures ainsi que les dëtentions ont cause des pertes
et dommages à des suiett de S, M. soit pour leurs vaisseaux mêmes»
soit pour les marduujidises qui y étaient chargées* — Le second
sous la lettre JB. avait pour titre : Spëcification des vaisseattx neu-
tres pris et détenus injustement contre tout droit des gens par la.
marine anglaise et relâches ensuite durant la dernière guerre, et
dont les captures et détentions ont cause des pertes et dommages
a des sujets de S. M. le roi de Prusse, pour les marchandises qu'ils
y avaient chargées, et qui ont été détenues en Angleterre quoique
m&a relAchées.
14 L AFF. Dsg oafit; tnm «tm la silièiib,
«on Hlimstre avait présenté li-dessna, le susdit S% An-
drié 'dans sa dépêche du ^ jj^ manda;
que lord Garterety secrétaire ^étât, lui avait réitéré
et assuré 9 au nom du roi de la Grande-Bretagne,
QU A0CUN Bsa OBJETS Gotttenus dans l'ordre donné
au susdit S. Andriéy conune les bois et autres maté*
. riaux de construction pour les vaisseaux, non plus que
les cordages, les voiles, le chaÀvre, la graine de lin
etc. n'étaient réputés contrebande; que la nation an-
glaise reispecterait avec soin le pavillon et les sujets
du roi , et qu'on ne troublerait en rien le commerce
de ces derniers, pourvu quHU ^^abstinssent de ne
m
porter aucune munition de guerre aux ennemis
de la Grande-Bretagne (munitions spécifiées dans
tous les traités de commerce entre les puissances
maritimes) ni aucunes munitions de bouche aux
places assiégées ou bloquées par ladite nation^
Qu'au surplus le conmierce demeurait libre aux
puissances neutres, sur le même pied quHl l'était
en temps de paix»
§. 4. n est à remarquer , que lorsque le S. Andrié
exigea là-dessus une déclaration par écrit de lord Car-
teret, celui-ci lui répondit à deux reprises différentes,
que ce n'était pas l'usage en Angleterre.
§• 5. Lord Carteret s'étant spécialement rapporté,,
quant à ce qui se nomme contrebande, aux traités con-
clus entre les puissances maritimes, le roi fit examiner
les traités conclus en 1674, entre l'Angleterre et la Hol-
lande, et l'on y trouva, que tous les objets que lord
Carteret avait déclarés au S. Andrié être de contre-
bande ou marchandise libre, y étaient énoncés mot &
mot; car dans Tart. m* du susdit ti*aité on y nomme
contrebande :
•
les armes, les bombes, et tout ce qui y appartient,
la poudre, les armes à feu, les mortiers, les boulets,
ENTRJB liA PRUSSB ET Ii'AKGI«.; £N 1752* 15
les sabres y les lances, les pétards, les arquebusesy
les grenades y le salpêtre, les cuirasses et autre attirail
..de guerre, de même que les soldats, les chevauiCy
.les selles etc..
et par contre l'art, IV. met au nombre de ce qui n'est
point de contrebande:
les draps, la laine, le lin, les b^its, les chemises,
Pétain, le plomb, les charbons de ten*ei, toutes sortes
de grains, le tabac, les épiceries, la viande salée, le
fromage, le beurre, le vin, le sel, et toute sorte
de vivres; les mâts, les planches, la charpente et
autres bois propres, à construire et réparer les vais-
seaux, et en général toutes les marchandises qui
né sont pas comprises dans l'article précédent, de
sorte qu'il y est permis aux alliés, de transporter
de ces dernières marchandises aux places ennemies,
à l'exception seulement de celles qui se trouveraient
assiégées ou bloquées.
II est constant, que dans les précédentes guerres la
nation anglaise n'a déclaré être de contrebande, que les
choses uniquement qui étaient d^usage à la guerre.
(Voyez $. 34.)
§.6. Eh conséquence de cette déclaration, dont le
roi fit faire part à ses sujets, il les fil avertir, qu*à
l'exception des munitions de guerre, ils pouvaient
librement commercer comme en temps de paix.
§. 7. Les armateurs anglais respectèrent pendant
plus d'un an le pavillon prussien, et laissèrent passer
san^ empêchement tous les vaisseaux de cette nation,
ceux mêmes qui étaient chargés de planches.
Ce ne fut qu'en Octobre 1745, qu'on s'avisa pour
la première fois, d'arrêter des vaisseaux chargés de
planches pour la France, et qu'on ne voulut point
laisser passer les bois; mais la déprédation alla ensuite
16 i AFF. DES GAPIT. HYF. SUR LA SIIiÉSIE,
■
si loin, que les armateurs, bien qae les susdits vaisseaux
ne fussent chargés que de marchandises incontestable-
ment libres, et que leurs capitaines les en assurassent,
par la production de leurs lettres de mer, connaissc-
mens et certificats, non contens de le$ arrêter, leur
enlevèrent tout ce qui se trouvait à leur convenance et
les conduisirent avec violence à leurs ports.
n aiTiva entre autres^ qu'im armateur ayant pris
un vaisseau d'Embden, chargé de sel, non content de
lui enlever sa cargaison et les habits des gens de Té-
quipage, les maltraita encore indignement à coups de
bâton.
$. 8. Le roi, sollicité par les plaintes réitérées de
ses sujets, ayant fait faire à cette occasion itérativement
des représentations,, tant par le S. Andrié, que par le
S. Michell, son secrétaire d'ambassade, lord Ghester-
field , alors secrétaire d'état , répondit par écrit le
i Jaurier 1747
26 Décembre 1746 *
que le roi de la Grande-Bretagne, pour n'omettre
aucune occasion de faire éclater toute l'attention qu'il
avait pour le roi de Prusse, ne faisait aucune diffi-
culté de déclarer qu'il ne porterait aucun empêche-
ment à la navigation des sujets prussiens, aussi long-
temps que ceux - ci excerceraient leur commerce
d'une manière permise, et se conformeraient aux
anciens usages établis et reçus entre puissances
neutres,
§. 9. Et lorsqu'à l'occasion de la prise d'un vais-
seau hollandais, nommé les trois soeurs, le secrétaire
Michell fit de nouvelles représentations, et en demanda
satisfaction au lord Ghesterfield, celui - ci lui déclara le
44 Septembre 1747:
que l'intention de la Grande-Bretagne était, de s'en
tenir i la déclaration du lord Garteret, faite au nom
ENTRE JLA PRUSSE ET li'ANGIi ; EN 1752. 17
de S. M. Britannique au susdit S. Andrië au corn*
mencement de la guerre. ^
§. 10. Les choses cependant en demeurèrent à ces
simples déclarations, sans que l'on donnât la moindre
satisfaction, soit des premiers dommages et des inso*
lences faites par les armateurs, soit des déprédations
qui allèrent toujours en augmentant les années 1747 et
1748, bien que le roi eût fait déclarer à diverses re-
prises, qu'il s*en prendrait aux capitaux des Anglais, qu'il
s'était engagé de leur payer à l'acquit de la Silésie, par
les traités de paix de Breslau et de Dresde , et qu'il in-
denmiserait là -dessus ses sujets.
§. 11. C'est enfin ce qui a contraint le roi à céder
aux instances pressantes et aux sollicitations réitérées de
ses sujets, à prendre réellement fait et cause en leur fa-
veur, à se servir à cette fin des moyens dictés tant par
la raison que par le droit des gens, à dédommager en
un mot ses sujets sur les capitaux des Anglais qui se
trouvent entre ses mains.
§. 12. Mais afin que tout l'univers puisse être plei-
nement convaincu du procédé injuste des armateurs an-
glais, on examinera ici les questions suivantes, qui sont
relatives aux griefs des sujets prussiens et qui serviront
à les mettre dans tout leur jour, savoir:
L Si les armateurs anglais ont été en droit d'arrêter
en pleine mer les vaisseaux prussiens, de les visiter,
et malgi'é l'exhibition de leurs lettres de mer et con-
naissemens , par lesquels ils prouvaient qu'il n'y avait
aucune contrebande sur leur bord, de les conduire
avec violence dans les ports d'Angleterre?
II. Si lesdits armateurs anglais ont été fondés d'arrêter
en pleine mer des vaisseaux prussiens, sous le pré-
texte qu'il sy trouvait des marchandises qui ap^
partenaient aux ennemis de la nation britannique?
IL 2
18 !• AFF. im» CAPIT. HTP. SUR liA SILl&SIE,
S*i]s ont été en droit de les condnnre dans leurs
ports et retarder par là le cours de leur naviga-
tion?
III. Si lesdits armateurs ont été en droit d'arrêter en
pleine .mer d'autres vaisseaux neutres, comme étaient
ceux de Suède, de Hollande, de Danemark, deHam-*
bourg etc. frétés en tout ou en ^partie par des su-
jets prussiens, de les conduire eu Angleteri'e, de les
y détenir des années entières, et de troubler de cette
manière le commerce des sujets prussiens?
lY. Si les marchandises chargées, soit sur des vaisseaulc
prussiens soit sur des vaisseaux neutres, par les su-
jets du roi, et qui leur ont été confisquées en vertu
des injustes sentences rendues par les tribunaux an-
glais, étaient effectivement de contrebande?
V. Si le ministère anglais a été en droit de renvoyer
à un tribunal de marine établi en Angleterre, la dé-
cision des différends de la nature de ceux qu'on a
examinés dans les questions précédentes et qui s'a-
gitent entre deux puissances libres, et de vouloir
obliger la puissance lésée qui demande satisfaction,
à s'en tenir à ses décisions?
VI. Si, au contraire, le roi n'est pas pleinement fondé
de déférer à l'arrêt que ses sujets Tout supplié de
mettre sur les capitaux anglais, stipulés par les paix
de Breslau et de Dresde, qui se trouvent entre ses
mains, pour procurer à ses sujets les dédommage-
mens et la réparation convenables des violences exer-
cées contre eux par les armateurs anglais, contre le
droit des gens, et malgré les déclarations formelles
réitérées par le ministère anglais; et si le roi n'est
pas en droit d'indemniser ses sujets sur ces capi-
taux, puisqu'on leur a si long^temps dénié toute la
justice qu'ils étaient fondés de demander?
ENTRE liA PRUSSE ET L^ANGIi.} EN 1752» 19
Examen de la première question.
Si les armateurs anglais ont été en droit (tarréter
en pleine mer les vaisseaux prussiens j de les visi"
ter, et malgré P exhibition de leurs lettres de mer
si connaissemens , par lesquels ils prouvaient quHl
TÛy avait aucune contrehande sur leur bord, de les
conduire avec violence dans les ports d* Angleterre?
§. 13. A) n paraît par la pièce cî-joînte, cotée A, que
18 vaisseaux prussiens ont été arrêtés par les armateurs
anglais d'une façon aussi insoutenable qu'injuste, et
qu'on les a conduits de force en Angleterre. Ce pro-
cédé est évidemment contraire au droit de la nature et
des gens 9 çelon lequel c'est un principe universellement
reconnu par tous les peuples, que la mer est au nombre
des choses appellées res nulliusy ou desquelles l'homme
ne peut se rendre le maître.
§. 6. Inst. de rer. divis.
Si donc personne ne peut s'attribuer la souveraineté et
la propriété de la mer, il s'ensuit naturellement que
l'usage en est commun à tous les hommes , et que per-
sonne n'est en droit de l'interdire aux autres.
i. 2. §• 1. ^ de rer. divis. §. 1. Inst. eod, .
. L, 13, %*fin,Jf, de injur» L.3. §.1. ne quid inloco puhl,
L. 13. ff. comm, praed.
Scion ces principes fondés dans la raison, toutes les
puissances ont un droit égal de naviguer librement et
de commercer sur mer.
L.i. §»1»J^* de rer. divis» §. i. Inst, eod.
D. 1* 13. %,fin. Zr. 1. §• 1. de acquir. rerum dominio,
L, 2. §. 9.jff\ ne quid in loco publico, L* ïi^ff. commun*
praed,
§. 14. On pourrait, sans recourir même aux juris-
consultes romains (auxquels le droit de la nature et des
2*
20 L AFF. DES QAPIT. HYP. SUR LA SIIi^IE,
gens était parfaitement connu) soutenir cette thèse par
une infinité (Tautorités et d'exemples.
yid. Grot. in tractatu de mari lïbero.
Mais cela serait superflu , puisque la nation anglaise
elle-même s'en est prévalue dans diverses circonstances.
Lorsque l'envoyé d'Espagne , Mendoza se plaignit k la
reine Elisabeth de ce que les Vaisseaux anglais s'avi-
saient de naviguer sur la mer des Indes, la reine lui
répondit :
Qu'elle ne voyait point de raison qui pût Vex-
dure, elle çt d'autres nations, de la navigation aux
Indes ; puisqu'elle ne reconnaissait à lŒspagne aucune
prérogative à cet égard y et bien moins encore te droit
de prescrire des lois à ceux qui ne lui étaient tenus
à aucune obéissance^ ou de leur interdire le commerce;
que les anglais naviguaient sur Vocéan dont Vusage,
tout comme celui de Vair , était commun a tous les
hommes , et qui par sa nature même ne pouvait tom^
ber en la possession et sous la propriété de personne.
Cambd, in vita Elis, ad ann. 1680. p. m. 328. seqq.
§. 15. En conséquence de ce principe, fondé dans
le droit de la nature et des gens, la nation anglaise a
protesté avec chaleur dans diverses conjonctui'es où on
lui a arrêté, visité et pris des vaisseaux, et a taxé de
pareils procédés de violation manifeste du droit des gens.
On ne doute pas que la nation anglaise ne se rap-
pelle encore les grands mouvemens qu'elle se donna,
quand le roi de Suède, dans la guerre contre la Russie
fit arrêter tous les vaisseaux anglais qui étaient destinés
pour \ts ports de Livonie, et porta par là un grand
préjudice à leur commerce. Ils en appelaient alors hau-
tement au droit des gens:
Selon lequel ils soutenaient, qu'il était permis aux su-
jets de l'Angleterre, de commercer avec tous les
états qui à leur égard étaient neutres, bien qu'ils
ENTRE LA PKUSSE ET L'ANGL.J EN 1752- 21
fussent impliqués dans nne guerre avec d'autres puis-
sances pareillement neutres à leur égard, de même
que les Anglais permettaient aux sujets suédois de
naviguer et de commercer avec tous les états et â
tous les ports neutres par rapport à la Su^e, bien
qu'impliqués dans la guerre avec l'Angleterre; ce qui
était évident par cela même qu'ils permettaient alors
aux sujets suédois de commercer librement avec la
France et l'Espagne qui étaient dons ce temps là en
guerre ouverte avec l'Angleterre.
Cet exemple est d'autant plus favorable aux sujets
prussiens, que ces vaisseaux suédois étaient pour la plu-
part chargés de contrebande, et qu'on poussait les
choses jusqu'à conduire des vaisseaux de guerre même
aux ennemis.
§. 16. Quelle longue, sanglante et coûteuse guerre
n'a (Ças soutenu l'Angleterre contre l'Espagne, pour dé-
fendreN ' la liberté de son commerce et de la navigation,
parceque les Espagnols visitaient leurs vaisseaux dans
le$ mers d'Amérique, pour empêcher la conlrebÉOide.
Dans la déclaration dç guerre du 30 Octobre 1739
l'Angleterre, après y avoiï déduit ses griefs con]i*e l'Es-
pagne, s'expliquç ainsi:
Que tous ces griefs venaient de ce qne l'Espagne
s'attribuait, contre toute raison, le dl'oit d'arrêter et
de visiter les vaisseaux anglais, prétension contraire
au droit de navigation qui appartenait aux Anglais
aussi bien qu'aux Espagnols , et par conséquent con-
traire au droit des gens.
Sur ce fondement, l'Angleterre dans la susdite dé-
claration de guerre, taxe celle prétensioa de mal fon-
dée, d'injuste, de dangereuse et qui intéressait toutes
les puissances de l'Europe, et l'on soutient dans les
mémoires suivans qui ont paru de sa part, que l'Es- .
pagne devait se contenter fie la simple présentation
22 L AFF. DES CAPIT. HYF. SUR liA SUjÉSIE,
que les vaisêeaux anglais feraient de leurs lettres de
mer et de leurs connaissemens ; et c'est lA dcMus que
roulent encore jn^qu'i cette heure, les plaintes de la
nation britanuicpe contre les garde -eûtes d'Espagne.
§• 17, Ces principes constatent évidenunent le
droit des sujets prussiens, et portent avec d'autant plus
de force contre les armateurs anglais, que TAngletcrre
avait les bras liés vis-à-vis de l'Espagne par divers
traités de paix et de commerce avec cette couronne, au
lieu, que n'y ayant aucun traité pareil entre la Prusse et
l'Angleterre, cette affaire ne peut ni ne doit être discu-
tée que selon le droit des gens,
§. 18. Tout ce qu'on pourrait accorder i la nation
anglaise serait, de permettre à ses armateurs de s^ir^--
former des t^isseaux neutres qu^ih rencontreraient
en mèrji et qui feraient voile pour P Espagne ou la
France , s'ils n'avaier^t point de contrebande etc. Mais
il n'était nullement besoin de visiter ces vaisseaux, en-
core moins, de les conduire de force dans les ports
d'Angleterre et de les y détenir des années entières; les
armateurs n'avaient d'autre droit que de se faire exhî-»
ber leurs lettres de mer, connaissemens, ou certificats,
pour découvrir s'il s'y rencontrait de la coi^trebande.
On s'appuie ici, par rapport à cet usage, sur les
principes que la Grande-Bretagne a établis elle même
dans son différend avec l'Espagne et en conséquence
desquels elle soutient, que l'Espagne aurait dû se con-
tenter qu'on eût produit à sqs armateurs les lettres de mer
et les certificats. Voyez §. 16.
•
§. 19. Et comme le oroit des gens se vérifie prin-
cipalement par les exemples et les traités des puissances
maritimes, on en appelle ici aux plus célèbres ti*aités
conclus entre lesdites puissances, et où l'on est convenu
de part et d'autre d'en agir de cette façon. C'est ainsi
£NTA£ liA PKUSSJB ET li'ANGIi.J EN 1752- ^23
qu'en parlent les traités conclus entre TAnglctcrre et la
Hollande de l'an 1667 et 1668 art. 10.
Du Mont y Corps diplom. T. VIL
et le traité de commerce de 1674, dans l'art. 5. s'ex-
prime ainsi:
Lorsqu'un vaisseau hollandais, destiné pour un port
ennemi, rencontrera en pleine mer des vaisseaux
anglais j celui-- ci s^arrêtera à une certaine distance
et le vaisseau anglais lui dépéchera sa clialoupe, de
laquelle deux ou trois hommes se rendront sur son
bord et se feront produire par son capitaine ou pa-
tron ses lettres de mer et de certificat, pour se
convaincre s'il y a de la contrebande^
§. 20. La saine raison dicte suffisamment, que sans
celte précaution, et s'il était permis aux armateurs d'at-
taquer un vaisseau neutre à force ouverte, d'en rompre
et briser les caisses et les coffres, de \i^s trainer de
force dans les ports d'Angleterre, non obstant que par
leurs certificats ils prouvassent n'avoir point de contre-
bande etc., on ne saurait se faire aucune idée d'un
commerce libre. Quelle nation neutre en effet se ha-
sarderait de commercer, si elle prévoyait qu'après avoir
recouvré la relaxation de son vaisseau, elle n'aurait
aucune réparation à attendre des dommages, des fraix,
ni des insolences qu'elle aurait essui^ées, et verrait en-
core ses vaisseaux neutres condamnés à payer aux ar-
mateurs les fraix de leur capture etc. ; peut-on nommer
cela un commerce libre? Si les négocians prussiens
avaient dû négocier sur ce pied là, la perte eût toujours
à coup sûr surpassé le gain, et si la guerre avait duré
plus long-temps, ils eussent agi en dépit du sens corn-
mui; de continuer un commerce aussi ruineux.
§. 21. Le ministère anglais a déclaré expressément
que la liberté de commerce i l'égard des vai^eaux neu-
tres devait subsister sur Iç mét^e pie4 ^u(en tatnps c?^
24 L AFF. DES CAPIT. HYP. SUR liA KiiiAlB,
paix, à ^exception des munitions de guerre. Ea temps
de paix on n'arrête point les vaisseaux dans leurs cours,
loin de les trainer dans les ports d'Angleterre.
§. 22. Les conséquences naturelles, qu'on peut
tirer de tout ce qui est dit ci-^dessus, c'est qu'on n'a
nullement laissé aux sujets prussiens le commerce libre
comme en temps de paixj malgré les lois du droit
naturel et l'assurance positive qu'en avait donnée le mi-
nistère anglais 5 mais qu'au contraire par là le conunerce
desdits sujets a été ruiné , et que par conséquent les
armateurs anglais sont tenus & la réparation des dom-
mages qu'ils ont causés aux sujets du roi.
§. 23. L'Angleterre ne saurait s'inscrire en faux
contre cette conséquence, vu qu'elle a traité elle-même
de violation du droit des gens, comme on l'a déjà re-
marqué ci -dessus, le procédé des Espagnols, quand
ceux-ci, non contens de la production des lettres de
mer et des certificats, se sont mis en devoir de visiter
les vaisseaux mêmes. Voyez §. 16.
Deuxième question.
Si lesdits armateurs anglais ont été en droit d^ar^
rêter en pleine mer des vaisseaux prussiens, sous
le prétexte qu'il sy trouvait des marchandises ap^
partenant aux ennemis de la nation britannique ? sHls
ont été en droit de les conduire dans leurs ports
et retarder par là le cours de leur navigation?
§. 24. L'un des plus forts griefs des sujets prussiens
consiste, en ce que leurs vaisseaux chargés en France, se sont
vus arrêtés en pleine mer, lorsqu'ils retournaient chez
eux, et conduits par les armateurs anglais dans les ports
d'Angleterre ; qu'après y avoir été détenus pendant
quelque temps, on les a relâchés à la vérité, mais qu'on
en a confisqué les marchandises de France, ou qu'au
ENTKB liA PRUSSE ET L'ANGL. J EN 1752. 25
moins on a exigé de l'équipage qu'il prouvât que les-
dites marchandises appartenaient en propre à des sujets
prussiens, qu'elles ne leur étaient point données en
commission par des marchands français, et que ceux-ci
ne s'étaient point chargés des risques etc,
§. 25. Cette conduite est non seulement contraire
au droit des gens, mais aussi à tous les' traités qui
jamais furent conclus entre des puissances maritimes.
Car si 1) comme on ne peut en douter, il était
libre aux sujets prussiens , tant selon le droit .des gens,
que selon l'aveu formel du ministère anglais, de com-
mercer avec l'Espagne et la France, il s'ensuit néces-
sairement de là, que ledit commerce devait être général
et pouvait se faire, soit par achat, soit par échange,
soit en prenant des marchandises françaises en com-
mission etc.
Or par un conmierce de cette nature 2) on ne fai-
sait aucun tort à la nation anglaise, puisqu'à Tégard de
ces vaisseaux de retour, destinés pour des ports neutres,
il ne pouvait être raisonnablement question de contre-
bande, qui est la seule exception qui puisse avoir lieu
ici, et selon le droit des gens et suivant la déclaration
du ministère anglais.
Il est de plus incontestable 3) que les ennemis, selon
la raison et le droit des gens même, sont en sûreté
l'un à l'égard de l'autre quand ils se rencontrent dans
un lieu neutre, et que par conséqnuent un ennemi ne
peut attaquer son .ennemi dans un tel lieu, ni se saisir
d'aucun de ^^^ effets. Or les vaisseaux prussiens, quand
ils auraient été chargés des effets appartenant aux en-
nemis de l'Angleterre, étaient un lieu neutre, d'où il
s'ensuit, qu'il est parfaitement égal d'enlever ces effets
desdits vaisseaux neutres, ou de les enlever sur un ter-
ritoire neutre* Cette loi du droit des gens se trouve
confirmée par cette maxime notable, expressément éta-
26 I* AÏ*F. DES CAPIT. HYP. SUR LA SlIiÉSUB^
blie dans les traites entre l'Angleterre et la Hollande et
entre l'Angleterre et la France, que les vaisseaux libres
rendent les marcliandises libres.
X quoi il faut ajouter 4) que selon la déclaration
de lord Carteret, le commerce des sujets prussiens de-
vait être aussi libre qu'en temps de paix; or personne
ne doute qu'en temps de paix il ne soit permis à tout
le monde de négocier par échange, par commision etc.
5) Tous les traités conclus entre les puissances
maritimes, sont en ceci parfaitement d'accord avec le
droit des gens. Cela se trouve clairement stipulé â
l'art. 8, du traité de 1667 entre l'Angleterre et la Suéde.
Du Mont, Corps diplom. T. VII /?. 37.
et dans l'art. 8 du traité de 1674 cité ci -dessus il y
est expressânent décidé :
Que les eflêts de l'ennemi qui sont sur un vais-
seau neutre ne doivent point être confisqués.
La même clause se trouve mot à mot répétée dans
le traité de commerce de 1713 entre rAnglclcrre et la
Hollande et dans celui entre la Hollande et la France.
Du Mont, T. FUI p. 345 §. 17. et p. 377 §. 17.
et on en donne pour raison celle que l'on a déjà rap-
portée,
que les vaisseaux libres rendent les marchandises
libresj
raison puisée dans le droit des gens.
§. 26, Le roi se tix)uve donc parfaitement fondé
d'exiger une répai'alion convenable des dommages cau-
sés à ses sujets par l'injuste procédé et détention de
leurs vaisseaux, sans qu'il soit tenu de s'inquiéter si
les marcliandises avaient été données en commission
pour ' des lieux neutres par des négocians français , ou
&'ils s'étaient chargés d en courir les risque^,
SNTRE liA PKUSSB ET Ii'ANGIi.J EN 1752- 27
Troisième question.
Si lendits armateurs ùnt été en droit d'arrêter en
pleine mer d autres vaisèeaux neutres j comme
étaient ceux de Suède y de Hollande, de Danemark^
de Hambourg etc. frétés eu tout ou en partie par
des sujets prussiens, de les conduire en Angle^
terre, de les y détenir des années entières^ et de
troubler de cette manière le commerce des sujets
prussiens ?
§. 27. La pièce cî-joîntc côtce L. B. prouve qu'il a
été arrêté en pleine mer 33 vaisseaux neutres , aux-
quels les sujets prussiens étaient intéressés , et que les
armateurs anglais , au lieu de se contenter de la pro-
duction des lettres de mer et des connaissemens , qu'en
faisaient les capitaines pour justifier qu'ils; n'avaient à
bord aucune contrebande , \es ont conduits dans des
ports d'Angleterre, les y ont détenus, au moins plu-
sieurs, des années entières, et que, bien qu'à la fin ils
fussent relâcbés, on n'a pas laissé de les condamner
aux fraix de captui'c envers les armateurs.
Ce procédé qui a troublé le commerce des sujets
prussiens, n'est pas seulement contraire au droit des
^ejLS^ mais il est aussi diamétralement opposé au con-
tenu de la déclaration du ministère anglais.
On suppose d'abord ici que tous les vaisseaux
neutres ont eu le même droit que les vaisseaux prus-
siens , d'où il s'ensuit qu'il est parfaitement égal que
les Prussiens aient chargé leurs marchandises sur des
vaisseaux prussiens, ou sur des vaisseaux neutres.
§. 28, Le ministère anglais fit assurer en général
la cour de Berlin, que la liberté du commerce subsis-
terait à l'égard des puissances neutres, sur le même
pied qu'en temps de paix (à l'exception des inunitions
de guerre).
28 I. -AFP. DES CAPIT. HYP. SUR I-A SILÉSIS,
Comme en temps de paix les sujets prussiens char-
geaieut leurs marchandises sur d'autres vaisseaux neutres,
sans avoir à craindre, pourvu qu'il ne s'y rencontrât
point de contrebande, de les voir conduire dans des
ports d'Angleterre, ils ont de bonne foi continué leur
commerce sur ce pied là, se reposant sur la déclara-
tion de l'Angleterre dont le roi les avait fait informer.
§. 29. Les sujets prussiens n'auraient jamais cbargé
leurs marchandises sur ces vaisseaux, s'ils avaient pu
prévoir que, contre le droit des gens, les principes
reconnus par les Anglais mêmes, et contre la déclaration
expresse de leur mim'stëre, ceux-ci arrêteraient tous les
vaisseaux neutres, qu'il y eût de la contrebande ou non,
qu'ils les détiendraient des années entières dans leurs
ports de mer, et les relâcheraient à la fin sans aucun
dédommagement, et en les condamnant même aux fraix
de la capture.
§. 30. Il est certain que la nation anglaise ne
pouvait trouver un meilleur moyen pour porter le der-
nier coup au commerce des sujets prussiens, que de
procéder contre eux de la manière qu'elle l'a fait, d'où
il s^eusuit, que ceux-ci sont fondés à prétendre une
satisfaction proportionnée aux dommages et aux fraix
que leur ont causés ces illégitimes détentions.
Quatrième question.
Si les marchandises chargées soit sur des uaisseaux
prussiens , soit sur des vaisseaux neutres par les su-^
jets du roi y et qui leur ont été confisquées en vertu
des injustes sentences rendues par les tribunaux
(trkglaiSf étaient effectivement de contrebande?
§. 31. Les armateurs anglais ayant confisqué sui^
trois vaisseaux prussiens ou neutres, le seigle et les
bois qui y étaient chargés (voyez fi. 38), ce fait donne
lieu aux deux questions suivantes:
ENTRE liA PRUSSE ET I-'ANGL.J EN 1752. 29
lesditea marchandises étaient-belles de contrebande
ou non?
et,
quels sont les objets réputés de contrebande selon le
droit des gens?
C'est un axiome du droit des gens, qu'une guerre
entre deux puissances ne saurait interrompre ni empê-
cher le commerce des puissances neutres avec Tune et
Tautre des puissances belligérantes, et qu'aucune de
celles-ci ne saurait défendre à celle qui reste neutre,
Tusage de la liberté du commerce qui lui appartient à
cet égard, en vertu des di*oits naturels : et que par
conséquent le commerce de toutes sortes de marchan-
dises est régulièrement censé permis.
§. 32. On n'excepte ici que le seul cas, où des
puissances neutres s'aviseraient de conduire à Tune des
parties belligérantes des munitions de guerre, ce qui
porterait préjudice à l'autre; et c'est là ce que l'on nomme
contrebande,
§. 33. Le célèbre Grotius dans son Traité du droit
de la guerre et de la paix, en examinant la même ques-
tion, distingue L. 3. Cl. §.5. n. 2. entre des .marchan-
dises qui ne servent uniquement que pour la guerre,
et celles qui serpent et dans la guerre et Jiors de la
guerre.
Il met hi première sorte de. marchandises au rang
de la contrebande, mais pour la dernière il ne la répute
telle, qu'au cas qu'on l'envoie à des places assiégées
ou bloquées.
§. 34. La Grande-Bretagne a dans tous les temps
parlé sur ce ton , là , lorsque des puissances neutres lui
demandaient, de s'expliquer sur ce sujet.
Lorsque la guerre s'alluma entre l'Espagne et la
reine Elisabeth, la ville de Luteck s'étant informée
quelle sûreté elle aurait pour son commerce et quelles
30 ï. AFF. nES CAPIT. HYP. SUK I.A SIT>ÉSIE,
inarcl)Qii(]i.s(-f: il serait jicrmis d'envoyer en Espagne?
la reinv lui iït rcponilre :
„qu'e.n n'abstenant d'envoyer des armes et d'autrea
,,attiraila de guerre, il lui était libre d'y com-
f,rpercer avec toute sorte de marchamlisea."
Seld. mar. claus, L. 2. cap. 30. p. 423.
Le Sr. Bond, commissaire sinîdois, reçut en 1653 à une
demande pareille une semblable réponse, cl lo pai'Ie-
ment d'Angleterre lui fil dire :
„cjue hors les munitions de guerre, il permettait
„aux Suédois de commercer par tout où bon leur
„semblerait. "
Pujf. Ter. Suec. L. 25. §. 46.
§. 35. Le nùnisière anglais dans sa déclaraiinn au
minislrc de Prusse, ae servit des propres termes de Gro~
tius et déclara du premier abord, que les munitions
de guerre seules seraient réputées coutrclmnde. (Voyez
§• 2J
Déclaration, tjui fut ensuite réilcrée plus en détail
et dans les termes suivuus :
„<ju'onn'enlendiiitaucitnement porter obstacle au com-
„merce des sujets prussiens, pourvu qu'ils s'abs-
„ tinssent de porter aux ennemis de la nation bri-
„tannique des munitions de gueiTe (dont les noms
„ détaillés se trouvaient dans tous les traités de eoin-
„ merce des puissances maritimes) cl des mmjîiions ^e
.„bouche aux places assiégées ou bloijuées etc. et qu'au
„ surplus la liberté as commerce subsistait k l'égard
„tles puissances neutres sur le même pied qu'en temps
„de paix,'" voyez §. 3.
Le ministère anglais ne s'est pas borné U, il a spé-
cifié en détail tout ce qui n'était pas contrebande comme
les grains, les bois et tous les autres matériaux ipi'un
ENTRE LA PRUSSE ET L'ANGL.; EN 1572. 31
emploie à la construction des vaisseaux , les cordages,
les voiles, le chanvr^e, la graine de lin, les toiles etc.
%. 36. Tous les tx'aités de navigation s'expliquent,
par rapport à la contrebande, de la même manière.
On renvoie à ce qui a été dit sur ce sujet au §. 5. ci-
dessus, et au U*aité de commerce de 1674 conclu enli*e
l'Angleterre et la Hollande, qu'on y a cité et où se
trouve exactement détaillé ce qui est contrebande et ce
qui est mai*chandise libre*
' Les marchandises libres et de contrebande se trouvent
désignées dans les mêmes termes au §. 19 et 20 da
ti'aité de commei'ce, conclu entre l'Angleterre et la
Hollande en 1713.
Du Mont, T. y ni. p. 348.
§. 37. On trouve d'autres traites antérieurs à ces
deux, dans lesquels se trouve détaillé de la môme ma-
nière, ce qui ne doit point être compris sous le nom
de contrebande.
C*est ainsi, qu'au §. 3 du traité de commerce de
1667 entre la Suède et la Hollande, on ne nomme con-
trebande que les seules munitions de guerre, et que
dans le §. 4, l'argent, toutes sortes de grains, le sel,
le vin, l'huile, les voiles, les draps, le chanvre y tous
les bois de charpente et tout ce qui sert à la construc^
tion des vaisseaux, les ancres etc. sont mis au nombre
des marchandises libres.
Du Mont, T. r IL P. i. p. 37.
§• 38. n suffit de jetter les yeux sur les marchan-
dises qui ont été confisquées en Angleterre aux sujets
prussiens, pour se convaincre, qu'il n'y en a aucune
qui, selon le droit des gcnsj les traités de commerce
et les déclarations du ministère anglais, puisse passer
pour contrebande.
32 I. A FF. DES CAPIT. HYP. SUK liA SILKSIE^
Car on confisqua du vaisseau prussien, les Jumeaux,
une charge de bois, du vaisseau hollandais les Trois
soeurs, une pareille charge de bois, et du vaisseau prus-
sien, le Soleil d'or, une cargaison de seigle, toutes
marchandises expressément exceptées de la contrebande
dans la déclaration du ministère anglais.
§. 39. Si le ministère anglais avait déclaré dès le
commencement, qu'il regardait ces marchandises comme
de contrebande, le roi n'aurait pas manqué de faire
avertir ses sujets de n'en poifit hasarder l'envoi, jus-
qu'à ce que l'on fût convenu là- dessus avec la cour
d'Angleterre 5 mais le ministère anglais ayant positive-
ment déclaré qu'il regardait les dites mai^chandises comme
libres, et le roi ayant fait part de cette déclaration à
ses sujets, }e susdit ministère ne peut en aucune ma-
nière justifier le procédé de ses armateurs.
§. 40. Le ministère actuel de l'Angleterre cherche
vainement à justifier le procédé des armateurs, par une
raison qui choque également et le sens commun, et les
usages reçus par tous les peuples policés.
On avance que le précédent ministère n'a pas été
en droit de faire de son chef de semblables déclara-
tions,, et de déterminer contre la disposition des lois
du pays, ce qui était conti*ebande ou ce qui était mar-
chandise libre.
§. 41. On en appelle à tout l'univers, s'il est per-
mis entre puissances, d'user de tels fauxfuyans.
On sait 1) qu'il est d'usage que les princes ne
traitent avec les envoyés étrangers, que par l'entremise
de leurs ministres; on est donc obligé d'ajouter foi à ce
que ceux-ci déclarent au nom de leurs maitres aux
envoyés qui friiitent avec eux 5 on y est forcé surtout
lorsque les mim'stres refusent, comme en cette occasion,
de s'expliquer par écrit.
EKTRE LA PKU8SE BT li'ANGIi. J EN 1752- 33
2) Qui plus est, la susdite déclaration n'a point été
faite par un ministre seul; mais bien par les deux mi-
nistres secrétaires d'état qui se sont succédés dans le même
emploi et & différentes époques, et toutes les fois au
nom de S. M. Britannique* Serait -il à présumer que
deux ministres 9 dont l'intégrité et le zèle patriotique
sont si universellement reconnus , se fussent oubliés
au point de déclarer, au nom de leur maître, une
chose sur laquelle il ne leur eût pas donné ses ordres^
de tromper d'une façon aussi indigne tme puissance
étrangère son alliée, et de tendi*e aux sujets de cette
puissance des pièges aussi dangereux?
D'ailleurs on a déjà fait voir 3) que les susdits mi-
nistres n'ont rien accordé, que ce qui, selon le droit
des gens et tous les traités entre puissances maritimes,
est toujours regardé comme marchandises libres.
§. 42. On a remarqué, il est vrai, par certaines
sentences émanées des tribunaux d'Angleterre, qu'on a
confisqué la cargaison de quelques vaisseaux neutres,
sur lesquels étaient chargées des marchandises prus-
siennes , et il semblerait du premier coup d'oeil , que
dans un tel cas, les sujets prussiens ne seraient en droit
d'exiger le dédommagement que des maîtres ou pro-
priétaires du vaisseau.
On n'en disconvient pas, et l'on tombe d'accord,
que, si le vaisseau neutre eût porté de la contrebande,
les sujets prussiens n'eussent pu avec justice prétendre
à aucune mdemnîsation ; mais comme ils assurent for-
mellement, ainsi que les capitaines desdits vaisseaux,
que l'on n'y a point eu de la contrebande, et que par
les sentences même des tribunaux anglais il paraît clai-
rement, que les eiFets confUqués n'étaient nullement de
contrebande, ce prétexte ne peut sm^vir de rien aux
armateurs, ni les exempter de réparer les dommages
qu'ils ont causés.
II. 3
34 L AFF. DBS cafit; htp. sxm la 8iLisi%
$.43. n eit donc démontré, qu'on a violé mani-
festemenit le droit des geni et contrevenu directement
aux assurances données par le ministère anglais, lora<pie
l'on a arrêté des vaisseaux neutres qui ne portaient
point de contrebande, et qu'on a par là causé un domr
mage très-considéraible aux sujets prussiens.
• • a 1
Cinquième question.
Si le ministère anglais a été en droit de renvoyer à
un tribunal de marine établi en Angleterre, la dé^
cision des différends, de la nature de ceux qu^on a
examinés dans les questions précédentesy et qui s^a^
giteht entre deux puissances libres, et de vouloir
obliger la puissance lésée qui demande satisfaction,
à s* en tenir à ses décisions?
§. 44. Le ministère anglais, dans presque tous les
cas où les ministres de Prusse lui firent des représen-
tations au sujet des déprédations et insolences commises
en pleine mer contre des sujets prussiens, leur déclara:
que le roi d'Angleterre avait établi dans ses états des
tribunaux exprès, pour examiner et décider, selon les
loix d'Angleterre, toutes les prises sur lesquelles il
y avait contestation, et pour administrer la justice â
un chacun, lesquels ne manqueraient pas aussi de
rendre justice aux sujets prussiens s'ils les trouvaient
fondés dans leurs plaintes. Qu'au surplus, ni le roi
de la Grande-Bretagne ni son ministère ne pouvaient,
ni changer, ni se départir de cet usage ou constitu-
tion de Tétat établi dans le pays.
§. 45. On ne saurait s'empêcher de demander id,
de quel droit le ministère anglais s'arroge celui d'entrer
en connaissance de cause et d'exercer une sorte de
jurisdiction sur un souverain neutre, sur ses sujets et
ses vaisseaux arrêtés dans un lieu qui n'est point de
EHT&S I-A PRUSSE ET l^^ANOIi.; EN 1752. 35
la domination de l'Angleterre^ et où les vaisseaux prus-
siens ont autant de droit que ceux des Anglais?
§. 46. Comment l'Angleterre aurait -elle jugé le
roi, si dans la dernière guerre du nord, il eût saisi
indifféremment tous les vaisseaux anglais qui commer^
çaient aux provinces septentrionales, les eût arrêtés en
pleine mer, les eût visités et les eût fait conduire dans
ses ports, et donné ensuite à décider au collège de
son amirauté, s'ils étaient de bonne prise, les eût relâ-
chés sans aucun dédommagement après des procédures
de deux à trois ans, et condamnés encore an paiement
de deux, trois jusqu'à quatre mille écus pour fraix de
capture et de justice?
§. 47* Quand deux puissances se trouvent avoir
entr'elles quelques différends, on ne peut d'aucun des
deux côtés en appeler aux loîx du pays, parceque l'une
des deux parties ne les reconnaît point 5 l'aiBaire se
traite alors par voie de négociation, et de cour à cour^
et le différend ne se décide du consentement des deux
parties, que selon le droit des gens, ou par des prin-
cipes qui s'y trouvent fondés.
§. 48. n aurait été néanmoins très -indifférent au
roi, que c'eût été le ministère anglais ou les tribunaux
de cette nation, qui eussent rendu justice à ses sujets;
mais comme ces tribunaux, contre le droit de la nature
et des gens , n'ont procuré auxdits sujets prussiens aucune
réparation, on croit le ministère anglais trop raisonnable,
po,ur ne pas juger par lui-même, que le roi est bien
fondé de son côté, à ne pas reconnattre la jurisdiction
desdits tribunaux pour compétente, bien loin de se sou-
mettre à leurs injustes décisions.
§. 49. E^ comme les ministres anglais se sont tou-
jours obstinés y toutes les fois qu'on leur a fait des re-
présentations au nom du roi, à renvoyer ces sortes
3*
36 I* A FF. DES CAPIT. HYP. SVK LA SILlÉSIE,
d'affaires â la décision de leurs tribunaux et de leurs
loix 9 S. M. Prussienne y jouissant des mêmes droits et
prérogatives que S. M. Britannique, s^est vue contrainte
par là 9 de conmiettre dans ses états Texamen des griefii
de ses sujets à ses propres tribunaux. Le roi & cet efiêt
a établi une commisd«m, composée de conseillers versés
dans les affaires dé justice aussi bien que dans celles
de commerce 9 chargée ^ sous la direction de quaCi^ dé
ses ministres 9 d'examiner les griefs de ses sujets ^ selon
les loix du droit des gens universellement reçu^ et de
constituer en conscience et selon leur devoir un quan-
tum précis et liquidé , de ce à quoi les dommages de
ses sujets peuvent monter.
§. 50. C'est aussi ce, que la commission a efleçti*^
vement exécuté; elle a exigé des preuves légales de
cbaque liquidation des dépens; elle a modéré d'une
manière équitable les articles qui paraissaient surchar-
gés ; elle a débouté de leur prétension ceux des plai-
gnans qui n'ont pas su les vérifier dans les formes, et
par conséquent elle a agi en tout et rendu justice sans
aucun égard à la personne et avec la plus grande im-
paitialité.
Sixième question.
Et enfin si, au contraire, le roi n'est pas pleinement
fondé de déférer à Varrét que ses sujets l'ont sup-
plié de rn^tre sur les capitaux anglais^ stipulés par
la paix de Breslau et de Dresde, qui se trouvent
entre ses ?fiains , pour procurer à ses sujets les &'-
domniageinens et la réparation convenables des vio^
lencès exercées contre eux, par les armateurs anglais^
en dépit du droit des gens et malgré les déclarations
formelles et réitérées par le ministère anglais i et
si le roi nest pas en droit d'indemniser ses sujets
sur ces capitaux, puisqu'on leur a si long ^ temps
BKTRE LA PRUSSE ET L'ANGIi.J EN 1752- 37
dénié toute la justice qu^ils étaient fondes de de^
mander.
§. 51. On a prouvé dans ce qiiî précède, que les
sujets du roi ont des prétensions légitimes à former
contre les armateurs anglais, on y a vu, que depuis
1745 jusqu'à présent on n'a pu obtenii* aucune satis-
faction du ministère anglais ; et enfin on vient de voir
tout à rheure, que le roi a fait examiner par une com-
mission établie dans s^s états le quantum précis des-
dites préteusions^ lequel monte à 194,725 écus, 14 gros;
5 deniers, y compris Iqs intérêts jusqu'au 10 Juillet
1752. Il ne reste donc plus que d'examiner les moyens
par lesquels on puisse procurer aux sujets prussiens
la satisfaction et le dédommagement de leurs pertes.
§, 52. C'est une règle établie et par la raison et
|>ar le droit des gens, que lorsqu'un souverain dénie
aux sujets d'un autre la justice que ce dernier le fait
requérir et solliciter de leur rendre, ou qu'il ne leur
rend pas bonne justice; tant le souverain que ses sujets
en sont responsables en leur pur et privé nom.
Grot. Droit de la G. et de la P^ i. 3. c 2. §. 2.
Il a été établi par le droit des gens, que tous les
biens des sujets d'un état seraient comme hypothé-
quées pour ce que l'état ou le chef de l'état doivent
ou directement et pxu* eux-mêmes, ou en tant que
faute de rendre bonne justice, ils se sont rendus res-*
ponsables d'une dt^tte d'autrui.
Groi. Droit de la G. et de la P. L, 3, r. 13.
$• 1. n. 2.
non seidement les biens du débiteur ^nt comme hy-
. pothéqués au créancier , mais eux^ore ce qui appartient
à ses sujets, qui sont comme répondans de la dette.
Grot, L. 3. c. 2. §. 5 et 7.
eu ce cas là on peut se saisir ou des personnes ou
38 I. AFF. BSS CAPIT. HTF. SUA lâA BLLÉSiX^
des effets mobiliaires des sujets du souverdii, cpii
fuse de rendre justice. Cela n'est pas & la vérité auto-
risé par le droit de nature, mais l'usage l'a établi pres-
que par tout;
où il allègue plusieurs exemples de l'antiquité.
$. 53. Ce principe du droit des gens est fondé
sur la raison naturelle , parceque les sujets sont censés
approuver le fait de leur souverain et souscrire à son
jugement, d'où il s'ensuit naturellement, qu'ils en ré»
pondent, et que quand tout autre moyen manque, c'est
à leur propre bien qu'on doit s'en prendre,
$• 54. Or, puisque le roi se trouve avoir en main
certains capitaux appartenans â des sujets anglaia,. et
qui doivent leur être payés i la décliarge de la Sflésie,
personne ne peut désapprouver, si usant du droit des
gens, et. sur les instances faites par ses sujets, S. M.
arrête ces capitaux^ et s'en sert pour les indemniser,
$. 55. Le ministère anglais a d'autant moins lieu
de se récrier sur ce qu'on choisit un moyen si modéré,
puisque lui-même dans un cas semblable et avant d'a-
voir déclaré la guerre à l'Espagne, l'a suivi pendant
plusieurs années*
$. 56. C'est à regret que le roi se voit dans la
nécessité d'en venir à cette extrémité, dont les suites
retombent sur des individus appartenant à une nation
pour laquelle S. M. a toujours eu une considération toute
particulière, exti*émité à laquelle il n'aurait jamais eu
recours , s'il avait eu d'autres moyens de procurer satis-
faction à ses sujets.
$. 57. Le roi , en agissant ainsi , ne fait que suivre
les règles dictées par la plus exacte justice. Il ne peut,
sans manquer à ses devoirs de souverain et à sa gloire,
refuser de protéger ses sujets, qui n'ont commercé
J^NTRE IiA PKUSSB IfiT JU'ANGIi. J EN 1752- 39
qu'en se reposant sur la déclaration royale j- fondée «itir
la parole donnée par les ministres anglais* / .
$. 58. Les sujets anglais, qui sont les plus iiitére^
ses dans cette affaire, trouveroiit peut-^^tre moyens, &
Taide du parlement, d'inspirer au ministère anglais des
sentimens plus équitables, ou de forcer les armateurs
au paiement réel dès sommes liquidées dont ils sont
comptables aux sujets prussiens, à quel eflfet, 'cebx-iîl
transportent dès «e moment aux rentiers intéressés 'à hî
dette de la Silésie tous les droits, qu'ils ont contre les
susdits armateurs. . • i . ,
§. 59. On ne ^comprend pas ce qu^entend le «air.
nislère 'anglais, 'lorsqu'il prétend que PAnglefeevre sb
trouverait dégagée de la garantie de la Si)ésie,^U' mo-
ment que le paienient de. ces capitaux, gf^rantis aux
Stujets anglais par les traités de- paix de Breslau et. de
Dresde , et en vue desquels seulement, la garantie de I^
Silésie avait été accoi*dée, serait interj^omp^^ i) ^^ifible,
que dans le cas en question, le ministère anglais a de
nouveau perdu de vue le droit de» gén^, car il n'est
point question ici, ni de la précédente paix,' ni ^u mo^
tif par lequel elle a été èbncljde; niais dSine nowéltè
offense faite après la conclusion de la paix, par les
sujets anglais à ceux du rof, et c'est ceàîe ^nouvelle in-
jure qni engage le roi à user de représailles ' pour en
tirer satisfaction.
§. GO. CTest un fait constant, que ce ne fut qu'a-
près la paix de Breslau de 1742 et celle de Dresde de
1745, eonfirmalîve de la précédente (par lesquelles d\in
côté, le i^oî s'engagea à payer k Aes sujets anglais' plus
d'un milb'ou hypothéqué sur la Slésic, et d'autre part,
le roi de la Grande-Bretagne, conaone compris dans \i
même paix, se chargea de ta garantie de ce traité) ce
ne fut que depuis que les armateurs anglais -^conuxieni-
icèrent, malgré le droit des gens et les asaojwices.posi-
40 L AFF. DBS CAPIT. HTP. SUR LA SIL^SIS,
tives da ministère de cette nation, & insulter taitt les
vaisseaax prussiens que les vaisseaax neutres, ma* les-
quels les l^ussiens avaient chargé des marcbandises per-
mises, qu'ils pillèrent les uns et trainèrent les autres
de force dans des ports d'Angleterre, d'où aprèff les
avoir détenus dçs années ^tières, ils les ont relftchés
à la iin, sans leur donner aucune satisfaction de^ tloin-
mages et fraix que la détention leur avait causés ^ €t eu
les condamnait même à ceux de capture*
*
$• 01. Il est donc question ici d'une nout^elle of-
fense, qui ne tire point son origine de la précédente
guerre, et qui n'a point de rapport avec elle, mais qui
demande pari elle-même une nwweUe réparation,
$, 62. Le roi, pour obtenir réparation de cette
noui^lle offensç, est fondé dans le droit des gêna, de
s'en prendre aux capitaux des sujets anglais, qu'il ae
trouve avoir en mains, aussi long-temps que ses sujets
ne seront pas indemnisés. (Voyez ci -dessus §. 52. A3.)
Ç, Q3. L(a paix précédente ne reçoit par 11 aucune
atteinte, puisque, selon le droit des gens, la réparation
d'unç nouvelle offense peut être poursuivie (salua pace)
sans interrompre la paix^
$. 64. L'illustre Grotius décide nettement la ques*^
tion par un principe fondé sur la raison naturelle :
c'est une question (dit -il) qui se présente tous les
jours, et qui est souvent débattue, quand c'est, que
la. paix peut être régardée comme rompue cai* autre
cbose est fournir un nouveau sujet de guerre par
une nouvelle offense, et autre chose est rompre la
paix*
n y donne un exemple pareil au cas que l'on vient
d'examiner ici:
s'il arrive, qu'après la paix conclue, l'une des parties
contractantes fait violence aux sujets de l'autre, et
ENTRE li A PRUSSE ET li^ANGI/. ; EN 1752. 41
par conséquent l'offense de nouveauj la paix ne
pas de subsister, mais alors la partie offensée peqt
(aalva pace) sans violer la paixj recommencer lu
guerre pour ce nouveau sujet.
Qrot.D. delaG.etdelaP. L.3. c.20. §. 28 et32
et c. 20l §. 32 et §. 33. n. 3.
§. 65. Si donc la paix conclue entre deux parties
en guerre, subsiste même après que Tune des parties
contractantes a souiFert de nouveaux actes d^hostilité de
la part de Pautre, à combien plus forte raison ne doit-
on pasVegarder la paix comme subsistante, lorsque ce
n^est que le médiateur et le garant de cette paix, qui
par une nouvelle injure donne lieu à l'un des contrac-
tans , de mettre arrêt sur des cboses âtipnlées dans cette
paix, jusques à ce qu*il ait obtenu satisfaction de cette
nouvelle injure.
$. 66. Mais quand on s'aviserait de soutenir contre
toute raison, que du moins un pareil arrêt anéantirait
la garantie promise au traité de Breslau et de Dresde,^
celle qui est stipulée à Fart 22 de la paix d'Âix-la-
Chapelle du 18 Octobre 1748, ne laisserait pas de
subsister toujours dans toute sa force. En tout cas le
roi se trouverait aussi dégagé de celle, qu'il a donnée
à l'égard de la succession de 1& façiille régnante en '
Angleterre, et de celle des États Electoraux de Hanovre.
$. 67. Il est donc clair par tout Ce qui est dit
ci* dessus, que malgré l'arrêt mia sur les capitaux an-
glais hypothéqués sur la Silésie, la paix de Breslau, et par
conséquent la garantie du roi de la (xrande- Bretagne
et de l'Angleterre, qui y est contenue, subsistent en
leur entier; garantie, que le roi, si l'occasion s'en pré-
sente, saura faire valoir en son temps.
Le duc de Nevircastle ayant mis sous les yeux du
roi d'ÀDgleterre l'exposé ci-dessus ainsi que le mé-
42 J- AFF. DES CAPIT. HYP. SUE JLA SILÉSIE,
moire de M. Mîchell, et tous les antres papiers relatifë
à cette afiaire, S. M. Britannique nomma une commis-
sion composée de quatre jurisconsultes, pour juger sur
la nature et la régularité des procédures de la com-
mission prussienne, ainsi que de prononcer sur le
droit de représailles dont le roi de Prusse préten-
dait pouvoir se prévaloir envers les négodans an-
glais. Quand cet examen fat terminé, le duc de
Newcastle eut ordre d'écrire la lettre ci -après a
M. Michell, et de l-aocompagner du rapport présenté
à S. M. par la commission le 18 Janv. 1753*
N«- VI.
Lettre du duc de Netccastfe, adreuée par ordre de
S. M. Britannique j à M, Michel/, tecrétaire d'ambas»
gade de S, 3L Prusiienne.
Whîtehall, le 8 Février 1753,
Monsieur,
Je n'ai pas tardé à meure sous les yeux du roi , le
mémoire que vous m'avez présenté le 23 Nov. dernier,
avec les pièces dont il était accompagné.
S, M, en a trouvé le contenu si extraordinaire, qu'elle
iTa pas voulu y faire réponse, ni prendre de résolution
là-dessus, avant que d'avoir fait mûrement examiner le
mémoire ainsi que l'exposition d^s motifs etc. que
vous me remîtes peu de temps après, pour servir de
justification de ce qui s'était passé à Berlin; et avant
que d'être, par là, en état de mettre dans leur véri-
table jour , les procédures des cours d'amirauté d'ici,
afin que S. M. Prussienne, et tout le monde, fût bien
instruit de la régularité de leur conduite, dans laquelle
elles paraissent avoir suivi la seule méthode qui ait
jamais été pratiquée chez les nations, où des disputes
SKTRB I«A PRUSSE ET I^'ANGIi.; EN 1752« 43
de cette nature ont pu avoir lieu; et s'être conformées
exactement au/ droit des gens, universellement, reconnu
comme ; règle unique dans des cas pareils, lorsqu'il
n'est rien': stipiulé dé contraire par^ des traités particu-
liers entre les puissances intéressées.
Cet examen, et la pleine connaissance des faits qui
en a résulté, feront. voir si clairement rirrégularité du
procédé des personnes à qui cette affaire a été renvoyée
à Berlin, que Ton se promet de la justice et du discer-
nement de S. M."Prùssiei)ne, qu^elle en sera couvain-
eue, et révoquera l'arrêt qe'elle a mis sur les capitaux
assignés sm* la Silésie; du paiement desquels elle s*est
chargée envers Tlmpératrice-Reinef et dont le rembour-
sement a fait un article formel des traités par lesquels
la cession de ce duché a été faite; ' '. . '
Pai donc les ordres du roi, de vous envoyer. kr
rapport qui a été fait à S. M, sur les pièces susmen-
tionnées, par le chevalier Lee, juge de la cour piima-
tiale, le docteur Paul, avocat -général du roi aux tri-
bunaux de droit civil, le chevalier Ryder, procureur-
général, et M. Murray, solliciteur -général de S. M!
Ce rapport est foDfdé sur les principes reçus du droit
des gens, et reconnus par les autorités les plus respec-
tables chez toutes les nations.
Les points sur lesquels toute cette affaire roule, et
qui sont décisifs y sont :
1) Qu'on ne prend, ni ne peut prendre connais-
sauce des affaires de cette nature, que dans les tribunaux
de la puissance chez qui la saisie se fait; et "ptàf
conséquent, qu'il est contraire à la pratique notoire de
toutes les nations, dans ces cas semblables, d'ériger des
cours ou des juiisdictions étrangères pour en juger;
procédé, par conséquent, qu'aucune nation ne peut
admettre.
2) Que ces cours, qu'on appelle généralement des
cours d'amirauté, et qui comprennent, tant les cours
44 I- AFF. BBS CAPIT. HYF. 8UB LA SILlâfllBy
inférieures, qiie les cours d'appel, décident toujours
uniquement selon le droit des gens universel; excepté
dans les cas où il y a^ entre les puissances intéressées
des traités particuliers qui aient cliangé les dispositions
du droit des gens, ou qui s'en écartent
3) Que les décisions dans les cas dont on se plaint,
paraissent, par le rapport ci -joint, avoir été formées
uniquement sur la règle prescrite par le droit des gens*
laquelle règle est clairement établie par Pusage constant
dçs autres nations, et par Pautorité des plus grands
Sommes.
4) Que dans le cas présent, on ne peut pas 8en«-
lement prétexter ancim traité qui ait changé cette règle,
ou en vertu duquel les pardes pourraient reclamer des
libertés que le droit des gens ne leur donne point.
5) Que comme il n'y a dans le cas présent, ui
juste grief, ni la moindre raison A alléguer pour pou-
voir dire que la justice ait été dénît'c après qu'elle a
été régulièrement demandée; et que dans la plupart
des cas dont on se plaint, c*cst les plaignant eux-mêmes
qui ont négligé les mesures seules convenables pour se
la procurer; il ne peut par couséqucnt y avoir aucune
juste causç sur laquelle des représailles 2)uissent se
fonder.
6) Que, quand même les représailles pourraient
ae justifier par les règles connues et générales du droit
des gens; il parait, par le rapport, et même par des
considérations qui doivent se présenter à tout le monde,
que des capitaux dus aux sujets du roi par Plmpéra-
ti*ice-Reine , et assignes par elle siu* la Silésie , du paie-
ment desquels S. M. Prussienne s'est cbargée, tant par
le traité de Breslau, que par celui de Dresde, en con-
sidération de la cession de ce pays, et qui, en vertu
de cette même cession, auraient dû cti*e j)leinemcnt et
£NTR£ liA TRUSSB Et L'ANG*!*; EN 1751?. 45
absolument aequittés «n Pannée 1746 ^ c'est-à-dire^ vam
aimée avant qu'aucun des faits dont on se plaint soit
airitë:^ He pouvaient, ni en justic^e, ni en vaison^ ni
selon ce qui se pratiqW'eonstamment entre toutes les
puissances les plus respectables > être saisis ou arrêtés
par représailles.
Les différents faits qu'on vient de détailler ^ sont si
clairement établi»:; et prouvés (Ji^ns le rapport ci -joint,
que je ne répéterai pas les raisons particulières , et les
autorités, qui sont alléguées pour les appuyer, et pour
justifier la conduite et les procédures dont il est ques-
tion. Le roi se j>ersuade, que ces raisons suffiront aussi
pour déterminer le jugement de tout le monde impar-
tial sur le cas présent * *
Il est imposant d'observer sur cette matière, que
la dette sur la Silésie fut contractée pair feu Pemperenr
Charles VI qui s'engagea, non seidement de remplir
les conditions énoncées dans le contrat, mais encore,
de donner aux créanciers telle autre sûreté ultérieure
qu'ils pourl^aient raisonnablement demander à Tavenir.
Celte condition aurait été très -mal exécutée, par un
transport de cette dette qui eût donné pouvoir A un
tiers de la saisir et confisquer.
Vous ne serez pas surpris, Monsieur, que dans un^
affaire qui a si fort alarmé toute la nation, qui est en
droit de reclamer une protection que le roi ne saurait
se dispenser de lui accorder, S. M. ait pris du temps
pour faire examiner les choses à fond; et qu'elle se
trouve obb'gée, par tes faits, d'adhérer à la justice et à
la légalité da ce qui s'est passé dans ses tribunaux, et
de ne pas admettra Its procédés îrréguliers qu'on à
tenus ailleurs.
La dernière guerre a "fourni nombre d'exemples,
qui auraient dû convaincre toute l'Europe, combien les
tribunaux d'Angleterre rendent justice scrupuleusemiait
en de pareilles occasions. Us ne se sont pas ^me
46 I. AFP. DES CAPIT. HYP. SUR LA SILÉâTE^
prévalus d'une guerre ouverte, pour saisir ou retenir
lès effets de Penneini, lorsqu'il a para que ces effibis
avaient été pris injustement avant la guerre. Cette -cir-
constance doit faire honneur ^à leurs procédures; et
montrera en même temps, qu'il était aussi peu néces-*
saire, que peu convenable, d'avoir recours ailleurs i
des procédures absolument inusitées.
Le roi est bien persuadé, que ce qui s'est passé A
Berlin, n'a été occasionné que par les informations mal
fondées' qu'on a données de ces affidres à S. M . Prus-*
sienne; et ne doute nullement, que lorsqu'elle les aura
envisagées dans leur véritable jour, sa disposition natu-
relle à la justice et à l'équité, ne la porte à redresser
d'abord les démarches que ces mêmes informations onft
occasionnées, et à achever le paiement du reste des dettes
assignées sur la Silésie, conformément à ses engagement
à! cet égard.
Je suis avec bien de la considération,
Monsieur,
Votre très -humble et très-
\ obéissant serviteur
HOLLES NeWCASTLE.
No- vn.
. ■ •
Rapport fait h S. M, Britannique par la eommtwsi^m
nommée pour répondre à Vewposiiion des motifê etc.
Au Roi.
Sire,
Conformément aux ordres qu'il a plu à V. M. de
nous faire signifier par le duc de Newcastle, lious aravis
mûrement' examiné le mémoire présenté à ce ministre le
22 Novembre dernier par M. Michell, secrétaire d'ambas-
sade de Prusse, avec la sentence des commissaires prussiens
et les tableaux côtés A et B. qui y étaient joints; aussi*
ENTRE LA PRUSSE ET Ii'ANGIi.J BN i752- 47
bien que V exposition des motifs <, etc. remise depuis au
due de Newcastle, le 13 Décembre; et cela après nous
être fait informer avec tout le soin requis, par le garde
des régitres de la cour d'amirauté, comment y fut pro-*
cédé dans tous les cas relatifs auxdits tableaux A et B.
Et y. M. nous ayant en même temps commandé,
de donner notice opinion sur la nature et la régularité
des procédures pardevant la commission prussienne men-
tionnée dans ledit mémoire, aussi bien que de la de-
mande qu^on prétend fonder isur ces procédures, et
jusques où celles-ci peuvent être compatibles ou non,
avecf le droit des gens, avec les traités entre V. M. et
le roi de Prusse, avec les règles établies de toute juris-
diction maritime, et avec les loix de ce royaume:
Afin de nous en acquitter avec plus de clarté, nous
établirons ce que nous pensons sur toutes ces diffé-
rentes questions , sous les quatre chefs suivans :
1) Nous poserons les principes de droit générale-
ment reçus et reconnus.
2) Nous constaterons les faits.
3) Nous appliquerons le droit établi aux faits cons-
tatés.
4) Nous ferons nos observations sur les questions,
les règles, et les raisonnemens contenus, tant dans le
mémoire, que dans la sentence des commissaii*es prus-
siens , et dans l^exposition des motifs , eti\ autant
qu'ils sembleront avoir quelque apparence d'objections
contre ce que nous aurons avancé.
1. Quant au droit :
Lorsque deux puissances sont en guerre entre elles,
elles ont droit de prendre réciproquement Tune sur
l'antre les vaisseaux, marchandises et effets qui se ren-
contrent en pleine mer; tout ce qui appartient à Teii-
48 I* AFF. BSS CAPIT. HYP. SUR LA SIL^SIfi,
iicnii est de bonne prise; mais ce qui appartient it un
ami, ne peut pas l'éfre tant qu'il garde k neutnJ&éb
n est par conséquent statué par le droit des gens:
Que les effets d'un emiemi peuvent être saièia^ qui»^
qu'à bord d'un vaisseau ami.
Que les effets d'un anû doivent être rendus, qocnque
trouvés à bord d'un vaisseau ennemL
Que les marchandises de contrebande conduites A
l'ennemi y quoiqu^ppartenant à un ami, sont de bonne
prise; attendu que fournir â rennemi de quoi poor»
suivre là guerre, c'est. rompre la neutralité.
Par le droit des gens maritime reçu uniTerscUe-
ment et de temps immémorial, il y a une voie uniforme
de justice établie, pour décider si une capture est de
bonne prise ou non.
Et avant que celui qui fait une capture puisse se
l'approprier, il faut qu'un examen juridique, où les
deux parties puissent être entendues, ait précédé, et
qu'elle soit déclarée être de bonne prise dans une
cour d^amirauté, jugeant selon Je droit des gens et les
traites.
Lé seul tribunal compétent pour ces condamna-
tions, est le tribimal du souverain de celui qui a fait
la capture.
Et les preuves, pour la décharger ou la condam-
ner avec ou sans dépens et dommages, doivent, en
première instance, vem'r toutes du vaisseau saisi, telles
sont les lettres de mer qui s'y trouvent, et les déposi-
tions sous serment du patron et des autres principaux
officiers du navire. Pour quel effet il y a dans tons
les ports considérables de toute puissance maritime qui
est en guerre, des officiers de l'amirauté, pour exami-
ner les capitaines et autres principaux officiers de tous
les vaisseaux amenés comme bonne prise; et cela sur
des interrogatoires généraux et impartiaux. Si d'après
cela il n'y a pas lieu à condanmer, soit comme effets
ENTEB XiA FRUSSB ET L'ANGL.} £}K 1752- 49
ennemie, «oit comme contrebande, ; il faut ^e la dé*
charge «'ensuiye : à moins que les preuves produites
ufi rendent la propriété si douteuse , qu'il soit raison-
nable d'en requérir et attendre des preuves ultérieures.
Comme toute revendication de vaisseau ou d'effets^
doit nécessairement être appuyée du serment de quel-
qu'un, du moins quant à ce qui peut être de sa con-
naissance ou croyance; et qu'en général le droit des
gens exige une bonne-foi exacte : il faut que tout vais-
seau soit complètement muni des documens Ae mer usi-
tés, et que l'originalité en soit évidente; et il faut aussi,
que le patron du navire soit au moins au fait du véri-
table état de sa charge eH de sa destination.
n est si indispensable d'observer ce que Ton vient de
dire, que) quand il arrive que les lettres de mer soient
fausses ou suspectes; que des papiers soient jettes en mer;
que le patron et les officiers, préparatoirement examinés,
prévariquent visiblement; que les lettres de mer usitéea
ne se trouvent point abord; ou que le patron et l'équi^
page d'un navire ne puissent pas dire, «i le vaisseau^
ou la cargaison appartiennent en propre i l'ami ou à
l'ennemi : le droit des gens veut, que, selon les diiTé-
rens degrés de manquement ou de suspicion, prove-
nant de la faute du vaisseau, ou d'autres circonstances
particulières du cas, un demandeur même à qui resti-
tution se fait, paie pourtant les dépens, ou du moins
ne i*eçoive pas les siens.
S'il arrive en échange, qu'une capture se fasse
sans fondement probable, celui qui la fait est condamné
aux dommages, aussi bien qu'aux dépens. Et c'est pour-
quoi tous les armateurs Sont obligés k donner caution
pour leur légal comportement : à quoi se réfèrent plusieurs
traités où cette précaution est stipulée expressément (').
- ■ '
(1) Traitas entre T Angleterre et la Hollande du 17 Fëyr. 1663
art. 13 et da 1 Dec. 1674, art. 10. Traite entre l'Angleterre et
n. * 4
50 L AFF. H^S CAPIT. HYP. SUR IiA BlhisiBy
Souvent, quand ni \ea lettres de mer, ni les ext-
mens préparatoires , ne font connaître auffia^miment que
la propriété appartienne à un sujet neutre, temps est
donné au demandeur pour suppléer à ce défaut, en
envoyant les certificats cpi manquent. Mais lorsqu'il ne
peut pa4 prouver par des certificats suffisans , que la pro-
priété appartienne à un ami, elle est présumée appartenir
à un ennemi. Et s'il fournit des preuves subséquentes,
mais qtd n'aient pas été trouvées & bord du vaisseau saisi,
le capitaine qcd l'a amené, est exempt de blftme, et n'est
point tenu de payer les dépens ; ou il poiura même, selon
les circonstances du cas, obtenir les siens fort justement
Si la sentence d'une cour d'amirauté est tenue pour
erronnée, il y a dans tout pays maritime un tribunal
supérieur de révision, qui est composé des personnes les
plus relevées de l'état, et auquel la partie qui se <nroit
lésée peut en appeler. Et ce tribunal supérieur juge
par les mêmes règles qui sont prescrites & la cour d'a-
mirauté, savoir, selon le droit des gens et les traités
subsistant avec la puissance neutre dont le plaignant est
sujet.
Quand aucune des deux parties n'interjette appel,
elles sont censées reconnaître elles-mêmes la justice de
la sentence; ce qui termine le procès.
Cette même manière de juger et d'adjuger les
captures, est indiquée, confirmée et autorisée par gi*and
nombre de traités (').
la France à St. Germain , 24 Ft^vr. 1677 , art, 10 et à Ryswîck. Tr.
de commerce, 20 Sept, 1697, entre la France et la Hollande,
art. âO. Traite de commerce fait à Utrecht, entre la Grande<>Bre^
tagne et la France, 51 Mars 1713, art. 29.
«
(1), Comme on peut le voir par les traites suivans. Quant à ce
que les cours d'amirautë doivent adjuger les prises faites par les
taîsseanx de leur propre nation, et quant à l^examen des tëmoîns
dans ces cas. Tr. entre l'Angleterre et la Hollande, 17 Fëvr. 1668,
J^TRBXiA PRUSSE ET li'ANGIi.J EK 1752- SI
YoOà comme pendant cette dernière guerre, toutes
les captures faites sur mer ont été jugées par la Grande*
Bretagne, la France et Tf^pagne; et toutes les puis-
sances neutres y ont acquiescé. De tout temps aussi
et dans tous les pays de l'Europe , toutes les captures
faites en mer ont constamment été jugées de la même
manière ) c'est-'i'-dire, par des cours d'amirauté pronon-
çant selon le droit des gens et les traités. Et tonte
autre méthode d'en décider serait manifestement injuste,
absurde et impraticable.
Quoique le droit des gens fasse, pour la détermi^
nation des cas, la règle générale, cependant deux puis-
sances peuvent, par accord mutuel, et quant i elles, la
changer ou s'en écarter. Alors ce sont les exceptions
et les changemens introduits parJeurs traités, qui de*
viennent la loi pour les contractans ; et le droit des gens
art. 9 et 14. Tr. 1 Dec. 1674, art. 11. Tr. 29 AyrU 16S9, art.
12 et 13. Tr. entre l'Angleterre et r£«pagne, 23 Mai 1667, art. 2S,
Tr. de commerce â Ryswick, 20 Sept. 1697, entre le France et la
Hollande , art. 26 et SI. Tr. entre l'Angleterre et la France, S Nor.
1655, art. 17 et 18. Tr. de commerce entre rAngloterre et la
France, à 8t. Oermain, 29 Mars 1632, art. 5 et 6. Tr. do 8c Ger«
main, 24 Févr. 1677» art. 7. Tr. de commerce entre la Grande-
Bretagne et la France, â Utrecht, 31 Mars 1713, art. 26 et 30.
Tr. entre l'Angleterre et le Danemark. 29 Not. 1669, art. 23 et 34.
Heîneccius qai a été conseiller prive de S. M. Prussienne, et gënërale^
ment trés-estimë, traite de cette mëthode de juger les captures, dans son
livre de Navihus ob vecturam vetitarum mercium commissis cap, 2.
^ect, 17 et 18. Quant aux appels et révisions; Tr. entra l'Angleterre
«t la Hollande, 1 Dec. 1674» art. 12 expliqué ensuite par l'artiele 2
du traité, de Westminster, le 6 Février 1715-6. Tr. entre /l'Angle-
terre et la France de St. Germain, 24 Févr. 1677, art. 12. Tr.
de commerce de Byswick, 20 Sept. 1697, entre la France et la
Hollande, art, 33. Tr. de commerce d*Utrecht, 31 Mars 1713,
entre la Grand»- Bretagne et la France , art. SI et 32. Bt d*antres
traités.
4*
52 I* AFF. BBS CAPIT. HTP. SUR I^A SIUteOBy
n^entre en rien, qa*en tant qae les traités vfj dérogent
point.
Cest ainsi que par le droit des gens, lorsque
deux puissances sont en guerre, tout vaisseau est su-
jet à être arrôté et examiné, pour voir à qui il ap-
partient, et sMl ne porte pas de la contrebande â
Tennemi; et que, par des traités particuliers, cette re-
cherche a,, jusqu'à un certain point, été mitigée, sur
la foi et Texhibition ou de passe*ports solemnels^ oa
d'autres preuves de propriété, attestées en bonne et
due forme.
U y a' aussi des conventions particulières qui^ tout aa
révers du droit des gens, déclarent de bonne prise les
effets d'un ami qui se trouvent à bord d'un vaisseau
ennemi, et rendent libres les effets d'un ennemi qui se
trouvent à bord d*un vaisseau ami (').
Il y en a même qui déclarent libres certains effets
qui, par le droit des gens, sont réputés de contre-
bande.
S'il arrive qu^un sujet prussien ait une plainte ou
une demande à former cputre quelqu'un qui est domi-
cilié ici, il doit s'adresser aux tiûbunaux de V. M.,
. qui tous sont également ouverts aux étrangers comme
aux nationaux; de même qu'un sujet de Y. M», si tort
lui est fait par quelqu'un qui ait son domicile dans les
états pini^siens, doit s'adresser aux tribunaux de S. M.
Prussienne»
Si le grief regai'de une capture faite sur mer en
temps de guerre, ou que le difTércnd soit relatif à une
capture, il faut s'adresser aux tribunaux établis pour
juger ces causes*
(1) Comme on peut le voir par les traites d<îjà cites, et plu-
sieurs autres, particulièrement par celui du 1 Dec. 1674 et le traité
d'Utrecht entre la Grande-Bretagne et la France.
SKTHB XA PB.TJ8SB. Bit li'ANGXi. ; XN 1752. 53
Le ^oit des gens, fondé sur la justice, sur Téquité,
sur la raison et la conT>GBaace des. choses, et consacré
par un long usage^ ne permet des représfôiles que dans
les deux -cas seuls, ou d'un tort violent, diriigé et sou-
tenu par un souverain, eu > d'un absolu déni de justice
de la part de tous les tribunaux, et du souverain même 5
et cela en choses qui n'admettent pas le moindre doute
ni lidge. . .
Mais là' où liberté ^tière est laissée. aux. j^gcs de
prononcer •selon leur» consciences ; qofind même une
sentence) qu'ils rendent serait^ de fait,. erronQ^, elle
ne donheJrait pourtant, nul juste lieu à représaiUcs. U
ne se peut g^^*e, que difl^ens espritâ^ qo pensent et ne
jugcAt différ^mm^ent sur des cas douteux; et dans ces
cas, tout ce que l'ami é^anger peut dc^mander raison-
nablement , est, que justice lui soit rendue aussi impar-
tialement qu aux gens du pays où ^9, caisse ce plaide,
2* Qaant aux fait»:
Nouç joignons, ici deux £abléaux, qui répondent
exactement k ceux cotés A çt B. que M: IVGèhéll a
délivrés au due d^e Hfewcastle avçc soii; iriéïnoîre, le
23 prdyçnibi'e, et qui ôrà été imprimes; depuis 4vç€
^exposition' (tes motifs^ ..: ■ .
Pîar là on venra, (çiie des 18 vsdssèàiiic que le ta^
bleauA. contiëx^t, avec leurs, cargaisons,
4 s!ij.^t^ vrai qu'ils aîçnjt été priai, f^ren^ rçndus par le^
armatçur^^ mêmes,, à la satisfaction d{^ sujets prus-^
^çp*,, qui n'en ont jomfis pacte plajtç^e à aucune
, caw de justice. de Y.. ]\1U
1 fut restitué par sentence, «^vçc tous ^j^en^ etdonv»
mages, liquidés- à 29011, 12, s, 1 d. Sterling.
3 furent restitués par sentence, avec paiement àFciv-
wvoif et qui o^^ été cçjç^damn^s cpmnjç^.tels^
a
j ». '
54 h AtF. DES CAPlt. HTP. 8U& LA SUlfalISy
8 transp,
4 furent resUlnés par santmce, mais leora cargaiiona^
on partie de lenia cargaisons, condamnées comme
de bonne prise, on comme contrebande : les-
qnefles aussi les tableaux A« et B. ne désignent
point pour avoir appartenu k des sujets prus-
siens.
5 furent restitués leurs cargaisons, mais les deman-
deurs condamnés aux dépens, parce '^e sur les
papiers des vaisseaux, et les 'examens prépara-
toires, il j avait lieu à condamnation ,' et que la
restitution ne fut décrétée que sur Jafoi des cer-
tificats fbumîs et admis dans la suite.
1 vaisseau et sa cargaison fiirelit rendus par sentence
18 sur appel, mais avec compensation des dépens,
'-'^^ vu les circonstances de la capture.
Ce tableau n'a pas besoin d'éclaircissement
n ne peut pas y avoir une ombre de plainte par
rapport aux 8 premiers cas.
Quant aux 4 suivans, puisque dans les tableaux A.
et B. il ii'est pas seulement, fait mention des effets con-
damnés, il faut qu'Us l'aient été bien justçmen.tj (^u comme
effets de Tennemi, ou comme contrebande. Si c'était
comme contrebande, les yaisscaux ne pouvaient pré-
tendre ni fret ni dépens; et les sentences étaient même
favorables, en restituant les navires sur la simple pré-
somption, que les propriétaires des navires pouvaient
n'avoir pas été instruits de la nature des cargaisons ou
de leurs vrais propriétaires. Si c'était comme effets
ennemis, les vaisseaux ne pouvaient point prétendre de
fret, parce que les connaisscmens étaient faux, en les
donnant pour effets prussiens; ni ils ne pouvaient pré-
tendre vaux dépens, parcequMs avaient été amenés avec
raison, les cargaisons, on pai*tie des cargaisons s'étant
trouvées être de bonne prise.
BKTHB jLA PRUSSB £T L'ANGIa } £M dl752« 55
Gomme les derniers 6 vaiaseaux opt .cto restitués
avec toutes leurs cargaisons y il ne peut être question à
leur égard que des dépens qu'on leur a fyil payer,
ou qu'on ne leur a pas adjuges ; ce qui dépiendait en-
iièrement des circonstances des cas, de Tauthei^icité des
documens de mer et de Ja. conduite des équipages :
seuls motifs sur lesquels une demande de restitution ou
de dépens puisse se fouder. Or,, ni les commissaires
prussiens dans leur sentence, ni. le mémoire de M. Mi-
cbell, ni l'exposition des motifs, etc^u^ allèguent une
seule raison fondée en faits pai*eils, pour .faire voir par
les circonstances particulières' des cas dîi^er^i^.. qu'ils .aient
été mal jugés. • . • . »^
Pour ce qui est du tablcjau B, . • ' i
Chaque vaisseau à bord duquel les: sujets prussiens
prétendent avoir eu de leurs elFels propres , allait à un
port eni^emi,.ou en venait directement^ .et plusieurs de
ces vaisseaux: paraissaient évidemment, être jgliai'gcs en
partie> d'effets ennemis, ou .f$ous leur$. pVQpves noms,
ou sous des noms feints. .
Toutes les fois que J'on allégufiit, qu'aucune partie
de la cargaison appartenait i un suj^^ prussien quoi
qu'on ne le prouvât ni par les lettres de m^r.^- ni par
les examens^ préparatoires, eonune cela se devait, tou-
jours néanmœns un temps ; suffisant était accordé à ce
sujet prussien, pour certifier sous serment, que ces
effets lui appartenaient,* et ^on propre ' certifici^t asser-
menté en était reçu pour preuve, quai^; à ta, restitution
des effets. . ; ,..
Lorsque le demandeur ne.v^ut pas<;pr|i^^* sermfînt,
ou en prête Un qui n'aille, point au fait;, il est clair,
qu'il n'est qu'un prête -nom poui* couvrir la propi'iétc
des ennemis 5 comme cela s'est vu souvent i ne pas en
douter» ^ . ■' . .
Voici comment M. Andrié, dans un* lëtti'e' écrite à
S« M. Prussienne le -^t^ 1747 et dont iiib.^xiraitL attesté
56 L AFF. DBS CAPrr. HYP. sur la SILlâsiBy
sous la main de M. Micbell fut produit dans une cause,
explique cette façon spécieuse de mettre à l'abri les
elTets de Tennemi :
Zfès sujets de V.M^ne dowent point, sur des vau^
seaux' neutres-, charger de marchandises réelleFnént
appartenantes aux ennemis de P Angleterre; maie ils
doivent les charger pour leur propre compte^ moyen"
*nant quoi ils pourront avec sûreté les envoyer en quel
pays quHls trouveront à propos, sans courir aucun ris^
quel car si alors des armateurs causent aucun dotn^
mMge aux sujets de V.M.; elle peut être assurée, que
pleine Jiê^tice leur sera faite ici y comme on Pa faite
jusques à présent dans tous les cas pareils (*)•
{jC tableau B, contient 33 cas, dont
2 liront jamais été portés devant aucune cour de jus-
tice en Angleterre, les vaisseaux supposés avoir été
pris, ayant été relâchés par les armateurs mêmes,
à rentière satisfaction des propriétaires. Dans
16 cas, les effets reclamés par des sujets prussiens se
trouvent avoir été restitués actuellement par sen-
tence, aux patrons des navires sur lesquels ils
étaient chargés. Or par les us et coutumes de
mer le patron tient la place du chargeur d'ef-
fets, et lui en est responsable. Dans
14 cas la propriété prussienne n'a été vérifiée ni par
\gs lettres de mer, ni par les examens prépara-
toires, ni par des certificats subséquens et asser-
mentés des demandeurs, à qui temps en fut
accordé. Et
1 cas, qui regarde une portion de cargaison, est en-
*33^ core pendant, parce qu*aucune des parties n*a,
jasques à présent, requis qu'il fut jugé (^).
(l) Cet extrait n'ayant pas M produit en français, mais en
anglais 4 il a fidla:le tri^duire ,> oe qnfon a fait littéralement.
(3) Le dsnandeiir prussien ayant le 29 Janvier dernier exhibé
SKTRE II A PRirSSB ET Ii'ANGIi.; EN 1752. 57
Et il faut que les demandeurs en général aient
intérieurement été bien convaineus eux-mêmes de la
justice des sentences rendues par la cour d'amirauté $
puisque dans tout le tableau B. il ne se trouye pas un
seul exemple qu'il en ait été appelé , et dans le ta*
bleau Â. qu'un seul exemple.
0
3* Pour appliquer le droit aux fiuts:
. Nous remarquerons d'abord, que la sixième question
de l'exposition des motifs etc. ne fonde le droit de re«
présailles que sur ce qu'on leur a si long^tempe dénié
toute la. justice qu^^ étaient fondés de demander.
..De même y le. susdit mémoire ne fonde le droit et
1^ régularité des représailles auxquelles recourt S. M.
Prussienne, que sur ce que ses sujets n'ont pu obtenir
jusqu^à présent aucune, justice des tribunaux anglais
qu^Hs ont réclamés, ou du gouvernement auquel ils
ont porté leurs plaintes^
Ce qui dans up autre endroit, du mémoire est
ainsi exprimé.: Après avoir envain demandé^ des té--
parcUions de ceux qui seuls pouvaiei^p.les faire»
Cependant le contraire de tout c^sla est manifeste
par l'exposé ci-dessus, et nos tableaux annexés»
Daiv 6 des cas qui y sont spécifiés,, si tant est que
les captures aient jamais, été faites, les sujets prussiens se
sont montrés si çontens de la restitution faite par lés
armateurs, qu'ils n'en ont jamais porté de plainte à
aucun tribunal de y. M.
Tous les autres. cas ont été jugés pi^r une cour ^'a-
mirauté., seul tribunal compétent pour décider des cap^
turcs laites sur mer, tant par rapport à la restitution
8iir ce cas des certificats assermentés de proprîe'të devant la cour
d'amirauté, et là-dessus requis jugement^ elle lui a adjuge lareatif-
tntion de tes effets.
58 L AFF. BBS CAPIT. HYP« SUIL I<A SnjsaiB,
nitme, que par rapport aux dépens et dominages; et
cela conformémeot au droit des gens, seole règle k smn
dons les décisions de cette nature.
Et dans tous les cas la cour d'amirauté a lait jus-
tice avec une impardaUté si grande, que tous les vais-
seaux mentionnés comme prosaiens dans le tableau A.
ont été restitués , et que toutes les cargaisons mentionnées
dans les taUeauy J^, et B. Ont été ^eai^ues, à Texceptioii
de 15 dont une est encore indécise.
Généralement même, dans les cas de l'un et de Tautre
tableau, justice a été rendue aux sujets prussiens de* ma-
nière i les bien convaincre dans leurs propres cons-
ciences, qu'ils ont acquiescé à toutes les sentences* stfns
en appeler; un seul exemple excepté y où la partie de
la sentence dont il y eut plainte, fut infirmée et reformée.
Or, quoique tout demandeur prussien aitdû'savoor
que Iç droit des gens lui interdirait le recours à* soh
propre souverain, jusqu'à tant qu'une injustice mam-
ïestement avérée lui fût faite en dernier ressort, et qu^
n'y restÂt plus aucun remède ici; et quoiqu'aucun d'eux
n'ait pu ignorer que ce principe du droit des gens dievait
être d'autant plus scrupuleusement . observé par rapjxirt
aux prises de la dértlière guerre, ^è, toute le propriété
en étant donnée à ceux qlii-les faisaient, aucune pàrdé
rfen pouvait être répétée sur etix qu'en justice 'réglée :
que néanmoins, des demandeurs prussiens quî^ en n'ap-
pelant point, 'ont donné leur propre acquiescement k et
que les prises qui les intéressaient dèmeurassent'àdjugées
à ceux qui les avaient faites, viennent après cela en for-
mer une demande sur tout le corps de l'état, c'est ce iqu'ils
ne peuvent jamais être fondés à faire. Si les sentences
étaicM même indubitablement injustes, c'est leur faute
qu'elles n'aient pas été redressées.
Mais on n'a jamais tenté, et on ne tentera point à
rheLU*e qu'il est, de faire voir par Iqs preuves et les
circonstances mises devant la cour d'amirauté; que ces
BNTHE LA PBUSSS ET Ii'ANGIf.; £H 1752- 59
senlfiuces soiont reprélieiisibles dans aucune de leurs par-
ties. C'est là toutefois Punique moyen légal pour juger
de la justice, ou de l'injnJ^ce.
Car 9 que dans les états prussiens on érige une com-
mission expresse pour la révision des sentences, et cela,
sur des allégations toutes neuves, dans l'absence , et à
l'insçu de Tune des parties, c^est ce qui n'a jamais en**
core été entrepris dans aucun autre pays du monde.
Il faut que toute question sur la légalité ou Pillé-
galité d'une prise,» soit décidée par les cours d'amirauté
de la puissance dont les sujets font la capture. Tout
souverain étranger avec qui on est en amidé, a irait
de demander, que justice se fasse k ses anjets confor-
mément au droit des gens, ou aux traités particuliers
s'il en existe avec lui. Et lorsqu'en des cas qui ne
peuvent être susceptibles d'aucun doute, ces tribunaux
procèdent d'une manière diamétralement opposée au droit
des. gens,, pu aux trailié^^en vigueur, le souverain neutre
est très-^fondé à s'en plaindre.
. Mais il. n'a jamais e^xisté, et il n'existera jiEonais d'aur
tré méthode équitable ni légitime , pour juger ces causes.
Depuis les temps les plus reculés toutes les nations de
l'Europe qui étaient. en guerre, ont. procédé, ainsi uni-
forniémenti et cela avec l'approbation unanime de toutes
les puissances de l'Europe qui étaient en paix.
Qui plus est, les personnes chargées. par S. M. Prus*-
sienne d'une commission si extraordinaire et si inouie,
ne prétendent même pas, par rapport aux quatre seuls
cas dû tableau A. où satisfaction se demande pour des
effets condamnés , qu'ils* aient appartenu & des sujets prtis^
siens; elles déclarent franchement ne procéder en ceïà
que sur le principe évidemment faux,' que lesdités car-
gaisons , bien qu'appartenant à l'ennemi , n'étaient su-
jettes pourtant ni aux recherches ni à la saisie, ni à la
confiscation, dès qu'elles, se trouvaient chargées svfT un
vaisseau neuti*e.
60 L AFF. BSS CAPIT. HYP. 8UK IiA 61I«^UB^
4« Quant aux questions , règles , aUégations et rai-
sonnemens contenus dans le mémoire de H.
Michell, dans la sentence des commissaires prus-
siens et dans l'exposition des motifs :
Les propositions suivantes peuvent s'en tirer comme
ayant qud^e apparence d'objections contre ce «pie nous
vçnops d'exposer A Y. M.
Première préposition.
Que par lé droU des gêna, les effets dun ennemi ne
peuvent pas être saisis à bord d^un vaisseeu^.iunL
. . Mt ëest ce ' que les commissaires prussiens poserU
pour base de tout leur travail^ ,
■ Réponse. Le contraire est trop notoirement reçu
et reconnu partout, pour pouvoit* £tre contesté i àbmme
cela est prouvé par tous les auteurs mit ont écrit sur le
droit des gens j dont iipus citons quelques uns de diffé-
rentes nations (^); et par l'usage coiistant, tant ancien cnie
^^-
{X) R Consolato del Mare cap» $73 dit expressément, que td
effets ennemis ^ bord d'an vaisseau amt doiyeçt être oonfis^oés^ et
c'est un livre de grande aatorit^ Gr»tiu9 dis jurs helli ae jktcit
lib. 3, cap. 1. sect. 5. n. 4. dans les iv>te8y où it cite ee papsage
en, consolatoy et dans ses, notes lib. 3. cap. 6« sect, G. JLooceniut
de jure maritime- lib. t* cap. 4. soct. 12. FoeP de jure mUitmri cap. &
n».ftl» Heineccifi^ ontenr prossien ci-pdessqs.oit^, décide cette qaet»
tiAn durement est possitiveo^ent àa^nfi, toxf. lire 4e navibus ob itecta-r
Tçmvetitarumm^rçium commissis çap^ !• sect. 14. et cap. 2. aect.9.
^^kersboek qaaestione^ jjaris publici Ubu 1. cap. 14. per ^^iun«
Siouch, anglais, dans sou Hvre de ju^tido inter gentesy paM 2.
sect. 8. n. 6. Traita entre l;a Grande-Bretagne et la Sadde,
^ Octobre 1661 , art. 12 et 13. Traite entre la Grande-Bretagne
et le Banemark 29 Nov. 1669, art. 2. £t le règlement &it daM
èe traite pour' les pfuweports et les certificats, est euenticl 'Mv
cette matière.
JSNTAS IiA FXUSSB ST jL'AKGI/.; £N 1752* 6i
moderne : mais il n'y a point de preuves plus fortes
de cette règle {générale ^ que les exceptions qui y ont
été faites par des traités particuliers (')«
Deuxième proposition.
On cite deux déclarations verbales faites en 1744 par
lord Carter et, par lequelles il aurait donné au nom
de V. Mi, f assurance , que rien de ce qui se trouve^
rait à bord ^un vaisseau prussien , hors la contre^*
bande, ne serait saisi; conséquemment , que tous
effets appartenant à Pennemi, mais qui ne seraient
point contrebande, seraient libres; et que lord Ches^-
terfield aurait ensuite confirmé ceè mêmes assurances
par écrit le h Janvier VlVt* ' ■
Réponse. Que ces allégations soient en elles-mêmes^
bien exactes ou non, peu importe, quant aux faits por-
tés dans les tableaux A et B. Vu qu'il ne s'y trouve
que quatre vaisseaux prussiens à bord desquels il y ait
eu des effets qui aient été condamnés; et que dans ces
tableaux mêmes nulle satisfaction n'est mentionnée seu-
lement, comme étant prétendue pour ces quatre car-
gaisons, n paraît cependant convenable de faire voir
à quel point les conséquences qu'on voudrait en tirer
sont mal fondées.
Supposé même que lord Carteret se soit servi des
mêmes termes qu'on lui attribue, ils ne sauraient pour-
tant donner aucuQ lieu à ce qu'on s'efforce d'en inférer.
Car loin qu'ils renferment, comme il le faudrait pour
(1) Traite entre la France et l'Angleterre, 24 F^vr. 1667, «rt. 8.
Trah^ d'Utrecht entre l'Angleterre^ et la France, 1715» art. 17.
Traite entre l'Angleterre et la Hollande, 17 Fëvr. 1668, art. 10.
Traita entre l'Angleterre et la Hollande 1 De'c. 1674, art. 8. Traite
entre l'Angleterre et le Portugal^ 10 Joillet 1654, art. 8. Traite enUe
la France et la HoUanâei 4 Utrcchty 11 Avril 1718, art 26.
62 I* AVF. DES CAPIT. HTP. SUR XiA SHiÉSIX^
.cela, de stipulations nouTelles, si différentes de la ki
générale, ils placent au contraire les Prussicais très ex-
pressément à l'égal des sujets de toutes les autres pui»*
sances alliées , ou neutres ; et on ne pouvait entendre par
là que celles avec qui, conune c'était le cas avec le roi
de Prusse, on n'avait à cet égard point de traité parti-*
culier; puisque c'est là le sens reçu de cette formule
générale qui se rapporte aux autres puissances, même
dai|s les traités formels. Quelque usitée qu'elle soit,
jamais on ne lui a fait signifier encore une admission aux
termes d'aucun traité particulier qui demande hécesssi-
rement une explication spécifique, qu'on, ne prétend
même pas avoir été faite. Or comme les traités avec la
Hollande, la Suède, la Russie, le Portugal,, le Dane-
mark, etc. difilèrent entre eux, qui est ce qui détermi-
nerait, duquel on aurait communiqué le bénéfice? D'ail-
leurs dans ce cas il n'y aurait nulle réciprocité: le roi
de Prusse ne s'étant lié, par son consentement exprès,
à aucune des clauses stipulées entre les autres puissances
par leurs traités respectifs. Par exemple, si les traités
avec la Hollande avaient dû servir de règle entre la Grande-
Bretagne et la Prusse, on aurait dû confisquer toaa les
effets prussiens trouvés a bord d'un vaisseau ennemi,
au lieu qu'on n'a jamais prétendu ici en confisquer
aucuns; et pareillement tout ce qui est prétendu aujotùv
d'hui de la part de la Prusse, se trouverait formelle-
ment improuvé par les mêmes traités : selon lesquels
il est expressément enjoint à tout sillet hollandais, de
ne recourir en dernier ressort qu'à la cour d'appel de
V. M.
Article II. du traité d'alliance entre la Grande-Bretagne
et la Hollande, signé à Westminster, le 6 Févr. 171^.
Comme il s'est éUvé des contestations toucïiant Vex^
plication du 12^""* article du traité de marine de Van
1674, c^in de mettre fin à tout différend sur ce sujets
ENTRB XÀ fRVBST& ET l'aKOL. ; BX 1753* 63
il est convenu et conclu par les présentes que, par les
révisions désignées dans ledit article, on n*a entendu
que celles qui par usage sont reçues et Font été de
tout temps dans la Grmde-Bretagne et dan» les PrO"
vinces-Vniesj et qui sont accordées, et ont toujours
été {accordées en pareil cas auxdits états, et à toute
nation étrangère quelconque*
On avance, que lord Carteret a deux fois refusé à
M. Andrié, de donner une déclaration par écrit , cela
étant inusité en Angleterre.
Mais si) comme il' est à supposer, lord Carteret,
dans ces conversations avec M. Andrié, n'entendait loi
faire qu'une déclaration très-naturelle en l'assurant qu'à
tous égards justice serait rendue aux sujets prussiens de
la même manière qu'à ceux de toute autre nation neutre,
avec laquelle on n'avait point de traité particulier : il
était d'autant moins besoin d'en rédiger une déclaration
par écrit, qu'en Angleterre la justice a son libre cours,'
et que jamais la couronne ne s'y interpose ; jamais ordre
n^est donné, ou intimation ou insinuation n*est faite â
un juge, et, le devoir des cours d'amirauté étant de
rendre bonne et égale justice à tous, lord Caiteret sa-
vait bien qu'elles feraient d'elles-mêmes ce dont il assu-
rait M. Andrié.
Si on avait eu Tîntcntion de convenir entre la
Grande-Bretagne et la Prusse de quelque dérogation k
l'ime ou l'autre règle du droit des gens, et d'établir
ainsi une loi nouvelle, selon laquelle les cours d'ami?
rauté dussent prononcer; on n'aurait pu le faire que
par un traité solemnel, duement autorisé, et revêtu de
toutes SCS formalités.
Mais puisqu'on insiste également sur ce que ces
mêmes assurances avaient été confirmées pai* écrit, dans
une letti*e de lord Chesterfield, adressée à M. Michel!
64 I* AFF. DES CAPIT. HYP, SUR LA SIIiiaUB^
du 5 Janvier 1747; Noua croyons devoir Tinserer ici
mot à mot {Voyez le N^' III, placé à la page &^
Cette lettre s'explic[ue assez d'elle même. Elle met
la Prusse en termes bien exprès sur le même pied que
d'autres puissances neutres avec lesquelles on n'avait
point de traités, et indique tout aussi expressément k
seule voie propre de demander réparation.
n faut de même, que les deux déclarations faites
par lord Carteret à M. Andrîé en Mai 1744, et que
l'on prétend avoir été confirmées par cette lettre de
lord Ghesterfîeld, n'aient en effet dit rien de plus. Du-
moins est il clair, par l'extrait ci-dessus inséré de la
lettre de M. Andrié à S. M. Prussienne, que le nr^
1747 il n'entendait pas encore lui-même ces déel^rar
tions comme ayant promis, ou seulement fait espérer,
aucune liberté ni sûreté pour les effets ennemis qui se
trouveraient chargés sur des vaisseaux neutres.
Et il parait évidemment par des pièces authentiques,
que les sujets prussiens n'ont jamais cru, que sur ce
point aucun droit nouveau et particulier leur eût été
accordé en 1744.
Car nous ne trouvons point d'exemple qu'avant l'an-
née 1746, ils se soient permis de couvrir aucuns effets
ennemis.
Ce n'est -pas aussi en vertu des déclarations ver*
baies de lord Carteret, que les vaisseaux britanniques,
armés en guerre, pouvaient s'abstenir de faire des captures
depuis 1744 jusqu'en 1746; vu qu'ils n'en ont jamais
eu ni pu avoir connaissance ; et supposé que ce niaient
été que de simples assurances d'une justice impartiale,
il était même fort inutile de les notifier aucune part:
puisque sans cela, lesdits vaisseaux étaient indispensa-
blement astreints à agir, et les cours d'amirauté à 'juger
conformément au droit des gens et aux traités.
Jusques en 174&, les documens prussiens ont coti-
isté dans un certificat dé l'amirauté, que le vaisseau
EN^RS IiA PRUSSE ET L'ANGIi. } EN 1752- 65
était dé construction prussienne, accordé sur serment
du charpentier qui l'avait construit; et dans un autre
certificat de l'amirauté, <jue le vaisseau appartenait à un
sujet prussien, accordé sur serment du propriétaire.
Et c'est seulement depuis 1746, que les Prussiens s'en-
gagèrent ouvertement dans la pratiqiie lucrative de couvrir
les efTets ennemis. ;Mais ils paraissent avoir été embar*
rassés d'abord comment s'y prendre, et quelle couleur
y donner, pour le faire avec succès.
Il se trouva sur le vaisseau nommé les trois Soeurs
un passeport sous le sceau royal de la régence prus-
sienne de Poméranie, daté de Stettin, le 6 Octobre 1746,
portant, que la cargaison, qui était du bois de con-
struction pour lés vaisseaux chargé pour le port de l'O-
rient, appartenait à un sujet prussien, et en vertu de
cela , requérant libre passage pour le vaisseau.
M^s* oonmie de fonder la liberté du vaisseau sur
celle de la cargaison, était une nouveauté trop grande
pour pouvoir réussir, on prit ensuite le contrepicd, et
sur le vaisseau nommé les Jumeaux, il se trouva un
passeport sous le sceau royal, etc. daté de Stettin le
27 Juin' 1747, portant, que le vaisseau appartenait à un
Prussien, et en vertu de cela, requérant libre passage
pour les effets.
On ne -s'était pourtant pas fié à ce seul passeport;
car sur Ipj.iaéme vaisseau il s'en trouva encore im autrç,
pareillement muni du sceau royal , etc. et daté de Stet-
tin le 14 Juin 1747, portant, que la cargaison était à
un Prussien. , . :
Il est à remarquer, que les sermcns sur lesquels ces
divers passeports avaient été pbtenus, se trouvèrent être
manifestement faux; et qu^aujourd'bui, dans les .tableaux
A et B, il n'est plus prétexté seulement que les car-
gaisons auxquelles ils se rapportaient fussent à des
Prussiens.
Comme il est dit dans Vexposition des motifs,
11. 5
66 l' AFF. DES CAPIT. HTP. SUR I.A SOAsiEp
qu'en Septembre 1747, M. Miehell remit i lard Chester-
field des représentations toacliant la cargaison du vais-
seau hollandais nommé les trois Sœurs ^ â bord daqodi
elle fut saisie, et reclamée ensuite comme appartenante
h un Prussien; et comme néanmoins nulle mention de
cette cargaison n'est faite dans les tableaoxA etB^ nous
ayons fait mettre devant nous les procédures de cette
cause, et y avons vu, qu'il fut prouvé de la manièie
du monde la plus claire et la plus convaincante, tant
par les lettres de mer, que par les dépositions de vais-
seau : que la cargaison était du bois de construction^
chargé pour le compte et aux risques des Français à
qui il devait être délivré au pori de F Orient, en payant
le fret selon la Cliarte-partie; que le demandeur prus-
sien n'était ni fréteur, ni chargeur ni consignataire de
la cargaison; et que toute la part qu'il y -avait jamais
eue, était d'y avoir prêté son nom et sa conscience;
car il avait fait serment que cette cargaison lui appar-
tenait en propre, et qu'elle avait déjà été chargée le
6 Octobre 1746, on même avant; et cependant le vais-
seau avait alors encore été en lest , et -aucune partie de
toute cette cargaison ne fut chargée avant le mois de
Mai 1747.
Nombre d'autres revendications prussiennes se trou-
vèrent également n'être que simulées, de sorte que M. An-
drié, par sa lettre du '^^ 1747, ci-dessus dtée, semble
en avoir eu honte.
Troisième proposition.
Que lord Carterety dans les deux conversations sus^
dite», a spécifié au nom de V. M.^ quels objets de--
paient être réputés de contrebande.
Réponse. Ce qui peut en être, n'est d'aucune consé-
quence par rapport aux cas mentionnés dans les tableaux A
ctB.^ attendu que de tous les effets condamnés ici comme
BNTRE IiA PRUSSE ET L'ANGL. J EN 1752. 67
contrebande, réelle on prétendue, il neVen trouve au-
cuns portés dans les tableaux comme ayant appartenu
à des Prussiens. De sorte que, soit conune mardiandises
de conti*ebande, soit comme appartenantes i Tennemi,
elles étaient 9 dans l'un et l'autre eas, condamnée* avec
toute justice; et les connaissemens s'en étant trouvés
faux, les propriétaires des vaisseaux ne pouvaient pas
être Ibndés à en demander le fret.
Mais supposé que cette déclaration susmentionnée
de lord Carteret fût exacte^ comment ne conviendrait-on
pas que, si les réponses verbales faites par un ministre
Âun ministre étranger, font connaître ce qu'il croit lui-
même être de contrebande selon le droit des gens, eUes ne
doivent pourtant pas être considérées équivalentes à un
traité fait exprès pour j déroger? Même fussent elles
rapportées littéralement.
Toutes les autres observations déjà faites sur cea
déclarations verbales, sont aussi également applicables
â cette proposition.
Quatrième proposition.
Que les ministres britanniques ont dit, que ces cas
étaient décidés suivant les loix d^Angleterre^
Réponse^ Il ne se ^eut que les ministres britan-
niques n'aient été mal entendus 5 parce que par les loix
d'Angleterre même, il est statué de toute ancienneté,
qu'en temps de guerre , toutes les captures faites sur mer
soient jugées par une Cour d'amirauté, conformément au
droit des gens et aux traités particuliers, s'il en existe.
Aussi n'a-t-il jamais existé de cas, où une des cours
de justice établies pour juger selon les loix d'Angleterre,
ait pris connaissance d'une capture.
Comme dans celte dernière guerre, la propriété
entière des prises avait d^avance été concédée à ceux qui
les feraient, il n'était point dans le pouvoir de Y. M. de
5*'
68 I- AFF. DES CAPIT. HTP. SUR LA BThiSTBy
les faire relâcher arbitrairement à leur |>réjuâiGe$ il fal-
lait nécessairement C[ue toutes les captures fussent lais-^
sées à la décision des tribunaux établis pour les fnger
selon le droit des gens, et les traités, s'il en existait;
et il n'a jamais été imaginé, que les loix qui sont par-
ticulières à ce royaume, pussent affecter la propriété d'mi
sujet étranger amenée ici comme prise faite en pleine mer.
es.,».*». ,™,»iu..
Que V. M. ne pouvait pas avoir plus de droit que &
M, Prussienne, d'ériger des tribunaux pour juger
ces causes»
Réponse. Il est hors de tout doute que chaque
gouvernement a un droit égal d'ériger des cours d'ami-
rauté, pour juger les pi^ises faites en vertu de leurs
commissions respectives. Mais il n'y a aucun gouverne-
ment quelconque qui ait le droit de juger les ' prises
faites par les sujets d'une autre nation, ni d'infirmer les
sentences émanées du tribunal d'un gouvernement. La
seule voie régulière d'en faire rectifier et réparer les
erreurs, est par appel au tribunal supérieur du même
souverain.
Telle est incontestablament la loi du droit des gens,
et telle la manière d'après laquelle les prises ont cons-
tamment été décidées dans tous les pays de l'Europe,
ainsi qu'en Angleterre.
Sixième proposition.
Que la mer est libre.
Réponse. Ceux même qui soutiennent celte pro-
position avec le plus de force, et lui donncA le plus
d'étendue, conviennent (*) loutefois, que quand deux
(1) Gomme on peut le voir dans les passages de Grotius cîtës
ci -dessus, lib, S. cap, 1. sect, 5. n, 4. dans ses notes. Et lih, 3.
cap, 6. sect, 6, dans ses notes.
ENTRE I-A PRUSSE ET li^ANGIi.J EN 1752- 69
«
puissances sont en guerre, elles ont droit de saisir les
effets Tune de l'autre en pleine mer, et à bord des
vaisseaux amis 5 de sorte ^e cette objection ne peut en
aucune manière s'appliquer aux cas dont il s'agit pré-
sentement,
Septiàme proposition.
Que la Grande-Bretagne a publié elle-même des re-
présailles contre t Espagne , pour cause des captures
faites par elle sur mer.
Réponse* Ces captures n'avaient point cté faites
dans un temps de guerre avec aucune puissance; elles n'a-
vaient point été jugées par des cours d'amirauté selon le
droit des gens, mais par des cours de finances sur des
règlcmens qui faisaient eux-mêmes un des griefs; la
demande des dommages causés, avait ensuite été ad-
mise; le montant des dommages avait même été liquidé
à une somme fixe, et le paiement en avait été promis
par une convention expresse, mais qui ne fut point
exécutée. Les représailles s'ensuivirent; mais elles furent
générales; aucimes dettes qui étaient dues ici à des su-
jets espagnols ne furent arrêtées, ni aucuns effets qui
se trouvaient ici^leur appartenans ne furent saisis : ce
qui nous conduit naturellement à une autre observation.
Le roi de Prusse a engagé sa parole royale à payer
la dette sur la Silésie due à des particuliers* Cette
dette est commerçable , et une bonne paitie peut en
avoir été transférée à des sujets d'autres puissances. Il
sera difficile de trouver un exen^le, que jamais souve-
rain se. Joit pprté à saisir par représailles une dette
qu'il devait à des particuliers.
' Un. pai*ticulier prête son argent à vax souverain suv
la foi de son honneur; parce qu'un souverain ne peut
point, comme le reste, des hommes, être actionné et
contraint à payer par voie de justice.
70 t AFF. DES CAPIT- HYP. SUR LA SII.ÉSTS,
L'AngleterFe , la France et l'Espagne ont gardé cetu
foi publique si religieusement, qu'elles n'ont pas soii£^
fert, même durant la guerre , qu'on s'enqutt seulement
de ce qui des dettes publiques pouvait être dû i l'en*
nemi; quoiqu'il fût certain , que beaucoup d'argent an-
glais était dans les fonds de France, et beaucoup d'ar-
gent français dans les fonds d'Angleterre.
Cet emprunt que feu l'empereur Charles VI fît en
Janvier 1734-5, n'était point une transaction d'état à
état , mais un simple contract fait avec des particuliers,
qui prêtaient leur argent sur l'engagement que prenait
l'empereur, pour lui, s^s héritiers et descendans, de
rembourser le capital avec l'intérêt, de la manière et
dans les termes réglés par le contract ; sans délais re-
tardement, déduction, ni rabais quelconque i pro-
mettant, au cas que les instrumens et les paroles dont
on fit usage ne fussent pas jugés assea forts, d'assurer
l'exécution de son contract, dans et par tels autres
actes, moyens, manières , formes ^t paroles, qui se-
raieni les plus valides et les plus efficaces pour lier
ledit empereur, ses successeurs ^t descendant ^ et que
les prêteurs pourraient raisonnablement exiger.
Il a hypothéqué ses revenus des duchés de la haute
et basse Silésie, pour sûreté réelle et spécifique du paie-
ment du capital et des intérêts. La dette entière, capi-
tal et intérêts, devait être çicquittée dans le courant de
Pan 1745:
S'il était même arrivé qu'elle n'eût pas pu être
payée hors des revenus de la Silésie, l'empereur, ses
héritiers et descendans en fiissent toujours demeurés
débiteurs, et obligés à la payer; car l'éviction ni la
destruction de ce qui est hypothéqué, n'annullent la dette^
ni n'en déchargent le débiteur, Pour cette raison l'im-
pératrice reine, sans le concours des prêteurs, stipula
comme la condition sous la'quelle elle cédait les duchés
de Silésie au roi de Prusse, que par rapport i cette
BNTRSIiA PAU8SE BT I^'ANGIi. j £N 1752* 71
dette, S. M. Prussienne se tiendrait pour subrogée au
lieu et place du feu empereur son père. Et voici les
propres termes du septième des articles préliminaires
entre la reine de Hongrie et le roi de Prusse, signés i
Breslau, le il Juin 1742 i S. M. le roi de Prusse se
charge du seul paiement de la somme hypothéquée sur
la Silésie aux marchands anglais, selon le contract
signé à Londres, le 7 Jam^ier 1734-5.
Cette stipulation a ensuite été confirmée par le
neuvième ar^cle du traité entre leursdites majestés signé
à Berlin, le 28 Juillet 1742.
Elle a encore été renouvellée et confirmée par le
second article du traité entre leursdites majestés signé
à Dresde, le 25 Décembre 1745.
En considération de la cession de la Silésie faite
par l'Impératrice -Reine, le roi de Prusse de son côté
s^e^t engagé envers elle, à payer cette somme selon le
contrait; et -il est par conséquent obligé d'être en
tout^ens, quant â cette somme, au lieu et place du feu
empereur.
Or, feu l'eqipereur n'aurait pas pu saisir cette somme
par représailles, ni même comme effets ennemis, en cas
de guerre ouverte entre les deux nations; parce qu'il
avait engagé sa foi de la payer sans délai, retardement,
déduction, ni rabais quelconque.
Quand ces termes ne s'étendraient pas à tous les
cas possibles, il avait engagé son honneur, de se lier
encore plus efficacement à payer cette somme, en telle
forme de paroles qu'on pourrait exiger. El ainsi il pou-
vait être requis en tout temps, de déclarer expressé-
•Meilt, que cette somme ne serait saisie, ni par repré-
«aiUes, ni en temps de guerre; comme cela se pratique
fréquemment lorsque les princes et états souverains
empruntent de l'étranger.
De sorte qu'en supposant même pour un moment,
que les plaintes de S, Mf Prussienne fuiseiU fondées eii
72 I. AFF. DES CAPIT. HYF. SUR UL WUÉSlMy
justice et selon le droit des gens, et qu'il :fût plemement
en droit d'user de représailles contre la Grande-* Bre-
tagne en général : toujours ne pourrait-il pa» aaiair cette
somme par représailles^, sans enfreindre- ses mga^emeiu
avec l'Impératrice-Reine.
D'ailleurs cette dette entière devait^ selon: le cou-
tract, avoir été acquittée dès 1745. On doit donc en
justice et en équité, considérer, le contraet conàme ayant
été rempli dès-lors, en tant que cela peut Intëi^esSer la
sûreté des créanciers; or, les plaintes * jn'ussitïunes n'ont
commencé qu'en 1746, quand toute la dette aurait déjà
dû être payée en entier.
C'est sur ce principe de justice naturelle, qn« les
vaisseaux et effets français qui avaient été saisis à tort
durant la guerre avec l'Espagne, mais avant Celle' avec
la France, ont, par les sentences des tribunaux de V. M.,
été restitués aux propriétaires français ', lilôrtic ' au plus
fort de la guerre avec la France, et énôbrè ' depuis ; on
n'a jamais prétendu confisquer ces vaîsiseâlii rii ces ^fibts,
quoiqu'ils appartinssent à des sujets d'un ennemi actuel,
et se trouvassent entre nos mains; parce' qù^'ls n'y eussent
point été alors, sans le tort qui leur avait été fait avant :
tout comme cet argent ne se trouverait point' aujour-
d'hui entre les mains dé S. M. Prussienne, si elle n'avait
manqué au contract, en ne payant pas la sîomtne entière
en 1745.
La garantie de V. M. des susdits trois traités, ne
peut que dépendre des mêmes conditions sous les-
quelles la cession de l'Impcratricc-Reine a été faite.
Mais c'est ce qui est suj^erflu de remarquer.*;! w
que le roi du Prusse convient lui-même que, de ne
pas payer cette dette, serait de sa part une infraction
desdits engagemens, et une renonciation auxdits traités,
si, par le droit des gens, il n^était point autorisé a user
de représailles contre les sujets de Y. M. 3 et nous croyon»
ENrâB ^ PHUSSB ET li'ANGIi. J EN 1752- 73
avoir .claireinent fait. voir i^u'^en aucun sens il ne salerait
' l'être.» ^. -,
Il ne nous reste qu'à soumettre très -respectueuse-
ment tout ce c[ue dessus aui^ . lumières et à la
prudence de V. M.
- ' Geo. Lee.
' : G. Paul.
D. Ryder.
Le 18 Janvier 1753. W. MuRRAY.
! ...
La réplîquç que la commission prussienne fut
chargée par le roi, de faire au rapport des commis-
saires anglais (*), était divisée en deux parties, la
première contenait la réfutation des objections
f^tes- quant au droit i la seconde, celles faites
par rapport aux faits. Nous nous boiserons à
donner ici les paragraphes les plus importans
de la premièrq p^tie de cette réplique, ayant
fi}9ule rapport JkJl^.. discussion sur les principes du
droit *des gens ' fi .axiopter dans- cette, circonstance.
, I
. : : . ■ I i . ; • ; fl : * ■ ; ; . .
* i "i. i:. ' . ■ ••;
N^ vm.
JSitPraa^ide^la répHque faite ûu- mj^purt des commUr
n'êaires amglais^^teiuehant le$ déprédatîom de9 ar^M'
M-:tâuri ang^faUf \€iUANt AU:i>HOiX'^^ ■
.fi . .§. 6i. Çcsî,prînqîp^, (éta^t P9«(çsFj,ex^npu^.in^i^
tenait la. ques^Qijijiquji .s'agite^ açtuellf^ent ontre. 1^
Pcuj^en^: e^.le$ ^gl^js^, savoir,,, si}|{^/2. vaisseau neutre
pé^ut^ être détourné de spn poturs, et amené au porjt, en
conséquence dune présomptiçn (fu du(i soupçon, çfa-
T — : -. : : :
(1) Cette r<^Hai;^-. ^/^^t.^e yiDgtt>dei:^ polgea imprimëes en 4°;,
74 L Af'F. B£S GAPIT. HYF, SÛR Ii^IIiésiB^
voir à bord des effets appartenons aux ennemis, ei si
Pon peut déclarer ces effets de bonne prise, à moins
que le vaisseau ne fournisse des préwes y quHls appar^
tiennent à des amis.
§. 7. U faut avouer qu'en de pareils cas, des nations
belligérantes se sont donné de grandes L'bertés, parti-
culièrement vis-à-vis des vaisseaux appartenans i des
états neutres ) qui ne se trouvaient pa^ à même de res-
sentir l'injure. Mais cette pratique, tant qu'elle sera
contraire au droit de nature et incompatible avec l'u-
tilxté et la convenance générale du genre humain, ne
^aurait jamais s'établir en principe de droit des gens.
§.8. Op c'est évidemment blesser .le droit de mn
ture, que 4^ saisir la propriété d'un hofame qui ^
en paix avec moi, ou de l'en déposséder, quand ce ne
serait que pour un moment : pai* conséquent, de saisir
le vaisseau d'un tel homme en mer, est très-swréineiit
imè infraction du susdit droit. Son vaisseau est sa "pro^
priété en quelque endroit qu'il se trouve, et je n'y piâ
entrer pour saisir ies effets ennemis, qu'il pourrait avoir
à bord, non plus que dans un port ou territoire neutre,
pour m'emparer des navires, ou des effets d'un ennemi.
Bien au contraire, ce droit de nature a été si ferme,
ment établi par les loix et les coutumes de tdttteslés
nations, que quand je suis actuellement en poursuite
d'un vaisseau ennemi, et que celui-^ci s'échappe dans^ un
port neutre, ce serait une infraction de la neutralité, si
Pbn'me permettait d^ieltitrer dans lé port et de m'em-
parer du vaisseau. Grotius dit en termes exprès Livré
IIL cliap. 6. sect, 26. no. 2- qu'uiiè puissance neutre est
en droit d'empêcher, qu'on ne saisisse les effets dél
ennemis sur son territoire.
§. 9. Quand on considère ensuite l'utilité «et la
convenance générale, du genre humain, il est certain
SKTRE IiA P ATJS8S ET li'ANGI* ; EN 1752. 75
^e la Bberté du commerce et de la navigation est d'une
utilité universelle y et que tout le monde y trouve son
compte, an lieu €pie la nuqdme qui permet de saisir les
effets ennemis à bord d'un vaisseau neutre, doit néces-
sairement assujettir toutes les nations à tant de vexations,
et occasionner tant de disputes et de discussions, que si
elle était universellement reconnue, il n'y aurait plus de
liberté de commerce et de navigation, aussi longtemps
qu'il resterait encore au monde deux nations qui se
lissent la guerre. Aussi toutes les nations commerçantes
en Europe sentent si vivement les inconvéniens qui ré-
sulteraient pour tout le monde de la maxime en question,
que la plupart d'entre elles ont adopté la règle contraire,
savoir : yue bord libre rend la marchandise libre, et
Tont établie par des traités exprès. Et comme Futilité et
la convenance générale du genre humain fournissent l'u-
nique fondement solide an droit des gens, ces traités,
bien loin d'en former une exception, prouvent évidem-
ment, qne la règle qu'ils y établissent, appartient au droit
des gens, et devrait être suivie dans la pratique de toutes
les, nations.
$. 10. En effet, il n'est point de nation qui ait
tant d'intérêt de soubaiter que cette règle soit reconnue
partout, comçoe une maxime du droit àes gens, qne les
Anglais. Que deviendrait leur commerce dans la Médi-
terranée, si les Turcs et les Maures saisissaient tous les
vaisaeanx qu'ils rencontreraient en mer, sous prétexte
qu'ils avaient à bord des effets appartenans anx Espagnols,
et qu'ils les retinssent jusqu'à ce qu'on leur eût prouvé
par des certificats apportés d'Angleterre, que ces effets
appartenaient en propre à des Anglais? et si de l'autre
c6té les Espagnols en usaient de même, sous prétexte,
que les vaisseaux anglais portaient des marchandises ap-
partenantes à des Turcs ou à des Maures : que devien-
drait leur commerce dans la Baltique, durant la guerre
76 i rAFP.OIES CAPIT. HYP. SI» I-A 81IjÛ91Bj
entre quelques unes des puissances dont les états
touclient à ces parages? Que deviendrait leur com-
merce- en Espagne ou en Portugal, durant la. guerre
entre ces deux couronnes, ou celle de la France avec
Tune ou arec l'auti'e. Bref, que deviendrait leur com-
merce aux Indes orientales et occidentales, et même en
tout autre endroit du monde, en cas de guerre entre
l'Espagne et la Hollande, si les deux parties belligérantes
étaient autorisées à saisir et à arrêter les vaisseaux anglais,
«olis prétexte qu'ils portaient quelques, effets apparte-
nans aux ennemis de l'une ou de l'autre? Car il est
aisé de trouver quelque fondement à de semblables
soupçons^, et souvent il nest pas au pouvoir du capi-
taine ou du patron du vaisseau, de déclarer sous ser-
ment, â qui appartient réellement chaque parcelle de
sa cai^aison, vu que les connaissemens portent fréquem-
ment à Tordre de celui qui les a. remis à boiFd^ et que
par une correspondance secrette entre Içs parties qui
envoient les marchandises, et qui doivent les ^recevoir,
lai'cbose peut être ménagée ' en , sorte que les eS&s
paraissent appartenir à Tune, et passer à son risqae,
tandis qu'ils appartiennent cfrectivemcnt à l'autre.
!•
li.:^ §. 11, Ainsi la maxime, que* bord libre; rend la
marckandiae libre, est non seulement tout à.f^t con-
forinc au droit des gens, mais il sera de plas toujours
de l'intérêt de l'Angleterre, qu'elle, soit établie et adop-
tée partout avec l'unique exception des marcJum(U$e8
xle ' contrebande, et . de . celles qu'on transporte dans
•des- ports des ennemis bloqiiés. par des vaisseftUx de
guerre. Et comme les Anglais ont eflectivement . étar
bli cette règle, par des traités formels avec quelques
nations, ils sont obligés en justice de l'établir' avec
toutes celleS'- qui veulent s'engager à Tobserver ré-
ciproquement : toutes les nations neutres étant -en droit
de prétendre à un traitement, égal, et à une îudulT
ENTRE liA PRUSSE ET li'ANGIi. J EN 1752. 77
gence égale par rapport à la liberté du commerce. Aussi
en auraient-ils sûrement usé de la sorte durant le coursi
de la dernière -guerre ^ si la considération d'un intérêt
étranger ne les avait indtiits à envisager comme leurs en-^
nemis secrets, certaines puissances étrangères qui ne se
proposèrent jamais d'autue but, que de se défendre contre
l'injustice de ceux qui, sous le nom d'alliés, ont toujours
agi comme s'ils étaient les maîtres d'Angleterre.
§. 12. Or, parmi toutes les nations qui ont adopté
cette règle, on convient que les effets d'un ami, même
quand on les trouve à bord d'un ennemi, deviennent de
bonne prise, et appartiennent aux capteurs, tandis que les
nations, qui suivent la maxime contraire, soutiennent que
les biens d'im ami ne sauraient être regardés de bonne
prise, quand même on les aurait saisis sur un bord en-
nemi, mais qu'il faut les rendre au propriétaire, àès qu'il
aura duement prouvé qu'ils lui appartiennent. Voyeas
les annotations sur le passage allégué. de Grotius , et ce
qu'il a dit sur ce sujet, Livre IIL C. è..fi. 6.
§. 13. Mais dans la dernière guerre le gouverne-
ment d'Angleterre semble avoir adopté tantôt l'une de
ces maximes, tantôt Fautre, selon que cela convenait* le
mieux aux intérêts de sqs armateurs. Car quand on trou-
vait sur des bords neutres des effets qu'on pouvait soup-
çonner tant soit peu d'appartenir à l'ennemi, on ne bésita
point de les déclarer de bonne prise , à moins qu'on ne
prouvât clairement tjn'elles appartenaient à quelque ami.
Non obstant cela, on déclara la même chose à l'égard de
tous les eflfets trouvés sur des vaisseaux ennemis, quoi-
qu'on se fût offert de prouver, que les effets en ques-
tion appartenaient réellement à des amis, et même à des
Anglais^ pratique qui, étant adoptée comme établie par
le droit des gens, donnerait à la vérité des avantages ex-
trêmes aux armateurs, et à tous les vaisseaux, armés qu
en agissent en cette qualité 5 mais combien de troubles
78 I AFF. DES CAPrr. HTP* SUR ZiA SIUisiB,
et de vexationa elle causerait aux vaîsaeatiz marchancU
de toutes les nations en temps de guerre, cela aaute tel-
lement aux yeux 9 qu'il serait superflu d'j répandre de
nouvelles clartés. Il paraît d'ailleurs assez par la con-
duite de l'Angleterre vis-à-vis des autres nadona, com-
bien elle est .éloignée de leur passer la pratique de It
maxime en question. Car dans les traités de commerce
qu'elle à conclus avec d'autres, elle a généralement grand
soin de stipuler, qu'en quelque temps qu*il s'élevât des
guerres entre la nation contractante et quelques autres,
les Anglais jouiront constamment d'tm libre commerce
avec l'ennemi 9 et pourront par conséquent prendre une
cargaison entière de lui, au cas qu'ils eussent jcoutume
d'en user de la sorte en temps de paix : traités qui, comme
j'ai observé, bien loin d'introduire une nouveauté qui
dérogeât au droit Universel des nations, ne font que cou*
firmer une règle qui en fait partie, et devrait s'obser-
ver partout indépendamment des traités : d'autant qa«
sûrement personne n'osera soutenir, que le meurtre, le
larcin, ou d'autres crimes semblables ne sont pas défen-
dus par le droit de nature, parce que dans toutes lea so-
ciétés, bormi celles des pirates, des brigands et des vo-
leurs, les loix positives et municipales les défendent et
les punissent^
$. 14. Il résulte donc de tout ceci, que non obs^
tant tout ce qui peut avoir été pratiqué de contraire parmi
certaines nations, et dans des siècles, où l'utilité gêné*
raie da la liberté du commerce n'a pas été bien enten-
due^ c'est constamment une maxime du droit des gens^
que le vaisseau libre rend la marcJiandise libre, et
que tous lea effets trouvés sur un vaisseau^nnemi ^ sont
de bonne prise : d'autant que cette règle termine toutes
les^ contestations concernant les cargaisons, et laisse i
chaque nation neutre la puissance d'un commerce libre
à l'égard de tous Tes effets qui ne sont pas de contre^
ENTRX IiA PRUS8B ]&T Ii'ANGIi. ; EN 1752« 79
bande, et de tous les ports qui ne sont pas bloqués
par dés vaisseaux de guerre, aussi long-temps qu'elle
ne poursuit que son propre commerce, sans s'engager
à ce qu'on peut appeler avec raison, faire le commerce
des ennemis pour eux. Car alors elle n'agirait plus
conune une puissance neutre, mais comme alliée et
auxiliaire de l'ennemi , et si sur un avertissement con-
venable elle ne s'abstenait pœnt d'une pareille mar-
noeuvre, elle mériterait d'être traitée en ennemie.
§. 15. Cependant comme il peut s'élever des disputes,
tant sur cet article, que sur ce qui est censé être de contre^'
bande, ou non, et que ci-devant la règle en question, n'a
pas été trop bien bbservée, non plus que la plupart
des autres, il est, selon Grotiusj du devoir de chaque
nation qui entre en guerre, d'envoyer des notifications
à toutes les puissances neutres, pour s'expliquer avec
elles, de quelle façon elles auront 4 se conduire durant
le cours de cette guerre : et cela doit s'observer plus
particulièrement envers celles avec lesquelles il n'y a
point de traité exprès.
§. 16. Le gouvernement britannique paratt avoir né~
gligé d'envoyer ces sortes de notifications aux puissances
neutres, tant au commencement, que dans le cours de
]a dernière guerre, mais malgré cette négligence, le roi
de Prusse, qui veille sans cesse au bien de ses sujets,
et à leur prospérité, eut soin d'y suppléer et de de-
mander une pareille explication. Il en reçut une du
ministère britannique, d'abord verbale, et puis par écrit:
ce qtd me conduit à examiner la déclaration faite par
lord Carteret, et la lettre écrite par le comte de
Cbesterfidld, que je suppose couchée dans les mêmes
termes, qu'elle est énoncée dans le rapport, attaché à
la lettre du duc de Néwcastle.
§. 17. On convient que la déclaration verbale du
lord Carteret porte en termes exprès, que rien de ce
80 I. AFF. BBS CAPIT. HYP. SUR LA Sll,iSJ^j
qui se trouverait h bord des vaisseaux prusêisnê' nt
serait saisie à moins quHl ne fût de contrebandes
N'était-ce pas dire avec autant de précision qne :des
termes en puissent porter, qu'on observerait la maxinifiy
quûun vaisseau libre rend la marchandise libre ^ h
tous égards j hormis la contrebande? Et lord Càrteret
ayant ajouté, que les navires prussiens seraient traités
sur le même pied qiie ceux des autres puissances neutres^
il n'a pu entendre par là que les puissances- neutres
avec lesquelles la maxime susdite a été établie. Autre-
ment la dernière partie de sa déclaration contredirait
directement la preJère.
§. 18. Cependant comme des déclarations verbales
sont sujettes 'à être mal interprétées, nous allons examiner
celle que le comte de Chesterfield a faite par écrit
En voici les propres termes : „S. M. Prussienne ne
„peut ignorer, qu'il y a des traités de commercé qui
„ subsistent actuellement entre la Grande-Bretagne et
„ certains états neutres, et moyennant les engagement
„ formellement contractés de part et d'autre, par ces
„ traités, tout ce qui regarde la manière de poursuivre
„ réciproquement leur commerce, a été finalement dé-
,^ terminé et réglé. En même temps il ne parait point
„ qu'un pareil traité existe présentement, ou eut jamais
„ existé entre S. M, et le roi de Prusse. Non obstant,
„cela n'empêcha jamais que les sujets prussiens ne
„ fussent favorisés par l'Angleterre à l'égard de^ leur
„ navigation, autant que d'autres nations neutres^ et
„S. M. ne présume point, que le roi votre maître en-
„ tende demander à S. M. des distinctions, et beaucoup
„ moins des préférences en faveur de ses sujets sur
„ce point."
Or, le terme non obstant j n'implique- 1- il pas,
que la suivante expression, de nations neutres^ doit s'en-
tendre des nations avec lesquelles S. M. a des traités
IBNTiLE I-A PRUSSE ET li'ANGI*.; EN 1752. 81
de commerce 9 moyemiant lesqiielles l'exercice du corn*
merce en temps de guerre est déterminé? Combien
n'aurâit-il pas été ridicule de dire : Non obstant, cela
n'a point emp<^ché que les sujets prussiens ne fussent
favorisés par l'Angleterre à l'égard de leur navigation,
autant que d'autres nations neutres avec lesquelles il
n'existe point de pareils traités? Ne saute- 1- il pas aux
yeux d'un chacun, que le terme de non obatanty aurait
été ici tout à fait déplacé et niôme ridicule?
§. 19. H s'ensuit donc incontestablement de ces
déclarations, que les Prussiens étaient en droit de de-
mander qu'on observât à leur égard le principe, que le
paisseoi^ libre rend la marchandise libre, et que tous les
eflets trouvés à bord d'un vaisseau ennemi sont de bonne
prise. Et il est évident qu'ils ont regardé ce principe
comme adopté et reconnu par l'une et l'autre nation 5
car ils se sont soigneusement abstenue de charger leurs
eflets à bord des vaisseaux français, ou s'ils Font fait,
ils ne les ont jamais reclamés quand ces navires sont
tombés entre les mains des Anglais.
$• 20. Mais on objecte premièrement , que ni les
armateurs anglais ni les cours de l'amirauté britannique,
n'ont pu prendre connaissance des déclarations susdites.
Supposé que cela soit, ce qui parait toutefois douteux,
le ministère britannique aurait dû en avertir le ministère
de Prusse : auquel cas S. M. Prussienne n'aurait cer-
tainement pas manqué d'insister sur la conclusion d'un
traité formel de commerce, que les Anglais n'auraient
point refusé non plus dans ce temps là, malgré la
jalousie qui subsista dès lors entre le roi de Prusse et un
électeur voisin. Si l'on objecte encore, secondement, que
l'obligation n'était pas réciproque , d'autant que , supposé
que les Prussiens fussent engagés dans une guerre,
ils n^auraient pas été tenus de se conduire scion le même
principe à l'égard du commerce des Anglais; je réponds,
II. 6
82 I. AFF. DES CAPIT. HYP. SUR IiA SIIillsiE,
que le principe en question étant la véritable règle
établie par le droit des gens, pour l'avantage du com-
merce, les Prussiens ne sont pas moins obligés de s'y
conformer. S'ils ne s'y sont pas encore engagés par
un acte formel, la faute en est au ministère anglais^
puisqu'il ne dépendait que de lui, d'insister sur une
contre -déclaration de la part de la Prusse, ou de
réduire cet objet en forme d'un traité, et de le faire
ratifier de part et d'autre.
§fc 21, n est donc évident que les Prussiens sont en
droit de demander satisfaction et réparation pour cbaque
navire qu'on leur a détenu sous prétexte d'avoir i
bord des effets appartenans à des Français, et pour
cbaque parcelle des effets, qui leur ont appartenu en
propre, et qu'on ne leur a pas rendus. Qui plus est,
ils sont en droit de demander la même satisfaction pour
chaque obole d'effets appartenans effectivement à des
Français, et qu'ils ont eu à leur bord. (Voyez Grotius
S. 3» Chap. !• §.6. No. 4. dans les remarques.)
§. 25. Ayant établi aîusî la justice de la prétension
des Prussiens, je vais observer ensuite, que dans tdbtes
les transactions entre des états indépendans l'un et
l'autre, le roi ou le gouvernement d'une nation et ses
sujets, sont censés être una et eadem personaj une
même personne .' par conséquent, ce qui est dû par le
roi ou au roi et gouvernement d'une nation, l'est aussi
par ou aux sujets d'une nation, et par contre, ce qui
est dû par ou aux sujets d'une nation, Test aussi par
ou à son roi ou à son gouvernement. Cela est fondé
sur les principes de l'équité aussi bien que sur le
droit des gens : ainsi qu'il est prouvé clairement dans
^exposition des motifs N^- 52. 63. En effet je ne crois
pas qu'il y ait homme de bon sens qui ose le con-
tester. Ainsi tout ce que les armateurs et les sujets
d'Angleterre doivent à ceux de Prusse à raison de
ENTRE LA PRUSSE ET J/ANGL. J EN 1752. 83
' saisies injustes, le roi d'Angleterre le doit à celui de
* Prusse, et tout ce que le roi de Prusse doit au sujet
* d'Angleterre à compte du prêt sur la Silésie., est aussi
du au roi d'Angleterre : d'où il s'ensuit nécessairement,
r que dès le moment que la dette mentionnée en pre-
nuer lieu, commença à être due par le roi d'Angleterre
^ au roi de Prusse, elle a éteint à proportion celle que
' le roi de Prusse devait à celui d'Angleterre, et cela par
la nature même des compensations, reconnue générale-»»
ment par toutes les nations. Quand quelqu'un doit â
un autre certaine somme sans intérêts, et que celui-ci
. lui en a prêté une autre, quoiqu'à titre d'intérêts, l'em-
pereur Severus a statué, que les intérêts des deux prêts
doivent être compensés \qs uns contre les autres, à pro-
portion de la quantité du principal, disent les pandectes
Liv. 16. Tit. 2. Loi 2, Et selon les loîx romaines non
seulement les dettes dues en justice, mais encore celles
qui n'étaient dues qu'en équité, étaient admises dans les
compensations. Lip, 16* 2^it. 2. Loi 6. De sorte que
dès le temps que le dédommagement pour les injustes
saisies commença à être dû au roi de Prusse, il cessa
de devoir à titre de prêt sur la Silésie, autrement
qu'en tant que cette dernière surpasse l'autre, et quand il
aura payé cet excédent, ou qu'il est prêt de s'en acquit-
ter, il aura pleinement satisfait à rengagement con-
tracté par le traité de Breslau : la compensation ayant
toujours passé pour bon paiement. Voyez Cod, Liv. 4.
Tit. 31. Loi 4. et Grotius en parlant de la compensa-
tion, dit Liv, 3. Ch, 19. §. 17. que quoique celui qui
presse l'accomplissement d'une promesse, ne soit obligé
par aucun contract, il faudra pourtant dire la même
chose, sMl a causé quelque dommage; et puis §. 19.
N. 13. „il faut observer toutefois, que la compen-
,,5ation se fasse entre les mêmes personnes, et que
,,le droit de quelque tiers n'y soit pas intéressé, bieu
„ entendu néanmoins, que les biens des sujets selon le
6*
84 I- AFF. DES CAPIT. HYP. SUR IiA SILiâsiK,
9^ droit des gens, doivent demeurer obligés pour les
„ dettes de l'état."
§. 26. Nous voyons par là que ce n*est pas pro-
prement par voie de représailleà , maïs à titre de
compensation, que le roi de Prusse est en droit de
rcteuir entre ses mains sur le prêt de Silésie^ autant qu'il
en faut pour le dédommager de saisies injustes faites
sur ses sujets. Cependant les créanciers de ce prêt, ne
doivent rien perdre de leur argent, étant en droit
de demander le résidu au roi et au gouvernement
d'Angleterre, Il faut avouer d'ailleurs, que le roi- de
Prusse en agit généreusement, puisqu'il ne demande les
intérêts pour les saisies, qu'à raison de 5 pour cent
Car puisque les intérêts du prêt de Silésie à 7 pour cent,
avaient cessé dès le moment cpie le roi de Prusse a
été en droit de demander compensation, il aiurait en
raison de demander également 7 pour cent, sur ce qui
lui a été dû à cause des saisies. On ne saurait disQon-
venir non plus, que de toutes les nations du monde, il
n'en est point qui ait moins de raison de trouver à re-
dire à cette méthode de remboursement, que l'Angle-
terre. Ou se souvient encore, qu'immédiatement après
l'avènement du feu roi à la couronne, lorsque le parle-
ment eut accordé une certaine somme, comme due aux
Hollandais, bien loin de leur faire remettre la somme
entière, le pai'lement fit examiner ce qui était dû aux
oflSciers de deux régimens écossais au service des
deux états, qu'on avait reformés : en suite de quoi on
défalqua sur la susdite somme la prétensîon de ces offi-
ciers, dont ils furent payés directement, et l'on n'en
remit aux Hollandais que le surplus.
§. 27. On a opposé i ceci, qu'en premier lieu le
roi de Prusse n'est pas recevable dans le cas présent, à
reclamer le bénéfice de la compensation , vu que le prêt
silésien aurait dû, conformément au contract, être déjà
ENTRE IiA PRUSSE ET li'ANGL.J EN 1752- 85
remboui'sé en 1745, et que par conséquent, s'il n^avail
pas manqué à sa promesse , il n'aurait pas eu cet argent
entre «es mains dans le temps , quand les jlnglais de-
vinrent ses débiteurs à raison des saisies. J'y réponds,
que toutes les fois qu'on emprunte de l'argent en vertu
d'un contpact ou obligation, qui assigne le rembourse-
ment à un certain intérêt annuel j jusqu'à l'entier acquit
de la dette, jamais on n'est censé, selon les principes de
l'équité, avoir mal fait ou contrevenu aux conditions du
contract, quand on n'a pas payé précisément le jour
marqué, surtout quand le créancier ne l'exige point;
attendu que les intérêts tiennent lieu de récompense pour
le délai du remboursement, et que le silence du créan-
cier sert de preuve, qu'il consent de laisser l'argent entre
les' mains du débiteur moycimant cette récompense : or
les créanciers intéressés au prêt sur la Silésie étaient si
éloignée de presser leur remboursement, qu'ils auraient
été charmés qu'on eût voulu continuer le conti'act sur
le même pied pour jamais.
§. 28. On a objecté en second lieu , que la com-
pensation ne saurait être admise ])ar rapport au prêt
sur la Silésie, parce que c'est une obligation transpor-
table e% peut actuellement se trouver entixî les mains des
éti'angersj mais n'est-ce pas une règle de loi générale-^
ment reconnue, que le cessionnaire tient la place de celui
qui cède, et que tout ce qu'on peut demander contre
celui -T ci, on le peut aus^i contre l'autre? Il est vrai,
qu'en faveur du commerce, o^ a introduit une excep-
tion de cette règle pai^ rapport aux billets de cThangei
mais aucune exception de cette nature ne fut jamais agréée,
nî n'a pu être introduite en faveur des usuriel^ , ou de
commerçais en fonds publics. Quant à la conduite des
Français et des anglais envers les projiriétairçs des
fonds publics , elle n'est nullement applicable à la dis-
pute présente. Aucune autre ^ation n'est obligée dç se
86 !• AFF. DES CAPIT. HYP. SUR TJL SlLlÉSIB^
conduire de la même façon, ui de renoncer au droit
^e lui donnent lesloix et la guerre, de s'emparer des effets
appartenans aux ennemis, quand elle en trouve car son
propre territoire : d'autant plus que les Français aussi bien
que les Anglais ont les uns et les autres des raisons toutes
particulières pour en user de la manière qu'ils fout,
§. 29. On a prétendu en troisième lien, que puis-*
que la reine de Hongrie a été obligée en vertu du con-
tract de rembourser le prêt sur la Silésie sans aucun
délai, surséance, défalcation, ni rabais quelconque,
le roi de Prusse, en entrant à sa place, s'est imposé les
mêmes obligations. Il est aisé d'y répondre. C'est que
la compensation étant paiement, et ayant été toujours
censé tel, tout homme qui paie une partie de sa dette
moyennant une compensation et tout le reste en ar-
gent comptant aussitôt qu'il en est requis, la paie en
entier, sans délai, surséance, défalcation ou rabais
quelconque» Si la reine de Hongrie était restée en
possession de la Silésie, et qu'elle, ou ses sujets eussent
eu une dette à prétendre à la charge du gouvernement
d'Angleterre ou de ses sujets, elle aurait été en droit
de porter cette dette en compte dans le remboursement
du prêt sur la Silésie, et selon toutes les apparences
elle n'aurait pas manqué de le faire,
M. Michell, qui fut chargé de remettre cette
réplique au ministère britannique, eut ordre de
déclarer en même temps, „que S. M. Prussienne,
„ après l'examen le plus exact de la réponse faite
„par la commission anglaise, n'y avait point trouvé
„de raisons suffisantes qui dussent la déterminer
„à changer de résolution; mais qu'elle n'en était
„pas moins disposée à terminer cette affaire a
ENTRJB liA PRUSSE ET li'ANGIi.; EN 1752- 87
,, Pamiable et conformément à ses déclarations pré-
„ cédentes. ^^
Ce ne fut toutefois que par le traité de West-
minster, qui fîit suivi d'une déclaration des pléni-
potentiaires anglais, que Ton peut regarder comme
un article même du traité, que ces discussions se
terminèrent (*). Voici le texte de cette déclara-
tion.
N«- IX.
Déclaration, faisant suite à la convention de neutralité
conclue entre la Prusse et la Grande-Bretagne, signée
à Westminster y le 16 Janvier 1756.
Déclaration.
Afin de terminer les différends qui peuvent s'être
élevés entre LL. MM. Prussienne et Britannique, il est
déclaré 9 que dés que S. M. Prussienne lèvera l'arrêt
mis sur la dette de la Silésie, et fera payer aux sujets
de S. M, Britannique ce qui leur en reste du, selon le
contract original, tant intéi^t que principal; S. M. Bri-
tannique promet et s'engage de son côté de faire payer
à S. M. Prussienne la somme de vingt mille livres Ster-
lings, en exdnction de toute prétension de Sadile M.
ou de ses sujets, à la charge de S. M. Britannique,
sous quelque prétexte que ce puisse être.
Fait à Westminster, le seizième jour de Janvîçr,^
l'an de grâce 1756.
(1) M, de Herzberg, fit en 1747 un mëmoire sur cette dispute^
qai u'a pas été imprime mais envoyé au ministère britannique.
On pent dire que c'est Frédéric II qui a le premier soutenu les prin-
cipes de la neutralité maritime, et que M. de Herzbern; en « été
le prçmîer défeqaieur.
88 I. AFF. DES CAPIT. HYP. SUR IiA SHiJ^IS.
L'arrêt ayant été levé peu de temps après, et
les vingt mille livres Sterlings payés par le gou-
vernement anglais, cette somme fîit distribuée entre
les sujets prussiens spécifiés dans la sentence du
17 Juillet 17529 en présence de la commission.
CAUSE DEUXIEME.
Difficulté d^ étiquette survenue en 1762, entre la
cour de France et celle de Russie y au sujet
du titre d'impérial.
J-^epuis que les papes et les empereurs romains
ont cessé de disposer de la dignité royale , au point
d'obliger par là d'autres nations à reconnaître ou
à refuser la reconnaissance ( * ) , toutes les puissances
de l'Europe ont adopté pour principe, que le titre
ou la dignité qu'un état s'attribue , ou dont il revêtit
son chef, ne peuvent point fonder, par eux mêmes,
aucime prérogative sur les autres états ou souve-
rains; et il dépend par conséquent des puissances
étrangères de le reconnaître, de le refuser ou de
ne Paccorder que çopditionnellement.
(l) Le pape Sylveaitre II, ërîgea en 1005 la Hçngriey en royaume,
çu (aveur du prince Etienne, fils 4e Geisa qui, le premier de cette
cation , embrassa le christianisme. — Innocent III , fit Galoïcan xoi
des Bulgares, — ï<e titre de roi de Portugal, qui avait dtë dëfërë
â Alphonse I, par sou armée, lui fut confirme par le pape Eu^énei
et ensuite par le pape Alexandre JII en 1179. Le comte Roger
obtint d'Honorius II , le titre de duc de Sicih; Tanti-pape Anaclet,
lui accorda en 1136, la qualité de roi de Sicile; et le pape Inno-
cent Il loi donna l'investiture en 1159. — Boleslaw I, duc de
90 II. AFFAIRE BU Cl^RÉMONIAIi DlPIiOM.
Anciennement les souverains de la Russie por-
taient le titre Jlutocratores {^) y Magni donUm^
Grands -Princes, Czars{^).
Dans le dix-septième siècle ils commencèrent à
se servir du mot imperatorj dans les traductions
latines des actes et écrits publics adressés aux autres
puissances (^); mais ce ne fut que Pierre I, qui en
172 Ij après les victoires remportées sur Charles XII,
roi de Suède , prit formellement le titre d^ empereur
de Russie.
n en donna connaissance à tous les ambassa-
deurs des cours étrangères (*) qui toutefois ne se
Pologne y reçut en 906 , de Pempereur Otton III le titre et les
ornemens royaax; et depais ce temps lâ, les chefs de la rt^pablîqae
de Pologne prirent le titre de rois. L'empereur Henry IV, éleva
a la dignité royale Vladislas duc de Bohême, L'empereur Fré-
déric I surnommé fiarberousse, donna au duc Pierre I*inyestitare da
Danemark et Teu couronna roi.
(!) Titre que les empereurs grecs avaient adopté anciennement.
(2) Le mot Czar ou Tzar signifie en langue slave roi y et non
pas Caesar ou imperator, comme les autres nations, faute de con-
naissance de la langue russe, le traduisaient pendant long -temps.
(S) L'empereur d'Allemagne Léopold I fut si choqué de cette inno-
vation, que dans la lettre qu'il écrivit à Pierre I en 1687, il lui
déclara qu'il renverrait â l'avenir tout acte émané de la chancellerie
russe, si l'on persistait dans cet usage. Lorsque dans la suite
ces deux cours s'allièrent, l'empereur d'Allemagne ne voulant donner
â Pierre I, ni le titre de Czar ni celui d'Empereur, se servit de
l'épitliète , Majesté Busse , ou , 5. M. de toutes les Bussies,
(4) Le czar fit transmettre en cette occasion, la copie d'une lettre
de l'empereur Maximilien I, adressée au czar Basile, en 1514 > daoi
laquelle l'empereur donnait à ce prince le titre imveratof.
BNTHE IjA RUSSIE ET liA FRANCE J EN 1762. 91
déterminèrent que successivement à reconnaître ce
nouveau titre. ♦ .
La reine Anne d'Angleterre fut la première qui
déjà en J721 donna le titre d'empereur à Pierre-
le- grand lorsqu'elle chargea son ambassadeur^ lord
Wîthworth, de faire des excuses à ce prince de
l'attentat commis sur la personne de son envoyé
à Londres, M. Mathweof (*).
La Prusse ne fit aucune difficulté à reconnaître
le nouveau titre,
La Suède reconnut cette dignité en 1723; et
le Danemark en 1732.
La république de Denise la reconnut en J726.
. U empereur d'Allemagne Charles YII la recon-
nut en 1744 (^); et François I la reconnut égale-
ment peu de temps après son élection comme
empereur d'Allemagne; et Y Empire russe ^ dans
Vannée 1748 (^).
(1) Voyez T. I. de cet onvrage , Cause deuxième , p, 70.
(2) Charles VU avait envoyé en 1743 un ministre en Russie,
dans la lettre de crëance duquel on avait à. la vëritë donne le titre
^impératrice, à Elisabeth , mais comme cette lettre avait été expë--
diëe de la chancellerie électorale de Bavière et non pas de celle
de l'Empire , ce plénipotentiaire ne fut admis à l'audience , que le
15 Janvier 174A, après avoir produit une autre lettre de créance
ejqiédiée de la chancellerie de r£mpire et dans laquelle la nou-
veDe dignité impériale était reconnue.
(3) En 1745, lors de l'élection du nouvel empereur d'Allemagne
à la diète do Francfort, l'impératrice Elisabeth y envoya un ambas-
sadeur, dans le seul but d'obtenir la reconnaissance du titre à!impé^
rial dn collège 'électoral rassemblé, et elle y réussit.
92 II. AFFAIRE DU CÉRÉMONIAIi DIFIiOM.
Marie-Thérèse , reine de Hongrie ne donna le
titre impérial à Elisabeth, qu'en 1742, dans la
lettre de créance dont elle chargea le marqnis de
Botta, son envoyé à la cour de Russie.
Dans l'accommodement fait à Constantinople, le
8 Septembre 1741? entre la Russie et la Porte
ottomane y cette dernière s'engagea par Part. L , de
donner toujours à la czarine le titre dUmpéror-
trice (^).
La république de Pologne n'accorda à Cathe-
rine n le titre df Impératrice de toutes les Itussiesy
qu'en 1764, lors de la diète de convocation des états;
et sous condition qu'elle ne formerait aucune
prétensiqn sur la Russie -rouge (^).
Les cours de France et d^ Espagne n'accordèrent
à Elisabeth le titre d^ Impératrice qu'en 1745 et en-r
çprç en exigeant d'elle une rêver sale (^) ou déclarar
(1) L'art, portait ,^qae dans toutes les nëgociatÎQps qui auraient
y,lieu entre la Porte et la Russie, le Grand- Sultan donnerait à
^S. M. la G^arîne le titre d'Impêrialie^*', et même encore dans la
paix de Kainaj^dgi en 1774, 1^ Porte promit par l'art, JS™* j^,d*em-
y, ployer en gangue turque le titre sacre d' Impératrice de toutes les
,1 Russies dans tous les ac^ea et lettres publiques, ^insi que dans tOQ^
,y les autres caç c^chëans. '^
Le titre : Impératrice de tçutes les Russies, se traduit en I^gu^
turque par^ Temamen Roussie 1er in Padischatz*
(2) £q l76S.f rimpëratrice avait fait notifier^ qu'elle n'avait pi
reconnaître M. de Borch comme ambassadeur de Pologne, tant quf
Taccomodement relatif au titre d'Impérial n'ait eu lieu.
(S) Reversâtes , ou litterae reversâtes , sont des lettres par les-
quelles quelqu'un rëpond qu'il gardera les conditions ëMibHes. Voyci
Pu Cçinge, Glossarium»
y
ENTRE liA RUSSIE ET LA FRANCE J EN 1762. 93
tîon, portant que le titre (VImpérial n'apporterait
I
aucun changement au cérémonial usité eijtre les
deux cours. Voici celle que la cour de Russie jQt
remettre à M. d'Aillon, ministre' de Louis XV.
La réversale donnée à cette même époque â
la cour d'Espagne, fut remise au marquis d'Aï-
modayas, ministre plénipotentiaire de S. M. Catho-
. lique près la cour de Russie.
N*»- I.
Béveriole que fit remettre la cour de Busste à M,
d'Aman^ minùtre plénipotentiaire de France à Saint"
Pétenèourgf en 1745.
S. M. le roi de France, par amitié et une attention
toute particulière pour S. M. Impériale de toutes les
Rossies, ayant condescendu à la reconnaissance du titre
Impérial, ainsi que d'autres puissances le lui ont déjà
concédé 5 et voulant que ledit titre soit toujours donné,
et à l'avenir, tant dans son royaume que dans toutes les
autres occasions^ S. M. Impériale de toutes les Russîcs
a ordonné, qu'en vertu de la présente, il soit déclaré
et assuré que, comme cette complaisance du roi lui est
très -agréable, ainsi cette même reconnaissance du
titre impérial ne devra porter aucun préjudice au
\ cérémonial usité entre les deux cours de S. M. le roi
de France et de S, M, Impériale de toutes les Russies.
Fait à Saînt-PctersLourg, le 16 Mars 1745.
ALEXIS COMTE DE BeSTOUCHEFP.
RUMIN MiCH. COMTE DE WORONZOW,
if
11?
En conséquence de cet arrangement, M. d'Ail-
Ion, dans l'audience solemnelle qu'il eut le 27 Mars
1 1745 de la czarine, lui donna ^ en lui présentant
94 IL AFFAIHE DU CJ^RlÉHONIAIi DIPLOM.
ses letti*es de créance (^), la qualité ^Impéra-
trice de toutes les Russies et la traita de Majesté
Impériale (^).
Quoique cette réversale donnée par la Russie,
parut devoir prévenir toute contestation entre
les deux souverains, elle donna cependant lieu
plus tard à de nouvelles difficultés sur le céré-
monial.
Pierre III, qui avait succédé en Janvier 1762,
à l'impératrice Elisabeth, n'ayant point encore
donné à la cour de France la réversale qui lui
assurait le titre d'Impérial^ la gazette de France
donnait à ce monarque la qualité de Czar^ mais ne
lui accordait point celle d'Empereur, Le coiqte de
Czernicheff, alors ministre de Russie à la cour de
Louis XV, crut devoir en conséquence écrire la lettre
ci -après au duc de Choiseul, ministre des afifaires
étrangères de S. M. Très -Chrétienne.
(1) La lettre de créance portait pour sascription : ^ notre
très- chère et grande amie l'Impératrice de toutes les Russies.
(2) M. d'Aillon, dans son discours d'audience, témoignait encore
à l'Impératrice : ^^que le roi reconnaissait en elle avec plaisir na
titre qu'elle .portait si dignement et auquel elle ajoutait un nooTel
ëclat, par des vertus si propres à perpétuer dans l'esprit de Ut
,, nation, ]<> re.spect et la vénération dus à la mémoire de Pierre I|
„dout ellc.suîvuit si glorieusement les traces."
Lorsque ce ministre fut ensuite conduit aux audience* dn
grand- duc et de la grande - duchesse , il leur donna à l'an et â
l'antre le litre d'Altesse Impériale,
I*
ENTRE LA RUSSIE ET liA FRANCE; EN 1762. 95
N« n.
Lettre du comte de Czemicheff^ mtnùtre de Rusne
à la cour de France ^ adressée au duc de Choùeul
ministre des affaires étrangères de S. M. Très^Chré"
tienne; du 6 Mai 1762.
Monsieur, ayant remarqué que depuis quelque temps,
la gazette qui s'imprime en celte ville (Za gazette de
JFVa/z ce), partout où il est parlé de l'empereur, mon maître,
ne le qualifie point de cette suprême digm'té, et que
cela parait même se continuer avec quelque afiectation,
ne sachant si je dois Tattribucr uniquement à l'ignorance
ou à l'inadvertance du gazetier; et ces papiers qui se
trouvent dans les mains de tout le monde, pouvant
donner sujet à des explications non fondées; je me
crois obligé de m'adresser à V. Exe, pour la prier
qu'elle veuille bien donner ses ordres à ceux qui sont
commis à la correction de cette gazette, d'être un peu
plus attentifs à l'avenir, à empêcher que de pareilles
bévues ne passent à l'impression, etc.
CZERNICHEFP.
No m.
Réponse du duc de Choiseul à la lettre précédente;
du 10 3Iai 1762.
Monsieur, j*aî reçu la lettre de V. Exe, par laquelle
elle me demande une explication sur le titre de czar,
inséré dans la gazette de France. Ce titre est trop
beau pour excite* tm juste sujet de mécontentement de
la part du souverain à qui il est donné. Pierre-le-grand
et ses successeurs n'en ont jamais reçu d'autres de la
France. L'impératrice Elisabeth est la première à qui
le titre bnpéria! ait été accordé. Mais V. Exn. ne doit
pas ignorer que le roi ne reconnut cette princesse pour
1
96 IL AFFAIHE DU CKAÉBd[OKIAI< DIPIiOMT.
Impératrice^ que sous la condition formelle d'une ré*
vcrsale , par laquelle il fut stipulé que ce nouTeaii titre
n'apporterait aucun préjudice au cérémonial usité entre
les deux cours. S. M. désirant sincèrement de mainte-
nir Tunion et la bonne harmonie qui ont régné jusqu'à
présent entre la France et la Russie, n'a pas fait diffi-
culté d'accorder le môme titre au successeur de Wmpc-
ratrice Elisabeth; et les lettres de créance de son mi-
nistre sont adressées à Tcmpereur de toutes les JR.us-
sies; mais & condition d^une semblable révcrsale, on
d'une déclaration qui constate que la première subsiste
dans toute sa vigueur. M. de Br'èteuil n'ayant pas en-
core remis ses lettres de créance , ce point de cérémo-
nial ne peut être fixé; et j'espère apprendre par les
premières nouvelles de Pétersbourg, que toutes les dif-
ficultés auront été applanîes.
J'ai expliqué en dernier lieu k V. Exe. que IVt le
baron de Breteuil avait ordre préalablement à tout, de
demander l'audience dans laquelle il doit remettre ses
lettres de créance. C'est la première fonction que doit
faire tout ministre étranger dans la cour près de la-
quelle il est accrédité; et celle audience indépendante
de toute autre formalité, ne saurait lui être refusée sous
aucun prétexte.
J'ai déclaré en même temps à V. Exe, que M. de
Breteuil n'avait point refusé de faire la première visite
à M. le prince George de Holstein, et qu'il avait simple-
ment demandé une notification de son arrivée; forma-
lité d'usage, et qui ne peut même être considérée comme
un honneur (*). En conséquence, le mim'stre du roi
à Pétersbourg, n'ayant pas le titre d'ambassadeur, t
(1) L'empereur avait fait signifier an ministre de Louis X?
qu'il refusait de recevoir ses lettres de cre'ance, jusqu'à ce qn^O
edt fait une visite de prévenance au prince George de Holiteiii
qui pre'tendait l'exiger sans lui avoir fait notifier son arrivée.
ENTKE liA RUSSIE ET IiA FRANCE J EN 1762. 97
ordre de déclarer, qu'après avoir eu dOQ audience, il
fera volontiers la visite à M. le prince de Holstein, dés
que S. M. Czarienne daignera lui faire. :€onnattre que
cette visite lui sera agréable; considérant cette invitai
tion comme un équivalent préférable à la notification
prétendue, etc« . . r
Choiseul duc de Praslin.
• • . * ■
K»- IV.
RêptiqUe faite par le comte de Cieniicheffi
±2 Mai 1762.
I '
» *!
Monsieur, par la lettre que j'ai eu liionneur'd'é*^-
crire à Y. Exc.^ le 6 de ce mois, elle aura observé^»
que je ne me plaignais que de l'ignorance > ou de la*
négligence du gazetier de cette ville, qui affectait de
ne pas qualifier l'empereur^ monmattre, du titre auguste
éP empereur , sous lequel il a bien voulu consentir que
toutes \eB puissances de l'univers le reooimussent.
Mais la réponse de V. Exe», que j'ai reçue avant^
hier, me fait connaître que le gazetier en ce points n'a
agi que par autorité, d'autant plus que.;danfs la lettr<i|
de y. Exe. j'ai lu ces motâ : dès que & M». Gaarienne
dcUgneta etc*
En adressant ma lettre, du six, k V^ Ëici^. je. n'ai
pas eu l'intention de lui demander aucune explication sur
le titre de Czar^ inséré dans les gazettes de France, m'é-*
tant certainement connu ^ pour être en tous points, le
plus beau qu*aucun des monarques de tunipers ait ja^
mais portée mais comme ce titre a été ctifabstitCié A c^lui
d'empereur^ avec quelque affectation^' tou6; ceulc qn^
auront lu les gazettes^ ne donnaîssant pas l'étendue de
la signification du titre de czar, n'auront-ils pas sup-
posé qu'on avait dessein d'y attacher une espèce d'in-
fériorité?
Ce fut autant pour . obvier à la diffieulté de la
II. 1
98 II. ÎAPPAIRB DU CÉRÉMONIAL DIPIiOM.
prononciation, que pour rendre ce titre plus inteUi-
gible, que mes augustes maîtres ont consenti à le chan-
ger en celui d'eiApereur; titre que toutes les puissances
de la terre se »ont empressées de leur faire agréer. La
France, il est vrai, a été une des dernières; mais son
retard n'a porté aucun préjudice, puisque comnae vous le
reconnaisses vous-même, S. M. le roi, votre niattre, n'a
pas hésité à continuer de donner le titre d'empereur, au
successeur de l'impératrice Elisabeth, et que les lettres
de créance de M. le baron de Breteuil sont adressées â
Vempereùr de toutes les Russies,
A l'égard de la réversaUj ou déclaration que M. le
baron de£reteuil récjame, je n'en connais point d'autre
que >eeUe*du 16 Mars 17455* et je ne vois pas pour
quelle raison elle est citée, ainsi que ces mots soulignés:
aucun préjudice au cérémonial usité entre les deux
cours, puisque cette réversale est à l'avantage de la
conr de Russie 5 et pour ce qui est du cérémonial,
j'ignore qu'il -y en ait un particulier d'établi entre ces
deux, cours.'
Quant à ce qui regarde M. de Breteuil, je ne
puis y l*époadre que ce que j'ai déjà eu Thonneur de
vous> disè> eà- dernier lieu, lorsque je vous fis part de
la déclaration qui a été faite par M. le chancelier, de
la part de l'empereur, mon mattre, k tous les ministres
étrangers résidant à sa cour, qu'il désirait avant de les
admettre i «en audience, qu'ils fissent la première visite
à S. A. M. le prince George de Holstein; j'eus ordre
de vous assurer, comme je l'ai fait, que l'empereur mon
mattre, s'attendait à d'autant moins de difEcultés de la
part de cette cqut, qu'il régardait cette démarche comme
une preuve de l'union et de la bonne harmonie qui a
régné jusqu'à présent entre la Russie et la France.
TouS'Jes 'ministres étrangers ont satisfait à ce qae
l'empereur exigeait d'eux; et celui de LL. MM. Impé-
riales et Royales, qui est revêtu du caractère d'ambas-
ENTRE LA RUSSIE ET LA FRANCE j EN 1762. 99
sadenr extraordinaire, Ta déjà fait ausâi, sachant que
cette visite était agréable à Tempereur mon maître : et
il n*y a eu.qiie le baron de Breteuil qui, quoique mi-
nistre du second ordre, s'en soit dispense jusc[u'à pré-
sent. Au reste, Monsieur, je soubaite bien sincère-
ment, que toutes ces difficultés s'évanouissent Mais
comme les dernières lettres de créance que j'ai eu l'hon-
neur de présenter au roi, sont au nom de l'empereur
de Russie, mon auguste maître, je déclare i Y, Exe.
que je ne peux continuer mes fonctions ministérielles
sous aucun titre*
Oserais-je supplier V. Exe, lorsqu'elle rendra compte
au roi, du contenu de ma lettre, d'avoir la bonté de lui
présenter les assurances du vif regret dont je suis pé-
nétré 9 en me voyant forcé -de me priver de Thonueur
de lui faire .ma cour, jusqu'à ce que le point dont il
est question, soit décidé? L'importance et l'extrême
délicatesse de ce point, m'obligeant à faire cette dé-
marche, f espère de la bonté et de l'équité de S, M.,
qu'elle ne m'en saura pas mauvais gré; etc.
CZERNICHBFF.
Pendant que cette discussion eut lieu, la cour
de Russie délivra au ministre de France à Saint-
Pétersbourg, M. de Breteuil, la réversale désirée,
qui leva la difficulté élevée à l'égard des titres à
donner au monarque russe.
Mais bientôt, de nouvelles discussions s'élevèrent
lorsque Catherine II, après la fin tragique de Pierre III,
montée sur le trône de Russie, le 9 Juillet 1762)
refusa de donner audience à tout ministre étranger
qui ne lui donnerait le titre ^Impératrice.
M. de Breteuil, accrédité en qualité de ministre
plénipotentiaire auprès la nouvelle impératrice, ayant
100 U. AFFAIRB PU ciRKMONIAIi DIPIiOM.
d'après les ordres du rpi^ demandé au chancelier
comte de Woronsoff> qu'il lui fut remis une réyersale
semblable à celle donnée par l'impératrice Elisabeth,
et par Pierre III , le chancelier après avoir essayé
d'en montrer l'inutilité , en protestant que jamais les
souveraine de Russie ne formeraient des prétentions
de cérémonial qui blessassent la plus par£dte égalité,
finit par dire au ministre de Louis XV, qu'il crai-
gnait que l'impératrice offensée de cette démarche,
ne refusât de le satisfaire. En même temps le
comte de Woronzoff prévenait le baron de Brer
teuil, qu'il aurait le lendemain, 6 Septembre, une
audience de l'impératrice, avec les ministres de
Suède , de Danemark'^ de HoUande et de Prusse.
Maià M. de Bretêuil, qui avait ordre d'exiger la
réversale avant la remise de la lettre de créance,
se rendit chez le chancelier, pour savoir à quoi
s'en tenir sur ce point Le comte de Woronzoff
lui ayant dit qu'on traiterait cette affaire après les
audiences, le baron de Bretêuil lui fit connaître, qu'il
ne pouvait profiter de la bonté que Pimpératrice
avait eue de lui assigner son audience pour le len-
demain, si elle ne lui faisait remettre auparavant
la réversale j et il exposa à M. de A^^Oronzoff, les
conséquences générales, et celles propres à l'impé-
ratrice, qui naîtraient de son refus de remplir en- I
vers le roi une formalité sans laquelle ce monar^e /
ne pouvait la traiter que de czarine. M. de Wo- l"
ronzoff répondit à M. de Bretêuil par la note dr l '
après, du 26 Août. (y. st.) 1
ENTRE II A RUSSIE ET LA FRANCE; EN 1762. 101
N»- ■ V.
Noie du comte de Woronzt^^ ekancefter de S. M.
HmpéraMce Catherine i7» adrenée au baron de Bre^
teuilj ministre plén^otentiaùre de Louit XVy à Saint-
Pêterihourg.
S. M. Impériale en montant au trône de ses an-
cêtres, pense dçvoîr jouir de tous les avantages qui y
sont attacbésy et que )e titre Impérial une fois accordé
par toutes les puissances, a dA Tâtre pour toujours. II
ne tient point au personnel du souverain, mais au pays ;
et il serait inutile k cbaquc succession de réitérer les
réversales qui avaient été données, lorsqu'il fut reconnu
pour U première fois; d'autant plus qu'on n*a point
intention ici de s'en prévaloir pour rien changer au céré^
monial. C'est pourquoi l'impératrice, quoique trcs jfcn-
sible à l'amitié du roi ^ dont votre retour k sa cour lui
est une marque, et disposée à y répondre en toutes
occasions, ne peut point accorder l'effet d'une demande
qui paraîtrait affaiblir la certitude d'un droit attaché à
6a couronne. Je dois ajouter. Monsieur, par ordre de
S. M., qu'elle ne croît pas que cette formah'lé retarde
qc^e vous remplissiez l'objet de votre mission qui lui
est. agréable.
Le baron de Breteuil, qui avait été chargé
par le comte Poniatowski , à Varsovie, de deux
lettres pour Timpératrice , profita de cette cir-
constance pour écrire directement à cette princesse,
la priant ,9 de ne point vouloir, par le refus ioat-r
^ tendu d'une formalité usitée entre les deux cours,
„ occasionner une tracasserie et àes inquiétudes ca-
„ pables d'altérer une union, qui pouvaient troubler
„le bonheur des sujets respectif et U gloii^e de
y^leurs souverains.^
102 H- AFFAIRE DU CJÊRiÉMOKIAL DIPLOM.
L'impératrice fit de sa propre main la réponse
suivante.
Lettre autographe de Nmpératrice Catherine Hj au
baron de Bretewl.
Monsieur y fai répondu avec empressement aux
marcpies d'amîtîé du roî, votre maître, en vous indi-
quant votre audience, le lendemain de votre arrivée ;
vous y avez trouvé des difficultés; j'y ai fait répondre;
et je crois avec vérité, que mon titre est attaché k
mon empire et que, par conséquent il est inutile de
répéter ce qui a été une fois arrangé. J'ai toujours
beaucoup d'estime pour vous, et n'ai mis aucune dif-
ficulté, comme de raison, k vous voir.
Voici la réponse i la lettre que vous m'avez en«
voyée. Faites-la passer sûrement, mais bien incognito.
Vouz devez être assuré que je répondrfd toujours avec
plaisir à l'amitié du roi,
Catherine.
Louis XV désirant toutefois voir terminée cette
discussion, le duo de Choiseul donna de nouvelles
instructions au baron de Breteuil par la lettre
suivante.
, No vn.
Lettre du duc de Choùeul ministre des affairée itran^
gères de Louis XV ^ adressée au baron de BreteuU^
ministre du roi à Suint-'Pétersbourg; du 12 Octobre
1762.
M. le-prince Gallitzin^ qui est ici chargé des «flaires
de Russie, depuis que M. de Gzeinicbeff a pris, ses
ENTAS VA RUSSIE ET LA FfiJiNCE; EN 17^2. 103
audiences de congé, m'est venu trouver il y a liuit jours,
et m'avait déjà fait part de cet incident; mais avec cette
différence, qu'il m'avait dit qae le chancelier, :après avoir
essayé de tous faire sentir tout le prix du procédé de^
l'impératrice, qui consentait à vous voir dès le lende-
ikiain de votre arrivée, et, après vous avoir représenté
la di£Sciilté qu'il aurait à parler à cette princesse dans
un si court Intervalle, avait fini par vous offrir la pro-
messe formelle de vous délivrer la rcversale, après
votre audience.
Je vous avoue, que sui* cette exposition de M. de
Gallitasin, j'avais quelque regret que vous n'eussiez pas
eu une complaisance que la circonstance pouvait auto-
riser, et je voyais avee beaucoup de peine une tracas-
serie sérieuse, occasionnée par ce refus de votre part^
mais le détail que vous me faites à ce sujet, a rectifié
mes idées. Je vois avec jUaisir que vous avez accepté
le tempérament que M. de Woronzoff vous a proposé.
Le métier de négociateui* exige une sorte de souplesse
dans la manière de traiter les affaires. Le gi-and art
«x>nsiste à se rendre agréable, sans se relâcher en rien
sur les intérêts et la dignité de sa eom*. U ne faut pas
être si scrupuleusement attaché à la lettre de ses iu-
stractions, qu'on ne sache s'en écarter, et en étendi*e
l'esprit, lorsque par une conduite intelligente, on peut
éviter de tomber dans une discussion sérieuse sur un
objet de peu d'importance, ou se faire un mérite de sea
facilités^ L'intention du roi n'est certainement pas de
fléchir vis -i- vis d'aucune puissance, et moins encore
vis-à-vis de la Russie, à laquelle nous ne teno^as que
par des intérêts indirects, ou par des spéculaiioins: U*ès-
éloignées. Nous savons cependant employer des nuances
différentes dans le ton que nous mettons aux affaires,
et distinguer la noble feimeté qui s'attire la considéra-
tion d'avec la hauteur impérieuse qui ne fàit.quQrévplT-
. ter* Nona n imiterons pas enfin la déférence -servile de
104 IL AFFAIRE DU CÉRÉMONIAIi BIPIiOM.
quelques autres cours enyers celle de Pétersboni^; et
jamais elle ne nous verra nous aasujétir ayeuglement
à ses caprices, mais, après lui avoir suffisamment fait
connattre nos maximes i cet égard, nous profiterons
volontiers des moyens qui se présenteront natarellement,
pour concilier la dignité du roi, avec son amour pour le
maintien de la bonne intelligence etc.
Le duc de Choiseul proposa deux expédieqs , et
s'exprimait emsi à ce sujet:
La réversale donnée par Pierre m, vaudrait encore
pour Catherine II, attendu que la France lui avait accordé,
du vivant de son époux, le titre àHmpérairice; mais que
l'exemple de Catherine II ne pourrait tirer k conséquence,
et que leurs successeurs seraient tenus à donner une ré-r
versale.
Le second expédient serait de conclure tine convenu*
tîon perpétuelle, qui assurAt le titre Impérial aux souve^
rains russes, en réservant en faveur de la France, les avan-»-
fages du cérémonial portés dans la réversale. Par -là, les
empereurs de Russie seraient débarrassés à jamais de la
répétition importune de cette formalité. Sur ce. Monsieur,
il sera bon que vous fassiez observer à M. de Woronwff,
que si ce point de cérémonial entre les deux cours était
réglé par l'effet d'une convention régulière ou la stipulation
d'un traité, nous le regarderions comme un engagement
de l'état et de la couronne de Russie ; mais qu'une simple
réversale j telle que nous l'avons eue de l'impératrice
Elisabeth et de l'empereur son neveu, n'est qu'un ac-
cord personnel, qui meurt avec la partie contractante, et
qui,, par conséquent, a besoin d'être renouvelé par son
successeur. Le dernier moyen serait le plus convenable
pour étouflisr à l'avenir tout germe de discussion sur
l'article diï cérémonial, çt c'est celui que vous devez pro-
poser d'abord. Mais vous ferez en même temps connaître
que ce serait s'abuser, que de regarder ces ouvertmres.
ENT^E II A RUSSIE ET liA FRANCE; EN i762* 105
de notre part, comme Teffet d'une timidité ingénieuse,
et q[u'elle8 nous sont uniquement inspirées par Télolgne-
ment que nous avons pour ces sortes de discussions, et
par le désir que nous aurions de terminer amiablement
une affiure sur laquelle la fermeté du roi et sa dignité
ne sauraient jamais se relâcber,^etc.
Nous désirons d'éviter une rupture, surtout pour
une cause aussi minutieuse que oelle-là; mais en conser-
vant la dignité du roi. H faut tdober d'allier ces deux
articles; et s'il se présentait quelqu^autre expédient qui
ne me soit pas venu en tête, et qui vous conduise au
même but, le roi vous autorise i ^accepter etc.
Aucun des arrangemens proposés par le duc
de Choiseul, n'ayant été goûté par Catherine II,
l'impératrice, sur l'avis du comte Panin, adressa
à tous les ministres étrangers , et à celui de France
en particulier, la déclaration suivante, en date du
3 Décembre 1762»
Déclaration du minitthre rusge, adreaée à tout le» am-
basêodeurt et minùtret étrangère résidant à Saint-Pé-
tersbourg ; du 3 Décembre 1762.
Le titre à^ Impérial, quePierre-le-grand, de glorieuse
mémoire, a pris ou plutôt renouvelle pour lui et ses suc-
cesseurs , appartient tant aux souverains qu'à la couronne
et & la monarchie de toutes les Russies, depuis bien du
temps. S. M. Impériale trouve contraire à la stabilité
de ce principe, tout renouvellement des réversales qu'on
aiurait données à chaque puissance, lorsqu'elle reconnut
j^mitivement ce titre.
En conformité de ce sentiment, S. M. Impériale vient
d'ordonner à son ministère, de faire une déclaration gé«
106 n. AFFAIHE BU CSHÉMOKIAIi BJPIiOM.
nërale, que le titre di Impérial j par sa nature même,
étant une fois attaché à la coui*onne et à la monarchie de
Russie y et perpétué .depuis longues années et succes-
sions; ni elle y ni ses successeurs à perpétuité, ne poiu>
ront plus renouveler lesdites réversales, et encore moins,
entretenir quelque correspondance avec des puissances
qui refuseraient de reconnaître le titre impérial dans
la personne des souverains de toutes les Russies^ ainsi
que dans leur couronne et leur monarchie.
Et pour que cette déclaration termine une fois pour
toutes, les difficultés dans .une matière qui n'en doit
offrir aucune, S. M. Impériale, en partant de la dédar
ration de Pierre-le-grand , déclare que le titre ^impé-
rial n^apportera aucun changement au cérémonial usité
entre les cours, lequel restera sur le même pied^
Fait à Moscou, le 21 Nov, (v. st.) 1762.
Pr. a. Gallitzin,.
Quoique cette déclaration convertît en droi^
ce qui n'était qu'une concession, et que sa forme
fût différente de celle sollicitée par le baron de
Breteuil; il crut devoir l'accepter par une lettre
qu'il écrivit au comte de Paninj et eut le lendemain
son audience de l'impératrice. ^
Mais la cour de France y trouvant la déclaration
de la Russie trop hautaine, crut devoir faire la
contre -déclaration suivante.
N«- IX.
Contre - déclaration de la cour de France i du 28 Janvier
1763.
Les titres ne sont rien par eux-mêmes. Ils n^oal
de réalité qu'autant qu'ils sont reconnus, et lem* valeur
dépend de l'idée qu'on y attache, et de l'étendue que
ENTRE I«A RUSSIB ST I«À FRANCE; EN 1762- 107
leur donnent ceux qui ont le droit de les admettre ^ de
lea rejeter ou de les limiter.
Les souverains eux-mêmes ne peuvent s'attribuer des
litres & leur choix; Taveu de leurs sujets ne suflSt pas;
celui des autres puissances est nécessaire; et chaque
couronne libre de reconnaître ou de récuser un titre
nouveau, peut aussi l'adopter avec les modifications et
les conditions qui lui conviennent.
Suivant ce principe , Pierre I et ses successeurs,
lusqu'i l'impératrice Elisabeth, n'ont jamais été connus
en France, que sous le nom de czar. Cette princesse
est la première de tous les souverains de Russie, à qui le
roi ait accordé le titre impérial; mais ce fut sous la
condition expresse, que ce titre ne porterait aucun pré-
judice au cérémonial usité entre les deux cours.^
L'impératrice Elisabeth souscrivit sans peine à cette
condition, et s'en est expliquée de la manière la plus
précise dans la réversale dressée par son ordre, et
signée au mois de Mars 1745, par. les comtes de Bestu-
cbeff et de Woronzoff. La fille de Pierre I, y témoigne
toute sa satisfaction : elle y reconnaît, que c^est par
amitié et par une attention particulière du roi pour
elle, que S. M, a condescendu à la reconnaissance du
titré impérial, que d^ autres puissances lui ont déjà
concédé f et elle a avoué que cette complaisance du roi
de France lui est très-agréable.
Le roi, animé des mêmes sendmens pour l'impéra-
trice Catherine, ne fait pas difficulté de lui accorder
aujourd'hui le titre impérial y et de le reconnaître en
elle, comme attaché au trône de Russie; mais S. M.
entend, que cette réconnaissance soit faite aux mêmes con-
ditions que sous le deux règnes précédens ; et elle déclare
que^ si, par la suite, quelqu^un des successeurs de Tim-*
pératrjce Catherine, oubliant cet engagement solemnel et
réciproque, venait à former quelque prétention contraire
i l'usage ^onstammeut suivi entre les deux cours, sur
108 H* AFÏ'AIR£ BU ciR£MOKIAI« DFIIiOM.
le rang et la préséance 5 dès ce moment la couronne
de France, par une juste réciprocité, reprendrait son
ancien stile, et cesserait de donner le titre impérial
i celle de Russie.
Cette déclaration tendant à prévenir tout sujet de
difficulté pour Tavenir, est une preuve de l'amitié da
roi pour Pimpéralrîçe , et du désir sincère qu-il a, d'é-
tablir entre les deux cours une union solide et inal-
térable (*).
Fait à Versailles, le 28 Janvier 1763.
ChOISEUL, duc de PfiASX«IN.
(1) La contre ' déclaration ^ue la cour d'Espagne fit remettre
en cette m^me ocoHsion f^a ministère russe) le 5 Février 176B|
{yof/ez plus haut p, 93) était ainsi conçue:
Le roi Don Carlos III, régnant en Espagne, sachant que le titre
Impérial f ainsi que tout autre, n'abolit ni ne fixe le ran|f des
monarchies, lorsque quelque souverain se l'attribue de son propre
mouvement, ainsi 'que l'a fait le osav Pierre I, n'a pas baUmo^ d^
son avènement au trdne, à donner ce titre à rimpératrice de Roi-
aie Elisabeth, sans avoir e'gard aux refus qu'en avaient faits les
rois ses prëdécesse^rs. Cette princesse a répondu a cette marque
d'amitié j, en remettant au marquis d'Almodavas, ministre de S. M.
Catholique auprès de sa personne , une rëversale semblable a .celle
qu'elle avait donnée an roi Très-Chrétien , lorsque ce monarque ao
oorda le même titre à cette princesse, sous la condition, que cela
n'apporterait aucun changement au cérémonial usité entre les deux
cours. A l^exemple d'Elisabeth, Pierre III, son neveu, tenonvela
cette réversale ; mais l'impératrice actuelle Catherine II, a cm devoir
y substituer une déclfration donnée à Moscou, le 3 Décembre 1763^
signée par le comte de Woronzo^, son grand-rchancelier» et remise
au ministre de Q. ]\|I. Qatholiquei^ ainsi qu'à ceux des autres puissances.
Le roi Catholique connaît tout le prix de l'amitié de l'impéra-
trice de Russie, Catherine, et de la bonne' correspondance établie entre
les deux cours. Pour lui prouver ses sentimens a cet égard, il consent
avec plaisir I et sans exiger d'autre formalités que la déclaration ci-
dessus mentionnée, â lui accorder le titre impérial, et à le re-
oonaaitre comme attaché d sa personne «t au trdae de Rusaie } mai*
ENTRE liA RUSSIE ET LA FRANCE J EN 1762. 109
Celte déclaration fiit remise en original par M.
de Choiseul au prince Gallitzin, chargé des affaires
de Russie à Paris, et le baron deBreteuil se borna
à en donner une communication confidentielle au
grand -chancelier comte de Woronzoff (^).
ea m^me temps S. M. CatHoliqae entend , comme elle Ta toojoars
entendn, que ce titre n'inflaera en rien sut le rang et la prësëance
réglés entre les puissances; et elle déclare que, si quelque succes-
seur au tr<)ne de Russie, oubliant ces engagemens, Tenait à former
quelque entreprise qui y fût contraire, dès ce moment le monarque
d'Espagne et les empires de sa domination , reprendraient leur ancien
stUe , et refuseraient de donner le titre impérial à la Russie,
Fait au Prado, le 5 Février 1763.
Don Ricàrdo Wall.
.(1) Le premier mouvement de Catherine U, dit M. de Flassan dans
•on kiêt. générale de la diplomatie française, fut, de ne point
recevoir cette déclaration ; le second fut d'y répondre. Mais le baron
de Breteuil fit entendre aux deux chanceliers , quels seraient le ri-
dicule et les inconvéniens de cette guerre de plume; et l'affaire fat
terminée ainsi.
CAUSE TROISIEME.
Refus de passeport donné en 1772 ^ ptMr le m-
ndstère de France^ au baron de tVrechj ministre
de Hesse " Cassel à Paris j pour n^ avoir pomt
satisfait ses créanciers.
J-Jorsqu'en 1772 j le baron de Wrech, rappelé
de la cour de France , où il avait résidé en qaa*-
lité de ministre plénipotentiaire du Landgrave de
Hesse - Cassel , voulut partir de Paris, sans avoir
payé ses dettes, le duc d'Aiguillon, ministre des af-
faires étrangères de S. M. Très - Chrétienne , sur
les sollicitations des créanciers du ministre étran-
ger et notamment sur celles qui lui furent adres-
sées par le marquis de Bezons, envers lequel le ba-
ron de Wrech s'était engagé par écrit, à fournir
caution boiu*geoise pour l'exécution du bail de la
maison qu'il lui avait louée, refusa à ce ministre les
passeports qu'il lui avait demandés.
Le baron de Wrech croyant devoir réclamer
en cette occasion l'appui de ses collègues, sut les
porter à adresser en commun au ministre secrétaire
d'état de France la note suivante.
m. AFFAIRE DU BARON BE WRECH. lH
NO I.
^ote des amboffadeurs et ministret résidant à la etntr
de France^ adressée en commun au duc d'Aiguillon^
ministre des affaires étrangères de S. M, Très •Chré-
tienne; du 1 Janvier 1772.
Les soussignés ayant été instruits que le go.uvcme-
ment du roi a r^usé les passeports qui lui ont été de*
mandés de la part d'un des ministres étrangers résidant
à la cour de S. M. Très - Chrétienne , pour retourner
dans son pays , et que Ton a attenté à leurs droits et
privilèges en faisant signifier un exploit à ce même
ministre, se trouvent appelés à réclamer contre une
mesure si contraire au droit des gens, et à la liberté
qui leur est nécessaire pour poilvoîr quitter la coui'
près laquelle ils sont accrédités, lorsque les circonstances
peuvent l'exiger $ ils réclament en conséquence ia justice
et réquité de S. M. Très-Chrétienne, pour mettre leurs
droits et privilèges en sûreté.
Paris, le iJanvier 1772.
{Signatures des amh^sadeurs et
ministres.^
]S<>- n.
Béponse du duc d'Aiguillon à la note précédente; du
7 Janvier 1772.
Le soussigné, ministre des affaires étrangères, ayant
eu l'bonneur de rendre compte au roi de la note que
MM. les ambassadeurs lui ont remise le premier de ce
mois, S. M. Ta chargé de les assurer qu'elle a toujours
eu et qu'elle aura constamment l'attention la plus scru-
puleuse à maintenir les immunités inhérentes au carac-
tère de ministre public. S. M. pense au surplus que
les circonstances qui accompagnent le fait qui a donné
112 m. AFFAIRE DU BARON DE WHECHy
lieu aux réclamations de MM. les ambassadeurs et mi-
nistres, sont telles, qu'il ne peut en résulter aucune at-
teinte à leurs droits ni à leurs privilèges.
Fait à Versailles, le 7 Janvier 1772»
Le duc D'Al(JUILLON«
Pour justifier la conduite que Ton avait teâùe
envers le ministre de Hesse - Cassel ^ la cour de
France fit remettre le mémoire ci -après, à tous les
ambassadeurs et ministres étrangers.
N®- m.
Mémoire que le ministère de Praneejit remettre oM
amhassadeurs et miniitrei étrangers résidant à Paris;
en Février 1772 (*).
L'immunité des ambassadeurs et autres ministres
publics, est fondée sur deux principes} 1) sur la dignité
du caractère représentatif auquel ils participent phu
ou moins; 2) sur la convention tacite qui résulte de
ce qu'en admettant un ministre étranger, on recon-^
natt les droits que l^ usage, ou si Von veut, le droit
des gens lui accorde*
Le droit de représentation les autorise à jouir dans
une mesure déterminée, des prérogatives de leurs maîtres.
En vertu de la convention tacite, ou, ce qui est la même
cbose, en vertu du droit des gens, ils peuvent exiger
qu'on ne fasse rien qui les trouble dans leurs fonctions
publiques.
L'exemption de la jurisdiction ordinaii*e, qu'on ap-
pelle proprement immunité, découle naturellement de
(1) Ce fîit, dit M. de Flassan, dans son hist, de la diplomatie
française^ M* Pfeffel , jorisconsnlte da roi*^ qui fat charge de làH-
daction de ce mémoire. Dana ToaTrage citë^ il ne se troave qa'im
extrait de cette pièce.
HIN* BB HESSE-CASSEL À PARIS; EN 1772^ 113
ce double principe. Mais rimmnnité n'est point illi-
mitée; elle ne peut s'étendre qu'en proportion des mo-^
tifs qiii lui servent de base.
n résulte de là , i) qu^rni ministre piiblic ne peut
en jouir qu^autant que son maître en jouirait lui-
même^
2) qu^U ne peut en jouir dans le cas où la con^
vention tacite entre les deux souverains vient à cesser.
Pour éclaircir ces maximes par des exemples ana«
logues à l'objet de ces observations , on remarqueras
1) qu'il est constant qu'un ministre perd son im-«
xaunité^ et se rend sujet à la juridiction locale, lorsqu'il
«e livre i des manoeuvres qui peuvent être regardées
conune crime (tétat, et qui troublent la sécurité pu-
l>lique. L'exemple du prince de Gellainare constate
ces maximes à cet égard.
2) L'immunité ne peut avoir d'autre effet que d'é-
cairter tout ce qui pourrait empêcber le ministre public
de vaquer à ses fonctions.
De là, il résulte que la personne seule du ministre
jouit de l'immunité, et que ses biens pouvant être atta-
qués sans interrompre ses fonctions, tous ceux qu^un
ministre possède dans le pays où. il est accrédité, sont
soumis à la puissance territoriale, et c'est par une suite
de ce principe, qu'une maison ott une tente qu*un mi-
nistre étranger posséderait en France, seraient sujettes
aux mêmes lois que les autres héritages;
3) La convention tacite stir laquelle l'immunité se
£>&de , cesse lorsque le ministre se sotimet formellement
à Tautorité locale, en contractant par-devant un notaire,
c'est-à-dire en invoquant l'autorité civile da pays qu'il
habite*
JVicquefort qtd, de tous les auteurs, est le plus
lélé pour la défense du droit des ministres publics, et
H. 8
114 in. AFFAIRE DU BARON DE WRJEBCH,
qui s'y livrait avec d'autant plus de chaleur qu'il défen-
dait sa propre cause, convient de ce principe et avoue:
Que les ambassadeurs peiiuent être forcés de rem-
plir les contrats quHls ont passés par-devant notaire,
et qv^on peut saisir leurs meubles pour prix de loyer
des maisons j dont les baux auraient été passés de
cette m^anière, ( Tl /. p. 416.)
4
4) L'iJnmunîté étant fondée sur une convention, et
toute convcntioh étant i*éciproque, le ministre puLb'c
perd son privilège, lorsqu'il en abuse contre les inten-
tions constantes de deux souverains.
C'est par cette raison qu'un ministre public ne pent
pas se pfévaloii^ de son privilège pour se dispenser de
payjcr ' le* ' dettes qu'il peut avoir contractées dans les
pays où ilrérîdé :
1) Parce que l'intention de son maître ne peut
point être qu'il viole la première loi de la justice natu-
relle, qui est antérieure aux privilèges du droit des
gens 5
2) Parce qu'aucun souterùin ne veut, ni ne peut
vouloir que ces prér'ogatives tournent au détriment de
ses sujets, et que le caractère public devienne pour eai
un piège et un sujet de ruine;
3) On pourrait saisir les biens mobilier-s du prince
même que le ministre i:*eprésentc, s'il eh possédait sous
notre juridiction ; de quel droit ]es biens du ministre
seraient -ils donc exceptés de cette règle?
4) L'îmmtmîté du ministre public consiste essen-
tiellement à le faire considérei" comme s'il continuait i
résider dans les états de son maître.
Kien n'empêche donc d'employer vis-à-vis de lui
les moyens de droit dont on userait s'il se trouvait dans
le lieu de son domicile ordinaire.
-Jr.-
HIN. DB H£S8EM3AS8EIi À FARI8; HK 1772* 115
5) n en résulte qu'on peut le sommer d'une ma-
nière légale, de Satisfaire à ses engàgeniens et 'de payer
ses dettes, et Bynherahoeh décide formeUeinelit, p« 186,
que ce n^esi pas peu respecter la maison (tun ambas^
sadèur que d^y envoyer des officiers de justice^ pour
signifier ce dont il est besoin de donnet connaissance
à l'ambassadeur.
6) Lé privilège des aml)assadeti]'s ne ifegàrde que
les biens qu'ils possèdent comme ambassadeurs, et sans
lesquels ils ne pourraient exercer les fonctions de leur
emploi.
Bynkershoei p. 168 et 172, et Barbey ràc, p, l73,
sont de cet avis, et la cour de Hollande a adopté tette
base dans l'ajournement qu'elle fit signifier en 1721 à
l'envoyé de Holstein, après at^oir accordé saisie de tous
Èes biens et effets^ autres que meubles et équipages, et
autres choses appartenantes à son caractère de mi-
nistre. -^ Ce sont les teirmes de la cour de Hollande
du 21 Février 1721.
Ces considérations ju^tifieiii suffisainÉhent là règle
^ni est i^eçue dans toutes les cours^ qu'un ministre pu^
hUë né doit point partir d'un pays sans avoir satisfait
èés créaiicierSi
Lorsqu'un Ininisire manque à ce devoii', quelle est
k Conduite k tenir? c'est la seule question essentielle
que la litatiète puisse faire naître. Elle doit se décider
par un osage conforîHe aux diJflTérentes inaxiiiies qu'on
k établies ci -^dessus.
On lie parlera point de l'Angleterre, où l'esprit de
la législation borné à la lettre de la loi, n'admet point
de convention tacite, ni de présoïnption , et où le dan*
gei^ d'une loi positive dans une matière aussi délicate,
a jusqu'ici empêcbé de fixei^ légalement les prérogatives
des minisli'es publics.
8*
116 lin*! JiîFFAIitE BU BARON DE WHECH,
Dans, toutes les autres cours, la jurisprudence parah
à peu près > égale, les procédés seuls peuvent différer.
X Viennû^ le maréchalat de l'empire s'arroge, sur
tout ce qui ne tient pas à la personne de rambassadénr
et à ses fonctions, une juridiction proprement dite, dans
une étendue qu'on a quelquefois envisagée di£Bcile i
concilier avec les maximes généralement reçues. Ce tri-
bunal veille d'une manière particulière sur le paiement
des dettes contractées par les ambassadeurs, surtout au
moment de leur départ. /
On en a vu l'exemple, en 1764, dans la personne
de M. le comte de Czernicheff, ambassadeur de Russie,
dont les effets furent arrêtés jusqu'à ce que le prince
de Liechtenstein se fût rendu sa caution.
En Ai^ssfe un ministre public est assujetti i annon-
cer son départ -par trois publications. On y arrêta les
enfans, Içs papiers et les effets de M. de Bausset, and>as'
sadeur dé France, jusqu'à ce que le roi eût fait son
affaire des detties que ce ministre avait contractées.
il la Haye y le conseil de Hollande s'arroge une
juridiction proprement dite dans les états où les intérêts
des sujets se trouvent compromis.
En 1688 un exploit fut sigm'jRé à un ainbassadenr
d'Espagne en personne, qui en porta des plaintes {Byn*
hershoeh p. 188); les Etats jugèrent, qu'elles étaient fon-
dées, en ce qu'il n'aurait fallu remetti*e l'exploit qu'aux
gens de l'ambassadeur.
A Berlin, en 1723, le baron de Posse, ministre de
Suède, fut arrêté et gardé, parce qu'il refusait de payer
un sellier, malgré les a.vertissemens réitérés du magistral;
À Turin, le carosse d'un ambassadeur d'Espagne
fut arrêté sous le règne d'EiviANUEL. La cour de Turin
se disculpa à la vérité de cette violence; mats personM
ne réclama contre les procédures qui avaient été faites
pour condamner l'ambassadeur à payer ses dettes.
MIN. VB HESSS^OASSBIi À PAHIS $ EN ITVK- 1 17
Ces exemples paraissent su£b« pour ëublir>ai prin-
cipe qu'on ministre étranger peut être contraint â payer
ses dettes. Ils constatent même l'eitaitîon 'i^'ozi la
quelquefois donnée au droit de coacâon. . ;' »: :'..U -f
On a soutenu qu'il suffisait d'avertir : le 'mBnmtde de
payer ses dettes pour justifier, en, cas de refôs^ JesVoîes
judiciaires et même la Saisie des efiets, ! « o .;
Grotiusy Liv, II, Chap. 18. dit : que si un ambas-
sadeur a contracté des dettes et qu^il n^ait point
^immeubles dans le pdy^, il/aut lui dire honnête-
ment de payera sHl le refusait, on s^ adresserait à^ son
maître, après quoi on en uiendrait aux voies que^^ Von
prend contre les débiteurs qui sont d^un^ cmtre jU(ri-
diction^
Or ces voies sont les procédures légales qui tombant
sur les biens de l'ambassadeur, autres que ceux qui sont
immédiatement nécessaires à l'exercice de ses £f)nctions,
ainsi qu'on l'a déjà observé. ' .
L'opinion la plus modérée est, qu'il couvient dansi
tous les cas de s'abstenir, autant qu'il est possible, de:
donner atteinte à la déoence qui doit environner le ca^
ractère public; mais le souverain ec(t autorisé à employer-
Tespèce dç coactioçi qui n'emporte aucuQ trouble dans
86$ fonctio4:is, et qui consiste à interdire à Tambassadeur
la sortie du pays, avaçit qu'il a^t sa^sfait & s^ Ç.^^g^'^
gémens.
Ce^t dans ce senç que Bynisershpeh conseille d'em-«
ployer, contre les ambassadeursj^ des actions qui empor-
tent plus une défense qu'un ordre de faire telle ou
telle chose^ Ce n'est alors^ qu'une simple défense, et
personne n'oserait soutenir qu'il soit illicite de se dé-*
fendre contre un ambassadeur , qui ne doit pas troubler
les babitans en usant de violence et emportant ce qui
appartient à autrui.
118 UU;UPFAIIIE DU B4KON DE WRECHy
CeUe ntoxime est encoce plus de saison, lorsque des
circonstances particulières et aggravantes chargent le mi*
nistre du reproche' de mauvaise foi et de manoeuvres
repréfaensibles.
>i> îLanqu'il viole lui-même ainsi la sainteté de son pa^
ract^e let la sécurité publique , il ne peut point exiger
(^e d'autres le respectent*.
Pour appliquer ces maximes au cas particulier de
M. le baron de Wrecb, ministre plém'potentiaire du Land*
grave de.Hesse-Çassel, il suffît de rappeler sa Conduite
depuis son arrivée à Paris , et surtout depuis huit moi&
Les voies indécentes qu'il avait adoptéfss pour se
pi^ocuyer de Pargent, ayant étp supprimées, il s'est livré
à toutes sortes de manoeuvres, que I(es ménagemens qn^on
a pour SQtt caractère empêchent de caractériser.
On se contentera de remarquer, que tout coiidnit
i petiser^ qiie ce ministre a formé le deissein de frustrer
^^s créanciers en sortant du royaume; et cette circons-
tance suffit pour autoriser à prendre contre lui les mêmes
mesures ;qu'on prendrait, s'il était effectivement sorti du
royaume y après avoir déposé son caractère par la remise
de s^ lettres de rappel.
Le ministère des affaires étrangères Ta fait exhorter
par le magistrat chargé de la police , et Pa exhorté loi-
n:^êmé, à faire honneur à ^ts engagemens.
Dès-lors les poursuites qu'pn pouvait faire contre lui
devenaient légitimes, pourvu qu'elles ne passassent pas les
bornes indiquées plus haut.
Le marquis de Bezons se trouvait même dans un cai
plus particulier; le barx)n de Wrech avait contracté ayec
lui par écrit; il avait promis de fournir caution bour-
geoise pour l'exécution du bail de la maison. Le baron
de Wrech avait donc contracté rengagement d'assujettir
MIN. DE HESSE- CAS8JBU À PA&IS; EK 1772. 119
indirectement cette exécution à la juridiction territoriale
dans la personne de sa caution». U est vrai qu*il n*a pas
jngé k propos de remplir Cfîtte obligation; mais comme
il est assurément le garant de' son propre fait, le niar*
qms de Bezons pouvait, selon les règlus. .de l'équité et
du bon sens, s^en prendre à lui-jnéme; et il ne peut
être admis à se faire up titre de la mauvaise foi même
qui caractérise le refus d^exéouter cette clause de la
convention.
C'est d'après ces considérations que, sur les plaintes
multipliées des créanciers du baron de Wrecb, le mi-
nistre des affaires étrangères crut devoir suspendre Tex-
pédition du passeport que ce ministre demanda pour
sortir du royaume, en alléguant des ordres du Land-
grave son matlre, jusqu'à ce que les intentions de ce
prinoQ fussent connues par le canal du ministre qui ré-
de la part du roi auprès de lui.
Il permit en même temps au marquis de Bezons
de faire valoir ses droits par les voies légales, et il eu
prévint le baron de Wrecli.
Ce nnnistre s^étant néanmoins pjaint qu'on s^tait
prévalu de cette permission pour forcer sa pprte, pour
lui sigm'fier l'exploit de la vente de ses meubles, et
tout acte de violence devant être banui des procédés
en pareil cas, on n'a pu s'empêcber de blâmer cet
excès, et on a cru devoir suspendre toute poursuite
ultérieure. Mais, afin de concilier la protection que le
roi doit 4 ses sujets, avec les égards dus au cai*actère
public, et afin de remplir tous les procédés que les
règles du droit des gens peuvent dicter, le ministère
des affaires étrangères vient de déférer au Landgrave
hiî-méme la conduite de son ministre.
Ce prince pourra d'autant moins trouver à redire
i la conduite qui a été tenue avec son ministre, qu*un
120 ni* AFFAHUB JDU BA&ON SE WABCH,.
fait récent a miâ en évidence le sentiment qu^fl avah
lui-même sur l'immunitéi'^ Il fit en effet empriaonneri
il y a qnatpe on idnq ai^s^ le comte de Warteuslebeiiy
ministre de HoUandp, pour le forcer de rendre compte
d'une fondation dont fl étdit Texécnieur. L'entreprise
sur la pevsônne d'un ministre public fut à la vérité
condamnéef mais.'le&Etfits^pgénéraux ne contestèrent pas
la juridîctiob du «Iiandgrave; -et, dans le cas où se trouve
le baron de Wrech , les principes que ce prince a sou-'
tenus, ne lui permettront pas de soustraire son ministre
aux mesures capables d'assurer les droits des sujets du
roi, ni de les priver du seul gage qu'ils aient de rezé-
çiuion de leurs co^ventions avec lui.
l^a gazette de France ayant publié oe mémoire
dans une de ses feuilles^ le baron de Wrech en
porta plainte au duc d'Aiguillon; qui toutefois se
conteuta de lui fs^re la réponse auiyoutet
N«- IV,
Jjettre du duc d^AiguUlan au baron de Wrech ^ minùtre
de He»9e'Cas9el à la, cour de France; du 23 Janvier
1772.
Je ne perds pas un moment, Monsieur, pour ré-
pondre à la lettre que vous m'avez fait l'honneur de
m'écrire le 22 de ce mois.
C'est avec une peine bien vive que j'apprends que
l'on a inséré dans la gazette de ,.... un écrit relatif à
votre position et qui vous soit injmneux. Je m'empresse)
Mo^sieur, de vous déclarer que je désavoue tout ce
qu'on peut avoir publié sur cette affaire, qui par sa
nature et par les mesures que le roi a jugé à propos
de prendre doit être tenue secrète. Je ne puis ^nc
qu'applaudir au parti que vous avez pris de demandes
MIN. DE HES8£-CASS£Ii À PARIS; EN 1772« 121
justice contre la publicité donnée à cette affaire, et vous
prie d'agréer l'assurance de ma haute considération.
Versailles, le 23 Février 1772.
Le duc d'Aiguillon.
Ce ne fut que lorsque le I^andgrave de Hesse-
Cassel eut fait son affaire des engagemens pris par
le baron de Wrech, que celui-ci obtint ses passe*
porU^ et put qi4tter Paris,
. I
I «
■V,
■ r '»
: 'il/
' 1
CAUSE QUATRIÈME.
Différends surténus en 1776/ en^ê te DimeàkÊrhy
P Angleterre et la Hùtlahde^ au iujét du cmn^
merce avec le Chroenlande.
Jl RÉdéric V, roi de Danemark, ayant accordé à
une compagnie privilégiée de Copenhague, le droit
exclusif de faire le commerce ayec les colonies et
loges danoises établies en Groenlande, son succes-
seur le roi Christian VII, fît publier en 1776 l'or-
donnance ci- après, par laquelle la défense du
commerce des étrangers et des sujets non privilé-
giés avec ce pays fut renouvelée. Voici le tejçte
dç cette ordonnance.
No- I.
Ordonnance du roi de Danemark y portant renouvelle-
ment de la diifeme du commerce des étrangers et des
sujets non privilégiés avec le Groenlande; e^ date du
18 Mars 1776 (*). (Extrait.)
Christian Vn, etc. savoir faisons : Malgré tous les
avertissemens et placards tant anciens que récens (entre
(1) Traduit du Danois , qui se troav^ dans Schou Chronoiogi^^^
99
99
lY. AFF. DU COMMERCE DE 01lO£NIiAND£. j23
autres les placards du 26 Mars 1751 (^) et du 22 Avril
1758), on apprend cependant par les plaintes formées
<}e temps en temps ^ ^e plusieurs navigateurs de puis-
register ■ over de Kongei. Forordningar T, VL p. 13, et dans ie
Recueil des principaux traités de M. de Martens. T, IF. êdit, l***
p. 164.
(1) Ce placard, confinnë par celui de Tannëe 1758 est de la
teneur suivante : » Comme noas avons accorde' â notre compagnie
^y générale et privilégiée de commerce le droit de naviguer et de
,, commercer seule aux colonies établies par nous dans notre pays
,,de Groenlande, Nous avons aussi jagé à propos ^ en qualité de
soayerain seigneur héréditaire du même pays, et des lieux qui en
dépendent, et conformément aux ordres émanés de notre part sur
,, ce anjet en différentes occasions, de donner plus d'étendue à cette
9, concession, afin de contribuer par là, au plus grand avantage et à
,pl& toreté de son commerce. Ainsi nous nous sommes déterminé
^â consentir, ctmime noua consentons par la présente, que la
,, peine de saisie et de confiscation ait lien â l'égard de tous et uu
jycliacnn, tant de nos sujets qu'étrangers, qui, sous quelque pré-
y, texte qne ce puisse; être, et au préjudice du droit exclusif ac-
jj cordé â la compagnie, entreprendrait de négocier aux colonies ou
,, logea déjà établies dans notre dit pays de Groenlande, ou â celles
^qni pourraient y être établie^ dans la suite, après avoir préala-
blement spécifié et marqué la position d'icelles, ainsi que Téten-
dne des limites, dans lesquelles la défense doit être observée.
„Sq conséquence, nous déclarons que ces limites devront s'éteu-
„ dre à quinze milles de l'un et de l'autre c<$té de chaque colonie,
„en y comprenant tons les liei^x et endroits situés depuis les îles
,,d« rOnest jnsqvi*d la baye désignée dans les cartes sous le nom
^àô baye des Oiseaux noirs} déclarant en outre, que la peine de
„saiaie et de confiscation aura lieu pareillement à l'égard de tous
x,cenx qui Tondront entreprendre de troubler ou de molester, soit
„par mer on par terre, nos sujets dudit pays de Groenlande. Et
^, seront tenus tons et chacun, auxquels il appartiendra, de se cou-
j,former à la disposition de notre présente ordonnance, à peine
,,d'enconrir ce qui est statué dans le cas de contravention. Donné
„etc." Yoje* Mercure hist, et polit. 1751. T. L p. 577.
>9
99
124 IV- AFF. BU COMMERCE DE GHOENIiAKBE,
5ances étrangères se rendent annuellement en Groen-
lande et dans les îles et places qui en dépendent, en
s'appropriant non seulement les meilleures productions
du pays par un commerce illicite avec les habitans,
tant dans les ports que dehors , mais en outre en
exerçant toute sorte de violences contre eux, soit pour
leur enlever ou gâter leurs instrumens de pêche ou
autres propriétés ; à ces causes le Roi, en qualité de
souverain roi et seigneur légitime et héréditaire de ces
pays, et des îles et endroits qui en dépendent, ^'est
trouvé engagé, pour avancer le bien et la sûreté de ce
commerce, de répéter et de renouveler par la présente
ordonnance (laquelle dans la suite servira seule dérègle
et de norme à cet égard) tous les avertissemens et dé-
fenses émanées jusqu'ici, et de les déclarer et déter-
miner ultérieurement d'après les circonstances préfsentes.
^rL L Navigation et commerce défendus.
Comme rétablissement actuel du commerce et de
la pêche de Groenlande, ou celui qui dans la $uite du
temps pourrait être privilégié, est et restera seul s^uto-
rîsé à faire exercer le commerce et la navigatiop avçc
toutes les colonies et loges établies, ou qui pouçrout
3'établir dans la suite, eu Groenlande et dans les îles
qui en dépendent, da^s le détroit de Davis et la bay^
de Disco, ainsi que daus tous les autres port5 ou places
quelconques, sans distinction ou exception quelconque:
il est entièrement défendu par la présente ordonnance
à tous autres, soit étrangers soit sujets de S. M. quelcon-
ques, et sous quelque prétexte que ce puisse être, de
naviguer ou de faire le conwnerce avec ledit pays et \e&
îlçs, places et ports qui en dépendent, et les cploniçs
et loges qui y sont établies, et qui pour le présent
s'étendent depuis le 60 jusqu'au 73 degré de latitude
boréale, et ceux qui dans la suite pourraient être éta-
blis daus ce pays, lesquels établissemens^ dès qu'ils auronL
ENT. Il© BAN.9 1-'ANGIi. ET IiA HOIiL ; EK 1776. 125
eu lien, seront publiés, en indiquant leur porition, afin que
chacun puisse s'y régler.
Art. IL avec les hahitans.
Personne, soît étranger, soit sujet, qui n'est point
autorisé à la navigation et au commerce susdit, ne pourra
exercer un commerce quelconque, soit grand ou petit,
soit dans les ports soit sur mer avec les Groenlandais
ou avec les colons danois, et en conséquence de tels
Vaisseaux rencontrés par les armateurs du roi ou des
particuliers, seront obL'gés de se soumettre à la visite
de ceux-ci.
H est bien moins encore permis à quelqu'un , soit
sur terre soit sur mer, de piller les Groenlandais , de
les enlever bors du pajs, ou de commettre quelques
violences ou molestations de quelque genre que ce soit,
contre lés Groenlandais ou contre les colonies et loges
des Danois et leurs gens ou leurs biens.
Art. m. Peine contre les contrePenans.
Si quelqu'un, soît étranger, soît sujet, s'avîsàît de
contrevenir à ceci, soit en exerçant un commerce illicite
par mer ou par terre, soit en commettant quelque vexa^
tion ou violence contre les Groenlandais, ou contre les
colonies danoises et contre la personne ou les biens des
colons, les commerçans privilégiés pourront, partout
où ils le trouveront, le faire attaquer, prendre et de-
mander la confiscation du vaisseau et de ses biens et de
tout ce dont il est muni, et le tout sera conduit à
Gûpenbague, et sera écbu aux commerçans privilégiés,
si ce sont ceux-ci. qui ont occasionné et fait les fraix
de la prise,, et leur sera ensuite adjugé par l'amirauté
(par laquelle le procès sera duement instruit et jugé).
Art, IV* Cas de nécessite exceptés.
Si quelqu'un par des causes urgentes., comme dans
le cas de naufrage, ou pour manquer d'eau douce, se
126 IV- AFF. BU COMMERCE DE GROENUkKBS,
Toit forcé malgré lui de cherclier nn port de la Groen-
lande ou des îles qui en dépendent, ceci ne lui sera
pas défendu: mais d'un autre côté il aura soin de ne
pas s'y arrêter plus long-temps que ne l'exige la néces-
sité urgente. Et s'il pouvait nattre un soupçon fondé
contre lui, soit d'un commerce illicite, soit d'un traite-
ment illégitime, ou de violences contre les habitans ou
les colons danois, non seulement il subira une in-
quisition légale, mais sera même puni d'après l'art. IH,
si qu'on lui trouve des marchandises achetées en Groen-
lande, ou des marchandises étrangères destinées pour
le commerce avec les Groenlandais.
Peu de temps après la publication de cette
ordonnance, il s'éleva à ce sujet des difiërends
entre la cour de Danemark et celle de la Grande^
Bretagne et les Provinces - Unies des Pays-Bas.
Les premiers furent occasionnés par là saisie d'un
brigantin anglais nommé le Windsor ^ amené par le
capitaine d'une frégate danoise au service de là
compagnie de commerce de Groenlande, Ils don-
nèrent lieu à la correspondance suivante entre left
deux gouvernemens.
«
N°- IL
Noté de M. de Lai)al^ ministre résident de &. M. Bri*
tannique à la cour de Copenhague, adressée au comté
de Bemstorffj ministre et secrétaire d'état des ajfmris
étrangères de S. M. Danoise; du 25 Septembre XTIQ.
Ce fut le 20 Mars, qu'Etienne Kidder, maître d'un
brigantin nommé le TVindsor, du port de cent ton-
neaux ou environ, paitit de Nantuchet sur les côtes de^
la Nouvelle -Angleterre, lieu de sa naissance"", et d^
EMT.XEpAN.9li'ANOXi.£TI<AH0IiL.; EN 1776- 127
8on domicile y pour la pêche de la baleine dans les
mers de Groenlande et du détroit de Davis. La moitié
de son équipage était composée d'Iroquois et d'individus
des nations qui occupent les pays situés sur les der-
nières des colonies anglaises. Il entra dans les glaces le
29 Avril vers les iles de l'Ouest en compagnie de plus
de quatre-vingts voiles de différentes nations,
n prit dans ces parages deusc baleines ^ dont il tira
deax cent dix barriques d'huile. Le 4 Mai les glaces le
poiusërent vers les iles de la .Baleine , dont il eut con-
naissance, le 19 Juin à 10 heures du matin, étant, dans
le 69" degré de latitude N.
Le besoin d'eau fraiche après un aussi long voyage
le fit approcher des côtes pour en chercher 5 l'igno-
rance des lieux, et le gros temps l'empêchèrent d'aller
i terre. Le même jour vers les 6 heures du soir le
sieur Pal, commandant un bâtiment armé, employé par
la compagnie danoise de Groenlande, lui lâcha un coup
de canon, le fit venir sur son bord, et envoya sur
le brigantin du monde, qui fouilla ce bâtiment, sous
prétexte d'y chercher des marchandises propres à un
commerce clandestin avec les colons danois et les na-
turels du pays* H n'en fut point trouvé, maïs quatre
mauvaises peaux de ehiens-marins trouvées dans la pos-
session d'un Iroquois de l'équipage, fournirent au com-
mandant Pul l'excuse qu'il cherchait sans doute, pour
s'etaparer du brigantin, le déclarer de bonne prise,
l'entrainer dans le havre de la colonie, où, après avoir
retenu Kidder à bord du vaisseau danois jusqu'au
1 Juillet , il le fit descendre à terre avec son éqm'page
le 2 du liiois, et leur fit jui'er de conduire le brigantin
à GopenhaguCi II sépara ensuite Kidder de son équi-
pée et de son vaisseau, et Tenvoya à Copenhague comme
Passager à bord d'un vaisseau hollandais dont il s'était
^i de la même façon^ Il y arriva le 18 Août, et son
^AÎiseau peu de jours après.
128 IV. AFF. DIX COHHBRCE BE GBOENIi ANBBy
Cet exposé que le' sonsaigni ministre résident du
roi de la Grande-Bretagne croit devoir présenter à
Y. £xc.» est fondé sur Tezamen le pins exact et le
plus scrupuleux, que le soussigné a fait du susdit Kid-
der dans plusieurs conversations réitérées, d^où la crainte
et toute autre influence illicite ont été bannies*
n est corroboré par le rapport même du tiear Pul,
qui quoiqu'intéressé & justifier sa démarche et A pallier
de son mieux sa conduite, n'a pas osé avancer rien
qui se trouve contraire à cette déposition de Kidder.
y. Exe. permettra au soussigné de lui rappeller, que
lorsqu'il eut Pbonneur de l'entretenir sur cet événement
le 19 Août, elle lui fit espérer que cette affaire serait
incessamment discutée et décidée avec toute la prompti-
tude possible. Nonobstant cette promesse et les bonnes
intentions de Y. Exc« qui ne sont point douteuses, le
soussigné se voit obligé de se plaindre des délais qu'on
fait essuyer au Sr. Kidder.
Quoique son vaisseau fut le premier arrêté, et son
afiaire très-distincte de celle des deux capitaines boUan*
dais, on les a confondus ensemble; on a difieré son
examen qui, par sa nature, devrait être très-court, jus-
qu'après celui des Hollandais dont les équipages étant
nombreux ont dû prendre, et ont pris beaucoup de
temps à interroger.
Depuis quinze jours que ces examens sont finis, on
le retient encore, quoiqu'il n'y ait rien à sa charge, et
que même ces peaux qui ont servi de prétexte & son
arrêt, soient reconnues appartenir à un de ces Iroquoisy
qui dit „les avoir eues d'un de ses frères groenlandais,
„en échange d'une vieille chemise et d'un vieux cha-
,,peau, à Tinsçu de son patron et du reste de l'équi-*
„page, et dans l'intention de s'en faire des culottes.^
Dans une affaire qui intéresse des nations puissantes,
peut-on sérieusement. Monsieur, risquer de troubler li
bonne harmonie pour un pareil sujet? peut-on sérieu"
BNT. US B AN.^ Ii'ANGIi. ET LA HOLL, J EN 1776. 129
sèment vouloir miner plusieurs familles , en imputant à
nn maître de vaisseau une telle action d'un de ses gens?
peut-on sérieusement traiter de commerce un pareil
troc? Cet Indien môme de quoi est-il coupable? Il
n^a violé aucune loi; elles lui sont toutes inconnues.
Quand Kidder lui-même aurait trafiqué, il ignorait, que
cela fût défendu. Mais il ne l'a pas fait; Pul ne l'en
accuse point, et cependant il est enlevé de son vaisseau,
entraîné dans des parages qui lui sont inconnus; on
l'expose aux dangers d'une longue et périlleuse naviga-
tion dans des mers qu'il ignore, et dans une saison
peu favorable.
■
Et comme, pour aggraver son malheur, on le retient
plusieurs semaines de ]>]us qu'il n'était nécessaire, sans
que ni la justice ni l'humanité puissent même faire
prononcer cette sentence, qui du moins l'éclaircirait
sur son tort; le tribunal qui le retient, ignore -t- il
donc les difficultés que des délais aussi inconvenables
opposent & son retour dans son île, où sa femme et
ses enfans, et les familles de ses pauvres matelots gé-
missent dans la crainte de leur perte, et doivent périr
de misère en les attendant inutilement?
À ces causes. Monsieur, le soussigné proteste contre
l'arrêt d'Etienne Kidder et tout ce qui s'en est suivi.
n demande au nom de S. M. Britannique la restitution
du brigantin le fVindsor et de sa cargaison, avec les
dédommagemens que l'équité dictera, pour le temps
perdu, le déchet de la cargaison et du vaisseau, et les
fraix extraordinaires auxquels le capitaine a été assu-
1^9 réservant en outre au roi son mattre le droit de
demander satisfaction s'il le trouve à propos.
Et comme par ce qui vient d'arriver, M. le comte
4e Bernstorff ne verra que trop , les incidens fâcheux
J^d çic doit entraîner la publication itérative faite le
^ Mais dernier , du placard de 1758 : S. M. ne doute
130 IV. A FF. DU COMMERCE DE GROE^IiANDB,
point que la prudence de V. Exe. ne lui montre la né-
cessité de les prévenir et ne lui en suggère les moyens.
Copenhague, le 25 Septembre 1776.
1 D. DE Laval.
N»- m.
Réponse du comte de Bermtorff à la note précédente.
C'est une bien grande satisfaction pour moi, Mon-
sieur, de pouvoir vous annoncer, en réponse à votre
mémoire du 25 Septembre, que le roi, mon mahre, s'é- '
tant de suite fait rapporter tout ce qui pouvait parler
en faveur du vaisseau le TVindsor^ commandé par le
maître Etienne Kidder, légalement condamné et con-
fisqué, par le tribunal de l'amirauté, S. M. a adond la
rigueur des loix, et que désirant particulièrement de
donner à S. M. Britannique un témoignage public de
son amitié et de son égard pour la nation anglaise, elle
vient d'ordonner que l'arrêt dudit vaisseau et de sa
cargaison soit incessamment levé, et qu'on ne porte aucun
obstacle à son départ et à la liberté de continuer sa
route.
Du département des affaires étrangères à Copen-
hague, le 5 Octobre 1776.
A. P. Bernstorff.
No IV.
Seconde note de M. de Laval j adressée au comte de
Bernstorff; du 7 Octobre 1776. J
Le soussigné voit, Monsieur, par la note qui lai a
été remise hier matin de la part de V. Exe. que S. M.
le roi de Danemark, prêtant Toreille à la voix de la
justice, a daigné révoquer la sentence portée par le lii-
bunal de l'amirauté contre le vaisseau le Windsor deNan-
tuchet, et qu'il était ordonné que l'arrêt dudit vaisseau
ENT. liB DAN., îi'ANGIi. ET liA HOJiL. J EN 1776. 131
et de sa cargaison soit incessamment levé, et qu'on ne porte
aucun obstacle k son départ et â la liberté de continuer
sa route.
Cette décision équitable de S. M. Danoise ne pourra
pas manquer d'être très -agréable au roi de la Grande-
Bretagne, et V. Exe. peut compter; qu'on rendra ample-
ment justice à la part qu'elle y a eue par sa puissante
intercession. Mais, Monsieur, la note de V, Exe. ne fait
mention d'aucun dédommagement, et Kidder se trouvant
sans argent, sans crédit, sans provisions, manque de
moyen pour pouvoir partir, à moins qu'on ne le lui
iacilite. Il a consommé les provisions dont il était muni
pour un voyage de six mois ; il a été forcé de contracter
ici des detties pour son entretien et celui de ses gens,
d'autres fraix imprévus se manifesteront peut-être au mo-
ment de son départ.
Ce dédommagement fait un des objets du mémoii*e
que le soussigné a eu l'bonneur de présenter le 25 Sep-
tembre, et il ne peut se dispenser d'en réitérer la de-
mande, espérant d'en obtenir Teffet de l'équité reconnue
de S. M. le roi de Danemark; au défaut de quoi il se
croit obligé de renouveler sa protestation contre la saisie
arbitraire 4udit vaisseau, la procédure qui l'a accom-
pagnée et particulièrement contre la sentence qui l'a con-
damné, réservant au surplus au roi, son maître, tous les
droits qui lui appartiennent dans la suite de cette affaire.
Fait à Copenhague , le 7 Octobre 1776.
D. DE Laval.
N^' V.
Réponse du comte de Bernstorff à la note précédente;
du 10 Octobre 1776.
On a l'honneur de répondre à la note remise par
M. de Laval en date du 7 Octobre 1776 , que la demande
■ du dédommagement du S. Kidder, menant le vaisseau le
fVincUor, pouvait avoir lieu, tant qu'il était douteux si
9*
132 IV. AFF, DU COMMERCE DE GROJBKIiANDE,
ta saisie était légale, ou si elle ne Pétait pas; mais
qu'elle n'est plus admissible selon la nature de la chose
et les usages généralement reçus de toutes les puissances
de l'Europe, dès (ju'une sentence a été prononcée par
un tribunal compétent à décider ce point, et dès qu'un
vaisseau a été légalement condamné et déclaré confis*
cable avec sa cargaison. S. M. est sure d^avoir donné
la preuve la moins équivoque et la moins ordinaire de
son amitié pour S. M. Britannique , en arrêtant l'exécu-
tion et l'effet d'un arrêt donné en faveur de la com-
pagnie de Groenlande. C'est elle seule qui pourrait
demander un dédommagement, et le roi est très-con-
vaincu que S. M. Britannique ne verra dans le dé^
nouement amical de cette affaire, que ses égards parti-
culiers pour elle, et son désir constant de loi en donner
toutes les preuves qu'elle peut souhaiter et attendre de
sa part.
Du dépailement des affaires étrangères à Copen-
hague, le 10 Octobre 1776.
A. P. Bernstorff.
Les différends qui à cette même époque s*âc-
vèrent pour le même sujet entre le gouyemement
de S. M. Danoise et celui de la république de Hol-
lande, par suite de la saisie de deux bâtimens hol-
landais déclarés de bonne prise, donnèrent lien
à réchange des notes ministérielles suivantes.
N*»- I.
Note de M, Bosc de la Calmetie^ ministre de Hollande
à la cour de Copenhague, adressée au comte de Bemt'
torff, ministre et secrétaire d'état des affaires étraf^
gères de S. M. Danoise; du 26 Septembre 1776.
Les SS. Comelis et Jacob Middelhoven, négociai*
à Zaardam en Nord-Hollande, et propriétaires des vais-
ENT.UB DAN^ L'ANGIi. ET LA HOIiL.J EN 1776. 133
seanx Middellioven et Rust van het Vaterland^ ex-
pédiés le 7 Mars passé pour la pêche de la baleine
dans le détroit de Davis, ayant été informés par leurs
commandans respectifs, Gerrit Bol et Gerrit Ger-
litson Bol^ son fils, que le 20 Juin leurs vaisseaux avaient
été visités dans \qs parages de Ttle aux Baleines par le
S. Pul, capitaine d'une frégate danoise, conduits à la
Golonie d'Egedesminde, déclarés de bonne prise par
les marchands et autres employés de la'^direction royale
dans cet endroit, parce qu'il s'était trouvé à bqrd du
premier de ces vaisseaux, dix, et à celui du second,
cinq peaux de chiens -marins, et en conséquence en-
voyés ici à Copenhague pour y être jugés par l'ami-'
raaté.
Les susdits propriétaires, convaincus par- les rela-
tions de ces commandans, que ni l'un ni l'autre n'a-
vait contrevenu aux ordonnances du roi, se sont adressés
par requête aux Etats -Généraux, pour les supplier de
leur accorder leur protection spéciale dans un cas si
important pour eux, et c'est en conséquence de cette
requête, que LL. HH. PP., persuadées par le détail des
faita qui y sont énoncés, de l'innocence de ces com-
^ mandans, m'ont ordonné expressément par leur réso-t
\ latioii dû 30 Août, de faille là-dessus les représentations
k convenables à cette cour, et de reclamer, non seule-
ment ces deux vaisseaux avec leur charge comme ayant
été ararêtés, confisqués et conduits ici sans aucune raison
légitime y mais aussi sur le même fondement, d'insister
sor une entière indemnisation de tous frais et dom-
mages.
J'avais déjà agi conformément à ces ordres, même
airant de les avoir reçus. V. Exe. se rappellera sans
doute, que le 19 Août, le }our même que ces com-
mandans étaient venus m'apprendre leur arrivée ici,
<* ce qui s'était passé, j'ai eu Thonneur de l'entre-
>** t«ùr à ce sujet j et ayaiit depuis suivi le CQurs de li^
1*
/
134 IV. AFF. DU COMMERCE DE GROENIiANDE,
procédare, j'ai eu d'autant plus lieu d'attendre une
issue favorable de cette affaire , que j'eus la satisfaction
d'appi*endre quelques jours après, que la visite la plus
exacte de ces vaisseaux , n'avait pu donner lieu au
moindre soupçon, qu'ils fussent destinés à faire le com-
merce, ou qu'ils en eussent pu faire aucun dans un
pays où le négoce ne se fait que par écl\ange, puis-
qu'il ne s'y est trouvé ni marchandises à l'usage de ce
pays, ni quoi que ce soit qui pût être regardé comme
un objet de négoce.
J'eus encore la satisfaction d'être informé dans la
suite, que les dépositions de ces commandans se trou-
vaient en tout conformes à la plus exacte vérité et au
rapport même du capitaine Pul, qu'elles étaient pleine-
ment confirmées par le résultat des dépositions de toat
leur équipage, et qu'à mesure que l'affaire se traitait,
toutes les accusations vagues, toutes les présomptions allé-
guées contre eux, toutes les insinuations à leur désavan-
tage, s'évanouissaient par l'examen, et qu'ainsi il était
clair comme le jour, que ni l'un ni l'autre n'avait eu le
moindre dessein de contrevenir, et n'avait en effet con-
trevenu à aucun égard, au vrai sens ni au but raison-
nable de l'ordonnance royale de l'année 1758 (la seule
qui leur fût connue lors de leur départ de Hollande) lequel
but ne peut être autre , que de défendre et de prévenir
tout négoce que les vaisseaux des nations étrangères pour-
raient vouloir faire avec les babitans de Groenlande.
Je me flatte donc que ces vaisseaux ne peuvent être
déclarés de bonne prise sur le seul fondement des peaux
de chiens -marins trouvées à leur bord, puisque:
Il est prouvé que ces deux commandeurs, qui n'ont
pas une seule fois quitte leur vaisseau, ni seulement
jette l'ancre sur les côtes de Groenlande, non seulemeni;
n'ont fait aucun commerce eux-mêmes, mais aussi qu'ils
ont défendu très-expressément à tout leur équipage, d'exm
iaire, et qu ils ont réitéré ces défenses aux gens de la cha^j—
ENT, IiB DAN., JL'ANGIi. ET liA HOLIi.J EN 1776. 135
loupe, les deux seules fois qu'ils l'ont envoyée à terre, l'une,
pour faire de l'eau, et l'autre, pour y remettre des femmes
venues à leur bord, pour obtenir d'eux la carcasse d'une
baleine qii'ils auraient d'ailleurs jettée à la mer, et que
la charité seule les avait engagés d'y souffrir pendant
plusieurs jours que le gros temps ne leui* avait pas
permis de s'approcher assez des côtes, ni de leurs habi-
tations pour s'en défaire.
n est prouvé que le commandant Gerrit Bol, jus-
qu'au moment que les gens de la frégate du capitaine
Pul, où les commandans s'étaient déjà rendus, y ont
apporté ces 2)eaux trouvées dans son vaisseau, igno-
rait absolument qu'il y en eût une seule 5 mais quand
cela ne serait pas aussi clairement prouvé que cela l'est,
l'assertion positive du commandant ne devrait -elle pas
suflSLre pour en convaincre? Peut -on raisonnablement
supposer qu'un homme à qui les marchands et em-
ployés de la colonie n'ont pas fait difficulté d'accorder
Un témoignage par écrit, que depuis dix-huit ans qu'il
fréquentait ces côtes, ils n'avaient jamais appris, ni seu-
lement ouï dire qu'il eût fait le moindre commerce,
qu'un homme aussi sage, aussi honnête, aussi véridique
que toute la procédure a prouvé qu'est ce comman-
dant 9 puisse être assez insensé pour risquer son vaisseau
et sa charge, qu'il puisse être assez indigne pour souil-
ler sa conscience par un parjure, pour un objet aussi
vil que la valeur de ces peaux, qui ne monte pas à
deux écus? Comment pourrait-il donc être censé avoir
firit le commerce? Peut- il être responsable de ce que
caciques misérables matelots, à son iusçu, et conti*e ses
ordres exprès, se sont procuré ces peaux, pour s'en
garantir contre le froid dans un climat si rigoureux,
qu'ils les ont échangées contre quelques guenilles dont
ils pouvaient se passer? qu'ils les ont introduites furtive--
ment dans le vaisseau? Ces matelots mêmes peuvenl-
ik eu bonite foi être réputés avoir fait le conuAcrce,.
136 TV. AFF. BU COMMERCE DE GROENIiAKBE^
surtout après ^'il conste, ipe les marcliancls eux-^mêmes^
lorsqu'ils les ont consultés ^ leur ont dit que l'ordon**
nance n'était pas si rigoureuse, que quelques peaux
pour leur habillement ne faisaient pas un objet, pourva
seulement qu'ils s'abstinssent du lard, de l'huile , des
fanons de baleine et d'autres productions importantes
du pays, ce qui s'accorde aussi entièrement avec tout
le préambule de l'ordonnance de 1758, qui en détep*
mine assez le but
n est enfin prouvé, que de cinq peaux qui se
sont trouvées dans la cabane du commandant Gerrit
Gerritson Bol, l'upe lui appartenait de droit, étant celle
d'un chien -piarin tué de son bord l'année précédente
par un Groenlandais , à qui il l'avait ensuite donné, en
s'en réservant seulement la peau laquelle celui-ci lui
avait aussi fidèlement rapportée celte année, en y joi-
gnant une autre, par reconnaissance de son honnê-
teté à son égard , et que les trois autres lui ont de
même été données par le même motif, pour le bien
qu'il avait fait en différentes occasions à plusieurs de
ces pauvres gens. Cela peut -il être appelé faire le
commçrce? Si c'en est un, c'est de bienfait, et celui-
là ne fait-il pas trop d'honneur à l'humanité pour pou-
voir être censé défendu par la loi, et être imputé à
crime entre des sujets de puissances alliées et amies.
Les senlîmens de l'équité si reconnue du roi ne me
permettent pas de douter^ que S, M. n'en juge pas autre*-
ment, ni les vôtres, Monsieur, que V, Exe. ne veuille
bien interposer ses bons et puissaus offices, pour obte-
nir de S* M., conformément à la réquisition de mes
mattres, les ordres nécessaires pour la prompte restitu-
tion de ces vaisseaux et de leur charge, ainsi que l'en-»
tière indemnisation des frais et dommages.
X Copenhague , le 26 Septembre 1776.
BOSC DE LA CAXMETTE,
BNT. liE D AN., li'ANGL. ET LAHOLL.J EN 1776. 137
La réponse que fit le comte de Bernstôrff à cette
note était mutatis mutandis entièrement pareille à
celle adressée le 5 Octobre à M. de Laval, ministre
rendent de S. M. Britannique. (^ Voyez N^' III.)
]N« IL
Note de M.Bosc de la Calmette^ adreisée au comte de
Bermtorff; du 17 Janvier 1777.
Ayant communiqué à LL. HH. PP. mes maîtres la
note que V. Exe. m'a fait l'honneur de me remettre le
5 Octobre, en réponse au mémoire que j'avais eu celui
de lui présenter le 25 Septembre, au sujet de deux vais-
seaux hollandais arrêtés sur les côtes de Groenlaude, con-
duits ici, confisqués par sentence de Tamirauté, et en-
soite relâchés par ordre du roij LL. HH. PP. ont été
charmées de voir par cette note, que le roi ait bien voulu
ordonner la levée de l'arrêt de ces vaisseaux et de leur
cargaison, et qu'on ne portât aucun obstacle à leur départ.
Sensibles comme mes maîtres le sont, à ce que le
roi ait voulu par là leur donner un témoignage de son
amitié y et remplis de sentimens réciproques pour S. M.
ils m'ordonnent expressément d'en faire parvenir au roi,
leurs sincères remercimens, mais de représenter en
même temps, que quelque gi^acieuse que puisse être
la restitution de ces vaisseaux et de leur cargaison, et
quelqu'agréable qu'elle ait été à LL. HH. PP. par le
motif que S. M. en allègue, elles ne peuvent se dispenser
de faire observer , qu'elle est insuffisante pour remédier
aux griefs si bien fondés des maîtres de ces vaisseaux, rela-»
threment tant à leur saisie même,' qu'aux frais de procé-
dures et aux dommages que cette saisie et la détention des
vaisseaux leur ont occassionnés 5 elles m'ordonnent en
conséquence de réitérer en leur nom les plaintes les plus
trieuses, du procédé injuste de l'officier qui a arrêté et
^t conduire ici les deux vaisseaux en question, insistant
138 IV. AFF. DU COMMERCE DE GROENLAKDE,
par cette raison , sur ce que les sentences qui les ont
condamnés 9 soient aonullées, que leurs frais et dam-
mages leur soient bonifiés , et qu'il leur soit J)rocuré une
satisfaction convenable, étant notoire qu'on ne peut con-
cilier avec le droit de nature et des gens, que des vais-
seaux d'autres puissances, naviguant ou péchant dans des
eaux de la compagnie royale de Groenlande , soient con-
fisqués en vertu de quelque octroi ou ordonnance du roi
en leur faveur, comme Tont été ceux-ci; de représenter,
qu'après la confiscation de ces vaisseaux, une simple res-
titution sans indemnisation, peut d'autant moins rassurer
pour l'avenir, que LL. HH. PP., à qui Tordonnance de
1758 n'a jamais été communiquée ministériellement, mais
qu'elles jugent bien être contenue dans la derm'ère de 1776,
ont pu (ces ordonnances ne s'exprimant pas bien claire-
ment) croire jusqu'à présent, qu'elle n'avait pour objet,
que le commerce défendu en Groenlande, et les violences
ou l'excès dont les nations étrangères pourraient s'y ren-
dre coupables. 11 semble, ajyrès ce qui vient de se passer,
que ces sentences déterminent le sens et le vrai but de
ces ordonnances qui , par les conséquences qui en résul-
tent nécessairement, ne tendraient pas à moins qu'à in-
terdire à toute autre nation qu'à la nation danoise, non
seulement tout commerce en Groenlande, ce qui pour-
rait se comprendre, mais aussi la pêclic, et même la
navigation dans ces mers là; puisqu'interdîre une cbose,
ou y apporter des obstacles qui la rendent imprati-
cable, revient absolument au même. Et en effet, qui
voudraient mettre son vaisseau, ses équipages, sa car-
gaison à la merci du premier matelot avide et malhon-
nête, de qui il dépendrait toujours, en bravant les dé-
fenses les plus expresses de ses officiers , et faisant à leua
insçu quelque commerce clandestin même de la moindr—
valeur, d'exposer le vaisseau à être pris et confisquer
qu'ainsi il serait nécessaire d'une preuve plus convai
cante, que les ordonnances du roi n'autorisent pas
BNT. IiB DAN., Ii'ANGIi. ET liA HOIili.J EN 1776. 139
pareils procédés, et à cet effet, pour prévenir tout doute
ou équivoque là* dessu^s , que les susdites ordonnances
soient incessamment ou réitérées, ou du moins expliquées
de manière à faire connaître clairement , que les limites
au sujet du commerce dans le détroit de Davis n'y sont
pas plus étendues qu'ils ne Tétaient auparavant, et que
cette ordonnance , ainsi que l'arrêt et la saisie qu'elle
permet de ceux qui pourraient y contrevenir, ne s'étend
pas au-de-là du cas, où quelques personnes, s'élant ren-
dues coupables d'un commerce défendu, ou de quelque
acte de violence, auraient été poursuivies et atteintes, soit
en Groenlande et les îles qui en dépendent, soit dans
celles situées dans le détroit de Davis et la baye de Disco,
mais nullement à quelque visite, bien moins à quelque
vexation, arrêt ou saisie de vaisseaux en pleine mer.
Puisque LL. HH. PP. , comme d'un côté elles ont montré
par leur placard du 15 Févr. 1762 (dont j'ai eu l'honneur
de donner communication ici dans son temps , et qui alors
a pu mériter l'approbation et la satisfaction du roi) comme
elles ont montré, dis -je, leur intention et désir sincère
de coopérer autant qu'il dépend d'elles, à ce que leurs
sujets n'abusent pas de la liberté naturelle de naviguer
et pêcher librement dans toutes les mers , pour en pren-
dre occasion de faire quelque négoce défendu à terre :
d'an autre coté elles ne pourraient regarder d'un oeil in-
différent des procédés pareils à ceux qu'on a eus avec les
Vaisseaux ci -dessus.
Mais comme véritablement cette affaire est d'une
importance générale pour toutes les puissances intéressées
dans la pêche de Groenlande et du détroit de Davis,
XL. HH. PP. se verraient obligées d'en faire une cause
. commune avec ces puissances , et de défendre et pro-
téger le droit indisputable de toutes les nations de
pouvoir naviguer et pêcher librement paf toutes les mers
ouvertes, les détroits, et les bayes, et en particulier
celai de leurs sujets^ qui de temps inmiémorial ont été
140 rV. AFF. DU COMMERCE DE GROENIiAKBE^
en possession d'user de ce droit sur les côtes de Groen-
lande, dans le détroit de Davis, et nommément aussi
dans la baye de Disco.
À Copenhague 9 le 17 Janvier 1777.
BOSC DE LA CaLMETTE,
NO- m.
Réponte du comte de Bernstorff à la note précédente;
du 4 Avril 1777.
Le roî mon maître s'étant fait rendre un compte
détaillé du contenu du mémoire remis en date du 17 Jauv.
de cette année par M. de la Calmette, envoyé extraor-
dinaire de LL. HH. PP. m'a ordonné d'y répondre:
Que S. M. y reconnaisssait avec une satisfaction
particulière , que LL. HH. PP. avaient rendu justice à ses
sentimens pour la république, et à la preuve qu'elle
lui en avait donnée, en ordonnant la levée de l'ar-
rêt sur les vaisseaux hollandais arrêtés sur les côtes de
Groenlande; qu'elle était également persuadée, qu'on
reconnaîtrait qu'il ne lui est point possible d'aller plus
loin, ni d'admettre la demande des propriétaires desdits
vaisseaux, tendant à une satisfaction qui ne saurait avoir
lieu dans un cas pareil à celui-ci, lorsqu'il existe une
confiscation fondée sur une sentence entièrement légale.
Ce sera toujours avec un regret sensible que S. M.
se déterminera à des mesures nécessaires pour empê-
cher un commerce prohibé avec ses états septentrio-
naux, mais que les sujets de la république continuent
de faire malgré les défenses publiées à cet égard en
Hollande, dont l'observation exacte préviendrait toute
discussion et tout désagrément réciproque.
Elle attend de l'amîtié de LL. HH. PP. qu'elles
n'omettront rie* de ce qui pourra contribuer à leur
manutention, s'engageant de son côté à concourir avec
l'éqnité et la modération la plus tetière, soutenue de
• BNT. liE DAN., L*ANGIi. ET I/A HOlili. J EN 1776. 141
tons les motifs que l'amitié la plus sincère peut inspi-
rer, à entretenir un ordre et une tranrpiillité parfaite
par tous les moyens qu'une distance aussi grande dans
des parages aussi éloignés peut rendre possibles.
S. M. d'ailleurs aussi éloignée du projet de troubler
ses alliés dans l'exercice de leurs justes droits acquis
par des traités et par une possession immémoriale, que
résolue à défendre et à soutenir ceux qui lui ont été
incontestablement transmis par ses prédécesseurs, ne
peut que prévoir une harmonie toujours ininterrompue
avec une république, dont le système se fonde sur des
principes également justes et également équitables, et rien
n'est plus conforme à ses souhaits décidés et invariables.
Du département des affaires éti*angèrcs à Copen-
kgae, le 4 Avril 1777*
A. P. Bernstorff.
CAUSE CINQUIEME.
Différends survenus dans les années 1777 c>
1785, entre la république de Venise et cell^
de Hollande j au sujet des plaintes portées
par des négocians d* Amsterdam, contre M.
Cavalliy ministre vénitien près la cour de
Naples (1).
U N jeune Albanais né à Budoa, de la domination
Tenitienne, qui à Vienne, avait pris le nom de
comte Castriotto, et à Berlin, celui de comte
Chiud- Zannowich, se disant issu de la famille
de Castriotto-Scanderbec, vint en 1772 se pré-
senter sous le dernier nom, chez MM. Chomel et
Jordan, banquiers à Amsterdam, muni d'une lettre
de recommandation de MM. Grenier Arles et com-
pagnie, négocians à Lyon, leurs correspondans.
(1) Cette affaire qui n'était dans son origine qu^une affaire de
particulier à particulier , devint une affaire de gouvernement,
lorsque les Ktats - Généraux déclarèrent qu'ils la prenaient sur eux,
disant, que les loix qui lient le souverain et le sujet ne leur per-
mettaient pas d'abandonner des sujets si cruellement lësës.
V. AFF. DES NIBG. CHOMEL ET JORDAT^. 143
Peu de temps après MM. Cliomel et Jordan lui
BYancèrent jusqu'à la somme de 27^000 florins,
partie en numéraire, partie en dîamans qu'ils en-
^«yèrent à leur correspondant à Gênes, pour en
"toucher le montant par un "banquier de cette ville,
désigné par le comte Zannowich. Celui-ci leur
donna pour nantissement de ces avances, une lettre
de change de 3,500 Sequins, prétendue tirée par
lord Lincoln sur ses banquiers à Londres, et ac-
ceptée par eux ; ainsi qu'une traite d'environ
9000 piastres sur Gênes ; les assurant en outre qu'un
bâtiment de vin chargé pour son compte, devait
aniver sous peu au Texel, qui leur servirait en-
core de plus de nantissement.
Mais la lettre de change de lord Lincoln,
que l'on avait envoyée à Londres, fut reconnue
être falsifiée, la traite sur Gênes fut protestée,
et la cargaison de vin promise n'arriva point.
Malgré cela, le prétendu comte Zannowich
sut persuader MM. Chomel et Jordan, que sa
présence à Gênes lèverait toutes les diflScultés, et
que l'intendant de son père, nommé Nicole Péo-
yite, paierait ses dettes s'il pouvait se rendre sur
les lieux. Les banquiers y consentirent, et le
comte partît d'Amsterdam, muni par eux de lettres
de recommandation. Au lieu de se rendre à
Gênes, le comte alla en droiture à Naples^ ayant
toutefois soin d'écrire diverses lettres simulées à
ces banquiers, comme venant de Gênes.
I
144 V. A FF. DES NÉG. CHOMEL ET JOKDAN,
Arrivé à Naple», Zanno-wîch ne tarda pas à
s'insinuer dans les bonnes grâces de M. Cavalli^
ministre résident de Venise à cette cour. Il lui
présenta sous le nom de Péovite, un individu qui,
descendant, comme il disait, d'une riche maison de
commerce de la Dalmatie, était à même d'ouvrir
une nouvelle branche de commerce très -avanta-
geuse à la république de Venise avec la Hollande,
si par la protection de M. de CavaUi, il pouvait
entrer en correspondance avec une maison de
commerce d'Amsterdam, ^anncwich ne man^
pas de proposer au ministre la maison de MM.
Chomel et Jordan, auxquels M. Cavalli écrivit en
1774? yyqu^en qualité de ministre de F^enise^ U
„ se trouvait obligé de leur recommander le & Ni-
yyColo Péovite y sujet vénitien ^ qui faisait un grand
„ commerce de produits de la Dalmatie ^ où il ap-
^^partenait à une famille accréditée'^ qi^ il méritait
yytoute confiance etc.'' Dans une seconde lettre
que ce ministre écrivit à ces banquiers, et par la-
quelle il confirma ce qu'il leur avait mandé précé-
demment au sujet du S. Péovite, il ajouta „çi^i/
j^ connaissait particulièrement la personne et la
^y famille de Péovite. ^^
Sur ces recommandations, MM. Chomel et Jor-
dan entrèrent en affaires avec Nicolo Péovite, qui
se chargea d'acquitter les dette^ du comte Zanno-
wich. Ils lui firent remettre les diamans et d*au-
très marchandises déposées à Gênes, et laissant
aussi entre ses mains la lettre de change de lord
BNT. Xw BjSp. D. HOIiL. ET D. VBN. J EN 1777- 145
Lmcoln, ik lui livrèrent encore à crédit pour
6000 florins de diamans.
Ces avances devaient être payées au moyen
d'un envoi d'huile, prétendu expédié sur un bâti-
ment nommé Minerve et conduit par Alexandre Pé-
trico. Péovite eut soin d'en envoyer les connais-
lemens à MM. Chomel et Jordan, et de les inviter
k faire assurer ce bâtiment pour la somme de
iSSyOOO florins; ce que ces bcuiquiers efiectuèrent
en partie à Amsterdam , en partie à Londres.
M. Cavalli, qui à cette époque résidait en qua-
lité de ministre de Venise à la cour de Milan, man-
dait à ces banquiers, qu'il était instruit de cet
ènroi; et les engageant à envoyer au moins la
moitié d'ime nouvelle commande en diamans , faite
par Péovite, il ajouta : ,yJe suis à portée de con--
y^naitre la marche de cette affaire dans toutes ses
^circonstances ^ et si je croyais qu'il fût nécessaire
9,de prendre quelque sorte de précautions , ce que
9,poiir le présent je crois de trop, je vous le man-
^yierai sur le champ. ^^ Quoique ce second envoi
de diamans ne s'efiectua pas , MM. Chomel et Jor-
dan ne purent cependant se refuser à payer encore
plusieurs traites pour le compte de Péovite.
Mais le bâtiment promis chargé d'huile n'arriva
pointj Péovite annonçant à MM. Chomel et Jordan
^'il avait fait naufrage, et leur transmettant,
comme preuve de son expédition un certificat
dû Podesta de Budoa, nommé Zuanne, et plu-
deura lettres de M. Cavalli, invita ces banquiers à
II. 10
146 V. ÀFF. Ï>ES lïÉCî^. CHOMEIi ET JORDAN,
réclamer des assureurs le paiement des i 33)000 flo-
rins. Mais les assureurs parvinrent à se procurer
les preuves juridiques de la non •« existence^ de ce
bâtiment.
MM. Chomel et Jordan chargèrent alors un
de leurs cor]tespondans à Venise de faire des re-
cherches sur cette affaire et de poursuî'we en jus-
tice ceux qui se seraient rendus coupables de
quelque fraude. On leur répondit que l'impos-
ture était manifeste, mais que des personnes con-
sidérables étant impliquées dans cette aifaire, on
ne saurait les poursuivre avec succès, à moins que
le consul hollandais ne voulût y prêter tes mains^
et qu'il y fut autorisé par les États -Gtënéraux.
MM. Chomel et Jordan recoururent en consé-
quence à la protection de ceux-ci, qui leur firent
délivrer le 11 Février 1777 une lettre de recomman-
dation pour leur consul à Venise. Celui--cî cepen-
dant ayant pour les mêmes raisons qui avaient été
alléguées par le correspondant • de MM. Chomel et
Jordan, refusé de faire les premières démarches
auprès du gouvernement de Venise, les banquiers
s'adressèrent de nouveau aux États-Généraux, qui
alors le 26 Mai 1777? ordonnèrent à leur consul,! vu
que le ministre de la répubhque de Venise se trouvait
impliqué dans celte affaire, d'agir en leur nom auprès
du gouvernement, de s'adresser directement au tri-
bunal de la haute inquisition pour réclamer le paie-
ment des avances faites par les banquiers d'Amster-
dam, de demander satisfaction, non seulement de
BNT. lé. KÉP. D. HOLL. ET D. VEN. J EN 1777. 147
Péoyite et compagnie mais en général de tous ceux
qui avaient eu part à la fraude , et surtout d'appeler
devant ce tribunal le ministre de Venise, Cayalli,
qui avait non seulement donné aux banquiers d'Am-
sterdam des assurances par écrit, de l'existence du
bAtiment en question, mais les avait engagés même
à faire de fortes avances en argent au S. Péovite.
Le tribunal de haute inquisition renvoya les
plaignan» au tribunal civil ordinaire , et comme le
consul hollandais se persuada que ce ne serait pas
li le moyen d'obtenir satisfaction, il crut devoir
s^adresser directement au sénat. Celui-ci n'ayant
même pas répondu à la demande, MM. Chomel
et Jordan, sur l'avis du 'consul, s'adressèrent ité-
rativemenl^ le 13 Juillet i 777, aux États-Généraux
pour requérir d'eux Pintercession de la cour de
ViéDiie.
Les États -Généraux acquiescèrent à cette de-
mande, et donnèrent ordre au comte de Degenfeldt,
de réclamer ^intervention de la cour impériale et
d'en instruire M. Contarini, ambassadem* de Venise
à Vienne. Sur le rapport que ce dernier fit à son
gouvernement à ce sujet, le sénat déclara le 30 Août
1777) AU consul hollandais, qu'il venait de nom-
mer un conseil criminel extraordinaire, chargé ex-
ckuivement d'examiner cette affaire, et de la juger
selon la loi; le ministre Cavalli fut rappelé de Mi-
lan pour comparaître devant cette commission.
Comme on exigea que toutes les pièces ayant
rapport à cette affaire, fussent envoyées à cette com-
10*
148 V* AFF. DES màG. CHOMEL ET XOBDAK,
mission, MM. Chomel et Jordan ne manquèrent
pas de fourm'r toutes celles qui pouvaient donner
quelques éclaircissemens. La procédure eut lieu
à huis clos, et ce ne fut qu'à la cinquantième séance,
tenue le 11 Avril 1778, qu'on publia une décla-
ration, en vertu de laquelle M. Cavalli, en sa qualité
de ministre de la république fut entièrement absous.
Les recherchés contre les autres accusés furent en-
core poursuivies par cette commission pendant plu*
sieurs mois, jusqu'à ce qu'enfin par arrêt du 30 Aou^
Princeslav, et Etienne Zannowich et un troisième,
reconnus avoir été les auteurs de cette supercherie^
furent condanmés à l'exil; le premier à perpétuité,
le second pour dix ans. Il fut déclaré en même
temps, que le bâtiment Minerve et la cargaison
d'huile, n'avaient jamais existé, et que la maison
de commerce NicoloPéovite n'avait été qu'une fiction.
Les biens des ZanhoAvich furent confisqués au
profit de MM. Chomel et Jordan, mais ne suffirent
nullement pour les indemniser des pertes qu'ils
avaient essuyées.
P. Chomel qui à cette époque s'était déjà sé-
paré de son compagnon Jordan, ne voulant point
se désister de son recours sur M. Cavalli, pour
être payé du restant de la dette, et préten-
dant que la procédure du conseil avait été irré-
gulière, sollicita de nouveau le 8 Décembre 1778>
l'assistance des États^Généraux. Ceux-ci, d'après
la résolution prise le 9 Février 1779, chargèrent
leur consul à Venise, d'insister près du sénat poiff
ENT. II. HÉP. D. HOLIi. ET D. VBN. ; EN 1777. 149
que la révision du procès fut ordonnéç^ et que le
ministre Calralli fut déclaré responsable des enga-
gemens pris par Nie* Péovite. Mais le sénat pré-
tendant qu'une pareille révision était contraire à
la constitution de l'état, déclara cette demande
inadmissible et se borna simplement à justifier la
procédure juridique.
Les représentations ' que le consul eut ordre
de £Bdre itérativement auprès du gouvernement
vénitien étant restées sans réponse, les États- Gé-
néraux après une ■ résolution prise le 7 Février
1780 5 adressèrent de nouvdlea instructions à leur
consul pour qu'il insistât avec force sur leur de-
mande, et qu'il exigeât une réponse prompte et
satisfaisante, ,,a^/z,^^ disaient ces instructions yyde
„ jiêtre pas dans la nécessité de recourir à d'autres
jyinoyens.^' La réponse du séçat fut aussi peu
satisfaisante que ne l'avait été la précédente j on
tâcha de nouveau de justifier la marche de la pro-
cédure, et voulait avoir maintenue la non-responsa-
bilité du ministre M. CavaUi.
Ce fut alors le 31 Mai 1780, que les États-
Crénéraux, sur l'avis du conseil d'amirauté, firent
requérir le sénat ^ de consentir pour que leur mi-
nistre, quoique absous parle tribunal criminel, put
être poursuivi devant im tribunal civil. Cette de-
mande fîit accordée, mais sous la condition expresse
que la sentence d'absolution prononcée le 1 1 Avril
1778, contre M. Cavalh, serait maintenue dans toute
sa force, et que le procès civil contre ce ministre
150 V. APF. DBS NÉG. CHOMEL ET JORDAN,
serait instruit et jugé par devant nn tribunal dvil
de Venise.
Les États- Généraux, pour donner plus de poids
aux nouvelles démarches qui leur restaient à faire
auprès du gouvernement de la république, en-
voyèrent le 13 Juillet 1781, M. Tor en qnalité
de ministre résident à Venise.
Comme les affaires ^ntre MM. Chomel et Jor-
dan et -M.^Oavalli avaient été traitées à Amsterdam,
M. Tor insista' auprès du sénat pour quei^ le .procès
fut instruit devant un' tribùndl civil de cette, ville^
laissant à M* Cavâlli là faculté de donnei^ caution,
s!il ne voulait point y oomparaître en personne.
Cette demande ayant été refusée, les États-Gé-
néraux, sur une résolution prise le 24 Octobre 1781>
ordonnèrent à leur ministre, de déclarer catégo-
riquement au sénat, que s'il se refusait encore de
faire droit aux justes réclamations de leurs sujets
^yils se verraient obligés de rappeler ve wacto leur
^y plénipotentiaire et d^user d'autres moyens pour
^^ dédommager leur sujets maltraités/^
La satisfaction demandée ne fut point donnée,
et M. Tor eut ordre de quitter Venise sans prendre
congé; ce qu'il fit le 13 Mai 1782. On en instrui-
sit en même temps le comte de Degenfeldt ambassa-
deur de Hollande à Vienne, qui fut chargé de décla-
rer à M. Contarini, ministre de Venise à cette cour^
que les États -^ Généraux étaient décidés à termineur
cette affaire d'une manière sérieuse.
Cette déclaration engagea le sénat à solliciteX"
ENT. li. BJSP. D. HOIili. ET O. :VEN,J pN 1777. 151
la médiation de PEmpereur; qui déclara^ ^toutefois
de ne Vouloir intervenir dans cette affaire que dans
le cas qu'on voulût le consfitûer juge arbitre.
Mais M. de Degenfeldt ayant représenté au mi-
nistère impérial, que cette aifaire n'était point de
nature à être jugée par sentence arbitrale, l'inter-
vention de cette corn* n'eut plus lieu.
Une proposition qui en Juin 1782, fut faite à M.
Tor, alors ministre de Hollande à Londres, par un
particulier vénitien nommé Eataglia, pour terminer
ce difiereud à l'amiable, resta également sans effet
Ce fut enfin le 9 Janvier. 1784> quejes États-
Généraux, sur les ii^stances réitérées 'de M. Cho-
mel et sur. l'avis de leur ambassadeur à Vienne, ré-
solurent d'user de représailles envers la république
de Venise et de prononcer la saisie de tous les
hâtimens vénitiens qui se trouveraient dçLm les ports
de la Hollande.
No- I.
Résolution des Etats - Généraux , du 9 Janvier 1784.
(Extrait.)
Il a été trouve bon et arrêté, qu'il sera fait un
essai, s'il est possible de satisfaire les justes prétentions
des négocians Chomel et Jordan, en faisant la saisie
des navires vénitiens qui se trouvent dans les ports de
cette république, ou de tel nombre d'iceiix qu'il sera
nécessaire pour procurer auxdits Chomel et Jordan paie-
ment et satisfaction due au moyen de l'argent qui pro-
viendra de leur vente; qu'en conséquence il sera écrit
aux collèges respectifs d'amirauté de n'accorder provi-
sionnellement aucune expédition de sortie à des bâti-
152 y. AFF. DES NÀ>. CHOMEIi ST 70EDAN,
mens vénitieDS et de ne leur point permettre le départ,
mais d'en faire faire immédiatement la saisie, et de s'in-
former ensuite de la nature des chargemens de ceux
qui sont chargés , pour constater jusqu'où ces cliarge-
mens appartiennent k la république, de Venise, ainsi que
de la valeur des navires et des effets qui y sont chiir-
gés, appartenans aux Vénitiens; d'en donner connais-
sance à LL. HH. PP.; et de faire prévenir en même
temps sous main, les citoyens commerçans, pour éviter
les représailles sur leurs navires et effets, de ne pas
envoyer pour le présent, et jusquà nouvel avis, vers les
états vénitiens des navires ou effets, et de rappeler autant
que possible ceux qui seraient d^'à en route : Que,
pour garantir ultérieurement autant que possible les
navires et effets des citoyens . de la répnbUque contre
tout ressentiment et contre' les attaques imprévues des
Vém'tiens sous prétexte de représailles, S. A. M; -.le
prince d'Orange sera requis d'enjoindre aux comman-
dans des vaisseaux de guerre, qui sont déjà partis pour
la Méditerranée, ou qui partiront encore pour s'y ren-
dre, de prendre sous leur protection les bâtimens mar-
cbands des citoyens de la république qui naviguent dans
celte mer:
Que de plus il sera ordonné aux négoçians Cho-
mel et Jordan, comme ils sont chargés par la présente,
de fournir au plutôt à LL. HH. PP. un état de leurs
créances et prétentions à la charge des sujets de la ré-
publique de Venise; qu'après la réception de cet état
et de ces informations il sera délibéré ultérieurement,
s'il ne conviendrait pas d'autoriser les susdits négoçians
Chomel et Jordan, à s'indemniser de leurs prétentions
légitimes, sous la taxation et modération des échevins
d'Amsterdam, sur tous les effets appartenant aux Véni-
tiens qui seraient trouvés dans ce pays;
Qu'en attendant il sera fait communication de Ist
présente résolution de LL. HH. PP. à M. le comte de
BNTi I*. HÉP, D. HOIiL. ET D. VENT. J EN 1777- 153
Wassenaer-Wassenaer, leur envoyé -extraordinaire et
plénipotentiaire à la cour de S. M. Impériale et Royale^
pour lui sei-vir d'information, et avec ordre d'en don-
ner connaissance à M. l'ambassadeur de Venise résidant
k Vienne, en y ajoutant, „que, puiscpi'il ne restait à
,,1X1. HH. PP. d'autre moyen pour procurer justice k
,,leur3 citoyens lésés, et pour les indemniser de leurs
„ pertes, elles avaient dû enfin en venir à la susdite
^résolution, tandis qu'elles étaient disposées en atten-
^dant & ne laisser sortir effet envers d'autres sujets
„ vénitiens (jue ceux qui sont les débiteurs directs, pas
,^lu8 longtemps qu'il ne plairait à ses seigneurs et maîtres,
^ponr faire indenmiser les sujets lésés de LL. HFf. PP.
„par leurs débiteurs directs, et qu'elles prendraient en-
„core volontiers en considération ce qu'ils voudront leur
„ faire exposer encore, à ce sujet par leur ministère ou
„par quelque autre voie."
Mais il ne se trouvait point alors de vaisseau
vénitien dans les ports des Provinces -Unies des
Pays-Bas, et l'ambassadeur de Venise à Vienne,
le chevalier Foscaiini, d'après l'ordre qu'il avait reçu
de son gouvernement déclara au comte de Wasse-
naer, dans une note qu'il lui adressa le 10 Février
1784 j 5jque le sénat était plus disposé à employer
„des moyens d'acconmiodement amiable, que d'u-
„ser de ceux qui ne feraient qu'exciter davantage
,,1'ammosité des deux parties; qu'ensuite de ces
„dispositiona et pour donner ime marque non équi-
},voque à LL. HH. PP. du désir de ne point voir
^troublée la bonne intelligence existante entre les
„deux républiques, il s'était déterminé à ne point
),ii8er de représailles sur les vaisseaux hollandais qui
154 V. AFF. DBS N:ÉG. CHOMEL et JOB.DAN,
„ se tronvaient actuellement dans les ports vénitiens^
,, quoique la dignité et l'Jionneur, non moins que
9, l'intérêt de ses sujets semblassent l'eziiger; que le
,^ sénat offrait au contraire, d'entrer en négociations
^y à Vienne, et de charger son ambassadeur de traiter
,, cette affaire avec le comte de Wassenaer; mais
5, qu'en revanche il espérait que la modération et
,,la manière loyale avec laquelle la république agis-
„sait en cette occasion, engagerait LL. EH, PP. à
„ révoquer Tordre donné le 9 Janvier."
Ces propositions ayant été goûtées par les Etato-
Généraux, ils donnèrent le 27 Février 1784, à leur
Envoyé à Vienne, M. VTassenaer, les pleinspou-
voîrs nécessaires pour entrer en négociation, et
suspendirent l'exécution de la résolution prise le
9 Janvier jusqu'à ce qu'ils fussent instruits du résul-
tat de cette nouvelle négociation.
No- n.
Résolution des Etats - Géuérmix , du 27 Février 1784.
(Extrait.)
Il a été trouve bon et arrête, que, pour faire un
essai si le sénat de Venise était plus disposé qu^autre-
fois à coneourir sérieusement à un arrangement de la
susdite affaire,- led ordres donnés par la résolution de
LL. HH. PP. du 9 Janvier dernier au sujet de la saisie
des vaisseaux vénitiens et des aiTangemens ultérieurs pris
par la susdite résolution seront provisoirement, et jus-
qu'à ce que LL. HII. PP. soient informés du succès de
la négociation entamée, suspendus et différés et qu'on
adressera à cette fin les avis nécessaires aux collèges
respectifs d'amii'auté^
ENT. !.• MÈP. D. HOIiL. ET D. VBN.J EN 1777- 155
X^pe de pliis les. négocians Chon^el et Jordan seront
chargés non seulement, de remettre au plutôt à LL. HH.
PP. un état de leurs dettes et prétentions à la charge
des sujets de la république de Venise , maïs aussi de
faire une déclaration précisé de toutes les offres sons
main (jui auraient pu leur être faites indirectement de
k part de Zannowich, et de tout ce qui pourrait avoir
eu lieu à cet égard> soit directement soit indirectement,
afin que la susdite déclaration ayant été faite, elle soit
transmise par LL. HH. PP. au susdit S. Envoyé extra-
ordinaire comte de' Wassenaer, en le chargeant d'entrer
â cet égard en Aégocialîons avec l'ambassadeur vénitien à
Vienne^ et de faire ensuite rapport à LL. HH. PP. de
ce qui aurait été fait et exécuté dans cette affaire, et sur
quel pied un arrangement convenable pourrait avoir lieu,
afin qu'il puisse être pris alors au sujet de la levée dé-
finitive de la susdite saisie., et au sujet de ce qui pour-
rait alors convenir de faire, telle résolution qui sera
jugée s'accordei:. avec la dignité de cet état et avec Pé-
qnité^ et sera envoyé extrait de la présente résolution
de ULi. HH. PP. au susdit S. comte de Wassenaer, pour
lui servir provisoirement d'information.
t
•Malgré les instaiitiGes que fit la république de
Venise pour obtenir la révocation définitive de cet
ordre d'arrestation prononcé par les États- Géné-
raux, ceux-ci s'y refusèrent toutefois, prétextant
qn'ils désiraient avant tout, être instruits de quelle
manière le sénat de Venise était intentionné de
Êdre droit aux ^déclamations des sujets hollandais
lésés.
Quoique le comte W^assenaer eût remis au mois
d'Août 1784, au chevalier de Foscarini, ambassa-
deur de Venise à Vienne, l'état des réclamations
156 V. AFF. DES NEG. CHOMEI« ET XOBDAN,
de M. Chomel, et que ce ministse l'eut envoyé
de suite à son gouvei^ment, il se passa plur-
sieurs mois, sans que le sénat jugeât à propos de
faire une réponse quelconque ; ce qui fit soupçonner
aux États -Généraux que le gouyemement vénities^
TU les mésintelligences existantes à cette époque
entre la république de Hollande et l'empereur d'Al-
lemagne, avait essayé d'engager ce dernier, ou à
conclure une alliance défensive avec la république
de Venise, ou du moins à lui prêter son assistance
dans cette circonstance. Mais cette tentative, si
effectivement eUè a été faite, n'ayant point eu de
succès, et la négociation entamée à Vienne entre
le comte de Wassenaer et le chevalier Foscarîni,
n'ayant point été continuée, la république de Ve-
nise ordomia en Octobre 1784, à M. TornieUo, son
ministre à Londres, de se rendre à la Haye, pour
tenter de parvenir à un accommodement à l'amiable.
Les négociations entre ce ministre et les com-
missaires nommés à cet effet par les États -Géné-
raux, comencèrent le 27 Octobre. Comme toute-
fois ces derniers insistèrent que l'affaire fût reprise
dans l'état où elle avait été laissée à Venise, disant
qu'il ne s'agissait que de prononcer sur l'indem-
nisation due aux banquiers Chomel et Jordan, sans
qu'il fût nécessaire de faire de nouvelles recher-
ches sur le point de droit, M. TornieUo demanda
im délai, pour se procurer de nouvelles instructions.
Après avoir reçu la réponse de Venise, il présenta
le 13 Décembre 1784, la note ci- après aux Etats—
BNT. II. HBP. D. HOLIi. ET D. VBN.J EN 1777- 157
1
Généraux, qui fut communiquée par l'ambassadeur
de Venise à Vienne à tous les ministres étrangers
résidant près cette cour.
N°- m.
fféte-de M, Tomiello^ résident de fa république de Ve-
mue 9 adressée aux États-Généraux; du 13 Décembre
1784.
Le résident de Venise ayant rendu compte à sa
république, des propositions qu'on lui avait faites dans
le comité y destiné par LL. HH. PP., conformément
i sa commission, toucbant l'affaire connue de Chomel
et Jordan, a l'honneur d'informer aujourd'hui LL. HH.
PP., d'après les ordres qu'il vient de recevoir, que la
république de Venise a appris avec peine et avec éton-
nement, comme quoi le comité susdit lui ait refusé
la discussion ultérieure et paisible du différend, tandis
qne c'était là précisément l'objet de sa mission à la Haye,
et qu'il se soit borné au contraire à reproduire seule-
ment l'état des prétentions à la charge de la république,
qui, ayant été présenté à Vienne dans le mois d'Août,
fat réjeté par elle, comme absolument inadmissible et
contraire même aux principes dont étaient convenus
auparavant les deux souverains dans les mémoires res-
pectifs du 10 Février et du 1 Juin passé. Cette con-
duite ëtant tout à fait opposée à l'attente de la répu-
bUqae, et impliquant en elle-même des vues qu'elle ne
peut jamais admettre, il est indispensable d'en venir â
tme déclaration positive, laquelle en écartant le danger
de toute mésintelUgence, puisse dégager la< négociation
de tout équivoque.
C'est pour cela que la république, intimement con-
vaincue de la droiture de ses propres démarches, dé-
<^ formellement, que dans quelque cas qu'elle puisse
/
158 V. APF. DES NÉG. CHOMEL ET JOILDAK,
se trouver^ elle n'admettra jamais rien qui la constitiie
débitrice vis-à-vis des marchands hollandais : Elle pro-
teste hautement contre toute prétention, qu'on voudrait
former à sa charge sous le prétendu titre d*an déni
de justice; cette supposition étant aussi injurieuse que
fausse et démentie par une suite de faits incontestables.
EfTectivementy la république a été ai éloignée de
refuser la justice aux Hollandais, qu'à peine eut* elle
connaissance de là première demande de UL. HH. PP.,
elle ne différa pas un seul instant l'établissement d'un
tribunal criminel extraordinaire et solemnel, rappelant
de sa place de résident le S. Cavalli, pour l'y assujettir
immédiatement. Il est connu que des quatre sujets vé-
nitiens qui se trouvent imph'qués dans le procès, trois
furent condamnés aux peines les plus infamantes, et i
la confiscation de tous leurs biens au profit de Chomel
et Jordan; et le S. Cavalli seul fut déclaré exempt de
faute criminelle.
Il arriva que les biens des coupables lie forent
point suffisans à l'indemnisation complette des sujets
hoUandais; et s'ils l'avaient été, l'affaire était d'abord
terminée. C'est la raison pour laquelle on se plaignit
de la sentence que ce tribunal avait portée, et on en
demanda la révision , dans Tespérance d'en tirer un plus
grand avantage, si Cavalli était condamné.
La république fit voir évidemment, que la révision
était impraticable selon sa constitution; et les Etats-
Généraux eux-mêmes en étaient convaincus lorsqu'ils
demandèrent que, puisque le S. Cavalli ne pouvait plus
être soumis à un procès criminel, il fût permis aux négo-
cians d'Amsterdam de l'attaquer par la voie civile. Cela
étant conforme aux loix, à la méthode et à. ce qui se
pratique dans les tribunaux de Venise, la république y
consentit avec toute la promptitude, et offrit même de
son propre chef de rendre la voie civile aussi facile et
aussi courte que possible.
\
ENT. li. ILÉP. D. HOIili. ET D. VEN. J EN 1777- 159
Le jugement n'eut jamais l'effet qu'on en attendait,
parce que les HollaTidais le rejetèrent apris l'avoir eux-
mÊmes demandé; d'où il s'ensuit, qu'il n'y a pas d'au-
tres sujets vénitiens, les trois ci -dessus exceptés, que
la république puisse avec justice forcer au paiement des
crédits de Chomel et Jordan, puisqu'il n'y a aucun autre
qui ait été déclaré responsable.
Pour détruire pourtant entièrement tout motif qu'on
pourrait tirer du prétendu déni de justice, la répu-
blique, qui souhaite sincèrement d'être une fois délivrée
d'une dispute si longue et si fastidieuse, propose de
nouyeau la voie civile dans les tribunaux compétens de
Venise contre le S. Cavallî, qui, s'il n'a pu être déclaré
criminel, parce qu'on ue le trouve pas tel, peut néan-
moins Atre responsable vis-à-vis de Chomel et Jordan
par d'autres raisons, et sans être ciîminel.
Que si mcme LL. HH. PP. le souhaitaient, la ré-
publique de Venise ajoute à l'offre précédente, celle de
leur laisser pleinement libre le choix de tout autre lieu
et de tout autre juge impartial , pour qu'on décide dé-
finitivement, si le S. Cavalli est obligé ou non à dédom-
mager Chomel et Jordan des pertes dont ils assurent
ledit Cavalli avoir été cause 5 et elle déclare expressé-
ment, que dans ce jugement civil ne doit influer pour
rien, relativement à la personne du S. Cavalli, le juge-
ment criminel porté en sa faveur, comme n'ayant aucun
rapport avec celui qu'on propose maintenant.
La république engage sa parole, que si le S. Cavalli
était jugé responsable, elle prendra les mesures les plus
efficaces et les plus vigoureuses, afin que les marchands
hollandais obtiennent du S. Cavalli et de ceux qui au-
raient pai'tagé sa faute, ce qu'on leur aurait adjugé par cette
sentence; et dans ce cas, leur dédommagement. serait à la
charge des débiteurs directs et jugés tels, ce que les Etals-
Généraux ont toujours demandé; bien entendu que par
160 V^ AFF. DES Nia. CHOKEIi ET JORDAN^
là toute contestation ultérieure entre les deux souYeniins
soit terminée pour toujours.
La républiqrue ne doute pas (jue T.T., HH. PP.
n'acceptent avec plaisir une proposition si amicale et si
juste ; elle déclare néanmoins, que si LL.HH.PP. croyaient
qu'il y eût un expédient plus satisfaisant pour elles, et
d'une convenance réciproque, la république ne sera
pas éloignée de le saisir, n'ayant rien plus à coeur :qae
de consolider de plus en plus la bonne intelligence
avec les Provinces -Unies.
Que si malgré tout cela, et contre toute attente
raisonnable, LL. HH. PP. voulaient pousser cette dispute
privée aux extrémités dont elle n'est pas susceptible
par sa nature, et qui seraient aussi nouvelles dan^ l'bis-
toire des nations, qu'elles sont contraires aux intérêts
de deux puissances commerçantes, et qui ont été constam-
ment amies, la république de Venise se contentera de
n'avoir laissé en arrière aucun moyen capable de con-
duire à un accommodement amiable et juste : et en tout
cas , ce ne sera qu'à contre-coeur qu'elle se verra forcée
à conformer ses propres démarches à celle d'autrui, pour
le soutien d'une cause qui deviendra commune à tous
les souverains.
Le résident ayant exposé jusqu'ici les vrais senti-
mens de sa république a l'honneur etc.
TORNIELLO.
I
Cette note resta sans réponse. M. Tomiello
peu de temps après étant entré en pour -parler
avec M. de Tor, un des membres de la commis-
sion, qui lui avait fait une proposition d'ac-
commodement, au moyen duquel, en satisfaisant
les réclamations de MM. Cbomel et Jordan, l'af-
faire serait définitivement terminée, et auquel les
BNT. II. mSp. d. hoIiIi. et d. ven.j bn 1777. 161
États-Généranx, avaient acquiescé, promit au moyen
d'un courrier qu'il expédierait à Venise, d'obtenir
la ratification de cette proposition , dans l'espace de
vingt-quatre jours. Mais loin de là, le sénat refusa
formellement son approbation > et ce fut en suite
de ce refus que les États-Généraux prirent le 1 Mars
17669 Ift résolution suivante j qui toutefois n'eut
point son exécution, attendu que les diverses pro--
Vinces ne purent s'accorder.
N^»- IV.
Eztra^ dei rSgîtrei dei résolutiom de LL. HH. PP.
fet EMê^ Généraux des Provinces • Urnes; du iMars
1786/
Les S*" van Lynden, van tiemmen et autres dé-
putés de IJL< HH. PP. pour les affaires étrangères, ont
npporté i l'assemblée : qu'en conséquence et pour sa-
tÛîire à la résolution de LL. HH. PP. du 26 Octobre
de l'année précédente, ils étaient convenus le 27 Octobre
suivant, dans une délibération préliminaire sur le com-
inencement des conférences avec le S. Torniello, rési-
dent de Venise 5 que l'état de la question à négocier avec
ledit résident, ne pouvait concerner que le soin de pro-
curer un dédommagement aux négocians Cbomel et Jor-
dan sans entrer dans ime discussion ultérieure sur le
fend de la cause, lequel doit être considéré comme
tui objet déjà terminé, et qu'ils avaient jugé en même
^ps à propos, pour parvenir plus promptement et
^ec moins d'embarras à finir cette affaire, de prier le
S, pensionnaire van Berkel, co-député de LL. HH. PP.
pour ces conférences, de vouloir avec l'assistance du
S. Bisdom, pour lors ministre du collège de l'amirauté
tur la Meuse, entrer en négociation avec le S. Torniello
162 V. AFP. DKS NKG. CHOMEIi ET JORDAN,
et de plus d'appeler & leur aide (comme manua mi"
nistra) le S. de Tor, comme ayant déjà été employé
dans cette affaire, et ensuite de faire rapport de leur
négociation . à la conmiission.
Qu'en conséquence de ceci, eux les S*^ députés
étaient entrés le lendemain en conférence avec le S.
Tornielloy lequel leur ayait fait une déclaration verbale,
qui, fait voir que l'intention du susdit S. résident est d*ex-
aminer cette affaire de novo et de contribuer ensuite
à faire des propositions équitables d'accommodement A la
satisfaction réciproque $ que là-dessus et en conséquence
de ce qui a été résolu le jour précédent, il a été poli-
ment représenté par le premier des S*" députés deLL.
HH. PP. audit résident : que l'affaire devait être reprise
dans les termes où elle est demeurée à Vienne, et que
par conséquent il s'agissait simplement de déterminer la
somme du dédommagement qui doit être accordé et
donné auxdits négocians Chomel et Jordan.
Que le S. Torniello déclarant n'avoir point d'ins-
truction à cet égard, a demandé un délai de tout au pins
deux mois, pour pouvoir en écrire à Venise, et recevoir
la réponse; sur quoi cette première conférence avec le
susdit résident a été terminée.
Que le 22 Décembre dernier, le premier des S**
députés de LL. HH. PP. a commimiqué à la comnuV '
sion un • mémoire remis par le S. Torniello à Vamor
nuensis Tor, conçu en langue italienne et traduit pir
celui-ci en français, destiné à exposer les sentûnens de
la république de Venise sur la manière de laquelle l'af-
faire de Chomel et Jordan pourrait être terminée.
Que le S. Tor ayant parlé au long a difierentes \
époques avec le S. résident et avec l'ami de cdoi-d^ ï
le S. Battaglia, et ceux-ci ayant à la suite de ces entre- j
tiens, proposé au S. Tor, un expédient par lequel, «ans '^
porter atteinte à l'honneur et à la dignité de la rép«- 4
blique de Venise, les négocians Chomel et Jordan seraient i^
BNT. II. RIÎF. D. HOLL. ET D. VBN.; BN 1777. l63
contentés j en ajoutant, (ju'au sujet de ce projet, ils
pourraient avoir réponse de Venise dans vingt -<{uatre
jours, la déclaration verbale que le S. Tor a faite de
ceci aux commissaires a été cause, que dans Pattente du
retour du courrier envoyé à Venise par le résident, le
suadit mémoire est demeuré sans délibération et a été
mis provisoirement de côté.
Que le S. pensionnaire van Berkel^ en vertu de l'au-
toiisation qui lui a été donnée par les membres de la
commission, ayant représenté le 21 du mois présent,
qu'après tous les soins et toutes les peines employées, il
semblait que les Vénitiens n'avaient point la sincère in-
tention de terminer cette affaire à l'amiable, ce dont peut
servir de preuve la relation du S. Tor, au srujet de la
négociation entamée avec les S^ Tomiello et Battaglia,
et dont le S. van Berkel a présenté la copie k la com-
nûssion; d'autant plus que les points principaux de ce
qui a eu lieu entre le S. Tomiello et le susdit bomme
d'aflhires, sont actuellement désavoués par le premier.
Que eux, les S*" députés, ne pouvant, par les rai-
«ms susmentionnées, se flatter que les négociations avec
le résident de Venise pussent encore se continuer avec
quelque succès, devaient proposer & la délibération de
Uj. HH. pp., s'ils ne trouveraient pas à propos de con-
sidérer les conférences avec le résident comme rompues,
et d'en donner l'avis nécessaire audit résident, en consé-
quence de quoi , la surséance accordée par LL. HH. PP.
k 27 Février de l'année passée, et par laquelle la réso-
lution de LL. HH, PP. du 9 Janvier précédent, portant
fosage des représailles, est demeurée sans effet, devrait
être levée par LL. HH. PP. et que de plus, il devrait
être examiné dans un comité tenu avec les députés des
Collèges d'amirauté respectifs, quelles mesures il faudrait
choisir et arrêter pour que LL. HH. PP. fissent ressentir
enfin aux négocians Chomel et Jordan les effets de leur
jtaissaate protection.
l64 V. AFF. DES N:éo. CHOMEL ET JOHDAN^
Que de plus^ Sa Hautesse devraic être remise de
donner connaîssance de cette résolution de LL. HH* PP.
aux officiers commandant les vaisseaux de Tétat dans la
Méditerranée, afin qu'Us fassent avertir les navires mar-
chands de la république, d'éu*e sur leurs gardes, et
afin qu'ils leur accordent la protection nécessaire , sans
encore pour le présent et jusqu^à nouvel ordre , com-
mettre quelques hostilités contre les yénitiens; comme
aussi il serait nécessaire de s'adresser aux collèges res-
pectifs d'amirauté, pour donner à cet égard les avertis-
semens nécessaires; et qu'enfin il devrait être donné
directement connaissance de tout ceci aux S<^ Leste^
venon van Berkenroode et Branzen, ambassadeurs ordi-
naire et extraordinaire à la cour de France, pour en
faire part au comte de Yergennes, et pour faire voir
avec quelle facilité LL. HH. PP. se sont conduites dam
toute cette afiaire, et combien peu on y a répondu de
la part de la république de Venise.
Sur quoi ayant été délibéré , les S^* députés des
provinces de Gueldre,. de Hollande et de Westfirise se
sont confonnés au rapport ci-dessus, et ceux des pro-
vinces îde Zeelande, de Frise et de la ville de Groe-
ningue et des Ommclandes, en ont pris copie pour en
communiquer plus au long avec les leurs.
Les S^** députés des provinces d'Utrecht et d*0-
veryssel ont promis de s'en expliquer ultérieurement
Les S^" députés des provinces de Hollande et de
Westfrise ont insisté sur une prompte conclusion et
sur ce que cette affaire soit terminée.
Cette résolution, ainsi qu'un artide inséré
dans la gazette de Leyde (du 15 Mars), qui accusa
le ministre de Venise, d'avoir retiré la parole qu'il
avait donnée aux État^ - Généraux , engagèrent M
Torniello à adresser la note ci-après à ces derniers.
-i
BNT. h. nÈP. D, Hoiiii, :bt b. V£K.; sn 1777- 165
iVb/« vfe Jf. Torfiieflo^ résident de la république de
Venise j adressée aux Etats ^ Généraux; du 11 Avril
1785.
Hauts et Puiasans Seigneurs.
Le résident de la république de Venise, avant d'a-r
voir reçu la réponse qu'il plaira à LL. HH. PP. de
donner sur- le pro memoria qu'il leur a présenté le
13 Décembre de^^-niér,. au nom de sa républiquç, cgnte-^
nant des propositions poiir accommoder à la sati^action
réciproque, des diiTérends qui subsistent depuis long-
temps entre les deux états,. ne peut obsei*v0r sans une
vraie émotion, qm'il a été iiiiroduit diversçs équiypques
à regard de plusieurs çirooxiistaAcea, ne tendant 4 ]^i^^
moiiiis qu'à interronipre les négociation^, et à porter d[u
cbangemeni dans les principes par lesquels seuls Taf-
fiire peut être portée facilement à la fin, au contente-
ment des deux parties. C'est par cette rai$on qu'il croit
de aon devoir indispensable, de ne pas laisser subsîstev
plus long-temps pareilles équivoques au désavantage de
I^ vérité et de son propre caractère personnel; qu'en
conséquence il croit devoir représenter à LL, HH. PP.
comme une yérhé incontestable, que, depuis qu'il a
présenté le pro memoria sous la date du 13 Décembre,
il n'a été fait aucune proposition formelle, ni ministé-
rielle de la part de sa république, ni lien produit de
la p^t des Etat^- Généraux à Pégard de l'aiiaire en
question 5 que conséquemment cett& affaire se trouve
sans le moindre changement, dans le même état et d'a-
près les yvsûs principes tels qu'ils ont été représentés
dans ledit pro memoria \ mais^ que quelques interpréta-
tions à double sens, que Pon pourrait donner à de simples
entretiens coi^dentiels, provenus peut-être d'un louable
4éf ^ 9 QUiîs: destituée d'^u^orité , ^e pourront jameai*.
166 V* AFF. DES NÉG. GHOMEL BT JORDAN,
atténuer les dispositions sincères et constantes de la ré-
publique, exprimées plus au long dans la lettre minis-
térielle dç ceUe-ciy tendant à embrasser toi|d|es Ie9 voies •
qu'un souverain puisse prendre pour parvenir i uie
réconciliation amicale, et à une satisfaction réciproque,
dont le mim'stre soussigné a l'honneur de renouveler
par la présente les assurances les plus sincères et les
plus formelles.
X la Haye, le U Avril 1785.
TORNIBIXO.
•
• M. Tomiello après être resté près d*un an à la
Haye y sans avoir pu réussir à accommoder ce diffé-
rend, reçut en Octobre 1785? l'ordre de son goiH
yemement de retourner en Angleterre. Avant son
départ, il se rendit chez le président de semaine^
pour lui remettre lé mémoire de congé suivant
N° VI.
Mémoire de eangé^ remit par M. TornieUo aux Éiaih
Généraux:; en Octobre 1785.
Hauts et Puissans Seigneurs,
Par la communication faite de la part du consul de
LL. HH. PP. au bailli de Venise à Constantinople, il est
parvenu à la connaissance de la république de Venise,
que la frégate hollandaise commandée par le capitaine
van Kinsbergen, laquelle a quitté depuis peu Smym^
ayant offert de prendre sous son convoi les pavillons
des puissances amies, pour les protéger contre les dangers
à redouter dans l'Archipel, a bien voulu prendre effecd- '
vement sous son convoi, deux navires vénitiens et les
garantir de tous sinistres événemens. Ce procédé amical
a été considéré par la sérénissime république avec
toute la sensibilité et satisfaction due à cette nouvelle
KNT. II. HEP. D. HOlili. JET D. VISN.; JSN 1777* l67
preuve de la bonne intelligence exlstauie entre Je6 deux
nariong; et le résident Torniello est charge d'en té-
moigner la reconnaissance au nom de la sérénissime ré-
publique à LL. HH. PP,, ainsi que le dcsîr de celle-ci,
d'en faire preuve dans toutes les occasions. En même
temps le résident a rhonneùr de faire part â LL. HH.
PP. que le terme de sa mission à Londres, dont il a
été éloigné près d'une année, pour l'affaire concernant
les .sieurs Ghomel et Jordan, étant expiré, il se voit
obligé de retourner au presser jour en Angleterre, pour
remettre son ministère entre les mains de son succes-
seur dont l'arrivée ne tardera guères; cependant cette
absence indispensable n'arrêtera point ni ne nuira au
cours de cette affaire, vu que le nouveau ministre So*
derini sera pourvu pendant sa résidence à Londres, des
m£mes commissions dont le soussigné a été cbargé.
La république de Venise désire que LL. HH. PP,
soient persuadées que la république est pénétrée du désir le
plus vif et des intentions les plus sérieuses de cultiver avec
elles l'amitié la plus parfaite et la plus constante. Quant
i ce qui concerne le soussigné en particulier, il s'esti-
mera très-heureux, si en se retirant d'ici, ren^pli de la
plus haute vénération pour un gouvernement' qu'il a eu
le bonheur de contempler de près, il pouvait emporter
avec lui la conviction flatteuse, d'avoir mérité pendant
«on séjour, l'approbation de LL. HH. PP.
Torniello.
G^est ainsi que cette dernière négomtion comme
toutes les précédentes, se termina sans amener
nn résultat définitif. Ënvain les banquiers d' Ams-
terdam s'adressèrent -ils depuis à diverses re-^
prises aux États - Généraux et aux États de la
Hollande et de Frise, dont ils étaient le& sujets.
l68 V. AFF. DBS NÈG. CHiiHEXi £T JOKDAN.
immédiats, pom* obtenir rexécution de la résolntion
du p Jmy* 1784) q^ prononçait l'embargo à mettre
sur les vaisseaux vénitiens dans les ports de la Hol-
lande; Paffaire en resta là,^ s^ns que même d^n^ la
suite pn spit parvenu 4 h. tp|:i^iner (^),
(1) Le9 joarnaiiz de ce temps rapportent , qa'â Pocoaslon des
diseiissions qui s'élevèrent entre Femperenr d'Allemagne et larëpa-
bliqne de Hollande y aa snjet de l'onvertiire de l'Escaut, l'impM-
teav Étîeittio Zannowieh, sons le nom de Gastriotto, proposa aox
États-Gënânnx la leytfe d'un corps de Montf^n^grmss qne cette oflâre
fi}t acceptée jjifLT efix, mais qpe les hostilités n'a^fant point en de soite,
il i^yait en l'^padence de yenir à 1^ Haye, demande^ on dé^bnir
inagement 4cs!fraix qfie loi ayaif occasionnes cette entreprise;- qa'8>
riyë à Amsterdam, il fat reconiui et tfain^ en prison, où â} se si^is-
pidil pep dfi temps ap^^, .
I .
' i
CAUSE SIXIEME,
Représailles exercées en 1782, par le général
Washington, pendant la guerre d'Amérique ; et
intercession du comte de Vergennes, ministre
des affaii^es étrangères de Louis J^VIy en fa-
veur du capitaine tmgla^s AsgilL
JLIans la guerre d'Amérique , en 1789 , un capi-
taine de la milice de Jersey, nommé Huddy, at-
taqué dans un petit fort sur Tom*s-Rivery par un
parti de réfugiés à la ^olde et au service britannique,
Jut fwt prisonnier et conduit à New - York (*).
Après avoir été renfermé à la. prévôté de la ville
pendant trois semaines environ, il fut conduit à
bord d^un v^dsseau qui servait de prison, et trans-
porté sur les côtes de Jersey, où le capitaine Lip*
pincoote, à \^ tête d'un détachement de fantassins,
le fit pendre prévôtalement, en lui faisant attacher
un écritaan sur sa poitrine ;i portant en substance:
(1) Ces réfagiés qui forent appelas Loyalistes, seraient fonné â
New -York lue association presque indépendante du gin&sfl en ohef
de iHffifide royale anglaise.
170 VI. APP. DU CAFITAIKE ANGL. ASGILL^
,, que c'était en représailles de la mort d'un homme
,,tué par une sentinelle lorsqu'il tentait de s'édhap-
„per après avoir été fait prisonnier."
Les habitans de cette partie du pays où cette
exécution avait eu lieu, ayant envoyé une dépu-
tation au général Washington, commandant en chef
l'armée américaine, avec les preuves complètes qui
attestaient cet acte de Violence, ce général écrivit
la lettre suivante au commandant en chef de l'ar-
mée anglaise, Sir Henry Clinton, pour lui deman-
der l'extradition du capitaine Lippincoote, afin de
pouvoir le faire punir comme assassin. «
N«- L
Lettre du général Washington ^ adressée à Sir Hettrfi
Clinton^ commandant en chef V armée royale^anglaite;
' du 21 Avril 1782. (Traduit de l'anglais.)
Au quartier-général, le 21 Avril i782
Monsieur, les représentations ci -incluses de la
part des habitans du comté de Monmouth, avec les
attestations du fait (qui peuvent être corroborées par
d'autres preuves indubitables) mettront sous les yeux de
V. Exe. le meurtre le plus téméraire, le plus cruel, cl
le plus hors d'exemple, qui ait jamais terni les armes
d'ime nation civilisée. Je n'importunerai point V. Exe.
(parceque je le crois peu nécessaire) par des réflexions
sur le fait en question. La franchise m'oblige 4 parler
rondement. Pour sauver l'innocent, je demande le cou-
pable. Le capitaine Lippincoote, ou l'officier qui a
commandé à Texécution du capitaine Huddj, doit donc
être livré $ ou, si cet officier était d'un rang inférieur i
ce dernier, il faut livrer tel nombre des coupables?
BANS IiA GUERRE d'aK^IQUE ; EK 1782« 171
(ja^iU fassent un équivalent, conformément au tarif d'é-
diange. Cette extradition sera une mar<jue de la justice
qpi caractérise Y. Exe. En cas de refus, je me tiendrai
pour justifié aux yeux de Dieu et des hommes, & Té*
gard de la mesure à laquelle j'aui*ai recours.
Je prie V. Exe. d'être persuadée, qu'il ne saurait
vous être plus desagréable de recevoir une lettre conçue
sur ce ton, qu'il ne me Test de vous Técrire; mais le
sujet exige de la franchise et un parti décisif. Je dois
vous demander une prompte détermination, ma résolu-
tion n'éjtant suspendue que jusqu'à ce que je reçoive
votre réponse. J'ai l'honneur d'être etc.
George Washington.
No- n.
Répome de Sir Henry Clinton à la lettre précédente;
d» 23 Avril 1782. (Traduit de l'anglais.)
New-York, le 23 Avril 1782.
Monsieur, votne lettre du 21 du courant, avec les
attestations y Incluses, concernant l'exécution du capi-
taine Huddy, m'a été remise hier; et quoique je sois
extrêmement touché du fait qui y a donné Ueu, je ne
saurais cacher xga surprise et mon déplaisir au sujet
da ton très -peu convenable, que vous avez employé,
et que vous n'avez pu vous empêcher de reconnaître
comme étant absolument hors de toute nécessité.
La douceur du gouvernement britannique n'admet
point d'actes de cruauté ni de violence persécutrice;
et conmie ils sont notoirement contraires à la teneur
de ma propre conduite et de ma disposition (n'ayant
encore jamais souiHé mes mains du sang innocent), je
dois réclamer la jùsdce d'être cru, que si de tels actes
sont commis par qudlque personne sous mes ordres,
ils n'ont pu être munis de mon autorité, et qu'ils ne
172 VI. AFF. DU CAPITAINE ANGI<. ASGII^Ii^
sauraient jamais être sanctionés par mon approbation.
Mes sentimens personnels n'exigent donc aucun aiguillon
de cette espèce, pour m'exciter à prendre toute la con-
naissance due de Toutrage barbare (que vous m'avez
représentée) 9 dès le premier moment qu'il est parvenu
i ina connaissance. Et en conséquence, d'abord que
j'ai entendu parler de la mort du capitaine Huddy, (ce
qui n'a été que quatre jours avant la réception de votre
lettre) j'ai ordonné à l'instant, qu'il en fût fait une re-
cherche exacte dans toutes ses circonstances ; et j^en sou-^
mettrai les coupables i un jugement immédiat. .
Sacrifier Finnocenoe dans l'idée de pr-évenlr par-lâ
le crime, ce n'est pas supprimer la barbarie; c'est l'a-
dopter, c^est la porter à son plus haut comble; tandis
que, si les violateurs des loiz de la guerre sont punis
par les généraux, sous l'autorité desquels ils agissent, les
horreurs que ces loix ont pour but de prévenir, pour-
ront s'éviter, et Ton pourra maintenir tout degré d'hu-
manité dont 1^ guf^rrc est susceptible. Si des atteintes
portées à l'humanité pouvaient se justifier par l'exemple,
l'oix pourrait en citer plusieurs commises dans les con-
trées où votr« pouvoir a le dessus; atteintes, qui sur-
passent celle dont vous vous plaignez, et qui y ont
probablement donné occasion. Dans l'espoir que yons
agréerez la façon de procéder que j'ai dessein de suivre,
et qu'elle préviendra to^te$ énormitç^ pour Pavenir, je
snx^ toujours eiç,
ïIbnry Cuî^ton,
Le général Clinton ordonna effectivement la
tenue d'un coiiseil dô guerre pour juger et pro-
^oiicçr syr la conduite du capitaine Lippincoote;
mais ipdépeiidanuneut que ces procédures, aprè^
avoir duré plusieurs mois, n'eurent aucun résultat^
la conMnission nommée à oet e0et> fut même ^
BulNS liA GUERRE D'AMÉRIQUE; EN 1782. 173
toute 9 lorsque par la nomination du général James
S.obert8on,les fonctions du général Clinton cessèrent.
Voici la lettre que ce nouveau commandant en chef
idressa en cette occasion au général Washington.
Lettre A§ général angfaù Sir Jame» Roberison^ adret*
êée tm général Washington; du 1 Mai 1782L
(Traduit de l'anglais.)
New-York, le 1 Mai 1782*
Monsieur, ayant reçu par un navire nouveUement
tmiyéj une commission du roi qui me nomme com-
mandant en chef de ses forces dans ce pays, un des
premiers soins que je prends, c'est de vous con-
raincâre de mon dcsir de faire la guerre conformément
i«z règles tracées par Thumanité, et aux exemples que
iOQS recommandent les nations les plus civilisées. Je
vous fais cette déclaration de ma résolution, dans l'es-
poir .de trouver, une disposition pareille de votre côté.
Pour atteindre ce but, convenons de prévenir ou de pu-
ikSr toute Tiolation des régies de la guerre, chacun dans
1t sphère de notre commandement.
Les papiers qui accompagnent la présente, vous
pouveront, qu'il s'est commis beaucoup de barbaries.
.D en est, dont vous pourrez n'avoir pas entendu par-
ler; il en est d'autres, dont j'apprends avec satisfaction
^e vous avez déjà déclaré votre horreur. On a mis
CCI faits entre mes mains, comme une justification du
crime récemment commis, dont vous vous plaignez. Je
IK} saurais nullement avouer le raisonnement qu'on en tire.
Bien, sinon la nécessité la pluslextréme, ne saurait justi-
fier Faction; et si cette mesure cruelle et dangereuse
^ait être confiée à des honunes enflammés par la passion,
3 s'ensuivrait des horreurs et une barbarie universelles.
174 VI. APP. DIT CAPITAINE AKGL. ASGIIiIi,
Pour juger la personne dont vous vous plaignez, et
tous ses complices dans la mort du capitaine Huddy, il
a été établi un conseil de guerre par Sir Henry Clin-
ton, qui avait pris des mesures à cet effet déjà ayant
d'avoir reçu de lettre de votre part sur cette affaire.
Les papiers ci- joints vous fourniront l'occasion de venger
pareillement de votre côté les droits de l'humanité, et
de punir la flétrissure causée à votre commandement par
les auteurs de ces cruautés. J'apprends que les sieurs Hat-
field et Badgely, quoicpie sous la garantie d'un pavillon
parlementaire, ont été faits prisonniers àJElisabeth-Topifnj
où ils se trouvaient!, en vertu des ordres de votre com-
missaire des prisonniers, sous des prétextes qui ne sau-
raient se justifier» Ponr première preuve que vous ac-
ceptiez ma proposition de nous réunir à empêclier toute
atteinte portée aux règles de la guerre, je vous prie de
vouloir bien ordonner que ces gens soient renvoyés à VÛe
des États. J'aurai le plus promptement égard- à toute
réquisition que vous me ferez, fondée sur ce principe.
J'ai l'honneur d'être etc.
James Robertson.
Peu satisfait du contenu de cette lettre, et
moins encore de ce que les coupables avaient été
mis hors de cour, le général Washington, consi-
dérant ce procédé comme un déni de justice formel}
fit la réponse suivante.
N» IV.
Bépome du général Washington à la lettre précédente;
du 5 Mai 1782. (Traduit de l'anglais.)
Au quartier-général , le 6 Mai 1782.
Monsieur, j'ai eu l'honneur de recevoir votre lettre
en date du 1 du courant. Y. Exe. est informée de la
détermination exprimée dans ma lettre du 21 Avi*il â'
DAK8 I.A GUERRE D'AMiÉRIQUE ; EN 1782- 175
BT Heniy Clinton. Je dois & présent vous apprendre,
(Kl bien loin de me départir de cette résolution , il a
tjB donné ordre de désigner un officier anglais , pour
grvir de représaille. Le temps et le lieu sont fixés.
ïm j'espère toujours que le résultat de votre conseil
ègnerre préviendra cette terrible alternative.
Regrettant sincèrement la cruelle nécessité , qui seule
M porter à une mesure aussi désolante , j'assure dans
s cas présent Y. Exe, que je délire aussi vivement qu'elle,
ne la guerre se fasse conformément aux règles tracées
ir Ilinmanité et aux exemples que recommandent les
dons les plus civilisées; et je m'estimerai fort beureux,
I m'accordant avec vous, à prévenir ou à punir toute
olation des règles de la gueiTC dans la spbère de nos
limiuidemens respectifs.
Je ne suis pas instruit des circonstances de la déten-
m des nommés Badgely et Hatfield; l'on fera des
srqnîsitions sur l'affaire; et justice sera rendue. Mais
dois vous informer, qu*à mon avis, des déserteurs ou
es gens notés que pour crimes dont ils sont coupables,
m est en droit de traduire devant le pouvoir civil, ne
mraient être garantis par un pavillon parlementaire.
ependant je ne prétends pas avancer, que les personnes
A .qaesdon soient de cette espèce.
n serait inutile de récriminer. Je me dispense donc
e dter ici de nombreux exemples qui ont souillé la
Ëpntation de vos armes, marqué le progrès de cette
nerre d'une rigueur inusitée, et flétri l'honneur de la
Atnre humaine même. Mais tandis que je m'épargne
ette discussion désagréable, je réitère l'assurance, que
'est mon désir le plus ardent, non-seulement d'adoucir
Bs calamités inévitables de la guerre , mais aussi de don-
ler lieu en toute occasion à autant de douceur et d'hu-
lanité qu'on puisse en exercer dans un état de guerre.
J'ai l'honneur d'être, etc.
George Washington.
176 VI. APF. DU CAPITAINE AKGL. ASGIIiL^
EffectiTement, lorsqu'arec Tassistailce des troupeê
françaises, le général Washington parvint à s'e&h
parer de Yorh-Town, qui se rendit à lui par capi-
tulation, il fit tirer au sort tous les o£Sciers pri-
sonniers de la garnison du rang de capitaine, pour
faire pendre celui d'entre eux que le sort aurût
marqué^ par voie de représailles. Le sort tomba
sur le capitaine Asgill, du régiment des gardes, à
peine âgé de vingt ans et fils tifiiîqiie de Sir James
Asgill, baronnet et l'un des premiers banquiers de
Londres.
Quand la mère de cet infortuné jeune homme
apprit cette triste nouvelle, elle prit la résolu-
tion de s'adresser au comte de Vergennes, mî-
nîstre de Louis XVI, pour solliciter eu faveur
de son fils, son intercession auprès du général
Washington.
K^- V.
Lettre de tady Asgill^ adressée au comte de Vergemei,
ministre des affaires étrangères de S. M, Trèê'^Ckrè'
tienne; du 18 Juillet 1782.
Si la politesse de la cour de France permet qu'un
étranger s'adresse à elle, il ne saurait y avoir de doute,
qu'une prière capable d'intéresser tous les tendres send-
mens d'un individu, éprouvera une réception favorable
de la part d'un seigneur, dont le caractère fait honneur
non seulement à sa propre patrie mais aussi à la nature
biunaine. Le sujet, monsieur^ à l'égard duquel j'ose im-
plorer votre secours, me perce trop profondément le coeur
pour que j*y insiste, et très -probablement les rapports
publics vous en ont déjà informé. La tâche pénible est
DAK8 UL GUBRHB D^AMiÉHIQtJEJ BN 1782- 177
donc pea nécessaire. Mon fils (un fils nnicpe) aussi
dier qall est brave, aussi aimé cpi'il mérite de l'être,
Igé reniement de dix -neuf ans, prisonnier en vertu
dei articles de la capitulation de York-^Town, est
•ttiieDement confiné en Amérique, comme un objet de
Beprésailles. L'innocent souffiriraTt-il pour le coupable?
ïqiresentez^vous, Monsieur, la situation d'une famille
iûiB ces circonstances, environnée, comme je le suis,
Ad>jets de détresse, en proie à la crainte et k la dou-
leur, n n'est point de mots qui puissent exprimer tout
te que je sens, ni peindre Thorreur de la scène. Mon
^nx, abandonné par les médecins peu d'heures avant
l'anivéïB de la nouvelle, et hors d'état d'être instruit du
inaDienr : ma fille, saisie d'une fièvre avec délire, je-
tant des cris de désespoir pour son frère et ne reve-
nant à ses sens que durant le court intervalle néces-
aaire pour sentir toute l'angoisse de la douleur qui les
Ini 6te. Laissez, Monsieur, votre sensibilité vous sug-
gérer tout ce que j'ai à dire; laissez-la plaider en faveur
it ma désolation inexprimable. Un mot de votre part,
Ofonme une voix' du ciel, nous siauvera de l'horreur de
Il situation où nous sommes plongés. Je suis bien
kSpsnaïée que le général Washington respecte votre
tivactère : dites lui seulement, que vous souhaitez
{ne mon fils soit relâché : il le restituera à sa fa-
Hûlle éplorée : il le rendra au bonheur. La vertu et
^ bravoure de mon fils justifieront l'action. Son hon-
Irar, Monsieur, l'a conduit en Amérique x il était
lé an milieu de l'abondance, de l'indépendance, des
iapérances les plus heureuses. Permettez que je sup-
ilie de nouveau votre bonté : permettez que j'im-
ilore respectueusement votre puissante influence en fa-
veur de l'innocence, dans la cause de la justice, de
humanité : permettez que je vous prie. Monsieur, d'en-
oyer de France une lettre au général Washington, et
Ov me faire la faveur de m'en communiquer une copie,
II. 12
178 VI. A FF. DU CAPITAINE AKGL. ASGIIiL^
pour Tcxpédier cl^iei. Je sens toute la liberté que je
prends en vous faisant cette prière; mais je aens aussi
que, soit que TOtis J'accordiez ou non, voua aurez pitié
de la profonde douleur qui me la suggère. Votre hu-
manité laissera couler une larme sur la faute , et elle
l'eiTacera. Je fais des voeux au ciel pour qu'il vous
accorde la grâce de n'avoir jamais besoin de la conso*
lation qu'il est en votre pouvoir d'accorder &
Londres, le 18 Juillet 1782. \
ÂAGILL. j
. ^ • 1
Le comte de Vergennes, après avoir mis cette
lettre sous les yeux du roî et de la reine, écrivît
avec l'approbation de LL. MM., la letl;re suivante
au général Washington.
N«- VL
Lettre du comte de Vergenne»^ adressée au général
Washington; du 29 Juillet 1782.
Monsieur, ce n'est pas comme ministre d'un roi,
Tami et Pallié des Etats-Unis, quoique du sçu et avec
l'aveu de S. M., que j'ai aujourd'hui Thonneur d'écrire
i\ V. Exe. C'est comme un homme qui a de la senri-
hilité, comme un père tendre qui sent toute la force ,
de l'aménr paternel, que je prends la liberté d'adresser ;
h V. Exe. mes pressantes sollicitations en faveur d'une \
mère et d'une famille en pleurs. Sa situation me parait «
mériter d'autant plus d'égards de notre part, que c'ett \
k l'humanité d'une nation en guerre avec la sienne, qu'elle
a recours pour obtenir ce qu'elle aurait dû recevoir ,
de la. justice impartiale de ses propres généraux.
J'ai l'honneur d'envoyer ci-incluse i V. Exe. copie j
d-nne lettre que Lady AsgîU vient de m'écrire. Je ne
lui suis point connu, et je ne savais pas que son fils
r I
DANS II A GUERRE D'AMiÉRÎQUE ; EN 1782. 179
ffit layîctiiiie infortunée, destinée par le «ort, pour expier
le crime odieux qu^un déni formel de justice tous a ob-
ligé de vttiger. V» Exe. ne lira point cette lettre sans
être extrêmement touché : elle a produit cet effet sur le
Toi et SUT la reine, à qui je l'ai communiquée. La bonté
" rfe coeur de LL, MM. leur fait désirer, que les inquié-
tncles d'une mère infortunée soient calmées et sa ten-
diresse rassurée» Je sens. Monsieur, qu'il est des cas
oà l'humanité elle-même exige la rigueur la plus ex-
trême : peut-être celui dont il s'agit est -il du nombre;
mais, en accordant que les représailles soient justes,
dies n'en sont pas moins horribles pour ceux qui en
«ont les victimes, et le caractère de V. Exe. est trop
bien connu, pour que je ne sois persuadé que vous
ne désires rien davantage que d'éviter la désagréable
nécessité.
n y a une considération, Monsieur, qui, quoiqu'elle
ne soit pas décisive, peut influer sur votre résolution.
Le capitaine Asgill est hors de doute votre prisonnier;
mais il est du nombre de ceux que les armes du roi
ont contribué à faire tomber entre vos mains à York-
Tou^n. Quoique cette circonstance n'ait pas la force
d'une sauvegarde, elle justifie néanmoins l'intérêt que
je me permets de prendre en cette affaire. Si c'est en
Votre pouvoir, Monsieur, de le considérer et d'y avoir
tgKtAj vous ferez une chose qui sera très «^agréable à
tJL MM. Le danger du jeune Asgill, les pleurs, le
désespoir de sa mère les affectent seqsiblement, et elles
Verront avec plaisir l'espoir de consolation reluire pour
ees infortunés.
En tichant de soustraire M. Asgill au sort qui le
menace 9 je suis loin de vous engager à chercher une
antre victime : le pardon, pour être parfaitement satis-
£uaant, doit être entier. Je ne satirais m'imaginer qu'il
poisse avoir aucune mauvaise suite. Si le général anglais
n'a pas été en état de punir le crime horrible dont
12*
]
180 VL AFP. DU CAPITAINE ANGIi. ASGIIili,
TOUS VOUS plaignez^ d'uvie manière aussi exemplaire qa'il
aurait convenu, il y a lieu de croire, qu'il prendra les
mesures les plus efficaces ppur qu'il ne s'en commette
de pareils à Tavenir.
Je souhaite sincèrement, Monsieur, que mîon inter-
cession puisse avoir du succès. Le sentiment qui le
dicte, et> que vous n'avez cessé de manifester dans tontes
les occasions, m'assure que vous ne serez pas indif-
férent aux prières ni aux pleurs d'une famille qui a
recours à votre clémence par mon organe. C'est rendre
hommage à votre vertu que de l'implorer.
J'ai l'honneur d'être avec la considération la plos
parfaite etc.
Versailles, le 29 Juillet 1782.
DE VeRGENNES.
Le congrès ayant nommé une commîssion char-
gée de l'examen de cette affaire ^ prit, sur le rap-
port qui lui fut fait, la résolution suivante.
N*»- vn.
Résolution prise par le gouvernement des États "Vm^
d^ Amérique. (Traduit de l'anglais.)
De par les Etats-Unis assemblés en congrès, le
7 Novembre 1782.
Sur le rapport du comité auquel avait été ren- F
voyé l'examen d'une lettre du commandant en chef, en ?
date du 19 Août, ensemble le rapport d'un comité '^
établi à ce sujet, et d'une motion de MM. WiUiamson j*
etRutledge, y relative; déplus, une autre lettre du corn- f
mandant en cbef, en date du 25 Octobre, avec copie
d'une lettre du comte de Yergennes, en date du 29 Juillet ^
dernier, par laquelle il intercède en faveur du capi- ^
taine Asgill; il a été résolu, „que le commandant en r
SAKS IiA GUJBRRE B'AM^RIQtTE ; EN 17S!]f* 181
^dief sera chargé comme il est chargé, par la présente^
„de mettrç le capitaiue Asgill en liberté. ^^
Charles Thomson,
Secrétaire.
En €)oiimiuQiquant cette résolution au^ capitaine
AxgiU, le général Washington l'accoiiipàgna de la
lettre suiTante;,
N« vm.
Lettre du général Washington^ adressée au capitaine
Asgill; du 13 Nov. 1782. (Traduit de l'anglais.)
Monsieur, c'est avec une bien grande satisfaction
cpîe je me vois à même de vous envoyer la copie ci-
incluse d'un acte du congrès du 7 du courant, par le-
quel vous êtes tiré de la situation pénible où vous vous
£tes si longtemps trouvée Supposant que vous souhai-
terez de vous rendre à iVe^^-Ybri le plutôt possible, je
joins ci -inclus un passeport à cet effet,
Votre lettre du 18 Octobre m*est parvenue dans le
temps. Je vous prie de croire que le délai que j'ai
mis à y répondre, n^a pas été causé par un manqué
d'égard envers vous ou faute de compassion pour votre
situation : je me promettais tous les jours de recevoir la
détermination prise à votre égard; et je crus qu'il valait
mieoz l'attendre, que de vous nourrir d'un espoir qui
pourrait se trouver illusoire^ Vous voudrez bien attri-!
baer à la même cause, que j'ai détenu jusqu'à présent
les lettres ci -incluses que |'ai eu environ quinze jours.
entre les mains^
Je ne saurais prendre congé de vous, Monsieur,
tens vous assurer que, sous quelque point de vue
qu'on considère la part que j'ai eu à cette affaire dés-^
agrçable, je n'ai jamais été conduit durant tout son coui^
182 Yt APFk DU CjÀPtTAINE ANOIi. ASQU^Ii.
par des motifs 8aiiguinaij>es ; mais par ce que je crois
être un sentiment de mon« devoir ^ ; cpû m'appelait hau-
tement à prendre des mesures^ quelcpie f&cheuses cpi'eDes
fussent, pour> empéclier la repétition des excès énormes
qui ont fait l'objet de la" discussion; et que cette fia
paraisse devoir se i^mplir ^ans répandre le sang d'une
personne injo^opçntCy ce, n'est pas pour vous \m plus
grand sujet ae joie que pour celui qui a l'honneur
d'être etc,
G, WAsamoTON,
4
\ *
I ■ «
CAUSE SEPTIEME.
Différend survenu en 1l7%2j entre les cours ^Es-^
pagne et de DanemcMrhy au sujet de la cor-
wtte XJ5 8t. JsaNj conduite à Ca^ixy comme
suspecte d'avoir abusé du pavillon militaire.
Lia corvette danoise le St. Jean^ commandée par
le capitaine Herbst, partit le 1 Février 1782> duSund,
6e trouva le 25 du même mois, à la hauteur du
Cap Spartel, où elle fut accueillie d'un si gros temps,
^'elle fiit obligée, tant par la difficulté de passer
le détroit pendant un orage, que par un article
eiprèa des instructions qu'avait reçues le capitaine,
qui portaient „de ne point tenter le passage du
,1 détroit, sans pouvoir serrer la côte d'Afrique d'as-^
uSes près pour ne point causer d'ombrage à l'es-
„ cadre du blocus de la place de Gibraltar^^, de s'ar-*
réter deux jours dans ces parages.
Soit paA. ménagement pour la cQur d'Espagne
joît par la force des vents ^ la corvette se trouva
;e 27 Février^ dau3 le goUe de Larracbe, lorsque k
y
184 YEL APF. DE IiA CORVETTE : IiB 8T. JEAN,
capitaine Herbst apperçat en y entrant, une escadre
espagnole de douze yaisseaux de différentes forces^
qui l'environnait. Deux yaisseaux de ligne , une
frégate et un chebec montrèrent leur payillon et
lui tirèrent un coup de canon; surquoi la corvette
mit en panne.
Ces quatre vaisseaux ayant entouré •/& St^Jean^
le brigadier espagnol Solafiranca, envoya un offi-
cier à bord de la corvette, pour connaître d'où elle
venait et pour où elle était destinée, et avec ordre
de se faire montrer les papiers du capitaine. Celui-d
lui fit répondre „ qu'il venait de Copenhague ^ qu'il
„ allait à la Méditerranée, et qu'étant armé en guerre
„il n'avait point d'autres papiers à bord que ses or-
„dres.^^ L'officier espagnol revint immédiatement
après avec un nouvel ordre de son commandant,
portant, que le capitaine danois avait à se rendre
lui - même avec ses papiers à bord du vaisseau es-
pagnol, vu que le commandant voulait faire visiter
la corvette. Le capitaine Herbst répondit, „ qu'il
„ n'abandonnerait point son vaisseau sans y être
„ obligé par la force" et assura de nouveau qu'il
n'avait point d'autres papiers que ses ordres.
Le lieutenant de la corvette danoise Conrad^
qui fut envoyé par le capitaine pour s'expliquer
avec le commandant, revint bientôt avec un offi-
cier espagnol, qui déclara de nouveau au capitaine,
que son commandant insistait positivement à visiter
son bâtiment, conformément aux ordres particur
liers qu'il avait reçus à l'égard de ce bâtimen^ qui.
BKTAS Ii'jBSPAGN£ ET liE DAN. J EK 1782. 185
quoique monté par des oflSciers de la marine royale,
n'était cependant qu'un bâtiment marchand; que ce-
pendant il se contenterait, s'il voulait le suivre avec
son bâtiment à Cadix ; mais que dans le cas qu'il
a^ refusait, il enverrait des troupes à son bord pour
ly obliger de force (^). Le capitaine Herbst, pour
oonyaincre le commandant Solafranca, qu'il était vé-
ritablement armé en guerre, envoya alors ses or-
dres originaux, et assura sur sa parole d'honneur,
^ qu'il n'avait rien à bord qui, par sa destination,
y, était contraire aux traités; qu'à aucun prix il ne
„ laisserait visiter son vaisseau; qu'il ignorait qu'il
^y eut guerre entre son souverain et le roi d'E*r
^■pagne; mais que si c'était là le cas, il était prêt
^à amener devant une force aussi supérieure, et
i,à envoyer son épée au commandant, après avoir
(1) La forme de ces sortes de visites de bâtîmens marchands
Bfeatreii^ est déterminée par des traités et par l*asage général qui y
est coaforme; et il nVst point permis^ ni aux vaisseaux de guerre
ni aux armateurs , de s'en écarter. Voici en quoi consiste cet usage :
le bâtiment de guerre doit se tenir hors de la portée du canon du
bitiment neutre, il lai fait la semonce avec- un coup de canon a
pondre; celui-ci doit mettre en panne ^ si-non il s'expose à rece*
voir une seconde semonce à boulet; lorsqu'il s'est arrêté, le corn-
auiadaint da bâtiment de guerre envoie deux ou trois hommes pour
TÎsher les papiers de mer; s'ils sont en règle, c'est à dire s'ils
jiutifieiit la propriété neutre du bâtiment et des marchandises, il
art défoada de le visiter; la visite n'en est autorisée qu'en cas de
foapçon bien fondé de fraude; et en cas de contestation, ce soupçon
doit être justifié. Ce droit de visiter ne porte jamais sur le bâti-
ment de guerre, attendu que celui-ci n'est point présumé et ne
pent étrt présumé faire le commerce.
186 Vil- AFF. DE liA CORVBTTJB : Ii£ ST.
,,Tuidé son artillerie à l'honneur du pavillon royal
„ qu'il portait." , ;;
Peu satisfait de cette déclaration, le comman-
dant espagnol fit signifier au capitaine Herbst^ :qu'il
le coulerait bas s'il tirait un seul coup defusU; que
l'amitié subsistante entre les deux cours il ne pou**
vait point accepter l'ofire qu'il lui ayait faite de. loi
envoyer son épée ; mais que s'il voulait le suivre, i
Cadix on y procéderait à la reconnaissance de sea
ordres en présence du consul de Danemark^et du
commandant en chef de l'escadre espagnole; ajou-
tant, que si ses ordres se trouvaient en règle ^ il
serait libre de continuer sa route.
La supériorité des forces espagnoles, non moins
que la promesse formelle du commandant, que le
pavillon de S. M. Danoise serait respecté, déter-
minèrent le capitaine Herbst à céder, et à se rendre
à cette dernière sommation. U arriva avec sa cor-<
vette^ conjointement avec les deux vaisseaux de
guerre espagnols, à Cadix, le 1 Mars, où on jeta
d'abord l'ancre au-dehors de la baye.
Lorsque le lendemain au matin la corvette
remonta la baye, une chaloupe, montée d'un dé-
tachement de soldats espagnols et d'un officiera
leur tête, se présenta au capitaine Herbst et lui dë^
elara qu'il avait ordre de passer avec sa troupe à
son bord. Aussitôt le capitaine danois fit placer
son équipage -sur le pont de son vaisseau l'arme
blanche à la main; ce qui engagea la chaloupe espa-
gnole à se contenter à le suivre et à jetter Tancre
BNTA£ I-'BflPAGNE ET I-E DAN.; EN 1782- 187
à sa proue, aveo défense de eommuniquer avec
persoBne ou de quitter le vaisseau sans permission
expresse du èommandant de l'escadre.
. Le «éme jour le major -général de l'escadre
espagnole se rendit à bord du St. Jean^ et notifia
au capitaine Herbst ,,qu'on ayait déjà sçu son arri-
jyTée depuis trois semaines; que le vaisseau n'ap-
^partenait point au roi, mais à une compagnie mar-
^ehande; qu'il était destiné pour Alger; que lui-
,iinêine, le capitaine et son second, étaient à la
,, vérité des officiers de la marine royale mais qu'ils
n n'étaient mis à bord du vaisseau, que pour y. ar-
,,borer le pavillon royal; qu'il était suspect pour la
^portée inférieure de son bâtiment, et le nojqibre
^bomé de son équipage, qui ne lui permettait pas
9 de passer pour bâtiment de guerre (^)."
XiO capitaine danois répondit „que le bâtiment
^appartenait au roi, pour l'expédition actuelle,
y^âiuA que la cargaison; que le bâtiment était assez
„ grand pour se défendre contre, toute autre de force
„ég|de; qu'il venait de Copenhague et qu'il allait
(l)'Dàlis quelques feuilles pabliqaes de ce temps, qui rendaient
ipto et cet ^ènementi il ëtait dit^ que cette corvette mont^
àêjlé onoons et 53 hommes d'ëquipage, ëtait â la vëritë commandëe
ptr deux officiers de la marine royale, mais qn'ils n'avaient point
de eôncIlBuioii dn roi ; et simplement des instructions particnliéret des
armateurs du bâtiment qoi appartenait à la compagnie de Groen-
lande. D'antres feuilles disaient, que le bâtiment le St, Jean ap-
partenant â la compagnie de conmierce de la Baltique et de Guinée,
avnit été oonduit â Cadix comone suspect d'avoir voulu jetter daus
Gibraltar sa cargaison^ consistant en munitions de guerre.
188 VU. AFF. BE IiA CORVETTE : I«E ST. JEAN,
„à Malihe, et de là à Marseille comme ses or-
,,dres originaux le constataient.^ Après ces in*-
formations, le commandant espagnol exigea qffon
lui donnât encore une note de tout le char-
gement ; et le capitaine Herbst y déclara avoir*, à
bord dix -sept lastes de charbon de terre, cent
tonneaux de poix, cent tonneaux de résine; deux
mats, des cordages, du fer, des planches, dix
caisses de poivre , des merrains, et trois cent qiUK
rante six tonneaux de poudre. Cette déclaration
ayant été faite, le commandant espagnol se retira
en promettant au capitaine Herbst, qu'il ne serait
procédé à rien jusqu'à ce qu'il eût reçu de nouvel
ordre de Madrid.
Ce ne fut que le lendemain 3 Mars, que le consul
danois résidant à Cadix, obtint la permission de
se rendre à bord du St. Jean : et dès le 4 il en*
voya un exprès au ministre de Danemark à Ma-*
drid, le comte de Reventlow, pour lui i*endre
compte de ce qui venait d*arriyer^ en lui tram^
mettant à la fois le rapport circonstancié que le
capitaine Herbst avait dressé à cet effet (*).
Aussitôt que le comte de Reventlow fut instruit
de cet événement, il se rendit de suite che» le
comte Florida-Blanca, secrétaire 4*état de S. M.
Catholique, pour lui faire des représentations à ce
(1) Nous croyans pouvoir nous dispenser de dentier ici ce rapport,
rà que l'exposé des faits que l'on vient de lire^ reoferme dëjà les
détails dont cet événement fut accompagné.
BNTRE I-'JBSPAGNE ET liB JDAN.J BK 1782. 189
mjet Dans la note que ce dernier lui adressa en-
core le même jour (8 Mars), et que le ministre de
Danemark communiqua aux ministres des puis-
sances alliées et neutres qui se trouvaient alors à
Madrid, le comte Florida-Blanca tâchait de jus-
tifier la conduite du commandant espagnol, et
a'appuya surtout sur ce que le capitaine Herbst,
dont le bâtiment n'était pas sufiBsamment armé pour
être considéré comme vaisseau de guerre, avait
abusé du pavillon royal, et is'était en outre rendu
suspect, en s'approchant de trop près du port
bloqué de Gibraltar, Toutefois le secrétaire d'é-
tat s'offrit de faire relâcher le bâtiment, si le ca-
pitaine danois voulait consentir à lui vendre les
munitions de guerre qu'il avait à son bord.
Le baron de Rosenkron, ministre des affaires
étrangères de S. M. Danoise, auquel M. de Re-
ventloff avait fait rapport de ce qui venait d'ar-
river, après avoir pris les ordres du roi, chargea
ce dernier de déclarer, au nom de S. M., au mi-
nistère espagnol, que la corvette le St. Jean ainsi
que la cargaison, non- seulement étaient propriété
du roi, mais qu'étant muni du pavillon militaire,
unique caractère indispensable des i^aisseaux de
guerre y S. M, s'attendait, que Tordre de relâcher
la corvette, et de la faire considérer à sa sortie
du port de Cadix comme vaisseau de guerre,
serait donné immédiatement après cette déclaration.
Le roi d'Espagne hésita de prononcer sur l'ad-
mission de ce principe mis en avant par la cour
190 Vn. AFP, DE LA CORVETTE : LB ST. JEAN,
de Danemark, et crut devoir consulter les puis-
sances de la neutralité armée^ ayant que de prendre
une détermination définitive à ce sujet n chargea
en conséquence son ministre à la Haye, le cheva-
lier de Liano, et M. Normandez, son chargé d'af-
faire à la cour de St Pétersbourg, de présenter
une note à ce sujet, aux États - Grénéraux et an
ministère de l'impératrice de Russie.
Voici celle que M. de Liano remit aux Ëtats^
Généraux (*).
N<^- I. ■
Mémoire de M, de Liaho^ minùfre de S. M. Cathê-
lique à la Haye^ présenté aux Etats ^ Généraux; le
27 Mai 1782.
Hauts et Puissans Seigneurs,
Des vaisseaux de guerre de S« M. Catholique ont
conduit le nloîs de Février dernier, à Cadix, la frégate
danoise nommée le St. Jearij commandée par le S. HerbsL
Ayant reconnu que c'était un bâtiment marchand, quoi-
qu'il 7 eût deux officiers de la marine royale danoise;
qu'il n'appartenait point à S. M. Danoise, quoiqu'il eut
abusé de son pavillon^ qu'il n'était pas suffisamment
armé pour être vaisseau de guerre, comme on voulait
le prétendre; qu'il portait des munitions de guerre, qui
sont des effets de contrebande selon tous les traités, et
nommément selon ceux auxquels l'art. 2. de la conven-
(1) La note remise par M. de Normandez au chancelier d«
l'empire^ comte d'Ostermann, fut semblable â celle-ci. On trouTera
sous le N. lY. la réponse que M. de Zinowîff, ministre de Russie
à Madrid, eut ordre de remettre an comte Florida - Blanca â ce
sujet.
ENTRE li'ESPAGNE ET liE DAN.; EN 1782. 191
tion de la ncatralité armée se réfère; çp^il s^était aussi
Tcmdii suspect, en s'nrrétant dans les mers voisines de la
place blocpée de Gibraltar : on aurait pu prendre les
résoladons les plus sérieuses sur cette rencontre. Ce-
pendant le roi, par pure considération d'amitié envers
S. M. Danoise, ordonna gu^on proprosât au capitaine dn
bâtîment danois qu'on lui achèterait pour le compte de
S. M. Catholique, toutes les munitions et autres effets
de guerre qui étaient à bord, et qu'on lui rendrait sa
liberté ou qu'on mettrait à dépôt la cargaison jusqu'à
nouvel ordre.
Le ministère du roi, en communiquant à la cour
de Danemark le parti proposé au S. Herbst, a ajouté
que ai Tachât de la cargaison ne se ferait pas, S. M.
Catholique demanderait aux autres souverains et parti-
culièrement à l'impératrice de toutes les Russies, qui a
été la première à proposer et adopter le système de la
nentralité armée, comment on devait entendre Tart. 2
da la convention pour le cas présent, qui selon toutes
les circonstances, est celui qui doit être déterminé par
cet article.
Le comte de Reventlow, envoyé du roi de Dane-
mark à Madrid, a adressé en réponse k cette commu-
nication, une note datée du 3 de ce mois, dans laqueUe,
après avoir expliqué que la cargaison du St. Jean ap-
partenait à S. M. Danoise et que le vaisseau était à son
service, il déclare que ce bâtiment étant muni de Pu^
nique caractère indispensable des vaisseaux de guerre
êo^^ir du pavillon militaire, S. M. Danoise ne doute
point que le roi donnera immédiatement ordre de le
relAcher et de le /aire considérer à sa sortie de Cadix,
comme vaisseau de guerre.
Le roi Catholique n'écoutant que sa générosité et
ses sentimens d'amitié pour S. M. Danoise n'aurait pas
hésité de faire remettre les effets trouvés à bord du
vûssean, quoique de contrebande, puisque ce sont des
192 Vn, APF. DE li A CORVETTE : IiB 8T. XB AK9
munitions de guerre , d'après la déclaradon qu'ib ap*
partenaient à S. M. Danoise, et la promesse ^ qn'ik iw
seraient pas portés aux ennemis de S. M.; mais comme
on cherclie à établir le nouveau principe de regarder
comme vaisseaux de guerre y tous ceux qui portent pa*
Villon militairey qui, selon l'opinion de la cour de Dane-
mark, est l'unique caractère indispensable, quand même
ce serait des navires marchands qui ne seraient pas suf-
fisamment armés, comme c'est le cas du susdit bâtiment
le St. Jean : le roi catholique croit ne pas pouvoir ni
devoir prendre une résolution positive et finale à ce
sujet, avant que de connaître la façon de penser des
souverains qui sont compris dans la confédération dei
neutres et des puissances maritimes, sur le nouveau
principe, qui, par l'abus que tout vaisseau marchand
en pourrait faire, rendrait nulles les précautions prises
dans tous les traités relatives à l'exemption des vais-
seaux de guerre de la visite et détention des autres.
Le roi m'ordonne en conséquence d'en faire paît
à LL. HH. PP., en y ajoutant que S. M., suivrait sans
difficulté le nouveau système de considérer comme bâtH
ment royal de guerre, celui qui porterait pavillon mili-
taire, qu'il soit ou non bâtiment marchand, et qu'il soit
plus ou moins armé, si les puissances maritimes trouvent
qu'il est juste de l'adopter; le roi dans ce cas là se
réserverait seulement le droit de faire tels règlemens que
S. M. jugerait convenables pour le commerce maritime
des autres nations dans ses états, ports et mers^ «fin
d'éviter des inconvéniens et des abus.
La Haye, le 27 Mai 1782.
LiaSo comte be sanafb.
A cette même époque le comte de Reventlow
eut ordre de sa cour, d'adresser la note circulaire
ci-après, à tous les ambassadeurs et ministres des
BKTRE I-'JBSPAGNE BT IrB BAK.; SS 1782* 1^3
pnissances alliées et neutres qui se trouyaient alors
accrédités près la cour d'Espagne.
NO- n.
Extrait de la note circulaire adre»»èe par le comte de
Revewtlow aux ambastadeurg et ministres des puis^
sancet alliées de S. M. Danoise, résidant à Madrid;
du 6 Mai 1782.
(^ Après apoir rappelé les mémoires antérieurs j le
ministre ^exprime ainsi ^) Sans prétendre prévenir
le jugement que portera le miuistère de ..•\, sur la
réponse de la cour de Madrid aux propositions qui lui
ont été faites, et qui sont si propres à termioer ce dif-
fèrend A la satisfaction réciproque des deux cours , le
soussigné ne saurait se dispenser de soumettre à la
considération de la cour de quelques observations
sur le principe que le ministère de S. M. Catholique
semblerait voidoir établir dans cette pièce, qui attirera-
peat-étre d'autant plus l'examen attentif de toutes les
puissances, que le susdit ministère attache ià la ques«
tion qu'il propose, toute l'importance d'un règlement
universel du droit public des gens.
Le ministère du roi d'Espagne déclare^ y^^que le
^chargement de cette frégaJte est de contrebande, s*il
yf consiste en munitions de guerre. ^^ Cependant le droit
des gens et les conventions des nations ajoutent la clause
nécessaire de la destination i l'usage des ennemis ouverts
d'une nation beUigérante, pour qu'elle puisse de droit
déclarer contrebande, des munitions qui d'ailleurs restent
des effets de commerce licite entre les nations neutres,*
inalgré la guerre qui subsiste entre d'autres puissances.
S'il suffit ainsi de constater la propriété neutre et la des-
tination neutre d'un chargement en munitions de guerre,
transporté par un b&timent marchand d'un pays neutre
à un antre, pour en rendre le commerce pleinement
n, 13
J94 VIL APP. DE liA CORVETTE : I.K 8T. JEAN,
licite-; la propriété avérée â'nn souverain, dont il dé*
clare que le transport se fait poiir aon service immé-
diat, aurait -elle moins de droits et serait-* elle sujette i
des discussions plus difficiles à terminer?
Il est de plus nécessaire , ^ de soumettre i la consi-
dération de là cour de ..... si le terme A^ ennemis n'au-
rait pas besoin d'une limitation et d'une interprétation
explicite et positive; et si des guerres de forme, qui,
fondées peut-être dans des siècles reculés, ne subsistent
plus que dans des déclarations vagues, et restent ainsi
suspendues sans pacification- formelle, par des raisoiu
partiçuliéresi de Tadministration interne des puissances,
qui maintiennent ces guerreS' apparentes é^inactives, soit
par ce que. les principes et la forme de certaines pei^
ceptions, soit par ce que d'autres raisons politiques les
font agir de cette manière (comme potirrait être la
guerre perpétuelle entre TEspagne et la Turquie) si une
semblable guerre inactive, peut donner aux puissances
qui la maintiennent, les mêmes prétentions qui résnt*
tent d'une guerre ouverte, et imposer aux nations neu-
tres les obligations et les mcnagemcns qu'elles recon-
naissent avoir vis-à-vis des puissances véritablement
belligérantes ?
Le ministère du roi d'Espagne insiste principale-
ment sui* ce ,yque la corvette danoise était un bdiiment
marchand, et ne se trouvait point véritablement armé
en guerre '^ y sans en avoir donné d'autres raisons qae
celles alléguées , qui se réduisent à l'usage antérieur de
ce bâtiment et à sa forme 'de construction* Le minis-
tère de S. M. Gatboliqne'n'a point cité les conventions
entre les souverains, qui les obligent à telle on telle ma-
nière d'équiper leurs vaisseauX) pour être véritablement
armés en guerre. £t comme on ignore . qu^il existe
des règles semblables entre les puissances maritimes, on
se contente d'opposer i ces assertions incertaines, la
notion. >gén:érale d'un, véritable bâtiment marchand, qui
SKTHS Ii'SSPAGN£ EtT Ii£ BAN.; SK l785t. 195
n'est autre 9 cpé celui qiii est mis en mer pour compte
des négociftiis paiticuliers et employé dans des opéra*
tiontf de lucre des propriétaires et des fréteurs. Un tel
bAtiment pouiYait avoir toute la constitiction d^un vais*
seau de ligne , avoir fait partie de là marine dW état
qoelcoB^e; et dans cet emploi mercantile il n'en serait
pas moins un bâtiment marchand.
En rapprochant de cette idée non équivoque d*un
véritable bâtiment marchand, les circonstances alléguées
dans le précis des circonstances daté d,u 11 Mars^ et la
déclaration* qu'à fait faire Se M. Danoise dans sa note
dn 3 de ce mois (que le bâtiment est équipé par ses
ordres et navigue pour les ejtécuter), le contraste dé-
teanninera aisément ^ dans quelle classe doit être l*angée
la corvette en question.
Les conséquences que le ministère de S* M. Ca*
diolique suppose pouvoir s'ensuivre , s'il reconnaissait le
droit d'un souverain , de prendre k son service des bâ-^
timens de ses sujets qui lui paraitt*aient plus propres à
Tusage auquel il les destine , que ceux de sa marine;
de lea nntoriseï* par son pavillon militaire , lorsqu^il les
emploie dans son service effectif , et les armer de la ma-
nière qui convient davantage à ce même service ; ces con-
séquences sont évidemment nulles , quand on considère
qa'one frégate de guerre convoyant cent bâtimens mar-
chands, les exempte k beaucoup moins de frais, par les
droits indispensables de son pavillon militaire, de la visite
et des antres précautions reçues de la part des puis-
belligérantes vis-â-vis des bâtimens marchands
oonroi. Si donc il pouvait jamais y avoii* un sou-
^erlûny qui s'abaissât â couvrir une fraude, ce ne pour-
Itnt pourtant pas être par des armemens de la nature
de celui qu'on discute aujourd'hui, qu'il compromettrait
directement sa dignité souveraine, puisqu'il aurait dé-
claré dés*' lors, que la fraude se faisait par ses ordres
immédiats. À moins donc d'oseï* supposer dans les
13*
196 Vn. AFF. DE liA CORVETTE : LE ST. JEAN,
souverains des vues aussi incompatibles avec leur gloire, r
il faut convenir que des arméniens semblables à cehd 1'
de la corvette le Saint-Jean, qui se font par des c«r- ■"
dres exprès d'un : souverain pour son service effectif €t
immédiat, ne sont sujets à aucun inconvénient. Enfin,
quant au cas présent, quelle que soit même la question
de théorie, la déclaration du roi de Danemark, et les
ordres produits par l'es officiers de la corvette élent
tout doute quelconque sur la nature du bâtiment.
Aranjuez, le 6 Mai 1782.
Voici la résolution que prirent les Etats -Gé-
néraux .dans leur séance du 16 Août 1782, sur le
mémoire qui leur avait été présenté par l'envoyé
d'Espagne. (jToyez JV°- /.)
N°- m.
Extrait du regître des résolution de LL. JTff. PP. ki
Etats-Oéneraux des Provinces^Vnies ; du IG Août i78Z
Ouï le rapport de MM. Brantsen et autres dépntéi
de LL. HH. PP. pour les affaires maritimes, lesqnek
en conséquence de la résolution du 27 Mai dernier, ont
examiné un mémoire de M. le chevalier de Liano, mi-
nistre plénipotentiaire de S. M. le roi d'Espagne, rela-
tivement à une frégate danoise nommée le St» Jean,
qui dans le mois de Février passé avait été emmenée i
Cadix par des vaisseaux de guerre espagnols, et que S.
M. le roi de Danemark reclamait comme un vaisseau de
guerre ; ces députés ayant encore examiné, en consé-
quence de la résolution de LL. HH. PP. du 29 Mai,
une letti'e de M. le comtB de Rechteren, leur envoyé
extraordinaire à la cour d'Espagne, écrite d'Aranjuez le
9 du mois précédent, et accompagnée de copies et pa-
piers qui lui avaient été remis par M. le comte de Revent-
low, ministre de la cour de Copenhague auprès de celle
:9NTH£ li'BSPAGNB ET I^S BAN.; EN 1752. 197
d*Espagnè, relativement à ladite frégate danoise, comme
ànaai la noté originale que par considération pour LL.
HH.. FP, ce atiinistre danois lui Uvait en même temps
fiit parvenir ; de plus ces députes ayant y en conséquence
de la résolution du 17 Juin, examiné un mémoire de
M. de St. Sapliorin, envoyé extraordinaii'e de S. M. le
toi de Danemark (^), communiqtiant àLL. HH. PP. par
•rdre de sa oour, cinq péces originales relatives h ladite
frégate danoise; le tout mentionné plus au long dans
ces mémoires et la lettre susmentionnée, ainsi quaux
aolei du 27 et 29 Mai et 17 Juin derniers; et ayant sur
le tout ouï les considérations et l'avis des commissaires
leipteetifs de l'amirauté présentemeùt assemblés:
Sur quoi ayant été délibéré^ il a été trouvé bon et
xàolu qu'il sera répondu à M. le chevalier de Liaâo,
«ur son mémoire du 27 Mai dernier, que LL. HH. PP.
préféraient pour elles de ne pas déterminer si, et j-us-
qi^à quel point Von pourrait h la vue du. pavillon
Hulj distinguer précisément un vaisseau de guerre
iua navire marchand , mais qu'elles pensent pouvoir
dans lei cas présent, faire intercession et instance auprès
de S^ M. 9 pour qu'il hii plaise de relâcher le vaisseau
dmoîs en question, comme vaisseau du roi, et de lui
periMQre de coptinuer sa route : ^Yû, qu'à, leur avis,
)4t conste pleinement que ce n'est pas un navire mar-
^ehand propre à transporter des marchandises peur le
^eompte de particuliers, mais qu'il est équipé effective-
liment pour le service de S. M. Danoise,, et mis réelle-
i,ment sous les ordres de$ officiers du roi, qui munis
nde commissioii en forme, sont chargés d'exécuter avec
jfCe vaisseau les ordres de Sfidite M. conformément à
,1 leurs instructîon&^^
£t sera remis extrait de la présente résolution de LL.
HH. pp. par l'agent van der Bujpg de Spieripgshodk i
(l> A la Haye.
198 VII* AFF. BB I<A CORVIBTTS : IiS ST. IBAK,
MM. de liiano et de St. Sapliopin* minûtres des coon
respective3 d'Espagne et de Danemark, tandia que pareil
extrait sera envoyé à M. le comte de Recfateren, envoyé
extraordinaire de LL, HH. PP, k la cour de Madrid, de
mâme qu'à M. le comte de Rechter^ de Burgbminin-
gen, envoyé extraordinaire à la cour de Copenliagn^
pour leur servir d'informations et pour en faire Tosage
qu'ils jugeront convenable; et sera finalement remis
extrait de la prés^te résolution à M, le prince de Gal-
lit^in et M. de Marcoff» ministre de Russie près la lé-
pu))]ique, pour [leipr servir d'informations et les pi^
de voidoir s'informer de l'intention de S. M^ Impéinab
relativement à la différence qui caractérise le vaisseau
de guerre et le vaisseau mardiand, et cp]a poi}p pou-
voir prévenir toute dispute, et établir ensuite, ^e concert
avec les auti*es puissances, un principe fixe à cet égard.
Et sera ^voyé extrait de cette même résolution, comme
aussi de toutes les pièces qui y ont rapport, à M. de
Wassenaer Starrenburg, ambassadeur extraordinaire et
plénipotentiaire de LL. HH. PP. à la cour de Russia
V. KUFFELAER.
S'accorde avec le susdit rcgttre
FageL
La réponse que M. de Zinowiefi*, ministre de
rimpératxioe de Russie fut ch^gé d'adresser en. cette
mépie occasion au ininistèr^ dp S. M* Çatl^ollque
fut la suiyante.
N«- IV.
Note de M. de Zinowteff, ministre de Bui$ie à MadrU^
adressée au ministère de JS. Hf. Catholique (^).
S, M. Impériale de toutes les Russies, convaincue
de l'équité qui règle dans toutes les occasions les dé-^
-^
{\) Cette QOte fat commoniquëe a M. de W^s^eoaer-Stiirreiibiurgi
BNTBJB Ii'jBSPAGME £T JLB DAK^j EN- 1782- 199
ntfà^^wM de S. M. Githoliq[ae, était dans Tattente que
ses représentations antérieures du 29 Avril, faites en
firearde la. corvette danoise le St, Jean ne, demeure-
T^ent pas sans effet, et que cette dernière, ne tarderait
pis .d'âtrp relâchée d'une manière satisfaisante pour la
four. .de. Copenhague.
Mais la note . qui vient d'être remise par M. le
diapgé d'affaires de Normandez au ministère de Tlmpé-
ntrice, en date du 22 Juin, ayant donné à connaître
Je désiv de la cour de Madrid, de pouvoir recueillir,
avant que de prendre un parti décisif quelconque sur
l'affaire en question, le sufiragç des puissances mari-
tmes, sur' ce qui constitue le véritable caractère d'un
raisseaii armé en guerre; et s'il faut considérer comme
vaisseau royal de guerre, tout bâtiment portant pavillon
nifitaire, qu'il soit marchand ou ne le soit point; qu'il
soit on non entièrement armé : S. M. Impériale, pour
ne pas retarder trop sa réponse, en la concertant au
)^véalahle avec les autres cours, auxquelles toutefois elle
en donnera part, ne balance point de confier en atten*
danl son propi*e sentiment sur cet objet i S, M. Ga-
dioHque, persuadée que l'ayant pujsé dans les notions
primitives du droit dçs gens, il se rencontrera proba-
Uement ftvec celui des autres puissances, et qu'aipsi
& Bff Catholique elle même n'aura pas de peine à y
sdhérér en plein,
^ conséquence le soussigné ministre plénipoten-
âaire^ est chargé de dédier par ordre exprès de sa
Cour:
1) Que l'impératrice juge être conforme aux prin-
^pes da droit des gens, qu'un bâtiment autorisé selon
les usages de la cour qu de la nation à laquelle il ap-
IMliaMadear de HoUande à 6t. PétqFshourg, ^ fUr lo comte ^OhXtx-r
muni;! ohaiiçelier 4e Ve«ipire.
200 Vn. AFF. DE IiA CORVETTE : liE 8T. ÏEAN,
partient, à porter pavillon militaire, doit être enfiaagé
dés-lors comme un bâtiment armé en guerre.
2) Que ni la forme de ce bâtiment ni aa déstina-
iion antérieure, ni le nombre d'individus qui en com-
posent l'équipage, ne peuvent plus altérer en loi cette
qualité inhérente, pourvu que l'officier commandant soit
de la marine militaire.
3) Que tel ayant été le cas de la corvette le St. Jean^
ainsi que la commission du capitaine, et ce qui plus
est, la déclaration formelle de la cour de Copenbagne
l'ont démontré, cette dernière peut aussi appliquer i ce
bâtiment, les mêmes principes, et revendiquer en n
faveur tous . \es drois et les prérogatives du pavillon
militaire.
Le soussigné doit ajouter, que la conviction inthne
avec laquelle S. M. Impériale se sent affectée de ces
vérités, ne lui laisse aucun doute que S. M.. Catholique,
en les appréciant de son côté de plus près, ne leur
refusera pas la même évidence, d^autant plus, que les
droits exclusifs du pavillon militaire sont tellement re-
connus et avoués par les puissances maritimes , que les
bâtimens marchands mêmes, qui se trouvent être som sa
protection sont exempts par là de toute visite quelconque,
et que dans la contestation récente qui s'est élevée au mois
de Septembre de l'année passée, entre l'Angleterre et la
Suéde, au sujet de six navires marchands de celle-ci
qu'en dépit du convoi du vaisseau de guerre nommé
le Wasa^ la première en se fondant en cela sur mi
traité de commerce particulier avec l'autre, prétendait
faire visiter dans une de ses rades, la cour de Londres
a fini par laisser tomber la question (').
^11 1- _ I - ■ ■ r^ *
(1) L'indécision de la question si importante et à^icate, savoir:
si la visite des bâtimens marchands naviguant soos convoi d'une
puissance amie y peut avoir lieu^ ou si dans ce cas, le vaisseau de
XNTBE .Ii'XSFAGNE ET IiE DAN. j BK 1782. 201
Au reste y comme d'un côté l'impératrice est trè«-
ëloignée de trouver à redire à ce que la cour de Ma-
drid premie, en cas d'admission des principes susdits,
lea arrangemens qu'elle jugera convenables dans ses
états 9 ports et mers, au sujet du commerce mai*itime
des autres nations, elle se promet aussi de l'antre, de
m sagesse et justice, que ces arrangemens seront tou-
jours tels k ne point restreindre ni gêner la liberté de
commerce des autres nations; puisqu'autrement ees der*
nières seraient réduites à la nécessité d'en prendre k
leur tour de pareils, vis-à-vis du commerce espagnol.
S. M. Impériale se flatte enfin, et vu les raisons,
qui selon toutes les circonstances alléguées, parlent en
faveur de la corvette danoise le St. Jean, que S. M.
Catbolique voudra se rendre aux instances qu'elle est
dans le cas d'interposer de rechef dans cette affaire, pour
la conr de Danemark, son alliée, et qu'en conséquence
celle-ci ne tardera plus d'obtenir la satisfaction qu'elle
sollicite.
DE ZlNOWIEFF.
n ne nous a point été possible de poursuivre
cette affaire plus loin; les recherches que nous
ayons été à même de faire à ce sujet ne nous
gvem on l*armatear doivent s'en rapporter au seul pavillon, on â
la seule déclaration da vaisseau de guerre qui sert de convoi, qne
les bAtimens convojës sont neutres et n'ont point de contrebaude
i leur bord, donna déjà lien en 1762 à une contestation entre
FAngleterre et les Provinces -Unies des Pays-Bas, {Foyez Re-
eueii yan Placaten, T. IX, p, 207.) Elle occasionna en 1779»
la gaerre eiktre ces deux puissances; donna lieu en 1793 à une
rupture entre les cours de Londres et de Copenhague, et à l*unîon
eondne entre le Danemark, la Suède, la Russie et la Prusse, sous
la dénomination de neutralité armée, ainsi que ces mêmes puissances
en avaient formëe nnc en 1780.
202 VU afp.'de jLA corvette : us st. jtean,
ayant point donné de résultat satis&isant sur la
manière dont elle a été terminée. Toutefois il
est à présumer, d'après les démarches faites par
le ministère espagnol, que l'on aura relâché h
corvette danoise ainsi que sa cargaison, sans qu'il
s'en suivrait pour cela que le roi d'Espagne eut
reconnu le principe, mis en avant par l'impéra-
trice de Russie et que les États -Générau^c n'ado-
ptprent sans doute qu'avec des restiictions«
CAUSE HUITIEME.
JHfférendê sisrvenùs en 178S et 17849 entr^ P Au-
triche et la république des Provinces'' Unies des
Pays 'Bas y au sujet des limite^ de la Flandre^
de la cession de Mastrichtj de Couverture de
l'Escaut et du commerce aux Indes-Orientales.
ITar la paix d'Utrecht, conclue le 11 Novembre
1713 (*)j la branche survivante de la maison d'Au-
triclfe fîit mise en possession des Pays-Bas catho-
liques (^).' Toutefois cette acquisition fut grevée de
(1) Far la paix de Maiùter, da 30 Janvier 1648, Philippe IV fot
oblige à renoncer poar* les dix provinces qui lui étaient restées
fidèles , ans avantages da commerce qne lenr situation- géographique
leor ofiEraît. L'art* 14 portait : ,,Les rivières de l'Escànt, comme
anssi les canaux de Sas^ Swyn et autres bouches de mer y aboa-
tissaoB seront tenues clauses du odté desdits Seigneurs États. ^
V. DvifoirT Corps âipL T, Vh P. 1. p. 429.
Cette stipulation était nne confirmation de l'antique droit d'étappes,
d'après lequel des batimens étrangers, entrant dans l'Escaut, de-
vaient rompre leur charge, et la remettre à des navires Zeelandais,
(2) M. ScHOBLL, dans woitL,hist, des traités de paix ^ dit, que ce
fut d'après les principes dictés par l'intérêt général derEiprope ç^ue
204 VIII. AFF. D. II. lilBRE NAVIG. D. X.^JiSCAUTy
Charges si onéreuses dictées à Fempereur par lies
puissances maritimes dépositaires des Pays-Bas, Ion
du traité de la Barrière, en 1715> qu'elles excitèrent
le plus vif mécontentement chez les Flamands (^).
Le traité ne fiit pas plutôt connu, que les étals
de Brabant et de Flandre représentèrent à Yent-.
pereur, par leurs députés, le préjudice énorme que
son exécution causerait aux peuples des Pays-^Bas,
•
qu'il assujettissait en quelque sorte à lemrs voîims
les Hollandais. Us protestèrent encore contre ce
traité, comme en&eignant leurs libertés et leurs
prérogatives, en engageant à la république le sub-
side des Pays-Bas, comme si c'était un domaine
la monarchie espagnole fut partagëe, et que lea Paya -Bas foreaC
mis entre lea mains de rAutrîoliey paM;eqnt cet arrangement fat
juge convenable au maintien de r^qiulibre politique.
(1) L*art. 1^ porte ^ Les États - Génëraor remettront 4*8, M,
Impériale toutes les provinces et villes des Pays-Bas, et dëpen-
dances, tant celles qui ont été possëdëes par le feu roi d'Espagne
Charles U, que celles qui viennent d'être ced^s par feu S, M. Tré»-
Gatholique^ pour en jouir S. M« Impériale^ ses successeurs et héri-
tiers , en pleine et irrévocable ao^veraînetë et propriëtë 3 savoir à
l'égard des premières provinces;^ couAme en a joui ou dd jouir feu \t
roi Charles IX coAformément au traité de Ryswik; et â 1/égard det
autres , aux conditions sous lesquelles ont été cédées auxdits État*-
Généraux par feu le roi Très-Catholique etc. ( Pans Fart. 19™" du
traité de Rastadt^ de 1714, conclu entre la France. et PAutriche,
par lequel cette première céda les Pays-Bas à P Autriche, il était
dit : sauf les commentions , que Pempereur fera avec les États-Gé-
néraux des Provinces - Unies touchant leur Barrière, et la reddi-
tion des susdites places )u Par Part. 17°^ du traité de la Barrière,
les limites de la Flandre furent fort étendues en faveur de la Ré-
publique.
l
■
ENTRE Ii*AUTR. ET JCA HOLIi.; EN 1784- 205
< on' on revenu fixe; tandis que d'après la constitu-
tion, il dépendait de leur libre consentiment de
le TÔter.
Ces rjBprésentatîons engagèrent Pempereur à
entamer ared les États- Généraux une nouvelle né-
gociation, pour obtenir des conditions plus favo-
rables.' Le marquis de Prié, ministre plénipoten-
tiaire près le gouvernement de Pays-Bas, fut envoyé
i la Haye, où il conclut le 22 Décembre 1718,
arec les ministres de la Grande-Bretagne et des
Ëtats-Généraux, une convention, p^ laquelle quel-
ques articles de traité du la Barrière furent chan-
En exécution de ce traité, l'empereur fut mis en
1719» ^^ possession des pays rétrocédés par la
France; mais la cession du territoire en Flandre,
promise aux États - Généraux , essuya de nouvelles
difficultés, de manière qu'elle eut lieu sur quelques
points, mais que sur d'autres, les choses restèrent
«ur le pied où elles avaient été avant le traité.
(1) I/art. 1^ entre autre, modifîant Part. 17"* du traita de la
Bivnère> Hduisit de quatre cinquièmes le territoire de la Flandre
•vtrichienne, dout les Hollandais prétendaient avoir besoin pour opërer
les inondations. Par Tart. 6"®, les États -Gënëraux s'engagèrent
â remettre à l'empereur, immédiatement après l'ëchauge des ratiiica-
tionsy lea villes et les pays que la France avait rëtrocëdës par la
paix d'Utrecht, contre la remise des terres que l'empereur cédait
par l^art. 1" (v. Dumoht corps dipL T, VIIL P. 1. p. 551). Une
carte géographique qui fut jointe au traité^ et â laquelle les mi-
nietres apposèrent leurs signatnrts^ indiqua les limites entre les
deux états.
206 Vin. APP. D. II. lilBRE NAVIG. D. L'eSCAUT,
Les différends qui s'étaient élevés à cette même
époque entre P Autriche et les Proyinces-Umes, ao
sujet de l'établissement d'une compagnie de com-
merce à Ostende, pour les Indes-Orientales j furent
accommodés par le traité de Vienne^* le 16 Mars
1731, conclu entre l'Autriche et la Qrande-- Bre-
tagne, auquel les États - Généraux accédèrent, en
1732 C^), et par lequel les deux puissances maxt-
times se chargèrent par l'art 2™^ de la garantie de
la Sanction-Pragmatique (^). Il fîit encore convenu
(1) L'art. 5™^ porte : S. M. Impériale et GathoUqae promet^ et
en vertu da présent article s'oblige, de faire cesser incessamnieflt et
pour toujours tout commerce et navigation anx Indes -Orientalei
dans toute rétendue des Pays-Bas autrichiens, et dans toni les
autres pays, qui du temps de Charles II, roi Catholique d'Espagne,
étaient sous la domination d*Espagne, et que de bonne foi die fera
en sorte, que ni la compagnie d'Ostende, ni aucune autre f soit
dans les Pays-Bas autrichens , soit dans les pays qui ^ comme Ton
vient de dire, étaient sous là domination espagnole du temps de
Charles II ci '- devant roi Catholique , puisse jamais contrevenir ni
indirectement à cette règle établie à perpétuité, Y. Mémoireê it
MoiTTGOM T.VIIL p. 326— 530. Rouget. Recueil T, FL p.iS
et p. 4:4:2.
•
/ (2) L'art. 2"® porte : En vertu du présent article (S.. M. le roi
de la Grande-Bretagne et les Etats -Généraux) se chargent de la
garantie générale du susdit ordre de succession, et s'obligent de
le soutenir toutes les fois, qu'il en sera besoitt contre qui que ce
soit , et par conséquent ils promettent de la manière la plus auten**
tique que faire se peut de défendre, maintenir, et comme l'on dit,
garantir, de toutes leurs forces et contre qui que ce soit, toutes
fois qu'il en sera besoin^ cet ordre de succession que S. M, Jhh
périale a déclaré et établi par un acte solemnel le 19 Avril 1713)
en forme de perpétuel, indivisible inséparable Fidéi- commis en fin
venr des atnés pour tous les héritiers de l'un et de Pavtre sexe,
de S. M. V. RoussET Recueil T. IF. p. 38.
XNTRB I-'AUTR. ET LA HOLIi.; EN 1784. 207
par Part 5™% que les parties contractantes nomme-
mient des commissaiires, pour s*entendre snr Pexé-
cation entière du traité de la Barrière de 17159
et de J|L convention de 1718 > ainsi que sur.un traité
et un tarif de commerce à conclure par les puis-
sances maritimes, d'après les principes énoncés
dans l'art* 26^^ du traité de la Barrière.
Peu de temps après ^ des commissaires se ren-
dirent à Anyers et entrèrent en conférences; mais
la mort de l'empereur Charles VI y mit bientôt fin.
Conformément à leurs engagemens arec l'An-
triche^ les Provinces-Unies assistèrent Marie-Thé-
rèse dans la guerre de succession qu'elle eut à sou-^
tenir.' Les Français s'étant emparés vers la fin
ée Tannée de la plupart des places de la Barrière
atttrichienne, Tlmpératrice-Reine consentit, à la paix
conclue en 1748 à Aix-la-Chapelle, à ce que les
garnisons hollandaises restassent dans les places où
il y en avait eu avant la guerre pour la succession
d'Autriche, sans toutefois s'engager au paiement
des subsides (^).
Les conférences tenues antérieurement à Anvers
par les plénipotentiaires de l'Autriche, de l'Angle-
terre et des Provinces-Unies , et renouées, en 1752,
à Bruxelles^ pour arranger les deux difierends re-
(1) QnoiqQe les tttltés de Westphalie^ de Nimégae, de Ryswicki d'Ut-
recht et de Bade, servissent de base ao traite d'Aix-la-Ghapellej le comte
de Kaanits, pl^nipotentiaite de l*Imp^ratride*-Reine, s^opposa â ce que
l*on y fft mention dn traité de la Barrière et de la convention sub*
•Cliente de 1718 y ainsi que les États -Gënëranz l'avaient demande.
208 VIII. ÀfF. D. li. lilBRE NAVIG. J}. Ii'ESCAUT,
lati& aux aabsides et à la cession d'une partie de
la Flandre par l'Autriche, n'eurent aucun résultat
Les plénipotentiaires en furent rappelés en 1753*
Après la paix d^Aix -la -Chapelle, les troupes
hollandaises étant entrées de nouveau dans les places
de la Barrière, presque tombées en ruine, ;lés
discussions entre les deux gouvememens récent-
mencèrent. .lies choses toutefois en restèrent li
jusqu'à ce qu'au retour de Pempereur Joseph H^
d'un voyage qu'il avait fait dans les Pays-Bas et
en HoUajide (*), le gouvernement général de Bru-
xelles déclara aux plénipotentiaires de la républi^pie^
que l'empereur ayant résolu de démolir la plu-
part des^ forteresses des Pays-Bas^ avait ordomié
de prévenir de ses intentions les États -Généraux^
afin qu'ils pussent donner à leurs garnisons les
ordres nécessaires. En vain les États-Généraux se
reclamèrent -ils des traités; le prince de KAuniti
n'opposa à leurs prétentions que la volonté de son
maître , et Tinutilité des places de barrière , depuis
l'alliance entre la France et l'Autriche (^).
(1) Le voyage, dit M. Scmoell dans son histoire des traits de
paix T. TV p, 59 que ce prince, insU'uit et actif (Joseph H) fit en
1781 dans les Pays-Ras et delà en Hollande, lai fit faire des obser-
yations qui devinrent la canse de ses différends avec les Étata-G^
néraux. L'agricoltnre fiorissait, il est vrai, dans la Belgique, et
l'industrie y était animée; mais Tempereur ne put voir sans le
pins vif chagrin , qu'un des plus beaux fleuves du monde , fdt fermtf
au commerce, et que la politique eût dépouille ses sujets des avan-
tages dont la nature avait voulu les gratifier.
(2) f, L'empereur ne veut plus entendre parler des barrières ; elles
XNTRB I«'AUTR. ET liA HOI^Ii.; BN 1784* 209
Impliqués alors dans une guerre malheureuse
contre l'Angleterre, les Hollandais furent obligés
de céder; ils retirèrent leurs troupes (^); mais ils
iéàarèr&at le 11 Mars 1782, qu'ils ne le faisaient
ffÊO pour ne pas troubler la bonne intelligence avec
kcour impériale, et en se reservant leurs droits
fiindés sur les traités.
La facilité avec laquelle les Hollandais avaient
cédé à là, demande de la cour de Vienne, encou-
njgea bientôt l'empereur à élever de nouvelles pré-
tttitioiis plus injustes encore. Les traités de 1715
* 1718> étaient, d'après lui, abrogés de fait; mais
i| réclama l'exécution de celui qui avait été conclu
le 20Septembre 1664, entre Philippe IV et les États-
Généraux, relativement aux limites, et surtout de
cehp dn 30 Août 1673> qui était resté sans effet {^).
Ces prétentions donnèrent de nouveau naissance
k nontibre de différends territoriaux, la plupart
peu. sigmfians , mais dont quelques uns cependant
enrent des suites très -sérieuses.
ni'entteiit plas.*' Telle fut la seule r^ponse^ que ce ministre fit à
Imob repr^entatioiis.
(1) Ce f«t an mois de Janvier 1782 qae leurs troupes ^Tacnèrent
Wfiniîii mont toutes les places.
(f) La cour de Vienne, dit encore M« Schoell, dans son hist. des
trafics de paix, regarda les engagemens qu'elle avait contractes par la
pdx dlTtrecht, â l'ëgard des Pays-Bas catholiques, comme tellement
unraUrfs de fait, que, par le traite du 13 Mai 1757, qui, il est rrai,
le fat pas ratifia, elle promit d'en c^der une partie à la France.
II. 14
210 VIII. AFF. D. Ti. lilBRE NAVia. D. L'iESCATJT,
Un soldat de la garnison hollandaise de Lief-
kenshoek^ fut enterré le 17 Octobre, avec les hoiH
neurs militaires, dans le village de Doel, sur leqiiel
l'Autriche prétendait avoir le droit de souveraineta
Non senlement un détachement de la garnison de
Gand fut commandé pour déterrer le cadavre et le
jeta en passant dans le fossé du fort de liiefkeiii-
hoekj mais un autre détachement de la garnison
de Bruges , s'empara le 4 Novembre des forts hol-
landais de St Donaes, St. Paul et St. Job et de
plusieurs autres places et districts , renfermés dam
les limites qui avaient été fixées par la conveidioii
de 1664, niais qui selon les traités de 1715 et 1718>
se trouvaient placés en dehors des frontières de k
Flandre. |
Les États - Généraux s'étant plaints de ces vîo- *
lences, l'empereur leur fit répondre, qu^il ne recon- ^
naissait d^ autres limites de la Flandre que celles ^
dont on tétait convenu en l664> et qu'il envisagecà \
le règlement de 1718^ comme étant sans farce ei t
sans vigueur. Toutefois il proposa d'entrer en r
conférences avec eux pour terminer ces différends. '^
Elles eurent lieu à Bruxelles.
Dès l'ouverture de ces conférences, le 4 Mai
1784 j le comte de Belgiojoso, plénipotentiaire de
Pempereur, présenta un mémoire intitulé : Tableau
sommaire des prétentions de Pempereur, qu'il ac-
compagna de. la note suivante.
ENTRE li'AUTR. ET LA HOLIi.- EN 1784. 211
N»- I.
Nête dm comie de BefgioJoiOy plénipotentiaire de Pempe^
reur Joseph XT, remise à M. Hop , ministre plénipo^
tetOiaire des États -Généraua;; du 4 Mai 1784.
Le plâupotendaire de l'empereur entame avec- autant
de plaidr que de confiance une négociation, dont, con-
formément aux intentions de S. M., consignées dans un
mémoire que le gouvernement -général a remis à M. le
Laron de Hop, le IQ Novembre 1783, et confirmées en-
core par la teneur du plein - pouvoir de S. M., l'objet
porte sur l'établissement et le rafTermissement d'une
amitié .sincère, durable et inviolable entre l'empereur et
k République, S. M. étant véritablement animée de ce
désir y il sera la base et l'objet de la conduite et des
procédés de son plénipotentiaire dans cette négociation;
et il ne fait point de doute , que LL. HH. PP. ayant,
comme elles l'ont exprimé en tant d'occasions, l'inten-
tion de marquer leur attachement à S. M., le prix
qu'elles mettent à son amitié, à sa bienveillance, et le
désir sincère de vivre en bonne intelligence avec elle,
ce ne soit là aussi la base des instructions de leurs
plénipotentiaires; et que ces MM. ne repondent d'ail-
lenrSy par leur inclination et leur concours personnel,
à la francbise et aux facilites, qu'apportera le plénipo-
tentiaire de l'empereur dans tout ce qui pourra con-
oerner un ouvrage, qui sera aussi agréable i S. M.
^"intéressant pour la RépubUque, et qui établira un
jM>uvel état plein et de satisfaction réciproque, assis sur
tae confiance inébranlable et mutuelle. Dans cette vue le
plénipotentiaire de Tempereur regardera comme con-
iorme aux intentions et aux sentimens des souverains
respectifs, d'abréger autant que possibk, les formes et
les détails ; de dégager la négociation du ton de discus-
sion; qui n'est pas convenable, ni fait pour un ouvrage
14*
212 VIII. APF. D. li. lilBRE NAVIG. D. I«'ES0AXJT,
de conciliation entre deux états ; qui de bonne foi ont
résolu de s'entendre pour toujours , et de conduire k
marche et la forme de négociation d'après ce que didat
le désir réciproque et les vues qui y ont donné liem
Il est dans la confiance, que MM. les plénipotentiaires
agiront de leur côté, dans le même esprit et d'après les
mêmes principes ; et il se félicitera avec eux, d «voir ps
concourir à donner à cette négociation une fin heu-
reuse, en employant à cet eflfet, les seules voies qui
soient faites pour réussir, et qui conviennent autant m
bien et à l'intérêt de la République, qu^à la dignité et
aux principes de S. M.
Pour ne pas différer de donner i MM. les plénipo-
tentiaires de LL. HH. PP. connaissance des droits et
prétentions que l'empereur réclame, son plénipotentiaire
a l'honneur de leur remettre ci -joint un écrit, ayant
pour titre : Tableau sommaire, et qui indique ces
mêmes droite et prétentions. On se promet du cété de
S. M., que la réponse, qui y sera faite, confirmerait
confiance où elle est sui* l'équité et la justice de LL
HH. PP-
Fait A Bruxelles , le 4 Mai 1784.
Louis comte de Barbiano de Belgiojoso.
tableau sommaire des pretentions de l*empereur;
A.rt. 1*^. Conformément aux déclarations réitérées
de feu rimpératrice-Reine et de S. M. l'Empereur glo-
rieusement régnant, les limites de la Flandre doivent
rester sur le pied de la convention de l'an 1664, et d^
par le laps du temps, elles se fussent déjà perdues oa
qu'elles se perdissent encore, S. M. s'attend, que LL.
HH. PP. nommeront des commissaires, pour rétablir,
avec ceux qu'elle désignera à cet effet, le pied où elles
doivent être en vertu de ladite convention^ comme Ta-
nique base que S. M. reconnaît. ^
ENTRB I-'AUTR. ET LA HOIiL.J EN 1784. 213
Ait. 2**. s. M. s'attend pareillement, que LL. HH.
P. feront démolir la partie des ouvrages du fort de
[efteiulioeL qui s*étend plus loin que l'art. 10^ de
convention de 1664 n'a reconnu la propriété de la
ftpablique; et qu'elles feront cesser eu même temps
otes usurpations qu'on a permises, particulièrement
r le district étendu du Polder den Doel.
Art 3*^. S. M. demande que les forts de Kruis-
^hans et de Frédéric-Henri soient démolis et évacués
ir le champ y attendu que le traité de 1648, est trës-
tûr à cet égard.
Art 4^. S. M. demande que les ouvrages du fort
) liUoy qui s'étendent sur le terrain usurpé^ là et ail-
Ors y sor son territoire, soient mis & tous égards dans
itat où ils étaient lorsque la possession en est restée
iz Etals-Généraux par ledit traité.
Art. 6"*» S. M. qui croit avoir, conformément aux
ntëa, la souveraineté absolue et indépendante sur toutes
I partie» de l'Escaut, depuis Anvers jusqu'à l'exti*é-
!té de la terre de Saftingen, demande, que le navire
i garde placé devant le fort de Lillo, et que LL.
B. PP. ont fait retourner provisoirement, soit éloigné
inr jamais, S.. M. ne pouvant souffrir dans toute l'é-
adao de sa souveraineté sur l'Escaut^ aucun navire ni
[tre antorité ou recherche étrangère.
Art. 6**. S^^M. demmide que la République rende
I villages de Bladel et Reusel, dont la république s'est
nparée sous prétexte, qu'anciennement ils avafent fait
iitie de la mairie de Bois-le-Duc, tandis qu'au con-
lire il est évident que le roi d'Espagne les possédait
ttift le temps du traité de Munster, et qu'ils ont tou-
mn appartenu au quartier d'Anvers.
Art^ 7**. S. M. demande que les Etats-Généraux,
*e]ionçant à leurs prétentions sur le village de Postel^
214 VUL AFF. D. li. lilBRE NAVIG. D. li'KSCAUT,
dont ils sont en possession , restituent à l'abbaye de ce
nom, les biens qu'ils possèdent sur ce territoire, et
dont ils se sont emparés en contravention à Tart. 43^
du traité de Munster.
Art. 8"^. S. M. demande que les États-Généraux
fassent cesser toute usurpation contre sa souveraineté
évidente 9 à l'égard des terres de Koningsbeim, Telogne
ou Yoelen, Grootlon, Heer et Keer, Hopperdngen,
Moppertingen, Nederen, Paus, Russen ou Rutten^ Sloy-
sen, Sepperen, Falais, Argemeau et Hermaal, et que
du côté de LL. HH. PP., l'on s'abstienne de toutes
exactions soit sous le titre de subside ou autrement, qu*oii
s'est arrogé d'extorquer de ces districts, contre tout
droit et équité, et au préjudice du droit et de la sou-
veraineté de l'empereur.
Art. 9"*. S. M. demande que les États-Généraux,
remplissant les engagemens qu'ils ont pris par le traité
du 30 Août 1673, lui rendent enfin la ville de Maestrieb
et le comté de Vroenhove avec toutes ses apparte-
nances dans le pays. d'Outre «Meuse, qu'ils retiennent
injustement et contre la teneur du susdit traité.
Art. 10™*. S. M. demande Tindemnité et la resti-
tution des revenus, produits, fruits quelconques etc. qae
la République ou ses employés ont perçus sous quelque
nom ou titre que ce puisse être, de tous les articles
mentionnés dans ce détail.
Art. 11"*'. S. M. demande que les États-Généraux
Tindemnisent , des préjudices immenses qu'elle a souf-
ferts par le produit des droits d'entrée et de sortie, ai
maintenant durant une longue suite d'années (sur la foi
de la promesse expresse d'un traité de commerce, don- *
née par la République, mais toujours éludée et nulle- ^
ment remplie) l'imposition de ces droits, sur un pied dé-
favorable et préjudiciable à tous égards. t
SNTAJS L'AUTR. et liA HOIil*.; EN 1784- 215
Art. 12^. S. M. demande que les Etats-Généraux
hi rendent le montant de tout ce qui lui appartient à
dtre de la ville et du marquisat de Berg-op-Zoom , de
k Tille et de la baronnie de Breda, et des antres par-
ties du Brabant'HoUandais; qu^ils lui paient leur quote
part aux arrérages dus sur les anciennes aides de la
province de Brabant; et qu^indépendamment de la resd-
tmion entière du capital, à compter du moment que
ces possessions sont entrées sous la souveraineté de la
Aépnblique, les Etats -Généraux paieut à Tavenir leur
contingent sur le pied, dont on conviendra.
Art. 13™*. S. M. demande la restitution ou le paie-
inèiit de toute l'artillerie et des munitions de guerre»
qui ont été laissées sous leur garde et leur direction,
lorsque leurs troupes sont entrées eu garnison dans
quelques endroits de ce pays. S. M. demande en même
temps le paiement de deux millions de livres, que la France
a dû payer à la république en vertu du traité de paix
d'Âix-la-Cbapelle , à titre de l'artillerie et des muni-
tions de guerre emmenées bors de ces places durant
la gnerre.
Art. 14"*; S. M. demande que les Etats-Généraux
fusent payer aux corporations et particuliers, mention-
nés dans la note ci-jointe, les capitaux qui y sont énon-
cés, avec leurs intérêts.
NOTE.
i) Les états de Namur ont livré, en vertu d'un
urangement avec le gouverneur hollandais de Namiir,
et avec le consentement de LL. HH. PP. , le 12 Juillet
1746, du bétail pour la somme de fl. 8236 — ^1, pour l'en-
tretien de la garnison dont jusqu'à présent ils ont vai-
nement sollicité le paiement.
2) Le magistrat de Namur a livré pareillement en
1746, du bétail pour la somme de fl. 5268 — 6» pour l'en-
216. VIIL AFP. D* li. lilBRE NAVIG. 1). Ii'JB8CAT7T,
ff
tretien de la garnison, sana que jusqu'ici il en ait reçu
le paiement.
3) Les nommés Hannoust, Gabriel, d'Ootrebande
et Manefie, ont livré, par ordre du gonvemeur de
Namur, pour le service de la garnison, pendant le siège
de 1746, des lits avec ce qui y appartient, faisant en-
semble une somme de fl. 37862 — 2; et jusqu'à présent
ils n*en ont pas pu obtenir de paiement, quoique ces
effets aient été taxés sur ce pied par les otages liollandais
restés à Namur après la reddition de la place.
4) Â Toumay l'on doit satisfaire la rége^pice, pour
tout le* montant des dettes qui y ont été contractées
de la part des Etats-Généraux, par le général de Doidi^
durant le siège en 1745, faisant une somme de fi. 8224-7-1,
et à dificrens particuliers de ce district fl. 14680. Ce gé-
néral a passé dans la même année, pour cette dette une
reconnaissance formelle de la part de LL. HH. PP.; mais
toutes sollicitations pour en obtenir le paiement ont été
infructueuses jusqu'à présent.
5) Les nommés Martin Robyns, Pierre Langord,
Henri Heymann et N. Castro, ont fourni aux troupes de
la République, en 1709, 1710, 1712 et 1715, des vivres
et fourages pour la somme de fl. 263362 — lô, argent
de Hollande, sans qu'ils en aient été payés jusqu'ici, quoi-
qu'il ait été dépêché par le conseil-d'état plusieurs ordon-
nances en leur faveur, notamment en 1721 et en 1729,
et malgré leurs sollicitations continuelles.
Les États- Généraux répondirent à ce tableau
sommaire par un mémoire où ils firent voir com-
bien peu son contenu était fondé. Ils opposèrent
aux prétentions de la cour de Vienne, celles que
la République formait à sa charge; tel que les
arrérages des subsides promis par le traité de b
. JBNTHE li'AUTR. ET I-A HOIiL.; BN 1784. 217
Barrière, les fraix employés à la fortification de Na-
mur et autres places, le remboursement des sommes
oyancées sur la Silésie etc. Alarmés cependant par
la multitude de prétentions de l'empereur, les États-
Généraux communiquèrent le tableau sommaire à
la cour de France dès le mois de Mai , et en solli-
citèrent les bons offices.
Par un mémoire que le duc de Vaugignon, am-
bassadeur du roi, à la Haye, fut chargé de re-
mettre le 20 Mai aux États-Généraux , S. M. Très-
Chrétienne se déclara prêté à acquiescer à leur
demande j et lorsque peu de temps après, par l'in-
fluence toujours croissant du parti anti - orangiste,
les ambassadeurs de la République à Paris eurent
ordre de solliciter le roi, d'entrer avec les États-
Généraux dans une alliance; le roi, non seulement
y consentit, mais encore leur fit -il remettre un
projet d'alliance défensive (^).
Après que le mémoire des États-Généraux, re-
mis au comte de Belgiojoso; en réponse au tableau
sommaire^ eût été envoyé par lui à Vienne, et
que la réplique du ministère impérial fût parvenue
aux États -Généraux, l'on vit tout d'un coup la
négociation prendre une tournure toute différente,
par la déclaration inattendue contenue dans la note
ci-après, que le comte de Belgiojoso eut ordre de
remettre aux plénipotentiaires hollandais.
(1) La coar de France en diSVîra cependant la signature ' jus-
^t'an moment de l'entière décision des contestations, qui pouvaient
eatndoer la République dans ane guerre avec rAutricke, son alliée.
218 VilL AFF. D. Xi. lilBRE KAVIG. D« li'jBSCAUT,
No-^ n.
Note de la cour de Vienne y remue par le comte de
Belgiojoio, aux commùtairet de$ Etati-GênératiX ; &
23 Août 1784. (Extrait.)
Que du moment qu'on avait commencé à traiter des
affaires et des ëvènemens qui avaient donné liéù aux
conférences entamées à Bruxelles , l'empereur , manifes-
tant évidemment sea sentimens et son affection pour I9
république des Provinces-Unies, avait témoigné sans cesse
son désir de trouver dans son inclination pbur une con-
ciliation, et dans la confiance, les moyens d'accommoder les
différends, et d'établir sur une base inébranlable une amitié
sincère et inviolable avec la République ; que c'étidtdans
cette disposition et dans cette confiance , qu'on avait conçu
et remis à LL. HH. PP., par un mémoire du 4 Mai, le tableau
des demandes et prétentions que l'empereur avait formées
à la charge de la République; et qu'il serait d'autant plus
superflu de rappeler à MM. les plémpôtentiaires de LL.
HH. PP., sous quel point de vue le plénipotentiaire de
Tempereur leur avait représenté sans cesse, tant de bouche
que par écrit, les sentimens favorables pour la Répu-
blique , qui ont animé S. M. dans cette conjoncture, puis-
que par leur mémoire du 27 Juillet, ils en ont' appelé
cfux- mêmes aux assurances qui leur avaient été don-
nées au nom de S. M.;
Que LL. HH. PP. ayant pris dans leur réponse, le
parti de contester les plus essentielles de ces demandes
et de ces prétentions de l'empereur, l'on avait cru de-
voir développer la justice et le fondement des unes et
des autres, comme il avait été fait par le mémoire re-
mis le 18 du courant, à MM. les plénipotentiaires; qu'a-
près avoir rempli ainsi ce qui était dû à la dignité de
l'empereur, son plénipotentiaire ne différerait plus de
commum'quer à LL. HH. PP. le moyen, que la mode-
BKTRJBIi'AXrTR*ETLAHOLI<,$ SN178^4* 219
radon et la générosité de S. M. lui fournissaient pour
rétablir cet ordre des choses , qui devait servir de base
k une conciliation et â la confiance; que dans la com*
paraison de ce moyen S. M. avait préféré le bien*étre de
ses sujets et la convenance de la République même à ses
droits et a ses intérêts ; mais qu'elle ne se serait pas
déterminée à faire des sacrifices, si dans son desintéres*
sèment elle n'avait trouvé Toccasion dé donner des
preuves des sentimens qui l'animent envers la Répu-
blique, et de son inclination à vivre avec elle en bonne
.intelligence; que ce moyen consistait en ce que LL.
HH. PP. décorassent, j^q^t^ Ict rivière de t Escaut soit
ouverte, et que la navigation y soit tout ^àr fait et
absolument libre; qu^il soit .libre aux sujets de Veny-^
pereurde naviguer et de commercer des ports des Pays^
Bas vers les Deux-Indes % et que S, M. ait le droit de
régler les douanes, comme elle le juge à propos.^^
Que si cette reconnaissance avait lieu, si les limites
de la Flandre restaient réglées sur le pied fixé par la
convention de 1664; si l'on faisait des arrangemens du-
rables, pour prévenir à l'avenir toutes di£ScuItés et tous
empêchemens dans lé cours des eaux de ce pays, et
si LL. HH. PP. faisaient évacuer les forts de Lillo et
de Liefkenshoek, ainsi que le Kruis-Scbans et le fort
Frédéric -Henri, pour qu'ils pussent être démolis, S.
M. voulait bien renoncer à toutes ses autres prétentions
territoriales exposées dans le tableau; spécialement de
ses droits et prétentions sur la ville de Maestricbt, le
comté de Vroenhoven et le pays d'Outre -Meuse hol-
landais, ainsi que de ses prétentions en argent, avec
compensation de celles de la République; que pom*
ce qui regardait les prétentions des régences et des su-
jets particuliers de S. M., comme aussi les petits difie-
rends qu'il pouvait y avoir relativement aux limites du
Brabant, du pays d'Outre -Meuse et de la Gueldre,
ces objets pouvaient se ti*aiter et être arrangés dans
220 VIIL AFF. B. li. lilBRE KAYia. D. li'BSCAUT,
les conférences, selon l'équité et la convenance réci-
proque;
Que telles étaient les conditions auxquelles S. M.
s'était déterminée, pour conclure d'abord un accommo-
dement général avec la République; qu'elles conte-
naient absolument sa dernière résolution} et qne d'a^
près les vues que LL. HH. PP. avaient dans cette affiâre,
S. M. ne saurait douter qu'elles ne se hâtassent d'ac-
cepter ces conditions comme une marque particuBère
de sa bienveillance et de son affection pour laRépuMique;
que dans cette attente l'empereur avait jugé à "propos
de regarder dès à présent F Escaut pour entièrement et
absolument ouuert et libre; qu'en conséquence S. K
avait résolu de rétablir la navigation sur cette rivière:
et que c'était d'après les ordres de S. M., que le comte
de Belgiojoso déclarait à MM. les plénipotentiaires de
LL. HH. PP., yjque si l'on donnait du côté de la Ré-
y,publique la moindre offense au pav^illon de tempe-
,,reury S. M* le regarderait comme nne déclaration
„ de guerre et un acte formel (^hostilité, ^*
Les États-Généraux ne se laissèrent point dé-
concerter par les menaces de Pempereurj déjà le
30 Août, ils prirent la résolution ci-après, que leurs
plénipotentiaires remirent au comte de Belgiojoso,
et ordonnèrent au vice- amiral Reynst, de prendre
poste avec une escadre à, l'embouchure de l'Es-
caut, pour empêcher tout passage de vaisseau [im-'
périal ou flamand.
N*- m.
Extrait des regîtres des résolutions des Etati-GéfU'
vaux; du 30 Août 1784. (Extrait.)
Que LL. HH. PP., se reposant sur la sincérité do
ces assm'ances^ ne sauraient s'aitcndre, que la vrai^
SNTBE li'AUTR. ET liA HOIiIi.J BN 1784. 221
mteiilion de Sadite M. serait de demander, au lieu des
prétendons qu'elle a faites ci-devant à la chaîne de la
République, et qui en tout cas ne sauraient nullement
être regardées comme liquides , la renonciation à des
. poMessions et & des droits qui leur appartiennent incon-
testablement, sur lesquels se fondent la sûreté et l'in-
dépendance de la République, et qu'elles ne peuvent par
conséquent abandonner, sans se rendre indignes de Tes-
dme et de la considération de S. M. elle-même;
Que, sans entrer dans la discussion de divers ar-
rangemens proposés par le susdit mémoire, et sur les-
quels Ton pourrait traiter ultérieurement sous le bon-^
phîsir de S. M., Ton doit indubitablement regarder
comme tel, F ouverture de P Escaut $ événement, des suites
duquel ne dépend rien moins que le salut ou la perte
de Li République entière, et la sûreté de ses habitans; que
pour cette raison la paix de Munster n'a été conclue en
1648^ avec le prince auquel appartenaient alors les Pays-
Bas en cette qualité, sinon à la condition expresse, que
la médite rivière serait tenue fermée du côté de LL,
HSL. pp.; et que LL. HH. PP. se promettent ainsi de
la magnanimité et de l'équité de S. M. Impériale, qu'elle
)K>ndra bien ne pas insister d'avantage sur ce point, dont
ie ce cAté-ci l'on ne s'est jamais départi, ni ne pourra
se départir jamais;
Qu'à l'égard de la libre navigation des Pays^
Boê aux Deux -'Indes, l'on doit rappeler à S. M.
Impériale, qu'en 1731, LL. HH. PP. se sont portées à
promettre le maintien de la Sanction-Pragmatique, par
rapport à la succession dans les états de la maison d'Au-
Iriciie, conformément à un article séparé aujouté audit
traité, persuadées i cela par l'empereur Charles YI et par
le roi de la Grande-Bretagne, dans l'attente de la sup-
pression de }a compagnie des Indes-Orientales d'Ostende»
et parce que par l'art 6"* dudit traité il avait été pro-
^ tant au royaume de la Grande-Bretagne qu'à cette
222 VŒ. AFF. B. II. LIBRB KATÏO. D. Ii^BSCAUT,
République y que désormais ton ferait cesser entière^
ment et pour toujours tout commerce et toute na/çiga^
tion, particulièrement des Pays-Bas (Uêtrichien» vers
les Indes ''Orientales;
Qu'ainsi l'équité la plus évidente exige que, puisque
la succession dans les états de la maison d'Autricîieaété
effectiTement maintenu^/ depuis, entre autres par cette
■République et à ses frais, la condition réciproqpue soit éga-
lement remplie, de sorte qu'il faut attribuer uniqnenunt
aux égards que LXi. HH. PP. ont témoignés en tant de
cas, et qu'elles témoigneront volontiers et toujours^ autant
qu'il sera seulement possible, pour S. M. Impérial^
qu'elles aient différé jusqu'ici leurs plaintes si fondëeg,
que pendant les négociations actuelles sur tous les grieb
et sur les prétentions de la cour de Bruxelles^ et suis
que dans ces négaciations il eût été question d'un senl
mot relativement i cette navigation des Indes-Orientales,
il ait été introduit dans le port d'Ostende, en violation
de la lettre si claire et si expresse du susdit traité, cinq
vaisseaux revenant des Indes-Orientales 5 et que même un
de ces vaisseaux, qui avait été abattu de ses ancres et
jeté dans un état dangereux devant les ports de la Répu-
blique, ait été aidé ici et pourvu du nécessaire, de façon
que c'est à ces secours qu'il a dû presqu'uniquement son
salut;
Qu'à ces causes^, LL. HH. PP. espèrent aussi qu'on
leur prendra en bien, qu'au lieu d'accepter les arran»
gemens qui viennent de leur être [offerts, et qui ont cer-
tainement été présentés à S. M. Impériale sous un jour
tout à fait différent, elles préfèrent d'examiner ultérieu-
rement ce qui a été avancé dans le mémoire de la Répu-
blique , qui vient d'être remis récemment pour la justi-
fication des prétentions de Sadite M.; IX. HH* PP.
protestant, que, pour autant que par cet examen elles
pourraient être convaincues de l'équité d'aucune de ces
prétentions, elles y condescendront d'abord, et que pour
SKTKE Ii'AITTR. ET LA HOIiL.; EN 1784- 223
le reste elles persisteront dans le même esprit de faci*
Kcé et de condescendance qu'elles ont déjà manifesté si
évidemment à cet égard, tandis qu'elles assurent en même
temps, qu'à l'égard de tels autres points auxquels LL.
HH. PP. croiraient ne pouvoir condescendre, elle youdi*a
bien y conformément à sa façon de penser magnanime et
équitable, préférer d'attendre les sentimens d'autres Puis*
nnces neutres, pour lesquelles LL. HH. PP. montreront
atlssi dans l'occurence présente, toute la déférence qui
leur est due;
Qu'au surplus LL. HH. PP. sont fermement persua-
dées > que la déclaration, faite par S. M. relativement i
faun^erture et à la libre navigation de r Escaut ^ doit
rfSentendre dès à présent et en tout cas ne s'étendre
pat plus loin qu'aux eaux qu'elle soutient appartenir à
sa souveraineté, et nullement aux eaux et parages con-
nus sous le nom d'Escaut-Oriental, et de Hund oud'Es-
caat-Occidental , dont la souveraineté appartient indu-*
bitablement àLL.HH. PP., et d^autant plus, non-seulement
parce que dans le tableau qui a été remis, et qui est
censé contenir tputes les prétentions de S. M. sur cette
République, aussi peu que dans aucune autre pièce quel-
conque, il n'a été avancé la moindre prétention sur ces
eaax^ mais aussi, parceque les droits de LL. HH. PP., par
rapport à ces eaux, se fondent autant sur le droit des gens
que sur des traités et des conventions reconnues avec les
Seigneurs, dans les droits et obligations desquels S. M.
a notoirement succédé à l'égard des Pays-Bas;
Que pour ces raisons LL. HH. PP. ne sauraient par
conséquent s'imaginer, qu'aucuns des sujets de S. M. vou-
draient, en interprétant mal cette déclaration, contreve-
nir aux ordres qui ont toujours eu lieu .à cet égard
dans ce pays, envers qui que ce soit sans distinction, et
dont Texécntion ne saurait être arrêtée; que LL. HH.
PP. peuvent encore moins s'attendre, que l'exécution im*
manquable de tels ordres anciens et usités serait attribuée
224 VIII. AFP. D, I-. LIBRE NAVIG. D. I«'J58CA17T.
dans un pareil cas , qui arriverait contre tout espoir, i
quelque vue offensive de la part de LL. HH. PP., beau-
coup moins qu'elle serait suivie de l'exercice dliosdlités,
auxquelles l'on devrait d'abord répondre par le devoir
de défense propre, tandis que par ce moyen l'on con^
perait actuellementtoutes voies de conciliation, l'onfenit
tort à la grandeur et à la générosité de S. M. Impéiiale,
et l'on ternirait la splendeur.de son règne glorieux;
Que de plus , il sera envoyé en même temps copie
de la présente résolution de LL. HH. PP. à M. le comte
de Wassenaer-Wassenaer, envoyé extraordinaire et plé-
nipotentiaire de LL. HH. PP. à la cour de Vienne, povr
lui servir d'information, ainsi qu'aux ambassadeurs de
LL. HH. PP. â la cour de France, afin qu'ils conliniuot
de soUidter avec toutes les instances possibles, et d'ef-
fectuer les bons offices de la susdite cour prés S. M. Im-
périale.
Les États-Généraux, par la voie de leur am-
bassadeur à Paris 9 ayant fait communiquer aa
roi de France les nouvelles propositions de Tem-
pereur, contenues dans la note du 23 Août, ainsi
que leur réponse du 30 ; M. Bérenger, chargé-d'af-
faires de S. M. Très -Chrétienne à la Haye, eut
ordre de leur adresser la note suiyante.
N°- IV.
Note de M. Bérenger^ chargé --d'affairei de Frêmee^
adreaée aux ÉtaU^Oénéraux ; du 8 Septembre 1784.
Le roi a reçu avec sensibilité la communication
que les Etats-Généraux lui ont donnée du mémoire r&-
mis à Bruxelles aux plémpoténtiaires hollandais, le 23 du
mois derniei*^ et S. M. juge ne pouvoir mieux répondre
BNTa£ li'AUTR. ET IiA HOIiL.; EN 1784- 225
i cette nouvelle marque de confiance de la part de
LL» HH. PP., qu'en continuant ses offices conciliatpires
niprès de S, M. Impériale. Mais le roi ne doit point dis-
aimnler à IX. HH. PP., que ses démarches ne pourront
être efficaces, qu'autant qu'elles seront accompagnées d'où-
TOturea propres à servir de base à un arrangement
d'nne convenance réciproque. Ainsi S. M. croit devoir
proposer i LL. HH. PP. de chercher les expédiens pro*
près à remplir cet objet; et si LL. HH. PP. veulent
bien les lui confier, elle se fera un véritable plaisir de
les porter à la connaissance de Tempereur, et de faire
usage de tous les moyens que les liens qui l'unissent
â eé monarque, pourront lui fournir pour l'engager à
les prendre en considération.
Dans l'état actuel des choses, le roi croirait trahir
son amitié pour la République et l'intérêt qu'il prend
i sa tranquillité, s'il n'exhortait pas LL. HH. PP. à per-
lister dans la juste modération qu'elles ont montrée
jos^'à présent, et à s'abstenir de toutes démarches qui
poorrîdeàt blesser la dignité de l'empereur, et ne ser-
viraient qu'à éloigner la conciliation, qui fait l'objet des
Toeux de LL. HH. PP. comme de ceux de S. M. Im-
périal^.
' X la Haye, le 8 Septembre 1784.
BÉRENGER.
Déjà la veille, le 7 Septembre, le comte de
Belgiojoao avait remis la note ci-après aux pléni-
potentiaires hollandais, en réponse à celle qu'ils
H avaient adressée sur le fond de la résolution
ies États-Généraux du 30 Août.
«. 15
226 VIU. AFF. D. L. lilBRE NAVIG. D. I«'£8CAUT,
Note du comte de Belgiojoso adressée aux pléui^oteih
tiaires hollandais; du 7 Septembre 1784.
Les propositions d*accommodement renfermées dins
le mémoire r^mis aux plénipotentiaires de LL. HH. PP.
en date du 23 Août, sont évidemment Teffet de la nuH
dération et du désintéressement de S. M. comme ausn
de son afFection pour la République. Elles «ont si ma-
nifestement, et à tous les égards , favorables k la RépiH
blique qu^on devait s^attendre que les États -Gënéraiu
auraient saisi avec empressement ce moyen proposé par
la générosité de l'empereur , et ne se seraient occnpéi
qu'à en témoigner les sentimens naturels et convenaUei
de reconnaissance. Mais ils ont préféré au contraire
de prendre avec une précipitation sans exemple ^ et qui
ne s'accorde pas avec ce qui dans toutes leà autres oc-
casions a été allégué par eux et par leurs ministres fur
la forme de la constitution de la République, une réso-
lution très-peu mesurée et qui , alléguant vaguement et
sans probabilité d'un fondemeut réel, que la sûreté et
l'indépendance de la République dépendraient du 14^ ar-
ticle du traité du 30 Janvier 1648, paraît même renfer-
mer des doutes inconcevables sur l'étendue de la dé-
claration que renferme le mémoire du 23 Août, concer-
nant la navigation sur TEscaut, et en parle même comme
d'un objet dont il n'aurait pas même été question jus-
qu'ici. Cet objet ne saurait être cependant et n'était
sûrement pas nouveau pour les Etats -Généraux. La
Jréplique remise le 8 Août, a exposé claii*ement le droit
et le système de l'empereur à cet égard, et ce que ledit
mémoire renferme en outre, n'est rien que le résultat
de ce que le plénipotentiaire de S. M. a dit et témoigné
aux plénipotentiaires de la République dans toutes les
conférences et même lors de la première "ouverture de
la négociation actuelle.
^ BNTHiB I**AUTIl. ET IaA hoi«i<.; EN 1784. 227
I
De Pantre côté, S. M. fort éloignée de vouloir por-
ter atteinte A la «ûreté et à Tindépenâance de la Repu-
Uiq[ae, qui ne saurait dépendre de l'ouverture de l'Eflcaut,
ertportëe â donner des preuves convaincantes du contraire.
Son dësir de parvenir à un accommodement l'a engagé &
iire céder ses prétentions et ses droits les plus essentiels
CI mdabhables aux égards pour les objets qui sont de la
icriiière importance pour la République, à sa sûreté, à son
lidépendance et à sa dignité, et même i ce qui lui est le
'fine convenables et ce n'est sûrement pas à une époque
C& rempereur fit de généreux efforts pour se borner à
QB qn'eidgent son bonneur et sa dignité, que S. M. pouvait
attendre une opposition, et bien moins encore une allé-
^ttian d'équivoque sur la nature de l'objet d'une décla-
qoi renferme clairement et distinctement une liberté
et plénière de navigation sur l'Escaut et l'ouver-
dana tout le cours de cette rivière, et qui était
tamxaaat moins sujette à des doutes probables et même
spédcox, que LL. HH. PP. ne sauraient de bonne foi
ae diasimnler, que ce n'est qu'en faveur d'une navigation
^nrisè dans le sens susdit, que S. M. pouvait faire des
ncrificea si considérables que ceux que son extrême
aodération lui a suggérés. Cependant comme les États-
Générânx ont cru devoir adopter et avancer une inter-
piétation, que des égards dûs k la digm'té de l'empereur et
néme àl'ordre et à l'équité ne sauraient admettre (considé-
Wit d'un cAté l'évidence des droits de S. M. et de l'autre
kl contraventions et infractions multipliées et commises
JtBt la République), le plénipotentiaire] de l'empereur, en
fc^MSluut dans sa déclaration renfermée dans le mémoire
d|.2SAoût, croit devoir repéter, que la condition rela-
"Are â l'Escaut, et sous laquelle S. M. veut bien con-
aesoendre aux sacrifices et arrangemens susdits, renferme
^e navigation entièrement et totalement libre, et l'ou-
hrture de TEscaut dans tout le cours de cette rivière.
15*
228 Vin. AFF, D. L. IJBRE NAVIG. D. I«'SSCAUT,
Et vu toutes les circonistniices , S. M • , qui sait bien ce
qu^elle doit à sa di^ité et à la gloire de son gouTerne-
ment, comme aussi au bien-être de ses sujets, déit attendit
que la sagesse, la justice et le bien-être de la République^
en les pesant bien, l'emporteront sur le caprice de vains
préjugés, auxquels seuls on croît devoir attribuer raHie-
gation de motifs incompatibles avec le bien-être de la
République : et que LL. HH. PP. après les avoir mienx
balancés et combinés ensemble, prêteront l'oreille i la
persuasion et a la preuve du véritable bien de la £épa-
blique et qu'étant guidées par la prudence et la josdc^
elles agiront de manière à prévenir des cvènemena qd
seraient la suite d'une opposition dénuée d'argumeni
probables, et qui met au jour un système directement
opposé à rassurancc des égards et des sentîmeiis con-
ciliatoircs qu'elles ont si souvent témoignés ; sentimena que
S. M. de son côté a manifestés par les propositions ren-
feiTuées dans le mémoire du 23 Août, même avec on
désintéressement qui ne saurait manquer de lui attirer
Tadmiration de l'Europe entière.
Au reste, le plénipotentiaire de Tempereur ne fait
point de difficulté de déclarer, que cependant on vent bien
de la part de Tempereur accorder que, sauf ce.qnele
mémoire renferme relativement à la navigation de TEs-
caut et aux limites de Flandre, le reste des arrangemens
y compris, soit négocié dans les dernières conférences
de la présente négociation. ^
Fait à Bruxelles, le 7 Septembre 1784. •
Louis G. de Barbiano de BEiiGiojoso.
L'empereur qui espérait peut-être que d'a-
près sa déclaration catégorique, savoir : y^qi^'il
était décidé à regarder dès-lors l* Escaut comme
libre f et envisagerait toute offense faite à son
93
>9
ÈNTBK li'AUTR. ET I.A HOLI..; EN 1784» 229
^papUloUj comme une hostilité ^ et une déclaration
,,cfe g^^rre/^ les Hollandais n'oseraient venir jus-
qu'à des voies de fait, donna ordre au capitaine
iMeghenii commandant le brigantin le Louis j des^
tiné à se rendre directement avec son vaisseau et
4& cargaison d'Anvers en mer, de ne point se sou--
mettre à aucune recherche quelconque de la part
des vaisseaux de la Réphulique qic^il pourrait ren-
contrer sur la rivière; et de ne faire aucune dé-
claration aux douanes de la République^ ou de les
reconnaître en aucune manière.
, Mais le brigantin impérial ayant tenté le 8 Oc-
tobre^ le passage près du fort de Lillo, fut arrêté
& la hauteur de Saftinghen par un cutter hollan-
dais qui, sur le refiis qu'il fit de cingler en ar-
rière, tira sur lui et le força d'amener son pa-
Tillon.
Le journal du capitaine van Isseghem ainsi
que le rapport du cutter hollandais, donnent les
Bétails suivants sur cette rencontre.
i '
N«- VI.
humai Ai brigantin le Lours^ commande par te eapi^
taine Ldeven van Is9€ghem^ natif ttOstende, allant
icms papillim impérial et royal j du port d' Anvers à
ht mer.
Le mercredi ©Octobre 1784, appareillé à deux heures
et demie après-midi, fait voile du port d'Anvers vers la
mer par TËscaut à trois heures, mouillé à quatre heures
deyant la PhiCppe avec noire ancre commime, le veul
ëtaHt A Test-nord-est^ Dieu aidant.
330 VUL AFF. DE li. I<IBR£ NAYIG. D. I«'B8CAUT,
Le jeudi 7 Octobre 1784, à une heure après-midi,
nous avons commencé à lever notre ancre, laquelle étant
à pic, par le grand vent qu'il faisait d'est* nord -est,
est sauté avant que nos voiles fussent prêtes; ce qni
nous à fait dériver vers la rive gauche de l'Escaut, de
manière que nous avons été obligés de jeter l'ancre de
nouveau pour ne pas échouer. Le vent continuant da
même c6té, il a été jugé impossible de faire route pir
cette marée descendante. À six heures du soir noni
avons levé l'ancre, et fait voiles pour gagner la me
droite de l'Escaut, après avoir pris un ris dans chaque
hunier. À onze heures du soir nous avons levé l'ancre
et fait voiles jusque vis-à-vis le fort de Gruys-Schaiu,
d'où l'on a crié ^^Werda,^^ lorsque nous y mouillâmes;
â quoi nous n'avons rien répondu. Il était alors qua
heure après-minuit.
Le vendredi 8 Octobre 1784, à six heures du matin,
nous levâmes l'ancre et fîmes voiles dehors. Nous pas-
sâmes au quart avant sept heures vis-à-vis le fort IJIlo,
d'où l'on n'a rien dit, et n'y avons rien vu de remar-
quable. Un quart avant huit heures est venu un petit
canot, ayant à bord un homme habillé de bleu à pare-
mens rouges, accompagné de six autres hommes, leqnd
nous a demandé, où était le capitaine; surquoi le capi-
taine, qui était sur pont, lui a répondu : C'est moi.
Le Hollandais lui a demandé alors où il allait ^ surquoi
le capitaine lui répondit : Nous venons i Anvers, et
nous allons à la mer. Le Hollandais repartit : f^oui
deuez déclarer. Le capitaine lui dit alors, „ qu'il avait
„ ordre exprès de S. M. l'empereur et roi Joseph II de
„ne s'arrêter ni faire aucune déclaration aux douanes
„ou vaisseaux de la république des Provinces -Unies.**
Alors le canot s'éloigna de notre vaisseau et fit on.
signal. X huit heures du matin nous passâmes devant
un brigantin à l'ancre, portant pavillon hollandais vis-
à-vis de Saftinghen. Il nous th*a de loin un coup de
. XNTJGUB li'AUTK. ET IiA HOliL.; EN 1784. 231
amon k poudre, en bissant un signal de pavillon blanc
d flamme hollandaise. Etant vis-à-vis de lui, il nous
demanda, itoù nous venions et où nous allions : Le capi-
Uîne répondit, que nous venions â!AnverSj et que nous
ûBions à la mer l'U nous ordonna alors de mettre en
pnme : Le capitaine répondit de la même manière, qu'il
avait r^ondu précédemment au canot ci* dessus men-
tiomié : Lfon nous tira alors un coup de canon à balle en
fair : Noua suivîmes toujom*s notre route : L'on nous tira
m
alors deux coups de suite à balle à fleur d'eau et fort
pris de la proue de notre navire. Le capitaine en
BHKnirant le décret de S. M. Impériale et Royale dont
3' était muni, étant alors à la portée de pistolet dubri-
gMilin hollandais, demanda, ^^si c'était par ordre ex-
jfpris qu^on tirait sur notre vaisseau '' : Mais les Hol-
Imdais n'y firent pas d'autre réponse que de nous
Itdber trois autres coups de canon à balle et mitrailles,
dont notre vaisseau fut endommagé à un cap de mou-
ton, rides et grand bauban du grand -mât & tribord:
\jeê éclats ont frappé le capitaine à la tempe droite,
mBM danger. La marmite qui se trouvait ^ur le pont
près de la Cambuse à cuisine, a été frappée de mitrailles
loi deux endroits : La grande voile d'état de hune a
plnsieuTS marques de brûlure de cartouche.
Après cette bordée, le capitaine van Isseghem, voyant
ion vaisseau endommagé, fit carguer les voiles, et dans
le même moment l'on nous cria du brigantin hollandais,
f^quê, si nous ne mettions pas en panne, ton nous
fpCoulerait à fond*' : Surquoi nous jetâmes Fancre.
Eimron ime demie heure après, un canot de la frégate
hollandaise, leJPoUux, commandée par le capitaine WoUs-
bcrghen (vanYolbergen), nous aborda : Trois oflSiciers hol-
landais vinrent i notre bord : Ils demandèrent au capitaine
laaeghem, d'où il venait et où il. allait. Le capitaine
leur fit la même réponse que précédemment au canot
et an brigantin, que nous avons appris être k Duu^
232 VUL AFF. D. lé. IiIBRE NAVIG. D. I«'X8CATJT,
phirij commandé par le capitaine Gnpieres (Cnpenit)
Us lui demandaient 9 ^pourquoi il n^ayait pas amené aa
premier coup de canon/^ Il leur répondit, qu^il avaii
ordre exprès de S. M. l'Empereur et Roi de nepaa à^ar^
réter, et leui* montra le décret de 'S. M., qiii leur fat
expli(pié en langue flamande. Le capitaine leur dit,
qiiHls pouvaient garder ce décret pour leur informa-
tion : Us répondirent, qu'ils V acceptaient comme une
politesse de notre part, mais que noua ne passerions
pas outre j et que nous rCa\>ions qiCa retourner sur
nos pas : Nous leur répondîmes , que nous ne le pour
vions pas. Le capitaine van Issegliem leur demanda,
,y s'ils avaient à leur chaloupe des gens pour amarrer
„son vaisseau ^^ : X quoi ils répondirent que non{% qae
leur intention n'était pas de nous prendre, mais de
nous empêcher à coup de canon de passer outre» Nous
avons demandé à ces trois officiers, „si c'était par ordre
exprès, que Ton avait tiré sur notre vaisseau ^^ : ils répon-
dirent unanimement, que c^ était par ordre exprès. Le
capitaine van Issegliem leur reprocha, ,,qu*on avait tiré
i. mitraille sur notre vaisseau. ^^ L'un des officiers ré-
pondit, quHl rCen savait rien : mais Tun d'entre eux
convint, que cela se pouvait. Cette réponse a été en-
tendue par le capitaine, le second et l'écrivain : ces
trois officiers hollandais se sont retirés, disant qu^ils
allaient faire leur rapport.
Comme l'endroit où nous avions été forcés de je-
ter l'ancre, se trouvait trop près de la côte de Flandre,
le pilote nous fit observer qu'il conviendrait, pour la
sûreté du vaisseau, d'ancrer plus au large. En consé-
quence l'on envoya le second avec le canot avertir le
brigantin hollandais, que nous alUons changer de place.
On lui répondit, „que nous pouvions ancrer où nous
„ voulions, pourvu que nous ne dépassassions pas le bri-
,gantin, ou que nous ne nous missions pas âsoncôté.^
Le bi*igantin hollandais nous a fait dire depuis, de
BNT&RIi'AUTH. ETIiAHOLL.; EN1784» 233
se pas placer notre vaisseau liors de la portée du porte*
Toiz. Le capitaine van Isseghem ne peut que se louer
de ses officîefrs et de la fermeté de son équipage durant
le péril du feu. Le capitaine -lieutenant du corps de
gaH9 de Lannoy, qui a été spectateur sur le pont près
de la barre, pense de même, et a signé le présent
journal comme témoin.
Fait à bord du brigantin le Louis, vis-â-vis de
Stfungben sur TEscaut, le 8 Octobre 1784.
A. DE Lannoy, capitaine " lieute--
nant et ingénieur*
R. F. Peeters, écrivain.
. L. L VAN Isseghem, capitaine.
GoRNEUS DrvooRTs, second.
Paulus Artsens, pilote.
Continuation du journal du brigantin LJS Louis,
capitaine van Isseghem, suite du vendredi 8 Oc-
tobre 1784.
L'après-midi nous avons mouillé plus au large et
«fiynrché le navire devant nos deux grandes ancres.
Au qnart avant six heures , une chaloupe armée de la
fr^jate le Pollux nous aborda : Le premier- lieutenant,
on officier et leur pilote sont venus à notre bord nous
oirdoimer de la part du capitaine de ladite frégate, de
lever nos ancres et de venir nous placer sous le feu de
ladite frégate : Le capitaine van Isseghem leur répondît,
'„ qu'ayant été forcé par le brigantin le Dauphin, à jo-
uter Tancre dans Tendroit où il se trouvait, avec me-
„nace d'être coulé à fond s^il tentait de le dépasser,
,il refusait de bouger. ^^ Surquoî le premier-lieutenant
déclara, ,9 qu'il allait lui-même faire lever nos ancres
„par l'équipage de la chaloupe et conduire notre vais-
^sean k l'endroilt ordonné. ^^ En effet tous les gens de la
chaloupé- montèrent à notre bord et commencèrent à
lever lea ancres; mais par leur mauvaise manoeuvre ils
234 VIII. AFF. D. II. IiJBRE NA VI&. D. I«^£9CAUT,
mirent notre vaisseau sur un banc de sable à la côte de
Flandre à Saftinghcn, où il demeura toute la nuit en grand
danger d'être rompu : les officiers hollandais et leur
équipage, consistant en dix hommes, sont restés consuon*
ment à notre bord et y sont encore aujourd'hui samedi
9 Octobre 1784, à onze heures du matin , notre yaisseao
n'étant pas encore dégagé. La marée ayant monte, notre
vaisseau fut mis à flot; et les Hollandais Tont affourché
;) peu près dans le même endroit où nous avions été
forcés par le brigantin à jeter Tancre. Pendant raprèa-
midi des Hollandais ont changé et renouvelle le nombre
qu'ils avaient à notre bord.
Vers les six heures du soir arriva un exprès, por-
teur des ordres du gouvernement- général des Pays-
Bas, en conséquence desquels le capitaine van Isseghem
s'adressa au premier- lieutenant de la frégate le PoUuSj
qui était sur notre bord, en lui demandant, „s'il per-
„sistait à empêcher que notre vaisseau ne At voile verj
„la mer.*^ Ce lieutenant répondit, que sea ordres rié'
taient pas changés, et quHl fallaip s"* adresser cui capi-
taine de la frégate le Pollux. Là -dessus le capitaine
vnn Isseghem est allé à bord de la susdite frégate et a
demandé, par ordre de S. M. l'Empereur et Roi, au
capitaine de ladite frégate, „s'il voulait laisser passer
„vers la mer notre vaisseau arrêté. ^^ Ce capitaine loi
demanda, s'* il avait fait sa déclaration à lÂlloI Sur-
quoi le capitaine van Isseghem lui répondit, „ qu'il avait
„ ordre exprès de ne reconnaître aucune douane de. la
„ République ni &ç,s vaisseaux." Le capitaine de la fré-
gate déclara alors, „ qu'il ne pouvait pas laisser passer
„ noire vaisseau, et qu'il ferait rapport de cette demande
„à s^s maîtres." Nous nous préparâmes alors à quitter
le vaisseau pour nous rendre à Bruxelles, selon les or-
dres reçus I Le capitaine van Isseghem chargea son second
et l'écrivain, qu'il a laisse à bord avec tout l'équipage,
de se couformer aux instructions reçues le même jour.
BNTHS It'AUTR. ET LA HOliL. ; EN 1784. 235
An moment de notre départ le premier -lieutenant de
k frégate le PoUux demanda au capitaine van laseghem,
k nom de son vaisseau, celui du propriétaire , la gran-
deur da vaisseau, le nombre de Téquipage, Tendroit
tùk û venait et où il allait. Le lieutenant inséra le
ttmt dans les rubriques d'une tablette imprimée, ainsi
que le nom d'Augustin de Lannoy, comme passager.
Lorsque nous abandonnâmes le vaisseau, il s*y trouvait
i bord le lientenimt de la frégate le PoUuXy et un autre
oiEcier hollandais avec vingt-quatre bommes destinés k
y passer la nuit, lesquels étaient venus sur trois cba-
knpes armées. La partie du présent journal qui est
postérieure A onze heures du matin du samedi 9 Octobre
1784, n'est pas inséré au livre de log du brigantin le
Louiëf ayant été rédigée k notre arrivée à Bruxelles, le
matin du dimanche 10 Octobre 1784, ayant été pressés
pir la marée de nous mettre en route.
L. L TAN IssEGHEM, Capitaine.
A. DE Lannoy, capitaine - lieute-'
nant et ingénieur.
Relation du CVTTER hollandais.
Le sous -signé lieutenant certifie sous le serment
qu'il a prêté à l'état : Que le cutter de l'état le Dau-
phin j qu'il commande, étant à l'ancre devant Stock- Agtc
le 8 Octobre 1784 au matin, il a vu, au moyen de lu-
nettes d'approche de ce cutter ^ venir du Haut -Escaut
nn bricg sous pavillon impérial; que sur cela il a en-
voyé d'abord dans une chaloupe un oflSicier vers ce
bricgy lequel officier (le lieutenant van Dorn) l'ayant hélé,
il lui fut répondu, „ que c'était un navire, qui par ordre
„de S. M. Impériale devait se rendre k la mer, en re-
„ fusant d'aborder/^ Ledit bricg s'étant avancé ensuite
dans la même matinée k la portée du canon du cutter
de l'état y le sous -signé fit tirer un coup de canon sans
boulet 9 en le faisant héler de nouveau, et lui demander
236 VIII. AFP. D. li. LIBRE NA^G. D. L'£SGAUT,
s'il devait, se rendre à la mer? Il lui fîit répondu affir-
mativement en lui montrant un papier ; Surquoi on
requit encore le bricg de s'arrêter , en lui donnant i
connaître 99 que les ordres portaient de ne pas le laisser
9, passer^^; ce qui ayant été répété quatre à cinq fois de snite
avec menace, 99^6 s'il persistait k refuser d'aborder, on
,, ferait feu sur lui,^^ ledit bricg continuant dans sonrefîu
en répétant qu'il devait se rendre à la nuer^ on lui
lâcha un coup de canon â boulet, en réitérant de nou-
veau Tordre i^ amener y ou qtûon Vy obligerait % ce qoi
ayant encore été refusé, le sous -signé lui a fait lâcher
sa bordée; surquoi le bricg jeta Tancre.
À bord du cutter de l'état susmentionné, étant i l'ancre
devant Stock -Agté, le 8 Octobre 1784.
GUFERUS.
Dès que les États - Généraux furent instruits
de cet événement, ils prirent encore le même
jour à onze heures du soir, la resolution suivante.
N*»- vn.
Extrait du rêgître des résolutiom de LL, HH. PP.
les États ' Généraux des Provinces» Unies; du 9 Oc-
tobre 1785. (Extrait.)
Il a été trouvé bon et arrêté, „ qu'il sera envoyé
au capitaine de Volbergen des instructions, pour qu'il
ait à relâcher sur le champ pour cette fois-ci, le patron
et le brigantin, qui avait passé outre venant d'Anvers,
quoique le bâtiment fût sujet à une procédure devant le
collège de Tamirauté en Zeelande, comme ayant dépasse
la garde à Lillo sans y avoir pris un passeport, et de
retirer de dessus son bord la garde au cas qu'il y en
eut été placé une, à condition que le patron . retourne
d'abord ou qu'autrement il s'engage par écrit, & ne point
ISNTRE li^AITiR. ET liA HOLIi. ; ,ïîïf 1784, 237
continuer sa route par TEscaut : Qu'il sera aussi envoyé
eDpie'de ce» instructions au vice-amiral Reynst, pour lui
lervir d^infoinnation.^^
„ Qu'en outre MM. les ministres-plénipotentiaires de
liL. HH; PP. à Bruxelles 9 seront chargés de se plaindre
anssî-tât que possible , en termes mesurés , mais aussi
lérieiÎBement qu'il convient à la nature de la cbose, près
de M. le comté de Belgiojoso , qu'hier, 8 du courant, de
bon matin , il est venu d'Anvers un brigantin sous pa-
villon impérial , qui avait passé non-seulement le bureau
déLillo^ la dernière garde du côté de la République, sans
prendre de passeport, en violation direete de& ordres de
Jili. HH. pp. qui s'observent pour la perception des re-
venos maritimes : mais qu'ensuite il a voulu passer de la
m£me manière un des bâtimens de garde de l'état postés
devant Saftinghen, sans que le patron ait voulu jeter l'an-
cre ^ stir l'ordre exprès qui lui en fut porté par im lieu-
tenant au service de l'état^ sans qu'il ait même voulu
virer de bord, ni sur ce que le lieutenant Cuperus, com-
mandant ledit, bâtiment, lui cria itérativement en per-
sonne, ni même sur un coup à poudre, ni sur un coup
1 bonlet qi.ii s'ensuivit, jusqu'à ce qu'enfin on fut obligé
de lui Mcher la bordée entière. ^^
• - 5» Qu'un acte si ouvert de mépris pour les ordres de
l'état et de désobéissance aux injonctions réitérées d'un
officier de la République sur le territoire incontestable de
SiL. HH. PP. , nc^ fournirait pas sans doute un objet de
^ainte, mais devrait être corrigé immédiatement par LL.
HH. 'PP. mêmes, au cas qu'elles n'eussent pas remarqué
oaeM.Iecomte de Belgiojoso avait déclaré le 5 du courant,
nlkz ministres -plénipotentiaires de LL. HH. PP., „qu'im
yytel bâtiment descendrait l'Escaut en vertu d'un ordi*c
y, exprès de S. M. Impériale" :
99 Que LL. HH. PP. s'assuraient, qu'en tout cas cet
ordre de S. M. Impériale aurait été donné avant qu'elle
eât été ou pu être convenablement informée de l'im-
238 Vm. AFP. D. li. lilBRE KAVJG. D. L'JBSCAUT,
l'impoitance qu'on attachait en ce pays à rouverture de
TEscaut, et avant que UL HH. PP. , par leurs réaoludoiu
des 30 Août et 24 Septembre derniers, eussent exposé à
S. M. Impériale et & M. le comte de Belgiojoso, que les
ordres qui avaient constamment subsisté en ce pays de-
puis la paix de Munster, pour tenir l'Escaut fermé, ne
pouvaient nullement être révoqués ni mis hors d'effet,
puisque LL. HH. PP. croiraient faire tort à la magnani*
mité naturelle de S. M. Impériale, si elles supposaient
que S. M. voulût former à la charge de la République des
j)rétentions qui ne seraient pas conformes à l'équité;
que pour cette raison elles ne pouvaient attendre de sa
part une telle demande de la libre navigation de l'Escaut^
attendu que par le traité de Munster, le droit de tenir
cette rivière fermée du côté de LL. HH. PP., avait été
reconnu en même temps que Tindépendance de la Ré-
publique; que ni le roi Philippe IV, avec qui ce traité a
été conclu, ni ses successeurs, n'ont jamais réclamé contre
cette stipulation; que le roi Charles U, en particulier, n*a
jamais possédé les Pays-Bas sur un autre pied : que par
la grande alliance de 1701, il n*a pas été fait d'autre
règlement à cet égard; que les susdites provinces ont été
remises sur le même pied , en vertu du traité de la Bar-
rière par LL. HH. PP. à l'empereur Charles VI, et pos-
sédées (tant par lui que par ses augustes successeurs jus-
qu'à ce jour; que même aux conférences d'Anvers et de
Bruxelles , où l'on a traité tout ce qui était litigieux par
rapport aux Pays-Bas autrichiens, l'on n'a pas porté la
moindre plainte sur ce que l'on tenait l'Escaut fermé, et que
même il n'en est pas dit un seul mot dans le tableau remis
le 4 Mai de cette année, et qui contient toutes les préten-
tions de S. M. Impériale à la charge de la République."
„ Qu'ainsi LL. HH. PP. doivent penser, que S. M.
Impériale a considéré connue un objet de peu d'impor-
tance pour la République, si l'Escaut était ouvert ou
fermé, et que pour cette raison elle propose Touvcr-
SNTRB Ii'AUTB. ET liA HOLX.«; JSiH 1784* 239
ture^ comme un moyen (t arrangement, qui manifestait
M modération et son affection pour la République (ainsi
^*elle à bien touIu s^exprimer), par lequel moyen Ton
pourrait terminer d'autres prétentions à la charge de
cet état hien plue importantes à ce qu'elle croyait :
Qne LL. HH. PP. supposaient de même, que c'était
uniquement à la ferme persuasion où S. M. paraissait
aTcnr été^ que LL. HH. PP. n'hésiteraient point â em-*
fcraaaer cet arrangement comme une preuve convaincante
de «a bienveillance , qu'on devait attribuer l'ordre qu^elIe
avak donné audit bâtiment , pour la navigation de cette
mière; mais que LL. HH. rPP., obligées par devoir de
jager des intérêts de la République suii^ant leurs lu-'
ÊÊÎèrêë et celles de leurs ancêtres, devaient considérer
em point 9 comme de l'importance la plus extrême pour
ellea et pour leurs citoyens, et comme intimement lié
arec l'existence et la sûreté de cet état; de sorte qu'il
ne leur était pas permis de s'en désister : Qu^aussi LL.
HH.PP. s^étaient déjà exprimées de cette façon par leur
césolution du 24 Septembre, mais qu'elles avaient appris
aTec regret, que par accident, le contenu de cette réso-
lution n'avait été communiqué que le 5 Octobre à lui
M. le comte de Belgiojoso; retard, qui peut-être avait
été Qiuse, qu'il n'avait pu êti*e sursis à l'exécution de
l*ordre pour le départ de ce bâtiment ^^:
yyQue LL. HH. PP. s'assuraient néanmoins, que
eiGnnme elles avaient donné de toutes manières les preuves
les plus convaincantes de leurs égards pour S. M. Im-
périale, entre autres par l'évacuation de Namur et de
Umtea l^s autres places de la Barrière, quoique ce fût,
pour, ainsi dire, uniquement dans la vue de se procurer
cette barrière à Tavantage de leur République, qu'elles
accédèrent à la grande alliance de 1701, et qu'elles firent
mie gnen*e si coûteuse et si ruineuse pour elles, et en
retiraiDt provîsionnellement le vaisseau de garde de de-
vant UUo, quoique ce bâtiment y eût été placé de très-
240 VHL APP. D. L. LIBRE NAVIG. D. Ii'SSCA^
bon droit, et sans la moindre contestation , depuii la i
paix de Mmister jusqu'en cette année; le même espiît
s'était aussi manifesté par la réponse au tableau det
prétentions de S. M. Impériale, ainsi qu'il coastenit
encore ultérieurement par ce qui serait remis dans pea i
lui M. le comte de Belgiojoso, pour réfuter ce qui avait èà
avancé par son mémoire de réplique, remis le 23 Août, aux
ministres de la République : Que la même façon de pen-
ser s'était encore manifestée avec la plus grande évidence
dans ce qu'elles avaient déclaré par leur résolulion da
30 Août dernier, portant en substance : ^^qu'i l'égard
,,de toutes les prétentions de S; M. Impériale, exposéei
99 dans ce io&i^au, elles voulaient se prêter à' tout ce
9, qui serait jugé équitable; que pour le surplus ellsi
,9 montreraient toute la facilité possible; et qu'à J'é^[aid
,9 de ce qu'elles croiraient ne pouvoir pas concéder, ellei
„ voulaient bien s'en rapporter au jugement des; puis-
,,sances neutres."
9, Qu'après une telle déclaration LL. HH. .PP. ne
pouvaient attendre de la générosité connue de S. -M.
Impériale, qu'elle exigerait rien de plus de la part de
cet état, qui avait ti*ouvé précédemment et plus d'aoe
fois son refuge et de la protection prés de sa maison,
tandis que de son côté, la République avait épuisé,
pour ainsi dire, toutes ses facultés au service de It
même maisoii et ]à son agrandissement; beaucoup moins
qu'on voudrait imposer à LXi. HH. PP. un sacrifice, qui
avec le temps entrainerait inévitablement la ruine de la
République entière : Qu'au contraire elles s'assurent qtie
S. M. Impériale, suivant sa sagesse connue, Téquité (fà
la distingue, et les bonnes intentions dont elle fait pro-
fession, voudra bien laisser LL. HH. PP. dans la pos-^
session tranquille du droit bien acquis de tenir TEscaut
fermé de leur côté, afin de prévenir dans la suite tout
ce qui pourrait donner occasion à de la mésintelligence
sur ce sujet : Que, dans cette persuasion et pour don-
BNTRB Ii'AUTR. ET IiA HOLL.J BN 178 4^ 241
ner une preaYfe surabondante de leurs égards constans
pour S. M. Impériale., elles avaient: donné des ordres,
en vertu desquels il n'avait été employé aucune voie de
&ity lorsqi^ie le bâtiment avait passé devant Lillo, sans
j prendre les passeports requis suivant les règlemens
du pays : Que pareillemeût les ordres accoutumés, en
co]i5éq[uenc'e desquels les bfttxmens de 1- état ou vaisseaux
de garde avaient été placés ^ur les rivières, avaient été
exécutés avec tant de mépa^^iement, que le capitaine du
bâtiment avait d'abord été prié de jeter l'ancre*, par un
officier de l'état qui lui fut envoyé expressélnent à cet
effet; !que, sur son refui , * la' même réquisition fut en-
core réitérée par rdfficier-commandanti&éme$- et qu'en-
fin ce n'a été que d'après la désobéissance- réitérée du
capitaine de ce bâtiment marchand, que, sur «le même
pied que cela se pratique et doit se pratiquer par-tout
et en tous temps à l'égard de tous autres indistincte-
ment, soit qu^Us naviguent sous le pavillon de cet état
ou sous tout autre, Ton s'est porté aux voies de con-
trainte":
„Que LL. HH. PP., continuant toujours d'être ani-
mées du même esprit avaient chargé le capitaine de
Yolbergen (quoique tous autres navires, sans distinction
de nation, qui, naviguant le long des rivières, passant
la dernière garde sans prendre de passeport, soient su-
jets à des procédures de la part du collège d'amirauté
da ressort), de relâcher pour celte fois-ci Je brigantin
susdit, et d'en retirer la garde, au cas qu'il en eût clé
placée une, pourv'u que ce bâtiment s'en retournât sûr
le champ, ou s'engageât à ne pas descendre l'Escaut
pins avant etc. .. .
Un autre brigantin impérial, de f^erwagtinge,
commandé par le capitaine van Pitténlio ven , qui
avait ordre de l'empereur de se rendre d'Os-
tende à Anvers, en remontant l'Escaut, fut arrêté
II. 16
242 Vni. ATT. D. li. IiTBRE NAVIG. D. L'ESCAUT,
le 15 Octobre, a l'cmbouohiire de ce fleure^ devant
Flessînguc, par Pescadre du TÎce-àmîràl Reynst
Dès que Pempereiuf fut instruit de ces .voies
de £Edt, il ordonna au baron de Reisch|idbL)i son
ambassadeuiTo pi^è^ l^^ Kta:(A^ Généraux ^ de quitter
la Haye sans prendre cotigé (^). Ce fiit le comte
de Belgiojoso qui, le 30 Octobre, en donnk con-
naissance aux plénipotentiaires hollandais, en leôr
déclarant, que S. Ml Impéricde se voycût ohUgk
de rappeler son ministre , depant considérer Pin-
suite faite à son papiUony comme une déckwaUm
de guerre.
Ce ne fut qu'à cette époque qM Pemperair
donna les ordres nécessaires pour la marche des
troupes. Encore le même jour les plénipotentiaires
des États -Généraux adressèrent la noté suivante
au comte de Belgiojoso.
. .' .
N°- vm.
Noie des plémpoieiUiairei hoUandaiij adressée au amte
de Belgiojoso; du 30 Octobre 1784.
Les. ministres plénipotentiaires de la république des
Provinces -Unies ayant reçu communication par S. Exe.
M. le comte de Belgiojoso, des ordi'cs de S. M. Impé-
(1) n y a lien de croire , dit M. Sghobll , dans son hiiU dit
traités de paix, que Joseph îl^, ne s'était pas attendu à nne rào-
Intion si hardie de la part de la rëpubliqne, puisquVn moiiiflBt oà
les coups de canon, qui selon lui, devaient être le signal de li '^
guerre, furent tir^s, les Pays-Bas 'se trouvaient encore d^ponrvBi ^
de troupes, de magasulB et .de manitions de guerre. -Vj
99
»,
3»
BNTRB X^AUTIL ET IiA HOliI,.; fil* 1784. 243
riale piff lesquels il est chargé de déclarei*^ i, que par
la conduite que Sadite M. nomme insulte faite à êon
^pavillon, elle juge, que la.Répitblique,)a vomp^ncé
^leê hostilités/* et qu'elle a en conséquence rappelé
le baron de Reîschach du poste qu'il occupait auprès
de LL* HH. PP. 9 ils doivent à cette occasion, rappeler
de la manière la plus forte, la déclaration qu'ils ont
en l^onneur de remettre le 18 Août, & M. le comte de
Belgiojoso de la part des États-Généraux; savoir : qu'ils
protestent, que n'ayant point d'autre dçssein que de
maintenir leur juste droit, ils ne peuvent être nullement
soupçonnés d'une aggression hostile, qui leur doit être
d*aiitant mohis attribuée, qu'ils se tiennent entièrement
irresponsables des suites, que les démarches ide S. M.
Impériale pourront avoir, par la manière dont il lui a
plè de considérer cette affaire,
• ■ . ■ •
La République, bien loin de pouvoir être tenue
cotnihe j[iartie aggressive, persiste toujours dans ses dis-
positions pacifiques; mais ces dispositions n'ont mal-
lienreosement aucune influence sur l'esprit de S. M. Im-
péziale, quoique les Etats n'en perdent point * encore
(espoir : elle se trouvera obh'gée à regret, de faire usage
des moyens auxquels elle est autorisée par le droit de
la nature et des nations, espérant que la protection di-
vine et l'approbation des puissances neutres soutiendront
W défense légitime de ses droits incontestables.
Baron de Hop.
W. A. Lestevenow.
P. VAN Leyden.
P. E; YAN DE PeRIIE.
:i
Le comte de Wassenaer, ambassadeur de la*
^ République à la cour de Vienne*, fut également
'appelé, et quitta cette ville sans que Fempereur
24i YlJl.yifB. D. li. I^|BR^ NAYIG. B. I^'ESCAUT,
Toulût lui accorder l'audience de concé géu'iI a^Bit
solliditéb.^'v. ' •
JMefih^II' jkmr'inâÈrèlkser' les autres puissances
dans sa 'qteèréll0,'^fit adresser la note ci-* après k
tous ses ministres près ibs cours étrangères.
■ • • j " -
,. . N"- IX.
Note circulaire du mintifère impérial^ emvoffêe amx toh
bafgadeurt et mtniiires de S. M. daut les cours étrmh
gères; du 23 ^Oàtobre 1784.
■ ■ I . i c i ■ ' I
1 , Voua: a'îgftereas pas Foriglne et la suite des diffé-
rends, qm ''S0f')4Qut éleyés e^ dernier lieu entre Teni-
pereni^ etjlalxépijbliqae de«Pro\ânces-Unies; le^grùft
et les prétentions les plus fondées, que depuis bien
longtemps se trouve avoir S. M. Impériale à la charge
des États-, Généraux ;.}!ofire, que malgré cela S. M. lenr
a faite de les arranger k Tami^Ie avec eux^ les con-
férences qui ont été établies en conséquence pour cet
effet à Bruxelles 5- et enfin F ultimatum, que, dans la vue
A^ abréger la.néjgociation, l'empereur a bien voulu faire
remettre, aux Etats -» Généraux*
Par V inexécution et les violations des traités ^ qne ;
les Hollandais se sont permises dans toutes les occa- :
sions, qui leur ont paru favorables, la clôture de l'Es-
caut est devenue depuis ,long^temps une servitude non
obligatoire /pour les Pays r Bas autrichiens; et la face
des affaires générales de l'Europe est même d'aillcnrs
si différente aujourd'hui de ce qu'elle était lors de h
conclusion du traité de Munster, qu'il est manifeste^
que la stipulation de ce traité, qui regarde l'Escaut^ J
est réellement sans objet dans ce moment-ci. ^
L'empereur ce non-obstant a été disposé à s'ac- ^
coimnodér amiablement avec la République, même ao
sacrifice des prétentions les plus légitimes et les plo^ <t
BNTJRB li'AUTR. ET iA Horily.'^ Uni^if^. 24S
importantes; mais plus S. M.^ témoigné de facilités ^^oùr
cet efFet, moins il en a trotta àt fe'^^'^de! là Répu-
blique. On' a tâché au cdntrairé*'Âé irïettre toutes* sortes
d'entravés au ^ccès Aé Ih itégMiatibn ■ : bt & ^ettè'finj
on a persisté à vouloir soutenir et se conserver une
prétention, -. 1 laquelle^' îttoyeofcisftit ta^e dôiiàdntravcn-
tiens aux tndtés, on sairâit fort^bkn^ne.pI^Siavofr-Vlfï^ou/)
droit légitime. .^^,,^ ;.,,. .•. , », .,j ; ., ^ ; ■
Pour prévenir le preytfdiçe a^e Içs Ela^-TCTéné•-
raux avaient en vue actabhv par -là contip les ctrojits
încontestàMés de S. iWr'tfîi^'i^rye; ey^Mr^e^iâis^êr
aucun doute ^ur sa -^'ésofutiàH 'inkiitSfVm^j^'^9éJ^i^ka
tenir aux propositions contenues dans Vultimatum^ S.
M. n'a pas pu s'empêcher- de se déterminer à faire sor-
tir d'A.nvers. pour la mer un bâtiment sous son p^villoiu
après avQU" declajre as5ç;z,Ioi\g-temps.anparavaïit, com-
ment il " "^vîsageraît toutç opposition violente, qu'on
oserai! faire au libre passage 'de ce bâtiment,
I^ r^ation çi-j^ointe ei^ copie contieçt^le détail de
la.&çon âe laç[uelle Içs HoIlAudaîs $e sont permi^ d'in-
sulter 9U pavillon impérial^ ^U lieu de se borner à
mettre çn tout C93 leur prétenài^ droit h cpuvert par
des protestations en forme..
S. Mk Impériale ne peut done envfsager ce &it que
comme une déclaration dç guerre effective de la part
de la République. En conséquence ell^ a déjà rappelé
M., le baron de Reischaçh, qui a été jusqu'ici son mi-
nistre à la Haye y avec oj^*<l^e de quitter la Hollande
sans prendi^ç congé des Etatsi - Généràu]? i Et toutes les
dj^positionç nçcçssaires ont également déjà été faites,
pour qu'il se rassemble sans délai ^ dans les Pays-Bas,
une armée de quatre-vingt mille hommes de troupes
knpériales , que S. AL se propose d'augmenter selon, les
circonstances.
L'empereur se flatte, que ces mesures seront envi-
sagées par toute la partie de l'Europe impartiale, comme-
246 VUL AFF. D. Il, liJBRE NAVI&. D. Ii'£SOAUT,
des suitçâ .naturelles d'une , hostilité aussi manifeste, et
d'un fait, pajr lequd s^, dignité a été si grièvement bles-
sée. Vous voudreii bien. Monsieur, vous expliquer i
l'occasion en, cpna^qupniçii de tout ce (jue dessus.
De leur': côté, les Hollandais se préparèrent à
une défense vigoureuse, et mirent le comte de Mail*
lebois à la tête de leurs troupes (^)«
Qu^t'aûx instruction qu'ils donnèrent à leurs
ministres 4^, les cours, étrangères, elles se trouvent
consig^ées,4a^Q la résolution ci t- après.
'^\ *iiMV\'\ "^ -li .
N»- X.
i
Èa;traiil du regttre det résolutions de LL. tOS. fP. la
Etats '-Généraux; du 3 Novembre 1784.
(Extrait.)
Ouï le rapport etc. il a été trouvé bon et arrêté:
Qu'il sera écrit à tous les ministres de l'état près
des puissances étrangères , et qu'ils seront chargés de
représenter aux cours respectives près descpielles ils
résident, en termes aussi pressans mais aussi décens
qu'il leur sera possible : Qu'après une guerre de quatre-
vingt ans LL. HH. PP. ont conclu le 30 Janvier 1648,
à BÎtunster, avec S. M. Philippe IV, roi d'Espagne, un
traité de paix, par lequel elles ont été déclarées états,
provinces , et pays libres et souverains , sur lesquels loi
Seigneur roi n'avait aucune prétention, ni pour le pré-
sent, ni pour l'avenir, pour lui ou pour ses successeurs
(1) Ce fut le roi de Prusse, FrëdérioII, qui leur avait con»«fl*
lous mains, d'appeler ce genëral à la place de M. de Moellcndorf»
qn^ls lai avaient demande^ et qu'il ne pouvait leur céder sans s^
compromettre*
«Noras li'AUTii. JKT XiA uojjL,.; J5N 1784. 247
et desceùdatis; et qu^enU'c aitti*es pnr rart 14"^, du
ouftme iirailc elles ont stipule èîxpresscmcnt , t^qt^^ PJEs-
„caMÂt 'serait tenu fermé d^i côté de jLL, HH. PP,;*^
Gomme Aiiasi constamment depuis ce temps ladite rivière
a été- e^Tectivement tenue fermée en conséquence par
deux forts, nommés Lillo et Liefkenshoek,' avec assis-
loice d'mi ou de plusieurs bâtimens de garde.
Que durant cet intervalle en. 1702, LL. HH. PP.
ont accédé k l'alliance, conclue le 6 Septembi*e 1701,
entre S. Mi Impériale et Royale, Leopold I et le roi
de la Grande-Bretagne, particulièrement dans la vue,
àm .qn'il est expressément dit dans le susdit traité
d'alliance, ,,de se procurer par là dans, les Pays-Bas
^espagnols (ainsi qu'on les nommait alors) une barrière
^conveiiable pour cet état/^
Que par-là, ainsi qu'il est connu, LL^^HH. PP. ont
été impliquées dans une guerre très.- dispendieuse et
très -ruineuse pour eUes, à la suite de laquelle elles
ont stipulé par le traité de paix avec S. M. Trèso-Cliro-
tienne conclu à Utrccht, le 11 Avril 1713 (Dumont
corps dipL T. VIII. p. 367.) „ qu'en contemplation de
py cette paix la maison d'Autriche entrerait en la posses-
y, don desdits Pays-Bas espagnols, pour en jouir désor-
„mai9 et à toujours pleinement et ]>aisiblement selon
„rordre de succession de ladite maison, aussitôt que
,)LL. HH. PP» seraient convenues avec elle de la ma-
„iiiëre, dont lesdits Pays-Bas espagnols leur 'serviraient
jyde barrière et de sâreté.^-
Qu'en conséquence LL^ HH. PP. ont conclu, ainsi
que S. M. Britannique, le 14 Novembre 1715, avec Tem-
pereur Charles YI, pareil traité de bari*ière, et que les-
dits Pays-Bas ont été effectivement remis à Sadile M.
Impériale et Royale sur ce pied.
Que bien loin de se départir par ce traité en aucune
'àçoa, de la clôture de l'Escaut, expressément stipulée
Pai* le traité de Munster susmentionné, IJu. HH. PP.
248 VUL AFF. D* II. XiIBBE NAYIG. D. Ii'BSCAXTT,
ont au contraire stipulé pour elles par l'art. 17"* dndit
traité, entre autres, pour la conserration du, Bas-Escavt,
la propriété et. souveraineté pleine et entière de quelques
districts. et places y dénommés; et ultérieurement par
Tart. 2&^ (DuMONT corps dipl Tom, VIIL p. 464.),
9, que les navires, marchandises, et denrées, venant de
9,1a Grande-Bretagne et des Provinces -* Unies , et en-
„trant dans les] Pays-Bas' autrichiens, de même que
y^lea navires, marchandises, et denrées, sortant desdits
„ Pays -Bas vers la Grande -«Bretagne et les Provinces*
„ Unies , ne paieraient les droits d'entrée et de sortie^
„que sur le mfime pied qu'on les levait alors, et parti-
„culièrement tels qu'ils avaient été réglés avant la signa**
,,ture du présent traité, selon la réquisition faite au
„ conseil d'état à Bruxelles par les ministres des deux
„puis^nces en date du 6 Novembre 1715 et qu'ainsi
„le tout resterait, continuerait, et subsisterait sur ledit
„pied, sans qu'on y pût faire aucun changement, inno*
„vation, diminution, ou auginentation, sous quelque
„ prétexte que ce pût être, jusqu'à ce qiie S. M. Impé-
„riale et Catholique, S. M, Britannique, et les S^^ Etats-
„ Généraux en conviendraient autrement par un traité
„de commerce à faire le plutôt qu'il se pourrait; de-
„ meurant au reste le commerce et tout ce qui en dé-
„pend entre les sujets de S. M. Impériale et Catlioliqoe
,,dans les Pays-Bas autrichiens, et ceux des Provinces-
„ Unies, en tout et en partie sur le pied établi, et de
„ la manière portée par les articles dudit traité de Munster,
„ lesquels articles venaient d'être confirmés par le pré-
„sent traité."
Que dans la suite il s'est bien élevé quelques dif*-
ficultés sur Texécution du susdit art. 17*^® du traité de
Barrière ; mais qu'il a été conclu à ce sujet entre les
trois puissances contractantes, le 22 Décembre 1718, un^^
convention ultérieure, par laquelle la cession des terre -^
et districts déjà faite pai' le ti*aité de Barrière pour L ^
JSNTaB L'AUTR. ET JLA HOl^Ii.; EN 1784. 249
conaervation du Bas -Escaut, a été spécialement et ex-
pressément confirmée et éclaircie :
' Qu'ensuite y S. M. Impériale Pempereup Cliarl^s VI,
et le roi de la Grande-Bretagne, ont conclu à Vienne
le 16 Mars 1731, im nouveau traité, auquel LL. HH;
ÏP. ont' accédé en 1732 (suppL au corps dipL Tom* lit.
p. 291.) et par lequel l'on est convenu au sujet du
maintien de la Sanction-Pragmatique, et que tout coin-'
merce et navigation, particulièrement enti*e les ,Pays-»Bas
autrichiens et les Indcs-^rientales, cesseraient toujours;
et en^ même temps, „ qu'il serait d'abord nommé par
^lev parties contractantes des commissaires, qui s'assem-
„blei«ient dans^ un délai de deux mois, i compter de
9 la signature de ce traité, à Anvers, pour convenir tant
ffàe oe qui concernait l'exécution entière dudit traité
,ydé'bÂnrière du 17 Novembre 1715, et de la convention
^nhérieure du 22 Décembre 1718, que pour conclure
^on nouveau traité au sujet du tarif pour les Pays-Bas
,^ autrichiens, d'après le sens dudit art. 26"^* du traité
„cle Barrière/^
'Qu'en effet, pour remplir cet engagement (quoique
quelque temps après) il a été nommé des commissaires,
qm ont eu entre eux plusieurs conférences à Anvers,
jiiuqa'i ce qu'elles ont été interrompues par la mort
de l'empereur Charles VI, de glorieuse mémoire, arri-
vée en 1740, les commissaires impériaux n'ayant pas
été pourvus de nouveaux pleins -pouvoirs, quoique les
ounistres de LL. HH. PP. attendissent asses longtemps
pour qu'on les envoyât-
Qne, dans la guerre de succession qui s'ensuivit^
Ui. HH. PP. remplissant les engagemens, qu'elles avaient
pïis pour le maintien de la susdite sanction pragmatique,
<ïxtt assisté la maison d'Autinohe de toutes lcui*s forces;
»WDi qu'il en a résulté pour elles la suite malheureuse,
^J}^ presque toutes leurs places -baiTÎères ont été rui-
250 VIII, AFF. D. JU lilBBE NAVIG. D. L^iSSCAUT,
nées, et que la République elle-même a été entraînée
sur le bord de la ruine.
Que dans la suite, les conférences qui s'étaient ter-
minées sans effet â; Anvers, ont été reprises à Bruxelles,
en. 1751, mais, n'ont eu non plus un meilleur succès;
de sorte que les commissaires de LL, HH. PP. ,' après
y avoir fait un séjour aussi long qu'infructueux, ont
enfin été rappelés , pour attendre que les af&iires prissent
uu tour plus favorable.
Que la suite de tous ces faits a été, que noii-sea-
Icment lesditeis places-barrières n'ont pas été convena-
blement rétablies, à l'exception seule de la ville et.da
cbâteau de Namur, dont la .dépense a été- portée par
LL. HH. PP., mais qu'il a même été mis dans les Pays-
Bas autrichiens, diverses impositions et levé divers dnâbSf
d'une manière directement contraire audit article 26**
du traité de Barrière, jusqu'à ce qu'eïifin, pour ne pis
parler ici de moindres griefs, en Tannée 1781, lorsque
cette République se trouvait malheureusement impliquée
dans une guerre ruineuse avec le royaume de la Grande-
Bretagne, il a plû à S. M. l'Empereur des Romains
actuellement régnant , de démolir entièrement toutes les
fortifications des places-barrières, Namur seul excepté,
et d'exiger que cet état en retirât les troupes qu'il y
tenait en garnison.
Qu'aussitôt qu'il eut été satisfait à ce désir, la même
réquisition a été faite à l'égard de la ville et du châ-
teau de Namur même.
Que la République y ayant encore eu égard, il lui
a été suscité aussitôt diverses querelles, pour avoir fait
usage des environs de ces forts sur le même pied que
cela s'était constamment pratiqué auparavant, spéciale-
ment à régai*d du village et du Polder du Doel, dont
la souveraineté pleine et entière avait été expressément
cédée à LL. HH. PP. dans les termes les plus clairs
SNTHE li'AUTH. £T JLA HOLJL.J EN 1784. 251
par VaxU 47^ , du traité de Barrière et par l'art 1"^ de
la conventioii ultérieure du 22 Décembre 1718.
• * Que S. M. Ivipériale ne s'en tenant pas encore à
ùth^f a^ enauite jugé à propos , au mois de Novembre
1783 9 de se mettre '.elle-même, par voie de fait, .«ans
la.i moindre avis ni. plainte préalable, en possession, entre
•nûrea, du fort de St. Donat, quoi^e ce fort eût. été
cédé par ledit ti*aité de 1715, et par la convention
snbaéquentc, en termes exprès, à LL. HH. PP. en pleine
propriété et souveraineté, et quoique spécialement dans
CQ. momesit même il fût eiFectivement occupé par un
4éudiement de troupes de l'état
. QlKÇ .pour passer sous silence diverses autres in-
JQifticca dt prétentions auxquelles LL. HH. PP. ont ré-
pondu chaque fois avec la plus grande facilité possible,
àr'.faûmcore été exigé de la même manière, au mois
d*â9yjnl dç Tannée épurante, de la part de S. M. Impé*
ijalii, que le nia vire de garde de la République, qui
depnii la conclusion de la paix de Munster, en 1648,
el> «par. conséquent depuis plus de 136 ans, avait cons-
tanument été en station devant Lillo, sans la moindre
contestation! en .fût retiré sur le champ ^ vu, qu'entre
«ntres S, M. prétendait à présent, que le Bas -Escaut
jusqu'à Safiinghen appartenait aussi à sa souveraineté.
Que pour éviter encore toutes entreprises - par
voie de fait, LL. HH. PP. ont préféré de démontrer à
SdditeM. leur, bon droit, pour y temr pareil navire de
garde; mais de -le. retirer, en attendant l'eiFet de cette
démonstration, jusques devant le territoire qui jusqu'a-
IptiS . n'avait pas été contesté à LL. HH. PP., savoir, dé-
viant Saftinghen. Que dans l'intervalle, des commissaires
^ant été nommés par LL. HH. PP.. à la prière et sur
'ea instances de S. M. Impériale, pour terminer tous les
différends qui pouvaient subsister entre elles, il fut
^^mis à ces commissaires , le 4 Mai de Tannée courante,
^^oie pièce intitulée : Tableau des prétentions formées
252 Vin. AFF. V. li. lilBRE KAVIO. B. Ii'jBSCAUT,
de la part de S. M. Impériale à la charge de la Bi^
publique.
Que là* dessus il fut arrêté, par'vësolution de LL
HH. PP. en date du 13 Juillet, et veons immédiatement
au gouyemement des Pays-Baa autrichiens, une "réposse
convenable, où l'on démontra de la façon la plus éTidotte,
I» nouveauté et le peu de fondement notoire de presqae
tontes ces prétentions, et où l'on exposa en même temps
plusieurs contre - prétentions notables-, qoi pouvaient
être formées i très-* juste titre de la part de LL. HE
PP.; le tout néanmoins, en donnant en même temps lu
preuves les plus convaincantes de la oondescendaoee
non-interrompue^ que LL. HH. PP. voulaient contînaer,
autant qu'il leur serait possible, d'observer dans ions
leurs procédés. . . v ) î. •
•'•Que pendant* la durée ïnême de ces négoeiadcos,
et en contravention directe de ce qui avait été exprès*
sèment stipulé par l'art. 6"* du tr£Àé de Vienne?, il i
été conduit dans le port d'Ostcnde, cinq navires reve-
nant des Indes -Orientales, sans qu'il eût même été
montré d'aucune façon queIcon€[ue de la part de S.
M. Impériale, qu'elle formait aussi à cet égard quelques
prétentions, ou qu'elle voulait soutenir quelques r«50DS
à ce sujet.
Qu'ensuite il a été remis le 18 Août, aux ministres
de LL. HH. PP. à Bruxelles, une réplique à ladite ré-
ponse de LL. HH, PP;, pour appuyer ultérieurement
les prétentions de S. M. Impériale^ réplique néanmoins,
dont le mérite peut s'apprécier le plus évidemment pos-
sible par la seconde réponse de LL, HH. PP. en date
du 28 Octobre dernier.
Mais que cinq jours après, savoir le 23 dû même
mois d'Août, et sans laisser ainsi à LL. HIL PP. le
temps nécessaire pour examiner ladite réplique, il fut.
remis, de la part de S. M. Impériale, aux ministres de
LL. HH. PP., un mcmoii^e ultérieur, par lequel, sous-^
!• I.
:9HTRB J^'AUTR. et la HOIili.J EN 1784- 253
les. piMe^fadoQ;s mullipHécs d'amitié et d'afiecdon pour
^ellÇvRépiibfiqaey l'on propose à LL. HH. PP. comme
Mi'tfJto^rd'arrai^emeDl» 1^ remise de plusieurs droits et
pQsaesaioiis de cet état, pur lesquels jusqu'alors il n'a-
qit pas été formé la moindre prétention par qui que
M f6Âj et de plus ^tàuverture de l*Escaut et la libre
navigation aux Indes des ports des Pays Sas aiUri'-
fkiena, en ajoutant, y^que S. M. Impériale ne doutait
yipoint que LL. HH. PP. n'acceptassent avec empresse*
i^iieiit cet arrangement, comme une. marque particu-
^lière de sa bienveillance; çt que de plus elle avait
(^JHgé'i propos de tenir dès-lors la rivière de l'Escaut
j^|KMi3r> ouverte, et de déclarer la navigation sur icelle
nlSbrCy nvec menace, qu'au cas qu'il se fit de la part
ly^ fai Bépublique, quelque insulte au pavillon impé-
^rial^ S; M. le regarderait comme une déclaration de
^gaeme «t comme un. acte d'hostilité formelle. ^^
Que sur cela LL. HH. PP., conformément à leur
rétcdution du 30 Août, en témoignant combien elles
£tHent sensibles aux assurances réitérée^ de l'aiFection
dfe S» M. et de sa bienveillance pour la République,
loi ont fait représenter, (/ci se trouvait inséré tex^
irait de la résolution prise le 30 jioût, voyez A'^* ///.)
Que LL. HH. PP., informées ensuite le 10 Sept.
dt {l'année courante , qu'il avait été déclaré à leurs
ministres à Bruxelles, 99 que le coup de canon qui
Plierait tiré de Lillo sur les navires impériaux qui y
npaaseraient, serait aussi regardé par S. M. comme une
» déclaration de guerre ^S ont encore trouvé bqn (en
^gard que les navires qui passaient Lillo et y devaient
payer des droits, pouvaient aussi y être contraints, en
Cas de besoin, aux autres bureaux ou postes de garde
le la République, et dans la vue de prévenir, s'il était
ENMsible, tout refroidissement ultérieur et ce qui poui^-
K^adt donner le moindre prétexte à commettre des bosti-
^tés de la part des Autrichiens) , de faire sur le champ
254 Vin. APF. D. li. LTBRE KAVIG. D. I#'fiSCATJT,
défense aux lofliciers k Lillo, ^^ d'employer avctae voie
„de fait, dans le cas cpe Ton on l'antre des navires
,9 impériaux qui y passeraient, ne voulût pas se laisser
„ visiter de bon-gré ni payer les droits dus, mais en td
„ca5, d'en donner d'abord connaissance, afin qu*on jk
„ prendre ensuite A cet égard telles mesures ultérieures
„ qu'on jugerait recjuises par les circonstances.^
Que sur ce qu'après cela le 20 Septembre , il fbt
témoigné, de la part de l'empereur, en substance, qu'on
était surpris de la réponse si précipitée de LL. HH. PP.
du 30 Août, par laquelle, à cause de certains préjugés
(ainsi qu'on s'exprimait) ou d'autres raisons, les vnis
intérêts de la République n'avaient pas été convenible-
ment pesés, „et sur ce qu'il fut déclaré en même temps,
„ que l'intention de Sadite M. Impériale était indiibru-
„blement de déclarer la navigation libre et ouverte sur
„rEscaut, dans toute son étendue, et non pas seulement
„sur les eaux auxquelles S. M. avait soutenu par le
„ tableau, remis de sa part, avoir le droit de souverai-
„neté, mais que néanmoins ce point étant réglé dès
„à présent. Ton pourrait entrer en négociation sur le
„ reste" 5 LL. HH. PP. ont cru, pour prévenir tout
mal-entendu, devoir témoigner sans perte de temps,
„que LL. HH. PP. avaient remarqué, que l'ouverture
„ de l'Escaut était considérée, de la part de S. M. [Impé-
„riale, comme un objet d'un intérêt secondaire pour
„ cette République; et que vraisemblablement pour ceue
„ raison, S. M. Impériale avait cru que, sans faire de
„ notre côté aucun sacrifice notable, l'on pourrait arran-
„ger de cette manière et éteindre toutes les prétentions
„que S. M. prétendait avoir à la charge de cet état.
„ Que LL. HH. PP. avaient répondu, qu'elles seules étaient
„à même d'apprécier les vrais intérêts de cette Répu^ —
„bliqiie et de ses citoyens, qu'elles suivaient les idée-^
„de leurs ancêtres, qui avaient toujours regardé la dô- —
„ture de cette rivière comme une des principales* stL —
ENTRE li'AUTR. ET JLA HOIuIi.; EN 1784- 255
„piilationA du traité de Munster; et qu*eii concéqucnce
,, elles ne pouvaient se départir d'un droit qu'elles avaient
9, acquis au prix de tant de sang avec la liberté et
y, l'indépendance de cet état. Enfin que la précipitation
„avec laquelle avait été prise la résolution de LL. HH.
^PP. du 30 Août dernier devait s'attribuer principale*
^ment à leur sincère intention.de prévenir, autant qu'il
9, serait aucunement possible 9 tout refroidissement ulté-»
prieur , et de faire voir à cet effet, aussi promptement
^que possible, à S. M. Impériale, qu'il était impossible
^que les ordres, qui subsistaient du côté de cette
„ République contre la navigation de l'Elscaut, fussent
^ levés, et par conséquent dans la vue de prévenir
„ qu'on ne tentât point le susdit passage, ou du moins
^pour se mettre â l'abri de tout reprocbe k l'égard des
„ suites qui pouvaient en résulter contre l'intention dé-
^darée de S. M. Impériale."
Qu'avec toutes ces précautions cependant l'on n'a
pu prévenir, que le 8 Octobre il ne soit effectivement
venu d'Anvers, sous pavillon, impérial un navire mar-
cband, pourvu d'un ordre par écrit donné le 1 Octobre
à Bruxelles, au capitaine, de la part de S. M. Impériale,
portant, 99 qu'il était destiné & se rendre avec son vais«<
,9Seau et sa cargaison, directement d'Anvers en iner,
9, sans ^e soumettre sur la rivière de l'Escaut , à aucune
„r€chercbe ni visite de la part de quelques vaisseaux
,9 ou bâtimens de cette République qu'il pourrait ren-
„ contrer sur ladite rivière, avec interdiction et défense
,9 expresse de faire aucune déclaration aux douanes de
99 la République sur cette rivière, ou de les reconnahre
„en aucune manière." Et qu'en conséquence ledit bâ-
timent a passé effectivement ladite douane de LL. HH.
PP. à' Lillo, sans s'y laisser visiter , selon l'ordre établi
et constamment observé, bien moins encore, qu'il ait
pris un passeport des marchandises qui y étaient chargées,
ou payé aucuns droits 3 et qu'enfin le même bâtiment,
256 Vin. AFP. D. li. lilBRE NAVIO. D. li'ESCAUT,
après des avis réitérés et des admonidons amicales , a
été arrêté par un des bfttimens de l'état sur le territoire
de cette République.
Que d'abord après la réception de ces infomii-
tions y quoique le capitaine du susdit b&timent marchind
fût notoirement sujet à une procédive, pour avoir pané
la douane à Lillo sans y avoir pris un passeport ^ LL.
HH. PP. ont donné ordre de le relâcher sur le cbamp,
dès que ce capitaine ou commandant du bâtiment susdit
se serait engagé à retourner sans délai ou à ne pu
continuer plus loin son passage par l'Escaut. Abis
qu'en même temps elles s'en sont plaintes de la manière
la plus sérieuse 9 et qu'elles ont représenté. (^Ici étaii
inséré V extrait de la note du 9 Octobre, depuis:
Qu'un acte si ouvert de mépris & ne pas descendre
l'Ëscaut plus avant etc. voyez iV®- VII. )
Qu'en attendant, le 19 du même mois d'Octobre, il
est arrivé de nouveau d'Ostende un autre bâtiment com-
mandé par le capitaine Pittenhoven, et muni pareille-
ment d'un ordre par écrit de la même teneur, de la
part de S. M. Impériale, ,)de ne pas se laisser retenir,'
,,en remontant de la mer TEscaut directement versAn-
„vers, de ne pas souflfrir non plus de recherche ni
,, visite )de la part de quelques navires ou bâtimens de
,,la République, ni de reconnaître aucun .'de ses ba-
rreaux." Qu'ainsi ce bâtiment a été arrêté encore par
les navires de l'état, selon l'ordre établi, mais de la
manière la plus civile qu'il était possible, et qu'ensuite
il a été ordonné aussi par LL. HH. PP. de le relâcher
pour cette fois-ci, comme il avait déjà été [fait à l'égard
du premier bâtiment, et sous le même engagement de
ne pas remonter l'Escaut plus loin; et qu'elles ont re-
nouvelé \q8 plaintes déjà faites, en témoignant, 99qQ'îl
„ était tout- à- fait impossible de respecter de pareils
„ ordres de S. M. Impériale, sur le territorie de LL.
„HH. PP."
SNTRS li'AUTR. ET ZiA HOIili.J JSN 1784. 257
Qu'en effet il eai clair et palpable^ .que quoiqu'il
«n 8oit de la prétendue dureté et de Tobligadon contre
nature, qu'on voudrait bien faire croire qu'il y aurait à
tenir fermée cette partie de l'Escaut , S. M. Impériale,
en tout cas, n'a pas le moindre droit d'exiger actuelle-
ment et dès ce moment l'ouverture de cette rivière,
après qu'elle a été fermée k juste titre depuis plus de
cent trente six ans de la part de LL. HH. PP. , en con-
séquence des stipulations expresses du traité de Munster
de l'an 1648, par lequel cette République a été recon-
nue pour puissance souveraine, et en conformité du
traité de Barrière de l'an 1715, d'après les conditions
duquel ces mêmes Pays-Bas que S. M. Impériale pos-
sède aujourd'bui, ont été remis par LL. HH. PP. à son
prédécesseur, l'empereur Charles YI de glorieuse mé-
moire; bien moins encore que S. M. aurait le droit de
regarder cette rivière comme effectivement ouverte dès-
à-présent, et de se mettre en possession par voie de
fait de la navigation d'icelle, sur -tout pendant qu'on
était en négociation pour un arrangement amical de
toutes les prétentions de S. M. , parmi lesquelles cepen-
dant il n'avait pas setdement été fait mention, de sa
part, de cette navigation de l'Escaut. Que l'on ne dira
pas même ici, qu'on ne pouvait s^attendre que S. M.
en faisant des protestations si multipliées d'amitié et
d'affection pour la République, tiendrait un pareil pro-
cédé envers elle; qu'on ordonnerait en Son nom de
passer le territoire d'une puissance étrangère, tel que
Test l'Escaut- Inférieur depius Lillo, du moins depuis
Saftinghen jusqu'à la mer, appartenant à la souveraineté
de LL. HH. PP.; et qu'on ferait en même temps |la
défense expresse mais inouie, de se conformer sur ce
territoire étranger, et dont la souveraineté n'avait jamais
été contestée jusqu'alors, aux ordres qui doivent s'y
observer par tous et chacun. Et que néanmoins, parce
que LL. HH. /PP. ont fait difficulté de condescendre
U. 17
258 Vin. AFF. D. II. lilBRE NAVIG. D. lé^BSOAVTj
sur le diamp, et d'après le premier ordre de & M., i
un désir aussi extraordinaire, contraire à tons éguè
au bofi sens, i Téqnité naturelle, ainsi qu'au droit dci
gens unÎTersellement reçu, et par ce qu^ainai Vim A
pas révoqué immédiatement, par égard pour les Mli-
mens naviguant sous pavillon impérial, mais qa*on i
exécuté (quoiqu*avec toute la modération et le méM-
gcment possibles) les ordres usités, qui ont Hea dni
ce pays -ci comme dans tous les autres paya, boidéi
par des rivières, à Tégard des étrangers non moins
qn*à regard des habitans du pays : cette difficulté, ùkt
par LL. HH. PP., a servi de prétexte & Sadite M., pour
> rassembler ses troupes de tous côtés dans les Pays-Bas
autricbiens , pour donner ordre à son ministre de re-
venir sans prendre congé, pour rompre les eoiott'
rences de Bruxelles, et pour faire marcher le phiAt
possible (ainsi que LL. HH. PP. en ont été informées i»
bonne part) encore un corps de plus de quarante nûBe
hommes, sans doute avec intention d'attaquer hostile-
ment cet état.
Que LL. HH. PP. veident bien ne. .pas douter que
ces procédés, qui certainement ne sauraient s'accorder
avec la grandeur et la magnanimité si vantées de S. M.
Impériale, doivent s'attribuer aux conseils pervers qu'on
lui aura suggérés. Mais qu'il n*en est pas moins cer-
tain, que tous les efforts, qu'ont fait LL. HH. PP. pour
représenter les choses à S. M. sous leur vrai jour, ont
été infructueux, et que leur patience à souifiîr des in-
justices si multipliées, la condescendance dont elles ont
usé si long- temps et en tant de cas, les égards sans
bornes qu'elles ont manifestés pour S. M. Impériale, et
leur désir sincère de contribuer tout ce qui dépendait
d'elles pour éviter les voies de fait, n'ont absolument
rien effectué, sinon de que multiplier les demandes de
S. M. à la charge de cet état, jusqu'à ce qa'enfin, se
réservant encore toutes ses autres prétentions , elle parah
SMXEB li'AUTR. £T IaA HOI1L.J BN 1764. 259
m être veime au point de ^e persuader, qu'A l'égard
de cette République, elle n'était plus tenue à Tobserva-
don d'aucuns traités ni conventions quelconques; pas
même de ce traité par lequel la République a été recon»
ime pour indépendante, ni de celui, conformément auquel
les Pays-Bas qu'elle possède, ont été remis par LL.
HH. PP. i sa maison; et qu'enfin qu'elle prétend que
lei ordres de S. M. doivent être suivis et respectés
fÊpê la moindre contradiction, sur le territoire incon-
testable de la République.
Qu'ainsi par tous ces faits LL. HH. PP. quoique
ne cessant d'être animées du désir d'éviter de leur
eèlé tonte raison d'ofiense, et de donner à S. M. Lnpé-
lule^ dans les négociations entamées, toute satisfaction
niscmiiable & l'égard de ses prétentions, se verront
ndanmoinii réduites, en cas d'hostilités réelles, à em-
ployer pour la protection de leurs citoyens et babitans
les moyens qu'il a plu au ciel de leur laisser; le tout
dans cette confiance assurée, que la divine providence,
4ont le secours a donné l'existence à cette République
et lui a conservé jusqu'à présent son indépendance,
M permettra point non plus, qu'elle soit ruinée par des
procédés tels qu'on vient de les exposer, et qu'aussi
loidea les autres puissances de l'Europe, celles particu-
fièrement dont les états sont contigus à ceux de S. M.
Impériale, verront encore à temps, par la manière dont
cette République a été traitée, ce qu'elles peuvent at-
tendre pour dles- mêmes des principes que S. M. Im-
périale suit dans le gouvernement de ses états; et que
pour cette raison elles ne se refuseront point à épouser
lî cause de la République, à convaincre S. M. Im-
^^riale de ses torts, et A prévenir toutes hostilités de
•a part.
W. VAN CiTTERS, Président.
S'accorde avec le susdit régitre,
77. FageU
17*
260 VID* AFF. B. li. I.IBRE NAYIG. D. I«'BSCATJT,
bidépèndamment de ces instruptioâs données à
leurs ministres dans les cours étrangères, les États-
Généraux firent encore remettre au comte de Ver-
gennesy ministre secrétaire d'état des affaire» étran-
gères de France, la note ci - après (*). .
N*- XI.
Note que la Etati -^ Généraux Jireni remettre au em^te
de Vergennegf par leur ambauadeur à Paru,
(Extrait.)
Que LL. HH. PP. ont été informées arec certitade p»
M. le comte de Wassenaer, leur envoyé extraordinaire et
ministre plénipotentiaire à la cour de S. M. Impériale et
Royale , que Sadite M. , qui a déjà fait rassembler tontes
ses troupes réparties dans les Pays-Bas autricIiienSy i
de plus trouvé bon d'ordonner à un corps considérable
de plu^ de quarante mille hommes, de se mettre en
marche vers lesdits Pays-Bas, et qu'en effet ils ont
déjà commencé leur marche, non sans doute avec antre
dessein, que de faire ressentir à celte République le
mécontentement, qu'elle a conçu contre elle sans qu'elle
l'ait mérité, et de manifester par-là l'intention positive de
se faire respecter par une si grande supériorité de forces
et de se faire accorder les demandes dures et iniques
qu'elle a formées et étendues sans cesse, pour que la
République renonçât immédiatement aux droits qu'elle
(1) Pour stimuler la coup de France, dît M. Schoell, à s'inttfrec-
ser pour eux, ils firent semblant^ ou ils tentèrent peut- être de
renouer leurs liaisons avec l'Angleterre, qui avaient été rompoet
depuis la guerre d'Amérique. Ils entamèrent quelques n^odadoos
avec le chevalier Harris, ministre de cette cour à la Haye, et
envoyèrent le baron de Lynden â Londres; mais le cabinet britan-
nique déclara vouloir > rester neutre dans ce différend.
. ENTRE li'AUTB. ET liA HOLL.; ENi7B4* 26l
a légitimement acquis par le traité de Munster, ainsi
que son < existence indépendante et sa souy^sfdneté;
droits , sur lesquels avant cette époque , p^ti^onlie, pas
même S. M. Impériale elle-même ou ses augustes prér
décesseurs, n'avaient formé. de prétention du 4cix^âiide
quelconque; et cela d'une façon tout-à-fait arbitraire
et directement contraire à ce qui peut jamais être ac-
cordé par une puissance indépendante : Que LL.: HH.
PP. ayant successivement donné à la cour d^ , Y€gi?{||i)ie&
une ample ouverture de tout ce qui est spécifié à l'é-
gard des prétentions de l'empereur dans le méviç&r^ re-^
mis sous le nom de tableau, et au sujet desquelles la
réplique déjà arrêtée va s'ensuivre incessamment, et ayant
communiqué également à la même cour, lQSi<prét^tions
qui ' ensuite ont particulièrement concerné ropivc^r^ç
denuindée de l'Escaut, n'entreront pas pour Ic^^résçnt
de nouveau en cette matière, mais se borneront umqîic-
ment & donner avis de cette marché avec leï stâtè^ dàHn-
gereoses qui en pourront résulter, la Réptttflilji^^'se'
toyant mise ainsi dans un danger imminent et îdaAaJfim:-?
possibilité absoltie de résister aui^ forces supérieçl^e^^de
S. M. Impériale pu de la détourner de son d^ein san».
le secoors pvompt et efficace de S. M. TrèsrGhrétienne i
Qu'à titre des relations particulières dans lesqiaellés'
elles ont l'bonneur d'être avec S. M. Très-Chrétienne, et
qui vont être resserrées encore, à ce qu'elles espèrent, par
une aHîa^dë pltis étroite, LL. HH. RP. s'assurent* fetmèî-^
nïént) qn'èâès doivent msîster àvectoirt Pempress^ent et
toute l'ardeur possibles, comme l'exige l'unportanéc'de
l'afiaire^ que S« M., convaincue mieux que toute autre puis-
mcCf des p^cédés iniques] et inouis de S.. M. Impériale
et Royale, et de la condescendance sans exemple qu'ont
eue lii. HH. PP., et ayant bien voulu prendre un in-
térêt si direct en l'existence et au bien-être de cet état,
voudra bien.encore venir au secours de cette République
d^uœ manière eflScace et sans perte de temps,, dans l'ex-
262 Vm. AFF. D. II. lilBRE NAYIG. B. Ii^CAITT,
trëmitë où elle est de devoir prendre les armes pour sa
défense; secours , sans lequel cet état ne saurait se ga-
rantir du danger le plus imminent; et que S. M. voudra
bien donner k MM, leurs ambassadeurs^ la conunnmcaticm
nécessaire des arrangemens qui pourront servir A une
si puissante assistance par une prompte opposition aux
desseins de S. M. Impériale et Royale, tandis que LL,
HH. Pï^. mettront de leur côté tout en oeuvre, ainsi
qu'eBiBs s'en occupent déjà effectivement, pour employer
tous les^ moyens qu'il a plu à la divine providence dé
lent Imker, et dont MM. les ambassadeurs ponrront en
tout temps donner ouverture à S. M. Très -Chrétienne.
Dans un conseil qui fut tenu le 7 NoTembre
1784 > le comte de Vergennes, ayant rejprésentéi
qu^én abandonnant les Hollandais dans une cir-
constanœi si critique, on les forcerait de se jeter
entre }es bras de l'Angleterre et qu'on perdrait ainsi
le firuit de toutes les dépenses qu'on ayait faites
peut' les attacher aux intérêts de la France, le roi
fit reniettre la déclaration suivante au comte de
Mercy, ambassadeur de l'empereur àParis(*).
No- xn.
Déclaration de la cour de France, remue au comte de
Mercjf, ambasiadeur de l'empereur à Paru; du 27 As-
vembre 1784.
L'amitié sincère qui attache le roi i l'empereur ^ et
les voeux que S. M. forme pour le maintien de la tranqoil-
(1) M. de Vergennes engagea encore Louis XVI, d'oavrîr mw
correspondance directe avec l'empereur^ pour le disposer â la mo-
dération et a la paix. Cette correspondance eut lieu en effet; et
c'est, dit M. de Flissin, dans son kiêt, de la diplomaiie françaUe,
BNTRB li'AUTR. £T JLA HOLI..; £N 1781* 263
lité publique 9 lui font un devoir de s^cxpliquer sans ré-
serve avec S. M. Impériale sur le différend qui s'est
âevé entre ce monarque et les Provinces-Unies. Le roi
hérite d'autant moins à exprimer sa façon de penser sur
cet important objets que la pureté de ses principes et
de ses intentions ne peut être révoquée en doute. S. M.
en employant, à la demande des deux parties, ses bons
offices pour concilier l'empereur et les Frovinces-Um'es,
l'est abstenue d'articuler aucune opinion sur Je fond des
premières prétentions de & M. Impériale : le roi se
prescrit encore le même silence : mais l'intérêt qu'il
prend i la gloire de l'empereur, l'autorise i lui faire
observer, que ses premières prétentions et la demande
de l'ouverture de l'Escaut, ne sauraient être considérées
aons le même point de vue. Les Hollandais, en résistant
i cette demande, n'ont fait que soutenir un droit qu'ils
exercent sans trouble depuis près d'un siècle et demi,
qui leur est assuré par un traité solemnel, et qu'ils re-
gardent comme le fondement de leur prospérité et même
de leur existence. Il semble résulter de là, que le refus
des Etats -Généraux, qui ne porte que sur un objet de
compensation , ne devrait avoir d'autre effet, que de ra-
mener la négociation entamée & Bruxelles i ceux, énoncés
dans le tableau sommairey et établir une discussion, dont
le véffoltat devait naturellement dépendre des titres res-
pectifr.
Le roi désirerait d'autant plus que cette naarche
Ittt adoptée, qu'elle préviendrait les hostilités, et qu'elle
pourrait conduire â des arrangemens équitables. En
suivant nne marche opposée, il est i craindre que Tem-
ezpHeatitas qu'elle amena insensiblement que Pon doit l'aecom-
■odement anqnel' l'eraperear se prêta , mais après aroir manifeste
numear la pins aigre , pique de ce que le roi , qn'il croyait
dofluner par le crMit de la reine, n'aTait ^ottté en définitif que
ravit de soo coaseiL
264 Vin. AFF. D. li. IiIBRE NAVIG. D. Ii'jBSCAXTT. ,
pereup n'excite une inquiétude générale, et que la plu-
part des puissances ne se croient dans le cas de prendre
les précautions et lès mesures que les évènemens pour-
ront exiger de leur part. Le roi lui-même ne pourra
se dispenser d'assembler des ti'oupes sur les frontières.
D'ailleurs, dans aucune hypothèse, S. M. ne pourrait être
indifférente au sort des Rrovinces-Unies , et les voir at-
taquées à force ouverte dans leurs droits et dans leurs
possessions. S. M. le peut i>ien moins aujourd'hui, qu'elle
est au moment de consommer avec la République une
alliance, dont la base était arrêtée avant les derniers
différends.
Si des considérations aussi importantes peuvent dé-
terminer l'empereur i suspendre toutes démonstratioiis
hostiles, pour n^écouter que la voix de la modération
et de l'humanité,' le roi renouvelle l'offre de son entre-
mise, pour procurer entre S. M. Impériale et les Pro-
vinces-Unies un accommodement juste et convenable.
S. M. s'y prêtera avec d'autant plus de zèle, qu'en sui-
vant les mouvemens de ses sentimens personnels pour
l'empereur, elle aura la satisfaction de concourir i
éteindre dans son principe, le feu d'une guerre dont les
suites seraient incalculables.
L'impératrice de Russie que Joseph II avait sa
captiver, voulant épouser les intérêts de celui-ci,
chargea son ministre à la Haye, M. de Kalitscheff,
de présenter la note ci-après aux États -Généraux.
N«- xm.
Note de M. de Kalitscheff, adressée aux EtaU^ Géné-
raux; du 10 Novembre 1784.
*
Toutes les démarches de l'impératrice, depuis le
commencement de son l'ègne, ayant toujoui*s été diri-
JBNTRE Ii*AUTR. ET liA HOLL.} EN 1784- 265
gées par l'amoar de la paix et de la tranquillité géné-
rale; S. M. Impériale ne saurait voir avec indifTérencc
la situation fôcheuse dans laquelle la République se
trouve de nouveau plongée : elle ne dissimule point à
LL. HH. PP. ses sentimens pour S. M. l'empereur des
Romains 9 son ami et son allié : elle a aussi manifesté
en tant d*occasions, l'intérêt qu^elle n'a jamais discon-
tinué de prendre au bonheui* de la République, que
LL. HH. PP. ne peuvent envisager que comme une
suite de ces dispositions le regret avec lequel S. M.
Impériale a vu tout d'un coup interrompre les négocia-
lions amiables par des voies de fait, qui semblent ne
laisser & l'empereur d'autre parti à suivre, que celui
que loi dicte le soin de sa dignité compromise à la
ùce de toute l'Europe.
L'Impératrice, guidée par la persuasion de faire une
chose agréable à la République, et désirant prévenir
des suites qui pourraient affecter le repos général de
l^nrope, a ordonné au soussigné, d'inviter LL. HH. PP.
de vouloir bien, tandis qu'il en est temps encore, avi-
ser aux moyens que leur sagesse leur suggérera, pour
ouvrir derecbef les voies aux négociations qui viennent
d'être interrompues si malHeureusement, et obvier par-
la 'aux progrès d'une mésintelligence qui menace de
^j^éoérer dans une guerre ouverte.
Les considérations du bien-être de la République,
attaché i la conservation de la paix d'un cêté; et de
Tantre, les sentimens pacifiques que S. M. l'empereur a
toujours fait paraître, et dont il ne se départira qu'à la
dernière extrémité, ne laissent aucun doute à l'Impéra-
trice, que LL. HH. PP., en donnant à ces invitations
dictées par les motifs les plus respectables, le degré
d'attention et d'égard qu'elles méritent, ne prennent une
résolution digne de leur prévoyance, et telle enfin qu'il
266 VIII. AFF. J}. li. lilBRJB KAYIG. D. Ii'ESCAUt,
en puisse résulter un arrangement salutaire et utile aux
deux parties.
k la Haye , le 10 Novembre 1784.
Kalitschbpf.
Voici la résolution que prirent à ce sujet les
États- Généraux.
N«- XIV.
Ex irait de la rêfolution prUe par le9 États^Oénéranx
du 24 Décembre 1784.
Ouï le rapport de M. de Haeften et autres députés
de LL. HH. PP. pour les affaires étrangères, qui en
conséquence de leur résolution commissoriale du 20 de
ce mois, ont examiné conjointement avec quelques dé-
putés du conseil d'état, une note remise k M* van Cit-
ters, président h rassemblée, par M. de Kalitscheff,
envoyé - extraordinaire de S. M. l'Impératrice de Russie,
au nom de sa souveraine, relativement à la situation
actuelle de la RépubL'que concernant ses différends avec
l'empereur, plus amplement insérée dans les régttres i
la date du 20 du même mois, et qui ont pris de plus,
pour autant que l'affaire de l'Escaut y est aussi mêlée,
dans une conférence avec les députés des collèges res-
pectifs d'amirauté, leur avis et leurs considérations i
ce sujet : surquoi délibéré, il a été trouvé bon et ar-
rêté, qu'en réponse à ladite note, il sera communi^
à M. de Kalitscheff , envoyé extraordinaire de S. M. to-
périale de Russie :
Qu'il a été très -agréable à LL. HH. PP. de rece-
voir de nouvelles assurances des sentimens affectionnes
de S. M. pour la prospérité et le bien-être de cette
République, et d'être informées en même temps, de la
part que Sadite M., par un effet de sa magnaainiité,
ENTHK JJaVTR. ET liA HOIiI<.; £N 1784* 267
prend au maintien de la paix : Que, dans cette at-
tente, et en conformité de la résolution de LL. HH.
FP. du 3 Novembre dernier, tout l'état de Taffaire a
été exposé â S. M. , avec prière d'employer son inter-
cessicm prés de l'empereur; que sur -tout après cette
déclaration, LL. HH. PP. ne pouvaient que se pro-
mettre Tefiêt désiré de Tinfluence toute puissante que
S. M. a et doit naturellement avoir sur l'empereur
comme son ami et son allié; et que LL. HH.^ PP. se
flattent particulièrement, que S. M. Impériale de toutes
les Rnssies pourra pleinement convaincre l'empereur du
ménagement, dont LL. HH. PP. en ont usé en toute
oocaaion, relativement aux prétentions successives et tou-
jours croissantes de la cour de Vienne, et sur-tout de
la modération avec laquelle LL. HH. PP. ont fait exé-
cuter les ordres généraux qui ont toujours été usités
dans ce pays, & Tégard des deux navires marchands
auxquels le gouvernement des Pays-Bas autrichiens a
fidt passer les eaux de cette République par voie de
fintf sans reconnaître les bureaux de douane de LL.
HH. PP., sans respecter leurs vaisseaux de guerre, sans
permettre même aucune recherche ni visite, et cela dans
le temps même qu^on était en négociations, pour arran-
ger i l'amiable tous les différends subsistans •• Que la
modéradon de LL. HH. PP. a été telle, que ces navires
marchands non-seulement n'ont pas été traités avec plus
de rigueur qu'auraient dû Tétre ceux de l'état même en
pareil cas et sur -tout en pareilles circonstances, mais
aussi 9 qu'il n'a pas été possible d'exécuter les ordres
avec plus de ménagement; et que LL. HH. PP. n'ont
pu manifester d'une mam'èrc plus convaincante, leur
intention de maintenir, tant à l'égard des navires sus-
dits que de tout autre sans distinction, soit étranger ou
hollandais, leur droit de souveraineté sur le territoire
de la République, sans la moindre insulte k leur pa-
villon.
268 Vin. APF. D. I-. LIBRE NAVIG. D. I-*JBSCAUT,
Qu'ainsi LL. HH, PP. ont clé autant surprises qu'af-
fectées d'éprouver, que pour celte raison S. M. Pem-
pcreur ait trouvé bon de faire rompre tout-à-coup les-
dites négociations amicales à Bruxelles, .et de rappeler
d'ici son ministre sans prendre- congé; de façon q[ae
LL. HH. PP. se sont trouvées dans la nécessité de rap-
peler pareillement leui*s ministres, dont la présence,
par cette démarche de S. M. l'emperenr, était derenae
infructueuse et sans objet dans ses états :
Que néanmoins . LL. HH. PP., ayant toujours été
et étant encore actuellement très -éloignées de youloir
offenser S. M. l'empereur, en quelque manière que ce
soit (ce qu'elles -croient même avoir déclaré assez ouver-
tement à toutçs les puissances de TEurope) sont non-
seulement très -disposées â faire reprendre les négocia-
tions interrompues, mais que même elles se croiront
très-redevables à S. M. l'Impératrice de Russie, au cas
que par sa co- opération puissante et affectionnée, la
paix puisse être conservée, mais d'une façon qui soit
compatible avec les droits et les possessions incontes"
tables de cet état.
Et sera renus extrait de la présente résolution de
LL. HH. PP. à M. de Kalitscheff, envoyé-extraordinaire
de la cour de Russie, avec réquisition d'appuyer de la
manière la plus convenable, le voeu de LL. BH. PP. i
cet égard, près de l'Impératrice, sa souveraine.
N°- XV.
Secmd^ note de M. de Kaltischeff, adressée aux EtaU-
Généraux; du 7 Mars 1785.
La réponse de LL. HH. PP. à la note que le sous-
signé a eu l'honneur de leur remettre le 19 Novembre
dernier, annonçant les dispositions de la République à
s'arranger à l'amiable avec S. M. l'empereur des Romain^
ENTRE L'AUTR. ET I-A HOLI,. J EK 1784- 209
a été d'autant plus agréable à rimpératrice , qu'elle est
instruite de la sincérité , avec laquelle l'empereur se prê-
tera à faciliter ce but salutaire , par des propositions
justes et modérées dont la République a déjà même reçu
les premières ouvertures.
Dana la fei*me espérance donc 9 qu'un accommode-
ment aura lien entre les deux parties , l'Impératrice, gui-
dée par sc$ sentimens naturels d'humanité autant que
par le vif intérêt qu'elle prend à S. M. l'empereur son
ami et son allié, et celui qu'elle a constanmient mani-
festé pour le bien-être de la République, ne peut s'em-
pêcher de renouveler à celle-ci ses instances les -plus
pressantes, de porter sans délai la négociation à des termes^
qtûf en satisfaisant la dignité de S. M. Tempereur, faci-
fitent un arrangement amiable sur ses autres prétentions
à la charge de la République. Les considérations les plus
fortes doivent engager LL. HH. PP. à déférer aux conseils
salutaires de l'Impératrice, dictés uniquement par le dé-
sir de prévenir une guerre dont les suites ne pourraient
être que fâcheuses pour la République.
L'Impératrice, persuadée que la prévoyance et la
sagesse de LL. HH. PP. leur feront envisager ces objets
importans sous le même point de vue, ne doute pas qu'elles
ne s'appliqueront à prendi'e les mesures les plus propres,
pour assurer le succès des négociations qui viennent d'être
si heureusepent reprises.
Kalitscheff.
L'empereur ayant accepté la médiation de la
France (*), des conférences s'ouvrirent à Versailles,
(1) Le prince Kaunitz, dît M. Schobll, dans son hist, des traités^
T. JF"^ p, 75. qui ne craignait rien tant qae la dissolution de l'ai-
liance entre les cours de YersaiUcs et de Tienne, qu'il regardait
comme le chef d'oeavre de sa politique, engagea l'empereur à ac-
œpter la médiation.
270 Vm. AFF. D. li. lilBRB NAVIG. D. Ii'SSCAirT,
le 8 Décembre 1784 > entre le comte de Mercy et
MM. de Berkem*ode et de Brantzen, ministres de
la République.
Malgré les difficultés de toute espèce que pré-
sentait à l'empereur la guerre avec la. République,
il • ne persistait pas moins dans le commencemei^
de ces conférences y dans ses prétentions sur la li-
berté de l'Escaut Ce iut avec peine qu'il céda fina-
lement sur ce point, mais il exigea qu'on lui rendt
Mastricht et un district considérable sur la Meuse.
Comme les États- Généraux se refusèrent positî-
rement à cette cession, et que M. de Vergemies
se déclara pour eux, les négociations allaient âtre
rompues, lorsque le comte de Mercy déclara, an
mois de Février i 785 j que si on donnait à Pempe-
reur une satisfaction éclatante pour P affront fait à
son pavillon sur P Escaut, S. M. Impériale se con-
tenterait d'un léger arrondissement de territoire et
d'une somme d'argent, tant pour ses prétentions,
qu'en réparation des dommages causés par lés inon-
dations. Le comte de Vergennes décida alors les
États -Généraux à envoyer deux députés à l'em-
pereur, chargés de faire des excuses a S. M. sur
ce qui s'était passé.
En conséquence, le comte de Wassenaer-Twi-
ckel, et le baron de Lynden se rendirent à Vienne,
où ils eurent, le 24 Juillet 1785 , leur audience (^).
(1) Le prince de Kannitz, dit encore M. Sgrobll^ qui vr^^
moins de grandeur d'ame que son maître^ reilla soigneusement à
ce que les deux députés ne fussent pas traite's en ministres pl^i'
BKTBB I^'AUTR. ET I«A HOIiL.} EN 1784 271
Voici le discours que le comte de Wassenaer
prononça en cette occasion.
K* XVI.
DUe^mn prononcé par le comte de Wanenaer-Titickelf
à toeeoiion de l'audience tolemnelle que l'empereur
Joêepi II accorda aux députéu dei ElaU-Généraux^
le 24 Juillet 1785.
Sîre,
Nous avons Thonneur d'oflTrir à V. M. Impériajle et
Boyale les sendmens de la haute considération 9 de Tat-
tacÂiement, et dés égards dont LL. HH. PP. ont tou-
jours été pénétrées envers l'auguste maison, particuliè-
rement envers la personne sacrée de Y. M. , et à l'égard
desquels elles n'ont jamais varié. Nous sommes chargés
d'en porter de nouvelles assurances à V. M.; et c'est en
nous acquittant de ce devoir que nous avons l'honneur
de donner à Y. M. pleine certitude :
,,Qne LIi. HH. PP. n'ont pu voir sans émotion et
„sans regrets les commencemens d'un refroidissement
^de cette amitié et de cette heureuse harmonie qui ont
^toujours subsisté entre Y. M. et la République : Que
^LL. HH. PP. n'ont jamais eu la moindre intention
^d*offenser Y. M. Impériale et Royale, ni d'insulter
„son pavillon, puisque dans toute la conduite, que le
^*oours successif des évènemens les a obligées de tenir,
„ elles se sont fait une loi constante d'allier toutes les
„ mesures que leur sûreté, leurs droits incontestables,
et leur dignité les forçaient à suivre, aux égards et à
la considération dus à Y. M. : Que LL. HH. PP. dé-
parent avec la plus vive ardeur, de rétablir au plutôt
99
5»
poteatiairei. Par cette raison, leurs Toitares furent fouillées, et
^ leur confisqua plusieurs effets, comme ^tant de contrebande.
Joteph U en ordonna cependant la restitution.
272 VIIL APF. D. li. IiIBRBNAVIG.D^L'BSCAXTT,
„ cette bonne harmonie, interrompue si malbeurensement^
„et de la voir assurée sur des bases immuables : Que
„LL. HH. PP. n'ont jamais pu former le projet d'en agir
„ envers les sujets de Y. M. que de la même façon et sur
,,le même pied qu'envers les sujets de la République
„même**:
„Que d'après ces sentimens, LL. HH. PP. se flattent,
„que ces assurances si claires, rendront évidente l'impos-
„sibilité de vues offensantes qu^on aurait pu leur prêter
„ injustement, mais que leurs égards pour Y. M. ne leur
,9 permettraient jamais d'admettre.'^
Et c^est en conséquence de ces sentimens. Sire, que
tous les voeux de LL. HH. PP. tendent au retour parfiiit
de la bonne intelligence avec Y. M. Impériale et Royale^
qu^elles espèrent ardemment de voir rétablie par les bons
oiEces et la médiation d'un monarque, qui par les liens
les plus chers, est l'ami et l'allié de Y. M. Impériale et
Royale : — époque heureuse , qui ne pourra jamais ar-
river assez tôt au gré de LL. HH. PP. qui n'ont jamais
varié, et ne vaincront jamais*, sur le haut prix qu'elles,
attachent à Tamitié et à la bienveillance de Y. M. Impé-
riale envers la République.
Réponse de l'empereur.
Je suis charmé que LL. HH. PP., par voti'c dépu*
talion, Messieurs, aient satisfait à ce que j'avais désiré
comme uu préalable à tout accommodement. Je vais
faire passer des ordres à mon ambassadeur à Pai'is, de
reprendre les négociations sous la médiation du roi de
France, mon allié et beau -frère : et je ne doute point
qu'une prompte conclusiou pourra faire éviter tous les
fâcheux évèiiemcns, suite inévitable d'ultérieui's délais.
Ce point préliminaire ayant été ainsi réglé à la
satisfaction de l'empereur, les négociations enta-
mées à Paris, fmrent reprises.
BKTBE li'AITTB. ET liA HOliIi.J EN 1784- 273
Lf'empereur fixa d'abord à quinze millions de
la somme qu'il réclamait; il la réduisit
ensuite à douze, et finalement à dix, dont neuf
et demi devaient être pour lui-même, et un demi
pour dédommager les Brabançons des pertes qu'ils
araient souffertes par les inondations (^).
Les ambassadeurs de la république refusant
toujours leur consentement à ce payement, le comte
Mercy déclara que si le 21 Septembre au plus
tard, .les États-Généraux n'avaient point consenti à
payer cette sônune, il regarderait les négociations
comme rompues et que la guerre commencerait.
A Papproche de ce terme, les plénipotentiaires
hollandais confièrent au comte de Vergennes, que
leurs instructions ne leur permettaient pas d'accor-
der au delà de cinq millions et demi. Le roi de
France, se trouvant dans le cas d'opter entre un
ancien allié avec lequel il était lié par les liens du
sang , et un nouvel allié auquel il était sur le point
de s'attacher plus étroitement, chargea le comte de
Vergennes de déclarer au comte de Mercy, qu'il
payerait la somme que les plénipotentiaires de la ré-
publique ne pouvaient accorder (^). Ce fut en suite
(1) Les Hollandais avaient en soin de mettre soos Peau les en-
virons de leors places fortîliées de la Flandre, afin de les garantir
contra les attaques des Impe'riaox. Les inondations, en embrassant
une grande ëtendne de terrain^ avaient cansë des dommages consi-
dérables aux sujets autrichiens de la Flandre, dont Tempereur de-
manda la réparation.
(2) C'ëtaient 4,500,000 florins, repartis en huit termes de
^62,000 flonns» La France paya eiFectivement les quatre premiers
II. 18
274 VIII. AFF. D. li. lilBRE NAVIG. D. I^'ESCAUT.
de cette déclaration que les préliminaires furent
signés le 20 Septembre, la veille du jour fixé par
Tempereur.
Le traité définitif fut conclu à Fontainebleau,
le 8 Novembre 1785 9 sous Isrmédiation et la ga-
rantie de la France, et signé par le comte deVer-
gennes , au nom du roi comme médiateur ; par le
comte de Mercy d'Argenteau, ambassadeur de l'em-
poreur à la cour de France, pour et au nom de
ce prince; par MM. Mathieu Lestevenon, seigneur
de Berkenrode, et Gérard Brantzen, bourguemaitres
de la ville d'Amheim, en qualité d'ambassadeurs
et plénipotentiaires des États - Généraux.
termes, dont le dernier ëtait échn le 24 Septembre 1787; mais Ion-
qu'en 1788 , le système français fat remplace en Hollande par celai
de rAsgleterre , la France se prt^valut du traite conclnc le 15 AttII
1788, entre cette puissance et les Etats -Génëraux, pour se lous-
traire A roblîgation d'acquitter les quatre derniers termes.
CAUSE NEUVIEME.
Stipture^ entre les cours de Russie et de Suède,
em 17889 à l'occasion du renvoi du comte
RoMumoffshy, ministre de ^impératrice Ca-
tierine II ^ de Stockholm; et discussions qui
«
f élevèrent à la suite de cette rupture ^ entre
le Danemark et la Suède, €m sujet des troupes
ÊmsUiaires que S. M. Danoise, ^ après les
traités avec la Russie, était dans tobligation
de fournir à cette puisscmce.
IjA Russie ayant perdu par la révolution qui se
ft en Suède, en 1772, en faveur de Pautorîté
loyale, l'influence qu'elle y avait exercée jusqu'a-
1«P8, Catherine II tâcha de la regagner, en or-
donnant à ses ministres à la cour de Stockholm,
4insi qu'à des émissaires secrets qu'elle envoya en
Suède, d'exciter le mécontentement de la noblesse,
^ laquelle le roi avait enlevé une grande partie
les prérogatives dont elle s'était emparée après la
Hort de Charles XII.
Quoiqu instruit! de ces intrigues, Gustave III,
sanquant d'argent, et n'ayant pour allié que l'in-
18 *
276 IX. AFF. DU COMTE DE RASOUMOFFSKY^
dolent Lmiis XV, se vît obligé de cacher son res-
sentiment; attendant toutefois une occasion favo-
rable pour éclater (*). La guerre des Turcs dé-
clarée au mois d'Août 1787? occupant la Russie
sur le Dniester et en Crimée, parut favoriser ses
projets. A peine au printemps de 1788, l'impé-
ratrice avait -elle fait équiper à Cronstadt, une
flotte de quinze vaisseaux de ligne, destinée à passer
le Sund, et à se rendre à la Méditerrannée pour
soutenir les opérations militaires dans l'Archipel;
que le roi fit sortir la sienne, le Ç Juin 1788, du
port de Carlscrona, sous le commandement de
son frère, le duc de Sudermanie. En même temps
une flotte de vingt huit galères, qui avait été équipée
avec une promptitude extraordinaire, transporta en
Finlande une armée rassemblée à Stockholm (^).
(1) Le prince Charles de Hesse , dans ses Mémoires sur la cam^
pagne de 1788 en Suède, dit, en parlant da voyage imprévu que
le roi de Suéde fit à Copenhague au commencement de rann<^
1788 : ,,Ce prince, qui depuis sa jeunesse avait été nourri dans
des principes d'inimitié contre le Danemark., sa nation presque r^
pnblicaine étant partagée alors en factions, dont celle, nommée les
bonnets y opposée aux intérêts de la cour, était attachée à la Rus-
sie, â l'Angleterre et au Danemark, déploya à Copenhague tous les
talens de l'éloquence et de la politique^ pour détacher la cour de
Danemark de son ancienne et étroite alliance naturelle avec la
Russie, et pour la porter â s'unir étroitement avec la Suéde."
(2) Déjà le 12 Juillet 1778 le roi renouvella l'alliance qui subsis-
tait, depuis 1739, disait -il, entre la Suède et la Porte, mais qui
par l'art, l®' de la paix d'Abo avait été véritablement annullée.
Par le traité de 1787, le roi s'engagea à attaquer la Russie; et h
Porte promit de lui payer des subsides. Le traité de 1788 n'a
point été publié.
MIN. DJB RUSSIE A STOCKHOIiM ; EN 1788. 277
Ce fut alors que le comte André de Rasou-
moffsly, envoyé extraordinaire de Fimpératrice à
la coiir de Stockholm^ adressa le 18 Juin, la note
çî- après ^ au comte d'Oxenstiema , chancelier du
rojFBume, pour demander une explication sur ces
aniiemen&
N«- I.
Nêie ém comte de Basoumoffiky ^ envoyé eofiraorâinaire
de Bmiie à Stockholm^ adresiée au comte d'tkven-
$iiema^ ckancelier de Suède; du 18 Juin 1788.
}l la suite des objets dont le soussigné , envoyé
extraordinaire et ministre plénipotentiaire de la cour
mpériale de Russie, vient d'entretenir S. Exe. M. le
sénateur comte d'Oxensticma, il a l'honneur de lui en
représenter une récapitulation succincte dans cette note.
Quelle qu'ait été la surprise de Tlmpépatrice, ma sou-
veraine, lorsqu'elle fut informée des arméniens qui se
fàsaient en Suède, S. M. Impériale, ne \ojanl aucun
motif légitime qui ait pu y donner lieu, avait résolu
de gavder le silence, tant que ces mouvemens eussent
été renfermés dans l'intérieur du royaume; mais appre-
nant les motifs aUégués d'ans la communication qui a
«lé faite par M. le sénateur comte d'Oxenstierna, au
numistre de Danemark, et dont celui-ci, par une suite
de cette intimité qui règne entre les deux cours, a fait
fart au soussigné, S. M». Impériale s'est déterminée à
rompre ce silence, et a ordonné au soussigné d'entrer
dans les explications suivantes avec le ministre de S.
li. Suédoise.
Pendant vingt six ans de règne de Tlmpératrice,
elle n'^a cessé de donner des témoignages au roi et à la
nation de Suède, de son désir de cultiver avec elle un
278 DL AFF. BU COMTE DE RASOUHOFFSKT|
bon voisinage et une bonne harmonie ainsi que la der-
nière paix d'Âbo Tavait rétablie entre le^ deux états.
Si au milieu du repos dont son empire jouissait da
côté de ses autres voisins, S. M. Tlmpératrice avait
jamais connu la moindre idée de troubler ou d'altérer
le moins du monde cet ordre des choses; il serait hors
de toute vraisemblance de la lui attribuer au moment
où elle se trouve engagée dans une guerre que loi a
suscitée injustement un ennemi puissant, et à lacpelle
elle ne saurait donner trop d^attention. Provoquée de
cette manière à déployer les moyens qu'elle tient de la
providence, pour repousser l'attaque de son finiy#nmîy elle
a eu soin d'en prévenir amicalement toutes les puis-
sances de la chrétienté; et nommément elle a obaeryé
cette conduite, lorsqu'elle a pris la résolution d'armer
une flotte, pour l'envoyer dans l'Archipel, et le soua-
signé en a, par son ordre, communiqué Fintentioa
au ministre de Suède. Toutes ces dispositions et ces
préparatifs se rapportant visiblement et uniquement à la
circonstance dans laquelle se trouvait la Russie, n^étaient
nullement faits pour alarmer ses autres voisins, qui ne
nourriraient pas quelque dessein caché d'en profiter en
multipliant ses embarras.
En admettant pour un instant, que la cour de Rus-
sie ait supposé de tels desseins à celle de Suède, quel-
ques contraires qu'ils soient à la religion des traités qui
les lient, la saine raison, ainsi que l'intérêt de la pre-
mière, devaient borner toutes ses mesures au soin d'en
prévenir les effets et non de les provoquer : Et en
effet, celles que la prudence dicte, et qui furent adop-
tées sur les bruits qui se répandaient de toutes parts,
des armemens qui se faisaient en Suède, se réduisaient
à un renfort très -modique des troupes russes en Fin-
lande, et à la destination de l'escadre ordinaire qui a
coutume de croiser tous les ans dans la Baltique pour
l'exercice des marins; coutume, à laquelle la Suède
IflN. BE RUSSIE À STOCKHOLM J EN 1788* 279
na jamais porté attention, et qui ne lai a jamais causé
d'ombrage. Cependant les armemens avançaient et se
Knfbrçaient journellement, sans que le comie de NoI-
cken jugeât à propos de s^en ouvrir formellement vis-
i^vis de la cour de St. Pétersbourg; et Iorscj[u'enfin ils
aont parvenus & leur maturité, M. le comte d'Oxcn-
édema, au nom du roi, n'a pas balancé de déclarer au
ministre d'nne cour intimement alliée à la nôtre, et
apposée par conséquent ne devoir pas nous lè cacher,
j^qae ces préparatifs étaient dirigés contre la Russie,
iidans la supposition que la Suède était menacée d'en être
nittaquée.^^
Dans, ces tçrmes, Tlmpératrice ne balance pas non
pins de son^'côté, de faire déclarer par le soussigné, au
ministre de S« M. Suédoise, ainsi qu'à tous ceux de la
nation qui ont quelque part à Tadministration, „que S.
„M. Impériale ne saurait leur donner une preuve plus
usolîde de ses dispositions pacifiques à leur égard, et
„de rinlérét qu'elle prend à la conservation de leur
jytranquillité, qu'yen les assurant sur sa parole Impériale,
nque les intentions contraires qu'on pourrait lui impu-
„tcr, sont destituées de tout fondement; mais que si
„uie assurance aussi formelle, aussi positive, jointe aux
^argnmens simples et convaincans qui se présentent
i,dans ce qui est exposé ci -dessus, n'était pas suflS-
„ santé pour rétablir le calme et la tranquillité, S. M.
^Impériale est résolue d'attendre l'événement, avec cette
„ confiance et cette sécurité que doivent lui inspirer
jyla pureté et l'innocence de ses intentions, ainsi que
„Ibl suffisance des moyens que Dieu lui a mis en mains,
y, et qu'elle n'a jamais employés que pour la gloire de
^9on empire et le bonheur de ses sujets.**'
Stockholm, le 18 Juin 1788.
Le comtb de Rasoumoffsky.
280 IX. AFF. DU COMTE DIS RASOUMOFFSKT,
Comme le roi de Suède regarda Pezpresaioii dont
le comte de Rasoumoffsky s'était servi dans sa note,
en l'adressant à la fois à son ministère et à Um
ceux de la nation qui participaient <m gourer--
nementy comme une offense personnelle ^ et qu'il
accusa à la fois ce ministre d'avoir voulu mettre la
désunion entre le gouvernement et la nation, en rap-
pelant les temps d'anarchie auxquels la révolution
de 1772 avait mis fin, il lui fit signifier de quitter
Stockholm et le royaume. On voulut même le
forcer de s'embarquer sur un yacht suédois qui de-
vait le transporter à Pétersbourg, mais il s*y re-
fusa, et ne quitta la capitale que le 11 Août, pour
se rendre à Lubeck.
Le 23 Juin, peu de jours avant que les minis*
très étrangers prirent congé du roi se rendant à
l'armée en Finlande, S. M. leur fit remettre par
le comte d'Oxenstierna, la note suivante, pour leur
communiquer les griefs qui avaient motivé sa con-
duite envers le ministre de l'Impératrice.
No n.
Note du comte d'Oxenstierna^ adreaée par ordre duroiy
à tous les ministres étrangers résidant à Stockholm;
du 23 Juin 1788 (').
Pendant que le roi, soigneux de maintenir la bonne
harmonie avec tous ses voisins, n^a rien négligé pour la
(1) Cette note est ea quelque sorte individuellement dirigée
contre le comte de Rasoumoil'sky, et n*cst guôrc propre à expU-
MIN. DE HT78SI£ A STOCKHOLM; EN 1788* 281
oilthrer avec la cour de Russie, il n'a pu voir qu'avec
âoimeinent le peu d'effet que ses sentimens ont pro*
chut sur la conduite du ministre de cette puissance;
elle langage qui depuis quelques mois accompagne ses
demarcLes, paraît encore porter l'empreinte du système
de division, que ses prédécesseurs se sont transmis, et
ifCÛB ont tous travaillé à étendre. Le roi chercliait
encore â se faire illusion sur cet objet : il souhaitait de
pouvoir douter des efforts que faisait l'envoyé de Rus-
sie pour ramener la nation suédoise aux erreurs qui
Pivaient séduite pendant le temps de Tanarcliie, et
pour répandre de nouveau dans le sein de l'état, cet
anden esprit de division que le ciel et les soins de S.
IL ont su heureusement éteindre; lorsqu'enfin la cour
de Russie vient de lever, par sa note du 18 Juin, tous
les doutes que le roi aimait encore à conserver à cet
^ard.
X la suite des assurances d'amitié de l'Impératrice
ponr le roi, dont cette note est remplie, ce ministre
n'a pas hésité d'en appeler encore à d'autres qu'au
itù seul; il s'adresse à tous ceux qui ont part à Pad--
winistration, ainsi qu^à la nation même y pour les
«tnrer des sentimens de sa souveraine, et de l'intérêt
fju'clle prend à leur tranquillité. La Suède ne la de-
Tant plus qu'à sa propre union, le roi n'a pu voir
qu'avec la plus grande surprise une déclaration conçue
dans ces termes 9 et n'y reconnaît que trop la politique
et les discours des prédécesseurs de ce ministre, qui,
peu contens de semer la division parmi les sujets de
S. M., auraient encore voulu opposer d'autres autori-
tés au pouvoir légitime, et sapper les lois fondamen-
tales de l'état, en appellant au secours de leurs asser-
qaer les objets da mëcontentement qne Gustave III avait contre
l'Impératrice.
282 IX. AFF. BU COMTE BE RASOUMOFFSKY,
lions des témoins qvte la forme du gouYemement ne
peut reconnaître.
S. M. cliercherait vainement à concilier les assu-
rances d^amitié de l'Impératrice de Russie d'un côté
et Tinterpellation des Suédois de l'autre. Chaîné de
déclarer les sentimens de ses maîtres, tout ministre ne
doit, ni ne peut les annoncer qu'au souverain seul, aapris
duquel il est accrédité; toute autre autorité lui est
étrangère, tout autre témoin lui devient superflu* Tdie
est la loi, tel est l'usage constant de tous les cabinet!
de l'Europe: et cette règle n'a jamais cessé d'être ob-
servée, k moins que par des insinuations* captieuses
on n'ait pour but, comme autrefois en Suède, de
brouiller les cboses, de tout confondre et d'y relever
de nouveau la barrière qui séparait jadis la nation et le
souverain.
Blessé de cette manière par l'endroit le plus sen-
sible à sa gloire, et n'apperccvant plus cbcz le comte
de Rasoumoffsky le langage d'un ministre, cbargé jus-
qu'à présent d'annoncer les sentimens amicaux de l'Im-
pératrice; mais ne pouvant non plus se figurer que des
expressions aussi contraires aux lois fondamentales de
la Suède, et qui, en séparant le roi et Tétat rendraient
tout sujet coupable, lui aient été prescrites, le roi aime
mieux les attribuer aux sentimens particuliers du mi-
nistre de Russie, qu'il a osé manifester, qu'aux ordres
de sa cour. Cependant après ce qui vient de se pas-
ser, après les déclarations aussi contraires au bonhenr
du royaume qu'aux lois et aux égards dûs au roi, S. M
n'est plus en état de reconnaître le comte de Rasou-
moffsky dans la qualité de ministre, et se voit obïgée
d'exiger son départ de la Suède, en confiant à son
ministre à la cour de Russie^ la réponse aux autres
points de la note qui vient d'elrc communiquée.
MUï. Ds Bjjasa À STOCKHOLM: BN 1788- 283
Il n'a fallu qu'une attaque aussi directe à la gloire
du roi 9 de la part du comte de Rasoumoffsky , pour se
teerminer à demander de se séparer de quelqu'un qu'il
I lionoré de sa bonté particulière; mais, se voyant &
regret réduite à cette nécessité, S. M., par une suite
le son ancienne bienveillance, a cherché â diminuer ce
giie le inoment avait de désagréable, par les soins qu'elle
fHsm de prendre pour le départ du comte de Rasou-
tnoBskjj et par les attentions qu'on aura à l'égard du
UfOips et de sa commodité dans le voyage et trajet pour
S|k Pétersbonrg.
S; M. voulant que le corps diplomatique fût in-
finln^ de ce qui vient d'être exposé ci-dessus, le séna-
tenr comte d'Oxenstierna a l'honneur d'en faire part
fù son ordre.
X Stockholm, le 23 Juin 1788.
Le comte d'Oxenstierna.
Le roi ne reconnaissant plus, d'après cette dé-
daratUm, le comte de RasoumoflPsky en sa qualité
de ministre , envoya à son ambassadeur à Péters-
kmrg, le baron de Nolcken, la réponse à la note
dn 18 Juin, pour être remise par lui au ministère
de Russie. Mais déjà le 27 Juin, dans un grand
conseil qui fut tenu à Czarko-Zelo, il avait été
résolu de réciproquer les procédés de la cour de
Saède, et de ne plus reconnaître, dès -à -présent,
la qualité d'ambassadeur dans la personne de M.
dé Nolcken. Ce ne fut toutefois , que le 4 Juillet,
que cette résolution fut mise en exécution ; le public
en fut instruit par l'article ci -après, inséré dans
la gazette de Pétersbourg, du 12 Juillet.
284 IX. AFF. BU COMT£ D£ KASOUMOFFSKT,
N«- m.
Article imérê dam la gazette de Pêtenbowrg; A \i
12 Juillet 1788.
La cour n*a pas appris sans étonnement, qu'une iwte
que son ministre à Stockholm avait remise le 18 Jnin 1
la cour de Suède, pour s'éclaircir sur les annemens in-
attendus de cette puissance, ait pu servir de préteUe
à celle-ci, pour déclarer au comte de IUsounudM[y
qu'elle ne pouvait plus le reconnaître dans son caractère
public. Cependant ne pouvant pas être indifférente 1
im procédé si imprévu, M. de Koch, premier officier
des bureaux du vice -chancelier comte Ostermann, a'eit
rendu le 4 Juillet, dans l'absence du maître des céré-
monies, chez le baron de Nolcken, envoyé de Suède i
St. Pétersbourg, et lui a déclaré:
„Que S. M. l'Impératrice avait été extrêmement
„ surprise du message fait à son ministre à Stockholm;
„ qu'en conséquence et par réciprocité S. M. Impériale
„lui faisait savoir, que ses ministres ne traiteraient plus
„avcc lui dans son caractère public, et qu'il eut à qnit-
,,ter dans la huitaine l'empire de Russie, les ordres
„ ayant été donnés pour lui faciliter le voyage.
u
Le vice -chancelier refusa en conséquence de
recevoir des mains du ministre de Suède, la note
ci -après, qui lui fut remise par le secrétaire de
légation, M. de Schlaff.
MIN. DE RUSSIE À STOCKHOLM; EN 1788- 285
NO- IV.
Jfote de la cQur de Suèdes remise au vice-' chancelier
de Musiiej comte d'Ostermanuj par M. de Schlaff,
secrétaire de légation du roi; du 1 Juillet 1788 (^).
•
, Le roi a pendant dix -sept ans de règne, donné
trop de preuves de son amour pour la paix, et du soin
ayec lequel S. M. a taché de maintenir la bonne har-
monie avec ses voisins, pour que le roi croie néces-
aaire de justifier des sentimens aussi connus, et que
tant d'années de repos et de tranquillité ont justifiés aux
yeux de l'univers enrîer. Le roi a surtout mis tous ses
^flK>rt8 à maintenir la paix avec la Russie, que S. M.
trouva conservée durant tout le règne du roi, son père ;
Et quoique cette puissance donnât au roi, dès son avè-
nement au trône, les plus justes sujets de mécontente-
ment, par les intrigues réitérées qu'elle se plaisait d'en-
tretenir contre la personne même du roi, comme elle
Pavait déjà fait contre la personne du feu roi, pendant
1^ dernières années du règne de ce prince, S. M. sa-
crifia son juste ressentiment à la tranquillité publique,
et crut que l'Impératrice, égarée par des rapports faux
et exagérés, éclairée par la conduite uniforme du roi,
et ouvrant les yeux sur ses vrais intérêts, rendrait en-
fin justice aux sentimens de S. M. et cesserait enfin de
vouloir porter la division et le trouble dans le sein
d'une nation, réunie par le courage du roi, et qui avait
eu la noble fermeté de briser les liens que ses voisins
étaient occupés à lui donner par le soutien de l'anarchie
(I) L'on remarque dans cette note, comme dans tontes les antres
pièces diplomatiques éckwagées à. l'occasion de cette mptnre entré
la SoMe et la Russie , nn ton de rigueur et d'amertume , qui s'é-
carte des -mënagemens nsitës aujourd'hui en Europe, même entre
des paiaaaiioet enaendei.
286 IX. AFF. DU COMTE DE RASOUMOFFSKT^
et du désordbre. L'époque où la Russie , accablée à^uut
guerre onéreuse ^ longue et flagrante, q[aoique rempfie
de succès, éprouvant les calamités de la disette et de
la peste, déchirée dans son sein par la révolte qui
menaçait jusqu'au trAnemême de Tlmpératrice; où Mot-
cou, tremblant à l'approche du rebelle Pugatschew,
demandait de prompts secours; et où, pour les hn
donner, l'Impératrice, forcée de dégarnir sa frontière!
la laissait ouverte et sans défense, suivit bientôt cdie
où elle ne paraissait occupée que d'ébranler le trftne
du roi. Si S. M. n'eût consulté que les mêmes prin-
cipes qui déterminaient les démarches du cabinet de
St. Pétersbourg, le roi eût pu porter defs coups funestes
à la Russie, et qui eussent pu rejaillir même sur b
personne de l'Impératrice. Loin de se livrer à des
sentimens, qui par tout ce qui avait précédé, eussent
peut-être été excusables, le roi resta dans une parfSdte
tranquillité, et espéra par une conduite aussi pure, de
convaincre l'Impératrice de ses sentimens particuliers et
des principes qu'il s'était prescrit de suivre pendant tout
le cours de son règne.
Non content d'une conduite aussi pacifique, et ne
voulant rien négliger pour arracher jusqu'à la moindre
semence de l'animosité que les succès même du roi pou-
vaient avoir laissée dans l'esprit de l'Impératrice , et en
même temps éteindre toutes les haines nationales qae
tant de guerres avaient allumées, S. M. chercha, par une
connaissance personnelle, à convaincre Ilmpératrice de
son amitié et de son désir de maintenir la paix et la
bonne harmonie entre ses états et les siens. Le roi aime-
rait à s'arrêter à cette époque, dont le souvenir encore
cher à son coeur lui rappelle la douce et trompeuse
illusion dont il fut pendant longtemps ébloui , et pendant
laquelle il croyait pouvoir regarder l'Impératrice comme
son amie personnelle, si les circonstances qui se sont
depuis développées, lui permettaient de se retracer ces
MIN. DE RUSSIB À STOCKHOIiMJ EN 1788* 287
inomens de son règne. Le roi en appelle à Tlmpéra-
trice elle-même, si S. M. a rien négligé pour lui témoigner
A elle personnellement, et à Tcmpire de Russie, la con-
fiance et les sentimens pacifiques et amicaux qu^il regardait
comme utiles aux deux empires. C'est cependant au milieu
de ces soins, et tandis que le roi ne cessait de compter sur
la constante union qu'il avait si bien établie, que le ministre
de rimpératrice ne cessait, par ses menées sourdes, par
ÊCB propos, par ses actions, de vouloir réveiller cet esprit
& désunion et d'anarchie, que le roi avait eu le bon-
r d^étoufier au commencement de son règne, et qu'a-
lors Fbnpératrice avait fomente et soudoyé avec tant de
aoin : et tandis que le comte de RasoumofFsky tachait
ainsi de troubler l'intérieur de Fétat, et de changer le
sacré caractère d'un ministre de paix en celui d'un per-
torbateur du repos public, il osait prêter au roi dans ses
rapports les desseins les plus hostiles contre la Russie.
Le roi se croit cependant en droit de prétendre, que
les offices repétées de bons offices et de médiation que
S. M. a fait faire par son ministre, pour rétablir la paix
entre la Russie et Tcmpire ottoman, auraient dû convaincre
l'Impératrice des désirs du roi de pacifier les différends,
au lieu de troubler son repos. Mais lorsque le roi ne
peut point connaître les secrets du cabinet de Tlmpéra-
trice, S. M. ne peut aussi juger que par les effets, des
véritables principes qui le guident. Et lorsque le roi a
vu, d'un côté, les menées du ministre de Russie dans son
intérieur, et de l'antre, les préparatifs de l'Impératrice,
surtout les démarches de cette princesse pour semer la dis-
corde entre lui et un de ses voisins (démarche, que S. M.
se reserve dans une autre occasion de révéler), le roi n*a
pu que prendre les précautions que le devoir de sa place,
sa gloire, l'intérêt de l'état et la sûreté de son peuple
exigeaient, et de déployer avec la célérité et l'énergie d'une
grande puissance, toutes les ressources que dix -sept ans
de sa propre administration lui ont procurées.
288 IX. AFF. DU COMTE DE RASOUBCOFFSKT,
C'est dans ces circonstances, et lorsque le roi comptait
s'expliquer définitivement avec l'Impératrice, que le comte
deÂasoumofisky^ mettant le comble & ses démarches of-
fensantes dans une note ministérielle , conçue dans les
termes les plus insidieux, sous les apparences de l'amir
tié, a osé vouloir séparer le roi de la nation, en a ap-
pelé à elle, et sous le spécieux prétexte de l'amitié de
l'Impératrice pour la nation, a voulu rompre les Heni
sacrés qui unissent le roi et ses sujets. S. M. a consulté
ce qu'elle se doit à elle-même, à ses peuples, à la tran*
quiUité publique, et a écarté de sa personne un particiH
lier, qui en abusant du droit des "gensj cessait d'avoir
droit d'en jouir : Et lorsque S. M. en respectant encore en
lui le caractère dont il mésusait, a mis dans la démardie
que le roi devait & sa gloire, tous les inénagemens po»«
sibles, S. M. croit avoir encore donné une dernière preuve
de ses égards pour l'Impératrice, et du respect que le
roi porte au droit des gens.
C'est dans ces circonstances que le roi s'est renda
en Finlande à la tête de son armée, et qu^il demande
une réponse catégorique et définitive, qui décidera de
la paix ou de la guerre : et voici à quelles condidons^
le roi ofire la paix à Tlmpératrice.
1) Que le comte de Rasoumoffsky, ministre' de l'Im-
pératrice, soit puni exemplaii*ement, pour avoir employé
en Suède toute sorte de moyens illicites, à l'efiet de
troubler l'amitié, la confiance et la bonne intelligence:
et ce afin que cet exemple serve à empêcher d'autres
de se mêler jamais dans les afiaires domestiques d'un
royaume indépendant.
2) Que pour dédommagement des frais de la guerre,
S. M. Impériale cède i perpétuité au roi, toute la partie
de la Finlande et de la Carélie avec le gouvernement et
laville deKexhoIn, tels que ces pays ont été abandonnés
à la Russie par les traités de paix de Nystadt et d'Abo,
et que Susterbeck fasse désormais la frontière.
MIN. HB &USSIE À STOCKHOLM; BN 1788* 289
3) Que s. M. Impériale accepte la médiation du roi
de Suède 9 pour effectuer la paix avec la Porte -Otto-
BMJHey et qu'elle autorise le roi à proposer à la Porte,
la cession absolue de pa Crimée et la démarcation des
Baûles conformément au traité de paix de 1774. Qu'au
que le roi ne put engager la Porte à faire la paix à
conditions, il ferait proposer à cette dernière, de
r^er les limites, telles qu'elles étaient avant la guerre
iû 1768. Enfin, que pour sûreté de ces sacrifices, S.
IL Impériale désarmerait sa flotte; qu'elle rappellerait
de la Baltique, les vaisseaux qu'elle y avait envoyés, ainsi
qae aes troupes, des provinces nouvellement conquises;
et qu'elle consentirait à ce que le roi de Suède restât
sena les armes jusqu'à la conclusion de la paix entre
h Bnasie et la Porte.
• I/impératrice répondit à cette note par une
dédaration de guerre du 11 Juillet, qui fut suivie
le 12 Août, d'un manifeste, contenant les motifs
qd Payaient déterminée à cette démarche. Voici
ces deux pièces.
No- V.
DSdaraU&m de S. M. Impériale de toutei les Busnes;
du 30 Juin (11 Juillet) 1788.
(?est i la fin de l'hiver dernier que des armemens
emaidérables par terre et par mer ont commencé à
éclater en Suède. Des bruits sourds, semés à dessein j
circnlaient dans le royaume, comme si la Russie médi-
Bah de l'attaquer. X mesure que ces préparatifs avan-
pdent, et qu'on croyait avoir fait des progrès sur la
Brédnlité de quelques esprits nationaux, le cabinet de
Stockholm a commencé à étendre des insinuations du
nème genre jusqu'aux cours étrangères. L'impératrice
II. 19
290 IX. AFP. DU COMTJ5 DE RASOUMOFPSKY,
avait la satisfaction d'apprendre, que ces insiniiatioiis
ont manqué partout leur but. En effet ^ ces court MUl
trop éclairées pour croire que la Russie, ayant pendant
une si longue suite de .temps suivi un système con»-
tament pacifique à l'égard de la Suède, choisit , pour
s'en écarter, le moment où elle était occupée d'ime fi
gueiTC aussi sérieuse que celle que la Porte* Ottomane |i
lui avait suscitée.
Cependant l'impératrice , attentive i font ce qui m
passait dans un voisinage aussi immédiat de ses étati,
crut, sur les avis qui lui en sont parvenus, ne devoir
pas négliger quelques mesures de précaution ; mais là
m£me, voulant éviter tout ce qui pouvait donner de
l'ombrage et exciter qiielqu*alarme , elle se contenta de
faire passer en Finlande un renfort léger de troopci,
et d'établir dans cette province des magasins proportion-
nés à leur nombre , et indispensablcment nécessairet k
leur subsistance. Ensuite se reposant sur la religion da
ti'aité de paix perpétuelle toujours subsistant entre l'ent-
pire de Russie et le royaume de Suède, et ne connaii-
saiit d'ailleurs aucun sujet de discussion ouverte ni ca-
chée entre les deux cours, la correspondance amicale
au contraire continuant toujours entre elles sur Fanden
pied, elle avait sans doute toutes sortes de droits de pen-
ser, que quelque exaltées que puissent être l'ambition,
Tinquictude et Tenvie de sa puissance, les seuls motifi
qui poun*aient pousser le roi de Suède k lui faire la
guerre, elles seraient reprimées ])ar le respect dû â la
bonne foi, qui doit présider aux actions des souverains
encore plus qu'à celles des autres hommes; par l'im-
possibih'té de donner quelque couleur d'équité i l'caeDr
qu'il voudrait faire prendre à ses passions; et enfin pr
un frein également puissant, celui de l'engagement so-
lemnel qu'il a conti*acté vis -â -vis de sa propre nation,
de n'entreprendre aucune guerre sans la rassenrd>]er, la
consulter et obtemr son consentement.
KIN. BB RUSSIE A STOCKHOLM; BN 178& 291
. Bien ne prouve mieux la flécurité que tant de titres
livaië devaient inspirer à S. M. Impériale, que la ré-
aalntion qu'elle adopta, de faire détacher de sa flotte
destinée pour rArchipel, une division composée de trois
Viôaaeauxy qui mirent à la voile au commencement de
ee moié» malgré les avis positifs qu'on avait, que toute
k- flotte suédoise croisait déjà dans la Baltique. Ces
vaisseaux, trois jours après leur sortie du port de Gron-
ÉÊaàtf la rencontrèrent en effet à la hauteur de Ttle Dago.
Une frégate s'en détaelia et vint aborder le vaisseau du
fiée -amiral van Ddssen, qui conduisait cette petite
escadre. Le commandant de la frégate suédoise annonça
an vice -amiral la présence du duc de Sudermam'e,
frère da roi, à bord de la flotte suédoise, et demanda
le talnt Le vice-amiral répondit ; que par l'article l?""*
dn traité d'Abo, le salut ne devait pas avoir lieu entre
Ict vaisseaux russes et suédois, mais que, respectant dans
la personne du duc de Sudermanie le cousin -germain
de rimpératrice et le frère du roi de Suède, il ne fe-
rait pas diflSculté de rendre à ces titres tous les hon-
nenra qui leur étaient dûs.
n fit tirer treize coups de canon, et envoya un offi-
i bord du vaisseau que montait le duc de Suder-
ie^ pour le complimenter et pour lui annoncer en
■éme temps, que c'était uniquement & sa personne
gu s'adressaient ces honneurs qui venaient de lui être
pendus.
La réponse du duc de Sudermanie fut : que quoi-
jpfû n'ignorAt pas la teneur de la convention faite entre
b Suède et la Russie, à Tégard du salut, il n'acceptait
m» moins celui qui venait d'être fait, comme apparte-
lant an pavillon de Suède, attendu, qu'il avait les or-
bres les plus précis du roi son frère, de faire respecter
m pavillon partout et en toute occasion.
Déjà rimpératrice se disposait à faire porter des
laintes à la cour de Stockholm, contre l'injustice et
19*
292 IX. AFP. nu COMTE DE KASOtrMOPFSKY,
l'irrégiilarïté de ce procédé, lorscpi'elle reçut la nouvelle
encore moius attendue, tlii renvoi de son ministre de
la cour et des états de S, M. Suédoise. Les pi'étendues
raisons de celle démareKe sont exposées dans la décla-
ration qne ce prince fit remettre aux ministres accré-
dités auprès de lui de la part des autres puissanset.
Ces raisons ne sout point (ailes pour en imposer même
anx moins clairvoyans, et par conséquent elles ne seront
point combaltnes; mais on ne peut s'empêclier d'obser-
Tcr, que c'est le premier exemple d'un souverain, irai
s'offense de ce qu'un autre souverain l'assure conjointe-
ment avec ses états, de ses sentimens paciiicpies et bien-
veîllans à leur é^ard.
Cependant l'impératrice, fermement résolue de per-
sister jusqu'au bout dans les principes de modération
qu'elle s'était prescrits, borna son rtissentiment de ce
procédé, à la réciprocité dont elle était naturellcmnit
autorisée d'user à l'égard du ministre du roi de Soide,
Elle lui fit signifier de quitter sa cour et ses états, dans
le même espace de temps, qui a été fixé à son ministre
à Slockbolm. La seule diU'érence qu'il y eût dans cette
dùmarcbc, consiste, en ce que tonte inculpation fausse
et insidieuse cti fut écartée: et cette différence a'esi
établie d'elle-même, par le bon droit qui accompgnc
la cause de l'impératrice, et la mauvaise foi qui agnidé
loulc la conduite du roi de Suède,
Malgré ces scènes , qui faisaient présager un écl«l
inévitable, l'impératrice se plaisait encore Anonrtnrl'cs- /
poir, que des explications amicales que le roi de Snidt
avait annoncées biî-même dans ses ouvertures aux puif' "
sancGS étrangères, parvi end l'aient à conserver la Iwnrf V
harmonie et le bon voisinage, qu'aucune raison ni in- J*
térêt d'état, de ]>art ni d'antre, n'excïtait à ro
Mais cet espoir lui est tout-à-coup ravi : elle apprcniJ
que dans la nuit du 21 an 22 de ce mois, les Ironp"^
du roi de Suède, s'étaot brusquement jelées sur h
iriK. J» HUSaiE À STOCKHOIiM ; £K 17â& 293
frràti&rea^de Rusaiey en ont enlevé quel<|ues bureaux de
doiianë, ont pénétré dans les fauxbourgs de Ifieslot» et
entouVeit le siège de son cliateau.
' ■ CS^ete par un tissu de procédés, violens, dont il n'y
en « aucun qniiii'enfreigne les droits les plus généra-
lenent mçuÂ-t parmi les. nations civilisées , que le roi de
Suède^'Sanft avoir articulé le moindre grief contre 1^
Rossiey est enfin parvenu de poUsser à bout' la modéra-^
iom dje-rômpératrice, et de la contraindrq i recourir
ètFimiqae ^Vaie- qui lui i*este,vcdle de repousser la force
jàr^ht^tAr€k,\ C-es\ à regret' quelle, vient d'en adresser
lêi ctrdreai. aux commandans de se& forces de. terre et
dé meiv En faisant part de cette résolution , ainsi que
dfcftBMftîfs qui Pont provoquée^ à toutes les puissances
«nesy ;elle proteste devunt elles, que le. roi de Suède
est aeid responsable devant Dieu, devant- Icf BcuNide e£
ta propre nation, de tousjes maux dont: ^n (unbition
et I son injustice ' vont ouvrii: la . sourde.
• Se. PétËTsbourg, le 30 Juin 178a. :
■ > • I
-■;....,• • • - - ..•,••.;:.•
' >#■ Il #^l.i
Mimf^Mi& iè Nny^ératrice de Russie j au sujet de ta
-p^erfe àvèe la Suède; du 30 Juin (11 Juillet) 1788.
,■■•«■
■ ■.■•'■
• '.Noua- Catberine, par la grâce de Dieu, Impératrice
et Autocratrice de toutes les Russies., à tous nos
.' . fid^ks sujets savoir faisons :
I Les stipulations, mutuellement eonfûrraées par les
Inhiés de paix perpétuelle conclus à Njcstadt et à Abo,.-
ÉS(|ntîaBiâi8 été violées de notre part. En vertu de la
iedeor de ce dernier traité, notre (mdc, Adolphe-Fré-
iènCf duc de Holstein, parvint au trône de Suède; et
|tr conséquent son fils et notre cousin, Gustave III,
«stnellement régnant, reçut son héritage par cette même
interposition efficace de ta Russie, si constamment zélée
pour le bien de la maison de Holstein.
294 IXt AFF. BU COMTE DB BASOTTKOFFSX.T,
Les liens da sang et les sentimens de la reconnais-
sance établissaient ainsi d'autant plus solidement l'amitié
et l'harmonie d'un bon voisinage de la part de la cou-
ronne de Suéde, envers notre empire. Qui donc ne
doit considéra? avec étonnement l'artifice, la violence
et le manque de bonne foi, qui, au mépris de toutei
les obUgations naturelleji et nationales, accompagnent les
entreprises insidieuses du roi de Suède envers la Bas-
sic? n faut rajouter, pour manifester ' davantage nos
inclinations pacifiques. Lorsque ce prince renversa d*mis
manière violente la forme du gouvernement de la Sai4e^
sur laquelle se fondaient le pouvoir du sénat et la B-»
berté du peuple, et qu'il s'empara ainsi du pooroir
absolu^ nous ne flihes pas valoir, pour le prisent, b
droit que nous avions de nous y opposer,' quoiqae
les stipulations du traité de paix de Nystadt, oonfirméei
dans toute ' leur étendue par la dernière paix d'Abo,
fussent par -là manifestement violées. Ce pripcédé de
notre part, se fondait sur l'attente, que cet événement
n'ébranlerait point le bien-être de la Suéde, ni ne pour-
rait avoir des efiets préjudiciables pour le repos des
voisins. Cependant peu après, nous découvrîmes l'envie
entreprenante qu'avait le roi, de troubler la tranquillité
du nord; car tantôt il s^adressait à nous, tantôt â h
cour de' Danemark , pour proposer à chacune en parti-
culier et dans le secret, une alliance, uniquement dam
la vue de rendre illusoire celle qui subsistait entre lc«
deux états. Nous ne fîmes & cette tentative d'autre ac-
cueil, que de répondre brièvement^ 99 que nous nou
,9 montrerions prêtes à entrer dans toute alliance qm
,, n'aurait pas pour but de troubler le repos du Nord.^
La mauvaise réussite de ce projet, n'arrêta pas néan-
moins un prince, consumé par un ardent désir d'exci-
ter des querelles. La guerre qui éclata entre nous el^
les Turcs, ouvrit une libre carrière à ses injustes des-
seins. Lorsque pour seconder nos armées de terre
MIN. DB HU8ai£ À SXOCKHOIiM ; £N 1788- 395
imtre l'ennemi du nom chrétien, nous fimes équi-
er notre flotte pour l'envoyer dans la Méditerranée,
t qne nous commoniquâmes de bonne heure cette in*
aition que nous avions, à ]a cour de Stockholm, comme
tontes les autres cours de l'Europe, il commença k
ire répandre sous main, d'abord' hors de son royaume,
L i faire seimer ensuite dans la Suède même, des bruits
mrds et clandestins, comme si nos armemens étaient
Bstinéa contre elle. Par cette fiction il chercha à en
iqpoaer à Topinion du peuple suédois « et à justifier les
MBmfiTis qu'il commença alors de faire de son côté,
liniiie entrepris pour sa prétendue défense. Personne
IjgiMytait le véritable objet de nos armemens maritimes :
I» nne seule cour n'ajouta. foi & cette calomnie, â la*
ioUe Ton en ajouta encore une seconde, non-seule-
(Bkit contre des cours qui vivent avec nous eu bonne
taffigence, mais mÊme contre notre alUée, la cou-
nne de Danemark, comme si elle voulait appuyer
iM en même-temps que d'autres, les entreprises du
d de Suède.
Pour réfuter aux yeux de l'univers entier, les vues
le le roi nous attribuait faussement, comme si nous
des desseins préjudiciables sur son royaume; -^
y qu'il était impossible d'accorder avec les sen-
meiis d'amitié pour la Suède, que nous avions si sou-
BÉt manifestés de notre côté par des faits, entre autres,
iiaj[^roviaonnant ce royaume de grains, dans un temps
oSlfâait «ffligé de la disette, et en afiranchissant uni-
jMBient pour son avantage, de tous droits de douane,
i^xnnmerce des vivres sur les frontières; — pour rér
Mér ces vues supposées, il suffit de rappeler, que,
reposant principalement sur la sainteté des enga-
qui liaient ce roi, notre voisin, et n'ayant pas
I Buxindre soupçon d'une pareille démarche de sa part,
ans le moment que nous devions employer nos armes
outre lesTurcSy qui avaient perfidement rompu la paix
i
296 IX. AFF. BU COMTE DE &ASOI7MOFFSKY9
nous n'avions pourvu nos frontières de ce cAté-Il ni de
troupes ni de munitions de guerre, en telle quantité
que Tauraient exigé des desseins hostiles , au cas qne
nous en eussions eu réellement.
C'est ainsi que nous demeurâmes constamment dans
les mêmes sentimens d'amibe, lorsque le roi de Suède
fit connaître pour la première fois ses intentions hosdbii
en envoyant' sa flotte dans la Baltique. Ait commenoflh
ment de ce 'mois (de Juin) tandis que trois -de nos vus*
seaux de guerre, qui avaient été détachés de notve escudre
destinée pour la Méditerrœtiée, faisaient vôilc à la hantsnr
de 111e de Dago,' une frégate de la flotte suédoise ?nit
en joindre un^ que montait le vice -amiral de Deinca
et exigea le salut, isous prétexte qne sur cette flotte se
trouvait -le frère .du roi, le duc de Sudermanie.- Notre
vice -amiral se référa i l'article ±7^ du traité d'AbOi
où il est stipulé, 5, qu'il ne se fera point >- de- aalut entre
,,les vaisseaux des deux nations ;'^^ et il ne promit eeUe
marque d'honneù que sur le pied d'-un témoigasge
d'égard rendu, non au pavillon de Suède, mais mûre-
ment comme appartenant àU' duc de Sudermanie, en
qualité de notre cousin et de frère du roi. En consé-
quence il fit tirer treize coups ; et il envoya à ce prinee
un officier, pour lui en faire la notification f mais cdoi-
ci reçut pour réponse sur son message, „ qu'à la vérité
„le prince connaissait ces stipulations qui subsistaient entre
„Ia Russie et la Suède; mais qu'il avait ordre du roiy
„ d'exiger dans toutes les occasions, cette naalrqkie- de
„ respect qui appartenait à son pavillon. ^^ Noosn'avioDi
pas encofre eu le temps de demander une explication
sur ce procédé, qtii blessait la dignité de notre pafviHo%
et qu'on ne pouvait considérev que comme une pro?^
cation & la guerre, lorsque nous reçûmes un second
avis, que le -roi de Suède avait fait signifier an comte
Rasotunofisky, qui résidait avec le caractère de notre
envoyé à la cour de Suède, qu'il eut à quitt» sa conr
KXN^JDE fiUSaiB À STOCXHOIiM; EN 178S. 297
pour- ^retourner en Russie ; précisément dans le temps
même que notre dit ministre portait au ministère de
Snède, les assurances lés plus positives de notre incli-
naliDn invariable pour entretenir la bonne intelligence
a?cc le roi et son royaume. Â cette expression il donna
Finterprétation forcée et sinistre, qu'elle tendait à le
ai^arer ide la .nation, quoiqu'il n'y ait pas de prince
^nê puisse prendre en mauvaise part, qu*on exprime
des sentimens de bienveillance pour Itii, et .en même
tiaffe pour ses sujets.- Cependant encore dans ce cas
Kons pouvions espérer, qu'en suite de cette démarcbè,
JHttitée ft la Vérité, le roi s^expliquérait avec nous, et
qu'ainsi il. donnerait occasion à deséclairciasemensrpar
ïâêqutls ron aurait pu arrêter les bostiUtés qui allaient
édaterw Mais au lieu de cela, nous reçûmes immédia-
lement de nos frontières de la Finlande Tavis, que des
troupes suédoises venaient de les passer; qu'elles avaient
«g^^y^ un de nos b.nreaux d^ douane sans, défeo^; .qu'elles
a^eitt tué à. coups de fusil .un officier et deux soldats,
^pi, ne soupçonnant rien dliostile, naviguaient en pleine
•écniité sur un bateau; et que le 21 Juin (2 Juillet)
éDes étaient entrées par force dans les fauxbourgs de
Nialoti qu'elles avaient hi>stilement bloqué et commencé
àtcanonner le château. . ,
De cette manière^, avant que npqf connaissions en*
Qons le moindre motif de cette guerre, l'on en a fait
B)|l(fÇ|ftiE,tles. effets, aux confins de notre empire d'une
teiière ■_ qui n'^ PfQpi*?: ^^'à ^^^ ■. bai^bar^s ;axîdps. de
iPbigey. et non 4 des nat^ns. éclairées Me l'Europe, qui
^ prennent les anficff qu'après, avoir préalablement
d^flai^é les motifs qui les y détermiifeqt.. En consé-
^^fncp nous aypnç ordonné à notre armée rassemblée
^iffous.jif conduite du général comtq Mussin-PuschLine,
d^aller à l'encontre de Fennemi, qui a fait invasion dans
Dioa états, et & notre flotte, sous les ordres de Tamiral
Greigky. d'agir contre la marine suédoise. Vous tous,
298 IX. AFF. DU COMTE D£ KASOtJMOFFSKY,
nos fidèles sujets, i qui nous faisons part, avec tm
coeur plein de sollicitude, d'une violation si noire de
la bonne foi, réunissez vos prières ardentes & celles qae
nous adressons au Très-Haut, pour que sa bénédietion
toute -puissante, précède nos armées, et que sa justice
dirige ses décrets de façon, que par la défaite d'un
nouvel ennemi, qui a attaqué si injustement la Russie^
quoiqu'elle ne l'cât ofiensé en rien, la valeur des ne-
veux remporte la même gloire avec laquelle leurs an-
cêtres triomphèrent de ce même ennemi pour la défeiue
de leur patrie.
Donné â Czarsko^zelo, le 30 Juin (llJuillet) l'in
de grâce 1788 et de notre règne le vingt- septième.
L'original est signé de la propre main de S. tf.
Impériale.
(L. S.) Gatherinb.
Peu de jours après la cour de Russie fit in-
sérer l'article officiel suivant, dans la gazette de
Pétersbourg (*).
N»- vn.
Article officiel que la cour de Russie Jit insérer dans h
gazette de Pétersbourg; du 18 Juillet 1788.
Le roi de Suède, après avoir rompu par les hdstî-
lîtcs effectives, commencées de son côté, la paix qui
avait subsisté jusqu'ici entre l'empire de Russie et h
couronne de Suède, envoya â la légation qui avait ré-
sidé ici de sa part, une note, pour la remettre au mi-
nistère impérial de Russie. Dans cette note, le rd
allègue plusieurs motifs peu convenables et faux, qnî
(1) M. de Nolcken ëtait parti de Pëtersboarg le léJnîHet
MIN. BB Rvasa A stockhoIiM; bk 1768. 299
niraieiit nécessité & foire des armemens pour une guerre;
il finit par proposer des conditions auxquelles il dé-
m. que la paix soit rétablie. Ces conditions sont les
iyantes.
{^Suivaient ici les conditions qui se trompent por^
èê danë la note du comte (tOxenstierna, du 1 Juillet;
^em le N^ ir.)
On laisse au monde impartial et éclauré â juger de
^vpleur de pareilles propositions. En attendant, par
^TO de S. M. Impériale, il fut signifié par le général
i chef comte d.e Pruce, commandant en cette rési-
;noe, au S. Sdil^fTi qui a fait les fonctions de secré-
gi;e: de la légation suédoise ici, et qui avait remis la
Ij^liie note, qu'il eAt à quitter le plutôt possible, avec
Ole la légation, ainsi que les courriers que sa cour lui
ait envoyés, cette résidence et les frontières de l'em-
re. de Hussie.
•«■■
r Voici la contre-dédaration que le roi de Suède
■dit le 20 Juillet à Helsingfbrs, mais qui ne
it publiée que le 29 Août
N«^- vm.
^Être-'dieImtaÊi9n dm rat de Suède ^ rendue à Heltùêg--
fers, le 29 Août 1788.
T •
*;
[^La première partie de cette contres-déclaration, se
tuve littéralement dans la note suédoise du 1 Juillet,
N^ ly^Jusqu^aux mots „les desseins les plus hostiles
Mre la Russie.^' Le roi ne saurait se résoudre & dévoiler
î-anx yeux de TEurope entière,, les fausses démarches
ixqaelles une partie de ses sujets a été séduite, plus
ir les efibrts que la Russie n'a cessé de faire pour
iossir dans ses projets, que par un esprit de vertige
300 EC. AFF. DU COMTE DE RASOUMOPFSKY,
dont ils étaient efToctivemcnt anhnés. Accoutumée à
regarder son peuple avec des yeux pleîus de tendresse
paternelle, à chérir ses sujets comme ses enfans, S. M.
senl en ce moment comtïen il en coûte à un père de
découvTÎr à un tiers, des fautes qd'il aurait volontiers
ensevelies daus l'oulili : mais comme tien ne maniresic
plus au grand jour, la conduite de- son puissant voisin
et la justice des griefs du roi; comme rinlérêl même
de tous les Suédois exige que l'Eiiropc connaisse Je
malheur dont l'état a été menacé, les complots failî,
même contre la personne du roî , au milieu de l'ahri,
oïl la paix semblait le mettre a cet égard; et le véri-
table fond des procédés que la Russie tenait sous l'ex-
térieur d'une modération apparente; procédés qui ea-
cliaient des vues plus horribles que le fléan d'une guerre
ordinah-e, le roi se voit dans la nécessité de montrer
ici la véi-ite toute' nue et de la mettre dans tout son
jour. L'Euroj)c y reconnaîtra le cours non interrompu
de cette ambition, de ce désir d'aggrandissement , qui
a toujours caractérisé le mim'stère de Russie: Elle recon-
naîtra, seulemenl sous une forme un. peu dillërente, ces
mêmes détours et ces manèges, qui parjagci'eni la Po-
logne il y a seize ans, qui s'assujettirent Ja Crimée, el
qui ont presque fait de la Gouvlaude une dépendutee
de la Russie.
C'est une chose connue depftis plusieurs aanéest
que peu apri^s la paix. d'Abo, la Russie forma le jikn
de séparer la Finlande de la Suède, et sous le préteïlc
pariieulier de rendre ce pays indépendant, d'en faire
dans la réalité une province feudatairc de la Russe,
comme la Courlandc l'est encore en ce jour; Il'eit
triste de penser, que les mots sacrés de liberté et d'»-
dtpendance, ainsi que le nom adoralile d'un Dicu^
miséricorde et de paix, soient prescfuc toujours le «giul
des divisions et du m.Jbeur public : mais telle estiJ«
faiblesse inliéfcnlc à Thumanité, que ce qui derrait-io*^
MTV. DE'HUSSnS A STOCKHOI^AC^ EN 1788. 301
rir au bonheur des hommes n'est que trop souvent la
BUse - des niaux et des usurpations que la guerre en-
tame après elle. Ces projets de la Russie furent & la
rérité étouffés alors dans leur naissance, plus peut-être
par l'attachement des Finlandais à Tégard de la Suède,
bIé par la mémoire aussi douloureuse que fraiche encore,
foe las habitans conservaient dea dévastations que les
ftiiases avaient exercées dans cette province durant la
guerre de Charles XII, et celle de 1741, que par la
oondnite modérée de la Russie. Cependant le cabinet
de Pétersbourg n'abandonna ni ses principes ni ses pro-
jeta; et il saisit la première occasion favorable pour
les mettre à exécution; savoir, la défection d'un officier
de marque, qui avait été honoré pendant plusieurs an-
'de la confiance de son souverain et des départe-
importans dans la Finlande, et qui revêtu d'un
eàmmandement fort étendu dans cette province, avait
pft y gagner la confiance de plusieurs habitans du pays,
mais qui abandonna ensuite le service du roi 5 las aussi,
<dtt service d'une puissance étrangère près laquelle le
rai loi avait procuré une place des plus honorables.
Cet homme passa au service de Russie; et dès -lors les
projets ambitieux de cette puissance se réveillèrent; dès-
lors elle ti^vailla sans relâche, à semer la zizanie et l'es-
prit de révolte dans le grand -duché, et à en cultiver
le germe. Vers la fin de Tannée 1786, un de ses offi-
ciers-généraux parcourut, sous prétexte de voyager, le
temtoire de Finlande, s'occupa à reconnaître tous les
pbstes'., tous les endroits que leur situation exposait à
tme attaque, ou que la nature avait fortifiés; prit des
informations chez les habitans; sonda les esprits, et ne
trahit que trop évidemment, par son grand désir de
tout savoir et par l'ardeur de ses recherches, les vues
secrètes de sa cour.
Si le voyage que l'impératrice fit bientôt après à
Cherson, détourna pendant quelque temps le cabinet
302 CL AFF. DU COMTE DE EASonHOFFSKT,
de Pétersbonrg, de ses efforta pour arracher la Fut'
lande & la Suède x ils furent repris immédiatement aprèi
le retour de cette princesse de son grand voyage, ayee
une double ardeur 5 et les intrigues que son ministre i
Stockholm trama, de concert avec les mouvemens se-
crets du cabinet de Pétersbourg, pour troubler la tran-
quillité publique dans la Finlande, manifestèrent asin
clairement les projets et les vues de la Russie) vnei
directement dirigées contre la personne du roi et le
repos intérieur de la Suède.
La déclaration de guerre que la sublime Porte-
Ottomane fit â la Russie, survint durant ces intrigues et
servit de nouveau motif â cette cour, pour travailler i
forces redoublées, i semer la discorde et le troobb
dans la Suède; royaume, qui était lié avec la Porte-
Ottomane par un ancien traité conclu déjè en 1739 et qm,
ne pouvant renoncer à une alliance, laquelle avait sub-
sisté tant de temps sans interruption en vertu de ce traita
paraissait par U même être à craindre pour les Russen
Cependant malgré cela, le roi a fait tout ce qui
était possible pour convaincre la Russie de ses seaJàr
mens pacifiques, sans oublier néanmoins pour cette rai-
son un aUié avec lequel la Suède est unie par des liens
si formels. Le roi a ofiert, jusqu'à trois fois, sa mé-
diation à la Russie, pour accorder les différons qui s'é-
taient élevés entre cet empire et la Porte; médiation d'au-
tant plus efficace, que l'Europe entière connaît le créilit
et l'influence de la Suède près la Porte, qui a toujonn
duré depuis le long séjour que Charles XII fit dans le>
états de cette dernière.
C^est précisément dans ce moment que le comte
de RasoumoiFsky, mettant le comble à toutes ses dé-
marches offensantes, dans une note ministérielle, con-
çue dans les termes les plus insidieux sous les appa-
rences de Tamitié , a osé vouloir séparer le roi de la
nation; a voulu rompre les liens sacrés qui unissent le
MIN. DE HUSSIB A STOCKHOLM; BN 1788- 303
roi et sea sujets. Rien ne pouvait mieux démasquer les
sentimens. et les projets encore cachés de la Russie, que
cette démarche, et même les façons de parler employées
dans la note susdite. Le roi a communiqué â d'autres
cours liées avec S. M., ou avec lesquelles elle a d'ail-
leurs des relations d'une bonne intelligence plus étroite,
les motifs d'après lesquels elle a agi. En cela le roi
n'a -consulté que ce qu'il devait à lui-même, à ses
peuples, â la tranquilité publique, et a écarté de sa
personne un particulier, qui en abusant du droit des
OenSy cessait d'avoir droit d*en jouir : Et lorsque S. M.,
en respectant encore en lui le caractère dont il se ren-
dait indigne, a mis dans la démarche qu'elle devait â sa
gloire, tous les ménagemens possibles, elle croit avoir
encore donné & cet égard une grande preuve de son
estime pour l'impératrice, et du respect qu'elle porte
au droit des gens.
C'est dans ces circonstances que le roi s'est rendu
en Finlande à la tête de son armée, dans le dessein de
•*éclaircir avec l'impératrice, et de s'assurer du repos
d'une province aussi importante. Le roi espérait d^ob-
temr, par des paroles amicales, la satisfaction qui lui
était due â Tégard d'un ministre qui avait abusé de son
caractère sacré. Le roi espérait de pouvoir porter la
Russie i accepter la médiation de la Suède, et de rem*
pKr par li les engagemcns, dont le royaume est lié
envers la Porte-Ottomane, sans être obligé de se battre
préalablement à cet effet. Enfin le roi espérait de la
justice de l'impératrice, qu'elle l'indeumiserait des fraix
d'un armement, que les circonstances l'avaient obligé à
efiêctner : mais un enchaînement de circonstances im-
prévues, entraiua bientôt la rupture d'une paix, dont la
conservation avait été pendant seize ans, le but de tous
les voeux du roi. Dans cet intervalle, des troupes lé-
gères ruines, attaquèrent les postes avancés des Suédois
près de Savolax : le brigadier qui commandait pour le
304 K. AFF. DU COMTE DE RASOUMOFFSKY,
roi dans ces provinces éloignées, tint la guerre pour
commencée en voyant des hosulilés commises sur la
frontière ; et en vertu des ordres qui lui avaient été
nécessairement donnes dans le cas d'une attaque, il bloqua
le château de liïslot, pour s'assurer d'un poste cpii éiaïl
important pour couvrir ces contrées lointaines contre
les dévastations des lioi'des barbares qui sont au ser-
vice de la Russie ; vu qae ces provinces, dont les limites
ont été reculées par la paix d'Abo , se trouvent entière-
tnent ouvertes et sont absolument bors d'état de se dé-
fendre, sans se rendre maîtres des défilés de la Finluide
russe. L'avis de cet événement parvint À la flotte; m
accéléra l'activité; et une bataille navale que le dttc de
Sudermanie gagna peu après sur des forces supérieure),
décida l'éruption d'une guerre, quelques efforts que le
roi fit pour l'éviter, en rcnouçant mCme dans cette vne,
profiter du moment si irare et si favorable qui s'offiil,
pour s'emparer de sept vaisseaux de guerre russes enve-
loppés pai- la flotte de Suède.
Au milieu de tous ces chagrins, et quoique le roi
ne sache pas encore ce que sont devenus son ministre,
et deux oQicîers envoyés comme courriers à Pétersbourg,
S, M, ne veut cependant pas renoncer à son inclînatiw
pour la paix; mais elle est encore prête à accepter tontei
conditions honorables de paix, qui lui seront offertes dï
la part de l'impératiîce , pourvu seulement qu'on accorde
au roi et qu'on lui donne la certitude de pouvoir pro-
curer une paix sûre et stable à la Porte -Ottomane.
X Helsingfors, le 21 Juillet 1788.
Pour ne point être obligé d'interrompre pins
tard, le fil des négociations qui eurent lieu entre le»
gouvememens de Danemark et de Suède; nous pUr-
cerons ici la note que le baron de Sprengporten,
ministre de Suède à Copenliague, adressa le lOAoùt,
KIK. DS EU88I£ À 8T0CSJSOLM ; £N 1788. 305
m comte de Bemstorff^ ministre des affaires étran*
pbres de S. M. Danoise ^ pour se plaindre des pi-
rateries qne les Russes, disait-il, exerçaient jusque
10U8 les canons de Cronenbourg contre les bâti-
nens marchands suédois.
N«- IX.
■
NétB eu harùn de Sprengiparfen^ aw^oisadeur de S. M.
Suédoiie^ adteuée aU comte de Bermtorff; du 10 Août
1788.
Le soussigné, ambassadeur-extraordinaire de Suède,
^ant reçu 4es rapports des consuls du roi, comme quoi
depuis l'arrivée de l'escadre russe sur la rade d'Hel-
loigoer, il s'y est. établi j^ne sorte de piraterie sous le
canon de Cronenbourg, qui en outrepassant les droits
de la guerre d'une. manière indécente et inouïe, renferme
en même temps la violation la plus manifeste et la plus
lensible du territoire de S. M. Danoise; l'ambassadeur
ae peut s'empécber de réclamer de la justice comme de
la dignité de S« M., qu'elle fasse veiller à l'avenir avec
plus d'exactitude, sur le maintien de ses propres droits,
et de ceux dont elle doit la protection aux sujets com-
merçans de toutes les nations , qui étant en paix avec elle
ddvent s'attendre d'autant plus à jouir chez elle d'une
sûreté parfaite, qu'ils lui en offihent tous les ans une re-
tontiaissance particulière. En méilie temps l'ambassa-
deur a l'honneur de représenter au ministre de S. M.
Danoise, la nécessité de faire instruire au plutôt le pro-
cès, soit par le tribunal de inarine, ou par une com-
mission particulière, à l'égard des prises suédoises qui
ont déji été faites et amenées ici; nécessité d'autant plus
ux|;ente, que le traitement qu'on apprend être fait aux
équipages suédois à bord des vaisseaux de guerre russes,
soHirite leur délivrance avec tm intérêt qu'on n^aurait
n. 20
I
306 K. AFF. DU COMTE DE IIA80UM0F7SKT,
flf
pas cru être dans le cas de plaider dans un sièdi^
dont rhumanité fait le plus beau caractère» L'amba»
deur, connaissant Texactitudc avec laquelle dans kstti- 1 (
bunaux de S* M. Danoise on soutient les titres et non
les protections des partis , est fort éloigné de rien de-
mander au delà de la plus parfaite justice. Qu'on en-
mine les faits avec leurs circonstances, que les ténumu
soient entendus; qu'on rapproche ces dispositions de h
loi générale du droit des gens (à laquelle les puissaiml
du Nord ont donné uHe sanction plus pairticuli&re iuâ
leur convention de Tlsinnée 1780) des lois partîciiliireii
qui sont en vigueur dans les états de S. M. DanmN^
et de ce droit coûtumier enfih qui n'est pas moins Sàoii
parceque toutes les nations j appellent mutuellement; et
les sujets du roi de Suède obtiendront, ce qu'oti oie
réclamer pouf eux, de nouvelles preuves de cette éqnité»
dont l'échange est devenu Theureuse habitude des den
nations, et dont Inobservation la plus sci^upulense eit
toujours si essentielle «^itre des natiohs voisines. En
^ conséquence de ces principes et de ces usages, l'ambai-
^ sadeur doit se réserver avant tout, qu'il ne soh pnh
cédé à la vente des prises suédoises, avant le procès
instruit et fini, qui seul doit constater si elles sont
bonnes ou illégales.
Son Exe. M. le comte de Bemstorff reconnahn
sans doute dans cette représentation, le même esprit
de modération et d'équité, qui caractérise toutes ceDet
qui lui ont été faites au nom du roi de Suède, airnint
mieux se sacrifier tout entier pour soutenir ses droili»
lorsqu'ils son^ attaqués , que d'imposer des sacrifices i
ses amis. S. M., même dans le moment le plus critiqoe
de son règne, se borne à ne demander au roi, son
beau -frère, que le maintien des principes les plus nni-
versels, qui ont même de Tintérèt pour S. M. Danoise
elle-même, et laisse à ses ennemis la peine indiscrète
HIK. DE RUSSIE. À STOCKHOIiM ; EN 1788* 307
d'imponnner sa bonté jusqu'à vouloir enfreiiidre sa
joifice.
Copenhague y le iO AoAt 1788.
J. W. Sprengtporten.
Le comte de Bematorff, qui regarda le contenu
m cette note comme indécent et outrageant pour
i^ commandons et officiers d^une puissance amie
et alliée de la cour de Danemark, se refusa de
huwepter. Comme toutefois elle fut publiée dans
ht joiimanx, le baron de Krudner, ministre de
Hiissie à Copenhague, crut devoir adresser la note
tf-aprÀs au comte de Bemstorfi*
\»
iVafe dm hmron de Krudiêer^ minUtre de Rtmie prèi la
eomr de Copenkaguej adrenie au comte de Bermtorff;
dm 24 Septembre 1788.
^ Le soussigné a vu avec autant de surprise que d'in-
di^lftation dans plusieurs feuilles publiques, une note
qa\>n prétend avoir été remise par l'ambassadeur de
Suède A S. Exe. M. le comte de Bemstorff. Cette pièce
n'est jpas parvenue à la connaissance du soussigné; et
db'^ért d'tin contenu à n'avoir pu être acceptée par un
re qui connaît si bien ce qui est dû à sa propre
ainsi qu'à celle d'une cour amie et alliée. Dans
biT prétendu mémoire on se plaint que des vaisseaux
soj^doîs ont été pris sous le canon même du château de
Gfonenbonrg. Les rapports du commandant de cette for-
teresse ont dû donner le démenti & cette assertion in-
décente» Si quelques-unes des premières prises ont
été faites dans une distance trop rapprochée de la côte,
ce qui cependant n'est guères i supposer, c'est contre
20*
308 IX. AFF. DU COMTE DE RASOUMQFFSKY,
■
les ordres exprès des chefs : et ce fait ne peut âtre dé-
cidé que dans un jugement légal, que les officiers nttwt
sont bien éloignés de retus^r» On charge dii tenue in-
jurieux de piratea, les commandans des yaisseauz de
S. M. Impériale qui ont fait des prises suivant la pn>
tique constante de toutes les guerres marjtim^s; pn-*^
tique, qui est sans doute dans ce moment fort sensibk
à la nation suédoise, mais dont leur roi a le premier
donné le malheureux exemple. L^oh ose taxer étinhùmâ'
nité inouïe j le traiteihent qui à été fait aux prisonniers,
tandis qu'ils ont été soignés, noùrfis, traités comnte ki
propres matelots nationaux ç que les . excis imévitaUei
dans toutes les occasions où une troupe n'agk pas sou
l'inspection immédiate des chefs, ont été pnnis^ et Je
malheur des particuliers souvent réparé par la généro-
sité des commandans russes. Mais le cïd)inet de Stock-
holm s'est permis dès le tomûiencement de la guerre,
d'avancer à k face de l'Europe des faits si évidemment
controuvés , que rien ne doit étonner de sa part.
fait à Copenhague, le 13 (24) Septembre 1788.
Le baron de KruoneÉi
;!
£)es que lés premières hostilités de là part de^
Suédois eurent eu lieu, par la prise de la viUe
de Nyslot et par une invasion en Carélie, ITm
pératrite de Russie réclama l'assistance du Dan^
mark, en vtertu des traités d*alliance de 1768»
1769 et de 1773 (0*
(1) Le roi de Suè^è ayanl en 17^2, de la ^inlandey menace le Bf
nemark d^une invasion, se fondant sor la cession d'anciennes préten-
tions, et svLt le troc ^e la partie dncale du lïolsteiny contre le
dnchë d^Oldenbonrg, qni s'ëtait fait sans sa participation; rimpén-
trice de Russie et le roi de Danemark conclurent, le 1 Jko^t 177Sf
à Pétersboorg une alliance perpëtnelle et secrète, suyie d'une coo-
i
HIN. 2>E HUS81£ À STOCKHOLM; EN 1788- 309
Comme le roi reconnut la justice de cette ré-
clamation ^ et (ju'il déclara que le aeçouf's de-
iliandé était dès ce moment à la disposition de
Impératrice; le comte de Çemstorff adressa la
note amyante au baron de Sprengtporten , pour
Kiutruire de l'obligation dans laquelle se trouvait
tb roiy de céder à l'impératrice une partie de se?
fixrceç de feri*e et de iner (^)«
«
IWrtioi^ s^ar^y relatîre anx afi^res de Saède. Ces deux traite^
yftftX jamaû été publies; ils entraludrent toatefois le Danemark,
•oinie mmi le Toyons, dans cette gnerre entre la Sndde et la Rassie.
Le tndttf du 18 D^embre 1769 y est relatif aox affaires intërieares
ds la 8iiAd0| et celui de 1768 » est eutièrement inconna jusqu'à ce
JMir»
(2) Un corps de 1)2,000 Danois spns le comandement du fbld-
■aréclud prince CAMiries .de Hesse, qui s'ëtait forme en Norwège,
entn en Sadde le 23 Septembre, et avança jasqn'd Udevalla et dans
la pxozimitë de Gothenbourg. Trois vaisseaux de ligne et trois
frégates 4AOoi«(BB forent en outre mUes a la disposiljoi\ àp \\k
Hune,
V S^ps pfurler ici des. ëvènen^ens dge 1^ guerre, qnj 9e dcjventi
poin;^ jBUtrer dana notre cadre, noqs croyons cependant devoir dire
«n mot de celuj( qui paralysant tout d'un co.np Ips forces du roi dç
dajde , loi fit perdre le fruit de tous ses efforts. Gustave Ifl , qui
avait rtfonî 36,000 hopime^ d'excellentes, troi;ipes en Finlande , aux-
qadlea l'Impératrice n'avait pu lai- opposer qu^nne armée formée
pav la plapail des régimens tirés des garnisons de l'intérieure et peu
l^aerm, avait i peine quitté son quartier -général de Kymenegord,
■poq^ se Vendbce â Stockholm, où sa présence était devenue néces-
mire à eanse dea préparatifs qu^e le roi de Danemark faisait en
Horwége, qu'un grand- nombre d^offiorers suédois réunis a Aniccla,
augurent dn duc de Sadermanie, qu^il proposât au général russe un
.Mliftîce pour mettre fin i une guerre que le roi, disaient - ils,
a'arait pd entreprendre sans violer la constitution. Le duc do
9adevmaiiie t'y ét^at ref^8éj ces officiers envoyèrent une députatîoi»»
310 CL AFF. DU COMTE PS iLASOXTMOFFSKY,
N«- XI.
Note du comte de Bermtotff^ minittre dei eaffmbree itna^
gères du roi deDanemarkj adreaée au harom de SprengU
porten, ambaitadeur de Suède à Copenkague; Ai
19 Août 1788.
■
S. M. Timpératrice de toutes les Rossiesy atlaqnée
par mer et par terre, par les années et par la flotte de
S. M. Suédoise, ayant réclamé les secours stipulés dans
ses traités d*alliance défensive, conclus avec le Dane-
mark dans les années 1765 et 1769, renouvelles et ocm*
firmes par le traité définitif de Tannée 1773; et ayant
exposé ii S, M. Danoise les faits et les argumens destin
nés i fonder cette réclamation, et à servir de preavs
du cas d'aggression; S. M. les a pesés avec cette at«
tention soigneuse, qu'elle devait & S. M, Suédoise, i
son respect pour tous ces devoirs, à son amour pour
la paix , enfin à tous les principes qu'elle a avouéi
depuis le commencement de son règne. Elle en a
reconnu Tévidence , et n'ayant ainsi plus i consul^
ter que la fidélité due à des engagemens anciens et
inviolables, et la bonne foi, cette loi sacrée pour tons
les souverains, elle déclare à S, M. le roi de Suède,
que ce sont ses propres démarches qui la déterminent
à présent; qu'elle les regrette d'autant plus, qu'elle n'a
â la tête de laquelle se trouTait le oolonel Jaegerhoro, â Pëten^
bourg, pour déclarer à rimpëratrice que Tarmée suédoise ne paH
serait pas la froutiôre si les troupes russes reoeyaîent Tordre de ne
point entrer en Finlande. Catherine II, aocueillit trés->-biea cette dépiH
tation. Un armistice fut arrêté, que les officiers insurgea commuii-'
quérent au duc de Sudermanie. Obligé de céder à la* n^ceasitéi le
duc l'accepta et se retira de la Finlande russe. Plus tard leprecès
fut fait à ces conjurés, dont quatre furent oondamnés â mort par
sentence d'un conseil de guerre, le 19 Avril 1790. Le coloael
Hestesko fut toutefois le seul que l'on exécuta, le 8 Septesibre 1790^
MIN. PB RUSSUEi A STOCKHOIiM; BN 1788' 311
2i^ligé aucun moyen qm éts^l dans aon pouvoir, pour
les prévenir, et qu'elle a constamment ambitionné son
tankié et une harmonie parfaite avec lui. S, M. déclare
^n même temps, qu'elle cède dès à présent et en con-
fermité de ses traités défensifs et de la manière qui y
est stipulée, une partie de ses vaisseaux de guerre et
de ses troupes, qu'elle commencera d'armer, à la libre
disposition de l'impératrice de Russie, son auguste alliée.
^ M. ajoute i cette déclaration l'assurance solemnelle,
de n'avoir d'autre vue et d'autre souhait, que le réta-
blissement d'une paix solide et assurée, et que cette dé-
marche actuelle puisse servir elle-même à y contri-
buer. Le moment, où elle verra ses souhaits remplis à.
cet égard, lui sera aussi cher que celui où la tran-
quillité a été interrompue, lui a paru amer et affligeant,
S. M. a ordonné au soussigné de communiquer cette
déclaration â M. S. £lxc. le b^ron de Sprengtporten, am-
bassadeur de Suède, et de Tenvoyer également à Stock-
holm à M. le cconte de Reventlow, pour la remettre
sa ministère de S. M. Suédoise.
Du département des affaires étrangères k Copen-*
hsgne^ le 19 d'Août 178a
Bernstorff.
Le mêine jour encore j^ le comte de BemstorflT
communiqua cette déclaration, par ordre du roi,
à tau8 les ministres étrangers résidant à Copen-
hague, en l'^tccooipagnant de la note cir-apjrèsit
N«- xn.
iVbl» efreulaùife adressée par le comte 4e Bertutorff
am^ wdHiitres accrédités à la ceur de Copenhague;
du 19 4oit 1788.
C'est par les ordres du roi, mon mattre, que j'ai
l'honneur de vous communiquer une copie de la dé-
312 IX. AFF. PU COMTB D£ B.^SOUHOBS'SKT,
claration remise aujourd'hui à M. l'ambassadenr de SoUcl I^
S. M. ambidoime le auffirage de l'£a]*ope, et particufièM* Ijlr
ment des cours, auxquelles elle est liée par des traités qa'dk 1»
respecte et qu'elle chérit, et avec lesquelles elle paituge ctt lii
esprit de modération et de paix, qui caractérise dans ce m
siècle éclairé les souverains qui en font l'omement. S.1L
soumet avec plaisir et avec confiance sa condotte et lei
principes ii leur jugement Elle doit leur abandonna
i présent ces moyens de conciliation dont elle-nituB
n'en a négligé aucun, mais qui ne sont plus dans son
pouvoir. Elle leur répète à tous et & chacun en pu^
ticulier, qu'elle s'y prêtera avec tout l'empressanent
possible et qu'elle justifiera par ses démarches les prin?
cipes qu'elle avoue, et selon lesquels elle consent et
consentira toujours à être jugée.
Du département des affaires étrangères à GopeiH
haçue, le 19Aoû^ 1783.
A. P. Bbrnstobpf,
Cette déclaration fiit en même-temps transmiie
à tous les ministres de 8. M* Danoise dans les
cours étrangères, celles de Russie et de Suède ex-
ceptées j elle fut accompagnée d^ la note suiYaQte,
N*»- xin.
Lettre circulaire , adrenée à tout let miniitrei de S.
M. Danoise résidant dans les cours éirangires, en
leur transmettant la déclaration de S. M' : dfs 23 4^
1788.
n y a long-tçmps, M,, que vous êtes prévenu fup
le système du roi. Vous ne serez donc pas surpris de
ce que j'ai l'honneur de vous communiquer la déclara-
tion mim'stérielle remise par ordre du roi à M. l'ambas-
sadeur de Suède y et la note avec laquelle celle-ci a
KIK. DE RUSSIE À STOCKHOLM; EN 17Ô8.. 313
£t^ communiquée A tous les ministres des cours étran-
gères accrédités & celle-ci. Les véritables sentimens du
voi y sont exposés; et comme la yérité a des droits
■nzqaeb il est difficile de résister, je suis persuadé
qu'on rendra généralement justice à leur sincérité , i
leur candeur, et à leur modération. Si ceux du roi de
Saède- leur avaient ressemblé, le Nord jouii*ait d'une
tnmquillité parfaite. Ses efforts pour la troubler^ ont
Ci| plus de succès que ceux du Danemark pour la con-
teryer; mais comme cela était dans Tordre naturel des
diotfes, il a fallu s*y soumettre. S. M. ne s'en consolera
jamaia^ mais elle trouve dans la situation même du roi de
Saède, et dans les dispositions pacifiques de S. M. Timpé-
mtrice, qui égalent les siennes, bien des motifs à pouvoir
espérer le prompt rétablissement d'une paix si légère-
ment rompue, par un prince, qui ne pouvait le faire
«ans violer sa constitution, et sans trahir ses devoirs et
lea intérêts les plus sacrés de sa nation.
Copenhague, le 23 Août 1788.
BERNSTOaFF.
N«- XIV.
JMpome du baron de Sprengtporienj amhanadeur de
Suède à Copenhague ^ à la déclaration du comte de
Bermtorff; du 11 Septembre 1788.
Après les ouvertures que le roi a fait faire par
son ambassadeur à] Copenhague, et la confiance que
le roi a témoignée au roi de Danemark, en lui remet-
Umt le soin de rétablir la paix entre le roi et Timpéra-
trice de Russie, S. M. n'a pu recevoir qu'avec étonne-
ment et déplaisir, la déclaration que le roi, son beau-
iErère, lui a fidt remettre en date du" 19 Août dernier.
8* M. voulant encore écarter tout ce qui peut exciter de
l'aigreur et de l'éloignemcnt entre lui et un prince qui
loi est uni par des liens si sacrés, se réserve, si la né-
cessité des circonstances Texige indispensablement, de
314 IX AFF. DU COMTE DE aASOUMOFFSKT,
rappeler à S. M, Danoise, combien il a*est donne c|e
aoina pour consolider la bonne harmonie qui depntt
plus de Soixante ans a subsisté entre la Suède et le
Danemark y et pour la rendre stable et permanentei
Le roi, ne voulant rien négliger encore pour conserr
Ter le maintien de la plus longue paix, que lea annales
de deux royaumes peuvent montrer, et connaissant d*ail-
leurs les soins que d'autres puissances vont se donner
pour éteindre le nouvel incendie qui menace le Nord,
se borne uniquement dans ce moment k demander une
explication claire et précise des intentions de S. M. Da->
noise, d'après laquelle le roi réglera ses démarches.
S, M. Danoise annonce, qu'elle vft céder ^ en con-
formité de ses traités défensifs, et de la manière, qui
y est stipulée, une partie de ses vaisseaux de guerre el
de ses troupes, i la libre disposition de l'impératrice
de Russie. Le roi, qui jusqu'à ce moment a ignoré le
contenu et l'étendue des engagemens contractés entre
le Danemark et la Russie, demande au roi, son beau-
frère, si ce sont des troupes et des vaisseaux auxiliaires
qu'il compte remettre k la dispositioiit de la Russie; en
ce cas, et selon l'usage de tout temp^ reçu, ses troupes
et ses vaisseaux ne peuvent agir contre la Suède qne
dans les mers et dans les provinces appartenantes k la
Russie, et être transportés dans les lieux où se trouve
actuellement établi le théâtre de la guerre : et dans ce
caSj loin de regarder les démarches de S. M. Danoise
comme hostiles, le roi se bornera aux regrets de voir
le roi, son beau-frère, soutenir par ses secours, l'ennemi
de la Suède, Mais, si ces troupes sortent des provinces
soumises k la domination de S, M. Danoise jst limitro-
phes k la Suède, pour entrer sur les terres du roi; s'ils
y attaquent les sujets de S. M. , ses places fortes et ses
troupes , le roi se verra forcé pour lors de regarder la
longue paix qui subsiste entre la Suède et le Dane-
mark comme rompue, et le roi de Danemark comme
MIN. dbbu86ieÀ8Tocj[^oi<m;sn1788. 315
af^reMeu^ Le roi assure de la manière la plus for-
melle et sur sa parole royale, que les précautions
fa^il Ta prendre sur la frontière de Norwège et en
Scandinavie, ne sont que purement défensives, et que
lès voeux les plus sincères tendent au maintien d'une
paix également nécessaire aux deux peuples. Le roi at-
tend ane réponse claire et précise, qui décidera de ses
démarches ultérieures.
Copenhague, le 11 Septembre 1788.
J. U. Sprbngtforten.
N«- XV.
Réplique du comte de Bermtorff à la réponse du baron
de Sprèngtporten; du 13 Septembre 1788.
S. M. le roi de Danemark, loin de trahir la con-
fiance de S. M. le roi de Saède, n'a eu d'autre regret
que de n'avoir pas été mis de sa part dans le cas d'y
répondre entièrement, ses premières ouvertures sur son
retour à des intentions pacifiques ne lui étant parvenues
qae lorsque sa déclaration du 19 Août était déjà remise
i M. l'ambassadeur, et partie pour la Suède. Elle eu
a cependant tiré tout le parti qui était encore dans son
pouvoir, pour avancer le rétablissement de la paix, et
eDe déclare d'être toujours également prête & concou-
rir avec toute la candeur et avec tout le zèle pos-
sibles, aux vues et aux démarches des puissances amies
tpâ tendront au même but.
n ne dépend pas de S. M. de donner i ses secours
inxiliairet une autre direction que celle qui a été
, énoncée dans sa première déclaration, et qui est sti-
pulée dans ses traités défensifs qui y sont cités. Ils
•ont déjà cédés à la libre disposition de la Russie, et
comme le théâtre de la guerre n'est pas borné et ne
Sfinrait Têtre à la seule Finlande, S. M. n'est pas
autorisée à adopter une explication nouvelle, entièrement
opposée au sens et aux mots de ses engagemeus avoues.
316 IX. AFF. DU COMTE P£ RASOUKOFFSKT^
Tant que le Danemark n*a point un intérêt propre,
et qu'il n'agit qu'en auxiliaire de son alliée, il ne peut
avoir d'autre but, que le rétablissement d'une pik
prompte et solide, et dés que S. M. Timpératrice ooii"
Tiendra de ses conditions avec la Suède, la sienne eat
faite également. 11 doit respecter toutes les démarebet
de la Russie, qui terminent ou qui suspendent cettt
guerre où elle se trouve engagée. Aussi long-tempi
que les troupes et les vaisseaux auxiliaires qui agiront
contre la Suède, n^ excéderont pas le nombre stipulé,
et que le reste des forces danoises ne commet aucun
acte d'hostilité d'aucun genre, S. M. le roi de Suéde
n'est point fondé à se plaindre; CjS sera elle-même qm
changera la nature de la situation présente, si elle vent
envisager et traiter en ennemis les forces qui n'aglsscnl
pas contre la Suéde, et qui ne le fei*ont que lorsqu'db
aura déclaré la guerre au Danemark. Ce sera elle-mèina
qui aura donné alors une existence à des différends qni
n'existaient pas, et qui ne le seront non plus, si les son-'
haits et les conseils du roi, et la considération du, bon-
heur des sujets réciproques , peuvçnt fivoir quelque in^
fluence sur S. M. Suédoise^
Le roi n'a riçn à objecter aux mcs^res qu'on opposera
en Suéde aux forcer auxiliaires danoises : S. M. déclare plu-
tôt, qu'elle ne donnera aucune étendue de plus â ses plans
et à ses démarches , avant que d'apprendre qvie la résola-
tîon de S. M, Suédoise d'en donner aux siennes , soit irré-
vocable. Elle SQuhfiite vivement, que la réponse décisive
qu'elle attend encore de sa part, puisse ne pas devenir
le signal d'une guerre, dont l'idée même est péuiblç â
$on coeur, mais amener la confirmation de cette paùçi
qui fait toujours l'objet constant de ses voeux.
Du département des affaire^ étrangères k Gopenhagae,
le 13 Septembre 1788,
A, P. Pernstorff,
IIIN. BB RUSSIE À STOCKHOLM; EN 1788* 317
' En communiquant la contre -déclaration de la
Suède 5 ainsi que la réplique du ministère danois,
aux ministres du roi dans l'étranger, le comte de
Benstorff leur adressa la note suiyante.
tâettre dtcutaire adrestée par le comte de Bermtorff
emx mwistrei de S. M. Danaùe aûa; couru de Ber-
'/!«(•) de Londres^ de Vienne^ de Paru et de Madrid;
dhr 16 Septembre 1788.
Je m'acquitte de tna parole, Monsiienr, en vous com-
muiîqaant aujourd'hui la copie de la contre-déclaration
du JToi de Suède et de nbtre répokise^ dont j'ai fait aussi
incessaonment part & MAI. le baron de la Houzé> Elliot etc.
Les sentimens qui sont exposés dans celle-ci, sont assez
exacts pour épuiser la matière ; je n'ai ainsi qu'une seule
réflexion à y ajoutel*; q^est qu'il aurait sans doute dé-
pendu du roi de regarder la menace du roi de Suède,
de vouloir envisager la paix comtne rompue dès que les
troupes auxiliaires du Danemark auraient commencé d'a-
gir, comme décisive et comme irrévocable; mais cela
a'auraît point été conforme au système véritablement mo-
déré dû roi, et à son amour pour la paix et pour les
voies les plus douces^ Il y avait une possibilité d'ad-
■mttre et de supposer encore de nouvelles explications,
et nous l'avons saisie. Nous ne pouvons plus arrêter
les opérations des troupes déjà cédées i la Russie , et qui
peat-^étre auront déjà commencé. Trois de ces vaisseaux
de guerre se sont déjà joints à l'escadre commandée par
l'amiral de Deissen : nous manquerions essentiellement à
la Russie, si nous nous permettions des procédés con-
traires i notre déclaration et à nos engagemens. Nos
devoirs vis -à vis d'elle sont la base de nos premières dé-
318 IX. AFF. BtT COMTB DE RASOUHOFFSKYy
marches ; ils doivent donc Têtre également de ceBei qd
en sont la conséquence naturelle et nécessaire*
Tout ceci n'est nullement en opposition avec noi
efforts continués, de hâter le rétablissement de la paii, et
avec la satisfaction que nous éprouvons de voir des pm^-
sances amies s'occuper sérieusement d'une médiation con-
ciliante. Déjà le roi de Suède a accepté celle de TAïf
gleterre, et quoique nous ne puissions pas encore connaître
les intentions de la Russie, nous savons en général, que
son système est de désirer la paix, et qu'elle s'y prêtert
dès que sa dignité offensée par les procédés offensans da
roi de Suède sera sauvée.
Tels succès que puissent avoir nos troupes , ils sont
censés être ceux de la Russie, S. M. continuant à désa-
vouer toute idée de conquête.
Copenhague, le 16 Septembre 1788.
Berkstortf.
N«- XVII.
«
Ultimatum de la cour de Suède ^ remis par te iar&n de
SprengtporteUy en réponse à la réplique du oowêie ie
Bemstwff; du 5 Octobre 1788.
Le roi n^a pu voir qu'avec surprise les principes avan-
cés par le comte de Bernstorff, dans la note qu'il a re*
mise par ordre de S. M. Danoise à l'ambassadeur du ro^
le 19 du mois passé , qui porte qu'aussi long-temps qne
}e8 troupes et les vaisseaux auxiliaires, qui agiront contre
la Suède, n'excéderont pas le nombre stipulé, et que la
reste des forces danoises ne commet aucun acte d'hostî*
lité d'aucun genre, le roi de Suède n'était point fondé
à se plaindre , que S. M. ne peut reconnaître conformes
au droit des gens , et contre lesquels le roi a ordonné an
soussigné de protester hautement. Cependant par l'a-
mour de la paix, et pour épargner aux sujets des deux
UIS. BS HUSSIE À STOCKHOLM; EN 1788* 319
royanine9 une effusion inutOe de sang, dans, un moment
oà des négociations s'ouvrent sous les meilleurs auspices
ppur le rétablissement de la paix dai|s le Nord, le roi
Teat dads ce moment écarter toute discussion de prin-
cipes et se tenir seulement à l'assurance indiquée dans
là note, que S. M. Danoise n'a aucune vue hostile ni
d*aggruidissement pour elle-même, le roi voulant d'ail-
lenrs se confier entièrement à ce ^e le & EUiot, en-
Toyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire, lui a
présenté à te sujet; et S. M. voulant encore mettre tous
les bornes possibles aux malheurs que l'étendue de
la guerre doit nécessairement entrainer pour les deux
royaumes, S. M. consent & considérer la paix conmie
non interrompue entre eux, jusqu'à ce que S» M. verra
le succès des négociations entamées pour le rétablisse-
ment d'une paix, que S. M^ Danoise a de nouveau dé-
claré faire l'objet constant de ses voeux* Le roi se
bornera donc à repousser par la force les troupes anxi*
liaires qui sont entrées dans ses états*
À Copenhague, le 6 Octobre 1788.
Déjà dans les premiers jours d'Août, M. Elliot^
miniatre d'Angleterre près la cour de Copenhague^
avait £dt accepter à S. M. Danoise la médiation
des cours de Prusse, de Londres et de la Haiye^
qui Tenaient de s'allier étroitement par le traité de
la triple alliance, signé le 15 Avril 1788- Ce fîit
epcore sous la médiation de ce ministre, qu'un
armistice entre le roi de Suède et le prince Charles
de Hesae, commandant en chef les troupes auxi-
liaires de Danemark, fut conclu le 9 Octobre, et
prolongé le 169 jusqu'au 13 Novembre. Avant que
ce dernier terme fut écoulé, on arrêta le 5 No-
vembre, à Udewralla, un nouvel armistice qui devait
320 IX. AFF. DU COMTE DE RASOUMOFFSK.Y,
durer jusqu'au 13 Mai 1789, et qui par l'art. T"
fut garanti par l'Angleterre et la Prusse.
Le roi de Prusse de son côté, dès qu'il fat
instruit des progrès de l'armée danoise en Suèd^
et notamment de l'attaque prochaine de la Tille de
Gothenbourg, par le prince de Hesse, envoya le
comte de Rohde à Copenhague, pour faire au mi-
nistère de Danemark une déclaration, dont le pré-
cis est contenu dans ^instruction ci-après (*).
'.,.,, IN'"- XYm.
Ptècit de la décîaritiion verhale faite par le comte dt
Rohde au nom de S. M. pTiiasienne, au comte de Berfw
torff. (Extrait.)
J'ai été surpris loi-sque j'ai appris qu'un corps de
douze mille Danois est entré de la .ft'orwège eu Suéde,
et qu'il menaçait l'importante ville de Gotlienbourg, le
principal siège du commerce de la Suède. Vous vous
rendrez donc incessamment chez le comte de Bernslorff,
et vous lui déclarerez de ma pan, que j'avais toute l'a-
miùé possible pour S. M. le i-oi, le prince royal el
pour toute la maison royale de Danemark, et que je
souhaitais de vivre constamment avec elle dans la plus
parfaite union ; mais que je ne pouvais pas voir avec
indifférence, qu'on prenne des mesures qui meneiaienl
directement à écraser le roi de Suède, à changer 1>
présente forme du gouvernement de ce royaume, et i
(1) La d^cUralion ns fat faite qne Verbalement, \e minwtra
l'ayant point ^t^ autorisa d'en donner copie; le prince de HeiH !•
rendît pabliqoe dana sei Mémoires sur la campagne de iTSS
MIK. DB RUSSIE A STOCKHOLM J EN J788« 32 J
bouleverser par ses suites tout Téquilibre entre les puis-
sances du Nord; que telle était la démarche qne le
Danemark venait de faire en attaquant hostilement la
Suède, dans un temps où ses principales forces étaient
éloignées; que par cela elle outrepassait de beaucoup la
qualité d'une partie auxiliaire ; que c^était d'ailleurs man-
quer aux égards qui étaient dûs i moi et à toutes les
autres puissances qui avaient offert leur médiation aux
puissances belligérantes; qu^il me semblait donc, que la
cour de Danemark ne pouvait être engagée dans la dé-
marche hostile contre la Suède, que par une sorte de
surprise et par des ressorts sûrement contraires â ses véri-
tables intérêts et à ceux de ses voisins; que je priais par
conséquent très-instamment S. M. Danoise de donner des
ordres prompts et précis, pour que ses troupes évacuassent
sans délai le territoire de la Suède et qu'on étabUsse un
armistice du moins entre le Danemark et la Suède, surtout
du c6té de la Norwège, afin que les puissances médiatrices
aient le temps de moyenner une paix entre les puis-
sances belligérantes; mais que si la cour de Danemark
ne voulait pas écouter mes représentations, je ne pou-
vais pas me dispenser de faire entrer dans le Holstem
an corps de troupes, qui avait déjà reçu ordre de se
tenir prêt à agir et à marcher vers ce pays là; que je m'y
voyais obligé par les intérêts majeurs de mon état, de
tout le Nord et de la cour de Danemark même. Vous
prierez le comte de Bemstorff, de faire en sorte que
cette déclaration soit acceptée et exécutée, et que je
reçoive. une réponse aussi prompte que possible. Vous
pourrez lire cette déclaration plusieurs fois au comte de
Bemstorff y et vous lui ferez entendre, que le roi d'An-
gleterre est parfaitement de concert avec moi, et que
les troupes hanovriennes se joindront aux miennes pour
occuper le Holstein et le SIesvic.
IX. 21
\
322 IX. APF. DU COMTE DE RASOUMOFFSKY,
Cette déclaration précise et menaçante engft-
gea le roi de Danemark à envoyer le 24 Octobre
au prince de Hesse , l'ordre d'évacuer avec toutes
ses troupes le territoire suédois.
L'impératrice de Russie ayant décliné la mé-
diation des cours alliées, M. Ëlliot adressa la note
ci -après au comte de Bemstorff, pour demander
une déclaration précise sur les intentions ultérieures
de S. M. Danoise pendant la guerre entre la Suède
et la Russie.
N° XIX.
Lettre de M, Elliot adrettée au comte de Bermt&fff;
du 23 Avril 1789.
Monsieur le comte, je me prête avec plaisir an
désir que V. Exe. m'a témoigné de recevoir par écrit
]e sommaire des représentations que j'ai eu Thomieur
de lui faire de bouche par ordre de ma cour.
V. Exe. voudra bien se rappeler qu'au moment çie
le roi de Danemark fît cession d'une partie de ses
troupes de terre et de mer, comme auxiliaires, i la
Russie, S. M. Danoise a demandé Tintervention de S.
M. Britannique pour rétablir la tranquillité entre la Suède
et la Russie. En conséquei^ce de cette démarche, le
roi mon maître a formellement offert sa médiation, de
concert avec ses alliés, aux parties belligérantes. j
C'est avec le plus vif regret que je dois aussi rap- jj
peler à V. Exe. que l'impératrice de Russie jugea â
propos de décliner la médiation du roi et de ses alliés,
et que ce refus fut l'unique cause de la continuation àes
hostilités, puisque S. M. le roi de Suède avait accepté de
la manière la plus franche et la plus amicale cette oSrc A
MIK. DS RUSSÎE A STOCKHOLM; EN 1788. 323
de la part des trois cours, animées du seul désir d'ar-
rêter reffusion du sang et de maintenir l'é^'Iibre du
Nord.
V. Exe. a ensuite été témoin que le roi et ses aUiés
ont agi avec énergie pour donner les preuves les moins
équivoques de Timportance qu'ils mettaient à la conser-
Yation de la Suède, et que ces cours travaillèrent de
coticert et avec l'effet le plus salutaire, pour obtenir
ime cessation d'hostilités entre les forces et de terre et
de mer de S. M. Suédoise, et les forces de terre et de
mer danoises qui avaient eu part aux opérations mili-
taires dans la dernière campagne.
Le roi mon maître voit encore avec regret que de-
puis cette époque les ofires de médiation et de bons
oflEices de la part du roi et de ses alliés n'ont p^s pro-
duit Teffet désiré, et n'ont pu porter l'impératrice à se
prêter i une négociation pour le rétablissement de la
paix, ni dans le Nord, ni dans TOrient de l'Europe.
Dans ces circonstances, quand le refus de la Russie
d'accepter toute médiation, est la seule cause de la con-
tinuation des hostilités, S. M. Britannique et ses alliés
croient devoir représenter fortement â la Cour de Da-
nemark, que cette cour leur paratt être libérée de toute
stipulation d'un traité purement défensif , et même d'a-
jouter, que dans le cas actuel la jonction, des forces
danoises, ou de terre ou de mer, à celles de la Russie,
mettrait le Danemark lui-même dans le cas d'être con-
sidéré conmie une des parties belligérantes, et ne pour-
rait que justifier le roi de Suède à demander des secours
efficaces et prompts de S. M. Britannique et ses alliés,
dont S. M. Suédoise a accepté la médiation pure et il-
limitée.
D'après les principes de franchise que j'ai toujours
observés vis-*à-vis d'une cour alliée et amie de l'Angle-
terre, je dois vous assurer, M. le comte, que ni le
roi d'Angleterre y ni ses alliés, ne pourront abandonner
21 *
324 IX. AFF. BU COMTE D£ RASOUMOFFSKT,
le système qu'ils ont adopté dans Funique vue de con-
server Téquilibre du Nord, équilibre pas moins intéres-
Sfint au Danemark qu'à toute nation maritime et com-
merçante.
Je ne doute pas que Y. Exe. ne reconnaisse combien
peu l'interprétation la plus favorable de votre traité
pourrait aider l'impératrice, si elle entriainait une co-
opération vigoureuse par mer et par terre des trois puis-
sances, pour soutenir la Suède; et que le cabinet de
Copenhague ne soit trop sage et trop modéré ponr ,
exposer ou la Russie ou le- Danemark, A une extension <
des hostilités de la part des cours qui ne respireot
d'ailleurs que la paix, et qui cherchent i Tétablir sur
la base la plus stable, et sous les conditions les plm
avantageuses possibles pour toutes les parties intéresses.
Je doi* donc, M. le comte, vous prier formelle-
ment de la part du roi et de ses alliés, de porter la
cour de Danemark à n'accorder aucune portion de
ses forces, ou de terre ou de mer, & la Russie, ponr
agir offensîv cment contre la Suède sous le prétexte d*un
traité défcnsif ; mais au contraire de soutenir une neu-
tralité parfaite dans toutes les provinces et dans toutes
les mers appartenantes au roi de Danemark.
Soyez persuadé, M. le comte, que dès que le Da-
nemark aura embrassé un parti aussi conforme aux
voeux de ses vrais amis, le concours du roi de Dane-
mark au rétablissement de la paix générale serait infiDi-
ment agréable au roi mon maître; et j'ose ajouter que
V. Exe. a été trop longtemps au fait des vrais intérêts
de la Russie et des sentimens de l'Angleterre, pour ne ;,
pas sentir que l'impératrice ne saurait mieux placer su .
confiance, pour effectuer la pacification, que dans les i
mains de S. M. Britannique et de ses alliés. i
Je suis instruit de demander de V. Exe. une ré- f
ponse claire et décisive sur les intentions de S. M. Di- fi
noise, par rapport à la jonction d'ime paitic de ses fi:
laK.BS BuasiB A stockhojlm; en 1788- 325
teesj ou de terre pu de mer, aux forces de S. M.
mpératrîce de Russie, et de proposer la neutralité des
its danois et des mers danoises, sous la garantie la
oa efficace du roi d'Angleterre et de ses alliés. L'en-
i d'éviter tout sujet d'aigreur inutile m'a engagé de
Bdressi&t à Y. Esc. dans une lettre particuL'ère , plu-
; que d'aycir remis une déclaration formelle, dont
GOBtena amrait pu devenir plus public que le cas
mel des cireonstances ne l'exige. Et j'ose me flatter,
/le comte, que quelque soit l'issue de mes négo*
ilioiis^ .V. Exe. me rendra toujours la justice d'avoir
KVaillé avec sincérité à prévenir les misères de la guerre.
' Puissent nos efforts réunis faire renaître dans les
eura des souverains le vrai amour de leurs sujets,
vp. malheureuses victimes de cet amour chimérique de
^gloire militaire qui ensanglante si fréquemment et si
Btilement l'Etirope.
J'ai rhonneûr d'être, etc«
Copenhague, le 23 Avril 178a
Elliot.
: Comme S. M. Danoise crut ne pas devoir prendre
le détermination décisiye à ce sujet, ayant de s'être
ihsnâtie avec l'impératrice de Russie, te comte de
nmstorff répondit à M. Elliot par la lettre sui-
intew .
N« XX.
ipWÊie êi$ comte de Bemitotff à la lettre précédente;
dm 30 Avril 1789.
Ayant mis sous les jeux du roi la lettre que vous
ilavea fait l'honneur de m'écrire en date du 23 Avril,
ioasieur, et au contenu de laquelle les ministres de S. M*
e roi de Prusse et de LL. HH. PP* ont accédé par leurs
326 IX. AFF. BU COMTJB DE aASOCTMOFFSKT,
déclarations verbales , S. M. m*a ordonné d'y répondre:
,, qu'elle adhérait invariablement à ce système de paix, I*
dont le Danemark ne s'est jamais écarté y et qni de Pa- 1'^
veu de la Suède même n'a pas été interrompu ptr ki |>
secours auxiliaires fournis conformément k ses engi- ■>
gemensy à la Russie; qu'elle avait toujours vivement dé-
siré que les démarches faites par les puissances rei*
pectables qui s'occupent du désir de rétablir la paix
dans le Nord^ eussent le succès le plus heureux, et
que tous ses voeux seraient remplis si elle pouvait y
contribuer elle-même: que ce sentiment ^ joint aux
preuves sans nombre qu'elle avait données pendant tout
le cours de son règne ^ et de sa bonne foi et de son
attachement particulier aux souverains augustes qui s'ex-
pliquent actuellement avec elle, devait leur être garant
non seulement de son système général, mais aussi de
son souhait décidé, de ne pas contredire leurs vues, qui
tendaient & la pacification, générale; qu'elle y ajoutait
avec satisfaction, qu'elle était persuadée que leur équité
lui garantissait également la certitude, qu'elles entreront
avec amitié dans sa situation, et qu'elles reconnaitront
et approuveront qu'elle s'entende préalablement et in-
cessamment avec S. M. Timpératrice de Russie , qui a
le droit incohtestable de réclamer les engagemens dont
il s'agit à présent uniquement, avant que de donner une
réponse entièrement définitive."
S. M. hésite d'autant moins d'y insister, qne la du-
rée de la trêve, qui assure la tranquillité actuelle, rend
non seulement le délai indifférent , mais que S. M. s'en-
gage d'ailleurs d'en respecter toutes les conditions aussi
long -temps qu'elle ne se croit pas autorisée de don-
ner cette réponse. Connaissant d'ailleurs la sagesse de
son alliée,, convaincue de sa modération, sure de ses
propres sentimens, S. M. prévoit l'issue la plus satisfai-
sante; et quelle^ serait- sa joie, si une réunion parfaite
et entière pouvait y appartenir ! i
MIN. DE RUSSIE À STOCKHOLM; EN 1788* 327
Je ne puis m^acquitter de ces ordres, Monsieur, sans
TOUS assurer de toute Tetendue de la confiance du roi
dans les vues équitables et modérées du roi votre mat-
tre. S. M. en est entièrement persuadée. Elle l'est éga-
lement de vos sentimens personnels , et si j^ose me nom-
mer après cela, je n'ai pas de perspective plus chère que
celle de pouvoir vous féliciter bientôt d'avoir travaillé
preférablement et avec succès à rétablir la tranquillité
du Nord, à assurer le bonheur général et individuel, et
i rapprocher les cours , unies par tous les intérêts natu*
rels. J*ai l'honneur d'être etc.
Copenhague, le 30 Avril 1789.
A. P. Bernstorff.
N«>- XXI.
Seconde lettre de M. Elliot à M, le comte de Berus^
torff; du 1 JUai 1789.
M. le comte, j'ai reçu la lettre que Y. Exe. a bien
voulu m'écrire en date du 30 Avril, eu réponse à la lettre
particulière que je lui avais adressée eu date du 23 Avril.
Vous êtes trop clairvoyant, M. le comte, pour ne
pas sentir que, si ma lettre avait dû être considérée sous
le rapport d^une démarche officielle, faite au nom des
trois cours alliées , la réponse que Y. Exe. a bien voulu
y faire , ne saurait être censée qu'un refus de la part de
la cour de Danemark, de se conformer, daus les cir-
constances actuelles, à la neutralité illimitée, par mer et
par terre, que j*ai eu l'honneur de lui présenter comme
le voeu commun des trois cours alliées.
Mais puisque Y. Exe. a bien voulu s'ouvrir person-
nellement à MM. les ministres des trois cours, de ma-
nière à nous persuader que le délai demandé, avant
que de donner la réponse entièrement définitive de la
cour de Copenhague, n^est qu'un égard que S. M. Da-
328 IX. AFF. BU COMTE BE RASOUMOFFSKT,
noise croît dû à son auguste alliée, et ne changera rien
à la conclusion heureuse, que Y. Exe^ nous promet â
notre négociation, je me refuse d'entrer dan^ toute dis-
cussion ultérieure sur l'équité, la justice et la sagesse des
vues de nos trois cours.
Je dois néanmoins réitérer qu'elles adhéreront inya'»
clablement au principe déjà annoncé dans ma précédente:
,,Qae la continuation des hostilités étant uniquenient causée
par le refus de laRussie d'accepter une médiation) queS.M.
Suédoise avait embrassée sans hésitation, les trois cours
regardent le Danemark connue libéré de toute stipulation
d'un traité défensif , d'autant plus que ladite médiation
n'a été offerte aux puissances belligérantes, qu'à la suite
des ouvertures faites pour cet effet par le Danemark méme.'^
Pour prouver d'ailleurs ma confiance parfaite dans
les expressions rassurantes de Y. Exe. , je me charge de
faire part de la lettre que Y. Exe. m'a éciîte , et de su>
seoir à toute démarche plus formelle et plus concluante,
jusqu'à nouvel ordre , en cas que V. Exe. croit être
autorisée par sa propre cour de donner une explication
satisfaisante des paroles suivantes de sa lettre:
S, M, hésite d'autant moins cfy insister^ que la du^
rée de la trêve y qui assure la tranquillité actuelle^
rend non seulement le délai indifférent, mais qu$
S. M, s^engage d^ ailleurs d'en respecter toutes ht
conditions aussi longtemps qu^elle ne se croit fM
autorisée de donner cette réponse.
Yous n'ignorez pas, M. le comte, que l'on a donné
à différentes occasions des explications contradictoires de
ladite trêve, et pour prévenir toute mésentendue à ce
sujet, je supplie Y. Exe. de m'assurer , en réponse à cette
lettre, que S. M. Danoise consent de ne pas oëder i la
Aussie aucune partie de ses forces, ni de terre, ni de
mer, pour agir en qualité d'auxiliaires contre la Suède
jusqu'au 24 Juin prochain, inclusivement, et que V.
MIN. BE ATTSSŒ À STOGJLHOLM; £K 1788« 329
Exc. nous communiqruera la réponse définitive de la cour
de Copenhague dès le retour du courrier qui va en
Russie.
Connue le temps prescrit pour le retour des cour-
riers anglais et prussiens s'écoule, je supplie V. Exc. de
m'accorder une réponse à cette lettre, dans le plus court
délai possible.
J'ai l'honneur d'être etc.
Copenhague, le 1 Mai 1789.
Elliot.
P. S. Les ministres de Prusse et d'Hollande ont
lu e& approuvé cette lettre,
N^ xxn.
Jt^pMte du comte de Bermforff à M. Elliot; du 2 Mai
1789.
Les explications que vous m^avez demandés, et que
je me suis empressé de vous donner, Monsieur, n'ont pu
Vous laisser aucun doute sur le sens de la lettre que
fai eu l'honneur de vous écrire en date du 30 Avril, et
sur les motifs qui ont déterminé le choix des expressions
de celle-ci.
Mais comme vous insistez sur une nouvelle sûreté,
'et que je n'hésiterai jamais à répéter par écrit ce que
j*ai avancé dans des conférences ministérielles, je renou-
velle par ces lignes l'assurance positive, que le Danemark
admet cette interprétation de la trêve qui a fixé sa durée
jusqu'au 24 Juin de cette année , et que S. M. ne four-
nira point de secours auxiliaire, ni par terre, ni par
mer, à la Russie jusqu^au retour du courrier qui partira
demain pour Pétersbourg.
J'ai l'honneur d'être etc.
Copenhague, le 2 Mai 1789.
Bernstorff.
330 IX. AFF. DU COMTE DE HASOVMOFFSKT^
N^ xxin.
Lettre adreaée en commun par les troit minùtrei plém-
potentiatreg d'Angleterre y de Pmue et d^Hottande^
au comte de Bermiorff; du 6 Juillet 1789.
M. le comte, dans le courant du mois d'Avril der-
nier, nous nous adressâmes à V. Exe. au nom de nos
souverains, pour engager S. M. le roi de Danemark par
des voies amicales à conserver une neutralité parfaite et
illimitée dans les troubles du Nord, et de prévenir par
là une extension d'hostilités qui rendrait plus difficile le
rétablissement d'une paix solide et stable. Y. Exe. noos
répondit alors au nom du roi, que S. M. ne pouvait don-
ner une réponse définitive avant qu'elle ne se fiiit entendu
avec S. M. l'impératrice son alliée, et qu^un courrier se-
rait incessamment expédié à cet effet pour Pétersbonr;.
Ce courrier étant de retour, nous nous adressons de nou-
veau à y. Exe. en la priant de vouloir nous commnniqaer
les résolutions de sa cour, et nous osons nous flatter
qu'elles satisferont les voeux de nos souverains, en les
assurant d'une neutralité illimitée et parfaite de la part
de S. M. le roi de Danemark.
Nous avons l'honneur d'être etc.
Copenhague, le 6 Juillet 1789.
ÂRNtM. Elliot.
Vandergoes.
Le roi de Danemark ayant obtenu Fagrénient
de Timpératrice de pouvoir garder une neutralité
entière pendant la guerre, le comte de Bernstorff
adressa la déclaration suivante aux ministres des
trois cours alliées. Elle mit fin aux discussions entre
le Danemark et la Suède.
I
MIN. HE nVSSIE A STOCKHOIiM ; JSN 1788- 331
N"- XXIV.
Déclaration du comte de Bernttorff, du 9 Juillet 1789.
Le roi mon mattre, aussi fidèle à ses engagemens,
qu^à son amour pour la paix et à ses voeux constans pour
Ufhonlieur général, n'a pas pu se permtBttre de manquer
aux .stipulations sacrées d'un traité défensif, sans en
avoir reçu Taveu de la puissance qui avait le droit in-
contestable de les réclamer. S. M. a donc dû s'enteudre
avec la Russie sur la demande que les ministres des rois
àe la Grande-Bretagne , de Prusse et des Etats-Généraux
des Provinces-Unies, accrédités près de sa personne, lui
ont faite au nom de leurs souverains, qu'elle voulût bien
conserver dans celle guerre, qui trouble malheureuse -
ment la tranquillité du Nord, une neutralité parfaite et
illimitée par terre et par mer. Celte neutralité n'est à la
vérité pas incompatible avec la cession de quelques se-
eonrs auxiliaires, stipulé dans un traité qui n'a d'autre
objet qu'une défense commime; mais S. M. a trouvé dans
Pamitié et dans la modération de S. M. l'impératrice de
toutes les Russies un appui de la sienne, et convaincu
avec elle que les démarches des trois cours réunies sont
dirigées par le désir général de la paix, elle consent
de garder pendant la durée des troubles actuels du
Nord cette neutralité telle qu'on la lui a proposera. Mais
elle espère et demande aussi de son côté, que ces trois
augustes cours, par un retour aussi juste que naturel
des mêmes principes et sentimens, gardent et conservent
aussi dans la même époque une neutralité également
parfaite et illimitée relativement aux affaires du Nord,
afin que leurs efforts réunis avec les siens, puissent
hâter le rétablissement d'une paix qui. fait le seul objet
de ses voeux.
Le soussigné a Thonheur de remettre cette décla-
ration du roi son maître aux trois ministres des cours
332 IX. AFF. J>U COMTB DE KASOUMOFTSKT.
réunies, en réponse d'une note commune du 6 âe ce
mois, en les priant de la faire parvenir à leurs sou-
verains.
Copenhague, le 9 Juillet 1789.
Berkstorff.
La paix deWerelae, signée le 14 Août 1790^
pour la Russie par le général d'Igelstroem et
pour la Suède par le général d'Armfeld y mit fin à
la guerre du Nord.
CAUSE DIXIÈME.
^^estations gui s^élevèrent en 1799, entre la
cour de Dumemarh et celle de la Chrande-Bre-
tagne, au sujet du commerce des neutres et de
f admission des armateurs français dans les
forts danois.
«.
Au commencement de la guerre qui éclata en
1793, entre la France et PAngleterre, le gouver-
nement français sentant le besoin de continuer le
commerce avec les puissances neutres pour se pro->
curer des grains et d'autres objets de première né-
cessité^ publia au mois d'Avril, une proclamation,
par laquelle on promit toute assistcuice et protection
aux capitaines et équipages des vaisseaux danois et sué-
dois qtd se rendraient dans les ports de la république.
Mais bientôt après , les Anglais ayant arrêté
plusieurs bâtimens neutres chargés de blé, destinés
pour les ports de France, la convention natio-
nale décréta le 9 Mai, ime loi qui autorisa les bâ-
tmiens de guerre et corsaires français, à arrêter et
334 X. AFF. DU COMMERCE DES NEUTRES,
à amener dans les ports de la république, tout na^
vire neutre qui se trouverait chargé , * en tout ott
en partie, soit de comestibles appartenant à des
neutres et destinés pour des ports ennemis , soit de
marchandises appartenant aux ennemis (^)*
Déjà ayant la France, la Grande-Bretagne
avait, sous prétexte que la guerre contre ce pays
n'avait pour but que de punir des rebelles et des
perturbateurs de l'ordre social, mis en pratique
lés maximes énoncées dans ce décret . Elle vQiilnt
adopter contre la république, le syaitême de la
famine (^), que cent ans auparavant le roi Guil*
laume lU, avait essayé de mettre en usage contre
la France , dVprès l'exemple de la reine. Elisabeth)
qui vers la fin du 16™* siècle, y avait eu recours
contre l'Espagne (^). Ce système fut développé sans
(1) Ces dernières y farent d^clarëes de bonne prise, et deraîeqt
être confisquées an profit des capteurs; les comestibles appartenant
à des neutres, 'devaient être payes sur le pied de leur râleur, J
compris le fret,, et une indemnité serait accordée aux bâtimeos i
raison de leur détention. Par ce décret la France viola les sdpt-
lations du traité du 50 Septembre 1749, le dernier qui ait réglé
les rapporta entre la France et le Danemark et dont la validité
devait durer Jusqu'à ce qu'on fût convenu d'un nouveau traité à»
commerce.
(2) M. Azuniy dans son Droit maritime de l'Europe, T.2» pAiOt
dit en cette occasion, ^former un pacte de famine contre un peuple
entier, prétendre affamer des femmes, des enfans, des vieillards etc.
voila une mesure monstrueuse, dont il a été réservé à TAngleterre
de prendre l*affrense initiative/'
(3) En 1589, la reine Elisabeth fit enlever soixante bâtiment
appartenans ' aux villes hanséatiques, chargés de grains et de mat^
ENTRE Ii'AKOIi. ET I^E DAN.J EN 1793- 335
détour dans l'instruction ci-après, qui fut adres-
lée au commandans des vaisseaux du roi et aux
annateiurs.
N*»- I.
biiructiami de S. M. Britannique pour ses armateurs;
du 8 Juin 1793. (Traduction privée).
hêtructions additionnelles données par & M, Britanni--
que aux commandans de ses vaisseaux de guerre et
armateurs qui ont ou auront des lettres de marque
contre la France. Données à St. James, le 8 Juin
1793.
jirt, L Qu'ils auront & arrêter et à détenir tous
les Taisseaux chargés en tout ou en partie de blés,
froment, ou farine, destinés pour quelque port de France,
on popr quelque port occupé par les armées françaises ;
et à les envoyer à tels ports qu'il sera le plus conve-
nable, pour que lesdits blé, farine ou froment puissent
être achetés pour le compte du gouvernement de S. M.
Britannique, et les vaisseaux relâchés après une telle
^ente, et après un paiement proportionné pour le fret,
ou bien, que les capitaines de tels vaisseaux après avoir
donné suffisante caution qui sera approuvée par la cour
d'amirauté, pourront procéder à la disposition de leur
cai^aison de blé, farine ou froment, dans les ports d'un
pays ami de S. M. (^)
rianz propres A la construction des vaisseanz, destines pour Lis-
iMmne, dont l'Sspagne ëtait alors en possession, voulant, disait-elle,
réduire TEspagne par la famine.
- (1) Quoique cette indemnité annoncée par le gouvernement bri-
tannique ne pût faire disparaître Pinjustice fondamentale d'une telle
prétention^ elle n'eut pas moins son plein e£fet par l*adoucissemeat
qa'eUe apportait an commerce des nations neutres.
336 X. AFF. DU COMMERCE DS8 NEUTlLSSy
Art. IL Que les conunandaïuB des vaÎMeaiix de
guerre de S. M. et les armateurs qui ont ou auront dei
lettres de marque contre la France, auront à saisir toot
vaisseaux quelle que soit leur cargaison, qui seront trou- |
vés tenter d'entrer dans quelque port bloqué, et de les
envoyer avec leur cargaison pour adjudication, eoi[cep*
tant les vaisseaux danois et suédois, lesquels la première
fois seront seulement empochés d'entrer , mais s'ik le
tentaient pour la seconde fois, ils seront envoyés de
même pour adjudication.
Art, 111. Qu'en cas que S. M. déclarerait quelque
port pour bloqué, il est enjoint aux commandans des
vaisseaux de guerre de S. M. et des armateurs qui ont
ou auront des lettres de marque contre la France, s'ils
rencontrent des vaisseaux en mer, dont les papiers font
voir qu'ils sont destinés pour de tels ports bloqués,
mais qu'ils ont quitté les ports de leur pays respec»
tifs, avant que la déclaration du blocus y ait été con-
nue, de les en avertir, et de les engager à chercher
d'autres ports: mais ils ne devront point les molester,
à moins qu'il ne paraisse qu'ils ont continué leur course
dans Imtention d'entrer dans le port bloqué, dans
lequel cas ils seront sujets à être pris et condamnés;
comme le seront de même tous les vaisseaux en quelq[ue
lieu qu'ils soient rencontrés, dont il conste qu'ils ont
mis à la voile de leur port pour un port qui a été
déclaré bloqué par S. M. après qu'une telle déclaration
a été connue dans le pays d'où ils viennent, et tous
les vaisseaux qui, après avoir été informés de quelque
manière du blocus pendant leur voyage, auront ce-
pendant continué leur course dans le dessein d'entrer
dans un tel endroit.
Le cabinet de St. James, en communiquant
cette ordonnance aux puissances neutres, essaya
SNTRE I*»ANGL. ET liE DAN.; EN 1793. 337
^justifier ce qu'elle renferm ait d'inusité (*), parla
ocmridération , que l'on ne pouvait point regarder
le gouyemement français comme légitime et établi,
puisque même les puissances qui n'étaient point en-
Tées dans la coalition pour le combattre, se refu-
nient à le reconnaître, et que la nature de cette
perce différait de celle de toutes les autres , en ce
ja'elle n'intéressait point le système du droit public
établi entre les souverains , mais le bien-être général
de toute l'Europe.
M. de Hailes , envoyé extraordinaire de S. M.
Britannique à la cour de Copenhague, fut chargé
en conséquence, d'adresser au ministère danois la
DotQ ci-après en lui transmettant la susdite ordon-
nance.
NO- n.
Vue de M. de HaUe$y ministre d'Angleterre à la cour
de Copenhague^ adressée au comte de Bernstorffj mini--
Hre des affaires étrangères de S. M. Danoise; du 17
Juillet 1793.
Le soussigné 9 envoyé extraordinaire de S. M. Bri-
innique, est chargé de 'remettre à M. le comte de
emstorffy par ordre de sa cour, la copie de l'ordre ci-
lint donné par S. M. Britannique dans son conseil
rivé, sur quelques points qui concernent le commerce
(1) En 1589, la reine Elisabeth fit enlever soixante bâtimens ap-
■rtenans aux yilles hansdatiques , charges de grains et d^ maté-
ittix propre à la constractîon des yaisseaux^ destinas pour Lis-
onne, dont l'Espagne ëtait alors en possession, roulanl, disait^elle,
Maire l'Espagne par la famine.
II. 22
338 X. APF. DU COMMERCE DES NEUTRES;
des nations neutres ayee la France pendant la guerre
actuellçy et il lui est enjoint en même temps de faire i
M. le comte de Bernstorff quelcpies observations sur ce
sujet y aussi bien que sur celui des vaisseaux apparte-
nant aux sujets britanniques qui pourraient être amenés
comme prises dans les ports de S. M. Danoise.
Personne ne peut méconnaître combien les circons*
tances de cette guerre diflerent de celles sur lesqad-
les sont fondés le système du droit public et les usages
ordinaires établis entre les souverains de TEurope. On
ne peut pas nier non plus, que celte différence ne doive
influer d'une manière importante et essentielle sur
l'exercice des privilèges des puissances neutres , résol-
tans ou du droit général des nations, ou des traités
particuliers.
Il n'existe actuellement en France aucun gouverne-
ment qui soit reconnu, non pas par les puissances Ld-
ligérantes, mais par celles même qui tiennent encore i
leur neutralité. La cour de Danemark ne conserve au-
cun ministre à Paris ; elle n'en a reçu aucun de la part
de la France depuis la - mort funeste de feue S. M.
Très-Chrétienne; elle s'est abstenue soigneusement de
reconnaître l'existence d'une autorité légitime en France,
comme de fait il n'en existe point; et quoique des rai-
sons particulières ne lui aient pas permis d'entrer dans
la guerre, elle ne peut rependant pas considérer la
France comme une puissance avec laquelle il lui soît
possible dans ce moment de maintenir tous les rapports
usités d'amitié et de neutralité.
Si dans les cas ordinaires, une puissance neutre
continue de faire son commerce avec deux nations, ses
amies, qui. sont en guerre l'une avec l'autre, elle a le
moyen de s'assurer, tant par les voies établies de né-
gociation, que par l'usage reconnu des tribunaux de
toute l'Europe, que sa neutralité, observée par Tune, le
sera également par l'autre; elle peut de même s'assn-
\
I
SKTJEU3 Ii'ANGIi. ET liK DAK.J EK 1793- 339
■i ^^9 que Pime de ces puissances n'abusera pas de cette
k tteatralité au préjudice de l'autre, et en violation de
Tamitié impartiale qu'elle leur doit également; et si, par
des circonstances imprévues, la manière usitée d'exer-
cer ces privilèges de commerce neutre devenait plus
particulièrement préjudiciable à l'une de ces puis-
sances qu'à l'autre, elle pourrait, par des représen-
tations amicales, faii'e valoir cette raison auprès de cette
dernière, et renoncer sans difficulté à un droit qui ne
«erait plus compatible avec les principes de sa neu-
tralité.
Aucune de ces circonstances n'existe actuellement.
Le Danemark, en conservant vis-à-vis de l'Angleterre
tooft les privilèges de commerce neutre qui lui ont été
donnés pour les cas ordinaires, le droit général des na-
tions et ses traités particuliers, ne peut s'assurer d'une
observation pareille en France, où cette neutralité a
déjà été violée et l'est encore journellement; où S. M.
Danoise n'a aucun ministre pour réclamer ses droits et
ceux de ses sujets, où elle ne reconnaît pas d'autorité
légitime qui puisse leur rendre justice, et où il n'existe
de fait ni lois ni tribunaux autres, que la volonté d'une
populace effrénée.
S. M. Danoise est dans une impossibilité égale
de traiter amicalement, et comme puissance neutre,
avec la France, sur les moyens d'établir des précau-
tions que les autres puissances belligérantes ont un si
JMe dîroit à demander, pour empêcher qu'on n'abuse
do privilège d'un commerce neutre, surtout en bleds et
l gÊmSy dans un moment où il existe, par rapport à cet
1, objet, tant de circonstances absolument nouvelles. Il
ttt notoire que le commerce de la France avec l'étran-
fer, en grains, n'est plus un commerce de particulier à
. pirticalier; mais que, contre Tusage ordinaire, il est
I jtasque entièrement entre les mains du prétendu co/z-
p *eil exécutif et des différentes municipalités. Il ne doit
22*
340 X. AFF. DU COMMERCE DES NEUTRES;
donc plus être considéré comme une combinaison de
spéculalions parliculièrcs auxquelles les individus <Iei
autres nations pailicipent, mais comme une opération ,
directe et immédiate dii soi-disant gouvei*uement qui
nous a déclaré la guerre.
Il est de même noèoire, que dans ce moment, un
moyen des plus efTicaces de ceux qui se présentent pour
i*éduire les personnes, qui -nous ont déclaré cette gaerre; i
â de justes conditions dé. paix, c'est celui de las empè^
cher de remédier, par des itnportations^ à la disette m- "-.
turellement résultante de ce qu^ils ont fait pour aimer \
coiltre les autres gouvei-nemens et contre la tranquillité
générale de l'Europe, toute la classe laborieuse du peu-
ple français. C'est un principe reconnu par tous ceux
qui ont écrit sur le droit public, que ces importations
peuvent être légalement empêchées quand on espèie
de réduire son ennemi par ce moyen. Elles le peavent
être bien plus encore, quand la détresse de cet ennemi
n'est occasionnée que par les moyens dont il s'est seni
pour nous nuire ; et il est incontestable que ce cas, d'an
genre a])solument nouveau, ne peut -être jugé d'après
des ])riiiclpes et des règles établies pour les cas des
guerres poursuivies selon l'usage ordinaire des souve-
rains de l'Europe. Ou doit aussi remarquer, qu'en ad-
mettant dans ses ports les armateurs français avec leurs ^
])riscs, S. M. Danoise ne pourrait avoir aucune de ces j
sûretés qu'exige la loi des nations, sur la validité de
leurs commissions et la régularité de leur conduite. Ses j
cours de justice ne peuvent, sans une conti'adiction mt- ,
nifeste, reconnaître la légabté d'une patente ou conlnli^ '
sion quelconque, émanée d'une autorité qu''elle ne re-
connaît pas pour souveraine; sans cette reconnaissance)
non seulement les prises ne peuvent pas être condam-
nées, mais les sujets et les propriétés britanniques ni
peuvent, sans une violation directe des ti*aités, être dé-
tenus dans les ports appartenans à un gouvernement
ENTRE L'ANGIi. ET LE DAN.; EN 1793- 341
Siî, dont ils «ont en droit <1e réclamer la protection:
i surtout il est impossible d'appliquer à ce c^s, les lois
irtiinaires d'une neutralité impartiale^ puisqu'il n'existe
a France aucune autorité i*econnue qui })uisse régler
I conduite des armateurs, et à laquelle un gouverue-
lent neutre puisse avoir recours pour les punir de Fin*
ioiction de ces règles, sans robserTance- desquollips ils
le sont plus des armateurs, mais des pirates.
C'est ajîrès ces principes que le soussigné a été
liargé, dans les premières ouveiturcs qu'il a du faire
. M. le comte de Bernstorff relativement à cet objet,
le' loi proposer d'entrer dans la discussion de ce qu'ion
narrait régler entre les deux souverains dans des cir-
onsCances si difl'érentes de celles qui ont existé fus-
H^d. C'est sur les mêmes principes qu'est fondéi l'or-
te donné par S. M. Britannique, et que le soussigné
actuellement Tbonneur de communiquer à M. le
omte de Bemstorff. S. M. se persuade que la cour de
hmemark y verra non seulement la justice qui résulte
es principes ci-dessus établis, mais aussi Taraitié cons-
ulte et invariable d'après laquelle cette mesure a été
églée, de manière à ne porter aucun préjudice réel
u intérêts des sujets de S. M. Danoise, qui seront en
mt cas pleinement indemnisés de leurs peintes et de
sors dommages. S. M. Britannique espère avec la
dnfiance la plus intime, que par une suite des liaisons
t des rapports d'amitié et d'intérêt qui ont si long-
mps lié les deux cours, elle trouvera une pareille at-
ntion dans toutes les démarcbes du gouvernement
mois sur ce qui a rapport à ce sujet intéressant dans
1 moment si critique, et à l'occasion d'une guerre, au
iccès de laquelle toute nation civilisée doit nécessai-
ment prcndi^e le plus grand intérêt. S. M. compte
irtout sur ce qu'il soit donné les ordres les plus po-
ti£i pour empêclier que les armateurs français ne
dÎMent amener dans les ports sous la domination de
342 X. AFF. DU COMMERCE DES NEUTRES;
S. M. Dauoisiey leurs prises, et moins encore les y ve2i
dre sous prétexte d'une condamnation quelconque; d
elle ne manquera pas, en retour, d'apporter de sa paît [
tous les. soins possibles, pour empêcher que le com-
merce des sujets danois ne, soit troublé, molesté ou in-
quiété par les vaisseaux armés appartenans soit & S. M.
soit à' sefi-su>ets, qui auront des lettres de marque on
des commissions pour fiore la course sur les yaisseanx
ennemis.
Pour ce, qui est des ports français bloqués par les
forces de. S. M. ou des puissances qui font cause com-
mune ayec elle dans cette guerre, le soussigné ne lait
aucune observation sur cette partie de Tordre ci des-
sus, qui; y > a ! rapport, les règles qui y spnt établies ëunt
confonhes à ce quf a toujours été pratiqué en de pa-
reilles occasions, et le principe, ainsi que son appfica-
tion à la. position relative des puissances engagées dans
cette guerre, ayant été déjà pleinement reconnu par le
gouvernement • danois.
Copenhague, le 17 Juillet 1793.
DE Hailbs.
En même temps que M, de Hailes fit cette com-
munication au gouvernement danois, M. Keen,
chargé d'affaires britannique à la cour de Stockholm
en donna connaissance au baron de Sparre, chance-
lier de Suède, qui peu de temps après, par la voie
de M. de Bergstedt, chargé d'affaires de S- M. Sué-
doise à Londres, fit exprimer au ministère britanni-
que la satisfaction que ce règlement avait donnée an ^
roi son maître (*).
1
(1) Poar se rendre raison de I^^pcneîl si différent qne cette
communication reçut â deux cours voisines, qvà avaient, sons le
KNT&£ li'ANGL. ET LE DAN.J EN 1793. 343
Le roi de Prusse ayant accédé en plein aux
■ principes de la cour de Londres et aux demandes
^ ^'elle avait faites par M. deHailes, chargea le comte
de Goltz, son ministre à la cour de Copenhague,
d'appuyer par la note suivante celle du ministre
df Angleterre.
NO- m.
Note du comte de Goltz^ envoyé extraordinaire de S. M.
Prwiienne à la cour de Copenhague ^ adret^ée au comte
de Bermtorff; le 21 Juillet 1793.
S. M. le Roi de Prusse qui n'a qu'un intérêt com-
mun avec S. M. le roi de la Grande-Bretagne, en tout
ce qui peut contribuer aux succès d'une guerre à l'issue
de laquelle toutes les nations doivent prendre le plus
rapport de leur commerce avec la France, les mêmes intérêts, il
faat se rappeler^ que le traite da 11 Jaillet 1670, qui rëglait les
rapports entre rAngleterre et le Danemark, n^ëtablîssant que d'nne
manière très-imparfaite les droits du commerce neutre, fut expli-
que par nne conrention conclue le 4 Juillet 1780, qui renferme
la nomenclature des marchandises qui doivent être rëputëes de con-
trebande de guerre, et en excepte expressément le froment, la fa-
mine, le blëd et les autres grains. Quant â la Suéde, elle se trou-
vait dans un cas tout différent. Dans son traite de commerce avec
l'Angleterre, du 2S Oct. 1661» Targent et les munitions de bouche
étaient expressément désignés au nombre des marchandises de con-
trebande $ et cette disposition fut confirmée par Fart. V* du traité
de commerce du 16 Février 1666. De sorte que le même règle-
ment qui était une violation des traités envers le Danemark, était
une faveur pour la Suède, puisque les conventions susmentionnées
donnaient â l'Angleterre le droit de confisquer les grains chargés
sur des vaisseaux suédois et destinés pour la France, tandis que
le règlement du 8 Juin 1793, en ordonnait seulement la vente,
pour compte de» propriétaires. V. Scuoell, hist. de traités, T. VI.
344 X. AFF. DU COMMERCE DES NEUTRES;
grand intérêt, ne saurait s'écarter en rien des principes, h
que les circonstances ont fait adopter à la cour de Lon- la
dres relativement au commerce des nations neutres avec
la France pendant la guerre actuelle.
En conséquence elle vient d'ordonner au soossigné,
son conseiller privé 'd'ambassade et son envoyé extra-
ordinaire^ de joij[idre ses représentations à celles que
M. HaileSy envoyé extraordinaire de S. M. Britannique,
a été chargé de faire sur cet objet à son Excellence M.
le comte de Bernstorfl^
Le soussigné, en se référant ici en tout au contenu
de la note remise pour cet effet par le ministre de S.
M. Britannique, et en accédant en plein et sans excep-
tion d'aucun point, aux opinions y énoncées et aux de-
mandes y faites, a Fbonneur de s'acquitter ainsi des or-
dres de sa cour de la manière la plus solemnelle ^ la
plus propre à prouver le concert qui règne à cet égard,
comme à tous les autres, entre S. M. le roi de Prusse
et S. M. le roi de la Grand-Bretagne.
Si les considérations sur lesquelles portent les de-
mandes du mînîstcre britannique, motivées par les cir-
constances et par la nature de la présente guerre, ne
peuvent que mériter par leur solidité l'attention de S.
M. Danoise et de son ministère, et si la manière de les
exposer et de régler les mesures en conséquence à ne
porter aucun préjudice réel aux intérêts des sujets de
S. M. Danoise, prouvent le prix que met la cour de
Londres au maintien des liaisons et des rapports d'a-
mitié et d'intérêt qui ont si long-temps lié les deux
cours, l'empressement avec lequel S. M. le roi de
Prusse concourt à l'appui de ces demandes, ne prouve
pas moins la confiance qu'il met dans la sagesse du
gouvernement danois et dans la justice résultant des
principes qui font la base de la présente démarche,
confiance, qui est faite pour cimenter la bonne harmo-
£NTR£ li'AKGIi. ET liE BAN.J EN 1793. 345
lue et la parfaite intelligence qui subsistent si Leureu-
•ement entre les deux cours.
Copenhague^ le 21 Juillet 1793.
GOLTZ.
Comme le gouvernement danois avait le plus
grand intérêt à ce que les sujets de S. M. profitant
de la guerre presque générale, continuassent à faire
le commerce si lucratif avec la France, le comte de
fiemstorff, loin de reconnaître les principes des cours
de Londres et de BerUn, défendit ceux de la neutra-
lité que son gouvernement avait adoptés. H adressa
en conséquence le 28 Juillet, une note au ministre
d'Angleterre en réponse à la sienne du 17 du même
mois, qu'il accompagna d'un mémoire (^).
No IV.
Bépome du comte de Bernstorff à M. de Hazles^ accom^
pagnéed'un mémoire; du 28 Juillet 1793.
C'est toujours un regret très-vif pour S, M., quand
elle se voit dans la nécessité indispensable de combat-
tre les principes des puissances ses alliées et ses amies,
ou de se plaindre de leurs démarches. Elle avait es*
(1) C'eat de cette réponse et de ce mémoire da comte de '
fiemftorfiE^ écrits avec cette ooble franchise qui caractérise tont ce
qui est sorti de la plame de ce ministre, dont la droitare et la
ULge politique lui ont valu les suffrages de toute TEurope, que le
maxqnis de Landsdown, dans son discours prononcé le 17 Février
1794^ an parlement, disait: „The reply of count Bernatorff to our
,,remonstran€e, was one of the boldest, wisest and most honourable
,,r€phea y hâve ever read. It was a state-paper, that êhould be
^,kept for the model ofevery cabinet in Europe,
346 X. AFF. BU COMMERCE DES NEUTRES;
péré que robseryation la plus scrapulense de la nea-
tralité la plus exacte, et son attention à se confonaer i
ses traités, la lui épargneraient; mais le contenu inattendu
de la note remise par M. Hailes, envoyé extraordinaire
de S. M. Britannique, et appuyée par M. le comte de
Goltz, envoyé extraordinaire de S. M. le roi de Parusse,
ne lui permet plus de garder le silence. Les argumens
que S. M. oppose à ceux qui lui ont été allégués, sont
contenus dans le mémoire ci-joint. Ce n'est pas le dé-
sir de soutem'r une opinion une fois avancée, qui ren-
gage à persister dans la sienne; c'est sa conviction h
plus intime et ses intérêts les plus majeurs, le désir de
conserver la paix â ses sujets, qui en ont besoin, qui la
déterminent.
S. M. est persuadée qu'elle parle à des amis et â
des souverains justes et équitables : elle parle ainsi sans
détour et avec francbise. Il ne s'agit pas d'une discus-
sion de droits; ceux du Danemark ne sont pas problé-
matiques: -et le roi mon maître en appelle aux senti-
mens des souverains, ses amis, s'il ne doit pas lui
paraître pénible d'entrer en négociation sur l'exéculion
de ses traités, clairs, reconnus et avoués. Il se flatte
qu'où n'adoptera jamais comme un principe, ou qu'on
puisse vouloir le faire valoir contre lui, que la nature
différente d'une guerre peut altérer la nature des con-
trats bilatéraux, ou que des concessions réciproques
puissent être regardées comme des faveurs ou des pri-
vilèges, ou que des puissances quelconques puissent
faire des arrangemens aux dépens d'un tiers, ou que
des étals en guerre voulussent alléger le poids qui en
est inséparable, en rejetant le fardeau sur des neuU'CS
innocens. Ces objets peuvent faire la matière d'une Ss-
cussion; mais S. M. croirait faire injure aux cours res-
pectables à qui elle s'adresse, si elle craignait queDes
insisteraient après avoir entendu ses réclamations, et
bien moins encore, qu'elles puissent vouloir faire usa{C
ENTRE li'ANGI,. ET LE DAN. ; EN 1793- 347
lue force prépondérante pour la substituer aux argu-
ent on au consentement nécessaire des parties inté-
Bsées. N'ayant pris aucun concert avec les autres
dssances neutres comme elle, S. M. ignore ce qu'elles
snsent à cet égard; mais elle est persuadée que leur
dnion et leur résistance seront unanimes, et qu'elles
Qtiront également qu'il est impossible de concilier le
stème de la neuti*alité avec des mesures qui l'anéan^
isent.
S. M. ne redoute pas qu'on puisse se plaindre
'die; elle n'a rien exigé au-delà des traités; elle a été
dèle & ses stipulations et à la neutralité; elle est la
«rde souffrante, mais elle ne comprend pas comment
i, M. le roi de la Grande-Bretagne a pu donner aux
ommandans de ses navires, et cela sans demander son
Teo, une instruction additionelle parfaitement contraire
Qz instructions pi*écédentcs et à ses traités avec le Da-
lemark. Elle avait espéré qu'elle ne s'étendrait qu'à
les états avec qui l'Angleterre n'est pas liée par des
ionventions décisives; mais ne pouvant plus admettre
lette explication, elle se voit obligée, malgré elle, de
protester contre elle, comme contre une infraction ma-
nfeste des traités (la loi la plus sacrée qui existe
sntre les hommes), de se réserver tous ses droits, et de
linuander avec instance à S. M. Britannique de révo-
{oer cette instruction nouvelle, et de n'en point don-
ner qui ne soit conforme à des engagemens évidem-
Bent obligatoires. Ce n'est pas que S. M. soit indiffé*
KUe au plaisir de pouvoir témoigner son amitié au roi
Se la Grand-Bretagne , ainsi qu'au roi de Prusse et à
hun alliés, en allant au-delà du devoir rigoureux. Elle
bni tout ce qui lui sera possible sans compromettre sa
■tcotralité et le bien-être de la nation. EIlc^ consent à
regarder conmie bloqués tous les ports de la France,
'^•^à-vîs ou près desquels il se trouve une force mari-
■^ supérieure de l'Angleterre ou de ses Alliés. Elle
348 X. AFF. DU COMMERCE DES NEUTRES J
ne fera et ne fayorisera aucun contract avec le goaver-
iiement français sur des approvisionnemens de sa ma-
rine ou de SCS armées* Elle ne permettra pas la vente
des prises faites par des vaisseaux français dans ses
états, et elle ne cessera de réclamer en France la res-
titution des effets des Anglais et de sujets des alliéfl
de TAngleterre confiés à son pavillon, et de faire pour
cela les mêmes efforts comme si c'était propriété da-
noise: enfin S. M. n'omettra et n'oubliera rien de tout
ce qui pourra afTermir ses liens avec les puissancet
dont elle a toujours brigué l'amitié et l'estime, et ooo»-
tater sa fîdéb'té à des engagemens et son respect pov
les bases de la société et de la prospérité univezsdle^
Copenhague, le 28 Juillet 1793.
Bebnstorff.
«
Voici le mémoire qui était joint à cette noté.
MÉMOIRE.
Le droit des gens est inaltérable; ses prindpes n0
dépendent pas des circonstances. Un ennemi en çaerre
peut se venger de ceux qui les oublient: il peut exister
alors une réciprocité funeste qui sauve le droit rigou-
reux: mais une puissance neutre qui est en paix, nC'
peut pas composer ou connaître une compensation pa-*
reille. Sa sauvegarde est dans son impaitlallté et dan^
ses traités, ou ne lui pardonne pas de renoncer à se^
droits quand c'est en faveur d'une des parties belllgé-*
rtintcs: elle-mÊme repose sur le droit public universel»
qui ne connaît pas de distinction; elle n'est ni juge ï*|
partie; les traités n'accordent aussi, ni des privilèges ï*
des faveurs; toutes les stipulations sont d'un di'oit pa
fait; ce sont des obligations réciproques; c'est un
tract qui serait dénaturé, si une des pallies contracta.'**'
tes pouvait le suspendre^ ou l'expliquer ou le
BNTR£ Ii'ANGI*. ET liE DAN. ; EN 1793. 349
\ifgc à son gré sans Tayeu de Tantre; tous les traités
leviendraient impossibles puisqu'ils seraient inutiles:
l'égalité, la' bonne foi^ la sûreté en souffriraient égale-
ment, et l'oppression n'en devient que plus injuste lors-
qu'elle est précédée par la violation d'im engagement
sacré des bénéfices duquel on a joui, et qu'on a re-
connu et avoué aussi long-temps que ses intérêts ne
s'y opposaient pas*
Le Danemark ne prétend certainement pas justifier
le gouvernement actuel de la France, sa nature et son
origine $ mais il ne veut pns prononcer à eût égard, et
la neutralité lui défend d'cxpnmcr tous ses sentimens.
Noos ne ferons entendre que nos regrets et nos voeux
de voir bientôt la fin des maux qui affligent ce pays et
i cause de lui , l'Europe .entière ; mais il ne s'agit pas
dans ce moment de Taveu de la forme du gouverne-
ment et de sa reconnaissance, que nous avons con-
stamment refusé. La nation existe et l'autorité qu'elle
reconnaît est celle à qui on s'*adresse dans les cas indi-
viduels. Les liens du commerce subsistent aussi, tout
comme ils ont subsisté entre F Angleterre et la France,
tant que celle-ci a voulu conserver la paix. La nation
i^onnait encore ses traites avec nous; elle s'y con-
fonne du moins fréquemment; elle les réclame, et nous
les réclamons , et cela souvent avec succès non seule-
ment pour nous, mais aussi pour les effets appartenans
•ttt sujets des puissances en guerre couverts par notre
Pavillon; dans les cas de refus ou de délai, nous avons
^endu souvent, et avec regret, alléguer le motif des
'tressailles de ce que les nations en guerre avec elle
^ Respectaient pas davantage leurs traités avec nous ; et
^^9t ainsi que le pavillon neutre devient la victime des
^eurs qui ne sont pas les siennes. Les voies de la jus-
^e sont encore, ouvertes en France; les consuls et les
■^^dataires des parlicuL'ers sont admis; les appels aux
''^unaux de commerce ne sont pas refusés. Cela suf-
350 X. AFF. DU COMMERCE DBS NEUTaES;
fit dans les cas ordinaires: il n'est pas nécessaire d'epr
tamer des négociations nouvelles pour la simple mana-
tention des traitéa. Il n'y a pas besoin de négociateurs;
les juges suffisent
Ces considérations sont déjà affaiblies par la re-
marque que nos réclamations sont souvent écoutées en
France, et que l'impossibilité de les faire valoir n'existe
pas. Il est vrai que les municipalités auxquelles il faat
s'adresser^ ne sont pas également équitables^ que les
sentences des tribunaux de commerce n*ont pas une
base uniforme; que la ressource du recours à un cen-
tre de l'autorité manque, et que cela fait éprouver quel-
ques fois des injustices fâcheuses; mais elles ne sont pas
fréquentes; personne n'en souffre plus que les puissan-
ces neutres; et il n'est pas juste qu'elles en soient en-
core punies, et cela par les puissances qui condamnent
le plus ces procédés et qui les justifieraient en les
imitant.
Une négociation entre une puissance neutre et une
des parties belligérantes, pour que celle-ci n'abuse pas
de la neutralité au préjudice de Tautre, ne peut pas se
penser. Une puissance neutre remplit tous ses devoirs
en ne s'écartant jamais ni de l'impartialité la plus stricte
ni du sens avoué de ses traités. Les cas où sa neutra-
lité est plus utile à une des parties belligérantes qu'à
l'autre ne la touchent et ne Talleignent pas. Cela dé-
pend des situations locales et des circonstances du mo^
ment; cela varie; les pertes et les avantages se com-
pensent et se balancent dans la suite du temps. Tout
ce qui ne dépend absolument pas des puissances neu-
tres, ne doit aussi pas iiïfluer sur la neutrahté: un in-
térêt particulier et souvent momentané deviendrait ail^
lieurs l'interprète et le juge des traités . permanens. La
distinction entre de spéculations particulières et celles
du gouvernement et des municipalités, nous parait aussi
BNTRE li'ANGL, ET liE DAN.; EN 1793. 351
nouvelle^ qu^elIe nous est entièrement inconnue. Gomme
le cas n'existe pas ici^ il serait inutile de discuter la
question, si un contrat entre un gouvernement neutre
et celui d'une puissance belligérante, portant sur des
proyisions destinées à nourrir des armées ou des gar-
nisons ou des équipages des navires de guerre, déro-
geait à un traité qui ne fait pas cette exception. Il ne
lagit que de spéculations absolument particulières du
débit des productions entièrement innocentes , aussi in-
téressantes pour le vendeur que pour Pacbeteur, de
remploi des vaisseaux d'une nation qui tire sa subsis-
tance principale de la navigation et de la vente des
grains. IL ne s'agit ici pas des ports de guerre, mais
de conmiet*ce; et s'il est permis d'ajQTamer des places
bloquées, il n'est peut-être pas également juste d'ajou-
ter ce fléau à tant d'autres, quand il tombe sur des
innocens et qu'il peut aussi atteindre en France des
provinces qui ne méritent cette aggravation de ses mal-
heurs ni de la part de l'Angleterre ni de ses alliés. La
détresse, qui est la suite du défaut des provisions , n'est
pas tme circonstance extraordinaire attacbée à ce mo-^
ment, ou occasionnée par les mêmes motifs qui établis-
sent d'ailleurs la différence si souvent citée de cette
guerre à d'autres; mais la France est presque toujours
dans le cas d'en tirer de l'étranger: l'Afrique, l'Italie,
l'Amérique lui en fournissent plus que la Baltique. Dana
l*aiinée 1709, la famine était bien plus menaçante en
'ï'ance; et cependant l'Angleterre ne fit pas usage du
^Uie argument. Bien au contraire, quand peu de temps
*P^ès Frédéric IV., roi de Danemark, faisant la guerre
^ «a Suède, qui est toujours dans le même cas que la
***^nce, crut pouvoir adopter le principe, que les im-
P^inations^ pourraient être légalement empêchées quand
^- espérait de réduire ses ennemis par ce moyen, en
*Pj)liquaflt à un pays entier la thèse reçue pour les
P^^ces bloquées, toutes les puissances réclamèrent con-
352 X. AFF. DU COMMERCE DJSS NEUTRES ;
tre, et nommément la Grande-Bretagne. Elles la décla<-
rërent unanimement pour nouvelle et pour insoutenable;
et le roi, convaincu, s'en désista entièrement. Une guerre
peut certainement différer de l'autre par ses motifs, par
son but, par sa nécessité, par sa justice ou son injus-
tice; cela peut être de la plus grande importance pour
les parties belligérantes; cela peut et doit influer sur la
paix, sur ses dédommagemens, sur toutes les considéra-
tions accessoires; mais cela ne regarde absolument pas
les puissances neutres. Elles s^intéresseront sans doute
pour celles qui ont la justice de leur côté, mais elles
n'ont pas le droit d'écouter ce sentiment; la neutralité
n'existe plus dès qu'elle n'est pas parfaite.
Les Vaisseaux portans pavillon anglais, ainsi que
ceux des alliés de l'Angleterre, trouvent dans tous les
ports du roi toute la sûreté, assistance et protection pos-
sible; mais ils ne sont plus sur cette ligne quand ils
ont été pris par leurs «ennemis; les armateurs français
ne peuvent pas être considérés, par des puissances neu-
tres, comme des pirates ou comme des forbans, quand
l'Angleterre ne les regarde et ne les traite elle-même
pas comme tels; elle considère donc les prisonniers
comme des prisonniers de guerre; on les échange; on
a même négocié pour cet effet; les lois de la guerre
ordinaires sont observées et respectées dans tous les
détails; et c'est celte règle seule que nous avons à sui-
vre. Le pavillon tricolore a été reconnu en Danemark
dans le même temps, qu'il fut reconnu presque partout.
Tout changement à cet égard serait impossible sans nous
attirer la guerre et sans la mériter. L'admission des ar-
mateurs et des prises en Norwège est la suite de cette
neutralité, qui ne connaît pas de distinction; elle a eu
lieu de tout temps, dans toutes les guerres maritimes
qui ont affligé l'Europe. Tour à tour toutes les nations
en ont profité et l'ont désiré. La nature du local s'op-
pose à une défense générale; elle nous compromettrait,
BKtKE li'ANGIi. ET liE DAN.; EK 1793. 353
puisqxi'il serait impossible de là faire observer dans un
pays éloigné, qui a des côtes d'une longueur immense
et des ports et des rades sans nombre, dans ses con-
trées peu habitées; elle serait donc illusoire et même
nuisible, puisque les Français, conformément à leurs
décrets, détruiraient alors les vaisseaux qu'ils ne pour-
raient plus espérer de mettre en sûreté. L'objet est
d'ailleurs peu considérable et les moyens d'y remédier,
aont nombreux et peu difficiles. ;
A. P. DE Bernstorff.
Le même jour encore le comte de BemstprfF
communiqua cette réponse, ainsi que le mémoire , à
l'enToyé de Prusse, et les accompagna de la note
suivante.
Note du comte deBemêtorffau comte de GoliZy en lui corn-'
^ mnmiquant la^répome faite au ministre d* Angleterre; du
28 Juillet 1793.
M. le comte de Goltz, envoyé extraordinaire de S.
M. Prussienne, ayant joint, en conformité de ses ordres,
ses représentations à celles de M. de Hailes, envoyé ex-
traordinaire de S. M. Britannique, remises en date du
17 Juillet , le soussigné a l'honneur de lui communiquer
la réponse que le roi son maître lui a ordonné de faire
i celles-cî. S. M., en expliquant avec toute Pamitié
possible, les démarches des souverains réunis contre la
France, se flatte de trouver chez eux le retour des mê-
mes sentimens pour elle. Sûre d'avoir fait tout ce qui
a dépendu d'elle pour se prêter à leurs souhaits, elle
espère surtout que S. M. le roi de Prusse rendra jus-
tice à ses sentimens et à son désir constant de cultiver
II. 23
354 X. AfT. DU COMMERCE DES NEUÏBES;
et crafibrmir tous les liens réciproques qui subsistent si
heureusement entre elles.
Du département des affaires étrangères à Copen-
hague, le 28 Juillet 1793.
Bernstorpf.
Dès le commencement de la guerre, Pimpéra-
trice de Russie, par la convention signée à Londres,
le 25 Mars 1793, s'était engagée d'unir ses efforts
à ceux de S. M. Britannique, pour empêcher les
puissances neutres non impliquées dans cette guerre,
de protéger, soit directement soit indirectement, le
commerce du la propriété des Français en mer, ou
dans lè^ ports de la France. C'est dans cette yne
qu'elle fit sortir de ses ports , au mois d'Août, vingt-
cinq vaisseaux de guerre pour croiser dans la Bal-
tique et dans la mer du Nord, pour empêcher le
commerce des Français , et qu'elle exhorta le gou-
vernement danois de refuser les convois de guerre
aux vaisseaux danois destinés pour des ports de la
France.
M. de Krudner , ministre de l'impératrice à la
cour de Copenhague, fut chargé en conséquence de
remettre la note suivante au comte de Bernstorff.
N°- VI.
Note du baron de Krudner^ envoyé extraordinaire de S.
M, li'mpératrice de toutes les RussieSy adressée au cobU
de Bernstorff; du 10 Août 1793 {').
Le soussigné , envoyé exlraordmaîre et ministre plé-
(1) Il est à. remarquer que dans cette note le ministre de Ca-
therine II, fait hommage au principe d*après lequel les conroîs g^'
f5
ENTRE I-'ANGIi. ET liB DAN.; EN 1793. 355
nipotentiaire de S. M. Tlmpératrice de toutes les Rus-
sîes, en se rapportant aux ouvertures amicales et confi-
dentielles qu'il a été chargé de &ire dans le commen-
cement de cette année au ministère de S. M. Danoise,
conjointement avec les ministres des autres cours inté-
ressées it la présente guerre, a l'honneur de lui annon-
cer aujourd'hui, que conséquemment au concert arrêté
ITCC S. M. Britanm*que, S. M. Impériale a fait sortir de
les ports une flotte de vingt-cinq vaisseaux de ligne et
de quelques frégates, dont la destination est de croiser
dans la Baltique et la mer du Nord, à l'effet d'empê-
cher et d'intercepter la navigation et le commerce des
rdelles français, et de protéger contre leurs pirateries
et brigandages les côtes de ces mers. Les instructions
dont le commandant de cette flotte est muni, lui pres-
crivent de saisir tous les vaisseaux sous le soidisant
pavillon national français ou sous tout autre qu'ils ose-
raient arborer, ainsi que d'arrêter dans sa route tout
bfttiment neutre fretté et chargé pour les ports de
France, PobUgeant de rebrousser chemin ou de gagner
quelque port neutre selon la convenance.
Après toutes les preuves que S. M. Impériale a don-
nées de ses soins généreux et désintéressés pour assurer
les droits des neutres en temps de guerre, à la faveur d'un
code des lois maritimes, auquel la plupart des puissances
ont mis le sceau de leur assentissement par des traités
solenmels, elle ne peut point être soupçonnée de vou-
loir déroger à ce système bienfaisant et salutaire, attendu
qu'il n'est nullement applicable à la circonstance présente.
Pour démontrer et constater cette assertion, U suffît dédire,
que les usurpateurs du gouvernement en France, après
avoir tout bouleversé chez eux, après avoir trempé leurs
mains parricides dans le sang de leur roi , se sont déclarés
Tintiasent contre la visite; principe snr lequel les conventions de la
Qeutralitë ann^e de 1780 ne s'étaient pas jiroponcées.
23*
356 X. AFF. DU COMMERCE DBS NEUTRES}
par un décret solcmnel, les amis et les protecteurs de
tous ceux qui oseraient entreprendre des attentats et des
crimes semblables aux leurs dans les autres états, et leur
ont non seulement promis tout secours et toute assis-
tance, mais ils ont en effet attaqué à main armée la
plupart des puissances qui les avoisincnt. Par là même,
ils se sont constitués de la manière la plus directe en
étal de guerre vis-à-vis de toutes celles que l'Europe
renferme 5 et dès-lors la neutralité n'a pu avoir lieu qne
là, où la pnidence obligeait de dissimuler le parti que
Fîntérét général dictait. Mais ce motif n'existe plus de-
puis que les puissances les plus formidables se sont
réunies entre elles pour faire cause commune conlre
l'ennemi de la sûreté et du bonbcur des nations. S*il
en est auxquelles leur situation ne permet pas des ef-
forts aussi efficaces et aussi décisifs que ceux que ces
puissances déploient, il est juste qu'elles veuillent bien
y concourir par d'autres moyens qui sont absolument
en leur pouvoir, et nommément par celui de l'inter-
ruption de tout commerce et de toute communication
avec les perturbateurs du repos public. S. M. Impé-
riale se croit d'autant plus permis 'de proposer cette
mesure, qu'elle a été la première à en donner l'exem-
ple, en l'adoptant dans ses états non-obstant le préju-
dice passager qui en résulte pour le débouché et le
débit des productions de son empire. Elle a trop bien
senti les in convenions auxquels l'intérêt générai serait
axposé, si l'on fournissait à Tennemi commun la facilité
d'alimenter et de prolonger les troubles, au moyen d'un
libre transport de vivres ou de munitions navales pour
balancer sur le sacrifice de quelques profits momentanée,
[e moindre de tous ceux qu'exige une aussi grande cause.
Aussi pleine de confiance dans la justice de ses moûfs
ainsi que dans l'amitié de S. M. Danoise, l'impératrice
n'hésite-t-elle pas de renouveller ses instances auprès
du roi son allié, pour l'engager à adhérer à ses inten-
£NTRJB li'ANGIi. ET LE DAN.J EN 1793- 357
tions aussi amicales que salutaires , en donuant ordre à
aon amirauté de refuser des convois de guerre à tous
les vaisseaux danois destinés pour la France dans la
conjoncture actuelle, et en faisait prescrire à tous ceux
qui feront voile pour d'autres ports , de subir la visite
des vaisseaux de guerre de S. M. rimpératrice, néces-
saire et indispensable dans ce moment, avec la déférence
et les égards qui se pratiquent entre les puissances
amies^ alliées et voisines,
Bépofue du comte de Bermiorff à la noie du baron de
Krudner; du 23 Août i793{').
Après avoir rendu compte au roi, mon maître, de
la note remise par M. le baron de Ki'udner ,• envoyé de
la cour de Russie, datée du 10 Août 1793, S. M. m'a
ordonné d'y répondre: qu'elle voyait avec le plus ex-
trême regret, combien les principes qui y étaient énon-
cés, différaient dans ce moment des siens; qu'elle ne
s^était pas attendue à des ouveitures qui paraissaient
supposer des doutes qu'elle n'avait pas mérités; qu'il
ne pouvait pas être inconnu à S. M. Impériale, que le
roi était décidé à ne pas accorder des convois aux vais-
seaux danois destinés pour la Frauce, et que S. M. ne
prétendait pas pouvoir porter dans ce pays de muni-
tions navales; qu'elle ne pénétrait par conséquent pas] le
sens d'une déclaration qui ne l'atteignait pas, ni d'une
démarclie qui appliquait les principes et les prérogati-
ves d'un blocus, à des positions qui repoussaient toute
idée de ce genre; que le commerce des grains, limité
comme il l'était actuellement, était un objet presque nul
(1) n y a dans cette réponse quelques passages qui se rapportent
à &eft négociations qui sont encore couvertes du voile du mystère.
358 X. AFF. DU COMMERCE DES KEUTRES;
pour la cause que S. M. Impériale avait embrassée, mais
qu'il ne Tétait pas pour le Danemark, puisque le sacri-
fice de ses droits, de son indépendance et de ses traités
y était attaché; que S. M. ne se permettrait cependant
pas d'entrer dans une discussion formelle & cet égard,
S. M. Impériale ayant refusé le seul juge qu^elle pouvait
reconnaître, le droit des gens universel etpcttticulier;
que ne pouvant par conséquent plus ^i appeler i celui-
ci, elle ne voulait en appeler qu'à l'équité et k l'amitié
de S. M. Impériale, cimentées par tant d'années et par
des preuves réciproques; ce qu'elle faisait avec d'autant
plus de confiance, qu'elle croyait lui avoir donné une
preuve bien forte et décisive de la sienne, en ne faisant
pas usage de son droit incontestable, de réclamer, pour
la liberté de sa navigation, l'appui qui lui était dà par
les traités les plus solemnels et qui lui avaient été pro-
posés par S. M. l'Impératrice elle-même.
Du département des affaires étrangères à Copen-
hague, le 23 Août 1793.
Berxstorff.
Non seulement les armateurs anglais continuè-
rent à exécuter avec riguein* l'instruction du 8 Juin
1793 (*); mais l'amiral Hood, commandant de la
(1) Depuis le commencement da mois de Fëyrîer jusqu'au 15 Août
1793, cent quatre-vingt-neuf bâtimens danois^ charges de grains,
de viande, de poissons etc., furent conduits en Angleterre, et le
gouvernement britannique fut três-lent dans le paiement des car-
gaisons qu'il s'e'tait ainsi appropriées. Des 557,504 Lîv. Steri.
auxquelles elles avaient été estimées, il n'avait paye, en Novembre
1794, que 88,407 Liv. Sterl. IS ScHU. Dans Pintervalle, les tri-
bunaux d'amirautë anglais établirent une maxime nouvelle, d'après
laquelle les nations neutres n'avaient pas le droit de porter dans
des pays étrangers les produits et marchandises d'autres nations»
chaque nation devant se borner au commerce de ses propres pro-
BMTaB I/ANGL. ET liE DAN.J EN 1793. 359
flotte anglaise dans la mer Méditerranée, déclara
mêine de bonne prise, tout bâtiment, de quelque na-
tion qu'il fut, destiné pour un port français, bu sorti
de-là, sans égard à la nature de sa cargaison. Le
gouyernement lui-même publia, le 6: Novembre
1793, l'instruction additionelle suivante (^).
N°- vm,
L$»truction addiiionelle de S. M, Britatmique pour leg
commandant de 968 vameaua; de guerre etarmateun;
du 6 Novembre 1793. (Traduction privée.)
Qu'ils aient à arrêter et à ; détenir tous les- vaisseaux,
chargés de marchandises du produit de toute colonie
t .■
XbL
• I ;
dactîons. l)*après ce principe qui dés lors forma préjuge (prëcë-
dent) dans les tribananx, on refusa â divers bâtimens neatres le
paiement da prix de lenr cargaison et da fret.
(1) Cette instruction additionelle demande une explication.
Les Anglais avaient professe pour la première fois, pendant la guerre
de 1756, la maxime , qu'il n'était pas parmi aux 'néatrès' de 'faire,
en temps de gaprre, un commerce que les lois d*fvi9. poissanoe belr
ligërante leiHr interdisaient en temps de paix; ce qui veut dire,
que si les neutres sont exclus en temps de paix dn commerce des
colonies françaises ; il n'est pas permis à la Frknoe ' de le leur
accorder en :temps de guerre, parce qu'une telle: permission n'au-
rait d'antre but que de soustraire les, productions des 'colonies fi^an-
çaises aux armateurs anglaise .La France avait aboli, en 176S, le
monopole de ses sujets avec ses colonies ; aussi les Anglais ne prë-
tendirent-ils pas, pendant la guerre de 1778, eiâ^do'^er les neutres
de prendre part â ce commerce. Mais ce monopole, avait ëtë ré-
tabli après la paix de Versailles, et les Anglais se crurent fondes,
en 1793, à regarder comme illicite le commerce que les Suédois
et les Danois faisaient avec les colonies françaises, plutôt par une
tolérance du gouvernement français que par une autorisation ex-
presse.
360 X. AFF. BU COMM£RC£ DES N£UTB£8 y
appart^ant à la France , ou portant des provisions ou
autres munitions pour l'usage d'une de ces colonies et
qu'ils aient à amener lesdits vaisseaux avec leurs cargai-
sons, pour en faire adjudication légale dans la cour d'à-
nuranté.
îPap ordre de S. M.
.^ Henry Dunbas.
Cette instruction iîit modifiée plus tard par une
autre du 8 Janvier 1794 j qui statua 1®, que les
bâtimens chargés de produits des Indes occidentar
les fraïlç&îses et allant directement d'un port de
ces îles à lin port en Europe, seront arrêtés et
condamnés; 2^ y que les navires chargés de pro-
ductions de ces îles étant la propriété de sujets
français, seront confisqués; 3^ y qu'il en sera de
même de tout bâtiment qui essayera d'entrer dans
un port de ces îles bloqué par les forces britan-
niques; ainsi que 4°, de tout bâtiment chargé
de provisions navales ou militaires pour ces îles (*}.
Ënfiu au . commencement du mois de Mars 1794)
le gouvernement britannique donna aux capitaines
de ses vaiisseiaux un ordre secret qui portait, que tout
bâtiment chargé de provisions de bouche où de
provisions navales, quelle qu'en fût la destina-
tion, serait amené dans les ports britanniques; et
qui établit une série de vingt questions, qui du-
rent être proposées aux gens de l'équipage de tout
bâtiment de ce genre qui serait arrêté (•^).
(1) L'instraction du 10 Août 1794, rëvoqiie à la vérîtë an ar-
ticle de celles ci~dessus^ mais confirme tous les autres.
(2) Questions vraiment captieuses et inqulsltoriales^ comme le dit
JSNTRE Xi'ANGIi. ET JLE DAN.J EN 1793. 36l
' * Pour mettre fin aux violences destructives
commises par le gouvernement anglais, le comte
de Bemstorffj sentant la nécessité de réprimer à
finain armée les entreprises des corsaires, engagea
son souverain dîe conclure avec le roi de Suède
une convention, dont yoici les articles principaux.
. Par ÏQTt. 1 — 3> les deux souverains décla-
rent Touloir conserver, dans le courant de cette
goerre, la neutralité la plus parfaite, et ne préten-
dre à aucun avantage qui ne soit clairement fondé
dans leurs traités avec les différentes puissances
en guerre, ou qui, dans les cas qui ne sont pas
exprimés dans les traités, ne soit fondé dans le
droit des gens universel.
; Par tort. 4y ils annoncent leur résolution, de
tr^btea^M, ScroÉli. dans son hist, des traités, T. YT. chap. XXX,
qm'u&'jngê (étranger ëuât aussi pea autorisé à faire , que le sujet
d'une, puissance indëpendante n'ëtait oblige d'y répondre. -^ Yoioi
quelques exemples de ces enquêtes. ,,SaTez~yous, avez-YOUS en-
tendti ^dlre, ' OU croyez-yous que des contracts considérables ont été
étodli par certaines persounes en Danemark, en Suàde, â Ham-
bourg on ailleurs, avec des personnes autorisées par la France, pour
Ibnmir aux Français des provisions et des effets militaires ou nava-
les de toute espèce pendant cette guerre? Par qui) quand et où. ces
contraets ont-il été passés > et A quelles conditions tavez-yous, avez-
yput entendu dire,, ou çjroyeiB-yous qu'ils l'aient été? Savez-vous,
ayei-ypua entendu dircj ou oroyez-yous que la totalité ou la plus
grande partie de ces objets ont été payés, avant le départ des na-
viies pur les agens du gouvernement français? Savez-vons, avez-
fouB entendu dire, ou croyez- vous que ces objets qui, d'après les
papiers du bâtiment, paraissent destinés à tel port neutre, sont
Vraiment destinés aux Français, et doivent être envoyés directement
Ou indirectement en France, lorsque les circonstances le permet-
tront? etc."
362 X, AFF. BU COMMERCE DES NEUTRES;
donner à la norigation innocente de leurs sujets
toute protection contre ceux qui Tondraient la
troubler.
I/art. 5 et 6 portent à 8 vaisseaux de ligne
et un nombre proportionné de frégates l'escadre
que chacun fera équiper; ces escadres se réum-
ront ou se sépareront, selon qu'on jugera de l'in-
térêt et du bien commun..
Uart 7» dit, qu'on ne :fera aucune distinction
entre les intérêts des deux nations et des deux
pavillons, excepté celle que ées traités subsistans
difiërens arec d'autres nations pourront exiger.
Les yaisseaux danois défendront les vaisseaux et
le pavillon suédois, et vice versa.
Par Fctrt. 10 > la Baltique est déclarée mer
fermée.
Par Part. 11, LL. MM. s'engagent à com-
muniquer en commun cette convention à toutes
les puissances en guerre, en y ajoutant les assu-
rances les plus solemnelles de leur désir sincère
de conserver avec elles l'amitié et l'harmonie la
plus parfaite, et de la cimenter plutôt que de la
blesser par cette démarche etc.
Uart. 12 ajoute: mais si le cas malheureux
existait, qu'une puissance, au mépris des traités et
du droit des gens univei?Sel, ne voulût plus res-
pecter les bases de la société et du bonheur gé-
néral, et molester la navigation innocente des su-
jets de LL. MM. Danoise et Suédoise, alors cel-
les-ci, après avoir épuisé tous les moyens de
conciliAtion possibles, et fait des représentations
ENTRE Ii'ANGL. ET IiE BAN.; EN 1793«' 363
communes les plus pressantes, pour obtenir la sa-
tisfaction et l'indemnisation dues, useront de repré-
sailles au plus tard quatre mois après le refus
de leurs instances, partout où cela sera jugé con-
Tenable, la Baltique toujours exceptée, et répon-
dront entièrement Tune pour Pautre, et se sou-
tiendront également si Pune . ou Tautre nation fut
attaquée ou offensée à cause de la convention pré-
sente. ^
UarU 13 borne la durée de la convention
à la présente guerre.
Cette convention conclue a Copenhague le
27 Mars 1794? fut signée pour le Danemark, par
le comte André Pierre de Bernstorff, et pour la
Suède^ par le baron Ëric-Magnus Staël de Hol-
stein, plénipotentiaire de S. M. Suédoise.
La réunion des flottes suédoise et danoise sta-
tionnées dans le Sund pendant les années 1794
et 1795? sauva à la vérité l'honneur des deux na-
tions, mais la convention de Copenhague ne put
préserver leur commerce, des vexations et des in-
justices que l'Angleterre et la France excerçaient
à l'envi contre elles.
APPENDICE,
CONTENANT
N ABRÉGÉ HISTORIQUE DE QUELQUES DIFFÉRENDS
[JXQUELS DES CONTESTATIONS SUR DES PRINCI-
BS DU DROIT DES GENS SURVENUS ENTRE LES
LJISSANCES DE L'EUROPE, OU LEURS AGENS DIPLO-
ATIQUES DANS LES COURS ÉTRANGÈRES, ONT
DONNÉ LIEU.
I. Différends sur les immunités, les franchises
et les privilèges des agens diplomatiques.
n. Insultes faites à des agens diplomatiques ou
aux personnes de leur suite , et satisfactions
qui leur ont été données.
m. Différends sur le cérémonial diplomatique.
IV. Violences exercées contre des agens diplo-
matiques ou de personnes de leur suite.
I
I.
t
DIFFÉRENDS SUR LES IMMUNITÉS , LES FRANCHISES
ET LES PRIVILÈGES DES AGENS DIPLOMATIQUES.
i survenu en 1646 , entre les ministres de
. France et le comte de Northumberland j secré-
taire d'état d'Angleterre y au sujet de f^irresta-
tion d'un courrier français.
JLioRS des mouyemens réyolutionnaires en Angle-
terre, on avait arrêté à Rochester, nn courrier f5pan-
çais chargé de lettres pour M. de Sabran, ministre
de France à Londres , ainsi que pour M. de Mon-
treuil^ qui s'y trouvait également de la part du
roi pour les affaires des Écossais. Le ministre en
ayant été instruit, réclama ses lettres , et demanda
satisfaction de l'insulte que l'on venait de lui faire.
Comme le courrier avait été conduit à l'hôtel du
comte de Northumberland, M. de Montreuil s'y ren-
dit aussitôt, et ne trouvant point le comte chez lui,
se fit conduire dans une chambre haute, où entre
plusieurs paquets, il trouva sm* la table celui dans
lequel, d'après la déclaration du courrier , on avait
368 APPENDICE.
mis les lettres qui lui avaient été enlevées. M. de
Montreuil s'en saisit, et Payant ouvert il mit les let-
tres dans sa poche, avec plusieurs autres adressées à
M. de Sabran. Les gens du comte de Northumber-
land, surpris d'un procédé si hardi, ne dirent ce-
pendant mot: mais le comte étant rentré bientôt
après, M. de Montreuil lui fît des reproches san-
glans et emportés, sur ce que contre le droit des
gens, il s'était permis d'arrêter son courrier et de
lui enlever les lettres du roi son maître, deniandant
à la fois une réparation éclatante d'une pareille in-
sulte. Le comte répondit que ce n'était pas de sa
faute : et que les lettres avaient été portées chez loi,
pour les communiquer aux députés des deux nations,
auxquels il était obligé d'en répondre. Qu'il leur
ferait part de ses plaintes, mais qu'il ne trouvait pas
moins fort étrange que dans sa maison, lui, Mon-
treuil, se fut permis de s'emparer et d'ouvrir un pa-
quet qui n'était point adressé à lui. M. de Montreuil
répartit, qu'il trouvait bien plus étrange encore que
les Anglais osaient retenir un jour entier les lettres
du roi de France, et qu'on ne voulût point que son
ministre ouvrît un papier qui les enfermait, pour les
reprendre. Le comte de Northumberland le pria
de les lui rendre ; mais M de Montreuil lui dit d'un
ton élevé, que l'outrage qu'il lui faisait en ce mo-
ment, en jugeant qu'il eût le coeur assez lâche, pour
trahir les secrets et les intérêts du roi, son maître,
était bien plus offensant que celui .qu'il lui avait
déjà fait en arrêtant son courrier, et en intercep-
tant ses lettres. Qu'il était si éloigné d'acquiescer à
une pareille demande, qu'il n'y avait point de dan-
APPENDICE. 369
ger auquel îl ne s'exposât , pour empêcher qu'on ne
les lui otât , ou pour les prendre de force d'entre les
mains de celui qui oserait les retenir. M. de Sabran
de son côté, ayant été instruit de ce qui était arrivé
à l'hôtel du secrétaire d^étaty accourut aussitôt et dit
au comte deNorthumberland en arrivant „que si ses let-
^tres étaient entre les mains d'un souverain, il irait les
„lui arracher." Le comte ne voulut point que M. de
Montreuil emmenât le courrier avec lui, à moins que
IML de Sabran ne s'engageât de le représenter toutes les
ibis qu'il en serait requis. Mais les deux ministres,
loin de lui donner cette promesse, insistèrent sur une
réparation éclatante de l'outrage que l'on avait fait à
leur caractère public. Encore le même jour il envoya
aux députés anglais et écossais un rapport dans le-
quel il rendit compte de cette événement. Plu-
sieurs d'entre eux prétendaient qu'on devait appeler
M. de Montreuil devant un conseil de guerre, pour
lui faire son procès ; d'autres, qu'il fallait s'informer
du motif de son séjour à Londres, et que l'on y trou-
verait sans doute de quoi le rendre coupable. Mais
comme le comte de Lauderdale, qui fut le seul dé-
puté de la nation écossaise, dit qu'il ne pouvait con-
f eotir que Fon manquât de respect au ministre du roi
de France , les députés ne prirent aucune résolution
et renvoyèrent l'affaire au parlement, qui fut bien
aise de ne point s^en mêler.
II. 24
370 APPENDICE.
ir
Sentence de mort prononcée en 1603 , par ttm-
hassade^ir de France à Londres^ contre w^ per-
sonne de sa suite.
En 1603 j Henri IV envoya le marquis de Iti
Rosny (depuis duc de Sully") au roi Jaques^ pour le |i
complimenter sur son avènement au trône d'An-
gleterre. Le jour même de son arrivée à Londres,
quelques gentilshommes de sa suite s'étant rendoi
dans une maison de débauche, prirent querelle avec
des Anglais, dont un fut tué. Le peuple s'attroupa
et ayant menacé de vouloir s^emparer des Français,
ceux-ci se sauvèrent dans l'hôtel d'Ârondel qu'habi-
tait l'ambassadeur.
Le marquis de Rosny, instruit de révéoemeot
qui venait d'arriver, s'assura aussitôt de l'anteur dn
meurtre , et s'étant retiré dans une des pièces de son
appartement avec plusieurs seigneurs français qui
l'avaient accompagné dans ce voyage, le coupable
fut condamné à la mort, après que l'on eut re-
tiré l'aveu de sa bouche. Il était le fils d'un des
grands -audienciers de chancellerie, et d'une des
meilleurs familles de Paris ce qui n'empêcha point
l'ambassadeur, d'envoyer dire au maire de Londres,
qu'il avait fait faire le procès au coupable; qu'il
avait été condamné à la mort ; et que les officiers de
justice n'avaient qu'à le venir prendre pour faire
exécuter la sentence.
Le maire envoya chercher le condamné^ et le
fît emmener pour exécuter la sentence; mais le
comte de Beaumont-Harlay, ambassadeur ordinaire
de France à Londres, qui s'était fortement opposé à
APPENDICE. 371
la résolution prise par M. de Rosny ^ alla trouver le
3:01, et en ayant obtenu le pardon, le fit mettre en
liberté, Henry IV, qui approuvait toutes les actions
du marqtiis de Rosny, loya encore celle-ci, quoique
contre Pavis du conseil et de toute la France, qui
soutenaient qu'il n'y avait que le prince souverain et
naturel du criminel qui pût lui faire grâce 5 et que
le roi d'Angleterre qui n*avait point de jurisdiction
•or les gens de l'ambassadeur, pouvait bien tnoins
i encore prononcer sur la vie ou la mort d'un d'entre
I eux. Voyez, Mémoires de Sully, T. VI. chap. 1.
JSMètement d^exUés napolitains des carrosses de
toÊnbussotdeur de France à Rome; en 1655-
Le marquis de Fontenay-Mareuil , ambassadeur
de France à Rome, donnait retraite aux exilés et
aux rebelles de Naples, pendant les troubles qui en
1605 eurent lieu dans ce royaume. • .
Comme toutefois il avait de la peine à se faire
rembourser de la dépense qu'ils y faisaient, il voulut
s'en débarrasser en les renvoyant à Naples, et se
servit à cet effet de quelques vaisseaux et galères,
qoi avaient amené le prince Thomas de Savoie en
Toscane. Les carrosses de l'ambassadeur et du
cardinal Barberin, escortés de quelques domes-
tiques de l'amba^adeur, sous la conduite de son
maître-d'hôtel, devaient les conduire jusques au lieu
de leur embarquement Mais en sortant de la ville
ils se virent attaqués par deâ soldats corses de la
24*
372 APPENDICE.
garde du pàpc , qui s'étaient cachés dans des maisons
voisines, et qui malgré la résistance que l'on fit, ar-
rêtèrent un nommé Hippolyte Pastena, un des prin-
cipaux rebelles de Naples, et seize autres, qu'ils
conduisirent en prison. L'ambassadeur se trouvant
offense de l'insulte que l'on avait osé faire à son car-
rosse, après en ayoir délibéré avec les cardinaux
Barberiu et d'Ursin, fit courir le bruit, qu'il allait
quitter Rome et s'embarquer sur les vaisseaux du
prince Thomas; ordonna à sa fille de se préparer au
voyage, et fit demander audience au pape pour Fin»-
truire du sujet de son mécontentement et de son
départ Admis à l'audience, il se plaignit haute-
ment contre la violence qui avait été faite kses gens
et à son carrosse, disant 9,que c'était une chose inome
„qu'un pareil procédé qui offensait à la fois la di-
„gnité du roi son maître, et le droit des gens, capable
„de faire rompre toutes les relations entre les prin-
„ces; aussi" ajouta-t-il „ne pouvait- il se persuader
„qiie ce fut de l'ordre de sa Sainteté qu'on l'eût fait,
,,niais bien à l'instigation de quelques ministres at-
„tachés au parti espagnol/^ Il demanda au pape la
mise en liberté des prisonniers , ainsi qu'une répa-
ration de l'affront. Le pontif lui répondit „que c é-
„tait par son ordre que cette arrestation s'était faite,
„et que puisque l'ambassadeur s'était permis de
„protéger*les criminels dans l'état de l'église, il de-
„vait pour le moins être permis à lui , qui en était
„le souverain, de les faire reprendre partout où ils se
^rencontreraient j le droit et le privilège des ambas-
„sadeurs ne devant pas s'étendre jusque là^ d'autant
„plus qu'il l'en avait fait avertir. L'ambassadeur
APPENDICE. 373
répartit, qu'il ne s'en trouvait point de sujets de
S. S. auxquels il eût donné asile, mais seulement à
Quelques Napolitains, auxquels il pouvait donner re-
traite contre les persécutions des Espagnols. Après
quelques contestations, le pape consentit de faire
mettre en liberté ceux que Pambassadexur nomme-
rait; mais M. de Fontenay ne se contenta point de
ce coHsentement et insista, qu'on punît exemplaire-
ment ceux qui avaient fait cet outrage au roi en
arrêtant le carrosse de son ambassadeur. Le pape
soutînt que c'était l'ambassadeur lui-même qui avait
donné lieu à ce qu'on eût manqué de respect pour
son carrosse, puisqu'il l'avait fait servir pour sauver
dès prisonniers. Après de grandes contestations et
même des menaces de part et d'autre, M. de Fon-
tenay à qui il importait de renvoyer les Napolitains
et qui avait pem* qu'Innocent, qui était extrêmement
opiniâtre et plus porté pour les Espagnols que pour
les Français , ne se rebutât enfin , consentit à la fin
qu'on ferait sortir tous les prisonniers, et que le
nonce du pape à Paris réglerait avec le roi, la répara-
tion que l'ambassadeur demandait. Voyez, Wicque-
poRT, Uambciss, et ses fonctions, Liv. I. Sect. 28.
Affaire du secrétaire de tambasstideur d^Espagfèe
' à Parisy à ^occasion de l'arrestation du baron
de Mairargues; en 1605-
Sous le règne de Henri IV, roi de France, dans
un temps où les esprits étaient aigris par les guerres
374 APPENDICE.
civiles, Taxis, ambassadeur de Philippe Uly et après
lui Balthazar de Zuniga^.son successeur^ avaient cor-
rompu la fidélité d'un nommé l'Hoste, commis atta-
ché au ministère du secrétaire d'état, duc de Villeroi,
qui instruisit l'ambassadeur d'Espagne des résolu-
tions du conseil du roi. L'intelligence ayant été dé-
couverte y on fit le procès à l'Hoste , qui eut la tête
tranchée, sans que le roi de France portât plainte
contre les menées de l'ambassadeur. Mais quelque
temps après le roi fut instruit que le ministre d'Es-
pagne n'en restait pas. la et qu'il travaillait à porter
ses sujets à la révolte.
• Un gentilhomme provençal nommé Louis d'Ak-
gon, baron de Mairargues, avait peu d'années avant^
proposé au roi de France, d'entretenir toujours deux
galères armées pour la sûreté du port de Marseille,
dont il reçut le commandement. Par ce moyen l'en-
trée de la ville lui était ouverte du côté de la mer;
pour l'avoir du côté de la terre ferme, il avait su se faire
nommer f^iguier par les habitans de la ville, pour
l'année suivante. Son dessein était de livrer Mar-
seille aux Espagnols ; mais ayant eu l'imprudence de
s'en ouvrir à un forçat de ses galères qu'il avait re-
connu homme d'esprit et entreprenant, celui-ci en
fit instruire le duc de Guise qui en donna avis au roi.
Mairargues fut arrêté avec un nommé Bruneau^
secrétaire de l'ambassadeur d'Espagne, qui se trou-
vait aîirec lui et sous les jarretières duquel on trouva
tout le plan de la conspiration : se voyant ainsi con-
vaincu et pris en flagrant délit, il ne fit plus de dif-
ficulté de tout confesser ; Mairargues fut condamné
par arrêt du parlement de Paris à avoir la t^te tran-
APPENDICE. 375
chéé et à être écartelé après sa mort, comme traître
et criminel de lèse-majesté. Ë& cette occasion le roi
offirit au duc de Montpensier et au cardinal de
Joyeuse, de commuer cette peine prononcée contre
leur parent, en une prison perpétuelle; mais tous
deux répondirent, qiie s'il n'y avait point de bour-
reau pour punir une pareille trahison , ils en servi -
raient eux-mêmes. L'ambassadeur d'Espagne gui
craignait qu'oti ne voulût également user de violence
contre son secrétaire , se rendit au Louvre pour se
plaindre de ce qu'on avait violé le droit des gens, en
ayant arrêté et fait subir un interrogatoire à son se-
crétaire. Il ajouta que le roi de France faisait bien
d'autres pratiques dans les cours étrangères au pré-
judice de la maison d'Autriche^ qui ne songeait qu'à
les' parer, sans insulter les ministres; et cita pour
exemple, de ce que M. la Boderie, étant 4 la cour
des archiducs, avait tâché de corrompi-e la fidélité
de leur secrétaire et de quelques personnes* de leur
conseil. Mais le roi lui répondit avec beaucoup de
ierineté „I1 y a bien de la différence entre vouloir
„pénétrer dans les secrets des princes, et porter leur
„sujets à la révolte. L'un est d'un usage établi,
„Pautre doit être reprimé par toute la sévérité des
„lois. La coutume qui autorise l'envoi des espions,
,,sousle nom honorable d'ambassadeurs, chez les
,^ouverains avec qui l'on est en paix, ne leur permet
„pas de faire des hostilités propres à renouveller la
„guerre.*' D finit par dire à l'ambassadeur, qu'il
demanderait raison au roi catholique d'une entre-
prise si criminelle, mais ordonna la mise en liberté
du secrétaire de l'ambassadeur , en ordonnant toute-
376 APPENDICE,
fois à ce dernier de le fiEiire sortir du royaume. Voyer
DE RÉAX, Science du goiwernementy T. Y. Sect. IX.
WiCQVEronTy L^ambasaàdeur et ses fonctions^T. L
Sect. 27.
Difficulté qui s'élefHê en 1680, pour les privilèges
de fan^assadeur de France, à Madrid.
Les ministres étrangers avaient à Madrid denx
privilèges. Le premier était d'avoir un arrondisse-
ment autour de leur palais, dans lequel aucun officier
de justice ne pouvait exercer ses fonctions sans la
permission de Tambassadeur , ni même passer avec
le signe de sa charge , qui est une baguette blanche.
L'autre privilège était une exemption des droits
d'entrée pour les objets de la consonmiation de l'am-
bassadeur.
Cette dernière exemption ayant amené des abus,
fut convertie en une somme annuelle de seize mille
francs, donnée à chaque ambassadeur par le roi
d'Espagne. Mais quant à l'exemption de justice des
ministres étrangers, elle avait été observée avec tant
de rigueur, que quelques - uns avaient fait pen-
dre des officiers de justice, pour avoir violé ce
privilège, et les plus modérés les avaient fait mal-
traiter. Il arriva que sur la fin de Janvier 1680, le
corrégidor de Madrid, accompagné de ses algua-
zilsj passa en plein jour dans le quartier de' l'am-
bassadeur de France , marquis de Villars , qui n'en
fut averti qu'après son passage ^ mais il ne laissa pas
APPENDICE. 377
Se lui envoyer dire, qu^il devait savoir qu'il avait
violé ses privilèges, et qu'il prît garde à ne pas les
enfreindre de nouveau. Le corrégidor s'excusa sur
ce qu'il n'avait pas su que ce fut le quartier de l'am-
bassadeur; et cependant dix jours après, lors-
que l'ambassadeur fiit hors de chez lui, il passa
de nouveau dans son quartier. L'ambassadeur
s'en plaignit aux ministres. La réponse signée d'un
secrétaire d'état, fut, que le roi, en conséquence
d'une déclaration de 1671 9 ayant résolu de traiter à
Madrid les ambassadeurs de chaque prince, comme
cetix d'Espagne l'étaient à leur cour ; sa Majesté ca-
tholique avait considéré qu'en France l'ambassa-
deur d'£spagne n'avait aucun privilège ni juridic-
ticm hors de son palais, à la porte duquel la justice
passait; et qu'ainsi elle entendait qu'à l'avenir
Pambassadeur de France n'eût pas plus de privilège
à Madrid que celui d'Espagne n'en avait à Paris.
Le marquis de Yillars répondit^ f^que son sou-
„Terain entrerait^lontiers dans une réciprocité de
„traitement pour les ambassadeurs respectifs; mais
„qiie pour prendre des décisions plus justes à cet
„égard, il représenterait à sa Majesté catliolique les
faveurs particulières dont jouissait en France l'ani-
„baa6adeur d'Espagne, lequel entrait chez le roi et
,,la reine quand il voulait, sans demander audience,
^accompagnait le roi à la chasse et en d'autres ren-
„contre6, sans permission; assistait assis aux fêtes et
„aux cérémonies publiques , et allait à six chevaux
„dans Paris quand il voulait.^^ H ajoutait: „qu'il
„ferait part au roi, son maître, de la déclaration
«,qu'on lui avait faite, et demandait que provisoire-
378 APPENDICB.
^inent on laissât lés choses dans le même état^ jus-
^qu'à ce qu'il pût receyoir les ordres de sa Majesté.^
Le secrétaire d'état adressa à Tambassadenr mie
seconde note , portant y^que le roi ayant vu sa ré-
^^ponse, persistait dans sa première résolution, et
^ui ôtait à l'avenir les immunités et franchises da
^quartier.
La cour de France en iîit fort blessée, et chargea
son ambassadeur de demander à celle d'E^agne
une satisfaction publique , comme d'une injure pei^
sonnelle qui lui était faite.
Leduc de Médina- Céli, premier ministre^ ré-
pondit au marquis de Villars, qu'en 1671 9 le roi
d'EIspagne avait déclaré, que les ambassadeurs et mi-
nistres des princes étrangers qui étaient à Madrid
n- avaient point de quartier privilégié; que s'ils en
avaient joui depuis, ce n'avait été que par tolérance,
mais qu'afin que celui de France n'eût pas sujet de
se plaindre, on ferait à tous les autres ambassadeurs
la même déclaration qu'on lui avai^ faite.
L'ambassadeur répondit, „qu'une pareille satis-
„faction lui paraîassit plutôt une injure; que Fam-
„bassadeur de France, d'après les liens qui unissaient
„les deux cours, pouvait bien attirer des grâces aux
,,autres ambassadeurs, mais non pas leur faire per-
„dre les avantages qu'ils avaient déjà ; qu'il ignorait
,,la déclaration dé l671; que depuis, il avait été
„plus de deux ans à Madrid, ambassadeur avec tous
„ses privilèges, qu'on ne les ôtait présentement qu'à
„lui seul, et qu'il en demandait le rétablissement
„d'une manière qui pût satisfaire le roi son maître."
Le leudemain, le marquis de Villars eut au-
APPENDICE. 379
Eience du roi, auquel il présenta une lettre de
Ipëance spéciale pour cette affaire, et lui fit copsidé-
er que le sang, les alliances et la paix nouYellement
Cirée, semblaient être un garant des égards dûs à sa
i4bjesté très-<^hrétienne , laquelle espérait recevoir
le lui dans cette occasion , tout ce qu'elle avait lieu
l'attendre de sa justice et de son amitié. >
^. Cette affaire fut portée au conseil d'état, et la
Mdsfaction exigée par la cour de France fut accor-
dée; en sorte que, le 44 d'Avril , le marquis de les
Balbasès vint trouver l'ambassadeur, et lui remit un
écarit. signé de lui, portant, que le roi d'Espagne ayant
Aargé son ambassadeur en France de la satia&o-
lion et de la réponse à la lettre du roi très-chrétien,
lai avait commandé en-même temps de venir assu-
rer-l'ambassadeur, qu'en considération des liaisons
dé sftng et d'amitié qui unissaient leurs majestés, et
pour faire connaître au roi très -chrétien, le désir
qu'il avait de le satisfaire, il conservait à l'ambassa-
deipr de France l'immunité et le privilège de son
quartier ; et qu'à l'égard des franchises des entrées,
oe n'avait point été son intention de les lui ôter, et
qu'elles lui auraient été payées, s'il en avait iait de-*
mander l'indenmité ( ^ )•
■1.4-
(1) La rëclamation de l'ambassadear de France ëtait fondëe,
]^ttêeqit'il parait qu'en 1671, maigre la sappression des privilèges
ôm «mliassadears , la plupart d^eotre eux avaient été mainteuas
itokê Hmr jouissance, et il ëtait peu séant d'en commencer â soy
^gard la suppression, après l'alliance de famille existant entre les
deox GOOTonnes.
380 APPENDICE.
Différend survenu en I6889 entre la cour de Borne
et celle de France j au sujet des franchises.
n y avait à Rome, par concession, abus ou to-
lérance, des palais et même des quartiers ass»
étendus exempts de la juridiction du pape, et dons
lesquels le fisc et la justice ne pouvaient remplir
leurs fonctions envers les banqueroutiers, les contre-
bandiers et même envers les Voleurs. lies Jiô-
tels de certains ambassadeurs, et notamment celui de
l'ambassadeur de France, jouissaient de ces fran-
chises ou immimités, que plusieurs papes avaient
tenté d'abolir; mais ces ambassadeurs s'y étaient
toujours refusés, ou avaient éludé les ordonnances
pontificales. Innocent XI entreprit sérieusement
l'abolition de ces privilèges, comme aussi contrair
res à la dignité du souverain local , qu'opposés aux
intérêts du fisce et aux droits de la justice. Après
avoir déterminé l'empereur, et les rois d'Espagne,
de Pologne et d'Angleterre à consentir à leur sup-
pression, il proposa à Louis XIV de concourir
comme ces princes à la tranquillité et au bon ordre
de Romej mais ce monarque répondit: „Qu'il ne
„s'était jamais réglé sur l'exemple d'autrui, et que
^c'était à lui a servir d'exemple."
Le pape déclara alors aux. têtes couronnées que,
<Jéterminé à tolérer labus à l'égard des ambassadeurs
qui étaient actuellement à Rome, il s'était décidé à
n'en admettre aucun à l'avenir, avant qu'il eut re-
noncé à la franchise des quartiers.
Le duc d'Estrées, ambassadeur de France à
APPENDICE. 381
Rome, y étant mort le 30 de Janvier 1687, le pape
envoya aussitôt après ses obsèques , les sbires j dans
là place Famèse, où ce ministre logeait, et y fit exer-
cer quelques actes de juridiction , malgré l'opposi-
tion du cardinal d'Estrées, qui prétendait pour lui,
comme protecteur des églises de France, le même
privilège que son frère avait eu comme ambas-
sadeur.
Le cardinal sortit de Rome, le pape fit prier
Louis XIV, de ne pas lui envoyer de ministre avant
que la dispute fut terminée j mais ce prince, sans
égard pour cette demande, nomma près du saint-
siège, en qualité de son ambassadeur extraordinaire,
Bmumanoir, marquis de Lavardin, lequel arriva à
Rome dans un cortège qui ne différait guère de ce-
kd d'un général en chef prenant possession d'une
ville conquise.' Ce seigneur y fit son entrée, accom-
pagné de quatre cents gardes de la marine, la plu-
part gentilshommes, lesquels, avec le reste de sa
suite, formaient un corps de plus de huit cents hom-
mes armés, marchant devant et après son carrosse.
n se rendit ainsi au palais Farnèse, autour duquel il
disposa ses gens, résolu de défendre les franchises.
Le pape, justement mécontent de ces bravades, re-
fusa l'audience que l'ambassadeur avait démandée
pour la forme, défendit à ses ministres de conférer
ateclui, et l'excommunia par une bulle du 12 de
Mai 1687.
Lavardin ayant été faire ses dévotions, la nuit de
Noël, dans l'église de Saint -Louis des Français, le
lendemain on afiScha à la porte de cette église un
placard en forme de sentence, qui la déclarait
382 APPENDICE.
soumise à l'interdit, par le motif que Lavardin , no--
toirement exconununié, avait été admis par le
curé et les prêtres de cette église à y faire ses ^é*
votions.
Lavardin fit publier le lendemain une protesta-
tion dans laquelle il déclarait qu'il ne pouvait croire
qu'une pareille sentence fut émanée du pape: ^t-
,,tendu qu'il n'était pas vraisemblable que sa
^Sainteté eût voulu sans forme, ni cause, ni
„motif, et sans l'avoir entendu, interdire l'église
„de Saint-Louis et le qualifier de notoirement ex-
^communié, avant qu'il eût rien fait qui pût attirer
„la censure, et qu'on eût pu même savoir les ordres
„dont il était chargé par S. M. Tr. Chr. ; que d'ail-
„leurs, son caractère représentant la personne sa-
„crée d'un si grand monarque, le devait toujours
„mettre à l'abri d'une excommunication ; et qu'ainsi
„il présumait qu'il n'y avait aucune personne de
„bon sens qui regardât l'ambassadeur comme at-
„teint par l'excommunication ; qu'il protestait donc
„de nullité de tout ce qui pouvait avoir été fait, ou
,,être à l'avenir prononcé , publié ou afiîché contre
„sa personne, sa famille, ses domestiques ou au-
„tres etc/'
Achilles de Harlay, procureur -général du par-
lement de Paris, interjeta appel comme d'abus de la
bulle d'excommunicalion, le 26 de Décembre 1688;
et le jour suivant, la grand'-chambre et la Toumelle
étant assemblées. Dénis Talon, avocat-général, por-
tant la parole dit: „Que sa Sainteté, jalouse de signa-
,,ler son pontificat par quelque nouveauté fastueuse,
^,avait conçu, contre tout droit, le dessein de détruire
APPENDICE. 383
yjta, franchise des ambassadeurs des têtes conron-
^ées ; qu'en supposant la légitimité de son droite le
^pape n'eût pas dû le soutenir en employant les cen-*
yjsares ecclésiastiques, mais l'établir par la voie des
^négociations ; que la licence qu'il se donnait d'em-
^plojer la puissance des clefs pour détruire, devait
^tré reprimée par l'autorité d'un concile; que c'était
jyla raison qui obligeait les gens du roi à y avoir
i^recours, quoique d'ailleurs les droits du monarque
^e pussent jamais être la matière d'une contro-*
^veorse sujette au tribunal et à la juridiction ecelé-
^^siaktique.^^
n requit, que les gens du roi fussent reçus appe-
lans de la bulle du 12 de Mai 1687 9 et de l'ordon-
nance du 26 de Décembre suivant , et que le roi fut
snpplié d'employer son autorité pour conserver les
franchises et immunités du quartier de ses ambassa-
deurs à Rome, dans toute l'étendue qu'elles avaient
eue jusqu'à ce jour.
En conséquence le parlement rendit Un arrêt
conforme à ces conclusions , lequel fut afHché à la
porte du nonce Ranucci, à Paris, et dans toute la
capitale.
Déplus, le roi fit arrêter le nonce, et l'envoya
dans la maison de Saint- Lazare, afin qu'il servît
d'otage pour Lavardin, et. Saint-Olon lui fut donné
pour compagnie pendant les huit mois que dura sa
détention.
Innocent XI ne fut point ébranlé. H fit faire
des processions, défendit les plaisirs du carnaval et
ordonna de mettre ses places maritimes en état de
défense. Ce pape, d'après le conseil de quelques
384 APPENDICE.
princes, se prêta à lever Finterdît sur l'église de
Saint -Louis; mais il refusa la médiation de Ja-
ques II, roi d'Angleterre, et celle de la république
de Venise, disant: „que les droits de Téglise ne pou-
„vaient être mis en arbitrage , et qu'il ne reconnaî-
,,trait point Layardin pour ambassadeur, jusqu'à ce
„qu'il eût reçu la satisfaction due à sa souveraineté
„oflFensée."
Dans cet état de choses le marquis de Layardin,
rappelé par sa cour, partit de Rome. En partant
il fit ôter de son palais les armes du roi, et déclara
publiquement qu'il n'avait plus ni franchise, ni ti-
tre royal.
C'est dans ces dispositions opiniâtres que mou-
rut, en 1689? 1® pape Innocent XL Le roi sentant
la nécessité de montrer quelque condescendance
envers son successeur, le cardinal Ottoboni, qui prit
le nom d'Alexandre VIII, commença par consentir
à la réduction du droit d'asile et d'immunité pour
l'hôtel de son ambassadeur à Rome ; et le 3 de Novem-
bre 1689) il ordonna la restitution du comtat Ve-
naissin et d'Avignon. Le neauveau pontife, quoi-
que plus rapproché de la France, refusa la confir-
mation aux évêques nommés par le roi, et condamna
par une bulle du 4 d'Août 1690, les articles décrétés
par le clergé de France dans les assemblées de 1681
et de 1682.
L'accommodement définitif n'eut lieu qu'en
1693 j sous le pape Innocent XII, Pignatelli, par
une cession mutuelle de prétentions.
Cette contestation donna lieu à des observations
opposées. Les partisans de la France disaient que
APPENDICJ5. 385
le pape avait abusé de la puissance spirituelle^ en
employant Texcommunication pour un fait pure-
ment temporel, et qu'il avait tort de contester à
l'ambassadeur la franchise de son palais, laquelle
était du droit des gens.
Les partisans de Rome reprochaient à la France
de vouloir étendre la franchise du palais de Pambas-
«adeur au quartier où il était situé; ils disaient que
la prescription alléguée par elle dans une matière où
h. possession n'avait pas toujours été paisible, était
mal établie; que la franchise, quelle que fîit son
origine, ne pouvait être considérée que comme une
faveur, ou un privilège accordé aux ministres étran-
gers, et révocable dans l'intervalle d'une ambassade
à mie autre, en prévenant d^avance le souverain ; que
h^ cour de Rome avait prévenu le roi à la mort du
duc d'Estrées qu'elle abolissait le privilège des fran-
chises ; que la réponse faite en cette occasion par le
roi, qu'il ne s'était jamais réglé sur les exemples
d'autrui, et que c'était à lui à en servir, était aussi
liautàine que déplacée ; et que la conduite enfin du
marquis de Lavardin, arrivant à Rome avec une
suite de huit cents hommes armés, justifiait complè-
tement le pape Innocent XI. — Voyez, Hist. gén. de .
la diplomatie française, par M. de FiiASSAN,
ï. IV. Liv. V. De réal. Science du gouvernement^
r. V. Sect. IX.
II. 25
386 APPENDICE.
Différend surrenu en 1702, entre le comte ie
Chamilli, ambassadeur de France ^ et M. de
Sehestedy ministre de cabinet du roi de Do-
nemarh.
Il s'éleva au mois de Juin i 702, un démêlé très-
vif entr.e le comte de Chamilli, ambassadeur de
France a Copenhague, et M. deSehested^ ministre de
cabinet du roi de Danemark. Ce démêlé protint de
ce qu'un comte de Schlieben, s'étant engagé à lever
un régiment pour le service de Danemark, aprèi
avoir touché l'argent pour cette levée, l'avait dissipé
sans faire aucun enrôlement, et la cour de Dane-
mark l'avait fait arrêter. S'étant évadé au momot
de sa détention , il fut poursuivi par ses gardes tpsl
le rejoignirent près de l'hôtel du comte de dumiiliL
Les domestiques de celui-ci le dégagèrent, nonsau
grande rumeur, des mains des gardes. Le comte
de Chamilli, s'étant mis à la fenêtre, déclara que
Schlieben, se réfugiant dans son hôtel , était sous sa
protection, et les gardes, malgré leurs réclamatioiis,
furent obligés de se retirer. Le comte de Chamilli
fit dresser dans son hôtel un procès-verbal de ce qui
s'était passé, et fit interroger et déposer, après ser-
ment, un des gardes et les sentinelles danoises qui
étaient devant sa porte. Ensuite il écrivit au secré-
taire d'état Sehested, pour demander satisfaction
sur ce que les gardes de Schlieben avaient violé le
respect dû â son hôtel. M. de Sehested lui répon-
dit par la lettre suivante :
V
APPENDICE. 387
N«- I.
Lettre de M. de Sehested au comte de ChamUli.
Monsieur, j'ai fait rapport au roi de la lettre que
Votre Exellence m'a fait l'honneur de m'écrire, du 20
du courant, et S. M. trouve que voiis ayez eu tort d'exer-
cer une espèce de juridiction sur un de ses gardes, et
mxr les sentinelles qu'on met ordinairement devant votre
porte pour vous faire honneur, en les faisant examiner
juridiquement et sous serment dans votre maison, chose
dont 3 n'y a peut-être pas d'exemple, et qui n'est per-
mise qu'au souverain, ou à ceux qui sont autorisés par
loi; ce qui, joint à la protection que V. Exe. a trouvé
bon de donner au comte de Schlieben, sur lequel le roi
même avait fait mettre les mains , et qui s'est échappé
de. sa détention, ne peut qu'augmenter auprès de S. M.
l'opinion que tant de disputes passées de temps en
temps lui ont fait naître, et dans laquelle elle se trouve
confirmée par ces dernières démarches, que V. Exe ne
cherche que Toccasion de brouiller les deux cours;
trouvant la protection qu'elle donne à un criminel d'état
également peu conforme à la dignité d'un représentant
et aux justes sentimens dont on l'assure du côté du roi
Trés-Chrétien. Pour conclusion, je dois dire à V. Exe.
que le roi n'est plus en humeur de soufirir que chez
loi on se mêle d'interrompre le cours de la jus-
tice, et d'exercer des actes de souveraineté, ayant eu
jusqu'ici assez de complaisance pour faire voir au monde
qtie c'est la seule considération qu'il a pour la personne
dç S. M. Très -Chrétienne, qui l'a empêché .d?y mettre
ordre. Je suis au reste avec tout le respect pos-
sible, etc.
•
■ * ■ ■
M. de Chamîllî répondit par la lettre suivante.
368 APPENDICE.
N« n.
Réponse du comte de ChamUIi.
J'ai reçu, Monsieur, la lettre que vous ayez pris la
peine de m'écrîre, fin 24 du passé, dont le style m'a
paru si Tandale, que je me persuaderais aisément qnc
vous l*aVez prise dans quelque archive du temps daroi
Dan, SI le peu d'expérience que vous avez encore dans
votre charge vous avait permis de prendre connais-
sance de CCS siècles si recules, dont il vons plait de ra-
mener la dureté, sous un prince d'un caractère si dif-
férent, dont rhonnéteté et les manières gracieuses sont
les pi'emiers traits de son portrait. C'est pourquoi je
vous prie. Monsieur, s'il vous arrive d'avoir i m'écrire,
que vous le consultiez, non seulement sur les choses
que vous devez me mander, mais encore sur la ma-
nière de le faire, dont il s'est certainement rapporté i
vous dans cette occasion. Mais de quelque manière
que vous vous en soyez acquitté, le respect et l'attache-
ment que j'ai pour S. M., et rindifférence où je suis
pour tonte autre approbation que la sienne, m'obligent
à détruire par cette réponse, les mauvaises impres-
sions qu'on travaille depuis si long-temps à Inî donner
de moi.
Pai deux choses à dire pour cela; Pnne générale,
qui est, que depuis que j'ai eu l'honneur d'être auprès de
sa personne, je n'ai eu que deux reproches du roi, mon
maître : l'un d'avoir témoigné trop de partialité poiu* les
intérêts du Danemark, dans le temps que j'étais chargé
de la médiation de ses différends avec d'autres puissan-
ces, auxquelles le roi, mon maître, trouvait que je me
rendais légitimement suspect, en soutenant avec trop de
chaleur, la justice qui me paraissait se trouver dans le
parti danois contre l'oppression qu'on lui- voulait faire.
L'autre reproche a raillé^ sur ce que je n'avais pas
quelquefois repoussé avec assez de hauteur, les mauvai-
ses chicanes qu'on m'a tant de fois suscitées dans cette
APPENDICE. 389
^ujvciy et qui auraient épuisé la patieuce de tout
grince qui aurait été moins maitrc de lui-même, que-
ue Test le roi mon mattre.
Pour ce qui regarde le fait particulier d'aujour-
dlini, je ne comprends pas qu'on piusse se prendre i
moi de Tcxercice du droit d asile établi chez tous les
ambassadeurs du monde chrétien, plusieurs siècles ayant
que je fosse au monde, et qui ne souffre aucnne ex-
tension par l'usage qu'en a fait le comte de Schlieben,
au-delà de celle qu'il a eue par la retraite de cent scé-
lérata ou meurtriers que la mauvaise observation des
loia attire chez moi tous les jours, depuis quatre ans;
aana que personne ait trouvé à y redire, hors moi qui
souffre beaucoup d'une si mauvaise compagnie.
X l'égard de Tespèce de juridiction que vous dites
donner atteinte à la souveraineté du roi, votre^ mahre,
cet article renferme une ignorance inexcusable en qui-
conque est en place, et ne sait ;pas que les ambassa-
deurs ont, non une espèce^ mais; une véritable juridic-
tion pour s'informer de ce qui se passe dans Tenceinte
de leurs maisons , et qu'ils j peuvent appeler comme
téinoins, tous ceux qui veulent bien y cômparattre; qui
est tout ce que j'ai fait, en demandant anï factionnaires
qui avaient été relevées devant ma porte, de venir dé-
clarer ce qu'elles avaient vu. Après quoi, renvoyant
tout le monde, je me suis réduit à demander justice
par la lettre que je vous ai écrite, du fait que j'avais
éclairci, et duquel je la demande encore aujourd'hui.
Pour ce qui regarde l'atteinte donnée, dites-vous, au
droit de souveraineté du roi voti'e mattre, il faudrait
que ce droit s'étendtt sur moi et sur ma maison ; ce que
je suis sur que S. M. ne prétend pas, puisque jamais
aucun prince n'a pensé d'être le souverain des ambas-
sadeurs qui sont à sa cour, ni de leur suite. Ainsi,
Monsieur, toutes vos chimères, par ces éclaircissemens,
feront voir au roi, votre maître, qu'on cherche à l'en-
gager dans un mauvais parti, auquel son inclination et
la connaissance naturelle qu'il a de ses véritables inté-
390 APPENDICE.
rets, a -bès loag^temps résisté contre les mauvais con*'
seîls dfane cabale. Ce sera donc à eux. Monsieur^
qu'il faudra imputer la mauvaise ,intelligence que vou^
m'accuse» mal à propos de fomenter, et il ne faudra^
pour eu convaincre le roi, nM>n maitre, que lui envoyer
la lettre que vous m'avez écrite, d^près laquelle il ne
pourra douter de quel côté sont les mauvais procédés.
Je voudrais qufil me fût aussi facile de découvrir la vé-
rité auxyeuk du roi votre maître; il serait persuadé
de mon re^ect et de mon attacheinent pour sa per-
sonne, et du sèle que f ai toujours eu pour affermir et
augmenter la bonne intelligence entre le roi mon mat-
ire, et lui; . et il verrait aussi combien ces sentimens
m'ont aliéné les esprits dans sa cour, et qu^il n'a pas
tenu 4 moi que je ne piiisse toujours me dire, Mon-
sieur, votre etc.
t I
Cette lettre peu mesurée ne réussît point, et le
comte de ChamiUî fut peu aptes rappelé par sa cour,
qui ne laissa à Copenhague qu'un secrétaire de lé-
gation. — Voyez Hist. gén. de la dipl. française,
T. IV, Liv. VI.
■ À
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« • r : •
II.
INSULTES FAITES A DES AGENS DIPLOMATIQUES
pu AUX PERSONNES DE LEUR SUITE, ET SATIS-
FACTION QUI LEUR ONT ÉTÉ DONNÉES.
Insuite faîte par tambassadeur d'Espagne à cehêi
de France j et satisfaction doufiée à 81 M. Tr.
Chr. en 1661.
i-ie 10 Octobre 166 1, le comte de Brahé^ ambas-
sadeur de Suède, devait faire son entrée à Londres.
Il était . d^usage alors, que les autres ambassadeurs
envoyassent leurs carrosses au devant du nouveau
venu. Le comte d'Estrades, ambassadeur de France,
ayant appris que M.deVatteville, ambassadeur d'Es-
pagne, avait dessein de prendre le pas sur lui, ren-
força sa suite de manière à ce qu'il espérait pouvoir
par ce moyen, se maintenir dans la préséance
due à soii maître. Mais M. de Vatteville avait pris
des mesures bien plus efficaces encore; non seule-
ment il avait fait venir des soldats d'Ostende ; avait
gagné par des largesses une quantité de gens du peu-
ple, pour le seconder; mais encore il avait fait mettre
392 APPENDICE.
des chaînes à ses carrosses, pour seryir de traits aux
chevaux, et les avait fait couvrir de cuir, pour que
Ton ne s^en appercût point. Dès que les carrosses de
ces deux ambassadeurs se rencontrèrent, les gens de
M. de Vatteville se jettèrent sur les chevaux du comte
d'Estrades et en coupèrent les traits, en tuèrent plu-
sieurs, et blessèrent même mortellement deux des
cochers de l'ambassadeur , après quoi le carrosse de
M. de Vatteville s'avança, et prit de cette manière
la première place. Le comte d'Estrades au con-
traire n'eut d'autre parti à prendre que celui de s'en
retourner à son hôteL
Le roi de France, dès qu'il fut informé de cette
affaire, donna ordre au comte de Fuensaldagne, am-
bassadeur de S. M. Cath., de se retirer- de sa cour,
et de défendre l'entrée du royaume au marquis de la
Fuente, son successeur, qui était en route -pour se
rendre en France; en même-temps il écrivit une let-
tre très-forte au roi d'Espagne pour lui demander
une satisfaction publique et éclatante. A son refus
il résolut de rappeler l'évêque d'Embrun, son
ambassadeur à Madrid, voulant rompre avec l'Es-
pagne. Ayant conféré à ce sujet avec son conseil,
surtout avec le vicomte de Turenne, qui devait
commander les troupes qu'il voulait mettre en cam-
pagne , celui-ci dit au roi, après l'avoir remercié de
Phonneur qu'il lui faisait de vouloir le mettre à la
tête de ses armées : „Qu'il suffisait à S. M. d'avoir
„témoigné son ressentiment , sans pousser les cho-
„ses à l'extrémité ; que les Espagnols n'étant pas en
„état de recommencer la guerre, il n'y avait guère
„d'apparence, que sur une chose si injuste ils voulus-
APPENDICE. 393
^aent s'exposer aux inconvéniens d'une rupture : que
„8on opinion était, qu'ils abandonneraient leurs pré-
^tèntions, et que sous peu, S. M. saurait ce qu'elle de-
,,Tait faire, et quelles mesures elle aurait à prendre
„pour satisfaire à ce qu'elle devait à sa dignité, et à
„Ia qualité de beau-père d'un roi, qui jusques ici n'a-
„Tait pas eu de part à la faute de son ambassadeur/^
Ce discours arrêta l'impétuosité du monarque of-
fensé. La résolution de la cour de Madrid fiit
effectîyement telle que le vicomte de Turenne l'avait
prévue.
- i: Philippe IV, ayant été informé par M. de Vouldi
que le roi de France lui envoya, de l'insulte faite par
son ambassadeur à celui de S. M. T. C, tint im con-
seil extraordinaire^ où il appela ses principaux mi-
nistres, et leur ayant exposé ce qui s'était passé à
Londres, et la prompte satisfaction qu'en demandait
le roi de France et au refus de laquelle il le menaçait
delà guerre, il ajouta:,, Que le roi de France son gfoi*-
),dre, agissait en prince jeune et belliqueux; mais que
^c'était à lui d'agir en père, et d'cdler à pas plus
^leiits et plus pacifiques. Qu'il avait résolu de rap-
„peler Vatteville , -pour s'informer de ce qui s'était
^passé, et pour le punir même en cas qu'il eût tort/^
Sa' résolution fat louée de tout le conseil, et le roi
senyoya M. de Vouldi chargé des lettres pour le roi,
pour lui témoigner le déplaisir qu'il avait de la con-
duite de Vatteville qu'il rappelait, et qu'il pimirait.
Mais Louis XIV ne crut pas que c'en fût assez pour
réparer l'attentat commis en la personne de son
ambassadeur : il prétendit non seulement un désaveu
solemnel de la cour de Madrid, mais encore une
394 APPENDICE.
renonciation expresse de sa prétention a là pré-
séance, que les rois de France avaient toujours eue
sur ceux d'Espagne, et dans laquelle il était résolu
de se maintenir. H fallut que Philippe IV en pasr-
sât par là, et qu'il fît la déclaration positive et solem-
nelle demandée. Elle eut lien le 24 de Mars 1662*
Le marquis de Fuente étant venu a Paris pour s'ac-
quitter d'une commission si mortifiante, revêtu du
caractère d'ambassadeur extraordinaire, et ayant
demandé audience, le roi convoqua les ministres
étrangers, les princes du sang et les grands du
royaume, dans le grand cabinet du Louvre, où Pam-
bassadeur fut introduit. Là, en présence de cette
assemblée que le roi voulut en avoir pour témoin, et
des quatre secrétaires d'état qui en prirent acte, il
dit : „Que le roi son maître Pavait envoyé pour de*-
„avouer de sa part l'insulte que le baron de Vatte-
„ville avait faite au comte d'Estrades, ambassadeur
„de S. M. en Angleterre. Que le roi d'Espagne, son
„maître, en était fâché, et que pour témoigner le dé-
„plaisir qu'il en avait, il avait rappelé le baron de
„Vatteville avec ordre de s'en retourner en Espagne.
„Qu'il avait aussi ordre d'assurer S. M. Tr. Chr., que
„le roi Catholique avait envoyé ses ordres à tous ses
^ambassadeurs et ministres, tant en Angleterre qu'en
„toutes les cours et autres lieux où ils résident et
^résideront, et où de pareilles difficultés pourraient
„se présenter pour raison de la préséance, de s*ab-
5,stenir de s'y trouver j et de ne point entrer en con-
,5currence avec les ambassadeurs et ministres de S.
„M., dans toutes les fonctions et cérémonies publi-
5,ques oii ils assisteraient."
APPENDICE. 395
■ Alors le roi, adressant la parole à tous les minis-
InS' étrangers qui se trouyaient à l'assemblée: ^^Yous
yfifCB entendu, leur dit-il, la déclaration que Pam-
,,ba8sadeur d'Espagne m'a faite: je vous prie de
,,Pécrire à yos maîtres , afin qu'ils sachent que le roi
,^Gatholiqu6 a donné ordre à tous ses ambassadeurs,
„de céder le rang aux miens en toutes occasions.^^
D fut en même temps dressé un acte de la dé-
claration faite par le marquis de la Fuente au nom
dâ roi Catholique^ qui ftit signé par les quatre secré-
taires d'état, afin que la postérité en fat informée,
et que la chose ne pût à l'avenir recevoir de contes-
tKtibn, ni être révoquée en douta Voyez, de
Larbet^ Hist. de France sous le règne de
XIF, T. IL
Inndte et réparation faites en 1679 9 ^ ^- ^
Chaumgwy^ ministre de France à Genève.
La cour de France n'avait jusqu'en 1679) point
encore de résident à Genève; elle se contentait de
choisir parmi les bourgeois de la ville un agent
chargé de recevoir les paquets de la cour pour la
Suisse et l'Italie. Le particulier qui était chargé de
cette commission étant mort, le roi jugea à propos
d'avoir un résident à Genève, et nomma à ce poste
en 1679) M- ^® Chauvigny. Ce ministre fut reçu
à Genève avec beaucoup d'égards; mais ayant fait
disposer une chapelle pour ses gens et les catholi-
ques de la ville , cette nouveauté excita une grande
396 APPENDICE.
rumeiir parmi les habitons , dont la majorité était
calviniste. Le 4 de Décembre le peuple s'étant
attroupé près de Thôtel du résident , un par-
ticulier tira d'une maison voisine , un coup de pis-
tolet sur une galerie où il se trouvait; et ce coup
de pistolet fut suivi de deux coups defiisil, après
que le résident, qui se trouvait en ce moment
avec deux religieux chartreux, fiot rentré dans son
appartement
M. de Chauvigny s'étant incontinent transporté
i rhôtel de ville, entra brusquement dans la cham-
bre du conseil, et demanda trois choses : 1) que l'on
donnât ordre à l'instant, de fermer les portes dek
ville ; 2) qu'on envoyât sans délai un corps de garde
chez lui, pour y maintenir le respect dû aa roi; 3)
que Ton fît avec grand soin la recherche de ^^ ce-
lui qui avait tiré le premier coup, et qui avait
répondu par des menaces, aux reproches qu'on lui
avait faits. Ces demandes furent accordées, et le
criminel arrêté.
Le roi écrivit aux magistrats de la ville de Ge-
nève, qu'il voyait avec plaisir qu'ils étaient étrangers à
cet événement, et qu'il agréait qu'ils accordassent la
grâce aux coupables. Les prisonniers ayant été
amenés, et le plus criminel d'entre-eux s'étant mis à
genoux, Dupan, premier syndic, lui annonça la
grâce dont le roi voulait bien le faire jouir^ quoiqu'il
fût digne du dernier supplice. Le résident fut re-
conduit che.T lui aux applaudissemens universels^ et
le dénouement de cette affaire fit beaucoup d'honneur
à la modération du ministère français. Chauvigny
ayant été rappelé en 1680, fut remplacé par Dupré.
APPENDICE. 397
Voyez Hist. générale de la diplomatie française,
par M. DE FiiAssAN, T. V. Lîv.I.
donnée en 1682 9 à M. de Venter^
mmbassadeur de Venise à la cour de France.
Dix à douze créanciers de M. de Venier, ambassa-
deur de Venise auprès du roi, et dont la mission finis-
sait, ne pouvant en être payés, s'adressèrent au lieute-
ijant-dvil, M. le Camus, poiur avoir la permission de
saisir les effets de l'ambassadeur. Ce magistrat en-
Toya à M* de Croissi, ministre des affaires étrangères,
kl requête de ces créanciers. Celui-ci fit inviter l'am-
bassadeur à les satisfaire ; ce qu'il promit.
Plus tard un tapissier pré9enta une nouvelle re-
quête au lieutenant-civil, pour une somme de quatre
cents livres, que l'ambassadeur lui devait.
Le lieutenant civil mit au bas de la requête:
^Soit donnée assignation au sieur Venier, ci- devant
^ambassadeur à Venise: et cependant attendu qu'il y
^a im autre ambassadeur, nous avons permis de
^^aire saisir et arrêter éz mains des débiteurs du
„8Îeur Venier, ci -devant ambassadeur, les ballots
%,et effets étant hors de sa maison, etc.^'
Au bas de la même requête, un sergent donna
assignation à Venier, pour comparaître sous trois
jours par-devant le lieutenant-civil.
Le tapissier, muni de cette pièce , fit saisir trois
chevaux conduits par des gens à la livrée de l'am-
bassadeur. L'affaire fîit portée au ministre des af-
398 APPENDICE.
faires étrangères , qui jugea que sans attendre aucun
ordre, il fallait rendre les chevaux à rambassadenr.
Le lieutenant-civil, pour justifier sa conduite,
dit, que lorsque les ambassadeurs avaient eu l'au-
dience de congé , Ton avait coutume de saisir pour
dettes hors de leur maison.
L'ambassadeur Venier, et son successeur Erino,
demandèrent au roi par la voie du Nonce :
i) Que le lieutenant-civil fut suspendu de ses 1
fonctions ;
2) Que l'assignation fut révoquée , et que le
procureur, l'huissier et le sergent qui y avaient coo-
péré, fussent mis en prison ;
3) Que les ambassadeurs de Venise iraient trour
ver le ministre des affaires étrangères, et lui deman-
der que l'on conservât au lieutenant-civil sa charge,
et que le procureur, l'huissier et le sergent seraient
mis en liberté ;
4) Que le lieutenant- civil irait en robe, remer-
cier les ambassadeurs.
Le roi, voulant donner pleine satisfaction aux
ambassadeurs de Venise, décida: „Que l'huissier et
,,le sergent seraient emprisonnés pour s'être com-
,,portés insolemment; que le lieutenant-civil serait
„tenu de faire biffer de dessus ses registres, rordon-
„nance qu'il avait rendue, portant assignation à Pam-
„bassadeur à comparaître, et qu'il irait en personne
„lui faire des excuses.^'
De plus, le roi ajouta au ministre des affaires
étrangères, qu'il ferait une forte réprimande au lieu-
tenant-civil, sur ce qu'il n'avait pas faitprévenir l'am-
bassadeur de Venise avant de l'assigner à comparaître.
APPENDICE. 399
; . Le lieutenant-civil se rendit chez le nouvel am-
bassadeur de Venite, Erizzo, chez qui se trouvait
Venier, à qui il fit des excuses. Celui-ci les reçut
en présence de tous les membres des légations étran-
gères qu'il avait convoqués chez lui , et répéta tout
haut chaque parole des excuses du lieutenant-civil,
quoique cette répétition affectée , ni l'invitation faite
aux ministres étrangers ne fissent point partie es-
sentielle de la satisfaction.
Le roi décida, touchant le fond de la contestation^
et afin d'en prévenir de pareilles, que le lieutenant-
civil ferait savoir aulx huissiers, la défense qu'il leur
&isait à l'avenir, d'assigner les ambassadeurs pour
dettes; sa majesté entendant que les ministres* étran-
gers fussent invités poliment à payer leurs dettes,
afin de concilier le respect dû au corps diplomatique
avec l'intérêt de ses sujets. Voyez, Hist. gén. de la
diplomatie française^ par M. de FijASSAN, T. IV.
Satisfaction donnée en 1685 9 (^u roi de France
par la république de Oènes.
Louis XIV était très-irrité contre la république
de Gènes, soit à cause des discours injurieux qui se
tenaient publiquement contre lui dans Gènes; soit
parce que les Génois avaient fourni des munitions de
guerre aux Algériens dans leurs courses sur les
Français ; mais principalement parce que la républi-
que, en vertu d'un traité secret avec l'Espagne, fai-
sait construire quatre galères pour le service de cette
puissance, alors en guerre avec la France.
400 APPENDICE.
Pidou de Saint-Olon , envoyé extraordinaire du
roi à Gènes, avait déclaré de s#part^ que si la. ré-
publique faisait mettre ces bâtiméns en mer, la
France regarderait cette conduite comme tme hosti-
lité, et ordonnerait à ses vaisseaux de les saisir par-
tout où ils se trouveraient Après cette menace que
les Génois regardèrent comme une insulte faite à
leur indépendance , ils né gardèrent plus de mena-
gemens envers Saint-OIon. Ses domestiques furent
insultés ; on chassa de la ville le religieux , confes-
seur de sa femme; on mit à l'amende son médecin, son
chirurgien et son apothicaire, qui étaient Génois, et
on attenta même à sa vie. Saint-Olon de son cdté^
se permit des vivacités peu dignes de son rang, et
donna publiquement des coups de bâton à des Génois,
quoiqu'il existe des armes plus nobles pour le mi-
nistre d'un grand roi.
Les galères ayant été achevées et mises en mer,
Saint-Olon prit son audience de congé, d'après l'or-
dre de sa cour, et partit de Gènes. Le 15 de Mai
1684, la guerre fut déclarée à la république, et peu
après ^ une escadre française aux ordres de Du-
quesne , parut devant Gènes. Le sénat députa six
sénateurs qui se rendirent à bord du vaisseau com-
mandant où se trouvait le ministre de la marine,
Seignelai, lequel leur déclara, qu'il voulait bien leur
laisser le temps de recourir à la clémence du roi, les
assurant qu'ils pouvaient encore compter sur sa
protection pourvu que le sénat envoyât près du roi
quatre de ses principaux membres, pour lui deman-
der sa bienveillance et l'oubli du passé; qu'en outre,
on remettrait à la France les quatre galères que la
APPENDICE. 401
république avait fait construire pour le service d'Es-
pagne. Le ministre ajouta aux députés, que s'ils
refusaient ces conditions, il avait ordre de bombar-
der leur ville.
- Le sénat, indigné de ces propositions, fit pour
toute réponse, tirer le canon des forts sur la flotte.
Après cette démarche des Génois, les galiotes à
bombes commencèrent à agir, le 18 de Mai ±684»
Une grande partie de la ville fut détruite par la
chute de près de quatorze mille bombes qui y furent
lancées jusqu'au 28 du même mois.
Cependant, une négociation ayant été entamée
à Paris sous la médiation du pape, entre le minis-
tre des affaires étrangères et l'envoyé de Gênes, le
marquis Marini, les articles furent signés entre eux,
le 12 de Février 1685.
Le roi (art. I.) imposait au doge et à quatre sé-
nateurs, l'obligation de venir dans deux mois au lieu
où. S. M. se trouverait ; et lorsqu'ils seraient admis à
son audience, revêtus de leurs habits de cérémonie,
le doge portant la parole , témoignerait au nom de
la république de Gênes, l'extrême regret qu'elle
àyait d'avoir déplu à S. M. , et se servirait dans son
discours des expressions les plus soumises, les plus
respectueuses , et marquant le mieux le désir sin-
cère qu'elle avait de mériter à l'avenir la bienveil-
lance de S. M. et de la conserver soigneusement.
Il était dit (art. II.) que le doge et les quatre sé-
nateurs rentreraient à leur retour ,^ dans l'exercice
de leurs charges et dignités, sans qu'il fut permis
d'en mettre d'autres à leur place pendant leur
absence.
II. 26
402 APPENDICE.
Les Génois (art III.) s'obligeaient à remettre leur
marine sur le pied où elle était le 1 Janvier 1683.
En conséquence de ce traité, le doge ^Las-
cari, accompagné des quatre sénateurs , Gari-
baldi, Durazzo, Lomellini et Salvago, et de huit
autres gentilshommes qualifiés, se rendit à Paris. H
garda plusieurs semaines tincognito , afin de faire
préparer ses équipages, qui furent d'une grande
magnificence. Le 15 de Mai il se rendit à l'au-
dience du roi : dès qu'il l'eût apperçu il se découvrit,
avança de quelques pas, et fit ensuite, ainsi que les
sénateurs^ deux profondes révérences au roi, qui se
leva en ôtant un peu son chapeau. Après quoi le
monarque leur fit signe d'approcher, comme en les
appelant de la main. Le doge alors monta sur le
premier degré du trône : le roi et lui se couvrirent,
et le doge adressa au roi, en italien, le discours
suivait :
„Sire, ma république a toujours tenu pour ma-
„xirae fondamentale, de se signaler par le profond
„respect qu'elle porte à cette puissante couronne que
„V. M. a reçue de ses ancêtres, et qu elle a élevée à
„un si haut degré de force et de gloire, par des
^actions étonnantes, que la renommée, qui dans tout
„autre sujet ordinairement exagère, ne pourra,
„même en les diminuant, les rendre croyables à la
„postérité."
„Ces prérogatives. si sublimes qui obligent tous
„les états à les considérer et k les admirer avec une
,souraission très -profonde, ont particulièrement
„porté ma république à se distinguer par- dessus
„tous les autres , en la témoignant de telle manière
APPENDICE. 403
^que tout le inonde en doive demeurer conyaîncuj
,,et l'accident le plus funeste qu'elle ait jamais
^éprouyé, est celui d'avoir pu véritablement offenser
„V. M. ; et quoiqu'elle se flatte que c'est un pur effet
,,de son malheur, elle voudrait néanmoins que tout
,,cequi s'est passé, et dont V. M. n'a pas été con-
^tente^ fut, à quelque prix que ce fut, effacé non
^seulement de sa mémoire, mais encore de celle de
,,tous les hommes; étant incapable de se consoler
^dans une si grande affliction , jusqu'à ce qu'elle se
^voie rétablie dans les bonnes grâces de S. M., qu'elle
,^'attachera désormais , non seulement à conserver,
„inai8 même à en mériter l'augmentation.
„C'est dans cette vue que, ne se contentant pas
^ydes termes les plus respectueux, la république a
„Toulu' se servir de manières inusitées et très-parti-
„culières, en lui envoyant son doge avec quatre de
„se8 sénateurs, espérant qu'après de teUes demons-
^,tratîons, V. M. sera pleinement persuadée de la très-
jyhaute estime que ma république fait de votre royale
^bienveillance."
„Pour ce qui est de moi. Sire, je m'estime très-
^heureux d'avoir l'honneur d'exposer à V. M. ces
^^sentimens respectueux, et je tiens à gloire particu-
^^îèi^^) de paraître devant un monarque d'un courage
^^vincible, et révéré par sa grandeur d'ame et sa
^m agnanimité."
^J'espère que V. M., pour faire voir de plus en
^plus à tout l'univers , l'étendue de sa générosité,
^daignera regarder ces témoignages aussi justes que
j^espectueux , comme provenant de la sincérité de
^,inon coeur, et de ceux de messieurs les sénateurs.
^r *
404 APPENDICE.
,,comme de tous les citoyens génois,, lesquels atten-
^dent ayac impatience les marques que V. M. youdra
,,bien leur donner du retour de sa bienveillance."
Le roi répondit: 5,Qu'il était content des sou-
,^missions que lui faisait faire la république de Ge-
,,nes; que comme il avait été fâché d'avoir eu sujet
^de faire éclater son ressentiment contre elle, il était
„bien aise de voir les choses au point où elles étaient,
,,parce qu'il croyait qu'à l'avenir, il y aurait une
„très-,bonne intelligence ; qu'il voulait se la promet-
„tre de la bonne conduite que la république tien-
,,drait à l'avenir, et que l'estimant beaucoup, il lui
,,donnerait dans toutes les occasions des marques de
„sa bienveillance."
A l'égard du doge, S. M. parla de son mérite
personnel, lui faisant connaître qu'elle lui donnerait
avec plaisir des témoignages de l'estime particulière
qu'elle en faisait.
Après cette réponse du roi, les quatre sénateurs
firent leur harangue séparée, et S. M. répondit à
chacun en partîcuher(^). Voyez, Histoire générale
(1) Le doge conserva toujours, maigre' la singularité de son
rôle, un air civil et spirituel. Sa contenance n'avait rien d'em-
barrassë, et il montra de la dignité sans morgue, et de rabaisse-
ment sans bassesse. Ce fut lorsqu'il se rendit à Versailles poor
visiter ce qui y était le plus digne de curiosité', que quelqu'un lai
demandant ce qui le frappait le plus en France, il re'pondit par
ce mot fin: „C'est de m'y voir/* Le roi lui fit présent de son
portrait garni de diamans, et de plusieurs riches teintures. Lfs
sénateurs eurent des présens eemblables, mais de moindre prix.
La soumission de la république de Gènes fut le sujet d'une mé-
daille. On y voit le roi debout sur le marche-pied de son tr<5ne,
et devant lui, le doge avec ses quatre sénateurs en posture de
APPENDICE. 405
de la diplomatie française, par M. de Flassan,
T.IV-Uv.V.
Satisfaction donnée en 1702 ^ ^ ^oi de Ffance^
par la république de Venise.
L'ambassadeur extraordinaire de la république
de Venise, Pisani, fit au roi de France une satisfac-
tion sur l'objet suivant. Deux bannis condamnés à
mort par la république de Venise, s'étaient mis sous
la protection du duc de Mantoue, et avaient pris
parti dans les troupes de France en qualité d'ofiîciers.
Arrivés à Venise avec des passeports du duc de Man-
toue et du comte de Tessé, lieutenant- général des
années du roi en Italie, ils s'étaient munis encore de
celui de l'ambassadeur du roi à Venise où ils demeu-
rèrent quelques jours; mais à leur départ ils furent
arrêtés en mer à dix milles de la ville et conduits
dans les prisons ; ce qui ne put se faire si secrète-
ment que l'ambassadeur de France n'en fut averti,
qui aussitôt les réclama. Mais avant que le sénat fût
assemblé pour délibérer sur la plainte de l'ambassa-
deur, ils furent étranglés dans la prison, et exposés
de grand matin au gibet de la place de Saint-Marc.
Ce procédé irrita le roi. Le pape intervint, et ob-
tint que sa majesté se contenterait des excuses que
lui ferait un ambassadeur extraordinaire du sénat.
supplions. La lëgenda est: Genua ohsequens (Gènes sQumise);
Texergue, dux legatus et deprecator , (le doge envoya j^ont implo-
rer 1« clémence du roi) 1685. •
406 APPENDICE.
La prière en fut £dte au roi dans une audience
publique qu'il accorda le 29 ^^ Décembre 1702> au
nonce Gualtieri.
Le lendemain, l'ambassadeur extraordinaire de
Venise, Pisani, dans une audience encore plus so-
lennelle, présenta au ï-oi une lettre de la république
dans laquelle elle lui témoignait le désir de perpé-
tuer J^ bonne harmonie, et le déplaisir qu'elle res-
sentait que quelques procédures de justice eussent
déplu à sa majesté. Le roi répondit avec autant de
fermeté que de dignité. Voyez de Flassan ERst.
gén. de la dipl, française, T* IV, L. VI.
Insulte faite en 1708 y à la gondole du comte
de Manchester y ambassadeur d'Angleterre à
Venise.
Le comte de Manchester, ambassadeur de la
reine Anna auprès de la république de Venise,
étant en 1708> sur le point de partir pour s'en re-
touriier en Angleterre, quelques uns de ses domes-
tiques se laissèrent gagner par un marchand, à char-
ger dans la gondole de l'ambassadeur plusieurs
colli de draps d'Angleterre arrivés par un vaisseau
anglais en station à Malamoque, pour les transpor-
ter secrètement au magasin du propriétaire. Les
douaniers vénitiens en ayant été avertis, arrêtèrent
la gondole, la visitèrent, et l'ayant trouvée chargée
de contrebande, l'amenèrent et en firent la déclara-
tien aux autorités. Le comte de Manchester ayant
APPENDICE. 407
appris cette nouvelle, tout indigné qu'il lut de ce que
ses domestiques s'étaient permis une telle fraude, ne
s'en plaignit pas moins au sénat de Finsulte qui lui
avait été faite, et demanda une satisfaction prompte
et éclatante*
La reine d'Angleterre approuvant la conduite de
son ministre fit défendre à l'ambassadeur de la répu-
blique à Londres la com*, jusques à ce que l'on eût
donné à son ambassadeur une satisfaction complète.
Le comte de Manchester, selon les ordres
qu'il avait reçus de sa cour, fit remettre par M. Cole
son secrétaire, le 12 de Février, au sénat, un mé-
moire, par lequel il témoignait de nouveau le mécon-
tentement de la reine, sa souveraine, au sujet de
l'insulte faite à sa gondole , et l'ordre qu'il avait reçu
de se^ retirer après en avoir fait une dernière dé-
claration.
Le sénat après avoir délibéré sur le mémoire de
M. de Manchester lui envoya le lendemain un
des secrétaires d'état de la république, avec une
réponvB par écrit, par laquelle on le priait de différer
encore son départ en l'assurant de lui donner une
pleine et entière satisfaction. On lui promit même
que la gondole avec les colli de draps en question,
serait conduite au même lieu où elle avait été prise,
et que l'on condamnerait aux galères les commis de
la douane qui s'étaient rendus coupables de cette
offense. L'ambassadeur consentit alors de rester. Il
eut diverses conférences avec les commissaires nom-
més par la république pour s'entendre avec lui sur
la satisfaction qu'on pourrait lui donner.
Après bien des discussions, la république se vit
408 APPENDICE.
obligée de céder aux demandes de l'ambassadeur, et
de condamner les commis de la douane qui avaient
arrêté la gondole du ministre, aux galères*
La république espérait que l'ambassadeur se
contenterait de la seule condamnation; mais lord
Manchester déclara que cela n'était pas en son pou-
voir y et que puisque l'insulte avait été commise non
en parole, mais par voie de fait, il fallait que la
satis&ction le fut de même. En conséquence l'exé-
cution eut lieu , et les onze condamnés furent con-
duits de leur prison à la galère appelée la FustOy
où ils furent enchaînés. Le commis principal avait
deux écritaux attachés sur la poitrine et sur le dos,
avec cette inscription ^fiondamnati in galera, per
aver violata la barca delP ambasçiadore deUa
Grande-Bretagna. ^^ Le même jour, M. Cole, se-
crétaire d'ambassade, se rendit à l'île du St. Esprit,
située à deux milles de Venise , où par ordre de la
république, on lui rendit les vingt neuf et demi piè-
ces de drap qui avaient été enlevées de la gondole.
Sur les instantes prières des femmes et des enfans
des condamnés, l'ambassadeur d'Angleterre se ren-
dit au palais du doge, et demanda leur pardon; ce
qui lui fut accordé ; il fit distribuer après les pièces
de drap aux quatre principaux hôpitaux de la ville.
Voyez, Lettres historiques, T. 33.
APPENDICE. 409
InsuUe faite en 1749^ à l'hôtel de M. de Larre^^ mi-
nistre d* Hollande à Paris, et satisfaction qui
lui fut donnée (^).
En 1749 1® suisse du ministre d'Hollande à Paris,
étant soupçonné de vendre du tabac rkpé, un con-
seiller de l'élection de Paris et plusieurs commis des
fermes-unies se transportèrent à l'hôtel de M. de
Larrey, pour faire une visite domciliaire. Les faits
qui donnèrent lieu aux plaintes portées par le minis-
tre d'Hollande au ministère de France, se trouvent
consignés dans le procès verbal ci-après.
N« I.
Prodti-verbal ^dre$$é par ordre de M. de Larrey, ministre
des Etats- Généraux des Fr. U. des P. B.
Aujourd'hui 21 Mai 1749, à 7 heures 3 quarts du
matin, le suisse de l'hôtel d'Hollande, qu^habite M.
fje Larrey, ministre de LL. HH. PP. les États-Généraux
des Provinces-Unies à la cour de S. M. T. C, est des-
cendu dans sa chambre , où il a trouvé trois hommes,
avec lesquels il y eu avait un, vêtu d'habit de commis-
saire. Surpris de voir un commissaire dans l'hôtel, le
suisse a voulu fermer la porte de la rue, mais trois au-
tres personnes, qui étaient en faction à cette poi'te, l'en
ont empêché. Elles sont tombées sur lui, et lui ont
donné plusieurs blessures avec des couteaux de chasse.
Au bruit qu'il a fait, en criant au meurtre, plusieurs
valets sont venus à son secours. Trois de ces hommes,
y compris le commissaire, ont pris la fuite. Il en est
resté un, qui n'a pas eu le temps de se sauver, et qui
a déclaré, que la personne en habit de commissaire^
U) Voyez, Mercure hist.y de 1749, T. II. 1752, T. I.
410 APPENDICE.
était un nommé Jagues-Ârmand Petit , se qnalifiam de
conseiller et avocat, et demeurant rue de Tarcade pro-
che Notre-Dame; que les autres étaient trois brigadiers
et trois commis ; que lui déposant , s'appelait Prévôt, et
demeurait au cimetière de St. Jean; qu'on l'avait appelé
ce matin pour aller avec les autres susnommés à l'hAtel
d'Hollande, où, i ce qu'on lui avait dit, le suisse vendatt
du tabac râpé. U a déclaré , que ht% camarades avaient
blessé le suisse, quoique celui-ci, qui était en robe de
chambre ne les eût point insultés, ni ait pu se défendre, et
qu'au reste il demandait pardon d'être entré dans l'hô-
tel. Sur quoi M. de Larrey a aussitôt fait relâcher ledit
Prévôt.
(signé.) J. DE Weller, Secret
M. de Larrey envoya le même jour ce procès-
verbal au marquis de Puisieulx, ministre^ des affaires
étrangères du roi de France en l'accompagnant de la
note suivante.
K*>- II.
Lettre de M, de Larrey^ adressée au marquis de Puisieulx
pour accompagner le procès-verbal ci^dessus.
Monsieur, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Exe. les
informations que je viens de faire prendre à l'occasion
d'une seènc très-désagréable, arrivée ce matin. Je ne puis
me dispenser de lui en porter mes plaintes, et je suis as-
suré qu'elle ne se refusera pas à me procurer une satis-
faction proportionnée à l'insulte et à la violence commi-
ses contre moi. J'ai l'honneur d'être, etc.
Paris, le 21 Mai 1749.
(signé.) DE LArrey.
Lelendemaîn,lemarquis de Puisieulx, après avoir
informé le roi de cet événement, fit à M. de Larrey
la réponse suivante.
APPENDICE. 41 1
K«- ni.
Réponse du marquis de Puisieulx à la lettre précédente.
Le roi m'a ordonné, Monsieur, de prendre la con-
naissance la plus exacte du fait dont il parait que voua vous
plaignez avec tant de raison. Comme je suis persuadé que
TOUS ne l'avez point aggravé, je puis vous assurer d'avance
que S. M. vous en fera faire la satisfaction la plus com-
plète. Je ne saurais, en mon particulier, donner trop
d^élôgerà votre sagesse et à votre circonspection, dont je
n*ai pas manqué d'instruire S. M.
DE Puisieulx.
. Le même jour le roi envoya M, de Toumelle,
80u»-introducteur des ambassadeurs, chez M. de Lar-
rey pour lui témoigner le mécontentement qu'avait
S. M. de cette affaire, et la disposition dans laquelle
elle était d'en donner satisfaction au ministre. Les
personnes impliquées dans cette affaire ayant été ar-
rêtées par ordre du ministère et interrogées sur les
motifs d'une démarche aussi inconvenante, préten-
dirent se justifier, en alléguant qu'elles avaient cru
que comme M. de Larrey n'était pas revêtu du ca-
ractère d^ ambassadeur y son hôtel pouvait être con-
sidéré comme celui d'un simple particulier. Comme
il fut constaté par l'interrogatoire, que l'avocat Petit
et les gens qui l'accompagnaient, n'avaient agi que
de leur propre mouvemeut et sans ordres des fer-
miers-généraux, le roi ordonna que les commis des
fermes qui s'étaient rendus coupables de cet attentat,
fussent chassés de leur emploi et mis en prison pour
être jugés selon les lois ; que l'avocat Petit fût démis
de ses fonctions; et qu'une satisfaction éclatante iut
donnée au ministre d'Hollande. Par la lettre sui-
412 APPENDICE.
vante, le marquis de Puisieulx fit connaître à M. de
Larrey les ordres du roi.
N« IV.
Lettre du marq. de PuùieulXj adresiée à M, de Larre),
y ai rendu compte au roi, de la violence qui a été
faite. Monsieur, dans votre maison, par les commis des fer-
mes, ayant à leui' tête le sieur Petit, conseiller de Pélec-
tion. S. M. a ordonné sur le cliamp, que les commis fas-
sent chassés de leurs emplois et mis en prison. Le con-
seiller sera interdit de ses fonctions et conduit au fort
l'Evêque. Quatre fermiers-généraux, après avoir pris
votre heure, se rendront chez vous, pour vous assurer
que la compagnie n'a rien su de ce qui s'est passé dans la
maison du ministre de UL. HH. PP. le 21 de ce mois, et tous
marquer combien elle a été peinée lorsqu'elle Fa appris.
Une réparation si prompte, est une preuve éclatante des
sentimens de S. M. envers les États-Généraux, ainsi que
de son attention à maintenir le droit des gens et i ne pas
permettre que ses sujets s'écartent des justes égards qu'ils
doivent à la personne des ministres étrangers qui ont
l'honneur de résider auprès d'elle. Je suis etc.
DE PUISIEUJLX
M. de Larrey se rendit peu de jours après à
Versailles pour témoigner au marquis de Puisieulx
combien il était sensible à la bonté du roi au sujet
de cette affaire. Les ordres du roi furent exécutés,
mais le ministre d'Hollande pria M. de Puisieulx
d'intercéder pour les coupables auprès de S. M.
APPENDICE. 413
Insulte faite en 1752 au ministre d'Hollande à la
cour de Stockholm et satisfaction qui lui fut
donnée piar S. M. Suédoise.
A roccasîon d'une insulte qui ayait été faîte pen-
dant l'absence du roi, à quelques domestiques de M.
de Marteville, envoyé extr. des États- Généraux,
dont l'un avait été arrêté par le guet de nuit, le ba-
ron de Hôpken, président delà chancellerie, écri-
vît à ce ministre la lettre suivante :
Stockholm, le 4. Septembre 1752.
Monsieur 9 le roi sVtant fait rendre compte du
contenu de votre mémoire, relativement à Tinsulte faite
i votre livrée par le guet de nuit, S. M. a ordonné
au'on procédât dans cette affaire conformément aux or-
onnances émanées pour ces sortes de cas. La sentence
publiée contre le bas-officier qui à été reconnu coupa-
ble, porte cassation de son emploi, et vingt un jours au
pain et à l'eau; ce qui, à quelques jours près, quadre
avec la punition de mort, suivant les lois de ce royaume.
Je ne doute point que Leurs Hautes Puissances ne re-
connaissent dans la sévérité de cette sentence, l'atten-
tion du roi pour le maintien des droits des mim'strcs
publics, et son amitié pour la république. J'ai l'hon-
neur d'être avec beaucoup de considération etc.
Hôpken.
Le lendemain M. de Marteville répondit au ba-
ron de Hôpken en ces termes. ^
Monsieur, j'ai reçu, avec la plus vive reconnais-
sance, la lettre que V. Exe. m'a fait l'honneur de m'é-
crire hier 4 du courant, par laquelle elle me communi-
que le contenu de la sentence prononcée par ordre du
roi contre le guet de nuit. Je n'ai pas différé d'en en-
voyer le rapport à mes Seigneurs et maîtres, et ne doute
414 APPENDICE.
nullement, qneUL.UH. PP. sensibles aux dispositions favo-
rables que la cour a fait pai*aitre dans cette affaire, ne me don-
neront des ordres exprès pour lui en marquer leur recon-
naissance. J'airbonneur en mon particulier, de témoigaerà
V. Exe. toute l'étendue de celle que j'en conserve; me flat-
tant, que S. M. en égard à ma très-humble interces-
sion, voudra bien absoudre le coupable et le faire ré-
tablir dans sa fonction. C*est pour donner des marques
authentiques des sentimeus dont je fais profession, que
j'ai fait signifier à tous mes domestiques sans exception,
que le premier d'entre-eux qui se trouvera après dix
heures du soir, hors de la maison, sans mes ordres, en
sera châtié, et que venant à être enveloppé dans quel-
que aventure pareille à celle dont il s'est agi, il ne sera
fait nulle attention au droit qu'il pourrait avoir; mais
que la livrée lui sera d'abord ôtée, et qu'il sera mis
hors de ma maison. J'ai l'honneur d'être etc.
«
L. DE Marteville,
Le bas-ofiîcier de la garde de nuit fut conduit
après, par le lieutenant du guet, chez M. de Mar-
teville, auquel il demanda pardon dans les termes les
plus soumis , et le remercia de sa généreuse inter-
cession, en promettant de réparer par sa bonne con-
duite, la faute qu'il avait commise. Voyez, le Merc.
hist. de 1752, T. II.
Insulte faite en 1752, àthotel du ministre de
Suède à Pétersbourg , et satisfaction qu'ion lui
donna.
Un détachement de trente soldats sous les or-
dres d'un officier, se rendit à Pliôtel du baron de
GreifFenheim, ministre de Suède à Pétersbourg. Tan-
APPENDICE. 415
dis que plusieurs soldats occupèrent les avenues et
les portes de l'hôtel, d'autres marchèrent directe-
ment à PoflBce, dont ils brisèrent la porte, et d'où ils
enlevèrent deux domestiques de ce ministre, sous
prétexte qu'ils avaient vendu clandestinement des
boissons de l'espèce de celles que la ferme impériale
avait seule le privilège de débiter. Ces deux domes-
tiques, auxquels on avait liées les mains sur le dos,
furent conduits publiquement en prison. Le baron de
Greiffenheim était dans la plus grande perplexité à cet
égard; mais plus la chose lui paraissait extraor-
dinaire, et plus il jugeait important d'éviter toute
démarche de précipitation.
A peine eût -on appris cet incident à la cour,
que Ton en fut indigné, ainsi que de la témé-
rité que les régisseurs de la ferme avaient eue de
fisûre de leur propre chef une action si contraire au
droit des gens, et sur laquelle ils n'avaient reçu ni
ordre ni permission du sénat ou du ministère. Sur-
quoi, les auteurs de cette violence furent immédiate-
ment arrêtés et l'impératrice ordonna d'en faire sa-
tisfaction au ministre de Suède. A cet effet, M.
Oroussiof, maître des cérémonies, se rendit le len-
demain chez le baron de Greiffenheim et chez les
ministres des autres puissances, auxquels il remit la
note suivante du comte de Bestoucheff, chancelier de
l'empire.
Note remise à 31, de Greiffenheim^ ministre de Suède ^ par
M Oroussiof,
En suite de ce qui est arrive le 3 du présent mois,
dans là maison de M. de Greiffenheim, envoyé extr. de
S. M. le roi de Suède, par la faute et l'inadvertence du
4l6 APPENDICE.
chef de la chancellerie établie pour empêcher la yentê
clandestine de Teau de vie et de la bierre, le ministère
de S. M. Impér. de toutes les JRussies a cru deroir in-
former Messieurs les ministres des puissances étrangè-
res, que S. M. Imp. par une suite naturelle de sa
façon de penser, de son amour pour la justice et en
particulier de ses seutimens d'amitié et d'estime pour
S. M. le roi et le royaume de Suède, n'a pu apprendre
cet événement qu'avec beaucoup d'indignation et avec tout
le mécontentement possible. Et afin* que M. Tenvoyé
extr. de GreifTenheim en fût exactement informé, et
qu'il ne pût douter en même temps qu'on ne loi donne
une entière satisfaction, S. M. Imp. a ordonné le lende-
main matin à son maître des cérémonies, de l'aller troor
ver de sa part, et de lui faire connaître combien dk
était indignée et combien elle avait de regret, que con-
tre son intention, il lui fût arrivé un accident aussi fl-
cheux, et que S. M. Imp. voulant que prompte répara-
tion lui en fût faite, dès le premier avis, avait donné ses
ordres pour amener à la cour le chef de ladite chan-
cellerie, lequel, après avoir été interrogé, avait immé-
diatement été mis aux arrêts, et envoyé au sénat avec
ordre d'y instruire son procès, et de lui infliger la pu-
nition qu'il avait méritée. Messieurs les ministres étran-
gers étant instruits de ce que dessus , voudront bien en
rendre compte à leurs cours respectives.
Bestoucheff.
Peu de jours après, le ministère impérial fit no-
tifier au baron de Greitfenheim ; „Que comme cette
j,insi|lte avait été commise par la précipitation du
5,lieutenant-colonel PosnakoflT, qui avait outrepassé
jjle devoir de sa charge, par laquelle il était seule-
55ment chargé de veiller à ce qu'il ne se commît point
,,de fraude au préjudice de la ferme des boissons, S.
„M. Imp*, pour le punir de cette violation du droit
APPENDICE. 417
9,de8 gens, Fayait dégradé de son rang de lieutenant-
jjcolonel, et réduit à la qualité de simple soldat
^Qu'elle Pavait aussi déposé de la charge d'inspecteur
^a'il exerçait auprès du bureau des boissons, et
^qu'elle y en avait établi un autre à sa place/*
.--Le baron de Greiffenheim fit aussitôt part de
cette notification à sa cour, qui lui envoya des ordres,
en conséquence desquels il se rendit chez le.comte
de Bestonchefi*, auquel il déclara: „Qu'il avait été' ex-
,,trêmenient agréable au roi , son maître, d^ppreih^
i^dre, avec la nouvelle même de cet incident , la
i,pronipte réparation qui en avait été faite ; que S. M.
lySuédoise en remerciait sincèrement l'impératrice, et
i,qu'elle regardait un procédé si obligeant de sa part,
„conime une preuve des plus convaincantes de Pàmi-
„tié de S. M. Imp/* Ce ministre ajouta: que comme
la ôlémence était une vertu naturelle à l'impératrice^
le roi espérait qu'elle voudrait bien , sur son inter-
cession, pardonner au lieutenant-colonel Posnakoff,
et le rétablir dans son précédent poste. Le comte de
Bestouchefi* répondit au remerciement du ministre de
Suède: qu'il ressentait en son particulier une bien
„grande satisfaction de voir que S. M. Suéd. était
,,contente de ce qui avait été fait en cette occasion, et
„qu'elle rendait un témoignage si vrai aux dispositions
yysincères et amiables de cette cour; quant à Tinter-
„ces6ion qu'elle voulait bien employer en fieiveur du
„Iieutenant-colonelPosnakofi*, il lui promit d'en faire
„exactement rapport à l'impératrice." Voyez, le
Mercure hisL et polit, de 1752? T. I.
II. 27
418 APPEKDICE.
Insulte faite en 1777> à Vamhasêadeur d^ Autriche
à Venise , et satisfaction qui lui fut donnée par
la r^ublique.
Le comte de Durazzo , ambassadeur d'Autriche,
rentrant de la campagne qu'il habitait, située à deux
lieues de Venise, en ville, sa barque fut attaquée par
àesAirres de mer. Sur le refus que firent «es gens
de s^arréter et de laisser approcher les sbirreSj ceux-*
ci se jettèrent sur eux avec violence, blessèrent trois
des gondoliers à coups de rames, et menacèrent aTec
leurs fusils tous ceux qui étaient dans la barque, et
ne se retirèrent à la fin, qu'après que l'ambassadeur,
voyant qu'il n'y avait pas d'autre moyen, leur eut
parlé: lin -T.même pour les persuader. Ce ministre
ayant fait sur cette atteinte portée à son caractère^
les représentations convenables, le sénat fit arrêter
les coupables, et informa l'ambassadeur de la satis-
faction qui lui avait été donnée, par le mémoire
suivant.
Mémoire adressé par le sénat de Venise à famhassadevr
d'Autriche.
Aux Pregadi, le 15 Nov. 1777.
M. le comte, à peîiic avons nous appris par votre
mémoire du 29 <îu mois derm'er, l'attentat que voire \
gondole avait essuyé le soir préeédent dans les eaux de
S. Seconda j qu'il a d'abord été donné ordre d'arrêter
les six coupables; et Ton a fait les perquisitions que
vous aviez demandées par votre mémoire. Après un
court intervalle, que les circonstances ont exigé, nous
sommes à présent en état non seulement de vous don-
ner des preuves manifestes de notre désaveu le pins
formel et de notre déplaisir, ainsi que nous l'avons déjà
APPENDICE. 419
déclaré le 30 du mois dernier, d^tm événement qm blesse
les égards dûs au caractère que vous soutenez avec tant
de dignité, et pour lequel nous avons toujours eu l'es-
time la plus particulière, mais aussi de vous informer
de la punition ordonnée. Nous vous donnons en con-
séqaence avis, que les six coupables, déjà mis en pri-
ion pour vous procurer la satisfaction due, par le châ-
timent qu'ils ont mérité, ont été transférés aux galères,
ayant les fers aux pieds, et leur chef ayant un écriteau
pendu au col, portant qu'ils étaient condamnés aux ga-
lères pour avoir usé de violence envers la gondole de
(ambassadeur impérial; et que la barque avec laquelle
le délit a été commis, a été brûlée & la place la plus
fréquentée du public.
Le sénat saisit en même temps avec plaisir cette
occasion, de donner un témoignage éclatant de son ami-
tié constante et de son respect affectionné pour LL. MM.
Impériales, ainsi que de montrer la haute estime qu^il a
pour la personne de leur ministre. Il s'assure d'ailleurs,
qae le rappoil que vous en. ferez à ces souverains avec
la loyauté qui vous est propre, trouvera un accueil fa-
Torable de la part de Leurs Majestés, et servira à prou-
ver de plus en plus la vérité des sentimens avec les-
quels nous vous assurons de notre considération et de
notre affection distinguées. Voyez, le Merc. hist. de
1777, T. IL
Autres exemples d^msultes fmtes à des agens di-
plomatiques ou auw personnes de leur suite^ et
satisfactions qui leur ont été données.
En 1731 la mort du propriétaire d'une maison
qu'occupait à Paris le comte de Mafféi , ambassadeur
de Sardaîgne, ayant donné lieu à quelques poursui-
27*
420 APPENDICE.
tes de la part de ses créanciers, contre sa succession,
un homme qui avait ÇOO livres à prétendre, fit saisir
les loyers qui pouvaient être dûs par l'ambassadeur de
Sardaigne, et fit assigner en même temps ce ministre
devant le lieutenant- civil du châtelet de Paris, ponr
faire son affirmation sur les causes de cette saisie.
L'exploit fut donné à son suisse pendant que le comte
de Mafiëi était à la campagne. Ce ministre en porta
plainte au gouvernement Pour s'excuser, l'huis-
sier disait qu'il n'avait pas cru manquer au respect
dû à l'ambassadeur, parceque l'affaire pour laquelle
cette assignation avait été donnée ne le regardait pas
personnellement; et que d'ailleurs on ne pouvait pas
aller à Turin faire des poursuites pour une si petite
somme, et pour le même fait pour lequel les héri-
tiers du propriétaire de la maison qui étaient par-
ties principales, avaient été assignés au châtelet dont
ils étaient justiciables.
Le roi de France fit arrêter l'huissier, et ne le fit
sortir de prison qu'au bout de six semaines, à la
prière de l'ambassadeur; mais il l'exila à Nantes, et
cet huissier n'en revint au bout de quelque temps,
que sur les instances réitérées du ministre de Sar-
daigne. Voyez, ibid.
Le roi de Prusse envoya en 1740, le colonel
Creitzen, pour négocier auprès du prince évêque de
Liège, sur un différend qu'il avait avec ce prince au
sujet de la souveraineté de la ville de Herstall. Un
paysan, sujet de l'évêque de Liège, auquel cetoflScier
devait de l'argent, fit mettre par voie de justice arrêt
APPENDICE. 421
sur ses effets. Dans ce pays-là, les procureurs étaient
autorisés à faire ces sortes d'^rréts, sans le ministère
*
du juge. Dès que l'éy êque de -Liège eut été informé
de celui-ci, il ordonna aux. échevins de Liège de
faire cômx>âraître sur le champ lé payisan et son pro-
cureur; on les obligea de réyoquer l'arrêt en plein
$iège et de faire leurs excuses au colonel; Us les
firent, en déclarant à ce ministre, que s'ils ayaièht
su sa qualité d'envoyé , ils se seraient bien gardés de
jSdre signifier aucun arrêt à sa charge. Voyez, de
RÉAii, Science du gouvernement^ T. V.
Un des domestiques du comte de Haslang,' mi-
nistre de l'électeur de Bavière auprès du roi d'Angle-
terre, ayant en 1751 été arrêté par un ojfficier du
grand -^maréchal, à la réquisition d*un particulier
nommé Olivier Trulore , sans que le ministre eut été
prévenu, • cet officier ainsi que le particulier' furent
obligés le 2 Janvier 1752 de demander pardon au
€X>inte de Haslang publiquement et à genoux.
Vbyez ibid.
En 1752, à la porte du théâtre de Popéra à
Rome, le cocher de M. d'Andrada, ministre du roi
de Portugal, ayant pris querelle avec les soldats qui
y étaient de garde, après avoir été maltraité par eux,
fut conduit au corps de garde ; mais l'officier-com-
mandant le relâcha de suite, et se rendit au théâtre
où il fit des excuses à M. d'Andrada sur ce qui s'était
passé. Le pape ayant été informé de cette affaire,
422 APPENDICE.
ne crut pua cette satis&ction suffisante , et voulant
donner au roi des marques de sa grande .affection^
fit aussitôt arrêter l'officier et les soldats , dont il fit
instruire le ministre, qui toutefois intercéda pour
leur relâchement. L'officier-commandant eut ordre
de se rendre avec le baillif Solare chez M. d'Andrada,
pour hd demander pardon et lui faire ses excuses de
l'insulte qu'on lui avait faite* Voyez le Merc. hùt.
de 1752. T. I.
Les ministres de France à Gênes étaient en pos-
session depuis un temps immémorial, de ne point
permettre aux sbirres ou soldats de police, de passer
devant leur hôtel. En 1759, le chevalier de Chaor
velin, envoyé extraordinaire du roi à cette cour, in-
formé que plusieurs sbirres avaient paru devant son
hôtel, chargea ses gens d'y veiller et de s'y opposer.
Un homme que l'on prit pour un çbirre , vint à pas-
ser, et quoique averti de retourner en arrière, il
s'obstina à continuer son chemin. Les gens du che-
valier de Chauvelin se jetèrent sur lui et le mal-
traitèrent. On sut ensuite que ce n'était pas un
sbirrey mais le gardien d'une des portes de la ville.
Le gouvernement génois en fit porter plainte à l'en-
voyé de France ; et celui-ci, reconnaissant que se»
domestiques l'avaient trompé, voulut que ceux d'en-
tre eux qui avaient pris part à cette affaire , se ren-
dissent en prison; ils furent remis à la disposition
du magistrat, qui sur le champ fit prier M. de Chau-
velin de leur rendre la liberté. Voyez, ibid.
APPENDICE. 42jf
Eki 1769> à l'occasion du transport de Tétendart
de Malibmet, les Turcs faisaient à Constantînpple
une procession par la ville. U n'était point permis
alors aux chrétiens de paraître dans les rues, ou aux
feiDêtres.! L'épouse et la fille du ministre d'Autriche
eurent cependant la curiosité de voir cette prooesaion
d^une des fenêtres de l'hôteL Les Turcs s'en étant
appèrçus, s'indignèrent tellràient, qu'ils essayèrent
de forc^ rentrée de l'hôtel. Les gens du ministre
voulant s'y. opposer prirent les armes, et la rixe
devint si sérieuse qu'il en coûta la vie à plu8 de cent
personnes, pormi lesquelles se trouvait la fiUe du
ministre*
Aussitôt que la Porte fut instruite de ce désordre,
elle fit. arrêter et décapiter quatre chefs des mutins,
dont elle envoya les têtes au ministre lui ofirant
d'ailleurs toute autre satisfaction qu'il pourrait de-
mander. Indépendamment de cette satisfaction le
premier interprête de la Porte se rendit chez l'inter-
nonce et lui fit, au nom du grand-seigneur, un com-
jriiimeQt d'excuse au sujet du tumulte qui avait eu lieu.
Il l'assura en même temps qu'un Iman et un Émir,
auteurs de cet excès, étaient en prison, et que la
Porte ne manquerait point de les faire punir sévère-
ment. Il lui présenta, en même temps une robe
fourrée d'hermine , qu'il le pria de vouloir bien ac-
cepter comme une marque de Pestime particulière
du grand-seigneur pour sa personne. Ensuite il fit un
semblable compliment à l'épouse de ce ministre, et
lui remit une aigrette en diamans de rubis et émé-
raudes. Ces deux présens furent évalués à en-
424 APPENDICE.
viron 40,000 piastres. Voyez , le Merc.hist. de
1769, T. L
En 1771, trois individus de la milice turque, at-
taquèrent le sabre a la main, un Arménien qui pas-
sait à Péra devant le palais du ministre d'Autriche^
le baron de Thugut. L'Arménien s'y réfugiant^ deux
d'entre eux le poursuivirent jusqu'à la porte de Thô-
tel, et le troisième eut même l'audace de le poursui-
vre jusques dans le palais même, où il brisa les vitres
de la loge du suisse. Les janissaires préposés à la
garde de l'hôtel, y accoururent; et l'un d'eux ayant
fait feu, le mutin prit la fuite avec &^s deux camara-
des, qui tous trois furent bientôt arrêtés et con-
duits en prison.
Dès que les autorités en furent instruites, on s'em-
pressa-de faire des excuses au ministre qui toutefois ne
crut pas devoir s'en contenter. Il fit porter plainte au
reis^effendi, en demandant satisfaction de l'insulte faite
à son caractère et à son hôtel, et exigeant en même
temps que l'on prît des mesures de sûreté pour l'a-
venir, tant pour lui que pour tous les autres minis-
tres étrangers. La satisfaction qu'il demanda, lui
fut donnée sur le champ. Le reis-effendi fit appe-
ler chez lui à la fois tous les interprêtes des minis-
tres étrangers, auxquels il déclara au nom du grand-
seigneur, qu'il avait appris avec le plus grand dé-
plaisir ce qui s'était passé j qu'il avait ordonné de
nouvelles mesures pour que la sûreté de MM. les
ministres étrangers ne puisse plus être exposée; que
APPENDICE. 425
le plus coupable des trois malheureux arait payé de
sa tête sa témérité, et qu'il laissait au résident impé-^
rial et royal à prononcer sur le sort des deux au-
tres. M. de Thugut se borna à demander qu'ils
fiassent bannis de Constantinople à perpétuité, et sous
peine de mort; et qu'ils fussent relégués fort ayant
dans l'Asie, ce qui effectiyem^it eut lieu. Voyez,
le^ferc. hiat.de 1771, T. H,
£!n 1775 , lors des fêtes du Bairam à Constanti-
nople, quatre religieux de l'ordre de François et un
chirurgien français ayant rencontré dans la me de
ce fauxbourg quelques lazea (milice originaire dea
côtes de la mer noire) ceux-ci les insultèrent, et les
premiers, oubliant peut-être le danger qu'il y a pour
les chrétiens de se montrer dans la rue pendant ces
|ours de solemnité, leur répondirent. Un des lazeê
s'empara du bâton deFun des religieux; celui-ci le
lui arracha à son tour, lui en donna un coup dans la
figure et te blessa; ses camarades, accourus au nom-
bre de plus de quatre-vingts, tirèrent leurs pistolets
et leurs couteaux , et tuèrent le cocher de l'inter-
nonce impérial d'Autriche qui était survenu pen-
dant cette affaire. Les religieux et le chirurgien
français cherchant dans cette extrémité un asyle, se
réfugièrent dans l'hôtel de M. de Zégelin , ministre
de Prusse. La soldatesque animée jusqu'à la fureur,
voulut lés y poursuivre, repoussa la garde de l'hôtel
qui voulait en défendre l'entrée, et tira sur le portier
qui reçut plusieurs blessures. On parvint à la fin à
426 APPENDICE. '
fermer la porte; mais les mutins, furieux d'avoir
manqué leurs adversaires , s'en vengèrent en tirant
des coups de pistolet contre les fenêtres de l'hôtel et
cassant à coups de pierre toutes les vitres tant de
l'hôtel que des maisons voisines. Leur rage parut
augmenter à mesure qu'ils rencontraient de la résis-
tance. Ils menaçaient tous les Francs, et attaquè-
rent même un sous-officier russe qui se trouvait par
hazard dans leur chemin. Mais heureusement il sut
se défendre en rétrogradant jusqu'à ce qu'il pût en-
fin se sauver dans l'hôtel de l'intemonce autrichien.
Us y pénétrèrent, en le poursuivant jusqu'à l'appar-
tement où les janissaires de ce ministre avaient la
garde. Ceux-ci les arrêtèrent, quoiqu'avec beaucoup
de peine^ le nombre de ces misérables augmentant à
chaque moment Dans ces entrefaites, une cinquan-
taine d'entre eux coururent à f hôtel de France. La
femme du suisse , en l'absence de son mari, voulant
les arrêter, fut blessée à la main; mais les janissaires
du chevalier de Saint- Priest , ambassadeur de S. M.
T. C. étant venus à son secours, les repoussèrent vi-
goureusement et les firent sortir, avant même que
les ordres de M. de St.-Priest arrivèrent de les chas-
ser de son hôtel, à main armée, s'il le fallait
Enfin la garde de Péra arriva, et parvint à dis-
perser les séditieux; elle en tua quelques-uns , et se
saisit de treize autres qui furent conduits chez le
topdgibachi et ensuite chez faga des janissaires.
M. de Zégelin, ministre de Prusse, ayant porté
plainte de l'insulte faite à son hôtel, le grand-sei-
gneur lui fit témoigner le déplaisir qu'il en avait, et
' APPENDICE. • 427
«
lui promit la satisfaction la plus éclatante^ en l'assu-
rant qu'une trentaine de ces mutins avaient déjà été
condamnés à mort; mais que comme ils apparte-
naient au corps des janissaires, l'usage ne permettait
point de les exécuter en public. En effet les treize
qm avaient d'abord été saisis furent étranglés le
même soir.
Le colonel de Peterson, chargé d'affaires de
Ruséde, fit également prier le grand-vîsir de pren-
dre des mesures pour que ni lui ni aucune personne
de sa suite ou de sa nation ne fussent attaqués, puis-
qu'ayant cinq à six cens hommes à sea ordres, il
se défendrait par la voie des armes, sans être respoa*^
MJUë de ce qui pourrait en arriver. Voyez, le Merc.
hùLde 1775, T. I.
::■.<.. : 111- •■ K
m.
DIFFÉRENDS SUR LE CÉRÉMONIAL DIPLOMATIQUE.
, . ..iT
Mms^aù traitement qu*e$smfa -en 1681, il£ ie
OuillerargueSy ambmssadefêr de Fra/nce ci Cèm-
tantinople , à f occasion de la contestation fitU
eut (»cec la Porte €m sujet du cérémoniaL
JLiA Vergne de Guîilerargues , président à la cour
des aides de Bordeaux, successeur de Nointel dans
l'ambassade de Constantinople, y était arrivé au mois
de Septembre 1679' Dès son début en cette cour,
il eut, au sujet du sopha, avec le grand -visir Mus-
tapha , la même difficulté qui avait fait partir M. de
Nointel, son prédécesseur, sans prendre congé. Cette
difficulté consistait dans le refus du grand-visir de
mettre le siège de l'ambassadeur à la même hauteur
ou sur le même degré que le sien, ce que le roi exi-
geait, enjoignant à ses ambassadeurs de ne point
prendre d'audience si cet honneur ne leur était dé-
féré j mais il survint un événement d'une plus haute
importance, et dans lequel Guillerargues eut besoin
de toute sa fermeté.
APPENDICE. 429
Des corsaires tripolitains ayant pris un yaisseaa
sous payillon français, et mis en esdatvage une par^
tie de Péigfuipage, le roi ordonna de poursuivre tous
les navires tripolitains en quelque lieu qu'ils se reti-
reraient. ' Duquesne , commandant d'une escadre
française, alla en attaquer plusieurs qui s'étaient
retirés dans l'île de Chio pour se radouber. Là , il
s'engagea un combat entre l'escadre de Duquesne et
la yille de Chio , sur laquelle ce général fit un feu
très-vi^ . et elle répondit par des décharges qui tuè-
rent quelques hommes de l'escadre française. La
Tille fit demander à composer, se plaignant d^être
exposée à la destruction , à cause des Tripolitains,
qu'elle n'était pas en état de £Edre sortir du port
Duquesne ne fit point de réponse. La nouvelle du
combat qu'il avait livré, parvint bientôt à la Porte,
et y causa un mouvement extraordinaire.
L'ambassadeur de France fut appelé le 23
d'Août I68I9 chez le hiaga ou lieutenant du visir,
avec lequel il eut une longue conférence. Cet offîder
lui apprit l'extrême colère où était le grand-seigneur
pour Tentreprise de Duquesne, et il finît par lui dire
qu'Userait peut-être trop heureux de pouvoir ra-
cheter son sang et celui des Français, au moyen
A-'pne forte somme d'argent Guillerargues répon-
dit, ,9qu'il était en sûreté à Constantinople comme à
„Paris , parce que le sultan était juste et le roi de
„France puissant; qu'on ne devait rien attendre de
„lui, pour réparer les dommages de Chio, et que
„c'était aux seuls Tripolitains à les payer."
Guillerargues fut invité par un chiaoux à se ren-
dre à l'audience du visir. Lorsqu'il fut arrivé , on
430 APPENDICE.
m
Youlut le faire asseoir sur un tabouret, hors du se-
pha; ce qu'il refusa, et prit le parti de parler debout
Après une assez vive contestation à ce suje^ on le
conduisit dans la chambre d'audience. Le grand-*
visir j étant entré presqu'aussitôt, salua Guillerar*
gnes , et monta sur le sopha , où un siège lui était
préparé. Les chiaoux en présentèrent un autre au
bas du sopha, à l'ambassadeur; mais il se retoiuna
fièrement, en le repoussant du 'pied jusqu'à deux
fois, ce qui engagea le grand-Tisir à ordonner qu'on
ne l'importunât plus sur cet cirticle ; mais en entrant
en matière, il lui dit que Duquesne ayait tiré sur le
château de Chio, abattu plusieurs maisons, miné
des mosquées ; que le grand-seigneur était fort irrité,
et que le seul moyen de l'appaiser, était de payer le
dommage fait par les Français, évalué à 750 bourses,
ou 375,000 écus.
Guillerargues répondit : 9,que les vaisseaux du
,,roi n'avaient rien fait qui pût choquer sa Hau-
,,tesse, ni fournir occasion de rupture entre les deux
„états ; que les vaisseaux français, n'avaient eu d'au-
„tres ordres que de poursuivre partout les pirates
,^tripolitains, ennemis de la France, et que si le châ-
„teau de Chio n'eût pas tiré le premier sur les vais-
„seaux de S. M., ceux- ci n'eussent jamais tiré contre
„la ville."
Le grand-visir lui répliqua „que les Français
^auraient dû porter plainte au grand- seigneur, qui
,,leur eût fait rendre justice ; qu'il eût enfin à se dé-
„cider à payer les 750 bourses, ou à s'attendre d'al-
„ler aux sept-tours."
Guillerargues lui dit: „que la prison ne l'étonnait
APPENDICE. 431
^pointy mais qu'il le priait de se souyenir qu'il était
^ambassadeur du roi de France, assez puissant pour
^le venger si le droit des gens était violé dans sa
,,personne/^
Les menaces du grand-visir se bornèrent à faire
enfermer le cheval de l'ambassadeur dans ses écu-
ries, et à faire mener Guillerargues dans la chambre
duchef des cAiooiiar/ située proche du divan. Là,
on lui envoya offrir toutes les viandes et les refraî-
dûssemens qu'il pouvait désirer. Il refusa tout,
et se fit apporter de son palais les choses qui lui
étaient nécessaires. Tout le reste du jour, et le len-
demain , on continua à le menacer de le mettre aux
sept-tours , s'il ne donnait satisfaction à la Porte ;
mais Guillerargues persista à dire qu'il était disposé
à tout souffrir, plutôt que de consentir à aucune
proposition qui blessât l'honneur de son souverain,
et que tout ce qu'il pouvait promettre, était un pré-
sent de curiosités de France, mais en son propre
nom, et non en celui de soii maître. Le grand-visir
accepta ces offres, en lui donnant six mois pour y
satisfaire.
Guillerargues ratifia sa promesse, en ajoutant
que si l'affaire des Tripolitains ne se terminait, et
qu'on différât à lui accorder l'audience sur le sopha,
il ne s'engageait à rien. Le chef des chiaoux Tassura
qu'il serait pleinement satisfait Guillerargues re-
tourna chez lui. Mais le grand-seigneur ayant ap-
pris depuis en quoi consistait le présent que l'amfcis-
sadeur se proposait de faire, et le trouvant très-
éloigné des prétentions de sa Hautesse, fit de'nou-
velles instances auprès de lui, et lui envoya l'effendi
432 APPENDICE.
des chiaoux et le drogman dé la Porte, en renouve-
lant la menace de le £ure emprisonner et de confis-
quer la cargaison de tous les bâtimens français.
Guillerargues répondit qu'il, était prêt d'aller aux
sept-tours , mais que quand il y serait une fois en-
tré , il ne serait pas si facile de Ten faire sortir, et'
qu'il y demeurerait jusqu'à ce que le roi son maître
lui en fît ouvrir les portes. L'ambassadeur craignant
même que les drogmans n'osassent pas rendre exacte-
ment ses paroles, les- mit par écrit, afin qu'ils ne
pussent rien y changer : en même temps , il fit tenir
des chevaux prêts à partir, pour se rendre aux sept-
tourSy si on en venait à cette extrémité. Les cho-
ses demeurèrent dans cet état jusqu'au six de Mai,
où le grand-visir envoya de nouveau chercher les
drogmans de l'ambassadeur, pour lui demander s'il
ne voulait rien ajouter aux présens qu'il avait pro-
mis, lui accordant deux jours pour se décider.
Guillerargues fit paraître la même fermeté. Le
grand-visir ayant enfin dit à ses drogmans qu'il l'en-
verrait chercher pour lui apprendre lui même ses
dernières résolutions, Guillerargues leur déclara,
qu'il ne voulait point lui parler debout , ainsi qu'il
l'avait fiait dans l'afiaire de Chio, et souffrirait plutôt
la mort que de consentir à prendre place au bas
du sopha.
L'ambassadeur se rendit avec ses trois drogmans
chez le Jciaia^ avec lequel étaient le reis-effendi et le
chiaoux- bachi. Le hiaia voulut l'ébranler par de
nouvelles menaces, et lui faire sentir que, même
conformément à son billet, il s'était engagé à faire
un présent qui fût agréable au grand -seigneur.
APPENDICE. 433
L'ambassadeur répondit qu'il entendaitle mot agréa-
ble dans un sens différent de ce qu'on l'entendait à
la Porte; que ce qu'il avait promis, devait être com-
posé de choses que sa Hautesse agréerait comme
belles, rares et curieuses, et non comme riches et
d'un prix extraordinaire 3 et qu'un gentilhonmie ne
pouvait point avoir assez de présomption pour croire
qu'auciln présent offert par lui , pût être digne d'un
empereur tel que le grand- seigneur; qu'il n'avait
point fait part de son engagement à sa cour; et que
si elle était instruite des propositions qu'on lui fai-
sait, elle pourrait en témoigner sa juste indignation*
Le iiaia alla rendre compte plusieurs fois de l'in-
ébranlable fermeté de l'ambassadeur, et surtout de
sa résolution de ne plus sortir des sept-tours, une
fois qu'il y serait entré, sans un ordre de sa cour.
Cela fit changer le dessein qu'on avait formé de le
conduire aux sept-toiirs, quoique toutes les mesures
eussent été prises pour cela. Le kiaia revint alors à
Guillerargues, et dans les termes les plus honnêtes,
lui demanda im diamant du prix de 50,000 livres pour
sa Hautesse; le reis-effendi qui se joignit à lui, ne fut
pas plus heureux. Us se retirèrent, et le hiala^ après
une conférence d'une demi -heure avec le grand-
visir, revint et réduisit le diamant à dix mille écus:
il eut le même refus, et ayant encore diminué ce
prix de moitié , il n'obtint cependant rien. Alors il
dit aux drogmans qu'ils se jetassent aux pieds de
l'ambassadeur, et lui baisassent le bas de son habit,
en hiî faisant connaître que s'il refusait ce diamant,
il fallait qu'eux-mêmes, comme sujets de la Porte,
engageassent tout ce qu'ils avaient pour le donner.
II. 28
434 APPENDICE.
Guillerargues surpris de la bassesse de Pexpedient, se
leva avec mépris, et se retira dans son appartement
sans rien répondre. Cette conduite de l'ambassa-
deur frappa d'étonnement tous les assistans, d'autant
plus que tout le monde était persuadé qu'il allait être
conduit aux sept-tours; ce qui semblait confirmé
par l'arrivée de Taga des janissaires avec quatre cents
soldats.
Deux jours après cette singulière conférence,
Hussein-Âgay grand-douanier, vint trouver Guil-
lerargues, pour examiner, suivant la coutume, le
présent destiné au grand-seigneur et au grand-visir.
L'ambassadeur lui dit qu'il manquait quelques pier-
reries à son présent , et que ne se connaissant point
assez en diamans pour les bien choisir, il le priait
de vouloir bien les acheter, et d'avancer pour quel-
qties mois l'argent nécessaire. Hussein-uàga répon-
dit qu'il ne pouvait rien lui refuser, et en effet, il
vint quelques jours après, avec les pierreries. Guil-
lerargues fit servir une collation où il y avait des
fraises qu'il faisait venir dans son jardin. Ce fruit
que le grand douanier ne connaissait pas, lui pint
beaucoup et il lui en demanda un plat pour le grand-
seigneur, qui ne le connaissait pas non plus.
Guillerargues manifesta au grand-douanier son
désir que son présent fût porté par les personnes de
sa maison; nouveauté qui fut accordée quoiqu'elle
chocquât les usages de la Porte. Enfin le présent de
l'ambassadeur, qui d'abord avait été porté chez le
grand-visir, fut offert à sa Hautesse. Après son dî-
ner, on fit avancer les gens de l'ambassadeur. Son
chancelier, son secrétaire, un négociant, les trois
ir<
APPENDICE. 435
drogmans de la Porte, et dix valets prirent chacun
une partie des présens, et les présentèrent au sultan,
qui était assis sur une espèce de trône, entouré de
son fils et de ses principaux ofiGlciers. Le présent^
objet d'une si longue et si vive discussion, consistait
dans une petite boîte pleine de pierreries, deux fau-
teuils artistement travaillés, un grand miroir de Ve-
nise orné de moulures d'argent, cinq pendules, un
tapis des Gobelins, et plusieurs pièces de drap^ de
satin, de velours et de brocart de Venise.
Quelques jours après, le kiaia vint déclarer à
l'ambassadeur en lui remettant le billet par lequel il
avait promis quelques raretés de France, que son
présent avait été agréable à sa Hautesse. La con-
duite courageuse de l'ambassadeur donna une si haute
idée de la puissance et delà dignité du roi de France,
que le grand-seigneur voulut avoir son portrait
La contestation au sujet du sopha, après avoir
duré cinq ans entre le grand-visir et l'ambassadeur
de France , fut accommodée à la satisfaction de la
France, au voyage de M, de Guillerargues à Andri-
nople en 1684.
Cet ambassadeur, conduit à l'audience du grand-
visir, se plaça sur le sopha qui était disposé comme
il avait demandé,^ et s'entretint avec le grand- visir
d'objets divers. A la fin de cette conversation , le
Teschifrat-Emini, ou maître des cérémonies, pré-
senta une réquête pour demander qu'on fît l'insertion
de cette distinction dans les archives de l'empire,
comme n'ayant jamais été pratiquée, criant même
tout haut qu'il fallait brûler l'ancien livre du céré-
monial.
t^r% iÉ>
436 APPENDICE.
Guillerargues eut audience du grand-seigneur le
26 de Novembre, et le harangua. Le sultan Im
parla deux fois , ce qui est une faveur particulière;
car il se contente d'entendre les ambassadeurs, et de
leur répondre par un signe de tête. Voyez, de Flas-
SAN, Hist. de la dipL française , T. IV, Liv. IV.
Contestation élevée en 1 682 j pour le céréfnonial de
tambassenleur de Fra/nce en Suède.
Bazin, ambassadeur de France, arriva à Stock-
holm le 18 de Juillet 1682, et ne témoigna aucun
empressement de faire sa cour au roi de Suède, quoi-
que ce prince lui eût permis, sur la prière que lui en
avait faite le marquis de Feuquières, qu'il venait de
remplacer dans cette cour, de le voir incognito^ en
attendant qu'il pût avoir son audience publique.
Dans le premier entretien que Bazin eut avec le
chancelier comte Oxenstierna, le discours tomba sur
la conduite qu'on avait tenue envers Feuquières, au
sujet de son audience de congé, dont le cérémonial
avait été restreint. Le comte Oxeïistierna dit à ce
sujet, que l'usage d'envoyer deux sénateurs au-devant
des ambassadeurs des iêtes couronnées, était du
nombre des abus introduits pendant la minorité du
roi de Suède, et que ce prince était résolu d'abolir;
ne jugeant point à propos de rendre plus d'honneurs
aux ambassadeurs des têtes couronnées, que les siens
n'en recevaient dans leurs cours; et qu'ainsi, comme
on n'envoyait en France au-devant d'eux qu'un duc
APPENDICE. 437
et pair, ou un maréchal de France, il croyait rendre
un pareil honneur, en envoyant un sénateur qui oc-
cupait le poste le plus considérable de son état; il
ajoutait que ce règlement ayant été observé à Tégard
du dernier ambassadeur de Danemark , il n'y avait
pas lieu d'y rien changer.
Bazin répondit qu^il était difiScile d'établir,
une parité de rang entre un duc et pair et un
sénateur, leurs fonctions et leurs emplois étant
très-différens ; que de plus, les ambassadeurs du
roi son maître étant en possession de recevoir
des honneurs, on ne pouvait les diminuer sans
lui faire injure ; que le changement introduit à l'oc-
casion du refus fait il y avait deux ans en Dane-
mark, d'envoyer deux conseillers du conseil privé
au-devant de l'ambassadeur de Suède, changement
qui avait donné lieu au règlement qu'on avait fait en
Suède, ne pouvait tirer à conséquence pour les am-
bassadeurs de France, puisque S. M. Très- Chrétienne
n'avait rien changé aux honneurs qu'elle faisait ren-
dre aux ambassadeurs de Suède. Le comte Oxen-
stiema persista à dire que le roi de Suède ne chan-
gerait rien à ses résolutions. Ce monarque donna
toutefois le 13 de Mai, à Bazin une audience parti-
culière, dans laquelle il l'accueillit avec bienveillance,
et l'ambassadeur lui ayant demandé la permission de
pouvoir, avant son audience de cérémonie, se réunir
aux personnes de la cour qu'elle daignait accueillir, le
monarque lui répondit qu'il seraitbîen aise de le voir,
La cour de France, consultée par l'ambassadeur
sur la conduite qu'il avait à tenir à l'occasion du
changement de cérémonial, décida d'abord: „que les
438 APPENDICE.
^deux derniers ambassadeurs de France en Suè-
,,de, n'ayant point fait d'entrée ^ parc^eque parim
,,demier règlement il avait été arrêté qu'on n'en-
„verrait plus de sénateurs au-devant d'eux , et qrfon
,,ne les traiterait plus pendant les trois jours entre
,,celui de l'entrée et celui de l'audience j le roi
9,ne voulait point que le sieur Bazin fît d'entrée
,,publique."
A l'égard de la difiGlculté qu'on faifsait de donner
à cet ambassadeur deux sénateurs pour le conduire
à son audience de cérémonie, le roi jugea que, quoi-
qu'on alléguât que, sous le feu roi de Suède, les
ambassadeurs de France n'avaient été conduits à Pau-
dience que par un sénateur, il suffisait que les deux
derniers eussent été conduits par deux sénateurs,
pour exiger le même traitement, et ne point s'en re-
lâcher; mais qu'il était facile de détruire la compa-
raison faite entre un sénateur, qui n'avait plus même
de fonctions depuis la suppression du sénat, avec les
ducs et pairs, premiers dignitaires de France, et les
princes qui accompagnaient ordinairement les am-
bassadeurs de Suède;' qu'enfin, comme toutes ces
sortes de contestations devaient se traiter par l'usage,
le roi ne voulait pas que Bazin entrât dans une con-
testation sur une chicane que la mauvaise disposi-
tion de la Suéde avait formée ; son intention étant,
que si l'on persistait à lui retrancher la jnoindre
partie des honneurs qui avaient été accordés à ses
prédécesseurs, il revînt incessamment en France
sans attendre aucun nouvel ordre ; celui-ci lui de-
vant servir de congé.
La cour de Suède ne voulut rien changer à son
APPENDICE. 439
règlement, sous prétexte qu'il avait été communiqué
à toutes les cours.
Ba2dn se bornia alors à demander une audience
particulière du roi ; mais ce prince la lui refusa for-
mellement y pour avoir dit des paroles dures à son
premier ministre, le comte Oxenstiema. Bazin par-
tit de Stockholm le 27 de Septembre, laissant en
Suède son secrétaire, afin de donner avis au roi de
tout ce qui s*y passerait. Voyez, ibid.
Satisfaction donné en 1699, au marquis de Vil-
lars, enrobé ea:traordinaire de France à la cour
de Vienne.
Sur la fin du dernier siècle , le marquis de Vil-
lars, depuis maréchal de France , était envoyé ex-
traordinaire à Vienne auprès de l'empereur Léopold.
A cause de quelques difficultés de cérémonial, il n'a-
vait point vu l'archiduc, depuis empereur, sous le
nom de Charles VI. H y eût bal dans une salle fort
élevée de Pappartement destiné aux impératrices
douairières, dont une partie était occupée par Parchi-
duc. C'était le seul endroit propre à ce divertisse-
ment, et celui où en effet on donnait d'ordinaire le
bal. L'envoyé de France s'y présenta.
Le prince de Lichtenstein , gouverneur de l'ar-
chiduc, ne l'eut pas plutôt apperçu, quil alla à lui
et lui dit d'un air très-brusque: qu'il était bien ex-
traordinaire , que n'ayant point vu l'archiduc, il vou-
lût voir la fête ; et qu'il le priait de se retirer. Vil-
lars lui répondit : „que toutes les apparences étaient
440 APPENDICE.
>9,qu'il était chez Fempereur et dans un lîeu de peu
„de cérémonie, puisqu'on y faisait de petits soupers,
9^que révéque de Raab soupait dans une loge, qiie
„d'ailleurs plusieurs des ministres qui étaient placés
„comme simples spectateiu*s n'avaient pas pris ait-
„dience de Parchiduc ;" et il sortit. Le roi ordonna
à M. de Yillars de ne point demander une audience à
l'empereur pour se plaindre, mais de parler une
seule fois au ministre des affaires étrangères , et de
hii dire, qu'il avait ordre de ne pas solliciter de ré-
paration, le roi étant dans la pensée qu'elle aurait
été faite dans le moment; qu'il n'était pas de sa
dignité d'attendre qu'elle se fît sur ses représenta-
tions, puisque l'insulte avait été faite en présence de
l'empereur ; que ses pouvoirs étaient suspendus jus-
qu'à une satisfaction entière, et qu'il avait ordre de
ne plus mettre le pied chez l'empereur ni chez aucun
ministre. La satisfaction qu'on demandait était, que
l'empereur ordonnât au prince Lichtenstein d'aller
chez M. de Villars l'assurer du sensible déplaisir
qu'il avait de ce qui s'était passé, et d'avoir man-
qué au respect dû à son caractère. L^étiquette
rendait difficile la réparation demandée, parce que
les gouverneurs des archiducs ne quittaient jamais
les princes , dont l'éducation leur était confiée, qu'ils
ne rendent aucune visite, et qu'ils ne sortent du pa-
lais qu'avec leurs élèves. Le prince de Lichtenstein
publiait hautement qu'il perdrait la tête plutôt que de
souffrir qu'il fût dit qu'un prince de sa maison eût
été le premier gouverneur qui eût violé l'étiquette.
L'empereur fit offrir au marquis de Villars, que le
ministre des affaires étrangères irait chez lui de la
APPENDICE. 441
part de ce prince, témoigner le déplaisir qu'il avait
de ce qui s'était passé. Cette satisfaction paraissait
à Penvoyé plus grande que l'autre , mais ses ordres
étaient précis , et il ne dépendait pas de lui de les
changer. Le satisfaction fut faite telle qu'elle avait
été désirée par la cour de France. Voyez, Mémoires
deYiXji'ARs; et Histoire du règne de Louis XIV ^
par Reboulet, dans Tannée 1699.
Difficulté survenue en 17 00 j au sujet de f étiquette
de l'ambassadeur de France à Constantinople.
Charles de Fériol, marquis d'Argenthal, succes-
seur de M. de Châteauneuf, ambassadeur de France
près la Porte, arriva à Constantinople , en Décem-
bre 1699- Son audience du grand-seigneur ayant
été fixée au 5 de Janvier 1700, il se rendit au sérail,
où quarante caffetané furent distribués à lui et à sa
suite. Il était sur le point de paraître devant le
grand -seigneur, lorsque le chiaoux-bachi s'étant
apperçu qu'il portait une épée, lui fit dire par
Mauro - Cordato , premier interprète de la Porte,
qu'il ne pouvait être introduit avec des armes. L'am-
bassadeur répondit qu'il était surpris de la difficulté
qu'on lui faisait, attendu que son prédécesseur dans
le rapport écrit qu'il avait laissç de son ambassade,
avait été admis avec l'épée à l'audience du grand-
seigneur. Mauro - Cordato assura que M. de Châ-
teauneuf avait déguisé la vérité. Fériol répliqua, que
son prédécesseur était un homme, d'honneur et inca-
pable d'en imposer. Alors le grand -visir crut ter-
442 APPENDICE.
miner ce débat en envoyant à Fériol^ six des andens
Capiggisj pour rendre témoignage que le port d'ar-
mes n'avait jamais été usité par aucun ambassadeur,
et lui représenter que le grand - visir lui-même , et
faga des janissaires ne portaient point d'armes dans
le sérail (^).
L'ambassadeur répondit que le grand -visir et
Fagadea janissaires étaient sujets du grand-seigneur;
que ces lois étaient faites pour eux ; mais que pour
lui il ne quitterait les armes qu'avec la vie.
Le grand-visîr, fit dire à l'ambassadeur , que le
grand - seigneur écrirait au roi, pour le disculper
d'avoir paru devant lui sans épée, et on lui proposa
de lui donner une déclaration de tous les grands oflt-
ciers de l'empire , pour l'assurer que jamais aucun
ambassadeur, ne verrait le grand-seigneur avec son
épée, pas même celui de l'empereur; mais Féiiol
demeura inébranlable. Mauro-Cordato dit à l'am-
bassadeur de prendre conseil des officiers français
qui étaient présens j à quoi il répliqua^ qu'il était lui-
même l'interprète des ordres de S. M. sur ce qui in-
téressait sa gloire, ofirant d'entrer dans le divan
(1) Cet usage fut introduit a la suite de Pëvënement suivant
En 1492, un derviche (chef des Chiaoux) s'etant approche de Baja-
3Bet II, sous prétexte de lui demander l'aumône, tira nn hangiar
(petit poignard que les turcs et surtout les janissaires portent a leur
ceinture ) et en blessa le sultan pendant que ce prince mettait la
main à la poche pour assister le malheureux* La blessure fut 1^
gère, et le derviche tue' sur le champ par la garde. Bajazet or-
donna depuis lors, que nul étranger ne pourrait dans la suite appro-
cher le grand-seigneur sans être désarme et que des oHiciers du pa-
lais ne lui tinssent les bras et les mains.
AFFElfDICE. 443
pour expliquer lui-même ses motifs, ce que le grand-
yisir refusa.
Mauro-Cordato dit à Fériol que cette journée
pourrait être signalée par quelque malheur s'il s'ob-
stinait à vouloir porter ses armes à l'audience, „Tant
,,pis pour le plus faible," répondit Fériol , ,,mais je
^^déshonorerais le roi mon maître , si je quittais mon
* ' ce
^epee."
Les officiers turcs qui présidaient aux audiences,
voyant l'obstination de l'ambassadeur, feignirent
dç consentir à l'introduire chez le grand-seigneur
avec son épée. Le maître des cérémonies le vint
prendre comme si l'affaire eût été accommodée , et
ne le laissant suivre que des quatre capitaines de
vaisseau qui étaient avec lui, de son premier secré-
taire et de deux officier^, deux capiggis le prirent
par-dessous les bras, comme cela s'observe quand
on paraît devant le grand-seigneur. Cependant un
autre capiggi s'approcha de l'ambassadeur pour lui
ôtersonépée; Fériol le repoussa vivement, ets'é-
tant dégagé de ceux qui le tenaient, il mit la main
sur la garde de son épée; et demanda avec fierté à
Mauro-Cordato, s'il était parmi des ennemis, et si
l'on traitait ainsi l'ambassadeur de France.
Le chef des eunuques blancs sortit de l'apparte-
ment du grand -seigneur, et interpella Fériol de
déclarer s'il voulait l'audience à condition de déposer
son épée. L'ambassadeur rejeta cette offre, et se
retira en rendaift les caffetans dont lui et sa suite
avaient été revêtus , et en faisant reprendre les pré-
sens destinés au grand-seigneur. Voyez, Hist.
444 APPEKDICfi.
gén* de la dipL française par i>s Fjuassak,
T.IV.Liv.V.(*).
Contestation qui eut lieu en 1703 , entre fambêt-
sadeur de France et le grandr^oisir.
L'ambassadeur de France près la Porte , Fériol,
ayant reçu la nouvelle de la naissance du due de
Bretagne, fils aîné du duc de Bourgogne, crut deyinr
célébrer cet événement avec éclat. Il donna une
fête pompeuse qui fut terminée par une illumination
brillante. Le grand-visir, soit pour mortifier les
Français qu'il n'aimait point, soit qu'il craignît qu'il
n'arrivât un incendie, chose fréquente à Constantino-
pie, envoya dire à Fériol, par un capiggiy qu'il
eût à éteindre son illumination. L'ambassadeur ré-
pondit que, célébrant la naissance de l'héritier pré-
somptif de la couronne de France, il ne pouvait pas
trop manifester sa joie et celle de sa nation, qu'au
reste, il n'avait d'ordre à recevoir que du roi son
maître, et qu'il était étonné que le ministre d'une
autre puissance osât lui en envoyer.
(1) Fëriol se plaisait à braver les usages de la cour ottomane,
chez laquelle pourtant les usages sont des lois. La gondole qui
sert à la promenade du grand-seigneur sur la mer , a une impériale
de soie, couleur de pourpre, doublée en drap d*or, et supporte par
quatre colonnes dorëes. Il n'est permis â personne de de'corer la
sienne de cette manière. Fériol se fit faire une gondole toute
semblable. En vain ses amis lui représentèrent que le sultan en
serait blesse; il ne fit qu'en rire, jura qu'il ne viendrait jamais à
Gonstantiuople dans une gondole difiércuto> et tint parole.
APPENDICE. 445
Sur ce refus, nouveau message du grand-visir ;
même réponse de la part de Fériol. Enfin le
grand-vîsir cnyoya.\f; capigi-bachi avec plusieurs des
siens pour réitérer ses ordres, et déclarer à l'am-
bassadeur, que s'il n'obéissait pas sur l'Iieure, on fe-
rait entrer des janissaires dans le palais de France,
pour éteindre l'illumination malgré lui. Le capigi-
hachi avec une escorte considérable exécuta sa com-
mission, quoique avec beaucoup de ménagement
„Soyez les bien -venus," dit Fériol à lui et à sa
suite, „vous prendrez part à notre joie; je vais vous
„conduire moi-même partout, et vous connaîtrez
„bientot que les alarmes du grand- vîsir ne sont pas
„fondées. Une illumination ne peut embraser un
„édifiee de pierres, et mon palais est loin de toutes
„les maisons de bois du fauxbourg."
Aussitôt Fériol iit fermer toutes les portes , et
mettre sous les armes tous les Français qui étaient
chez lui, au nombre de cinq cents, pour faire voir,
disait-il au capigij combien ils avaient bonne grâce
suus les armes. Fériol s'étant approche des am-
bassadeurs étrangers, il leur dit, qu'il les avait invi-
tés pour qu'ils honorassent sa nation en partageant
ses plaisirs; mais qu'il n'était ni convenable ni juste
de leur faire partager les dangers que cette circons-
tance pouvait amener; qu'ainsi il priait leurs excel-
lences de se retirer. Les ministres étrangers se ren-
dirent avec peine à cette invitation, qui avait pour ,
but de ne pas compromettre leur caractère dans une
querelle personnelle à l'ambassadeur de France.
Lorsqu'ils furent partis, Fériol voulant intimider le
capigij lit faire à ceux qui étaient s