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CINQUANTE-HUITIEME ANNÉE
(i917)
BERGER-LE VRAULT, LIBRAIRES-ÉDITEU US
PARIS l6«")
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NANCY
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CONSEIL
SOCIÉTÉ DE STATISTIQUE DE PARIS
EN 1917
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(^■^
Président
Vice-présidenls
Secrétaire général. .
Trésorier-archivi.slc .
Membres du Conseil.
t. 5e>
iMM.
Raphaël-Georges Lévy.
Eugène d'Eighthal, Paul Meuriot et François Simiand.
Alfred Barriol.
Paul Matrat.
Les anciens Présidents de la Société (membres de droit),
Edmond Fléchey, secrétaire général honoraire, DELAMOTir:,
Joseph Girard, Emile Borel, Pierre Nrymarck, Charles
Lefebvre et André Liesse.
TABLE DES MATIÈRES DU CINQUANTE-HUITIÈME VOLUME
(AméE 1917)
Pages
Numéro de janvier. — I. — Procès-verbal de la séance du 20 décembre 1916. .. . 1
II. — Le commerce de Tltalie durant les quinze dernières années^ par M. Paul
INIeuriot • H
III. — Nécrologie : Paul Leroy-Beaulieu, par M. G. Schelle 20
IV. — Variété : Les divisions administratives de l'Italie et la statistique, par
M. Paul Meuriot . 22
V. — Bibliographie : Intérêts économiques et rapports internationaux à la veille de la
guerre, par E. B. D 24
La Guerre {2^ sqt'ïq : La guerre et La vie économique), ^Q.T^.^.T> 26
VI. — Liste des documents présentés dans la séance du 20 décembre 1916. ... 28
Numéro de février. — I. — Procès-verbal de la séance du 17 janvier 1917 29
II. — Le déficit de la population dans les régions montagneuses, par M. Paul Des-
combes 38
III. — Etude statistique sur le change en Espagne en 1916, par M. André Barthe. 46
IV. — Chronique de démographie, par M. Michel Huber 48
V. — Variété : Quelques données économiques sur PEspagne, par M. Daniel
Bellet 52
VI. — Bibliographie : Annuaire international de Statistique, par M. Michel Huber. 54
VII. — Liste des documents présentés dans la séance du 17 janvier 1917 .... 56
Numéro de mars. — I. — Procès-verbal de la séance du 21 février 1917 57
II. — Annexes : A. Rapport du trésorier sur les comptes de 1916, la situation
financière et le budget de 1917, par M. Paul Matrat 59
B. Rapport présenté au nom de la t^ommission des Fonds et Archives, par
M. F. Simiand 6;>
III. — L'Allemagne de demain, par M. A. Chervin (à suivre) 74
IV. — Nécrologie : M. Louis Fontaine^ par M. G. -M. Hamon 92
V. — • Chronique des questions ouvrières et des assurances sur la vie, par M. Mau-
rice Bellom 93
VI. — Liste des documents présentés dans la séance du 21 février 1917 100
Numéro d'avril. — I. — Procès-verbal de la séance du 21 mars 1917 101
II. — Annexe au procès-verbal de la séance du 21 mars 1917 : Ligue nationale des
économies 105
III. — L'Allemagne de demain, par M. A. Chervin (suùe e£ /î'n) 106
IV. — ■ Revenus et budgets d'après-guerre, par M. René Pupin 128
V. — Variété : Les mots usuels. Leur nombre et leur fréquence, par M. J.-B. Es-
toup 137
VI. — Liste des documents présentés dans la séance du 21 mars 1917 140
Numéro de mai. — I. — Procès-verbal de la séance du 18 avril 1917 141
II. — Revenus privés et revenu national, par M. Eugène d'Eichthal 144
III. — Données statistiques italiennes, par M. Daniel Bellet 150
IV. — Essai d'évaluation de la richesse de l'Espagne, par M. André Barthe. . . . 157
V. — Nécrologie : Arthur-J. Cook, par M. Alfred Barriol 161
VI. — Bibliographie : Natalité et régime successoral (René Worms), par M. A. Bar-
riol 162
VII. — Liste des documents présentés dans la séance du 18 avril 1917 164
Numéro de juin. — I. — Procès-verbal de la séance du 16 mai 1917 165
II. — ■ La langue celtique dans les Iles Britanniques, par M. Paul Meuriot. ... 171
III. — Données statistiques d'ensemble sur les chemins de fer des États-Unis, par
M. Daniel Bellet 184
IV. — Chronique de démographie, par M. Michel Huber 192
V. — Chronique des questions ouvrières et des assurances sur la vie, par M. Mau-
rice Bellom ■ 196
VI. — Liste des documents présentés dans la séance du 16 mai 1917. ...... 200
Pages
.Numéro de juillet. — I. Procès-verbal de la séance du 20 juin 1917 201
II. — Travaux statistiques relatifs au service des retraites, par M. L. C^ourtray . 206
III. — La douane et la guerre (2e communication), par M. L.-J. Magnan 218
IV. — Quelques précisions sur le calcul des revenus, par M. René Pupin 231
V. — Variétés : Chemins de fer chinois d'aujourd'hui et de demain, par M. Daniel
Bellet 234
La composition du Landtag prussien, par M. Paul Meuriot 236
VI. — Bibliographie : De l' Importance économique, désorganisation et du fonctionne-
ment en France des compagnies anonymes françaises d'assurances à primes
fixes contre l'incendie, par M. J . GiRAKT) 239
Resumen anual estadistica, p'dv M. Paul Mkvriot 241
VII. — Nécrologie : Terzi (Ernesto), par M. A. Barriol 242
VIII. — Liste des documents présentés dans la séance du 20 juin 1917 243
IX. — Errata 244
Numéro d'août-septembre. — I. — Les ressources elles besoins dans le monde, par
M. Yves-Guyot 245
II. — • Chronique de démographie, par M. Michel Huber 270
III. — Variétés : Statistiques flnancières de l'industrie allemande pendant la
guerre, par M. Daniel Bellet 274
Emprunts et dépenses de guerre de T Autriche- Hongrie, par M. Daniel
Bellet 278
A propos de la richesse des États-LInis, par E. B. D 2^0
Les recensements du blé en vue de la répartition des farines, par E. B. D. . 281
IV. — Bibliographie : L'Union commerciale des Alliés après la guerre (Bernard La-
vergne), par P. M 283
Nomenclature des journaux et revues 284
Numéro d'octobre. — I. — Statistique de la propriété communale dans la zone mon-
tagneuse de l'Ariège, par M. le comte de Roquette-Buisson 285
II. — La circulation et la thésaurisation des monnaies d'or en France, par M. René
Pupin 308
III. — Chronique des questions ouvrières et des assurances sur la vie, par M. Mau-
rice Bellom 324
IV. — Bibliographie : La Population, le Budget, la Fortune et la. Dette publique de la
France, de ses alliés et de ses ennemis avant la guerre, par E. B. D. . . . 328
Régime normal et Régime de guerre des inventions et des brevets en France, par
E. B. D 329
La Bourse des valeurs mobilières, par E. B. D 329
MiNISTÈkE DE LA (luERRE. CoMITÉ CONSULTATIF d'aCTION ÉCONOMIQUE
DE LA \S^ RÉGION. SeCTION ÉCONOMIQUE DE LA DIRECTION DE l'InTEN-
DANCE. — Enquête sur la reprise et le développement de la vie industrielle
dans la région landaise, par M. Daniel Bellet 330
Anuario estadistico de la ciudad de Barcelona. l^Mi, par P. M 331
Mémorandum sur la situation industrielle après la guerre, par E. B. D. . . . 332
Nancy sauvée. Journal d'un Bourgeois de Nancy (René Mercier). . . . 332
Numéro de novembre. — I. — Procès- verbal de la séance du 17 octobre 1917. . . 333
II. — La répartition des langues en Belgique, par M. Paul Meuriot 339
III. — Variété : Le progrès de la Corée sous la domination japonaise, par M. Paul
Meuriot 353
IV. — ■ Bibliographie : France-Allemagne : Problèmes miniers, munitions, blocus,
après-guerre, par E. B. D 358
La Victoire par le blocus, par E. B. D 360
Nos Erreurs sur les évaluations de notre consommation en viande pendant la
guerre et des ressources de nos cheptels, par M. A. Baruiol 360
Jm Paix définitive. Comment la conquérir? Comment l'organiser? (Luc Du-
rand) 361
l.a Mobilùiation générale, son caractère juridique et sa répercussion sur les
contrats de travail ou de louage de services, en cours d'exécution au moment
elle où a été décrétée {X. Houel) 362
V. — Liste des documents présentés dans la séance du 17 octobre 1917 363
Numéro de décembre. — I. — Procès-verbal de lîi séance du 21 novembre 1917. . . 365
II. - L'inflation de la circulation fiduciaire, par M. René Pupin 370
III. — Chronique des questions ouvrières et des assurances sur la vie, par M. Mau-
rice Bellom , 379
IV. — Variétés : Quelques données sur le cliômage aux Étals-Lnis, par M. Daniel
Bellet 387
V. — ; Liste des documents présentés dans la séance du 21 novembre 1917. . . . 388
VI. — Travaux de la Société (communications en séance, discussions, etc.) en
1917 389
VIL — Table aljtiiabétique des matières 390
VIII. — Table alphabétique des auteurs et des personnes citées 395
JOURNAL
DE LA
SOCIETE DE STATISTIQUE DE PARIS
N° 1. — JANVIER 1917
I
PROCÈS -VERBAL DE LA SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 1916
s o ivi3s<r^A.inE
PROCES-VERBIL DE LA SEANCE DU 15 NOVEMBRE 1916.
NÉCROLOGIE.
PRÉSENTATION DE MEMBRES TITULAIRES.
ÉLECTIONS.
PRÉSENTATION D'OUVRAGES ET COMMUNICATION DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL.
DISCUSSION SUR LA COMMUNICATION FAITE LE 15 NOVEMBRE PAR M. LOUIS MARIN : « STATISTIQUE DES
RESSOURCES FRANÇAISES A L'ÉTRANGER »
RÉSULTAT DES ÉLECTIONS.
PROCÈS-VERBAL DE LA SEANCE DU 15 NOVEMBRE 1916
La séance est ouverte à 17^ 40 sous la présidence de M. Malzac, président,
qui fait connaître que les circonstances ont retardé l'apparition du numéro
de décembre du Journal de la Société.
Le procès-verbal de la dernière séance ne pourra donc être soumis à l'appro-
bation de la Société qu'à la séance de janvier.
NÉCROLOGIE
M. le Président prend la parole en ces termes :
Mes chers Collègues,
La Société de Statistique de Paris est en deuil de son ancien président,
M. Paul Leroy-Beaulieu, décédé à Paris, le 9 courant, à Tâge de soixante-
treize ans.
Membre de l'Académie des Sciences morales et politiques, professeur au
Collège de France, directeur de V Économiste français, M. Leroy-Beaulieu
fut toujours égal aux honneurs et aux situations qui lui vinrent au cours d'une
vie largement consacrée au bien public.
Il honorait la science française par l'étendue de son savoir, l'éclat de son
enseignement et sa probité d'écrivain.
iw sisiE. 58« TOI.. H» 1 1
- 2 -
Son œuvre est grande et nous sera retracée dans toutes ses manifestations
par notre ancien président, M. Schelle, qu'une longue intimité de doctrine
et de relations qualifie excellemment pour nous dire ce que fut l'homme et
ce que fut le savant.
Nous garderons fidèlement la mémoire de notre regretté collègue et, au
nom de la Société de Statistique de Paris, à laquelle il appartenait depuis 1878,
j'adresse à tous les siens l'expression cordiale de nos unanimes sympathies.
PRÉSENTATION DE MEMBRES TITULAIRES
M. le Président annonce la candidature au titre de membre titulaire de
M. Richard Bloch, chef de l'exploitation de la Compagnie des Chemins de fer
d'Orléans, présenté par MM. d'Eichthal et Barriol, et MM. Boisse de Black,
ancien élève de l'École polytechnique, et Courtray, inspecteur des Finances,
chef du Service des Retraites des Chemins de fer de l'État, présentés par
MM. Barriol et Girard.
ÉLECTIONS
M. le Président déclare ouvert le scrutin pour le renouvellement partiel du
Conseil pour 1917.
PRÉSENTATION D'OUVRAGES ET COMMUNICATION DE M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL
M. le Secrétaire général annonce qu'il a reçu pour la Société un certain
nombre d'ouvrages parmi lesquels il signale :
Canada. — Annuaire du Canada pour 1914.
Cinquième recensement du Canada (1911). Superficie et population
par provinces, districts et sous-districts; religions, origines, lieux de
naissance, citoyenneté, instruction et infirmités. Les manufactures.
Agriculture. Production de la forêt, des pêcheries, des fourrures et
des mines.
Chili. — Statistique commerciale pour 1915.
Uruguay. — Annales de l'Instruction primaire 1916.
Un certain nombre d'entre eux sont dus à l'obligeante intervention de
M. Boisse de Black, à qui il adresse les remerciements de la Société.
M. le Secrétaire général donne lecture à la Société de la lettre de M. le Secré-
taire général, directeur de l'Office permanent de l'Institut international de
Statistique, qui accompagnait l'exemplaire de V Annuaire International pré-
senté à la dernière séance; ce premier volume, afférent à l'état de la population
en Europe, sera suivi d'un second relatif au mouvement de la population en
Europe et, plus tard, d'un troisième, relatif à la démographie, traitant de l'état
et du mouvement dans les pays situés hors de l'Europe.
M. Girard fait observer que, dans les statistiques données par le volume
récemment paru, statistiques qui, à la vérité, se réfèrent à des recensements
voisins de 1911, c'est-à-dire antérieurs aux deux guerres balkaniques, le
groupe actuel des nations dites de l'Entente représente une population euro-
péenne d'environ 277 millions, alors que le groupe des Empires centraux
et de leurs alliés ne représente qu'une population européenne d'environ 127 mil-
lions, et les nations neutres — Grèce comprise — environ 4<î millions.
DISCUSSION SUR LA COMMUNICATION FAITE LE 15 NOVEMBRE PAR M. LOUIS MARIN :
« STATISTIQUE DES RESSOURCES FRANÇAISES A L'ÉTRANGER «
M. Marin rappelle que, dans la communication qu'il a faite à la Société,
dans sa séance du 15 novembre, il s'est appliqué à mettre en évidence le rôle
que devait, à son avis, jouer la statistique, base indispensable de la connais-
- 3 -
sance détaillée, minutieuse des ressources dont la France peut disposer à
l'étranger, en vue de la meilleure utilisation de ces dernières dans l'intérêt
tant du pays même que de ses nationaux. Il s'agit non seulement de déter-
miner le nombre des Français séjournant à l'étranger, dès colons établis, des
clients et protégés qui se réclament de l'influence française, mais aussi de
recueillir tous les éléments d'information qui permettront notamment de
définir la situation qu'ils occupent aux points de vue politique, économique
et social, et de tirer tout le parti possible de leur expérience et de leur influence.
M. Marin renouvelle à ses collègues l'expression de son désir de voir la So-
ciété examiner les méthodes d'investigation applicables en l'espèce, suivant des
procédés modernes, scientifiques et précis : faute de bonnes méthodes, on tra-
vaillera, pour ainsi dire, dans le vide.
M. Cadoux demande alors à présenter quelques observations. « Si nous ne
voulons pas, dit-il, que les sacrifices accomplis pour la patrie restent inutiles,
et que l'héroïsme de nos enfants morts pour sa défense et son avenir soit vain,
il nous faut préparer la lutte économique d'après-guerre de tout notre cœur
et de toutes nos énergies. Le devoir de tous est de participer à l'organisation
méthodique des forces restreintes qui resteront à la patrie, forces intérieures
comme forces extérieures, pour mener cette lutte économique — qu'il faut cou-
rageusement envisager comme devant être âpre et difficile — après les hosti-
lités, et, si possible, dès à présent.
« Pour l'extérieur, ajoute M. Cadoux, je puis signaler l'effort d'organisa-
tion, de cohésion et de coordination qu'a entrepris de réaliser l' Union des Cham-
bres de Commerce françaises à V étranger, en vue de faire contribuer toutes les
chambres et comités consultatifs français de l'étranger, de nos colonies et des
pays de protectorat à cette reprise vigoureuse de notre vie économique. J'es-
père que ses appels seront entendus et que ces excellents éléments d'informa-
tion et d'action seront bien utilisés.
« D'une façon générale, nous connaissons assez mal le personnel et les
ressources des Français utilisables de l'étranger. On n'a pas, jusqu'à ces temps
derniers, attaché d'importance à posséder de bons recensements de nos natio-
naux établis à l'extérieur. Pour des raisons qui tiennent à une maladresse
fiscale, la plupart des membres de nos colonies françaises à l'étranger n'ont
jamais voulu se prêter à une formalité d'immatriculation. S'ils n'ont pas
besoin de recourir régulièrement à nos consulats ou chancelleries, ils n'y pa-
raissent guère et ceux-ci les ignorent. On devrait essayer, sans plus tarder,
d'obtenir de la collaboration des chambres de Commerce françaises à l'étranger,
et de nos agents consulaires ou diplomatiques, des relevés complets, mis à jour,
de tous les Français établis à fétranger, par catégories professionnelles, et des
relevés de toutes nos entreprises françaises, commerciales, industrielles, de
travaux publics, de banque, de chemins de fer et de navigation maritime,
d'enseignement et de bienfaisance.
« Tout en rendant justice aux dépouillements déjà faits, sous la direction
de M. March, par la Statistique générale de la France, je crois qu'un tel com-
plément d'information est nécessaire pour apprécier, avec une suffisante exac-
titude, sur quelles bases on pourra s'appuyer pour développer, après la guerre,
les organisations industrielles et commerciales françaises et interalliées hors de
la Métropole, quels appuis elles peuvent trouver près d'organisations similaires
de neutres amis et comment elles peuvent efiicacement contribuer à notre
expansion économique et à notre influence. On pourrait ainsi se rendre compte
des éléments que nos nationaux peuvent indiquer et peuvent procurer pour
l'importation de matériaux et de matières premières, de main-d'œuvre, de
produits ou de denrées destinés à être consommés ou transformés en France,
pour préparer dans ces buts des ententes avec nos alliés et les neutres, pour
s'assurer par préférence ou réciprocité certains débouchés chez ces fournis-
seurs éventuels.
- 4 -
(c II serait aussi nécessaire de régler, mieux qu'il ne l'est, le statut des Fran-
çais fixés à l'étranger et surtout celui des enfants de parents français nés à
l'étranger. Dans l'Amérique du Sud, et dans d'autres contrées où ils avaient
de grands intérêts, acquis ou en projet, les Allemands ont maintenu leurs
nationaux, alors que nous n'avons songé que très tardivement à y renvoyer
certains de nos compatriotes mobilisés, lesquels, placés dans les services auxi-
liaires ou dans la réserve de l'armée territoriale, n'étaient nullement indispen-
sables à la défense armée de la patrie et manquaient pour défendre ses intérêts
contre les menées de nos concurrents. On devrait, à l'avenir, attirer les jeunes
Français exotiques pour leurs études en France et s'ingénier à leur faciliter
l'accomplissement du service militaire; il est inadmissible que ces jeunes gens,
nés de parents français, en Argentine, par exemple, soient à la fois astreints
au service militaire argentin et au service militaire français; cette anomalie
a pour conséquence l'abandonpar beaucoup trop de leur qualité de Français.
« Si nous savons utiliser nos chambres de Commerce, nos consuls, nos atta-
chés commerciaux et les nationaux compétents fixés hors de France, à nous
établir rapidement un inventaire suffisant de toutes les ressources que la
France peut tirer, dès à présent, et surtout la paix conclue, de nos compa-
triotes et de nos amis à l'étranger : p'our la réfection de notre outillage, la
reconstitution de notre cheptel, pour nous procurer des niatières premières
ou des produits mi-ouvrés destinés à alimenter notre industrie; de la main-
d'œuvre blanche ou de couleur pour nos chantiers et nos usines; des capi-
taux pour nos grandes entreprises, nous aurons réuni des éléments fort pré-
cieux pour mener la lutte économique. Ces concours des Français établis hors
France nous aideront au début de notre effort à surmonter les nombreuses diffi-
cultés que la reconstitution de nos moyens de production et la reprise de notre
activité rencontreront. Il n'est que temps d'entreprendre, pour aboutir d'ici
à la fin de la guerre, la réalisation de ce projet qui consiste à connaître avec
une précision suffisante ce que la France peut actuellement et surtout pourra
plus tard offrir et demander à ses nationaux établis à l'étranger, dans ses
colonies et protectorats, pour d'abord reconstituer sa puissance de production,
ensuite pour fabriquer, vendre et acheter. L'utilité d'enquêtes, aussi précises
que possible et menées avec conscience, est évidente pour l'ensemble de nos
affaires; elle saute aux yeux pour le succès de tentatives de déplacements
d'afîaires comme les foires d'échantillons de Paris, de Lyon et de Bordeaux;
pour la réorganisation de nos marchés intérieurs et hors France, pour la créa-
tion de nouvelles industries d'exportation, créations particulièrement impor-
tantes, mais exigeant un effort continu et bien ordonné. Le Syndicat des four-
reurs, par exemple, entend créer bientôt à Paris, pour concurrencer Leipzig,
des ventes périodiques de fourrures et de pelleteries. C'est une idée excellente;
mais, à mon avis, pour enlever à Leipzig une part suffisante des 600 milhons
de francs de ses transactions annuelles en pelleteries, il sera nécessaire de créer
des maisons triant et assortissant les fourrures brutes, les apprêtant, les tei-
gnant, les lustrant, bref, permettant aux acheteurs de trouver, à ces ventes
périodiques de Paris, les marchandises choisies, traitées et mises en valeur
qu'ils trouvaient auparavant à Leipzig. Et cet effort « paiera » largement, —
comme disent les Anglais; — créera du travail pour des milliers d'artisans et
enrichira des centaines d'industriels et d'intermédiaires. 11 ne suffirait pas de
déplacer un peu de ce vaste commerce par des ventes publiques; il sera néces-
saire de créer dans la région de Paris des industries qui ont été la véritable
raison d'être des succès et de la prospérité du marché de Leipzig pour les pelle-
teries brutes et mi-euvrées.
« Autre exemple : La suprématie des Allemands dans l'industrie des produits
dérivés du goudron de houille pourrait, je le crois, être aisément réduite à
une simple concurrence, que nous saurions victorieusement combattre sur un
très grand nombre de marchés, si, par une entente de nos principales sociétés
- 5 -
gazières et de celles des Belges et des Anglais, on instituait, le plus tôt pos-
sible, de puissantes fabrications régionales où l'on produirait, aux meilleures
conditions : le benzol^ le benzène, le phénol, l'aniline et toute la série des ma-
tières colorantes qui en dérivent, l'acide salic^dique, l'aspirine, le salol, l'anti-
pyrine, etc., la mélinite et les divers explosifs, le musc artificiel et les autres
parfums tirés de la houille. Déjà on est entré dans cette voie.
« Pour ces produits, comme pour nombre d'autres, nous aurons vite une
clientèle assurée en France, en Russie, en Orient, dans nos colonies et en Amé-
rique, pour peu que nos usines ou manufactures, bien que se sentant protégées,
envisagent, avec la bonne qualité, les prix et conditions de vente de leurs
marchandises et sachent confier leurs intérêts et la réputation de leurs produits
non pas à des voyageurs à la commission, sans compétence suffisante et mal
rétribués, mais à des représentants nationaux, instruits, capables commerciale-
ment et techniquement, pouvant les renseigner sur les besoins et les variations
de goût de la clientèle et adapter notre production à ces besoins et à ces goûts.
« Je crois enfin que des groupements intelligents de nos industriels peuvent
nous rendre indépendants des Allemands pour fabriquer et établir les outillages,
les câbles et les lampes de toutes nos installations d'électricité.
« Pour former les cadres de notre nouvelle armée industrielle et commer-
ciale, il nous faut réformer, perfectionner notre enseignement technique, indus-
triel et commercial; faire passer dans l'esprit des chefs d'industrie la conviction
que la science et la méthode sont leurs deux meilleures collaboratrices; per-
suader nos grands négociants que l'art de bien évaluer, par les chiffres, les
aléas des entreprises, d'en bien mesurer, par les chiffres, les données préalables,
puis les résultats, c'est-à-dire d'utiliser les statistiques bien dressées et bien
interprétées, que cette science auxiliaire leur serait, comme la science pure,
d'un grand secours dans toutes les luttes pacifiques à prévoir pour assurer
l'expansion économique de notre pays et le succès de leurs affaires.
« Les expériences improvisées, pour procurer de la main-d'œuvre coloniale
ou étrangère à nos usines de guerre et à certaines industries démunies par
la mobilisation, devront être soigneusement étudiées, et les recrutements futurs
organisés à la lumière des résultats déjà réalisés, en utilisant l'avis des em-
ployeurs et des intéressés.
« Je garde l'espoir que nous saurons préparer notre effort et le bien réaliser.
« Quand, à nos qualités innées d'invention, de vivacité, de bon goût et d'éco-
nomie, nous ajouterons l'organisation méthodique et le concours systéma-
tique des hommes de science, quand le technicien et le savant seront devenus
les collaborateurs habituels de l'industriel et du négociant, nous conduirons
victorieusement la bataille économique. Notre vieille et noble race, malgré
les blessures et les deuils éprouvés, créera encore de la beauté, encore de la
richesse et encore du bonheur pour des milhons de travailleurs de France ou
de l'étranger, grandira son influence intellectuelle et son action morale par
toute la terre. Mais il nous faut le vouloir fermement ; prévoir que nous aurons
à surmonter bien des difficultés, à réparer nombre d'anciennes erreurs, et nous
armer, pour la lutte pacifique de demain, d'un courage et d'une persévérance
que la terrible leçon de la guerre nous a enseignés. «
Comme conclusion pratique, M. Cadoux propose que la Société de Statis-
tique émette le vœu que la Statistique générale de la France prépare deux ques-
tionnaires : l'un demandant aux Français établis à l'étranger (et particulière-
ment aux chambres de Commerce et comités consultatifs) l'énumération des
articles fournis auparavant (ou encore actuellement) par les Allemands et que
des articles français peuvent remplacer, ainsi qu'une liste des ressources en :
a) Matériaux et matières premières;
b) Main-d'œuvre;
c) Capitaux;
rJ) Navires c|e commerce,
- 6 -
que les pays où résident nos compatriotes peuvent offrir à la France; l'autre
ayant trait au rencensement méthodique des Français, de leurs entreprises
et de leurs écoles ou œuvres à l'étranger, dans nos pays de protectorat et
même dans nos colonies comme les Indes françaises, F Indo-Chine et les colo-
nies africaines, dont le Sénégal est le centre, où nous sommes des minorités.
Pour l'envoi du premier questionnaire, — ^le plus urgent à son avis — M. Ca-
Doux est autorisé par l'Union des Chambres de Commerce françaises à
l'étranger à déclarer qu'elle se chargera de faire parvenir le nombre nécessaire
d'exemplaires aux compagnies adhérentes (chambres ou comités consultatifs),
en les incitant à les remplir et à les retourner dans le plus court délai possible;
qu'elle classera et dépouillera ces réponses et les remettra à la Statistique
générale.
Pour l'envoi du second, l'Union offre également son concours; mais il semble
que les réponses, moins urgentes, seraient plus facilement groupées par le soin
de nos agents diplomatiques et consulaires.
M. d'Eichthal donne sa pleine approbation à l'idée de faire appel au
concours du Service de la Statistique générale de la France, mais il insiste
pour que le questionnaire à rédiger ne soit pas d'une ampleur excessive; on ne
saurait en effet songer à réaliser pour les ressources françaises à l'étranger un
inventaire qui n'a pu être établi pour la France même.
M. Meuriot fait observer qu'il existe dans certains pays, au Canada et en
Argentine notamment, de bonnes statistiques; on pourrait sans doute y puiser
d'utiles renseignements sur les capitaux français qui y sont engagés, sur le
nombre et la profession des Français qui y sont établis, les firmes qu'ils ont
créées ou qu'ils représentent.
M. Meuriot regrette d'ailleurs que nous ne disposions pas de statistiques
sérieuses afférentes à l'émigration française; l'effort tenté naguère dans ce sens
a été abandonné, sans doute à cause du faible mouvement observé. Il n'en est
pas ainsi des pays germaniques ou slaves, où la nécessité d'un dénombrement
minutieux a été imposée par l'importance même du courant d'émigration.
M. Yves GuYOT rappelle qu'on pourrait sans doute recourir aux documents
d'ordre militaire; les listes dressées par nos agents à l'étranger en vue d'assurer
l'application de la loi sur le recrutement constituent en effet d'excellents élé-
ments d'information.
D'autre part, il s'élève contre l'idée d'un dualisme de l'enquête à instituer;
nos consuls sont tous en rapport avec les chambres de Commerce françaises,
comme avec les autres organismes économiques et les institutions de bienfai-
sance d'origine et d'attaches françaises de leur circonscription, et ils disposent
le plus souvent des mêmes renseignements qu'eux. Il montre les inconvénients
de la méthode qui consisterait à s'adresser à la fois aux uns et aux autres;
on ne saurait d'ailleurs se priver de l'appréciation que les consuls sont en état
de fournir sur la valeur morale de certains éléments recensés.
M. Hauser, après avoir rappelé les éléments tout particuliers d'information
dont disposent nos consuls en dehors même des documents d'ordre militaire,
montre par quelques exemples caractéristiques les dangers d'erreurs, de dou-
bles emplois dans les chiffres recueillis, d^ froissements entre les personnalités
consultées, auxquels on s'exposerait en s'adressant directement à la fois aux
consuls et aux chambres de Commerce ou autres institutions françaises. Ces
inconvénients, déjà appréciables en Europe même, — dans le cas de la ville
de Genève prise comme type, — ^ s'aggravent encore pour les contrées d'Orient
ou d'Extrême-Orient; le contrôle des statistiques, des renseignements fournis
par les informations élémentaires devient alors extrêmement difficile.
M. Hauser insiste très vivement pour que les consuls aient la direction
effective de l'enquête dans toute l'étendue ou ressort de leur consulat.
L'utilité apparaît ainsi à certains membres de la Société de faire une dis-
tinction entre le rôle des observateurs primaires, qui seraient chargés de recueillir
- 7 -
les informations élémentaires, et celui des observateurs secondaires, qui auraient
mission de les centraliser, de les vérifier dans la mesure du possible et d'en
coordonner les résultats. M. Schelle expose notamment les avantages que
présenterait la préparation d'un questionnaire spécial à chaque nature d'éta-
blissements, chambres de Commerce, hôpitaux, sociétés de secours mutuels,
etc.; les imprimés des diverses espèces seraient mis en quantité sufTisante
à la disposition des consuls, qui chargeraient les institutions intéressées de les
remplir et les renverraient au service central de leur département ; celui-ci
pourrait, le cas échéant, charger la Statistique générale de la France d'en
effectuer le dépouillement.
La parole est donnée à M. Huber.
« Les observations qui viennent d'être échangées, dit M. Huber, montrent
assez quelles difficultés présente une statistique des' Français et des intérêts
français à l'étranger, même quand on la limite à sa partie purement démogra-
phique.
« Certes, il est nécessaire que les statistiques soient dressées d'après des cadres
préparés avec le plus grand soin; mais il ne suffît pas d'adresser aux agents
d'exécution de bons questionnaires, accompagnés d'instructions claires et
précises. Il faut encore que ces agents possèdent les moyens d'action indis-
pensables pour recueillir les données qui leur sont demandées. Malheureuse-
ment, il n'en est pas toujours ainsi dans le cas qui nous occupe.
'( Comment veut-on qu'un consul placé à la tête d'une circonscription très
étendue ou dans une très grande ville puisse connaître le nombre des Français
résidant dans cette circonscription ou cette ville? L'insuffîsance du registre
d'immatriculation étant admise, on ne voit guère la possibilité de procéder
à une enquête directe; il ne reste donc pas de meilleure source de renseigne-
ments que les recensements effectués par les autorités locales des pays étran-
gers. Il est bien évident que, pour avoir le nombre des Français installés à
New-York par exemple, le consul général de France ne peut mieux faire que
de prendre le chiffre fourni par le Census des États-Unis.
« M. Marin a bien voulu rappeler que la Statistique générale de la France
avait collaboré à l'enquête effectuée en 1913 par l'intermédiaire du ministre
des Affaires étrangères et du corps consulaire de France. 11 faut bien recon-
naître que, parmi les résultats de cette enquête concernant le nombre des
Français dans les divers pays, ceux qui paraissent présenter les plus grandes
garanties d'exactitude sont précisément ceux qui ont été tirés des recense-
ments effectués à l'étranger. A défaut de recensement, il faut se contenter
des évaluations fournies par les consuls; mais ces derniers ne disposent en
général que de moyens d'information insuffisants.'
« Pour effectuer cette enquête, la Statistique générale de la France avait
préparé une série de questionnaires, qui furent transmis aux consuls par le
ministre des Affaires étrangères, et comprenaient :
« 1° Un état général qui devait être rempli par le consul lui-même et qui
avait pour objet de faire connaître, pour chaque circonscription consulaire,
le nombre des Français classés par sexe et par grande catégorie professionnelle.
Disons, en passant, que, d'une manière générale, les renseignements recueillis
sur ce dernier point ont été tout à fait insuffisants;
<( 2° Six questionnaires s'apphquant chacun à une catégorie spéciale d'éta-
blissements : chambres de Commerce; institutions de bienfaisance; établis-
sements hospitaliers (hospices, hôpitaux, asiles divers, orphelinats); institu-
tions pour le placement ou le rapatriement des Français; associations de pré-
voyance, sociétés de secours mutuels; établissements d'enseignement.
« Les consuls devaient distribuer ces questionnaires aux établissements
existant dans leur circonscription, puis centraliser les questionnaires remplis
par les intéressés eux-mêmes.
« Cette méthode, ajoute M. Huber, semble pouvoir être conservée en prin-
- 8 -
cipe pour une nouvelle enquête, sauf modification éventuelle du nombre et de
la teneur des questionnaires, si le cadre de l'opération devait être élargi. »
Après de courtes observations présentées par M. Marin, M. le Président
résume la discussion en constatant que la plupart des orateurs sont d'accord
pour demander qu'il soit procédé à une centralisation des renseignements
recueillis et des statistiques élémentaires afférents à une région déterminée,
et que cette opération soit confiée au consul. Pour l'assiette même de l'enquête
à instituer, il paraît désirable qu'on s'inspire des travaux déjà entrepris en
1913 par le Service de la Statistique générale de la France, étant d'ailleurs
bien entendu que les cadres des questionnaires utilisés à cette époque seraient
revus et améliorés, notamment en ce qui concerne les statistiques de capitaux
et d'immeubles et le recensement de la clientèle politique et économique de la
France. Aux questionnaires généraux seraient annexés des questionnaires
spéciaux variant avec les établissements destinataires.
RÉSULTATS DES ÉLECTIONS
Le scrutin ayant été clos à 18 heures, le dépouillement a donné les résultats
suivants :
M. Raphaël-Georges Lévy, président;
,M. François Simiand, çice-président ;
M. André Liesse, membre du Conseil,
ont obtenu 107 voix sur 108 votants.
M. le Président déclare donc M. R.-G. Lévy élu président pour 1917, M. Fran-
çois Simiand, vice-président pour 1917-1918-1919, et M. André Liesse, membre
du Conseil pour 1917-1918-1919.
En conséquence, le Conseil de la Société de Statistique de Paris est ainsi
composé pour l'année 1917 :
Président : M. Raphaël-Georges Lévy;
Vice-Présidents : MM. Eugène d'Eichthal, Paul Meuriot- et François
Simiand ;
Secrétaire général : M. Alfred Barriol;
Trésorier -archiviste : M. Paul Matrat ;
Membres du Conseil : MM. les anciens présidents de la Société, M. Edmond
Fléchey, secrétaire général honoraire, membres de droit; MM. Delamotte,
Joseph Girard, Emile Borel, Pierre Neymarck, Charles Lefervre, André
Liesse, membres élus.
La séance est levée à 19^ 15.
Le Secrétaire général, Le Président,
A. Barriol. Malzac.
II
LE
COMMERCE DE L'ITALIE DURANT LES QUINZE DERNIÈRES ANNÉES
Les quinze dernières années, nous entendons par là celles d'avant la guerre,
soit de 1899 à 1913 inclus, ont été pour le commerce de l'Italie une période de
progrès continu. Et ce progrès se marque, en effet, brusquement, dès le début
de cette quinzaine d'année>s. Dans les trois périodes quinquennales précédentes,
- 9 -
soit de 1884 à 1888, de 1889 à 1893 et de 1894 à 1898, la moyenne annuelle
des échanges commerciaux avait été respectivement de 2 milliards 391 millions,
2 milliards 170 millions et 2 milliards 295 millions de francs. En somme, le
mouvement commercial demeure au même point. Mais avec le quinquennat
1899-1903 s'accuse déjà une progression sensible : le total des importations et
exportations réunies atteint 3 milliards 108 millions par an, pour passer à
4 milliard_s 212 millions de 1904 à 1908 et enfm s'élever à 5 milliards 622 mil-
lions de 1909 à 1913. Il réalise donc une plus-value de près de 1 milliard 100 mil-
lions de la première à la seconde période et de plus de 1 milliard 400 millions de
la seconde à la troisième. Et si nous comparons le chiffre moyen annuel de la
dernière période, soit 5 milliards 622 millions, avec celui des cinq dernières
années de la quinzaine 1884-1898, soit 2 milliards 295 millions, nous voyons que
la progression est plus du double, ou près de 140 %.
Mais quelle est dans ce mouvement la part des importations et exportations?
De 1884 à 1898, les importations avaient assez sensiblement fléchi : leur taux
annuel, de plus de 1 milliard 400 millions de 1884 à 1888, s'était abaissé à 1 mil-
liard 240 millions de 1889 à 1893 et à 1 milliard 213 millions de 1894 à 1898. Les
exportations, après avoir régressé de 989 à 930 millions de la première à la
deuxième période, ne remontent encore qu'à 1 milliard 82 millions pendant la
troisième. A un dixième près, ce total rejoignait celui des importations de la
même période, alors que, au contraire, avec le progrès économique des quinze
dernières années, il y aura entre les importations et les exportations un écart
de plus en plus considérable. Dans les trois péi iodes quinquennales de 1899 à
1913, l'écart entre les exportations et importations s'accuse constamment au
bénéfice de celles-ci. Les exportations s'élèvent successivement de 1 milliard
416 millions (moyenne annuelle) à 1 milliard 772 millions et à 2 milliards 212 mil-
lions. Par contre, le chiffre moyen des importations passe de 1 milliard 692 mil-
lions à 2 milliards 440 millions et à 3 milliards 410 millions. De la première à la
troisième période de notre quinzaine d'années, les exportations ont une plus-
value de 800 millions ou de 56,3 %; celle de? importations est de près de 1 mil-
liard 720 millions, soit plus du double. De 1899 à 1903, les importations repré-
sentaient 54,6% du commerce spécial total; cette part est de 61 % de 1909àl913.
Le maximum des importations et exportations a été atteint presque en même
temps : les importations en 1912 avec 3 milliards 702 millions et les exportations
en 1913 avec un chiffre de 2 milliards 512 millions. C'est à l'année 1912 que se
manifeste le plus considérable excédent des importations sur les exportations,
soit 1 milliard 305 millions; c'est du reste en 19J2 et en 1913 que le commerce
italien atteint le plus haut total qu'il ait jamais réalisé : 6 milliards 99 millions et
6 milliards 158 millions; c'était le double des années 1899 et 1900, où le chiffre
total oscillait autour de 3 milliards (Voir le tableau I).
La valeur moyenne du commerce par habitant n'a cessé aussi de s'élever
et cela est d'autant plus remarquable que la population de l'Italie a augmenté
sensiblement. De 1899 à 1903, la valeur du commerce était environ de 100 francs
par tête, assez peu supérieure à ce qu'elle était de 1884 à 1888, soit 85 francs.
De 1909 à 1913, elle monte à près de 167 francs (maximum, 174 en 1912). La
progression a donc été plus de quatre fois plus de ce qu'elle était dans les quinze
années précédentes.
Importations
Exponations
Million» de
francs
1 . 402
989
1.240
930
1.213
1.082
1 . 506
1.431
1.700
1.338
1.718
1.374
1.724
1.444
1.813
1.493
1.692
1.416
1.878
1.573
2.016
1.705
2.. "514
1.906
2.881
1.949
2.913
1.729
2.440
1.772
3.112
1.867
3.246
2.080
3.389
2 . 204
3.702
2.397
3 . 646
2 . 51 2
- 10 -
Ta RLE ai; 1
Importations et exportations de l'Italie de 1884 à 1913.
1884-1888 (moyenne annuelle) ".
1889-1893
1894-1898
1899
1900
1901
1902
1903
1899-1903 ('moyenne annuelle)
1904
1905
1906
1907
1908
1904-1908 (moyenne annuelle)
1909. . .
1910
1911
1912
1913
1909-1913 (moyenne annuelle) 3.410 2.212
MOUVEMENT DES PRINCIPAUX OBJETS D'IMPORTATION ET D'EXPORTATION
a) Importations. — Le tableau suivant ne donne point tout le détail du mou-
vement des échanges; il fait cependant voir, dans l'ensemble, la nature du
progrès tant des importations que des exportations. Aux importations, cinq
articles donnent une plus-value supérieure à 100 millions : les cotons et coton-
nades, les laines, les minerais et métaux, les minéraax et verreries, et les céréales.
Leur plus-value globale est de près de 1 milliard 220 millions, soit 62% de
l'accroissement total des importations. Pour les cotons, c'est évidemment le
coton brut qui représente la plus-value la plus importante : de 151 millions en
1900, il passe à 334 millions en 1913 (348 millions en 1911). Son importation a
donc plus que dojiblé; il constitue donc la plus forte part de la sixième caté-
gorie. Tandis que pour la laine, la part de la laine brute s'élève de 47 millions
en 1900 à 113 millions en 1913 et ne représente que 56,5 % de la catégorie Vil,
la part du coton brut figure pour près de 90% à l'importation des cotons et
cotonnades. Les minerais et métaux figurent au chiffre le plus élevé parmi les
importations et leur progrès est plus que du double de 1900 à 1913. Avec leur
chiffre de 578 millions, ils forment presque le sixième de l'importation totale
du royaume. Cette somme est constituée principalement par trois spécialités :
les machines (130 millions), les fers et aciers travaillés (112 millions) et les
instruments d'optique et électricité (85 millions). Les catégories XIV (pierres,
verres et charbons) et XVI (céréales et produits alimentaires) sont celles qui
- 11 -
donnent le chiffre d'importation le plus élevé après les minerais et métaux
(catégorie XII). Dans la catégorie XIV, c'est naturellement la houille qui
est la branche principale d'importation. En 1900, l'Italie n'en achetait que
5 millions de tonnes à peine, pour une valeur d'un peu plus de 200 millions
Tablevu II
Importations et exportations de l'Italie en 1900 et en 1913, par catégories.
CATÉGORIES
I Boissons et spiritueux ....
II Produits coloniaux
III Produits chimiques
IV Couleurs et teintures . . . .
V Chanvre, lin, jute
YI Coton . . . ".
VII Laine, crin
VIII Soie , .
I.V Bois
X Papier, livres
XI Peaux
XII Minerais et métaux
XIII Véhicules
XIV ' Pierres, verres
XV Gomme, gutta-percha ....
XVI Céréales et produits végétaux
XVII Animaux
XVIII Objets divers
Totaux
IMPORTATIONS
(en milli ers)
En 1900
58.600
62.000
70.000
28.300
?4.100
171.000
79.300
162.000
78.000
20.500
lU.OOO
288 . 000
212.000
210.000
119.500
25.100
1.700.000
En 1913
114.400
111.200
147.000
36.000
69.800
389.000
202.300
222 . 500
172.500
48.000
151.800
578.000
48.000
475.000
60.000
.569.000
189.800
59.000
3.645.000
Accroissement (-j-)
1900-1913
55.800
49.200
77.000
7.700
45.700
218.000
123.000
60.500
94.500
27.500
00.800
2;»0.000
-(- 233.000
4- 359.000
-\- 70.300
-f 33.900
-j- 1.945.000
EXPORTATIONS
(en milliers)
Eu 1900
106.700
10.000
39.400
9.200
69,100
64.000
18.200
451.000
57.000
16.300
34.000
44.000
85.300
132.000
171.000
31.600
1.338.000
En 1913
161.000
19.600
78.400
8.100
109.200
256.400
56.800
530.000
67.000
23.000
85.800
105.800
43.600
108.600
51.000
473.000
246.000
87.400
Accroissement (-(-)
ou
diminution ( — )
1900-1913
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
54.300
9.600
39.000
1.100
40.100
192.400
38.600
59.000
10.000
6.700
51.800
61.800
23.300
+ 341.000
4- 75.000
4- 55.800
+ 1.173.000
de francs; en 1913, elle en achète près de 11 millions de tonnes (10.837.000)
pour une somme de 373 millions de francs. Sur une plus-value totale de 233 mil-
lions afférente à la catégorie XIV, la part de la houille est de près de 170 mil-
lions ou 73 %. Quant aux céréales et produits alimentaires (catégorie XVI), leur
importation a sensiblement plus que doublé : leur plus-value est exactement
de 171 %. Dans cette catégorie, c'est le blé qui est au premier rang; son impor-
tation a plus que doublé de 1900 à 1913, passant de 706.000 à 1.500.000 quin-
taux d'une valeur totale de 400 millions de francs. Cette progression du blé
à l'importation est d'autant plus remarquable que, dans les quinze dernières
années, la production du blé en Italie s'est accrue notablement. De 1896 à 1900,
la production annuelle était d'environ 33 millions de quintaux; elle s'élève à
50 millions de 1909 à 1913. Il y a, dans ces chiffres, un indice évident d'un
progrès dans l'alimentation générale, par conséquent dans le bien-être du pays.
Après celles que nous venons de citer, d'autres catégories présentent encore
un sensible progrès à l'importation. Les produits chimiques, les bois, les peaux
ont plus que doublé et atteignaient respectivement, en 1913, le total de 147,
172 et 151 millions. La plus-value n'est que de 60 millions sur les soies; mais par
leur valeur totale — 222 millions — elles viennent au cinquième rang des
importations : de ce total, les quatre cinquièmes sont constitués par les soies
brutes.
- 12 -
De l'examen général des importations italiennes, deux faits se dégagent très
nettement, c'est d'abord la part très grande qu'y tiennent les matières destinées
à l'industrie et leur très sensible progression. Dans les trois périodes quinquen-
nales antérieures à 1899, leur moyenne annuelle, encore modique, demeurait
presque la même : 620 millions (1884-1888), 646 millions (1889-1893) et 681 mil-
lions (1894-1898). Mais à partir de 1899, le développement est continu; l'impor-
tation des matières premières passe brusquement à un taux moyen de 1 milliard
15 millions de 1899 à 1904, pour s'élever successivement à 1 milliard 418 mil-
lions de 1905 à 1908 et enfin à 1 milliard 911 millions de 1909 à 1913; le maxi-
mum appartient à cette dernière date avec 2 milliards 91 millions. Cependant la
proportion de ces matières premières au total des importations a peu varié, avec
même tendance à diminuer; elle était de 60% de 1899 à 1903; elle est de 55%
de 1909 à 1913; elle ne s'en maintient pas moins considérable.
L'autre fait qu'il importe de noter, c'est la décroissance très sensible du
sucre aux importations. Avant 1900, l'importation du sucre était très élevée :
elle était encore de 750.000 quintaux de 1894 à 1898 (année moyenne); mais la
baisse va en s'accentuant avec les premières années de notre siècle : de 340.000
quintaux de 1899 à 1903, elle tombe aux environs de 25.000 à 30.000 de 1909
à 1913. Ce phénomène correspond à une production de plus en plus importante
de sucre italien. Cette production, absolument insignifiante il y a trente ans,
n'était encore par année moyenne que de 40.000 quintaux de 1896 à 1900. Elle
s'élevait à près de 400.000 de 1900 à 1904 et elleaétéde 1.880.000 de 1909 à 1913
(3.055.000 pour la campagne 1913-1914).
Parmi les objets d'exportation, le premier rang, aujourd'hui comme il y a
quinze ans, est toujours tenu par les soieries avec un total de 530 millions, bien
que leur plus-value n'ait pas été très considérable, environ 60 millions. Mais
sur ce chiffre de 530 millions, les tissus de soie ne forment guère que le cinquième:
la plus grosse part, 360 millions, appartient à la soie grège. Au total, les soies
forment plus du cinquième de l'exportation globale de l'Italie. Les céréales
ou produits végétaux viennent ensuite avec un total assez peu inférieur,
473 millions, mais leur progression est considérable, puisqu'elle a bien plus que
triplé depuis 1899; c'est que dans cette catégorie sont compris les pâtes alimen-
taires, les fruits, tels que oranges, citrons, les raisins frais et secs, dont la
consommation n'a fait que s'accentuer à notre époque. Bien loin après les soies
et les produits alimentaires, il faut signaler les tissus de coton avec une exporta-
tion de plus de 250 millions, mais leur plus-value est la plus importante de
toutes : elle est du quadruple de leur exportation en 1899. Cela correspond à
l'augmentation considérable de coton brut que nous avons remarquée aux
importations. Les autres catégories, qui représentent plus de 100 millions de
francs à l'exportation, sont :les animaux et produits des animaux, 246 millions,
mais dont la plus-value n'est que de 40% depuis 1899 (les œufs constituent le
cinquième de cette exportation); les boissons et sph'itueux, avec 161 millions
et une plus-value de 50%; les chanvres et lins, avec 109 millions, dont près
de moitié pour le chanvre brut et une plus-value de près de 60%; les pierres,
marbres et verreries, avec 108 millions, dont environ 40 millions pour le soufre :
la progression n'est que de 27%; les minerais et métaux, avec 105 millions,
- 13 -
ont plus que doublé leur total de 1899. Parmi les objets d'exportation qui
n'atteignent pas la valeur de 100 millions, quelques-uns sont en plus-value
remarquable, par exemple les produits chimiques, les peaux, les laines qui ont
plus que doublé. Enfin la catégorie XIII, véhicules, qui était insignifiante en
1899, donne, en 1913, un total de près de 44 millions, dont 32 pour les auto-
mobiles.
Un trait à noter dans l'exportation italienne et qui correspond du reste à
l'importation considérable des matières premières précédemment signalée,
est l'accroissement des produits fabriqués. De 1884 à 1888, leur exportation
moyenne annuelle ne dépassait pas 470 millions; elle atteignait 820 millions
environ, de 1899 à 1903, et était de près de 1 milliard 250 millions de 1909 à
1913. Cela atteste évidemment le progrès de l'industrie nationale.
Nous avons à voir maintenant avec quels pays se fait surtout le commerce
italien et quel développement il a suivi dans ces dernières années. Le tableau
suivant indique le mouvement des échanges, en 1913, entre l'Italie et les divers
États d'Europe et hors d'Europe.
Comme on voit, peu d'États dans cette liste font avec l'Italie un chiffre
d'affaires supérieur à 200 millions. Dans ce cas sont en Europe : l'Allemagne,
l'Autriche-Hongrie, la France, la Grande-Bretagne, la Russie et la Suisse; hors
d'Europe : l'Inde anglaise, la République Argentine et les États-Unis, soit en
tout neuf États. Le chiffre global de leurs échanges atteint plus de 4 milliards
800 millions, soit près de 80 % du commerce total de l'Italie.
Tableau III
Commerce de l'Italie en 1913 (En milliers).
États **■
Allemgane
Autriche- Hongrie
Belgique
Bulgarie
Danemark
Espagne
France
Grande-Bretagne
Grèce
Norvège
Pays-Bas
Porfugal
Roumanie
Russie
Serbie
Suède
Suisse
Turquie
Autres pays
, Total pour l'Europe
E:tTTtor»E
Importations
613.000
265.000
77.000
4.000
3.800
29.000
283.400
592.000
7.700
22.500
18.600
7.500
100.800
238.000
6 . 300
2.900
87.000
23.900
»
2.384.000
EiportatioDs
343 . 000
221.000
58.000
G. 700
4.300
18.100
231.000
260.000
18.100
4.500
16.000
10.000
14.600
61.000
1.500
4.500
249.000
49.300
»
1.586.000
Total
956.000
486.000
135.000
10.700
8.100
47.100
514.400
852.000
25.800
27.000
34.600
17.500
115.400
299.000
7.800
7 . 400
336.000
73.200
«
3.970.000
- u -
Importations Expoilalious
Asie, et .'jréanie.
Chine 56.000
Japon 60.800
Indris anglaises 163.000
Indes hollandaises 6.800
Turquie d'Asie. 34.000
Union Australienne 35.000
Autres pays >>
Afrique
Algérie 7.300
Egypte 27.000
Maroc 3.500
Tripoli 5.000
Tunisie 23.400
Autres pays »
Amérique.
Argentine 167.000
Brésil 55.000
Chili 20.000
États Unis. . 523.000
Autres pays »
G . 000
62.000
4 . 600
65 . 400
58.000
221.000
9.500
16.300
44.000
78.000
11.400
46.400
2.600
9.901
49.000
76.000
2.500
6.000
78.500
83.500
12.200
35.600
185.000
352.000
47.000
102.000
17.00.'
37.000
267.000
7^0.000
Hors d'Europe 1.261.000 925.000 2.186.000
Total général . . . 3.645.000 2.511.000 6.156.00(»
Parmi ces pays, l'Empire allemand est au premier rang avec un chiffre d'af-
faires de plus de 950 millions, en 1913, suit près du septième (exactement 15,7 %)
du commerce italien . Et dans les quinze années qui ont précédé la guerre, il
a l'ait des progrès considérables. De 1884 à 1898 les échanges germano-italiens ne
dépassaient pas une moyenne annuelle de 315 millions (de 1894 à 1898), mais
ils atteignent 443 millions de 1899 à 1903, puis 645 millions de 1904 à 1908 et
enfin 877 millions de 1909 à 1913. En moins de quinze ans ce chiffre a donc
doublé; et cela est surtout le fait dos importations. Dans la première des trois
périodesquinquennales intéressées, l'Italie achetait à l'Allemagne pour 211 mil-
lions par an, en moyenne; de 1909 à 1913, cette moyenne passe à 563 millions,
soit une plus-value de 167 %. Par contre, le total des exportations de l'Italie
en Allemagne s'élève seulement de 232 à 314 millions, soit une plus-value de
35,7 %. Les machines à divers titres forment la principale branche des importa-
tions allemandes : 180 millions ou 32 %. A l'Italie, l'Allemagne achète princi-
palement les soies grèges (près de 100 millions), les fruits, primeurs, denrées
agricoles, etc.
Avec la Grande-Bretagne, le inouvemenl des éclianges a dépassé 850 millions
en 1913. Il a eu de 1909 à 1913 une valeur annuelh> moyenne de 755 millions,
dont 530 reviennent aux importations.L'Angleterre vend donc à l'Italie plus du
double qu'elle ne lui achète. Dans les périodes 1899-1903 et 1884-1888, le mou-
vement commercial était respectivement de 447 et 378 millions. Le progrès
- 15 -
s'accuse donc nettement à l'époque contemporaine, et il est plus sensible rela-
tivement aux importations : leur part, en effet, dans le commerce total, qui était
de 29, 1 % de 1879 à 1903, s'élevait à 32, 7 % de 1909 à 1913. Les charbons forment
la plus grosse partie de l'importation anglaise en Italie, soit près de 56% en
1913, avec une valeur totale de 325 millions au lieu de 193 en 1900. Leur plus-
value constitue à elle seule plus de moitié de la plus-value totale des importa-
tions de 1900 à 1913 (exactement 56,6%). A l'exportation, le premier rang
appartient aux soieries : pour les tissus de soie, l'Angleterre est le meilleur
client de l'Italie; elle lui en a acheté en 1913 pour plus de 50 millions, soit le
cinquième environ de l'exportation totale de l'Italie en Angleterre. Les peaux
et denrées "agricoles sont un autre objet important d'exportation, mais il con-
vient de signaler la part relativement forte qui appartient aux automobiles.
Sur une valeur totale de 32 millions environ à l'exportation en 1913, l'exporta-
tion en Angleterre en prend le quart.
Le troisième rang, dans le mouvement commercial de l'Italie, appartenait
en 1913 à la France avec un total de près de 515 millions, dont 283 aux impor-
tations. Les échanges entre les deux pays ont éprouvé, on le sait, de graves
vicissitudes, résultat de leur politique économique. Jusqu'en 1887, la France
tenait la première place dans les relations commerciales de l'Italie : cette
année-là, le total des échanges atteignit 730 millions, dont 464 pour les expor-
tations. Cela représentait alors plus du quart du commerce total de l'Italie
(exactement 28,2%) et 40% de son exportation. On sait comment le ministre
Grispi dénonça le traité de commerce de 1881, et aussitôt le total des échanges
s'abaisse brusquement. En 1888, il n'est plus que de 326 millions, dont 170 mil-
lions aux exportations. Dans les cinq années qui précèdent 1888, le total des
échanges entre la France et l'Italie avait été de 725 millions, dont 425 aux
exportations (500 millions en 1883). Dorénavant ce total ne fait que baisser.
A partir de 1899, avec une amélioration dans les procédés économiques, le
commerce devient un peuplus actif; le total des échanges est de 350 millions
de 1899 à 1903; il passe à 425 millions de 1904 à 1908 et enfin à 528 millions
de 1909 à 1913. 11 n'est donc pas encore revenu — loin de là — au total d'il y a
trente ans. Le taux moyen annuel des importations est à peu près le même
— même légèrement plus haut — de 1909 à 1913 que de 1883 à 1887 (312 millions
contre 300); mais l'Italie n'a pas encore retrouvé le chiffre moyen de ses expor-
tations : le taux moyen annuel de 1909 à 1913 n'est encore que la moitié de
celui do 1883 à 1887 : 216 millions contre 425. C'est donc elle qui a le plus
perdu à la guerre économique déchaînée par Crispi, quelques efforts qu'on
ait faits depuis pour y remédier. L'Italie nous achète principalement des
laines, des tissus de soie; elle nous vend surtout des soies grèges pour près du
quart de son exportation totale.
Au quatrième rang et assez près de la France vient l'Autriche-Hongrie, dont
le mouvement d'affaires avec l'Italie était, en 1913, de 486 millions. La moyenne
annuelle de 1909-1913 était de 475 millions. Il y a sans doute progrès sur les
périodes antérieures, mais relativement peu sensibles, puisque, de 1904 à 1908 et
de 1899 à 1903, le total des échanges a été respectivement de 375 et 318 millions.
La moyenne annuelle des exportations n'a guère augmenté que d'une quaran-
- 16 -
taine de millions entre les deux périodes extrêmes de notre quinzaine d'années
(passant de 142 à 189 millions); l'importation, au contraire, s'élève de 176 à
290 millions et ce chiffre constitue 61 % du total des échanges entre l'Autriche-
Hongrie et l'Italie. L'Italie vend principalement à l'Autriche-Hongrie des
denrées alimentaires, parmi lesquelles les fruits forment près du quart de
l'exportation, et des soies brutes; elle lui achète surtout des bois pour plus du
tiers de son importation d'Autriche-Hongrie.
Deux États européens font encore un commerce important avec l'Italie : la
Suisse et la Russie. Avec la Suisse, le mouvement des échanges, qui a atteint
336 millions en 1913, était, de 1909 à 1913, de 303 millions (moyenne annuelle)
contre 290 de 1899 à 1903; il demeurait, en somme, stationnaire. Mais, à la
différence des États précédents, la majeure partie des échanges était constituée
par les exportations. En 1913, elles étaient presque le triple des importations,
et cette proportion, qui était celle de la période 1909-1913 (221 millions aux
exportations contre 82 aux importations), avait encore été plus considérable
dans les deux quinquennats antérieurs; de 1899 à 1903 et de 1904 à 1908, il y
avait eu une exportation moyenne annuelle de 237 et 318 millions, sur un
commerce total de 290 et 381 millions. Donc, si important que soit le chiffre
des exportations, il n'est pas en progrès, tandis qu'il y a une plus-value, quoique
assez légère, pour les importations. Ce qui donne surtout matière aux exporta-
tions italiennes en Suisse, ce sont les soies grèges qui forment, à elles seules,
les deux cinquièmes des ventes. Nous remarquerons que les exportations d'Italie
en Suisse ont surtout augmenté après la dénonciation du traité de commerce
franco-italien. Dans les cinq années qui précèdent 1888, le total moyen annuel
des ventes de l'Italie à la Suisse était de 105 millions; il s'élève à 187 millions de
1888 à 1892, et s'est ainsi accusé jusqu'à l'avant-dernière période quinquennale.
De 1887 à 1888, le taux était brusquement passé de 88 à 213 millions.
Avec la Russie, le commerce total de l'Italie était, de 1909 à 1913, de 282 mil-
lions (moyenne annuelle); c'était un progrès sensible sur la période 1899-1903
où ce total n'était que de 167 millions. Ici, la majeure partie des échanges
consiste en importations, dont le chiffre de 232 millions (1909-1913) représente
83 % du commerce total (80 % en 1913). Seulement, si le chiffre des exportations
n'est encore que de 50 millions (61 en 1913), il est en plus-value très importante
sur les deux périodes antérieures où il ne dépassait pas une douzaine de millions.
Importations et exportations sont également peu variées; la Russie vend à
l'Italie surtout des blés (les quatre cinquièmes de l'importation) et l'Italie lui
vend surtout des soies grèges (plus de la moitié de son exportation).
Hors d'Europe, les États-Unis sont le pays qui fait le plus d'échanges avec
l'Italie : la progression du commerce est ici considérable. Pour les trois périodes
quinquennales intéressées, il est passé successivement de 354 à 531 et à 703 mil-
lions par an (790 millions en 1913). La progression est surtout sensible aux
importations : leur valeur annuelle a plus que doublé de 1899-1903 à 1909-1913,
passant de 210 à 441 millions; elle a atteint 523 millions en 1913. Cela représente
les deux tiers du total des échanges. Dans le même temps, les exportations
passent de 144 à 262 millions (267 en 1913). Avec ce chiffre, les États-Unis sont
- 17 -
devenus, après l'Allemagne, le meilleur client de l'Italie. Les Étals-Unis
importent principalement en Italie des cotons bruts (250 millions en 1913, soit
presque la nKjitié de l'importation totale), des fers et aciers travaillés et ma-
chines (plus de 240 millions en 1913). Aux États-Unis, l'Italie vend surtout
des soies brutes (près de 60 millions), des fruits et des conserves, etc.
Avec la République Argentine, le commerce italien est aussi en plus-value
considérable. De 1899 à 1903, le total des échanges était à peine d'une centaine
de millions par an; il s'élevait à 295 millions de 1909 à 1913 (352 millions en
1913). Mais ici, les exportations l'emportent; de 66 millions de 1899 à 1913
elles atteignent 167 millions dans notre dernière période, soit 56 % du com-
merce total. Les blés et les maïs sont les principales marchandises importées
de l'Argentine en Italie (les deux tiers de l'importation). Aux ventes italiennes
tigurent surtout les tissus de coton, les vins, etc.
Le progrès du commerce de l'Italie avec ces deux pays a sans doute été
influencé par l'émigration italienne, de part et d'autre. En effet, dans les dix
années antérieures à la guerre, soit de 1904 à 1913, les États-Unis ont reçu
un total de 2.786.000 immigrants italiens et l'Ai'gentine, près de 820.000; ce
qui représente 71 et 21 % respectivement de l'ensemble de l'émigration italienne
d'outre-mer.
Avec l'Inde anglaise (y compris Ceylan et les établissements de Malacca),
le commerce italien a dépassé encore 200 millions en 1913, dont les trois quarts
appartiennent aux importations. Celles-ci consistent principalement er coton,
lin et jute à l'état brut et en graines oléagineuses : les tissus de coton et de
soie figurent surtout à l'exportation.
En dehors des États que nous venons de voir, trois seulement ont fait avec
l'Italie un chiffre d'affaires de plus de 100 millions en 1913 : la Belgique et la
Roumanie en Europe et, hors d'Europe, le Brésil. Avec la Belgique le commerce
total était, en 1913, de 135 millions, ce qui est d'ailleurs la moyenne annuelle
de la période 1909-1913; les importations formaient la majeiu'e partie : 77 mil-
lions en 1913. L'importation de la Roumanie est bien plus considérable :
100 millions sur les 115 millions du total en 1913, provenant aux deux tiers
de la vente des blés. Quant aux 102 millions d'affaires en 1913, plus d3 la moitié,
55, venaient des importations, notamment des cafés.
Enfin, dans l'ensemble du Levant : Turquie d'Europe et d'Asie avec l'Egypte,
l'Italie avait une exportation importante : 142 milliors en 1913 sur un total
d'affaires de 227 millions.
Il nous reste à examiner la situation faite au commerce italien par la présente
guerre. Dans la première année, soit la fin de 1914, l'Italie, on le sait, est neutre
et elle n'entre dans le conflit aux côtés des Alliés que le 24 mai 1915; elle
n'est donc belligérante que pour le second semestre de cette année. Le total des
échanges des années 1914 et 1915 est assurément en baisse sur 1912 et 1913.
où nous avons vu qu'il avait atteint son maximum (6 milliards 158 millions),
1" SÉRIE, 68° VOL. — vfl i 2
- 48 -
mais il n'est pas très éloigné de la moyenne de la dernière période quinquennale
1909-1913. En 1914, le commerce italien est au total de 5 milliards 131 millions,
et, en 1915, de 5 milliards 546 millions. Les exportations ne semblent pas très
affectées par les hostilités. En 1914 et 1915, elles sont au même chiffre de 2 mil-
liards 210 millions et 2 milliards 216 millions respectivement : c'est exactement
la moyenne annuelle de 1909 à 1913. Par contre, les importations éprouvent
une forte régression en 1914 : 2 milliards 921 millions au lieu de 3 milliards
646 millions en 1913 et une moyenne de 3 milliards 410 millions de 1909 à
1913; mais elles se sont relevées en 1915 et avec un total de 3 milliards 330 mil-
lions sont peu au-dessous de la moyenne 1909-1913, tout en demeurant assez
sensiblement inférieures à celles de 1912 et 1913 (3 milliards 702 millions et
3 milliards 646 millions).
On appréciera mieux les conséquences de la participation de l'Italie à la
guerre, en suivant mois par mois le mouvement commercial des deux dernières
années, tel que l'indique le tableau ci-dessous.
Tableau IV
Commerce de l'Italie, par mois, en 1914 et en 1915.
MOIS
I
En 1914
MPORTATI
(en milliers
En 1915
DNS
)
Accroissement (-|-)
ou
diminution (—)
E
Eu 1914
XPORTATIONS
(en milliers)
En 1915
Accroissement (4)
ou
diminution (— )
Janvier
Février
261.000
297.000
.'523.000
334.000
306.000
348.000
258.000
166.000
105.000
142.000
171.000
208.000
169.000
216.000
270.000
325.000
315.000
345.000
198.000
232.000
221.000
276.000
313.000
418.000
— 92.000
— 51.000
— 53.000
— 9.000
+ 9.000
— 3.000
— 60.000
4- 64.000
-4- 116.000
-1- 134.000
+ 142.000
4- 210.000
179.000
198.000
228.000
223.000
212.000
230.000
185.000
84.000
125.000
175.000
182.000
188.000
180.000
192.000
252.000
248.000
212.000
178.000
142.000
160.000
152.000
151.000
167.000
179.000
+ 1.000
— 6.000
4- 24.000
+ 25.000
— 52.000
— 43.000
4- 76.000
-f 27.000
— 24.000
— 15.000
— 9.000
Mai
Juillet
Août
Septembre
Octobre
Novembre
Décembre
Totaux
2.923.000
3.831.000
4 408.000
2.210,000
2.216.000
-f 6.000
Aux importations, il y a diminution dans toute la première moitié de 1915.
Pour les mois de janvier à juillet, sauf une exception insignifiante en mai,
choque mois marque une régression sur l'année précédente. Elle est in gloho
de 260 millions environ. En revanche, les cinq derniers mois de 1915 présentent
une importation totale de 1 milliard 450 millions contre 792 millions en 1914,
soit une plus-value de 45,4 %, D'une année à l'autre, l'importation de l'Alle-
magne et surtout celle de l'Autriche-Hongrie subissent une baisse considérable :
155 millions au lieu de 455 (et 602 en 1913) pour l'Allemagne et 34 millions
seulement au lieu de 214 pour l'Autriche. De l'Angleterre, la moins-value à
l'importation est peu sensible; il en est de même pour la France. Mais la plus-
value est considérable pour l'Argentine et surtout pour les Etats-Unis. Le total
-io-
de l'importation de l'Argentine passe de 1914 à 1915 de 167 millions à 323, et
celle des États-Unis, de 521 millions à 1 milliard 238 millions. A l'Argentine,
l'Italie a demandé une énorme augmentation de laines (73 millions au lieu de 8),
de viande fraîche (22 millions au lieu de 2), et surtout de céréales (189 millions
au lieu de 10). Les Etats-Unis, de leur côté, ont vendu une quantité beaucoup
plus forte de coton brut (387 millions au lieu de 227) et de céréales suitout
(413 millions au lieu de 16). Ils ont aussi vendu plus de houille (40 millions
au lieu de 10), car l'Italie en a acheté moins à l'Allemagne (16 millions au lieu
de 28) et même moins à l'Angleterre : 231 millions au lieu de 292 en 1914.
Mais l'Angleterre n'en demeure pas moins le grand fournisseur de charbon
pour l'Italie et il n'est pas besoin de montrer l'importance actuelle de ce fait.
Aux exportations, les sept mois de guerre se traduisent par un déficit de
34 millions seulement sur la période correspondante de 1914. La régression
dans les ventes se manifeste surtout en juin et juillet 1915, soit dans les deux
mois qui suivent immédiatement la déclaration de guerre. Par contre, il y a
une plus-value d'exportation aux mois d'août et septembre, surtout dans le pre-
mier, où elle est de plus du double que dans le mois d'août 1914. Avec l'Autriche
et l'Allemagne, bien entendu, l'exportation ne comprend que les cinq premiers
mois de 1915. Pour l'Autriche, le total de 105 millions est inférieur de 87 mil-
lions au total de 1914, infériorité peu sensible, si on refléchit que l'exportation
de 1915 ne comprend même pas la moitié de l'année. Avec l'Allemagne, l'ex-
portation se réduit d'une année à l'autre de plus de 100 millions (184 au lieu
de 316) et sur ces 184 millions, une quinzaine seulement sont enregistrés aux
sept derniers mois de 1915. Sauf les cotonnades, tous les articles d'exportation
sont en baisse. Avec les autres pays de l'Occident, l'Italie a augmenté ses ventes
en 1915. Vers l'Angleterre, elle a exporté 337 millions au lieu de 311 : l'accrois-
sement provient surtout des cotonnades et soieries. Mais la progression des
ventes est beaucoup plus sensible avec la Suisse et la France. L'exportation
en Suisse a passé de 230 à 304 millions, plus-value due surtout aux soies brutes.
Du côté de la France, les exportations s'élèvent de 179 à 369 millions, chiffre
qui n'avait jamais été atteint depuis 1887; la France est ainsi redevenue le
principal client de l'Italie. Nous avons surtout demandé à nos voisins une
somme beaucoup plus considérable de cotonnades et de lainages, et, en outre,
des produits chimiques et des fers et aciers. A l'égai'd de l'Argentine et des
États-Unis, l'exportation de l'Italie est devenue presque la même en 1915
qu'en 1914.
En somme, le commerce de l'Italie — au moins en ce qui concerne les expor-
tations — a donc peu souffert de la guerre, et il a trouvé parmi les Etats alliés
des clients qui compensent ce qu'il peut perdre du côté des ennemis communs.
Il ne faudrait pas croire, du reste, que, même avant la guerre, l'Austro-Allemagne
eût une si grande supériorité économique sur le marché italien. A ne considérer
que les grandes puissances alliées - abstraction faite de leurs colonies — c'est-
à-dire l'Angleterre, la France et la Russie, le total de leurs échanges avec
l'Italie avait, de 1909 à 1913, une valeur moyenne annuelle de 1 milliard 720 mil-
lions, dont 491 millions aux exportations. Le commerce avec l'Austro-Alle-
magne était de 1 milliard 356 millions, dont 503 millions aux exportations.
- 20 -
Mais cette plus-value aux exportations disparaît si aux puissances alliées on
ajoute la Belgique et le Portugal, surtout la première, dont le mouvement
d'échanges ne peut être contrebalancé par la Turquie, par exemple. L'intérêt
de l'Italie la porte donc nécessairement du côté où sont ses affinités ethniques
et ses sympathies, et cela n'est pas d'une importance médiocre pour aujourd'hui
ni surtout pour demain.
Paul Meuriot.
III
NÉCROLOGIE
PAUL LKROY-BKALTLIKU
La perte que la science et la France viennent de faire en la personne de Paul Leroy-
Beaulieu touche directement la Société de Statistique et les statisticiens.
L'éminent économiste était membre de notre Société depuis 1878. Il en a été le
président en 1889, c'est-à-dire dans une année où elle a eu plus d'éclat qu'à l'ordi-
naire, en raison du centenaire de la Révolution française et de l'Exposition univer-
selle.
Il était membre honoraire de l'Institut international de Statistique; cette distinc-
tion lui fut donnée dès la fondation de la compagnie.
Peu d'économistes ont été aussi grands consommateurs de statistiques que lui, et
il ne s'est pas borné à utihser, avec une remarquable sagacité, les diverses statisti-
ques; il en a dressé lui-même d'intéressantes dans ses ouvrages. Ainsi que l'a rappelé
son distingué collaborateur, M. E. Payen, c'est dans un livre de sa jeunesse, les
Recherches historiques et statistiques sur les Guerres européennes, publié en 1869. que
l'on puise encore des données sur le coût des guerres passées.
Nous savons tous enfin que la collection de V Économiste français, qui a près d'un
demi-siècle d'existence, est une mine précieuse de documents.
Mêlé à de grandes affaires, viticulteur en France, colon en Tunisie, où il se rendait
chaque année, Leroy-Beaulieu parlait des choses économiques autant en homme
pratique qu'en théoricien, et il parlait de chacune d'elles avec une égale compétence.
Aussi avait-il acquis une notoriété et une autorité universelles.
Le savant était chez lui doublé d'un pubhciste de talent. J'ai entendu parfois
exprimer le regret que les économistes ne se bornassent point à développer des théo-
ries et à rechercher les rapports qui unissent entre eux les phénomènes qu'ils obser-
vent. On voudrait qu'en toutes circonstances ils fussent oublieux des bruits du dehors
et ne pussent paraître attachés à aucun parti. Gela aurait peut-être des avantages,
mais les problèmes d'art économique sont presque toujours trop importants pour
que celui qui en connaît pertinemment la solution puiss(^ rester impassible dans son
cabinet lorsqu'il voit fouler aux pieds les principes les plus élémentaires. La science
économique diffère des autres; derrière elle, il y a des hommes qui peuvent souffrir,
des sociétés qui jjeuvent êtr(> ébranlées par des actes inconsidérés et dont l'obsf^r-
vateur ne saurait fairo abstraction; aussi des économistes de grand renom ont-ils
été polémistes.
Leroy-Beaulieu débuta au Journal des Débats à une époque voisine de la guerre
de 1870; il fonda V Économiste français en 1873. 11 fallait alors relever la France
reconstituer ses finances, parer aux dangers de la démocratie, résister aux tentatives
- 24 ^
du collectivisme. C'était le temps où le marxisme et l'anarchisme luttaient l'un
contre l'autre, où le socialisme de la chaire prenait naissance en Allemagne sous
le regard bienveillant de Bismarck, où les partisans des diverses espèces de commu-
nisme dressaient des programmes dans des congrès, où Gambetta essayait d'opposer,
à ce qu'on appelait la question sociale, ce qu'il appelait les questions sociales. Un
patriote qui savait et qui sentait, comme était Leroy-Beau lieu, ne pouvait rester
indifférent à ce qui se passait quotidiennement autour de lui; déjà, il avait publié
une étude sur L' État moral et intellectuel des Populations ouvrières et de son influence
sur le taux des salaires. C'est son premier ouvrage, il date de 1868; il fut suivi de
La Question ouvrière au dix-neuvième siècle (1872), du Travail des femmes au dix-
neuvième siècle (1873) et, un peu plus tard, de deux ouvrages de premier ordre :
L'Essai sur la répartition des richesses et sur la tendance à une moindre inégalité des
conditions (1881) et Le Collectivisme (1884).
Tous ces livres sont issus d'une même pensée : leur auteur estimait que la manière
dont se forment les richesses était à peu près complètement élucidée, et que l'atten-
tion des économistes devait être dirigée principalement sur les conditions dans les-
quelles elles se répartissent entre les hommes. Leroy-Beaulieu réfuta surtout le
collectivisme; on peut dire qu'il a puissamment contribué à enlever à ce système
et à ses dérivés toute apparence scientifique. Il contribua aussi, après Carey, Bastiat et
Boutron, à ôter toute portée sociale à la théorie de Ricardo sur la rente de la terre,
théorie que les socialistes ont toujours exploitée contre l'économique. Il suivait à cet
égard les traces des économistes français qui, après avoir accepté, dans leur ensemble,
les doctrines d'Adam Smith, avaient été très réservés à l'égard des vues étroites
des disciples directs du grand économiste écossais. Comme ses devanciers, Leroy-
Beaulieu s'est toujours montré indépendant; il a critiqué et corrigé les autres et
n'a pas craint de se modifier lui-même quand des faits nouveaux se présentaient à lui.
C'est ce qu'il a fait au sujet de la population, qui fut le sujet d'un de ses derniers
travaux. Les économistes futurs discuteront à leur tour quelques points de son œuvre;
dans un ensemble aussi considérable, il est impossible qu'on ne rencontre pas des
parties qui prêtent à contestation, mais par son unité et par son étendue, cet ensemble
forme un monument solide.
Le Traité de la Science des Finances dont la première édition remonte à 1879, le
Traité théorique et pratique d'Économie politique sont déjà devenus classiques. La
Colonisation chez les peuples modernes (1874), L'État moderne et ses Fonctions (1889)
sont des œuvres très personnelles et qui seront toujours utilement consultées.
Leroy-Beaulieu préparait ses livres dans ses leçons au Collège de France et
dans ses articles de la Revue des Deux Mondes et surtout de V Economiste français.
Dans la chaire, était le savant théoricien; dans la presse, le polémiste vigoureux,
parfois mordant pour les législateurs mal avisés.
\J Économiste français eut les dernières pensées de son fondateur; il travailla pour
ce journal dans ses derniers jours.
Frappé récemment dans ses plus chères espérances, par la mort héroïque de son
fils unique, il cachait son profond chagrin sous un stoïcisme admirable, de même que,
dans la vie ordinaire, il dissimulait sa sensibilité derrière une froideur extérieure.
Il avait cherché à donner des consolations à ceux qui souffraient comme lui en pré-
sidant V Association des Pères dont les enfants sont morts pour la Patrie. Mais le coup
qu'il avait reçu était trop rude pour qu'il n'en ait pas été profondément atteint;
il a été emporté par une maladie rapide.
Leroy-Beaulieu avait soixante-treize ans; il a sa place parmi les bons ouvriers
qui ont participé au rayonnement intellectuel de la France dans le monde.
G. Schelle.
IV
VARIÉTÉ
LES DIVISIONS ADMINISTRATIVES DE L'ITALIE ET LA STATISTIQUE
Au point de vue administratif, le royaume d'Italie se répartit en provinces, arron-
dissements [circondari), cantons {mandamenti) et communes. C'est donc une hiérarchie
tout à fait semblable à la nôtre, mais la similitude, comme nous Talions établir, n'est
qu'apparente et c'est la statistique qui nous fera saisir la différence des deux régimes.
Notons d'abord que, tandis que chez nous le terme de province n'est plus employé
officiellement, l'Administration italienne continue à se servir du terme correspon-
dant, celui de régions ou compartimenti territoriali, tels que Piémont, Lombardie,
Toscane, Latium, etc. Cette nomenclature correspond aux régions géographiques du
royaume ou k d'anciennes divisions politiques.
La base de la division territoriale de l'Italie est ce que nos voisins appellent pro-
vincia, terme dont la traduction littérale par notre mot de province constituerait
une inexactitude de fait. La province italienne ne répond pas en effet à ce qu'en France
nous appelons de ce nom, c'est-à-dire une région géographique plus ou moins grande,
ayant formé autrefois une entité politique distincte. Ce que nous nommons province,
les Italiens, nous venons de le dire, l'appellent région ou « compartiment terri-
torial ». La province actuelle est donc, en Italie, ce qui correspond à notre départe-
ment. Comme chez nous, cette unité administrative ne garde plus le nom des anciennes
régions qu'elle a fractionnées; mais, tandis qu'en France, les noms de nos départe-
ments sont empruntés à la géographie physique (les noms de province ne se sont
conservés que pour la Savoie et la Corse), les provinces italiennes portent toutes le
nom de leur chef-lieu. L'usage seul autorise quelques dénominations géographiques,
par exemple, Abruzze Citérieure, chef-lieu Chieti; Calabre Citérieure, chef-lieu Co-
senza; Molise, chef-lieu Campo-Basso, etc. Mais cela n'a rien d'officiel.
Le total des provinces est de 69, dont 60 pour l'Italie proprement dite et 9 pour les
deux îles de Sicile et Sardaigne. Comme la superficie de l'Italie est de 286.000 kilo-
mètl*es carrés, soit un peu plus de moitié de celle de la France (exactement 53,2 %),
la surface moyenne de la province est donc nécessairement inférieure à celle de nos
départements. La superficie moyenne d'un département français est de 6.000 kilo-
mètres carrés; celle d'une province italienne n'est que de 4.145 kilomètres carrés, soit
près d'un tiers inférieure, et cette moyenne se réduit à moins de 3.440 kilomètres
carrés si l'on fait abstraction de l'Italie insulaire. Parmi nos départements, il y en
a bien peu qui mesurent moins de 4.000 kilomètres carrés; seuls, sont dans ce cas
les Alpes-Maritimes, le Rhône, le Tarn-et-Garonne, le Vaucluse, le Haut- Rhin et la
Seine, encore ces deux derniers se trouvent-ils dans une situation particulière. En
Italie, les deux tiers des provinces ont moins de 4.000 kilomètres carrés.
Comme chez nous, il existe de grandes inégalités entre les provinces, sous le rapport
de la superficie. D'une façon générale, la superficie moyenne des provinces est moindre
au nord qu'au sud. Par exemple, sur les 42 provinces de l'Italie septentrionale
(Piémont, Ijigurie, Lombardie, Toscane, Vénétie, Emilie et les Marches), il n'y en a
que 9 qui dépassent 4.000 kilomètres carrés ; 3 seulement comptent plus de 6.000
kilomètres carrés, soit plus qu'un de nos départements moyens; seule, la province
de Turin, avec plus de 10.000 kilomètres carrés, dépasse nos départements les plus
étendus (G'rondo, Landes, Dordogne). Mais, dans l'Italie méridionale, le taux de
4.000 kilomètres carrés est dépassé par la majorité des provinces, 16 sur 27. Il est
vrai que, là, quelques provinces sont constituées par une seule région : c'est le cas
de la province de Pérouso formée de l'Ombrie, de celle de Rome qui comprend le
Latium, de celle de Potenza qui correspond à l'ancienne Basilicate. La Sardaigne ne
- 23 -
forme que deux provinces, dont l'une, celle de Cagliariavec 13.415 kilomètres carrés,
présente le maximum d'étendue des provinces du royaume.
L'unité administrative qui vient au-dessous de la province est le circondaro, lequel
répond à notre arrondissement. Dans quelques provinces, cependant, ce terme est
le plus souvent remplacé par celui de district {distretto) ; c'est le cas des provinces de
l'ancienne Vénétie. Dans l'ensemble, le royaume comprend 276 arrondissements,
dont 71 portent le nom de districts. Leur superficie moyenne est donc de 1.040 kilo-
mètres carrés, environ; celle de nos arrondissements français est de 1.480 kilomètres
carrés. Et ici encore nous trouvons la même différence entre le nord et le sud du
royaume : au nord, la superficie moyenne d'un circondaro n'est que de 800 kilomètres
carrés, tandis qu'elle atteint 1.500 dans les provinces du sud : dans le Latium, la
Basilicate, la Sardaigne, les circondari dépassent le chiffre de 2.000 kilomètres
carrés. Il faut noter que si chez nous chaque arrondissement constitue le ressort d'un
tribunal de première instance, il n'en est pas de même chez nos voisins, puisqu'il
n'y a pour 276 circondari que 162 tribunaux.
Le même fait se produit pour les cantons. Le royaume compte 1.805 mandamenti
amministrativi ; mais les pretiires qui correspondent à, nos justices de paix sont sensi-
blement moins nombreuses; il n'y a que 1.535 preture mandamenti ou juridictions
cantonales. Mais la différence de superficie moyenne entre le canton français et le
mandamento italien est beaucoup moins grande qu'entre notre arrondissement et
le circondaro. L'étendue moyenne de nos cantons est de 178 kilomètres carrés; celle
du mandamento est de près de 160 kilomètres carrés.
Par contre, il y a une différence très marquée entre l'aire moyenne de nos communes
et celle de la commune italienne. Le totr.l des communes françaises est plus que le
quadruple de celles de l'Italie : 36.241 contre 8.341 seulement. Chez nous, la super-
ficie moyenne est donc de près de 15 kilomètres carrés, tandis qu'en Italie elle atteint
près de 35 kilomètres carrés. Mais, comme en France, de grandes dissemblances se
manifestent suivant les régions. Est-il besoin de rappeler que nos communes de
Bretagne, formées d'une multitude d' « écarts », ont une superficie moyenne beau-
coup plus grande que celle des communes champenoises, par exemple, où la population
est groupée au chef-lieu? Mais ici ne se montre plus la même opposition entre l'Italie
septentrionale et l'Italie méridionale que nous avons constatée pour la superficie
des autres unités administratives. Dans le nord, Piémont, Ligurie, Lombardie, la
superficie moyenne des communes varie de 12 à 19 kilomètres carrés; mais elle est
de 30 dans la Vénétie et même de 60 kilomètres cariés dans l'Emilie; dans cette der-
nière région, dans les provinces de Ferrare et de Ravenne, l'étendue moyenne de la
commune dépasse même 100 kilomètres carrés. Dans la région méridionale, seule
la Campanie a une commune de superficie moyenne relativement peu élevée (pour
l'Italie), 26 kilomètres carrés; mais cette surface est 90 kilomètres carrés dans les
Pouilles et la Basilicate; elle est de plus de 100 kilomètres carrés dans la province de
Bari et dépasse 130 dans celle de Foggia (Pouilles).
Par là, on peut présumer que le nombre des petites communes est beaucoup moins
élevé en Italie qu'en France. Chez nous, les communes de moins de 500 âmes forment
aujourd'hui plus de la moitié (19.270) du total de nos communes. En Italie, on ne
compte que 546 localités de cette catégorie, soit moins de 7 % de l'ensemble, et presque
toutes ces communes (500) appartiennent aux trois régions septentrionales de Pié-
mont, Ligurie et Lombardie, où la population vit plutôt è l'état aggloméré.
P. Meuriot.
- 24 -
V
BIBLIOGRAPHIE
Intérêts économiques et rapports internationaux à la veille de la guerre,
par MM. F. Chapsal, A. Millerand, F. Guillain, P. Delombre, A. Marvaud,
H. DE Peyerimhoff, Pierre Guébhard, Ch. de Lasteyrie (1).
La Société des Élèves de l'École des Sciences politiques a fait paraître avec un long
retard, imposé par les événements, le recueil de quatre conférences faites dans
l'hiver et le printemps 1913-1914 et dont les sujets sont de première importance au
point de vue de la politique extérieure et de la vie économique. Leur ancienneté
relative n'enlève rien à leur intérêt. Au contraire, comme si les organisateurs de
cette série d'études avaient pressenti la crise, elles se rapportent à des sujets de la
plus brûlante actualité : mouvements internationaux de capitaux et de marchandises
diverses, influence économique de pays à pays, intervention de la diplomatie dans
ces domaines. Bien entendu les faits ne peuvent plus être considérés sous le même
angle que dans l'hiver 1913-1914; cependant plusieurs des idées exprimées alors,
en particulier dans le discours de M. Millerand, sont inspirées par une vue nette de
l'agression à laquelle la France se trouvait exposée et de l'effort qu'elle pourrait
avoir à fournir. Le texte n'a d'ailleurs pas été modifié : les auditeurs de ces confé-
rences en reconnaîtront tous les traits. La presse du temps de paix en avait rendu
compte avec d'amples comm.entaires.
L'introduction placée en tête de cet ouvrage rappelle comment il se relie aux précé-
dents de la même série : Les Forces productives de la France, La Politique budgétaire
en Europe, Les Grands Marchés financiers, ainsi qu'aux volumes d'une série parallèle,
celle des Questions actuelles de politique étrangère.
M. Angel Marvaud, secrétaire général de la Chambre du commerce d'exportation,
a, dans une première conférence très claire, complétée par M. Fernand Chapsal,
de qui l'autorité en ces matières est bien connue, exposé les tendances générales de
notre commerce extérieur, à la fois objet et moyen d'action de la diplomatie fran-
çaise. Sans rééditer de vaines doléances, les deux orateurs ont cherché ce qui, soit
dans les négociations relatives au tarif douanier, soit dans l'organisation des services
administratifs de renseignements commerciaux et d'expansion économique, pourrait
remédier à un état de choses trop évidemment défectueux. Il n'y a pas lieu d'exa-
miner ici leur thèse, qui n'emprunte aucun argument à la statistique.
C'est au contraire sur d'abondantes données numériques — dont il nous fait part
avec discrétion — que M. de Peyerimhoff de Fontenelle, secrétaire général du
Comité des Houillères, a basé sa conférence, « si lourde, à chaque phrase, de faits et
d'idées «, selon la très juste expression de M. Millerand.
Il montre la France du siècle dernier, pays de vieille civilisation intellectuelle
avancée et de grande fortune acquise, exportatrice naturelle de produits manufac-
turés, mais surtout de capitaux et de chefs d'entreprises, c'est-à-dire de travail
humain libre ou déjà largement incorporé à la matière. Elle a pour destinée séculaire
d'être chez les autres un agent de progrès. Le tableau des entreprises fondées au
dehors par les capitalistes et les ingénieurs français dans la seconde moitié du dix-
neuvième siècle est impressionnant. Malheureusement une distinction s'impose :
si nous avons toujours continué à aider les étrangers pour la mise en valeur de leurs
(1) 1 vol. in-16 de 270 p. F. Alcan, éditeur. 1915. Prix : 3 fr. 50.
- 25 -
territoires, à partir de 1870 la France n'a plus été presque seule avec l'Angleterre
à jouer ce rôle; sa part relative a décru, moins sans doute dans l'exportation de capi-
taux que dans la direction des afîaires fondées avec ceux-ci. Il faut lire la pénétrante
et originale analyse que M. de Peyerimhofî, en organisateur et en manieur d'hommes
expérimenté, a donnée des causes de cette situation. Ses avis ne valent pas seulement
pour l'objet qu'il avait en vue, mais s'appliqueront, avec la supériorité des idées
générales, à la mise en valeur de ce pays neuf que sera pour une trop large part la
France de demain.
M. de Peyerimhofî semblait prévoir les nécessités financières actuelles quand il
décrivait la composition de notre portefeuille étranger, auquel l'Etat demande au-
jourd'hui avec succès de faciliter le règlement de nos importations.
Quant aux perspectives d'accroissement de ce portefeuille et à l'action diploma-
tique qui en résulteraient pour nous, l'orateur montrait un scepticisme trop justifié.
M. Pierre Guébhard a étudié avec une ingéniosité et une délicatesse infinies
l'autre face, — assez ingrate, — du problème : les entreprises et les capitaux étran-
gers en France. Il a eu soin, tout d'abord, de rappeler que la sécurité nationale devait
passer avant tout et que de hautes nécessités politiques pouvaient conduire à des solu-
tions différentes de celles que suggérerait un programme économique abstrait. Rien
ne doit prévaloir sur « l'instinct de conservation de la nation, qui veut vivre et se
protéger contre tout ce qui pourrait porter atteinte à son indépendance matérielle
et morale. Il est bon qu'à certaines heures et en présence de graves problèmes, un
peuple fasse un retour sur lui-même, qu'il éprouve ses forces et s'assure qu^aucun
élément de dissociation ne s'est insinué dans les rouages de son outillage industriel
et financier ». Ce principe posé, M. Pierre Guébhard montre que l'interpénétration
industrielle et financière est un fait universel, que l'on peut régulariser, mais non faire
disparaître. Pour notre pays en particulier, l'entrée d'entreprises et de capitaux
étrangers résulte de la nature de notre sous-sol; du tempérament et des aptitudes
de notre race, qui la poussent de préférence vers certaines formes d'activité, laissant
ainsi, dans d'autres domaines, le champ libre à des nations diversement spécialisées;
de la législation; enfin du caractère international inhérent à telle branche de com-
merce, dont l'action s'étend nécessairement sur toute la surface du globe.
•Au point de vue purement financier, l'observateur très perspicace qu'est M. Guéb-
hard a démontré que les capitaux étrangers circulant en France n'avaient rien d'in-
quiétant quant à leur volume et que notre solide système bancaire, concentré autour
d'un institut d'émission ultra-prudent, loin d'être gêné par notre hospitalité pour
certaines banques anglaises et américaines, pourrait un jour en bénéficier. Nous
constatons aujourd'hui l'exactitude de ce pronostic, auquel feu M. Guillain, prési-
dent de la conférence, donnait son entière approbation.
M. Ch. DE Lasteyrie, ancien inspecteur des Finances, a examiné du dedans, pour
ainsi dire, la sortie des capitaux français. Les services que la possession d'un fort
portefeuille étranger rend à notre pays sont évidents et le seraient plus encore si ce
portefeuille avait été mieux réparti. Son montant calculé par divers procédés
statistiques, — souvent au sein de notre Société, — est d'autant plus incertain
que les déclarations et constatations servant de base aux calculs se trouvent faussées
par l'intérêt des porteurs.
En tous cas, les statistiques corroborent l'hypothèse d'après laquelle les dissimu-
lations plus ou moins importantes de capital expliqueraient en partie la stagnation
de l'annuité successorale depuis la'loi du 25 février 1901.
M. de Lasteyrie, si renseigné sur tout ce qui touche l'Angleterre, rappelle qu'elle
a éprouvé les mêmes mécomptes. Cependant il souligne, chiffres en main, ce fait
important que les fraudes sont loin d'avoir pris l'ampleur supposée par l'imagination
du public. Cette remarque laisse subsister ce que le conférencier a dit avec vigueur
des dangers que ces manœuvres présentent pour l'État et pour les contribuables
eux-mêmes. Il a fourni un exposé complet et précis des négociations engagées avec
- 26 -
certains pays étrangers pour y remédier. Il propose de les poursuivre et de les étendre
dans un esprit d'équité en définissant la part qui doit revenir à chaque pays intéressé
sans cumul de droits. La même question est examinée à propos de tous les impôts
qui frappent les valeurs mobilières et qui sont déjà des impôts de superposition.
Les dispositions équitables que capitaux et entrepreneurs français rencontreront
dans notre législation seront le plus sûr moyen d'éviter une émigration exagérée
de nos disponibilités.
M. Paul Delombre, ancien ministre du Commerce, s'associant sans réserve aux
conclusions si raisonnables et si patriotiques déduites par M. Gh. de Lasteyrie, a ajouté
que l'émigration des capitaux ne présentait pas encore en France un caractère perni-
cieux. C'est pour l'avenir qu'il a exprimé des craintes... atténuées par la perspective
d'une politique de concorde et d'unité. M. Delombre a rendu par avance un éloquent
hommage aux « générations nouvelles instruites des conditions du progrès, éprises
de liberté, conscientes des vertus requises pour soutenir avec honneur la dignité, la
puissance, les droits de la France )>.
Eug. BOISLANDRY-DUBERN.
*
* *
La Guerre (2^ série : La guerre et la vie économique), par MM. Daniel Zolla, Pierre-
Etienne Flandin, Paul DE RousiERS, Joseph Chailley, Robert Pinot, André
Liesse (1).
L'an dernier avait paru dans la même collection, dite : « Bibliothèque d'histoire
contemporaine », un premier volume de cinq conférences, faites à l'École des Sciences
politiques, intitulé : La Guerre, dont les auteurs, MM. Emile Bourgeois, Louis Renault,
le général Malleterre, Raphaël-Georges Lévy et Daniel Bellet, avaient su improviser
dès les premiers mois des hostilités un frappant aperçu des grandes idées soulevées
par les événements dans l'ordre diplomatique, militaire et économique. En 1916
ce dernier point de vue a dominé.
L'ouvrage débute par un exposé, — très substantiel, naturellement, — du problème
de l'alimentation en temps de guerre. M. Daniel Zolla, professeur à l'École de Gri-
gnon, richement pourvu de données statistiques sérieuses, a montré comment s'étaient
effectués les travaux agricoles et quels résultats satisfaisants (sauf à l'égard des
betteraves) avaient été fournis par la récolte de 1914. 11 a fallu importer beaucoup
de céréales en 1915, non pour faire face à un minimum d'alimentation, mais pour
assurer aux Français une copieuse subsistance, la consommation moyenne indivi-
duelle étant restée bien au-dessus du niveau de la période 1861-1870.
Le cheptel français, mis à contribution d'une façon un peu hâtive au début de la
guerre, n'a subi cependant que des pertes réparables dont l'esprit d'initiative des
éleveurs français a déjà su combler une grande partie. M. D. Zolla a fait une étude
spéciale de la hausse des prix des céréales et de la viande, de ses causes et de ses
remèdes, des effets parfois décevants produits par la taxation en Allemagne. Il estime
que l'alimentation de la France est assurée, grâce à la superbe énergie de nos cultiva-
teurs. On abonderait encore plus dans le sens indiqué par le très compétent confé-
rencier si l'agriculture française avait réalisé complètement le vœu exprimé il y a
bien longtemps par Léon Say, si elle avait adopté dans la mesure du possible des
méthodes scientifiques. ^
Après l'agriculture, ce sont trois industries de guerre : l'aviation, la marine mar-
chande et la métallurgie qui ont été étudiées dans le volume publié par la Société des
Sciences politiques en 1916, de manière à insister sur certains des points que notre
éminent collègue, M. D. Bellet, avait indiqués dans la conférence d'ensemble reprise
par le recueil de 1915.
(1) 1 vol. in-16 de 311 p. F. Alcan, éditeur. 1916. Prix : 3 fr. 50.
- 27 -
M. Pierre-Etienne Flandin, député de FYonne, spécialisé en la matière, a rappelé
les débuts de l'aviation militaire en France et en Allemagne, la réorganisation de
notre aviation depuis 1914, la crise de l'aviation, les progrès réalisés dès 1915. Non
content de signaler, — avec toute la réserve nécessaire, — les problèmes militaires
et les perfectionnements apportés au matériel, il est entré dans quelques détails
intéressants de la technique industrielle, qu'il a su présenter d'ailleurs sous la forme
la plus claire et la plus vivante.
M. P. DE RousiERS, secrétaire général du Comité des Armateurs, après un coup
d'œil jeté sur la situation de la marine mondiale avant la guerre, a expliqué comment
les événements avaient bouleversé le marché des frets et fait monter le prix de ceux-ci.
Des statistiques comparatives de 1913 à la fin de 1915 pour les exportations de char-
bon de la Grande-Bretagne et pour le tonnage de marchandises embarquées ou débar-
quées dans les différents ports français, mettent en lumière, par exemple, le déséqui-
libre des importations et des exportations, et surtout la disproportion entre le tonnage
disponible et la quantité de marchandises à transporter. Après avoir analysé, d'après
les documents les plus sûrs et les plus complets, les causes de la hausse des frets et de
l'encombrement des ports, M. de Rousiers a indiqué les remèdes qui lui paraissaient
immédiatement apphcables. Insistant avec éloquence sur les services rendus à la
défense nationale par notre marine marchande, il conclut à la nécessité de développer
les constructions de celle-ci pour que, notamment après la conclusion de la paix,
la maîtrise de la mer reste bien effectivement entre les mains des pays défenseurs du
droit.
M. Robert Pinot, secrétaire général du Comité des Forges, a su'rendre sensible à
tous le caractère émouvant autant que grandiose de l'œuvre accomplie par la métal-
lurgie française depuis sa réorganisation en pleine guerre après la perte de ses princi-
paux moyens d'action. Il a donné quelques exemples de ces efforts prodigieux dont
l'industrie française s'est montrée capable depuis deux ans grâce en partie à l'esprit
de collaboration qui a régné entre elle et les autorités publiques : remise en activité
des usines, création d'usines nouvelles, répartition par groupes régionaux, fabrication
des obus au tour, obus en fonte aciérée, matériel et obus de gros calibre, fabrication
des fusils, automobilisme, amélioration des procédés techniques, etc.; à côté de la
métallurgie, la fabrication des explosifs et, en général, la chimie de guerre. Il a rap-
pelé ce qu'il avait fallu d'habileté et de dévouement aux patrons, ingénieurs, ouvriers,
fonctionnaires et officiers qui furent et sont chaque jour les pourvoyeurs de notre
armée et de certaines armées aUiées.
Les dépenses de matériel et tous les frais de la guerre ont fait l'objet d'une confé-
rence très suggestive de M. André Liesse, membre de l'Institut. Ayant fixé depuis
des années son attention perspicace sur la vie des grandes banques et les ayant vues
souvent de l'intérieur, M. Liesse se trouvait à même d'apprécier d'une façon très
sûre la situation bancaire de la France, de l'Angleterre et de l'Allemagne, ainsi que
l'influence exercée par la guerre sur les grands marchés. II a exposé magistralement
le mécanisme de la mobilisation financière allemande, l'ampleur des emprunts et des
impôts anglais, la souplesse des opérations françaises et les conditions particulière-
ment favorables du crédit de la Banque de France. Les pronostics que M. Liesse
a formulés, les conseils d'énergie et de travail scientifique qu'il a donnés comme corol-
laires de ces pages d'histoire financière méritent de retenir l'attention.
Il restait à considérer l'effort accompli dans la France d'outre-mer, et c'est à quoi
M. J. Ch AILLE Y, directeur général de l'Union coloniale, nous a conviés avec autant
d'esprit que d'abondance et de variété dans l'information. C'est le tour du monde
que l'on fait à sa suite; un tour du monde passionnant au cours duquel on rencontre
à chaque pas des traces de l'envahisseur ennemi. M. Joseph Chailley entre dans
quelques détails au sujet de la guerre sournoise qui nous a été faite au Maroc et de
l'habile résistance opposée par le général Lyautey. C'est un spectacle très attachant
- 28 -
que celui du Maroc transformé en immense chantier, réalisant de rapides progrès
économiques et géré financièrement de main de maître dans ces circonstances tra-
giques. M. Joseph Chailley nous fait partager sa confiance dans les ressources de notre
empire colonial, solide adjuvant des grandes forces nationales économiques ou mili-
taires qui viennent de subir victorieusement l'épreuve de la guerre.
E. B. D.
VI
LISTE DES DOCUMENTS PRÉSENTÉS DANS LA SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 1916
ORIGINE ET NATURE
des
DOC UMENTS
INDICES
de
classement
dans la
Bibliothèque
ORIGINE ET NATURE
des
documents
INDICES
de
classement
dans la
Bibliothèque
DOCUMENTS OFFICIELS
Argentine
Direction générale de Statistique. — An-
nuaire statistique pour l'année igi/j.
Auslralie
Bureau confédéral du Recensement et de
Statistique. — Statistique financière
australienne. 1906 à igiS
— Statistiques sociales : Statistique de
l'enseignement, des hôpitaux et as-
sistance, des lois et crimes pour
l'année 1914
Ar 1 14
Asaia 06-15
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tistiques. — Annuaire statistique.
2= année. 1916
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Tci 248
Chili
Office central de Statistique. — Synopsis
estadistica pour igiS
— Annuaire statistique. Agriculture
— Statistique commerciale. 19K). . . .
États-Unis d'Amérique
Département du Com.merce et du Tra-
vail. — Foreign commerce and na-
vigation of the U. S. for the year
endingjune 3o 1916
— Bulletin 187. Wages and hours of
labor in the men's clothing indus-
Bolivie
Ministère de l'Industrie. — Bolivia 3Ii-
nera. La Paz. 1916
Canada
Ministère de l'Agriculture. — Bureau
des Recensements et des Statisti-
ques. — Annuaire du Canada pour
igi4
— Bulletin 188. Report of british départe-
mental committee on the danger in
the use of lead in the painting of
— Bulletin 190. Wages and hours of
labor in the cotton, woolen and silk
industries 1907 to 1914
Suéde
Direction générale des Domaines. — Sta-
tistique annuelle des domaines de
l'État pour 191.5 •
Cumjitoir d'État. — Trésorerie. — Rap-
])ort sur les fondations et legs divers
Ministère du Commerce. — Ciniiuième re-
censement du Canada. 191 1. Vol. I.
Superficie et population par pro-
vinces, districts et sous-districts. .
— Vol. If. Religions, origines, lieux de
naissance, citoyenneté, instruction
et infirmités par provinces, districts
et sous-districts
— Xol. III. Les manufactures, pour l'an-
née 1910, d'après le recensement
I)ris en juin 191 1
Uruguay
Inspkction nationale de l'Instrui^tion
PRIMAIRE. — Annales de l'instruc-
tion primaire. Janvier-juin 1916 . .
DOCUMENTS PRIVÉS
Bibliothèque tougo-slave. — Les lettres,
les sciences et les arts yougo-slaves.
— Vol. IV. Agriculture
— Vol. V. Production de la forêt, (tes
pêcheries, des fourrures et des
mines
PIlnVINCB DE QUÉBEC
Secrétariat provincial. — Bureau des Sta-
Le Gérant : il. STEINHEIL
NANCY, IMPRIMERIE BERGER-LKVRAULT — JANVIER I9I7
JOURNAL
SOCIETE DE STATISTIQUE DE PARIS
N° 2. — FÉVRIER 1917
I
PROCÈS-VERBAL DE LA SÉAiNCE DU 47 JANVIER 1917
s O ]N/CI^-A.II?,E
OUVERTURE DE LA SÉANCE PAR M. MALZAC, PRÉSIDENT.
ALLOCUTION DE M. LE PRÉSIDENT ET INSTALLATION DU PRÉSIDENT POUR 1917 ET DU BUREAU.
ALLOCUTION DE M. R.-G. LÉVY, PRÉSIDENT POUR 1917.
ADOPTION DU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 1916.
NÉCROLOGIE.
DISTINCTIONS HONORIFIQUES.
NOMINATIONS ET PRÉSENTATION DE MEMBRES TITULAIRES.
COMMUNICATIONS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET PRÉSENTATION D'OUVRAGES.
COMMUNICATION OE M. PAUL MEURIOT ; LA POPULATION DE LANGUE CELTIQUE DANS LES ILES BRI-
TANNIQUES .
OUVERTURE DE LA SÉANCE ET ALLOCUTION DE M. MALZAC, PRÉSIDENT SORTANT
La séance est ouverte à 17^4:0, sous la présidence de M. .Malzac. président
sortant. (\\\\ prend la parole en ces termes :
.\li;s cil Kiis (',(»i,i.K(;(rKS,
A I une de nos d'^njéres séances de 1916, un de nos collègues, otïicier sur le
Iront, qu'une permission opportune nous avait procuré le plaisir d'avoir au
milieu de nous, me disait : ". Je lis régulièrement notre Journal et je constate
avec satisfaction que l'activité de la Société s'est maintenue sans interruption. »
Je lui ai répondu : « Nous aussi, nous avons voulu tenir. »
Et c'est bien là, en effet, la pensée commune qui nous a animés au cours d<'
cette année 191 6, dont le président sortant a l'agréable et traditionnelle mission
de résumer les travaux.
Je rappellerai tout daboi'd les coiniiiuiiicat ions l'ailes dans les dix séaiKîe.s
mensuelles.
M. Meuriot nous a présenté deux études.
L'une, consacrée à la question des chemins de fer d'Alsace-Lon-aine. rontient
l'historique de leur création et Texposé des conditions dans lesquelles, en confoi'-
mité du traité de Francfort, la propriété en a été transférée à l'Allemagne, et des
\"' .SKRIF.. ÔS" VOL. n" 2 3
— 30 —
accords intervenus entre l'État français et la Compagnie de ]"Est dépouillée
d'une partie très importante de son réseau. Il y a lieu d'en retenir que ces che-
mins de fer d'Alsace-Lorraine sont devenus la propriété de l'État allemand et
que leur retour à la France ne comportera par suite le versement d'aucune
indemnité.
La seconde communication de M. Meuriot a eu pour objet ". Le revenu doma-
nial des États allemands » considéré dans ses trois éléments principaux : les
domaines proprement dits et les forêts, les usines et industries qui s'y ratta-
chent et les chemins de fer. Très précise dans ses détails et sa documentation,
l'étude de M. Meuriot assigne à ce revenu une valeur de capitalisation de
80 à 100 milliards. La discussion à laquelle cette étude a donné lieu nous a valu
une très intéressante comparaison de M. Colson entre les conditions et les résul-
tats de l'exploitation des chemins de fer de l'État allemand et de celle des ré-
seaux concédés à nos grandes compagnies françaises.
M. Yves GuYOT nous a présenté les mouvements du commerce international
pendant la guerre. C'est une œuvre considérable dans laquelle notre collègue
a affirmé, une fois de plus, l'étendue de sa science économique, et su tirer de
chiffres arides en apparence, les renseignements les plus explicites pour le déve-
loppement, après la guerre, de notre activité industrielle productrice et de
notre expansion commerciale.
A ce même ordre d'idées peuvent être rattachées les communications de
M. Magnan sur « La Douane et la Guerre » et de M. René Pupin sur u La Ba-
lance économique de la France en 1912 et 1915 >•.
Chef du bureau des tarifs à la Direction générale des Douanes, M. Magnan
nous a familiarisés avec des questions quelque peu ardues et nous a montré
la grande part occupée par l'administration à laquelle il appartient dans la
défense actuelle de notre situation économique et pour sa sauvegarde future. '
La communication de M. Magnan doit nous faire désirer que les représen-
tants de nos grands services publics, où la statistique est brillamment cultivée,
usent plus fréquemment de la sympathie que nous leur gardons, pour nous
faire part de leurs consciencieux travaux et nous permettre d'en étendre la
vulgarisation.
Sous le titre de La Balance économique de la France en 1912 et 1916, M. René
Pupin nous dit avoir eu pour objet de « dresser le bilan des créances annuelles
qui se forment entre la France et les pays étrangers en assignant à chaque élé-
ment la place qu'il parait y occuper d'après les indices les plus notoires ».
Notre collègue a voulu aussi mettre sous nos yeux une série spéciale des réper-
cussions de la guerre et nous ne pouvons que nous associer à sa conclusion que
« la France mérite qu'on lui fasse crédit par le rôle moral qu'elle a pleinement
assumé dans la défense des libertés de l'Europe et sa situation matérielle cau-
tionne suffisamment les quelques milliards dont elle devrait avoir la libre dis-
position sur les deux plus grands marchés du monde ». Dans un article de notre
Journal sur la richesse mobilière des Français au début de 1916, M. René Pupin
a ajouté à cette conclusion « des éléments positifs qui justifient la confiance
placée tout à la fois dans la signature et les solides ressources do la b'ranco •.
M. le professeur Richet, dans une causerie où l'agrément de la forme Icui-
pérait les aspérités du fond, nous a initiés o l'application dt' la " Méthode statis-
tique dans quelques expériences de physiologie ».
La maîtrise acquise par notre collègue dans cette science donne une autorité
particulière à sa démonstration que les chiffres de statistique ont leur significa-
tion et leur application propres et qu'il est inexact de prétendre qu'on leur fait
dire ce qu'on veut. 1 ,
M. (iiRARD a consacré au Japon, notre ami cl notre allii, une étude embrassant
la démographie, le budget, la dette pul^liquo et la législation fiscale, dont vous
avez apprécié à sa réelle valeur la parfaite ordonnance et l'exacte documenta-
tion. Cette étude est venue à son heure et met en claire lumière l'importance du
— 31 —
coïK'onis que le Ja])OJi apporte, dans la guerre actuelle, à la France et à ses
alliés.
M. Louis Marin, député de Meurthe-et-Moselle, nous a entretenus des tenta-
tives déjà faites ])our établir une statistique des ressources françaises à l'éti'anger
et de l'utilité que présenterait en cette matière l'élaboration d'une méthode
vraiment scientifique. Notre collègue peut avoir la certitude de trouver dans
notre Société tous les concours auxquels il a eu Tamabilité de faire appel.
A côté de ces travaux qui ont rempli nos séances et amené d'intéressants et
utiles échanges de vues, il convient de placer les publications confiées au
Journal de la Société.
Notre ancien président, M. Alfred Neymarck, nous a donné les rapports sur
la « Statistique internationale des valeurs mobilières >^ qu'il a présentés à la
dernière réunion tenue avant la guerre par l'Institut international de Statis-
tique. Nous savons de quelle considération jouit parmi les statisticiens et les
économistes du monde entier cette statistique des valeurs mobilières, dont notre
collègue avait conçu le plan, il y a un quart de siècle, et que sa persévérance, sa
rigueur scientifique et ses pénétrantes investigations ont portée à un haut degré
de perfection. Il eiit été regrettable que cette œuvre souffrît de l'ombre qui
couvre les travaux de l'Institut international, dans des temps où l'égalité devant
les charges ne saurait être réalisée entre les valeurs mobilières et les autres
éléments de la propriété privée que par la connaissance exacte de leurs caracté-
ristiques respectives. Les rapports de M. Neymarck remplissent exactement
cet objet et nous devons nous féliciter de la délicate attention qui nous en a
faits les dépositaires et les propagateurs.
La Population et les Loù^ électorales en France de 17'S9à nos jours. Sous ce titre,
M. Meuriot, unissant la statistique à la politique et à l'histoire, nous a fait
suivre l'évolution du principe proclamé en 1780 de la participation de la nation
à la gestion des affaires publiques. L'application n'a pas été sans heurts et si
le droit électoral a trouvé son expression déhnitive dans le suffrage universel.
M. Meuriot démontre, par les exemples les plus probants, que pour l'élection
(les députés, ce droit électoral reste affaibli dans son exercice par l'inégalité
de composition des collèges électoraux. En d'autres termes, le même nombre
d'électeurs n'est pas encore appelé à élire le même nombre de représentants au
Parlement. La question est ouverte depuis plus d'un siècle.
De même qu'il l'avait fait pour l'Empire austro-hongrois, M. CherviiN, dans
/v" \lleniajne de demain, s'est proposé le postulat '( d'examiner, à la clarté de.s
statistiques démographiques olficielles. les courants qui entraînent le peuple
alleuiand, les agitations et les fluctuations qu'ils déterminent dans toutes les
couches sociales . Il faut lire et méditer le lumineux travail de notre ancien
président, qui s'étend sur les quatre royaumes, six grands-duchés, cinq duchés,
sept principautés, trois villes libres constituant l'Empire allemand, fondé en
1871 et momentanéuient sur l'Alsace-Lorraine, d'une population totale ayant
passé de 41 millions d'habitants en 1871, à 65 millions en 1910, dont, pour la
i'i'usse seule, 24.500.000 en 1871 et 40 millions en 1910.
M. ('hervin fait remarquer que sur la rive gauche du Rhin, les cinq régences de
hi Pru<nse Rhénane : Coblentz, Cologne, Dusseldorf. Trêves et Aix-la-Chapelle,
'.^l'oupent \ millions d'habitant^ et la Hesse Rhénane, le Palatinat bavarois et la
principauté de Birkenfeld l.;)7().0O0. Sur la même i-ive, la population de F Alsace-
Lorraine était en 1910 de 1.875.000 habitants. J'appellerai tout particulière-
ment l'attention sur les chapitres consacrés aux populations polonaises sou-
mises à la Prusse : ils ont un intérêt actuel indéniable.
Mes chers Collègues,
Je remercie tous ceux qui ont apporté à notre Société, pendant cette année
1916, le concours dejeur savoir, de leur labeur et de leur assiduité à nos séances
mensuelles.
— 82 —
Avec eux, je réunis dans un même sentiment de gratitude, les collaborateurs
immédiats du président, M. Barriol, secrétaire général, et M. Matrat, tréso-
rier, dont nous ne louerons jamais trop Factivité, l'exactitude et le dévouement.
Mon cher Georges Lévy,
L'Institut, l'École des Sciences politiques, la grande presse ont consacré vos
brillantes qualités d'économiste, d'orateur et d'écrivain. En vous appelant
par l'unanimité de leurs suffrages à la présidence de notre Société, vos collègues
vous ont apporté un nouveau fleuron dont ils savent que vous appréciez tout
le prix. Permettez-moi de rappeler aussi que vous êtes un Parisien de Paris et
de vous confier, à ce titre, pour la Cité maternelle, si grande et si belle dans
ces temps de notre vie nationale, le reconnaissant message de tous ceux qui,
de toutes les régions, viennent s'éclairer à son foyer.
Je déclare installé Icvbureau de la Société de Statistique de Paris pour l'année
1917.
ALLOCUTION DE M. R.-G. LÉVY, PRÉSIDENT POUR 1917
M. R.-G. LÉVY prend place au fauteuil de président et prononce l'-allocution
suivante :
La première pensée (riiu président qui monte au fauteuil se porte tout natu-
rellement vers la belle lignée de ses prédécesseurs qui ont, depuis l'origine, été
à la tête de la Société de Statistique. Notre annuaire m'apprend qu'ils ont été
au nombre de 50, dont 2 présidents d'honneur et 2 honoraires.
J'ignore quelle est la distinction qu'il convient de faire entre ces deux dési-
gnations, je demanderai à mes aînés de m' éclairer sur ce point. Il en est un autre
sur lequel je puis, dès ce soir, renseigner nos collègues, c'est sur l'écart entre le
chiffre des années de notre existence, 57 ans révolus au 31 décembre 1916, et
celui de nos présidents qui, d'après nos règlements, semblerait avoir dû être
identique et même supérieur, c'est-à-dire de 61, puisqu'à quatre reprises
nous avons eu à la fois un président honoris causa et un président effectif.
Cela vient de ce qu'à nos débuts, de 1860 à 1868, Michel Chevalier est resté
neuf ans à notre tête et que son successeur Hippolyte Passy y demeura pen-
dant quatre années, de 1869 à 1872. Les onze années supplémentaires pendant
lesquelles ils ont conservé leurs fonctions nous expliquent la différence entre
61 et 50. Avant que nos statuts, approuvés par décret présidentiel du 25 fé-
vrier 1873, eussent limité à un an la durée de la magistrature suprême, nos
collègues avaient le droit de renouveler le mandat de leur président; ils en ont
usé pour maintenir au principal deux hommes éminents entre tous. A partir
(lu jour où le Conseil d'Etat, dans sa haute sagesse, eut décidé que le ternie de
l'année serait aussi ôelui des honneurs présidentiels, nous avons scrupuleuse-
ment suivi cette règle, qui nous a permis d'appeler à gouverner successivement
nos destinées tant de savants statisticiens, dont 19 sont encore vivants et cons-
tituent l'élément permanent de votre (Conseil au sein duquel ils représentent
la tradition, la fidélité à nos souvenirs, le lien étroit qui chez nous i-àttache
le passé au présent.
Celui à qui je succède a rempli sa tâche avec une autorité et une bonne
grâce auxquelles je suis heureux de rendre hommage en votre nom à tous. Qui
de nous n'a encore présente à la mémoire la belle allocution, vibrante d'un
ardent patriotisme, que M. Malzac prononça à notre séance de rentrée, en
octobre dernier, et dans laquelle, une fois de plus, il afTirmait notre indestruc-
tible conhance dans les destinées d^" la France? En cette circonstance, comme
en toute autre, il a été l'interprète éloquent de nos sentiments communs.
Avant de fermer l'annuaire, j'eus la curiosité de jeter les yeux sur la liste
de nos 'i28 membres d'honneur, iitïdaires, associés et correspondants, groupés
— 38 —
(Taprès la date de leni' admission. J'y constatai qu'il ne nous en reste qu'un
seul de l'année de notre fondation, M. Jules vSerret, membre correspondant
élu en 1860; des sept années suivantes, il ne demeure, hélas ! plus personne.
De 1868, un seul, notre vaillant secrétaire général honoraire, Edmond Flè-
che y; de 1869, (Charles (io.MEi., qui, à le voir encore si énergique et si alerte,
doit avoir été alors le Benjamin des statisticiens. Nouveau vide dans les
quatre années suivantes De 1873, de 1874, nous ne conservons que deux collè-
gues; deux de 1876, un de 1877, un de 1879, un de 1880, deux de 1881. Désor-
uiais, il n'y a plus de lacune dans les millésimes, mais on remarque de curieuses
variations dans le nombre des survivants. Ainsi, il n'en reste que 2 de 1893,
landisquenousen avons I.". de 1882 et 18 de 1894; 3 de 190! et 34 de 1913.
Ce n'est pas une loi mathématique de survie qui peut expliquer ces chiffres. Il
est évident qu'ils sont, en partie du moins, proportionnels aux admissions qui
furent prononcées au cours des années que nous envisageons. Quels sont les
motifs généraux ou particuliers, politiques ou scientifiques, qui ont déterminé
cet empressement plus ou moins grand à grossir les rangs de notre Société? Il
faudrait une analyse pénétrante pour les mettre en lumière. Peut-être l'action
du Bureau, soucieux d'ajouter de nouveaux éléments d'activité à ceux que nous
comptions déjà dans notre sein, a-t-elle pu exercer quelque influence sur notre
recrutement? C'est ainsi qu'il y a vingt-trois ans, un de nos plus actifs collabo-
rateurs, qui s'est fait une spécialité de l'étude des valeurs mobilières, nous
amena, pendant sa présidence, plusieurs des principales banques parisiennes
et de nos grandes compagnies d'assurances.
Mais c'est assez parlé du passé. Aujourd'hui, plus que jamais, c'est vers le
présent, vers l'avenir que nos regards sont tournés et nos efforts tendus. C'est
une souffrance pour nous que de ne pas prendre une part plus active à la lutte
terrible, dans laquelle se joue l'avenir de notre pays. Nous ne saurions nous
consoler de n'être pas au front qu'en employant chaque minute de notre exis-
tence à quelque besogne utile, dont nous puissions penser qu'elle contribue,
au moins indirectement, à maintenir les forces du pays et à préparer le lende-
main. A ce titre, la statistique a un rôle à jouer. Il semble que les événements
actuels aient accentué l'importance du concours qu'elle est appelée ^ fournir
à tous ceux qui, de près ou de loin, s'occupent de la chose publique.
Avant la guerre, elle nous avait renseigné sur la situation de nos ennemis.
Alors qu'une opinion vulgaire, irréfléchie, s'égarait dans la conception d'une
Allemagne pauvre et incapable de supporter l'effort économique d'une cam-
pagne prolongée, nous connaissions la puissance de cet empire qui grandissait
chaque année, dont la production de houille, de fer et d'acier prenait des pro-
portions croissantes, dont le commerce extérieur dépassait le nôtre, sinon par
tête d'habitant, du moins dans son volume total. Ce n'est pas notre faute si
toutes les mesures défensives n'ont pas été prises en tomps utile. Nous ne ces-
sions de signaler la progression rapide et ininterrompue des dépenses militaires
et navales dans les budgets impériaux, jusqu'au jour où. les milliards des impôts
annuels ne lui suffisant plus, l'empereur Guillaume fit voter par le Reichstag
la contribution d'armement extraordinaire destinée à lui fournir les ressources
immédiates qu'il exigeait pour rendre plus formidables encore ses préparatifs
belliqueux. Notre science est donc de celles qui sont au service de la défense
nationale. Elle étend son action bienfaisante sur d'autres domaines.
Un Américain, M. Bai^son, déclarait dernièrement que le véritable remède
aux crises consisterait à peifectionner les méthodes statistiques. 11 proposait
notaEQment qu'au iieu de se borner à publier les chiffres globaux des mouve-
ments de fonds dans les chainbres de compensation, qui sont le baromètre des
affaires aux États-Unis, on subdivisât ces totaux, en indiquant les sommes
qui se réfèrent aux diverses branches de l'activité humaine.
De cette façon, on suivrait les fluctuations qui se produisent dans chacune
— ,34 —
d'elles. Cette connaissance, assure M. Babson, serait aussi utile aux hommes
(TafTaires que celle des wagons non employés l'est aux directeurs de chemins
de fer; celle des ensemencements, da l'aspect des récoltes durant les diverses
saisons, aux agriculteurs. C'est encore un horizon nouveau qui s'ouvre à nos
recherches. Si cette idée pouvait aider au développement des compensations
en France, la statistique aurait, une fois de plus, bien mérité du pays, en contri-
buant indirectement à réaliser cette économie de la monnaie que le ministre
des Finances ne cesse de nous recommander et à l'étude de laquelle nous avons
dtMiiiér'cuient consacré l'uue de nos séances.
iJaiis une page dciucurée célèbre, l"uu de mes plus illustres prédécesseurs à
ce fauteuil, AUVed de Foville, montrait le statisticien de l'avenir installé en
haut de la grande ville, dans une maison qui a des fenêtres ouvertes de tous les
côtés. De là, avec ses instruments, il surveille ce qui se passe d'un horizon à
l'autro : tous les bruits, tous les mouvements, toutes les vibrations de la vaste
usine humaine montent jus(|u'à lui. 11 voit les hommes vivre, naître et mourir.
Il entend le blé pousser, le raisin mûrir le charbon sortir des houillères. 11 voit
les matières premières arriver des extrémités du monde, se transformer sous la
main de Tartisan. Il a la clef des palais et celle des chaumières. Il guette et
signale à temps les disettes, les épidémieS; les crises. Il note le flux et le reflux
de la fortune publique.
Hélas! le statisticien d'aujourd'hui n'est pas dans le templuin serenum si
éloquemment décrit par notre regretté confrère. 11 a besoin de toute sa force
d'âme pour rester calme et pour conserver intactes ses facultés de travail au
jnilieu des tempêtes déchaînées. Et pourtant au milieu du fracas des armes,
nous avons besoin d'être renseignés sur une foule de phénomènes qu'il convient
de noter avec patience el exactitude. Les chiffres du commerce extérieur, tout
en nous révélant la façon dont se font nos approvisionn*^ments, ceux de nos
alliés et de nos ennemis, nous fournissent les données qui sont à la base des
problèmes nés de ces mouvements de marchandises. N'est-il pas nécessaire de
uoter les migrations de l'or, des valeurs mobilières passant d'un pays à l'autre,
pour établir les termes de cette équation des changes; si difficile à résoudre
avec pi'écision.' Les tableaux des naissances, des décès n'ont-ils pas en ce mo-
ment une actualité poignante? L'état des ensemencements, la situation agri-
cole traduite en données numériques ne sont-ils pas des facteurs de première
grandeur dans la lutte qui se poursuit?
De quelque côté que nous tournions nos regards, nous voyons que le travail
ne nous manquera pas et qtie nos efforts ne seront pas vains. C'est là une cons-
tatation réconfortante, à l'heure oii chacun de nous n'a de pensées que pour la
patrie et ne supporterait pas l'idée que son activité ne fût pas dirigée vers un
but d'intérêt général. Le soldat qui fait son devoir sur un champ de bataille,
où des millions d'hommes sont engagés, ne se rend pas toujours compte de la
part qu'il a prise à la victoire. C'est ainsi que lorsque nous poursuivons nos
recherches dans le calme de nos réunions scientifiques, nous sommes parfois
saisis de découragement, ou tout au moins nous sommes tentés de juger insuffi-
sant le concours que nous apportons à la défense du pays.
Eh bien! permettez à votre Président de vous rassurer à cet égard. Notre
œuvre est féconde, non seulement parce qu'elle contribue à maintenir la vie
nationale, mais parce qu'elle est susceptible de préparer les éléments de bien
des décisions que la France devra prendre au lendemain de la paix, d'une paix
glorieu.se et durable, telle que la méritent les incomparables exploits de nos
immortelles armées. En nous plaçant dans cet ordre d'idées, en cherchant à
étudiei- avant tout les problèmes de cette catégorie, nous ferons acte de bons
citoyens. A la première séance de notre Société, le 5 juin 1860, Michel Che-
valier déclarait que la statistique est la meilleure application de la vieille
maxime « Connais-toi toi-même ». J'ajouterai qu'elle est aussi le moyen de
— CÎ5 —
connaître les autres : dans le monde où nous vivons, cette seconde tâche n'est
pas moins importante que la première.
C'est en obéissant à cette double préoccupation que votre Bureau, au seuil
de l'année nouvelle, voudrait établir le programme de nos travaux et dresser
une liste des questions qui lui paraissent de nature à devoir solliciter plus par-
ticnlièrement votre attention et mériter les honneurs d'une discussion appro-
fondie. C'est votre précieuse collaboration, mes chers Collègues, qui, seule,
nons permettra d'accomplir cette tâche délicate. Peut-être me permettrez-vous
de vous signaler dès aujourd'hui quelques-uns des sujets vers lesquels nous
pourrions, me semble-t-il, diriger utilement nos recherches.
A la séance de novembre 1915, notre vice-président Eugène d'Eichthal nous
fit. vous vous en souvenez, une remarquable communication sur la valeur so-
ciale des individus au point de vue économique. La discussion se poursuivit à
la séance de décembre: plusieurs orateurs prirent la parole, et le Président, en
clôturant la discussion, déclara que le sujet lui paraissait loin d'être épuisé.
Je suis de cet avis. La guerre donne à la question une actualité saisissante. Au
mois de janvier 1916, elle a été à l'ordre du jour de la Société royale de Statis-
tique de Londres, devant qui elle a été traitée par M. Harold Boag, qui l'exa-
minait à un double point de vue • " Faut-il, se demandait-il, inscrire dans le
compte du coût de la guerre la diminution de capital due à la perte des vies
humaines? et, en cas d'affirmative, sur quelle base convient-il de calculer la
valeur de ce capital? » Dans sa réponse, il citait le mot admirable et si profond
de RusKi>- : « There is no wealth but life, life indiiding ail ils powers of love, of
joy, and of admiration (La seule richesse est la vie, la vie, avec toute sa puis-
sance d'amour, de joie et d'admiration).
Ni l'amour, ni la joie, ni l'admiration ne se traduisent en chiffres statistiques,
mais d'autres éléments de cette valeur peuvent être mesurés. Adam Smith
éhumérait, parmi les quatre formes que revêtent les capitaux fixes, les aptitudes
acquises et profitables (acquired and useful abilities). L'étude, l'éducation, l'ap-
prentissage qui développent ces aptitudes représentent une dépense. Ces talents
font partie de la fortune individuelle et, par conséquent, de celle de la nation à
laquelle l'individu appartient. .John Stuart Mill ne classe pas l'homme lui-
même parmi les éléments de la richesse; mais il y comprend les capacités de
l'homme, qui ont été produites par le travail et qu^ sont des moyens d'acquérir
la richesse.
Au point de vue du calcul de la valeur économique de la vie humaine, deux
méthodes principales ont été adoptées, celle qui se base sur le coût dans le
passé, celle qui escompte le futur rendement : les actuaires appellent la pr'^mière
la méthode rétrospective et l'autre la méthode prospective.
A la fin du dix-septième siècle. Sir William Petty, dans son arithmétique po-
litique, cherchait déjà à établir des règles pour estimer la valeur de chaque habi-
tant de l'Angleterre. Il partait, à cet efîet, du total des dépenses annuelles effec-
tuées par eux, en déduisait la rente foncière, le produit des récoltes, et concluait
que la différence est produite par le travail. Cette somme capitalisée et divisée
par le nombre des habitants pouvait représenter la valeur moyenne de chacun
d'eux. Je n'entrerai pas dans la discussion du problème. J'espère en avoir assez
dit pour en montrer la portée. J'exprime le vœu que nos confrères y prêtent
leur attention et que l'un d'eux veuille bien se charger, à l'une de nos prochaines
séances, d'en saisir à nouveau la Société.
Les questions relatives à la population me paraissent d'ailleurs offrir, à
l'heure présente, un intérêt particulier. Tel est, à coup sûr, l'avis de notre
sœur, la Société royale de Statistique de Londres, dont beaucoup de séances
récentes ont été consacrées à des discussions se rattachant à ce problème : taux
des naissances et des décès dans le Royaume-Uni, répartition de la population
selon ses occupations, calculs relatifs à la population future de l'Empire britan-
nique, détermination de l'âge des jeunes enfants dans un recensement, méthode
— 36 —
rapide pour calculer l'âge moyen, loi normale du progrès appliquée au nombre
d'habitants d'un pays. Au mois de février dernier, le major Léonard Darwix
réclamait les enquêtes statistiques nécessaires après la guerre au point de vue
de l'eugénique, et posait à ce sujet les (pieslions siii\aiiles : Dans quelle me-
sure la nation aura-t-elle soulîert au point do \iie de la jace.' Dans quelle
mesm-e cette atteinte se iei-a-t-elle sentir chez les générations à venir? De
quelle façon ce tort fait à la race {racial damage) aiïectera-t-il la nation? Quels
remèdes peut-on y apporter? Voilà de bien graves et troublantes interrogations,
qu'il faut ax'oir le courage de formuler de ce côté-ci de la Manche comme de
l'antre.
Les sujets naissent, pour ainsi dire, chaque jour sous nos pas. A l'intérieur
de nos frontières, dans nos colonies, dans l'Alsace-Lorraine, oîi nos troupes
forment l'avant-garde d'un peuple impatient de retrouver ses frères, chez nos
alliés, chez les neutres, chez nos ennemis même, dont il nous importe de connaître
la force et les faiblesses, mille problèmes se posent qui ne peuvent se résoudr»^
qu'à l'aide des documents irréfutables fournis par les statistiques. Mais gardons-
nous d'oublier que celles-ci n'ont de valeur que si elles sont établies d'après un
plan scientifique et à l'aide d'éléments inattaquables. La détermination des
méthodes doit être le premier soin, la critique des sources, le second du statis-
ticien digne de ce nom. (^es principes n'ont jamais cessé d'être en honneur
dans l'école française, à laquelle notre Société s'est toujours fidèlement atta-
chée. Nous le proclamons aujourd'hui avec autant de fermeté* que le faisait,
il y a cinquante-sept ans, notre premier président dont j'évoquais tout à
l'heure la grande figure.
(yest avec une pleine conliance dans le résultat de nos efforts communs que
j'aborde l'année nouvelle et que je déclaré ouverte la session de 1917.
ADOPTION DU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DJ 15 NOVEMBRE 1916
M. le Président met aux voix le procès-verbal de la séance du 15 novembre
inséré dans le journal de décembre.
Ce procès-verbal est adopté sans observations.
M. le Président fait connaître ensuite que les circonstances ont retardé l'appa-
rition du numéro de janvier du Journal de la Société.
Le procès-verbal de la séance de décembre ne pourra par suite être soumis
à l'approbation de la Société que dans la séance de février'.
NÉCROLOGIE
M. le Pj-ésidenl fait part à la Société du nouveau deuil qui xient de fra])per
M. Kkm)U, secrétaire général de la Compagnie des agents de change. M. Rendu
avait déjà perdu un iils en 1915, Gaston Rendu, tué aux Eparges; son dernier
lils, Georges Rendu, lieutenant do-spahis, ^•ient de li'oux-er au Maroc une mort
glorieuse.
Le Conseil de la Société a prié M. le Secrétaire général de se faire auprès
do M. Rendu riidtM'prète d(>s sentiments de condoléances de ses collègues.
DISTINCTIONS HONORIFIQUES
M. le Président fait part de la nojuination de M. Eugène d'Eichthal, vice-
président de la Société, à la présidence do l'Académie des Sciences morales et
politiques.
Il annoru;o en outre (jue M. Poussin, mombi'o agrégé iU' l'Institut des
Actuaires français, directeur des Services financiers do la Brazil Raiiway Com-
pany, vient d'être fait chevalier de la Léoion d'honneui', avcM' le motif sui-
vant :
" Poussin (René-Constant), capitaine lei-ritorial au I 1*^ régiment de génie,
— 37 —
compagnie 21/1. C'.oininande une compagnie divisionuciin' d'une façon parfaite,
donnant à ses siilioi'donués le plus bel exemple de zèle et de dévouement. ■'
NOMINATION ET PRÉSENTATION DE MEMBRES TITULAIRES
AI. le Président met aux voix les candidatures de MAI. Richard Blocu, chel
de l'Exploitation de la Compagnie d'Orléans, Boisse de Black, ancien élève
de l'École polytechnique, et Courtray, inspecteur de.s Finances, chef du
Service des Retraites des Chemins de fer de l'Etat, présentés dans la séance
du 20 décembre.
Ces candidatures sont acceptées à l'unanimité et AlAJ. Bloch, Boisse de
Black et Courtray sont nommés membres titulaires. Al. le Président annonce
qu'il a reçu la demande d'admission de Al. Gatine, inspecteur général des
Finances, présenté par AlAI. Fernand Faure et Colson. ' Conformément à
l'usage, il sera statué sur cette demande à la pi-ochaine séance.
COMMUNICATION DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET PRÉSENTATION D'OUVRAGES
Al. le Secrétaire général annonce qu'il a rem pour 1m Société un certain nombre
d'ouvrages, parmi lesquels il cite :
France. — Statistique agricole annuelle pour 1914.
Statistique sanitaire de la France. Communes de moins de 5.()(H) habi-
tants et France entière. 1913.
Travaux des commissions mixtes départementales pour le maintien
du travail national. Année 1915.
Australie. — Annuaire officiel de statistique de la Confédération australienne
pour la période 1901 à I91ô pt statistiqups corriçrées pour la ])ériode
de 1788 à 190().
SrÈDE. — StativStique des décès pour 1912.
Rapports aruiuels des gouverneurs sur les récoltes pour 1913.
Statistique annuelle du mouvement de la population en 1913.
Russie. — Commerce extérieur de la Russie par la frontière d'Europe. 1^"' jan-
vier-l^r octobre 1916.
AI. le Secrétaire général fait une mention particulière du cinquième volume
des Rapports et procès-verbaux d' étiquetes de la Commission instituée en vue de
constater les actes commis par Venjiemi en violation du droit des gens, Commission
qui est présidée par notre ancien Président, AI. Payelle.
COMMUNICATION DE M. P. MEURIOT : LA POPULATION DE LANGUE CELTIQUE
DANS LES ILES BRITANNIQUES >•
Comme notre ^'ieille Armorique, les lies Britanniques gardent encore une
portion notable de population parlant le celte. En Angleterre, la langue cel-
tique n'est plus représentée que dans le seul comté de Alonmouth et par une
fraction inférieure de la population (1.500 habitants) au lieu de près de 10. 000
en 1891. Alais le pays de Galles compte encore aujourd'hui près de 190.000
habitants parlant exclusivement le celte {exclusive welsh speakers): leur total
a sans doute beaucoup baissé" depuis 1891, date à laquelle cette catégorie de la
population était de 520.000 âmes; mais, en revanche, l'efîectif des bilingues
a beaucoup augmenté : de 417.000 en 1891, il s'est élevé à 787.000 en 1911.
La population de langue celtique domine surtout dans l'ouest, notamment
dans le Cardigan et l'île d'Anglesey.
En Ecosse, les gaelic speakers ont beaucoup décru: ils n'étaient plus en 1911
que 18.400 au lieu de 44.000 en 1891, mais le total des bilingues était encore
important, plus de 180.000. C'est dans les Hautes Terres et surtout à l'ouest
qu'est concentrée la population de langue celtique, spécialement dans la partie
— rW —
insulaire des comtés d'inverness, Siitherland et Koss. Cette popidation diminue
évidemment par Témigration; toutefois, la proportion des habitants ne parlant
que l'anglais n'y dépasse pas 10%.
En Irlande, il n'y avait plus en 1911 que 17.000 habitants ne parlant que le
celte, au lieu de O^i.OOO en 1881 et 163.000 en 1861. Mais à l'inverse du pays
de Galles, l'Irlande a vu fortement décroître le total des bilingues: de 885.000 en
1881, ils n'étaient plus que 565.00(1 en 1911. La population de langue celtique
se trouve surtout à l'ouest de l'île, dans l'IHster et encore plus dans le Con-
naught. Dans l'ensemble de ces deux provinces, les habitants de langue
celtique (c.rdusii'e irish speakers et bilingues) forment le tiers de la population
totale, tandis que cette population n'est que de 2% dans la partie orientale
de l'ile (Leicester et Munstei-).
En résumé, la population parlant le celte dans le Hoyaume-rni est de
1.760.000 habitants dont 225.000 ne connaissant pas d'autre langue. Cette popu-
lation, répandue ilii pays de (ialles à travers l'Irlande et au nord de l'Ecosse,
forme le reJlic bell, la ceinture celtique qui seud)le enserrer l'Angleterre. Et
cela n'est point qu'un phénomène linguistique, car à l'opposition des langues
se joint celle de la religion et des idées politiques; aussi, la langue celtique vien-
drait-elle à disparaître que le celtic belt n'en gardera pas moins son origina-
lité dans l'Angleterre contemporaine.
M. le Président remercie M. P. Meuriot de sa très intéressante communication.
M. d'Eichthal fait observer que la constatation des faits qui servent de
base aux statistiques produites paraît assez délicate; il serait intéressant de
savoir si l'on ne demande aux intéressés qu'une simple déclaration ou si l'on
vérifie de quelque façon s'ils parlent effectivement et de manière courante la
langue qu'ils disent connaître.
M. Cadoux appelle l'attention de ses collègues sur le problème ethnogra-
phique qui se juxtapose à la question linguistique traitée par M. Meuriot. Le
type celte a persisté en Grande-Bretagne (là même où la langue celtique a
disparu) et avec lui le caractère spécial des Celtes, où l'on retrouve tant de
nobles qualités, le goût de l'énergie et un esprit d'association très développé,
qui fait contraste avec l'individualisme anglo-saxon, un très vif sentiment de
l'honneur entin, qui a notamment permis d'organiser en Irlande un fort inté-
ressant système d'avances aux paysans.
La séance est levée à 19 heures.
Le Secrétaire général,
A. I>AKR1()I..
Le Président,
Raphaël-Georges Lévv.
II
LE
DÉFICIT DK LA POPULATION DANS LES KÉGIONS MONTAGNEUSES
L'héroïque effort dans lequel les nations civilisées réunissent des millions
d'hommes et des milliards de francs, pour la victoire certaine contre l'agression
froidement préméditée d'une barbarie déguisée en Kullur, attire sérieusement
l'attention publique sur le déficit de la population française.
La population de la France n'a pas continué son accroissement normal
pendant que doid^lait celle de l'Allemagne, que celles de l'Angleterre et de la
Belgique augmentaient dans une proportion plus considérable encore; sa
progression de plus en plus lente est maintenant nulle, et l'immense péril de
- âît -
la dépopulation, depuis longtemps signalé par de savants auteurs (i), a fait
instituer par décret du 5 novembre 1912 une commission extraparlementaire,'
chargée d'étudier toutes les questions nationales, sociales, fiscales, relatives
à la dépopulation de la France et de rechercher les moyens d'y remédier.
Tous les auteurs comme tous les rapporteurs ont indiqué, à côté d'une cause
générale qui est l'insuffisance de la natalité, un assez grand nombre de causes
particulières ou locales.
Parmi les causes particulières de la dépopulation, il en est une qui mérite
une attention toute spéciale, car elle s'étend à plus de la moitié des départe-
ments français : c'est l'exode des montagnards, qui doit être l'objet spécial
de cette étude.
L'exode des montagnards, plus désastreux encore que la désertion des
campagnes, draine dans de vastes régions au climat sévère ime population
robuste, façonnée par l'atavisme à leurs conditions d'existence, qui les quitte
avec regret et n'y pourra jamais être remplacée.
Il a été trop souvent considéré comme un simple déplacement d'habitants,
et l'opinion publique semble avoir été peu frappée de son influence sur la
dépopulation générale. Cette influence est pourtant considérable: car les
montagnards, attirés par l'appât de salaires élevés dans les villes, où L'obligation
de tout acheter, jusqu'à l'eau, rend l'existence bien plus onéreuse, y deviennent
rapidement la proie de la misère et de toutes les épidémies contre lesquelles
l'air pur des montagnes ne les a pas mithridatisés (2). Tous ne limitent pas
d'ailleurs leur exode au territoire national; beaucoup quittent la France, et
les 1.618 habitants émigrés à l'étranger pendant l'année 1881 du seul départe-
ment des Basses-Pyrénées suffisent à montrer la grande part que l'expatriation
tient dans cet exode.
Si nuisible déjà par lui-même, l'exode des montagnards a généralement
masqué la dépopulation réelle de maint département, où le nombre total des
habit-ants augmentait facticement par l'immigration des montagnards, pendant
que leur population sédentaire, celle des autochtones, diminuait considérable-
ment. Les administrateurs des départements riches, ainsi repeuplés aux dépens
des régions montagneuses, pouvaient croire que tout était pour le mieux dans
le meilleur des mondes; et ceux des départements montagneux fermaient les
yeux sur leur dépopulation, en se figurant que c'était un simple déplacement.
L'industrie et le commerce de la France, toujours en quête de débouchés
lointains pour leurs produits, ont gravement à souffrir du dépeuplement des
montagnes. Si la population française avait doublé depuis 1846, comme ont
fait celles de l'Angleterre, de la Belgique et de l'Allemagne, la consommation
intérieure serait deux fois plus considérable, et la construction des bâtiments
nécessaires pour loger quarante millions d'habitants supplémentaires aurait
accru dans une proportion semblable le débouché intérieur de nos industries.
Mais, pour elles aussi, l'immigration des montagnards a masqué la diminution
(1) Paul Leroy-Beal i.iEi. La Question de la Population. Paris, 1913, Librairie Alcan ;
Jacques Bertileon, La Dépopulation de la France. Paris, 1911. Librairie Alcan;
Georges Rossignol, Un Pays de Célibataires et de Fils uniques. Librairie Delagrave.
(2) Cheysson, L'Invasion de la Misère provinciale à Paris [Bulletin de l'Office central des
Œuvres de bienfaisance, 1904).
— 4-0 —
de ]a population sédentaire dans les départements riches, et la facilité tem-
poraire de recruter leur personnel ouvrier parmi les montagnards déracinés
les aveuglait sur les périls inhérents à l'oubli de la repopulation.
Pour être à même d'analyser partout la cause de cet exode montagnard
et d'y (chercher des remèdes, il convient d'apprécier son importance générale
et de préciser la mesure dans laquelle se sont dépeuplées les circonscriptions
montagneuses.
ÉVALUATION DU DÉFICIT
Un examen d'ensemble a montré que la population des montagnes avait
augmenté depuis 1801 jusqu'en 1846, et qu'elle avait diminué depuis (1). Une
première évaluation de son déficit par département l'a fait ressortir à environ
4 millions d'habitants (2), mais elle était au-dessous de la réalité, parce que
le dépeuplement de certains arrondissements s'y trouve masqué par l'immigra-
tion des montagnards dans d'autres parties du département auquel ils appar-
tiennent, et, dans ces conditions, il convient de calculer à nouveau le déficit
par arrondissement.
Cent quarante-huit arrondissements montagneux, dont la population s'était
élevée de 9.644.198 habitants en 1801, à 11.830.171 en 1846, ne possédaient
plus que 9.758.910 habitants en 1911. Dans chacun d'eux la population avait
augmenté pendant la première période de quarante-cinq ans, puis diminué
pendant la seconde période de soixante-cinq ans. La diminution correspondant
à la seconde période est d'ailleurs loin de représenter le déficit de leur population
en 1911, car l'accroissement de la population constaté pendant les quarante-cinq
premières années aurait normalement dtà continuer pendant les soixante-
cinq années suivantes. On a donc calculé, par arrondissement comme il avait
été fait précédemment par département, la population normale de 1911, en
ajoutant à la population réelle de 1846 les soixante-cinq quarante-cinquièmes
(65/45) de l'augmentation réalisée pendant la période 1801-1846, puis on a
retranché la population réelle en 1911 de cette population normale pour
obtenir le chiffre du déficit.
Ce déficit, dont le détail présenté dans les tableaux annexés fait ressortir
l'ensemble à 5.228.777 habitants, est supérieur au triple de la population que
le démembrement de FAlsace-Lorraine avait enlevée à la France.
On trouverait pour ce déficit un chifîre bien plus considérable, dépassant
12 millions d'habitants, si l'on se conformait à l'usage courant en appliquant
à la population de 1846 le taux d'accroissement des pays voisins dont le nombre
d'habitants a doublé depuis cette époque. Mais, pour éviter toute crainte
d'exagération, on s'est contenté d'attribuer à chaque circonscription le taux
d'accroissement qu'elle avait déjà réalisé, en ne tenant compte que des arron-
dissements dont la population avait augmenté pendant la première période
et diminué pendant la seconde.
(1) Paul Descomues, La Défense forestière et pastorale. Paris. 1911, Gauthier- Villars, édi-
tHlIV.
(2) Le DéhoisemetU, la Dépopulation et la Défense nationale {Revue Philomatique de
Bordeaiux H du Sud-Ouest, janv.-févr. 1915).
— 41 —
DEFICIT DE LA POPULATION DAÎs^S 148 ARRONDISSEMENTS DES REGIONS MONTAGNEUSES
DEPARTEMENTS
(IJ
ARRO-NDISSEMENTs
l'OPL I.ATIO.X
1801 I 1846
(J) (i)
ADGMKMATION
-'5)
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15.497! 22.384
10. 900 I 15.744
36.009 .52.004
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F,N 1911
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RÉGIONS DIVERSES (69 arrondissements)
AnlcinH'>
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2.071.261
Ce déficit d'habitants, d'^ni révaluation la plus modérée surpasse la popu-
lation totale de plus de trente départements inoutagneux. doit attirer la plus
sérieuse attention, et l'on ne saurait attendre pour y remédier que soient
résolus tous les délicats problèmes que l'alcoolisme, les maladies contagieuses
et le malthusianisme soulèveul pour le relèvement do la natalité.
CAUSES DE L'EXODE MONTAGNARD
L'exode des montagnards français ne peut être expliqué par le seul efïet
de la nature montagneuse du sol; car la Suisse, couverte de montagnes dans
toute son étendue, a vu sa population augmenter de plus de moitié (1) pendant
(1) La Suisse avait 2.393.000 habitants en 18.51 et 3.742. OUO en 1911. Augmentation
de 58,8 %.
_ u -
que se dépeuplaient les hautes vallées de notre pays. Mais la prospérité fores-
tière et pastorale de la Suisse est restée pour ses montagnards une source de
richesses toujours croissante, qui contraste de frappante façon avec la dénu-
dation des montagnes françaises, devenues incapables de nourrir les troupeaux
dont les habitants tirent leurs principaux éléments d'existence.
Les montagnards français, que la dénudation de leur sol obligeait à réduire
le bétail dont ils vivent (1), ont accéléré partout le mouvement d'émigration
dont le préfet des Basses-Alpes montrait Forigine il y a plus d'un demi-siècle :
« Il est certain, disait-il, que le sol productif des Alpes diminue chaque jour
avec une effroyable rapidité, emporté par le flot sans cesse croissant des tor-
rents... En 1852 j'ai dû signaler que la population du département avait dimi-
nué de 5.000 habitants. Les maires auxquels j'ai demandé la cause de cette
diminution ont été unanimes à reconnaître qu'elle provenait de l'émigration
des familles de cultivateurs, qui ne trouvent plus de moyens d'existence là où
leurs pères avaient autrefois l'aisance (2). »
(1) Pendant que l'augmentation du troupeau national était une des caractéristiques du
)irogrès agricole, la décadence pastorale s'est manifestée dans beaucoup de départements
montagneux par un(! diminution du cheptel.
D'après les statistiques publiées par le ministère de l'Agriculture, dont la comparaison
s'opère généralement en employant comme unité d'équivalence la baccade (une tête de
gros bétail ou dix têtes de petit bétail) pour tenir compte de la substitution désirable du
gros bétail au petit, pendant la période 1852-1908 le troupeau national s'est accru dans son
ensemble de 17^8 %, savoir :
1852 1908
KraiiLC oMiièri' Nom lui' s,\omliro X'omlirr \oiiil)ri'
.10 df df de
tùlc's liaeoades irti's |]:iccad«'s
Chevalins .... ' 2.866.054 2.866.054 3.215.650 3.215.650
Bovidés 10.093.737 10.093.737 14.239.730 14.239.730
Ovins 33.283.592 3.328.359 17.456.380 1.745.63S
Caprins 1.337.940 133.794 1.424.870 142.487
Totaux . . . 47.581.323 16.421.944 36.336.630 19.343.505
Augmentation 17,8 % 2.921.561
19.343.505
Sans recourir au même genre de comparaison pour chiffrer dans chaque département
montagneux les changements apportés pendant cette période à l'ensemble de son bétail,
il suffira de mentionner ici le nombre successif des bovidés et des ovins dans quelques-uns
des déparlcmenls où le gros el le pciit bélail ojiL diniinur siniultaiiémcnt :
.\oiubri
1908
■ d'exist(
Mues
lli''lKirh-Mi.iilN
1852
llovid.s
Ovins
^ 1852 ^
1908
Basses-Alpes. . . .
Cautal
Pyrénées-Orientales.
10.894
281 .65'.
25.4^7
6 . 040
233.770
20.590
404.845
617.52S
413. 73S
28().20(l
242.320
203.860
(2) MoIjOIN, (j/viuIs Travaux ru nni/ild^nr i('oii;;rrs j<ircsti<T nilrmalinndl. |>ag(' 035)
Paris, 1913, Touring-Club de France.
- 4ô -
La cause du mal est depuis longtemps connue^ et le mal grandit au lieu de
se restreindre (1).
Le remède est également connu; il suffit de l'appliquer résolument.
L'amélioration pastorale et le reboisement, ces deux bases essentielles de la
prospérité alpestre, fixeront à la montagne sa terre et sa population dès qu'on
leur donnera le développement nécessaire. L'arsenal législatif est largement
approvisionné pour ce résultat (2); tous les problèmes techniques ont été
résolus par l'Administration forestière, dont les admirables reboisements servent
d'exemple à toutes les nations; les difficultés transitoires qui suscitaient l'op-
position des populations sont aujourd'hui surmontées (3), depuis que des leçons
de choses dues aux initiatives désintéressées (4), dont l'Italie prépare déjà
l'imitation dans l'Apennin (5), transforment les montagnards en amis de l'arbre ;
et, s'il était besoin de quelques lois complémentaires pour en accélérer l'effet,
leurs textes sont déjà préparés ot publiés (6).
CONCLUSION
L'exode des montagnards est une cause particulière de la dépopulation;
elle sévit depuis le milieu du dix-neuvième siècle, et le déficit de plus de 5 mil-
lions d'habitants résultant de cette seule cause dépasse la population totale
de trente départements montagneux.
La source du mal est connue, ainsi que les remèdes qui lui peuvent être
apportés. La France possède les lois nécessaires pour y remédier, et les moyens
pratiques d'appliquer ces lois ont tous été contrôlés par l'expérience. Il suffît
d'un vigoureux effort pour faire disparaître cette cause de la dépopulation, et
l'ajournement de cet effort serait le comble de l'imprévoyance.
Paul Descombes,
Ingénieur, Directeur honoraire des Manufactures de l'État.
(1) Cardot, Manuel de l'Arbre. Paris, 1907, Touring-Chib de France.
(2) Le IDépeupletnent des Montagnes et la Défense nationale (Revue politique et parlemen-
taire, septembre 1916).
(3> Paul Descombes. L'Évolution de la Politique forestière. Paris, 1914, Berger-Levrault,
éditeurs.
(4) Ces leçons de clioses sont organisées depuis 1904 sur des milliers d'hectares affermés
par l'Association centrale pour l'Aménagement des montagnes, reconnue d'utilité publique
le 30 juillet 1914, qui a son siège à Bordeaux, 142, rue de Pessac. ,^
(5) Peroxa, UOpera délia Association centrale pour l'Aménagement des montagnes
(Rivista forestole italiana « VAlpe », anno XI, 9-12). Traduction française dans Pins et Ré-
sineux. Journal, Bordeaux, 5 avril 1914.
(6) Éléments de Sylvonomie. Bordeaux, 1913. Imprimerie Gounouilhou.
1'* (ÉHiK. 58* vol.. N« 2
- 46 -
III
ÉTUDE STATISTIQUE SUR LE CHANGE EN ESPAGNE EN 1916
L'année 1916 a été signalée par une nouvelle baisse du cours du change
étranger en Espagne. C'est une conséquence du désarroi économique causé
par la guerre européenne, et qui s'explique facilement.
Depuis la fin de l'année 1914, l'Espagne a vu diminuer à "vue d'œil ses
importations et augmenter ses exportations : nous croyons pouvoir évaluer
à 600 millions environ la différence visible entre ces deux chapitres poui-
l'année 1916, mais cette somme est au-dessous de la réalité, car elle a pour
point de départ les valeurs arbitrées par la Douane en 1913, et on sait bien
l'ampleur de la hausse subie depuis cette époque par la plupart des produits
du sol et de l'industrie.
En supposant une hausse moyenne de 20 % sur l'ensemble de ce commerce,
nous arrivons à un solde de 720 millions, mais ce n'est pas tout, L'Espagne
ne vend pas seulement des marchandises, elle vend aussi du fret, et aux prix
actuels de celui-ci ce chapitre représente une somme très considérable, dont
les tableaux du commerce extérieur ne peuvent pas tenir compte; si nous
l'évaluons, modestement, à 40 millions, nous arrivons à un chiffre minimum
de 760 millions, dont une partie ne donne pas lieu à remboursement, mais il
en reste encore assez pour que l'Espagne soit créancière de l'étranger et cela
suffit à expliquer la supériorité de son change
La plus grande partie de ce courant d'exportations a pris, comme d'habi-
tude, le chemin de l'Angleterre et de la France, mais il a été sollicité aussi
par d'autres marchés, quelques-uns nouveaux. Ce fait a son importance au
point de vue qui nous occupe, car une grande partie des paiements effectués
de ce chef a eu lieu par l'intermédiaire de Londres et de Paris. L'envoi de
juétaux précieux a été pratiqué en grande échelle, car l'Espagne a importé
en 1916 plus de 300 millions d'or en barres ou monnayé, mais cela n'a pas
suffi pour sauver la situation. En 1915, la compensation des dettes envers
l'Espagne était favorisée parce que celle-ci acheta de grandes quantités de
blé, de coton et de maïs, mais ce fait ne s'est pas reproduit en 1916, d'où une
nouvelle avance de 80 millions au profit de l'Espagne.
Dans ces conditions il ne faut pas être surpris que le change étranger, en
général, ait été maltraité en 1916. Le papier sur Londres a été moins attein'
que le papier sur Paris, mais nous croyons pouvoir attribuer cette fermeté
relative à ce que la Grande-Bretagne exporte, proportionnellement, en Espagne
beaucoup plus que la France et à ce qu'elle a pu lui fournir de grandes quan-
tités de métal jaune.
Quoi qu'il en soit, le change anglais a perdu assez de terrain en 1916, comme
on peut le voir par les deux tableaux ci-après :
47
Fapici 8ur Luadre^
Plus haut Plus bas
Janvier
Février
Mars '.
Avril
Mai
Juin .' .
JuiUet
Août
Septembre
Octobre
Novembre
Décembre
Moyeane de lyiG
Moyenne de 1915
Janvier
Février
Mars
Avril
Mai
Juin
JuiUet
\oût
Septembre
Octobre
Novembre
Décenibie
Moyenne de 191<J
Moyenne de 1915
25,11
24,97
25,13
25,05
25,08
24,62
24,77
24,20
24,48
23,76
23,75
22,99
23,73
23,39
23,75
23,44
23,84
23,62
27,57
23,41
23,39
22,98
23,10
21,98
24
24,95
Papier sur Paris
Plus haut P(us bjs
90,00
89,75
88,97
86,95
87,eô
84,62
85 , 03
84,45
85,50
85,70
84,20
82,60
89,50
89,15
86,00
84,92
84,30
81,99
83,05
83,05
84,31
84,05
82,35
78,80
85,55
94,08
II serait intéressant de préciser le montant de notre découvert : niarcban-
dises, frets et autres niolit's de remises à faire en Espagne. Sauf erreur, nous
ne croyons pas ((u'il soil inl'érieur à 300 millions, environ 800.000 francs par
jour.
Il y a bien les placements espagnols en valeurs françaises, mais présente^
ment ils ne sont pas assez élevés pour faire sentir leur poids dans la balance,
et il en est de même des autres sources de compensation.
Nous serons bien aise que nos lecteurs trouvent quelque intérêt à la lecture
de ces lignes, daus lesquelles nous avons essayé de résumer nos observations
sui une question de statistique intéressante au premier clief pour notre pays.
Vndré Barthk
- 48 -
IV
CHRONIQUE DE DÉMOGRAPHIE
RECENSEMENT DE 1916 AU DANEMARK
Le l«r février 1916 on a procédé au recensement quinquennal de la population
dans le royaume de Danemark. Les résultats provisoires de cette opération ont été
publiés dans le Sîatistiske Efterretninger ; voici quelques chiffres comparés à ceux des
recensements précédents :
F'opulatiou au i" février
1916 1911 1906
Copenhague et Frederiksberg. 605.772 559.398 514.134
Villes de province 604.203 550.328 509.200
Districts ruraux 1.711.387 1.647.350 1,565.585
Population totale. ... "2.921.362 2.757.076 2.588.919
L'augmentation totale, en cinq ans, est de 164.286 habitants, soit 5,95 o/^.
La population se répartit comme suit suivant le sexe :
Hommes Femmes Hnœmeis pour l.Aftt feuiue^
1916 1916 1916 1911
Copenhague et Frederiksberg. . 273.121 332.651 451 448
Villes de province 285.224 318.979 470 472
Districts ruraux 857.477 853.910 501 503
Ensemble 1.415.822 1.505.540 484,6 485,3
La proportion des femmes pour 1.000 hommes s'est abaissée de 491 en 1880 à 487
en 1901 et 484,6 en 1916. De 1911 à 1916 la proportion des femmes s'est légèrement
accrue dans la capitale et a diminué dans le reste du pays.
LES ANTILLES DANOISES
Après un référendum favorable, le Parlement danois vient de ratifier la vente
des Antilles danoises aux Etats-Unis.
C'est en 1671 que la Compagnie danoise de la Guinée et des Indes occidentales
reçut du roi Christian \^^ l'île Saint-Thomas achetée à l'Angleterre. Elle acquit
ultérieurement l'Ile Saint-Jean et l'île Sainte-Croix. Ces trois îles font partie du
groupe des îles Vierges et sont situées à l'est de Porto- Rico, au point de croisement
de plusieurs grandes routes maritimes. Dès le début du dix-huitième siècle, l'excel-
lent port de Saint-Thomas était l'un des plus fréquentés des AntilU's; devenu port
franc en 1764, il connut une période d'exceptionnelle prospérité. Eu ISOl, lf\s Antilh'S
danoises tombèrent au pouvoir des Anglais qui les restituèrent au Danemark en
1814. En 1867, un premier projet d'achat par les Etats-Unis n(î put aboutir.
Les trois îles qui vont passer sous la domination des Etats-Unis ont une super-
ficie totale de 359 kilomètres carrés; dont 218 pour Sainte-Croix, 'f^^ pour Saint-
Thomas et 95 pour Saint-Jean.
La population totale, qui atteignait près de 41.000 habitants au milieu du siècle
dernier, est tombée à 27.000 en 1911, la diminution portant surtout sur les îles Sainte-
Croix et Saint- Jean, comme on le voit d'après les chiffres ci-dessous; la population
de Saint-Thomas, grâce à l'activité du poit. n'a décru pendant la même période que
de 12.800 A 10.700 habitants.
- 49 -
Population des Antilles danoises.
Ensemble Sainte-Croii Saint-Thomaf Saint-Jean
1911 27.086 15.467 10.678 941
1901. 30.527 18.590 11.012 925
1880 33.763 18.430 14.389 944
1860 38.231 23.194 13.463 1.574
1841 40.955 25.624 12.776 2.555
L'ile Sainte-Croix Lompte doux villes : Kristiansted (4.592 habitants en 1911) et
Frederiksted (3.203 habitants): Charlotte-AméUe, port et capitale de l'île Saint-
Thomas, comptait 10.000 habitants en 1841 et seulement 8.247 en 1911.
D'après les résultats du recensement du 1^^ février 1911, la population totale des
Antilles danoises comprenait 27.086 habitants, dont 12.508 du sexe mascuhn, 14.578
du sexe féminin, soit 462 hommes et 538 femmes sur 1.000 personnes. Dans la ville
de Charlotte-Amélie, la proportion des hommes est beaucoup plus faible : 398 sur
1.000.
Cette population st» répartit comme suit, d'après le Heu de naissance :
Total Hommot Feoimei
Nés aux Antilles danoises 21.198 9.223 11.975
Nés dans les autres Antilles. ... 5.166 2.763 2.403
Nés aux États-Unis 82 41 41
Nés ailleurs en Amérique 32 16 16
Nés au Danemark 373 300 73
Nés ailleurs en Europe 151 90 61
Nés aiUeurs 84 75 9
Total 27.086 12.508 14.578
La répartition suivant la religion fournit les résultats ci-après ; anglicans, 9.050;
catholiques romains, 7.369: frères moraves, 5.543; luthériens. 3,206; autres. 1.918.
POPULATION DE LA GRÈCE
Les opérations de la guerre européenne et les événements mtérieurs qu'elles ont
provoqués en Grèce ont eu pour effet de diviser le pays en trois zones, dont il n'est
pas sans intérêt d'évaluer la population. Cette évaluation ne peut être que très
approximative, en raison de l'imprécision des limites de ces zones et des importants
déplacements de population dus aux événements de guerre.
A) Territoires relevant du Gouvernement d'Athènes.
Ancienne Grèce, partie continentale (1) 1.390.000
— Morée (1) 856.000
Nouvelle Grèce : Janina et Preveza (2) 234.000
Ensemble 2.480.000
B) Territoires relevant du Gouvernement de Salonique
ou occupés par les troupes alliées.
Ancienne Grèce : Cerf ou, Zante, Céphalonie, Leucade, Cyclades (1). 385 . 000
Ile de Crète (2) 355.000
Nouvelle Grèce : S^onique, Cosani, Florina (2) 830 . 000
Mitylène, Chic, Samos (2) 310.000
Lemnos, Thasos (évaluation) 50.000
Total 1.930.000
C) Territoires occupés par les Bulgares.
Drama et Serres 340.000
Le total représente 4.750.000 habitants, dont 2.632.000 pour l'ancienne Grèce,
(1) Recensement grec du 27 octobre 1907.
(2) Évaluation d'après YAlmanach de Gotha 1916, page 928.
- 50 -
2.068.000 pour la nouvelle (jrèce annexée après les gueiifs hjilkaniques r)0.0()0 pour
rhasos et Lemnos.
II faut ajouter que le Gouvernement national de Salonique a reçu l'adhésion d'un
grand nombre de colonies grecques à l'étranger. L'importance numérique totale de ces
colonies dépasse celle de la population de l'ancienne et de la nouvelle Grèce réunies.
On évalue, en effet, à plus de 3 millions le nombre des Grecs habitant des territoires
bulgares et turcs sur les bords de la mer Egée et de la mer de Marmara. Si ces popu-
lations n'ont pas actuellement la possibilité de l'aire connaître leurs sentiments,
comme celles des îles libérées : Mitylène, Chio, etv., il n'en est pas de même des élé
monts gi'ecs vivant dans les pays do l'Entente : Grecs de l'île de Chypre (200.000
environ), d'Egypte (63.000 d'après le recensement de 1907, dont 26.000 à Alexandrie),
de Russie (13.000 au recensement de 1897). de France, du Royaume-Uni, etc. Les
colonies grecques du Nouveau Monde sont également importantes, on a recensé
plus de 100,000 Grecs aux États-Unis en 1911.
LES FRANÇAIS HORS DE FRANCE
Dall^ une précédente ihroniqué (numéro de juillet. 1914, page .33H), nous avons
signalé les travaux effectués par la Statistique générale de la France en vue de pré-
senter un tableau aussi complet que possible du nombre des Français hors de France :
1» aux colonies et dans les pays de protectorat; 2» à l'étranger.
En ce qui concerne les Français à l'étranger, la Statistique générale de la France
a publié dans son Bulletin trimestriel (numéro de janvier 1915) un rapport sur les
résultats d'une enquHe effectuée avec la collaboration du ministère des Affaires étran-
gères et du corps consulaire de France à l'étranger.
D'autre part, le tableau des Français recensés aux colonies et à l'étranger vers
1^11 a été inséré dans le tome I, 2^ partie, des Résultats statistiques du Recensement
de 1911, pages 71 à 79. Ce tableau comporte quelques corrections et additions à celui
'juo nous avons publié dans le Journal de la Société de Statistique en juillet 1914.
Nous signalerons seulement les plus importantes :
Ttalie. ~ Les résultats du recensement de 1911 actuellement connus permettent
(le lixer à 15.006 le nombre des Français recensés en Italie le 10 juin 1911; parmi
ceux-ci, 10.678 avaient une durée de séjour en Italie supérieure à trois mois; 1.197
étaient en Italie depuis trois mois au plus; 3.731 n'avaient pas fait connaître la durée
(le leur se joui-.
Espagne. —■ Recensement du M décembre 1910 : 21.397, dont 10.775 hommes et
J 0.622 femmes.
Suisse. — Recensement du l»^'" décembre 1910 : 63.695 Français, dont 28.842 hom-
mes et 34.853 femmes,
Roumanie. Recensement de 1899 : 1.619 Français, dont 682 hommes et
937 femmes.
Grèce. — Recensement du 20 octobre 1907 : 1.122 I'>ançais, dont 472 hommes et
650 femmes.
Bulgarie. — Recensement du 31 décembre 1905 : 409 Français,dont 197 hommes et
212 femmes.
NORVÈGE : TABLES DE NATALITÉ, 1901-1902 A 1910-191 1
Le Bureau de Statistique de Norvège, actuellement sous la direction de M. N. Rygg,
vient de publier un volume (1) consacré aux nouvelles tables de mortalité calculées
pour la population norvégienne. Ces tables ont été établies par des méthodes iden-
tiques à celles qui furent employées par M. A.-N. Iviœr pour l'élaboration des tables
correspondant aux trois décades précédentes et qui ont été exposées on détail dans
le premier volume (2) de la série, relatif à la période 1871-1872 à 1880-1881.
(1) Dôdeligketstabeller for det Norsk Folk, 1901-1902, 1910-1911 {N orges officielh Statistik.
VI, 45. Kristiania, 1915).
(2) Livs-og dydstabeller for det Norske Folk, 1S71-1S72. 1880-1881 (Nors^.o officielle Sta-
tistik. III, 68. Kristiania, 1915).
- 51 -
On se bornera à lapppler que la probabilifp de rléoèg de Fàge w à « -(- 1 a été calculée
par la formule :
_ D 1901 (nés en 1901-n) + D 1^02 ...1910 + D 1911 (nés enl910-/i)
V (31 décembre 1901 ...1910) -\- d
Le numérateur est la somme de trois termes qui représentent :
D 1902 ...1910, la somme des décèdes d'âge // à /? + 1 pendant les neuf années
1902, 1903, jusqu'à 1910.
T) 1901 (nés en 1901-/^), le nombre des individus nés en Tannée 1901-// dont le
décès est survenu à Page h h n -^ \ ei\ 1911;
D 1911 (nés en 1901-;î), le nombre des individus nés en Tannée 191(J-//, dont le
décès est survenu à \'kg,e n k n -Y 1 en 1911.
Au dénominateur, V (31 décembre 1901-1910) est la somme des vivants d'âge n à
n -f 1 au 31 décembre de chacune des années 1901 à 1910; le terme d est le nombre
des individus nés en 1901 -n, ..,1910-^? et décédés respectivement au cours des
années 1901, ...1910.
On voit que le dénominateur représente en somme le nombre des individus, appar-
tenant aux générations nées pendant les dix années 1901-/? à 1910-/?, qui ont atteint
et dépassé Tâge //. Le numérateur est le nombre des décès fournis entre les âges
n et n -\- 1 par Tensemble de ces dix générations.
L'application de cette formule exige que les vivants au 31 décembre de chaque
année soient classés par année d'âge et que les décédés au cours de chacune des
années de la période soient répartis à la fois suivant leur année de naissance et suivant
leur âge en années au moment du décès. Cette double condition est remplie par les
statistiques norvégiennes relatives à l'état et au mouvement de la population.
D'ailleurs la formule précédente a subi dans la pratique une correction destinée
à tenir compte des mouvements migratoires.
Le tableau ci-après permet d'apprécier Famélioration de la mortalité en Norvège
depuis un demi-siècle.
Nombre de survivants pour 100.000 nés vivants.
1 an.
10 ans
20 —
30 —
40 —
50 —
60 —
70 —
80 —
90 —
Sexe matculio
Sexe féminiD
1901-1910
1871-1880
18S6-1865
1901-1910
1871-1880
1856-1865
91.855
88.732
88.700
93.321
90.453
90.410
86.777
78.898
77.180
88.320
80.671
78.740
82.804
74.922
73.390
84.462
76.986
74.910
75.875
68.363
67.850
79.054
71.977
70.450
70.406
62.704
62.250
73.457
66.080
64.750
64.364
56.258
55.550
67.668
59.889
58.490
55.825
47.471
46.600
60.000
51.938
50.670
41.821
33.700
32.540
47.058
38.592
37.210
21.079
15.344
13.930
25.365
19.015
17.350
3.636 2.444 1.980 5.114 3.548 3.320
Par rapport à 1890-1891, il y a diminution du taux de mortalité à toutes les années
de la vie pour les hommes; à tous les âges, sauf de dix-huit à vingt-quatre ans, pour
les femmes.
Gomme pour toutes les périodes antérieures, la courbe des taux de mortalité
présente pour le sexe masculin un maximum très accentué entre vingt et vingt-cinq
ans. Ce maximum existe également sur les courbes relatives à d'autres pays (1), la
France notamment, mais pour aucun il n'est aussi accentué que pour la Norvège.
Dans ce pays, le taux de la mortalité mascuhne, égal à 3,93 «/oo à quinze ans,
s'élève jusqu'à 9,450/00 à vingt et un ans, puis s'abaisse progressivement à 7,08o/oo
à trente-quatre ans et croît ensuite constamment avec Tâge.
La courbe de la mortalité féminine ne présente pas de maximum aux âges moyens,
ï^lle a seulement une allure ralentie entre vingt-deux et quarante-cinq ans. Le gra-
(1) Voir les graphiques de la Statistique internationale du mouvement de la population,
jusqu'en 1905, p. 576.
- :,i -
phique inséré dans le volume norvégien permet de comparer les deux courbes entre
cinq et cinquante-cinq ans : la mortalité féminine dépasse la masculine de neuf
à quinze ans, lui est très notablement inférieiu-e de quinze à trente ans, sensiblement
égale de trente-trois à quarante ans. et reste ensuite toujours inférieure. A vingt et un
ans, la mortalité des femmes. 6,44 o/oo. est à peine les deux tiers de celle des hommes,
9.45 %o,. laquelle passe pour cet âge par un maximum comme on vient de le dire.
A côté des tables de mortalité et de survie relatives à l'ensemble de la population
norvégienne, on a calculé des tables spéciales pour la ville de Kristiania. l'ensemble
des autres villes et la population des campagnes. Pour l'enfance et la vieillesse, la
mortalité est en raison inverse de Fagglomération de la population, c'est l'inverse
(|ui a lieu pour les âges moyens, ainsi que le montrent les chiffres ci-après :
Taux de mortalité pour 1.000 vivants.
lurit'cs
Sexe masoiiliii
Sexe féminiH
N'orvège
Campagiu'i
Villes
Kristiaiiiii
.\orvèj(P
Canipagnri Villes
kriitisnja
0-1. . .
82,09
72,17
104,87
120,37
67,64
59,56 85,94
99,94
5. . .
4,33
3,79
5,90
5,70
4,21
3,65 5,76
6,47
20. . .
9,22
9.44
8,77
6,49
6,10
6,70 5,10
4,15
40. . .
8,10
7,33
9,91
11,14
7,73
7,86 7,45
7,08
60. . .
19,17
17,20
25,31
29,58
16,64
15,94 18,51
20,47
Enfin, pour la population totale de la Norvège, on a calculé des tables de mortalité
et de survie séparément pour les célibataires, mariés, veufs et divorcés de chaque sexe.
En annexe du volume sont publiés les tableaux statistiques ayant servi au calcul
des tables. Un résumé en français accompagne la préface consacrée à l'exposé des
méthodes et à l'analyse des résultats.
Michel HuBER.
V
VARIÉTÉ
QUELQUES DONNÉES ÉCONOMIQUES SUR L'ESPAGNE
Les renseignements exacts et suffisamment à jour manquent trop souvent sur
l'Espagne pour que nous n'extrayions pas quelques-uns de ceux qui sont publiés
abondamment dans un ouvrage tout nouveau (1).
La superficie totale des territoires espagnols est évaluée par notre confrère à
764.674 kilomètres carrés, dont 492.242 pour le territoire de la péninsule ibérique
et des îles adjacentes, 274.360 pour les territoires de Rio de Oro et d'Ifni, 26,000
pour la Guinée espagnole, 2.072 pour Fernando-Poo, le reste pour la zone de pro-
tectorat marocaine. Pour la répartition en cultures, .sur 50.45L000 hectares, on en
attribue 24.056.000 aux pâturages et terrains montagneux, 16.295.000 aux cultures
de céréales et légumineuses, 3.500.000 à la vigne et à l'olivier, 2.630.000 aux autres
cultures; 3.969.000 hectares environ n'étant que des terrains rocheux. D'après un
recensement fait en 1803, sur 37.700.000 hectares mesurés, 10.512.000 étaient en
culture ou en labour, 23.250.000 étaient attribués aux terrains en frirhe et aux
})âturages, 3.322.000 aux forêts, taillis, etc.
(1) Voir, en dehors des documents analysés par la Bibliographie des Annales, VAnuario
financiero y de Valores niobiliarios de 1916, publié pour la première fois par M. D. Riu
Periquet, un volume in-8 de 539 pages, Madrid, 1916. à la Revista d'Economia y Hacienda.
Se reporter également au mm i|ti de juillet-août 1916 de la Revue d' Économie politique et
au n» 15 h. Aimual Séries, de septembre 1915 du Supplément aux Commerce Reports publiés
par le Department of Commerce de Washington {Bureau of Foreign and Domestic Com-
merce).
- 53 -
Pour ce qui est de la population, qui a augmenté seulement de 29,4 % entre 1857
et 1910, mais de 7,40 entre 1900 et 1910 spécialement, elle était, au dernier recen-
sement, de 19.995.000 habitants. L'accroissement annuel serait de 0,74 %, au lieu de
0,39 % seulement aux environs de 1860. La part des possessions du nord de l'Afrique
serait de 44.8QQ. individus, celle des territoires du golfe de Guinée de 31.970. Dans
la péninsule, la-densité moyenne, qui était de 32.97 par kilomètre carré en 1877, serait
de 39,49 en 1910. On relèverait du reste 148.40 comme Coefficient pour la province
de Barcelone, 120,28 pour celle de Guipuzcoa. 112.80 pour celle de Pontevedra,
109.80 pour la province de Madrid, et un minimum de 15.15 pour celle de Soria. La
proportion pour 100 habitants est de 48,81 hommes, de 51.19 femmes, au lieu de
59,55 et de 50.45 en 1860. Au point de vue de l'instruction élémentaire, 2,66 % savent
lire. 33.45 lire et écrire, et 63,66 ne savent ni lire ni écrire, le chiffre correspondant
ayant été de 75.52 en 1860. Au point de vue des professions, on relèverait 4.458.000
personnes se consacrant à l'agriculture. 998.000 à l'industrie, 429. .500 au commerce.
423.600 aux professions libérales. 5.705.000 au travail domestique; il y aurait
3.337.000 enfants n'ayant aucune profession en raison de leur âge, 1.877.000 se trou-
vant dans les écoles, un peu moins de 100.000 étudiants des facultés. Pendant la
période 1905-1908. la moyenne annuelle des naissances aurait été de 856.000.
contre 480.000 décès, ce qui correspond à un excédent de 175.000 environ, au lieu
de 91.000 entre 1878 et 1880. De 1901 à 1911, l'émigration a été de plus de 118.000 per-
sonnes, contre environ 75.000 pénétrant dans le pays. En moyenne l'émigration aurait
enlevé chaque année près de 50.000 agriculteurs, 18.000 enfants de moins de quatorze
ans, 32.000 individus sans profession, 5.300 ouvriers. De 1909 à 1911. 21.600 per-
sonnes se sont dirigées sur l'Algérie, 89.600 sur l'Argentine. 28.000 sur Cuba. 10.600
sur le Brésil.
Au point de vue de l'industrie proprement dite, encore fort négligée, il existait
en Espagne au 31 décembre 1914, 22.446 concessions minières, dont 2.222 seulement
productives, représentant seulement 265.000 hectares sur un total de 885.000. Elles
ont donné notamnifiit 3.905.000 tonjies de houille, plus 291.000 de lignite et 228.000
d'anthracite; 6.820.000 tonnes de minerais de fer et 985.000 de pyrite; 1.502.000 ton-
nes de cuivre, 246.000 de plomb, 114.000 de zinc, 928.000 de sel ordinaire, ceci pen-
dant l'année 1914. Si nous considérons l'année 1913 pour les industries de transforma-
tion portant sur ces matières (l'année 1914 ayant été profondément troublée), nous
trouvons 667.000 tonnes de fer et acier, 198.000 de plomb, 595.000 de coke. La valeur
totale de la production de l'industrie minière ou métallurgique était de 572 millions
en 1913, de 462 en 1914, les industries de transformation ayant porté sur près de
303 millions en 1913. Pour cette dernière année, la valeur de la production du minerai
de fer dépassait 135 millions. Le nombre des ouvriers occupés dans les mines atteignait
près de 130.000, et celui des industries de transformation 28.000 environ (chiffre très
diminué en 1914).
La valeur totale du commerce extérieur de l'Espagne a été de 2 milliards 219 mil-
lions seulement en 1915 contre 2 milliards 610 millions en 1913 ; ce dernier chiffre se
répartissant en 1 milliard 415 millions d'importations et 1 miUiard 195 millions d'ex-
portations. Les exi»ortations de produits manufacturés sont passées de 251 millions en
1913 à 609 en 1915 : on sait pourquoi. Le inou\enient général de la navigation s'était _
élevé en 1913 à 2O.(i55.000 tonneaux, dont 14.871.000 aux exportations; en 1915. les
deux chiffres sont de 13.083.000 et de 9.263.000. le pavillon national couvrant seule-
ment 3.578.000 tonneaux aux exportations et 1.814.000 aux importations. Normale-
ment les importations en provenance d'Europe représentent 925 millions sur 1 mil-
liard 400 millions à peu prés. l(^ chiffre de l'Amérique du Nord étant de 167 et celui
de l'Amérique du Sud de IHI millions: pour les exportations, sur 1 milhai'd 200 mil-
lions, 860 se dirigent sur l'Europe. 72 siu- l'Amérique du Nord. 184 sur l'Amérique
du Sud.
Au point de vue des communications, l'Espagne possède 15.000 kilomètres de
chemins de fer, au lieu de 8.680 en 1884, de 5.478 en 1870. L'État a distribué 695 mil-
lions de subventi(jns ;m réseau ferré. Le produit brut de ce d(>rnier. en année normale.
- ,M -
est de 404 millions, et les dépenses de 212 millions. Le tonnage des mai'chandises en
grande et petite vitesse atteint 30 millions de tonnes, le nombre des voyageurs trans-
portés un peu plus de 55 millions. Il existe un réseau de 950 kilomètres de tramways
(au lieu de 107 seulement en 1884), dont 727 kilomètres exploités électriquement,
141 à la vapeur. Les routes construites s'étendent sur un pou moins de 46.000 kilomè-
tres; il y a encore 4.000 municipalités sur 9.266 qui ne possèdent point de voies de
communication. La marine marchande (en 1913) représentait 877.000 tonneaux de
jauge, dont 844.000 de vapeurs.
Daniel Bellkt.
VI
BIBLIOGRAPHIE
Annuaire international de statistique {\), publié par rOffice permanent de
r Institut international de Statistiqui^
1. - Etat de la population (Europe)
A sa session de Vienne en 1913. l'Institut international de Statistique a décidé
la création d'un Office permanent, placé sous l'autorité de l'Institut représenté pai-
son Bureau et dirigé par le secrétaire général.
D'après le règlement adopté par l'Institut, l'oflice permanent doit, entre autres
tâclres, publier un Annuaire statistique international . he volume qui vient de paraître
constitue le premier fascicule de cet annuaire. Consacré à l'état de la population
dans les pays d'Europe, il est, pour une part, la suite de l'important travail publié,
il y a vingt-cinq ans, par M. le D^' Tacques Rertillon. sous le titre : Statistique inter-
nationale résultant des recensements de la population exécutés dans les divers pays
de l'Europe (2) pendant le dix-neuvième siècle et les époques antérieures. Dans ce
volume, M. Bertillon avait résumé les résultats de tous les recensements connus,
jusques et y compris ceux exécutés vers 1890; le nouvel Annuaire international fait
connaître les résultats détaillés des dénombrements de 1900 et 1910 et seulement
les données principales des recensements jiiitéi'icurs, notamment ceux <le 1880 et
de 1850.
Ce volume, groupant sous une forme cominod»' des rt'nseignements sur* la popula-
tion de tous les pays d'fCurope, évitera des recherches parfois fastidieuses dans les
pubhcations particulières de chaque Etat. Aussi n'est-il pas sam- intérêt d'indiquer
ici, avec quelques détails, ce que l'on pourra trouver dans les cadres du noiivpl
Annuaire international.
Les tableaux de cet Aiumaire forment neuf groupes :
A) Superficie, population et densité de la population. Pour chaque pays sont
d'abord rappelés les résultats de tous les recensements elTectués, jusqu'à celui <le
1910 inclus; les évaluations les plus sûres sont indiquét's à défaut de recensements.
Les données recueillies en 1910 sont ensuite détaillées pour les circonscriptions admi-
nistratives de chaque pays (provinces, départements, districts, etc.. suivant les cas)
et pour toutes les villes comptant plus de 100.000 habitants en 1910. Ces derniers
tableaux font suite, pour 1910, à Texcellente juiblication entreprise par l'éminent et
regretté statisticien suédois Gustav Sundbai'g. sous le titre : [perçus statistiques
internationaux.
Notons le soin tout particulier avec lequel ou a indique si les chiiïrcs reproduits
(1) La Haye, W. P. Van 8tockuni et fils, éditoui-s, 1*)16,, 1 vol. <if vin- 16»', pages.
(2) Paris, G. Masson, éditeur, I89'J, 1 vol. do 200 pages.
-^ 55 -
s'appliquaient à la population présente ou de fait, à la population de résidence habi-
tuelle ou enfin à la population de domicile légal ou population de droit. Chaque fois
que les renseignements recueillis le permettaient, on a indiqué à la fois la superficie
totale de chaque pays ou de chaque circonscription et la superficie sans les eaux
intérieures; la distinction est importante pour certains pays possédant des locs
nombreux et étendus : Suède. Suisse, etc.
Il n'entre pas dans le cadre de ce compte rendu de citer des chiffres: la matière
est trop abondante et Ton risquerait trop aisément de dépasser les limites permises.
Nous nous bornerons à constater que, d'après les recensements effectués vers 1910.
la population totale de l'Europe comprenait environ 447.480.000 personnes sur une
superficie totale de 9.796.000 kilomètres carrés, soit une densité moyenne de 46 habi-
tants par kilomètre carré. En se bornant aux Etats importants, les limites extrêmes
de cette densité sont : 7 pour la Norvège, et 252 pour la Belgique.
Un cartogramme en couleurs d'une belle exécution représente la densité de la
population des États européens d'après leurs provinces ou districts. Bien que l'étendue
moyenne de ces grandes divisions territoriales soit très variable suivant les pays,
ce cartogramme donne une impression satisfaisante de la distribution de la popu-
lation sur l'ensemble du territoirr- européen.
B) Population suivant le sexe et l'état civil en 1850, 1880, 1900 et 1910, pour les
divers pays de l'Europe.
C) Population suivant le sexe et l'état ciAnl par gi-oupes d'âge quinquennaux, en
1900 et en 1910 pour les divers pays de l'Europe (1) : nombres absolus et nombres pro-
portionnels par groupes d'âge pour 100 individus de chaque sexe et de chaque situa-
tion : célibataires, mai'iés, veufs, divorcés.
D) Résumé synoptique des recensements voisins de 1850, 1880, 1900 et 1910, par
âge et par état civil. Ce tableau est accompagné d'un diagramme de la population
des divers pays d'Europe vers 1910. Pour chaque sexe, on a représenté la proportion
pour cent des personnes de moins de 20 ans, de 20 à 39 ans, de 40 à 59 ans, de 60 ans
et plus. La France est le seul pays où la proportion des personnes de moins de 20 ans
tombe au-dessous de 40%, et où la proportion des personnes de 30 à 59 ans s'élève
au-dessus de 20 %.
E) Population de chaque pays d'Europe suivant le sexe, la nationalité ou le lieu
de naissance, aux recensements voisins de 1850, 1880, 1900 et 1910. On n'a indiqué,
dans chaque pays, que les nationahtés étrangères formant au moins 1 % de la
population totale.
F) Population de fait d'après les langues parlées eu 1900 et 1910. Dans ce tableau
ne figurent que les pays ci-après dont le bulletin de recensement porte une question
relative à la langue : Allemagne, Autriche- Hongrie, Belgique, Bulgarie, Grèce, Italie,
Norvège, Russie (et Finlande), Serbie, Suisse.
G) Population de fait d'après la religion en 1900 et 1910. Ce classement est fourni
par les pays ci-après : Allemagne, Autriche- Hongrie, Bulgarie, Danemark, Irlande,
Grèce, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Russie (et
Fmlande), Serbie, Suède Suisse,
H) Population sous le rapport de l'instruction en 1900 et 1910 : Autiiche- Hongrie,
Belgique, Bulgarie, France, Irlande, Grèce, Italie, Portugal, Roumanie, Russie (et
Finlande), Serbie.
K) Individus atteints d'infirmités apparentes en 1900 et 1910 : aliénation mentale,
cécité, surdi-mutité.
Tel est le plan du premier fascicule de Y Annuaire statistique international. Cet
aperçu paraît suffisant pour permettre d'apprécier la grande valeur du nouvel instru-
ment de travail mis à la disposition des statisticiens et l'effort considérable qui vient
d'être accompli par l'Office permanent.
(1) Des tableaux semblables pour les divers pays du monde ont été publiés, pour 1900 :
dans le tome IV des Résultats statistiques du recensement françaU; de 1901 ; pour 1910 : dans
le tome I, 2» partie, des Résultats statiHiques du recertsement français de 1911.
- 56 -
En temps ordinaire, la réunion, la véritication et le classement métli(jdique d' vine
quantité aussi importante de documents statistiques constitue déjà un travail
énorme et délicat. Or, les questionnaires relatifs à la démographie venaient à peine
d'être adressés à tous les bureaux de statistique du monde, lorsque éclata la grande
guerre européenne. Que l'entreprise ainsi entravée dès son début ait pu être menée
à bien, malgré les difficultés de l'heure, malgré les retards et l'interruption des com-
munications postales, c'est un résultat qui honore grandement M. H.-W. Methorst.
secrétaire général de l'Institut international de Statistique, auquel le règlement
attribue la direction de l'Office permanent.
Nous aurons prochainement le plaisir de renouveler nos cordiales félicitations à
notre éminent collègue, puisque, ayant à peine achevé la première partie de sa tâche,
il annonce la publication d'une deuxième partie : Mouvement de la population en
Europe, bientôt suivie d'un troisième fascicule consacré aux données sur l'état et
le mouvement de la population des pays hors d'Europe,
Michel Hi BEH.
VII
LISTE DES DOCUMENTS PRÉSENTÉS DANS LA SEANCE DU 17 JANVIER 1917
ORIGINE ET NATURE
des
OOCUMKNTS
DOCUMENTS OFFICIELS
A ustralie
Bureau confédéral du Recensement et de
Statistique. — Annuaire officiel de
statistique de la Confédération aus
tralienne pour la période de 1901 à
if)t,5 et statistiques corrigées pour
la période de 1788 à 1900
États-Unis
DÉPAKTKMENT DU TRAVAIL. — Bullctin 189.
Décisions of courts affecling labor.
«9'5
— Bulletin 193. Proceedings of the Ame-
rican Association oi' public em-
ployment offices lyifi
— Bulletin 194. l'niou scale of wages
and hours of labor may 1915. . . ,
État do MlSSACBUSETTS
Département du Traïunl des États-Unis. —
Statistique des manufactures pour
i9'4
rrauce
MiNisïKRii DE L'AGBicuLTUhE. — Direc-
tion de l'Afirinultiire. - - Statistique
agricole annuelle. 191/4
MiMSTÈKE PU Travail kt de la I'ré-
voYANCK SOCIALE. — Direction du
Travail. — Travaux des commis-
sions mixtes départementales pour
le maintien du travail national. An-
née 1915. Introduction, procès-ver-
baux des séances, rapports, vœux
adoptés. Tome II
INDICES
de
CLASSEMENT
dans la
Bibliothèque
Asa^ OI-I5
Eu- «" 15
Eu'^i 16
Eu*-' Î5
Euma^'f' 14
F»" I 14
ORIGINE ET NATURE
des
DOCUMENTS
I INDICES
{ de
CLASSEMENT
dans la
! Bibliothèque
Ministère de l'Intérieur. — Direction de
l'Assistance et de l'Hygiène publi-
ques. — Statistique sanitaire de la
France. 2e partie. Communes de
moins de 5.000 habitants et France
entière. Année 1913
Russie
Département des Douanes. — Commerce
extérieur de la Russie par la fron-
tière d'Europe. i« janvier-i«' octo-
bre i9ifi
FualT 15 b
Suède
1 )Ér>ARTEMKNT CIVIL. — Rapports annuels
des gouverneurs sur les récoltes
pour 1918
— Statistique des élections aux conseils
généraux et de celles du suffrage
communal en 1916
— Statistique annuelle du mouvement
de la population. 1918
— Les sociétés mutuelles d'as >urances
(Rente, capitaux-incendie, grêle et
gelée, maritime). igi/J- Tome II . .
— Statistique des décès. 1912
liiireau géodésique. — Rapport annuel sur
l'arpentage, igiô
Direction générale des Po.<!tcs. — Statis-
tique postale .'iniuielle jiour igiô. .
DÉPARTEMKNT DE LA .MaHINK. — Le SCr-
vice sanitaire et les soins donnés
aux malades dans la marine, du
i<-" octobre 1915 au 3o septembre
1916
Fn.bl 13 b
Rolb 16 e
S^"» 13
S^^al 13
S"-'" 14 b
SA.'" 12
SA. ' 15
Stf i 15
S«bi 15-16
Le Gérant: R. STEINHEIL
NANt:Y, IMratMSRIK RSIIfiKR-».V.rl« MILT — FÉVBIpr». I»)!-;
JOURNAL
SOCIÉTÉ DE STATISTIQUE DE PARIS
N° 3. — MARS 1917
I
PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 21 FÉVRIER 1917
s o is/i:3\/r.A.iPiE
OUVERTURE DE LA SÉANCE PAR M. RAPHAËL-GEORGES LÉVY, PRESIDENT, ET ADOPTION DES PROCES-
VERBAUX DES SÉANCES DES 20 DÉCEMBRE .916 ET 17 JANVIER 1917.
NÉCROLOGIE.
NOMINATION ET PRÉSENTATION DE MEMBRES TITULAIRES.
COMMUNICATION DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET PRÉSENTATION D'OUVRAGES.
AUGMENTATION DU PRIX DU DINER.
COMMUNICATIONS DU TRÉSORIER ET DU RAPPORTEUR DE LA COMMISSION DES FONDS ET ARCHIVES.
COMMUNICATION OE M. RENÉ PUPIN : « REVENUS ET BUDGETS D'APRÈS-GUERRE ».
OUVERTURE DE LA SÉANCE PAR M. RAPHAËL-GEORGES LÉVY, PRÉSIDENT, ET ADOP-
TION DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DES 20 DÉCEMBRE 1916 ET 17 JAN-
VIER 1917
La séance est ouverte à IT'i 40, sous la présidence de M. Raphaël-Georges
Lévy, président, qui met aux voix l'adoption des procès-verbaux des séances
des 20 décembre 1916 et 17 janvier 1917, insérés dans les journaux de janvier
et février 1917. Ces deux procès-verbaux sont adoptés sans observations.
NÉCROLOGIE
M. le Président fait part à la Société du décès de MM. Louis Fontaine, chef
de division en retraite de la Caisse des Dépôts et Consignations, et de M. Au-
guste Cellerier, directeur des agences étrangères du Crédit Lyonnais.
Il sera publié ultérieurement une notice nécrologique sur chacun de nos très
regrettés collègues.
NOMINATION ET PRÉSENTATION DE MEMBRES TITULAIRES
M. le Président souhaite la bienvenue à notre nouveau collègue, M. Richard
Bloch, et met ensuite aux voix la candidature de M. Gatine, inspecteur général
des Finances, présenté par MM. Fernand Faure et Colson, dans la séance du
l'e 8ÛSIS. 58' VOL. — s'' 3 6
- 58 -
17 janvier 1917. Cette candidature est acceptée à l'unanimité et M. Gatine
est nommé membre titulaire.
COMMUNICATION DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET PRÉSENTATION D'OUVRAGES
M. le Secrétaire général présente de la part de M. An ce y, notre collègue, un
très intéressant travail sur la mise en valeur de notre domaine colonial et une
étude de l'infatigable travailleur qu'est M. Dubern sur le Domaine et les pers-
pectives d'union économique internationale. Il remercie ces deux collègues au
nom de la Société.
Il annonce ensuite qu'il a reçu pour la Société un certain nombre d'ouvrages,
parmi lesquels il cite :
Finlande. — Annuaire statistique de Finlande pour 1915. Émigration en
1915.
Uruguay. — Annuaire statistique pour les années 1913-1914.
Commune de Milan. — Annuaire statistique.
Banque de France. — Rapport aux actionnaires.
AUGMENTATION DU PRIX DU DINER
M. le Président donne lecture d'une lettre du restaurant Lapérouse, deman-
dant à porter à 10 francs le prix du dîner, fixé primitivement à 7* 50; le dîner a
déjà été aupnenté de'50 centimes en 1915. L'augmentation nouvelle, coïncidant
avec une réduction du nombre de plats, no paraît pas normale, et le Président
et le Secrétaire général feront le nécessaire au mieux des intérêts de la Société.
COMMUNICATIONS DU TRÉSORIER ET DU RAPPORTEUR DE LA COMMISSION DES FONDS
ET ARCHIVES
M. le Président donne la parole à M. Matrat, trésorier, pour présentation à la
Société du bilan du 31 décembre 1916 des comptes de l'exercice écoulé et du
budget de prévisions pour 1917 (Voir annexé A).
M. SiMiAND présente ensuite le rapport inséré en annexe B au présent procès-
verbal et conclut à l'approbation des comptes et du projet de budget pour 1917.
M. le Président met aux voix les conclusions de la Commission et engage
tous les collègues à bien observer les recommandations si judicieuses qu'a faites
M. Simiand.
II remercie très vivement notre dévoué trésorier et notre sympathique rap-
porteur.
COMMUNICATION DE M. RENÉ PUPIN SUR LES ^ REVENUS ET BUDGETS D'APRÈS-
GUERRE »
M. le Président donne la parole à M. René Pupin pour le développement de
sa communication : « Revenus et budgets d'après-guerre ».
M. Pupin rappelle que dans les temps passés, de 1850 à 1914, sauf exception
après l'année terrible, la proportion des budgets de l'État, rapprochés des
revenus privés, représentait 13, 14 ou 15 % de la totalité de ceux-ci. Après la
guerre actuelle, cette situation changera radicalement.
Quels seront, d'abord, les revenus de la population? L'auteur, se plaçant
dans l'hypothèse où la durée de la guerre n'excéderait pas trois années pleines
(pour donner une base à ses calculs), admet que les revenus totaux pourraient
atteindre le même chiffre qu'en 1911, soit environ 32 milliards, le nombre plus
réduit des bénéficiaires devant être compensé sensiblement par le relèvement
des recettes individuelles, dû surtout à la hausse des salaires et traitements.
Par contre, le budget de l'État passerait brusquement de 5.200 milHons
(en 1914) à une douzaine de milliards, se décomposant ainsi :
1° Ancien budget, même comprimé, 5.200 millions (la plus-value des éléments
- 59 -
à conserver, compensant les économies réalisables par la suppression de cer-
tains postes); •
2° Service de la Dette publique afférente à la guerre (intérieure et extérieure),
4.700 millions;
30 Pensions militaires : 1.500 millions;
40 Lois céréales et mesures de solidarité sociale, environ 600 millions.
Nous restons dans l'hypothèse d'une guerre limitée à trois années, et, dans
ce cas, la proportion du budget aux revenus généraux serait d'environ 37 %.
Mais, pour bien envisager ce rapport, M. René Plpin estime qu'il y aurait lieu
de distinguer entre les dépenses budgétaires, les charges positives et les charges
négatives, les premières comprenant l'impôt dont le produit sera affecté au
service de notre dette extérieure ou à la subsistance des êtres infortunés que
la guerre aura privés de leurs moyens d'existence (pensions); les secondes
incorporant les arrérages de notre dette intérieure (qui réalisent une simple
mutation de capitaux entre FrançaiFi).
L'auteur termine en insistant sur les ctangers que ferait courir au pays une
politique détatisme, alors qu'il est plus que jamais nécessaire de développer à
l'extrême, de multiplier le travail et les capitaux, dont le monopole n'a jamais
su tirer qu'une parcelle des rendements normaux.
MM. d'EicHTHAL, CouRTRAY, Malzac et Cadoux présentent diverses obser-
vations ou demandes d'explications, notamment en ce qui concerne l'exemption
d'impôt pour la rente française et l'impôt sur le capital; il apparaît à M. d'ÉicH-
THAL que les évaluations de dépenses de reconstitution sont trop élevées, et
M. Cadoux insiste sur la nécessité de tenir compte des sommes que l'on devra
récupérer sur les ennemis soit directement, soit par des compensations à établir
ou la remise en état du matériel détruit ou enlevé.
M. le Président remercie M. Pupin et les différents orateurs qui ont pris part
à la discussion et la séance est levée à 19 heures.
Le Secrétaire général, Le Président,
A. Barriol. Raphaël-Georges Lévy.
II
Annexe A au Procès-Verbal de la séance du 21 février 1917
RAPPORT DU TRÉSORIER
SUR
LKS COMPTKS D K L'ANNKK 1916
LA SITUATION FINANCIERE DE LA SOCIETE DE STATISTIQUE DE PARIS
ET
LE BUDGET POUR L'EXERCICE 1917
Chers Collègues,
J'ai l'honneur, comme les années précédentes, de vous présenter le compte
recettes et dépenses qui ont été réglées pendant l'année 19 16.
A ces comptes annuels, il est joint, d'une part, une situation quinquennale
- 60 -
comparative permettant de suivre la marche financière de la Société de 1912
à 1916, et d^ autre part un budget établi en vue de 1917.
La Société poursuit un but d'étude et d'enseignement et s'efforce d'accu-
muler toutes les indications de fait et de certitude, ainsi que les comparaisons
d'une impartialité absolue qui présentent en toutes choses une utilité sociale.
Elle n'a donc aucun caractère personnel, financier ou de participation et reste
essentiellement sur le terrain scientifique et utilitaire.
Dès lors, dans la Société même, le côté comptable de son service intérieur ne
présente pas un intérêt primordial, mais seulement nécessaire pour sa marche
quotidienne.
Je me bornerai donc à passer en revue les différents points les plus mar-
quants, en relatant d'abord que la situation générale a été satisfaisante pen-
dant l'année qui vient de s'écouler, malgré les événements sans pareils que notre
cher pays traverse et surmonte avec tant de force.
Nous donnerons notre première attention à nos nombreux et bien chers
collègues, qui sont aux armées et y remplissent leurs devoirs sacrés de défense
avec un courage, une abnégation et un esprit de sacrifice incomparables,
auxquels nous adressons nos hommages et notre reconnaissance.
Malgré l'éloignement de nombreux sociétaires, le montant des cotisations
reçues en 1916 a atteint la somme de 4.245 francs, c'est-à-dire a dépassé
celle inscrite au budget, et n'est ainsi restée que de quelques centaines de francs
au-dessous de la somme obtenue pendant les années de paix et de tranquil-
lité.
D'autre part, l'aide effective apportée à notre Société par les subventions
des services publics — ministères. Conseil municipal de Paris et Conseil général
de la Seine — a été plus large que l'année dernière. En eff-et, la Ville de
Paris a relevé son allocation à 1.000 francs, taux qu'elle nous concède depuis
longtemps et qu'elle avait dû réduire temporairement en 1915; et le ministère
de l'Agriculture a remis successivement, à quelques mois de distance, 1.200
francs pour chacune des années 1915 et 1916. Cette aide féconde et nécessaire,
outre sa propre valeur, est pour nous un encouragement moral, un témoi-
gnage précieux, dont nous sommes reconnaissants et que nous justifierons de
plus en plus par nos efforts.
Deux défaillances inévitables se sont produites par la force des choses : les
cotisations des membres correspondants des pays étrangers, comprises dans
le montant indiqué plus haut, se sont réduites à près de moitié de celles versées
lorsque toutes les relations sont ouvertes; elles se sont abaissées à 196 francs.
La seconde lacune, de beaucoup la plus lourde financièrement, réside dans
les abonnements à notre Journal, qui du chiffre habituel de 1.400 francs au
moins se sont effondrés à 825 francs. Le mot est malheureusement juste,
mais cet effet sera certainement temporaire : membres résidant à l'étranger
ou dans les départements envahis reprendront promptement leurs abonne-
ments. La Commission des finances chargée d'examiner les comptes s'est
d'ailleurs préoccupée du taux d'abonnement du journal, qui n'est pas en rap-
port avec le prix de revient de son impression, surtout dans les conditions
- 61 -
actuelles, et qui semble dès lors devoir donner lieu prochainement à un
examen.
Les intérêts perçus sur nos valeurs de portefeuille sont à leur taux normal
de revenu et ont même excédé de 36 francs celui de l'année dernière : consé-
quence de la première souscription à l'emprunt de 1915 pour la défense natio-
nale, qui a été renouvelée cette année sur l'emprunt semblable de 1916, et
qui produira le même effet de rendement en 1917. C'est la juste récompense
de l'œuvre patriotique qui s'est accomplie.
En définitive, les recettes ont dépassé notablement les prévisions : 19.167^ 22
contre 12.500 francs évalués pour le service courant.
Le côté des dépenses réglées pendant l'année 1916 ne donne lieu à aucune
observation pour plusieurs de ses diverses sections : loyer, publication de
l'Annuaire, frais de bibliothèque, toutes sont restées au niveau des crédits
budgétaires.
Les frais d'administration ont présenté une économie sensible malgré la
hausse de toutes choses. Quant aux honoraires de rédaction, bien que le
Journal ait été plus développé, ils ont laissé libre le tiers de leur dotation, ne
prenant que 1.015 francs sur les 1.500 francs inscrits à leur sujet.
Ces économies sont d'autant plus heureuses que l'impression du Journal a
causé un dépassement correspondant, malgré les efforts du secrétaire général
pour limiter cet excédent, en présence de l'augmentation des tarifs d'impres-
sion dont il sera parlé plus loin en vue du budget de 1917, travaux qui, s'ils
sont les plus coûteux pour la Société, sont en même temps les plus néces-
saires pour elle.
En effet, il importe essentiellement de constater que l'action vive et directe
de la Société consiste dans la publication de ses études et que dès lors, tout en
fixant dans une juste limite les dépenses de cette nature, on peut accepter
certain dépassement sous ce rapport, surtout lorsqu'il doit être temporaire
comme cela se produit actuellement par suite de circonstances majeures.
D'ailleurs, si l'ensemble des charges du service courant s'est élevé à 13.705* 14
et celui des recettes à 13.167* 22 seulement, l'écart est limité en définitive
cette année à 537* 93, somme en regard de laquelle des disponibles équivalents
se sont souvent révélés.
En dehors du service courant, la deuxième partie des comptes, relative aux
opérations d'ordre, montre en première ligne les versements effectués par
divers sociétaires pour racheter leurs cotisations, versements qui se sont élevés
à 1.080 francs, somme devant rester immobilisée en réserve viagère.
D'autre part, l'amortissement d'une obhgation P.-L.-M. 3 % du legs Coste,
compte courant disponible, remplacée par un titre semblable, a produit un
boni de 159* 96.
De plus, les comptes courants des legs Mercet et Coste ont reçu leurs inté-
rêts usuels (288 et 1.593 francs), ce qui a permis pour ce dernier compte de
faire face à la souscription de 100 francs de rente 5 % à l'emprunt 1916 pour
la défense nationale, comme il a été dit plus haut.
- 62 -
Il reste maintenant à exposer certaines vues qui ont présidé, sur quelques
points, à l'établissement du budget pour 1917.
Les recettes sont prévues comme Tannée précédente, dont la situation, en
ce qui concerne la Société, peut être considérée comme analogue. Seuls les
abonnements peuvent différer; mais il a paru préférable de les maintenir avec
les prévisions de Tannée précédente, parce que Tabaissement qui s'est produit
est temporaire et peut disparaître à la prochaine éclaircie qui peut être espérée
dans le cours de Tannée, et notamment aussi parce que la somme finale de
538 francs inscrite à l'avoir de la deuxième partie du budget, sans emploi
formel, ferait face à une insuffisance et maintiendrait ainsi Tensemble de Téqui-
Jibre financier.
Sous le rapport des dépenses d'administration, un très léger relèvement de
50 francs au total (20 + 30) est prévu aux frais de convocations et de recou-
vrements, en raison des relèvements multiples des tarifs de la poste, relève-
ments beaucoup plus élevés, mais que les disponibles réalisés cette année
peuvent permettre de croire suffisants pour couvrir les nouveaux excédents
qui surviendraient.
Quant aux prévisions pour Timpression de TAnnuaire et surtout du Journal,
dont Timportance est capitale pour la Société, on doit constater que le tarif
des travaux a été augmenté en 1916 de 20 %, par rapport aux prix antérieurs
aux hostilités, sans que Teffet s'en soit fait pleinement sentir, mais que Tim-
primeur vient de déclarer qu'il se voit contraint d'appliquer une nouvelle
augmentation en 1917, « en raison de la rareté de la main-d'œuvre et des prix
excessifs des papiers qui parfois même ont fait absolument défaut ».
Cet accroissement, qui vient en effet de se produire, porte à près de 60 %
la différence totale avec les prix du temps de paix pour ce qui se rapporte à la
partie générale des impressions, c'est-à-dire la composition du texte, les tirages
et la fourniture du papier.
Bien que cette mesure ne puisse avoir qu'un caractère temporaire qui
découle, d'après Tavis même de l'imprimeur, des nécessités de Theure pré-
sente, elle doit amener nécessairement des dispositions restrictives et d'en-
tente.
Un autre point, moins général, mais intéressant, réside dans la surélévation
qui frappe de près de 90 % le prix de Theure des corrections faites après
composition du texte, alors que cette nature de frais est généralement fré-
quente et très élevée dans les diverses imprimeries et qu'il serait de la plus
grande nécessité de les éviter le plus possible, en composant presque exclusi-
vement sur manuscrits et documents de texte définitif, dès lors presque sans
corrections.
Qu'on me permette à ce sujet de dire que, par expérience personnelle vieille
de quarante années et faite à mes propres frais pour une forte publication,
d'ailleurs étrangère à la Société de Statistique, que des rectifications et des
compléments après coup peuvent, sans qu'on s'en doute, arriver à doubler
la charge de la composition d'origine.
Pour terminer ce qui concerne le budget de 1917, TAnnuaire est inscrit
avec un léger supplément de 20 francs, faisant correspondre le crédit au tirage
restreint qui vient d'être efToctué.
- 63 -
D'autre part, le supplément pour frais d'impression du Journal, figurant à
la fin de la deuxième partie du budget, est porté à 1.500 francs, graphiques
compris, sans préjudice de recours encore possible sur le reliquat final de
538 francs, afin de pouvoir faire face aux dernières nécessités qui se produi-
raient, malgré les économies qu'on s'efforcera de réaliser, tout en maintenant
la publicité des travaux de ia Société au niveau que comporte le rang de notre
œuvre.
J'ai l'honneur de soumettre, sous la réserve de ces observations, les comptes
et le budget dont il s'agit.
Le Trésorier,
Paris, le 12 février 1917. P. Matrat.
Innexe B au Procès-Terbal de la séance du 21 février 1917
RAPPORT PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA
COMMISSION DES FONDS ET ARCHIVES
Par m. François SIMIAND
VICE-PRÉSIDEST
A la séance du îi février i917
Messieurs et chers Collègues,
J'ai rhonneur de présenter le rapport de la Commission des fonds et
archives sur les comptes de 1916, la situation financière à la fin de cet exer-
cice, le budget de 1917. La Commission s'est réunie le 14 courant sous la
présidence de M. Neymarck, notre président, M. Raphaël-Georges Lévy,
ayant été empêché.
Étaient présents : MM. Meuriot, vice-président; Barriol, secrétaire
général, et votre Rapporteur.
La Commission a examiné avec soin les comptes et les documents à l'appui
que lui a présentés M. Matrat. Elle a vérifié l'état du portefeuille et étudié
les divers points qui dans le compte de gestion, le bilan ou le budget parais-
saient pouvoir soulever des observations. Elle n'a pu que rendre hommage
au soin, à la précision et à la sûreté avec lesquels notre cher et respecté tré-
sorier s'est une fois de plus acquitté de ses fonctions. Son rapport vous a
indiqué déjà tous les éléments de ce compte rendu et de ces prévisions et, par
là, a beaucoup facilité ma tâche. Je ne ferai que reprendre brièvement les
points sur lesquels la Commission m'a chargé d'appeler votre attention.
Ce que le tableau quinquennal, qui nous est présenté selon l'usage, fait
ressortir avant tout, c'est que les événements de guerre ont, en somme, atteint
la situation financière de notre Société beaucoup moins qu'on n'aurait pu le
- 64 -
craindre et beaucoup moins qu'ils n'ont atteint celle d'autres sociétés savantes
ou groupements d'études. En particulier la comparaison entre l'exercice 1916
et l'exercice précédent est, au total, tout à fait rassurante sur les conséquences
de ces événements pour notre Association. Si nous comparons les recettes et
les dépenses effectivement réalisées à celles qui étaient prévues, nous trouvons
une concordance satisfaisante pour la plupart des postes. Quelques points
cependant demandent qu'on s'y arrête. C'est d'abord cette baisse sur les abon-
nements que le rapport de notre trésorier a déjà mise en évidence. A quoi peut
tenir, de 1915 à 1916, cette chute qu'il n'a pas craint d'appeler un « effondre-
ment », alors que, de 1914 à 1915, les chiffres s'étaient sensiblement main-
tenus? Votre Commission a jugé que la question importait assez à l'avenir
de notre Journal pour demander que notre éditeur soit invité à examiner sur
quelles catégories d'abonnés ont porté ces défaillances, s'il s'agit d'abonne-
ments collectifs ou d'abonnements individuels, et de quelles catégories parmi
ces derniers? La réponse à ces questions, nous l'espérons, nous apportera
une explication et pourra nous indiquer le remède. La brèche ainsi faite dans
notre recette n'apparaît cependant pas,. même dans le total de la seule pre-
mière partie des recettes, grâce à un retard de subvention importante rat-
trapé en 1916; mais comme on ne peut évidemment compter sur une aide
régulière de cette sorte, il faut aviser.
Aux dépenses, c'est aussi le Journal, mais ici par l'augmentation de son
coût, qui mérite sérieuse considération. Nul d'entre nous ne songe à restreindre
cette publication, qui est la manifestation essentielle de l'activité d'une société
telle que la nôtre, qui est le lien entre tous les membres, qui est son moyen
d'action en dehors d'elle en France et à l'étranger. Mais si nous avons pu fairQ
face en 1916 à l'accroissement des frais d'impression dont M. Matrat vous a
dit le taux, il n'en faut pas moins songer à des mesures sur lesquelles je vais
revenir à propos du budget de 1917.
Au chef des dépenses extraordinaires, notons la souscription à l'emprunt
français 5 % 1916, par laquelle le Conseil a tenu à honneur de nous associer
à cette œuvre nationale, et le remploi du remboursement d'une obligation
P.-L.-M. sortie à un tirage. Le tableau n^ 1 résume la comparaison des recettes
et dépenses prévues et effectives.
Le tableau n^ 2 résume la comparaison du bilan actif et passif au 31 dé-
cembre de chacune des années 1915 et 1916.
Nous avons continué, selon l'usage, d'évaluer les titres en portefeuille au
coût d'acquisition. Comme ce sont des valeurs de tout repos et qu'il n'est pas
question pour nous de réaliser la moindre part de ce patrimoine, puisque nos
recettes courantes couvrent régulièrement nos dépenses courantes, cette mé-
thode est certainement la meilleure; et les revenus des legs sont venus régu-
lièrement accroître les fonds dont nous pouvons disposer et ont permis la
souscription dont je viens de parler. Les espèces en caisse se sont augmentées
de l'un à l'autre des bilans.
Dans le projet de budget pour 1917, ce qui mérite encore et surtout notre
attention, ce sont les postes relatifs au Journal. Aux prévisions de recettes,
le chiffre d'abonnements antérieur a été maintenu, parce que nous espérons
bien que, par notre effort, auquel le Conseil vous demande de vous associer.
- 65
nous réussirons à relever les chiffres de 1916. D'autre part, le Conseil a mis à
l'étude la question du relèvement du taux de l'abonnement au moins pour les
Tableau I
EXERCICE 1916
Ire Partie.
Cotisations
Journal • .
Revenu de titres sans affectation
spéciale
Subventions
Totaux
2<; Partie.
Rachats de cotisations
Legs Coste, Mercet. Bourdin. . .
An 1 ortissement d'obligation s P . - L . - W .
Totaux
Totaux géskeaux. . .
RECETTES
Effectives i
t. 200 »
4.245 ..
l.i40 .>
825 »
3.500 »
3.537,22
3.360 »
4.5fi0 »
12.500 »
13.167,22
420 »
1.080 »
1.97i »
1.917,36
4'Jl ,41
2.39i »
3.4«S,T7
Partie.
Administration. . . .
Loyer
Journal
Annuaire
Bibliothèque
Frais extraordinaires.
Totaux
2= Partie.
Supplément pour journal. . . .
Dépen.ses extraordinRire.?. . . .
Réserves d< s annuités; diver;
et reliquat
Totaux
14.894 »
ie.655,99
Totaux généraux.
DEPENSES
Prévues
3.. 500 »
1.000 »
7.300 »
300 »
350 o
50 »
3.236,00
1.000,80
8.841,49
263,10
358,15
l-'.500 » 13.705,14
2.088,45
14,894 » 15.793.59
nouveaux abonnés, ce qui serait une prime à la fidélité des anciens. Du côté
des dépenses, nous devons, sans diminuer la valeur ni l'étendue de la publi-
cation, nous efforcer sans doute de les comprimer. Nous tâcherons d'obtenir
Tableau II
BILAN
Espèces en caisse
Titn s sans aSFectation spéciale
Titros avec affectation. . . .
Disponibilités
Totaux . ...
ACTIF
au 31 décembre
1915
4.030,67
102.473,47
55.902,60
4.605,85
167.018,59
1916
4.899,07
102.473,47
55.902,6J
6.202,89
169.478.03
Capital de legs
Réserve sur cotisations rachetées.
Fonds sans aiïeetation spéciale .
Cotisations en cours de rachat .
Provision .Médaille Bourdin) . .
Comptes courants (Legs Coste et
Mcrcct)
Totaux .
PASSIF
au 31 décembre
1915
1916
56.197,35
d6.197,.35
29. 023, OS
29.419.13
71.773,91
71.739.69
1.560 »
1.74.1 »
108 »
144 .
8.356,30
10.237,86
167.018,59
169.478,03
de l'imprimeur les meilleures conditions possibles. jNIais les augmentations de
tarifs tenant aux conditions générales ne dépendent ni de lui ni de nous. Il
est, par contre, une économie qui dépend de nous, j'entends de tous les colla-
borateurs du Journal : c'est le chapitre des corrections d'épreuves. M. Matrat
vous a dit le relèvement considérable du tarif de cette opération. La Commis-
sion m'a donc chargé de demander tout spécialement à tous les collaborateurs
du Journal de s'attacher à ne donner à notre secrétaire général (qui ne s'en
- 66 -
plaindra pas) que des manuscrits aussi arrêtés et établis de façon aussi défi-
nitive que possible, et de s'attacher encore à ne faire que les corrections vrai-
ment indispensables et les plus économiques. Cela est un vœu très pressant,
sur lequel nous ne saurions trop insister. Je noterai, d'autre part, que l'aug-
mentation des frais d'impression a été, pour une part notable, fort atténuée
par une diminution de frais de rédaction pour laquelle nous exprimons à qui
de droit toute notre reconnaissance; si bien qu'au total les dépenses globales
du Journal (impression et rédaction), calculées par page imprimée, ne se sont
pas autant élevées par rapport aux années antérieures que l'augmentation
des frais d'impression pouvait le faire craindre.
Mais il y a une autre remarque aussi importante qu'appellent également les
calculs intéressants établis par notre secrétaire général et qu'il a bien voulu
me communiquer. Si le total de nos dépenses pour le Journal s'est sensible-
ment élevé, comme je viens de le dire, depuis la guerre, en revanche, les dé-
penses d'administration par membre de la Société n'ont presque pas monté
de 1915 à 1916 et se trouvent en 1916 encore inférieures à ce qu'elles ont été
en des années antérieures à la guerre. Qu'est-ce à dire, sinon qu'à la hausse
des dépenses, si elle doit se continuer, il y a un remède essentiel, qui est l'aug-
mentation de nos membres? et les résultats obtenus à cet égard de l'une à
l'autre des années qui précèdent sont des plus encourageants. Alors que beau-
coup de sociétés savantes ont eu leur vie comprimée ou même suspendue par
la guerre, n'est-ce pas une remarquable preuve de vitalité que ce maintien
et c^e développement de notre recrutement au cours de la guerre même? Sans
doute, nous savons bien tout ce que, dans ces résultats, nous devons à ceux
qui ont donné leur temps et leur action à la vie de la Société pendant cette
période, à notre président, aux auteurs de communications et collaborateurs
du Journal et à notre cher secrétaire général; mais ils m'en voudraient, j'en
suis sûr, de ne pas dire que nous le devons aussi à l'objet même du travail de
la Société, à la valeur qu'il conserve et qui ne peut même que s'accroître dans
les événements que nous traversons et dans la suite qu'ils présagent.
Me sera-t-il permis d'ajouter quelques mots pour ceux des membres de la
Société que leur situation militaire ou leur emploi du temps de guerre a retenu
et retient encore éloignés de vos séances? Ils se rendent compte, autant et
mieux que personne, que dans l'action même à laquelle ils sont attachés, se
préparent des éléments nombreux qui appelleront, pour être mis en valeur
et même pour être pratiquement utilisés, des études de divers ordres, et notam-
ment — et je dirai: presque avant tout — des études d'ordre statistique. J'en
sais plus d'un qui a, dès maintenant, fait effort pour préparer ou aider à
préparer ce travail ultérieur. Mais, s'il ne peut être dès maintenant pousté
comme il le sera plus tard, tous sont heureux, en tout cas, de savoir que le
foyer où, le moment venu, pourront être apportées et élaborées toutes ces
données non seulement ne s'est pas éteint pendant la tourmente, mais au
contraire a été entretenu et alimenté par des activités diligentes et dévouées;
et je ne doute pas que je puisse en leur nom à tous exprimer à ces dévouements
et à ces activités toute leur reconnaissance.
Je ne saurais terminer ce rapport de la Commission des fonds et archives
sans renouveler à notre cher trésorier tous nos remerciements les plus sincères
- 67 -
et sans ajouter tous nos vœux pour qu^il veuille bien le plus longtemps pos-
sible nous conserver sa pjrécieuse collaboration.
SOCIÉTÉ DE STATISTIQUE M PARIS
BILAN AU 31 DECEMBRE 1916
ACTIF
ESPÈCES
En caisse 111^00 )
Au Crédit Foncier de France 900 29 / 4899^07
Au Comptoir National d'Escompte 3 887 72 )
PORTEFEUILLE
(PRIX d'achat)
1° Titres sans affectation spéciale
A. Déposés au Crédit Foncier :
100 fr. de lente S",, de l'emprunt de 1915 pour la Défense nationale (Certi-
ficat nominatif de la sous-niptioni I [À('cé|)i;ysé n'MO 981 4i7] 1745^ »
20-i fi". de rente 3 "/o (résultant de la conveisiun de
30f) fr. de rente 4 f/2 °/o réduils a '238 fr. de rente
3 1/2 "/.). 'Récépissé n» 126913] .
70 obligations foncières 3 °/o 1^83 (Itécépissés n"'
2R3y9u. 2752G8 et 99.". 736)
4- obligations coniniunales 2.(i0 °/o 1892 fRécépissé
n" 275 269) [N°* des obligations à lots 164 7.S9 à
164 792]
1/4 obligation Mlle de Paris 2 ^'o 1898 (Récépissé n°
314 960) [\° de Fobligation à lots 557 760 2« quart].
3 obligations chemin de fer du .^nd de la France 3 "/o
(Récépissé n" 297 5681.
26 obligations (In gouvernement général de rindo-Chine
3 ir2°/o 1898 (Récépissés n''' 322 9;;9 et 406 536 > .
25 obligations des chemins de fer de llndo-Chine et
du Yunnan 3^/0 (Récépissé n° 409 390) 1 1 o-^o i^n / ' ) 93587 38
30 obligations chemins de fer P.-L.-M. tfnsioni 3 7o
anciennes (Récépissé n" 620 607)
20 obligations chemins de fer de Paris à Orléans 3"/o
nouvelles dîécépissé n" 62u608)
18 obligations chemin de fer Paris à Orléans 3 "/o
nouvelles (Récépissé n" 741 565) 7974 »
2 obligations chemins de fer de Paiis à Orléans 3 "/o nouvelles
(lîécépissé 11° 789 4.'-6) - 860 20
3 obligations chemins de fer P.-L.-M. 3 °/o (fusion) nouvelles
(Récépissé n" 789485) 128
2 obligations Mlle de Paris 3 "'o emprunt 1910, libérées (n°'
7 163f
"\
29317
90
2014
65
64067
38
m
03
1400
85
13039
15
1 1 020
80 /
-
12 926
„l
21546
»
8 620
J
des obligations à lots 51 7 51 7 et 517 522) [Récépissé n° «49461]
;'90
54 '
4 obligations Foncières 3°/o 1883 (Récépissé n" .S2329:.)
3 obligations chemins de IVr P.-L -M. 3 °/„ (fusion) nouvelles (Récépissé
n" 916459)
B. Déposés au Comptoir .\atioital d'Escompte de Paris :
2 obligations du chemin de fer de l'Est Algérien 3 "/o (Récépissé
n° 5U1926) 852 80
1 obligation Foncière 3 »/» 1883 (Récépissé n" 427 725) 438 »
Montant des titres ci-dessus
Total des titres ci-dessus et des espèces . . J reporter. . .
2 936 49
1 685 »
1228 80
1 290 80
102 473' 47
107372^54
- 68 -
ACTIF {Suite)
Report 107 372' 54
2° Titres affectés à la représentation des legs suivants
C. Déposés au Crédit Foncier :
Legs Boiirdiii : 36 fr. de rente 3 "/o (Récépissé n" 172 226). . . 997^60
Legs Bresson : 25 fr. de rente 3»/o (Récépissé w" 670 765) -. . . 805 »
Le^s Hancock: 7 oliligntioiis chemins de ter P.-L.-M. (fusion) > 5791 60
3 °/„ nouvelles (lîécepisse n» 789 4.85) 2989 » \
Legs Levasseur : 'i'S l'r. de rente 3 °/o iHécépissé n" 743712) . 1000 » /
D. Déposés au Comptoir i"\afio)ial d'Escotnpte de Paris:
Legs Coste : 98 obligations du chemin de fer de TEst Algérien \
3 "/n'inéccpissé 501926) 41789 » ( ^^ , , ,j
Legs Mercet : 19 obligations Foncières 3 "/o 1883 (Récépissé (
n^ 427^25) . . 8 322 » )
3" Titres d'arrérages du legs Coste en compte courant
E. Déposés au Comptoir National d' Escompte de Paris:
1 obligation chemins de fer P.-L.-M. 3 °/o (fusion) nouvelles
(Récépissé nM:!2 507) 366 09
1 obligation semblabbMHécépissé li" 1055831) 338 45
3 obligations semblables (iiécépissé n" 504246) Ii83 40 } 6202 89
6 obligations semblables (Récépissé n" 721 551) 2464 95
Titre de 100 fr. 5*^/0 Rente de l'Emprunt 1916 pour la
Défense nationale (Certificat nominatif de la souscription) . . 1750 »
DIVERS
Bibliothèque :
p . . \ Valeur des livres
t-our mémoire. . Numéros du Journal en magasin.
> 56197^35
Total de l"actif 169478^03
PASSIF
Capital des legs suivants
Legs Bourdin 997^60
Legs Bresson 805 »
Legs Coste 41934 75
Legs Mercet 8 460 »
Legs Hancock 3u00 »
Legs Levasseur 1 000 »
/{é.sert-e sur cotisations rachetées (') 29419 13
Fonds sa7is aj/ec/atiou spéciale, dont 22 000 fr. provenant de Tattri-
bution faite à la Société de St;itistinue. sur le legs fait à l'Etat par
M. CilTard, et 20580^ 32 moniaiii de rindemnité des assurances
pour l'incendie des collections du Journal de la Société 71739 69
Cotisations en cours de rachat (Reçu 29 annuités de 60 fr.). . . . 1740 »
Provision pour nu^daille Bourdin 144 »
Comptes courants des legs Coste et Mercet:
Legs Coste : Titres d'arrérages disponibles 6202 89 ) aQr>\ fo
^ Fonds d'arrer;ii;es disponibles 3028 77 \ "
Legs Mercet: Fonds d'arrérages disponibles . . . ■ . 1006 20
Total du passif 109 478^03
il) Celle réserve s'est ri'diiileeQ 1916 par suite du décès de deux membres perpéluel.s et augmentée par
rinscriptiou do tntis membres ayant racheté leurs cotisations.
- 69 -
COMPTES DE 1916
RECETTES
Espèces au 1^' janvier 1916 :
En caisse 350^ 20
Au Crédit Foncier 111-27
Au Comptoir iNational d'Escompte 3 570 20
1" Partie
Recettes effectuées pendant l'année pour le service courant
4036^67
Cotisations : Meniljres titulaires 40-19^
— Membres correspondants . . , 196
Journal : Abonnements et vente de numéros
Intérêts non réserves sur les titres du portefeuille généryj, sur ceux des
lejis Bresson. Hancock et Levasseur, sur les fonds au Crédit Foncier,
et divers
Subventions reçues en 1916 :
Ville de Paris : année 1915 1000
Conseil général de la Seine : 1915 500
Ministère de FAgriculture : 1915 et 1916 2-luO
Ministère de rinstruction publi(|ue : 1916 300 » \
Ministère du Travail et de la Prévoyance sociale : 1916 360 »
Recettes eflfectuées en 1916 d''^ partie) 13 167^22
4245f »
825 »
3 537 22
4560 «
2* Partie
Recettes spéciales et Règlements d'ordre
/^w/mzYéi- ; 18 annuités de 60 Ir. pour rachats successifs de cotisations 1080' »
Legs Mercet: Reçu net en 1916 en compte courant au Comptoir
d'Escompte 288^ » )
Legs Coste: Reçu net en 1916 en compte courant au Comptoir \ 1881 36
d'Escompte 1593 36 )
Amortissement d'une obligation P. -L. -M. 3 °/o -191 41
Le(js Bourdin : Intérêts de ce legs en 1916 inscrits en provision pour
la médaille 36 »
Recettes spéciales de la 2* partie 348Sf77
Total de la r« et de la 2« partie 16 655' 99
Total GÉ.NÉRAL . . . 20692' 66
- 70 -
COMPTES DE 1916
DEPENSES
1" Partie
Paiements effectués pendant l'année pour le service courant
Adiiiiiiistration :
Seorétarial général, correspondance, frais de bureau, etc 1 776'50 )
Frais de convocations 315 8U \ 3236' Gu
Trésorerie el archives, frais de recouvrement, correspondance, etc. 1 144. 30 )
Loyer: payé en 1915 lûOu 8u
Journal: impression el frais d'envoi 7 826 49 / §841 49
— Rédaction en 1916, tableaux et graphiques 1U15 » j
Annuaire: Impression et envoi 208 10
Bibliothèque
Allocations mensuelles au bibliothécaire 300 » ) ^5^ 15
Ueliures et imprimés 58 15 j
Frais extraordinaires et de représentation. . » »
Dépenses réglées en 1914 (1" partie) 13705M4
2* Partie
Dépenses spéciales, placements et règlements d'ordre
Souscription à lOO fr. de rente 5 "/o de l'emprunt 191G de la Défense nationale . 1 750^ »
Achat d'une obligation i*.-L.-M. remplaçant celle amortie 338 45
Total de la 2M)artie 2 088f45
Total de la r* et de la 2" partie 15793^59
iEspèces au 31 décembre 4916
En caisse 111^06 J
Au Crédit Foncier 900 29 4899^07
Au Comptoir National d'Escompte 3 887 72 )
Total GÉNÉRAL égal 20 692^66
- 71 -
BUDGET DE PREVISION POUR 1917
RECETTES
l'* Partie
Cotisations 4-2uu'
Journal: aboiinemeiils et ventes . 1440
Hevenus des titres du portefeuille et
des eoniptes courants au Crédit
Foncier et au Comptoir National
d'Escompte 3 5U0
Subventions :
Ville de Paris 1 000^ » ;
Uinislère de l'Agricullure . . 1 20U » j
Hinislere de rinstruftioii pu- l
blique ubonn. au Juurnal) 300 >' ' ,, nnr.
Ilioislère des Travaui publics . Mémoire
Constil géoéral de la Seine. 500*^ »
Uioislère du Trafail et de la
PréTOtance labun.au Journ.l 360 »
Total de la première partie. 12500^
2* Partie
8 annuités en 1917 p'' rachats
(le cotisations en cours
devenus du legs Coste. .
— Mercet .
— Bourdin.
— Bresson.
— Hancok .
— Levasseur.
Total de la seconde partie.
Total général
480' »
1 600 »
280 »
36 »
25 »
100 »
33 »
2 554' »
15 054' »
DEPENSES
1" Partie
Administration :
Secrétariat général,
frais de bureau,
correspondance,
etc 1950' »
Frais de convoca-
tions 420 »
Trésorerie, archives,
frais de recouvre-
ment 1 180 »
Loyer :
Salles (les réunions
et bibliothèque. ,
Jour )i al :
Impression et envoi. 5 500 » i
Rédaction 1 50u » \
Graphi(iues .... 250 » J
Jjinuaire:
Impression et envoi
Bibliotlitque :
Livres, reliures et frais divers.
Dépenses diverses :
Frais extraordinaires et de re-
présentation
Total de la première partie.
2^ Partie
Supplément éventuel d'impres-
sion pour l'extension
du journal :
Le journal . . 1-iOO »
Les graphiques 100 »
Béserve des annuités ci-contre.
— des revenus du legs
Bourdin pour sa mé-
daille
— des revenus des divers
legs pour les prix
et publications con-
cernanl ces leiis. dé-
penses imputables et
frais s'y rapportant.
Total de la seconde partie.
Total gé.véral
Le Trésorier,
Paul MATRAT.
3 550' »
1000 >
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- 74 -
III
L'ALLEMAGNE DE DEMAIN
{Suite) (1)
III. EN RUSSIE
I
Do tout temps, il a existé un mouvement migratoire, plus ou moins actif,
de l'Allemagne vers l'est. Mais c'est surtout à partir du dix-huitième siècle
qu'il a pris une allure régulière et, depuis cette époque lointaine, on peut le
suivre, su, tout en Pologne, et constater qu'il s'est étendu et développé au
grand jour, sous la direction patiente, persévérante et habile de la Prusse.
Le dernier dénombrement de la population de la Russie a été effectué en
1897. A cette époque, le nombre des recensés dont l'allemand était la langue
maternelle s'élevait à 1.790.000 pour tout l'Empire et le nombre des sujets
allemands à 158.000. Assurément, ces chiffres sont trop anciens pour qu'on
puisse leur attribuer une valeur numérique absolue. Depuis vingt ans, la
marche envahissante du germanisme n'a fait que s'accentuer, et il est permis
de dire que les ressortissants de la langue allemande sont, au bas mot, 2 mil-
lions aujourd'hui. En l'absence d'autres documents plus récents, les chiffres
de 1897 sont néanmoins intéressants, car ils précisent et localisent les grou-
pements germaniques.
Nombre des recensés dans l'Empire russe dont l'allemand était la langue
.maternelle (1897).
Hommes Femmes Total
Russie d'Europe 647.621 664.567 1.312.188
Pologne 199.549 207.725 407.274
Caucase 29.002 27.727 56.729
Sibérie 3.761 1.663 5.424
Asie centrale 5.080 3.794 8.874
Total pour tout FEmpire . 885.013 905.476 1.790.489
lo En ce qui concerne la Russie d'Europe (Voir tableau X'VIII), l'émi-
gration allemande est surtout marquée dans les trois groupes ci-des ous : au
nord, dans les gouvernements de Grodno (10.000), Kovno (21.000), Cour-
lande (51.000), Livonie (98.000), Esthonie (16.000). Au sud, dans les gou-
ve nemenls de Volhynie (171.000), Kiev (14.000), Bessarabie (60.000), Kher-
son (123.000), Tauride (78.000), Ekaterinoslav (80.000). Enfm le long du
(1) Yo'\T Journal de la Société de Statistique de Paris, numéros de novembre et décembre
1916.
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Volga, dans les gouvernements de Samara (224.000), Saratov (166.000) et les
pays du Don (34.000).
Cette émigration paraît surtout orientée vers la culture des terres, l'élevage
des bestiaux et des chevaux. C'est pour cela que les gouvernements à grands
centres urbains sont relativement moins visés. Néanmoins, le gouvernement
de Petrograd comptait 63.000 pratiquants de la langue allemande, dont près
du cinquième sont restés sujets du Kaiser (Voir tableau XIX), et dont les
aspirations pangermaniques sont soigneusement entretenues par de nom-
breux journaux locaux payés par le fonds inépuisable des reptiles.
Nombre des sujets allemands dans l'Empire russe (1897)
Hommes l'emuies Total
Russie d'Europe 48.755 50.390 99.145
Pologne 27.156' 28.495 55.651
Caucase 1.437 1.345 2.782
Sibérie 246 139 385
Asie centrale 69^ 71^ 140
Total pour tout l'Empire. 77.663 80.440 158.103
Il n'est pas difficile de prévoir l'influence et la puissance de ces Allemands
sur les administrations publiques dans lesquelles beaucoup avaient réussi à
pénétrer, notamment dans les régions où ils sont groupés par dizaines et par
centaines de mille. 11 a, peut-être, été possible de se débarrasser, au moment
de la déclaration de la guerre, des 100.000 sujets allemands de la Russie d'Eu-
rope; mais les 1.200.000 naturalisés russes sont restés et il n'est pas téméraire
de penser qu'ils se sont livrés à toutes sortes de machinations et de manœuvres
ouvertes ou dissimulées pour tenter de décourager et de paralyser l'effort
russe.
Répartition des recensés dont rallemand était la langue maternelle.
PROVINCES
ou GOUVERNEMENTS
HOMMES
FEMMES
TOTAL
PROVINCES
ou GOUVEENEMENTS
HOMMES
FEMMES
TOTAL
CAUCASE
Bakou
Daghestan. . .
Klisavetpol . .
ICars
Koubaii . . . .
Koutaïss. . . .
Amour
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Transbaïkal . .
Irkoutsk. . . .
Primorskaïa . .
Akmolinsk. . .
Transeaspienuo
Samarkand . .
Scmipalatin.sk .
Seiiiiretchcnsk .
1.612
1.788
3.430
173
89
261
1.591
1.603
3.191
370
60
430
10.515
10.263
20.778
013
452
1.065
Stavropol
Terek
Tiflls
Tchcrnomorsk
Erivan
Total i>d Caucase.
4.4.Ô5
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8.601
4.977
4.695
9.672
4.103
4.237
8.340
409
339
718
155
55
210
56.729
29.002
27.727
SIBERIE
104
31
135
697
249
946
176
61
237
434
173
607
489
114
603
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Tomsk
Iakoutsk
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872
558
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3.761
17
79
1.663
5.124
ASIE CENTRALE
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- 78 -
Tableau XX
Tableau indiquant les cercles du Caucase, de la Sibérie et de l'Asie centrale
dans lesquels les colons allemands se sont particulièrement groupés.
CERCLES
Province de Kouban.
lékaterinodar.
Batalpachinsk.
leisk
Kavkavsk. . .
Labinsk . . .
Maïkop. . . .
Temriouk. . .
Province de Terek.
Vladifcavkaz .
Grosnyi . . .
Kizliar ....
Naltchik . . .
Piatigorsk . .
Sounja ....
Khassav-Yourt
Province de Tomsk
Tomsk ....
Barnaoul . . .
Kaïnisk. . . .
Zmiecnogorsk.
Buck
Kouznietsk . .
Marinsk . . .
Province d'Ienisseïsk
Krasnoiarsk
Minousinsk: ....
Divers autres cercles
Omsk
Akmolinsk
Divers antres cercles
Province de Syr-Daria
Tachkend
Aoulieat
I)i\-er3 antres cercles
NOMBRE
des
COLONS ALLEMANDS
CERCLES
CAUCASE
7.36
2.189
996
2.003
2.996
403
1.192
4.977
839
115
64
481
3.010
370
98
10.263
20.778
745
1.481
2.203
4.392
956
1.952
1.969
3.972
2.874
5.870
373
77t;
1.143
2.335
4.695
9.672
834
1.673
49
164
49
113
492
973
2.862
5.872
362
732
47
145
Stavropol
Alexandrof
Medvieginsk
Novogrigoriev
Territoire des nomades
Province de Tiflis
Tiflis . .
Bortehalinsk . . . .
Gori
Divers autres cercle»
Province de Bakou .
Bakou
Divers autres cercles
Province de Elisavetpol.
Blis>avetpol
Divers autres cercles
872
558
1.430
4.33
274
707
157
126
283
98
31
129
79
80
159
21
15
36
40
16
56
44
16
60
697
249
946
142
48
190
402
15S
560
153
43
196
Tobolsk . . ,
Ichim. . . .
Kourgaui . .
Tara
Touriusk . . .
Tioukalinsk. .
Tioumen . . .
Yaloutorovsk
2.461
2.330
4.791
1.741
1.574
3.315
669
714
740
51
42
93
1.129
758
1.887
663
399
1.062
852
348
700
lU
11
125
ASIE CENTRALE
Province de Transcaspienne
Askabad . .
Tedjen . . .
Mei-v ....
Kraznovodsk
Divers . . .
NOMBRE
des
COLONS ALLEMANDS
4.455
1.452
56.3
894
1.060
186
4.103
2.580
1.231
105
1S7
1.642
1.517
125
1.591
4.146
1 . 340
544
812
1.030
420
4.237
2.837
1.265
92
43
1.788
8.601
2.792
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226
3.194
3.086
108
125
112
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305
183
135
3
- 79 -
2° Dans le Caucase les Allemands ^sont au nombre de 56.000, ce qui est
beaucoup. C'est surtout dans le Caucase septentrional, qui est aussi la partie
la plus riche et la plus fertile, qu'ils sont les plus nombreux; notamment dans
les gouvernements de Kouban et de Terek, dont le bétail est une grande
source de richesse, celui de Stavropol où les céréales sont très abondantes et
celui de Tiflis qui est un magnifique centre commercial; enfin, les gouver-
nements de Bakou où le pétrole abonde et d'Elisavetpol dont les ressources
agricoles et minières (mines de cuivre) sont connues.
3° En Sibérie, les Allemands sont au nombre de 5.424. Ils ne sont un peu
nombreux que dans les gouvernements de Tobolsk et de Tomsk.
4° En Asie centrale, on en compte un nombre relativement assez élevé
pour la région (8.874) dans les gouvernements à populations kirghizes d'Akmo-
iinsk, de Transcaspienne et de Syr-Daria, dont l'élevage du bétail à cornes,
moutons et chèvres, chevaux et chameaux, est important.
Le tableau XX indique les cercles du Caucase, de la Sibérie et de l'Asie
centrale dans lesquels les colons allemands se sont particulièrement groupés.
II
J'arrive à la Pologne qui, en 1897, possédait 400.000 habitants dont l'alle-
mand était la langue maternelle, c'est-à-dire plus du quart de l'Empire russe
tout entier. Quelle est donc la situation de la Pologne au point de vue de l'im-
migration allemande ?
On sait qu'après l'abdication du roi Stanislas-Auguste, le 25 novembre
1795, la Pologne fut partagée entre la Russie, l'Autriche et la Prusse.
La Russie s'incorpora la Lithuanie entière et la Courlande. A l'Autriche
revint Cracovie avec la Pologne du sud jusqu'à la Pilica et le Bug. La Prusse
eut Varsovie avec la rive gauche du Bug et de la Vistule et s'empara, natu-
rellement, du trésor royal et des diamants de la Couronne. C'est de la Prusse
que je me propose de parler particulièrement. Elle s'empressa de partager ses
nouveaux territoires en deux provinces : la Prusse méridionale et la Prusse
néo-orientale, qu'elle garda jusqu'à Tilsit (9 juillet 1807). Elle s'appliqua à
soutenir le protestantisme, inonda ses nouvelles conquêtes de colons et de
bureaucrates et entreprit contre le polonisme une lutte féroce et métho-
dique.
J'ai déjà dit que, de tout temps, il a existé une émigration allemande en
Pologne. Mais, durant les onze années pendant lesquelles la Prusse a été
maîtresse de la région de Varsovie, cette émigration a pris une sorte de carac-
tère officiel, régulier et d'une grande intensité qui a laissé des traces profondes
et visibles même à l'heure actuelle
C'est une sorte de transhumance du maigre troupeau humain allemand,
afïamé, dénué de tout et se transportant, en masse, dans des terres libres et
fertiles. Mais ce n'est pas seulement à un mouvement économique que nous
assistons, c'est aussi et surtout à une manœuvre politique. Et comme dans
toutes les actions où la Prusse met la main, la fraude, la trahison, l'espionnage
ont une large part et se mêlent, tout naturellement, à l'intérêt matériel.
- 80 -
Frédéric Skarbek dit (1) que, « pour faciliter le voyage des colons allemands
et leur procurer des moyens d'existence à leur arrivée à destination, on leur
faisait des donations en argent et en nature. Ils recevaient, tout d'abord, pour
les frais de route, un demi-florin par tête et par mille parcouru. Ils recevaient,
ensuite, un florin pour leur nourriture, tant qu'ils n'avaient pas trouvé à s'em-
ployer. Ils recevaient, enfin, un salaire de 2 à 6 thalers pour le défrichement
d'un arpent de la terre qui leur était assignée, plus le logement gratuit.
«Lorsqu'ils étaient installés dans leurs fermes, on leur faisait don de la moitié
du bétail et du matériel agricole qu'on leur avait fournis pour les aider à s'éta-
blir. On les exonérait de tout impôt et de toute charge pendant un délai de
trois à six ans. On leur reconnaissait la propriété héréditaire des terres; enfin,
eux et leurs fils étaient libérés du service militaire.
« Ces fermiers étaient ordinairement le rebut de la population allemande,
des malheureux chassés de leur propre pays par la misère et prêts à aller au
bout du monde pour trouver de quoi se suffire.
« L'établissement de chaque famille coûtait environ 1.000 thalers, sans
compter la valeur des terrains, pris sur les biens nationaux, qui leur étaient
cédés en toute propriété. L'importance des capitaux consacrés à la création
des colonies, l'abandon des bénéfices que ces capitaux pouvaient rapporter,
prouvent que les vues du Gouvernement prussien s'élevaient, dans ce genre
d'opération, au-dessus des considérations fiscales, et qu'il lui importait beau-
coup plus de peupler le pays d'Allemands et de germaniser la nation polo-
naise que de tirer des profits pécuniaires des capitaux engagés ^).
On comprend que des avantages aussi appréciables firent affluer les colons;
si bien qu'en peu de temps on vit naître de nombreuses colonies de peuple-
ment, particulièrement sur les deux rives de la Vistule, depuis Varsovie jusqu'à
Danzig. Ces villages, entièrement peuplés de Prussiens, pourvus d'écoles prus-
siennes, 'd'églises prussiennes, étaient placés sous la direction d'un fonctionnaire
prussien, à la fois maître d'école et pasteur, et chargé de ne pas laisser se relâcher
les liens qui devaient unir les colons à la patrie prussienne; et ils y réussirent
pleinement. « Dans la seule province de la Prusse méridionale, dit M. Ladislas
Grabienski (2), le Gouvernement prussien distribua aux Allemands, dans l'es-
pace de quatre ans, du temps de l'administration de Hoym, 240 propriétés
d'une valeur de 20 millions de thalers. Dans ces domaines, grouillaient adminis-
trateurs et ouvriers allemands. Le Gouvernement faisait venir des paysans d'au-
delà de la Sprée pour les travaux pubhcs et les encourageait à s'établir dans les
provinces usurpées. »
La Pologne, depuis 1795, a passé par bien des organisations administratives.
A la déchéance de l'Administration prussienne, survenue à la suite du traité de
Tjlsit, supcéda la création du duché de Varsovie, donné au roi de Saxe
Frédéric-Auguste (1807-1815). Au Congrès de Vienne, la Russie devint maî-
tresse du royaume de Pologne, moins le grand-duché de Posen abandonné à la
Prusse et la Galicie et Lodomérie à l'Autriche.
Mais, quels que fussent les maîtres de la Pologne, rien ne put déloger les avant-
(1) Histoire du duché de Varsovie. Varsovie^ 1897, t. I, p. 46.
(2) Histoire de la nation polonaise. Cracovie, 1898, t. II, p. 174.
- 81 -
postes du germanisme qui, peu à peu, s'étaient installés dans le pays. Non seule-
ment les villages de formation allemande ne se sont pas dénationalisés, mais
encore la génération actuelle, qui est la troisième ou la quatrième qui soit née
sur la terre polonaise, ne sait pas la langue polonaise, ne veut pas l'apprendre et
s'obstine à continuer à parler le pîattdeutsch des premiers colons. Il en résulte
que voilà plu> de cent ans que ces colons prussiens s'opposent, de toute leur
force d'inertie, à la culture polonaise et qu'ils forment une enclave allemande
en plein royaume de Pologne.
Mais il y a plus. Après l'insurrection polonaise de 1863, le Germain fut l'objet
d'une sollicitude toute particulière de la part du Gouvernement russe. On fei-
gnit de croire que les Allemands immigrés aideraient le Gouvernement russe à
dompter les Polonais, et l'idée de coloniser de plus en plus la terre polonaise
par les Allemands reprit faveur. Cette fois, ce n'était pas pour des raisons pure-
ment économiques, mais surtout pour des raisons politiques.
Il ne faut donc pas s'étonner si la Pologne est devenue la terre de prédilection
des Allemands.
Le tableau XXI en fournit la preuve et indique les éléments principaux
qui composent la population.
On voit que 400.000 ressortissants de la langue allemande habitaient la
Pologne en 1897, dont les neuf dixièmes sont locali-és dans les provinces de
Petrokov, Varsovie, Kalisz, Plotsk, Souvalki et Lublin. J'ajoute que 55.000
d'entre eux sont restés sujets allemands, ainsi que l'indiquent les chiffres ci-
dessous.
Nombre des sujets allemands en Pologne.
Kalisz
Kielce
Lomza
Lublin
Petrokov
Plotsk
Radom
Souvalki
Seldlets
Varsovie (*)
(*) Ville de Varsovie
Que font tous ces Allemands en Pologne ?
M. Stéphane de Gorski, dans une brochure très documentée (1), nous donne
à cet égard des précisions très importantes :
« Dans l'ensemble de la Russie en compte 2 millions d'Allemands en tout,
soit 2 % de la population de l'Empire.
(1) Les Allemands dans le royaume de Pologne. Paris, 1909. (Traduction française éditée
par TAgence polonaise de presse.)
Hommes
Femmes
Total
4.133
4.290
8.423
398
376
774
319
397
716
1.359
1.386
2 . 745
11.235
11.652
22.977
1.535
1.554
3.089
277
288
565
924
1.072
1.996
972
898
1.870
5.914
6.582
12.496
27.156
28.495
55.651
2.237
2.649
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- 83 -
« Parmi les villes, c'est Lodz et Riga qui possèdent le plus d'Allemands
110.000 chacune). Bien que Pétersbourg passe pour une ville bondée d'Alle-
mands, elle n'en compte que 65.000, soit 5% du total des habitants. La plus
grosse proportion de l'invasion allemande incombe au royaume de Pologne, qui
compte 200.000 résidents allemands de plus que la Courlande, la Livonie, l'Es-
thonie et le gouvernement de Saint-Pétersbourg. Les provinces baltiques comp-
tent ensemble 300.000 Allemands, à peine; le royaume de Pologne en a, en tout,
un demi-million. *
« Les bords de la Vistule et les localités voisines des frontières sont le plus
largement habités par les Allemands. Inutile de chercher longtemps les causes
de cette prédilection. La politique de Berlin, sous un masque apparent, a ins-
tallé là des colons le long des cours d'eau, le long des lignes de chemins de fer et
entouré, en même temps, d'une ceinture de sentinelles la forteresse d'Ivangorod.
. Des considérations stratégiques ont déterminé la création, sur ce point, d'avant-
postes germaniques, à tout hasard..., en prévision d'une action importante, d'une
marche vers l'Orient, par le royaume de Pologne, la Podolie et l'Ukraine, à
travers les Balkans, vers le Bosphore et vers l'Asie Mineure. Voilà pourquoi
on avait garni, avec soin, non seulement les bords de la Vistule, mais Plock,
Modlin, Varsovie et aussi le gouvernement de Lublin.
« L'invasion des Allemands dans la parti ? orientale de l'Europe ne s'arrête pas
d'ailleurs, au royaume de Pologne. Les colons allemands ont occupé les routes
et les points qui ont la plus grande importance militair: et stratégique en
Lithuanie, en Podolie et dans l'Empire russe. Le long de la chaussée Kief-
Brzesc, le long des voies ferrées de la Polésie et du sud-ouest, les colonies alle-
mandes s'étendent en masse compacte. Tout autour de Dubno, forteresse de
4.000 hommes de garnison, est installée presque toute une voïvodie allemande,
composée de 300.000 âmes. Autour de la forteresse de Kowno, dans l'arrondis-
sem nt de Kowno et dans les arrondissements voisins, résident 15.000 colons
allemands. Entre les forts, le camp et le pont du chemin de fer, sur le Niémen,
sont installées une dizaine de fabriques appartenant à des Allemands qui sont
sujets du Kaiser. Les terrains autour de Kowno et de la forteresse sont acquis
par des Alleinands. Il est impossible, certainement, de considérer ce fait comme
un pur hasard !
« On raconte, au club militaire de Plock, qu'à l'époque où le général Kaulbars
dirigeait les manœuvres sur la Narew, aux environs de Modlin, son attention
fut attirée par un moulin étrange si ué au bord de la rivière. Le général, intrigué
par la construction bizarre de ce moulin, le fit inspecter par le génie militaire,
et l'on découvrit que cette bâtisse renfermait toutes les parties d'un pont vo-
lant destiné à un but stratégique. Ce moulin appartenait à un colon allemand ;
ce fait se passe de commentaires. «
Il a fallu arriver au vingtième siècle pour que des patriotes éclairés soient
enfin arrivés à ouvrir les yeux du Gouvernement russe et à lui prouver que ces
colons allemands tant choyés étaient surtout, de pères en fils, de la graine
d'espions.
- 84 -
VI
LES RÉPARATIONS NÉCESSAIRES
M. Briand disait, il y a quelques semaines : « L'heure des réparations approche
pour les individus comme pour les peuples sur lesquels s'est abattue l'agression
germanique. » Cette parole d'espérance est venue, à son heure, fortifier nos
cœurs et nos esprits.
Pour surmonter les tristesses de l'heure présente, tout homme a besoin, en
effet, de songer à l'avenir et d'envisager ce qu'il sera ou ce qu'il devrait être.
Spectateurs ou copibattants de la grande guerre, tous les peuples caressent de
longs espoirs et de vastes pensées. Ils sont anxieux de savoir vers quelles des-
tinées ils s'acheminent. Ils appellent, de tous leurs vœux, une organisation
meilleure où leur postérité ne souffrira pas les angoisses perpétuelles, les humilia-
tions sans nojn et les sacrifices sans limites qu'ils ont endurés.
Il faut bien se garder de mépriser ce sentiment très naturel et très respectable.
Combien d'amis ne nous a-t-il pas valus chez les neutres? Combien de dévoue-
ments n'a-t-il pas suscités chez nous? L'Allemagne offre aux nations une contre
façon de l'idéal que les peuples attendent et que la solidité de la paix exige.
L'Allemagne, professionnelle de la guerre, ne peut donner aux peuples qu'un
avenir de guerre. Les Alliés, seuls, peuvent apporter l'équilibre et la paix. Pour-
quoi ne nous serait-il pas permis de le dire ? Pourquoi nous refuserait-on cette
arme et ce réconfort?
L'étude à laquelle je me suis livré, dans les chapitres précédents, solidement
appuyée par une documentation statistique inattaquable, sur la composition
démographique de l'Allemagne d'avant la guerre, va me rendre facile les courtes
considérations que je me propose, maintenant, d'aborder sur les réparations
nécessaires.
J'ai déjà indiqué dans de précédents travaux (1) que le démembrement de
l'Autriche-Hongrie, notamment par l'érriancipation des Slaves, est un des élé-
ments du problème. J'ajoute qu'en ce qui concerne l'Allemagne elle-même, les
réparations nécessaires visent quatre points principaux ; 1° la rive gauche du
Rhin; 2^ le Slesvig et le canal de Kiel; 3° la Lusace; 4° la Pologne. Je vais exa-
miner, successivement, chacun de ces points.
I
L'avenir de la rive gauche du Rhin n'est pas seulement la question qui excite
la passion du moment. Elle no date pas de 1870, de 1815 ou de 1795; elle est née
dès l'aube de l'iiistoire, elle est aussi vieille que la Gaule.
M. Ernest Babelon, niembre de l'Académie des Inscriptions, vient de publier
(1) L'Autriche et la Hongrie de demain. Les différentes nationalités d'après les langues
parlées. 1 vol. avec de nombreux tableaux statistiques et des cartes ethniques. Paris,
Berger-Levrault, éditeurs, 1915. — Les Yougo-Slaves [Serbes, Croates, Slovènes) au point de
vue ethnique: leur Union nationale. In Conférences faites en 1916 à TAssociation française
pour f avancement des sciences (p. 219-244).
- 85 -
un volume de près de 500 pages, Le Rhin dans V Histoire (1), pour démontrer
que, de même que la question balkanique est la grande question d'Orient, la
question rhénane est la grande question d'Occident. Ce livre n'est pas la froide
histoire des Gaulois et des Germains retracée par un archéologue érudit, épris
seulement d'exactitude, mais que son sujet ne passionne pas. C'est, au contraire,
tout vibrant d'un patriotisme éclairé et conscient que M. E. Babelon nous fait
l'historique du problème rhénan à travers l'antiquité, pour arriver à le souder à
nos angoisses présentes et en indiquer l'inéluctable solution. C'est un livre vivant
et vibrant comme un roman vécu et qu'on dévore d'un bout à l'autre; il faut le
lire.
Qu'on me permette de lui faire quelques emprunts.
« C'est pour protéger la Gaule contre les envahisseurs d'outre-Rhin que les
Gaulois appellent Jules César à leur secours. La garde du Rhin fut donc la
cause déterminante de l'occupation de la Gaule par les Romains, et, durant
cinq cents ans, les légions romaines veillèrent sur le Rhin, qui devient la fron-
tière fortifiée de la Gaule..
« Dans l'antiquité, la Germanie s'est glorifiée d'avoir, avec Arminius, le chef
d'une tribu chérusque, barré la route aux légions romaines, c'est-à-dire à la
civilisation. Elle est restée le domaine inviolé de la barbarie, et les Allemands
prussifiés d'aujourd'hui s'en prévalent encore. Ils mettent leur fierté à être
demeurés des barbares...
« Aujourd'hui, comme à travers tous les siècles de l'histoire, nous assistons
à cette lutte de deux éléments contraires, de deux principes de civilisation qui
n'ont jamais pu s'accorder : le romanisme et le germanisme; l'un, formé de
culture gréco-latine^ dont les peuples occidentaux sont imprégnés jusqu'à la
moelle; l'autre, engendré par la forêt germaine et sur lequel la culture gréco-
latine est toujours demeurée un vernis superficiel. La limite géographique de
ces deux types de civilisation, c'est le Rhin, aujourd'hui comme dans l'anti-
quité. L'histoire est, en cela, d'accord avec la nature; le teutonisme doit être,
maintenant comme jadis, refoulé chez lui, au delà du Rhin... -'
« La France est à l'avant-garde du romanisme. C'est avec le plus pur de son
sang, hélas 1 qu'elle signera la paix. C'est elle qui résoudra, enfin, la grande ques-
tion d'Occident en étendant sa frontière ou sa main protectrice et généreuse
jusqu'au Rhin. C'est à elle qu'a été confiée la garde du grand fleuve ; Strabon l'a
dit déjà. Renoncer à cette mission divine, ce serait de la part des Français d'au-
jourd'hui méconnaître la tradition vingt fois séculaire de notre glorieuse patrie.
Ce serait renier les efforts incessants faits par les générations d'oîi la nôtre est
issue. Ce serait exposer nos enfants à rentrer dans l'arène sanglante; ce serait
déchoir et trahir les intérêts de la civilisation. »
Voilà pour l'antiquité.
Qu'il me soit permis, maintenant, de franchir quelques siècles et de rappeler
que, pendant une vingtaine d'années, la province du Rhin a vécu de la vie de la
Fran:e, qu'elle avait adopté ses institutions, ses mœurs, ses idées et ses lois.
C'est à bras ouverts qu'elle recevait les soldats de la République, qui symboli-
(1) La grande question d'Occident : le Rhin dans V histoire. L'antiquité : Gaulois et Ger-
mains. Paxis, Ëraest Leroux. é<liteur. J9lô.
- 86 -
gaient partout la substitution d'un ordre nouveau à l'ancien régime et les éle-
vaient au rang de libres citoyens. Il se pourrait qu'il en fût de même cette fois,
et pour les mêmes motifs.
Donc, la vie de la rive gauche du Rhin s'est mêlée intimement à celle de la
France, pendant toute l'ère révolutionnaire et napoléonienne.
Les territoires enlevés à l'Autriche et à l'évêque de Liège formèrent d'abord
neuf départements français, qui sont devenus les neuf provinces actuelles de la
Belgique.
Les domaines des trois électeurs ecclésiastiques du Rhin, de l'électeur palatin
et de divers autres princes constituèrent quatre départements français. La
fraction du Palatinat qui se trouvait sur la rive gauche du Rhin a constitué
le département du Mont-Tonnerre, chef-lieu Kaiserslautern. A l'est, la plus
grande partie du domaine de l'électeur de Trêves devint le département de la
Sarre, chef-lieu Trêves. Le reste de la rive gauche du Rhin fut partagé en deux
départements ; le Rhin et la Moselle, chef-lieu Coblence et la Roer, chef-lieu
Aix-la-Chapelle.
Les habitants de ces quatre départements du Rhin furent de loyaux citoyens
de la Fiance républicaine et impénale, qui ne regrettaient point le passé. Et,
jusqu'en 1870, le roi de Prusse dut se résoudre à leur laisser l'usage du Code
Napoléon
Ces souvenirs ne sont pas oubliés et, au moment psychologique, ils revien-
dront, lout naturellement^ à l'esprit des intéressés.
*
* *
Je viens de donner des arguments tirés de l'histoire de l'antiquité et de l'his-
toire moderne; ce sont assurément des documents intéressants, qui ne sont pas
sans valeur et qui méritent considération. Mais je suis bien obligé de recon-
naître qu'ils ne viennent qu'en seconde ou en troisième ligne. A l'heure actuelle,
ce ne sont pas à des arguments d'ordre historique ou sentimental que nous
devons surtout nous attacher. Ce qui importe, avant tout et par-dessus tout,
dans cette question rhénane, c'est qu'elle est pour nous, pour nos amis belges
et hollandais même, le seul et unique moyen efficace de nous mettre à l'abri
des retours offensifs possibles et même probables de nos implacables ennemis
de la rive droite. Personne ne se fait illusion sur les tentatives que ne manque-
ront pas de faire nos ennemis pour recommencer, aussitôt qu'ils le pourront, la
partie qu'ils ont perdue cette fois. C'est à nous de les prévenir et de paralyser,
le plus possible, leurs moyens d'action. 11 n'est pas douteux que leur posses-
sion de la rive gauche du Rhin était un puissant moyen de préparer et d'or-
ganiser l'envahissement de la Belgique et de la France.
L'illustre Scheidemann, socialiste impérial, a déclaré que la Sozialdemokratie
est opposée — en ce moment — à ioute annexion. Cela ne veut pas dire que,
à son avis, aucune borne-frontière ne doive être déplacée. Mais il est nécessaire,
prétend-il, que les changements aient une forme qui rencontre l'approbation
de tous les partis.
Les Alliés, eux non plus, ne font pas une guerre de conquête; ils désirent
également profiter de leur victoire pour déplacer ou plutôt remettre à leurs
- 87 -
places légitime? quelques bornes frontières. J'ajoute que la nécessité de ces
changements a reçu l'approbation unanime de tous les Alliés.
Nous sommes, évidemment, dans les conditions requises par le porte-parole
autorisé de la Sozialdemokratie. Par conséquent, il n'y a pa? de doute que nous
ayons l'approbation des socialistes impérialistes, tout-puissants dans les
conseils de l'Empire, pour les modifications de frontières que nous projetons.
Il n'y a donc aucun inconvénient à examiner, en toute liberté, les modifica-
tions territoriales qu'il conviendra de faire,
La frontière ouest de l'Empire devra donc subir une modification de quel-
que importance. Et, comme les bonnes frontières font les bons amis, il est indis-
pensable qu'une frontière aussi nette que le Rhin sépare les pays de la Kultur,
des États civilisés de l'Ouest. L'Allemagne devra donc se désintéresser, com-
plètement, de tous les territoires qui se trouvent sur la rive gauche du Rhin.
De quoi se composent ces territoires? Ils se composent d'une partie des
régences de Diisseldorf, de Cologne et de Coblence; de la totalité des régences
d'Aix-la-Chapelle, de Trêves, du Palatinat, de la province de Hesse Rhénane,
et enfin de la petite- principauté de Birkenfeld, soit, au total, 5.370.000 âmes,
d'après les chiffres du dénombrement de 1910.
Si nous ajoutons à cela l'Alsace-Lorraine qui, d'après les statistiques offi-
cielles, contenait, en 1910, 1.874.000 habitants, il y a donc, en somme, 7.240.000
habitants dont S. M. le roi de Prusse et ses bons cousins, le roi de Bavière et les
grands-ducs de Hesse et d'Oldenbourg, n'auront plus à se préoccuper.
Les chiffres du tableau XXII fournissent tous les éclaircissements dési-
rables sur ces territoires. Naturellement^ je ne donne pas ceux relatifs à l'Al-
sace-Lorraine ; la question est suffisamment connue. Nous rentrerons, tout
simplement, en possession des territoires dont nous avons été dépossédés en 1871.
Dans la France de demain, l'Alsace et la Lorraine auront la place à laquelle
elles ont droit. Elles nous apportent leurs qualités de patience, de labeur, de
ténacité, de discipline, de vaillance et de sang-froid.
On comprend qu'il ne m'appartient pas de faire la répartition des terri-
toires de la rive gauche du Rhin entre les intéressés ; France, Belgique, Hol-
lande. Ce sera la tâche du Congrès de la paix; le 4 publicistes ne sont que
des pourvoyeurs d'idées et d'arguments.
*
* *
Aux considérations précédentes tirées de notre inéluctable besoin de défense
nationale, il faut ajouter dessarguments d'ordre économique dont l'importance
n'a pas besoin d'être démontrée.
Examinons d'abord certaines considérations hydrologiques.
Le Rhin est navigable depuis les rapides de Laufenbourg. Mais il ne se prête
à une navigation régulière qu'à partir de Ludwigshafen— Mannheim, c'est-à-
dire sur une longueur de plus de 500 kilomètres. Le réseau navigable de ses
affluents comporte, en outre, plus de 1.500 kilomètres (1). Son rôle commer-
(1) Ilf 105 kilomètres; Neckar, 218 kilomètres; Main, 330 kilomètres; Lahn, 135 kilo-
mètres; Moselle, 340 kilomètres; Sarre, 120 kilomètres; Ruhr, 73 kilomètres; Lippe, 192 kilo-
mètres.
- 88 -
ffh/n /7
RIVE GAUCHE
DU RHIN
Prusse RTnériane
Palaiinat
/ l/:^^->^r'-c-^-<{"\-y' -Hesse Rhénane
5y\;f V' C % et BirlW^ia
O
FRANCE
- 89 -
Tableau XXII. — LA RIVE GAUCHE DU RHIN (1910)
F»ROVI>fCE RHEZS^ArsE
RÉGENCE DE DÙSSELDORF
(en partie)
CERCLES
1 Clèves 71.326
2 Geldem 60.653
3 Mors 132.013
4 Crefeld (%-ille) 129.406
— (campagne) 41.515
5 Kempen 101.850
6 Mùnchen-Gladbach (ville . 66.414
7 Gladbach 121.333
8 Grevenbroich 50.344
9 Neuss 70.354
10 Rheydt 43.999
889.207
RÉGENCE DE COLOGNE
(en partie)
CERCLES
U Cologne (ville) 516.527
— (campag-nej 77.664
12 Bergheim 53.108
13 Euskirchen 49.778
14 Rheinbach 34.021
13Bonn(vnie) 87.978
— (eampague) 70.516
889.592
RÉGENCE DE COBLENCE
(en partie;
CERCLES
16 Abr-weiler 45.
17 Adenau 26.
18 Mayen 80.
19 Coblence (ville) 56.
— (campagne)
20 Cochem
21 Saint-Goar
22 Zell
23 Simmem
24 Krexiznach
25 Meisenhelm ....
18
322
76
478
619
.537
173
555
.156
87
772
GRAND-DUCHE DE HESSE
PROVINCE DE HESSE RHÉNANE
(entière)
CERCLES
26 Mayence 158.668
27 Bingen 42.648
28 Alzey 40.957
29 Oppenbeim 46.890
30 "Worms 93.275
382.438
521.438
RÉGENCE D'AIX-LA-CHAPELLE
ientiérei
CERCLES
31 Erkelenz 39.449
32 Heinsberg 40.008
33 Geilenkirchen 29.324
34 Jûlich. 45.954
35 Dùren 103.953
36 Aix-la-Chapelle (ville) . . . 156.143
— (campagne). 149.744
37 Eupen 26. 156
38 Montioie 18.249
39 Schleiden 47.029
40 Malmédy 34.768
690.777
RÉGENCE DE TRÊVES
Centière,
CERCLES
41 Daun 32.881
42 Priim 36.312
43 Bitburj 47.200
44 "Wittlich 43.841
43 Bernkastel 49.110
43 Trêves (ville) 49.112
— (campagne) 94.594
47 Saarbourg 34.411
48 Merzig 51.252
49 Saarlouis 113.025
50 Saarbruck (ville) 105.089
— (campagne) . . . 170.336
51 Ottweiler 126.946
52 St-"Wendel 55.025
BAVIERE
PALATINAT
(entier)
CERCLES
53 Rockenbausen 38.429
54 Kirchbeimbolanden . . 27.480
33 Frankenthal 67.658
56 Ludwigshaven 118.130
57 Neustadt-sur-le-Rhin. . 53.578
58 Kaiserslautem 91.573
59 Kxisel 46.730
60 Hombourg 74.849
61 St-Ingbert 43.647
62 Deux-Ponts 47.519
63 Pirmasens 86.981
64 Bergzabem 39.330
65 Landau (ville) 17.767
— (campagne) . . . 54.024
66 Germersheim 56.958
67 Spire 43.322
68 Diirkheim 29.110
937.085
GRAND-DUCHE D'OLDENBOURG
69 Principauté de Birkenfeld.
50.496
1.009.134
RÉSUMÉ
Dusseldorf 889.207
Cologne 889.592
Coblence 521.438
Hesse Rhénane 382.438
Aix-la-Chapelle 690.777
Trêves 1.009.134
Palatinat 937.085
Birkenfeld 50.496
Alsace-Lorraine . .
Total ,
5.370.167
1.874.014
7.244.181
irf sÉKIE. 586 VOL. —
- 90 -
cial est donc considérable et tient le premier rang, en Europe, avant ceux de
la Volga et du Danube.
Par conséquent, la riche vallée du Rhin, — comprenant les ba-sins du Rhin,
du Main, de la Ruhr, de la Moselle, de la Meuse et de FEscaut — qui est d'une
très grande richesse économique, aboutit à la mer par un delta que dominent
deux ports importants, Rotterdam et Anvers. Il importe que ces ports ne soient
pas dans les mains ou sous l'influence de l'Allemagne.
Je ne m'attarderai pas à discuter les plans annexionistes du pangerma-
nisme militant, bien que nous en retrouvions l'écho dans les déclarations de
tous les chefs de parti du Reichstag, de Westarp à Scheidemann et de Spahn
à Wiemer, en passant par Bassermann. Je rappellerai seulement que tous
tentent de démontrer la nécessité absolue pour l'Allemagne de retenir Anvers,
Zeebrugge et Osende; car Anvers doit être le débouché de la production
industrielle de la Westphalie.
La Gazette populaire de Cologne disait, récemment : « Le cœur de l'Allemagne,
c'est la région de la Ruhr, où l'industrie est si florissante; ce cœur nous devons
le protéger par une ceinture d'acier allant d'Anvers à Ostende, tout le long de
la côte flamande. »
Anvers aux mains des Allemands après la guerre serait une perpétuelle
menace pour Rotterdam ainsi que pour l'indépendance de la Hollande.
Le Rhin joue en efïet un rôle considérable dans les relations commerciales
de la Hollande avec l'Allemagne.
*
* *
En quittant la frontière allemande actuelle, le Rhin se divise à l'ouest
d'Elten en deux bras. L'un, le plus important, est le Waal. Il passe à Nimègue,
puis rejoint la Meuse et forme, avec elle, la Merwede. L'autre bras se dirige
vers le nord. H s'appelle, d'abord, canal de Pannerden, puis prend le nom de
Rhin ou Rhin inférieur (Neder Rhyn). Il se bifurque à son tour en amont
d'Arnheim; le bras qui coule vers le nord s'appelle Yssel (prononcez A'issel)
et se jette dans le Zuiderzee. Celui de l'ouest, qui garde le nom de Rhin, arrose
Arnhcim et plus loin Wyk-by-Duurstede.
Près de cette dernière localité il se divise encore en deux branches; la pre-
mière, constituée par l'ancien canal creusé par les Romains, porte le nom
de Lek et se réunit à la Meuse en deçà de Rotterdam. La seconde est consti-
tuée par le Rhin courbé {Kromme Rhyn) qui passe à Utrecht où il se bifurque,
de nouveau, pour former à droite la Vecht, aboutissant au Zuiderzee, et à
gauche le vieux Rhin, qui va se jeter dans la mer du Nord.
Le trafic hollandais par le Rhin s'effectue par les ports de Rotterdam,
Dordrecht, Bommel, Tiel, Nimègue, Amsterdam (1), Utrecht et Arnheim.
Ce trafic est important, ainsi qu'en témoignent les chiffres suivants que
(1) La création du canal de la Merwede, qui relie Amsterdam au Lek et à la Merwéde
par Utreclit, lui a ouvert, depuis 1892, le débouché du Rhin et a été le point de départ de
la grande prospérité d'Amsterdam.
- 91 -
j'extrais de la Statistique annuelle sur la navigation intérieure de l'Alle-
magne :
Bateaux ayant passé à la douane hoUando-allemande d'Emmerich et se dirigeant ;
Bateaux Tonnes
1° Vers l'amont.
1894 17.447 4.766.000
1900 28.635 9.039.000
1911 43.893 17.519.000
2° Vers l'aval.
1894 17.590 3.142.000
1900 . . , 27.898 4.153.000
1911. 44.009 13.621.000
Ces chiffres montrent l'accroissement considérable et progressif de la navi-
gation rhénane et l'importance des ports allemands situés sur le grand fleuve.
Ces ports sont, principalement, situés sur la rive occidentale. Je rappellerai
que les villes allemandes les plus importantes sont généralement, situées
sur la rive gauche du Rhin : Cologne, Coblence au confluent de la Moselle,
Mayence en face de l'embouchure du Main, Bonn, Spire, Worms, Neuss,
Ludwigshafen. Mais, sur la rive droite, nous trouvons les ports les plus actifs,
ceux qui ont le plus fort tonnage .• Diisseldorf, Mannheim au confluent du
Neckar, et surtout Ruhrort-Duisbourg au confluent de la Ruhr, dont le ton-
nage fluvial dépasse celui du port de Londres l
Ces ports possèdent de puissantes compagnies de bateaux à vapeur pour
voyageurs à destination de la Belgique et de la Hollande et la grande naviga-
tion à la remorque. A part ces trois villes, il n'y a que quelques stations à l'usage
de la petite batellerie.
*
* *
Il nous reste à examiner la question minière. Est-il nécessaire de rappeler
tout le parti que nos ennemis ont tiré des richesses des bassins de Briey et de
Longwy, qui produisent 18 millions de tonnes de fer? Faut-il risquer de leur
permettre de recommencer? Y a-t-il un seul Français qui puisse penser que si
nos ennemis eussent été vainqueurs, ils nous les auraient laissées? Faut-il aban-
donner entre leurs mains le^ charbonnages de Lorraine et ceux de la Sarre
qui produisent, chaque année, 16 millions de tonnes de houille, dont 12 mil-
lions pour le seul district de Sarrebruck appartenant à l'État prussien? Faut -il
renoncer aux salines de Lorraine et aux gisements de potasse d'Alsace?
Cette question a été agitée tant de fois par les spécialistes ; économistes,
ingénieurs, publicistes, qu'il me parait inutile d'y insister. C'est, bien le cas de
dire que poser la question c'est faire la réponse. Le fer lorrain et la houille de
la Sarre sont indispensables à la sécurité et à la prospérité de la France de
demain.
CONCLUSION
Les nécessités de notre défense politique, militaire et économique nous
commandent donc impérieusement d'enlever aux mains allemandes cette
puissante tranchée du Rhin, à l'abri de laquelle nous aurons la possibilité de
- 92 -
nous organiser sous tous les rapports. Nombre d'esprits prévoyants pensent
aussi que la neutralisation de la Westphalie serait également souhaitable pour
éloigner davantage encore le voisinage déplaisant et les frottements quoti-
diens désagréables avec l'élément teu on proprement dit.
Ce faisant, nous leur arracherons des éléments considérables de puissance,
dont ils ont fait contre nous l'usage que l'on sait, et nous en bénéficierons
avec nos alliés. Ce sera donc double bénéfice
{A suivre.) Arthur Ghervin.
IV
NÉCROLOGIE
LOUIS FONTAINK
Nous apprenons avec regret la mort de M. Louis Fontaine, directeur adjoint de
la Compagnie mutuelle d'assurances sur la vie, Le Conservateur, chevalier de la Légion
d'honneur.
M. Fontaine, chef de division en retraite à la Caisse des Dépôts et Consignations,
faisait partie de notre Société depuis 1889. Il était un des derniers survivants des
fondateurs de l'Institut des Actuaires français, du bureau duquel il était membre;
il était un des maîtres de la science de l'actuariat en France, et certains de ses tra-
vaux, qui lui ont valu une grande notoriété, non seulement en France, mais dans les
milieux scientifiques compétents de l'étranger, perpétueront son souvenir. Telle est
en premier lieu la table de mortalité de la Caisse nationale des Retraites, qui fut
son œuvre exclusive et lui valut la décoration de la Légion d'honneur; telles aussi
les études considérables auxquelles il procéda, au titre d'actuaire-conseil, pour l'éta-
blissement du service des retraites de leur personnel à la demande des grandes com-
pagnies de chemins de fer, études qui eurent un grand retentissement à l'époque et
qui attirèrent l'attention des Pouvoirs publics et du Parlement; tels enfin les tra-
vaux de même ordre effectués pour la Fédération des Chambres syndicales de l'Indus-
trie, du Bâtiment et des Travaux publics.
La compétence hors ligne de M. Fontaine l'avait fait appeler à siéger au Comité
consultatif des assurances contre les accidents au ministère du Travail et de la Pré-
voyance sociale ainsi qu'au Comité consultatif des chemins de fer au ministère des
Travaux publics. M. Fontaine était donc un homme de premier ordre qui honorait
la science française et l'industrie de l'assurance sur la vie dans notre pays. Dans
cette dernière branche, il avait apporté des idées personnelles très neuves, et la sûreté
de ses connaissances techniques lui permettait de pratiquer des innovations très
profondes et très heureuses dans l'établissement des tarifs et l'aménagement des
combinaisons offerts au public. C'était enfin un homme très modeste et très bon,
et ceux qui l'ont approché ont pu apprécier la sûreté de ses relations en môme temps
que sa très haute conscience professionnelle.
Nous adressons nos bien sincères condoléances à sa famille et à la Direction du
Conservateur.
G. -M. Hamon.
- 93 -
V
CHRONIQUE DES QUESTIONS OUVRIÈRES ET DES ASSURANCES
SUR LA VIE
Les assurances et la guerre. — La mobilisation économique n'avait pas été préparée
dans notre pays avec le soin qui avait présidé à l'organisation de la mobilisation
militaire. Le domaine des assurances n'a pas échappé au trouble et à la surprise occa-
sionnés par un « bouleversement » aussi profond de F « économie des contrats », selon
l'expression caractéristique d'un arrêt fondamental_du Conseil d'Etat. C'est donc à
l'aide de moyens imposés par les circonstances que les compagnies d'assurances
et leurs clients ont été protégés contre les périls inséparables de paiements supé-
rieurs aux capacités financières de l'assureur et, dès lors, préjudiciables, par voie de
répercussion, à l'assuré lui-même. De là, l'obligation, pour les pouvoirs publics, d'ins-
tituer un régime qui devait, d'une part, revêtir un caractère aussi exceptionnel
que les conjonctures dont il était issu, et, d'autre part, sauvegarder à la fois l'intérêt
des deux contractants en présence : l'assureur et l'assuré. Ce régime a été dénommé
moratorium des assurances » dans la série des mesures qui garantissent l'assureur
contre les réclamations de l'assuré, et « moratorium judiciaii*e )^ dans la catégorie de
celles qui garantissent l'assuré contre les revendications de l'assureur.
Si l'objet de ces mesures est simple et logique, la genèse en a été, par contre, labo-
rieuse et progressive, et la liste en est complexe et touffue. C'est à les présenter sous
une forme claire et méthodique que s'est attaché M. F.-J. Combat, dans son volume
Les Assurances et la Guerre (1), où il passe en revue au cours de sept chapitres succes-
sifs les questions suivantes : contrats civils, assurances sur la vie souscrites par des
militaires, retraites ouvrières, assurances maritimes, moratorium judiciaire, sociétés
d'assurance allemandes et autrichiennes, enfin dispositions diverses. Ces chapitres
constituent la première partie du livre, les textes officiels étant réunis dans la seconde.
Tous ceux qui auront parcouru et surtout ceux qui auront utilisé le volume de
M. F.-J. Combat ne manqueront point d'en apprécier la remarquable précision, et le
plus flatteur hommage qu'ils puissent rendre à l'auteur sera de formuler le vœu
qu'une nouvelle édition ne tarde pas à donner les mesures les plus récentes avec l'in-
dication des motifs qui en justifient l'apparition : ils ne feront, d'ailleurs, sans doute,
que répondre aux intentions d'un écrivain qui ne ménage iii son temps ni son labeur,
sans compromettre par sa fécondité la valeur de ses productions.
Les placements des compagnies d'assiu-ances et la guerre. — Si la guerre a grave-
ment compromis la réalisation de la plupart des valeurs composant le portefeuille
des sociétés d'assurance, elles ont du moins largement souscrit aux emprunts émis
par l'État pour la défense nationale. Leurs intérêts sont donc unis à ceux de l'Etat,
comme pour tout créancier à l'égard de son débiteur.
Il n'est donc pas inutile d'appeler l'attention de quiconque se préoccupe du fonc-
tionnement et de l'avenir de l'assurance sur le volume de M. F.-J. Combat, intitulé
Les Finances publiques et la Guerre (2). Aussi bien, soucieux d'éviter une sèche énumé-
ration de textes ou un historique d'une excessive aridité, l'auteur a-t-il donné comme
préface à l'exposé des mesures exigées par la guerre une étude générale de la fortune
de la France et de celle de l'Allemagne. Toutefois, les documents statistiques relatifs
à des situations ou à des faits, soit antérieurs à la guerre, soit contemporains du début
des hostilités, ne compromettent nullement le caractère pratique de cet excellent
ouvrage et c'est, comme pour le précédent, un vœu de prochaine mise à jour qui me
paraît la conclusion justifiée d'un agréable examen et d'une instructive consultation.
(1) 1 vol. in-12. Berger-Levrault, Paris et Nancy. 1 franc.
(•2) 1 vol. in-12. Berger-Levrault, Paris et Nancy. 1^ 25.
- 94 -
M. F.- J. Combat en sera d'autant moins surpris que de 1912 à 1916 il n'a pas manqué
de rééditer son Manuel des Opérations de bourse (1) qui forme une trilogie avec ses
deux ouvrages, l'un : Banques et Opérations de banque, l'autre : Manuel du portefeuil-
liste. Comme ses deux aînés, le Manuel des Opérations de bourse est devenu classique
à raison de son caractère de précis à la fois théorique et pratique. L'étude juridique
des valeurs mobilières et la législation des bourses de valeurs offrent un intérêt pri-
mordial pour les organismes qui, tels les sociétés d'assurances, consacrent aux pla-
cements mobiliers une notable partie de leur avoir. Au reste, le Manuel des Opérations
de bourse, grâce à sa mise à jour, est un ouvrage à la fois historique et technique :
d'une part, la préface de la seconde édition indique les mesures de circonstance inhé-
rentes à l'état de guerre; d'autre part, le corps du Hvre renferme les textes législatifs
et tous autres renseignements qui ne constituent pas une réglementation temporaire.
En un mot, ce volume de plus de 400 pages est destiné à rendre les plus réels services
non seulement pendant la durée de la guerre, mais encore après la conclusion de la
paix.
Les affaires et la guerre. — L'auteur des trois ouvrages que je viens de signaler
a d'ailleurs trouvé dans les événements actuels une tragique occasion d'illustrer
par l'application la plus émouvante de l'histoire les principes qu'il avait exposés
avec une incontestable autorité. Dans un volume dont la s'econde édition date de
la présente année, M. F.-J. Combat fait parcourir au lecteur le vaste domaine qu'il
définit : Les Affaires, la Bourse, les Banques et la Guerre (2). Fidèle à la méthode dont le
public a, par son favorable accueil, consacré la logique génératrice du succès, l'auteur
a traité le sujet sous une forme didactique dans une première partie, sous une forme
documentaire dans une seconde : l'étude des bourses et de la guerre, des valeurs mobi-
lières, des banques, des effets de commerce et d'une série de questions relatives aux
affaires met en évidence les effets du moratorium ; la reproduction des textes officiels
permet de mesurer la distance qui sépare la formule de l'appUcation, la mesure
édictée de la prescription introduite dans le domaine des faits. Ce n'est pas le moindre
service rendu par M. F.-J. Combat de nous donner le fil conducteur dans le dédale
d'une législation qui se charge de textes nouveaux par suite de la prolongation de la
guerre, et c'est devancer, sans nul doute, le projet de l'auteur que de désigner par
le qualificatif « deuxième » et non par le qualicatif « seconde » l'édition actuelle de ce
livre, qui ne saurait en être la dernière mise à jour.
Annuaire du Bureau des longitudes (3). — Les actuaires ne peuvent se désinté-
resser de l'excellente publication de V Annuaire du Bureau des longitudes. La multi-
plicité des données qu'il renferme, la valeur de sa documentation, l'autorité des
rédacteurs de ses notices en font une collection unique en son genre. Aussi bien les
savants qui en assurent la réapparition périodique ont-ils le double souci de la pra-
tique et de l'actualité : d'une part, en effet, les notices ne négligent point les sujets
qui, parmi les questions scientifiques, sont de nature à solliciter l'attention du grand
public : telle est l'étude que M. J. Renaud a consacrée dans l'annuaire de 1917 à
l'avance de l'heure légale pendant l'été de l'année 1916; d'autre part, lorsque des
articles fondamentaux contenus dans un annuaire antérieur ne figurent pas dans
le dernier, la liste alphabétique en est donnée avec indication de la page de l'annuair»
dans lequel ils se trouvent : telles sont respectivement, pour les années 1915 et 1916,
les tables qui figurent à la fin de l'annuaire de 1917. Les techniciens de l'assurance
y constateront avec autant de plaisir que de profit les références aux principales
tables de survie, aux taux de mortahté et aux tables d'intérêt et d'amortissement qui
portent sur plus de 60 pages. Est-il besoin d'ajouter que la perfection de la typogra-
phie dont la maison Gauthier-Villars s'est fait la mondiale réputation n'a pas plus
(1) 1 vol. in-8. Berger-Levrault, Paris et Nancy, 1916. 6 fr.
(2) 1 vol. in-12. Berger-Levrault, Paris et Nancy. 2' 25.
(:>) 1 vol. iR-16 de près de 700 pages, avec 11 fig., 5 cartes en couleurs et 2 portraits.
- 95 -
souffert de l'état de guerre que son exactitude dans les paiements n'avait eu, pendant
l'année terrible, à faire usage des légitimes facilités d'un moratorium justifié par les
circonstances d'une tragique et douloureuse exception.
Le travail des femmes à domicile. — Depuis de longues années, la question du
travail à domicile appelle l'attention émue des sociologues et des économistes. Si,
en effet, il présente l'avantage de ne pas enlever l'ouvrière à son foyer, il offre le
grave danger de l'exposer à une insuffisance de rémunération qui annule les bienfaits
attendus de cette organisation de la main-d'œuvre. Les Pouvoirs publics s'en étaient
aussi préoccupés : l'enciuête de l'Office du Travail et les délibérations du Conseil supé-
rieur du Travail apportent la preuve manifeste d'une sollicitude que le ministre du
Travail avait, dès le 7 novembre 1911, traduite par le dépôt d'un projet de loi. La
guerre actuelle n'a pas été toutefois étrangère à l'adoption d'un texte législatif :
la fabrication des vêtements et équipements militaires donna en particulier au tra-
vail des femmes à domicile une extension que l'état de guerre n'affranchit point
des inconvénients constatés durant la paix : c'est pour y porter remède qu'est inter-
venue la loi du 10 juillet 1915 incorporée dans le livre I du Code du travail et de la
prévoyance sociale. ,^
Cet exposé sommaire suffit à mettre en lumière l'intérêt qui s'attache à posséder,
au double point de vue des principes et de l'application, un ou\Tage qui permette
d'apprécier la valeur des solutions adoptées et de connaître à la fois l'économie géné-
rale de la nouvelle loi ainsi que les dispositions dont elle constitue la synthèse. Il jus-
tifie donc l'utilité du volume que, sous le titre : Le Travail des Femmes à domicile {l),
MM. Ed. ©t F.-J. Combat ont publié avec le perpétuel souci de compléter l'analyse
des mesures édictées par l'indication du motif dont elles procèdent et des consé-
quences qui doivent en résulter. Cette conception du livre le dégage de l'aridité
d'un commentaire, tandis que l'usage de la législation comparée ou\Te au lecteur
les plus larges horizons. Suivi non seulement du texte de loi et de ceux de la circu-
laire, du décret et des deux arrêtés qui s'y rattachent, mais encore de la reproduc-
tion des mesures législatives et administratives antérieures au nouveau régime, cet
ouvrage paraît donner aux exigences de la théorie et aux préoccupations de la pratique
une entière satisfaction.
L'assurance contre l'invalidité et le chômage en Angleterre. — L'institution, par le
législateur anglais, de l'assurance obligatoire contre la maladie, l'invalidité et le
chômage a motivé l'adoption de lois successives et diverses en 1911, 1913, 1914, l'915
et 1916, les unes antérieures aux hostilités, les autres déterminées par l'état de guerre;
elle a, de plus, entravé la publication d'une série de mesures réglementaires destinées
à résoudre les questions dont le détail échappait à l'autorité législative. Telle fut
l'œuvre de quatre commissions qui adaptèrent les mesures générales respectivement
à l'Angleterre, au pays de Galles, à l'Ecosse et à l'Irlande. La multiplicité des docu-
ments publiés dans ce but dérivait aussi de la nécessité de résoudre les questions
dans l'ordre assigné par l'urgence de chacune d'elles, sans souci d'une codification
. qui aurait sacrifié à la symétrie de la rédaction les besoins de la pratique. Toutefois,
le travail de coordination n'avait jamais été omis par les éminents commissaires, et
ils n'attendaient que l'occasion favorable pour la mener à bonne fin; ils la trou-
vèrent en septembre 1916, après une période de douze mois qui s'était prêtée au
groupement des règlements épars relatifs aux mêmes objets; ils en profitèrent pour
réunir en un volume (2) :
1° Le texte des lois qui régissent la matière;
20 La table des règlements qui se rapportent à chacun des articles de lois fonda-
mentales;
(1) 1 vol. in-12. Berger-Levrault, Paris et Nancy. 1' 25.
(2) The statutes, régulations and orders relating to national health Insurance. Londres, sep-
tembre 1916, 2 sh. 6 p.
3" Le texte de ces règlements;
4° Une table alphabétique des plus complètes.
Il suffit de se trouver en rapports directs, comme j'ai le bonheur de l'être depuis
plusieurs années, avec les commissaires de l'assurance nationale, pour se rendre compte
de l'énorme importance du labeur que représente ce volume in-8odeprèsde 700 pages,
dont plus de 500 consacrées à l'oeuvre de ces hauts fonctionnaires. Quiconque
a vu le soin aussi avisé que scrupuleux dont ils ont entouré la préparation de
chaque mesure réglementaire peut se porter garant de la valeur d'un livre qui cons-
titue pour eux. et en particulier pour M. Charles Roberts, l'auteur de la préface, un
nouveau titre de gratitude non seulement auprès de leurs concitoyens, mais encore
auprès des sociologues du monde entier.
Les caisses de pensions des chemins de fer de l'État norvégien. — L'épiinent
actuaire norvégien M. Oscar SchjôH vient de donner une suite à l'étude des caisses
de pensions des chemins de fer de l'État norvégien, qu'il avait publiée en 1907 et
qui prenait pour base la situation à la date du 31 décembre 1905. C'est à la fin de
l'année 1915 que se réfèrent les données mises en œuvre dans une publication de
120 pages intitulée : Undusokelse II av den finansieïle Stilling i de norske Statshaners
Pensjonskasser met opstilling av den Sandsynlige status pr. 31J12 191Ô (1).
Une étude de cette nature ne se prête point a un résumé de quelques lignes. Aussi
bien le nom de l'auteur est-il trop connu des statisticiens et des actuaires pour qu'il
soit nécessaire d'affirmer la sûreté de sa doctrine et l'exactitude de ses méthodes : il
suffira de mentionner que l'établissement des formules générales est suivi de la pré-
sentation de bilans relatifs aux diverses caisses et accompagné de vingt -neuf tableaux
numériques et de six planches consacrées à d'instructifs diagrammes. Cette œuvre
nouvelle de technique actuarielle est aussi flatteuse pour le renom scientifique de
M. Oscar SchjôH que profitable aux institutions qui ont fourni la matière et l'occasion.
La science actuarielle en Italie. — C'est également une étude actuarielle que l'Italie
présente sous la signature de M. le D'" Ignazio Messina, sous le titre :Le probabilitd
parziali nella matematica attuoriale (2). L'analyse de cette étude ne trouve pas plus
que celle de la précédente une place appropriée dans le cadre nécessairement restreint
de la présente chronique. Je me bornerai à signaler qu'après un exposé des principales
méthodes suivies dans la construction des tables de mortalité, l'auteur discute la
théorie de la probabilité « indépendante » de Karup pour aboutir à une solution du
problème sous une forme plus générale que celle dont Karup avait proposé l'adop-
tion. De là, la construction de tables « d'élimination active » ou « de mutualité ^),
qui sont essentiellement des tables d'élimination o indépendante « et dont les tables
do mortalité ne sont que des cas particuliers.
A la sûreté dans la méthode, l'auteur joint du reste la sagacité dans la conclusion,
ot il en donne la preuve en spécifiant que la valeur des considérations développées
dans son étude est subordonnée à une constance suffisante des relations statistiques
dont elles empruntent les bases. A ce double titre, c'est en pleine confiance que le
lecteur peut aborder et, je n'hésite pas à l'affirmer, qu'il sera conduit à recommander
ensuite l'œuvre magistrale de M. Ignazio Messina,
Le Dalioz et la guerre. — La librairie Dalloz, dont la production non interrompue
par la guerre constitue une manifestation éclatante de la vitalité scientifique de notre
pays, vient de publier deux volumes qui se rattachent à la guerre de 1914 par les
liens les plus étroits.
D'une part, la mise à jour du Dictionnaire Dalloz{o), dont l'éloge n'est plus à faire,
(1) Christiania, Grondahl & Son, 1916.
(2) Rome, Ludivico Cecchini, 1916.
(3) 3 vol. in-4, brochés 42 francs; reliés 51 francs. — Les Additions 1917 seules, bro-
chées 9 francs.
- 97 -
par les Additions 1917 fournit dans cette dernière publication, sous le titre « Guerre
de 1914 », un exposé complet et détaillé des lois, décrets, arrêtés et circulaires inter-
venus depuis le 31 juillet 1914 jusqu'au ler'août 1916.
D'autre part, le quatorzième et le quinzième volume, de l'encyclopédie Dalloz
Guerre de 1914 (1) embrassent la période du 15 septembre au l^r janvier 1917 : dans
le domaine spécial de la prévoyance il contient en particulier la loi du 10 octobre
1916, relative à la résiliation des contrats d'assurances dont les titulaires sont morts
à l'ennemi ou décédés à la suite de blessures ou maladies contractées en service, deux
décrets du 23 septembre 1916, dont l'un proroge les contrats d'assurance, de capita-
lisation et d'épargne, et dont l'autre supprime la clause de sauvega xle applicable au
remboursement des sommes déposées dans les caisses d'épargne, la loi du 26 octobre
1916, qui règle le placement des fonds appartenant aux caisses de retraites ouvrières
situées en pays envahi, le décret du 20 septembre 1916, qui confère le droit d'option
entre la pension civile et la pension militaire pour les fonctionnaires algériens victimes
de la guerre, un décret du 23 novembre 1916, qui proroge les contrats d'assurance :
le quinzième volume comprend la table alphabétique des volumes XI à XV.
En un mot, si les quatorzième et quinzième volumes de la Guerre de 1914 soutien-
nent avec honneur le renom de leurs aînés, les Additions au Dictionnaire permettent
de trouver sans retard la documentation intégrale et systématique relative à telle
question dont l'encyclopédie des quinze volumes fournit les textes correspondants :
ces deux ouvrages se complètent d'autant mieux que l'unité d'origine en garantit
à la fois non seulement la concordance doctrinale, mais encore la valeur intrinsèque
propre à la maison qui vient d'en assurer l'heureux achèvement.
Les accidents du travail et ragriculture. — A l'heure oîi les Pouvoirs publics, par
une loi du 6 octobre 1916 suivie d'une circulaire ministérielle du 9 du même mois, se
préoccupent de pourvoir à la mise en culture des terres abandonnées et à l'organisa-
tion du travail agricole, c'est faire oeuvre véritablement pratique que de signaler
le monumental ouvrage où M. Jules Cabouat, le savant professeur de l'Université
de Caen, traite de Y Extension du risque professionnel (2) sous le régime des lois succes-
sives de 1906 à 1912 et de ses conditions d'adaptation législative à diverses formes
de production, au nombre desquelles figurent les exploitations agricoles et fores-
tières.
Ce qui donne à un tel h\Te son originaMté et sa valeur, c'est la conception maîtresse
de l'auteur, soucieux de mettre en évidence le passage de la responsabilité subjective
du Code civil à la responsabilité objective de la nouvelle législation.
L'espace dont je dispose ne me permet point, à mon vif regret, d'analyser toutes
les parties de ces deux volumes avec les développements qu'ils méritent. Mais je
suis certain que les sociologues apprécieront à sa juste valeur la large compétence
du système développé par M. Cabouat : celui-ci, se fondant sur la multiphcité et la
complexité des problèmes que l'apphcation du risque professionnel a déjà soulevés,
conclut à l'impérieuse nécessité d'étendre ce risque « par son adaptation à de nouvelles
applications plutôt que par l'assujettissement sommaire de l'agriculture, des exploi-
tations forestières et de toute autre branche d'activité économique )i au régime
institué d'abord pour la seule industrie.
A cet égard, si le premier volume ne renferme que la détermination des conditions
d'extension du risque professionnel à l'Algérie et quelques vues d'ensemble sur son
mode d'adaptation à l'agriculture, c'est le second qui traite dans toute son ampleur
la généralisation du principe posé par le législateur français le 9 avril 1898.
Ce n'était point trop de la science juridique de M. Jules Cabouat pour exposer,
avec la largeur de vue commandée par un problème aussi vaste que complexe, les
multiples aspects de ces problèmes dont l'allure, réglée sur l'évolution des idées, des
(1) Chaque vol. 2 francs.
(2) 2 vol. in-8 raisin. 10 francs chacun. Paris, Bureaux des Lois nouvelles et librairie du
Recueil Sirey.
- 98 -
mœurs et de l'activité économique, se modifie avec une déconcertante rapidité. Seul
un coup d'œil assez puissant est de nature à saisir les généralités à travers les contin-
gences isolées : l'auteur a su le donner et en faire partager au lecteur, dans son magis-
tral ouvrage, la vision panoramique.
L'assurance contre les accidents et la maladie en Norvège. — L'assurance contre
les accidents a fait de la part do la Direction de l'établissement royal {Riksjorsikrùigs-
anstalten) l'objet du rapport annuel qui vise l'application en 1915 de la loi du 13 août
1915 pour l'industrie, des lois des 8 août 1908, 18 août 1911 et 6 août 1915 pour
la pêche et la navigation de faible ampleur, et des lois des 18 août 1911 et 30 juillet
1915 pour les gens de mer. Il annonce également l'entrée en vigueur le 3 janvier 1916
de la loi du 6 août 1915 sur l'assurance contre la maladie.
A ce dernier point de vue le rapport présente un intérêt primordial pour la statis-
tique des caisses de maladie, qu'il donne au point de vue de l'effectif et de la répar-
tition des membres, ainsi que de la situation financière des caisses. En d'autres ter-
mes, ce document fait, comme ses devanciers, le plus grand honneur à M. Thorvald
Strôm et à ses éminents collaborateurs.
L'assui'ance contre les accidents en Suède. — M. John May, qui dirige avec une
incontestable autorité l'Établissement royal {Riksjôrsàkringsanstalten) , vient de nous
donner son rapport annuel relatif à l'application en 1915 de la loi du 5 juillet 1901
sur la répai'ation des accidents du travail. Il passe successivement en revue l'effectif
des entreprises et des ouvriers assurés, les éléments financiers du fonctionnement de
l'assurance, les difficultés et les solutions intervenues pour définir le degré d'invalidité.
Bien que la Suède n'ait point pris part à la guerre mondiale, un long chapitre est
consacré à l'exposé de l'intervention de l'Etablissement royal dans les questions rela-
tives aux indemnités que reçoivent les victimes de blessures reçues au cours du ser-
vice mihtaire. Un chapitre est également réservé à l'assurance des pêcheurs contre les
accidents, réalisée en conformité du décret du 2 octobre 1908,
Complété par un résumé en français et illustré d'un grand nombre de tableaux, ce
document mérite une place essentielle dans la bibliographie de l'assurance sociale.
Les pensions de retraite en Nouvelle-Zélande. — Une mention spéciale doit être
réservée aux Reports of the Pensions department de la Nouvelle-Zélande. Ils visent les
pensions de vieillesse [Old âge), les pensions de veuves et les pensions de mihtaires.
Ils indiquent l'effectif des pensionnés et le montant total des pensions. Chacune des
trois catégories de pensions est l'objet de détails spéciaux très circonstanciés et pré-
sentés sous une forme symétrique qui permet d'instructifs rapprochements : il
convient de mentionner que, pour les allocations de veuves chargées d'enfants, le
maximum de £ 30 par an a été supprimé dans le cas d'un nombre d'enfants égal ou
supérieur à quatre et qu'une allocation de £ 6 a été accordée pour chaque enfant
au-dessous de quatorze ans. A notre époque de légitime souci de la puériculture, cette
modification législative ne saurait passer inaperçue. Une table très intéressante
indique l'âge du décès des pensionnés durant le dernier exercice, en distinguant les pen-
sionnés anciens et les pensionnés dont l'origine de la pension ne datait que de l'année
de leur décès : ceux-ci sont naturellement les moins nombreux : 62 (sur 3.047) contre
1.458 (sur 17.379). En un mot, il est possible de tirer les plus fructueux enseigne-
ments de ces rapports dus à l'éminent commissaire M. G.-C. Fâche.
Un traité d'économique italien. — M. Ulysse Gobbi jouit parmi les actuaires
d'une réputation trop légitime et trop ancienne pour qu'il soit nécessaire d'insister
sur la valeur d'un ouvrage du savant professeur de l'Université commerciale de Milan :
il vient de publier le premier fascicule d'un traité d'économique (1) dont l'impor-
(1) Trattato di economia. Société editione fibraria^ Milan, 22, via Ausonio. 1917.
- 99 -
tance permet d'affirmer l'amplem* du programme que le li\Te complet doit embrasser.
Dès le début (p. 14, n*^ 28), M. Gobbi mentionne la science des assurances au nombre
des parties de l'économique qui, complétées au double point de vue technique et
juridique, forment la matière de développements distincts.
Ce qui frappe à la lecture de ce premier fascicule, c'est la précision et la clarté
qui se matérialisent dans une division en paragraphes numérotés, dont chacun oblige
l'auteur à enfermer dans d'étroites limites une série d'idées relatives au même objet.
Le lecteur remarque également un judicieux emploi des graphiques pour la représen-
tation des phénomènes et l'exposé des lois qui les régissent. En un mot, il y retrouve
les qualités maîtresses d'un penseur doublé d'un technicien.
La prévoyance en Russie. — Les questions d'assurance et d'épargne prennent en
Russie un développement qu'atteste l'intérêt sans cesse accru des Pouvoirs publics.
Une nouvelle preuve en est donnée par la création, au cours même de la guerre, de
deux importants organes : l'un est une revue trimestrielle intitulée : Le Bulletin des
Caisses d'épargne, l'autre est un journal hebdomadaire destiné à l'instruction des
« agents des caisses d'épargne ».
Le premier numéro du Bulletin contenait des articles relatifs à l'histoire, au rôle,
au but et au fonctionnement des caisses d'épargne et à diverses questions d'assu-
rances-vie, en particuher le résumé de l'enquête internationale effectuée en 1912, qui
visait les assurances populaires sur la vie.
Le succès de ce bulletin s'est affirmé par les numéros suivants : au reste, il était
garanti d'avance par le choix du haut fonctionnaire chargé d'en assurer la rédaction.
M. S. Ordine, qui a représenté la Russie avec une iacontestable autorité dans une
série de conférences et de congrès internationaux.
Le paradoxe de la guerre enrichissante. — Les questions de l'heure présente ont
remis à l'ordre du jour les sophismes dont les économistes ne cessent de combattre
la propagation : le paradoxe de la guerre enrichissante est du nombre. M. Léon Polier,
le savant professeur de la Faculté de Droit de Toulouse, le dissèque dans une magis-
trale étude (1). II conclut par cette formule lapidaire : « Les effets économiques de
la guerre dépendront entièrement de sa durée. » Après avoir repoussé l'idée que l'on
peut « s'installer dans la guerre «, il montre l'impossibilité d'une existence prolongée
dans des conditions anormales, qui accumulent les dettes et consomment le capital
social en même temps que le capital humain : il met en garde contre les vues opti-
mistes fondées sur d'excessifs espoirs de prospérité, sans toutefois méconnai+re avec
une tristesse empreinte de philosophie la possibilité de continuer la vie économique
au miUeu d'une perturbation matérielle et morale aussi épouvantable dans ses ravages
que profonde dans ses effets. « D'une part, dit-il, la guerre appauvrit; de l'autre,
elle prépare, elle tient en puissance des forces d'enrichissement. » La balance, toutefois,
ne peut être étabhe à l'heure actuelle : ce sera l'œuvre et, en tout cas, la cruelle, la
redoutable inconnue de demain. Ces quelques indications montrent, je l'espère, le
puissant intérêt d'une étude où l'élégance de la forme s'allie à la puissance de la con-
ception.
Maurice Bellom.
(1)
« Le Paradoxe de la guerre enrichissante ». Correspondant, 25 novembre 1916, p. 603.
- 100
VI
LISTE DES DOCUMENTS PRÉSENTÉS DANS LA SÉANCE DU 21 FÉVRIER 1917
ORIGINE ET NATURE
des
DOCUMENTS
DOCUMENTS OFFICIELS
Danemark
Bureau, statisfique de l'État. — Annuaire
statistique. 191G
Espagne
Direction (jênèrale de Statistique et Insti-
tut géographique et statistique. —
Mouvement annuel de la population.
'910 . . .
Finlande
Bureau central de Statistique. — Le mou-
vement de la navigation pour iQiS.
— Maatalous. 1912
— Maatalous. igi^
— Maatalous. Résultats généraux de
l'enquête agricole en Finlande. 1910
Iif partie. Agriculture ,
— Répartition de la population d'après
la profession dans Helsinglbrs, Abo,
Viljorg, Tammerfors, Nilvolaislad,
Pori et Uleaborg au 7 décembre 1910
— Population de la Finlande au 3i dé-
cembre 1910 selon les registres ec-
clésiastiques. Tome II. Population
présente groupée d'après la profeS'
sion
■ — Compte rendu officiel sur l'état et
l'administration des caisses d'épar-
gne de Finlande en 1914
— La Banque de Finlande, les banques
privées et les établissements hypo-
thécaires en 1915
— Aperçu statistique de l'état des éta-
blissements d'instruction secondaire
eu Finlande pour l'année scolaire
I9'A-I9i5
- — Statistique des établissements péni-
tentiaires. 1914
— Maanniittaus. 1914
— Vakauslaitos. 1914
— Byggnadsstatistik. 1911-1913 ....
— Statistique des industries pour 1914 ,
— Assistance publique des communes
de la Finlande en 19 12
— Assurances pour igi4
— Statistique judiciaire et criminelle de
Finlande. 1914
— Annuaire statistique de Finlande
pour 1915
INDICES
de
CLASSEMENT
dans la
Bibliothèque
Dais 16
Es)>2 10
Fi
alb|3
Fi
a3|2
Fi
a3|4
F
a3a 10
a
Fia6 10 i
Fia6|OaIl
FiaVa 14
Fisîd 95
Fia9c 14-15
Fial2 14
Fjal4a 14
FiaUb 14
Fiaie 11-13
Fial8a 14
Fia21a 12
Fia22 14
F!a23 14
Fca27 15
ORIGINE ET NATURE
des
DOCUMENTS
Rapport sur l'état des associations de
bailliage et de paroisse pour assu-
rance contre l'incendie et contre la
mortalité des bestiaux dans l'année
1913
Émigration en 1910
Conditions d'habitation et d'écono-
mie rurale des ouvriers dans les
communes rurales de Finlande. 1901
- Contrats de fermage. 1914
■ Vaivaishoitotilasto. igiô
- Vâestôsuhteet. 1914
• Statistique des emprunts à obliga-
tions. i9o5-igi4
• Posti Tilastoa, 1915
- Postisââstôpankki. 191.5
■ Tie-ja vesirakennukset. 1914 . . . .
■ Tyôtilastoa. 1918-1914
■ Vaivaishoito Tilastoa. 1914
France
Conseil général de la Banque de France.
— Rapport de l'assemblée générale des
actionnaires. aS janvier 1917. .
Italie
Ville de Milan
Annuaire statistique. iQiS
Suède
DÉPARTEMENT CIVIL. — Statisliquc dcs
caisses d'épargne. 1915
Direction des Ponts et Chaussées. — Tra-
vaux publics. Routes et canaux
Statistique annuelle. 1916
Inspection des assurances. — Les assu-
rances sur la vie et les accidents
en 1915
INDICES
de
CLASSEMENT
dans la
Bibliothèque
Uruguay
Ministère du Commerce. — Direction gé-
nérale de Statistique. — Annuaire
statistique pour 1913-1914 .....
DOCUMENTS PRIVES
Ancey (César). — Les compagnies de mise
en valeur de notre domaine colonial.
Dubern (E.). — Domaine et perspec-
tives d'union économique interna-
tionale
Fi*33 13
FiaSS 15
Fia42 01 C
Fia57 14
Fia64 15
Fia«5 14
F|a66 05-J4
FiartT J5
FiHC8 15
Fia69 14
Fia70 13-14
FiaTl t4
FEel 17
Imai 15
SAa9 15
S^i-i 15
Si" 15
MKA'i 13-14
T^a 78
Le Gérant: R. ST -NHEIL
KAXCT, IMPRIMERIE BKRGER-LEVBAULT — MARS I917
JOURNAL
DE LA
SOCIÉTÉ DE STATISTIQUE DE PARIS
N° 4. — AVRIL 1917
I
PROCÉS-YERBAL DE LA SÉANCE DU 21 MARS 1917
s O Ivl 3VE-A.IR,E
OUVERTURE DE LA SÉANCE PAR M. RAPHAÉL-GEORGES LÉVY, PRÉSIDENT.
NÉCROLOGIE.
PRÉSENTATION DE MEMBRES TITULAIRES.
COMMUNICATION DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET PRÉSENTATION D'OUVRAGES.
COMMUNICATION DE M. EUGÈNE D'EICHTHAL : « REVENUS PRIVÉS ET REVENU NATIONAL ».
OUVERTURE DE LA SÉANCE PAR M. RAPHAÉL-GEORGES LÉVY, PRÉSIDENT
La séance est ouverte à 17^30, sous la présidence de M. Raphaël-Georges
LÉVY, président, qui fait connaître que les circonstances ont retardé l'appari-
tion du numéro de mars du Journal de la Société.
Le procès-verbal de la dernière séance ne pourra donc être soumis à l'appro-
bation de la Société qu'à la séance d'avril.
NÉCROLOGIE
M. le Président fait part à la Société du décès de M. Arthur-J. Cook, direc-
teur en retraite d'une compagnie d'assurances sur la vie, membre de la Société
royale de Statistique de Londres et membre correspondant de notre Société.
Après avoir rappelé les travaux de M. Cook, il rend hommage aux sentiments
de sympathie ardente que celui-ci avait toujours montrés pour la France et il
adresse à sa famille l'expression des condoléances de ses collègues.
PRÉSENTATION DES MEMBRES TITULAIRES
M. le Président annonce qu'il a reçu les trois demandes d'admission sui-
vantes :
M. Plocq (Ernest), ingénieur, inspecteur principal honoraire de l'Exploitation
du Chemin de fer du Nord, présenté par MM. Godard, Félix Sartiaux et
Girard ;
l'^ 8ÉB1E. 58« VW. N« 4 8
— 102 —
M. Gemàhling (Paul), chargé de cours d'économie politique à la Faculté de
Droit d'Alger, présenté par MM. Desroys du Roure, Fernand Faure, Barriol
et Girard.
M. Jeancard (Paul), chimiste, présenté par MM. Raphaël-Georges Lévy
et Cadoux.
Conformément à l'usage il sera statué sur ces demandes à la séance d'avril.
COMMUNICATION DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET PRÉSENTATION D'OUVRAGES
M. le Secrétaire général annonce qu'il a reçu pour la Société un certain nom-
bre d'ouvrages, parmi lesquels il cite :
France. — Exposé de la situation générale de l'Algérie pour l'année 1916.
Uruguay. — Département de Montevideo. Résumé annuel de statistique
municipale, année 1915.
11 fait une mention particulière de la notice consacrée par M. d'Eichthal
à notre ancien Président, M. Paul Leroy-Beaulieu, ainsi que de l'étude de
géographie politique due à notre collègue M. Henri Hauser et intitulée : La
Position géographique de la Suisse.
Il présente enfin l'épreuve, qui vient de lui être remise par M. F. Faure —
d'une affiche préparée par la Ligue des Économies; on en trouvera le texte en
annexe au présent procès-verbal.
COMMUNICATION DE M. EUGÈNE D'EICHTHAL : « REVENUS PRIVÉS ET REVENU
NATIONAL »
M, d'Eichthal lit une communication sur « les revenus privés et le revenu
national ». Il pense qu'une bonne définition du revenu serait opportune au mo-
ment où l'impôt sur le revenu agite tous les esprits et inquiète beaucoup —
peut-être trop peu encore — de bourses. Or, il constate que cette définition
est absente de nos textes législatifs récents qui ont appliqué l'impôt à des
objets assez disparates. M. d'Eichthal part d'une proposition paradoxale de
M. Charles Gide, consistant à supposer le remboursement d'une partie de la
Dette publique par l'économie que les citoyens feraient de leur revenu, pour
rechercher ce qu'est en réalité ce revenu et rappeler comment dans un très
grand nombre de cas le revenu de l'un vient d'une dépense de l'autre, de sorte
que, dans l'éventualité prévue par M. Gide, il n'y aurait plus comme revenus —
et encore très temporaires — que ceux des rentiers de l'État et ceux de ses fonc-
tionnaires. M. d'Eichthal rappelle les principes magistralement exposés par
J.-B. Say sur ce sujet et le soin avec lequel il recommandait d'éviter les doubles
emplois. D'autres économistes cités par M. d'Eichthal ont répété ces enseigne-
ments de Say.
Nonobstant, beaucoup de personnes, négligeant ces enseignements, croient
pouvoir, en totalisant les revenus privés, — constatés d'ailleurs d'après des
méthodes divergentes, — constituer le revenu national et le rapprocher du
revenu collectif d'autres pays, calculé de la même façon. M. d'Eichthal croit
que cette simple^ sommation, bonne pour établir les ressources sur lesquelles
peut compter l'État percepteur d'impôt, donne peu de renseignements utiles
sur la richesse réelle d'un pays, qui devrait être constatée par le recensement
direct et périodique de ses biens matériels énumérés d'abord en nature, et
évalués ensuite en numéraire, — à la façon des Census américains, ■ — en y
ajoutant la balance des créances et des dettes à l'extérieur et non être calculée
d'après des échanges entre citoyens où l'un cède à l'autre des biens ou des ser-
vices contre compensations. Ces échanges créent certainement de la richesse
par l'efTet même de la division du travail et des opérations industrielles : mais
cette richesse, il faut la constater et la mesurer directement pour pouvoir
la chiffrer. Les totaux qu'on répand ])artoiil, — d'ailleurs très différents^
— 103 —
suivant les auteurs, — soit des revenus nationaux, soit de la fortune des États,
sont, suivant M. dEichthal qui rattache son opinion à celle de beaucoup d'éco-
nomistes, depuis Say jusqu'à de Foville et d'autres plus récents, de nature à
répandre des idées erronées sur la richesse réelle des différents États. Celle-ci
est avant tout le résultat de la productivité de chaque pays, productivité due
autant à l'initiative et à l'esprit d'entreprise qu'aux ressources naturelles.
Pour répondre aux nécessités d'après-guerre, il faudrait donc surtout, non pas
compter sur des totalisations incertaines de revenus privés qu'atteindra la
fiscalité, mais développer la productivité en ne la comprimant pas par des me-
naces d'État. Un orateur anglais parlait de nouvelles « dragonnades >> auxquelles
pourraient bien être exposés les revenus et les capitaux. Le plus grand danger
de l'après-guerre, au point de vue économique, est là.
M. le Président remercie M. d'Eichthal de sa si substantielle communication
et ouvre la discussion à son sujet.
M. Fernand Faure déclare être bien d'accord sur le fond avec l'orateur,
mais désire présenter deux observations.
11 est bien entendu que, pour calculer le revenu de la nation, il ne faut retenir,
en principe, que les biens matériels pouvant servir à la satisfaction de nos
besoins, biens qu'il est d'usage de définir par un mot particulièrement expressif :
ce sont les « biens corporels ». Des rapports juridiques que sont les biens incor-
porels, on n'a pas ici à faire état, à l'exception cependant des droits de créances
sur l'étranger.
D'autre part, on ne saurait reprocher à l'État d'instituer un impôt sur le
revenu sur la base des revenus privés, sans tenir compte de ce qu'il y a dans ces
revenus, considérés dans leur ensemble et du point de vue purement national,
d'apparent et pour ainsi dire d'illusoire. L'État, obligé de taxer, est tout natu-
rellement amené à considérer les contribuables à titre individuel, et par suite à
les frapper dans leurs biens incorporels comme dans leurs biens corporels. On
doit observer, sans doute, que la méthode conduit à des doubles emplois,
mais on peut trouver des moyens d'atténuer cet inconvénient.
Quant aux chiffres par lesquels on tente de mesurer les revenus des différentes
nations, ils pè4?hent par la base, les auteurs qui les présentent omettant le plus
souvent d'en définir avec précision la nature et notamment d'indiquer s'ils
représentent les revenus nationaux proprement dits ou la somme des reve-
nus individuels : toutefois, on peut admettre que les évaluations produites
dans les projets de loi relatifs à l'impôt sur le revenu s'appliquent à l'espèce
même de revenu qui sera soumis à l'impôt, c'est-à-dire à la somme des reve-
nus individuels: M. Fernand Faure juge que les chiffres de 22 à 25 milliards
dont on a fait état en France à différentes reprises, s'ils sont ainsi compris, sont
sensiblement inférieurs à la réalité.
Le montant du revenu national français est naturellement beaucoup moins
élevé, peut-être de 15 à 20 %, et il semble qu'il n'y ait pas de meilleur moyen
de le mesurer que l'enquête directe, suivant le procédé qu'ont employé autrefois
les Romains et qu'utilisent aujourd'hui les Census des États-l'nis :1a méthode
suppose d'abord la classification rationnelle des revenus par nature, puis un
inventaire complet à l'aide de tous les moyens dont dispose l'autorité. Cette
intervention de la puissance publique n'est pas sans présenter des inconvénients
pratiques, et elle se heurte, dans certains pays, à des obstacles dont il ne sera
pas facile de triompher.
M. R. Pupin donne cette définition des « revenus » : ce sont les fruits de tous
les capitaux sans exception, y compris l'homme qui est le plus agissant de tous les
capitaux. Il ne pense pas qu'il puisse y avoir un « revenu national » dont le
total puisse différer du total des « revenus privés », toutes les ressources redis-
tribuées ensuite par l'État, les départements, les communes, étant d'abord pré-
levées sur la masse des citoyens, qui, seule, produit des revenus avec les capi-
taux dont elle dispose.
— 104 —
M. Piipin estime encore qu'on ne peut pas se dispenser de compter les
«revenus en nature» au nombre des revenus qui prétendent faire'J'objet d'une
estimation d'ensemble, et qu'il n'est aucun motif pour qu'ils échappent plus
que d'autres à l'impôt. Enfin, il pense être d'accord avec tout le monde en
insistant, comme l'a fait M. d'Eichthal, sur la nécessité de ne pas séparer le
chiffre des revenus du ou des coefficients qui indiquent le coût de la vie et la
valeur relative de la monnaie, que l'on compare entre eux différents pays
ou différentes époques. A l'appui de ce fait, il déclare que la population fran-
çaise, qui dépensait avant la guerre de 18 à 19 milliards pour son budget ali-
mentaire, eût dû consacrer 13 ou 14 milliards de pkis à ses subsistances, si elle
n'avait voulu modifier son régime en quoi que ce soit en 1916.
M. PuPiN termine en disant qu'il observe toujours une tendance assez géné-
rale à sous-estimer la richesse de la France et notamment ses revenus, ce qui
ne serait peut-être pas le cas si l'on voulait rapprocher les chiffres attribués à
ce pays, dont on a tant vanté la prospérité financière, de ceux de l'Angleterre
(55 à 60 milliards de revenus), généralement acceptés ici comme exacts. On
trouve enfin une autre indication de la nécessité de relever les anciennes esti-
mations, beaucoup trop faibles, lorsqu'on observe attentivement la hausse
des prix et des salaires, et d'une façon générale les dépenses, chaque année plus
élevées, auxquelles notre population doit faire face — ce qui exige, le fait n'est
pas douteux, une progression parallèle des revenus.
M. Fernand Faure remercie M. Pupin de la netteté de ses explications. Elle
lui permet de dire qu'il est d'un avis opposé à celui de M. Pupin sur deux
points. Il conteste formellement que l'homme puisse être considéré et traité
comme un capital. Et il regrette que M. Pupin persiste à confondre deux
choses aussi distinctes que le revenu de la nation et la somme des revenus des
particuliers.
M. Barriol et, avec lui, plusieurs membres de la Société expriment l'opinion
que la différence entre la somme des revenus privés et le revenu national
proprement dit est peut-être plus important qu'il n'a été dit; M. Charles Picot
fait observer en sens inverse que les contributions qui permettent aux communes
d'effectuer certains versements au Crédit Foncier sont déduites à l'origine dans
les déclarations des particuliers.
Revenant sur les doubles emplois que l'on commet en faisant la sommation
des revenus privés, M. Colson met en évidence l'importance de ceux qui sont
dus à la création, de jour en jour plus fréquente, d'entreprises filiales, lesquelles
ont souvent pour objet de permettre à l'entreprise mère de s'assurer des
concours locaux.
11 fait remarquer, d'autre part, que si, dans le revenu national, on fait état
des droits de créances à l'étranger, il faut, en sens inverse, défalquer les dettes de
la France vis-à-vis de l'étranger, et il montre qu'il y a là un élément dont l'éva-
luation est particulièrement difficile. On arriverait, sans doute, si on pouvait
l'apprécier avec certitude, à des résultats surprenants : on verrait notamment
qu'il y avait, avant la guerre, plus de capitaux français engagés en Allemagne
que de capitaux allemands engagés en France, — alors qu'il y avait assurément
plus de sujets allemands installés en France comme salariés, domestiques, em-
ployés et même directeurs d'entreprises que de sujets français en Allemagne.
Après un échange de vues où interviennent MM. Cadoux, Yves Guyot et
Raphaël-Georges J^évy, la séance est levée à 19 heures.
Le Socrclairiî lîcuéral, Le Président,
A. Barrioï.. Raphaël-Georges Lévy.
105
II
ANNEXE AU PROCES-VERBAL DE LA SEANCE DU 21 MARS 1917
LIGUE NATIONALE DES ÉCONOMIES
AUX FRANÇAISES ET AUX FRANÇAIS!
Nous voulons tous la ^-ictoire et nous avons tous le devoir cfij contribuer.
Comment le pouvons-nous?
L'économie est un des moyens dont l'emploi est le plus impérieusement commandé
par les circonstances.
Qui doit économiser? Tout le monde.
Que doit-on économiser? Tout.
Par une économie rigoureuse s'appliquant à tout : au pain, à la viande, au vin,
à l'alcool, au café et au sucre, au charbon et au pétrole, au papier, aux tissus et au.v
cuirs, on atteint trois résultats également désirables :
1'' Faire durer plus longtemps toutes les ressources qui nous sont nécessaires j)our
tenir, les faire durer jusqu'au bout;
2"^ Éviter de faire sortir du pays cet or précieux que tant de bons Français appor-
tpnt loyalement à la Banque de France;
3"^ Se donner le moyen de souscrire plus largement aux emprunts de FF^tat. Plus
rÉtat aura d'argent, plus nos soldats auront de canons et de munitions.
Economiser, c'est abréger la guerre et rapprocher la victoire!
On vous parlera des inconvénients que peut avoir la pratique des économies.
Que sont-ils à côté de la prolongation de la guerre? à côté des souffrances de ceux qui
vivent et meurent dans les tranchées?
Comment ne les supporterions-nous pas de bonne humeur en songeant qu'en fin
de compte, resserrer nos consommations personnelles, c'est économiser le sang de nos
soldats !
l'évrier 11,117.
Le Comité :
Fernand Faure, Charles Gide, professeurs à la Faculté de Droit de Paris. — Raphaël-Georges Lévy,
de l'Institut. — • Ricard, ingénieur agronome. — • De la Taille, inspecteur à la Compagnie Paris-
Lyon-Méditerranée. — ■ M""" Moll-Weiss, fondatrice de l'Aide morale et de l'École des Mères. —
Chambaud, industriel. — Marion, professeur au Collège de France. — - Capitant, Rist, Souchon
et Truchy, professeurs à la Faculté de Droit de Paris. — Lepelletier, professeur à la Faculté
libre de Droit ^de Paris. — Jamin, profe.sseur à l'École Lavoisier. — Pawlowski, publiciste. —
Franck, ingénieur. — Evesqve, docteur en droit.
106
III
L^ALLEMAGNE DE DEMAIN
[Suite et fin {])]
II. LE SLESVICt
La question du Slesvig est particulièrement intéressante et instructive à
différents points de vue. Il est évident, tout d'abord, que la guerre actuelle se
présente comme la conséquence directe et logique des agressions austro-
prussiennes contre le Danemark en 1864, de la Prusse contre l'Autriche en
1866 e': contre la France en 1870. Elle apparaît, également, comme le décalque
exact des procédés de fourberie brusquée, inaugurés par Bismarck, quand il
s'agit de chercher des querelles d'Allemand à ses voisins. Nous en sommes,
aujourd'hui, au cinquième et dernier acte du drame et, heureusement, il en
sera, cette fois encore, comme dans tous les drames fortement charpentés : le
fourbe sera, enfin, irrémédiablement puni.
Il faut avouer que ce n'est pas chose facile, pour un étranger, de se faire une
opinion impartiale et raisonnée sur le Slesvig. Toutes les fois que, pour ime
raison quelconque, la question slesvicoise a éveillé l'attention de l'Europe,
c'est toujours l'Allemagne qui s'est chargée de nous renseigner. En fait, elle a
été seule à représenter et à interpréter devant l'étranger les événements poli-
tiques qu'elle a elle-même provoqués. Or, nous sommes fixés sur la manière
dont l'Allemagne provoque et justifie les événements historiques auxquels
elle a pris part !
J'ai puisé surtout dans le Manuel historique de la Question du Slesvig publié, en
1906, par les associations slesvicoises réunies, qui se Font assignées la tâche
patriotique de travailler à sauvegarder la langue et la culture danoises. Ce
manuel est un exposé sincère et véridique de la lutte des nationalités dans le
Slesvig. Il a été complété par une autre publication parue, en 1915, sous le
titre : Le Slesvig du Nord (1906-1914). Ce nouveau travail est destiné « à mettre
en évidence à quiconque s'y intéresse, le régime de violence sous lequel soupire
le Slesvig du Nord danois depuis plus de cinquante ans. Vu la lutte actuelle
pour ridée de la nationalité et la raison d'èirc des petits Etats, le moment présent
paraît se prêter tout particulièrement à une pareille publication ».
J'ajoute, enfin, que ces livres sont l'œuvre collective d'histoFiens érudits ( t
de publicistes éprouvés, dont la compétence en la matière est indiscutable, lis
ont pensé, avec raison, que leur cause est trop bonne |)Our ris(:{uer de l'affaiblir
(1) Voir Jownal de la Société de Statistique de Paris numéros de novembre et décembre
1916; mars 1917.
— 407 —
et de la compromettre par l'emploi de documents douteux et d'arguments
discutables. C'est une œuvre de bonne foi scientifique et politique absolue.
C'est donc un excellent guide pour juger sainement ce difficile problème.
*
On sait que le 16 janvier 1864, l'Autriche et la Prusse présentèrent au Dane-
mark un ultimatum demandant, dans les quarante-huil heures, le retrait de la
Constitution danoise du 15 novembre 1863 qui incorporait le Slesvig au Dane-
mark. Or, le Parlement danois n'était pas réuni, le Gouvernement ne pouvait
donc pas répondre à l'ultimatum sans violer la Constitution. Les coalisés
n'ignoraient pas cette situation, et il est certain qu'ils avaient choisi précisé-
ment ce moment, afin qu'il fiit impossible de leur donner une réponse dans les
courts délais impartis.
Le caractère de l'ultimatum adressé au Danemark a une ressemblance frap-
pante avec celui présenté par l'Autriche, cinquante ans après, à la Serbie, le
23 juillet 1914. Le trait caractéristique de ces deux ac': es diplomatiques réside
dans les exigences identiques, absolument inconciliables avec la constitution et
les autres lois nationales, et dans le refus d'accorder le temps matériel nécessaire
pour permettre de consulter les parlements responsables.
En ce qui concerne le Slesvig, le délai expiré, 25.000 Autrichiens et 40.000
Prussiens se couvrirent d'une gloire facile en attaquant les 30.000 Danois retran-
chés derrière le Danewirke. On sait le reste. Le Danemark succomba devant le
nombre et son territoire fut mutilé. Par le traité de Vienne (30 octobre 1864) le
Danemark fut obligé de renoncer à tous ses droits sur les duchés de Slesvig,
Holstein et Lauenbourg au profit de l'Autriche et de la Prusse, soit 335 milles
géographiques carrés et 1 million d'habitants sur 2.600.000 que contenait la
Métropole (1).
Mais si on était d'accord pour prendre, on n'avait pas décidé à qui revien-
drait, en définitive, la propriété de ce^ trois duchés. Ce fut la pomme de dis-
corde.
La population du Slesvig-Holstein désirait former un État indépendant, sous
l'autorité du duc d'Augustenbourg. L'Autriche et les petits États qui formaient
(1) Le territoire fut diminué d'environ un quart et la population métropolitaine de 62 %-
Le dénombrement de 1860, en effet, donnait les chiffres suivants pour la population de la
monarchie danoise :
I Royaume de Danemark 1.600.551
\ Duché de Slesvig 400.313,
' "^^^PO^- j _ de Holstein avec Femern 554.013 1.004.473
' — de Lauenbourg 50.147 '
2.605.024
^ , . llesFœroé 8.922 ,
Colonies l t , , ^^ „^
. ^ Islande 66.987 ' ,o, mn
et ■ ^ , , ^ „„^ ' 124.020
,. , I Groenland . 9.880 i
dépendances. / ^^^^illes danoises 36.231 ^
2.729.044
— 108 —
la majorité dans la Diète de la Confédération étaient de cet avis. La Prusse
aurait également favorisé ce projet si le duc eût consenti à être son vassal;
mais il refusa. La Prusse devint donc son adversaire.
Des discussions violentes ne tardèrent pas à s'élever. LIne rupture fut sur le
point d'éclater entre les deux larrons qui, depuis un demi-siècle, se disputaient
plus ou moins ouvertement l'hégémonie de l'Allemagne et la présidence de
la Confédération germanique.
La convention de Gastein (14 août 1865) ajourna la scission en décidant
qu'on maintiendrait le droit de possession commun aux deux puissances.
Provisoirement, la Prusse fut chargée de l'administration du Slesvig et l'Au-
triche de celle du Holstein. Enfin, le duché de Lauenbourg (1) fut entièrement
donné à la Prusse, qui s'engageait à verser à l'Autriche près de 7 millions de
francs à titre de dédommagement. Il est plaisant de remarquer que, quelques
années plus tard, cette somme fut transférée au compte du Lauenbourg, qui
dut ainsi payer cher sa délivrance du soi-disant joug danois.
Quelque temps après, l'Autriche revint à l'idée du partage des duchés. Et,
probablement pour être désagréable à la Prusse, elle proposait même que la
population du Holstein fût appelée à se prononcer, par ses mandataires élus,
sur son sort définitif. C'est là un fait important à retenir. L'Autriche saisit
donc directement la Confédération germanique de la question du Slesvig-Hol-
stein et convoqua la Diète de Holstein, pour le 11 juin 1866, à Hzechoe.Le Gou-
vernement prussien refusa de s'associer à cette mesure et, suivant son système
d'attaque brusquée, des troupes prussiennes venant du nord entrèrent le 7 juin
en Holstein, tandis que les Autrichiens se rassemblèrent près d'Altona qu'ils
durent abandonner précipitamment.
Quelques jours après, la Prusse se retirait de la Confédération, sous prétexte
d'attaque de la part de la majorité, et les troupes prussiennes entraient en
Hanovre, dans la Hesse électorale et en Saxe. La guerre commença le 26 juin,
en Bohême, et au bout d'une semaine, elle se terminait à Sadowa par la défaite
définitive de l'Autriche. Un traité de paix était signé à Prague, le 23 août 1866,
par lequel l'Autriche reconnaissait la dissolution de la Confédération germa-
nique, telle qu'elle avait existé jusqu'alors, et donnait son assentiment à une
organisation nouvelle de l'Allemagne sans la participation de l'Autriche. La
Prusse venait d'établir son hégémonie en Allemagne. Elle ne s'en est pas con-
tentée; elle a voulu l'imposer au monde entier. C'est ce qui l'a perdue.
*
* *
J'ai dit que l'ancien duché de Slesvig a toujours été absohnuent danois. 11
faut reconnaître, cependant, que l'influence allemande a pénétre dans la partie
méridionale; mais la partie septentrionale a jak)usonient gardé le sentiment de
sa nationalité, et il est nu''me plus vivant aiijoiird'lmi qu'il le fut à certaines
époques. C'est la persistance d(^ l'amour de la patrie qui a soutenu la population
(1) Il est piquant de remarquer que lorsque Guillaume II s'est séparé de Bismarck, en
mars l«9(i, il l'a gratilié du litre do duc de Lauenbourg!
— 109 —
slesvicoise du Nord pendant les cinquante années de tyrannie prussienne qu'elle
vient de subir. Elle n'a pas non plus laissé s'éteindre le sentiment du droit qu'elle
a de dispoggr librement d'elle-même, et que les traités internationaux lui ont
formellement reconnu.
On sait, en effet, que Napoléon 111, qui s'était fait le champion du droit des
nationalités, fit insérer dans le traité de Prague (23 août 1866), qui consacrait
l'annexion du Slesvig et du Holstein à la Prusse, une clause formelle dans ce
sens. L'article V stipulait, en effet, que « les populations des districts du nord
du Slesvig seront de nouveau réunies au Danemark, si elles en expriment le désir
par un vote librement émis».
Naturellement, la Prusse ne tint aucun compte du chiffon de papier qu'était
le traité de Prague. Le Slesvig fut, purement et simplement, incorporé à la
Prusse (12 janvier 1867).
L'annexion n'eut pas lieu, cependant, sans que Bismarck, lui-même, renou-
velât la promesse dune consultation du peuple slesvicois. A l'occasion d'une
protestation qui s'était élevée à la Chambre basse prussienne, de la part du
parti national libéral, contre l'engagement qu'avait pris la Prusse de céder
une partie du Slesvig, Bismarck déclara au Landtag, à la séance du 28 décembre'
1866 ; « J\n toujours été d'avis qu'une population qui manifeste d'une façon indu-
bitable et tenace sa volonté de ne pas devenir prussienne ou allemande, mais
d'appartenir, au contraire, à un Etat limitrophe, ne peut être une force pour la
puissance dont elle cherche à se séparer. L'engagement que nous avons pris, nous
devons le tenir. Nous l' exécuterons de façon qu'il ne subsiste aucun doute au sujet
de la consultation populaire, ni sur la spontanéité du vote et l' indépendance des
votants, ni sur la volonté manifeste que ce scrutin révélera. »
Est-il possible d'être plus net et plus explicite? Cependant, le référendum
n'eut jamais lieu !
A'oilà la preuve indiscutable du cas qu'on peut faire des traités internatio-
naux signés par l'Allemagne et des engagements pris, publiquement, dans leurs
propres assemblées délibérantes.
Le Nord-Slesvig et l'Alsace-Lorraine ont lutté pendant de longues et cruelles
années pour conserver leur nationalité et leur langue. Le moment est venu de
réaliser leurs vœux, mais il faudra prendre des mesures sérieuses et durables
pour en assurer définitivement la permanenc*^ et déjouer toutes les ruses alle-
mandes.
La province de Slesvig-Holstein appartient entièrement à la Prusse; elle
se compose de trois parties : l^du Jutland méridional, qui comprend le Slesvig
du Nord et celui du Sud; 2° du Holstein et 3° du duché de Lauenbourg.
Le tableau XXIII indique les variations subies par la population de cette
province depuis 1864.
110 —
Tableau XXI II
PROVINCE DU SLESVIG-HOL8TEIN
(Superficie et population de 1864 à 1910).
ANNÉES
JUTLAND MÉRIDIONAL
HOLSTEIN
LAUENBOURG
■
TOTAL
delà
SLESVIG DU NORD
DÉPARTEMENTS
TOTAL
(lu
SLESVIG
HADERSLEV
AABENRAA
SONDERBORG
FLE
VI LUE
NSBORG
CAMPAGNE
TONDER
SLESVIG
OU
NORD
DU
SUD
PROVINOK
Superficie
en kil. car.
1,787
685
442
31
1.077
1.813
5.835
3.026
8.960
1.182
19.004
1864. .
59.861
28.188
32.284
6
0.414
59..Ô70
240.317
155.443
1
550.318
„
946.078
1867. .
59.8U2
29 264
34.551
62.594
58.903
245.174
159.053
577.491
»
981.718
1871. .
60.3.S.i
29.129
34.239
62.514
58.450
244.667
158.986
592.220
»
995 873
1875. .
(10.315
29.048
34.453
65.313
52.597
245.726
159.427
620.003
4S.770
1.073.926
1880. .
60.040
29.559
34.387
71.327
57,109
252.422
155.896
669.365
49.466
1.127.149
1885. .
57. ^'U
28.347
32.457
73.787
55.373
247.177
153.885
699.383
49.861
1.150.306
1890. .
.=.5.966
27,332
32.177
36.894
40.145
55.067
247.581
154.931
768.137(1)
48.874
1.219.523(1)
1895. .
55.453
27.823
32.019
40.840
41.594
55.158
253.187
159.131
823.267(1)
50.831
1.286.416(1)
1900. .
57.215
29.324
32.868
48.922
41.951
,^6.561
266.841
162.892
906.402(1)
51.833
1.387.968(1):
1910. .
Cl; ^
63.575
compris He
32.416
igoland.
39.909
60.922
44.440
59.317
300.579
173.776
1.092,078(1)
54.571
1.621.004(1;
1
On constate, tout d'abord, que la population a progressé très lentement
dans le Slesvig du Nord, puisqu'on quarante-six ans elle ne s'est élevée que
de 240.000 à 300.000. Le département de Flenshorg et surtout la ville de ce
nom ont fourni à peu près les deux tiers de cette augmentation. En effet, Flens-
horg est un excellent port, qui a pris un certain développement, depuis une
trentaine d'années, par l'accroissement du commerce avec la côte orientale
du Slesvig et avec le Danemark. Les compagnies de navigation y sont nom-
breuses, l'industrie métallurgique : forges, fonderies et atelier.? de construc-
tions maritimes, y sont actives. C'est donc une ville en pleine pro périté.
Le Slesvig du Sud est également peu prospère; de même le Lauenbourg.
Le Holstein seul a doublé le chiffre de sa population. Tous les cercles ont
participé à cet accroissement, et surtout ceux de Kiel et d'Altona, qui doivent
leur développement à la présence des villes de ce nom. En effet, Kiel, principal
port militaire de l'Allemagne, comptait 210.000 habitants en 1910 contre 18,000
en 1864, Altona, qui est pour ainsi dire un faubourg de Hambourg, comptait,
en 1910, 172,000 habitants contre 91.000 en 1880,
Le tableau suivant donne le chifTre de la population dan>^ chaque cercle.de
la province :
111
PROVINCE DU SLESVIG-HOLSTEIN
(Dénombrement de 1910)
Haderslev
Aabenraa (Apenrade) .
Sonderborg (île d'Als)
Flensborg (ville) . . .
Flensborg (campagne).
Slesvig
Eckernforde
Ejderstedt (Tonning).
Husum
Tonder
Rendsburg
Oldenburg
Pion
Kiel
Xeumùnster
Bordesholm
Norderdithmarschen .
Sûderdithmarschen. .
Steinburg
Segebert
Wandsbet
Storniarn
! Pinneberg
Altona
DUCHÉ DE LAUENBOURG. . .
Total ,
Population
63.575
32.416
39.909
60.922
44.440
71.987
45.977
14.722
41.090
59.317
. 73.108
43 . 392
49.278
211.627
34.555
40.510
40.420
55.953
83.108
44.886
35.212
85.851
121.550
172.628
54.571
1.621.004
*
« Depuis les temps les plus reculés, le nom de Jylland (prononcez Yulan)
(vieux danois : Jutland, forme latinisée : Jutia, Jucia, JuÛandia) désigne toute
la presqu'île cjui s'étend depuis la pointe nord de Skagen jusqu'à l'Eider.
Le pays a été dénommé d'après la population qui l'habitait, ■ — savoir les Jutes
(vieux danois : Jutœ) — de même que le Danemark a reçu son nom des Danes
(Danois, vieux danois : Danœ). tandis qu'inversement des noms de populations,
tels que Skaaninger (Scaniens), Fynhoer (Fioniens), Angelhoer (Angliens) ont
été formés sur les noms de pays : Skaane (Scanie), Fyn (Fionie), Angel (Anglie).
«Le Jutland a été, de toute antiquité, divisé par le Kongëaa (rivière du Roi)
en deux parties actuellement dénommées Norrejylland ou Jutland du Nord
et Sonderjylland (prononcez Seunen/ulami) ou Jutland du Sud, et plus com-
munément Slesvig. Mais, aussi loin que nous puissions remonter dans l'his-
toire, le Slesvig a fait partie intégrante du Danemark tout comme le Jut-
land du Nord, les îles du Séeland, de Fionie et la Scanie. Les vieilles légendes
aussi bien que les témoignages hivStoriques sont d'accord sur ce point. Je ferai
seulement remarquer que Sonder jylland. est le nom le plus ancien et le plus
primitif; le terme de Slesvig n'a apparu que plus tard. C'est le nom de la ville
— 112 —
la plus importante de la région, et ce nom, sous l'influence allemande, a été
transporté, par la voie des titres, au pays lui-même. La ville de Slesvig, située
dans le voisinage de la vieille limite sud du Danemark, a été toujours intime-
ment liée à la défense de la frontière danoise (1). »
' Donc, le Slesvig était primitivement un pays purement danois par la
langue et par la race, s'étendant jusqu'à l'Eider, qui a toujours formé la fron-
tière méridionale du Danemark. A la fin du neuvième siècle, des émigrants
frisons vinrent s'installer dans la région qui est devenue la Frise du Nord,
mais ils ne réussirent jamais ni à s'étendre ni à exercer, sur place, une influence
prépondérante. De même, au commencement du treizième siècle, un petit
groupe de population saxonne vint s'établir dans la région frontière du Sud.
Mais ces Saxons, dont une partie devinrent des serfs, n'étaient guère en état
de répandre la civilisation et la langue allemande; et cependant la langue
danoise perdait du terrain. Or, il faut bien reconnaitre que ce recul n'est pas la
conséquence du contact des populations allemandes, mais bien plutôt d'une pression
venue d'en haut et qui s'est exercée pendant cinq .si' des.
« Le système de pression fut inauguré en 1326, lorsque le comte Gert intro-
duisit dans le pays la langue allemande comme langue du Gouvernement.
Ce système fut continué et même étendu partons les princes et par l'Adminis-
tration supérieure, jusqu'au règne de Christian VIII (1839-1848). Appuyée
par le Gouvernement, la langue allemande pénétra dans les assemblées de dis-
tricts, d'abord dans les régions du sud de Flensborg-Tonder. Puis, après 1740,
lorsque les juges cantonaux se recrutèrent, non plus parmi les paysans, mais
parmi les gens d'instruction universitaire, l'allemand s'étendit dans tout le
reste du pays, jusqu'à la rivière Kongeaa (2). »
Après cinq siècles de ce système, il est arrivé ce qui devait fatalement
arriver, c'est-à-dire la germanisation de la langue parlée dans le Slesvig.
De 1848 à 1864, la situation est restée la même, car aucune mesure sérieuse
n'a été mise en pratique pour réagir. On s'est contenté d'introduire, en 1850-
1852, un système linguistique mixte, tempéré, dans l'Administration, l'école et
l'Eglise. Ce système était parfaitement libéral; mais il était absolument impuis-
sant pour lutter contre les progrès du germanisme verbal. 11 en résidte que si
le fond de la population est rrsté de souche danoise, l'allemand est devenu
la langue parlée par la majorité.
La Fontaine l'a dit, il y a longtemps, dans ^a fable.- La Lice et sa Compagne :
Ce qu'on donne aux méchants, toujours on le regrette :
Pour tirer d'eux ce qu'on leur prête
Il faut que l'on en vienne aux coups;
Il faut plaider; il faut combattre.
Laissoz-leur prendre un pied chez vous.
Ils en auront bientôt pris quatre.
En Slesvig, comme partout ailleurs, les pangemanistes ont créé des asso-
ciations pour propager, partout, l'idée que le peuple allemand est le véritable
peuple choisi de Dieu, tandis que les Slaves sont des sauvages et les Latins des
(1) P.-K. Thorsen, Langue et Nationalité. In : Manuel, p. 89, 90.
(2) P. Lauridsen, La Situation des langues en Slesi'ig. In : Manuel, p. 115.
— irs —
dégénérés. Quant aux Danois, ce sont des enfants égarés de la noble race germa-
nique, qu'il faut, dans leur intérêt, ramener à la culture allemande.
De nombreuses sociétés, soutenues par des revues à fort tirage et dirigées par
des personnages officiels, sont chargées d'évangéliser les Slesvicois. Je citerai
seulement deux de ces associations .•
1° Der deutsche Verein fiir dos Xôrdliche Schleswig, avec son organe : Nord-
mark, créée dans le but de faire disparaître la langue danoise maternelle parmi
les habitants du Slesvig. Elle poursuit ce but, sans trêve ni repos, avec tous
les moyens à sa disposition:
2^ Der alldeutsche Sprach- und Schrijtverein, avec son organe : Heimdall, qui
ne limite point ses opérations aux buts ci-dessus indiqués. Elle vise directement
à l'agrandissement du territoire allemand, comme l'indique clairement la de-
vise inscrite en lettres runiques en tête de son journal Heimdall : D Skagen
à r Adriatique, de Boulogne à Narva, de Besançon à la Mer Noire !
Il faut convenir que cette dernière association est littéralement atteinte de
boulimie.
Les Danois, du reste, répondent du tac au tac et les Associations siesvicoises
réunies, qui ont leur siège à Copenhague, publient un journal appelé Le Jut-
landais méridional {Sonderjyden). portant comme devise la déclaration des
premiers membres danois à la Diète allemande : « Nous sommes Danois, nous
resterons Danois et nous voulons être traités comme des Danois, selon le droit
international et le passage de F article ô du traité de Prague: ^( Les populations des
« districts du nord du Slesvig seront de nouveau réunies au Danemark si elles en
« expriment le désir par un vote librement émis. »
Comme on vient de le voir, les Slesvicois du Nord ont lutté pour maintenir
chez eux la pratique de la langue danoise, et il faut reconnaître qu'ils y ont
complètement réussi. Les statistiques allemandes sont, naturellement, inuti-
lisables sur ce point. En effet, les documents sur lesquels se fonde la statistique
officielle prussienne ont été recueillis de la manière suivante : <' On a eu soin
de choisir (1), autant que possible, les recenseurs parmi les fonctionnaires du
Gouvernement; à la campagne, ce sont, de préférence, les instituteurs. Les
questionnaires sont préparés de façon à utiliser les plus petites chances de faire
rentrer les individus tout au moins dans la catégorie des bilingues. Lors du
recensement de décembre 1905, le fait d'avoir été soldat prussien et même
écolier pendant la durée d'un an, fut jugé suffisant pour justifier la mention :
Possède parfaitement l'alletnand. Enfin, un assez grand nombre de Slesvicois
appartenant en particulier à la population danoise, sont amenés par intimi-
dation à remplir les bulletins au gré des autorités ou encore à ne pas protester
contre les renseignements inexacts insérés par les agents recenseurs sur les
questionnaires, o Mais les associations danoises ont pu arriver à dresser une
statistique sérieuse par l'intermédiaire des patriotes danois restés dans le
pays. -Cette statistique a porté sur la langue parlée dans la famille de tout indi-
vidu établi en Slesvig et propriétaire foncier. Il faut bien noter ce caractère de
propriétaire foncier et s'y tenir si l'on veut avoir une ba e solide pour se pro-
(1) H.-V. Clausen% La Situation des langues en Xord-Slesvig après 1864 [In : Manuel
historique, p. 348).
— 114 —
noncer sur la nationalité du pays. Il n"a pas été mis en ligne de compte les
éléments plus mobiles de la population : locataires, domestiques, etc. Les
fonctionnaires dont les logements appartiennent à l'État ou à la commune
ne sont pas non plus compris dans cette statistique, à moins qu'ils ne possèdent
eux-mêmes une terre ou une maison. Les questionnaires envoyés demandaient
les renseignements suivants : l" langue parlée entre eux par les deux époux;
2° langue parlée aux enfants par leurs parents; 3° langue parlée entre eux par
les enfants; 4° enfin le lieu d'origine du propriétaire a été rangé sous une
rubrique spéciale et, dès lors, il a été possible de distinguer entre le cas où
Tallemand est parlé par suite d'une immigration et le cas où cet usage a ses
racines dans le pays même.
Les résultats les plus complets et les plus stars ont été obtenus. Il faut cepen-
dant faire une exception pour les quatre villes de Haderslev, Aabenraa (Apen-
rade), Sonderborg et Tonder, pour lesquelles on a dû se contenter d'une approxi-
mation.
Le tableau statistique XXlV et la carte ci-jointe montrent que le Slesvig
reste encore danois par sa langue. On ne trouvera pas une seule enclave où la
langue allemande ait la majorité.
Tableau XXIV. — Langue parlée dans le Slesvig.
DISTRICTS RURAUX ET PETITES VILLES
du
SLESVI G DU NORD
II. Au nord du fiord
II. Au .sud du nord
III. Autour du chemin de fer prii;
cipal de lEst
I IV. Région de Hoddinge
District \ ,,.,,. , _ ,., .
I V. Région de Toftlund
ouest ;
, „ , . i VI. Autour d« la urande h^ne de
de Haderslev. /
( l'Ouest
ItisTRiCT i VII. Autour de la ligne de ronest. .
nord Vllt. Région est de Tonder-Lygum-
de Tonder. ' kloster
_ i IX. A l'ouest d'Abenraa
, o , ^ X. Au ,sud du flord d'Abenraa, . .
d'Abenraa. l
( XI. Près du fioi-d de Flensborg. . .
DisTKicT ( XII. Sundeved
de Sonderborg. | XIII. Als
Petites villes
{Flakker)
Krlstiansfeld
Lygumkloster
Hojar
Grasten
Augustenborg
Nordborg
PROPORTION POUR 100 DES INDIVIDUS PARLA.NT
o
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67,8
2,5
29,7
83,7
4,1
11,3 J
86,0
9,3
•1,7 f
ii7,9
11,:!
ao,s ;
08.7
9.6
21,7
87,8
3,7
8,5 '
Proportion cenerat-f.
96,4
97,2
98,2
95,0
1,5
0,8
1,4
2,9
4,8
5,2
1,0
— 115 —
Si maintenant on considère l'origine des recensés, on voit que, sur la popu-
lation née dans le pays, 1 % seulement parle l'allemand. Quant aux immi-
grés venus de pays de langue allemande, la langue et le peuple danois exer-
cent une influence si forte sur eux que plus d"un tiers d'entre eux adoptent
dès la première génération le danois comme langue habituelle, et qu'un peu
plus de la moitié seulement conserve leur idiome allemand. Et il parait que
l'expérience montre que les familles immigrées qui, pendant la première géné-
ration, ont réussi à maintenir l'allemand comme langue habituelle, arrivent
à l'abandonner partiellement à la seconde génération.
Telle est la force d'absorption que possède encore la nationalité danoise
dans le Slesvig du Nord.
SLESVIG MOYEN ET SLESVIG DU SUD
On donne le nom de Slesvig moyen à la région qui s'enfonce dans le sud
comme un coin triangulaire; elle est limitée à l'est par la presqu'île d'Anglie
et à l'ouest par le pays frison.
L'enquête linguistique n'a pu être faite, ici, dans les mêmes conditions que
dans le Slesvig du Nord. Car, si la langue danoise y est encore parlée, la popu-
lation' a, depuis longtemps, cédé sa place à l'allemand par la faute des rois
— IIG —
de Danemark, ainsi que je le disais plus haut. Les travaux des publicistes
allemands, eux-mêmes, montrent que le nombre des habitants de la langue
danoise en Slesvig moyen — y compris la ville de Flensborg — s'élève à près
de 20.000.
Dans les paroisses du Slesvig moyen où domine la langue danoise, elle est
d'autant plus pratiquée qu'on remonte davantage vers le nord, et dans les
paroisses voisines du Slesvig du Nord, on parle presque exclusivement le danois.
En revanche, dans les paroisses situées vers la limite méridionale, la population
danoise est très mêlée d'émigrés de langue allemande. Dans toutes les familles,
les parents sont contraints et forcés de parler l'allemand avec leurs enfants,
car le danois est interdit aussi bien à l'école qu'à l'église; il est même interdit
d'avoir des précepteurs danois dans les familles ! Le danois ne trouve donc
auprès des populations d'autre appui que l'habitude ancestrale, qui ne se
conserve que dans les familles cultivées et assez patriotes pour maintenir
envers et contre tout le culte sacré du souvenir du passé.
Dans le Slesvig du Sud, il faut reconnaître que la langue danoise n'est plus
que l'apanage d'une rare élite. La masse s'est laissée germaniser par les néces-
sités quotidiennes de l'existence.
Les classes populaires ne connaissent que l'Allemagne et ignorent à peu près
le Danemark. En effet, les jeunes générations ont passé par l'école et la caserne
allemandes; elles ont été pétries par le maître d'école et le sous-ofïicier prus-
siens; on leur a enseigné l'histoire au point de vue allemand et chacun sait
que r Allemagne est au-dessus de tout. On les a surtout impressionnées par la
puissance de l'Allemagne, par son industrie florissante; elles n'ont vu dans son
organisation et son administration que la discipline et le pas de l'oie les a cap-
tivées. Les jeunes annexés n'ont pu que se laisser séduire par cette belle appa-
rence, et le voile d'un épais brouillard s'est posé sur leurs souvenirs. Mais il
ne faut pas en conclure que ces générations sont perdues à jamais pour la
mère patrie. On peut avoir cessé de sentir battre son cœur pour la patrie de
ses aïeux, sans pour cela devenir allemand. Nous ne doutons pas un seul ins-
tant, en France, du patriotisme de nos jeunes générations d'Alsace-Lorraine
qui, elles aussi, ont dû subir, pendant près d'un demi-siècle, la vie allemande,
l'école allemande et la caserne allemande.
Dans tout le Jutland méridional, la bourgeoisie traditionaliste, loyale et
foncièrement danoise a toujours exercé sur le peuple une profonde influence,
sauf dans les villes où le parti socialiste a su gagner de très nombreux adeptes.
Or, les vieilles familles de la bourgeoisie slesvicoise qui ont connu le Danemark,
qui ont vécu et servi sous son drapeau, qui ont vécu les heures douloureuses
de 1864, qui ont souffert toutes les horreurs de l'invasion prussienne, qui
souffrent encore, à l'heure actuelle, mille tracasseries et mille vexations, ces
bourgeois dont le peuple des campagnes n'a cessé de s'inspirer en toute occa-
sion, sont restés Danois de cœur et d'âme et gardent, dans l'intimité et la sain-
teté du foyer, la pratique et la langue des ancêtres.
Or, le monde entier sait aujourd'hui ce que valent les hordes allemandes.
Personne n'ignore qu'elles ont pillé, volé, torturé, partout où elles ont passé,
les populations les plus inoiïensives. On sait qu'eles se sentent l'âme en joie
devant les villages en flammes et les cruautés les plus inouïes. En Slesvig, pas
— 117 —
plus qu'en Alsacf ou en Pologne. rAllemand n'a su se faire aimer. Ce n"est pas
dans le pays où Ion a imaginé la question des optants et des sans-patrie que
lemprise allemande subsistera a la défaite des Hohenzollern.
Donc, la situation changera, du tout au tout, 'orsque le Jutland méridional
aura fait retour au Danemark et que la langue danoise sera de nouveau ensei-
gnée à l'école et parlée à Téglise.
« En résumé, la péninsule jutlandaise (1) est traversée dans sa largeur par une
série de bornes frontières qui marquent la séparation politique entre le Dane-
mark et l'Empire allemand. Mais la frontière ne se manifeste nullement dans
l'aspect du pays, qui est le même au nord et au sud de cette ligne, purement théo-
rique. Autrefois, les deux pays n'étaient séparés que par de vastes déserts de
forêts, de landes et de plateaux rocheux. Aujourd'hui encore, la véritable fron-
tière entre les pays danois et les pays allemands n'est pas une ligne, mais une
surface, et le Danemark disparait insensiblement à mesure qu'on avance vers le
sud à travers le Jutland méridional. Tandis que le Slesvig du Xord — abstrac-
tion faite de tous les éléments officiels — est un pays foncièrement danois
par la langue, l'organisation sociale et la civilisation, les caractères généraux
commencent à se modifier à partir du fiord de Flensborg. Et la transition
d'une nationalité à l'autre est déjà accomplie avant que nous soyons arrivés
au fiord suivant qui est celui de Sli. ♦
(( Dans le Slesvig du Nord, la population est danoise à la fois de langue et
d'esprit. Si nous descendons plus au centre, c'est-à-dire en Slesvig moyen, nous
trouvons encore une certaine région où la langue est danoise, sans qu'il en soit
de même des sentiments.
« Jusqu'au golfe de Sli et jusqu'au vieux rempart de Danewirke (à l'ouest
de la ville de Slesvig), le sang danois coule encore dans le& veines du peuple.
Dans cette région, tous les noms de lieux sont danois, mais on a cessé d'y parler
cette langue. Et enfin, du haut des ruines encore imposantes du Danewirke,
d'où le regard embrasse des plaines de landes sur une étendue de plusieurs
milles, on aperçoit, au sud, les clochers de Rendsburg, sur une ile de l'Eider,
et on voit alors où se trouvait la limite méridionale du Slesvig, en même temps
que la vieilb frontière politique entre le Danemark et l'Allemagne.
Je retiens seulement ceci : c'est que l'Eider a toujours été la frontière natu-
relle du Danemark et que c'est encore aujourd'hui la frontière qu'il est équi-
table de lui rendre.
Assurément, les Danois seraient tout joyeux de saluer le Danebrog rouge et
blanc claquant au vent sur la terre du Jutland méridional. Mais il en est 'plus
d'un, cependant, qui est retenu par la perspective de voir un contact trop
intime s'établir f ntre le petit royaum? de Danemark et la puissante Allemagne,
dont la déchéance ne lui paraît pas possible. La prépondérance de la langue
danoise dans le Slesvig du Nord est actuellement une sorte de tampon, amor-
tissant un peu les chocs du^. à labrutalité habituelle des Prussiens.
Il faut, en efîet, remarquer l'immense danger et les difficultés multiples que
constitue pour le Danemark le simpl? fait que ses frontières sont immédiate-
ment limitrophes de celles de la Prusse. Il est terrorisé par cette armée'toujours
(1) H.-V. Glausen^ Le Jutland méridional {In : Manuel historique, p. 425)
l'e 8SBIB. 58' VOL. — s« 4
— 118 -
en état d'envahir le pays en quelques heures, comme cela eut lieu en 1864,
et par cette flotte énorme manœuvrant en vue de ses rivages, empiétant par-
fois sur ses droits incontestables.
Ces faits ont créé un sentiment de dépendance qui a pour conséquence,
comme je le disais plus haut, que beaucoup de Danois considèrent l'existence
de leur pays comme dépendant de la bienveillance douteuse de l'Allemagne
et leur fait craindre notamment toute manifestation et tout acte qui pourraient
être désagréables au puissant et irritable voisin.
Ajoutons à cela que, quelque dangereuse qu'ait été pour le Danemark l'hosti-
lité de l'Allemagne, son histoire lui enseigne que son amitié en temps de paix
a été encore plus funeste.
Comme le disait M. Lloyd George le 19 décembre 1916, à la Chambre des
Communes, à l'occasion de la discussion sur les propositions de paix de l'Alle-
magne: «La Prusse, depuis qu'elle est tombée entre les mains de la caste mili-
taire, a été une mauvaise voisine, arrogante, menaçante et matamore, dépla-
çant ses frontières selon son bon plaisir, arrachant territoire après territoire
à des voisins plus faibles et les ajoutant à ses propres domaines.
« La ceinture garnie avec ostentation d'armes oiïensives, qu'elle est prête
à employer à chaque instant, elle fut toujours pour l'Europe une voisine
désagréable et perturbatrice; elle était devenue un cauchemar européen, et
il n'y eut aucune paix où elle se trouva.
« Les gens qui ont le bonheur de vivre à des milliers de kilomètres loin d'elle
se font dilTicilement une idée de ce que tout cela signifiait pour ses propres
voisins. Mais en Angleterre, sous la protection des mers, nous savons quel
facteur de troubles était la Prusse avec sa constante menace navale. » {Le
Temps, 21 décembre 1916.)
Il faut dire toutefois que, s'il y a des pessimistes et des timorés, il y a aussi
une forte majorité de bons patriotes qui placent tout leur espoir dans la victoire
des puissances de l'Entente et qui savent que nous combattons aussi bien pour
leur cause que pour la nôtre.
Au surplus, il y a heureusement un moyen de tenir l'Allemand à distance
respectueuse du Danemark.
*
* *
Il est de toute évidence que la question du Slesvig est connexe avec celle
du rocher d'Héligoland et celle du canal de Kiel.
11 va sans dire, tout d'abord, que l'Angleterre, qui avait cédé généreusement
l'île d'Héligoland à la Prusse, en 1890, reprendra son bien. C'est là une base
navale indispensable pour surveiller les bouches de l'Elbe et le canal de Kiel,
Il est non moins certain que les Alliés se saisiront du canal dans l'intérêt de la
sécurité internationale et la protection de la navigation dans la Baltique. Le
canal a coûté, dit-on, 225 millions de marks; cette somme sera défalquée- de
l'indemnité de guerre que l'Allemagne devra payer aux Alliés. Mais, pour
assurer la neutralité du canal, sa sécurité et son libre développement dans
l'avenir, il sera nécessaire de lui constituer une zone de protection de 25 ou
30 kilomètres de large sur toute la longueur de chacune de ses rives. Cette
— 119 —
zone neutre aura, par surcroit, l'avantage de séparer le Jutland méridional,
redevenu danois, du Holstein maintenu allemand.
La Prusse, avec la ténacité qui la caractérise, a longuement poursuivi réta-
blissement du canal de Kiel. Dans la convention conclue à Gastein, le 14 août
1865, entre Bismarck et l'envoyé autrichien Gustave Blomé, il fut convenu,
entre autres choses, non seulement que la Prusse aurait l'administration du
Slesvig et TAutriche celle du Holstein, mais encore que la Prusse serait autorisée
à construire un canal à travers le Holstein et que le port de Kiel servirait de port
de guerre pour la flotte allemande.
C'était l'époque où l'Europe, enthousiasmée par les projets grandioses de
Ferdinand de Lesseps, escomptait l'ouverture prochaine du canal de Suez
(17 novembre 1869). Bismarck, avec sa clairvoyance habituelle, avait compris
tout le parti que la Prusse pourrait tirer, un jour, du fait de la création d'un
canal permettant à la flotte de Kiel de passer facilement de la Baltique dans la
mer du Nord. L'expérience de la présente guerre a montré qu'il ne s'é ait pas
trompé. C'est donc là un moyen de défense militaire de premier ordre que nous
devons, de toute nécessité, enlever à l'Allemagne.
Par cette mesure de sécurité, la libre circulation sera entin assurée non seu-
lement à tous les pays Scandinaves, mais encore et surtout à nos alliés de
Russie qui sont tout aussi empêchés pour sortir de la Baltique qu'ils le sont
de la Mer Noire. Le canal de Kiel entre les mains de l'Allemagne est aussi
gênant pour la Russie que les Dardanelles entre'les mains de la, Turquie.
'( La paix est inséparable de la justice . disait récemment le Pape. Or, en ce
qui concerne le Jutland méridional, la solution équitable est tout simplement
de remettre les choses dans l'état où elles étaient en 1864. Le duché danois de
Slesvig, qui n'a jamais fait partie de la Confédération germanique, fera retour
au Danemark.
Puis, afin d'assurer la liberté de la mer, il faut, d'une part, neutraliser le
canal de Kiel et le faire administrer par les Alliés, et, d'autre part, restituer
l'île d'Héligoland à l'Angleterre.
Ainsi sera réglée, en toute justice et avec l'espoir dune paix durable, cette
question du Slesvig qui a si longtemps pesé sur la conscience de l'Europe.
III. LA POLOGNE
Une dépêche de Tsarskoïé-Selo, en date du 27 décembre 1916, nous a fait
connaître l'ordre du jour adressé par l'empereur \icolas à l'arméa et à la
flotte russes. Il s'y trouve une phrase qu'il faut mettre en lumière parce quelle
confirme des engagements solennels plusieurs fois déjà affirmés. C'est le pas-
sage où l'Empereur, énumérant les devoirs que la guerre impose à la Russie,
mentionne parmi eux «/a création de la libre Pologne composée de ses trois par-
ties, jusqu'à présent séparées ».
C'est là une déclaration qui, venant de l'autorité suprême, devant laquelle
s'inclinaient alors toutes les fractions de l'opinion russe, alla aux cœurs des
Polonais ruinés, assujettis, enrégimentés et annexés par l'Allemagne au mépris
du droit des gens.
— 150 —
Depuis cette déclaration, les événements politiques ont marché et Nicolas II
a dû abdiquer (à Pskof, 15 mars 1917). L'avènement d'un Gouvernement pro-
visoire issu de la Révolution n'est pas pour détruire les projets généreux de
l'Empereur envers les Polonais, au contraire. L'ère nouvelle leur apporte non
seulement une espérance, mais une certitude et un réconfort qui leur donnera
la force de supporter, jusqu'à la délivrance, le joug monstrueux de l'ennemi.
En effet, une délégation, composée des plus hautes notabilités polonaises de
Petrograd, a été reçue par le prince Lvof, le nouveau président du Conseil,
qui l'a assurée de la sympathie du Gouvernement provisoire et de la résolution
de donner à la Pologne le régime de liberté et d'égalité qui est désormais acquis
à tous les citoyens de Russie.
Les délégués polonais ont affirmé leur loyalisme à l'égard de la grande
patrie russe et déclaré que le mouvement actuel aurait en Pologne une réper-
cussion immense toute favorable à la cause de la Russie et des Alliés.
Tout cela me dispense d'entrer dans de longues explications. Je n'ai qu'à
reproduire quelques chiffres pour montrer, d'un coup d'ceil, ce que sera la
Pologne ressuscitée et ce que représente, numériquement, la réunion des trois
parties actuellement séparées.
1° La Pologne russe. J'ai déjà dit que le dernier recensement officiel de la
population a eu lieu en 1897 et j'ai indiqué, page 82, qu'à cette époque la popu-
lation totale du royaume était de 9.402.253. En l'absence d'un nouveau
dénombrement, on s'est livré à des évaluation ; basées sur l'accroissement
normal de la population par suite de l'excédent des naissances sur les décès.
Voici donc l'évaluation calculée au l*"^ janvier 1910.
PROVINCES
Kalisz . ,
Kielce . ,
Lomza.
Lublin .
Pioti'kov
Plock . .
Radom.
Siedlce. ,
Suvalki ,
Varsovie .
Total
POPULATION
SnPKBFICIH
en
kilomètres carrés
dhnsitA
de la
recensée
directement
en 1897
évaluée
an
lei janvier 1910
population
par
kilomètre carri
840.597
1.126.700
11.016
102,3
761.995
965.200
10.112
95,4
579.592
683.600
10.566
64,7
1.160.662
1.508.300
16.864
89,4
1.403.901
1.933.400
12.273
157,5
553.633
700.000
9,450
74,1
814.947
1.080.800
12.376
87,3
772.146
981.900
14.345
68,4
582.913
667.300
12.342
54,1
1.931.867
2.482.000
17.513
141,7
9.402.253
12.129.200
113.659
106,7
2° La Pologne autrichienne. La Pologne autrichienne comprend la plus
grande partie de la province de Galicie.
D'après le dénombrement de 1910, la Galicie se compose, en effet, de popu-
lations parlant les langues ci-dessous :
Polonais . . .
Ruthène . . .
Autres langues
4.672.500
3.208.092
145.083
8.025.675
— 121 —
Les Polonais comptent pour 58,55 % de la population totale de la Galicie.
Voyons maintenant comment ils se répartissent.
La Galicie est partagée en 81 cercles ou districts dont 38 sonL habités en
majorité par des Polonais et 43 en majorité par des Ruthènes ou Petits- Rus-
siens. L'élément polonais s'étend encore, en majorité, sur trois districts de la
Silésie autrichienne. J'ai donné, dans mon livre U Autriche et la Hongrie de
demain, un tableau statistique indiquant la répartition des langues pour chaque
district et je l'ai accompagné d'une carte servant à les repérer au point de vue
géographique (1). La vallée du San peut être considérée comme la zone de
séparation des deux populations polonaise et ruthène.
Le tableau ci-après présente les documents statistiques principaux pour
les 38 districts galiciens et les 3 de Silésie où le polonais est en majorité.
Districts de Galicie dans lesquels la langue polonaise est en majorité.
NOMS DES DISTRICTS
< a.
K ■^
3
4
5
6
7
8
»
10
11
12
13
14
15
16
"1
18
19
30
21
Brzesko
Dabrwa
Pilziio
Limanova ....
Mysleuice ....
Wieliczka ....
Tarnobrzeg . . .
liochnia
Nisko
Wadovice ....
Kolbu.szowa ...
Ropczyoe ....
Ohrzanôv ....
Zywiec
Xovy Targ. ...
Tarnov
Krakov (Cracovic
(Ville de Cracovic)
Rze.szov
O.swiecim ....
Mitîlcc.
Przewor.sk
99,98
99,97
99,95
99,93
99,92
99,90
99,87
99,77
99,75
99,71
99,67
99, (i2
99,57
99,53
99,51
99,27
99,18
94,37
99,08
9:t,05
98,53
98,45
104.498
69.119
48.673
81.163
93.241
67.724
77.360
114.401
69.194
95.339
73.912
80.170
110.838
119.653
80.767
114.118
68.829
151.886
144.271
49.!)96
77.218
57.044
853
650
573
952
1.046
458
956
877
973
666
868
800
722
1.153
1.306
772
478
31
977
336
908
403
123
106
85
85
89
148
81
130
71
143
85
100
154
104
62
118
144
.467
148
149
85
142
NOMS DES DISTRICTS
Podgôrzo . . . .
Lancùt
Strzyzov
Ja.slo
Brzozov
Novy Sacz. . . .
Krosno
Biala
Grybov
Biala (Silé.sie) . .
(Ville de Biala). .
Cieszyn (Silésie) .
Gorlice
Jaro.slav
Fry.sztad (Silésie).
Lwov
(Ville .le Lemberg)
S.anok
Przcmysl ....
Skalat
Treiiibovla. . . .
Tarnopol
98,16
96,85
95,47
91,55
87,93
86,46
84,55
83,01
82,22
77,63
14,29
76,81
75,63
66,77
63,52
61,56
85,78
51,44
52,42
51 ,99
51,70
51,43
64.383
93.532
58.549
87.878
81.409
131.366
83.115
86.174
53.240
82.835
18.568
102.552
82. 203 j
150.301|
122.030
161.580
206.113
108,678
159.991
96.006
81.048'
142.138!
234
865
532
820
684
1.262
719
464
585
758
5
730
916
1.347
317
1.292
32
1.261
1,002
917
697
1.164
275
108
no
107
119
104
116
186
91
109
3.714
140
90
112
385
125
0.441
86
160
105
116
122
3° La Pologne prussienne comprend la plus grande partie des pays situés
sur la rive droite do l'Oder. La création de la libre Pologne englobera donc
les provinces de Poméranie, de la Prusse Orientale et Occidentale, de la
Posnanie et de la Silésie. J'ai déjà analysé, en détail, les diverses régences qui
(1) Voir pages 44 et 45.
— 12^2 —
composent ces provinces (Voir pages 43); il suffît maintenant de donner le
total des habitants qu'elles contiennent, soit : 13 millions environ.
La Pologne unifiée comprendra donc environ de 28 à 30 millions d'habi-
tants.
IV. LA LUSAGE
J'ai longuement insisté dans le chapitre relatif aux Wendes (Voir page 492)
sur leur situation géographique et linguistique qui les apparente à leurs
voisins les Tchèques.
Durant trois siècles, la Haute et la Basse-Lusace firent partie de la cou-
ronne de Bohême. La funeste bataille de la Maison Blanche les lui fit perdre
et le traité de Prague, en 1635, les fit passer à la maison de Saxe. En 1815 la
Prusse dépouilla la Saxe de la Basse-Lusace et de la moitié de la Haute.
Les Wendes de Lusace aspirent à retrouver leur unité et désirent unir
leur sort à celui des Tchéco-Slovaques. C'est là un desideratum dont je souhaite
vivement, pour ma part, la réalisation, à tous les points de vue.
CONCLUSIONS
Au moment de clore cette longue étude stptistique, deux notes diplomatiques
destinées aux belligérants viennent de paraître. La première, T^emise le 12 dé-
cembre 1916, par Guillaume et ses vassaux, la deuxième adressée, le 19 décem-
bre 1916 par le président des États-Unis.
Les dix Gouvernements alliés y ont répondu par des noies collectives soli-
daires et identiques, parfaitement claires, qui ont provoqué l'approbation
unanime, non seulement des peuples alliés, mais aussi de tous les neutres de
bonne foi.
On me permettra, peut-être, de faire remarquer que les vues et les desiderata
exprimé par les dix Gouvernements alliés sont en concordance absolu^ avec
les conclusions que j'ai tirées moi-même des exposés de statistique anthropo-
logique que, sans idée préconçue, je poursuis, depuis deux ans, (hius le tournai
de la So: iété de Statistique.
*
* *
En effet, (hins la réponse faite le 31 décembre 1916 à la note (k's Empires cen-
traux, au sujet des ouvertures de paix formulées par le chaiicelicdeBethmann-
Hollweg, les Alliés s'expriment ainsi :
Ils affirment une fois de plus rfu'il n'y a pas de paix possible tant que ne seront
pas assurées la réparation des droits et des libertés violés, le reconuai^sanee du
principe des nationalités et de la libre existence des petits Etais: tant que n'est pas
certain un règlement de nature à sunpriit/cr définitivement les causes qui, depuis
si longte?nps, ont menacé les nations ci à donner les seules garanties efficaces
pour la sécurité du monde.
Ce simple paragraphe signifie que la condition nécessaire d'une paix durable,
— 12r^ —
c'est qu'il n'y ait plus, désormais, de peuples martyrs, gémissant sous un joug
détesté et réclamant, sans trêve ni repos, leur indépendance et leur liberté.
C'est à la fois une leçon de morale internationale et l'affirmation générale que
le droit prime la force.
Dans la réponse adressée le 10 janvier 1917 au président des États-Unis,
le but que poursuivent les .Alliés est plus clairement et plus explicitement
indiqué :
Le président Wilson délire que les puissances belligérantes affirment, en pleine
lumière, les buts qu'elles se proposent en poursuivant la guerre; les Alliés n'éprou-
vent aucune difficulté à répondre à cette demande.
Leurs buts de guerre sont bien connus : ils ont été formulés à plusieurs reprises
par les chefs de leurs divers Gouvernements. Ces buts de guerre ne seront exposés,
dans le détail, avec toutes les compensations et indemnités équitables pour les dom-
mages subis, qu'à V heure des négociations. Mais le monde civilisé sait qu'ils
impliquent, de toute nécessité et en première ligne, la restauration de la Belgique,
de la Serbie et du Monténégro et les dédommagements cjui leur sont dus; V évacua-
tion des territoires envahis en France, en Russie, en Roumanie, avec de justes répa-
rations; la réorganisation de l'Europe, garantie par un régime stable et fondée
aussi bien sur le respect des nationalités et sur le droit à la pleine sécurité et à la
liberté de développement écoTiomique, que possèdent tous les peuples, petits et
grands, que sur des conventions territoriales et des règlements internationaux
propres à garantir les frontières terrestres et maritimes contre des attaques injus-
tifiées ; la restitution des provinces ou territoires autrefois arrachés aux Alliés
par la force ou contre le va u des populations : la libération des Italiens, des Slaves,
des Roumains et des Tchéco- Slovaques de la domination étrangère ; V affranchisse-
ment des populations soumises à la sanglante tyrannie des Turcs ; le rejet hors
d'Europe de l'Empire ottoman, décidément étranger à la civilisation occidentale. Les
intentions de Sa Majesté l'empereur de Russie à l'égard de la Pologne ont été claire-
ment indiquées par la proclamation qu'il vient d'adresser à ses armées.
H va sans dire que, si les Alliés veulent soustraire l'Europe aux convoitises
brutales du militarisme prussien, il na jamais été dans leur dessein de poursuivre,
comme on l'a prétendu, l'extermination des peuples allemands et leur
disparition politique. Ce qu'ils veulent, avant tout, c'est assurer la paix sur
les principes de liberté et de justice, sur la fidélité inviolable aux obligations
internationales, dont n'a cessé de s'inspirer le Gouvernement des États-Unis.
•Ceux de mes lecteurs qui ont suivi mes études sur U Autriche et la Hongrie
de demain, parues en 191r>, se souviennent, sans doute, des conclusions aux-
quelles j'avais abouti. Non seulement, j'ai réclamé la libération des Italiens du
Trentin et de l'isonzo, des Yougoslaves (Serbo-Croates-Slovènes), des Rou-
mains de Transylvanie et des Tchéco-Slovaques (Bohême, Moravie, Slova-
quie, sans oublier la Lusace). Mais, j'ai fait mieux encore. J'ai prouvé, à l'aide
des propres statistiques officielles austro-hongroise^, que ces peuples irrédentes
constituent des nationalités complètement distinctes des Allemands et des
Magyars et qu'ils sont absolument mûrs pour le self-govcrnment.
— 424 —
Il faut remarquer aussi que, dans ces deux documents diplomatiques dont
l'extrême importance a été unanimement reconnue, les Alliés affirment
« qu'il n'y a pas de paix possible tant que ne sera pas assurée la reconnais
sance du principe des nationalités et de la libre existence des petits États >\
C'est la pierre angulaire de tout traité de paix éventuel.
Depuie- le fameux discours d'Ajaccio, dans lequel Napoléon lïl définissait
ce qu'est une nationalité et en posait ainsi le principe et le droit, c'est la pre-
mière fois, à ma connaissance, qu'une semblable déclaration paraît dans un
document politique officiel et public. Je suis, pour ma part, très heureux que
cette expression ait passé des rédactions des périodiques dans celles des pièces
diplomatiques. C'est une consécration officielle que je salue avec plaisir car
c'est sur ce principe que — moi-même — j'ai basé toute mon argumentation,
en dépit des critiques qu'on m'a opposées. Assurément, le principe des nationa-
lités ne s'applique pas toujours et quand même. Ce n'est pas la tarte à la crème
qui sert de réponse à tout. Mais ce que je puis affirmer, feans crainte d'être
démenti, c'est qu'il s'applique, admirablement, à délimiter le sol national de
chacun des peuples qui vivent^ jusqu'ici, sous le joug de l'Empire dualiste. La
langue parlée est, dans l'espèce, une manifestation des plus caractéristiques et
des plus déterminantes et je ne regrette pas d'en avoir suivi scrupuleusement
les indications.
C'est donc à tort que d'aucuns prétendent que le principe des nationalités
est, vague,f obscur et d'une application difficile et incertaine. J'affirme, au
contraire, qu'il n'y a rien de plus net, de plus clair et d'une application plus
facile et plus équitable. Comment résoudre, par exemple, la question de l'Adria-
tique, qui divise tant de bons esprits, si on ne connaît pas la statistique détaillée
des langues parlées dans des circonscriptions territoriales restreintes. Lorsque,
chiffres en mains, on établit la carte linguistique de l'italien, du slovène, du
serbe et du croate, tous les différends politiques disparaissent devant la toute-
puissante clarté des statistiques. Là où l'une de ces langues'est parlée par 70, 80,
90% de la population, qu'y a-t-il à objecter? Rien, assurément. 11 n'y a qu'à
s'incliner.
Au surplus, sur quoi pourraient s'appuyer ceux qui ne reconnaissent pas le
principe des nationalités? Sur les combinaisons politiques du moment? C'est,
certainement, le seul moyen de préparer une nouvelle guerre à courte échéance.
ÙdiT l'Autriche, la Hongrie, l'Allemagne, sans parler de la Turquie, sont des
puissances basées sur la négation de la nationalité. Elles étaient organisées,
jusqu'ici, de façon à étouffer tout essor national des peuples assujettis.
Toutes les persécutions contre les Alsaciens-Lorrains, les Polonais, les Sles-
viçois, les Roumains de Transylvanie, les YougoslaA'^es et les Tchèques se sont
surtout exercées en vue d'empêcher la pratique des langues nationales, soit
à l'école, soit à l'église.
La langue parlée est donc bien le critérium principal et la véritable pierre
de touche de la nationalité.
Il est un axiome qui, dans tous les pays civilisés, prend. «liiKjur jour, une
importance toujours plus grande, c'est celui des Droits de V Homme el du Citouen.
Or, si on reconnaît à l'homme des droits imprescriptibles, comment peut-on
les dénier à des communautés humaines unies par la pratique héréditaire d'une
— 125 —
même langue^ des mêmes mœurs, des mêmes coutumes, des mêmes aspirations
qui les rendent étrangères à d'autres communautés voisines? Les abstracteurs
de quintessence jouent alors sur les mots lorsqu'ils pensent à établir un honnête
distinguo entre les peuples et les nationalités. Est-ce une question de définitions?
Elle« ne manquent pas et on n'a que l'embarras du choix. Mais il n'y a pas de
meilleur critérium que de demander aux Bohémiens aux Moraves et aux Slo-
vaques s'ils reconnaissent les Allemands et les Magyars pour leurs frères. On
n'a qu'à poser la même question aux Polonais et aux Slesviçois, aux Italiens et
aux Slaves de l'Adriatique. On verra comment ils répondront.
En somme, le dénombrement des langues effectué à l'occasion du recense-
ment de la population est une sorte de reitrcndum, avec cette particularité
qu'il est possible à celui qui l'exécute de tricher, à peu près, comme il veut. Or,
malgré toutes les pressions administratives imaginables et inimaginables, les
dénombrements des langues en Allemagne et en Autriche ont prouvé que les
populations assujetties parlent, en très grande majorité et parfois même à la
presque unanimité, leurs langues nationales qui ne sont pas celles de leurs
maîtres. L'expérience est donc péremptoire et nul ne peut prétendre qu'on
n'a pas affaire à une nationalité bien distincte, dont l'aire géographique est
nettement délimitée par la pratique de la langue parlée.
*
* *
Dans la présente étude sur l'Allemagne, sans parler de l'Alsace Lorraine qui
est la chair de notre chair et qui doit nous revenir, j'ai prouvé, également
d'après les statistiques officielles de l'Empire allemand, que le Slesvig est danois,
comme toute la rive droite de l'Oder est polonaise.
Reste la rive gauche du Bhin, qui fait partie de ces territoires que les Alliés
veulent soustraire à l'emprise prussienne, en vue tout d'abord de nous rendre
nos frontières naturelles et de garantir ainsi la paix; et ensuite de réparer,
dans une certaine mesure les dommages qui nous sont dus, ainsi qu'à la Bel-
gique. C est le seul moyen de fonder l'équilibre européen sur des bases que la
Prusse ne pourra plus ébranler. Les Alliés mettront donc leurs actes d'accord
avec leurs paroles et baseront la paix du monde sur des faits, et non sur des
papiers qu'on déchire ou des serments qu'on renie.
On voit donc que je n'ai rien à changer à mes conclusions et que les données
ethniques les plus sérieusement établies par la statistique sont conformes au
but que se sont assigné les dix Gouvernements alliés dans leur note du 10 jan-
vier 1917.
N'est-ce pas là une preuve irréfutable que nos buts de guerre sont basés sur
des fondements historiquement et scientifiquement établis et non sur des vues
imaginatives?
Comme le dit justement la note du 10 janvier 1917, nous ne poursuivons pas
l'extermination des peuples allemands et leur disparition politique.
Mais on sait que, dans tous les pays alliés, un mouvement d'opinion s'est
produit en faveur des mesures à prendre pour que les crimes délibérément
commis, tant par les Allemands que par les Austro-Hongrois, les Bulgares e+. les
Turcs, ne demeurent pas impunis.
— 126 --
A la Chambre des Communes du 31 juillet 1916, répondant à une question de
Sir tdv^ard Carson, au sujet de l'assassinat judiciaire du capitaine Fryatt par
les Allemands, M. Asquith a déclaré : « Lorsque l'heure arrivera, le Gouverne-
ment est résolu à traduire devant la justice les criminels, quels qu'ils soient
et quelle que soit leur position. Dans un cas comme celui-ci, l'homme qui a
autorisé le système^ sous lequel le crime a été commis peut bien être considéré
comme le plus coupable de tous. ;>
Quelques jours après (15 aoiît 1916), revenant sur la même question,
.M. Asquith a fait une nouvelle déclaration .• o Le Gouvernement est décidé à ne
pas tolérer la reprise des relations diplomatiques avec l'Allemagne, après la
guerre, aussi longtemps que réparation n'aura pas été obtenue pour le meurtre
du capitaine Fryatt. ^> Le premier ministre anglais a ajouté ; « Certains de nos
alliés ont souffert des brutalités encore plus graves, et sur une échelle plus
étendue que nous-mêmes, de la part des autorités allemandes. Nous sommes
en pourparlers avec eux sur les mesures le^ meilleures et les plus efficaces à
prendre et sur les conditions qui seront insérées dans le traité de paiy pour
assurer ime réparation ffui satisfasse la justicp. >^
Nous espérons donc que nos alliés prendront les mêmes mesures pour que
soient vengés les incendies, pillages, viols et assassinats commis en Belgique,
dans le Nord et l'Est de la France, en Serbie, en Pologne et ailleurs. Par consé-
quent, il faut que les plénipotentiaires alliés de la paix s'abstiennent de men-
tionner la clause d'amnistie, par laquelle chacun des belligérants renonce à
incriminer, après la guerre, les sujets de son adversaire ou ceux qui ont pu agir
contre lui. Il faut, au contraire, qu'ils introduisent dans les conventions de
paix inu^ disposition qui rende exécutoire, dans chaque pays allié, les jugements
à intervenir à l'occasion des crimes de droit commun, des meurtres collectifs et
individuels commis par des officiers et soldats allemands, hongrois, bulgares
ou turcs. De cette façon, nous fermerons nos portes à tous ces criminels et ils
se garderont bien de reparaître chez nous, de peur d'avoir à subir leur châ-
timent. Voilà une première sanction; il en faut une seconde.
Il est bien certain que nous demandons la déposition des maisons régnantes
d'Allemagne et la disparition du système de gouvernement féodal et autocra-
tique qu'elles incarnent.
Absorbé par la poursuite de rêves chimériques et obnubilé par des ambitions
sans cesse grandissantes et sans cesse inassouvies, l'Empereur allemand a, de
propos délibéré, déclenché le fléau de la guerre à l'heure qu'il a choisie et qu'il
jugeait éminemment favorable à ses desseins insensés d'hégémonie mondiale.
Les rois de Saxe, de Bavière et de Wurtemberg, les grands et petits ducs, prin-
cipicules et hobereaux, tous plats valets de Guillaume II, acclamèrent la
guerre fraîche et joi/euse parce que nulln chose au monde, hormis la guerre,
ne pouvait assurer le salut du peuple allemand... et leur fortune personnelle.
Est-ce trop demander cpie d'en débarrasser le monde; ol les peuples , alle-
mand s?
Leur châtiment est tellement inévitable que les pacitistes eux-mêmes
l'exigent. Pour une fois que je suis d'accord avec eux, je veux leur laisser le
mérite de leur conversion. La Nouvelle Gazette de Zurich a publié une lettre de
M. d'Estournelles de Constant, en réponse aux affirmations du professeur Zorn,
_ _ 127 —
ex-représentant de l'Allemagne aux deux conférences de La Haye, concernant
les tendances soi-disant pacifiques du Gouvernement de l'empereur Guil-
laume II. En A oici quelques extraits que j'emprunte au journal Le Temps
(18 décembre 1916) :
La question est celle-ci : Le sort du monde a été à la merci de la volonté changeante
d'un souverain absolu.
Je conclus donc à la responsabilité précise d'un homme, d'une dynastie, d'un
régime, et non d'une foule. Et, si je tiens à faire ressortir, sans confusion possible,
cette responsabilité, ce n'est pas la vengeance, c'est la justice que je poursuis. Ce n'est
pas le passé seulement qui m'émeut, c'est l'avenir. Plaindre d'une compassion infinie
nos populations belges et françaises, martyres de l'invasion allemande; plaindre les
victimes sans nombre du militarisme allemand, ce n'est pas assez. Libérer les survi-
vants et les rétablir dans leur droit, c'est trop peu encore. Il faut davantage : il faut
prévenir le retour du fléau. De cette guerre affreuse, il faut qu'il sorte au moins un
peu de bien. Le châtiment d'un prince, d'un empereur, qu'est-ce donc auprès du mas-
sacre inutile et de la souffrance de millions et de millions d'innocents? Quelle compen-
sation dérisoire pour tant de douleurs que la punition d'un coupable, si le régime
dont il n'aura été que l'instrument subsiste! .le suppose l'empereur Guillaume II
disparu; verrons-nous son fils, le Kronprinz, ou son petit-fils lui succéder? Pourra-t-on
jeter à ce qui restera de la civilisation ce dernier défi de convier les représentants de
tous les États du monde à la fête de son couronnement?
Le Kronprinz amnistié et sa dynastie confirmée, sa responsabilité confondue avec
celle de son peuple, c'est l'Allemagne de nouveau caporalisée pour des guerres futures,
la guerre actuelle n'ayant été qu'une préface. Ce seront les peuples réduits à la négation
de toute croyance et de tout espoir, asservis au régime de la force inexorable, désap-
prenant tout ce qu'on leur apprenait, depuis des siècles, à commencer par les comman-
dements du Christ, pour exercer leurs enfants à se haïr les uns les autres. Et non pas
les enfants d'Europe seulement, mais tous les enfants, y compris ceux des nouveaux
mondes et du .lapon. Qu'on ne s'y trompe pas : jamais un Français ne contribuera
par sa faiblesse à la réalisation de ce rêve infernal. Ceux-là mêmes, parmi nous, qui
ont voulu le plus sincèrement la paix sacrifient tout, plutôt que de consentir à la
comédie de la paix. Ils veulent continuer la guerre pour en finir avec la guerre et
non pour qu'elle recommence indéfiniment. Ils la voudront aussi longtemps que
l'Allemagne, aux mains de la dynastie militaire prussienne, continuera de n'être qu'un
instrument destructeur et menacera le plus précieux des biens du monde: la liberté.
On ne saurait mieux dire, et nous devons féliciter M. d'Estournelles de Cons-
tant des arguments particulièrement suggestifs qu'il a su grouper avec un
incontestable talent.
Mais, dira-t-on, que deviendra le peuple allemand dans tout cela?
Je suis d'avis qu'après l'avoir débarrassé de ses tristes potentats, on laisse
au peuple Hii de Dieu le soin de s'administrer comme il l'entendra... pourvu qu'il
renonce à troubler le monde, qu'on lui en enlève les moyens et qu'il solde ses
créances vis-à-vis des Alliés.
Comme le disait récemment (i) M. Maeterlinck, des Boches ne sont plus les
égaux de personne, ici-bas. II y a désormais, entre l'humanité et eux, un abîme
qu'ils ne pourront franchir qu'après que de longues années de pénitence, de
souffrance et d'humiliation les auront enfin purifiés et rendus à peu près sem-
blables aux autres hommes. »
• *
* *
(1) Séanc" de protestation «ontri' l'esclavage tetge au Trocai!éro, If 6 Janvier 1917.
— 128 —
Le but des Alliés tient en trois mots ; restitutions, réparations, garanties. Je
les ai examinés, en toute indépendance, du point de vue des droits des peuples
et des nationalités. Je sais bien que les négociateurs de la paix ne pourront pas
se contenter de découper des territoires comme au Congrès de Vienne. Le pro-
blème financier et économique ne sera pas moins important que le problème
territorial. Mais je laisse aux spécialistes le soin d'envisager ces très graves et
très importants sujets. Ce sont là des questions qui seront exposées dans le
détail, à l'heure des négociations.
Dans ma conscience d'homme de science, je suis heureux et fier de constater
que, malgré les insondables douleurs présentes, les Gouvernements alliés, d'une
part, n'ont oublié aucun peuple martyr dans leur énumération succincte de libé-
ration et, d'autre part, qu'ils ne se sont pas écartés des exigences de la justice
et du droit, bases éternelles d'une paix durable.
La parole est encore au canon. Mais, lorsqu'il aura cessé de tonner, souhaitons
que nous soyons entièrement prêts à négocier sur tous les points et sur des
bases mûrement concertées d'avance avec nos alliés. Souhaitons que ces bases
soient établies de telle sorte que les garanties de tous ordres soient exigées en
vue d'assurer enfin une réorganisation rationnelle et équitable de l'Europe.
Les statistiques que j'ai recueillies et mises en œuvre seront des bases solides
qu'on pourra consulter avec fruit.
Arthur Chervin.
IV
REVENUS ET BUDGETS D'APRÈS-GUERRE
Messieurs,
Vous voudrez bien nous excuser si nous faisons un appel, peut-être un peu
fréquent, au témoignage des chiffres. C'est que, à nos yeux, la statistique est
le meilleur moyen de contrôle des jugements économiques. Oh ! nous savons les
préjugés qui entourent cette science trop souvent décriée : c On fait dire aux
chiffres ce que l'on veut. » Formule de scepticisme et d'inexactitude, car les
statistiques ne mentent pas aux esprits informés.
Et c'est pourquoi nous éprouvons toujours une déception, lorsque nous
lisons une étude économique complètement dépouillée de chiffres. Ce peut
être une œuvre d'adresse, de talent et même de vérité, — elle ne s'impose pas
à nos regards — c'est comme un corps auquel il manquerait l'ossature. Nous
nous méfions de l'idée préconçue, de l'esprit sectaire ou du préjugé d'école.
Présentez des chiffres à un auditoire averti, et vous hii apporterez en même
temps un gage de probité. L'imposteur ne peut en faire un long usage : immé-
diatement il lui sera démontré que ses données sont fausses — ou tendancieuses,
s'il dissimule une partie des nombres qui doivenf identiiier un fait économique
ou social.
Ainsi, de courtes monographies, solidement édifiées sur des chiffres, prennent
— 129 —
une valeur démonstrative que ne posséderont pas des ouvrages beaucoup plus
considérables, bourrés d'affirmations bénévoles ou de citations choisies.
Cet aveu formulé, entrons dans notre sujet.
*
Les citoyens paient l'impôt et l'impôt doit équilibrer le budget. Toutes les
taxes, directes ou indirectes, sont en réalité prélevées sur les revenus généraux
de la population, ce qui implique immédiatement une idée de relation entre
ces revenus généraux et le budget annuel de l'Etat.
De cette notion se sont inspirées les recherches que nous avons faites dans
le passé et qui ont abouti aux résultats suivants (1) :
Rerenus
Budgets
de
l'État
Rapport r-io
des budgeis
aux revenus
Millions
Millions
12.281
1.548
13 o/
16.500 à 17.
000
2.900
17
21.902
3.348
15
27.801
3.597
13
32.005
4.548
14
1853 12.281 1.548 13 %
1872-1873 ....
1878
1903
1911
De 13 à 17 %, telle a été pendant plus d'un demi-siècle, et jusqu'à la veille
du conflit européen, la part prélevée par l'Etat sur les ressources annuelles de
la population pour faire face aux charges publiques. Ce fait constaté, quelles
sont les perspectives qui s'ouvrent devant nous si nous voulons appliquer les
mêmes recherches aux années d'après-guerre?
Sans préjuger la date de la fm des hostilités, prenons, pour offrir la base d'une
estimation, réduite au minimum, prenons en considération les dépenses de
trois années de guerre, soit leur total arrêté à la fm de juillet 1917.
Au 31 décembre 1916, nous sommes en présence d'une charge de 62 milliards,
— dont 10 milliards environ couverts par l'impôt — ce qui laisse 52 milliards
dans les colonnes de la Dette publique, consolidée... ou restant à l'être.
Les débours de janvier-juillet 1917 ajouteront à cette masse quelque 20 mil-
liards, déduction faite des ressources fournies par le fisc.
Enfin, une réparation assez large des dommages soufferts dans les régions
envahies pourrait entraîner des émissions de rentes, à concurrence d'une
dizaine de milliards.
Ces trois sommes, 52, 20 et 10, nous montrent une nouvelle Dette publique
de 82 milliards, à supposer que la guerre ne s'étendît pas au delà du l^'' août
1917. A 5,75 %, taux acceptable comme base moyenne, voilà une première
charge de 4 milliards 715 millions. Ajoutons-y le montant des pensions mili-
taires, soit au moins 1 milliard 500 millions; inscrivons encore les 5 milliards
200 millions du budget antérieur à la guerre, et nous formons déjà un bloc
de 11 milliards 500 millions, en chiffres ronds.
(1) La Richesse de la France devant la guerre (chap. IX et p. 145).
— 430 —
Mais, Messieurs, nous passerions sous silence plusieurs facteurs importants
de la situation, si nous nous en tenions à cette brève énumération.
Vous me feriez d'abord cette objection, qui vient de suite à l'esprit : «Vous
oubliez que le budget voté en 1914 peut être comprimé, que certaines dépenses
doivent disparaître. » Je n'ai pas attendu à ce jour pour affirmer pareille néces-
sité, seulement on se tromperait lourdement en fondant sur une telle revision
des espoirs trop vastes.
M. Arthur Girault vient de nous donner, dans une étude aussi claire que
méthodique, — dont nous sommes d'ailleurs loin d'accepter toutes les conclu-
sions (1) — un aperçu des économies qui lui semblent réalisables : il les évalue,
tout ensemble, à 250 ou 300 millions, en ajoutant, il est vrai : « Cela ne veut pas
dire que l'on ne puisse en faire d'autres. » Nous l'admettons volontiers, et il
est possible que l'on parvienne à effacer, sur l'ancien budget de dépenses, un
demi-milliard, ou davantage.
Mais, ce que ne disent généralement pas les auteurs qui se sont appliqués
à la recherche de ces épargnes, c'est que les charges publiques de 1913, transpo-
sées en 1917 ou 1918, ne sauraient être évaluées au même taux.
La réalisation du même programme, sans addition aucune, actuellement ou
l'an prochain, coûterait assurément 1 milliard de plus, parce qu'un budget
d'Etat est fait de frais de personnel et d'achats de matériel — et parce que les
salaires et traitements seront aussi différents des salaires et traitements d'avant-
guerre, que les prix de toutes choses s'écarteront des cours du passé.
Et c'est pourquoi nous avons quelque raison de croire que la suppression
de tous les postes superflus compensera tout au plus, éventuellement, la sur-
charge des dépenses inévitables que nous léguera le budget d'hier. C'est dire
que l'on peut maintenir ici le maximum voté antérieurement, de 5 milliards
200 millions, en chiffres ronds.
Au surplus. Messieurs, d'autres faits s'imposent à notre attention.
Il y a d'abord ceci, que la paix signée n'entraînera pas, sur l'heure, une
démobilisation totale; des considérations d'ordre militaire, et d'ordre tout
court, en exigeront le fractionnement, et, pendant des mois encore, il faudra
pourvoir à la subsistance d'effectifs, notablement réduits sans doute, mais
encore importants.
Ajoutons que les dépenses dites « de solidarité sociale » ne cesseront pas
brusquement du jour au lendemain : il y aura une période de transition, qui
doit appeler dès maintenant la pensée et la judicieuse expérience des hommes
de gouvernement. La paix, ce mot signifie l'arrêt plus ou moins complet
d'une immense industrie qui alimente actuellement la moitié de l'activité écono-
mique. D'assez longs délais s'écouleront avant que les entreprises pacifiques,
réorganisées, puissent recueillir intégralement le personnel employé la veille
aux fabrications de guerre.
Ce n'est pas tout; il y a aussi la « politique du blé », qui est peut-être la chose
la plus étrange qu'on puisse imaginer, mais qui prend place assurément entre
les conceptions les moins économiques, au double sens du mot.
De louables intentions, secondées de pénibles efforts, nous ont donné ces
(1) La Politique fiscale de la France après la guerre.
— 131 —
fruits inatiendiis, d'une grossesse gémellaire : d'un côté, la prime aux consom-
mateurs — coût, 500 millions; de l'autre, la prime d'encouragement aux pro-
ducteurs — coût, 150 millions, en attendant mieux.
La première est représentée par la différence entre le prix taxé et la parité
d'importation, sur les 30 ou 40 millions de quintaux de notre déficit agricole.
La seconde, elle date d'hier... et vous 1^ connaissez tous (1).
Or, si le pain est un aliment de première nécessité que l'on ne doit pas laisser
atteindre des prix prohibitifs, nous n'en considérons pas moins comme assez
inopportune cette politique artificielle qui s'est toujours opposée à ce que le
pain participât, ne fût-ce que dans une faible mesure, à la hausse générale des
denrées.
Car il s'agit de se demander si l'on compte reprendre pied quelque jour
dans la vie réelle? Et dans cette hypothèse, pourrez-vous, vous, Pouvoirs
publics, laisser le pain se vendre à la parité d'importation du blé, c'est-à-dire
avec ime hausse brusque de 50 à 75 %, dans le temps même où cesseront les
grands salaires de l'usine de guerre, où se tariront les allocations, où s'impo-
sera le paiement des loyers?
On eût été mieux inspiré, croyons-nous, en laissant au moins la moitié de la
hausse à la charge du consommateur; mais il est temps encore d'agir et
d'habituer le public, qui paie <^0 à 100 % de hausse sur toutes les denrées,
à ne pas considérer le blé comme une manne providentielle, à l'instar des
rayons solaires ou des pluies bienfaisantes. On peut le faire, en procédant par
étapes, si l'on ne veut inscrire dans les budgets de l'avenir une charge consi-
dérable du chef de nos lois céréales.
Quoi qu'il en soit, il semble prévoyant d'envisager, au moins pour un ou deux
exercices, une surcharge de 300 millions en regard de cette autre forme d'assis-
tance en faveur tout à la fois du producteur et des consommateurs.
Récapitulons : 5 milliards 200 millions pour l'ancien budget dûment com-
primé, 4 milliards 700 millions pour le service des emprunts de guerre, 1 mil-
liard 500 millions pour les pensions, 600 millions pour le pain à bon marché si ce
n'est au profit des œuvres de solidarité sociale... et nous totaliserons... : 12 mil-
liards !
Tel est le budget qui se prépare dans les conditions que nous venons d'exami-
ner, tel est le chiffre que nous croyons devoir retenir, et en vue duquel les
bonnes volontés peuvent se mettre à l'œuvre, dès aujourd'hui.
Nous avons pris pour titre : « Revenus et budgets d'après-guerre. » Nous ne
tenterons donc pas d'indiquer dans les courts instants qui nous sont impartis,
comment pourront être couvertes de telles dépenses. Mais en passant, nous
(1) La loi du 29 juillet 1916 a fixé à dater du l^r août 1916, pendant la durée des hostilités
et durant Tannée qui suivra la démobilisation générale, à 33 francs, à la culture, le prix
maximum des 100 kilos de blé récolté en France. D'autre part, la loi promulguée à l'Officiel,
en date du l*^"^ février, alloue aux agriculteurs une prime de 3 francs par quintal de blé
récolté en France, à partir de la moisson de 1917, plus une prime de 20 francs par hectare
supplémentaire cultivé en blé, comparativement à la surface cultivée l'année précédente.
Cette dernière loi a vu le jour trois ou quatre mois trop tard pour produire un effet sen-
sible, bien qu'elle puisse encore exercer une légère influence sur les ensemencements de
blés de printemps.
— 132 —
nous permettrons cependant une suggestion qui peut mériter l'examen : c'est
d'attribuer à la période de transition, — intégralement aux trois exercices
particulièrement lourds qui feront suite aux années de guerre, — les ressources
fournies par l'impôt sur les bénéfices de guerre. En dépit des grands amortisse-
ments pratiqués^ cette taxe devrait donner un très gros produit, plus utile
que jamais, nous le répétons, dans l,e cycle transitoire où l'extrême cherté de
la vie limitera davantage les facultés contributives de la nation.
*
* *
Douze milliards..., voilà pour le budget. Quelles seront les ressources annuelles,
les revenus généraux de la population, en face de telles exigences?
Si les prix et les salaires fussent demeurés tels qu'avant le conflit, il suffirait
de retrancher une somme de 4 à 5 milliards, des revenus avérés de la « popu-
lation active » (vers 1911-1912), pour faire la part du déficit consécutif aux
décès et incapacités de travail résultant de la guerre. 11 y aura là une réduction
quantitative, qui justifie ce retranchement de 4 à 5 milliards.
Du côté des valeurs mobilières, nous avons vu que la diminution était, pour
1915, plutôt inférieure aux prévisions, puisqu'elle représentait seulement 30 %
ou 1 milliard 125 millions de moins qu'en 1913, moins-value qui ira d'ailleurs,
peut-être, en s' atténuant (1). De même, la situation de la propriété foncière et
celle de la propriété bâtie bénéficieront, presque immédiatement, de la paix,
sans que leur revenu puisse toutefois recouvrer de suite les chiffres de 1911.,
Qu'il y ait à prévoir vers 1918-1920 une infériorité de 2 à 3 milliards sur le
montant des revenus fournis par le capital en 1911, c'est vraisemblable; mais
nous inclinons à penser que la différence sera moindre, et que le produit annuel
de la fortune acquise, alors évalué à près de 10 milliards, tombé, en 1916, à
moins de 6 milliards, ne s'écartera pas beaucoup de 8 milliards.
En fait, et puisque nous comparons avec une année dont nous avons étudié
les éléments par le menu, nous retiendrons ici les deux réductions que nous
venons de mentionner, de 5 plus 2, soit 7 milliards. Ainsi, notre chiffre global
de 32 milliards pour 1911 serait-il ramené à 25 milliards.
Mais il y aura aussi des revenus supplémentaires, et nous en citerons au
moins trois sortes : les arrérages de nouvelles rentes, les pensions et les excé-
dents de salaires.
En même temps que les deux premières grèveront le budget de 6 milliards
500 millions, elles vont constituer une ressource additionnelle, presque équiva-
lente, au profit d'un certain nombre de nos concitoyens. Nous savons que
l'État ne retiendra pas cette somme dans ses caisses. L'État dira aux Français,
aux contribuables : « Vous me devez 6 milliards 500 millions de plus qu'en
1913, pour faire face aux obligations que j'ai contractées, mais ces 6 milliards
500 millions je vous les rends, à vous, rentiers ou pensionnés, à l'exception de
ce que je consacre au service de la Dette extérieure. » Ainsi, 5 milliardsv500 mil-
lions environ vont constituer un revenu supplémentaire.
(1) « La Richesse mobilière des Français, au début de 1916 » {Journal de la Société de
Statistique de Paris, numéro de novembre 1916).
— Và'ô —
Quant aux salaires, s'ils ne se maintiennent pas au niveau des barèmes
exceptionnels de l'usine de guerre, il est hors de doute qu'ils resteront très
au-dessus de ce que Ton constatait avant 1914. La cherté de la vie et la rareté
de la main-d'œuvre nous en donnent l'assurance.
Les re\"enus du travail fournissaient, en 1911, 14 milliards, répartis entre
les deux tiers de la population active, le dernier tiers représentant la part des
chefs d'entreprises (agriculture, commerce, industrie et carrières libérales).
Or, tandis que nous avons supprimé 4 à 5 milliards de revenus en considération
de la réduction du nombre de leurs titulaires, il y a lieu d'ajouter 2 à 3 mil-
liards, et peut-être davantage, en \ue de l'exhaussement des salaires. A telle
enseigne, que 5 milliards 500 millions d'arrérages et pensions d'une part, et
2 milliards 500 millions de salaires supplémentaires d'autre part nous font
apparaître une majoratioiî de 8 milliards sur les anciens chiffres.
Résumons-nous. Les revenus des Français, en 1911, s'élevaient à 32 milliards
(non compris la rente alimentaire prélevée sur l'exploitation par les popula-
tions rurales). A^-ant tenté d'établir ce que seront ces mêmes ressources dans
les années de paix qui surviendraient après trois ans de guerre, nous trouvons,
d'un côté, des éléments de réduction, qui se chiffrent par une somme de 7 mil-
liards, d'un autre côté, des facteurs additionnels qui viennent y ajouter 8 mil-
liards. Et cela nous permet de conclure que dans la susdite hypothèse, les
revenus de 1918 ou de 1919 seraient sensiblement les mêmes que ceux de 1911,
soit de 32 milliards (32?è 33 milliards).
11 nous reste, dès lors, à rapprocher les deux chiffres qui font l'objet de ce
travail ■.
Revenus probablns „ ,
de la . Budget. o/„
population française budget de l'Etat des
«près la guerre revenus
32 à 33 milliards 12 milliards 37 % environ.
Il est bien entendu que ce rapport, pour être exact, assigne un terme aux
dépenses de guerre à hn juillet 1917; à défaut de quoi, la proportion entre nos
ressources totales et les dépenses pubhques dépasserait le taux de 36 à 37 %
(sous réserve de la contribution allemande).
Il est de toute nécessité de se placer en face de ces réalités, pour ceux qui
vont avoir un rôle à remplir ou des responsabilités à prendre, en matière de
fiscalité. Et l'on devra considérer avec force attention, non seulement ce qu'exi-
gera l'Etat pour asseoir les finances pubhques, mais encore ce qui restera à
la population pour conduire au succès l'œuvre de restauration qui l'attend.
*
Messieurs, nous allons essayer de résumer en quelques formules concises
les résultats de ces observations :
1° Les revenus privés, après la guerre, devraient atteindre à peu près le
même niveau qu'avant, la diminution du nombre étant compensée par leur
-relèvement;
2° La paix survenant après trois années de lutte, le budget de l'État ne
1^" SÉRIE. Câ' VOL. N'' 4 1(1
— 134 —
devrait guère être inférieur à 12 milliards, soit 37 % environ des revenus de
la population.
Au reste, une étrange indivision règne dans le jeu des revenus et du budget,
car il est aussi vrai de dire que celui-ci forme partiellement ceux-là, que d'affir-
mer que les premiers pourvoient au second.
11 est même presque impossible de marquer la priorité de tels revenus ou de
telles dépenses budgétaires, au cours d'un même exercice.
En principe, les revenus devraient être les premiers à se constituer; en fait,
certains d'entre eux, étant le fruit de l'impôt et de sa redistribution, naissent à
la suite des perceptions budgétaires. De sorte que, pour mettre quelque lumière
dans cet enchevêtrement, il nous semblerait opportun de distinguer entre ce
que nous appellerons hs charges positives et les charges négatives du budget.
Charge positive : l'impôt dont le produit est afïecté au service de notre
Dette extérieure ou à la subsistance des être infortunés que la guerre aura
privés de leurs moj^ens d'existence (pensions).
Charge négative, du point de vue national : l'impôt dont le produit acquit-
tera les coupons de notre Dette intérieure.
Dans ce dernier cas, en effet, nous assistons à une simple mutation de capi-
taux entre divers éléments de la population française. La perte de capital a
été consacrée au moment précis où nos concitoyens ont apporté leurs épargnes
au Trésor, pour des fins improductives, épargnes qui ont d'ailleurs — c'est un
point essentiel à retenir — doublé le chiffre de nos éconoanies du temps de paix.
Au contraire, le service de la Dette extérieure va atteindre directement lo
revenu national; et, de même, les pensions vont le réduire, car si les sommes
qui les soldent ne font que changer de mains, il y aura quelque chose de perdu
pour le pays : c'est le fruit du travail que ces pensions ont pour objet de rem-
placer. Et chacun sait que la monnaie n'est jamais que la représentation des
capitaux de toute espèce : capital et revenus en nature.
*
* *
Dans de telles conjonctures, un j)eu de recueillement s'impose; de la sagesse,
de la prudence, une claire vision de l'avenir et de ses possibilités sont nécessaires.
Cependant, nous avons le regret de constater que certaines manifestations
oratoires s'inspirent beaucoup plus d'une politique de groupes que des principes
d'une saine économie nationale. N'est-ce là que le pâle reflet d'idées minori-
taires? Souhaitons-le, car la fiscalité de demain — si elle n'est immédiatement
posée sur le bon terrain — pourra nous lancer dans les plus dangereuses aven-
tures.
Portons nos regards sur le passé. Opposons les grands actes de la nation aux
idées génératrices de tous les élans magnanimes qui jalonnent notre Histoire.
Que voyons-nous?
La Franco de 1789 fait la grande Révolution pour conquérir la liberté indivi-
duelle. La France de 191 'i soutient une lutte implacable, au prix des plus lourds
sacrifices, pour repousser l'esclavage, le joug allemands. L'évolution politique
e! le développement économiqre de ce jjays attestent à tout instant sa foi
— 135 —
invincible et immuable dans le double prinripc de la liberté de l'homme et du
droit souverain des nationalités.
Mais, qn'est-ci' donc qiif^ la liberté? N'est-ce pas la l'acult''» pour chacun de dis-
poser à son gré de sa personne et de ses biens, de son travail et de ses facultés?
La guerre que nous soutenons apportera de lourdes restrictions à cette sou-
veraineté, puisque, après elle, nos concitoyens se verront privés de la libre dispo-
sition d'un tiers au moins de leur revenu. Au reste, il s'agit là d'une nécessité,
et tous les Français s'inclineront devant le sacrifice nécessaire. Mais ce qu'ils
accepteront moins volontiers, c'est que. l'on prenne prétexte de V inévitable
pour comprimer leur autonomie, c'est que l'on prohibe à l'aide du monopole
les fécondes manifestations de l'activité privée et que l'on condamne à la servi-
tude leurs magnifiques qualités de travail et de création.
La guerre va donc soustraire à notre population une énorme partie de ses
revenus; en même temps, elle aura pratiqué une brèche (pertes absolues de
capital) que nous avons pu évaluer à 45-50 milliards à fin 1916 (1) dans la
fortune globale du pays; par surcroît enfin, et le dommage ici n'est pas répa-
rable, elle aura couché dans le sillon des batailles, ou privé à jamais de leurs
facultés, des milliers d'hommes, ouvriers de l'esprit et travailleurs manuels,
qui élaboraient de la richesse française.
Et comme si cela n'était point assez, des idéologues se rencontrent aujour-
d'hui, qui vous disent : « Calmez vos appréhensions, tout s'arrange, ne savez-
vous pas que l'État produit mieux et meilleur marché que toutes les compé-
tences autonomes? Rassurez vos esprits, le fonctionnarisme fera quelque jour
la prospérité de la France », ou bien encore : <' 11 y a trop de capitaux libres
et peut-être aussi trop de travailleurs entre nos frontières (car la concurrence
du travail pèse sur les salaires). "
Vous vous récriez? Eh non! sans doute, ils n'ont point articulé rigoureuse-
ment un tel défi au bon sens: mais n'entendez-vous pas leur appel quotidien
au monopole, à l'étatisme, cette panacée qu'ils offrent au pays comme suprême
remède à ses maux et gage de sa grandeur future? C'est tout un !
Quelle douloureuse ironie ! Tous les enseignements du passé nous apprennent
que l'État industriel gaspille les hommes, les énergies et les capitaux, et c'est
à cette heure décisive de notre histoire, au moment précis où le besoin de main-
d'œuvre et de capitaux dépassera toutes les exigences connues et imaginables,
que des hommes se lèvent pour tenter des expériences de collectivisme dans le
creuset de l'anonymat et de l'irresponsabilité.
On a mis beaucoup de temps à comprendre que la guerre était le contraire de
la paix et qu'elle exigeait des méthodes opposées. Combien de mois, d'années
peut-être, nous faudra-t-il, les hostilités closes, pour entendre que la paix est
le contraire de la guerre, que son but et son programme sont de rendre à chacun
l'autonomie propre, de restituer à l'individu les prérogative? c[ui ont assuré
le libre développement de nos forces dans le passé?
Des générations ont lutté pour la défense des droits de l'homme et des natio-
nalités, inscrivant au cours de cent années glorieuses leur volonté permanente,
(1) La Revue Bleue. Ce chiffre comprend au nombre des pertes la suppression des
épargnes annuelles que notre population consacrait à des placements normaux et productifs.
— 136 —
de leur sang sur les champs de bataille, avec leur clair bon sens sur les tables de
la loi, ou par la vivifiante émulation de leurs initiatives en éveil.
Donnerez-vous aux Français, pour prix de leur plus coiiteuse victoire,
l'assistance imprévue d'un vaste conseil judiciaire? et pour couronner leur
magnifique effort, les placerez-vous dans une condition de vassalité voisine
d'un nouvel esclavage? Tel est le cadeau que nous offrent certains esprits, férus
d'étatisme.
Qu'est-ce donc que le monopole général de l'État patron? N'est-ce pas
l'image assez fidèle que nous offre l'Allemagne d'aujourd'hui, avec sa mobi-
lisation civile? Est-ce là le système idéal que vous proposerez aux sociétés
pacifiques dans les temps à venir? S'il est vrai que la hberté est au nombre des
forces relatives; que l'homme le plus chéri des dieux dépendra toujours de
quelqu'un ou de quelque chose, notre régime au moins permet de choisir ses
maîtres, et ce n'est pas un bienfait négligeable.
La question se pose devant 39 millions de Français. Elle se présente à la fois
sous un aspect matériel et positif, et comme un problème d'ordre moral d'un
passionnant intérêt. De quelque côté qu'on l'examine, on n'a})erçoit qu'une
issue : des libertés, et encore des libertés.
Ainsi l'interprétation du rôle de l'État attend le jugement de la Nation.
Bien des hommes se tourneront vers le pouvoir, avec cette foi mystique des
esprits simplistes, qui accordent à la loi des vertus surnaturelles. Mais les plus
nombreux se rappelleront que l'État, loin de créer des richesses, n'a jamais
fait qu'en dissiper; que ses consommations de capitaux seront d'autant plus
lourdes qu'il étendra davantage son contrôle sur les sources d'activité de la
population, et surtout, ils verront en face d'eux l'œuvre pressante à accomplir.
Cette œuvre, dans le domaine des intérêts matériels, est la suivante :
Pour ramener la France à l'état de prospérité qu'elle connaissait avant la
collision européenne, il nous faut :
1° Recréer les 40 à 50 milliards de capitaux détruits par trois années de
guerre (à fin juillet 1917, puisque nous avons pris cette date pour base de nos
calculs);
2° Accroître les revenus des milliards dont les priveront les exigences budgé-
taires :
30 Développer le travail humain (4 le machinisme de façon à combler le
déficit considérable de la main-d'œuvre, de manière à surproduire, pour obtenir
les subsistances à des prix accessibles, et payer en j)roduits exportés les intérêts
de notre dette extérieure.
Tel est le but à atteindre; tels sont les objets qui démancheront an pays le
concours actif et éclairé de tous ses enfants au lendemain du verdict mihtaire.
A côté de cela, il est prouvé jusqu'à l'évidence que l'État gaspille le travail et
les capitaux, que toute emprise de l'État dans le domaine privé creusera plus
avant le triple déficit qui nous menace d'un triple péril. Jugez et concluez.
René Pupin,
— 137 —
V
VARIÉTÉ
LKS MOTS USUELS M)
LEUR NOMBRE ET LEUR FRÉQUENCE
Le nombre des mots d'une langue comme la nôtre est certainement très élevé-
Il est difficile de donner un chiffre, même approximatif. Il y a des dictionnaires de
80.000, de 100.000 m.ots et plus. Mais il s'en faut ((ue tous soient d'un usage courant.
Max Muller évalue à 3.000 ou 4.000 le nombre des mots employés habituellement par
un Anglais cultivé.
Il peut être intéressant à divers points de vue. pour les sténographes, d'avoir des
précisions à cet égard, de connaître non seulement combien de mots sont d'un usage
courant, forment la trame ordinaire du discours, mais encore quels sont ces mots et
quel est leur ordre de fréquence.
J'ai fait, dans ce but. une statistique qui a porté sur un texte d'une longueur totale
de 30.000 mots. Afin que l'expérimentation fût plus probante, j'ai eu soin d'opérer
non sur un texte suivi d'un même auteur traitant un même sujet, mais sur des extraits
de discours et d'articles (75 extraits) portant sur les sujets les plus variés.
J'ai d'abord découpé le texte entier en tranches de 1.000 mots. J'ai recherché,
en considérant successivement chaque tranche :
1° Combien chaque tranche contient de mots différents et ne figurant pas dans les
tranches précédentes ;
IP Combien de fois revient chaque mot répété.
En procédant ainsi, j'ai compté, dans la première tranche de 1.000, 336 mots diffé-
rents.
Dans la deuxième, j'ai compté 233 mots différents et ne figurant pas dans la pre-
mière.
J'ai opéré de même et successivement pour les tranches suivantes, comptant tou-
jours combien v sont contenus de mots différents et nouveaux, c'est-à-dire ne figurant
pas dans les précédentes.
\'oici le résultat de ces décomptes (Voir tableau, page 138).
Ce tableau montre clairement que le pourcentage des mots différents et nouveaux
trouvé dans chaque tranche décroît très rapidement au fur et à mesure que l'on avance
dans le décompte. Dans le 2^ mille, la proportion des mots nouveaux est de 23 % ; dans
le IQe mille, elle est d'environ 9 % ; dans le 20^ de 6 % ; dans le 30^ de 4 %.
Il n'est pas téméraire d'affirmer que. 'si l'on poursuivait le décompte jusqu'à un
50®- ou à un OO*^ mille, la proportion descendrait à 1 % qw peut-être à moins, c'est-à-
dire qu'à ce point on aurait épuisé à peu prés le vocabulaire entier qui constitua la
trame habituelle de tout discours.
Pour former le texte entier d'iino longu^Mir de 30.000 mots. 2.780 vocables diffé-
rents ont suffi.
(1) Nous devons cette étude à M. J.-B. Estoup, sténographe de la Chambre dés Députés,
qui a bien vouhi nous autoriser à reproduire cet intéressant travail extrait de son ouvrage :
Gammes sténo graphiques : Méthode pour l'acquisition de la vitesse applicable à tous les
systèmes de sténographie (chez l'auteur, 3 francs).
138 —
Nombre
Moyenne
Tanches
de moU difféivnts
Pour 100
de
et nouveaux
tranche»
l'e. . .
. . 336
33,6
2e . . .
. . 233
23,3
3e . . .
. . 201
20,1
4e . . .
. . 152
15,2
5e . . .
. . 134
13,4
6e . . .
. . 121
12,1
7e . . .
. . 105
10,5 )
8e . . .
. . 92
9,2 f
9,30 c
9e . . .
. . 87
8,7 [
lOe . . .
. . 88
8,8 )
lie . . .
. . 89
8,9 )
12e . . .
. . 87
8,7
13e . . .
. . 66
6,6 1
8,10
14e . . .
. . 82
8,2 )
15e . . .
. . 66
6,6 )
16e .. .
. . 50
5,0
7,20
17e . . .
105
10,5
18e .. .
. . 67
6,7 )
19e . . .
. . 53
5,3 1
20e . . .
. . 59
5,9 f
21e . . .
. . 81
8,1 (
5.90
22e .. .
43
4,3 ^
23e . . .
. . 44
4,4 1
24e . . .
. . 56
5,6 ■ 1
5,20
25e . . .
. . 39
3,9 i
26e . . .
. . 69
6,9 '
27e . . .
. . 51
5,1 i
28e . . .
. . 30
3,0 '
29e . . ,
. . 56
5,6 .
4,32
30e . . ,
. . 36
3,6 )
Total.
2.778
Si ]e décompte é^ait poursuivi jusqu'au 60^ mille, nous pouvons admettre que
l'augmentation par tranche de 10.000 mots serait la suivante :
Tranche du 3ie au 40e mille,
— 4ie au 50e mille.
— 5ie au 60e mille.
Total
3 , 00 % .soit 300 mots.
2,00 — 200 —
1,50 — 150 —
650 mots.
Ainsi, ces 30 nouvelles tranches de mille ne doivent pas compter plus de 650 mots
différents et nouveaux. Additionnés aux 2.780 précédents, nous obtenons un chiffre
de 3.4.30, disons en nombre rond 3. .500 mots différents, pour un texte d'une longueur
totale de 60.000 mots.
Examinons maintenant l'ordre de fréquence de ces mots.
Ils se rangent ainsi (Le décompte ne porte plus ici que sur 20.000 mots) :
Nombre
dci
lépélilious
Le, la les 1 . 949
de, du, des 1.712
que, qui 766
à, au 743
et, est, ai 741
un, une 413
ce, se 393
il 28Î?
ne . . . .• 279
en 258
ces, ses, cette 232
être (et temps) 200
dans
pas
nous ,
plus
pour
par
on
son, sont . . . .
je
faire (et temps) .
tout, toute. . . .
avoir (et temps) ,
Nombre
des
f'pétilions
181
179
167
162
157
155
155
141
137
136
119
118
nos
vous
ou, où
leur
si
elle
même
sur
mais
y
pouvoir (et temps) .
celui, celle, ceux . .
dont, donc
devoir (et temps). .
travailler (et temps)
peut, peu
dire
comme
bien
industrie
français
certain
grand
avec
sans
venir
quel
commerce
nouveau
triiS
— 139
—
Nombre
Nombre
de»
Jes
répétitions
l'épétilioDi
105
vouloir
37
118
droit
86
100
autre
36
94
produit
36
93
environ
35
92
falloir (et temps) ....
35
84
donner (et temps) . . .
34
82
voir (et temps)
33
82
savoir (et temps). . . .
33
70
nation
32
66
développer
31
62
économique
31
62
messieurs
.30
60
sa
30
60
France
29
58
quelque
29
57
trouver
29
56
intérêt
29
53
aller (et temps) ....
28
50
lui
27
48
nombre
27
44
point
26
44
public
26
41
année
25
40
moins
25
39
demander (et temps) . .
25
39
tant, temps
24
38
chose
23
37
État
23
37
me
23
Sont répétés 22 fois :
depuis, deux, enseigner, moyen, ni, toujours.
Sont répétés 21 fois :
considérable, entre, petit, premier.
Sont répétés 20 fois :
bon, consommer, général, homme, non, obliger, possible, production.
Sont répétés 19 fois :
actuel, fabriquer, jour, jusque, loi, mieux, question.
Sont répétés 18 fois :
cela, connaître, industriel, qualité, richesse, seul.
Sont répétés 17 fois :
arriver, besoin, croire, effort, école, esprit, importation, mesure, parler, vin, vos.
Sont répétés 16 fois :
aujourd'hui, cause, chaque, effet, mon, ouvrier, parce que, politique, surtout, vie.
Sont répétés 15 fois :
ainsi, alors, budget, chambre, devenir, élever, goût, jeunesse, marché, ministre, personne,
porter, prix, prime, société.
Sont répétés 14 fois :
car, commission, emploi, lorsque, orient, partie, passer, permettre, prendre, progrès,
situation, spécial, vraiment.
Sont répétés 13 fois :
cas, différent, étranger, exister, former, important, mettre, nécessaire, perdre, rendre,
concurrence, eux, facile, heure, lieu, monnaie, particulier, tel.
Sont répétés 12 fois :
aucun, aussi, compter, compagnie, condition, diminuer, énergie, époque, étude, exemple,
force, fournir, million, penser, préparer, priver, prospérité, quand, résultat, rester, souvent,
tenir, technique, usine.
— 140 —
Sont répétés 11 fois :
agriculture, après., appel, apporter, atteindre, augmenter, beaucoup, colonie, crise, dernier,
fortement. Gouvernement, jamais, largeur, longtemps, manquer, marchand, moment, monde,
nécessité, place, pratique, présent, principal, représenter. République, servir, simple, sous,
sorte, trop.
Sont répétés 10 fois :
d'ailleurs, alimenter, assurer, charger, chez, client, culture, démontrer, défendre, direct,
douane, enfin, essayer, façon, grave, idée, immédiat, matériel, moral, repos, œuvre, presque,
profession, rapport, service, suffire, suivre, utile, ville, vue.
Sont répétés 9 fois :
acheter, article, actif, autant, avantage, beau, chiffre, comprendre, continuer, côté,
démocrate, devant, dépense, dix, entreprise, exact, fer, finance, guère, haut, loin, méthode,
multiplier, raison, rien, siècle, somme, suivant, vers, voyage.
Sont répétés 8 fois :
bénéfice, but, commencer, constater, contre, cours, créer, disparaître, égal, entrer, enten-
dre, épuiser, exporter, extrême, famille, finir, frapper, groupe, grâce, huile, ici, indigène,
intelligence, marché, or, partout, Paris, parmi, peuple, protéger, puisque, rapide, rechercher,
reconnaître, revenu, révolution, suite, toucher, trois, valeur.
Sont répétés 7 fois :
action, adresse, admettre, affaire, agir, Allemagne, Allemand, Amérique, apparaître,
apprenti, assez, atelier, avenir, cependant, chemin, civiliser, colon, combien, constituer,
déjà, dessin, divers, doute, échange, entier, établir, extérieur, fols, fromage, garder, houille,
impôt, instruction, instituer, justice, liberté, long, lutte, mal, manger, maison, naturel,
opération, organiser, patron, pendant, pièce, point de vue, prè.s, preuve, procéder, produc-
teur, profond, propre, ressource, réserver, retard, rival, rôle, social, supposer, véritable,
volonté, wagon.
Puis viennent :
62 mots répétés 6 fois (*); 194 mots répétés 3 fois;
82 mots répétés 5 fois; R29 mots répétés 2 fois;
131 mots répétés 4 fois;
Enfin 922 ne se présentent qu'une fois.
[*) La liste n'a pas d'intérêt.
J.-B. EsTOup.
VI
LISTE DES DOCUMENTS PRÉSENTES DANS LA SEANCE OU 21 MARS 1917
ORIGINE ET NATURE
des
DOCUMENTS
DOCUMENTS OFFICIELS
France
ALGÉniK (GOUVKttNIMINT GÉNKIIAI. Dt l')
Exposé de la situation générale de l'Algé-
rie, présenté par M. Lutaud, gou-
verneur général de l'Algérie. 1916 .
MiMSTÈnE DE l'Instruction puulique et
DES Beaux-Arts. — Comité des tra-
vaux historiques et scientifiques. —
Bulletin. Section des sciences éco-
nomiques et sociales. Années 1918,
1914. '9i5
INDICES
de
CLASSEMENT
dans la
Bihliolhèquo
Fl'fi 16
FoaaSa 13-15
ORIGINE ET NATUHE
des
documents
— Congrès des Sociétés savantes tenu à
Grenoble en i<)i3
— Congrès des Sociétés savantes tenu à
Paris en 1914
Uruguay
DÉPARTEMENT DE MONTEVIDEO. — Direc-
tion du recensement et de statistique.
— Résumé annuel de statistique
municipale. Année igiû
DOCUMENTS PRIVÉS
Hauser (Henri). — Lu position géogra-
phique de la Suisse
INDICES
de
CLASSEMENT
dans la
Bibliothèque
poaa2b |3
Fciaa2b |4
Uma2 15
;:h54
Le Gérant: R. STEINHEIL
NANCY, IMPRIMERIE BERGER-LEVRAUIT — AVIUL IgI7
JOURNAL
DE LA
SOCIÉTÉ DE STATISTIQUE DE PARIS
N'^ 5. — MAI 1917
I
PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 18 AVRIL 1917
s O I^3S<a:-A.ITiE
OUVERTURE DE LA SÉANCE PAR M. D'EICHTHAL, VICE-PRÉSIDENT.
ADOPTION DU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 21 FÉVRIER 1917.
NOMINATIONS DE MEMBRES TITULAIRES.
COMMUNICATIONS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET PRÉSENTATION D'OUVRAGES.
COMMUNICATION DE M. COURTRAY : TRAVAUX DE STATISTIQUE EFFECTUÉS POUR ÉTABLIR LES CHARGES
CORRESPONDANT AU SERVICE NORMAL DES RETRAITES DES AGENTS DE LA COMPAGNIE DES
CHEMINS DE FER DE L'OUEST 1869-1909. COMPARAIS© N DES RÉSULTATS AINSI OBTENUS EN CE
aUl CONCERNE LA MORTALITÉ ET LA SURVIE AVEC LES TABLES DEPARCIEUX C. R. ET LES
TABLES R. F.
OUVERTURE DE LA 3ÊANCE PAR M. D'EICHTHAL, VICE-PRÉSIDENT
La séance est ouverte à 17'^ 30. sous la présidence de M. u"Eichthal, vice-
président, qui. après avoir présenté les excuses de M. le Président Raphaël-
Georges Lévy, retenu jiisqirà 18 heures, fait connaitre que les circonstances
ont retardé l'apparition du numéro d'avril du Journal de la Société.
Le procès-verlDal de la dernière séance ne pourra donc être soumis à l'appro-
bation de la Société qu'à la séance de mai.
ADOPTION DU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 21 FÉVRIER 1917
M. le Président met aux voix l'adoption du procès-verbal de la séance
du 21 février, inséré dans le .Jonmal de mars: ce procès-verbal est adopté
sans observations.
NOMINATIONS DE MEMBRES TITULAIRES
M. le Président rappelle que la Société aura à statuer sur la nomination de
MM. Plocq (Ernest), ingénieur, inspecteur principal honoraire de l'exploitation
du chemin de fer du Xord. Gemàhling (Paul), chargé de cours d'économie
politique à la Faculté de Droit d'Alger, et Jeancard (Paul), chimiste, présentés
dans la séance de mars.
Ces candidatures n'ayant appelé aucune observation, MM. Plocq. Gemàh-
LiNG et Jeancard sont nomuiés membres titulaires.
1™ SBRIt:. 58* TOC. — s» 4 1 1
— 142 —
COMMUNICATIONS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET PRÉSENTATION D'OUVRAGES
M. le Secrétaire général annonce quil a reçu pour la Société un certain
nombre d'ouvrages parmi lesquels il cite :
France. — Ministère du Travail et de la Prévoyance sociale. Résultats statis-
tiques du recensement général de la population effectué le 5 mars 1911.
Population active.
-— Ministère de l'Instruction publique. Bibliographie des travaux scienti-
fiques (sciences mathématiques, physiques et naturelles) publiés par les
Sociétés savantes de la France, par J. Deniker.
RuFUS M. PoTTs. — Addresses and papers on Insurance.
Sir Arthur Evans. — Les Slaves de TAdriatique et la route continentale de
Constantinople.
M. le Secrétaire général lit deux lettres adressées par nos collègues Otto-
LENGHi et ToLMAN, qui cuvoieut tous deux des souhaits à leurs amis français.
Des remerciements sont adressés unanimement à MM. Ottolenghi etToLMAN.
COMMUNICATION DE M. COURTRAY: c< TRAVAUX DE STATISTIQUE EFFECTUÉS POUR
ÉTABLIR LES CHARGES CORRESPONDANT AU SERVICE NORMAL DES RETRAITES
DES AGENTS DE LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER DE L'OUEST 0869-1909).
COMPARAISON DES RÉSULTATS AINSI OBTENUS EN CE QUI CONCERNE LA
MORTALITÉ ET LA SURVIE AVEC LES TABLES DEPARCIEUX C. R. ET LES
TABLES R. F. ».
M. GouRTRAY présente une étude sur les travaux statistiques entrepris
par la Compagnie de l'Ouest en vue de l'évaluation des charges qui lui étaient
imposées par le service des pensions de sa caisse des retraites.
Dès 1850, cette Compagnie avait institué une première caisse de retraites
alimentée par des retenues de 3 ^jo sur les traitements et une dotation égale
accordée par la Compagnie. Les retenues étaient versées à la Caisse nationale
des Retraites pour la vieillesse. La véritable institution d'ime caisse autonome
largement ouverte au personnel date de 1869.
Les Retenues et la dotation furent portées à 4 ^jo des traitements et les pen-
sions basées sur la moitié du traitement des six dernières années de service. D'im-
portantes améliorations furent successivement apportées au régime des
pensions sans que les dotations fussent elles-mêmes augmentées dans une
proportion suffisante pour permettre d'assurer la péréquation entre les res-
sources et les charges de la Caisse. En présence de cette situation, la Compagnie
entreprit, dès 1894, d'importants travaux sous la direction technique de
M. Hermann Laurent, le mathématicien et actuaire bien connu, aujourd'hui
décédé. Les documents préliminaires établis en vue de déterminer l'importance
des charges de la Caisse des Retraites furent relatifs à la statistique démo-
graphique du personnel (répartition des agents par âges à l'entrée, progression
des traitements, proportion du nombre des ménages pour mille agents à chaque
âge, étude de la mortalité des agents en service et des agents retraités, répar-
tition du personnel aux divers âges de mises à la retraite, montant des
pensions, etc.).
L'étude de la mortalité du personnel fut effectuée par la Compagnie de l'Ouest
sur trois catégories distinctes : les agents en service, les agents retraités et les
femmes pensionnées (veuves d'agents). La mortalité du personnel en service,
inférieure à celle de la table de Deparcieux jusqu'à 35 ans, lui est sensiblement
égale ensuite jusqu'à 50 ans ; jusqu'à cet âge, elle est toujours supérieure à
celle de la Caisse nationale des Retraites pour la vieillesse. Au-dessus de 50 ans,
c'est l'inverse qui se produit. Quant au personnel retraité, la mortalité est
notablement supérieure à celle des autres tables, y compris celle du personnel
— 143 —
de la Compagnie de TUiiest restant en service. Ce résultat tient à la sélection
qui se produit aux âges de mises à la retraite, la Compagnie conservant le plus
longtemps possible à son service les agents valides et ne mettant à la retraite
que les agents fatigués ou atteints d'infirmités.
Les travaux importants entrepris par la Compagnie de TOuest lui permirent
de déterminer exactement le taux de la subvention administrative nécessaire
pour assurer à l'avenir le fonctionnement régulier de sa caisse.
M. Barriol confirme les résultats obtenus par la Compagnie de l'Ouest en
ce qui concerne la variation de la mortalité pendant les premières années qui
suivent les mises à la retraite; il ajoute que la courbe des taux de mortalité des
agents est très voisine de la table A. F., tandis que celle des femmes se rappro-
che de la courbe des taux de la table R. F.
La mortalité des agents est donc très sensiblement supérieure à celle des
femmes.
En ce qui concerne les taux de nuptialité du personnel, les résultats obtenus
au P.-L.-M. sont un peu différents de ceux de l'Ouest, la nuptialité restant sen-
siblement aux environs de 0,95 à partir de 38 ans jusqu'à 60 ans, alors qu'elle
s'abaisse sensiblement à l'Ouest ; les taux du P.-L.-M. résultent d'observations
relativement nombreuses et remplissent des conditions très satisfaisantes d'ajus-
tement mathématique.
Enfin, M, Barriol indique les variations de la stabilité dues aux régimes
successifs de retraites, stabilité excellente dans les anciens régimes favorables
aux agents, moins bonne pour les nouveaux régimes restrictifs institués entre
1890 et 1896: les résultats du régime légal actuel institué par la loi du 21 juil-
let 1909 seront viciés par l'état de guerre, mais, dans l'avenir, on peut prévoir
d'ores et déjà un point singulier, une irrégularité dans la courbe de stabilité
pour les années de service douze à quinze en raison de la disposition légale qui
donne aux agents le droit de demander une retraite différée à partir de quinze
ans de service.
M. Malzac demande quelques çxplications complémentaires à M. Gourtray
sur les régimes des retraites successifs de la Compagnie de l'Ouest.
M. Cadoux, après avoir fait observer l'importance des versements néces-
saires pour la constitution des retraites, arrive à cette conclusion : il serait préfé-
rable de développer le self help en donnant au personnel la possibilité de
contracter des assurances et de faire le nécessaire pour organiser sa vieillesse;
il croit fermement que l'organisation des retraites, qui paraît excellente au point
de vue sentimental et humanitaire, est un dissolvant de l'énergie du personnel
qui, avec un avenir de vieillesse assuré, se contente de peu et ne fait pas d'efforts
en vue du développement national.
M. d'Eichthal remercie M. Courtray et les orateurs qui ont pris part à la
discussion, et il résume en disant qu'il est d'accord avec M. Cadoux sur l'erreur
commise par les premiers organisateurs du système des retraites: mais on était
obligé de recruter du personnel stable, et l'espoir d'une pension a certainement
contribué à l'organisation rapide des chemins de fer en stabilisant aussi bien
le petit personnel que les agents dirigeants.
La séance est levée à 19 heures.
Le Secrétaire général. Le Vi,ce-Présidentj
A. Barriol. Eugène d'Eichthal.
— 144 —
II
REVENUS PRIVÉS 1^:T REVENl' NATIONAL
Qu'est-ce que le revenu? (Question qui semble opportune an luoinenl où
* l'impôt sur le revenu » agite tous les esprits et inquiète un grand nombre — im
trop petit nombre à mon avis — de bourses.
Le législateur français l'a résolue d'une façon simple eji ne la résolvant pas.
L'article 10 de la loi de finances du 15 juillet 1914 stipule : " l/impôt est établi
d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque contribuable.
Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux qiu'
possède le contribuable, aux professions qu'il exerce, aux traitements, salaires,
pensions et rentes viagères dont il jouit, ainsi qu'aux hénétices de toutes
occupations lucratives auxquelles il se livre, sous déduction : 1° des intérêts des
emprunts et dettes à sa charge; IP des arrérages de rentes payées par lui à titre
obligatoire; 3° des autres impôts directs acquittés par lui; 4" des pertes résul-
tant d'un déficit d'exploitation dans une entreprise agricole, commerciale ou
industrielle. »
La base de la taxation est, d'après ces tei-mes mêmes, le " revenu net annuel
dont dispose chaque contribuable », mais de suite le texte législatif y ajoute « les
bénéfices des occupations lucratives ', sans expliquer pourquoi ni commentées
bénéfices sont assimilés à un revenu net annuel dont ils n'ont pas forcément le
caractère de périodicité normale.
Le décret d'utilité publique du 15 janvier 1916 va plus lom. Il substitue aux
« bénéfices des exploitations lucratives " prévus par la loi de 1914, <* les bénétices
des exploitations agricoles et ceux du commerce et de l'industrie, des mines
et des charges et offices '\ Puis, par un autre mot plus grave, il comprend, dans
le produit brut, les protits et avantages dont le contribuable a ioui en ihilnrf
— ce dont n'avait pas parlé la loi. Entin, il détinit le revenu net h l'excédent du
produit brut effectivement réalisé sur les dépenses réellement effectuées eu
vue de l'acquisition et de la conservation du revenu ".
Nulle part, pour définir celui-ci, le législateur n'aborde la question de régu-
larité permanente, ou de périodicité, qui habituellement se rattache à l'idée de
revenu et en exclut ou devrait en exclurt^ tout enrichissement non renouve-
lable suivant une prévision raisonnable (1).
On voit quel vague subsiste dans la définition législative du revenu.
Le même vague existe au sujet des modes d'acquisition du re\enu anx(|uels
fait allusion le décret d'utilité publique.
(1) Ad. Wagnek, dans ses Fondetnents d'Économie politique^ t. Il, p. 100, .se livre à un long
examen des conditions de la « régularité dans une période économique donnée ». Sa propre
définition est celle-ci : « Le revenu est le produit net d'une source assurée périodique, se renou-
velant régulièrement, dont les éléments appartiennent juridiquement et léellenient à. une
personne, y compris la valeur des jouissances et possibilités de jouissaïue provenant du
patrimoine d'utilisation de cette personne. » Le cas très discuté des coupes de bois à longs
intervalles est un des exemples des difTicultés de la définition. Faut-il considérer la somme
encaissée Tannée de la coupe comme un revenu de cette année? (Voir 7>////).« du 2ft février
1917, « Semaine financière », qui disoite la question sans !a résoudre.
— 145 —
Je lis dans un Hrtiele de M. Charles Gide, professeur à la Faculté de Droit^,
relatif à la création d'une ligue nationale pour l'économie (1) :
H Les dépenses publiques, pour l'année de guerre 1916 représenteront proba
blement 31 milliards. Or. il se trouve, par une coïncidence toute fortuite, mais
curieuse, que c'est précisément à ce chiffre qu'est évaluée la somme des revenus
des Français. Si donc les Français pouvaient économiser la totalité de leurs
revenus et l'apporter à l'État, en souscriptions d'emprunt, toutes ses dépenses
seraient couvertes. » L'auteur ajoute il est vrai : « Supposition absurde, sans
doute, puisqu'il faut que chacun garde de quoi vivre. >>
Je m'étonne que le savant professeur n'ait pas indiqué pour son hypothèse
une autre cause d'absurdité et c'est celle-ci : « Si les Français voulaient écono-
miser tous leurs revenus pour les verser ensuite dans une caisse de l'Etat, il
n'y aurait qu'un petit nombre de Français qui, une fois cette économie mise
eh train, si elle était possible, auraient un revenu quelconque. Les ouvriers ne
recevraient plus de salaires, les propriétaires plus de fermages ni de locations,
les diverses professions plus d'honoraires, les commerçants n'auraient plus de
clientèle, par conséquent, plus de rentrées, etc. Les seuls citoyens qui auraient
un revenu seraient, tant que les caisses de l'État seraient remplies, les ren-
tiers et les fonctionnaires, puis, si on étend jusque-là le sens du mot, comme le
fait le décret de 1916, ceux qui cultivent par leur propre activité un champ leur
appartenant et en tirent toutes leurs consommations sans rien acheter, et de
même habitent une maison dont ils sont propriétaires.
En dehors du revenu direct consistant en jouissance du propriétaire, revenu
devenu relativement exceptionnel dans notre régime économique, tous les
revenus sont dus à des échanges.
J.-B. Say avait bien mis en lumière les principes dans son Cours d^ Économie
politique (p. 314 et suivantes) où il prend le revenu dans un sens large, en envi-
sageant tous les produits ou services dont profite l'individu.
u Quand l'homme, écrit-il, veut tirer parti de sa force ou de ses talents, le pro-
priétaire foncier de sa terre, le capitaliste de son capital, le service qu'ils en
obtiennent et que nous avons nommé un service productif, forme leur revenu.
Ainsi quand je donne en location un champ qui m'appartient, je vends à un
fermier le service que ce champ peut rendre dans le courant d'une année. Je
peux me servir pour mon entretien de l'argent que m'a payé mon fermier :
mais ce n'est pas moins le service du champ qui est mon premier revenu. Le fer-
mier produit du blé : le blé a été changé contre de l'argent, l'argent contre des
provisions, des habits, etc., mais c'est toujours la même valeur qui n'a fait
que changer de forme, et dont la première origine est dans le service rendu par
un fonds de terre qui m'appartient...
Say fait le même raisonnement pour l'homme qui prête son capital et qui en
tire un intérêt, pour l'ouvrier qui loue son travail, et il conclut que les services
qui sont capables de rendre nos fonds productifs sont la .source productive de
tous nos revenus... Leur valeur est toujours un revenu jusqu'au moment où
elle est consommée improductivement. époque où elle n'est plus rien; ou bien
jusqu'au moment où elle est consacrée à une consommation reproductive,
(1) Revue politique et parlementaire, 10 avril 1916^ p. 73.
— 146 —
époque où elle devient un capital et se perpétue par la reproduction... Et il
ajoute : « Dans ce mécanisme, il faut se tenir en garde contre les doubles
emplois : une portion de revenu qui est transmise par un producteur à un autre,
ne suppose pas un double revenu. »
Admettons un système économique fermé où aucun bien ni service ne peu-
vent s'acquérir gratuitement.
Chaque individu est par lui-même ou par des personnes chargées de son
existence, en possession d'une certaine quantité, si faible soit-elle, de biens
appropriés, ne fût-ce que sa propre activité.
Si l'individu possède à la fois sa propre activité et un bien producteur d'uti-
lité, par exemple un champ, il tirera de ce champ une certaine quantité de
produits consommables. Considéré entre deux époques, par exemple, l'espace
d'un an, cela constituera son revenu dans le sens où Say emploie le mot.
C'est là un cas simple pratiquement relativement rare, et ce n'est que dans
ce cas que la définition du revenu « produit annuel » d'un capital qui est donné
par beaucoup d'auteurs (1), est juste.
La plupart du temps, des échanges seront nécessaires entre les possesseurs
de biens, et le revenu ne sera plus le produit direct d'un capital. Il y aura inter-
position d'un ou de plusieurs échangistes et entre ces échangistes il y aura des
trocs réciproques. Personne ne s'appropriera un service ou un produit qui ne
sera pas compensé par la cession qu'il fait d'un autre objet, soit sous forme
de biens réels ou de droits sur des biens réels, soit sous forme de services ou de
droits sur des services. Un rentier sera payé par les contribuables auxquels
il a cédé temporairement son capital en le prêtant à l'État, un propriétaire non
exploitant par son fermier qui détient sa propriété pour un certain temps,
le fermier en services par ses domestiques contre leurs gages ou en argent
par les acheteurs de ses produits, l'ouvrier par l'argent de son patron contre
la prestation de son travail, le patron par les clients qui achètent ses objets
fabriqués, etc. Bref, sauf la production de la terre entre les mains de celui
qui la cultive lui-même et vit exclusivement de ses produits, ou la jouissance
personnelle d'une habitation, ou d'autres objets d'usage à lui, chacun ne tire
son revenu que de biens ou de services cédés par d'autres contre des biens
ou des services qu'il a rendus ou cédés : des biens qui lui sont transmis, les uns
seront des biens réels, consommables par le possesseur directement, ou par des
acquéreurs après échange; les autres seront des droits acquis (sous forme de
monnaie, promesses de livraison, créances hypothécaires ou autres, actions, obli-
gations, etc.) sur des biens réels ou services actuellement appropriés par d'autres.
Quel est dans ce cercle le «revenu réel (2) v de la collectivité des échangistes?
Si on prend le mot dans le sens élargi de la définition du décret de 1916,
c'est-à-dire l'excédent du produit brut sur la dépense effectuée pour l'acqui-
sition du revenu, et si on comprend sous le nom de dépense, comme logique-
(1) Voir notamment Neymarck, Vocabulaire d'économie politique, p. 365.
(2) La formule que je trouve dans une publication de la Garton foundation me paraît
exacte :
a Le revenu national d'un pays ne peut excéder la valeur d'ensemble des marchandises
produites et des services rendus dans ce pays, ou reçus du dehors comme paiement des mar-
chandises ou des services, ou comme intérêts de placements à l'étranger.
— 147 —
ment on doit le faire, non seulement la dépense en argent, mais la livraison
de biens ou de services (ou de droits sur des biens ou des services) — tout
ce qui est simple échange de biens, de services ou de droits sur les biens et
services ne devrait pas, au point de vue strictement économique, compter dans
l'évaluation du revenu net réel collectif.
Les simples échanges comptent au contraire dans les méthodes qu'applique
le législateur, qui se place au point de vue purement fiscal et, sous le nom
d'impôt sur le revenu, frappe à juste titre au passage chaque année des
échanges de biens ou de services ou des jouissances directes (1).
Il importe de ne pas tirer de ces méthodes du percepteur d'impôts des conclu-
sions relatives au revenu réel d'un pays pris dans sa collectivité.
Plusieurs économistes l'ont dit clairement : ainsi Foville, dans la France
économique (1889, p. 507), écrit : «Le revenu d'une famille ou d'un particuHer
dans une foule de cas se compose de morceaux détachés des revenus d'autrui.
Le même sou peut, la même année, se trouver compté dans le revenu de cent
familles différentes. ■»
M. Charles Gide, de son côté, dans son Cours d' Économie politique, dit bien
(p. 129) : « Autre chose est un capital qui sert à produire une richesse nouvelle,
autre chose est un capital qui sert à produire un revenu. Le revenu que donne
celui-ci n'est pas une richesse nouvelle créée pour la Société. C'est simplement un
prélèvement opéré sur le revenu du locataire, de l'emprunteur, de l'acheteur. »
Mais il n'insiste pas sur la distinction (2).
Enfin, MM. Lavergne et Henry, dans leur livre La Richesse de la France, cha-
pitre des revenus privés (p. 79), s'expriment ainsi : <<■ Une somme ayant pour
origine première le bénéfice retiré de la production, permettra successivement
à plusieurs personnes de vivre et servira à acquitter des dépenses improductives
au point de vue de l'économie générale du pays, mais nécessaires pour leur
existence. Le propriétaire foncier, par exemple, acquittera avec son revenu
les gages de ses domestiques; avec leurs gages, ceux-ci achèteront des vête-
ments; le commerçant auquel ils s'adresseront paiera avec cette recette ses
commis; ceux-ci emploieront leur traitement à l'achat d'aliments; le boucher
ou le boulanger se libérera envers son propriétaire. Le cercle pourrait se pour-
suivre à l'infini... Lorsque le fisc veut frapper d'impôts une catégorie de per-
sonnes, il ne se soucie pas de connaître les provenances de leurs ressources : il
cherche seulement à atteindre leurs revenus. >'
Les éclaircissements donnés par les économistes sur la distinction à faire
entre les revenus privés et le revenu national ou collectif n'ont donc pas manqué.
Que de fois, cependant, de l'idée mal définie du revenu et des chiffres que fournit
(1) Le législateur qui taxe comme revenu la jouissance d'une terre ou d'une maison par
son propriétaire devrait taxer également^ pour être logique^ comme revenu^ la jouissance
de voitures et chevaux, automobiles^ etc. qui le dispense d'eu louer.
(2) Le mot revenu ne figure pas dans son index alphabétique. Il propose d'appeler k ca-
pitaux productifs ceux qui servent effectivement à la production, et capitaux lucratifs ceux
qui ne servent qu'à procurer un revenu à leur propriétaire». Ad. Wagner^ dans ses Fonde-
ments de l'Économie politique (traduction française), t. II, a longuement examiné les diverses
théories sur le sujet (avec une immense bibliographie — surtout allemande — suivant sa
coutume), mais son exposé manque singulièrement de clarté.
— U8 —
la statistique des revenus privés, on déduit de!^ données tout à t'ait trompeuses
sur le revenu national, signe de la richesse du pays, et sur la comparaison des
divers revenus nationaux entre eux.
On n'est pas d'ailleurs d'accord sur la façon de constater les revenus privés
avant de les totaliser. Jusqu'aux récentes lois de l'impôt sur le revenu, les
administrations publiques procédaient par l'appréciation de la valeur locativc
des immeubles en établissant un rapport supposé entre le prix de Thabitation
et le revenu des citoyens. Certains auteurs ont admis au contraire un rapport
entre les impôts payés par les contribuables et leurs ressources annuelles, en
se basant sur un certain nombre d'exemples; d'autres ont essayé de la méthode
directe en procédant par catégories professionnelles ou autres (1). Ces diffé-
rences de méthodes que nous ne discuterons pas ici, tenant leurs résultats de
sommation comme peu instructifs pour les raisons que nous avons indiquées,
expliquent les différences considérables des totaux auxquelles on a abouti.
Ces différences vont, pour la France actuelle, de 22 milliards 500 millions, chiffre
cité par plusieurs ministres depuis 1905, à 25, 30 ou 35 milliards donnés par
plusieurs auteurs. M. Pupin (2) arrive à 36 milliards, iVl. Isaac cite le chiffre de
37 milliards 500 millions (3). On rapproche ces chiffres de ceux admis pour
l'Angleterre (56 milliards), les États-Unis (150 milliards), la Russie, à peu près
37 milliards, l'Italie (21 milliards 250 millions^. l'Allemagne est estimé*^ à
52 milliards 500 millions.
De là, on tire toute sorte de conclusions siu- la fortime des différents pays.
La richesse en capital est évaluée à :
France 325 milliards.
Grande-Bretagne 450 —
États-Unis ) .000 —
Russie 300 —
Italie 175 —
Allemagne 400 — (4)
Tous les rapprochements établis entre ce qu'est la' richesse d'un pays et
la somme de ses revenus apparents et saisissables, sont à notre avis fantai-
sistes, tant qu'on ne recherche pas ce qui dans les revenus est, par comparaison
avec une période précédente, source de jouissances ou d'utilités réelles, et
ce qui est simple compensation pour la privation de jouissances ou d'utilités
cédées par l'un à l'autre. La somme des jouissances ou des utilités disponibles
et consommées ou épargnées pendant vme période donnée est seule le revenu
de la collectivité pendant cette période, quelle que soit la ou les personnes
qui en usent contre compensation, que cette compensation consiste en échanges
de jouissances ou d'utilités, ou en espèces; car relui qui donne des espèces
(1) Cf. Lavergne et Henry. Richesse de la France et Revenus prives.
(2) Richesse de la France.
(3) Les Finances et V avenir économique de la Fratice. Conférence à Marseille le 18 octobre
1916. Même source pour les chiffres suivants, sauf les États-Unis que je prends dans la com-
munication de M. R.-G. Lt'n'y, à la Société d'Économie politique, 5 janvier 1917.
(4) Je ne donne ces cliiffres qu'à titre d'exemples, car ils varient beaucoup suivant les
auteurs.
— 149 —
se prive de ce qu'il pourrait acquérir au moyen de ces espèces. Le résultat des
échanges est bien en général un moyen d'augmenter le revenu total, par suite
de la division du travail et de la meilleure utilisation des capitaux, des bras et
des matières que ces échanges amènent, mais cet accroissement de revenus, il
faut le constater dans les faits, et ne pas l'exprimer simplement par la somme
des revenus échangés, ce qui est manifestement inexact.
Dans ces conditions, les statistiques qu'on donne des revenus dits nationaux,
dans les divers pays, en vue des mesures fiscales, ont, à ce point de vue, tout
leur intérêt, mais n'en ont que peu comme base d'appréciation de la richesse
d'un pays : celle-ci paraît augmenter à mesure que le nombre des échangistes
augmente (1) : et c'est vrai dans une certaine mesure, par suite des heureux
effets de la division du travail qui est habituellement la source des échanges,
mais peu dans la proportion qu'il indique la simple sommation des soi-disant
revenus individuels.
« Les classements et les évaluations statistiques du patrimoine national, du
revenu national ou du produit de l'économie nationale, d'après la valeur moné-
taire, écrit, en guise de conclusion^ Ad. Wagner, ne font souvent qu'éblouir
au moyen de grands chiffres. En leur lieu et place, il faut ime statistique
qui expose avec la plus grande précision possible les quantités des espèces de
biens distingués autant que possible d'après les qualités, sortes, etc. dans le
patrimoine national et dans le revenu national.
Nous sommes bien loin en France — on pourrait dire eu Europe, — sauf
pour certaines industries extractives et pour les organes de force motrice,
de posséder les recensements périodiques de biens céels, dont les Censiis
américains, bien qu'avec certains défauts de méthode, nous ont fourni l'exem-
ple. Tant que ces inventaires ne seront pas établis avec toute la rigueur pos-
sible (nous ne nous en dissimulons pas la difficulté), toute évaluation de la
richesse comparative en capitaux ou en revenus des différents pays — même
en ce qui concerne exclusivement les biens mesurables — sera forcément fan-
taisiste ou illusoire. Les indices indirects (bien-être, épargnes individuelles,
successions, etc., etc.) fourniront sur le sujet des indications plus sûres que
les sommations directes des revenus particuliers.
Ici encore il faut recourir à J.-B. Say qui conclut ainsi l'un des chapitres de
son Traité : « On a des idées peu justes de la richesse respective de deux nations
quand on se contente de comparer la somme de leurs revenus. La plus riche
(1) Pour être logique il faudrait de la hausse de Tintérêt qui oblige les États à emprunter
au taux actuel de 5,70 au lieu de 3 % et de Taugmentation de reveau qui en résulte pour les
nouveaux rentiers/ et du chiffre énorme d'emprunts que la guerre a nécessités et qui se tra-
duisent en rentes ou en allocations^ indemnités, pensions, etc., pour les particuliers, conclure
que le revenu national, donc la richesse nationale, a augmenté d'autant. Cela serait absurde
puisque le revenu des uns est payé par les contributions des autres et que seules les contribu-
tions directes sont déduites des revenus taxés, et c'est cependant dans les évaluations ordi-
naires une erreur qu'on commet à chaque pas. On pourrait citer comme exemple ce passage
d'une brochure de M. A. de Tarde (L'Europe court-elle à sa ruine? p. 41) : « Le revenu total
des Français est estimé à 20 milliards aujourd'hui et à 25 demain à cause des rentes et pen-
sions créées parla guerre... » L'auteur ne songe pas ou ne dit pas qu'il faudra déduire du
revenu des Français les impôts indirects qui seront nécessaires pour payer les rentes et
pensions supplémentaires.
— 150 --
est celle dont les revenus peuvent acheter le plus de choses... Pour avoir, je
ne dis pas une comparaison exacte de l'aisance de deux nations (comparaison
que je crois impossible), mais une estimation approximative de leur aisance
respective, il faudrait pouvoir comparer la quantité de produits qu'on peut
obtenir, chez l'un et chez l'autre, d'une même quantité de services produc-
tifs (1). )^
Conformément à ces principes de J.-B. Say, je pense qu'en ce qui concerne
notre avenir financier d'après guerre, dont on s'est occupé dans une des der
nières séances de la Société de Statistique, et touchant les ressources qui seront
nécessaires pour parer aux immenses charges résultant des hostilités et réparer
dans la mesure du possible nos effroyables pertes de richesse, il faudrait beau-
coup plus chercher à évaluer et à développer notre productivité industrielle,
qu'à sommer des revenus apparents qui offrent un aliment relativement facile
à la fiscalité, mais ne mesurent pas, comme dit le grand économiste français,
la véritable "■ aisance :> du pays. Celle-ci renaîtra par l'initiative et les entre-
prises privées, qui ont déjà, pendant la guerre, produit des merveilles, à condi-
tion que, suivant l'expression d'un banquier anglais, l'État ne les soumette
pas à de nouvelles " dragonnades >\ Le pbis grand péril de l'après-guerre est là.
Eugène d'Eichthal.
Membre de Tlnstitut.
III
DONNÉES STATISTIQUES ITALIENNES
1/ Italie nous intéresse trop à de multiples égards actuellement pour que
nous ne relevions- pas avec plaisir l'ensemble des documents statistiques qui
viennent d'être publiés à son sujet par un journal économique de création
récente, mais de valeur réelle, le Carrière Ecùnomico, dirigé par notre éminent
confrère le professeur Roberto A. Murray. Ces documents ont fait l'objet d'un
petit supplément statistique, bourré de renseignements, fournissant des compa-
raisons très complètes, très variées, très amples par les périodes mêmes sur
lesquelles il porte. Il nous a semblé utile pour nos collègues de posséder sous
la main, en le retrouvant dans le Bulletin, de notre Société, cette sorte de résumé
des données les plus importantes contenues dans cette publication. C'est ce
qu'on pourrait appeler une sorte de petit « annuan^e statistique express v.
Au surplus certaines parties de .cette documentation sont susceptibles de
mettre bien en lumière l'influence de la guerre sur l'activité économique, indus-
trielle ou autre du pays. Les sources mises à contribution par le professeur
Roberto Murray dans le Carrière Ecanamico nous semblent des mieux choisies
et dignes, d'ins pirer con fif.n of .
;1) Livre II, chap. IV.
I'(
jpulatii
Dn
Xaiaiancet
Décès
32
.856
.000
.073.000
721.000
33,
.515,
.000
.062.000
700.000
33,
.827,
,000
.139.000
770.000
34,
.077,
.000
.116.000
738.000
34,
.689,
.000
.094.000
743.000
35,
.026,
.000
.134.000
636.000
35,
,859,
,000
.114.000
643.000
— 151 —
Population. • — Les mouvements de la population peuvent se représenter
sous le petit tableau résumé ci-dessous :
Année»
1901-1905 (moyenne). ..'....
1907
1908
1909
1911
1912
1914
On remarquera évidemment que nous n^avons pas donné toutes les années
successives, nous contentant de relever celles qui nous paraissaient les plus
caractéristiques par l'importance des chiffres accusés. Pour ce qui est des ma-
riages, durant la période 1901-1905, la moyenne en dépassait un peu 242.000;
on a pu arriver au maximum de 283.000 en 1908 pour retomber à 260.000
seulement en 1911, se relever à 265.000 environ en 1912, le chiffre de 1914
n'étant plus que de 252.000.
Notons parmi les villes les plus importantes d'Italie, au commencement de
1916 : Naples, avec 722.000 habitants (au lieu de 678.000 seulement en juin
1911); Rome, avec 614.000 au heu de 542.000; Milan, avec 691.000 au lieu de
599.000. Nous trouvons encore comme agglomérations assez importantes :
Turin, avec 483.000 habitants au lieu de 427.000 seulement; Palerme, avec
370.000 au lieu de 341.000; les deux chiffres respectifs sont de 307.000 et de
272.000 pour Gênes, de 260.000 et de 233.000 pour Florence, de 165.000 et de
161.000 seulement pour Venise (dont le développement est par conséquent
très faible), de 198.000 et de 173.000 pour Bologne
Industries et professions. — Au point de vue de la répartition des indus-
tries uniquement d'après le dernier recensement, celui de 1911, nous pouvons
dresser le tableau que voici :
Industries extractives
Industries agricoles
Industries métallurgiques
Industrie minière et entreprises mu-
nicipales .
Industries textiles
Industries chimiques
Services publics
Industries diverses et connexes. . .
On arrive donc au total à quelque chose comme 244.000 entreprises indus-
trielles diverses, parmi lesquelles tout naturellement les industries agricoles
tiennent de beaucoup la première place, et par le nombre et par le personnel
employé, en accusant une puissance motrice totale assez imposante, — parce
qu'il y a dans ces industries agricoles des industries alimentaires de transforma-
iVombro
l'erionuel occupt'
l'uissance motrii
3.570
62.200
16.175
35.500
641.000
294.000
41.100
389.200
174.600
17.730
306.500
54.200
32.650
657.000
177.600
5.660
101.000
85.150
5.310
76.800
792.000
2 . 440
7 1 . 200
26.900
— 15iJ —
tion, minoteries, etc. Le personnel des industries textiles est un peu supérieur,
mais pour un nombre beaucoup plus faible d'entreprises, l'importance unitaire
de chacune étant bien plus élevée; c'est ce qui fait que la puissance motrice
est en réalité prédominante dans ces industries, si l'on considère chaque entre-
prise. On n'a point à s'étonner de constater que les services publics (qui sonl
souvent des services d'éclairage, de distribution d'eau) possèdent une force
motrice d'ensemble irès considérable. Pour ce qui est des industries métallur-
giques, le personnel est bien plus faible que dans les industries textiles, ce qui
s'explique suffisamment par la nature de ces industries métallurgiques et aussi
par la mise à contribution d'une puissance motrice très importante.
Si nous voulons considérer la répartition de la population italienne par pro-
fessions, en la prenant dans son ensemble, et sans nous limiter aux entreprises
industrielles proprement dites, nous arrivons à la répartition que voici, don-
nant la population masculine et la population féminine dans les diverses caté-
gories professionnelles et au total.
Crofpssions Hoinmcs Femme» Knsemble
Agriculture 6.112.000 2.974.000 9.086.000
Industries extractives 110.000 3.000 113.000
Industries agricoles 1.0.55.000 207.000 1.262.000
Industries métallurgiques . . . 497.000 21.000 518.000
Industries édilitaires 895.000 35.000 930.000
Industries textiles 289.000 1.068.000 1.357.000
Industries chimiques 64.000 36.000 100.000
Services publics 638.000 26.000 664.000
Commerce 723.000 198.000 921.000
Professions et emplois divers . . 866.000 561.000 1.417.000
Occupations non professionnelles 1.625.000 8.553.000 10.178.000
Professions non indiquées. . . 25.000 7.000 32.000
Cela nous donne donc au total 12.900.000 hommes et 1.3.680.000 femmes
répartis dans cette classification par professions. Il va de soi que les occupations
dites non professionnelles comprennent les services domestiques, ce qui ex-
plique la prédominance énorme de l'élément féminin. On n'a pas à s'étonner
d'une prédominance également très marquée, dans les industries textiles, de
ce même élément féminin, les femmes étant occupées de façon très intense
dans l'industrie séricicole notamment. Nous n'avons pas à expliquer la distinc-
ton que l'on fait entre l'agriculture et les industries agricoles, ces dernières
étant en réalité des industries transformatrices.
Précisément à cause de l'importance très considérable dé l'agriculture en
Italie (comme dans tant d'autres pays), ajoutons quelques renseignements
un peu détaillés sur la production agricole italienne, en prenant nos chiffres
dans la moyenne calculée pour la période 1909-1914, les chiffres de 1915 et de
1916, autant qu'on peut se les procurer, étant par trop modifiés par les cir-
constances exceptionnelles traversées. Il est intéressant de constater que la
production du froment en Italie représente un peu plus de 42.200.000 quin-
taux, contre seulement 5.120.000 pour l'avoine, 2.100.000 à peine pour l'orge
1.350.000 pour le seigle; celle du mais, dans la période envisagée et comme
moyenne, n'atteint que 25.600.000 quintaux à peine, chiffre qui a été considé-
— \'.yô —
rahlement dépassé en 1915 puisqu'il atteint 30.945.000 quintaux, tandis qiK-
la production du blé durant cette année s"est abaissée à 46.400.000 quintaux.
En année moyenne la, production du riz en Italie n'est que de 4.870.000 quin-
taux (production portée à 5.600.000 quintaux environ en 1915). La moyenne
de production de la pomme de terre, dont le rôle se présente comme si impor-
tant à Iheure actuelle, est de 16.560.000 quintaux. Celle de la betterave a pu
atteindi i 17.240.000 quintaux, chiftre qui n'est plus en 1915 que de 14.870.000.
Au point de vue de l'agriculture envisagée dans son ensemble, relevons une pro-
duction de 234.350 quintaux de fourrage, qu'on est arrivé à porter à 266.000
quintaux et plus en 1915. Les herbes potagères représentent 11.930.000 quin-
taux en moyenne. Comme production agricole un peu spéciale, signalons les
45.520.000 quintaux de vin de la période 1909-1914 (cette production viticole
est sujette à des oscillations constantes qui l'ont ramenée à quelque 19 mil
lions de quintaux seulement en 1915). L'huile d'olive a donné en nioyenn<'
1.810.000 quintaux. L'industrie fruitière, qui mériterait une étude statistique
spéciale en raison de ses caractères, de son importance, de son rôle mondial
comme exportatrice, a été représentée pour les agrumes, c'est-à-dire les oranges,
les citrons et les limons, par une moyenne de 7.890.000 quintaux, et par
7.400.<XJ0 quintaux et même un peu plus pour les fruits divers; on met à part
les châtaignes, dont la production moyenne est de 6.070.000 quintaux. c(-s chA-
taignes alimentant plutôt la consommation nationale que l'exportation.
Nous devons signaler spécialement l'industrie séricicole. ((iii. de 1909 à 1914.
a donné en moyenne 417.000 quintaux de cocons.
Production de diverses industries. — Il est assez intéressant, pour cer-
taines industries principales tout au moins, de relever lem^ productivité depuis
quelques anné»'s :
Années
1910 1912 1914
Minerai de fer
Cuivre
Plomb
Zinc
Mercure (minerai) ....
Pyrite
Combustibles
Soufre (minerai
Acide sulfurique
Sulfate de cuivre
Garbure de calcium. . . .
Engrais et perphosphates.
Fonte
Fer
Acier
Soufre préparé
Gaz d'éclairage (en ni'^; . .
Coke d'usine à gaz ....
Coke métallurgique. . . .
Marbre
Calcaires et travertin. . .
551.000
582.000
766.000
68.000
86.000
87.000
36.000
42.000
43.500
146.000
150.000
146.000
87.000
88.000
119.000
166.000
278.000
335.000
562.000
664.000
781.000
.815.000
2.504.000
2.372.000
645.000
634.000
630.000
36 . 000
52.000
31.000
36.000
37.000
46.000
.050.000
1.019.000
925.000
399.000
419.000
385.000
311.000
379.000
114.000
671.000
802.000
796.000
771.000
723.000
692.000
.800.000
;i50 . 400 . 000
374.500.00U
764.000
786.000
823.000
396.000
438.000
453.000
430.000
525.000
434.000
. 498 . 000
6.891.000
10.013.000
— 454 —
Ajoutons quelques indications sur la productivité d'industries non extrac-
tives, ce que les statistiques italiennes appellent les industries soumises à la
surveillance fiscale, autrement dit à l'exercice. Nous avons le tableau suivant,
dont plusieurs indications sont assez utiles à relever, étant donnés les nouveaux
impôts qui viennent porter sur telle ou telle fabrication du genre, dans plusieurs
pays, sous l'influence des besoins de la guerre.
Alcool de bouche
Alcool industriel.
Bière . . . . . .
Eaux gazeuses. .
Chicorée
Glucose
Sucre
Énergie électrique
Vimée
1911
297 . 000 hectolitres
112.000 —
598.000 —
29.000
54.000 quintaux
65.000 ~
1.732.000 —
1 . 462 . 000 (milliers d'hectowatts)
Vnnée
1913
Année
19U
349.
,000
372.
,000
124.
,000
143.
,000
673.
,000
652.
,000
34,
,000
38.
,000
63.
,000
63,
.000
66.
,000
62,
,000
1.983.
,000
3.056,
.000
1.827
.001)
1 , 968
.000
Des évaluations permettent de compter pour Tannée 1915 sur 30(5. UUU hecto-
litres d'alcool soit de bouche, soit d'industrie, 510.000 hectolitres de bière,
1.660.000 quintaux seulement de sucre; mais 2.115.000 milliers d'hectowatts
pour la production de l'énergie électrique, comme conséquence de la rareté
même du charbon.
MoLVEMENT COMMERCIAL. — Quclques indications comjtaratives sur le
commerce d'importation ou d'exportation réparti par pays, en 1914 et en 1915,
seront sans doute également les bienvenues. Voici le tableau des importations
par pays d'origine :
''•'>-
Anuée 19U
Auuée 1915
France
202 . 000 (milliers de lire)
178.000 (milliers de lire)
Grande-Bretagne. . .
517.000 —
488.000 —
Autriche- Hongrie. . .
229.000 —
34 . 000 —
Allemagne
498.000 —
156.000 —
Suisse
76.000 —
88.000 —
République Argentine.
36.000 —
323.000 —
États-Unis
418.000 —
1,238.000 —
Total (1)
2.923. 000 (milliers de lire)
3 . 321 . 000 (milliers de lire)
Nous n'avons pas à faire remai-quer combum certains pays ont vu leurs
importations formidablement diminuer, tandis que d'autres au contraire,
comme les États-Unis et la République Argentine, importèrent pour une
valeur énorme de produits en 1915 par rapport à l'année 1914 (qui n'a été
que partiellement troublée par la guerre).
Pour ee qui est des exportations, elles se traduisent par le tableau que
voici :
Ptyt
France
Grande-Bretagne. . .
Autriche- Hongrie. . .
Allemagne
Suisse
République Argentine.
États-Unis
Total (1) . . .
— 155 —
4unee 1914
179.000 (milliers de lire)
311.000 —
193.000 —
316.000 —
231.000 —
115.000 —
267.000 —
2.210. 000 (milliers de lire)
AQués 191 S
369.000 (milliers de lire)
338.000 —
105.000 —
184.000 —
305.000 —
114.000 —
257.000 —
2.216.000 (milliers de lire)
Si nous considérions l'année 1914 (à peu pi*ès normale), nous verrions qu'aux
importations les spiritueux, boissons, huiles représentent environ 125 millions
de lire; les cotons soit en laine, soit sous forme de tissus, 369 millions à peu
près; les minéraux, métaux, manufacturés de métal, 458 millions; les fers.
charbons, 416 millions; les céréales, farines et produits végétaux divers, 349 mil-
lions; c'est ensuite 166 millions pour les animaux, produits, dépouilles d'ani-
maux; les peaux et cuirs venant pour 133 millions, les produits chimiques et
médicinaux pour 115 millions, les laines, crins, poils pour 155 millions, et la
soie à elle seule représentant 140 millions; alors que les bois de toutes espèces
ne dépassent pas une valeur do 150 millions. Pour ce qui est des exportations,
elles ont représenté 208 millions en 1914, 348 millions en 1915 pour les pro-
duits manufacturés de coton, filés, tissus; respectivement 433 et 544 millions
pour les soies, aussi bien les soies grèges que les tissus; 134 et 136 millions pour
les spiritueux, boissons, essences, huiles; puis 458 et 279 millions pour les
céréales, les farines et les autres produits végétaux; 225 et 148 millions pour
les animaux, les produits et dépouilles d'animaux.
Les prix. — La question des prix est trop importante pour que nous ne
relevions pas dans la publication du (barrière Economico un des tableaux qu'il
donne sur les indices ou index-numbers. Voici un tableau qui résume pour ainsi
dire les variations de prix :
AuDéei
\ iandes
et
céréales
Autre.
matières
alimentaires
Fibres
textiles
Minéraux
et
métaux
Index
général
1906 . .
104,6
110.2
114,1
113,5
109,3
1907 . .
107.8
116,4
125,4
122,6
116.1
1910 . .
115,8
J15,l
119,6
100,9
111,8
1912 . .
129,6
145,0
114,3
124,3
127,1
1914 . .
122,6
122,6
116.1
121.8
119,8
1915 . .
159,5
136,4
139,1
150,1
167,2
Si d'ailleurs nous prenions les mois successifs de 1915 et de 1916 pour faire
une comparaison plus actuelle, nous verrions que l'index général, qui était
seulement de 170 en août 1915, atteignait déjà plus de 200 en novembre dp
la même année, 248 en août 1916, et plus de 269 en novem-bre 1916. Par rap-
port à l'année 1907, qui a été une année de cherté assez marquée, nous verrions
le blé dur monter de 128 à 247 et plus pour la fin de 1916, en n'étant encore
(1) Y compris les autres pays.
— 156 —
qu'à 133 en 1914; pour le mais, qui joue un rôle si considérable dans l'alimen-
tation italienne, l'indice de 1907 était de 93 à peu près; il atteignait seulement
110 en 1914, mais 180 et plus en novembre 1916. La viande de bœui' est passée
de 109 en 1907 à 129 en 1914 et à plus de 227 à la fm de 1916. Pour ce qui
est de la laine, les deux chilïres extrêmes ont été de 127 et de 279 ; de 134 et
de 208 pour la soie grège; de 120 et d(- 297 pour le coton améri'^ain.
Les finan^ es. — On estimera sans doute qu'il est assez intéressant d'avoir
sous les yeux un tableau budgétaire d'ensemble donnant ce que l'on appelle
en Italie le bilan de l'État (bilan dressé en milliers de lire).
Kxcrciops
Uecctte»
effectives
Uépemes
cn'cc'.ivc»
Dette
Charges
publique
Eu capital
Del te
viagère
iyio-1911. .
2.403.388
2.391.82U
502.972
13.832.890
94.049
1911-1912. .
2.475.355
2.587.185
490.496
14.023.878
100.851
1912-1913. .
2.528.874
2.786.365
500.441
14.271.608
120.170
1913-1914. .
2.523.746
2.687.661
523.339
14.839.760
120.304
1914-1915. .
2 . 559 . 959
5.395.397
572.102
15.927.719
124.232
1915-1916. .
3.733.734
10.625.242
871.293
22.065.232
Voici d'autre part un autre tableau qui pourra renseigner sur les encaisse-
ments et recettes (en moyenne et milliers de lire toujours) pour les différentes
ressources principales du budget italien :
1901-1905.
1912-1913.
1913-1914.
1914-1915.
1915-1916.
tmpôls
directs
l'axe
sur les affaires
Douanes
Mono
pi>le».
Services
publics
410.891
228.770
4U7.976
359
.687
112.956
517.408
335.485
682.923
536,
.425
202.873
540.856
337.669
623.264
551.
,880
212.331
576.550
332.974
462.119
573,
,220
217.321
707.195
403.667
598.970
700
.252
255.712
(^omme complément d'information dressons un résumé, par période égale-
ment et sous forme de chitlres moyens, pour les dépenses (en milliers de lire),
en mettant en lumière les ministères les plus dépensiers et ceux qui plus parti-
culièrement se sont vu imposer des dépenses énormes du-lait de la guerre :
l'eriodeî-
1 résoi-
liuerre
Marin*
Autn'&
niinistëres
1901-1905. . .
717.951
289.359
128.783
687.877
1912-1913. . .
945.701
780.747
305:403
1
.141.705
1913-1914. . .
941.537
658.680
382.809
1
.166.806
1914-1915. . .
1
.034.651
■ 2
.586.162
549.927
1
.459.687
1916 1916. . .
1
.112.094
7
.614.311
730.292
1
.507.465
Che.%i1.\!> 1)K kep. — (^ouune l'exploitation du réseau d'Ltat n'est point
sans charger lourdement le budget général du pays, quoique l'on ait volontiers
escompté des recettes très importantes de ce réseau au bénéfice du 'J résor, et
que d'autre part cette exploitation et son rendement sont influencés, comme
dans les autres pays, par l'état de guerre, donnons avant de fmir quelques
— 157 —
cbifïres à cet égard (toujours en milliers de lire, sauf pour le produit kilomé-
trique) :
Exercices
Trafic
voyageurs
Grande vitesse
Pelito viteise
Total
Produit
kilométrique
1913-1914. .
227.692
60.897
275.240
574.317
41.656144
1914-1916. .
197.299
77.835
288.790
571.009
41.031 98
1916-1916. .
250.000
157.500
342.000
755.500
Daniel B
53.699 62
ELLET.
IV
ESSAI D'ÉVALUATION DE LA RICHESSE DE L'ESPAGNE
Nous avons publié, il y a quelques années, une étude relative à l'accroisse-
ment de la richesse de l'Espagne à cent ans d'intervalle, en supputant quel
pouvait en être le total au moment où nous écrivions. Depuis lors, nous avons
travaillé à constituer un dossier d'information aussi complet que possible,
et c'est le résultat de cette étude que nous avons l'honneur de soumettre à
l'attention de la Société de Statistique.
La méthode la plus simple pour calculer le total des fortunes individuelles
du pays aurait été de prendre pour base l'annuité successorale, comme le recom-
mandait M. de Foville, à la mémoire duquel nous adressons un souvenir recon-
naissant, mais pour cela il faudrait disposer de statistiques remontant à au
moins quarante ans, et il n'y en a que dix-huit de publiées. Par conséquent,
et sans négliger les intéressants travaux de la « Direcciôn de lo Gontencioso »
(Enregistrement), nous avons aiguillé nos recherches vers d'autres sources
d'information.
Voici d'abord un tableau comprenant la valeur des capitaux soumis aux
droits de succession :
Anuées Par mille pesetas
1891 573.824
1899 661.798
1900 662.184 •
1901 611.888
1902 734.222
1903 677.741
1904 709.598
1905 636.554
1906 763.000
1907 665.689
1908 717.921
1909 755.577
1910 . . . .-^ 750.470
1911 785.370
1912 743.017
1913 871.333
1914 739.256
1915 ..... 749.280
Moyenne 711
— 158 —
Nos lecteurs remarqueront des écarts très considérables entre les chiftres
ci-dessus; ils sont dus, pour une part, à la nature des capitaux transmis; le
fisc n'a pas tous les ans la chance de perdre des oncles à succession; d'autre
part, il y a des refontes d'impôts pour accroître le taux de la taxe de celles-ci
ou atteindre de nouvelles catégories de biens; il y a aussi une surveillance, cha-
que fois plus empressée, à découvrir la matière imposable.
Si nous disposions du relevé des capitaux transmis par décès sur un plus
grand nombre d'années, nous pourrions former une moyenne complète, mais
qui serait loin de répondre à la réalité. Les années antérieures à 1891 la feraient
baisser dans des proportions extraordinaires et elles ne vaudraient pas la peine
d'être utilisées, par défaut.
En effet, si nous prenons comme point de départ le chiffre le plus élevé
enregistré : 871 millions, multiplié par trente-sept ans, nous trouverons
32 milliards 227 millions; en choisissant la dernière période quinquennale,
dont la moyenne est de 777 millions, on trouve 28 milliards 750 millions, et
finalement la moyenne de dix-huit années ci-dessus donne un capital de 26 mil-
liards 307 millions.
Aucun de ces trois chiffres ne nous satisfait, car il ne peut venir à l'idée de
personne que les fortunes privées d'un pays de 20 millions d'habitants, et dans
lequel on trouve les sources de revenus que nous indiquerons plus loin, donnent
un total aussi réduit.
Pour le contrôler, nous avons eu recours au Registre de la Propriété fon-
cière, dont les tableaux d'immeubles transmis par acte de dernière volonté
nous ont donné le résultat ci-après (Voir tableau, p. 159).
Si toute la propriété immobilière espagnole ne valait pas 18 milliards, il
s'agirait d'un pays ruiné, ce qui n'est pas le cas.
D'abord, la valeur locative de la propriété bâtie est de 500 millions en chiffres
ronds. Or, les 219 millions de capitaux transmis en moyenne représentent une
valeur vénale de 8 milliards 103 millions, et il nous semble qu'il n'y a pas de
proportion logique entre ce revenu et le capital trouvé. Nous n'irons pas jusqu'à
doubler celui-ci, mais en capitalisant les loyers à 4 %, soit 12 milliards 500 mil-
lions, nous laissons assez de marge à l'imprévu.
La même remarque s'impose pour l'évaluation de la propriété non bâtie.
Si la valeur moyenne des transmissions par décès était réellement de 252 mil-
lions, cela ferait un capital de 9 milliards 324 millions.
On peut épiloguer, tant qu'on voudra, sur la pauvreté du sol de l'Espagne,
sur les procédés archaïques de son agriculture, sur la modicité du rendement
des récoltes par hectare, etc. Tout cela est loin d'être rigoureusement exact.
Ce qu'on peut dire à ce sujet, c'est que la valeur des produits du sol : céréales,
vignobles, oliviers, fruits, plantes potagères, fourrages, betteraves, volaille, etc.,
est évaluée à 6 milliards. Nous compterons 27 milliards 500 mil fions, y compris
la valeur du matériel agricole, qui n'est pas une écriture négligeable.
En troisième ligne, nous mettrons le bétail : il y a plus de 27 millions de têtes,
que nous inscrivons pour 4 milfiards.
Total de ces trois chapitres : 44 milliards de capital immobilier.
Maintenant nous passerons à la propriété mobilière.
~ 159 —
Valeur des imxaeubles transmis.
Aonéet
Propriété
non b&tie
b&tie
Hillioni de pesetas
1894
245
204
1895
253
204
1896
220
197
1897
241
204
1898
221
205
1899
225
204
1900
247
220
1901
257
217
1902
278
223
. 1903
241
217
1904
247
227
1905
245
219
1906
246
241
1907
274
253
?S1
1908
233
1909
255
231
1910
270
237
1911
273
213
1912
270
221
1913 .
288
239
1914
Total. .
Moyenne
263
230
5.292 4
.617
252
219
^ .^ ^-^m
^ -'
correspondant à un
capital de 17 milliards 427 millions.
471
*
La valeur nominale des titres émis par les sociétés anonymes soumises à
l'impôt sur le revenu est de 7 milliards 858 millions; tout ce capital n'est pas
nationalisé; mais, en revanche, les portefeuilles espagnols renferment plus de
valeurs étrangères qu'on ne croit; après ventilation de ces écritures, nous éva-
luons cette partie de la richesse du pays à 6 milliards.
Les sociétés anonymes ne monopolisent pas la production des objets fabri-
qués; les patentés sont très nombreux et leur outillage n'est pas insignifiant.
Parmi eux, nous relevons, entre autres, les groupes ci-après :
Filatures et tissages
Métallurgistes
Industries chimiques
Denrées alimentaires et boissons.
Papeteries et leurs dérivés . . ,
Industries diverses
Total
7
.545
5
.071
10
.366
30.
.471
365
7.
.534
62.352
— 160 —
Tous ces industriels n'ont pas la même importance; il y en a qui ne disposent
que d'un petit matériel, mais d'autres réunissent de puissants moyens d'action
et des machines des derniers modèles; ce n'est pas avancer un faux chiïïre en
l'estimant à 25.000 pesetas en moyenne, soit plus de 1 milliard 500 millions.
Pour éviter, autant que possible, les doubles emplois, contre lesquels M. de
Colonjou s'élevait il y a quelques années, nous ne comptons que 75.000 pa-
tentés au titre des arts et métiers, avec 4.000 pesetas de matériel en moyenne,
soit 300 millions.
La population de l'Espagne est de 19.950.817 habitants, dont 9,691.638 hom-
mes et 10.259.179 femmes : en assignant à chaque famille six personnes, — ce
qui est peut-être un peu forcé — cela fait 3.330.000 familles. Réduisons leur
nombre à 3 millions pour un même nombre de logements. Certes, le mobilier,
dans sa définition la plus large, est loin d'être de même importance chez tous
les locataires, mais en lui attribuant une valeur moyenne de 3.000 pesetas, soit
9 milliards, nous croyons être aussi scrupuleux que possible dans notre calcul.
Nous avons à compter encore la dette de l'État : une partie peu importante
appartient à des étrangers, et en tenant compte de cette déduction, nous la
faisons figurer dans notre étude pour 9 milliards, tout compris.
Les matières d'or et d'argent existant en Espagne dépassent 2 milliards;
une partie d'entre elles est comprise dans l'actif des sociétés anonymes ou dans
les biens meubles dont nous avons fait état ci-dessus, mais il y a dans les caves
de la Banque d'Espagne plus de 2 milliards, dont nous n'avons pas tenu compte;
nous pouvons, de ce chef, ajouter aux sommes précédentes 2 milliards.
Au bilan de la Banque d'Espagne figurent quelques centaines de millions de
pesetas de comptes courants créditeurs; on sait que les soldes des sociétés de
crédit entrent pour une large part dans ce total, mais il y a aussi des fonds de
roulement, appartenant à des particuliers et non compris sous les rubriques
précédentes; nous les compterons pour 200 millions.
Les produits du sol et les marchandises formant la réserve du pays, pour
souder les récoltes et les arrivages de matières premières, ont une grande
valeur. En les prenant pour 1 milliard 500 millions, nous ne sommes pas éloi-
gnés de la vérité.
Récapitulation.
Millions
Propriétés bâties 12.500
Propriétés non bâties 27.500
Bétail 4.000
Valeurs mobilières 6.000
Outillage 1.800
Biens meubles, autres que ci-dessus 9 . 000
Dette de l'État , 9.000
Métaux précieux 2 . 000
Comptes courants créditeurs à la Banque d'Espagne 200
Matières en magasin 1 • 500
Total 73.500
Nous prions nos lecteurs de tenir compte que dans les totaux ci-dessus
il n'est pas question des biens domaniaux, dont l'équivalence se trouve aux
— 161 —
chapitres de la Dette de FÉtat et des valeurs mobilières, dette des provinces
et des communes.
La fortune des institutions de bienfaisance est évaluée à 623 millions environ,
qui ne donnent pas lieu à l'ouverture de successions, mais que nous estimons
compris dans l'évaluation des biens meubles et immeubles.
Nous ne prétendons pas avoir établi im bilan exact de la richesse de l'Es-
pagne, mais nous avons essayé de le dresser avec tout le soin possible, eu égard
aux éléments d'étude dont nous disposons.
Pour finir cette étude, nous publions ci-après un tableau approximatif des
revenus des habitants du pays, savoir :
Millions de peietas
Propriété immobilière et bétail : 44 milliards à 3,50 % 1 . 540
Salaires de 2 millions d'ouvriers 2 . 000
Valeurs mobilières, y compris la Dette de l'État 715
Traitement des employés civils et des agents de TËtat, des pro-
vinces et du commerce soumis à l'impôt sur le revenu 412
Idem, non soumis à cet impôt 100
Revenus des cinq classes formant le groupe de l'impôt des patentes,
soit 389.000 contribuables, à 2,500 pesetas en moyenne 937 {*)
Total 5.704
(*) Cette somme correspond à peu près au produit de l'impôt capitalisé à 5 % : 48.090.973
pesetas.
En ajoutant que nous nous sommes servi exclusivement des prix et des éva-
luations d'avant-guerre, nous aurons fini d'exposer le fruit de nos recherches
sur cette question.
André Barthe.
V
NÉCROLOGIE
ARXHUR-J. COOK
C'est avec un véritable chagrin que nous avons enregistré le décès de l'un des
membres correspondants de notre Société A.-J. Gook, survenu le 25 février 1917,
après une très courte maladie, et ces quelques lignes ont pour but de retracer la vie
de cet homme de bien, sincère ami de notre pays.
M. GooK était né à Ipswich en juin 1841 et faisait partie de l'ancienne famille
Sufîok dont plusieurs membres avaient fait preuve, comme lui, de dons exceptionnels
appUqués aux formes variées de la pratique statistique.
M. GooK entra de bonne heure dans la carrière des assurances" en 1867, à la Vic-
toria Mutual Insurance Society; quatre années après il était membre associé de la
savante institution anglaise, l'Institut des Actuaires de Londres.
Il collabora également à Unity Fire et Unity General Life, mais on peut dire que
sa principale occupation fut le développement de la Victoria, qu'il put mener à une
situation remarquable jusqu'à sa fusion en 1909 avec la Norwich Union Life; c'est
à cette époque qu'il quitta la direction pour se consacrer entièrement aux bonnes
œuvres qu'il avait fondées en collaboration avec sa digne et vénérée compagne.
Mme A. CooK.
Notre Société l'avait accueilli en 1888 sur la présentation de notre président
Neymarck, et depuis cette date il n'a jamais cessé de correspondre amicalement
avec les secrétaires généraux et particulièrement avec le signataire de ces lignes, qui
le connaissait au titre d'actuaire.
Bourgeois et notable de la cité de Londres, membre de l'Institut des journalistes
à titre exceptionnel, créatem^ et administrateur d'un orphelinat qu'il entretenait de
ses deniers, A.-i. Gook était le type de l'Anglais vraiment sympathique. Aimanl
les voyages, il venait chaque année en France se reposer sur notre Riviera et il
prenait plaisir à décrire ses impressions en un français imagé qui montrait sa connais-
sance parfaite de toutes les finesses de notre langue.
Son travail littéraire est considérable : en collaboration avec son beau-frère Cor-
nélius Walford. il fournit de nombreuses contributions à VEncydopédie des assu-
rances, au Guide des Assureurs, au fameux Hajid Book et au doyen de nos journaux
d'assurances français, le Moniteur des Assurances, où il donna de remarquables
articles.
Dans notre Journal, sa collaboration était précieuse, et depuis quelques années,
sur ma demande, A.-J. Cook faisait une revue statistique des compagnies d'assu-
rances anglaises.
Comme nous l'avons déjà indiqué, A.-J. Cook a été enlevé brutalement alors que
rien ne pouvait laisser prévoir une fin si rapide, et, conformément à ses instructions,
la cérémonie funéraire a été faite avec la plus grande simpHcité en présence seule-
ment de quelques amis intimes à The Golders Green Crématorium.
T.a vie de cet homme de grand cœur est un exemple de travail continu, et son
souvenir restera profondément gravé dans la mémoire de tous ceux qui ont eu
l'honneur de l'approcher.
Nos collègues de la Société de Statistique s'associeront certainement à moi pour
adresser à M'"^ Cook l'hommage très respectueux de nos condoléances et de nos
regrets les plus sincères, en lui assurant que nous partageons son chagrin en voyant
disparaître un ami très réel de notre pays et de notre Société.
A. Barriol.
VI
BIBLIOGRAPHIE
Natalité et régime successoral, par René Worms (1).
Le volume que présente M. Worms est la reproduction du mémoire qu'il a soumis
à la Faculté de Droit de l'Université de Paris à la suite du concours ouvert en vue du
prix Rossi.
Le sujet proposé par la Faculté était le suivant : « Étude sur les réformes suscep-
tibles d'être introduites dans le droit successoral en vue de favoriser l'accroissement
de la population > ; le travail de M. René Worms a obtenu le prix Rossi, et l'analyse
succincte que nous allons en faire montrera qu'il était vraiment digne de cette belle
récompense.
L'auteur fait d'abord appel à la statistique pour constater la décroissance du taux
de natalité qui passe de 33 pour 1.000 habitants pendant la décade 1801-1810 à 18 «/oo
en 1914; étudiant ensuite les causes de cette décroissance, il montre que les causes
physiologiques (alcoolisme, avarie...) paraissent avoir une action moins importante'
que les causes physiologiques (modilication des idées religieuses et morales, capil-
larité sociale, pessimisme...) résumées dnns le mot individualisme. (Le Dantec aurait
dit plus crûment égoïsme.)
^^, Les conséqiiences de cet état de fait sont fâcheuses aux divers points de vue qui
(1) 1 vol. in-8 de 220 pages, chez Payot, Paris. Prix : 3 fr. 50.
— 163 —
intéressent la collectivité : militaii'e, politique, économique, financier, intellectuel
et moral. René Worms les indique et les discute avec sa précision habituelle afin de
montrer le but à atteindre et les divers moyens à employer, ce qui l'amène naturelle-
ment à examiner les moyens moraux, économiques et législatifs relevant soit du
droit constitutionnel et administratif, soit du droit pénal, soit enfin du Code civil:
il rappelle les idées du regretté Leroy-Beaulieu qui pensait qu'il serait plus prévoyant
et plus patriote d'aider l'enfance que la vieillesse — ce n'est pas précisément l'ordre
d'idées de la plupart de nos compatriotes ! L'encouragement à la procréation par
l'attribution de primes parait avoir l'assentiment de l'auteur, tandis que les impôts
dont on veut frapper les célibataires, les ménages sans enfants ou avec peu d'enfants
lui semblent moins opportuns et moins efficaces ; réserver les fonctions publiques aux
pères de nombreuses familles et à leurs enfants ne lui semble pas très heureux, tandis
qu'exonérer tout au moins partiellement de diverses charges (mihtaii'es, pai' exemple)
serait assez logique.
En ce qui concerne le droit civil, René Worms rappelle l'heureuse initiative de
l'abbé Lemire en vue de la simplification des formalités du mariage et il aborde la
question si discutée de la réforme des lois successorales.
Le Play avait déjà préconisé le régime de la liberté testamentaire, et il convient
de rappeler qunl était arrivé à cette conclusion par l'étude très approfondie de trois
types fondamentaux de familles : la famille patriarcale, la famille souche et la famille
instable. La critique de l'idée de Le Play est faite par René Worms d'une manière
très serrée et le chapitre qu'il consacre à la discussion de la question : a Le Code civil
a-t-il réduit la natalité? » est extrêmement intéressant : il montre que la décrois-
sance de la natalité n'est pas nécessairement une résultante du partage forcé des
biens patrimoniaux en opposant des exemples pris dans diverses régions de notre pays
et en exnminant les statistiques de natalité dans des pays régis par notre Code et oîi
cependant la natalité ne décroît pas sensiblement.
D'ailleurs, l'expérience des pays étrangers c{ui ont la liberté testamentaii-e ne porte
pas à croire qu'elle a pu influencer en bien la natalité et l'introduction de cette hberté
n'aurait très probablement aucune action sur les moeurs ; peut-être même aurait-elle
un effet contraire à celui qu'en attendent les disciples de Le Play, par suite de l'ex-
tinction des branches cadettes que l'histoire de la France a permis de constater dans
le passé.
Les abus de l'autorité paternelle qui résulteraient de la liberté testamentaire
seraient aggravés et le législateur a depuis longtemps cherché à les refréner ; Le Play
lui-même l'a d'ailleurs reconnu et il n'avait pas osé aller jusqu'à demander la liberté
complète.
Les études faites en France à ce sujet soit par les économistes, soit par les juris-
consultes n'appartenant pas à la Société d'Économie sociale, n'ont jamais abouti
à une conclusion ferme et se sont toujours tenues dans des limites de demi-liberté
en indiquant le plus souvent des préférences pour le statu quo eu ce qui concerne les
règles édictées par le Code civil.
La question de l'indivision et les dispositions contradictoires édictées par les para-
graphes de l'article 832 du Code civil font l'objet ^'une étude minutieuse concluant
à des modifications de détail qui sont déjà entrées dans la pratique courante, soit par
suite de l'introduction d'usages ou de coutumes pratiques, soit à l'aide de textes
législatifs (bien de famille).
Divers auteurs de projets de réforme ont pris la contre-partie de la proposition de
Le Play en défendant les droits des enfants ayant eux-mêmes eu des descendants;
c'est le système bien connu des lois caducaires : René Worms rappelle à ce propos
les discussions très intéressantes et remphes d'idées qui eurent heu à ce sujet à l'Aca-
démie des Sciences morales et politiques et dans lesquelles intervinrent (au sujet de
la proposition Toutée) nos regrettés maîtres Levasseur, de Foville, Leroy-Beaulieu,
de Tarde, etc.; notre ami ne paraît pas entièrement opposé à la méthode proposée
par le général Toutée et demande une expérience en appliquant les dispositions préco-
nisées d'une manière facultative; l'idée est originale, mais la conception d'une poli-
- 164. -
tique expérimentale me paraît trop avancée pour la mentalité actuelle de nos législa-
teurs.
René Worms étudie enfin la question de l'État héritier soit à défaut de desciin-
dants immédiats, soit à titre de réservataire obligatoire; il fait remarquer que la
modification des droits successoraux tenant compte des degrés de parenté sembli;
arriver au même but et peut procurer à l'Etat les ressources que l'on voudrait lui
fournir par une modification un peu radicale de notre Code conduisant à une socia-
lisation qui n'est peut-être pas à souhaiter.
En résumé, l'auteur montre que les propositions législatives que l'on peut envisager
pour encourager la natalité sont en somme assez restreintes :
Accroissement des droits successoraux avec attribution du produit à des primes
de procréation;
Liberté de tester ;
Modification du Code en calculant les droits des héritiers d'après le nombre de leurs
descendants ;
Exonération de charges pour les familles nombreuses.
Mais, d'après lui, c'est beaucoup moins de ces réformes que de celles concernant
la mentalité des Français qu'il faut attendre un accroissement de la natalité — peut-
être Feiïroyable catastrophe qui nous a assailli nous montrera-t-elle qu'il faut opposer
autant de petits Français qu'il y a de petits Boches dans la famille germaine et il faut
à tout prix ne plus laisser dire : les quatre enfants boches mangeront l'unique petit
Français.
On ne peut que s'associer aux conclusions de cette étude magistrale et M. Worms
a montré encore une fois son beau talent et sa maîtrise des faits sociaux en faisant une
œuvre extrêmement documentée et d'une importance capitale à l'heure présente :
ce sera l'un des beaux titres du très sympathique secrétaire général de la Société de
Sociologie. A. Barriol.
VII
LISTE DES DOCUMENTS PRESENTES DANS LA SEANCE DU 18 AVRIL 1917
-
ORIGINE ET NATURE
des
DOCUMENTS
INDIGES
de
CLASSEMENT
dans la
Ribliothèque
ORIGINE ET NATURE
des
DOCUMENTS
INDICES
de
CLASSEMENT
dans la
Bibliothèque
DOCUMENTS OFFICIELS
Espagne
Direction générale de StutUtUjue et Jnsti/at
géographique et statisliqui-. — Mou-
vement, de la population en lyi i . .
France
Ministère du Travail et de ].a Pnii-
voYANCE SOCIALE. — Résultals sta-
tistiques du recensement général de
la population effectué le 5 mars 191 1 .
— Tome I. — Troisième partie : Po-
Esi'^ Il
Foab2 II a 3
Ministère de l'Instruction publique. —
Ribiiograpliie des travaux scienti-
fiques (sciences mathématiques,
physiques et naturelles) publics par
les Sociétés savantes de la France,
par J. Denik«r (depuis l'origine
jusqu'en 1888)
F<^uuO 88 le
DOCUMENTS PRIVÉS
Sir .Arthur K vans. — Les Slaves de l'Adria-
tique et la Route continentale de
Constantinople
-i' 32
Knapp (C). — Bulletin de la Société neu-
chateloise de Géographie
-^ 61
RuFus M. PoTTS. — Addresses and Papers
on Insui'ance
;ur|56
Le Gérant: R. STEINHEIL
NASCY, IMPRIMERIE BÏRGER-LEVRAULT — MAI I917
JOURNAL
SOCIÉTÉ DE STATISTIQUE DE PARIS
N° 6. — JUIN 1917
I
PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 16 MAI i9d7
s O I«Ilvn.A.IPlE
OUVERTURE DE LA SEANCE PAR M. PAUL MEURIOT, VICE-PRÉSIDENT.
ADOPTION DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DES 21 MARS ET 18 AVRIL 1917.
PRÉSENTATION D'UN MEMBRE TITULAIRE.
COMMUNICATIONS DIVERSES ET PRÉSENTATION D'OUVRAGES.
COMMUNICATION DE M. YVES-GUYOT ; « LES RESSOURCES ET LES BESOINS DANS LE MONDE. »
COMMUNICATION DE M. PAUL MEURIOT : .. LES POPULATIONS DE LA BELGIQUE AU POINT DE VUE LIN-
GUISTIQUE. ■>
OUVERTURE DE LA SÉANCE PAR M. PAUL MEURIOT, VICE-PRÉSIDENT
La séance est ouverte à 17*^ 40, sous la présidence de M, Paul Meuriot,
vice-président, qui fait connaître à la Société que M. R.-G, Lévy, président^
et M. d'Eichthal ont dû s'excuser de ne pouvoir assister à la séance de ce
jour. M. R.-G. LÉVY vient d'être atteint par un deuil cruel, le décès de son
beau-frère, M. le capitaine d'artillerie Halphen, survenu à la suite d'une
maladie contractée au front; M. Meuriot adresse à notre Président l'expression
des condoléances de la Société.
ADOPTION DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DES 21 MARS ET 18 AVRIL 1917
M. le Président met aux voix l'adoption des procès-verbaux des séances
des 21 mars et 18 avril 1917, insérés dans les journaux d'avril et de mai 1917;
ces procès- verbaux sont adoptés sans observations.
PRÉSENTATION D'UN MEMBRE TITULAIRE
M. le Président annonce qu'il a reçu une demande d'admission émanant de
M. Vallée (Charles), armateur, demeurant à Paris, 8, rue Édouard-Fournier,
présenté par MM. Perquel et Barriol.
Conformément à l'usage, il sera statué sur cette candidature à la séance de
juin.
1" BÉKIB. 68» ?OL. — N» 6 18
— l')6 —
COMMUNICATIONS DIVERSES ET PRÉSENTATION D'OUVRAGES
M. le Secrétaire général a reçu pour la Société un grand nombre d'ouvrages.
Il signale notamment :
Danemark. — Communications statistiques, 4^ série, tome 50 : il faut remar-
quer que les auteurs de ces intéressantes communications ont, suivant
une coutume naguère employée dans ce pays ami de la France, publié
à la suite de chacun des chapitres de leur ouvrage, un résumé en fran-
çais; M. le .Secrétaire général leur adressera des remerciements pour
cette mesure qui facilitera considérablement le travail des statisticiens
français ne possédant pas les langues Scandinaves.
Espagne. — L'annuaire statistique de la ville de Barcelone pour l'année 1914,
qui sera analysé dans le Journal de la Société par M. Meuriot.
Suède. — Finances des communes en 1914 et Mouvement des chemins de
fer de l'État en 1915.
Chambre de Commerce de Marseille. — Compte rendu de la situation com-
merciale et industrielle de la circonscription de Marseille pendant
l'année 1915. Il s'agit là d'un intéressant travail dont nous devons la
communication à l'obligeance de M. Artaud, président de la Chambre
de Comnierce. Ce compte rendu sera également analysé dans le
Journal.
M. le Secrétaire général fait connaître que la Société vient de recevoir la
notification officielle de la récente nomination de M. Moïse Ascarrunz, comme
directeur général du service de statistique et d'études géographiques de
Bolivie, en remplacement de M. Manuel V. Ballivian; M. le Président exprime
le souhait que nos relations avec la Direction générale de la Statistique do
La Paz ne cesseront de se développer et adresse les félicitations de la Société
au nouveau directeur général.
M. le Président annonce à la Société que, d'après une commimication
récente du journal La Patrie Belge, un certain nombre de fonctionnaires supé-
rieurs de la ville de Bruxelles auraient été arrêtés pour avoir refusé de prêter
leur concours à l'Administration allemande; parmi les victimes de ces arresta-
tions arbitraires, on signale M. Sauveur, secrétaire général honoraire du
ministère de l'Intérieur et de l'Instruction publique, et M. Nicolaï, directeur
général au ministère des Sciences et des Arts, professeur de statistique à l'Uni-
versité de Gand, tous deux membres honoraires associés de la Société; M. le
Président propose à la Société d'adresser à nos deux confrères l'expression
de notre admiration et de nos respectueuses sympathies : cette motion est
votée à l'unanimité.
COMMUNICATION DE M. YVES-GUYOT : « LES RESSOURCES ET LES BESOINS DANS
LE MONDE »
M. Meuriot donne la parole à M. Yves-Guyot, qui s'exprime comme suit :
Messieurs,
Ce titre est ambitieux, car nos besoins n'ont d'autres limites que nos désirs
et nos désirs n'ont d'autres limites que notre capacité subjective. N'essayons
pas de les comprimer, car ce sont eux qui ont provoqué toutes les découvertes
et toutes les inventions que n'osaient prévoir nos pères et dont nous béné-
ficions aujourd'hui.
Mais il y a des besoins objectifs sans lesquels nous ne pourrions ni nous
conserver ni nous développer : tels sont la respiration et l'alimentation.
— 167 —
L'être humain, pas plus que les autres animaux, ne peut vivre sur son fonds.
« L'entretien de la vie, a dit Berthelot, ne consomme aucune énergie qui lui
soit propre et la nature des transformations intermédiaires par lesquelles passe
l'animal ne joue aucun rôle dans le calcul de l'énergie nécessaire à son entretien
pourvu que les états initial et final de l'être vivant restent les mêmes. « Puis,
viennent les besoins qui résultent des intempéries. De là, le vêtement, le loge-
ment, le chauffage. L'éclairage supprime l'obscurité en tout ou en partie.
Mais l'homme ne peut satisfaire ces besoins qu'à l'aide de l'outil. L'anthropo-
logie préhistorique distingue les étapes de la civilisation par la pierre taillée,
la pierre polie, le bronze. Les. transports caractérisent la grande transformation
de la civilisation au dix-neuvième siècle : si en temps normal, en France,
nous sommes arrivés à ne pas nous préoccuper de la question d'une bonne
monnaie, chacun de nous, depuis la guerre, en a apprécié l'importance, et le
moratorium lui a fait vivement sentii" le rôle de la sécurité du crédit.
La guerre, dont la durée et l'amplitude dépassent toutes les prévisions,
nous prouve que l'humanité n'est pas complètement dégagée des misères des
siècles passés. En Allemagne et en Autriche- Hongrie, la disette fait des ravages;
et, en France, nous en sommes à des mesures de ration et presque au pain
complet. Mais, en temps normal, la plupart des ménagères ne mettaient leur
budget en équilibre qu'à la condition de restreindre l'alimentation, le logement,
les vêtements, le chauffage, l'éclairage à un chiffre qu'il ne fallait pas dépasser.
Ce n'est pas auprès d'elles que Sigmondi eût été le bienvenu quand^ en 1820, il
dénonçait les dangers de la surproduction et cependant en 1845, Louis Blanc
disait : « Toute découverte de la science est une calamité parce que les ma-
chines suppriment les ouvriers. » Des livres ont été publiés, il y a moins de
vingt ans, dénonçant comme un péril les progrès économiques des États-Unis,
du Canada, de la République Argentine, du Japon; et, aujourd'hui encore,
non seulement en France, mais même en Angleterre, on entend répéter, dans
des discours officiels qu' « une nation doit se suffire à elle-même ».
En dépit des efforts des protectionnistes de chaque pays, les échanges n'ont
pas cessé d'augmenter. On a évalué le total du commerce international aux
chiffres suivants :
Milliarils de francs
1S76-1S80 73
1899-1900 102
1903 125
1906 151
1913 200
1916 245
De 100 en 1876-1880, le commerce est devenu 285 en 1913, 314 en 1916.
La hausse des prix est, sans doute,, un coefficient dans cette augmentation;
mais le mouvement des produits échangés a augmenté aussi.
Dans toute civilisation un peu avancée en évolution, la vie est un échange.
« L'échange entre les individus, comme entre les nations, est une conséquence
de la spécialisation des productions et de la variété des consommations. »
M. YvES-GuYOT classe les industries en deux groupes : celles qui, comme l'agri-
culture, fournissent les produits et celles qui, comme les transports, rendent
des services.
M. YvEs-GuYOT rappelle que dans la séance de la Société de Statistique du
19 avril 1905, il a fait une communication sur le rapport de la population et
des subsistances. Il avait pris pour base les travaux de The Office of expéri-
mentation of tke Department of Agriculture des États-Unis, dirigés par Atwater,
et il avait adopté le système de Lagrange (1796) pour déterminer les rations
ïiécessaires. Lagrange avait considéré que déduction faite des femmes, des
enfants, des vieillards, il fallait, pour ramener les rations à un type unique,
en réduire le total d'un cinquième. Plus modeste. M. Yves-Guyot était afié
— 168 —
jusqu'au quart. Le food stippli/ Committee, dans ]e Royaume-Uni, a établi le
chiffre de 77%, et a déterminé les rations selon la méthode que M. YvES-Guyot
avait employée. Pesant, d'après les renseignements fournis par le Board of
Trade, les divers objets entrés dans la consommation des habitants du
Royaume-Uni de 1909 à 1913, il est arrivé aux chiffres suivants en tonnes mé-
triques : albuminoïdes, 1.438.000; graisses, 1.651.000; hydrates de car-
bone, 7.262.000, soit 51.024.000 calories, donnant 4.009 calories par jour
et par homme. En 1916, la ration militaire est de 4.300 calories et celle de
la population civile (adultes) de 3.859, boissons non comprises. Or, la ration
de l'homme moyen se livrant à un travail modér.é a été évaluée par Atwater,
par Armand Gautier à 3.400 calories. C'est un minimum. La ration britan-
nique est au-dessus. En état de paix, la ration française n'avait pas augmenté
depuis 1905. La récolte moyenne de froment était de 8.800.000 tonnes, réduite
à 7.800.000 tonnes par la déduction de la semence. En réduisant le total des
rations d'un quart, on arrive à une ration-type de 275 kilos. Mais nous avons
des compléments dont on trouvera la nomenclature dans le livre de M. D. Bellet,
L' Alimentation de la France. Mais tandis que le blé contient 12,64 de matières
protéiques, la pomme de terre n'en contient que 1,3. Quant à la ration
animale, elle était, avant la guerre, de 50% inférieure à ce qu'elle aurait dû
être. La situation actuelle prouve l'erreur commise en prohibant l'importa-
tion des viandes frigorifiées. Les transformations de notre agriculture impli-
quent des transformations dans les habitudes, dans la répartition des pro-
priétés appartenant au même propriétaire, dans le régime de la propriété fon-
cière, etc.
Le froment ne pousse que dans des zones limitées. Le nord de l'Allemagne
ne produit que du seigle. Il y a des centaines de millions de personnes qui ne
mangent pas de froment : les Chinois, par exemple; et ils n'ont pas de lait. On
répond par ce proverbe : fort comme un Turc ! et on cite le portefaix de Cons-
tantinople. M. Armand Gautier dit : « Les Hindous, les Arabes, les pauvres gens,
mal alimentés finissent ]>ar s'anéantir dans une sorte de passivité et de rêve,
s'usent rapidement et disparaissent vite! (1) )'
La culture des céréales est la plus importante industrie du monde : le fro-
ment, le seigle, l'orge, l'avoine, le maïs ont, d'après l'Institut international
d'agriculture de Rome, donné, dans la moyenne annuelle quinquennale de 1909
à 1913-1914, 250.600.000 tonnes. Si nous ne considérons que le froment, la pro-
duction a été en moyenne pendant cette période de 80.900.000 tonnes. L'in-
dustrie sidérurgique est donc une petite industrie relativement à l'industrie
agricole qui, non seulement, produit des céréales, mais produit des légumes,
des fruits, des animaux et des matières textiles végétales comme le coton, le
chanvre, le lin, le jute, et animales comme la soie et la laine.
L'industrie de la houille se développera quand les réserves de la Chine, du
Japon, de la Russie, du Canada, de l'Inde, etc., seront largement exploitées.
En 1913, il n'y avait que cinq grands producteurs, les États-Unis, 504 mil-
lions de tonnes, la Grande-Bretagne, 287; l'Allemagne, 198; la France, 41; la
Belgique, 23.
En 1913, la Grande-Bretagne avait produit 287 millions de tonnes de houille;
elle en avait consommé 210. Restaient 77 millions de tonnes pour l'exportation.
En 1915, elle en a produit 253 millions, en 1916, 256 millions, et elle a consommé
216 millions de tonnes. II ne lui en est resté que 40 millions disponibles pour
l'exportation.
II est vrai qu'en 1913, elle avait envoyé 9 millions de tonnes à TAllemagne,
2 millions à la Belgique, 6 millions aux ports de la Mer Noire, 1 million à
l'Autrichc-Hongrie, soit 18 millions qui sont disponibles.
Mais l'Italie recevait 14 millions de tonnes de houille de l'Allemagne,
(1) L' Alimentation, p. 48.
— 169 —
5 millions de tonnes de la Belgique. Elle ne peut compter que sur la Grande-
Bretagne pour les lui fournir. Les 18 millions disponibles sont ainsi absorbés.
La France en 1913 a produit 41 millions de tonnes; elle en a importé 23 mil-
lions dont 11.300.000 de la Grande-Bretagne, près de 6 millions de l'Allemagne,
5 millions de la Belgique.
En 1916, elle a produit 20 millions de tonnes : elle n'"a plus pour l'alimenter
que la Grande-Bretagne. Celle-ci doit partager 40 millions au lieu de 77, entre
la France, l'Italie et ses autres clients qui lui en demandent.
Les taux des frets, les surestaries imposées dans nos ports, les difficultés de
transports et les mesures extraordinaires qui ont été projetées ou qui ont été
prises ont pu aggraver la crise du charbon; mais il était impossible qu'elle ne se
produisît pas.
L'utilisation des sous-produits est une des caractéristiques des progrès de
l'industrie. La meilleure manière d'utiliser la houille est d'en faire du gaz.
D'après John S. S. Brames, 100 tonnes de houille donnent de 900.000 à 1 mil-
lion de pieds cubes de gaz, 65 tonnes de coke, 5 tonnes de goudron, 1.250
kilos de sulfate d'ammoniaque et 54 kilos de cyanure de sodium.
La métallurgie du fer ne pouvait prendre ses développements qu'avec la
houille. La fonte du coke ne remonte qu'à 1735, à moins de deux siècles. On
évalue que la consommation du fer en Europe ne dépassait pas 100.000 tonnes
en 1750. Quelle misère ! Mais un siècle plus tard, en 1850, Moreau de Jounès
ne l'évaluait encore qu'à 237.000 tonnes. Les grandes inventions métallurgiques,
celle de Bessemer, date de 185B, celle de Martin, de 1864, celle de Gruner,
connue sous les noms de Thomas et Gilchrist, est postérieure à 1875.
En dehors de la Russie, il n'y a que cinq pays grands producteurs de fer. Leur
production en 1913 était : les États-Unis, 31 milhons de tonnes de fonte;
l'Allemagne, 19.300.000; la Grande-Bretagne, 10.300.000; la France, 5.300.000;
la Belgique, 2.500.000. Ces cinq pays consommaient 54.200.000 tonnes et en
exportaient seulement 14..200.000 aux pays ne produisant pas de fer.
La production de l'Allemagne est tombée à 11.800.000 tonnes en 1915; en
1916, elle s'est relevée à 13.000.000, mais en 1917, faute de main-d'œuvre et
de houille, elle a baissé.
Les États-Unis ont porté, en 1916, leur production à 38.500.000 tonnes de
fonte. La guerre consomme beaucoup d'acier. Cependant, d'après une dépêche
du 13 mai dernier, le général Sir William Robertson a dit dans un banquet
que, pendant les six dernières semaines, les Anglais avaient consommé en
France 200.000 tonnes de munitions. Or, 6 X 9 donneraient 54 semaines, soit
1.800.000 tonnes, moins du cinquième de la production du Royaume-Uni, en
un peu plus d'une année.
Le Journal des Économistes vient de publier une étude de Sir Hugh Bell,
un des plus grands métallurgistes de la Grande-Bretagne, dans laquelle il
montre la puissance de son industrie sidérurgique, elle vend surtout des pro-
duits finis; une tonne d'aiguilles a une autre valeur qu'une tonne de fonte.
En 1913, elle a exporté pour 118 millions et réexporté pour £ 2.800,000;
elle a importé pour £ 41 millions de minerais de fers spéciaux, etc. Son expor-
tation nette a donc dépassé l'importation de £ 79 millions, et la valeur totale
de sa production a été de £ 320 millions, plus de 8 milliards de francs. Cette
importance des industries sidérurgiques dans la Grande-Bretagne étonnera
ceux qui étaient habitués à ne regarder que du côté de l'Allemagne.
Les industries métallurgiques fournissent surtout l'outillage; mais elles
n'ont pas supprimé l'usage du bois, et le bois a reçu une nouvelle application
dans la fabrication de la pâte à papier.
Les grandes inventions qui ont transformé la filature et le tissage ont com-
mencé avec John Kay, en 1738. Ce n'est qu'en 1785 que la machine à vapeur
de James Watt a fait mouvoir une filature de coton. Maintenant le coton est
devenu le plus répandu des textiles, pourquoi? Parce qu'il se prête à toutes
— 170 —
les transformations, à tous les mélanges et parce qu'il est le meilleur marché:
de là l'erreur des droits protecteurs sur les fils et tissus de coton, ils lui enlè-
vent une partie de sa qualité primordiale.
La culture du coton ne fut introduite en Géorgie qu'en 1786; les premières
balles de coton des États-Unis ne sont arrivées à Liverpool qu'en 1800 et ne
purent être vendues. Les États-Unis ont produit 16 millions de balles en 1911-
1912; en 1914-1915, 15 millions; en 1915-1916, 13 millions.
Le Lancashire consomme en moyenne 4 millions de balles par an. En 1914-
1915, il a reçu 3.817.000 balles des États-Unis; en 1915-1916, il n'en a reçu
que 2.865.000 balles. Son autre centre d'approvisionnement est l'Egypte.
Mais et l'Inde? L'Inde produit en mo^-enne 4 millions de balles de coton,
mais le Lancashire n'en prend que 200.000 balles. Son coton ne convient pas
aux filés fins du Lancashire et la population de l'Inde en absorbe la plus
grande partie. C'est là une preuve décisive qu'un empire, même avec des ter-
ritoires situés sous tous les degrés de latitude et de longitude comme l'Empire
britannique ne peut se suffire à lui-même.
Nous avons fait des essais de culture de coton en Algérie, en Tunisie et au
Maroc. Le coton obtenu est du coton à longue fibre. Espérons que cette culture
réussira. Toute la question est de savoir si ce coton coûtera plus cher ou moins
cher que le coton acheté au dehors.
Par contraste, il y a deux matières premières chères : la laine et la soie.
Ici intervient la question du crédit, le peignage de laine réussit en France
parce qu'avant la guerre, le taux de l'escompte était bon marché.
M. YvES-Guyot montre l'importance de la saine monnaie et de la question
des transports. Des progrès de la circulation dépendent tous les autres; l'in-
dustrie met en contact des matières premières venues des points les plus
éloignés du globe, et le commerce en répartit les produits entre les popula-
tions qui en ont besoin. Les financiers britanniques, en plaçant plus de 100 mil-
liards de francs dans des pays qui avaient besoin de capitaux pour se déve-
lopper comme les États-Unis, la République Argentine, les Dominions anglais,
etc., leur a permis de mettre en valeur des territoires qui aujourd'hui fournis-
sent à l'Europe des objets d'alimentation et des matières premières sans
lesquels ni sa population ni son industrie n'auraient pu se développer.
M. YvES-Guyot insiste sur les risques que pourra courir le change après la
guerre. Nous ne pourrons y pourvoir que par l'intensité de la production;
l'exportation en dépend. Qu'avez-vous à vendre, de quelles qualité et à quel
prix? M. YvES-Guyot finit en citant les observations de M. Artaud, président
de la Chambre de Commerce de Marseille : « Notre régime économique était
basé sur une infériorité déclarée provenant, disait-on, de nos lois sociales,
du taux des salaires, de notre population insuffisante, de nos impôts, etc., ne
nous permettant pas de supporter la concurrence internationale. La pseudo-
infériorité industrielle imaginaire a fini par devenir réelle. Quand le marché
est réservé par des tarifs, quelle tentation d'élever les prix ou de réduire soit
la qualité, soit la quantité ! Le plus difficile n'est pas de nous faire produire
comme le croient les représentants des doctrines de restriction, mais de nous
animer de la volonté de produire, de nous faire prendre conscience de nos
possibilités de production. )>
M. Paul Meuriot adresse à M. Yves-Guyot les remerciements de la Société
pour sa conférence si documentée, qui pourra utilement faire l'objet d'une
discussion dans une séance ultérieure.
COMMUNICATION DE M. PAUL MEURIOT : « LES POPULATIONS DE LA BELGIQUE AU
POINT DE VUE LINGUISTIQUE »
M. Paul Meuriot cède la présidence à M. Yves-Guyot qui lui donne la
parole pour sa conmuuiication.
— 171 —
M. Meuriot fait d'abord l'exposé de l'état général comparé des langues
en Belgique, les langues nationales, française, flamande et allemande étant
parlées respectivement à titre de langue unique (statistique de 1910) par
2.833.000, 3.220.000 et 31.000 habitants en chiffres ronds; 871.000 bilingues
parlent le français et le flamand, 75.000 le français et h allemand et enfin
52.500 personnes parlent les trois langues; ces statistiques ne font naturelle-
ment pas état des enfants âgés de moins de deux ans et les autres sont consi-
dérés comme parlant la langue de leurs parents. On constate un accroissement
très sensible du nombre des bilingues.
L'orateur étudie la répartition des langues par province et présente à la
Société, sur la carte, la ligne qui marque leur délimitation territoriale. Le
territoire où l'on parle de préférence le français — territoire que l'on désigne
fréquemment sous le nom de Wallonie — représente une superficie de 17.800
kilomètres carrés; quant au territoire oîi l'on parle de préférence le flamand,
et que Ton peut dénommer commodément Flandre, il en comprend 11.600 :
la densité de la population y est beaucoup plus grande qu'en Wallonie (388 au
lieu de 252 par kilomètre carré). La ligne .de délimitation des langues fran-
çaise et flamande part de la frontière française aux environs de Tourcoing et
suit sensiblement une ligne ouest-est pour aller passer à Visé-sur-Meuse,
c'est-à-dire que, sauf pour le Brabant, elle suit d'une manière presque rigou-
reuse la limite des provinces administratives; la ligne s'infléchit ensuite vers
le sud pour marquer la séparation des territoires où l'on parle français et alle-
mand, cette langue étant celle d'une partie du Luxembourg belge (arrondisse-
ment d'Arlon).
Après une analyse précise des rapports des langues fivec les principaux
faits démographiques, immigration, répartition des personnes des deux sexes,
natalité — beaucoup plus grande dans le groupe flamand — agglomération?
urbaines (478.000 habitants parlent français dans l'agglomération bruxel-
loivse alors que 415.000 parlent flamand), M. Meuriot conclut que l'expansion
de la langue flamande en Belgique ne suit pas les progrès de la population et
que la langue française au contraire bénéficie d'un développement assez
marqué; celui-ci semble assez naturel d'ailleurs si l'on songe que le français
est la langue d'usage universel la plus indiquée pour permettre pratiquement
aux populations flamingantes d'entretenir des relations avec les pays de
langue étrangère; on peut espérer que la conclusion de la paix ne fera que
hâter ce mouvement.
M. YvEs-GuYOT remercie M. Paul Meuriot de son excellente communica-
tion et ajoute quelques observations sur l'utilité que présente notamment
la lan;;ue française comme moyen de communication entre Flamingants et
Hollandais, voirç même entre les Flamingants appartenant à différents dia-
lectes.
La séance est levée à 19'' 15.
Le Secrétaire général, Le Vice-Président,
Alfred Barriol. ' Paul Meuriot.
II
LA LANGUE CELTIQUE DANS LES ILES BRITANNIQUES
La vieille langue celtique est encore, on le sait, parlée des deux côtés de la
Manche, chez nous dans la Bretagne occidentale et dans le Royaume-Uni,
soit dans une très faible partie de l'Angleterre, surtout dans le pays de Galles,
— 172 —
l'Ecosse et l'Irlande. Quelle est actuellement cette population de welsh, gaelic,
irish speakers, pour nous servir de l'expression officielle des trois Census inté-
ressés? Quelles vicissitudes a-t-elle subies depuis que la statistique en effectue
le dénombrement ? C'est à cette double question que nous tâcherons de ré-
pondre aujourd'hui. Nous examinerons l'état de la langue celtique dans
chacun des trois royaumes, puis nous terminerons par un aperçu général.
I
ANGLETERRE ET GALLES
1. Angleterre (Monmouth). — C'est seulement depuis 1891 que le Census
anglais établit le total des welsh speakers, en distinguant ceux qui parlent
exclusivement le celte et ceux qui parlent le celte et l'anglais. En 1901 et en
1911, ces renseignements ont été heureusement complétés par une réparti-
tion de ce double élément suivant les sexes et les âges.
Dans l'Angleterre proprement dite, le celte n'était plus parlé, en 1891, que
dans le seul comté de Monmouth, voisin du pays de Galles. Il a disparu du
comté, situé à l'extrémité sud-ouest de l'Angleterre, terre de granit comme
notre Bretagne et qui porte d'ailleurs le même nom que le pays de Quimper,
la Cornouailles ou Cornwall. Le Monmouth qui, seul des comtés anglais, pos-
sède une population de langue celtique, fait du reste partie de la même Regis-
tration Dwision que le pays de Galles, sous le nom de Welsh Division. En 1891,
le total de la population parlant le celte était de 9.816 habitants, soit 3,8 de
la population du comté, abstraction faite des enfants de moins de deux ans.
On y comptait, en outre, 29.770 personnes parlant les deux langues. Le total
de la population de langue celtique s'élevait donc à près de 40.000 âmes, soit
15,2 % de la population du Monmouth.
En 1911, la langue celtique ne compte plus dans le Monmouth que 1.500
ressortissants à peine; elle a donc perdu, en vingt ans, plus de 8.000 unités.
La population de langue celtique se partage presque également entre les deux
sexes, avec toutefois une légère prédominance des hommes. Par contre, le
nombre des bilingues dépasse 34.000, en accroissement de plus de 4.000 unités
(plus de 12 %) sur 1891. L'anglais est donc appris et parlé par un nombre de
plus en plus grand de welsh speakers. Mais, même avec cette augmentation des
bilingues, le total de la population parlant le celte voit baisser sa proportion
à l'ensemble du comté de 15,2 à 8,7 % de 1891 à 1911.
2. Pays de Galles. — Dans le pays de Galles, les welsh speakers exclusifs
constituaient, en 1891, un contingent considérable, plus de 524.000 habitants,
soit près de 31 % de la population totale, non compris les enfants au-dessous
de deux ans. Avec les bilingues au nombre de 417.000, le total des habitants
parlant le celte excédait donc 940.000, soit 53,5 % de la population galloise.
Dans cinq comtés sur douze, la majorité appartenait aux Celtes monoglottes :
Carmarthen, .Cardigan, Merioneth, Carnarvon, tous situés à l'ouest avec le
comté insulaire d'Anglesey, l'ancienne Mona, qui fut jadis le dernier foyer de
la résistance gallo-dniidiquo contre la domination romaine, comme l'île de
— 173 —
Sein chez nous. L'ensemble de ces comtés renfermait plus de la moitié de la
population celtique (272.000 âmes); la proportion au total était de 56,3 %
dans le Garmarthen, de 66 dans le Carnarvon, de 70 % également dans le
Merioneth et à Anglesey, et enfin de 74 % dans le Cardigan. En revanche,
dans les comtés voisins de l'Angleterre, les welsh speakers étaient en minorité,
moins de 10 % dans le Breknok et à peine quelques dizaines d'habitants dans
le Radnor. Cependant, dans l'un et l'autre groupe, deux comtés faisaient
exception. Le Glamorgan, au sud-est, avait une forte minorité de langue cel-
tique, près de 22 % du total, phénomène dû sans doute à l'immigration et,
d'un autre côté, au sud-ouest, dans le comté de Pembroke, le celte était en
minorité (18,5 % du total), bien que ce comté fût limité par des comtés de
majorité galloise. Dans cette région, en effet, les rois normands avaient établi
autrefois des colonies de Flamands et de Saxons qui lui valurent le surnom
de Little England beyond Wales.
En 1901, la population purement celtique a déjà beaucoup baissé. Elle
n'est plus que de 279.000 habitants au lieu de 524.000 en 1891. Cet énorme
déchet, il est vrai, doit être un peu diminué (d'environ un dixième) par la raison
qu'en 1891, on avait recensé la population linguistique à partir de deux ans,
tandis qu'en 1901 et plus tard en 1911, on a adopté la limite de trois ans.
Mais, entre ces deux derniers dénombrements, la décroissance est également
très sensible, soit de 90.000 unités, et la population de langue exclusivement
celtique, cette fois, ne comprenant que des éléments de même âge, baisse de
279,000 à 189.000 habitants, soit une proportion de 9,3 % au total du pays
de Galles au lieu de 31 en 1891.
Nous avons vu plus haut que la population de langue purement celtique
était surtout groupée dans cinq comtés de l'Ouest; c'est dans cette même région
que nous la trouvons, en 1911, avec 126.000 unités, soit 66,3 % du total des
welsh speakers gallois (189,000). En 1891, cette proportion n'était que de
56 %. La masse de cette population a donc une tendance à se concentrer
dans cette région. Il est plus exact de dire qu'elle y oppose une résistance plus
durable aux progrès de l'anglais. Mais, malgré cela, la majorité dans aucun
des comtés n'appartient plus aujourd'hui à la langue celtique exclusive; sa
proportion à la population totale, qui était de 70 % dans le Merioneth et à
Anglesey et de 74 % dans le Cardigan, est descendue uniformément à 34,5 %
dans ces trois comtés. Cette région est aussi celle où la population globale a
le moins augmenté; sur les 514.000 habitants gagné? par le pays de Galles
de 1891 à 1911, elle ne peut en revendiquer que 15.000 à peine. Dans les deux
comtés de Cardigan et de Merioneth, il y a même une décroissance considé-
rable de la population (environ 30 %), et c'est là que le contingent des welsh
speakers exclusifs a le plus diminué.
Avec ses 189,000 ressortissants, le celte « exclusif » correspond à 9,3 %
de la population galloise totale (à l'exclusion des enfants de moins de trois
ans) au lieu de 17,5 en 1901 et de 31 % en 1891, La diminution la plus sensible
se produit dans le Glamorgan, où le total des welsh speakers exclusifs tombe
de 142.000 à 31.800 (1891-1911), soit une régression de plus des trois quarts
dans l'espace de vingt ans. Dans le Cardigan, le Montgomery, le Flint et le
Merioneth, la décroissance est des deux tiers et la même proportion se ren-
— 174 —
contre dans le Carmarthen et le Pembroke. Mais le Carnarvon et surtout l'île
d'Anglesey paraissent plus réfractaires au progrès de l'anglais. Dans le Car-
narvon, la régression du celte pur est de 46 % et de 25 % à peine à Anglesey.
En 1891, la population de langue exclusivement celte formait la majorité
dans cinq comtés, comme nous l'avons vu plus haut; en 1901, elle ne dépasse
plus la moitié à peine de la population que dans trois comtés; en 1911, elle
n'excède le tiers que dans les quatre comtés où son taux est le plus élevé :.
34,3 % dans le Cardigan, 30 % dans le Carnarvon et à Anglesey et 37 %
dans le Merionetli. Enfin, dans le Carmarthen, où le celte pur représentait plus
de moitié de la population en 1891, sa proportion n'était plus que de 21 %
en 1911. Cependant, malgré ce recul, l'ensemble de ces comtés détient toujours
la majorité de la population galloise ne parlant que le celte, soit 126.000 unités,
et sa proportion au total de cette population s'y est même accentuée : elle est
aujourd'hui de 66,3 % au lieu de 56 % en 1891. Cette région, du reste, est
celle où la population globale a le moins augmenté; il y a même décroissance
dans le Cardigan, le Carnarvon et le Merioneth, en raison de l'émigration qui
contribue ainsi à la diminution de la population purement celtique.
La langue celtique n'est cependant pas délaissée, car le nombre des habi-
tants parlant les deux langues s'est sensiblement accru; de 417.000 en 1891,
il s'élève à 787.000 en 1911. Au total, l'effectif des habitants sachant le celte
passe de 941.000 à 977.000, chiffre que, pour la raison indiquée plus haut, il
faudrait augmenter d'une dizaine de mille pour que la comparaison fût plus
exacte avec 1891. C'est une proportion de 40 % à la population totale (enfants
au-dessous de trois ans étant exclus) au lieu de 24,5 % en 1891 et de 38,7 %
en 1901. Aujourd'hui, la majorité appartient aux bilingues dans quatre comtés :
Carmarthen, Cardigan, Merioneth et Anglesey, et est bien près de leur appar-
tenir dans le Carnarvon (49,5 %). Ce sont les comtés où la majorité apparte-
nait précisément au celte exclusif en 1891. L'anglais se superpose ainsi au celte
sans le chasser. Ce fait se produit dans tous les comtés, sauf deux situés
à l'est : le Radnor, où le celte exclusif a disparu, et le Flint, où sa proportion
est des plus faibles. Grâce à ce progrès des bilingues, la population de langue
purement anglaise n'augmente pas sa proportion autant qu'on le pourrait
croire. De 1891 à 1901, elle demeure inchangée aux environs de 43 %; elle
atteint à peine aujourd'hui 50 %. Elle est en majorité dans six comtés : cinq
à l'est, Glamorgan, Radnor, Breknok, Montgomery et Flint, et le Pembroke
à l'ouest (Voir le tableau I).
La répartition des langues est aussi différente suivant la population urbaine
et rurale. Sur les 189.000 habitants de langue exclusivement celtique, près
des deux tiers (142.800) se rattachent à la population rurale. Sa proportion
à l'ensemble de cette population est de 18,4 %, donc moins du cinquième, et
la majorité, encore que très faible, ne lui appartient que dans le seul comté
de Carnarvon. Mais si au contingent purement celte, on ajoute la popula-
tion bilingue, la langue celtique domine dans la population rurale (61,4 %).
Non seulement le celte l'emporte dans la population rurale des six comtés
de majorité celte (y compris les bilingues), mais aussi dans la population
rurale du Glamorgan et du Montgomery, il détient une petite majorité.
— 175
Tableau I
Répartition linguistique pour 100 habitants du total de la population
du Monmouth (Angleterre) et du pays de Galles en 1891, 1901 et 1911.
Sur 100 habiiaiits du total, coiniii n parlent
21,9
6,6
3,0
27,3
36,9
35,4
50,8
56,3
61,6
56,6
34,8
21,0
33,0
54,8
64,0
10,4
10,4
15,0
17,4
12,7
7,7
13,9
22,5
24,8
68,7
65,5
67,5
74,2
50,3
34,3
20,6
43,5
58,5
5,2
6,2
7,2
9,4
9,2
5,7
25,3
36,6
33,6
65,3
65,5
60,7
0,4
0,2
»
5,7
6,0
5,3
93,9
93,8
94,7
25,4
15,7
10,7
24,3
32,0
34,1
50,3
50,2
55,2
25,9
7,5
3,5
41,6
41,5
36,3
32,5
51,0
60,2
33,7
18,5
10,0
32,0
43,2
46,5
34,3
43,5
43,5
73,8
50,7
37,0
20,0
43,5
55,7
6,2
5,8
7,2
65,8
47,3
35,2
23,6
42,0
48,9
10,6
10,7
15,9
70,3
50,1
35,5
21,8
43,7
51,4
7,9
6,2
13,1
Comléii le c»lti' seul le celte et l'anglais l'anglais seul
1891 1901 1911 1S91 1901 1911 1891 1901 1911
Monmouth (Angleterre) . 3,8 0,8 0,4 15,2 12,3 8,7 81,0 86,9 90,7
Pays de Galles :
Glamorgan
Carmarthen ,
Pembroke ,
Cardigan
Breknok
Radnor
Montgomery
Flint
Denbigh
Merioneth
Carnarvon
Anglesey
30,8 17,6 10,0 24,5 38,7 41,6 43,0 43,7 50,0
Parmi la population urbaine, la proportion des welsh speakers exclusifs est
de 5 % à peine; seul, le Merioneth leur donne la majorité dans ses iirban dis-
tricts, qui, il est vrai, ne sont que faiblement peuplés. Les villes possèdent,
au contraire, la majorité de la population bilingue; là, en effet, la population
celtophone immigrée a plus de facilités — et cela lui est aussi plus nécessaire —
pour apprendre l'anglais. Sur le total des bilingues, soit 787.000, 418.000 ou
53,2 %, appartiennent aux villes. Malgré cela, l'ensemble de la population
parlant le celte ne constitue que 42 % de la population urbaine totale. Dans
l'ensemble des trois villes principales du pays de Galles, Cardiff, Rhonda et
Swansea, on ne compte que 8.500 habitants de pure langue celtique et 108.000
bilingues sur une population globale de 420.000 âmes. L'effectif celtisant ne
forme, en somme, que 27,5 % du total; seul, le district de Swansea possède une
majorité de angue celtique (Celtes et bilingues réunis) de 54 %, due évidem-
ment à rimm'gration plus sensible des habitants de langue galloise.
La répartition linguistique des sexes n'offre rien de particulier, qu'il s'agisse
de la population exclusivement celtique ou des bilingues : hommes et femmes
se paitagent par moitié l'un et l'autre effectif avec une légère supériorité du
sexe féminin dans le premier groupe. Tandis que, dans l'ensemble de la popu-
lation, les femmes constituent 48 9 %, cette proportion est de 51,8 % parmi
les celtophones exclusifs et de 49,8 % parmi les bilingues.
En ce qui concerne la distribution par âge, une plus grande disproportion
se manifeste : la population de langue celtique — dans le pays de Galles
comme partout ailleurs — présente un taux plus élevé dans les âges supérieurs
que l'ensemble de la population. Dans l'ensemble du pays de Galles, les habi-
— 176 —
tants de plus de 65 ans ne forment que 5 % du total; cette proportion est de
13 % chez les habitants de langue purement celtique; elle n'est que de 6 %
chez les bilingues. Dans le tableau suivant, nous donnons, pour les deux der-
niers recensements, le pourcentage de la population (sexes réunis) par groupe
d'âges des habitants de langue exclusivement celtique, des bihngues et de l'en-
semble de la population galloise. Dans le premier groupe, il y a décroissance
de la proportion pour les séries d'âge plus jeunes (au-dessous de 45 ans) et le
taux des individus plus âgés augmente. Dans le second, il n'y a mondre pro-
portion qu'au-dessous de 25 ans; pour l'âge pleinement adulte (de 25 à 45 ans)
le pourcentage est en accroissement, toujours en raison de l'immigration qui
amène les celtisants immigrés à ajouter à leur langue maternelle celle de leur
pays d'étabhssement, l'anglais.
Tableau II
Proportion pour 100 habitants de la population celtique et des bilingues
du pays de Galles par groupes d'âges en 1901 et en 1911.
Groupes d'âge
De 3 à 15 ans .
15 à 25 — .
25 à 45 — .
45 à 65 — .
De plus de 65 ans
Total. . . .
Habitants
(1
de
Pr. portion
(Je langui'
exclusivement celtique
1901^ ^^^li
Bili
1901
igues
^ îôTï
des âges
IIS l'ensemble
la population
en 1911
30,0
29,4
22,4
21,6
27,8
14,1
10,8
22,1
20,2
19,8
24,6
23,1
32,5
34,1
31,4
20,3
23,7
17,5
18,5
15,9
10,9
13,0
5,6
5,6
5,1
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
II
ECOSSE
Des trois régions celtes du Royaume-Uni, c'est l'Ecosse qui, à l'heure
actuelle, renferme, par rapport à sa population totale, la moindre proportion
de gaelic speakers. Le premier dénombrement linguistique a été effectué en
1881 ; mais alors, le Gensus ne distinguait pas la population de langue exclu-
sivement celtique et la population bilingue; cette distinction ne fut intro-
duite qu'en 1891. Il y a une trentaine d'années, le total des Écossais parlant
le celte était de 232.000; il était, en 1891, de plus de 254.000. De cette somme,
l'effectif des gaelic speakers exclusifs était de 43.700. De 1891 à 1901 et 1911,
ce total s'abaisse à 28.100 et à 18.400 unités et ne représente plus aujourd'hui
qu'une fraction infime de la population écossaise (0,4 %). Le contingent des
bilingues, qui s'était maintenu même avec une légère progression en 1901, est
maintenant en recul manifeste et ne compte plus que 184.000 habitants au lieu
de 212.700 en 1901. En résumé, l'ensemble des habitants parlant le celte, qui
était de 254.000 en 1891, est aujourd'hui de 202.000 et ne forme plus que
4,25 % du total au lieu de 6,22 %, vingt ans auparavant.
Les purs celtophones ne se trouvon' que dans les Highlands, dans les quatrç
— 177 —
comtés d'Argyll, Inverness, Ross-Cromarthy et Sutherland, tous situés à
l'ouest, donc tournés vers l'Irlande; car, dans la partie orientale des Hautes-
Terres (Elgin, Nairn, BanfT, etc.), cette catégorie de population a presque
disparu. Mais même, dans ces quatre comtés, le domaine exclusif du celte s'est
bien réduit; son effectif a décru de plus de 25.000 unités depuis 1891, et sa
proportion au total de la population, qui était alors de 16,4 %, n'est plus
aujourd'hui que de 7,3 %. C'est dans le comté de Ross-Cromarthy que se trouve
la majorité des gadic speakers, plus de 9.000 unités, soit la moitié du total.
Le second groupe comme importance numérique est celui du comté d'Inver-
ness; mais, de part et d'autre, la décroissance est de plus de moitié depuis
1891. Elle est encore plus sensible, près des quatre cinquièmes, dans le comté
d'Argyll, qui ne compte guère plus de 1.300 celtophones; enfin, dans le Suther-
land, ils se réduisent à moins de 200.
La population de langue purement celtique est donc concentrée dans une
partie des Highlands et presque exclusivement dans les îles de l'Ouest, les
insular parishes de l'Argyll, d'Inverness et de Ross; elles renferment 15.750
habitants ne parlant que le celte, c'est-à-dire 87 % de la population de cette
catégorie recensée dans ces mêmes comtés; il ne reste que 2.400 celtophones
à peine pour leur partie continentale. Tandis que, dans cette région, le taux des
gaelic speakers exclusifs n'est que de 1,4 % de la population totale, il est de
21,2 % dans la partie insulaire. Cette proportion est surtout élevée dans les
îles qui se rattachent aux comtés d'Inverness et de Ross : 22,7 et 26,6 % res-
pectivement.
^ Nous avons dit que la population bilingue était encore considérable en
Ecosse, 184.000 habitants, malgré une évidente diminution depuis 1901.
Cette population est beaucoup moins groupée que la population purement-
celtique. La majorité appartient sans doute aux Highlands, puisque les quatre
comtés précités renferment plus de 120.000 habitants parlant les deux langues,
soit 65,4 % du total des bilingues. Mais dans les comtés de l'Est et du Sud,
dans les Basses-Terres, existent encore d'assez forts contingents bilingues,
9.000 à Perth, près de 5.000 à Edimbourg et près de 25.000 dans l'industriel
et populeux Lanark (Glasgow). Dans ce comté, le total des bilingues a plus que
doublé, de 1891 à 1911, passant de 11.500 à 25.000.
Considérons maintenant toute la population de langue gaélique, bilingue
ou non. Son effectif total est, en 1911, de 202.000 habitants, en décroissance de
plus de 50.000, nous l'avons vu, sur 1891. La grande majorité de cette popu-
lation — 139.000 ou 69 % — appartient toujours aux mêmes quatre comtés
des Highlands avec une proportion de 55 % à l'ensemble de leur population.
Elle atteint son maximum dans le comté de Ross avec 60,6 % ; elle est de 58,7
et de 55,7 dans le Sutherland et à Inverness et de 44,7 % dans l'Argyll. Il y a
encore des minorités assez importantes dans le comté de Bute à l'ouest
(11,5 %), dans ceux de Nairn et de Perth à l'est (10 et 7,5 %). Mais partout
ailleurs, la^ langue gaéhque n'atteint qu'un taux minime : même, dans les
comtés d'Edimbourg et de Lanark, sa proportion au total n'est que 1 et 1,8 %.
Dans le sud, voisin de l'Angleterre, le celte est presque inexistant (à peine
0,3 % du total). Ce qui est plus curieux, c'est que dans les îles Shetland et
■ Orcades, le taux de la population de langue celtique soit également infime,
— 178 —
au point qu'on peut la regarder comme ayant disparu de l'extrême nord
de la Grande-Bretagne; Vultima Thule ne parle plus aujourd'hui que l'an-
glais.
Si le total des gaelic speakers a décru depuis 1891, la langue celtique est
cependant mieux localisée qu'à cette date. Cela tient au taux plus élevé des
bilingues; il était en 1911 de 90 % au lieu de 83 % en 1891 de l'ensemble des
habitants parlant le celte. Ce phénomène provient certainement de l'émigra-
tion des Highlanders vers les centres industriels du Sud. En effet, sur les
25.000 celtophones recensés dans le Lanark, près de 18.000 ou 72 % sont
nés hors du comté. D'autre part, sur le total des 202.000 habitants parlant le
celte en Ecosse, plus de 168.000 sont originaires des quatre comte' s du Nord,
soit : Inverness, Ross, Argyll et Sutherland.
Mais on ferait erreur si l'on croyait que l'élément de langue celtique en
Ecosse est fortifié par l'immigration irlandaise. Assurément, cette immigra-
tion est considérable, puisqu'en 1911 on a compté plus de 174.000 habitants
de l'Ecosse nés en Irlande, soit 3,7 % de la population, dont 100.000 se trou-
vent dans le seul comté de Lanark. Mais une raison d'ordre géographique
s'oppose à l'immigration des Irlandais de langue celtique en Ecosse, c'est que
les régions d'Irlande où l'on parle le celte sont, comme nous le verrons, à
l'ouest de l'île, par conséquent les plus éloignées de l'Ecosse. Aussi, le total
des gaelic speakers nés en Irlande est-il très faible, moins de 4.400, soit 2,5 %
de l'ensemble des Irlandais domiciliés en Ecosse.
Nous avons vu que, quelle que fût sa persistance dans les Highlands, le
domaine de la langue celtique s'y était pourtant rétréci. Mais il importe,
comme nous l'avons fait plus haut, de distinguer parmi les comtés du Nord
les régions insulaires plus attachées à leur vieille langue. Sur une population
totale de 74.000 âmes, le contingent des habitants de langue celtique y est encore
de 66.000, soit près du tiers de la population celtophone de l'Ecosse entière.
Et de 1881 à nos jours, leur proportion au total de la région a très peu baissé,
seulement de 92,3 à 89 %; elle oscille aujourd'hui encore de 82 % à Argyll à
90 % dans les îles des deux autres comtés, Inverness et Ross. L'anglais exclusif
n'est donc parlé que par le dixième de la population; c'est vraiment là le
« réduit » de la langue gaélique en Ecosse.
Comme la statistique anglaise, le Census d'Ecosse distingue, parmi la popu-
lation linguistique, les sexes et les âges. Les femmes forment — et de beau-
coup — la majorité des gaelic speakers exclusifs, près des trois quarts du
total, 69 %. En revanche, parmi les bilingues, il y a presque équilibre entre
les deux sexes. Dans l'ensemble, la majorité de la population parlant le celte
appartient donc aux femmes; mais par rapport à la population totale de
l'Ecosse, leur proportion excède de peu celle des hommes, la population
féminine du pays étant plus nombreuse, vu les vides que l'émigration cause
parmi les hommes. Par exemple, pour 100 hommes de la population totale,
la proportion des gaelic speakers est de 3,83 %; paimi les femmes, elle est de
4,24 % (Voi le tableau III).
— 179 —
C'est parmi. la portion plus jeune de la population que l'on rencontre la
moindre proportion des gaelic speakers. Dans le total de la population de
l'Ecosse, le pourcentage des individus de moins de 20 ans est de 41,8; ceux
de plus de 20 ans forment donc 58,2 %. Pour les habitants de langue pure-
ment celtique, ces proportions respectives sont 21,3 et 78,7 %. En considérant
séparément les sexes, on constate entre eux une curieuse différence. Tandis
que pour les gaelic speakers exclusifs, les femmes de.moinsde20 ans ne repré-
sentent que 27,5 % du total, ce taux est de 53,5 % parmi les hommes. Cette
dissemblance ne peut s'expliquer qu2 par l'émigration, qui enlève au pays une
poriion plus considérable d'adultes mâles. Pour les bilingues, la proportion
des deux sexes est sensiblement la même. Ici, comme ailleurs, la population
plus jeune tend à ne plus parler exclusivement le celte. Nous en avons un
exemple intéressant dans ces insiilar parishes des Highlands dont nous venons
de parler. En 1891, sur 100 habitants parlant seulement le celte, il y en avait
37,5 de moins de 20 ans; en 1911, cette proportion était descendue à 32,3 %.
Et la décroissance du celte est beaucoup plus manifeste si on compare son
efîectif à la population totale de moins de 20 ans. En 1891, dans ce groupe
d'âge, la proportion des habitants ne parlant que le celte était de 38,4 %; en
1911, elle n'était plus que de 19 %. D'autre part, tandis qu'en 1891 les per-
sonnes de plus de 60 ans ne formaient qu'un quart des gaelic speakers exclu-
sifs, leur proportion s'élevait à 37,3 % en 1911 (Voir le tableau 111).
Tableau III
Population de l'Ecosse en 1911, groupée par langue, sexe et âge.
„ J Total. .
"«""""■■^ 1 Pour 100
„ 1 Total. .
Femmes ( ,, ,,,-
I Pour 100
Les deux sexes. ! ,," ' ■■,
I Pour 100
DK MOIXS DE 2» AXS PARLANT
le coite I les doux l'aDglais
seul I langues I S'ul
3.420
0,31
3.301
0,34
tJ.724
0,31
19.317
1,90
18.f)90
l,t;0
37.907
1,91
975.700
97,8
9t;4.(i00
97, 7G
1.939.700
97,72
DE PLUS DE 20 ASS PAULAXT
3.010
0,24
8.6r.7
0,61
11.677
0,43
71.025
à, Mi
74.975
5,20
145.990
5,37
1.20."i.000
91,20
1. 358.000
94,19
2.563.000
91,20
111
IRLANDE
En Irlande, la statistique des langues a été effectuée dès. 1861 et cela nous
perm*^!: par conséquent de plus intéressantes comparaisons. A cette date, la
population ne parlant que le celte était de plus de 163.000 personne , mais,
en 1881, ce total s'est déjà réduit de près des deux tiers et n'est plus que de
64.000 unités. Aujourd'hui (1911),le total des iri-ih speakers exclusifs n'atteint
même pas 17.000 habitants (Voir le tableau IV) et ne représente plus que
— 180 —
0,40 % de la population de l'Irlande au lieu de 1,24 et 2,81 % en 1881 et en
1861.
Tableau IV
La population de langue celtique (unilingue et bilingue) en Irlande
de 1861 à 1911.
rlanl
le
elle
Total des linbitants
parlant
les
deux langues
parlai
le
celte
ne pa
qii
le c<
11
163
.300
942
.200
1.105,
.500
103.
,500
713.
, 000
826.
500
64.
160
885.
700
949.
860
38
.200
642
.000
680,
,200
21
.000
620
.200
641.
,200
16
.870
565
.570
582
.440
1861
1871
1881
1891. . . . , . .
1901
1911
Cette décroissance de l'élément purement celtique est donc commune à toutes
les régions des lies Britanniques; mais l'Irlande voit plus qu'aucune d'elles
diminuer le total des bilingues. De 924.000 en 1861, leur effectif tombait brus-
quement à 713.000 en 1871, mais se relevait de manière très sensible à 885.000
en 1881, sans doute par suite de l'immigration de nombreux celtophones dans
les comtés de langue anglaise, qu'il leur était nécessaire d'apprendre. Mais de
1881 à 1911, la régression des bilingues est constante; ils ne comptent plus
aujourd hui que 565.000 unités, soit 13 % de la population irlandaise au lieu
de 17,1% également en 1861 et en 1881. En somme, la population de langue
celtique (unilingue et bilingue) comprenait, en 1861, 1.106.000 habitants, soit
près du cinquième (19,1 %) de l'Irlande. Ce total était à peine de 950.000 en
1881 et n'est plus aujourd'hui (1911) que de 582.000, soit 13,5 % de la popu-
lation irlandaise au lieu de 18,5 %, trente ans auparavant.
Parmi les quatre régions ou provinces de l'île, la langue celtique est fort
inégalement répartie. Dans le Leinster au sud-est, où se trouve Dublin, il n'y
a pas, à vrai dire, de pur celte, et cela est d'autant plus remarquable que le
Leinster fait face au pays de Galles. Dans le Munster, au sud-ouest, on ne
compte même pas 2.800 irish speakers exclusifs, et cet effectif s'est réduit des
cinq sixièmes depuis 1881. Presque tout le contingent celte est cantonné dans
le seul canton de Kerry (1.900 unités); il n'y en a que quelques centaines dans
ceux de Cork et de Waterford. Dans l'Ulster, au nord-est, il y a encore 4.700
celtophones; ce groupe, qui a baissé des deux tiers depuis 1881, est exclusive-
ment concentré dans le Donegal, à l'ouest, voisin du Connaught. C'est cette
région qui renferme la majeure partie des irish speakers, plus de 9.300; mais,
depuis 1881, ce nombre a diminué de plus des trois quarts. Et cette population
est surtout groupée dans les deux comtés de Galway et de Mayo; à lui seul, le
Galway compte plus de 7.800 celtophones, soit 83 % de leur efTectif dans le
Connaught et 46 % de leur total en Irlande.
Le développement et la répartition des bilingues ne sont pas les mêmes
que pour les monoglottes (Voir le tableau V). Il y a progrès des bilingues dans
le Leinster et l'Ulster et recul dans le Connaught et le Munster. Et ce double
— 181 —
phénomène est en raison directe du mouvement général de la population dans
l'un et l'autre groupe de provinces. La décroissance des bilingues va de pair
avec celle de la population. De 1881 à 1911, leur effectif a diminué de près de
200.000 unités dans le Munster, mais de toutes les régions de l'Irlande, c'est
celle où la population a le plus décru, de près de 300.000 âmes pendant cette
même période; dans le comté de Cork, en particulier, la régression de la popu-
lation totale équivaut presque exactement à celle des bilingues, soit 100.000
unités. Dans le Connaught, la population totale a perdu 190.000 âmes depuis
1881, et les bilingues ne sont plus que 217.000 au lieu de 333.000; ce sont les
deux comtés plus particulièrement celtiques de Mayo et de Galway qui sont
surtout affectés par cette double baisse de la population. C'est surtout le Muns-
ter qui a vu décroître sa proportion à la population bilingue de l'Irlande;
en 1881, il renfermait 48,2 % du total, alors qu'en 1911 ce rapport n'était plus
que de 40 %. Par contre, dans le Leinster, la population bilingue n'a que peu
baissé et elle s'est élevée dans l'Ulster; cela tient surtout à l'immigration. En
effet, en 1881, Dublin ne comptait que 5.000 habitants parlant deux langues
et Belfast à peine un millier; en 1911, ce contingent était respectivement de
11.800 et 7.600. C'est toujours grâce à l'immigration • — ici comme en Ecosse —
que la population bilingue est aujourd'hui répandue paitout, tandis que les
monoglottes sont, nous l'avons vu, confinés dans quelques comtés. Il n'est pas
un seul comté d'Irlande qui ne possède aujourd'hui au moins un millier. d'ha-
bitants bilingues.
Tableau V
Répartition de la population de langue celtique, suivant les différentes provinces
de l'Irlande, de 1861 à 1911.
PROVINCES
TOT Ali DES
HABITAS
TS
1881
.NE PABLANT
1891
ODE LE CELTE
1901
I
ARLANT LES
DEIX LANGIE3
1911
1881
1891
1901
1911
Loiiistoi-
Munster
Ulstcr .
Connaught
50
17.520
12.360
34.050
8
9.(!60
7.052
22.071
7
4.387
4.456
12.103
2.766
4.737
9.367
27.100
427.000
98.100
332.800
13.600
298.000
77.000
252.000
26 400
272.000
88.400
233.400
40.200
225.700
96.440
217.100
Malgré leur décroissance, les deux éléments réunis — monoglottes et bilin-
gues — forment encore un total respectable. Dans huit comtés, la proportion
des habitants parlant le celte est de plus de 20 % du total. Le maximum se
rencontre dans les comtés de Kerry et Waterford (Munster) avec 38 %; dans
ceux de Mayo et Galway (Connaught) avec 46 et 54 %. D'une façon générale,
la population de langue celtique habite tout l'ouest et le sud-ouest de l'Irlande.
Dans l'ensemble des comtés de cette région (Clare, Cork, Kerry, Waterford,
Donegal, Galway, Mayo et Sligo), sa proportion à la population totale est de
32,7 %; elle n'est que de 2,8 % dans le reste de l'Irlande.
l'e sAbIB. 58« VOL. — H" 6
14
— 182 —
Comme en Ecosse et dans le pays de Galles, les femmes forment en Irlande
la majorité de la population purement de langue celte. Tandis que dans l'en-
semble de la population, il y a équilibre des sexes, il n'y a que 46 hommes
pour 100 habitants de langue exclusivement celte. Cette proportion n'étant
que de 34,8 % en 1881, l'augmentation proportionnelle des hommes est due
à la restriction de l'émigration d'outre-mer à l'époque contemporaine. Pour
les bilingues, le taux des hommes est le plus élevé : 51 % et 55 % dans le Lein-
ster qui, avec Dublin, est une région d'immigration.
Tableau VI
Proportion pour 100 de la population irlandaise, d'après la langue,
par groupes d'âge, en 1911.
P . . Pour 100 individus de chaque catégorie de population,
'^ comblcD de chique âge
1 . De moins De De De plus
population de 10 ans 10 à 30 ans 30 à 60 ans de 60 an.
Population totale 20,0 35,5 31,5 13,0
Celtes unilingues. 22,5 12,0 20,2 45,7
Bilingues 5,7 36,0 32,8 25,5
Sous le rapport de l'âge, nous trouvons également des différences entre la
population purement celte, les bilingues et la population totale. Nous donnons
ci-des us (tableau VI) le pourcentage de ces divers groupes de population par
âge en 1911. Pour l'âge minimum, de moins de dix ans, sa proportion dans le
groupe bilingue est infime (5,7 %) et cela est tout naturel. Dans la catégorie
des adultes (de 10 à 30 ans et de 30 à 60 ans), le rapport de ces âges au total
est très faible dans la population exclusivement celtophone et beaucoup plus
élevé parmi les bilingues. L'ensemble de ces deux groupes d'âge renferme
33,2 % du total chez les irish speakers exclusifs contre 68,8 et 67 % chez les
bilingues et la population totale. La répartition des sexes par groupes d'âge
est presque la même dans la population bilingue et dans l'ensemble, mais il
n'en est pas de même chez les Celtes purs. Dans cette catégorie, les hommes
l'emportent de 10 à 30 ans (62 %); mais leur proportion est plus faible (47 %)
de 30 à 60 ans et surtout au-dessus de cet âge (34,6 %). Dans le groupe bilingue,
le sexe masculin n'a la majorité que dans la série de 30 à 60 ans par 53,8 %,
tandis que ce taux est de 50,1 % dans la population totale.
RÉSUMÉ ET CONCLUSION
Au dernier recensement, celui d> 1911, la population de langue exclusive-
ment cel ique du Royaume-Uni était de prè; de 225.000 habitants ainsi
répaitis :
7\^ngleterre proprement dite (Moninouth) 1.496
Pays de Galles , . . . . 188.500
Ecosse 18.400
Irlande 16.850
— 183 —
La très grande majorité de cette population appartient donc au pays de
Galles : 83,3 %. L'Ecosse et l'Irlande détiennent à peu près la même part,
8,2 et 7,9 %; celle du Monmouth n'est que de 0,6 %.
La décroissance du celte exclusif a été rapide, de nos jours; de 1891 à 1901,
sa population totale s'abaisse de 616.000 à 330.000 et recule encore de plus de
100.000 unités de 1901 à 1911. Partout, nous l'avons constaté, la partie jeune
et adulte de la population cesse de plus en plus d'être monoglotte. L'anglais
se superpose au celte et par conséquent la catégorie des bilingues devient plus
considérable. De 1.300.000 en 1891, elle passe à 1.471.000 en 1901 et à 1.570.000
en 1911. Leur distribution est la suivante :
Angleterre proprement dite (Monmouth) 33.750
Pays de Galles 787.000
Ecosse 184.000
Irlande 565.500
Ici encore, la majeure partie se rattache au pays de Galles, mais cette majo-
rité n'est que relative, près de 50 %; la plus forte proportion revient ensuite
à l'Irlande avec 35,1 %; viennent ensuite l'Ecosse avec 12 % environ, et le
comté de Monmouth, seulement avec 2 %.
Au total, la population de langue celtique (unilingue et bilingue) du
Royaume-Uni était en 1911 de 1.795.000 habitants, soit près de 4 % (3,91)
de la population totale. Cette population est ainsi répartie :
Angleterre proprement dite (Monmouth). . 35.250 habitants ou 9,7 du total.
Pays de Galles 977.000 — 50 —
Ecosse 202.000 — 5,4 —
Irlande 582.500 — 17,4 —
Le pays de Galles possède donc plus de la moitié de la population parlant
h celte, 54,3 %; l'Irlande vient au second rang avec 32,4 %; l'Ecosse ensuite
avec 11,3 % et enfin le Monmouth avec 2 % seulement.
Dans l'ensemble du Royaume-Uni, cette population a diminué presque
exclusivement pendant la période 1891-1901 : 114.000 unités contre 6.000 de
1901 à 1911. Dans le pays de Galles, l'effectif se maintient même avec une très
légère supériorité sur 1891; mais, partout ailleurs, il y a régression (Voir le
tableau VII).
Tableau VII
Population de langue celtique dans les Iles Britanniques en 1891-1901 et 1911.
RÉGIONS
TOTAL DES
HABITANTS
NE PARLANT QIE LE CELTE
PARLANT LES DEUX
LANGUES
1911
PARLANT LE CELTE
1891
1901
1911
1891
1901
1891
1901
1911
An^'leterre (Monmouth).
Pay.s de Gallo.s . . .
Ecosse
Irlande
Royaume-Uni. . .
9.816
.ï:i4..500
43 . 7 10
38.20U
G16.2J0
2.018
27'J.OOO
28.106
21.000
1.4'J6
188.5(00
18.400
16.870
29.750
417.000
210.600
642.000
33.680
615.000
202.700
620.200
33,750
787.000
184.000
565.600
39.566
941.500
251.34(1
680 . 200
35.693
894.000
230.806
641.200
35.246
975.500
202.400
582.470
330.119
225.266
1.299.350
1.471.580
1.570.350
1.915.606
1 . 801 . 699
1.795.616
— 184 —
Au point de vue géographique, c'est dans les régions du nord et de l'ouest
des Iles Britanniques que se trouve localisée la langue celtique. Ces régions,
Galles avec Monmouth (Welsh Division), l'Ecosse et l'Irlande enveloppent, en
quelque sorte, la vieille Angleterre et forment autour d'elles ce qu'on appelle
assez souvent la ceinture celtique, celtic belt. Et entre celle-ci et l'Angleterre,
il n'y a pas seulement des diiïérences de race et de langue, mais à celles-ci cor-
respondent encore des dissemblances religieuses et politiques. Le celtic belt
est la région dissent en religion; ici le protestantisme indépendant, avec le
radicalisme, là le catholicisme avec le Home Rule, en opposition avec l'Église
anglicane et le torysme de l'Anglete re proprement dite. Cette opposition a
ainsi une influence profonde sur la vie politique et parlementaire de l'Angle-
terre; aux élections dernières, celles de la fin de 1910, le parti unioniste a eu
la majorité dans l'ensemble des circonscriptions anglaises, mais le parti radical
compensait cette infériorité par l'appoint des Gallois (M. Lloyd George est
député du vieux bourg de Carnarvon), des Ecossais et des nationalistes d'Ir-
lande.
La langue celtique peut donc voir décroître son domaine, — et il est vrai-
semblable qu'il décroîtra encore, — mais l'influence atavique de la mentalité
celte n'est pas près de disparaître et demeurera toujours un facteur non négli-
geable dans l'histoire du Royaume-Uni.
Paul Meuriot.
III
DONNÉES STATISTIQUES D'ENSEMBLE SUR LES CHEMINS DE FER
DES ÉTATS-UNIS
Nous empruntons ces données à la Statistique des chemins de fer de la Confé-
dération pour la période 1905-1915, publiée par le « Bureau of Railway Econo-
mies ), bureau qui a été établi par les compagnies de chemins de fer des États-
Unis pour l'étude scientifique des problèmes de transport et pour rassembler
annuellement des données comparatives permettant de suivre les conditions
d'exploitation du réseau des États-Unis. Les chilfres tels qu'ils sont publiés
résultent des travaux et statistiques de \\< Interstate Commerce Commission »,
et sont sensiblement homogènes, bien que, pour les années 1905, 1906 et 1907,
on ait confondu dans ces chiffres généraux (au contraire de ce qui se passe pour
les années ultérieures) les données relatives aux compagnies dites terminales
et de triage, compagnies auxiliaires des chemins de fer qui se fondent et se
développent pour faciliter les opérations de gare, de formation et de décompo-
sition des trains, de chargement et de déchargement des wagons, etc. En
outre, pour certaines années, il n'est pas tenu compte des toutes petites compa-
gnies d'exploitation dont les recettes annuelles sont inférieures à 500.000 francs.
Au point de vue absolu cela entraîne une discordance entre les données compa-
185 —
ratives; mais ces discordances sont pratiquement négligeables, ces compagnies
se perdant vraiment dans l'ensemble des immenses entreprises américaines.
Au surplus on ne peut pas donner plus que ne fournissent les renseigne-
ments officiels. De même y a-t-il certaines imperfections, insuffisances ou
discordances, en ce qui est du nombre des agents, comptés tantôt sur \n
moyenne comme en 1915, tantôt d'après les feuilles de paie et en chiffres
absolus, ou encore du fait que certaines grandes compagnies n'ont point fourni
des renseignements tout à fait complets. Mrds l'énormité mên.e des chiffres
sur lesquels portent ces statistiques rend un peu négligeables ces discordances
et ces insuffisances.
Dressons d'abord un tableau qui renseigne complètement sur le développe-
ment absolu des chemins de fer américains comme lignes exploitées ou comme
voies, étant donné qu'un certain nombre de lignes sont à double voie, même
à triple ou à quadruple voie; quelques données comparatives sont intéressantes
également à relever au point de vue du développement de ces lignes ou de ces
voies par rapport à la population ou à la surperficie du pays :
ANNÉES (1)
DÉVELOr-
PEMENT
des
LIGNES
en
exploitation
LONGUEUR
POPCL
A.T10S
SUPERFICIE
en
MILLES cabués
par mille
de ligues
d.s
VOIES
en
exploitation
(voie»
principales)
des
VOIES
de garage,
de triage,
d'évitiment,
de gares
de
marchandises,
etc.
TOT.VLE
de
toutes les voies
en
exploitaiiou
l'*a MILLE
de
lignes
PVB MILLE
de
voies
principales
1905
1906
1907
1908
1909
1910
1911
1912
1913
1914
1915
216.974
222.340
227.4.55
230.494
235.402
210.831
246.238
249.852
253.470
256.547
257.5(;9
236.855
243 . 322
250.226
254.193
259.975
266.183
273.851
279.219
281.297
288.923
291.232
69.942
76.761
77.749
79.453
82.377
85.582
83 974.
92.019
95.212
9-!.285
99.910
306.797
317.083
327.975
333. G46
342.352
.S51.767
362.825
371.238
379.. 509
.387.208
391,142
387,1
.3.84,9
383,3
385,2
383,9
381,9
381,4
382,4
383,3
385,0
389,8
354,6
351,7
348,4
349,2
347,6
345,5
313,0
342,2
341,8
341,9
344,7
13,71
13,38
13,07
12,90
12,63
12,35
12,08
11,90
11,73
11,59
11,55
(1) Nous rappelons pour ordre que la longueur du mille est de 1.GU9 mètres et que le mille carré correspond à 2.585 kilo-
mètres carrés.
La question du capital sous ses diverses formes correspondant au développe-
ment du réseau ferré des Etats-Unis est de première importance; tout à la fois
parce que les données y relatives permettent de calculer le prix de revient tout
au moins moyen des lignes ferrées de la Confédération, et aussi parce que
volontiers on est intervenu à bien des reprises et tout récemment encore pour
imposer aux compagnies exploitantes des charges nouvelles, par exemple sous
la forme de salaires : ce qui entraîne forcément à se demander quelles sont les
chargf'S par rapport au capital. Nous n'avons pas jugé nécessaire de calculer
les dépenses d'établissement ou les capitaux incorporés par mille (ou par kilo-
mètre) de ligne ou de voie; nous nous contentons naturellement de donner les
éléments principaux des calculs. C'est la même raison pour laquelle nous n'avons
pas calculé non plus le pourcentage des capitaux-actions qui donnent ou ne
— 186 —
donnent point de dividende, pas plus que le taux moyen du dividende distribué
aux capitaux-actions rapportant effectivement. Tous les éléments fournis per-
mettent de se livrer à ces calculs, intéressants pourtant par eux-mêmes. Ces
données statistiques sont fournies en dollars (dont la valeur nominale est de
5* 18).
Montant
Montant
Taux moyen
du dividende
.innées
Capita
l-actions
c
apital-
obligat
ons
des actions
distribuant
dividende
des dividendes
payés
calculé
ur l'ensemble
du
:apital-actions
1905 .
6
554
557.000
7
250
701
000
4
119.087
000
237.964.000
3,63
1906 .
6
803
760.000
7
766
661
000
4
526.959
000
272.796.000
4,01
1907 .
7
356
862.000
8
725
285
000
4
498.756
000
308.089.000
4,19
1908 .
7
373
212.000
9
394
332
000
4
843.371
000
390.695.000
5,30
1909 .
7
686
278.000
9
801
590
000
4
920.174
000
321.072.000
4,18
1910 .
8
113
657.000
10
303
475
000
5
412.578
000
405.771.000
5,00
1911 .
8
.470
718.000
10
.738
.217
.000
5
.730.250
000
460.195.000
5,43
1912 .
8
622
401.000
11
.130
.135
.000
5
.581.289
000
400.315.000
4,64
1913 .
8
610
611.000
11
185
514
000
5
780.982
000
369.077.000
4,22
1914 .
8
680
760.000
11
566
541
000
5
667.073
000
451.653.000
5,13
1915 .
8
635
319.000
11
084
574
000
5
219.846
000
328.478.000
3,80
Nous n'avons pas cru devoir donner sous la forme d'un tableau les valeurs
de chemins de fer se trouvant entre les mains du public et qui forment la plus
grosse part du capital-actions ou obligations (les compagnies exploitant ou
contrôlant les réseaux possèdent en main la différence). Disons pourtant que
ces capitaux entre les mains du public, désignés sous le nom américain de « ca-
pital securities outstanding )>, représentaient 12 milliards 834 millions de dollars
en 1908, un peu plus de 15 milliards en 1911 et 16 milliards 308 millions en
1915. Les capitaux des compagnies spéciales dites « terminales » ou de « swit
ching », compagnies assurant la constitution et l'exploitation des gares de
triage, des gares terminus, etc., et dont nous parlions tout à l'heure, repré-
sentent en juin 1915 442.228.000 dollars, dont 516.240.000 sous la forme
d'obligations.
liCS résultats d'exploitation du réseau ferré américain sont traduits en dol-
lars par le tableau que voici, dans lequel nous consacrons une colonne spéciale
aux impôts payés par les chemins de fer; cette question des impôts étant très
grosse aux États-Unis, le fardeau réel pour les compagnies exploitantes, et la
ressource très importante pour la Confédération. '^
A N N K E .s
RECETTES D'BS
TOTALES
PI.OITATION
de ligne
DÉPENSES d'ex
TOTAIKS
l'I.OITATIoN
PAn «iri,i.F.
(le ligne
TOTAL
DES IMI'IJTS
I,:iy('.s
HECKTTKS
NKTTKS
d'exploitation
par mille
dr ligne
1905.
1906.
1907.
1908.
1909.
1910.
1911.
1912.
1913.
1914.
1915.
2.082.482.000 d.
2.235.71:5.000
2.589. lOG. 000
2.391.780.000
2.419.300.000
2.752.634.000
2.789.762.000
2.8I2.695.0J0
3.125.13(! 000
3.017.020.000
2. 956. 193.000
9.598 a.
10.460
11.383
10.491
10.3.56
11., 5.53
11.433
11.482
12.589
12.3,'<7
11.538
1.390.602.000(1.
1.. 536. 877. 000
1.74S.516.000
1.670.397.000
I . 599 . 903 . 000
1.821 201.000
1.9I5.0.')J.OOO
1.972. 416. 000
2.169.969.000
2.200.313.000
2.0S8.683.000
6.409 d.
6.912
7.6-i7
7.320
6.851
7.6,58
7 . «.'SO
7.968
8.929
8.914
8.152
63.475.000 d.
74.786.000
80 312.000
84.600. 000
90., 558. 000
103.853.000
103.309.000
120.091.000
127.332.000
140.531.000
139.298.000
3.189 d.
3.548
3.696
3.171
3.505
3.895
3.583
3.514
3.930
3.443
3.386
— 187 —
Il est fort intéressant, quand on veut étudier de près l'exploitation de voies
ferrées, de se rendre compte de la décomposition de leurs recettes au moins
autant que de la décomposition de leurs dépenses, et voici quelques renseigne-
ments à cet égard. Aussi bien cet intérêt est particulièrement grand quand
il s'agit des recettes provenant des transports postaux par exemple, puisque
les compagnies de chemins de fer américaines sont depuis longtemps en que-
relle avec l'État américain au sujet de l'insuffisance des redevances qu'on leur
verse de ce chef, étant donnés les services qu'elles rendent. On peut constater
immédiatement à la lecture d'une des colonnes du tableau ci-dessous que ces
recettes n'ont pour ainsi dire pas augmenté, en dépit de l'accroissement consi-
dérable du réseau ferré américain. Pour ce qui est des recettes des « services
d'express », nos collègues doivent savoir qu'il s'agit de transports correspondant
à peu près à nos colis postaux, les petits colis de messagerie; ces transports
sont effectués par des compagnies spéciales payant redevance aux compagnies
de chemins de 1er.
Années
Recettes
(le la
Recettes
du tralic
Receltes
pour
Scrvicfts
petite vitesse
des voyageurs
transports postaux
u cxpr6is
1905 . .
.450.773.000 d.
472.695.000 d.
45.426.000 d.
45.149.000 d
1906 . .
640.387.000
510.033.000
47.371.000
51.011.000
1907 . .
823.652.000
564.606.000
50.379.000
57.333.000
1908 . .
656.063.000
567.071.000
48.538.000
58.714.000
1909 . .
678.059.000
563.747.000
49.392.000
59.664.000
1910 . .
926.940.000
629.453.000
48.946.000
67.214.000
1911 . .
925.951.000
657.638.000
50.703.000
70.725.000
1912 . .
968.599.000
660.373.000
50.936.000
73.204.000
1913 . .
2
198.931.000
695.988.000
50.789.000
79.717.000
1914 . .
2
114.698.000
700.403.000
55.063.000
75.542.000
1915 . .
2
037.926.000
646.475.000
58.359.000
70.125.000
Pour ne pas allonger outre mesure ces statistiques, nous ne donnerons pas
le détail des dépenses d'exploitation réparties entre l'entretien du matériel
roulant, l'entretien des voies et bâtiments, le trafic et les dépenses générales.
Notons pourtant qu'en 1915, par exemple, l'entretien des voies et bâtiments
a représenté 381 millions et demi de dollars, l'entretien du matériel près de
510 millions, et le trafic 1 milliard 102 millions de dollars. Ce qui est plus inté-
ressant peut-être, c'est de faire remarquer que le rapport pour cent des dépenses
aux recettes, autrement dit le coefficient d'exploitation (ce que l'on appelle
aiiX États-Unis Yoperatine ratio), est passé de 66,7 en 1905 à 67,5 en 1907, s'est
élevé même à 69,7 en 1908. Pendant les deux années subséquentes, une très
grande diminution de ce coefficient a été obtenue parce que des économies
s'imposaient; on en est revenu à 68,6 % en 1911, à 69,3 en 1912, et le coefficient,
montant toujours, a dépassé 72 % en 1914. En 1915, il a été ramené à 70,7,
toujours sous l'influence des nécessités.
Que l'on nous permette de réunir dans un tableau ce qu'on peut appeler les
éléments de l'activité des chemins de fer, soit élément intellectuel et humain,
soit élément matériel : d'une part le nombre des agents, employés et ouvriers,
de l'autre celui des locomotives et l'effectif du matériel roulant.
188 —
Années
Nombre rt'agcnta
employés,
ouvrier;)
Dépenses
de
personnel
Nombre
de
locomotives
Nombre total
de
vfagoug
Effectif
des wagons
à voyageurs
Effectif
des wagons
b marchandises
1905 . .
1.382.000
839.945.
000 d.
48.357
1.843.000
40.713
1.731.000
1906 .
1.521.000
900.802
000
51.672
1.959.000
42.262
1.838.000
1907 .
1.672.000
1
072.386
000
55.388
2.127.000
43.973
1.992.000
1908 .
1.436.000
1
035.438
000
56.733
2.231.000
45.117
2.089.000
1909 .
1.503.000
988.324
000
57.212
2.218.000
45.584
2.074.000
1910 .
1.699.000
1
143.725
000
58.947
2.290.000
47.095
2.135.000
1911 .
1.670.000
1
208.466
000
61.327
2.359.000
49.818
2.196.000
1912 .
1.716.000
1
.252.348
000
62.262
2.383.000
51.490
2.216.000
1913 .
1.815.000
1
.373.831
.000
63.378
2.445.000
51.700
2.274.000
1914 .
1.695.000
1
.373.422
.000
64.760
2.504.000
53.466
2.326.000
1915 .
1.409.000
1
.164.844
.000
65.099
2.508.000
55.705
2.356.000
Au point de vue de la répartition du personnel, du moins pour Fannée 1915,
la dernière pour laquelle nous ayons des statistiques, nous trouvons 3.750 em-
ployés supérieurs gagnant au moins 3.000 dollars par an (ce qui correspond par
suite à un peu plus de 15.000 francs par an et à un traitement vraiment impor-
tant). Ce sont ensuite 3.300 employés également supérieurs, mais touchant
moins de 3.000 dollars annuellement; il y a du reste un millier d'agents des divi-
sions atteignant eux aussi à 3.000 dollars et plus, et 7.850 employés analogues,
mais touchant moins de 3.000 dollars. Les employés proprement dits com-
prennent un peu plus de 54.000 individus touchant au moins 900 dollars par
an, 90.000 employés ou clerks touchant moins que cette somme. On compte,
dans l'ensemble du personnel, un peu plus de 37.000 contremaîtres, chefs
d'équipe, 33.000 ouvriers mécaniciens, 24.000 mécaniciens proprement dits
et wattmen pour le trafic marchandises, 25.000 chauffeurs spécialisés dans
ce même trafic, ainsi que quelque 20.000 conducteurs de trains de marchan-
dises et 49.500 serre-freins. Pour le trafic voyageurs, il y a quelque 12.000 mé-
caniciens et wattmen, 11.400 chauffeurs, 9.900 conducteurs de trains, 5.400
préposés aux bagages, 13.500 serre-f . eins, etc. Il est à noter que le service des
gares de marchandises de triage, qui est très spécialisé aux États-Unis, entraîne
plus de 95 millions de dollars de distribution de salaires au personnel de ces gares
ainsi spécialisées. Ajoutons, puisque les questions de salaire sont très impor-
tantes dans tous les pays, notamment pour ce qui est des salaires et rétribu-
tions des employés de chemins de fer, et puisque d'autre part des mesures
très interventionnistes ont été prises aux États-Unis pour augmenter d'auto-
rité cette rétribution des employés et agents de chemins de fer, ou tout au moins
diminuer leurs heures de travail, que, pour le trafic marchandises, la rétribu-
tion horaire des employés des trains pendant l'année 1915 a été de 59,3 cents
pour les mécaniciens du trafic marchandises (1), de 37,8 pour les chauffeurs
appartenant à ce même service, de 49,4 pour les conducteurs de trains de mar-
chandises; pour le trafic voyageurs, la rétribution horaire ressort à 80,5 pour
les mécaniciens, à 49,7 pour les chauffeurs, à 65,3 pour les conducteurs, à 37,6
pour les serre-freins.
En ce qui est du matériel de traction ou du matériel roulant, certains chiffres
sont à emprunter aux statistiques, parce qu'ils permettent de révéler la trans-
(1) Le cent est la centicmo partie du dollar de 5'' 18.
— 189 —
formation technique, les progrès industriels réalisés sur le réseau ferré améri-
cain. C'est ainsi que l'on voit la puissance de traction des locomotives, qui
n'était encore en 1905 et en moyenne que de 23.666 livres (il s'agit de la livre
de 453 grammes), monter déjà à 26.634 en 1909, à 28.634 en 1912 et atteindre
31.546 livres en 1915; les locomotives américaines devenant constamment
plus lourdes et plus puissantes et tractionnant des trains de p'us en plus pe-
sants. De même la capacité en lourd des wagons à marchandises a crû conti-
nuellement jusqu'à atteindre un chiffre moyen qui fait étrangement pâlir les
qualités porteuses de notre matériel européen. Cette capacité moyenne par
wagon de marchandises était de 31 tonnes en 1905, de 36 en 1910 et de 40 en
1915 (1). Dans la répartition du matériel roulant, nous noterons comme détail
intéressant que le nombre des w^agons à voyageurs proprement dits est de
36.000 environ, auquel il faut ajouter 2.800 wagons-salons, wagons-couchettes,
wagons-restaurants et quelque 14.500 fourgons postaux, fourgons à bagages,
fourgons à petits colis express, sans parler des wagons divers des services des
voyageurs. Dans le service des marchandises, les wagons à bestiaux sont au
nombre de 86.000, les wagons à charbon de 901.000; on ne compte pas moins
de 9.500 wagons-réservoirs et de 52.500 wagons frigorifiques. Les compagnies
de chemins de fer américaines possèdent maintenant plus de 514.000 wagons
en acier et 680.000 véhicules à châssis métallique en acier (ce qui est relative-
ment une nouveauté aux Etats-Unis, si bizarre que cela puisse paraître). Les
wagons entièrement en acier comprennent : 6.900 wagons à voyageurs, 700 wa-
gons-salons, couchettes ou restaurants, 3.150 fourgons postaux, à bagages ou
express. Les statistiques américaines, et particulièrement les relevés qui ont
été faits par le « Bureau of Railway Economies » donnent des renseignements
très abondants (au contraire des statistiques anglaises si sommaires à cet
égard) sur le mouvement des unités de trafic, mouvement des trains soit de
marchandises, soit de voyageurs, parcours et tonnes de marchandises se tra-
duisant par un chiffre de « tonnes-mille « correspondant aux tonnes kilomé-
triques françaises (sous réserve de la conversion, qui se fait sur la base des
907 kilos pour la tonne et des 1.609 mètres pour le mille, ce qui permet d'em-
ployer le multiplicateur 1,459 pour transformer une tonne-mille américaine
en une tonne française à 1 kilomètre). Notons que le tonnage total représentant
le trafic marchandises dans une des colonnes du tableau que nous donnons
correspond au tonnage « prenant naissance » sur les diverses lignes considérées.
Tout naturellement pour convertir le parcours des trains, qui est donné en
milles, en parcours kilométrique, il suffit d'appliquer le coefRcient de 1.609 mè-
tres pour le mille. Il n'en est pas différemment pour les voitures-mille en ma-
tière de trafic marchandises (comme cela serait pour le trafic voyageurs),
ces parcours n'étant donnés au reste que pour le trafic payant et non point
pour les transports en service.
(1) Nous rappelons que la tonne américaine ou short ton, tonne courte, est de 907 kilos,
alors que la tonne anglaise, désignée et employée assez souvent aux États-Unis sous le nom
de long-ton, est de 1.016 kilos.
— lyu
T O H N A G E
PARCOURS
PAR-COURS
TONNES
PARCOURS
VOYAGEURS
ANNÉES
des
DES TRAINS
de
DES WAGONS
à
TIlA.\SPaRT«ES
à
DES THAINS
de
TRANSPORTÉS
à
MAHCIIANOISES
marchandises
marchandises
1 mille
voyageurs
i mille
1905. . . .
715.663.000 t.
546.424.000 111.
15.082.071.000 111.
186.463.110.000 t.
459.827.000 m.
23.800.149.000 v.
1906. . . .
820.165.000
594.006.000
16.589.953.000
215.877.551.000
479.038.000
25.167.241.000
1907. . . .
893.185.000
629.996.000
17.122.260.000
236.601.390.000
509.328.000
27.718.554.000
1908. . . .
797.216.000
587.218.000
16.857.003.000
218.381.555.000
505.946.000
29.082.837.000
1909. . . .
826.493.000
568.855.000
17.169.413.000
218.802.987.000
506.011.000
29.109.323.000
1910. . . .
968.464.000
635.451.000
18.981.574.000
255.016.910.000
549.015.000
32.338.496.000
1911. . . .
967.234.000
626,496.000
19.315.156.000
253.783.702.000
572.929.000
33.201.695.000
1912. . . .
998.283.000
612.345.000
19.466.402.000
264. 080.745. noO
585.854.000
33.132.355.000
1913. . . .
1.144. 840. OUO
643.841.000
21.034.670.000
301. 398.752. tiOO
593.061.000
34.575.873.000
1914. . . .
1.094.124.000
605.923.000
20.796.895.000
288.319.890.000
602.389.000
35.258.498.000
1915. . . .
1.002.404.000
552.004.000
20.086.427.000
276.830.303.000
580.448.000
32.384.248.000
Comme détails complémentaires sur ces différentes formes de transport
et de l'activité des deux grandes natures de transport, notons que, dans le
tonnage des marchandises, tonnage brut, et pour Tannée 1915, les produits de
l'agriculture représentent seulement 113 millions de tonnes, tandis que le
chiffre des minéraux, minerais et produits divers des mines atteint 557 mil-
lions de tonnes. La part des produits animaux est de 27 millions à peine, celle
des articles manufacturés de 136 millions. En dehors du parcours des trains
de marchandises proprement dits, il faudrait faire état de 38 millions pour les
trains mixtes. Pour la densité des trains de marchandises, ce qui correspond
plus exactement au parcours en milles des trains de marchandises par mille
de ligne, elle est de 2,147 seulement en 1915; tandis que le chiffre correspondant
était de 2,656 en 1913, de 2,801 en 1907, année de pléthore, de 2,704 en 1906.
Le parcours en milles des véhicules chargés a été seulement en 1915 de
12.939.500.000 milles, sur le total de 20 milliards 86 millions à peu près
que nous donnons comme total du parcours des véhicules à marchandises.
Signalons ce fait assez curieux : bien que très souvent (et c'est pour cela
qu'on emploie des locomotives à haute puissance) les trains de marchandises
aux Etats-Unis comprennent tin nombre formidable de wagons correspondant
à un poids également extraordinairement élevé, en moyenne le nombre de
véhicules par train de marchandises ne dépasse guère 34; et encore si on ne
considérait que le nombre des véhicules chargés, on n'arriverait pas au chiffre
de 22 par train. Le parcours moyen d'une tonne transportée est toujours
un facteur très intéressant à considérer. En 1^15 ce chiffre a légèrement dé-
passé 275 milles en moyenne, tandis qu'il n'était que de 257 à peine en 1912,
de 237 environ en 1905, En la matière on constate une augmentation à peu
près continue de ce parcours moyen de tonnes transportées (toujours tonne
américaine de 907 kilos). Au surplus ce que l'on appelle dans les statistiques
la densité du trafic marchandises, c'est-à-dire le nombre de tonnes à un mille
transportées par mille de ligne, s'élève de façon à peu près régulière. Il a été
en 1915 de 1.121.000 tonnes, tandis que le chiffre correspondant n'était que
de 1.078,000 en 1912, de 975.000 en 1909, de 861.000 en 1905 (il est vrai que
l'année 1907, année exceptionnelle, s'était traduite par le chiffre très élevé
de 1.052.000 tonnes-mille). Quant au nombre de tonnes par train de marchan-
dises, il accuse également un progrès très sensible, qui correspond à une
meilleure utilisation du matériel et des lignes : le chiffre a été d'un peu plus
— 191 —
de 474 tonnes en 1915, contre 407 tonnes en 1912, 362 en 1909, 357 seulement
en 1907 et enfin 322 en 1905. Il s'en faut du reste que le matériel soit utilisé
à plein aux États-Unis pas plus qu'ailleurs, puisque le nombre de tonnes même
par wagon chargé ne ressort qu'à 21 à peu près en 1915, à moins de 20 en
1911, à 18 environ en 1905. N'oublions pas de mentionner la recette moyenne
par tonne transportée à un mille, mettons par tonne-mille : c'est un rensei-
gnement très intéressant au point de vue du tarif, tout au moins du tarif
appliqué. Cette recette n'était que de 0,766 cent en 1905, elle a baissé constam-
ment depuis lors, tombant à 0,759 en 1907, à 0,754 en 1912 et à 0,732 en
1915, après avoir accusé un chiffre encore plus faible en 1913.
Au point de vue du trafic des voyageurs, nous noterons que le nombre de
trains-mille par mille de ligne est en 1915 de 2,258, après avoir pu atteindre
2,450 en 1914; le chiffre correspondant n'était que de 2,143 en 1905. Le nombre
total des voitures-mille dans ce même trafic voyageurs a été de 2 milliards
120 millions en 1915, contre 2 milliards 295 millions en 1914, mais seulement
1 milliard 868 millions en 1908. Le parcours moyen du voyageur (en mille bien
entendu) n'accuse pas un progrès bien sensible. Il était de 32,2 en 1905; il a
pu s'élever à 33,5 en 1910, nous le retrouvons à 33,6 en 1914; il tombe à
33,2 en 1915. Ce qui est assez curieux pour ceux qui se figurent que l'intensité
des voyages est énorme aux États-Unis, c'est que le nombre de voyageurs
par train, en moyenne bien entendu, n'est guère que de 53 en 1915; il avait
atteint le maximum de 56 en 1914, comme en 1910; il n'était que de 48 en
1905. Aussi bien le nombre des voyages par an et par habitant de la grande
Confédération n'est pas extraordinairement élevé: il était de 8,8 en 1905;
il a monté à un maximum de 10,6 en 1914; il se retrouve à 9,7 en 1915. N'ou-
blions pas enfin, pour le renseignement précieux qu'il donne au point de vue
du tarif appliqué comme nous le disions, le chiffre de la recette moyenne par
voyageur à un mille : en 1905 on était en face d'une recette de 1,96 cent; cette
recette a pu s'élever à 2,01 en 1907 pour retomber à 1,93 en 1909. En 1913
elle dépassait 2 cents, mais est descendue à 1,98 en 1915.
Nous ne pouvons manquer de fournir un chiffre sur les accidents de chemins
de fer aux États-Unis; ils ne sont point rares, et résultent de la façon primitive
encore dont les réseaux sont exploités. Du fait des accidents de train propre-
ment dits, le nombre des voyageurs tués a été de 89 en 1915, celui des employés
tués de 221 pour les employés en service, 75 morts ayant frappé d'autre part
ce qu'on appelle les trespassers, c'est-à-dire les gens qui circulent sur les voies
indûment, ou les personnes étrangères au service ou ne faisant point partie
des voyageurs transportés. Pour les blessés, le chiffre est de 4.648 voyageurs;
celui des employés en service de 3.371, et on arrive avec les autres chapitres
à 8.362. Ces totaux sont assez modestes puisque pour l'année 1912 par exemple
le nombre des blessés avait dépassé 17.000, dont 9.391 voyageurs, et celui
des tués avait atteint 859 personnes dont 139 voyageurs. Pour les accidents
autres que les accidents de train, en 1915 133 voyageurs ont été tués, 1.373 em-
ployés en service, 4.996 trespassers, le total des tués étant de 7.868. Pour les
blessés, sur un total de 54.486 personnes, on cornpte 7.462 voyageurs, 34.689
employés en service et 6.287 trespassers. Ce sont des chiffres très élevés qui
résultent, d'une part, du développement considérable du réseau des voies
— 192 —
ferrées américaines, mais aussi des pratiques auxquelles nous faisions allusion.
Le fait est que, dans l'ensemble de la Confédération, sur un total de 256.000
passages à niveau, il n'y en a pas moins de 224.000 qui ne sont point protégés;
et encore dans ce total compte-t-on plus de 4.000 croisements à niveau avec
d'autres voies ferrées et 2.200 avec des tramways urbains ou inter-urbains.
Pour tout ce qui concerne le réseau ferré de la puissante Confédération, les
chiffres sont imposants; ils sont même quelquefois impressionnants!
Daniel Bellet.
IV
CHRONIQUE DE DÉMOGRAPHIE
LES AVEUGLES ET SOURDS-MUETS EN FRANCE EN 1911
De 1851 à 1876, les lecensements quinquennaux de la population française avaient
fait connaître le nombre des aveugles et celui des sourds-muets. La question relative
à ces infirmités, supprimée à partir de 1881, n'a été rétablie qu'en 1901 sur la feuille
de ménage. Le Bulletin de la Statistique générale de la France de janvier 1917 vient
de faire connaître les résultats du dernier dépouillement relatifs au dén(<mbrement
de 1911.
Le tableau ci-après présente la répartition des aveugles et des sourds-muets sui-
vant l'âge et le sexe, séparément pour ceux qui ont été recensés dans les familles et
pour ceux qui étaient placés dans des établissements : hospices, écoles spéciales, etc.
Pour servir de comparaison, on a rappelé les chiffres d'ensemble pour 1901.
Résultats du recensement du 5 mars 1911 : Aveugles et sourds-muets.
Ages en année»
■^ ^- — -
-^ — ^v — -
-—
■" — '
" — *■" — T"
-
Total
Masculin
1°
Féminin
Aveugles.
Masculin
Féminin
Ms
scnlin
Féuiinia
Moins de 2 ans .
51
30
21
30
20
»
1
2 à 5 ans. .
292
169
123
162
110
7
13
6 à 12 — . .
917
527
390
312
214
215
176
13 à 19 — . .
1.380
777
603
369
300
408
303
20 à 29 — .
1.628
925
703
821
536
104
167
30 à 39 — .
1.990
1.195
795 .
1.126
658
69
137
40 à 49 ^ .
2.785
1 . 661
1.124
1.501
979
160
145
50 à 59 — .
3.760
2.219
1 . 541
1.975
1.356
244
185
60 et plus. .
15.732
7.835
7.897
7.273
7.326
562
571
Non déclaré.
410
196
15.534
214
193
209
11.708
3
5
Totaux 1911
l . 28.945
13.411
13.762
T
.772
1.703
— 190
1 . 27.174
14.721
12.453
13.222
10.900
1
.499
1.553
2" Sourds-muets.
Moins de 2 ans
30
17
13
17
13
»
»
2 à 5 ans. .
651
351
300
338
280
13
20
6 à 12 — .
3.449
1.947
1.502
997
733
950
769
13 à 19 — .
. . 3.386
1.850
1 . 536
1.052
827
798
709
20 à 29 — .
. . 3.683
2.089
1 . 594
1.997
1.380
92
214
30 à 39 — .
. . 2.981
1 . 668
1.313
1.618
1.130
50
183
40 à 49 — .
. . 3.344
1.862
1.482
1.767
1.276
95
206
50 à 59 — .
1.788.
1 . 009
779
949
662
60
117
60 et plus. .
. . 2.167
1.131
1 . 036
1 . 065
900
66
136
Mon déclaré.
. . 344
212
132
201
127
7.328
11
5
Totaux 191
1 . 21.823
12.136
9.687
10.001
"2
.135
2.359
— 1
90
1 . 19.514
10.763
8.751
8.781
6.422
1
.982
2.329
— 498 —
Aveugles. — Par rapport à 1901, le nombre des aveugles en 1911, 28.945 au lieu
de 27.174, n'offre qu'un accroissement peu important; il comprend un peu plus
d'hommes que de femmes : 15.534, soit 56 %, au lieu de 13.411, ou 44 %. La grande
majorité des aveugles a été recensée dans les familles; les établissements n'en comp
tent que 3.500 environ sur près de 30.000.
Comme en 1901, la répartition par âge montre que plus do la moitié des aveugles
a dépassé soixante ans.
La comparaison avec les recensements anciens montre que, de 1851 à 1901, le
nombre relatif des aveugles a diminué régulièrement bien que la proportion des
vieillards dans la population totale aille en augmentant; en 1911, il y a par rapport
à 1901 une légère progression.
Aveugles Pour lOn.OOO
au total habitants
1851 37.662 105
1866 31.968 84
1901 27.174 70
1911 28.945 74
Dans une publication {Bulletin n° 130. The blind population of the United States,
1910) consacrée aux résultats du recensement de 1910, le Bureau du Census des États-
Unis a groupé les chiffres recueillis dans un grand nombre de pays. Les résultats prin-
cipaux de cette statistique internationale des aveugles ont été reproduits dans le
Bulletin de la Statistique générale de la France de juillet 1915: elle s'étend à un grand
nombre de pays réunissant plus de 874 millions d'habitants parmi lesquels on a
recensé 1.194.000 aveugles, soit 137 pour 100.000 habitants; la proportion relative
à la France est inférieure de moitié.
Parmi les nations européennes, c'est la Russie qui compte le plus d'aveugles :
202 pour 100.000 habitants, puis viennent : le Portugal, 133; la Bulgarie, 132; la
Finlande, 119; l'Itahe, 117; la Hongrie, 100; l'Irlande, 98; la Serbie, 94; la Nor-
vège, 93. Les pays d'Europe où l'on a recensé le moins d'aveugles sont : la Belgique,
^i3 pour 100.000 habitants; les Pays-Bas, 46; le Danemark, 53; l'Empire allemand,
61; l'Autriche, 61; l'Angleterre, 73.
Parmi les pays hors d'Europe, nous signalerons seulement la proportion extraordi-
nairement élevée de l'Egypte : 1.325 aveugles sur 100.000 habitants et celle des
États-Unis : 62 pour 100.000.
SocRDS-MUETS. — On a recensé en France, en 1911, 21.823 sourds-muets au lieu
de 19.514 dix ans auparavant. La répartition par sexe est la môme que pour les
aveugles : hommes, 12.136, soit 56 %; femmes, 9.687, soit 44 %. La proportion des
sourds-muets placés dans les établissements est plus élevée que pour les aveugles :
près de 4.500 sur moins de 22 000 sourds-muets. Presque tous sont des enfants placés
dans des écoles spéciales : 3.200 ont de six à dix-neuf ans. D'ailleurs les sourds-muets
sont répartis par âge beaucoup plus régulièrement que les aveugles qui sont, en
majorité, des vieillards.
La comparaison avec les recensements antérieurs fournit les résultats ci-après :
1851
1866
1901
1911
Comme pour les aveugles, il y a diminution régulière et importante de 1851 à
1901, légère augmentation en 1911.
Sourds-muets
Pour
au total
100.000 habitants
29.512
82
21.214
58
19.514
51
21.823
56
— 494
RECENSEMENT DE LA REPUBLIQUE ARGENTINE EN 1914
Le 30 juin 1914, on a procédé au recensement de la population dans la Repu
blique Argentine; la dernière opération de ce genre remontait à 1895. Le tableau
ci-après permet de comparer les résultats de 1895 à ceux de 1914 que vient de faire
connaître la feuille d'informations diplomatiques.
Buenos-Ayres (ville). . .
Buenos-Ayres (province)
Catamarca
Cordoba
Corrientes
Entre Rios
Jujuy
La Rioja
Mendoza
Salta
San Juan
San Luis
Santa Fé
Santiago
Tucuman
Territoires
République Argentine. . . 2.950
Superficie
en milliers
de
Popi
en milliers
d'après les
lation
d'hal
receiis
itants
ements
mai 1895
Aecroissement
en milliers pour cent
Habitants
par
kilomètre
kilomètres carrés
30 juin 1914
10
en 1914
0,186
1.576
664
912
137
8.462
305
2.066
921
1.145
124
6,8
123
100
90
10
11
0,8
161
735
351
384
109
4,6
84
347
240
107
45
4,1
75
425
292
133
46
5,7
49
77
50
27
54
1,5
90
80
70
10
15
0,9
146
278
116
162
139
1,9
161
141
118
23
19
0,9
87
119
84
35
41
1,4
74
116
81
35
43
1,6
132
900
397
503
126
6,8
103
262
162
100
62
2,5
23
333
216
117
54
14,4
1.337
330
103
227
220
0,2
7.885
3.955
3.930
99
2,7
La population de la République Argentine a donc presque doublé en dix-neuf ans;
mais la densité moyenne n'atteint pas encore 3 habitants par kilomètre carré. De
1895 à 1911, la ville de Buenos-Ayres a presque triplé sa population, qui atteint
actuellement 1.576.000 habitants; la ville et la province de Buenos-Ayres groupent
3.642.000 habitants, soit presque la moitié de la population totale de la République.
Cette population totale se répartit comme suit d'après le sexe et la nationalité :
Argentins
Étrangers
Ensemble
Ensemble
5.527.285
2.357.952
7.885.237
Sexe masculin
2.753.214
1.473.809
4.227.023
Sexe féminin
2.774.071
884.143
3.658.214
MOUVEMENT DE LA POPULATION EN ANGLETERRE EN 1916
Le Registrar gênerai a publié, le 31 janvier 1917, la statistique sommaire des actes
de l'état civil enregistrés, au cours de l'année 1916, en Angleterre et dans le pays
de Galles. Voici ces résultats comparés à ceux des années précédentes :
191C
1915
1914
1913
1912
Population
in
milliers
d'iribiuints
36.250
»
37.303
36.919
36.540
Mariages
279.227
360.026
294.087
286.583
283.834
iSaissancAs
vivantes
785.454
814.527
878.822
881.890
872.737
508.227
562.326
516.778
504.975
486.939
Proportion pour 10.000 habitants
Décédé»
Nouveaux Nés
mariés vivants
154
193
158
155
155
216
218
236
239
238
140
151
139
137
133
— 195 —
L'augmentation du nombre des mariages déjà sensible en 1914, considérable en
1915, surtout pendant le deuxième semestre, ne s'est pas maintenue en 1916.
Mariages
par
trimestre.
1916
1915
1914
]
913
1er
trimestre. . .
67
837
55
406
51
016
60
926
2e
— ...
74
461
97
038
81
096
65
904
ae
—
67
361
102
567
82
024
83
636
4e
— ...
69
568
105
015
79
951
76
117
POPULATION DES CONCESSIONS ÉTRANGÈRES A CHANG-HAI
Tous les cinq ans, on procède au recensement de la population dans les conces-
sions étrangères de Chang-Haï. Les résultats du recensement effectué en 1915 ont
été publiés dans le Calendrier-Annuaire pour 1917 édité par l'observatoire deZi-ka-weï
près Chang-Haï.
Sur la concession française, la population étrangère a passé de 1.476 en 1910 à
2.405 en 1915.
Sur la concession internationale formée par la réunion des anciennes concessions
anglaise et américaine, le nombre des étrangers dépasse 18.500 en 1915. contre
13.500 en 1910.
Le total pour les deux concessions s'est élevé en cinq ans de 15.012 à 20.924. Le
plus rapide accroissement est celui des Japonais, c[ui forment à eux seuls le tiers de
la population étrangère; viennent ensuite les Anglais, puis les Américains.
La population chinoise des deux concessions a passé de 602.000 en 1910, à 787.000
en 1915; pendant la même durée, la population chinoise de la seule concession fran-
çaise s'élevait de 115.000 à 146.000.
Les tableaux ci-après permettent de suivre l'accroissement du nombre des étran-
gers pour les nationalités les plus nombreuses.
Population
indigèDC
1915 146.595
1910 114.470
1905 96.132
1900 91.646
1895 52.188
1890 41.166
1° Concession française.
Population
elrangere
totale
^Français
Anglais
Allemands
Japonai
2.405
364
681
270
218
1.476
436
314
148
105
831
274
109
47
73
622
218
71
33
95
430
143
66
34
18
444
149
87
39
17
On remarquera que le nombre des Français a diminué de 1910 à 1915, par suite
de la guerre européenne, tandis que celui des Anglais, des Allemands et des Japo-
nais faisait plus que doubler. Le même fait s'est d'ailleurs produit dans la conces-
sion internationale où les Anglais ont cédé la première place aux Japonais, dont le
nombre a passé de 3.361 en 1910 à 7.169 en 1915. Les Japonais forment ainsi bien
près de la moitié de la population non chinoise de la concession internationale.
2° Concession internationale
Popiilation
étrangère
totale
Dont :
Japonais
Aiigla s Portugais
Américains
\ii
manda
Indiens
Russrs
l'ranra
1915 .
18.519
7.169
4.822 1.323
1.307
1
.155
1 . 009
361
244
1910 .
13.536
3.361
4.465 1.495
940
811
804
317
330
1905 .
11.497
2.157
3.713 1.331
991
785
568
354
393
1900 .
6.774
736
2.691 978
562
525
296
47
176
1890 .
3.821
386
1.574 564
323
244
89
7
114
1880 .•
2.197
168
1.057 285
230
159
4
3
41
1870 .
1 . 666
7
894 104
255
138
»
3
16
196
LES MISSIONS CATHOLIQUES EN CHINE ET AU JAPON
Le Calendrier-Annuaire pour 1917 de l'observatoire de Zi-ka-wei près Chang-Hai
contient quelques détails sur la situation des missions catholiques dans les Empires
chinois et japonais en 1916.
En Chine, le nombre des chrétiens serait de 1.827.000, soit environ 1 sur 234 habi-
tants; le nombre des prêtres atteindrait 2.380, dont 52 évoques, 1.494 prêtres euro-
péens et 834 prêtres indigènes. Les provinces dans lesquelles on compte le plus
grand nombre de chrétiens sont celles de Chang-Haï (234.700) et de Pékin (204.800).
Dans l'Empire japonais, il y a 162 000 chrétiens, dont 57.000 en Corée, et 282 prê-
tres, dont 6 évêques, 217 prêtres européens et 59 prêtres indigènes.
Michel Hi'BER.
V
CHRONIQUE DES QUESTIONS OUVRIÈRES ET DES ASSURANCES
SUR LA VIE
Les comités consultatifs d'action économique. — Les comités consultatifs d'action
économique fondés par le décret du 25 octobre 1915 ont reçu, de la circulaire du
25 décembre suivant, la double mission : « 1° d'adapter la vie économique aux cir-
constances créées par l'état de guerre; 2° de faire en sorte qu'au lendemain de la
cessation des hostilités, le pays puisse revenir le plus rapidement possible à sa vie
normale et de préparer son expansion économique. » Cette tâche comporte, à l'évi-
dence, le devoir d'apporter aux pouvoirs publics des renseignements aussi exacts que
possible sur l'état et les besoins des diverses régions. Elle doit trouver sa réalisation
dans une série d'enquêtes dont l'initiative revient au Comité consultatif de la 18^ ré-
gion : cette initiative a en effet reçu non seulement l'approbation, mais encore la
consécration du sous-secrétariat d'État du Ravitaillement et de l'Intendance, dont
la circulaire du 8 septembre 1916 a prescrit, dans chaque région, l'exécution
d'enquêtes départementales effectuées sur les bases et le plan adoptés à Bordeaux.
Rien n'est plus instructif à la fois pour la tâche entreprise et pour les enquêtes
ultérieures que la diffusion des résultats de la première opération départementale.
Tel est l'objet du magistral volume que la librairie Delmas (1) vient de publier avec
autant do célérité que de succès et qui présente « en un raccourci synthétique la
physionomie » de l'activité industrielle du département des Landes.
Aussi bien le terrain était-il particulièrement bien choisi pour la démonstration
de l'étendue de l'œuvre à accomplir dans la période d'après-guerre. En efTet, si la
prospérité de la région landaise a été surtout le fruit d'une puissante activité indus-
trielle prenant pour origine la plantation des pins et pour terme l'utilisation d(> leurs
produits et sous-produits, la technique doit être perfectionnée tant au point de
vue de l'exploitation des pins que de celui du traitement des dérivés produits soit
par la forêt, soit par l'industrie résinière, projet dont la réalisation exige le recours
à la science et, par suite, la création, dans le département, d'une école dont les
maîtres, par la ditîusion dos résultats de leurs recherches, et les élèves, par leur colla-
boration à l'industrie locale, apporteraient les lumières do la théorie au sein de la
pratique.
Sans reproduire les détails du programme qui s'inspirent de considérations locales,
il importe du moins de rendre hommage au libéralisme des conceptions qui l'inspirent
(1) Enquête sur la reprise et le développement de la i'ie industrielle dans la région landaise.
Un volume in-4. Librairie Delmas, 6, place Faint-Chrisloly^ Bordeaux/1917.
— 197 —
et qui, loin de faire un appel désespéré au concours de l'État, ne cherchent à mettre
en œuvre que les ressources inépuisables et toujours fécondes de L'initiative privée.
L'économie politique et les questions ouvrières. — L'économie politique est,
dans ses applications, en relation trop directe avec les questions ouvrières pour
qu'il soit interdit de lui réserver une place dans la présente chronique. Bien plus, au
lendemain de la décision appliquée à ce « Collège » qu'administra Emile Levasseur,
est-ce un devoir d'en répandre par le .livre les principes et les leçons, de même que la
suppression définitive d'une chaire d'enseignement thérapeutique au cours d'une
épidémie ou d'une calamité sanitaire commanderait de suppléer par la plume à l'in-
sufTisance de la parole. Dans ce but, je n'hésite pas à appeler Fattention de la science
française sur l'œuvre magistrale que l'éminent homme d'État, M. N.-G. Pierson, a
publiée sous la forme d'un traité d'économie politique et dont la Bibliothèque inter-
nationale d'économie politique, dirigée par M. Alfred Bonnet (1), a confié la traduc-
tion à M. Louis Suret. Cet ouvrage répond d'autant mieux aux préoccupations de
l'heure actuelle qu'aux termes mêmes de sa préface, il est destiné tant à la clientèle
de l'enseignement supérieur qu'à la généralité du grand public.
De plus, indépendamment de la haute personnalité de son auteur, ce traité
emprunte un intérêt spécial à son double caractère de nationalité et d'originalité.
Produit sur la terre classique de l'assurance, il ne peut manquer de réserver aux
questions de prévoyance et aux données de statistique une place considérable sinon
dans ses manifestations extérieures, du moins dans les conceptions qu'il traduit ou les
réflexions dont il apporte les savantes conclusions; inspiré par le souci de sortir des
sentiers battus, il affirme dès le début la nécessité de s'affranchir des traditions jusque
dans l'agencement des matières et le tracé du cadre. La discussion des plans adoptés
avant lui, à quelque date qu'ils remontent depuis J.-B. Say jusqu'à M. Gide, aboutit,
au refus d'une place distincte pour l'étude de la consommation- et conduit à la subor-
dination de celle de la production par rapport à l'analyse de l'échange et à l'exposé
de la théorie de la valeur.
Les lecteurs de cette chronique me reprocheraient de suivre M. Pierson sur le
terrain de cette discussion. Ils ont du reste une connaissance suffisante des principes
pour ne pas chercher dans un ouvrage de cette nature des leçons élémentaires :
ils lui demandent surtout la nouveauté des aperçus et la facilité des recherches. Les
considérations précédentes leur garantissent que, sur le premier point, ils sont cer-
tains d'être satisfaits par la lecture de l'ouvrage; quant au second, un rapide
examen de la table des matières permet d'y trouver la référence directe au para-
graphe cherché dont le titre annoncé par un caractère fort visible révèle aussitôt
les limites et la teneur. Enfin, dans le domaine de la pratique, au moment où la
taxation des bénéfices de guerre provoque des incertitudes et des débats sur la
notion du capital « investi », la lecture des chapitres consacrés à l'étude de concept
et de rémunération du capital sera féconde en aperçus particulièrement instructifs.
Tels sont les motifs qui, contrairement à l'aspect théorique dont s'enveloppe ce
volume, en fait un ouvrage d'attrayante investigation pour les esprits curieux et de
précieuse documentation pour les esprits avides de conclusions pratiques.
Le Dalloz et la guerre. — Le début de l'année 1917 voit s'ouvrir le 16® volume de
la Collection Dalloz consacrée à la Guerre de 1914. Portant sur la période des six pre-
mières-semaines, ce livre (2) apporte sur les matières économicjues et sociales, spé-
cialement sur les assurances et la législation ouvrière, de précieuses contributions.
Telles sont, dans le premier domaine, la loi du 25 janvier 1917 qui a modifié celle
du 10 août 1915 relative à la garantie de l'État en matière d'assurance contre les
risques maritimes de guerre, et la loi du 15 février 1917 qui a organisé la surveil-
(1) Traité d'Économie politique, par Pierson, t. l, 1 vol. in-8. Broché, 12 fr. 50; relié,
14 fr. Paris, Giard et Brière, 1916.
(2) Un volume. Paris, librairie Dalloz, 11, rue Soufflot, 2 fr.
— 198 —
lance des opérations de réassurance souscrites ou exécutées en France ou en
Algérie.
Tel est, (^ans «le second, le décret du 17 janvier 1917, relatif au règlement des diffé-
rends collectifs entre patrons et ouvriers libres de toute obligation militaire dans
les entreprises privées travaillant à la fabrication des armements, des munitions et du
matériel de guerre.
Établi sur les mêmes bases et d'après les mêmes plans que les volumes précédents,
le 16^ tome, que termine d'ailleurs une excellente table alphabétique, est digne de
prendre place dans la lignée de ses aînés en y préparant l'entrée de ses cadets.
La participation aux bénéfices. — Des esprits éclairés envisagent l'application de la
participation aux bénéfices comme une des solutions de nature à régler les difficultés
de l'après-guerre entre le capital et le travail. De là l'obligation pour le patron d'éva-
luer son bénéfice pour en discuter l'attribution partielle à ses ouvriers : cette opéra-
tion, déjà délicate au point de vue comptable dans les incertitudes que comporte
l'appréciation des divers éléments du calcul, le devient plus encore dans l'affectation
qui doit être donnée aux résultats de l'évaluation. Toutefois comme la première opé-
ration est la condition de la seconde, il est essentiel que le chef d'entreprise ait
effectué ses calculs sur des bases indiscutables : il peut notamment les trouver sous
l'égide de la loi en s'inspirant des règles qui dérivent de la taxation des bénéfices de
guerre. De cette considération se dégage l'utilité, même pour les patrons non soumis à
cet impôt, de connaître dans leur genèse et dans leurs détails d'application les mesu-
res édictées par le législateur en cette matière spéciale. Le titre même de l'opuscule
publié par la librairie Delmas de Bordeaux s'inspire de cette préoccupation; il vise en
effet « ce que tout le monde doit savoir au sujet de V impôt sur les bénéfices de guerre {i)n
et présente sous la forme la plus claire les éléments de ce régime exceptionnel sans
omettre les références utiles et parfois même la reproduction textuelle des parties
fondamentales de documents préparatoires.
Au reste, en dépit de son caractère récent, cette législation se complète déjà par
des mesures d'application ou d'interprétation. C'est ainsi que les commentateurs,
dont, déjà, le public a enlevé les premières éditions, doivent les remettre à jour pour
en apporter une nouvelle. Tel est le cas du livre de M. F. -J. Combat, L'Impôt sur
les bénéfices de guerre (2) dans sa troisième édition augmentée et mise à jour qu'il date
de 1917. L'éloge de l'auteur et du livre n'est plus à faire : les lecteurs du Journal de
la Société de Statistique les connaissent l'un et l'autre par le compte rendu que j'ai
donné naguère d'une précédente édition. Je ne puis que confirmer mon élogieuse
appréciation et je me féliciterais si mon modeste témoignage avait pu contribuer à
la diffusion de cet excellent instrument de travail. Ce n'est point du reste la der-
nière édition que nous réserve M. Combat : il sait mieux que moi que, depuis la
publication de son livre, M. le sénateur Boudenoot a provoqué et obtenu de l'Admi-
nistration compétente des précisions sur la définition du « capital engagé dans l'en-
treprise »; il ne manquera pas de nous les donner en remettant à jour les pages 61 et
62 de son précieux ouvrage.
Le moratorium, le crédit, les tribunaux et l'agriculture. — Lors de la dernière
assemblée générale du Comptoir National d'Escompte, le Conseil d'administration
signalait dans son rapport les graves inconvénients qui résultent de la prolongation
de moins en moins justifiée du régime des moratoriums. L'auteur de ce document
envisageant naturellement la question au point de vue spécial du crédit.
Elle n'est pas moins angoissante au point de vue procédural : les difficultés qu'en-
traîne la guerre quant à l'exécution forcée, à l'organisation judiciaire et à la compé-
tence en matière civile et commerciale sont aussi nombreuses que délicates. Un émi-
nent juriste, M. René Japiot, professeur de procédure à la Faculté de droit de Caen
et directeur du Recueil périodique de procédure civile, a entrepris pour les exposer et
(1) Bordeaux, Librairie sociale, 75 cent.
(2) Berger-Levrault, Paris et Nancy, prix : 2 fr. 50.
— 199 —
les résoudre une œuvre monumentale sous la forme d'un Traité théorique et pratique
du droit procédural de la guerre (1) ; cet ouvrage, qui paraît sous forme de fascicules, est
caractérisé non seulement par la science juridique de son auteur mais encore par
le souci qui Fanime de porter la clarté dans cette «forêt vierge « à l'aide des lumières
de son savoir doctrinal et des artifices matériels de la typographie : préoccupations
méritoires dont lui sauront gré tous les lecteurs jaloux d'épargner le temps de leurs
recherches et de recueillir sans effort les solutions qu'ils désirent. Le rejet dans de
copieuses annotations des développements qui justifient les conclusions formulées
allège la partie principale du texte sans priver les esprits curieux des éléments de
discussion sur les points sujets à controverse. Aussi un tel traité est-il appelé
à survivre dans la littérature juridique aux circonstances exceptionnelles qui en
ont motivé l'apparition.
Les baux à ferme ne bénéficient pas, à la différence des baux à loyer, de certaines
prorogations de droit : on ne peut en effet assimiler à ces dernières les ajournements
que le juge de paix peut, en vertu de l'article 8 du décret du 1^^ septembre 1914,
accorder aux fermiers mobilisés ou non mais résidant dans un certain nombre de
départements limitativement définis en raison de leur voisinage de la zone des armées.
De plus, des décrets ont réglé la question de la suspension des congés et celle de la
prorogation des baux. La hbrairie Delmas a eu l'excellente idée de réunir ces mesures
dans un tableau synoptique inséré dans la brochure qu'elle a consacrée à la loi sur
la mise en culture des terres abandonnées (2) et qui possède les qualités de clarté et
de sens pratique dont la grande maison d'éditions bordelaise s'est fait un véritable
monopole.
Le Congrès national du livre. — Le Congrès national du livre, qui s'est tenu récem-
ment à Paris, a donné lieu à la présentation d'un rapport sur les œuvres sociales du livre
par M. Félix de Patchère. Ce rapport mérite une mention moins peut-être à cause des
renseignements dont il est rempli qu'au souci de la classification qu'il établit entre
les œuvres existantes. Ce n'est pas que la documentation soit dénuée d'intérêt ou de
valeur : bien au contraire c'est une mine précieuse où se manifestent une fois de plus
l'inlassable dévouement et la minutieuse conscience du président de la Société de
secours mutuels des employés en librairie de Paris; mais la classification survivra
aux institutions qui évoluent comme le temps, de même que le cadre survit au
tableau et reçoit tour à tour les toiles que le peintre présente à chacune des exposi-
tions annuelles.
Cette classification est, sous réserve d'une terminologie qui peut être discutée, basée
sur la définition de la personne physique ou morale qui a créé et qui alimente l'œuvre
considérée : patrons, ouvriers, divers.
Dans la première catégorie, réservée aux œuvres patronales, le rapporteur a dis-
tingué les institutions d'après leur objet : participation aux bénéfices, retraites, avan-
tages spéciaux.
Dans la deuxième, figurent les syndicats professionnels, les associations et les sociétés
de secours mutuels.
Ce rapport avait pour conclusion logique un premier vœu tendant à la création
d'une commission d'économie sociale au Cercle de la librairie en vue de réunir tous
documents utiles, de fournir des renseignements aux intéressés et de contribuer au
développement et à la propagation des œuvres sociales du livre; un second vœu
tendant à procurer une aide mutuelle et morale aux « pupilles du livre » dont les
pères sont tombés au champ d'honneur.
Un tel rapport et les mesures auxquelles il doit aboutir constituent une remar-
quable manifestation d'économie sociale au cours de cette longue période de guerre
et une œuvre féconde pour la solution des problèmes du travail au lendemain de la
paix.
(1) Librairie Arthur-Rousseau, Paris, 14, rue Soufflet.
(2) Ce que tout le monde doit savoir sur la mise en culture des terres abandonnées et le mora-
torium des baux à ferme. Bordeaux. Librairie sociale, 75 cent.
— 200 —
L'Institut national italien des assurances. — M. Magaldi, à qui incombe la tâche
redoutable de présider au fonctionnement de l'Institut national italien des assu-
rances, n'a pas hésité à apporter dans cette tâche toute la puissance de son savoir
et toute l'énergie de son inlassable activité. Il en a donné une nouvelle preuve dans
la conférence qu'il a présentée à l'Université populaire de Rome sur « les assurances
privées et l'institut national des assurances ».
On peut, sans doute, discuter les vues de l'auteur sur la valeur des institutions
d'Etat et des monopoles d'assurance, mais on ne peut nier la haute conscience du
technicien et la compétence de l'administrateur dont M. le commandeur V. Magaldi
a donné un nouveau témoignage dans la tâche laborieuse qui lui était assignée.
Maurice BELLOM.
VI
LISTE DES DOCUIVIENTS PRÉSENTÉS DANS LA SÉANCE DU 16
1917
ORIGINE ET NATURE
des
DOCUMENTS
INDICES
de
CLASSEMENT
dans la
Bibliothèque
ORIGINE ET NATURE
des
DOCUMENTS
INDICES
de
classement
dans la
Bibliothèque
DOCUIVIENTS OFFICIELS
Suéde
Danemark
Bureau de statislùjue de l'État. — Com-
munications statistiques, t^^■ série.
DalO 87 L
Esbaai 84
Eu'-B3 16
DÉPARTEMENT CiviL. — Stalîslique agri-
cole annuelle pour 191O
— .'\louvement des chemins de fer de
l'État. 1915
SAa4 16
SAdla 15
SAbS 14
Scii 14
:rc275
Espagne
Ville de Barcelone
Bureau de la Municipalité. — Annuaire
statistique de la ville de Barcelone
— Les laiteries. Année 1914
DÉPAUTEMENT DES FINANCES. — Financcs
des communes en 1914
DOCUIVIENTS PRIVÉS
Chambre de Commerce de Marseille. —
Compte rendu de la situation com-
merciale et industrielle de la cir-
conscription de Marseille pendant
États-Unis
DÉPAUTEMENT DU TRAVAIL. — Bulletin KjG.
Proceedings of employment mana-
gers' conférence. May 191C
Le Gérant: l\. STEINHEIL
NANCY, imprimerie DKUGER-LEVRAULT — JUIN igl?
JOURNAL
DE LA
SOCIETE DE STATISTIQUE DE PARIS
N° 7. — JUILLET 1917
I
PBOCÈS-YERBAL DE LA SÉANCE DU 20 JUIN 1917
s o ]\j:]vr.A.iï{,B
OUVERTURE DE LA SEANCE PAR M. RAPHAËL-GEORGES LEVY, PRESIDENT, ET ADOPTION DU PROCES-
VERBAL DE LA SÉANCE DU 16 MAI 1917.
NOMINATION D'UN MEMBRE TITULAIRE.
NÉCROLOGIE.
COMMUNICATION DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET PRÉSENTATION D'OUVRAGES. -^
DEUXIÈME COMMUNICATION DE M. L.-J. MAGNAN SUR . LA DOUANE ET LA GUERRE ...
OUVERTURE DE LA SÉANCE PAR M. RAPHAËL-GEORGES LÉVY, PRÉSIDENT, ET ADOP-
TION DU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 16 MAI 1917
La séance est ouverte à 17^ 30 sous la présidence de M. Raphaël-Georges
LÉVY, président, qui met aux voix l'adoption du procès-verbal de la séance
du 16 mai, inséré dans le Journal de juin 1917. Ce procès-verbal est adopté
sans observations.
NOMINATION D'UN MEMBRE TITULAIRE
M. le Président met aux voix la candidature de M. Vallée (Charles), arma-
teur, présenté à la dernière séance par MM. Perquel et Barriol. Cette can-
didature n'ayant appelé aucune observation particulière, M. Vallée est
nommé membre titulaire.
NÉCROLOGIE
M. le Président annonce qu'il a reçu l'avis du décès de M. le I)^ Ernesto
Terzi, membre honoraire de la Société. M. le Secrétaire général a transmis à
iVjme veuve Terzi l'expression des condoléances de la Société. Un article
nécrologique sur notre collègue est inséré dans le présent numéro (Voir p. 242).
' '" sRiiiis. 68*' vol.. — N» 7 15
— 202 —
COMMUNICATIONS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET PRÉSENTATION D'OUVRAGES
M. le Secrétaire général annonce qu'il a reçu pour la Société un certain
nombre d'ouvrages, parmi lesquels il cite :
Canada. — Cinquième recensement du Canada. 1911. Occupations.
Espagne. — Statistique des passagers par mer. Année 1915.
France. — Statistique pénitentiaire pour Tannée 1914.
Hollande. — Annuaire statistique du royaume des Pays-Bas. 1914.
Japon. — Rapports annuels sur les réformes et progrès de la Corée. 1914-
1915.
Portugal. — Recensement de la population du Portugal au 1^^ décembre
1911, 5^ partie. — Population de fait, classée d'après les grandes divisions
professionnelles, en distinguant le sexe, par groupe d'âges.
Portugal. — Statistique spéciale annuelle du commerce et de la navigation.
Année 1914.
Suède. — Annuaire statistique de la Suède 1917.
— Fabrication et vente de l'eau-de-vie et fabrication du sucre de
betterave. 1915-1916.
Uruguay. ■ — Annuaire statistique pour 1913-1914. Livre XXIV.
Il fait une mention particulière d'un ouvrage de M. Perrée, membre cor-
respondant de la Société, sur Le Port de Rouen. Ce qu'il était avant la guerre,
ce qu'il est aujourd'hui.
M. Chervin offre un exemplaire du nouveau volume qu'il vient de publier
sous le titre U Allemagne de demain. L'auteur a fait, tout d'abord, un exposé
détaillé des éléments démographiques de l'Empire allemand d'après les docu-
ments statistiques officiels. Puis, sur cette base solide et indiscutable, il indique
comment pourront se réaliser les buts poursuivis par les Alliés. C'est ainsi
qu'il montre les droits impérissables de la France sur l'Alsace et la Lorraine
et le rétablissement intégral des territoires de la Belgique, de la Serbie et de
la Roumanie. Il rappelle les preuves déjà données dans son précédent volume
sur L'Autriche et la Hongrie de demain, que la libération des Slaves basée sur
le principe des nationalités ne peut s'effectuer que par le démembrement de
l'Autriche. Il explique ensuite comment les Polonais et les Tchécoslovaques
pourront se constituer en État indépendant et souverain et de quels éléments
géographiques et numériques ils se composent. Enfin, il envisage les garan-
ties territoriales et autres à exiger — y compris la question de la rive gauche
du Rhin — en dehors des restitutions et des libérations indispensables, si on
veut briser la force militaire de la Prusse et de ses complices et les condamner
pour longtemps à la défensive et à la paix.
DEUXIÈME COMMUNICATION DE M. L.-J. MAGNAN : « LA DOUANE ET LA GUERRE »
M. le Président donne la parole à M. L.-J. Magnan pour le développement
de sa communication.
M. L.-J. Magnan indique tout d'abord les principales modifications appor-
tées, depuis su précédente communication, à notre législation douanière. Il décrit
ensuite le rôle et le mode de fonctionnement de divers organes créés à l'occa-
sion de la guerre, dans le but d'assurer et de contrôh'r les mesures de défense
économique du pays. Ce sont notamment la Commission interministérielle des
dérogations aux prohibitions de sortie, la Commission des importations, la
Commission permanente internationale des contingents (C. I. C), le Comité
de restriction du commerce avec l'ennemi, la Commission des bois et métaux,
la Mission française en Suisse, la Société suisse de surveillance économique
(S. S. S.).
L'examen des statistiques douanières de 1916 donne lieu de constater, à
— 203 —
rimportation, un chiffre de 15 milliards de francs qui excède de près de 7 mil-
liards celui de 1913; et à l'exportation, un total de 5 milliards environ, infé-
rieur de près de 2 milliards à celui de ladite année. C'est là une situation
nettement défavorable, que l'état actuel de nos industries et de notre légis-
lation ne promet malheureusement pas de voir se dénouer à bref délai. Encore,
à l'importation, faut-il noter que les valeurs de l'année dernière ont été arbi-
trées d'après les taux de 1915, qui sont actuellement trop faibles d'un quart
environ. Il s'ensuit que les importations de 1916 peuvent se chiffrer par près de
19 milhards, total'siipérieur de 8 milliards, c'est-à-dire de 72 % à celui de 1915.
Pour expliquer ce résultat, qui est fait pour surprendre, étant données les
mesures prises par les Pouvoirs publics à l'effet de restreindre les importa-
tions, il faut remarquer, en premier lieu, que le chiffre global des importations
comprend les introductions, fort importantes, effectuées pour le compte de
l'armée. Quant aux restrictions édictées par le décret du 11 mai 1916 et sui-
vants, on doit noter que jusqu'ici elles n'ont pas joué effectivement en ce qui
concerne les pays alliés et qu'à l'égard des pays neutres l'effet en a été nota-
blement amoindri par de nombreuses dérogations. Le décret du 22 mars 1917
a grandement élargi le champ des prohibitions, ce qui permettrait de supposer
qu'il opposera dans l'avenir un obstacle efficace aux importations de luxe.
Toutefois, des doutes peuvent être exprimés à cet égard : d'une part, l'impor-
tation des produits visés à la liste n^ 2 de l'arrêté du 13 avril 1917 (produits
non indispensables et marchandises de lux'e) a déjà fortement diminué depuis
le début de la guerre. D'autre part, si l'on admet que les marchandises desti-
nées directement ou indirectement à la défense nationale forment 75 ou 80 %
du chiffre des entrées, il reste, comme soumis à la compression effective, le
quart ou le cinquième des importations. Ce résultat, quoique un peu mince,
serait cependant appréciable s'il ne devait avoir sa contre-partie dans une
forte diminution de nos envois à l'étranger. Il est à craindre, en effet, que
des mesures de réciprocité, on pourrait dire de représailles, ne viennent annihiler
nos efforts en compromettant l'amélioration de notre change et la rentrée des
espèces métalliques.
L'avenir nous fixera, ajoute M. L.- J. Magnan, sur la valeur réelle du système
économique auquel nous avons eu recours, et nous dira si nous n'eussions pas
été mieux inspirés en cherchant ailleurs le relèvement de notre crédit exté-
rieur. Ce que nous devons souhaiter, c'est de ne pas voir se justifier les craintes
qu'exprimait, l'année dernière, notre éminent ancien président, M. Yves-
GuYOT, lorsqu'il déclarait se méfier des prohibitions, qu'on est toujours tenté
de remplacer par de gros droits, lorsqu'il faut se résoudre à les lever. A cette
époque, il n'y avait encore qu'un petit nombre de marchandises prohibées.
Le danger serait beaucoup plus grand aujourd'hui, l'ensemble du tarif étant
englobé dans les restrictions et l'état de nos industries pouvant servir de pré-
texte à certaines exagérations de doctrine qui ne demandent qu'à se traduire
en actes.
Il n'est pas douteux que, dans les premières années de la paix, nous serons
obligés d'avoir recours, pour beaucoup de produits, à l'industrie étrangère.
La barrière douanière ne devra pas, dès lors, s'élever au delà d'une limite
raisonnable, bien que l'obligation dans laquelle nous serons d'acheter hors
de France doive permettre l'importation, même avec de gros droits. Or la
modération s'impose si l'on veut que l'intérêt du consommateur ne soit une
ft)is de plus sacrifié.
M. L.- J. Magnan estime que nous aurons d'ailleurs le plus grand avantage à
n'aborder la revision de notre tarif qu'après nous être mis d'accord avec nos
Alliés, de manière que, tout en conservant notre autonomie, nous disposions
d'éléments suffisants pour entamer les négociations difficiles d'où sortiront
les futurs traités de commerce.
M. le Président remercie très vivement M. Magnan de sa communication
— -204 —
si vivante et si remplie d'aperçus ingénieux et réflexions judicieuses et il ouvre
la discussion.
M. Gadoux fait remarquer l'opposition qui existe entre les termes du décret
de restriction des importations et la tolérance pour ainsi dire indéfinie des
bureaux anglais.
M. d'Eichthal indique les difficultés que l'on rencontre quand on fait une
demande de dérogation : il y a un développement de paperasserie qui paraît
bien inutile.
M. L.-J. Magnan répond que le décret de restriction s'applique à l'ensemble
des pays importateurs et qu'il était difficile de faire une exception pour FAn-
gleterre, malgré le grand développement des échanges.
Sur la demande de M. le Président, M. L.-J. Magnan répond que nous
aurions tout intérêt à nous mettre d'accord avec nos Alliés pour la revision
des tarifs de douane. Cette revision a lieu actuellement dans presque tous
les pays ou, tout au moins, est en cours de préparation. L'Angleterre est
en voie d'élaboration d'un tarif protectionniste. Pourquoi ne causerions-nous
pas avec nos Alliés, de manière à nous réserver, par application des principes
adoptés à la conférence de Londres, les avantages que nous devrons nous
accorder plus tard, après de nombreuses discussions et dans des conditions
de hâte extrêmement défavorables?
Au sujet de l'Angleterre, M. d'Eichthal fait remarquer que la question
est particulièrement délicate en raison de la modification que va peut-être
subir la politique douanière britannique, changement qui nous serait défavo-
rable et contre lequel notre propre politique douanière nous rend malaisé de
protester. M. L.-J. Magnan ajoute que, dans les négociations franco-anglaises,
il conviendra de veiller à ce que les produits français similaires de ceux des
Dominions ne soient pas traités, à l'entrée en Angleterre, moins, favorable-
ment que ces derniers. Il conclut que la question des rapports douaniers entre
alliés est de la plus grande importance, et qu'il serait intéressant de la mettre
à l'étude dès à présent, afin de permettre aux produits des pays de l'Entente
de remplacer, sur les marchés de ces pays, non seulement les marchandises
allemandes, mais encore les importations de certains neutres. A titre d'exemple,
il cite les oranges d'Italie, qui pourraient être importées en France en quan-
tités beaucoup plus considérables qu'aujourd'hui. On devrait également régler,
dans un sens favorable aux desiderata de la nation amie, la question des soie-
ries, au sujet de laquelle une entente paraît être intervenue, au cours d'une
réunion présidée à Lyon par M. le sénateur-maire Herriot.
Se référant à une question de M. Fernand Faure, M. René Pupin rappelle
que M. L.-J. IVIagnan vient de citer un chiffre de 19 milliards, pour le mon-
tant de nos importations en 1916, obtenu grâce à un taux de relèvement de
25 %, et donne quelques indications relativement à des recherches analogues
qu'il a poursuivies à deux reprises différentes.
La première étude a été faite au début du mois de février d'après le docu-
ment des douanes donnant les résidtats connus pour les onze premiers mois
de 1916, et a été publié dans la Cote de la Bourse et de la Banque dvi 15 février.
La méthode suivie y était indiquée comme suit : « Prendre 1914 pour base et
ajouter les- coefficients de relèvement adoptés pour les onze premiers mois
de 1916 en y annexant un onzième fort, pour tenir compte de décembre. » Or,
ces coefiîcients étaient, d'après le document officiel, de 87 % en moyenne à
rimportation et de 50 % en moyenne à l'exportation. Sur ces bases, h résultat
réel de 1916 apparaissait de la façon suivante : iniporlatinns 19 niilliards
440 millions, exportations 5 milliards^ 470 millions.
Le second travail a paru en mai dernier dans la Revue internationale du
Commerce et de l'Industrie. Cette fois, les recherches étaient basées sur les
chiffres provisoires de l'Administration des Douanes (année 1916 complète),
majorés selon les coefficients moyens de V Economist de Londres (céréales et
— 205 —
viande, plus 23 %...; autres objets d'alimentation, plus 20 %...; textiles,
plus 42 %...; minéraux, plus 38%...; bois, caoutchouc et produits divers, plus
29 %... comparativement à 1915). A l'aide de ces correctifs, on obtient les
totaux que voici : valeur réelle de l'importation en 1916: 19 DÙlliards 715 mil-
lions ; valeur de V exportation : 6 milliards 640 millions.
Du rapprochement de ces recherches, on peut conclure que Vexcédent des
achats de la France au dehors, sur ses ventes, a été de 13 milliards 500 millions
à 11 milliards en 1916.
Tandis que, dans la période 1909-1913, la laine, le coton, la houille, les céréales
étaient dans cet ordre, pour les principaux produits importés en France, en
1916, le classement par ordre de valeur se présente ainsi : céréales, grains,
farines, 1 milliard 905 millions; fers et aciers, 1 milliard 678 millions; houille
crue, coke, agglomérés, 1 milliard 576 millions; machines et mécaniques, 886
millions; tissus de laine, 790 millions; viandes fraîches et conservées, 694 mil-
lions; coton, 603 millions; cuivre, 553 millions; outils et ouvrages en métaux,
507 millions; sucres, 495 millions.
Dans l'ensemble, trois catégories de marchandises dépassent largement
chacune la somme de 1 milliard 500 millions, six autres excèdent le demi-
milliard, quatre autres se fixent en 400 et 500 millions, trente-cinq en tout
dépassent une somme de 100 millions.
Les principaux produits exportés sont les tissus de soie et bourre de soie
(496 millions), les produits chimiques (461 millions), les tissus de coton (298 mil-
lions) et les articles de Paris (198 milhons).
Répondant à une seconde question de M. Fernand Faure touchant le rap-
port qu'il pouvait y avoir entre la cherté de la vie en Angleterre et en France,
M. PupiN ne pense pas qu'il existe une différence très sensible entre le renché-
rissement moyen qui s'est produit des deux côtés de la Manche, par suite
de ce fait, notamment, que les Français n'ont jamais eu, depuis le début
de la guerre, à payer le pain d'après la parité commerciale du blé. Mais, même
s'il en était autrement, le travail effectué sur les index numbers de 1' « Econo-
mist)) établit une relation d'année à année beaucoup plus que de pays à pays — il a
pour objet de transposer un écart de prix entre 1915 et 1916 — et, si le coût de
la vie est aujourd'hui ou était en 1916 un peu plus élevé en France qu'en
Angleterre, il en était ainsi déjà en 1915; or, ce sont les prix français de 1915
qui ont été majorés, prix français représentés par les valeurs définitives données
par l'Administration des Douanes.
M. Fernand Faure demande à M. L.-J. Magnan de faire connaître si,
nonobstant la suppression provisoire des publications statistiques françaises,
il ne serait pas possible d'arriver à avoir des renseignements assez précis sur
les valeurs à l'importation, au moyen des chiffres de recouvrements de droits
de douane publiés mensuellement par l'Administration au Journal officiel.
M. L.-J. Magnan répond qu'avant la guerre, les droits perçus d'après le tarif
français représentaient 8 % environ de la valeur des marchandises. La hausse
actuelle des valeurs a fait baisser cette proportion dans une mesure considé-
rable. Connaissant le taux de relation de la valeur aux droits perçus, il serait
possible de rechercher les éléments demandés par M. Fernand Faure.
M. L.-J. Magnan se propose de procéder à ce travail, dont il soumettra les
résultats à la Société. _
M. le Président remercie les divers orateurs et félicite chaudement M. Ma-
gnan d'avoir su amorcer une discussion aussi intéressante.
La séance est levée à 19^ 10.
Le Secrétaire général, Le Président,
A. Barriol. Raphaël-Georges Lévy.
- 206 -
II
TRAVAUX STATISTIQUES
RELATIFS AU
SERVICE DES RETRAITES DES AGENTS DE LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER
DE L'OUEST
I. LES CAISSES DE RETRAITES DES COMPAGNIES DE CHEMINS DE FER
Les compagnies françaises de chemins de fer ont toujours pris soin d'amé-
liorer le sort de leur personnel par la création de nombreuses institutions de
bienfaisance, d'assistance ou de prévoyance, et n'ont pas hésité à s'imposer,
dans ce but, des sacrifices financiers considérables dans l'intérêt de leurs
agents.
De toutes leurs œuvres patronales, celles qui ont été le plus vivement appré-
ciées de ceux qui étaient appelés à en bénéficier et qui ont créé un lien étroit
entre les compagnies et leur personnel ont été les institutions de retraites
destinées à procurer aux agents, ou à leurs familles, les moyens d'existence au
moment où l'âge, les fatigues et les infirmités les obligeaient à abandonner
leur emploi. A l'époque de leur fondation, les compagnies avaient compris la
nécessité de pareilles institutions, et, dès 1850, la Compagnie de l'Ouest fonda
la première caisse de retraites. L'année suivante, la Compagnie d'Orléans,
puis successivement les Compagnies du Nord, du Midi, de Paris-Lyon-Médi-
terranée et de l'Est suivirent son exemple. Au début, la participation était
facultative et les pensions relativement peu élevées. Les compagnies versaient
à la Caisse nationale des Retraites pour la vieillesse les retenues subies par
les agents et leurs subventions administratives dont l'ensepfible ne dépassait
guère 4 % des traitements. Les institutions de retraites des compagnies prirent
un rapide essor à partir du jour où l'affiliation devint obligatoire pour le per-
sonnel classé. Dès ce moment, les conditions de règlement primitives furent
largement améliorées par l'abaissement de la limite d'âge pour le droit à la
retraite et la détermination du montant de la pension d'après les traitements
des dernières années de service, ainsi que l'allocation de pensions aux veuves
ou orphelins des agents retraités ou décédés en activité de service.
En apportant des améliorations successives aux règlements primitifs et en
étendant le bénéfice de l'affdiation à la presque totalité de leur personnel, les
compagnies avaient assumé des charges considérables dont elles n'avaient pas
prévu l'importance lorsqu'elles avaient élaboré les règlements. Ayant vécu
longtemps sans connaître exactement la valeur des sacrifices financiers néces-
saires pour assurer l'équilibre futur de leurs caisses de retraites, elles y lais-
sèrent s'accumuler un déficit latent. A l'origine cependant, les compagnies
avaient emprunté à la Caisse nationale de Retraites pour la vieillesse pour la
constitution des pensions de retraites, et elles se trouvaient, par ce fait même,
débarrassées de tout souci pour le service de ces pensions. Mais lorsque les
— 207 —
compagnies instituèrent des caisses de retraites autonomes gérées par elles-
mêmes avec le régime des pensions basées sur le traitement des dernières
années de service, les difTicultés commencèrent : dans ces conditions, en effet,
les pensions se trouvant déterminées d'après le traitement final et le nombre
d'années de service, la détermination exacte des subventions nécessaires pour
garantir le fonctionnement régulier des caisses de retraites résulte d'éléments
nombreux dont la valeur hypothétique dépend de circonstances variables
dans l'avenir et dans tous les cas indépendantes de la volonté des compagnies.
Pendant longtemps, les compagnies ne se préoccupèrent point de la solution
exacte du problème des retraites. Procédant par empirisme, elles élevèrent
successivement le taux de leurs dotations par intuition lorsqu'elles semblaient
insuffisantes ou lorsqu'elles apportaient de nouvelles améliorations au service
des pensions. Peu à peu, en présence des difficultés financières auxquelles se
trouvaient conduites certaines institutions de retraites et de certains désastres
financiers retentissants, l'importante question du fonctionnement des caisses
de pensions fut mise à l'étude dans plusieurs compagnies bien longtemps avant
que les compagnies ne fussent astreintes à soumettre leurs règlements de
retraites à l'approbation ministérielle et à établir des bilans périodiques de
ces institutions.
II. LES CAISSES DE RETRAITES DE LA COMPAGNIE DE L'OUEST
La Compagnie de l'Ouest fut une des premières à entreprendre les travaux
statistiques nécessaires en vue de fixer exactement l'importance des charges
qui lui incombaient du fait de ses règlements de retraites et à déterminer le
quantum de la dotation nécessaire pour assurer la péréquation des ressources
et des charges de sa caisse. Avant d'exposer les résultats obtenus, il convient
d'indiquer l'historique et les principales dispositions des règlements en vigueur
à l'époque où ces travaux ont été effectués.
En 1850 fut fondée une première caisse de retraites alimentée par des rete-
nues de 3 % sur les traitements et par une dotation égale accordée par la
compagnie. Les retenues furent versées à la Caisse nationale des Retraites
pour la vieillesse à partir de sa fondation en 1852 pour être complétées à
l'époque de la mise à la retraite par un versement complémentaire de la compa-
gnie prélevé sur son fonds de dotation. Le montant des dotations variait de
250 à 600 francs.
La véritable institution d'une caisse autonome largement ouverte au per-
sonnel date de 1869 ; les retenues et dotations furent portées à 4 % des traite-
ments et les pensions basées sur la moitié du traitement des six dernières
années de service; l'âge minimum pour la mise à la retraite fut abaissé et des
pensions accordées aux veuves et aux enfants des agents. Successivement, en
1875, 1878 et en 1884, des modifications furent apportées au règlement pour
améliorer les conditions de ce règlement en faveur du personnel. En 1875,
la pension des veuves fut élevée du tiers à la moitié de celle du mari pour les
traitements supérieurs à 2.400 francs comme elle l'était déjà pour les traite-
ments inférieurs. A partir de 1876, des pensions furent accordées en faveur
des veuves d'agents décédés dans l'exercice de leurs fonctions après quinze
— 208 —
ans de service au moins et sans condition d'âge. En 1878, le droit à pension
à cinquante-cinq ans d'âge et vingt-cinq ans de service fut étendu à tout le
personnel, ces avantages n'étant applicables antérieurement qu'aux agents du
service des trains et assimilés. En 1884, le taux de la subvention administrative
fut fixé à 5 % des traitements, et le minimum des pensions à 500 francs pour
les agents et 250 francs pour les veuves; des pensions furent accordées en cas
de blessures ou d'infirmités prématurées sans aucune condition d'âge ni de
durée de service, etc. En 1892, la subvention administrative fut portée de
5 à 8 % des traitements. Cette allocation, encore reconnue insuffisante, fut
élevée, en 1895, au taux de 12 % des traitements.
A l'époque où fut élaborée l'étude financière sur la situation de la caisse
dont il va être question ci-après, les principales dispositions du règlement en
vigueur étaient les suivantes :
Le fonds de la caisse des retraites était constitué :
1" Par un prélèvement de 4 % du traitement ou salaire et par une dota-
tion de la compagnie égale à 12 % de ces traitements ou salaires;
2^ Par une retenue et une subvention égales au douzième de toute augmen-
tation ;
3"^ Par les dons volontaires qui pouvaient être faits à la caisse;
4" Par le produit des amendes infligées au personnel, et enfin
5° Par les produits des placements des fonds de la caisse.
Les retenues sur les traitements étaient versées à la Caisse nationale des
Retraites pour la vieillesse avec entrée en jouissance à l'âge de cinquante
ans, cette entrée en jouissance devant être reculée jusqu'à l'époque de la mise
à la retraite. Les versements à la Caisse de la vieillesse pouvaient être faits,
soit à capital afiéné, soit à capital réservé, mais le décompte de la retraite
était toujours fait comme si les versements avaient été effectués à capital
aliéné.
Pour avoir droit à pension, les agents devaient avoir compté à la fois cin-
quante-cinq ans d'âge et vingt-cinq ans de service, mais la compagnie se
réservait le droit de mettre à la retraite les employés âgés de plus de cinquante
ans et ayant plus de vingt ans de service. Enfin, des pensions pour causes de
blessures ou d'infirmités prématurées étaient accordées sans condition d'âge
ni de durée de service.
Les pensions de retraites normales (55 ans d'âge et 25 ans de service)
étaient basées sur la moyenne des traitements soumis- à la retenue pendant
les six dernières années; la pension totale était égale à la moitié du traitement
moyen des six dernières années de service et se trouvait augmentée d'un
soixantième de ce traitement par chaque année excédant vingt-cinq ans de
service. Aucune pension ne pouvait être inférieure à 500 francs. La compa-
gnie prenait à sa charge l'excédent du montant de la pension sur la rente
constituée à capital aliéné à la Caisse de la vieillesse par le versement des rete-
nues de^ l'agent,, sur sa tête seule s'il était célibataire, ou sur sa tête et sur
celle de sa femme s'il était m&rié.
Les pensions étaient réversibles pour moitié sur la tête et au profit de la
femme avec minimum de 500 francs par an, la compagnie ayant à sa charge
la différence entre la pension totale accordée à la femme et celle qui était
— 209 -
constituée sur sa tête à la Caisse de la vieillesse. Après le décès de la veuve,
sa pension pouvait être reportée sur les orphelins mineurs jusqu'à l'âge de
dix-huit ans. Les employés décédant dans l'exercice de leurs fonctions après
cinquante ans d'âge et vingt ans de service étaient considérés comme mis
d'office à la retraite au point de vue de la réversibilité de la pension au profit
de la veuve et des enfants mineurs. Lorsqu'un agent décédait avant cinquante
ans d'âge et vingt ans de service, mais après quinze ans de service, quel que
soit son âge, la veuve ou les enfants mineurs avaient droit à la partie réversible
d'une pension totale calculée à raison d'un soixantième du traitement moyen
des six dernières années pour chaque année de service, mais sans descendre
au-dessous de 250 francs.
m. TRAVAUX STATISTIQUES ET CALCULS EFFECTUÉS POUR ASSURER LE SERVICE
NORMAL DES RETRAITES DE LA COMPAGNIE DE L'OUEST
Les travaux statistiques et les calculs nécessaires pour déterminer les charges
de la Caisse des retraites ont été exécutés en 1894 par les services de la Compa-
gnie de l'Ouest sous la direction technique de M. Hermann Laurent, le mathé-
maticien et l'actuaire bien connu, aujourd'hui décédé. Les charges de la caisse
dépendaient d'un certain nombre d'éléments relatifs à la situation du personnel
de la compagnie dont il importait de déterminer la valeur à l'aide de statistiques
préalables. Les résultats de ces travaux présentent un intérêt particulier, non
seulement pour la Compagnie de l'Ouest, mais, d'une façon générale, pour per-
mettre des comparaisons intéressantes avec des résultats analogues qui ont
été ou pourront être obtenus à l'avenir pour d'autres administrations de che-
mins de fer ou autres. Aussi, pour ces raisons, il semble utile de faire connaître
les résultats obtenus par la Compagnie de l'Ouest, malgré leur ancienneté
relative, car ils pourront utilement être comparés à d'autres plus récents.
A — Statistique nu personnel pendant son service
Afin de déterminer l'âge moyen d'admission du personnel à la caisse de
retraites de la compagnie, on avait commencé par grouper les agents par âge
à l'époque de leur admission, et il ressortait de cette statistique que le nombre
de classements était négligeable avant vingt-deux ans, peu important jusqu'à
vingt -cinq ans (fils de veuves, volontaires d'un an, dispensés), nombreux à
vingt-six et vingt-sept ans (libérés du service militaire), puis ralenti de vingt-
huit à trente ans, ce dernier âge étant à cette époque l'âge limite d'admission.
Cependant, un certain nombre d'agents étaient entrés autrefois à des âges
supérieurs à trente ans. L'âge moyen d'entrée se trouvait compris entre vingt-six
et vingt-sept ans, et toute la suite des travaux a montré que c'est du résultat
des classements à vingt-sept ans que se rapprochait le plus la moyenne pour
l'ensemble du personnel classé entre vingt et trente ans.
L'étude de la variation du traitement moyen portant sur l'observation de
2.141 agents retraités normalement ou par anticipation de 1877 à 1887, a conduit
aux résultats du tableau suivant :
— 210 —
Années
de service Tiaitemeut
révolue» •
1.117f »
5 1.383 »
10 1.549 »
15 1.656 ))
20 1.750 »
Au moment de la retraite normale (1.965 »)
Les chiffres précédents sont des moyennes correspondant à l'ensemble du
personnel considéré, et c'est ce qui explique comment les accroissements de
traitement qui en résultent sont beaucoup plus rapides dans les premières
années que dans les dernières. Il y a en effet un grand nombre d'agents qui
atteignent le maximum de leur traitement assez promptement; puis, à partir
de vingt ans de service, commencent les retraites anticipées dont les titulaires
sont, en général, des agents ayant des traitements inférieurs à la moyenne. Au
fur et à mesure que l'ancienneté augmente, à partir de vingt ans de service,
le traitement moyen des agents augmente également très rapidement du fait
de la sélection produite à l'époque de la mise à la retraite, le personnel
supérieur le plus rétribué restant, en général, le plus longtemps en activité
de service. Dans l'ensemble, le traitement moyen au moment de la mise à la
retraite normale après trente et un ans de service était de 1.965 francs.
Une statistique très intéressante, dont la représentation graphique est donnée
ci-après, avait été faite sur la proportion du nombre des ménages pour 1.000
agents de chaque âge. Le nombre des ménages va en s'accroissant jusqu'à
l'âge dé trente-huit ans, car, jusqu'à cet âge, il y a plus de célibataires qui se
marient que de maris qui deviennent veufs. Le maximum de la proportion des
ménages est de 93 % à trente-huit ans; à partir de cet âge, l'affluence contraire
se produit et la proportion des ménages va en décroissant régulièrement jusqu'à
n'être plus que de 46,4 % à soixante-quinze ans, âge à partir duquel le nombre
d'observations a été trop faible pour permettre d'obtenir des chiffres vraisem-
blables.
L'étude des ménages a été poussée encore plus loin, en comparant la propor-
tion des femmes moins âgées et des femmes plus âgées que leur mari, et en
déterminant la différence d'âge moyenne. A trente-huit ans, il y avait 81 % de
femmes moins âgées que le mari avec une différence moyenne d'âge de cinq ans
un mois et 19 % de femmes plus âgées avec une différence d'âge de quatre ans,
Tensemble des ménages présentant une différence d'âge moyenne de trois ans
quatre mois en moins pour la femme.
B — Comment le personnel quitte le service
Le personnel quitte le service de la compagnie soit par suite de décès, soit
par démission, radiation ou révocation, soit enfin pour cause de mise à la
retraite.
L'étude de la mortalité fut effectuée par la Compagnie de l'Ouest sur trois
catégories de personnes : les agents en service, les agents retraités et les femmes
pensionnées (veuves d'agents).
MENAGES
REPRÉSENTATION GRAPHIQUE
— 212 —
La mortalité des agents en activité de service fut effectuée d'après l'obser-
vation du personnel pendant quatorze années, de 1878 à 1891. Le nombre des
décès observés pendant cette période s'élevait à 3.201. Il faut reconnaître que
c'est peu. Aussi observera-t-on que sur le tableau comparatif ci-après des
tables de mortalité Deparcieux de la Caisse nationale des Retraites pour la
vieillesse avec celle du personnel de la Compagnie de l'Ouest, quoique les taux
de mortalité aient été indiqués par période de cinq ans, la courbe de la mor-
talité de la Compagnie de l'Ouest présente des irrégularités manifestes et la
table des taux de mortalité par âges présenterait des variations encore plus
considérables.
D'ailleurs, à partir de soixante-cinq ans, le nombre des observations était
insuffisant pour permettre d'obtenir des indications utiles relativement aux
taux de mortalité. Quoi qu'il en soit, après ajustement des chiffres bruts donnés
par les calculs, M. Laurent put établir une table de survie commençant à
vingt et un ans et allant jusqu'à soixante-dix ans, âge à partir duquelle nombre
des observations étant trop insuffisant, on avait indiqué la survie d'après la
table de Deparcieux. La mortalité du personnel en service de la Compagnie
de l'Ouest inférieure à celle de la table Deparcieux jusqu'à trente-cinq ans lui est
sensiblement égale ensuite jusqu'à cinquante ans; jusqu'à cet âge, elle est
toujours supérieure à celle de la Caisse nationale des Retraites pour la vieil-
lesse. Au-dessus de cinquante ans, la mortalité du personnel en service de la
Compagnie de l'Ouest est notablement inférieure à celles des deux autres tables.
L'étude des démissions, radiations et révocations, d'après l'observation do
2.751 cas, a donné les résultats suivants :
Années Nomlire d'éliminations
do srrvicc pour démissions,
dos radiations
9;<ents ou révocationa
520
1 491
2 362
?, 310
4 269
5 222
6 200
7 177
8 148
9- 123
De 10 à 14 87
Do 15 à 25 20
On voit par ces exemples que les démissions, radiations et révocations ne
se produisent que dans les premières années de service, qu'elles décroissent
rapidement ensuite d'année en année, et qu'à partir de la dixième année, elles
deviennent presque négligeables.
Pour les mises à la retraite, l'étude de 4.711 cas conduisit aux observations
suivantes :
173 agents ont pris leur retraite entre 30 et 49 ans
785 — 50 et 54 ans
3.753 — 55 et 75 ans
GRAPHIQUE COMPARATIF
Des Tables de mortalité Deparcieux de la Caisse de la vieillesse de la Compa-
gnie de l'Ouest {Agents en service) et de celle résiiltant de la Statistique
générale de la France (Sexe masculin).
— 214 —
Les nombres de mises à la retraite pour 10.000 agents à chaque âge étaient
les suivants :
.\oiiibrie
de
mises à la retraite
pour
D , -, , , . 10.000 afc'cuts
lie traites prématurées. _
3 à 5 ans de service 1
6 à 11 ans de service 5
12 à 17 ans de service. 11
18 et au delà 8
Retraites anticipées.
l^e année dans laquelle peut être accordée cette retraite 382
2e — — 361
3e — — 298
4e — — 327
5e — — 270
Retraites normales.
li'eannéedanslaquellepeut être prise cette retraite 2.794
2e — — 3.002
3e — — 2.327
4e — _ 2.447
5e — _ 1.979
De la 6e à la 2ie année 2.543
En comparant les mises à la retraite aux affiliations des agents, on obtient
les résultats suivants :
Sur 6.841 affiliés à la caisse;, 4.711 seulement arrivent à prendre leur retraite,
173 prématurément entre trente et quarante-neuf ans (âge moyen de la mise
à la retraite 44 ans), 1.044 affiliations donnent lieu à 785 retraites anticipées
de cinquante à cinquante-quatre ans (âge moyen de la mise à la retraite
52 ans), 5.590 affiliations donnent lieu à 3.753 retraites normales de cinquante-
cinq à soixante-quinze ans (âge moyen de la mise à la retraite 58 ans et demi).
En résumé, pour une population de 100 affiliés entrant à la caisse des retraites
de la Compagnie de l'Ouest, on pouvait compter que trois d'entre eux en
moyenne décéderaient ou donneraient lieu à une mise à la retraite prématurée;
15 % à une mise à la retraite anticipée entre cinquante et cinquante-cinq ans, et
82 % à une mise à la retraite normale. Pour l'ensemble, l'âge moyen de la mise
à la retraite s'élevait à cinquante-sept ans.
C Du PERSONNEL APRES LA RETRAITE
L'essai d'une table de mortalité fut tenté pour les agents retraités de la
Compagnie de l'Ouest, mais il convient de remarquer que l'observation porte
sur 4.672 agents seulement retraités de 1869 à 1894 et ayant donné lieu à
1.508 décès. Ces nombres sont évidemment insuffisants pour permettre d'obte-
nir des taux de mortalité par âge, mais on groupant les observations par cinq
années, on put obtenir le tableau graphique reproduit ci-après, faisant ressortir
une mortalité largement supérieure à celle constatée à la Caisse nationale des
Retraites pour la vieillesse.
MORTALITE DES RETRAITES
G-raphique comparatif des Tables Deparcieux de la Caisse de la vieillesse de la
Compagnie de l'Ouest (Aç/ents retniités) et de celle résultant de la Statistique
générale de la France (Sexe masculin).
."(US USUHS
9ÔÔ"
850
800
750
700
650
600
550
500
450
400
350
300
250
200
150
100
50
1.
50 à 54 ans
55 à 59 ans
60 à 64 ans
65 à 69 ans
70 à 74 ans
c
75 à 79 ans
1
ECES «NHUELS
pour
000 retnlles
9C(>
850
800
750
700
650
600
550
500
450
400
350
300
250
200
150
100
50
/
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'-■'■■■■■
50 a 54 ans
55 à 59 ans
60 a 64 ans
65 à 69 ans
70 à 74 ans
75 à 79 ans
— 216 —
D'après l'observation de 2.492 veuves d'agents de la Compagnie de l'Ouest
ayant donné lieu à 464 décès, furent établis les taux quinquennaux de mor-
talité, et, malgré l'incertitude du petit nombre d'observations, on en pouvait
déduire que la mortalité des veuves d'agents était, à partir de l'âge de cinquante
ans, sensiblement égale à celle de la Caisse nationale des Retraites pour la
vieillesse.
De la comparaison des différents éléments relatifs à la mortalité de la Com-
pagnie de l'Ouest, il résulte que le personnel est soumis à une sélection particu-
lière à l'époque où commence le droit à la mise à la retraite, tandis que la
mortalité moyenne du personnel en service ne diffère pas sensiblement jusqu'à
cinquante ans de la table de Deparcieux et même de la Caisse nationale des Re-
traites pour la vieillesse. A partir de cinquante ans, les agents les plus fatigués
sont mis à la retraite et sont sujets à une très forte mortalité, tandis que ceux
restant au service de la compagnie ont une mortalité relativement faible. La
grande mortalité aux premières années de la retraite et la faible mortalité des
agents restés en service concourent à l'amélioration de la situation financière
de la caisse des retraites. Les résultats de l'étude de la mortalité des agents
de chemins de fer entreprise par la Compagnie de l'Ouest ont été confirmés
par une autre étude d'un actuaire, M. Béziat d'Audibert, pour le personnel de
la Compagnie de Lyon.
IV. RÉSUMÉ
En résumé, l'âge moyen d'affiliation du personnel à la Compagnie de l'Ouest
était compris entre vingt-six et vingt-sept ans et toute la suite des travaux a
montré que c'était du résultat des classements à vingt-sept ans que se rappro-
chait le plus le résultat moyen, en recettes et en dépenses, de l'ensemble des
agents classés entre vingt et trente ans.
Le premier traitement était de 1.117 francs et le dernier, au moment de la
retraite, s'élevait à 1.965 francs. La somme des traitements touchée par l'agent
arrivant à la retraite normale était de 51.299 francs; la somme des dotations
fournie à la caisse pour cet agent était de 4.174*60; elle ressortait à 8,13%
des traitements, et, dans ce chiffre, la fraction 0,13 % provenait du premier
douzième des augmentations.
La proportion des agents mariés était à l'âge le plus intéressant pour la caisse
des retraites, au moment de la retraite normale, de 85 %. A ce moment, la
différence moyenne d'âge des époux était de cinq ans (en moins pour la femme
de l'agent).
La mortalité du personnel en service était, jusqu'à l'âge de la retraite du
plus grand nombre, plus forte que celle de la table C. R. de la Caisse de la
Vieillesse. A vingt-sept ans, la vie moyenne de l'agent qui mourait en service
était de trente-sept ans; elle était de trente-huit ans dans la table C. R.
Les démissions, les radiations et les révocations ne se produisaient guère
que dans les premières années de service; leur proportion qui décroissait rapi-
dement avec l'ancienneté devenait, au bout de seize ans, presque négligeable. •
Très nombreuses à l'origine de la création de la caisse des retraites et antérieu-
rement, elles étaient de moins en moins fréquentes, surtout depuis 1885.
— 217 —
Les retraites des trois catégories (infirmités prématurées, anticipées, nor-
males) avaient été étudiées séparément.
Sur 100 agents d'une promotion, il y en avait 47 de retraités. Sur 100 agents
qui allaient jusqu'à la retraite, il y en avait, lors du classement, 3 qui
étaient retraités pour infirmités prématurées, 15 qui étaient mis à la retraite
anticipée et 82 qui prenaient la retraite normale.
L'âge moyen de la retraite dans chacune des trois catégories de retraite
était :
Infirmités prématurées 44 ans.
Retraites anticipées 52 ans.
Retraites normales 57 ans et demi.
Mais en ce qui concernait les retraites normales, il importait d'observer que
cette moyenne était établie en ne comptant que le nombre des pensions, abstrac-
tion faite de leur importance; si l'on tenait compte à la fois du nombre et de
l'importance des pensions, on trouvait, en raison de ce fait, que les pensions
les plus élevées correspondaient aux âges les plus avancés, que la moyenne
à compter dans les calculs financiers pour l'âge des retraites normales était
de cinquante-huit ans et demi.
Les retraités pour infirmités prématurées avaient une mortalité extrême-
ment rapide pendant les premières années; au bout de cinq ans, il en restait
42 sur 100 retraités à l'origine. La vie moyenne des retraités pour infirmités
prématurées ressortait à onze ans. La vie moyenne des agents compris dans la
catégorie des mises à la retraite anticipée était de quinze ans. Elle était beau-
coup plus courte que celle de la table de la Caisse de la Vieillesse qui donnait
à ce même âge dix-neuf à vingt ans.
La durée moyenne de survie pour les retraites normales était de quatorze ans.
C'était un an et demi de moins que la 'table de la Caisse de la Vieillesse qui
donnait, à cinquante-huit ans et demi, une vie moyenne de 15,6 ans.
La mortalité des femmes était très légèrement plus rapide que celle de la
Caisse de la Vieillesse. A cinquante ans, la vie moyenne était de vingt et un ans
dans les deux tables.
La mortalité des femmes d'agents, moins rapide que celle des agents, et
leur âge moindre faisaient qu'elles entraient pour plus d'un quart (28 %) dans
les charges de la caisse des retraites.
Les charges des pensions d'orphelins étaient négligeables, étant inférieures
à la limite d'erreur des présents calculs.
Tels sont les principaux résultats des importants travaux entrepris par la
Compagnie de l'Ouest pour déterminer l'importance des charges de sa caisse
des retraites. Ils ont été confirmés par les résultats analogues obtenus par les
autres réseaux. Ces statistiques, quoique déjà anciennes, présentent toujours
de l'intérêt parce que si les conditions des règlements des caisses de retraites
peuvent avoir subi depuis leur établissement d'importants changements, les
éléments démographiques relatifs au personnel éprouvent au contraire très
peu de variations dans la suite des temps.
L. COURTRAY.
ire 8BKIB. 68« VOL.
— 218 —
III
LA DOUANE ET LA GUERRE
{Deuxième communication.)
Depuis l'époque de ma première communication (mai 1916), bien des chan-
gements importants sont survenus dans notre législation douanière de guerre.
A la suite de la loi du 6 mai 1916, accordant au Gouvernement le pouvoir de
frapper de prohibition les marchandises étrangères et d'augmenter les droits
prévus au tarif, des prohibitions d'importation ont été prononcées par décret
en ce qui concerne les alcools et divers autres produits. Puis, d'autres décrets
ont levé la prohibition en faveui; des alcools et des automobiles et l'ont rem-
placée par des droits. De nouveaux actes ont frappé de prohibition certains
autres articles. Les alcools ont été ensuite replacés sous le régime de la prohi-
bition. Au point de vue des interdictions de sortie, notre législation a été rema-
niée à plusieurs reprises. Enfin, diverses taxes nouvelles (droits intérieurs,
droits de sortie) sont venues compléter notre système fiscal.
M'excusant de la sécheresse de cette énumération, je cite ici les principaux
de ces actes :
Décrets du 24 juin 1916 levant la prohibition de sortie édictée par les décrets du
11 mai sur les voitures 'automobiles et sur les alcools, et modifiant les droits d'en-
trée sur ces marchandises;
Loi du 30 juin 1916 (art. 2) portant à 400 francs par hectolitre le droit général
de consommation sur l'alcool;
Décret du 11 juillet 1916 modifiant le tableau annexé au décret du 24 juin 1916
relatif au régime douanier des alcools et des liqueurs;
Décret du 18 juillet 1916 portant prohibition d'importation, en France et en
Algérie, de produits (bois et métaux) de provenance ou d'origine étrangère;
Décrets des 16, 26 et 28 septembre 1916 portant prohibition d'importation en
France et en Algérie de divers produits d'origine étrangère;
Décret du 12 octobre 1916 prohibant l'importation, en France et en Algérie, de
la lie de vin et du tartre brut;
Décret du 25 octobre 1916 relatif à renonciation de la valeur des marchandises
dans les déclarations de douane;
Décret du 11 novembre 1916 relatif à l'indication de la destination des marchan-
dises dans les déclarations de douane;
Décret du 22 décembre 1916 prohibant l'importation en France, sous un régime
douanier quelconque, des alcools (eaux-de-vie et alcools autres) et des liqueurs d'ori-
gine ou de provenance étrangère;
Loi du 30 décembre 1916 instituant une taxe intérieure de consommation sur les
denrées coloniales, sur la racine de chicorée préparée, sur les eaux minérales, sur les
spécialités pharmaceutiques, et portant de 25 à 40 francs par 100 kilos le droit de
consommation des sucres;
Décret du 22 mars 1917 prohibant l'importation, sous un régime douanier quel-
conque, en France et en Algérie, des marchandises d'origine ou de provenance étran-
gère;
Arrêté du 13 avril 1917 portant dérogation, pour certaines marchandises, à la prohi-
bition édictée par le décret du 22 mars 1917;
— 219 —
Décret et arrêté du 14 avril 1917 relatifs aux conditions d'importation des bois
et métaux;
Arrêté du 12 mai 1917 complétant l'arrêté du 13 avril 1917.
Dans ma prénédente étude, j'avais fait une très brève allusion aux divers
organes créés à l'occasion de la guerre., dans le but d'assurer et de contrôler
les mesures de défense économique du pays. Ces organes étant aujourd'hui
stabilisés, le statut et le rôle en ayant été déterminés de façon à peu près défi-
nitive, il me semble intéressant d'en indiquer succinctement les caractéris-
tiques, le but et le mode de fonctionnement (1).
Commission interministérielle des dérogations aux proifibitions
DE sortie. — On sait que le premier décret portant prohibitions à la sortie
remonte au 31 juillet 1914. Cet acte indiquait que des exceptions à la prohibi-
tion pourraient être accordées sous les conditions déterminées par le ministre
des Finances Au début, les demandes de dérogations étaient adressées d'abord
au ministère du Commerce ou à celui des Finances, et ce dernier statuait après
enquête. Pour abréger les délais de décision et pour entourer les opérations de
toutes les garanties désirables, il fut jugé préférable de confier le soin d'exa-
miner les demandes et d'y donner suite à une commission qui siège au minis-
tère des Finances, dans les conditions que j'ai indiquées précédemment. Qu'il
me suffise, pour donner une idée des opérations que contrôle cette commission,
d'indiquer ci-après le nombre des décisions qu'elle a prises depuis le début de
la guerre :
Année 1914 1.500
— 1915 130.000
— 1916 180.000
20 % environ de ces décisions comportaient une suite défavorable.
Commission des Importations. — Cet organisme, qui a un caractère consul-
tatif, a été institué près du département du Commerce par un arrêté du 15 jan-
vier 1916, inséré au Journal officiel du 18 du même mois. 11 est chargé de
l'examen des affaires relatives à l'application, en matière d'importation, des
actes concernant l'interdiction du commerce avec les sujets des pays ennemis,
ainsi que des questions se rattachant aux établissements placés sous séquestre.
En fait, la Commission des Importations examine principalement les demandes
d'autorisation d'entrée afférentes à des marchandises d'origine ou de prove-
nance ennemie, dont l'introduction en territoire français peut être justifiée par
des besoins d'ordre général (défense nationale, ravitaillement, approvisionne-
ment du commerce ou de l'industrie).
Commission permanente internationale des Contingents. — La Com-
(1) Je renvoie ceux de mes collègues qui désireraient posséder sur la matière des rensei-
gnements plus détaillés au très complet ouvrage que vient de publier M. Pommereuil, chef
de bureau au ministère des Finances, sous le titre : La Guerre économique. Librairie Oudin,
à Poitiers, 1917.
- 220 -
mission internationale des Contingents (C. I. C), dont le siège est à Paris,
33, rue Jean-Goujon, et dont le fonctionnement a commencé vers le 1*^^ no-
vembre 1915, a pour but l'échange, entre les Gouvernements alliés, de vues
concernant les contingents d'approvisionnement de la Suisse, et, s'il y a lieu,
des autres pays neutres. Chaque pays allié est représenté à la Commission
par un ou plusieurs délégués dont la nomination est notifiée par les Gouverne-
ments au Gouvernement de la République Française par la voie diplomatique.
La Commission choisit dans son sein un président et un vice-président.
Elle a pour mission, en ce qui concerne la Suisse :
1° De constater si l'importation en Suisse des marchandises contingentées
se fait dans les limites des quantités fixées à la suite des accords consacrés dans
Tacte du 9 novembre 1915 et aux conditions préalablement établies entre les
Gouvernements alliés et le Gouvernement fédéral;
2° D'indiquer les mesures à prendre au cas où l'inobservation de ces condi-
tions se produirait ou serait imminente et notamment, lorsqu'un contingent
est dépassé, d'indiquer aux commissions des dérogations des pays alliés la date
à partir de laquelle il convient d'arrêter, soit la délivrance des autorisations,
soit les exportations;
30 D'aviser aux modifications qu'il serait utile d'apporter aux susdites condi-
tions ou qui seraient demandées par le Gouvernement fédéral, qu'elles soient
ou non prévues par l'acte du 9 novembre 1915;
4° De recevoir les rapports qui lui sont adressés par les représentants des
Gouvernements alliés à Berne, ainsi que tous autres renseignements qui lui
sont communiqués par lesdits Gouvernements; de les acheminer et de constater
si la S. S. S. se conforme aux obligations prévues par .ses actes constitutifs;
d'aviser, s'il y a lieu, aux mesures à prendre;
50 D'émettre des avis sur toutes les autres questions qui lui sont soumises
par les Gouvernements alliés.
A l'égard d'autres pays neutres, tels que l'Espagne et la Grèce, la Commission
dresse la liste des produits contingentés, assure l'exécution des mesures con-
cernant le transit des marchandises ennemies, le rationnement, etc., et donne
son avis sur les diverses questions qui lui sont soumises.
Les décisions de la Commission ayant un caractère international doivent
être prises à l'unanimité.
Celles qui sont rendues en vertu de l'alinéa 2° ci-dessus doivent être exécu-
tées par les administrations compétentes des États alliés dans le délai de trois
jours à partir de la notification si celle-ci a été faite par télégramme, de huit
jours si elle a été faite par lettre. Les notifications sont faites directement aux
ministères des Affaires étrangères des pays représentés à la Commission, par
chaque délégué. Dans le cas où l'un des États n'est pas d'accord avec la Com-
mission, il provoque, dans les délais susindiqués, une nouvelle délibération. Si
l'accord ne peut se faire dans la Commission, la question est renvoyée aux
Gouvernements.
Rappelons qu'aucun document officiel n'a prononcé la création de la Commis-
sion permanente. Mais, à défaut d'acte gouvernemental, les communications
échangées entre les chancelleries des pays intéressés en ont consacré l'existence.
Il est bon de signaler d'ailleurs que la Commission s'est toujours bornée ^
- 2-21 -
émettre de simples avis et qu'aucune de ses décisions ne peut être considérée
comme ayant un caractère définitif.
En résumé, la Commission internationale des Contingents est un organe
destiné à permettre aux Alliés de se tenir en contact de manière à assurer la
satisfaction des besoins économiques des pays neutres en dehors de toute opéra-
tion susceptible de profiter, directement ou indirectement, aux pays ennemis.
A. cet égard, le Gouvernement français y est représenté par un fonctionnaire du
service des Douanes. C'est également à l'Administration des Douanes qu'ap-
partient le secrétaire de la Commission.
Comité de restriction du commerce avec l'ennemi. — Institué par
décret du 22 mars 1915, le Comité de restriction du commerce avec l'ennemi
a pour mission :
1° De centraliser des renseignements et documents sur le commerce exté-
rieur de l'ennemi, ses besoins et ses ressources, sur les produits à prohiber à la
«ortie, sur les produits à importer en France, sur la situation des marchés
extérieurs, sur les chargements et les mouvements de navires suspects;
2° De procéder à des enquêtes sur ces divers points;
3° De présenter aux départements ministériels intéressés le résultat de ses
recherches et des propositions sur les mesures propres à entraver le commerce
de l'ennemi.
Malgré les changements inévitables que la durée de la guerre a introduits
dans le mode de fonctionnement du Comité, celui-ci n'a pas cessé, d'une
manière générale, de se conformer aux règles qui lui ont été tracées dans le
rapport au Président de la République précédant le décret : « Examiner et
surveiller les voies et moyens par lesquels des vivres et des matières premières
peuvent parvenir à Tennemi, recommander les méthodes financières, commer-
ciales, diplomatiques et militaires par lesquelles on peut entraver, restreindre
et si possible arrêter ces approvisionnements. »
Le Comité a ainsi le caractère d'un organe consultatif. Toutefois, une décision
du Conseil des ministres en date du l*''" juillet 1916 a réglé que les avis du Co-
mité touchant des questions d'espèce et de procédure et émis à l'unanimité,
sont exécutoires si, dans le délai de huit jours à compter de leur notification
par le Président aux ministères compétents, ils n'ont soulevé aucune objection
de la part de ces derniers.
Le Comité est composé d'un ministre d'État, président, et de représentants
des ministères intéressés.
Au 20 avril 1917, il avait tenu 92 séances et pris 337 résolutions.
Commission des Bois et Métaux. — Créée par décret du 11 mai 1916, inséré
au Journal officiel du 16 juin de la même année, la Commission des Bois et
Métaux a été chargée de l'application des prohibitions résultant du décret du
18 juillet 1916. Composée de représentants des divers départements ministé-
riels, elle a pour mission d'exprimer un avis sur les demandes de dérogations
émanant des particuliers. En fait, elle contrôle les importations de bois et de
métaux, en vue de la répartition de ces produits, soit entre les différents ser-
vices publics, soit entre les industriels qui utilisent des matières premières
d'origine étrangère.
- 222 -
Le décret du 14 avril 1917 a abrogé celui du 18 juillet 1916, en raison de la
prohibition générale prononcée par le décret du 22 mars 1917. Mais les attribu-
tions de la Commission sont demeurées les mêmes en ce qui concerne les auto-
risations spéciales relatives aux marchandises reprises à la liste n° 3 annexée
à l'arrêté ministériel du 13 avril 1917.
La Commission des Bois et Métaux siège actuellement 14^ rue de la Tré-
moïlle.
Mission i-rançaise en Suisse. — En vue d'atténuer les difficultés soulevées
à la frontière par les contestations relatives à l'origine des marchandises impor-
tées de Suisse, le Gouvernement français a décidé d'organiser dans ce pays
im service de contrôle composé d'une quinzaine d'agents, parmi lesquels cinq
vérificateurs des Douanes, qui a pour but de procéder à des enquêtes auprès des
fabricants et de s'assurer de l'origine des marchandises qu'ils expédient en
France. Au vu des rapports dressés par ces agents, les consuls de France en
Suisse délivrent aux exportateurs des certificats dits « de vérification » que
les intéressés présentent à la douane et qui sont acceptés, sauf circonstances
spéciales, comme établissant l'origine suisse des produits. Bien que la mesure
soit encore en période d'essai, on peut espérer d'excellents résultats de ce sys-
tème qui, s'il réussit en Suisse, pourra être étendu plus tard à d'autres pays.
Société suisse de Surveillance économique (S. S. S.). — Cette société,
à durée non limitée, et dont le siège est à Berne, a pour but, d'après ses statuts,
datés du 27 octobre 1915, de représenter et de favoriser les intérêts économiques
nationaux de la Suisse en face des difficultés que la guerre crée à la vie écono-
mique de la population dans tous les domaines, notamment dans ceux de l'agri-
culture, du commerce, de l'industrie, des arts et métiers. L'Association se' pro-
pose plus sj^écialement :
a) De surveiller et de garantir l'exécution des conditions mises par des Gou-
vernements étrangers ou des particuliers à l'importation en Suisse des marchan-
dises de tout genre, en ce qui concerne l'emploi de ces marchandises;
b) D'aider les autorités suisses en leur recommandant les mesures propres à
faciliter le contrôle, telles que l'interdiction d'exportation, la surveillance de la
frontière, les renseignements statistiques, l'établissement de prix maxima,
l'ouverture de stations de contrôle, etc. L'Association peut aussi nommer des
commissions composées de certains de ses membres pour aider les autorités
à appliquer ces mesures;
c) De provoquer de la part des autorités compétentes l'ouverture d'actions
judiciaires, notamment on cas de contrebande;
d) D'acquérir à l'étranger, pour le compte de tierces personnes, des ma-
tières premières, des produits finis ou demi-finis pour les besoins de la popula-
tion suisse, l'entretien de son bétail et l'exploitation de l'agriculture, de Tin-
dustrie et des arts et métiers; de les importer en Suisse et de les y céder à des
tierces personnes pour être consommés dans le pays ou pour y être travaillés,
le tout aux mêmes conditions posées, soit à titre officiel, soit à titre privé, pour
l'importation des marchandises en Suisse et en conformité des prescriptions
établies par les règlements ;
— 22ci —
e) De régler en dernier ressort, comme instance suprême, toutes les ques-
tions émanant de syndicats, dans le cas où les preneurs de marchandises
importées de l'étranger se constitueraient en syndicats ou en groupements
similaires;
/) De garantir l'accomplissement des conditions mises à l'autorisation du
trafic de perfectionnement, dans le cas où ce trafic serait autorisé;
g) De conclure tous les contrats que pourra exiger l'accomplissement des
tâches ci-dessus énumérées.
La S. S. S. est la seule destinataire autorisée des marchandises expédiées en
Suisse par l'Angleterre, la France et l'Italie. La liste de ces marchandises a été
dressée d'un commun accord entre les Gouvernements intéressés. Ces mar-
chandises doivent être exclusivement manufacturées ou consommées dans les
limites du territoire suisse. Quelques expéditions peuvent avoir lieu à desti-
nation des pays belligérants, mais sons des conditions déterminées et princi-
palement en ce qui concerne des produits de l'industrie nationale suisse. Des
dispositions spéciales sont prévues à l'égard du trafic de perfectionnement,
c'est-à-dire de l'envoi hors de Suisse de métaux destinés à subir un travail tel
que la fonte, le laminage (feuilles), le laminage, étirage (fils ou barres). In
travail à la forge, l'emboutissage, l'alliage.
*
* *
Les statistiques publiées par l'Administration pour l'année 1916 donnent
lieu aux constatations suivantes : '^
IMPORTATION
Alors que, au mois de mai 1916, nous avions dû rapprocher les années 1913
et 1915, nos comparaisons porteront sur les deux années de guerre 1915 et
1916 (1).
Les chiffres rectifiés publiés par l'Administration des Douanes fixent à
3.314.797.000 francs la valeur des produits d'alimentation (céréales, fruits,
boissons, sucres, denrées coloniales, bestiaux, viandes, graisses, poissons, œufs,
beurres, huiles, légumes, etc.) importés en 1915. En 1916, ces importations
ont atteint une valeur totale de 4.076.052.000 francs (2), soit une augmenta-
tion de 761.255.000 francs. Il y a principalement excédent sur les céréales
(1.549.063.000 francs au lieu de 1.100.232.000 francs), sur les autres farineux
alimentaires (76.938.000 francs au lieu de 66.939.000), sur les fruits de table
(67.064.000 francs au lieu de 52.226.000), sur les alcools, eaux-de-vie et liqueurs
(214.114.000 francs au lieu de 71.914.000), sur la bière (20.575.000 francs au
lieu de 4.835.000), sur les sucres (413.178.000 francs au lieu de 398.530.000),
sur les viandes (564.589.000 francs au lieu de 451.303.000), sur les morues et
autres produits de pêche (113.144.000 francs au lieu de 98.560.000), sur les
- (1) Dans ma précédente communication, j'ai fait état des chiffres provisoires publiés pour
1915. Ceux qui figurent dans la présente étude sont définitifs pour l'année 1915 et provi-
soires pour 1916.
(2) Chiffre majoré de 25 % : 5.095.065.000 francs.
— 224 —
œufs (13.780.000 francs au lieu de 8.389.000), sur l'huile d'olive (34.115.000
francs au lieu de 21.128.000), sur les légumes (17.260.000 francs au lieu de
9.087.000). Les diminutions affectent surtout le riz (68.360.000 francs au lieu
de 79.483.000), les vins (332.815.000 francs au lieu de 343.523.000), les bestiaux
(56.190.000 francs au lieu de 89.197.000), les fromages et beurres (31.882.000
francs au lieu de 63.251.000)-.
Pour les matières nécessaires à l'industrie (peaux, laines, crins, poils, cuirs,
soie, matières textiles, cire, engrais, fourrages, éponges, ivoire, écailles, fruits
et graines oléagineux, huiles industrielles, graisses, gommes, caoutchouc,
charbons, bois, matériaux, soufre, bitume, huiles minérales, houille, minerais
et métaux, teintures naturelles, etc.), une rectification doit être faite pour les
chiffres de l'année 1915. Les quatre années 1913-1916 donnent les résultats sui-
vants :
Francs
1913 4.945.732.000
1914 3.508.147.000
1916 4.653.404.000
1916 (chiffres provisoires) 6.452.320.000
Chiffres de 1916 majorés de 25 % 8.065.400.000
Bien que, d'une part, certains des articles repris dans cette classe, tels que
les huiles raffinées et essences de pétrole, constituent en réalité des produits
fabriqués et que, d'autre part, les industries intéressant la défense nationale
aient absorbé une'grande partie des importations, on doit noter comme un
symptôme favorable la marche ascendante des introductions de matières pre-
mières, qui excèdent de près de 2 milliards, soit 39 % environ, celles de 1915.
Dans la classe des objets fabriqués (produits et teintures chimiques, pote-
ries, verres et cristaux, fils et tissus, papier et ses applications, peaux prépa-
rées et ouvrages en peau, tresses, machines et mécaniques, bâtiments de mer,
horlogerie, orfèvrerie, bijouterie, aiguilles, coutellerie, outils, ouvrages en
métaux, meubles, ouvrages en caoutchouc, carrosserie, tabletterie, bimbelote-
rie, boutons, lingerie, vêtements, objets de collection, etc.), les importations
de 1916 se chiffrent par 4.631.040.000 francs (1), contre 3.067.593.000 francs
(chiffre rectifié) pour 1915. Les excédents affectent notamment les articles
ci-après :
1915 1916
(Chiffre» ilétinilif») (Chiffres provisoires)
Nitrates de potasses ,
Produits dérivés du goudron de houille
Autres produits chimiques
Teintures dérivées du goudron de houille
Poteries de terre commune et faïences
Porcelaine blanche et décorée
Verres et cristaux
Fils de lin ou de chanvre et de ramie
(1) Chiffre majoré de 25 % : 5.788.800.000 francs.
Milliers de
26
francs
2.
,846
31,
.155
67,
,380
88,
.070
264,
,348
10
.784
61,
.866
7
.316
20,
,807
731
1
,008
19
.752
22,
.799
15,
.430
36,
.265
— 225 —
Fils de coton i
— de laine
— • de soie et de bourre de soie .
Tissus de lin ou de chanvre ou de ramie
— de soie ou de bourre de soie
— de laine
Papier, carton, livres et gravures
Peaux préparées
Nattes, tresses et chapeaux de paille, d'écorce et de
sparte
Machines et mécaniques
Bâtiments de mer en fer ou en acier
Horlogerie
Orfèvrerie, bijouterie et plaqué
Coutellerie
Outils et ouvrages en métaux
Meubles et ouvrages en bois
Ouvrages en caoutchouc
Voitures autom.obiles
1915
1916
(Chiffres défmiiifs)
(Chiffres provisoires)
Milliers
df franc»
129.259
175.065
63.266
95.818
1.259
2.899
12.815
16.605
22.890
33.575
499.510
613.326
94.068
170.332
121.379
155.620
4.663
7.989
334.565
687.035
6.818
15.214
12.679
25.612
13.326
18.447
394
787
177.927
392.707
6.142
10.093
27.811
59.903
135.264
188.527
Au total, notre importation a atteint, en 1916, le chiffre énorme de
15.159.412.000 francs (1) contre 11.035.794.000 en 1915 et 6.402.169.000 francs
en 1914. En années normales, nous importions pour 8 milliard^, environ. J'es-
saierai plus loin de tirer quelques déductions de ces chiffres, notamment en ce
qui concerne les importations de marchandises visées dans les décrets de prohi-
bition.
EXPORTATION
Les statistiques de sortie accusent une diminution dans les exportations
d'objets d'alimentation, qui passent de 648.9.53.000 francs en 1915 à 483.262.000
francs en 1916. Il y a surtout déficit sur les grains et farines (21.808.000 francs
contre 76.479.000), sur les farineux alimentaires autres (27.202.000 francs
contre 49.215.000), .sur les vins (108.316,000 francs contre 118.993.000), sur
les eaux-de-vie, esprits et liqueurs (36.947.000 francs contre 40.062.000), sur
les sucres raffinés et vergeoises (73.302.000 francs contre 77.908.000), sur les
sirops, confitures et bonbons (9.043.000 francs contre 11.343.000), sur les pois-
sons de mer et poissons marines (17.673.000 francs contre 22.233.000), sur les
fromages (15.421.000 francs contre 17.946.000), sur le beurre (30.696.000 francs
contre 70.517.000), sur la margarine (1.615.000 francs contre 2.377.000).
Dans le chapitre des matières nécessaires à l'industrie, il y a un excédent
(801.090.000 francs en 1916 contre 767.521.000 en 1915) qui porte princi-
palement sur les fontes, fers et aciers (49,104.000 francs au lieu de 47.725.000),
sur le cuivre (23.129.000 francs au lieu de 18.391.000), sur les pierres et terres
servant aux arts et métiers (6.487.000 francs au lieu de 4.678.000), sur le nitrate
(1) Chiffre majoré de 25 % : 18.949.265.000 francs.
— 226 —
de soude (4.103.000 francs au lieu de 748.000), sur les laines (56.690.000 francs
au lieu de 28.318.000), sur le coton en laine et les déchets de coton (39.862.000
francs au lieu de 13.822.000), sur les chevaux (3.581.000 francs au lieu de
1.421.000), sur les mules et mulets (20.484.000 francs au lieu de 6.168.000).
Enfin, la classe des objets fabriqués est en excédent sur l'année dernière
(3.587.024.000 francs au lieu de 2.341.317.000) pour la presque totalité des com-
partiments de cette catégorie. Les plus fortes augmentations sont celles des
tissus de soie et de bourre de soie (y compris les colis postaux) qui atteignent
le chiffre de 384.749.000 francs au lieu de 348.540.000 en 1915, des tissus de
coton (229.014.000 francs au lieu de 184.544.000), des machines et mécaniques
(90.818.000 francs au lieu' de 55.383.000), des produits chimiques autres
(355.956.000 francs au lieu de 270.603.000).
Nous indiquons, dans le tableau ci-après, la situation générale de nos impor-
tations et de nos exportations pendant les trois années 1913, 1915 et 1916.
Objets d'alimenta-
tion
Matières nécessaires
à l'industrie. . .
Objets fabriqué». .
Totaux , . .
Colis postaux (à
l'exportation) . .
TOTAUX GÉNÉRAUX .
COMMERCE SPÉCIAL
(Milliers d« francs)
IMPORTATIONS
1913 1915
4.945.732
1.658.021
8.421.332
4.653.i04
3.067.51(3
11.035.794
11.035.794
6.452.320
4.631.040
EXPORTATIONS
1913 1915 1916
838.898
1.858.091
3.617.046
6.830.217
767.521
2.341.317
3.757.791
179.578
3.937.369
483.26;
801.090
3.587.024
4.871.376
244.314
5.115.690
DIFFÉRENCES PAR RAPPORT A 1913
A l'importation
1915 1916
-f 1.497.218
— 292.328
+ 1.409.572
+ 2.614.462
+ 2.614.462
+ 2.258.473
-f 1.500.588
+ 2.973.019
+ 6.738.080
+ 6.738.080
A l'exportation
1915 1916
189.945
1.090.570
1.275.729
— 2.556.244
— 3.942.848
— 355.636
1.057.001
30.022
— 1.442.659
— 1.764.527
La comparaison des chiffres globaux de nos importations et de nos expor-
tations donne les résultats suivants :
1913.
1915.
1916.
linporlationt
et
Différence
exportations
par rapport
réunies
il 1913
(Milliers de Irincs)
—
15.301.549
»
14.973.163
— 328.386
20.273.102
+ 4.973.553
Si l'on groupe les chiffres d'importation et d'exportation des principaux pays,
y compris les pays ennemis, on obtient le tableau ci-après :
— 227 —
>OMS DES PATS
Russie
Angleterre
Allemagne (')....
Belgique
Suisse
Italie
Espagne
Autriche-Hongrie (') .
Turquie (')
Ktals-Uuis
Brésil
République Argentine
Algérie
Maroc
Axitres pays
Totaux . . .
IMPORTATIONS
COMliESCB SPÉCIAL
(Milliers de francs)
172.991
048.379
4 119
5.755
407.685
504.859
653.805
1.133
2 919
.706.933
277.742
733.722
427. 14H
78.611
.073.611
1915
1913
3.037
22
244
433
581
3
9
3.02;
209
472
546
41
2.318
386
647
913
791
,176
,184
,362
901
916
G18
800
983
895
540
682
458.143
.115.136
.06S.800
556.277
135.242
240.514
281.593
103.45S
93.641
894.742
174.273
369.268
330 . 841
20.429
.578.976
11.035.794 8.421.332
DIFFÉRENCE
pour 1916
PiK RàPPuKT
k 1913
— 285.152
-!- 2.933.243
— 1.064. 681
— 550.522
+ 272.443
+ 21)4.345
4- 372.213
— 102.325
— 90.722
4- 3.872.191
+ 103.469
-j- 364.4.54
+ 96.307
+ 58.182
+ 494.635
+ 6.738.080
EXPORTATIONS
COMMERCE SPÉCIAL
(Milliers de francs)
1916
1915
859.832
118.334
901.023
1.098.898
42.420
36.151
299.736
297.694
685.886
388.294
152.194
la9.475
»
°
492.692
446.190
63.056
55.468
121.484
107.841
388.449
367.708
82.010
88.860
1.021.908
797.456
5.115.690
3.937.369
83.278
1.453.887
866.766
1.108.499
406 1.50
305.796
151.232
43.811
83.257
422.623
86.375
199 909
552.561
78.794
1.037.279
6.880.21'
DIFFÉRENCE
pour 1916
fàb KirroET
à 1913
776.554
547.864
866.766
1.066.079
106.414
380.090
962
43.811
83.257
70.069
23.:il9
78.425
164.112
3.216
15.371
— 1.764.527
(1) Sorties d'entrepôt aiUorisécs, leté^» de séquetlrc, réquisitions militaires.
Les recettes effectuées au titre de droits de douane ont continué leur
marche ascendante.
Voici, page 228, les chiffres des dix dernières années.
Quand on compare entre eux les chiffres de l'importation des deux dernières
années, on ne peut qu'être frappé de l'augmentation considérable survenue
en 1916 par rapport à 1915. Nous avons atteint l'année dernière 15 milliards
contre 11 milliards en 1915. Encore faut il noter que les valeurs ont été arbi-
trées pour 1916 d'après les taux de 1915. Or, ces taux sont actuellement trop
faibles d'un quart environ, d'oîi il suit qu'en réalité les importations de 1916
peuvent se chiffrer par près de 19 milliards, ce qui représente un excédent de
8 milliards environ, c'est-à-dire de 72 % par rapport à 1915. Il est bon de noter
que, dans ce total, sont comprises les importations de la guerre, qui affectent
lourdement les chiffres de l'entrée. On doit remarquer en outre que les
chiffres visés représentent des valeurs et non des poids et que ces derniers sont
souvent inférieurs à ceux des années précédentes. C'est ainsi notamment que
pour la houille, qui figure comme tonnage pour un chiffre (668.218 tonnes) infé-
rieur à celui de 1914 (776.198 tonnes), la valeur est presque deux fois et demie
plus forte (45.367.000 francs au lieu de 19.850.000).
En tonnage, l'augmentation n'est que de 71.406.056 quintaux métriques par
rapport à 1915 (401.898.616 quintaux au lieu de 330.492.560), soit 21 % seule-
ment du chiffre de 1915.
Quoi qu'il en soit, il est inquiétant de constater une pareille inflation, alors
que les pouvoirs publics ont pris des dispositions destinées précisément à res-
treindre les achats à l'extérieur, dans le but de diminuer les sorties d'or et de
procurer l'amélioration de notre change. Il est d'ailleurs piquant de signaler
qu'à certains égards, les marchandises frappées de prohibition à l'entrée ont
bénéficié des mesures restrictives, au lieu d'en être affectées. On relève, en effet,
que pour les pays alliés (Angleterre et Italie) les entrées de marchandises prohi-
— 228 —
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— 229 —
bées ont atteint, de juin à décembre 1916, une quantité totale de 40.884 quin-
taux métriques au lieu de 28.282 quintaux pour la période correspondante de
1915. Pour les neutres (Suisse, Espagne, États-Unis et autres pays), il y a une
légère diminution (75.080 quintaux en 1916 contre 86.572 en 1915). Dans l'en-
semble (neutres et alliés), la différence en quantité est insignifiante (115.964
quintaux en 1916 contre 114.854 en 1915). En fait, les prohibitions ont été
favorables aux importations des pays alliés (Angleterre et Italie), ainsi qu'à la
Suisse et à l'Espagne. Elles n'ont nui qu'aux envois des États-Unis et des
autres pays.
Comment expliquer ce résultat? Il tient à ce que, pour l'Angleterre en par-
ticulier, les prohibitions n'ont pas été appliquées. Nous avions à Londres un
bureau de douanes dont le rôle consistait à accorder toutes les licences qui
lui étaient demandées, à la seule condition qu'il s'agît de marchandise» d'ori-
gine anglaise. Quant à l'Italie, un accord avec ce pays autorisait l'entrée en
France, jusqu'à concurrence d'un contingent trimestriel, de îa plus grande
partie des marchandises qui intéressent l'exportation de ce pays. Pour le
surplus, les dérogations s'obtenaient sans trop de difficulté. On conçoit que,
dans ces conditions, les entrées de marchandises des pays alliés aient pris une
importance toute particulière, au détriment des envois des pays neutres, et
surtout des plus éloignés.
La situation a subi un notable changement depuis l'intervention du décret
du 22 mars 1917, qui a prononcé, à titre général, la prohibition, en France et
en Algérie, des marchandises de toute espèce, d'origine ou de provenance étran-
gère. Le ministre des Finances a la faculté d'autoriser des dérogations sur la
proposition d'un comité institué près du département du Commerce.
Un arrêté du 13 avril 1917, rendu sur la proposition de ce comité, a publié
la nomenclature : 1° (liste n^ 1) des marchandises qui peuvent être importées par
dérogation générale; 2^ qui ne peuvent être importées qu'en vertu d'une auto-
risation spéciale (liste n° 2) ; 3° des bois, métaux et ouvrages en métaux dont
l'entrée est soumise à l'avis de la Commission des Bois et Métaux (liste n^ 3).
Les marchandises qui ne figurent à aucune de ces trois listes seront l'objet
d'un contingentement, c'est-à-dire qu'elles ne pourront être importées qu'à
concurrence d'un chiffre fixé pour la durée d'un trimestre. L'importation en est
libre jusqu'au moment où les contingents auront été déterminés. Une commis-
sion permanente est chargée de statuer sur les questions qui lui sont soumises
par le comité.
Si l'on considère que les prohibitions de sortie remontent au début de la
guerre, le fait le plus saillant de l'année au point de vue de l'intervention du
service des douanes, est certainement la prohibition générale d'importation.
Le Gouvernement a eu plusieurs fois l'occasion d'indiquer les motifs qui l'ont
déterminé à édicter ces nouvelles restrictions. Nous ne nous attarderons pas
à reproduire les explications fournies à la tribune par M. le ministre du Com-
merce. Mais nous pouvons, sans mettre en discussion les principes sur lesquels
on s'est basé pour faire accepter ces mesures par le Parlement, essayer de
rechercher l'effet possible des prohibitions sur les importations que Ton a voulu
atteindre, c'est-à-dire sur les importations d'articles de luxe.
- 230 —
Nous avons vu plus haut que, pour les marchandises prohibées en vertu du
décret du 11 mai et des actes subséquents, les restrictions d'entrée ont été
inopérantes, du moins vis-à-vis des pays alliés. Au total, elles n'ont pas produit
le résultat cherché, puisque nos importations en 1916 doivent être évaluées
à un chiffre de 19 milliards, supérieur de 8 milliards à celui de 1915. Les nou-
velles dispositions prises par le Gouvernement réussiront-elles à diminuer cet
énorme tribut payé à l'étranger?
Si l'on veut bien se reporter aux explications données ci-dessus au sujet
de l'arrêté du 13 avril 1917, on constatera qu'en réalité les seules marchandises
réellement prohibées sont celles de la liste n^ 2, dont l'entrée ne peut avoir
lieu qu'à titre exceptionnel et en vertu d'autorisations spéciales. Les autres
sont l'objet d'une dérogation générale, ou bien doivent être contingentées à
un taux qui, dans les premiers temps du moins, se rapprochera de la normale.
(3r, l'importation des produits inscrits à la liste n^ 2 a déjà fortement diminué,
depuis le début de la guerre. Nous avions fait la même constatation, l'année
dernière, à propos des marchandises qu'a prohibées le décret du 11 mai 1916.
Si l'on admet que les marchandises destinées, directement ou indirectement,
à la défense nationale forment 75 ou 80 % environ du chiffre des entrées, il
reste, comme soumis à la compression efïective, le quart ou le cinquième des
importations.
Ce résultat, quoique un peu mince, serait cependant appréciable, s'il ne
devait avoir sa contre-partie dans une forte diminution de nos envois à l'étran-
ger. Le régime des restrictions est une arme à double tranchant. Nous ne pou-
vons espérer, en mettant obstacle à l'entrée des marchandises étrangères,
que nos produits conserveront un libre accès sur les autres marchés. La Russie,
l'Angleterre, l'Italie, ont déjà édicté des prohibitions très sévères. Les neutres
pourraient bien suivre cet exemple. Il en résultera fatalement une diminution
de nos envois à l'extérieur, et cette réduction sera d'autant plus importante
qu'en raison de sa nature, notre exportation est désignée pour souffrir plus
que toute autre de l'éviction des marchandises de luxe. On peut dès lors redouter
que l'amélioration de notre change, escomptée du fait des mesures prises,
ne soit sérieusement compromise.
Quant aux atténuations qui résulteront des ententes actuellement en cours
avec divers pays, il y a lieu de penser que, pour être efficaces, elles devront
annihiler, au moins en partie, l'efïet des prohibitions. Et, dans ce cas, l'utilité du
régime restrictif ne doit-elle pas être mise en question?
L'avenir nous fixera sur la valeur réelle du système économique auquel nous
avons eu recours, et nous dira si nous n'eussions pas été mieux inspirés en
cherchant ailleurs le relèvement de notre crédit extérieur. Ce que nous devons
souhaiter, c'est de ne pas voir se justifier les craintes qu'exprimait, l'année
dernière, notre éminent ancien président, M. Yves Guyot, lorsqu'il déclarait
se méfier des prohibitions, qu'on est toujours tenté de remplacer par de gros
droits, lorsqu'il faut se résoudre à les lever. A cette époque, il n'y avait encore
qu'un petit nombre de marchandises prohibées. Le danger serait beaucoup
plus grand, aujourd'hui, l'ensemble du tarif étant englobé dans les restrictions,
et l'état de nos industries pouvant servir de prétexte à certaines exagérations
de doctrine qui ne demandent qu'à se traduire en actes.
— 231 —
Il n'est pas douteux que, dans les premières années de la paix, nous serons
obligés d'avoir recours, pour beaucoup de produits, à l'industrie étrangère. La
barrière douanière ne devra pas s'élever au delà d'une limite raisonnable, bien
que l'obligation dans laquelle nous serons d'acheter hors de France doive
permettre l'importation, même avec de gros droits. La modération s'impose,
en effet, si l'on veut que l'intérêt du consommateur ne soit une fois de plus
sacrifié.
Nous aurons d'ailleurs le plus grand avantage à ne pas aborder la revision
de notre tarif sans nous être mis d'accord avec nos Alliés, de manière que, tout
en conservant notre autonomie, nous disposions d'éléments suffisants pour
entamer les négociations difficiles d'où sortiront les futurs traités de commerce.
L,-J. Magnan.
IV
QUELQUES PRÉGISIONS SUR LE CALCUL DES REVENUS
La « sommation » ou « totalisation » des revenus individuels a été l'objet
d'attaques asse» nombreuses lors de la dernière réunion de cette Société. 'Plu-
sieurs orateurs semblent ne voir en elle qu'une manifestation d'arbitraire, de
fantaisie, inhabile à se libérer des doubles emplois.
Cependant, sommations du capital ou des revenus nous expriment une idée
de grandeur qui n'est peut-être pas dénuée de toute utilité — et s'il n'avait
jamais été énoncé aucun chiffre depuis 1850, pour nous représenter la fortune
acquise en France, ou les fruits des capitaux actifs, nous parlerions de ces
choses à peu près comme l'aveugle de naissance qui discuterait du mérite de
nos peintres. Que notre vue soit trouble encore, parfois, je n'en disconviens pas,
car il est difficile de tout percevoir très nettement en un champ aussi vaste,
mais nous inclinons à penser, néanmoins, que tous les efforts qui ont été tentés
jusqu'ici pour évaluer les revenus de la population en monnaie nationale n'ont
point été complètement vains.
J.-B. Say, cité avec abondance et fort justement d'ailleurs, à l'occasion de
ce débat, a dit encore bien des choses qu'il serait bon de mettre en lumière, et
qui nous semblent accorder un peu plus de crédit aux « totalisations ». Nous
voudrions reproduire intégralement son chapitre III, intitulé : Du revenu annuel
— Du revenu national, et qui débute par les définitions suivantes :
« La somme des profits ou des portions de revenus que nous touchons dans le
courant d'un mois, d'une année, forme notre revenu d'un mois, notre revenu
annuel. »
« Et la somme des revenus de tous les particuliers dont se compose la nation,
forme le revenu national, le revenu de la nation. »
Nous n'étions pas loin de cette double définition en déclarant : 1° que les
revenus sont les fruits de tous les capitaux sans exception, y compris l'homme
qui est le plus agissant des capitaux; 2° que nous ne pensions pas qu'il pût y
— 232 —
avoir un « revenu national » dont le total fût sensiblement différent du total,
des revenus privés.
J.-B. Say dit encore : « Le revenu d'une nation est égal à la valeur totale de
tous ses produits, car cette valeur a été distribuée en totalité à l'un ou l'autre
de ses producteurs. »
On voit par là que les « totalisations » ou « sommations » n'étaient pas super-
flues, au regard de ce maître — seulement, il nous met en garde contre les
doubles emplois (biens grevés d'hypothèques, produits fiscaux, etc.) et nous
dit en termes diserts que la statistique, en somme, doit être maniée par des
statisticiens, de préférence à tous autres artisans, si respectables qu'ils fussent.
Nous reviendrons sur le troisième paragraphe cité, d'un intérêt essentiel, et
qui pourrait à lui seul faire une excellente tête de chapitre, sinon même un titre
d'ouvrage. Mais au préalable nous nous permettrons d'insister sur cette ter-
reur des doubles emplois, que l'on exagère à nos yeux, et qui ne tendrait à rien
moins qu'à décourager toutes les bonnes volontés, sur un terrain où les
recherches utiles ne se sont d'ailleurs pas multipliées.
*
* *
Il est bien certain que l'homme ne tire pas exclusivement de lui-même la
totalité des revenus dont il dispose. Il la reçoit de son propre travail, de ses
capitaux, et du labeur d: autrui. Cette troisième source concerne spécialement
le chef d'entreprise, mais de ce qu'il doive partiellement son revenu à autrui, il
n'en découle pas que cette portion soit inexistante, ou fasse double emploi.
Dans les revenus du travail nous comptons seulement le salaire, et transpor-
tons la plus-value des objets transformés à la rubrique des revenus mixtes,
en relevant les bénéfices des employeurs. La mutualité des services n'implique
pas de double emploi lorsqu'on fait la somme de ce dont chacun dispose libre-
ment après avoir pris soin d'établir la ventilation des profits collectifs.
Que nul n'échappe à la nécessité de céder ensuite à des tiers, pour les dépenses
de la vie courante, la plus grosse part de ses ressources annuelles, le fait n'est
pas douteux, mais lorsque nous tentons d'évaluer cette nouvelle sommation, la
question des revenus disparaît et notre champ visuel n'embrasse plus que
l'épargne.
Je me place en face de l'individu et lui demande : « Avez- vous la jouissance
d'un revenu, et si oui, quel en est le montant? Je me soucie peu de savoir d'où
vient ce revenu ni où il ira ; d'abord, parce que le fait d'avoir été partiellement
transmis et de devoir l'être encore, ne détruit pag son existence; ensuite,
parce que dans cette circulation des revenus privés, entre nos frontières, la
collectivité nationale ne peut éprouver aucune perte chaque fois qu'un Français
cède à un autre Français une portion de son propre revenu. C'est même le
phénomène inverse qui se produit. Si je donne, à titre gratuit, LOOO francs
de mon revenu à l'un de mes concitoyens, la masse des revenus privés reste
invariablement la même. Mais si j'achète pour LOOO francs de produits néces-
saires à mon existence, cela va immédiatement procurer à mes fournisseurs
le bénéfice correspondant à leur vente, et partant, un revenu supplémentaire
à la collectivité.
— 238 —
On voit par là combien est peu fondée la crainte des doubles emplois
basée sur la circulation, sur la mutation de nos revenus, qui se traduit par des
échanges et non par des disparitions.
Faites de vos ressources annuelles tel usage qui vous conviendra — je n'ai
point à me préoccuper de la nature de vos dépenses du moment qu'elles se font
au profit de vos concitoyens. Pour éviter le double emploi dans ma totalisation,
il me suffira de ne pas compter deux fois certains produits qui apparaissent dans
le groupe des valeurs mobilières et qui tirent leur origine d'autres capitaux
réunis sous la forme collective; puis, de tenir compte des biens grevés d'hypo-
thèques; enfin, de distraire du total la part distribuée par l'État, les départe-
ments, les communes, en rentes, pensions, traitements, et qui n'est que la redis-
tribution de sommes prélevées sur le revenu général de la population.
*
* *
Quelques mots, maintenant, à propos des définitions. Lorsqu'on parle des
retenus privés de la population, chacun sait ce que cela signifie et il ne saurait
y avoir d'équivoque. Au contraire, le nom de revenu national peut admettre
plusieurs acceptions parce qu'il ne possède pas un sens précis ou exclusif.
Que sont les revenus privés, sinon la somme des revenus individuels ? Qu'est-ce
que le revenu national, sinon l'ensemble des ressources annuelles de tous les
citoyens qui forment la nation ? Cette définition soulèvera des protestations,
mais si nous commettons ici une erreur, nous la faisons avec J.-B. Say dont
nous avons cité le propre texte. Et cela démontre, dans tous les cas, que l'ap-
pellation de « revenu national » prête à maintes confusions.
La distinction que l'on veut établir entre deux choses qui semblent n'en
faire qu'une, tant elles sont voisines, nous paraît être de nature à compliquer la
question, plus qu'à l'éclaircir — car, si le rôle de l'État obscurcit de prime abord
le problème, chacun sait que l'État n'est qu'un simple répartiteur de revenus
(montant des impôts perçu et reversé ensuite sous forme de rentes, pensions,
traitements, etc.) et qu'il nen fabrique pas... ou si peu !
M. Colson estimait, en 1903, les revenus réels de l'État, des départements,
des communes à 217 millions, en excluant, il est vrai, le produit des mono-
poles de l'État, qu'il assimilait à l'impôt. En se basant sur ce chiffre pour l'en-
semble desdites collectivités, la différence entre ce que l'on a appelé le «revenu
national » et les « revenus privés »> (ces derniers s' élevant alors à près de 31 mil-
liards en comptant la rente alimentaire prélevée sur l'exploitation agricole)
n'atteindrait même pas 1 %. Nous voilà loin des 15 ou 20 ^/., dont il a été
question.
*
* *
Il n'y aurait donc en fait, sinon en théorie, qu'un seul total de revenus,
quel que soit le nom dont on fasse choix pour le désigner. Mais s'il en est
ainsi, il n'est pas moins évident que tous les auteurs n'ont pas toujours employé
la même méthode; et de là surgissent des différences, considérables parfois,
entre les résultats présentés.
l" 8KRIH. 586 VOL. «0 7 17
- 284 -
Ces écarts, auxquels il a été fait allusion et dont on a tiré argument contre les
« sommations », proviennent d'abord de ceci que la plupart des estimations
ont été données à des dates fort différentes. On les doit encore aux procédés
adoptés pour aboutir à des revenus nets (les seuls qui soient véritablement
dignes de nos recherches) et aux appréciations parfois erronées dont les fruits
du capital et du travail ont été l'objet dans le détail des cédules.
Au demeurant, les erreurs de tel ou tel ne devraient pas nous conduire à
proscrire une méthode susceptible de fournir de précieux enseignements. En
ce qui concerne celle-ci, nous croyons que l'on peut, disons plus, que l'on
doit s'en tenir à la règle suivante :
1° Si Von a compté tous les revenus privés distribués par V État, les départements,
les communes {rentes, pensions, traitements de fonctionnaires, solde et équipe-
ment des troupes), déduire du total le montard des impôts qui seuls permettent
cette répartition ;
2^5 En cas contraire, ne tenir aucun compte de l'impôt.
René Pupin.
V
VARIÉTÉS
CHEMINS DE FER CHINOIS D'AUJOURD'HUI ET DE DEMAIN
Quelle que doive être la rareté relative des capitaux au lendemain de la
guerre, par suite des consommations actuelles, il sera du plus grand intérêt
pour les nations européennes de reprendre toute leur influence dans l'Empire
chinois, pour se substituer en partie à l'influence qu'avaient prise les Allemands,
et pour aider les Japonais dans leur mise en oeuvre du '^'^ys, où ils seraient inca-
pables d'apporter seuls les capitaux nécessaires. Avant la guerre, l'acti-
vité de la France et aussi de la Belgique avait été des plus remarquables à cet
égard ; le développement des lignes ferrées construites par les entreprises franco-
belges était d'environ 2.500 kilomètres, à peu près 40 % de la construction
totale, et autant que l'étendue des lignes construites soit par l'Angleterre, soit
par le Japon, et totalisées.
Comme toujours la création de nouvelles voies de transport peut servir
puissamment à mettre en valeur la Chine, il y a là un domaine fructueux à
exploiter. Aussi au point de vue statistique même, au point de vue des rensei-
gnements que cela peut fournir en matière économique, industrielle et commer-
ciale, il est utile de montrer quelle est la situation présente, de donner égale-
ment des renseignements sur les lignes projetées ou à prévoir. Certaines de ces
lignes ont déjà commencé d'être construites; pour d'autres la construction
est tout au moins décidée; d'autres enfin ne sont qu'à l'état de simple projet.
Mais le Gouvernement chinois lui-même y attache une telle importance, qu'il a
fait dresser tout un programme des nouvelles lignes classées suivant leur degré
d'urgence et le temps nécessaire à leur achèvement. Ce programme est énorme.
— 235 —
il porte sur 44.000 kilomètres de voies nouvelles : certaines de ces lignes répon-
dent à la mise en communication rapide du gouvernement central avec la capi-
tale de chaque province, et par conséquent à des vues au moins aussi poli-
tiques que commerciales; d'autres sont destinées à relier entre eux les grands
centres commerciaux, à desservir des populations nombreuses et industrieuses,
elles sont susceptibles de gros rendements. Enfin, certaines des lignes du réseau
projeté doivent mettre en communication la Chine avec les États voisins et
les grands pays acheteurs de ses produits : lignes internationales devant ren-
contrer souvent des difficultés matérielles dans leur établissement, par suite
même des conditions géographiques et géologiques des régions de la périphérie
de la Chine. Le programme est tellement vaste, qu'il porte également sur des
lignes un peu secondaires destinées à mettre en valeur certaines provinces
encore très peu peuplées, ou sur des lignes de valeur stratégique surtout dans
les relations avec les pays voisins.
Ce programme d'exécution, et surtout une étude remarquable faite devant
la Société des Ingénieurs civils par M. J. H. Charignon, nous donnent des ren-
seignements statistiques très précieux sur les lignes en exploitation, et des ren-
seignements numériques non moins intéressants sur les lignes projetées. Pour
les lignes actuellement ouvertes à l'exploitation, elles représentent dans l'en-
semble (ce qui peut surprendre quelque peu bien des gens) un développement
déjà considérable de 10.330 kilomètres. Leurs dépenses d'établissement totales
sont évaluées à 1 milliard 772 millions de francs ; ce qui ne fait pas ressortir en
somme la dépense kilométrique d'établissement à un chiffre très élevé; car
plusieurs de ces lignes ont dû être établies dans des conditions techniques
très malaisées, avec d'immenses ouvrages d'art, comme les ponts sur le
Fleuve Jaune, dans des plaines sujettes à des inondations terribles.
Si nous décomposons à peu près logiquement ces lignes (d'après les régions
qu'elles desservent) en cinq groupes, nous trouvons d'abord les lignes de Mand-
chourie au delà de la fameuse Grande Muraille, lignes dans lesquelles la Russie
et le Japon ont engagé des intérêts considérables : ce sont celles qui constituent
le réseau uniquement utilisable entre Paris et Pékin ou entre Londres et le
Japon, en passant par Moscou et Vladivostok. Dans leur ensemble, ces lignes
de Mandchourie représentent 2.999 kilomètres, dont 1,528 pour celle qui s'étend
de la frontière sibérienne à la frontière vers Vladivostok. La situation finan-
cière de ces lignes se traduit par ce fait que le coefficient d'exploitation n'y
dépasse généralement pas 40%.
Au nord du Fleuve Bleu, nous trouvons un autre groupe comprenant notam-
ment les 1.180 kilomètres de la ligne de Pékin à Moukden, qui ont coûté
124 millions d'établissement; puis les 1.348 kilomètres de la ligne de Pékin à
Hankow, dont le coût d'établissement a été de 189 millions; 1.088 kilomètres
de la voie ferrée de Tien-tsin à Sukow, avec dépense d'établissement de 200 mil-
lions. Ces diverses lignes sont exploitées par l'État chinois. C'est dans ce groupe
que l'on trouvait la fameuse ligne allemande déjà si puissante, si importante au
point de vue du trafic, de Tsing-tau à Tsi-nan, le chemin de fer du Chantoung,
où les Allemands avaient créé un réseau de 450 kilomètres et plus pour une dé-
pense de 70 millions, et qui leur a été arraché par la conquête japonaise. L'en-
semble de ce groupe des lignes au nord du Yang-tse-kiang représente 4.870
— 236 —
kilomètres, établis moyennant une dépense de 719 millions. Le coefficient des
lignes de ce groupe est également satisfaisant : pour la ligne de Pékin à Moukden
par exemple, ce coefficient est aux environs de 30 % ; pour la ligne allemande
à laquelle nous faisions allusion, il était au-dessous de 30 % au bout d'assez peu
de temps, le dividende distribué dépassant 11 % ; il n'a jamais atteint 30 % sur
la ligne Pékin— Hankow.
Au sud du Fleuve Bleu, les voies ferrées sont déjà nombreuses; elles représen-
tent ensemble 1.360 kilomètres établis moyennant une dépense de 313 mil-
lions. On y comprend notamment la ligne essentiellement française de Laokai,
c'est-à-dire de la frontière du Tonkin à Yunnan-fou, pour 465 kilomètres et
165 millions de francs; la ligne de Shanghaï à Hang-show pour 246 kilomètres,
celle de Woosung à Nankin pour 350.
D'ailleurs, en dehors des grandes lignes appartenant aux deux derniers
groupes dont nous venons de parler, il y a, d'une part au nord, de l'autre au sud
du Yang-tse-kiang, des lignes amorcées réparties en deux groupes : l'un de
321 kilomètres, l'autre de 770, et qui sont susceptibles elles aussi de donner de
beaux rendements, de présenter un coefficient d'exploitation tout à fait satis-
faisant.
Pour ce qui est des lignes à construire, le programme comporte environ
44.000 kilomètres, dont la construction se doit répartir sur une période de
quinze à vingt ans, avec un capital de premier établissement minimum de
11 milliards de francs. On estime que, dans ces conditions, le réseau chinois, en
1930, présentera un développement de 54.000 kilomètres; la totalité ambitieuse
de ce programme ne sera peut-être pas réalisée à ce moment; mais une bonne
partie sans doute en sera exécutée. Actuellement il existe en construction
quelque 2.100 à 2.150 kilomètres de voies nouvelles complétant une ^érie de
réseaux présentant déjà une importance réelle.
Daniel Bellet.
*
* *
LA COMPOSITION DU LANDTAG PRUSSIEN
C'est en 1850 que Frédéric-Guillaume IV accorda une constitution au [x'uiWe
prussien, mais par une bizarrerie qui peint le roi et l'homme (il devait mourir aliéné),
il ne voulut pas entendre parler d'un parlement; tout au moins ce terme ou un terme
analogue no dut pas figurer dans la « Charte « qu'il octroyait, lui aussi, à son royaume.
lie Parlement prussien porta donc le nom de Landtag, mot qui signifie exactemen-^
assemblée du pays, et qui s'appliquait aux seules diètes provinciales. Ce terme de
Landtag a donc toujours, dans la langue politique de la Prusse, un double sens :
il veut dire à la fois diète de province, par exemple le Landtag de Brandebourg, et,
en même temps, parlement du royaume, le Landtag de Prusse.
Ce Landtag comprend deux Chambres : celle dos Soigneurs ou Herrenhaus et celle
des Députés ou Abgeordnetenhans. Ici encore les vocables sont impropres : la première
Chambre, en effet, ne renferme pas que des « seigneurs » et le mot qui désigne la
seconde Chambre veut bien dire Chambre des Députés, mais dans le sons de délégués
et n'a été choisi que pour éviter celui de représentants.
Nous avons parlé ici même, il y a déjà qu(>lque temps, de la composition de la
Chambre des Seigneurs; nous ne reviendrons pas sur ce sujet. Nous rajipellerons sim-
plement que cette Chambre dont le total est variable, comprend 402 membres (c'est
— 237 —
le chiffre d'avant la guerre). Elle n'en comptait que 314 en 1893; le « roi » Guil-
laume II a donc fait des « fournées de pairs ». De ce total de 402, 105 membres du
Herrenhaus étaient nommés à titre viager; le reste est héréditaire. En 1913, 45 sièges
n'étaient pas occupés, en raison de la jeunesse des titulaires (l'âge légal est de trente
ans).
La Chambre des Députés se compose de 443 membres; elle est donc plus nom-
breuse que le Reichstag qui. lui, n'en compte que 397 pour tout l'Empire. Mais tandis
que le Parlement impérial est élu au suffrage universel (on est électeur à vingt-cinq
ans), V Abgeordnetenhaiis est nommé au suffrage censitaire et à deux degrés. Ce pro-
cédé est trop connu pour que nous y insistions longuement. Il nous suffira de dire que
les électeurs du premier degré ou Urwàhler (citoyens âgés de vingt-quatre ans) sont
distribués en trois classes payant chacune le tiers de la contribution directe de leur
collège électoral ou Wahlbezirk. Ces trois curies nomment chacune le même nombre
d' « électeurs » ou Wahlmdnner qui, réunis, élisent le député. Un pareil système est
tout à l'avantage de la richesse, car il arrive fréquemment que quelques contribua-
bles suffisent à constituer la première classe et nomment ainsi autant d'électeurs du
second degré que les milliers de citoyens de la troisième curie. A Berlin même, il
est arrivé que, dans une circonscription, la première classe était représentée par un
seul contribuable, gros financier, et la seconde par deux contribuables fort riches.
Ces trois personnes élisaient donc, en fait, le député du collège intéressé : la masse des
électeurs de la troisième classe était ainsi quantité pire que négligeable, négligée.
Autre iniquité de ce régime électoral : le même chiffre d'impôt ne donne pas au citoyen
la même part dans l'élection; celle-ci, en effet, varie suivant le total des impôts payés
par la circonscription, d'où résulte nécessairement une différence dans le quotient
ternaire qui détermine le classement des électeurs primaires.
Ce système électoral que Bismarck lui-même qualifiait de misérable est demeuré
le même depuis 1850, malgré le progrès démocratique de presque toute l'Europe,
même malgré l'adoption du suffrage universel pour le Reichstag et pour l'élection
de quelques parlements particuliers de l'Empire. Après avoir rejeté maints projets de
réforme, le Gouvernement prussien, inféodé aux Junkers, parait devoir céder aujour-
d'hui à la poussée de l'opinion publique : mais il est douteux qu'il agisse de bon gré,
sinon de bonne foi.
Ajoutons que, au Landtag prussien, comme du reste au Reichstag, le total des sièges
demeure le même, quel que soit le développement de la population des divers collèges
électoraux. Dans l'ensemble du royaume de Prusse, il y a un député par 91.000 habi-
tants environ. Mais cette moyenne est bien surpassée dans les régions populeuses :
elle est de 173.000 à Berlin, de 121.000 dans la Westphalie, de 113.000 dans la Prusse
Rhénane, de 108.000 dans le Brandebourg (sans Berlin). Par contre, elle s'abaisse
aux environs de 65.000 dans la Poméranie et la Prusse Orientale et à moins de 36.000
dans le Hohenzollern. En laissant de côté cette petite principauté, nous rencontrons
le maximum de population par siège (hors Berlin) dans les districts de Dusseldorf
(Prusse Rhénane) et Arnsberg (Westphalie) avec 155.000 et 150.000 habitants respec-
tivement; le minimum dans le district poméranien de Stralsund avec 56.000 habi-
tants seulement. Ces chiffres montrent l'opposition des deux parties de la Monarchie :
l'Ouest plus industriel et populeux; l'Est plus agricole et, malgré l'agglomération ber-
linoise, moins peuplé, mais avantagé par la répartition des sièges parlementaires,
celle-ci ne suivant .pas le développement de la population. L'ensemble des provinces
de l'Est, soit les deux provinces de Prusse, la Poméranie, Posen, le Brandebourg
(avec Berlin) et la Silésie, dispose de 225 sièges au Landtag, c'est-à-dire de la majorité
avec une population de moins de 19 millions d'habitants, soit 47,5 % du total du
royaume. La moyenne de population par siège est de 84.000 unités (78.000, abstrac-
tion faite du Brandebourg avec Berlin), tandis qu'elle atteint 98.000 dans la région de
l'Ouest (Voir le tableau 1).
Vu la différence du système électoral, la composition des partis ne saurait être la
même au Reichstag qu'au Landtag (Voir le tableau II). Dans l'assemblée élue au
suffrage universel, les partis dits de l'ancien cartel qui formèrent jadis la majorité
bismarckienne (conservateurs, parti de l'Empire et nationaux-libéraux) ne sont qu'une
faible minorité (106 au total ou 26 % seulement de l'ensemble du Reichstag) et ils
ne constituent guère plus du tiers même, soit 35,6 % de la représentation prussienne
au Reichstag, soit 236 membres. En revanche, ils forment la majorité au Landtag
avec 273 députés ou 61,6 % de cette assemblée. Les conservateurs y sont même le
parti le plus nombreux avec 148 membres, soit plus du tiers du Landtag {Abgeord-
nefenhaus)] ils se recrutent surtout dans l'Est (106 mandats contre 42 seulement
dans l'Ouest). Les radicaux et le centre ont à peu près la même force relative dans
la représentation à la Chambre prussienne et au Reichstag. Avec ses 102 députés au
Landtag, le centre est ici, comme dans l'Assemblée impériale, le second parti de la
représentation parlementaire avec une proportion de plus du quart de part et d'autre,
proportion un peu plus forte au Landtag.
Tableau I
Total des sièges au Landtag et population moyenne par siège dans les provinces
du Royaume de Prusse.
Provinces
Prusse Orientale
Prusse Occidentale . . . ,
Berlin ,
Brandebourg (sans Berlin)
Poméranie
Posen
Silésie
Région de l'Est
Saxe prussienne ....
Schleswig
Hanovre
Westphalie
liesse-Nassau
Prusse Rhénane ....
HohenzoUern
Région de l'Ouest, ....
Total général. . .
Total
Population
des
moyenne
sièges
par siège
32
64.500
22
77.400
12
173.000
38
107.500
26
66.000
29
72.300
66
79.000
. 225
84.000 (78.000 dans le Brandebourg avec Berlin).
38
81.300
19
85.200
36
81.700
34
121.000 *
26
85.400
63
113.000
2
35.500
218
98.000
443
91.000
Tableau II
État comparé de la force numérique des partis au Landtag prussien
et au Reichstag impérial (pour le Royaume de Prusse)
Total des mcmbre>
Conservateurs
Parti de l'Empire. . . .
Nationaux-hbéraux. . .
Radicaux
Centre (catholiques) . .
Socialistes
Polonais
Autres partis '
Sièges vacants (en 1913) .
Landtag
148
54
71
40
102
10
12
3
3
• 443
Reiohatag
46
13
25
25
51
51
18
236
Pour 100 membre) du
Landtag
et des députés prussiens
au
Reichstag;
combien
1 de chaque
parti
au
au
Landtag
H
leichstag
33,4
19,5
12,2
5,6 ■
16
10,5
9 ,
10,5
23,2
21,5
2,2
21,7
2,5
7,6
0,75
3,5
0,75
p
100
100
Par contre, les Polonais sont moins représentés — absolument et relativement —
à l'Assemblée prussionnt^ qu'an Reichstag: c'est que, avec le système électoral prus-
— 239 —
sien, les masses populaires de la Posnanie et de la Silésie sont sacrifiées. Au lieu
de 11 mandats à Posen pour le Reichstag, les Polonais n'en ont que 9 au Landtag et
ils n'ont aucun député silésien au Landtag au lieu de 4 au Parlement impérial. Mais
le plus maltraité de tous les partis par le suffrage censitaire prussien est naturelle-
ment le parti socialiste. Il n'est représenté au Landtag que depuis les élections de
1908 : il y eut alors 6 députés. Depuis, aux élections de 1913, pour la législature 1913
1917, il a obtenu 10 sièges, soit 5 à Berlin, 4 dans le Brandebourg et 1 à Hanovre,
tandis que dans la députation prussienne au Reichstag, on compte 51 socialistes,
soit une proportion de près de 22 % au lieu de 2,2 % à V Ahgeor-dnetenhaus. Tandis
que pour le Reichstag la députation de Berlin comprend, sur 6 membres, 5 socialistes
et 1 radical, on compte, sur 12 députés au Landtag, 7 radicaux et 5 socialistes.
La statistique prussienne nous permet de faire d'autres remarques intéressantes
sur la composition de la seconde Chambre du royaume. L'âge de l'éligibilité étant de
trente ans, la partie jeune de la Chambre est relativement peu nombreuse : 140 dé*
pûtes avaient moins de cinquante ans en 1913, dont 29 seulement moins de trente ans;
131 dépassaient la soixantaine; la majorité, soit 169, étaient âgés de cinquante à
^soixante ans.
Au point de vue religieux, la majorité des députés — 304 — sont protestants. Les
trois partis du cartel sont presque exclusivement protestants : il n'y a que 2 ca-
tholiques parmi les conservateurs proprement dits. Les radicaux sont aussi de majo-
rité protestante; mais sur leurs 40 membres, on compte 3 catholiques et 7 Israélites.
Les 102 députés du centre et les 12 Polonais sont, bien entendu, catholiques. Quant
aux socialistes, 10 seulement ont déclaré appartenir à une dénomination cultuelle,
au moins c'est le seul chiffre donné par la Statistique officielle (3 protestants et 7 qua-
lifiés de dissidents ou sans confession).
Plus curieuse est la composition de la Chambre basse sous le rapport professionnel :
c'est là qu'apparaît aussi la conséquence du régime électoral. Cette chambre est tou-
jours et vraiment, comme on disait il y a soixante ans, la « Chambre des sous-préfets ».
En effet, on n'y compte pas moins de 127 fonctionnaires de l'État, des provinces et
des communes : c'est plus du quart du total. Les propriétaires fonciers [Landwirté)
y sont encore plus nombreux : 139. Le Barreau et la carrière judiciaire y comptent
30 des leurs; les industriels, 28; les commerçants, 9. Le total des médecins peut nous
sembler modeste, seulement 4; 23 députés sont qualifiés de rentner et 10 d'écrivains
et journalistes. Le clergé est représenté par 8 pasteurs et 14 prêtres et enfin les Herren
Professoren comptent 26 d'entre eux au Landtag.
Telle est la composition politique et professionnelle de la Chambre des Députés
au Landtag (on dit plus communément le Landtag tout court). On comprend sans
peine qu'elle ait besoin d'une réforme; on peut s'étonner qu'il ait fallu les événements
actuels pour la faire réclamer : ce qui ne veut pas dire qu'elle sera pleinement ni
surtout sincèrement réalisée. r>„ , T.r„ , ,^
Paul Meuriot.
VI
BIBLIOGRAPHIE
De l'Importance économique, de l'organisation et du fonctionnement en
France des Compagnies anonymes françaises d'assurances à primes
fixes contre l'incendie (1), par M. Gervais Genêt.
C'est un bien vaste sujet que celui auquel s'est attaqué M. Gervais Genêt, et l'étude
économique, historique et juridique qu'il présente en moins de trois cents pages est
(1) Paris, de Boccard, 1917.
— 240 —
une œuvre consciencieuse et utile. Quiconque veut acquérir sur le fonctionnement
de nos compagnies à primes fixes d'assurances contre l'incendie des notions à la fois
simples et rigoureuses la lira sans fatigue et avec fruit.
Dans la première partie de son ouvrage, après avoir donné les caractéristiques
des compagnies à primes fixes et rappelé les principes de la législation française qui
les régit, M. Genêt trace d'abord les cadres de leur organisation; il définit le rôle
des différents services, direction et siège central, agences, services d'inspection et
traite aussi des sous-agents, des courtiers et des experts. Les candidats à la carrière
des assurances trouveront ici, sur les situations auxquelles ils peuvent prétendre,
des indications d'autant plus précieuses qu'on les rencontre rarement exposées d'une
manière systématique. (Rappelons pour mémoire l'effort qu'a déjà fait dans ce sens,
il y a quelques années, l'Institut des Finances et des Assurances de la mairie Drouot,
en organisant sur le môme sujet une série de conférences spéciales.)
L'auteur expose ensuite les conditions du fonctionnement proprement dit des
compagnies, c'est-à-dire qu'il analyse le contrat d'assurances, ses caractères essen-
tiels, sa forme et ses éléments, les obligations qui incombent à l'assuré lors de la for-
mation et au cours dudit contrat, les conditions dans lesquelles celui-ci prend fin, et
qu'il étudie avec soin le régime si important du règlement des sinistres.
Cette substantielle monographie est complétée et comme encadrée, en tête, par
une notice historique qu'on voudrait moins sommaire (et pour laquelle M. Genêt
a beaucoup demandé aux savants travaux de ses devanciers, notamment à l'excellent
petit livre que M. le baron Cerise a consacré à la lutte contre l'incendie avant 1789
et à l'ouvrage si documenté de M. Hamon sur l'histoire de l'assurance), et, in fifie,
par un appendice sur le droit fiscal en matière d'assurance-incendie.
Nous n'entendons pas procéder ici à un examen critique minutieux du plan même
de ce travail, des développements qui lui ont été donnés, des références de juris-
prudence et des sources citées — ■ lesquelles sont de valeur assez inégale... M. Genêt
nous permettra seulement, après avoir signalé tout l'intérêt qu'offre son livre, de lui
formuler deux observations.
Présentant l'ouvrage aux membres de la Société de Statistique, comment n'expri-
merions-nous pas le regret de n'y pas trouver précisément les renseignements statis-
tiques, les données exactes et complètes qui auraient permis au lecteur de mieux
apprécier 1' « importance économique » de ces compagnies à primes fixes dont on fait,
à si bon droit, l'éloge, et de suivre l'admirable développement qu'elles ont pris depuis
le jour — dont on fêtera bientôt le centenaire — où elles ont commencé à fonctionner
en France. Il eût suffi de quelques pages, de quelques tableaux, difficiles peut-être
à dresser sans lacunes, mais dont l'utilité aurait été fort grande.
Combien, d'autre part, il est fâcheux que M. Genêt n'ait pas, dans un livre (jui
paraît en 1917, consacré tout un chapitre aux répercussions de la grande crise que
nous traversons sur le fonctionnement des entreprises françaises d'assurance contre
l'incendie. A peine, çà et là, trouvons-nous quelques timides allusions aux événements
actuels, l'expression d'un désir — si justifié — de voir la législation spéciale se faire
plus libérale lorsque la lutte économique reprendra plus vive après la « victoire des
Alliés », l'exposé sommaire des dangers que présentait pour la défense nationale
l'organisation d'avant-guerre de la réassurance... Et d'ailleurs, l'auteur ne s'est-il
pas montré quelque peu optimiste dans l'appréciation de ces périls? Il y avait là
tout un plan de défense à dresser et l'on ne saurait douter que les compagnies n'en
aient compris l'urgence, quand on se reporte à la belle lettre qu'adressait au ministre
du Travail, le 2 février 1916, M. le président de l'Union syndicale des Compagnies
d'assurances à primes fixes de toute nature.
J. Girard.
*
* *
— 241
Resumen annal de Estadistica Municipal. Montevideo.
Il y a quelques mois le directeur de la Statistique de Montevideo a fait paraître
sous ce nom l'Annuaire de la statistique municipale. Cette publication commencée
en 1903 en est aujourd'hui (pour 1915) à sa treizième année. Elle est corroborée
par le Bulletin mensuel de Statistique municipale qui date également de 1903.
Comme les années précédentes, ce dernier annuaire renferme d'abondants rensei-
gnements sur la capitale de la République de l'Uruguay. L'introduction est spéciale-
ment un rappel des données antérieures et une comparaison des phénomènes démo-
graphiques de Montevideo avec ceux des grandes villes du monde. A noter le tableau
de la population de Montevideo à différentes époques, dont la première en date est
celle de 1757, alors que cette ville ne comptait même pas 1.700 habitants; elle atteint
aujourd'hui 375.000 âmes et contient à elle seule plus du quart de la population
totale de l'Uruguay.
Après ces préliminaires, l'ensemble de l'Annuaire est divisé en quatre parties :
10 climatologie et météorologie; 2° mouvement de la population; 3*^ démographie;
40 mouvement ou activité des bureaux {movimiento de oficinas).
La première partie — climatologie et météorologie — - est due aux études de l'Ob-
servatoire du Prado, fondé en 1900 comme établissement municipal, puis devenu
national en 1905. Ce chapitre contient de nombreux détails sur la température par
mois et par jour (pour 1915) avec rappel des minima et des maxima par année
depuis 1901, l'état des vents, de la pluie, des brouillards, etc. Ces observations
mensuelles sont réparties par saisons, celles-ci commençant avec l'année civile le
1er janvier, soit l'été, Verano (janvier, février, mars), l'automne, Otoho (avril, mai,
juin), l'hiver, Invierno (juillet, août, septembre) et le printemps, Primavera (octobre,
novembre, décembre). Nous sommes, en effet, à Montevideo par 35" environ de lati-
tude sud, ce qui correspond dans notre hémisphère à la latitude de Gibraltar.
Le mouvement de la population — Movimienio de Pohlacion — occupe la deuxième
partie de l'Annuaire. Ce chapitre est consacré à la statistique de l'immigration et
émigration par nationalité, par professions pour l'année 1915 (par mois), du mouve-
ment mensuel des passagers dans le port de Montevideo (par sexe et par âge), avec
une comparaison de ce mouvement depuis 1879. A cette date, on ne comptait que
57.000 passagers, tant à l'entrée qu'à la sortie; en 1913, le total était de 311.000;
en 1914, il y a une baisse légère, 308.000; mais sous l'influence de la guerre mon-
diale, la baisse s'accentue et en 1915 il n'y a plus que 181.000 passagers.
Beaucoup plus développée que la seconde partie, la troisième est la démographie.
C'est, -en somme, tout le mouvement de l'état civil de Montevideo suivant les diffé-
rents quartiers [secciones), par mois, nationalité, degré d'instruction. Ici, comme
presque partout ailleurs, le taux de natalité n'augmente pas avec la population :
de 36 pour 1.000 habitants vers 1890, il tombe à 27 0/00 en 1915. La proportion
des mariés illettrés a été en 1915 de 10 %; ce taux était de 7,5 % chez les hommes
et de 12,6 % chez les femmes. Cette proportion était plus élevée parmi les immi-
grés espagnols et italiens (20,4 et 14 % pour les deux sexes) que parmi les nationaux
(7 %). Ce chapitre contient des détails très nombreux sur les décès : par mois, sexe
et genre de maladies, principalement les maladies contagieuses.
Enfin le travail des divers offices municipaux occupe la dernière partie du Resumen.
On y trouve tous les détails statistiques se rapportant à la police municipale, à
l'assistance pubHque, aux services de vaccination, désinfection, inhumation, à l'ins-
truction publique (Université, écoles, bibhothèques), aux transports et communi-
cations, etc. Citer ces rubriques suffit à montrer l'intérêt que présente l'Annuaire
municipal de Montevideo.
P. M.
- 242 —
VII
NÉCROLOGIE
TERZI (KFINESXO)
Notre collègue Ernesto Terzi vient de s'éteindre le 19 mai 1917 à l'âge de soixante-
dix-sept ans, et les quelques lignes qui suivent ont pour but de retracer la vie de cet
homme de grand bien.
Né en 1840 à Grassobio (province de Bergamo), M. Terzi fit ses études au collège
Ghislieri de Pavie.
Le 24 juillet 1863, il obtint le diplôme en médecine et chirurgie après avoir brillam-
ment passé les examens et reçu des éloges pour son travail Des Accidents d'hé-
morrhagie qui peuvent survenir dans les opérations de chirurgie et des remèdes pour y
remédier.
Encore étudiant, il obtint une mention d'honneur pour ses travaux médico-chirur-
gicaux sur le champ de bataille de Solférino et à l'hôpital Majeur de Milan. Il fut
nommé « adjoint » à l'hôpital Majeur de Milan le 5 novembre 1867 et y exerça les
fonctions de chef jusqu'au 10 mai 1875, époque à laquelle il donna sa démission afin
de se consacrer aux « maladies des petits enfants et aux maladies de la peau «.
En 1870, il remporta le prix Dell'Acqua pour son travail Les Produits des Coni-
fères. La même année (11 février 1870), la Société « L'Europe civile » de Naples le
proclama membre d'honneur et lui décerna la médaille de 1^^ classe. Le l^'" janvier
1875, la Bibliothèque populaire de Orasino le nomma son président honoraire.
En 1878, il obtint de l'Institut Royal Lombard des Sciences et Lettres le prix de
la fondation Cagnola pour son travail sur le thème De l'Ivresse en Italie et des Moyens
pour y porter remède.
En août de la même année 1878, il prit part au Congrès international pour l'étude
des questions sur l'alcoolisme à Paris; il fut l'un des secrétaires et continua l'œuvre
en faisant partie de la Commission permanente internationale pour l'étude de l'alcoo-
lisme.
En 1879, la Suède, en reconnaissance de quelques travaux sur « l'impureté des breu-
vages alcooliques suédois », lui offrit un objet d'art de grand prix.
A la fin de cette année 1879, il publia son travail De l' Éducation physique et morale
du petit enfant. Le 15 janvier 1880, la Royale Société Italienne d'Hygiène lui décerna
le diplôme de membre effectif.
Le i^^ février 1880, il obtint un diplôme d'honneur pour avoir fait un remarquable
travail sur les « Causes de la prophylaxie de la phtisie pulmonaire ».
Ces titres si divers l'ont fait proposer par MM. Lunier et Robyns comme membre
de notre Société, qui le nomma membre associé le 27 décembre 1882.
Le 21 septembre 1883, la Société Néerlandaise le nomma membre honoraire de
son association et, de même, en 1885, la Société belge contre l'abus des breuvages
alcooliques.
Notre confrère était aussi chef de section de médecine (capitaine) dans un hôpital
en cas de mobilisation.
D'un esprit ouvert, plein de cœur, de talent et de noblesse d'esprit, notre collègue
eut une vie toute de travail, secondé admirablement par une femme et des enfants
qu'il aimait. Il a été enlevé à leur affection à l'improviste dans sa maison de cam-
pagne à Entratico.
Notre Société se joint à tous les amis de cet hommt» dont la vie s'est passée à faire
le bien autour de lui pour adresser à sa veuve et à son petit-fils l'expression de ses
douloureuses condoléances.
A. Barriol.
— us —
VIII
LISTE DES DOCUMENTS PRÉSENTES DANS LA SÉANCE DU 20 JUIN 1917
ORIGINE ET NATURE
des
DOCUMENTS
DOCUMENTS OFFICIELS
Canada
Ministère du Com.mehce. — 5= recense-
ment du Canada. lyii. Vol. VI. Oc-
cupations
Espagne
Direction générale de l'Institut géographi-
que et de statistiqui:. — Statistique
des passagers par mer. Année 1916
Institut de réformes sociales. — La Emigra-
ciôn. Informaciôn leijislafiva y bi-
bliografica de la seccion primera
tecnico-administraliva. 1905 .
— .Memoria del servicio de Inspecciôn
en 1907
— Preparaciôn de la Reforma de la ley
de tribunales industriales de 19 de
Mayo iyo8
— Bibliografia de revistas. Articules
sobre cuesliones sociales piiblicades
en ijio
— Id. en 191 1
— Congresos Sociales en 1909 y 1910. .
— Instituto uarional de prévision y sus
relacrones con las entidades simila-
res. !9ot)
Prepai-aciôn de las bases para un
proyeclo de ley de casas para
pbrcros, casas baratas, 1907 ....
— Esladislica de la associaciôn obrera
en 1° de noviembre de 1904 ....
— Esiadistica de las Huelgas. 1906
— Itl- 1909
— Id. 1910
— Infonne acerra dol conflicto obrero-
patronal de Gijôii. 1910
— La Huelga minera inglesa. 1912. . .
— Legislnciôn del li'aljajo. 1905 ....
— Id. Appendice I. 1900-1906
— Id. Appendice II. 1906-1907
— Id. .^.ppendice III. 1907-1908
— Proyeclo de reforma de la ley des
accidentes del trabajo. 1908 ....
— Preparaciôn de la reforma de la ley
des accidentes del trabajo. 1905 . .
— Preparaciôn de las bases para un pro-
yeclo de ley de accidentes del tra-
bajo en la agricultura. 1908 ....
— Jurisprudencia de los tribunales en
materia de accidentes del trabajo.
>90<)
— Estadislica de les ; ccidentes del tra-
bajo ocurridos en los ailos 1904 et
'90T '
— Id. 1909
— Id. 1910
Institu' de réformes sociales. — Projet de
loi sur la création d'un institut na-
tional de provoyance. 1906
États-Unis
DÉPARTEMENT nuTRAVAU,. — liUreUU of
Lahoiir statistics. — Bulletin 18
Relail jirices 1907 to June igiS. .
INDICES
de
CLASSEMENT
dans la
Bibliothèque
CaiJi il VI
Esbio 15
Essi 05
Ess' 07
Esg3 08
Essi II
Ess5 09-I0
Es^e 06
Eso? 07
Esgs 04
EsgSa 06
EsgO'v o9
Es«9^' 10
Esfe'io 10
Esgii 12
Es&ii 05
Esfe'i^ 05 06 I
Esgi2 06-07 I
Esgi^ 07-08 I
Esgi2 08
EsS12h 05
Essi^ij 08
E.sei'^'^ 06
Esgi^'i 04-05
Esgi-''i 09
Es;-'i-''i 10
Es?i3 06
iu'-8-i é5
ORIGINE ET NATURE
des
DOCUMENTS
INDICES
de
CLASSEMENT
dans la
Bibliothèque
— Bulletin 195. Unemployment in the
United States. 1916 Eu-^sô |6
— Bulletin 200 Wholesale prices 1890
to 1915 EULSJ90-I5
CUBt (île 0()
Secrétariat du Commerce. — Commerce
extérieur. Premier semestre de 1916
et année fiscale de 1915-1916. . . . Eucu<^^ 16 a
France
Ministère des Colonies. Office colonial.
— Statistique du commerce dans
les colonies françaises pour l'année
1914. Tome I. Statistiques générales.
Colonies d'Afrique Fiaia 14 i
Ministère de la Justick. Direction di
l'Administration pénitentiaire. —
Statistique pénitentiaire pour l'an
née 1914 (2 exemplaires) Fi'U 14
Hollande
Bureau central de statistique. — Statisti
que criminelle pouf 1914 Hdj 14
— Statistique des finances provinciales
et communales pour 1918 Hdi4 13
— Statistique des électeurs et des éleo
lions pour 1916 H'i"3a.l6
— Annuaire slatistique du royaume des
Pays-Bas. Les Colonies. 1914. . . . H'i'oi' 14
— Maandcijfers en andere periodieke
opgaven i()i5 H'-'-' 15
— Statistique des faillites pour 1914 . . H'^'M 14
— Statistique de l'Assistance publique
pour igiS H''-'i 03
— Statistique des voies et moyens du
royaume pour 1914 H'ias B4
— Statistique des syndicats ouvriers au
i«'- janvier 191(3 Hi'"'"' 16
Italie
MiNiSTÈnE DK l'Industrie, nu Gom.mehci.;
ET DU Travail. — Relazionc su l'ap-
plicazione délia loge sul lavoro délia
donne e dei fanciulli dal 26 luglio
1907 al 3i dicembre 191 4 laasu 07-14
— Statistique annuelle du mouvement
de l'état civil pendant l'année 1914. lima? 114
Japon
Gouvernement général de la Corée. —
Rapports annuels sur les réformes
et progrès de la Corée. 1914-1915. .
Portugal
M1.NISTÈRE DES Finances. — Recensement
de la population du Portugal au
1" décembre 1911. 5<^ partie. Popu-
lation de fait, classée d'après les
grandes divisions professionnelles,
en distinguant le sexe, par groupe
d'âges
Direction générale île la statistique. —
Statistique spéciale annuelle du
Commerce et de la navigation. 1914.
Jc'^i J4 15
PoA"5 ]| e
PoAHi; ii4
— 244 —
ORIGINE ET NATURE
des
DOCUMENTS
INDICES
de
CLASSEMENT
dans la
Bibliothèque
ORIGINE ET NATURE
des
1)0 eu M E.NT S
INDICES
de
CLASSEMENT
dans la
Bibliothèque
Russie
Dkpartemkmt des Douanrs. — Commerce
extérieur de la Russie par la fron-
tière d'Europe. Janvier 1917. . . .
Suéde
DÉPARTEMENT CIVIL. — Annuairc statisti-
que de la Suède. 191 7
DÉPAUTEMKNT DES FINANCES. — Fabrica-
tion et vente de l'eau-de-vie et fa-
brication du sucre de betterave.
iot5-loiO
Rcib 17 a
S*«-'-' 17
S-^i 15-16
S^^fi 16
Suii 15
UAa2 13-J4XXIV
DOCUMENTS PRIVÉS
DuMÉRiL (André). — Les résultats en Alle-
magne de la Conférence de Bruxel-
les du 5 mars 1902 relative à la lé-
gislation du sucre
EicuTHAi (Eugène d*). — Paul Ler^y-Beau-
licu
1-.^ 113
;:<' 33
;:'> 69
NicKFORo (Alfredo). — I caralteri descrit-
tivi délia fisonomia umana e la loro
Perrke (Edmond). — Le port de Rouen. Ce
qu'il était avant la guerre, ce qu'il
est aujourd'hui
-I' 69
r.v 70
~r !57
— Banque de Suède. Situation de la
Banque de Suède. 1916
DÉPAUTEMBNT DE LA JcSTICK.' — Rapport
annuel sur les prisons. igiS ....
Uruguay
MiNisTèBE nu Commerce. — Direction gé-
nérale de statistique. — Annuaire
statistique pour 1913- 1914. Livre
X.XIV
PoRBAL (D. Cecilio Benitez). — Memoria
que obtuvo accessit en el concurso
abierlo por iniciativa de S. M. el
Rey ante el instiluto de reformas
sociales
RouLLKAu (G.). — Les crises économiques
cl le mouvement des eflets de com-
merce
— Les règlements i)ar eflets de commerce
en France et à l'étranger. 1914. . .
-r 158
IX
EItIR,.A.T-A-
Numéro de mai. — Page 159. 1^^ tableau, lire :
1902 258 {au lieu de 278).
Même page, 2^ tableau, lire :
Total 61.352 {au lieu de 62.352).
Le Gérant: R. STEINHEIL
NANCT, IMPRIMERIE BEBOKR-LEVRAUI.T JUILLET Igl7
JOURNAL
SOCIÉTÉ DE STATISTIQUE DE PARIS
NO 8-9 — AOUT-SEPTEMBRE 1917
I
LES RESSOLRCES ET LES BESOLNS DANS LE MONDE (U
I
QUELQUES ÉCHANGES
Ce titre est ambitieux, car nos besoins n'ont d'autres limites que nos désirs;
et nos désirs n'ont d'autres limites que notre capacité subjective. N'essayons
pas de les comprimer, car ce sont eux qui ont provoqué toutes lei découvertes
et toutes les inventions que n'osaient prévoir nos pères et dont nous bénéficions
aujourd'hui.
Mais il y a des besoins o])jectifs sans lesquels nous ne pourrions ni nous
conserver ni nous développer : telles sont la respiration et l'alimentation.
L'être humain, pa? plus que les autres animaux, ne peut vivre sur son fonds.
« L'entretien de la vie, a dit Bertholot, ne consomme aucune éner^^ie qui lui
soit propre, et la nature des transformations intermédiaires ])ar lesquelles passe
l'animal ne joue aucun rôle dans le calcul -de l'énergie nécessaire à son entre-
tien, pourvu que les états initial et final de l'être vivant restent les mêmes. »
Puis viennent les besoins qui résultent des intempéries. De là, le vêtement, le
logement, le chauffage. L'éclairage supprime l'obscurité en tout ou en partie.
Mais l'homme ne peut satisfaire ces besoins qu'à l'aide de l'outil. L'anthro-
pologie préhistorique distingue les étapes de la civilisation par la pierre taillée,
la pierre polie, le bronze. Les transports caractérisent la grande transforma-
tion de la civilisation au dix-neuvième siècle : si en temps normal, en France,
nous sommes arrivés à ne pas nous préoccuper de la question d'une bonne
monnaie, chacun de nous, depuis la guerre, en a apprécié l'importance, et le
moratorium lui a fait vivement sentir le rôle de la sécurité du crédit.
La guerre, dont la durée et l'amplitude dépassent toutes les prévisions,
(1} Communication faite à la Société de Statistique de- Paris dans sa séance du 16 m<.ii
1917.
1" SBBIK. 58» vol.. — N° 8-9 18
— 240 —
nous prouve que l'humanité n'est pas complètement dégagée des misères des
siècles passés. En Allemagne et en Autiiche-Hongrie la disette fait des ravages;
et en France, nous en sommes à des mesures de ration et presque au pain com-
plet. Mais, en temps normal, la plupart des ménagères ne mettaient leur budget
en équilibre qu'à la condition de restreindre l'alimentation, le logement, les
vêtements, le chauiïage, l'éclairage à un chiffre qu'il ne fallait pas dépasser.
Ce n'est pas auprès d'elles que Sismondi eût été le bienvenu quand, en 1820,
il dénonçait lès dangers de la surproduction, et cependant en 1845, Louis
Blanc disait : « Toute découverte de la science est une calamité parce que les
machines suppriment les ouvriers. )> Des livres ont été publiés, il y a moins
de vingt ans, dénonçant comme un péril les progrès économiques des États-
Unis, du Canada, de la République Argentine, du Japon, etc., et aujourd'hui
encore, non seulement en France, mais même en Angleterre, on entend répéter
dans des discours officiels qu' o une nation doit se suffire à elle-même ».
En dépit des efforts des protectionnistes de chaque pays, les échanges n'ont
pas cessé d'augmenter. On a évalué le total du commerce international aux
chiffres suivants :
Milliards de francs
1876-1880 73
1899-1900 102
1903 125
1908 151
1914 214
En I!J1(). malgré les pro!iJI)itions d'importation et d'exportation prises par
la Grande-Bretagne, la Fiance, l'Italie, malgré l'isolement de la Russie par le
blocus du Bosphore et de la Baltique, le commerce international n'est pas
resté inacti!'. Dans le Royaume-Uni voici les chiffres de 1913 et de 1916 :
lin|ioi'lnlii>iis
Exporlntious
de produils
iirilaiiiiiques
Réexportations
M.llious £,
769,0
525,4
109,6
851,9
50.6,5
1913 769,0 525,4 109,6 635
1916
De Board oj Traie ne donne pas les chiffres des objets directement importés
par le Gouvernement ni ceux des objets qu'il envoie aux armées britanniques.
L'importation a augmenté de £ 83 millions et l'exportation a diminué de
£ 19 millions. Cette diminution est beaucoup plus faible qu'on ne le prévoyait.
Le commerce des États-Unis s'est élevé en 1916 (or et argent non compris)
à S 7 milliards 873 millions, soit, en comptant le dollar à 5^ 20, à 40 millia-rds
939 millions de francs. C'est un chiffre que n'avait encore atteint aucune
nation. Pour l'Europe il présente les chiffres suivants :
1914 1915 1916
.Millions de dollars
Importations 783,5 546,3 633,3
Exportations 1.339,3 2.573,4 3.813,6
— 247 —
1914 1915 1916
Millions de dollars
Dont pour le Royaume-Uni :
Importations 287,4 258,3 305,5
Exportations.. ........ 1.339,3 2.578,4 3.813,6
Pour la France :
Importations 104,2 77,9 108,4
■ Exportations 170,1 500,8 860,8
Il est intéressant de voir le chiffre du commerce des États-Unis avec l'Alle-
magne :
Importations 149,4 77,9 109,0
Exportations 158,3 11,7 2,2
Il est vrai que, par les neutres, FAllemagne a reçu une certaine quantité de
marchandises.
Les États-Unis ont reçu en or :
1915 1916
Dollars
De la France 11.519.880 38.829
Du Royaume-Uni 109.217.650 57.131.627
Du Canada 218.910.742 579.337.169
Total. . .'. 327.128.392 636.468.738
Cela fait en deux ans 963.500.000 dollars environ, soit 5 milliards de francs.
Les "importations en franchise se sont montées :
1914 1915 1916
Pour 100. ..... 61,36 65,64 67,39
La moyenne des droits pour les objets soumis aux taxes douanières s'est
élevée à :
Pour 100 13,62 11,09 9,24
Voici les chiffres du commerce pour les deux premiers mois de 1917 :
Imporlations ExporUtions
Millions
Janvier 1916 184,3 330,3
— 1917 241,7 613,4
Février 1917. 190,6 466,5
L'excédent des exportations est de 372 millions de dollars en janvier 1917.
Les exportations ont diminué en février, mais les trois jours en moins par
rapport à janvier représentent 49.500.000 francs. La différence est ramenée à
98 millions.
Ces chiffres prouvent que l'activité des sous-marins n"a pas empêché l'acti-
vité du commerce entre les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France.
Dans toute civilisation un peu avancée en évolution, la vie est un échange.
— 248 —
L'échange entre les individus, comme entre les nations, est une conséquence de
la spécialisation des productions et de la variété des consommations.
II
L'ALIMENTATION VÉGÉTALE
Je ne m'occuperai dans ce travail que des principaux produits de l'industrie
agricole, au point de vue de l'alimentation et au point de vue textile, et des
deux grandes industries dont dépendent toutes les autres : la houille et la
métallurgie.
Ces industries fournissent des produits^ d'autres industries, comme celles
des transports, fournissent des services non moins utiles (1).
Dans la séance de la Société de Statistique du 19 avril 1905, j'ai fait une
communication sur le Rapport de la Population et des Subsistances. J'avais
pris pour base les travaux de The Office of experiment station of the Department
of Agriculture des États-Unis, dirigé par Atwater. J'avais adopté le système
de Lagrange (1796) pour déterminer les rations nécessaires. Lagrange avait
considéré que, déduction faite des femmes, des enfants, des vieillards, il fallait
pour ramener les rations à un type unique, en réduire le total d'un cinquièmo.
Plus modeste, je suis allé jusqu'au quart. Le Food supphj Committee, dans le
Royaume-Uni, a établi le chiffre à 77 %, et a déterminé les rations selon la
méthode que j'avais employée. Pesant, d'après les renseignements fournis
par le Doard of Trade, les divers objets entrés dans la consommation des habi-
tants du Royaume-Uni de 1909 à 1913, il est arrivé aux chiffres suivants en
tonnes métriques : albuminoïdes 1.438.000, griiisses 1.651.000, liydrates de car-
bone 7.262.000 ; et en millions de calories : 51.024.000, donnant 4.009 calories par
jour et par homme. En 1916, la ration militaire est de 4.300 calories et celle de la
population civile (adultes) de 3.359, boissons non comprises. Or, la ration de
l'homme moyen se livrant à un travail modéré a été évaluée par Atwater et par
Armafld Gautier, à 3.400 calories. C'est un minimum. La ration britannique est
au-dessus. En état de paix, la ration française n'avait pas augmenté depuis 1905.
La récolte moyenne de froment était de 8.800.000 tonnes, réduite à 7.800.000
tonnes par la déduction de la semence. En réduisant le total des rations
d'un quart, on arrive à une ration type de 275 kilos. Nous avons des complé-
ments dont on trouvera la nomenclature dans le livre de M. D. Bellet, L'Alimen-
tation de la France.
Les rations scientifiques ne sont que des minima. M. Armand Gautier recom-
majuie avec raison la variété des objets d'alimentation. Quand on a porté
la l'aliou de viande des troupes à 450 grammes, on a confirmé que les évalua-
tions antérieures étaient trop faibles. Des médecins disent dogmatiquement :
« On mange trop. — Qui? vos clients riches, soit; mais non vos clients pauvres !
La phtisie prouve qu'ils ne mangent pas assez. »
Loin qu'il y ait surproduction des matières alimentaires dans le monde, il
(1) Voir une nomenclature des industries, dans mon livre : L' Industrie {O. Doin, édit.),
1914.
— 249 —
y a insuffîsance de production; de plus, aucun pays, pas même les États-Unis
malgré l'étendue de leur territoire et la variété de leur climat et de leur sol,
ne peut se suffire à lui-même. Ils ont importé en 1916 pour plus de 260 millions
de dollars d'objets d'alimentation bruts et pour 339 millions de dollars d'objets
d'alimentation fabriqués en tout ou en partie.
D'après l'Institut international d'A^^riculture de Rome, la superficie des
continents (1), le nombre des habitants,, la superfi':'ie des terres emblavées ea
froment et la nroduction de froment en tonnes, sont d^^ :
Europe .
Amérique
Asie . .
Afrique .
Total ,
Amérique
Afrique .
Océanie.
Total. .
Total général
Habilaats
Moveone des années
1903-1912 a 1912-1913
Kilomètres carrés
Superficie de terre»
(•nililavécs
en fromont
Production
in
tonnes
Millions
Kilomètres carréa
Millier»
Hémisphère
septentrional.
10.040.000
454,3
496.700
48.380
25.023.000
138,5
216.900
21.814
38.645.000
909,9
169.000
12.782
19.367.000
90,2
23.700
1.027
93.076.000
1.592,9
906 . 300
84.003
Hémisphère
méridional.
1 6 . 351 . 000
44,6
65 . 500
4.910
10.051.000
45,1
26.600
2 . 1 60
37.082.000
130.158.000
135,3
1.728,2
92. 100
998.400
,070
91.074
Ainsi sur 130.500.000 kilomètres carrés environ, 1 million sont emblavés en
froment, soit 0,76 %. Ils ont rapporté en moyenne 9 tonnes par kilomètre
carré, soit 9 quintaux par hectare.
Pendant cette période, la production a été par hectare :
Quintaux
Quintaux
France
Belgique
Danemark. . . .
Grande-Bretagne.
Allemagne. . . .
Nouvelle-Zélande .
Russie d'Europe.
Russie d'Asie . .
13,7
24,1
27,6
23,3
20,2
20,8
6,6
6.4
Canada . .
États-Unis.
Inde . . .
Algérie . .
Tunisie . .
Argentine .
Australie. .
12
9
12:
6:
7.
7,6
Les grands rendements du Danemark sur 42.000 hectares et de la Belgique
sur 157.000 hectares n'ont lieu que sur des surfaces lilliputiennes. Les rende-
ments des grandes surfaces des États-Unis (19 millions d'hectares) et de la
Russie (23.300.000 hectares en Europe, 2.600.000 en Asie) prouvent qu'on n'y
pratique que la culture extensive.
(1) J'ai apporté une rectification dans la superficie territoriale des continents. L'Institut
d'Agriculture a compté 31.700 kilomètres carrés de l'Océanie dans l'hémisphère septentrio-
nal; je les ai supprimés.
— 25Q —
Le rendement de la France, qui n'atteint pas 14 quintaux, est humiliant.
Mais cette faible proportion vient de ce que notre droit de 7 francs sur le blé
engage les populations à employer des terres et des méthodes de culture qui
donnent 8 quintaux par hectare, comme dans les Basses-Alpes où les gens
gaspillent leurs efforts et leurs terrains dans une besogne relativement impro-
ductive.
Les transformations de notre agriculture impliquent des transformations
dans les habitudes et dans le régime de la propriété foncière. L'agriculture
est une industrie et doit donner le maximum de rendement avec le minimum
d'effort.
La population du globe est évaluée en chiffre rond è 1 milliard 700 milHons
de têtes. Si on déduit un dixième de la récolte pour la semence, proportion trop
faible, et si on réduit la population d'un quart, pour obtenir la ration de l'adulte,
on a :
81.000.000.000 .^ ,.,
1.275.000.000 = ^^ ^'^^^ P^' *'*'•
Voici les consommations moyennes quinquennales de quelques pays par
campagne agricole (grains et farine réduite en grains au taux de 100 kilos
de farine-133 kilos de grains) :
1909-1910 — 1913-1914
Production Iniponatioiis Exportitions CoDiommation
Millions de quintaux
France 8674 12,2 » 98,3
Royaume-Uni. ... 16,2 60,1' 1,3 75,0
Italie 49,9 15,4 » 64,3
Allemagne 41,5 24,8 6,2 60,1
Russie d'Europe. . . 221,8 » 44,8 '177,1
Roumanie 23,9 » 14,6 9,3
Hongrie 46,1 1,9 13,0 35,0
Canada 55,7 « 25 9 29,9
États-Unis 186,9 « 29,6 . 157,8
Inde 95,7 » Ï3,5 . 82,2
Argentine 40,0 » 22,6 17,3
Australie 24,6 » 14,4 10,2
Les quatre grandes nations occidentales, la France, le Royaume-Uni, l'Italie,
r Allemagne, ont produit 194 millions de quintaux et en ont consommé 298.
Leur importation a été de 111 millions de quintaux. Malgré les droits sur le
froment, l'Allemagne a dij importer 32 % de sa consommation qui est restée
très faible, moins d'un quintal par tête. Dans le Royaume-Uni, dont la con-
sommation est moins grande que celle de la France, quoiqu'il contienne actuel-
lenKint une population de 45 millions d'habitants, limportîition compte pour
80%. En 1850, Léonce de Lavergne a indiqué les caractères de Y Économie
rurale de V Angleterre. Ils se sont développés, ils ne se sont pas modifiés (I).
11 faut constater que, si la Roumanie, la Hongrie, l'Argentine et l'Océanie
exportent plus de froment qu'elles n'en consomment, ce qui s'explique par le
petit nombre d'habitants de la République Argentine et de l'Océanie, les autres
pays exportateurs en consomment plus qu'ils n'en exportent : la Russie 73 %^
(1) Voir Daniel Zolla, L' Agriculture moderne.
— 251 —
les États-Unis 82 %. Au fur et à lùesure que le bien-être d'une nation exporta-
trice de froment se déveloj)pe, elle en absorbe une plus grande quantité et elle
diminue la part relative de son erportation.
Les Américains du Nord et du Sud qui se nourrissaient de maïs, y substi-
tuent peu à peu le froment, et nul doute que le froment aussi ne refoule le riz.
Pour la campagne 1911-1912 à 1915-1916 la consommation du maïs est éva-
luée à 84.848.000 tonnes, à peu près égale à celle du blé, ^t celle du riz, avec
de plus grandes incertitudes encore que pour les autres productions agricoles,
à 58 millions de tonnes.
La moyenne décennale de 1903-1904 à 1912-1913 de la pomme de tcrro
a été dans l'hémisphère septentrional de 131 millions de tonnes, dont 43.700.000
pour l'Allemagne, 29 millions pour la Russie, 13 millions pour la France. Une
partie des pommes de terre en Allemagne et en Russie sert à fabriquer de l'al-
cool. En France, elles ne sont pas employées à cet usage (1).
La pomme de terre fournit des calories, mais ne fournit d'albuminoïdes
qu'en quantités insignifiantes. Tandis que le froment en contient 12,64 %, la
pomme de terre moyenne n'en fournit que 1,3. Des gens économes commettent
des gaspillages quand ils en achètent au lieu de haricots secs qui' contiennent
en moyenne 23,6 % de matières albuminoïdes (2).
La ménagère qui achète pour 20 centimes de concombres se livre à une
dépense somptuaire; elle n'achète que de l'eau.
, C'était un lieu commun de vanter la sobriété des populations qui n'ont
qu'une alimentation peu nutritive comme qualité et comme quantité. On célé-
brait la force du portefaix de Constantinople. M. Armand Gantier répond :
'( Les Hindous, les Arabes, les pauvres gens, mal alimentés finissent par s'anéan-
tir dans une sorte de passivité et de rêve, s'usent rapidement et disparaissent
^'ite (3) ! ))
Dans l'état des récoltes de froment 1916-1917 (4) dans l'hémisphère septen-
trional et dans l'hémisphère méridional, l'Allemagne, l'Autriche -Hongrie, la
Bulgarie ne sont pai comprises. Il en est de même de la Turquie: mais le cas
étant habituel, il ne modifie pas le total.
Relativement à l'année 1915, le déficit est de près de 25 % dan*-: l'hémi-
sphère septentrional et de 37 % dans l'hémisphère méridional; mais cette
diminution n'est que de 36 millions de quintaux, tandis que pour l'hémispbère
septentrional il est de plus de 226 millions de quintaux.
Toutefois, il faut remarquer que le déficit relativement à la moyenne quin-
quennale 1909-1913 n'est, pour l'hémisphère septentrional, que de 7 % et pour
l'hémisphère méridional que de 8 %.
FroniPiit Pourcentage Moyenne
— ~— • " - relativement qinnquenuali-
1916 1915 il 1915 1909-1913
Millions de quintuilx =: lliO moyenne iUO
Hémisphère septentrional . . 701,3 928,9 75,5 93,0
Hémisphère méridional . . . 61 6 97,8 62,9 91,8
(1) Bulletin dû Ministère des Finances, nov. 1916, p. 694.
(2) Armand Gautier, L'Alimentation, p. 141.
(3) L' Alimentation, p. 48.
(4) Bulletin statistique de l'Institut international d'Agriculture de Rome.
— 252 —
La réroltfi du Canada n'a été que de 60 millions de quintaux, au lieu do 116
en 1915; mais elle est encore supérieure de 7 % à la moyenne 1909-1913; celle
des États-Unis n'a été que de 174 millions de quintaux au lieu de 279, mais
elle n'tst que de 7 % inférieure à la moyenne 1909-1913.
D'im autre côté, l'importation en Allemagne, qui était en moyenne de
23 millions de quintaux, a à peu près disparu. C'est une atténuation qui repré-
sente près des deux tiers du déficit de l'hémisphère méridional.
Il y a donc déficit relativement à la moyenne quinquennale 1909-1913; mais
im déficit de 7 à 8 % n'est pas un déficit de famine. Il ne faut pas ajouter au
déficit réel le déficit psychologique.
Je laisse de côté le sucre, aliment de premier ordre, en constatant que la pro-
duction du sucre de canne domine en ce moment la production du sucre de
hetterave.
Je ne parle pas du vin dont nous sommes les plus grands producteurs et les
plus firands consommateurs, ni de l'alcool dont les expériences d'Atwater ont
prouvé la valeur comme aliment (1).
TII
LE TROUPEAU BOVIN ET LA LAITERIE
Voici, d'après V Institut Intcniational d'Agriculture de Borne, le rapport de
l'espèce bovine avec le nombre des habitants et le nombre d'hectares (1912) :
Nombre Par Par
(les animaux 1.000 liabitant» l.OOO liectares
Europe.
Irlande 4.848.000 1.106 638
Danemark 2. '254. 000 884 614
Bosnie- Herzégovine. . . . 1.416.000 690 »
Suède. 2.586.000 484 102
Norvège 1.094.000 468 118
Suisse 1.444.000 382 467
France 14.708.000 371 294
Autriche 9.160.000 • 321 324
Allemagne 20.182.000 305 395
Belgique 1.880.000 253 727
Orande-Bretagne 6.704.000 170 364
Pour la Hongrie, on donne le chiffre de 5.880.000 sans établir de rapport "avec
!e chifTn- de la population. Dn donne le chiffre de 229 par 1.000 hectares.
Amérique.
Canada 6.533.000 907 255
États-Unis 63.682.000 692 179
Asie.
Russie d'Asie '. 4.505.000 642 46
Inde (provinces brilMiuiiqucs). 94.963.000 (*) 390 504 .
Japon 1.399.500 27 47
Chine « » »
(*) Y compris les bufllelins.
(1) Voir YvES-GuYOT^ L' Aliment- Alcool et le péril anti- alcoolique [Le Journal des Écono-
mistes, fôvr. 1917). — Sous presse : La Question de l'alcool (F. Alcan, édit.).
— 253 —
Nombre Par Pai'
des animaux ( .000 Ijabitants 1,000 hectares
Afrique.
Algério -1.1 13. 000 200 54
Hémisphère méridional.
Uruguay 8.192.000 7.456 495
Argentine 29.''ll6.000 4.491 134
Chili 2.674.000 822 287
Afrique.
Afrique du Sud 5.797.000 970 4.013
Océanie.
Australie 11.577.000 2.599 239
Nouvelle-Zélande 2.020.000 1.970 87
Ce tableau ne mentionne pas les 4.500.000 bovidés de Madagascar. 11 n'in-
dique pas non plus les 30 millions de têtes auxquelles on estime le troupeau
bovin du Brésil, inférieur comme qualité à ceux de la République Argentine
et de rUruguay. On pense qu'il pourra se développer dans les plaines bordant
l'Uruguay, l'Argentine et le Paraguay et sur les hauteurs des États de Matto-
Grosso, de Boyas, dans une partie de Minas Geraes et peut-être dans la partie
occidentale de San-Paulo.
Le chiffre maximum de la race bovine par rapport à la population se trouve
dans l'Uruguay. Mais le troupeau est moitié moins nombreux qu'en France.
Au moment do sa campagne, M. Chamberlain avait parlé de la viande du Ca-
nada, comme si elle devait remplacer la viande de la Grande-Bretagne; or,
le troupeau n'est pas supérieur à celui de ki Grande-Bretagne.
On voit les immenses territoires dans lesquels la race bo\ine n'est pas repré-
sentée. Elle compte à peine au .Japon, elle est inconnue en Chine. Mais les unités
que représentent ces chiffres ne sont pas égales. Le {^oids Aï d'un bœuf dri Ma-
dagascar est de 320 à 380 kilos. Lp poids moyen des taureaux Durham est de
900 kilos, celui des animaux gras atteint de 1.200 à L300 kilos; celui des vaches,
de 800 à 900 kilos, le rendement moyen en viande nette chez ces animaux,
quand ils sont en parfaite condition, est de 70 à 72 %, et leur rapide développe-
ment permet de livrer à la boucherie des animaux de trois ans et quelquefois
])lus jeunes.
C'est là le type des progrès auxquels peut parvenir la zootechnie fondée au
milieu du dix-huitième siècle par Bakewell. 11 donna pour ses moutons Disley
la formule appliquée aussi aux bovins : sélection, puis consanguinité, surali-
mentation, afin d'obtenir la production rapide et intensive de la viande.
En France, tandis que la statistique de 1807 attribuait aux bœufs limousins
de huit à dix ans abattus à Paris un poids de 300 à 350 kilos, maintenant sur
les champs de foire on leur ath-ibue un poids de 650 à 800 kilos et pour les ani-
maux gras un poids de 850 à 1.000 kilos.
La race charolaise n'a atteint son développement que dans la seconde moitié
du dix-neuvième siècle; mais- elle est moins précoce et son rendement n'ap-
proche de celui de Durham que dans les produits de son croisement avec elle.
En France, les régions productrices d'animaux de boucherie sont : la Nor-
mandie, le Nivernais, le Charolais, la Flandre et l'Ouest. Dans le Sud-Est, il
— 254 —
n'y a pas de bœufs, sauf ceux de la Camargue qui sont de médiocres botes
de boucherie. Il en résulte que les droits de douane de 35 francs le quintal
frappent, au profit des régions qui pratiquent l'élevage, la plus grande partie
des régions françaises qui ne le pratiquent pas.
Les vaches des troupeaux destinés à la production de la viande sont de mé-
diocres laitières.
Voici un fait qui montrera. la spécialisation des diverses régions. Les deux
départements qui comptaient le plus grand nombre de bovins au 31 décembre
1913 étaient : •
La Vendée 412.300
L'Ille-et- Vilaine 410.500
seulement, ils se répartissaient de la manière suivante :
Élèves
d'iiD aa uu-iiessoiis
et au-dessus d'un an
Vendée 77.600 150.000 93.800 80.500
Ille-et-Vilaine ... 17.000 286.300 ' 57.300 42.600
En Vendée, on fait surtout de la viande; dans F Ille-et-Vilaine, on fait du
beurre. Dans les arrondissements de Rennes, de Saint-Malo et de Montfort,
un bœuf est un animal incpnnu. On se débarrasse le plus vite possible des veaux
qui consomment une partie du lait destiné au beurre. Quand M. Méline eut
ridée d'empêcher de tuer les veaux, plus d'un cultivateur répondit : « C'est
bien. Nous ferons avorter nos vaches, o
M. Méline, qui n'avait pas prévu cette conséquence de la mesure qu'il avait
prise, recula.
Le fromage est un des meilleurs aliments connus. Nous en exportons 17.000
tonnes ; nous en importons 23.500 tonnes; soit une différence de 6..^'00. La Suisse,
avec ses 3.700.000 habitants, la surface improductive de 28 % de son territoire,
un troupeau dix fois moins élevé comme nombre que celui de la France, en
exporta 300.000 tonnes.
Nous nous demandons avec une certaine pitié comment font les Chinois,
qui n'ont pas de lait. Comment peuvent-ils élever leurs enfants? En France,
en 1912, le ministère de l'Agriculture en évaluait la production à 77.242.000
hectolitres, moins de deux hectolitres par habitant. Mai? une partie de ce
lait est converti en beurre dont la production serait de 130 millions de kilos
par an, soit d'un peu plus de 3^^ 200 par tête ou par ration d'adulte, de 4^^s330,
soit de moins de 83 grammes par semaine. Nous en exportons de 20 à 22 millions
de kilos, nous en importons de o à 8 millions de kilos (1). L'assiette au beurre
est maigre, et quand on la compare à celle de la plupart des autres pays, on
la trouve abondante. Elle pourrait être doublée par une bonne sélection des
vaches laitières.
De tous les laits, c'est celui de la vache jersiaise qui renferme la moyenne
butyreuse la plus élevée, 50 grammes par litre, tandis que celui de la normande
(1) Voir O. Bellet, IJ Alimentation en France.
— 255 —
n'en contient que de 35 à 40. Au concours de 1900, une vache jersiaise n donné
en une journée i^^ 544 de beurre; la moyenne des treize lauréates de ce concours
a donné l^s 103 de beurre par tête et par jour, le kilo de beurre étant obtenu
avec 14^^-600 de lait. La moyenne annuelle des laitières ordinaires est de
125 kilos de beurre (1). Augmenter le rendement de nos vaches en lait et en
beurre est possible en France. La sélection est beaucoup négligée. Dans ma
communication de 1905, j'ai démontré (2) qu'en France la ration animale
était, avant la guerre, de 50 % inférieure à ce qu'elle aurait dû être. La situa-
tion actuelle prouve l'erreur commise par la prohibition do Timportation des
viandes frigorifiées.
IV
L'ESPECE PORCINE
1903 1912
Mille
Par
1.000 hectares
1913
Allemagne
16.807
21.923 -f
5.116
298
332 -
34
France
7.560
6.903 —
656
193
174 —
19
Grande-Bretagne. .
2.686
3.655 +
969
71
89 -r-
18
Russie d'Europe. .
13.053
11.944 —
1.109
108
86 —
22
Canada
2.353
3.610 +
1.250
438
501 +
63
États-Unis
64.686
59.473 —
5.212
851
647 —
204
Soit environ 100 millions de porcs. Si on y ajoute les chiffres des autres pays,
on arrive à peu près à 150 milbons. On voit combien sont limitées les res-
sources qu'ils présentent au point de vue de l'alimentation animale. En Asie,
en Afrique, dans l'hémisphère méridional, ils comptent à peine. On constate
une diminution en France. Elle tient en grande partie à ce que les servantes
de ferme font des difïïcultés pour soigner les pores. On devra vaincre cette répu-
gnance en aménageant mieux les soues. Tout est utilisé dans le porc. On est
étonné qu'un animal aussi précieux ne soit pas plus répandu. 11 a rendu depuis
la guerre d'énormes services à l'Allemagne. Une truie produit, en ime année,
au moins deux douzaines de porcelets.
V
L'ESPÈCE OVINE ET LA LAINE
Je ne me suis placé à l'égard du troupeau bovin qu'au point de vue de l'ali-
mentation, et cependant le cinquième quartier du bœuf, qui comprend la peau,
les cornes, n'est pas négligeable. Mais pour le mouton, la laine joue un rôle tel
(1) P. Dechambre, Traité de Zootechnie, t. III : « Les bovins », p. 207.
(2) Rapport des Subsistances et de la Population (Journal de la Sociét'' de Statistique, 1905,
p. 187).
256
qu'il devrait être maintenu et augmenté, même si sa viande ne devait plus
compter.
Le mouton a la dent mauvaise. Il arrache l'herbe. Animal de parcours, il
détruit tout sur son passage (1). Il est refoulé par les progrès de l'agriculture.
Voici la situation de l'espèce ovine en 1903 et en 1912 (2).
Nombre dfts
animaux
Différonee
Nombre desanimtux
pour 1.000 habitants
DilTèronee
1903
1912
1903
1912
Mill
e
Allemagne. . . .
9.692
"TTsos
—
3.889
172
88
—
84
Espagne
13.727
15.829
+
2.102
»
»
«
France
17.957
16.467
—
1.486
459
416
—
43
Grande-Bretagne.
25.639
25.057
—
582
»
y>
»
Italie
8.596
11.163
+
2.566
304
332
+
28
Russie d'Europe.
55.950
42.735
—
13.214
465
309
—
156
Turquie d'Europe.
25.530
27.094
+
1.563
1.109
1.177
+
68
,
Amérique.
Canada
2.510
2.175
—
334
467
302
— -
165
Etats-Unis. . . .
61.735
52.838
Asie.
8.896
812
575
— ■
237
Inde (provinces
britanniques). .
17.628
22.848
+
5.219
77
94
+
17
Russie d'Asie . .
9.210
14.519
+
5.309
1.128
1 . 368 ,
+
240
Afrique.
Algérie
8 . 950
8.528
433
1 . 890
1 . 533
Hémisphère méridional.
Argentine . . .
74.379
67.211
Uruguay . . .
18.608
26.286
Afrique du Sud
16.322
30.656
Australie . . .
56.932
83.244
Nouvelle-Zélande
18.95'^
23.750
— 7.168 18.801 10.366
+ 7.677 20.323 25.210
+ 14.334 3.154 5.132
+ 26.311 15.086 18.686
+ 4.795 22.768 23.162
357
— 8.441
+ 4.887
+ 1.979
+ 3.600
+ 394
C'est dans l'hémisphère méridional que l'Europe peut trouver des ressources
en viande et en laine. Le troupeau australien a subi depuis vingt-cinq ans
de graves vicissitudes. En 1892, il atteignait 106.400.000 têtes en Australie,
18.570.000 têtes dans la Nouvelle-.Zélande, .soit 124.980.000 têtes. Par suite de
sécheresses, il fiit réduit à 73 millions en 1903. Il s'est relevé. Depuis 1910, il
se maintient entre 115.500.000 et 116.600.000, mais reste stationnaire.
. On pouvait, avant la guerre, évaluer la production de la laine en Europe
à 250 millions de kilos.
Voici quelles étaient les évaluations faites d'après la circulaire Dalgety,
citée par MM. Charles Marteau et Grandgeorge (3).
(1) Voir YvES-GuYOT, L'Évolution politique et sociale de l'Espagne, p. 77.
(2) Annuaire international de Statistique agricole. 191 1-1912 (Institut international d'Agri-
culture de Rome).
(3) Rapports de la Commission des valeurs de douanes par M. Grandgeorge (industries
textiles). Les rapports de 1913 ont été imprimés, mais non distribués, et pour 1914, 1915.
1916, il n'en est plus question.
— 257 —
La production de la laine était évaluée avant la guerre à 3 milliards 212 mil-
lions de livres anglaises (453 grammes); le rendement moyen en laine lavée à
fond étant de 40 %, le poids de la laine transformée en fd était de 1.284.800.000
livres (soit en chiffre rond 600 millions de kilos); sur ce total, environ 1.100.000
livres (500 millions de kilos) représentaient la production des fds de laine
peignée, et 195 millions de livres (90 millions de kilos) restant mêlés à 293 mil-
lions de livres d'autres matières (130 millions de kdos) formaient le total de
489 millions de livres (222 millions de kilos) de fds de laine cardée, pure ou mé-
langée.
Ces chiffres sont approximatifs. Le nombre des broches à fder la laine s'éle-
vait en 1912 à 23 millions, dont 6.684.000 en Angleterre, 5.084.000 en Alle-
magne, 3.078.000 en France, 4.021.000 dans les États-Unis, 850.000 en Au-
triche et 800.000 en Russie.
Voici les évaluations de la situation de la laine en France en 1912 :
Origiiio
1" Importation
2" Production française. . . . ,
Total
Laines exportées (en partie lavées)
Laines restées en France
Laine
Riiulemeut
Lainf lavée
en siiint
moyea
i foml
lillioiis de kilos
p. 100
Millions (11- kilos
246,6
42,5
107,2
35,5
39,0
13,8
282,1
))
121,0
39,7
60,0
23,8
242,4 soit en lavée à fond 97,2
Les agriculteurs français ont eu, pendant la plus grande partie du dix-neu-
vième siècle, la prétention de condamner l'industrie de la laine à ne consommer
que de la laine nationale. On voit ce quelle aurait pu devenir en France si
cette prétention avait triomphé.
Sur ces 97.274.000 kilos restés en France, il a été 'woorté :
Laines peignées, écrues et teintes 30.552.000 | .
Déchets et blouse 8.343.000 \
Resté en France 58.318.000
Moins 4% pour évaporation 2.332.000
Poids net resté à la disposition des filatures . 55.986.000
Le poids net employé par les fdatures anglaises a été on 1911 de 286.700.000
kilos et en 1912 de 270.400.000 kilos.
Les tissages français ont eu à leur disposition 45.670.000 kilos de laine. Ils
en avaient eu 60.631.000 en 1911.
J'ai cité ces chiffres afin de montrer la différence qu'ily avait entre les chiffres
briiti? d'une matière première et le chiffre de cette -matière première après les
préparations diverses qui l'ont rendue propre à être transformée en tissus.
La tendance à la diminution du troupeau ovin en Argentine, aux Etats-Unis,
en Russie, sa stagnation en Australie prouvent que la laine restera une matière
première chère. Au fur et à mesure que le bien-être des populations augmentera,
elle sera plus demandée. Nous pouvons espérer que son prix élevé en même
temps que la facilité de transport de la viande de mouton en augmentera la
production.
— 258 —
Vï
LA SÉRICICULTURE ET LA SOIE
L'agriculture produit le mûrier qui sert à nourrir le ver à soie ; et le ver à soie
fournit la fibre textile la plus chère (1).
La production de la soie en France diminue. Le poids des cocons frais
récoltés était de 5 millions de 1813 à 1820, il a atteint son maximum en 1853,
26 millions; en 1869, il était de 8 millions. On a établi des primes à la sérici-
culture. En 1914, il n'était plus que de 5 millions. La production s'est surtout
développée en Extrême-Orient :
lixtrêiiip-Oriiiit
1
l'roiluction mondiaio
Mille
k]lo:
12.541
20.913
16.087
24.510
20.760
27.320
1906-1907
1910-1911
1913-1914
En France, ni les primes à la sériciculture, ni les droits sur les soies moulinées
n'ont provoqué de progrès dans la sériciculture.
La fabrique lyonnaise est obligée d'importer presque toutes les soies dont
elle fait usage.
Voici les mouvements des conditions des soies européennes :
1913 lofai
Kilos Kilos
Lyon 8.414.000 En Franco. . . . 10.809.700
Elberfeld . . . . 761.400 En Allemagne . . 1.341.900
Milan 9.496.800 En Italie .... 10.496.000
Zuricli 1.411.000 En Suisse . . . . 2.231.000
Total général . 25.094.000
Total général en 1914 16.912.000
— en 1915 14.800.000
La production de la fabrique lyonnaise, donnée en valeur, était en moyenne
de 410 millions. Pendant les trois dernières années, elle a été de : '
ProductioD
Mille francs
1913 467.700
1914 324.400
1915 329.550
Les exportations des soieries françaises, colis postaux compris, se sont éle-
vées à :
Mille fraïK.»
1913 429.108
1914 333.735
1915 336.623
(1) Rapport de la Chambre de Commerce de Lyon, le dernier 1916 pour 1915. Les Fibres
textiles d'origine animale, par Daniel Zolla (O. Doin, éd.).
— 259 —
Le chiffre de 336 millions n'est inférieur qu'à celui de 1913. Il dépasse même
celui de 1912 qui ne s'élevait qu'à 329 millions. « Cette exportation est des plus
rassurantes, dit le rapport de la Chambre de Commerce de Lyon, et elle est,
en quelque sorte, le fleuron de notre commerce e'xtérieur. »
Le grand acheteur est toujours l'Angleterre, quoique les achats des États-
Unis se soient beaucoup développés depuis la guerre :
1913
1914
1915
Mille francs
212.
400
169.040
163,
,700
48.
769 •
64.740
97,
.500
Angleterre. ..."
États-Unis. . . .
L'importation des soieries en France a été ]»eridant ces trois années de :
49.383 31.411 22.168
L'industrie de la soie a besoin d'expansion et non de protection. Un fait ca-
ractéristique montre les répercussions que fait peser sur elle notre régime
douanier.
Tandis que nous maintenons en France un droit de 300 francs les 100 kilos
sur les soies ouvrées et moulinées, le régime qui s'y applique dans les tarifs 391
et 392 du tarif allemand est ainsi libellé : '■ La soie pure, non teinte, ayant reçu
deux torsions, importée pour le tissage, la broderie, etc., est libre de droits;
si elle est teinte, elle paie un droit de 30 marks par 100 kilos. >
Les filés de coton britanniques les plus fins ne sont pas frappés en Allemagne
d'un droit dépassant 40 marks par 1.00 kilos, tandis qu'en France, ils sont refou-
lés par un tarif prohibitif. Qu'en résulte-t-il? Les soies venues librement d'Italie
en Allemagne permettent de faire des tissus mélangés avec les filés de coton
britanniques à Elberfeld et à Crefeld, et reçoivent les teintures préparées dans
les usines des bords du Rhin. Voici le résultat pour la France : la Fraace avait
le monopole des tissus et des rubans de soie pure; 1'. Allemagne, avec un modeste
mouvement de condition des soies de 1.340.000 kilos, celui des ti?sus et des ru-
bans mélangés (1).
Voici les importations des tissus de soie dans le Royaume-Uni en prove-
nance de France et d'Allemagne :
Allemagne
Soies pures.
Tissus 98.358 1.550
Rubans 28.000 335
Dentelles 9.500 »
Tissus mélangés.
En pièces 14.800 43.000
Rubans mélangés. . . 324 10.400
(1) Agence économique et financière, supplément spécial : Intérêts économiques communs de
la France et de l'Italie, par Yves-Guyot.'
— 260 —
VII
♦ LE COTON
De 1909 à 1913 la moyenne annuelle de la production du coton a été dans
l'hémisphère septentrional de 3.959.000 tonnes, soit avec les récoltes de l'hé-
misphère méridional de plus de 4.100.000 tonnes, tandis que relie de la filasse
de lin a été de 738.800 tonnes et celle du chanvre de 545.000 tonnes. Le coton
se substitue à ces deux textiles. Cependant, ce n'est qu'en 1785 que la machine
à vapeur de James Watt a fait mouvoir une fdature d(^ coton.
Le coton est le plus répandu des textiles, pourquoi? Non seulement parce
qu'il se prêt" à toutes les transformations, à tous les mélanges, mais parce qu'il
est le meilleur marché; de là, l'erreur des droits protecteurs sur les ills et tissus
de coton; ils lui enlèvent une partie de sa qualité primordiale.
La culture du coton ne fut introduite en Géorgie qu'en 1786; les premières
balles de coton des États-Unis ne sont arrivées à Liverpool qu'en 1800 et ne
purent être vendues (1). Les États-Unis ont produit 16 millions de balles en
1911-1912; en 1914-1915, 15 millions; en 1915-1916, 13 millions.
Le Lancaphire consomme en moyenne 4 millions de balles par an. En 1914-
1915, il a reçu 3.817.000 balles des États-Unis; en 1915-1916, il n'en a reçu
que 2.865.00,0 balles. Son autre centre d'approvisionnement est l'Egypte. Et
l'Inde? L'Inde produit de 3 à 4 millions de balles de coton, mais le Lancashire
n'en prend que 200.000 balles. En 1912-1913 (31 août), sur 3.825.000 kilos, il
n'en avait pris que 47.680 à l'Inde. Son coton ne convient pas aux filés fins du
Lancashire et la population de l'Inde en absorbe la plus grande partie. C'est
là une preuve décisive qu'un empire, même avec des territoires situés sous
tous les degrés de latitude et de' longitude, comme l'Empire britannique, ne
peut se suffire à lui-même.
Nous avons fait des essais de culture de coton en Algérie, en Tunisie et au
Maroc. Le coton obtenu est du coton à longue fibre. Espérons que cette culture
réussira. Toute la question est de sav^oir si ce coton coûtera plus cher ou moins
cher que le coton acheté au dehors.
Le succès de la filature de coton dans le Lancashire tient en grande partie à
l'humidité de son atmosphère. Elle permet de filer à Bolton des numéros fins
auxquels on n'atteint, dans d'autres pays, que par des saturations de vapeur;
on calcule que l'avantage qui en résulte représente au moins 7 % relativement
aux filatures de la Nou-velle-Angleterre. La broche du Lancashire consomme
17 l-:ilos de coton eu masse par an; celle du continent plus de 30; celle des
Etats-Unis, 36. Voilà une preuve qu'il ne faut pas juger de l'importance d'une
industrie d'après la quantité des matières premières qu'elle consomme. Le
progrès industriel consiste à obtenir le rapport inverse maximum entre la con-
sommation des capitaux circulants et le rendement des capitaux fixes (2).
La filature de coton ne cesse de se développer.
(1) YvES-GuYOTj Le Commerce et les Coinmerçanls, p. 55 [Encycl. scient., O, Doin, éd.).
(2) YvES-GuYOT, L'Industrie et les Industries, p. 70 [Ibid.].
— 261 —
Voici le nombre des l^roches de 1901-1902 à 1911-1Jtl2 :
Grande-
Bretagne
Continent
Europe
États-Unis
du
Nord
États-Unis
du
Sud
Indes
anglaises
Total
1901-1902. . . .
47.000
33.900
15.000
6 . 000
5.200 -
107.500
1911-1912. . . .
56.750
42.500
18.000
11.500
6.375
135.125
Augmentation %.
20,7
25,4
20,0
80,0
22,6
25,5
Il faut y ajouter pour le Japon 2.300.000 broches.
Au 31 août 1913, le total était de 143.500.000 broches. Le consommateur ne
manque pas au coton; mais il ne faut pas diminuer son pouvoir d'achat en en
relevant k prix. Nous venons de voir pour les tissus mélangés de soie les consé-
quences de cette politique des prix factices.
F^n 1913, j'ai fait, à la Société de Statistique, une communication .-^ur le
rôle économique d^s récoltes (1). J'y montrais que si Ouosnav et ses disciples
exagéraient en disant que/; la terre éfait l'unique source de richesses ^', l'agri-
culture n'en était pas ïnoins le grand facteur économique du monde, et que ses
\ variations annuelles ont une action décisiçe sur r activité ou la dépression de toutes ■
les industries^ sur la disponibilité des capitaux.
Les faits que je viens d'exposer prouvent que non seulement elle pourvoit
à l'alimentation des êtres humains, besoin renouvelé quotidiennement, mais
qu'elle fournit les matières premières de l'industrie textile : et de toutes les
industries, après l'industrie agricole, l'industrie textile est la plus répandue.
C'est elle qui provoque, au point de vue de la valeur, les plus grands échanges
internationaux.
VU!
LA HOUILLE
Si nous avons constaté combien étaient limitées les aires de production agri-
cole, nous trouvons encore des limites bien plus étroites à la ]>rodurtion de la
houille.
En 1913, il n'y avait que six grands producteurs, les États-Unis, 404 millions
de tonnes; la Grande-Bretagne, 287; l'Allemagne, 198: la France, 41; la Bel-
gique, 23; la Russi'P, 30, soit un peu plus d'un milliard de tonnes.
Kn 1913, la Grande-Bretagne avaitproduit 287 millions de tonnes de houille;
elle en avait consommé 210. Restaient 77 millions de tonnes pour l'exportation.
En 1915, elle en- a produit 253 millions; en 1916, 25G millions, et elle a i-onsommé
216" millions de tonnes. 11 ne lui en est resté que 40 millions disponibles peur
l'exportation.
11 est vrai qu'en 1933 elle avait en\'oyé 9 millions de tonnes à l'Allemagne,
2 miUions à la Belgique, 6 millions aux ports de la Mer Noire. 1 million à
l'Autriche- Hongrie, soit 18 millions qui sont devenues disponibles.
Mais l'Italie compte surtout maintenant sur la Grande-Bretagne pour lui
fournir du charbon. Elle en a reçu 6 millions de tonnes en 1915.
■ (1) Journal de la Société de Statistique^ 1913, p. 18. Il y a une grosse faute typographique
p. 19 : au lieu de 31.559, lire 48.641.
ire SÉRIE. 58'ï VOL. — N» 8-9 • 19
— 202 — .
La France en 1913 a produit 41 millions de tonnes; elle en a importé 23 mil-
lionf? dont 11.300.000 df la Grande-Bretagne, près de 6 millions de l'Allemagne,
5 millions de la Belgique.
En 1910, elle a produit 20 millions de tonnes : elle n'a plus pour l'alimenter
que la Grande-Bretagne. Gelle-ci doit partager 40 millions au lieu de 77 entre
la France, l'Italie et ses autres clients qui lui en demandent.
Les taux des frets, les .«urestaries imposées dans nos ports, les difTicultés de
transports et les mesures extraordinaires qui ont été projetées ou qui ont été
prises ont pu aggraver la crise du charbon, mais il était impossible qu'elle ne
se produisît pas.
Au lendemain de la guerre, la Belgique continuera d'avoir bf'soin des 7 mil-
lions de tonnes qu'elle importait du bassin de la Ruhr. La France aura égale-
ment besoin des millions de tonnes qu'elle en importait. Même si le traité
lui rend le bassin de la Sarre, que lui avait reconnu l'acte de Vienne de 1815,
et qui lui fut enlevé par le second traité de Paris du 20 novembre 1815, elle en
aura toujours besoin : car le charbon de la Sarre ne fournit qu'un coke très infé-
rieur pour la métallurgie. i •
L'utilisation des sous-produits est une d(>s caractéristiques des progrès de
l'industrie. La meilleure manière .d'utiliser la houille est d'en faire du gaz.
D'après John S. Brames, 100 tonnes de houille donnent de 900.000 à 1.100.000
pieds de gaz. 05 tonnes de coke, 5 tonnes de goudron, 1.250 kilos de sulfate
d'ammoniaque et 54 kilos de cyanure de sodium (1).
D'api es Y Fiigineering <irid Mining Joiirmil {^^), la distillation d'une tonne
de goudron de gaz moyen donne aux Etats-Unis :
Gallons Litres
Liqueur ammoniacale 5,0 22,715
Naphte brut 5,6 25,44
Huile d'éclairage 26,0 118,12
— de créosote 17,0 79,^3
— d'anthracène , 38,0 172,63
— brai 12,0 cwt 545 » kilos.
Lps Anglais ont envoyé en Allemagne, en 1913, 8.973.000 tonnes de houille,
dont la plus grande partie était du charbon de Newcastle qui, dans les grandes
vilk"^ allemandes, comme Berlin, distillé pour le gaz, donne un goudron de (jua-
lité supérieure. Si les Anglais veulent porter un coup à l'industrie des matières
colorantes en Allemagne, ils doivent prohiber l'exportation du charbon de
Newcastle en Allemagne, comme leurs aïeux ont prohibé l'exportation de leurs
laines dans les Flandre?. •
Si (»n mesure la capacité industrielle d'un pays pour sa consommation de-
houille, vnici l'échelle :
Millioni de toiiaes I*ar \He
Tonnes
États-Unis 459,5 4,82
Royaume-Uni 174,8 3,83
Allemagne 140,7 2,12
(1) Journal of Royal Society of Arts, janvier 1917.
(2) 1" janvier 1916, cité par le Comité des Houillères, cir. n° 5118.
— <i6:i —
L'Allemagne ne vient qu'an troisième ranu, et elle n'a pas de houille blanche.
L'industrie de la houille se développera quand les réserves de la Chine, du
Japon, de la Russie, du Canada, de l'Inde, etc., seront largement exploitées.
IX
LE FER
La métallurgie du fer ne pouvait prendre ses développements qu'avec la
houille. La fonte au coke ne remonte qu'à llP>b, à moins de deux siècles. On
évalue que la consommation du fer en Europe ne dépassait pas 100.000 tonnes
en 1750. Quelle misère! L^n siècle plus tard, en 1850, Moreau de Jonnès ne
l'évaluait encore qu'à 237.000 tonnes. Les grandes inventions métallurgiques,
celle de Bessemer date de 1856, celle de Martin de 1864, celle de Gruner, connue
sous les noms de Thomas et Gilchrist, de 1874.
Ces inventions, qui ont fait la puissance métallurgique de l'Allemagne, ont
coïncidé avec la guerre de 1870, et l'Allemagne a profité des minerais de fer
de la Lorraine annexée.
.Minutais de fer
1912 1913
Mille loiiucs
Lorraine annexée 20.080 21.130
Prusse 5.460
Autres États 1.650 ' ''^''^
Total 27.190 28.600
Mais la teneur des minerais lorrains n'a été en 1912 que de 31,2 %. Les
tfais de transport et de combustible augmentent en proportion de la pauvreté
du minerai. L'Allemagne a importé :
1912 1913
iHiWe tonui's
12.000 14.000
vSes principaux fournisseurs ont été
1912 1913
Suède • • • 3.875 4.558
France ' . . . 2.692 3.811
Espagne 3.726 3.632
Pour la première fois, Je chiffre des minerais venant de France a dépassé le
chiffre des importations \enant d'Esoagne (J).
Les statistiques sidérurgiques sont assez obscures. L'industrie métallur-
gique est une industrie de produits chimiques.
Les fontes tiennent de 3 à 4 '% de carbone; les fers moins de 0,05 % de car?
bone; les aciers de 0,05 à 1 % de carbone.
(1) YvES-GuYOT, La Province Rhénane et la Westphalie (un vol., 1915, Attinger, éd.).
— 264
L'AlIemagno compte :
1912
1913
1
Foole
A
lier
Mille
tonnoi
17
.869
^^
17.
,302
19
.291
14.
973
Quand on analyse ces chiffres, on y trouve de doubles emplois. La production
mondiale de la fonte en 191o est évaluée comme suit :
États-Unis. . . . 31.000.000 France 5.300.000
Allemagne. . . . 19.300.000 Belgique 2.500.000
Grande-Bretagne. 10.300.000 Russie (1) .... 4.100.000
Les cinq premiers pays, pour 4 1/2 millions de tonnes, consommaient
54.200.000 tonnes de fonte et en exportaient seulement 14.200.000 aux pays
ne produisant pas de fer.
La production de l'Allemagne est tombée à 11.800.000 tonnes en 1915;
en 1916, elle s'est relevée à 13 millions, mais en 19i7, faute de main-d'œuvre
et de houille, elle a baissé.
IjCs États-Unis ont porté en 1916 leur production à 38.500 tonnes de fonte.
La guerre consomme beaucoup d'acier. Cependant, d'après une dépêche du
13 mai dernier, le général Sir William Robertson, dans un banquet, a dit
avec une certaine Herté que, pendant les six dernières semaines, les Anglais
avaient consommé en France 200.000 tonnes de munitions. Or 6 X 9 donne-
raient 54 semaines, soit en un peu plus d'une année 1.800.000 tonnes, moins
du cinquième de la production du Royaume-Uni.
Le Journal des ÉconoDiistes (2) a publié une étude de Sir Hugh Bell, un des
plus grands métallurgistes de la Grande-Bretagne, dans laquelle il montre la
puissance de son industrie sidérurgique. Elle vend surtout des produits finis.
En 1913, elle a exporté pour £ 118 millions et réexporté pour £ 2.800.000; elle
a importé pour £ 41 millions de minerais et de fers spéciaux, etc. Son expor-
tation nette a donc dépassé l'importation de £ 79 millions, et la valeur totale
de sa jiroduction a été de £ 320 millions,» plus de 8 milliards de francs. Cette
importance des industries sidérurgiques dans la Grande-Bretagne étonnera
ceux qui étaient habitués à ne regarder que du côté de l'Allemagne, et qui
considéraient l'industrie métallurgique britannique comme stationnaire. Ils
confondent la production de la matière première avec la production des pro-
duits finis. L^ne tonne d'aiguilles a une autre valeur qu'une tonne de fonte.
Là est l'erreur du dumping. Les Allemands ont fait la fortune industrielle
de Rotterdam. Ils lui ont fourni des tcMcs qui ont repassé la frontière sous forme
de péniches du Rhin ou de chaudières.
La houille attire la métallurgie qu'on peut considérer comme une industrie
connexe. Ce ne sont pas les mines de la Lorraine annexée qui font la puissance
métallurgique de l'Allemagne : c'est le bassin de la Ruhr. Le minerai a le grand
inconvénient de contenir un poids mort énorme : les minerais durs ont l'avan-
tage de ne pas être détériorés par le transport; toutefois les minerais faibles
(1) The Russian year hooh. 1916.
(2) Janvier 1917.
— 2fi5 —
se désagrègent pendant leur manutention et ne peuvent être employés que
sur place.
Mais le transport détériore le coke. M. de Lespinats, le fondateur de Neuves-
Maisons, évaluait à 5 % le déchet du coke transporté par bateau et à 2 % celui
du coke transporté par chemin de fer. La houille, dans un voyage un peu pro-
longé, perd de 6 à 7 % de son pouvoir calorique.
Le lingot de fonte produit est susceptible de multiples transformations qui
toutes exigent du combustible. La production d'une tonne d'acier laminé
demande de L400 à 2.000 kilos de houille (1).
Nous pouvons être fiers du succès remporté par notre compatriote Martin.
1912
Tonnea J'acit-r
États-Unis sur 31 .251 .000 ily a eu 20.781.000
Allemagne. — 16.264.000 — 6.906.000
Angleterre — 6.796.000 — 5.273.000
Russie — 4.402.000 — 3.614.000
Autriche — 2.668.000 — 2.222.000
L'acier Martin et l'acier Thomas-Gilchrist, dont l'idée due à M. Gruner, pro-
fesseur à l'École des Mines, est également française, ont remplacé partout l'acier
Bessemer. L'acier au creuset, qui a fait la fortune initiale de la maison Krupp,
ne joue qu'un rôle insignifiant. Ce sont des inventions de deux de nos compa-
triotes, l'une qui date de 1865, l'autre de 1874, qui ont transformé la métal-
lurgie du monde.
On parle beaucoup de l'importance des gisements de fer. Nous pouvons espé-
rer recueillir ceux de la Lorraine annexée. Mais il y a minerai et minerai. Tout
minerai n'est pas exploitable, à cause de son prix de revient et à cause du prix
de revient de ses produits, s'il n'est pas suffisamment riche.
D'après le Congrès international de géologie de Toronto, voici quelle serait
la richesse de quelques pays :
n Poids du fer roritnuu „ ,,..
Resiources , i P. lUO
UuDS le miucrui
Millions Je toDQi s
Allemagne 3.600 1.270 35,0
France 3.300 1.140 34,0
Grande-Bretagne. .- . . 1.300 455 35,0
Suède 1.158 740 63,0
Russie 865 387 44,7
Espagne 711 349 47,0
Amérique 9.855 5.154 52,0
Cette évaluation donne comme totaux pour le monde entier, non compris
toutefois l'Asie :
22.408 10.192 45,4
Si la consommation du fer contenu dans le minerai s'élevait à 200 millions
de tonnes par an, ces ressources seraient épuisées en un siècle; mais nous pou-
(1) J. Tribot-Laspière, L'Industrie de l'acier en France, 1916.
— 266 —
vons nous rassurer. On en a trouvé en Chine, paraît-il, des masses énormes,
et le jour où la question se posera, quelques inventeurs sauront la résoudre.
Ils ont déjà obtenu de tels résultats que nous pouvons avoir confiance en eux.
De même pour la houille dont Stanley Jewns avait annoncé l'épuisement.
On y trouve des substituts comme la houille blanche. Si elle ne peut cependant
pas la remplacer dans tous les cas et dans tous les lieux, elle peut/à l'aide du
transport de la force à distance, donner des résultats importants.
Nous devons chercher à développer, par les progrès de l'invention, les res-
sources que nous pouvons trouver sur notre globe. La postérité n'a pas à nous
demander que nous conservions pour elle de la houille ou des minerais que nous
pourrions utiliser. Le legs que nous lui devons, ce sont de nouveaux moyens
d'action, qu'elle pourra perfectionner à son tour.
X
LE BOIS
Les industries extractives, comme les mines, sont des industries de cueillette.
Elles prennent; elles ne rendent rien. Elles épuisent donc. Là est leur infériorité.
Il en est de même pour le bois que l'on exploité de la même manière en Amé-
rique, en Russie, et il faut bien le dire à peu près dans tous les pays. On détruit,
on ne replante pas, et non seulement l'emploi du fer n'a pas supprimé celui du
bois dans les constructions, mais on en fait des pavés; et enfin la pâte à papier
entraîne annuellement l'abatage de 50 à 60 millions d'arbres (1).
L'aire du bois est limitée.
On évalue à 80 millions d'hectares l'étendue des forêts privées et à 90 millions
celle des forêts de l'Etat dans la Russie d'Europe; à 70 millions d'hectares celle
des forêts surveillées et à 180 millions d'hectares celle des lorêts non surveil-
lées de la Russie asiatique.
Avant la guerre, l'exportation moyenne de bois a été de L216.129 tonnes
par Riga, de 164.516 tonnes par Liban, de 633.709 par Arkhangel, de 962.903
par Cronstadt-Petrograd, de 262.903 par Windau. La moitié était exportée
en Grande-Bretagne (2).
D'après M. R.-S. Pearson, oj The Indian Forest Service, les forêts de l'Inde
couvrent une superficie plus grande que la Péninsule Ibérique et la Belgique,
soit plus de 62 millions d'hectares.
Les forêts des États-Unis couvraient autrefois 340 millions d'hectares;
elles en couvrent encore 220 millions, contenant 5.200 milliards de pieds ciil)os
de bois marchand. On en consomme 22 milliards par au. Les grandes forêts
de pins des Lacs sont presque épuisées.
Au Canada, les forêts occupent de 200 à 250 millions d'boctares doi;t 80 à
120 millions sont exploitables.
(1) R. W. SiNDALL, Journal of Royal Society oj Arts, !«''' juin 1917.
(2) Heyking, consul général de Russie, à Londres, Agence économique financière. Infor-
mation (le Russie, 20 mai 1917.
_ 267 —
XI
LE BLOCUS
Il est vraiment curieux de voir aujourd'hui des personnes répéter la vieille
formule qu'il « faut qu'une nation se suffise à elle-même »; et ces personnes
portent des chemises de coton, se mouchent dans des mouchoirs de poche de
coton, poussé en Amérique; elles prennent du café venu du Brésil, car le café
de nos colonies ne compte pas pour 2 % dans notre consommation. Quand
elles mangent aujourd'hui du pain dans lequel le son enveloppe l'amande du
blé, elles s'aperçoivent qu'il n'y a pas de danger que nous soyons étouffés par
une inondation de blé et non seulement pendant les deux jours sans viande,
mais quand elles paient la note du boucher, elles regrettent que les troupeaux
de l'Argentine ou de l'Australie ne soient pas plus nombreux, et que le Gou-
vernement nous ait empêchés pendant trente ans d'organiser l'importation
des viandes frigorifiées.
Si nous n'avions pu recevoir ni blé, ni cuirs, ni aciers, ni chevaux des Etats-
Unis, à coup sûr nous nous serions trouvés dans une fâcheuse situation.
Cependant des protectionnistes répètent toujours : « Ung nation doit se
suffire à elle-même. «
— Alors c'est pour le bien de l'Allemagne et de l'Autriche- Hongrie que vous
voulez les enfermer dans un blocus de plu? en plus sévère?
— Vous vous moquez?
— Pas du tout. Par le blocus, vous entendez les forcer de se suffire à elles-
mêmes. Si c'est un bien, vous leur rendez service, vous leur êtes utile.
— Ah ! mais non, c'est pour les réduire par la famine d'aliments, de matières
premières.
— Et quand vous organisez, par des tarifs, plus ou moins prohibitifs, le
blocus contre vos compatriotes, vous faites exactement la même chose.
XII
LA CIRCULATION
Depuis moins de quatre-vingts ans, l'emploi de la vapeur et de rélectricité
a, en rapetissant le globe, donné aux relations économiques une ampleur que
personne ne pouvait prévoir, il y a moins d'un siècle (1).
Des progrès de la circulation dépendent tous les autres : l'industrie met en
contact des matières premières venues des points les plus éloignés du globe,
et le commerce en répartit les produits entre les populations qui en ont besoin.
Les financiers britanniques, en plaçant plus de 100 milliards de francs dans des
pays qui avaient besoin de capitaux pour se développer comme les États-Unis,
la République Argentine, les Dominions anglais, leur ont permis de mettre en
valeur des territoires qui aujourd'hui fournissent à l'Europe des objets d'ali-
(1) Voir les prévisions de Macaulay en 1829, op, cù. Introduction du livre : L'Industrie, par
YVES-GUYOT.
— â68 —
mentation et des matières premières sans lesquels nous serions réduits à 'la
disette.
Ce fait prouve que la circulation ne comprend pas seulement le transport
des personnes et des choses : elle comprend aussi les moyens de fournir des
capitaux à ceux qui en ont besoin et de liquider les obligations réciproques qui
résultent des échanges. Au milieu du dix-neuvième siècle, les découvertes de
mines d'or de la Californie et de l'Australie, puis celles de l'Afrique du Sud,
ont fourni en moins de soixante-dix ans, plus de trois fois plus d'or que les
quatre siècles et demi précédents. La production annuelle de l'or a dépassé
2 milliards "en 1906, elle est aux environs de 2 milliards 500 millions. Elle a suivi
les progressions suivantes :
un 1 -1 Valeur à raison de
Mille kilos o / 1 1 r I I -I j> e
0.444 Ir. le kilo d or UQ
Millioni de francs
1493-1850. . . . 4.752,0 16.368,2
1851-1875. ... 4.775,6 16.449,4
1875-1912. . . . 12.694,5 4.3.725,5
Total. . . 22.222,2 76.5437l"
Ce chiffre approche maintenant de 85 milliards de francs. Il y a quelques
années, des gens avisés ont dénoncé le péril de l'or. Aujourd'hui, les mêmes par-
lent comme les bullionistes de l'ancien régime, et on entend crier de tous côtés :
« Achetez le moins possible au dehors ! Gardez votre or. »
Dans la communication sur le commerce international en 1915 que j'ai faite
le 16 février 1916, à la Société de Statistique (1), j'ai montré que les États-Unis
avaient une autre conception du péril de l'or; ils se plaignaient d'en avoir trop.
Le rôle de l'or n'est devenu si important que parce que la guerre a renversé
les conditions' économiques des belligérants. En temps normal, la majorité
des habitants d'un pays a, chaque année, plus produit qu'elle n'a consommé.
En temps de guerre, c'est le contraire. Nous dépensons plus que nous ne pro-
duisons. De là la difficulté de livrer des produits en retour des produits dont nous
avons besoin. L'e principal facteur de l'échange disparait, et quoique l'or
continue à ne jouer qu'un rôle d'appoint, ce rôle prend une importance im-
prévue.
Mais ce n'est pas l'augmentation de la production de l'or qui a réalisé les
grands progrès de la circulation. C'est l'adoption de l'étalon d'or en 1816 par
l'Angleterre qui a fait de la traite sur Londres le moyen de paiement interna-
tional du monde entier. Antérieurement, des garçons de banque de la Cité
eurent l'idée, au lieu d'aller de porte en porte de leurs banques respectives,
porter jeurs valeurs respectives^ de se'réunir dans une taverne et de les changer
sur la tal)l(>. Ils fondèrent ainsi les clearing houses, et les opérations des clearing
houses, dans la Grande-Bretagne, s(> montent à 400 milliards de francs, et aux
Etats-Lnis à 800 milHards sans déplacer un sovereign ou un dollar.
Au lendemain de la guerre, il y aura une période difficile : ce sera la liquida-
tion du papier. Notre crédit ne sera sain que lorsque la Banque de France pourra
rembourser ses billets en or à guichets ouverts. Après la guerre de 1870, la
liquidation de 800 millions des dettes de l'État à la Banque a été terminée
(1) Journal de la Sociétc de Statistique pour 1916, p. 188.
— 269 —
en 1878. Il ne faudra pas qu'elle dure plus longtemps, mais il s'agira non plus
de rembourser 200 millions par an, mais de rembourser 2 ou 3 milliards de
francs. Cette opération est indispensable. Le change est le prix de revient de
la liquidation des opérations sur les places diverses. Quand le change est défa-
vorable à un pays, il force l'acheteur à payer ce qu'il achète 5, 10, 15, 20 %
plus cher que le prix de la marchandise ou du service. En France, du crédit de
la Banque dépendent tous les autres crédits.
XIII
L'ÉCONOMIE RESTRICTIVE ET L'ÉCONOMIE ACTIVE
La guerre a détruit des capitaux et a empêché des capitaux de se reconsti-
tuer. D'après une vieille théorie, l'industrie est limitée par le capital. Non. Elle
n'est pas limitée car le capital qui peut y être engagé; elle est limitée par le
pouvoir d'achat de ceux auxquels ses produits ou ses services sont destinés.
Or, comme l'a démontré J.-B. Say, dans sa loi des débouchés, ce sont les produits
à échanger qui les constituent. Il n'y a de crise que lorsque les offres de produits
ne trouvent pas de contre-partie dans des produits équivalents.
Nous ne pourrons empêcher l'élévation du change après la guerre que par
l'intensité de notre production, car l'exportation en dépend. Ce ne sont pas les
droits de douane qui peuvent l'augmenter; au delà des frontières, leur protec-
tion disparaît pour ne laisser au produit que le fardeau de l'augmentation du
prix de revient auquel elle a contribué.
— Qu'avez- vous à vendre, de quelle qualité et à quel prix? Voilà toute la
question : et elle a été admirablement posée par M. Artaud, président de la
Chambre de Commerce de Marseille, dans un travail intitulé : Entretiens écono-
miques (1).
« Notre régime économique était basé sur une infériorité déclarée provenant,
disait-on, de nos lois sociales, du taux des salaires, de notre population insuffi-
sante, de nos impôts, etc., ne nous permettant pas de supporter la concurrence
internationale. La pseudo-infériorité industrielle imaginaire a fini par devenir
réelle. Quand le marché est réservé par des tarifs, quelle tentation d'élever les
prix ou de réduire soit la qualité, soit la quantité! Le plus difficile n'est pas de
nous faire produire, comme le croient les représentants des doctrines de res-
triction, mais de nous animer de la volonté de produire, de nous faire prendre
conscience de nos possibilités de production. »
L'esprit d'entreprise se développe d'autant plus que chacun a la liberté de ses
actes et la certitude d'en recueillir tout le profit possible.
Le coût du service ou du produit n'est pas en raison de la somme de mon-
naie qu'il représente, mais en raison de la productivité du travail (1).
On parle d'économie : ce n'est pas V économie dépressi<^e qui doit être notre
idéal, c'est l'économie active, c est-à-dire la suppression des gaspillages publics
et privés de manière à obtenir le maximum d'effet utile avec le minimum d'effort.
YVES-GUYOT.
(1) Présenté à TAcadémie de Marseille.
— 270 —
II
CHRONIQUE DE DÉMOGRAPHIE
LES FRANÇAIS ET LA LANGUE FRANÇAISE AUX ÉTATS-UNIS
Quelle place tiennent aux États-Unis les personnes d'origine ou de langue fran-
çaise? Les résultats détaillés du treizième census (1) effectué en 1910 permettent
de répondre à cette question, au moins en ce qui concerne l'importance numérique
du groupe de personnes recensées à cette époque dans les États de l'Union et origi-
naires de notre pays ou parlant notre langue.
1° PERSONNES NÉES EN FRANCE
Sur le territoire continental des États-Unis, non compris l'Alaska, on a recensé,
en 1910, 92 millions d'habitants, dont 13.516.000 étaient nés à l'étranger. Parmi ces
derniers, 117.418 étaient nés en France. En 1900, sur 10 millions d'individus nés
à l'étranger, 104.197 étaient originaires de notre pays; dans l'un et l'autre cas, le
groupe des personnes nées en France forme environ 1 % du nombre total des personnes
de naissance étrangère aux États-Unis. En 1870, le nombre des habitants nés en
France, 116.402, était déjà sensiblement égal à celui de 1910. Depuis quarante ans,
le nombre des nouveaux immigrants venus de notre pays a donc simplement com-
pensé le déficit occasionné par la mort ou par les départs de personnes nées en France.
1! ne faudrait pas en conclure cependant que l'immigration française aux États-
Unis est tout à fait négligeable, car entre le recensement de 1900 et celui de 1910 on
n'a pas enregistré moins de 71.714 immigrants nés en France, soit, en moyenne, plus
de 7.000 par an.
Vers quelles régions se portent de préférence nos compatriotes? Sur les 117.000 per-
sonnes nées en France, on en a recensé 23.472 dans l'État de New-York, ,17.407 en
Californie, 10.003 en Pensylvanie, 7.972 dans F Illinois, 6.420 dans le New- Jersey,
5.926 dans fe Massachusetts, 5.345 en Louisiane, etc. Au total les États de la Nouvelle-
Angleterre et du Moyen Atlantique comptent 43 % des personnes nées en France,
ceux du Pacifique, 18 %, ceux du Nord-Est central (Michigan, Illinois, etc.), 16 %.
Un grand nombre de ces personnes originaires de France réside dans les grandes
villes; on en a recensé 18.293 à New- York, 6.252 à San Francisco, 3.671 à La Nouvelle-
Orléans, 3,036 à Chicago, 2.659 à Philadelphie, 1.916 à Los Angeles (CaUfornie),
1.218 à Saint-Louis, 1.205 à Oakland (Californie), 1.081 à Boston.
2» PERSONNES n'ORIGINE FRANÇAISE
Le questionnaire du census américain porte non seulement sur le lieu de naissance
de chaque individu, mais encore sur le pays d'origine de ses père et mère. Dans les
résultats détaillés du census, on étudie à part le groupe des individus de race blancht»
d'origine étrangère (Foreign whitc stock) comprenant : 1" les individus nés à l'étran-
ger 2° ceux qui sont nés aux Etats-Unis de [)nn'ti1s dont l'un au moins est lui-même
né à l'étranger.
,En 1910, sur 32 millions de blancs d'origine étrangère, 292.389 étaient d'origine
française, dont : 117.236 étaient nés en France, et 175.153 nés aux États-Unis; p,-imi
ces derniers, 78.937 descendaient de parents nés tous les deux on France ; 96.216
n'avaient qu'un seul de leurs parents nés en France; pour 73.105 d'entre eux. c'était
le père et pour 23.131, la mère.
On remarquera que le nombre des personnes né(^s en France est légèrement inférieur
(1) Thirteenth Census of the United States, 1910, vol. I. Populalion.
— 271 —
à celui donné au paragraphe précédent (117.236 au lieu de 117.418) parce qu'il s'agit
seulement ici des individus de race blanche.
Les personnes d'origine française se groupent dans les États ci-après : New-York,
45.945; CaHfornie, 32.613; Pensylvanie, 23.843; Ilhnois, 21.757; Louisiane, 19.911 ;
Ohio, 18.862; New- Jersey, 13.036; Missouri, 10.994; Massachusetts, 9.909; Indiana,
9.087.
3" PERSONNES DE LANGUE FRANÇM.-E
/
Pour la première fois en 1910, le census des États-Unis a porté sur la langue ma-
ternelle des personnes dq race blanche d'origine étrangère, c'est-à-dire nées hors des
États-L'nis ou dont l'un au moins des deux parents est né à l'étranger.
Sur les 32 millions d'habitants appartenant à ce groupe (Foreign white stock),
1.357.000, soit 4 % avaient le français pour langue maternelle. Ce nombre est très sen-
siblement supérieur à celui des individus nés en France (117.000) ou descendant d'une
mère ou d'un père né en France (175.000), grâce à l'appoint des Canadiens de langue
française, comme ot) le voit sur le tableau ci-après.
Personnes ayant le franvais
comme langue niat'-rneile
et dont uu des pannls an moius isl né
hors des Etats-Uuis
Pays d'origme (*) ■ ~ — ^
dont :
. . , personnes nées
au total "^ ,,
hors di's Kiats-L ni»
Canada 952.456 385.083
Krance 320.040 110.024
Belgique 33.187 16.238
Suisse 25.803 11.170
Allemagne 8.271 3.131
Italie 936 598
Angleterre 980 410
Autres pays. 4.274 2.188
Origine mixte (**) 11.222 »
Ensemble. ' 1.357.169 528.842
(*) Pays de naissance pour les personnes nées hors des États-Unis; pays de naissance
des parents pour les personnes. nées aux États-Unis.
(**) Personnes nées aux États-Unis dont le père et la mère sont nés dans des pays diffé-
rents.
Les habitants parlant notre langue sont surtout nombreux dans les États de la
Nouvelle-Angleterre voisins de la pro.vincre de Québec, c'est-à-dire de la région du
Canada où prédomine la langue française. Le tableau ci-après fait connaître leur
répartition géographique par régions et par États :
/ Massachusetts 312.667 i
l New Hamsphire 82.448 j
Nouvelle- ' Rhode Island 77.614 ' ^.^ , , f.
Angleterre j Maine 76.778, ''^-•■*i^
Connecticut 51.193 \
Vermont. 41.715 '
( Michigan 99.456 j
Nord-E.st \ Illinois 55.837 f .^,n ^^.,
central i Wisconsin 45.337 ( -■*-'-^--^
( Ohio 33.293 I
Atlantique j g^w-York ^IIH: { ,,, ,„
r....,.^.. Peiisvivanie 38.184 > 191.261
"'^■"^" ! Autres États 20.345 (
Nord-Ouest ) Minnesota 43.570 (
central (Autres États 66.941 | ^'"•■^''
Parif.anP * Californie 49.030 / no /c;o
Pacihque ) Autres États 24.428* '^"^^^
Sud-Ouest \ Louisiane. ..." 23.359 ) on ao.^
central ( Autres États 15.673 i àJ-^J-^~
Montagnes Rocheuses 28.378 28,378
-- 272 — •
Les villes qui comptent le plus. grand nombre de personnes de langue française
sont : New-York, 47.230, dont 27.790 à Manhattan et 3.610 à Queensborough. 11 y a
24.718 personnes dont la langue rnaternelle est le français à Chicago, 13.655 à San
Francisco, 13.291 à Détroit (Michigan), 9.240 à Boston, 7.982 à Saint-Louis, 0.720 à
Minneapolis (Minnesota) et 4.959 à Buiïalo (New-York).
LA POPULATION DU GRAND-DUCHÉ DE LUXEMBOURG
D'après les Annales de Géographie (15 mai 1917, page 234), il a éto procédé, maigre
la guerre, au recensement quinquennal de la population du grand-durhé de Luxem-
bourg, le 1er décembre 1916.
La population totale est de 269.283 habitants, soit près de 10.000 de plus qu'en
1910. La ville de Luxembourg n'aurait plus que 18.776 habitants au heu de 20.848
en 1910. L'accroissement est notable pour le canton industriel d'Esch sur FAlzette
qui compte 73.767 habitants en 1916, au lieu de 68.875 six ans auparavant. C'est
dans ce canton contigu à la région de Long\s^', Yillerupt que se trou^ ent les mines de
fer et les usines métallurgiques de Difîerdange, Diidelange, etc. Dans les autres
cantons agricoles du Luxembourg, la population est stationnaire ou même en légère
diminution.
LA POPULATION ÉTRANGÈRE EN CHINE
Voici, d'après les Retiirns of trade publiés par l'inspecteur général des Douanes
chinoises, à Changhaï, l'état des firmes et de la population de nationalité étrangère en
Chine en 1913. c'est-à-dire avant la guerre et en 1916.
Japonais
Russes
Anglais
Américains ^
Allemands
Français
Portugais
Suédois
Italiens
Danois
Espagnols
Norvégiens
Autrichiens
Belges
Hollandais
Hongrois
Autres
Total
Firm
i<a
T'orsunne'
— .™»,^_ -
II
■ Il .
^ — -
1916
1913
1916
1913
1.858
1.269
104,
,275
80.219
1.422
1.229
55,
.235
56.765
644
590
9
. 099
8.9iJ6
187
i;u
5
.580
5 . 340
281
296
3
.792
2.949
116
106
2
.374
2.292
47
46
2
.293
3.486
4
3
423
292
44.
39
400
355
16
14
397
354
28
22
3C)6
1 36
7
7
327
249
19
■ 22
296
419
17
13
286
178
29
10
277
161
2
2
34
21
3
6
159
1.645
4.724
3 . 805
185
.613
163.827
ÉTATS-UNIS '— TABLES DE MORTALITÉ, 1910
Le Ihirenn oj-.theCensus {\) vient de ])ul)lier les preniiér(>s tables de mortalité géné-
rale ofliciellement établies aux h]tats-Unis. Elles ne s'appliquent d'ailleurs pas à la po-
pulation totale, mais seulement à une partie importante, celle des « original registration
States », dans lesquels l'enregistrement régulier des décès est organisé depuis long-
t(>mps. Ces dix États : Maine. New Hampshire, Vermont, Massachusetts, Rhode Island.
Connecticut, New-York, New-J(Tsey, Indiana, Michigan et le district de Columbia
groupaient, en 1910, plus de 24 millions d'habitants, soit plus du quart de la popula-
tion totale des États de l'Union. Le travail commencé par M. Cressy L. VVilbur,
alors qu'il était chef de la division des Vital Statistics, a été exécuté, après son départ.
[1) United States Life Tables, 1910. Bureau of the Census, Washington, 1916.
— 278 —
suus la direction du professeur Glover, de l'Université de Michigan. avec la collabora-
tion d'un comité désigné par l'Actuarial Society of America.
On ne trouve dans le volume que des indications sommaires" sur les méthodes em-
ployées, celles-ci devant être exposées plus complètement dans une publication ulté-
rieure qui fera connaître également les données primitives : population calculée au
It'r juillet 1910, décès enregistrés en 1909, 1910 et 1911. 11 est indiqué cependant que
l'interpolation des séries de vivants et de décédés a été faite séparément à l'aide
des nombres naturels et non des logarithmes ; on a employé la méthode d'interpola-
tion osculatoire utilisant les différences cinquièmes, les âges étant réunis en groupes
quinquennaux : 4-8, 9-13, 14-18, etc. Pour les cinq premières années, les taux de mor-
talité ont été calculés par la méthode employée dans la construction des tables de
mortalité de l'Empire allemand pour la période 1891-1900. L'intervalle 5-13 a été
rempli à l'aide des formules d'interpolation ordinaires aux différences quatrièmes.
Aux âges élevés on a utilisé la formule de Wittstein, l'âge limite étant 115.
Les tables présentent des irrégularités assez sensibles à certains âges; il eût été
possible de les faire disparaître par l'emploi de formules d'ajustement appropriées. On
a préféré les laisser subsister parce qu'il n'était pas facile de distinguer les irrégula-
rités qui sont caractéristiques de la population de celles qui proviennent de relevés
défectueux dans les recensements et les statistiques mortuaires.
Les tables publiées font connaître, mois par mois, pendant la première année,
l'nsuite année par année : le nombre dae survivants à partir de 100.000 nés vivants,
le nombre des décès dans chaque intervalle, le taux de mortalité pour 1.000, et l'es-
pérance de vie à chaque âge. Dans d'autres colonnes figurent les caractéristiques
d'une population stationnaire, résultant de 100.000 naissances annuelles unifor-
mément répétées, sans émigration ni immigration et présentant à chaque âge les taux
de mortalité précédents. Ces tables sont calculées par sexe pour l'ensemble des
« registration states » et pour chacune des catégories ci-après : population totale,
blancs, nègres, blancs nés dans le pays, blancs nés à l'étranger, population blanche
des villes et des campagnes. En outre, des tables spéciales ont été calculées pour les
Etats les plus importants : Indiana, Massachusetts, Michigan, New Jersey et New-
York. Les chiffres ci-après sont extraits des tables relatives à l'ensemble des « regis-
tration states ».
Nombre de survivants sur 100.000 nés vivants.
Age
1 an .
10 ans
20 — .
30 — .
40 — .
50 — .
60 — .
70 — .
80 — .
90 — .
100 — .
1 an .
10 ans,
20 — .
30 — .
40 — .
50 — .
60 — .
70 — .
80 — .
90 — .
100 — .
l'ojHilatif
lu Maijfljo
Ens
pmble
Blancs
Xegrei
.
_
_
\
Mlles
(anipafîncs
10 ;
Sexe masculix
87
.705
87.674
78.065
86
.620
89.674
81
.249
81.519
66.377
79
.553
85.043
78,
.792
79.116
61.426
77
.122
82.673
74,
.378
74.180
54.073 '
72
.776
78.495
68.
,297
68.848
45.414
66
.193
73.793
60.
.118
60.741
35.427
56
.913
67.734
48.
.343
• 48.987
23.750
43,
.454
58.117
31,
.023
31.527
12.295
25,
.269
40.897
11.
.942
12.160
3.894
8,
.478
17.307
1.
.502
1 . 523
595
980
2.270
33
31
40
23
41
2°
Sexe fémini?,-
89.
.623
89.744
81.493
88.
.877
91.503
83,
.728
83.979
70.508
82,
.183
87.233
81.
.418
81.750
64.764
79,
.962
84.982
77.
.247
77.676
58.281
75.
.974
80.749
71.
.894
72.425
50.568
70.
.466
76.031
65,
.001
65.629
40.886
63.
.058
70.294
54.
,226
54.900
28.908
51.
,149
61.149
36.
,916
37.482
15.871
32.
713
44.731
15.
,682
15.929
6.324
12.
,955
20.251
2.
,269
2.291
1.206
1.
831
2.960
49
44
112
48
44
— 274 —
On remarquera le très considérable excès de mortalité des nègres qui sont d'ailleurs
relativement peu nombreux dans les « registration states ». Les calculs n'ont porté
que sur 224.000 nègres contre 11.933.000 blancs et sur 240.000 négresses au lieu de
11.706.000 blanches.
La population rurale fournit une mortalité notablement inférieure à celle des villes;
on a compris parmi ces dernières les municipalités ayant plus de 10.000 habitants
en 1910 et comptant au total plus de 14 millions d'habitants contre 9 milHons dans les
campagnes.
Le tableau ci-après permet une cornparaison rapide de la table de survie des États
américains et de la table anglaise (1), calculée pour une époque sensiblement concor-
dante.
Pour 100.000
nés vivants
surrivinls à
USIIT.U HTATKS I.IKK TAUI.E EN(iI.I.SU LIFB TABLE K" 8
1909-1911 1910-1912
Hoiiime> Femmes Hommes Feiiinic<
1 an 87.705 89.623 87.956 90.233
10 ans 81.249 83.728 81.241 83.598
20 — 78.792 81.418 .79.344 81.861
30 — 74.378 77.247 76.223 78.954
40 — 68.297 71.894 71.673 74.988
50 — -60.118 65.001 64.333 68.881
60 — 48.343 54.226 52.110 58.660
•70— 31.023 36.916 33.431 41.688
80 — 11.942 • 15.682 12.194 10.086
' 90 — 1.502 2.269 1.361 2.764
100 — 33 49 30 67
La table {^méricaine indique pour la mortahté une allure plus rapide que la table
anglaise, aussi bien pour les hommes que pour les femmes.
Michel HuBER.
III
VARIÉTÉS
STATISTiQUES FINANCIÈRES DE L'INDUSTRIE ALLEMANDE PENDANT LA GUERRE
Des renseignements assez complets, très curieux, très caractéristiques,
ont été récemment donnés à ce sujet par la Gazette de Francfort ; elle n'y a pas
moins consacré de dix-hijit articles successifs qu'analysait l'autre jour le
Carrière Ecojioridco de Rome, et d'oii nous pouvons extraire quelques données
sommaires. Elles sont intéressantes à avoir sous la main à l'heure actuelle,
au point de vue absolu comme au point de vue comparatif.
Les enquêteurs, les rédacteurs de la Gazette de Francfort, ont fait porter leurs
observations et leurs statistiques sur divers groupes principaux d'industries,
en examinant 416 grandes entreprises, se répartissant inégalement dans ces
groupes bien entendu'. Si l'on se reporte au tableau très résumé lui-même que
nous avons dressé, on y retrouvera tantôt des industries qui sont évidemment
sous la dépendance directe de l'état de guerre, en étant naturellement fournis-
seuses de produits pour les besoins de la guerre même, des armées; tantôt,
(1) Voir Journal de la Société de Statistique de Paris, mai 1916, p. 155.
— 275 —
au contraire des industries qui ne paraissent pas pouvoir bénéficier directe-
ment de l'état de guerre comme telles autres, et qui au contraire doivent être
cruellement frappées par la suspension assez générale des affaires normales,
par la diminution d'une multitude de consommations, sinon de luxe, au moins
secondaires. Ce serait le cas, par exemple, pour l'industrie des hôtels, pour
l'industrie du papier, si l'on n'y comprenait en même temps l'industrie de la
cellulose, qui fournit partiellement aux besoins de la fabrication des munitions.
Pour certaines industries comme la brasserie, il faut songer que l'Allemand ne
peut pas se passer de bière, et que par conséquent la situation actuelle, en
développant la consommation chez les ouvriers autant qu'ils sont payés lar-
gement, et chez les soldats tant que l'on a permis de larges consommations de
leur part, ne pouvait vraiment pas être très préjudiciable à ces industries.
Pour ce qui est par contre de certaines industries comme l'industrie minière et
métallurgique, l'industrie mécanique, les chantiers de constructions navales,
l'industrie automobile, même l'industrie électrique, bien entendu l'industrie
chimique, à plus forte raison la fabrication spéciale des explosifs, l'état de
guerre a amené un développement considérable des affaires et une augmenta-
tion générale des dividendes, comme le montre le tableau dressé.
,, .. Bénéfices ni>l$ Diviili'nde
(.apitaux
Natures d'indnslriot consfituiifs . . , . , . , .
Année Année Année Année
1913 ' 1915 1913 1915
, (') ou on ou ou
1913-1914 W15-1916 1913-1914 1915-1916
_ - 'îl ^2 '2 ^2
Industrie minière et métal-
lurgique 1.643,50 207,1 326,5 140,1 200,1
Mines de lignite 231,85 29,8 29,8 24,0 24,9
Aciéries, travail des mé-
taux, etc 180,55 26,3 85,3 17,7 37,4
Industrie mécanique . . . 252,23 33,2 46,8 20,6 31,0
Chantiers navals 77,57 3,6 10,3 . 2,9 6,0
Industrie automobile. . . 87,35 11,1 38,0 5,9 15,3
Industrie électrique. ... 727,80 77,4 103,6 60,0 74,1
Ciments 77,13 10,5 0,0 7,2 1,4
Industries chimiques . . . 345,45 85,5 90,9 60,1 61,2
Explosifs 91,75 10,5 44,9 8,7 20,8
Industries textiles .... 169,85 20,0 33,0 14,8 19,1
Caoutchouc 52,57 10,8 12,1 9,0 7,9
Cellulose, papier, etc. ... 69,25 10,2 3,0 7,3 3,2
Cuirs 47,65 6,3 21,2 9,1 23,1
Fabriques de chaussures . 28,80 2,8 5,0 1,9 3,1
Moulins 36,29 3,7 6,0 2,5 3,9
Sucreries, etc . 67,81 10,7 18,0 7,6 72,4
Fabriques de bière. . . . 107,58 16,6 17,7 8,9 10,2
Industrie hôtelière . ... 42,20 1,2 1,2 1,9 0,2
Totaux (**) . . . 4.337,1 578,1 891,5 405,2 542,6
(*) Les données sont fournies en millions de marks.
(**) Avec les divers.
Moyenne en
pourcentage
des div
ide.ndes
(en II
larks)
Année
Année
1913
1915
ou
ou
1913-1914
1915-1916
9,00
12,20
10,40
10,80
9,83
20,71
8,60
12,30
3,85
7,76
7,69
18,42
9,12
10,40
9,41
1,88
20,88
17,73
14.23
22,75
8,72
1 1 , 24
17,24
14,99
10,60
•4,60
6,00
19,00
7,00
13,00
7,03
10.79
15,90
26,70
8,41
9,52
4,67
0,01
9.55
12.51
Bien entendu, quand on rapproche les bénéfices nets, soit de 1913 ou 1913-
- 276 -
1914, soit de 1915 ou 1915-1916, du capital constitutif des diverses industries,
il faut tenir compte de ce fait qu'il est procédé à la déduction des amortisse-
ments divers avant détermination de ce bénéfice net. Pour Tannée 1915 ou
1915-1916, c'est-à-dire la dernière sur laquelle portent les statistiques, le total
de ces radiations et amortissements divers a été de quelque 593 millions;
tandis que pour l'exercice 1913 ou 1913-1914 il n'avait été que de 289, en étant
porté, il est A^rai, à 429 millions pour l'exercice intermédiaire, sur lequel nous
ne pouvons pas donner de chiffres détaillés. 11 était logique de procéder à de
très larges amortissements pour une période aussi exceptionnelle, où les béné-
fices seront du reste captés en partie par l'État, sous la forme de J'impôt no-
tamment; et c'est ainsi que les industries minimes et métallurgiques, durant
le dernier exercice dont nous ayons les chiffres, ont procédé à 262 millions
(de rharks toujours) d'amortissements, de radiations de capitaux, sur un total
de 1.643; la proportion est à peu près la même pour les aciéries et usines de
travail des métaux, avec le chiffre de 37 millions par rapport à 180 de capitaux;
dans les chantiers navals, les deux chiffres sont de 17 millions et de 78, tandis
qu'au contraire ils n'ont été que de 19 millions par rapport à 87 de capitaux
dans l'industrie automobile, où les immobilisations nouvelles sont certaine-
ment susceptibles de trouver à s'employer fructueusement après' la cessation
de la guerre.
* Nous n'avons pas à ajouter que, par une prudence très légitime, une très
grande partie des bénéfices nets au moins dans un grand nombre d'industries
ont été passés aux fonds de réserve, si bien que dans l'ensemble ceux-ci ont
monté de 118 millions de marks en 1913-1914 à 269 pour le dernier exercice.
Les sociétés ^cherchaient à renforcer leur situation financière en raison même
de l'incertitude de l'avenir.
Le tableau que nous donnons nous semble intéressant à bien des égards.
On y constate naturellement la diversité des bénéfices nets dans les différents
groupes d'indu.stries, suivant leur nature, le rôle plus ou moins militaire qu'elles
sont susceptibles de jouer, les services généraux que leurs produits sont appelés
à rendre à la population des soldats ou à la population générale, en raison
même des difficultés des transports et des approvisionnements à l'étranger.
Nous n'avons pas à faire de commentaires à ces divers points de vue. Il est
à rernarquer que, pour certaines industries, des profits extraordinaires sont
provenus, et bien entendu de façon toute temporaire par conséquent, des
ventes de stocks et d'approvisionnements assez importants qui se réalisaient
à des prix exceptionnels. C'était là une source exceptionnelle elle-même de
bénéfices, qui s'est trouvée assez vite épuisée.
En se reportant aux colonnes du tableau qui donnent les bénéfices nets, on
constate l'augmentation énorme qui s'est produite entre les deux exercices
extrêmes que nous envisageons; de 578 millions on est passé à 891 et plus;
pendant l'exercice intermédiaire, le chiffre correspondant n'avait guère dé-
passé 593 millions, ce qui s'explique par la dépression, l'arrêt brusque qui s'était
manifesté dans bien des industries qui sont reparties depuis. Pour ce qui est
des dividendes, l'observation serait encore plus caractéristique, car le total
de ces dividendes, durant le premier exercice considéré, avait été de 405 mil-
lions de marks; il a pu sans doute monter à plus de 542 millions durant le dernier
- 277 -
exercice, mais, dans la période intermédiaire, il était tombé à 395 millions et
même un peu moins.
C'est naturellement l'ensemble des données sur les dividendes moyens
(moyenne calculée en marks) qui nous renseigne le plus rapidement sur le rende-
ment, les bénéfices des différents groupes d'industries durant les deux périodes.
On y voit des industries comme les industries minières et métallurgiques
passer de 9 % à 12,20; les aciéries et usines de travail des métaux de 9,83 à 20,71,
ce qui accuse une progression bien autre, mais progression qui ne s'explique
que trop par les besoins militaires; le progrès des dividendes dans l'industrie
mécanique est très sensible, mais beaucoup moins cependant; tandis que dans
les chantiers navals, travaillant évidemment presque exclusivement pour les
besoins de la guerre, ce dividende moyen, qui était assez modeste en 1913 ou
1913-1914 et n'atteignait |même pas 4%, arrive à représenter 7,76 durant le
dernier exercice. Pour l'industrie automobile, dont le développement, les ser-
vices, le rôle primordial se sont 'étrangement accusés pour la guerre sous ses
différentes formes (ainsi que nous l'avions annoncé de la façon la plus expresse
dans un travail qui a été récompensé par l'Académie des Sciences morales et
politiques, et qui paraissait venir avant son heure si on en jugeait par l'opposi-
tion que rencontraient nos appréciations !), le bénéfice moyen est monté de 7,69
à 18,42; et il est à remarc^uer au surplus que, même durant la période inter-
médiaire, ce bénéfice moyen, mettons le dividende en pourcentage, avait déjà
crû de façon considérable, ainsi que cela se passait quelque peu pour les chan-
tiers navals et aussi pour les aciéries et les usines de métaux, tandis qu'il y
avait une diminution dans l'industrie minière et métallurgique, pendant cette
période intermédiaire. Certains autres groupes d'industries, ainsi qu'on peut
s'en convaincre en parcourant les colonnes du tableau, telle l'industrie des cuirs,
ont accusé également des progrès très remarquables, puisque, pour cette der-
nière, le dividende moyen est passé de 6 à 19, en s' élevant déjà considérable-
ment durant la période intermédiaire, et à cause des besoins énormes de cuirs
qui s'imposent aux armées modernes; c'est du reste soûs cette influence que le
bénéfice moyen des fabriques de chaussures est passé de 7 à 13, en s' étant
déjà élevé très notablement en 1914 ou en 1914-1915.
Chose assez curieuse, pour l'industrie du sucre, il y avait une augmentation
formidable durant la période intermédiaire; mais une chute s'est produite
ensuite. Le phéno^jiène s'explique ici en partie par l'augmentation subite des
prix de vente, puis par une diminution de la production sous des influences
multiples, en même temps que par une atténuation du régime douanier. Nous
n'avons pas à insister sur ce que l'industrie des explosifs a vu ses bénéfices
croître considérablement; mais ce qui est assez bizarre, c'est que, durant la
période intermédiaire, cette augmentation était presque inexistante.
11 va sans dire que, pour beaucoup d'industries, la guerre est venue dimi-
nuer les bénéfices, tout au moins les laisser sensiblement aux chiffres du passé.
C'est un peu le cas pour les industries électriques, ou encore pour l'industrie
de la brasserie. Certains groupes d'industries ont été très fortement frappés.
L'industrie des ciments par exemple, qui a fourni pourtant des quantités
considérables de produits aux armées, a vu le bénéfice moyen tomber de 9,41
à 4 pendant la période intermédiaire, à 1,88 durant le dernier exercice que l'on
l" siRis. 68» VOL. — H» 8-9 20
— 278 —
puisse interroger. Pour l'industrio du caoutchouc, chose assez curieuse, la chute
s'est produite entre les deux chiffres extrêmes de 17,24 et de 14,99, qui accusent
pourtant une légère reprise par rapport à 1914. Pour les industries du papier,
de la cellulose, de 10,60 on est tombé à 4,60, ce qui accuse également une légère
reprise. On ne s'étonnera pas du reste en constatant que l'industrie hôtelière est
tombée dans une situation extraordinairement pénible : son dividende moyen
est descendu de 4,67 à 0,01, et de façon normale pour ainsi dire.
11 va de soi, et nous n'avons guère besoin d'y insister, qu'il n'y a point parallé-
lisme entre les bénéfices nets, les dividendes, les dividendes moyens et la masse
de la production. C'est ainsi que la production totale du charbon de terre y
compris le lignite, qui était évaluée à 278 millions de tonnes en 1913, après avoir
subi en 1914 une diminution considérable et être remontée à 235 millions de
tonnes en 1915, n'a pas dépassé 245 millions en 1916; ce qui n'a point empêché
de beaux bénéfices (1). De même, si on envisage la production de la fonte et
celle de l'acier dans l'ensemble du territoire douanier de l'Empire allemand (2),
nous voyons que la production de la fonte brute, qui était en 1913-1914 de
18.900.000 tonnes, est tombée en 1914-1915 à 10.100.000, mais est remontée
durant l'exercice suivant à 12.800.000 tonnes; pour l'acier, nous trouvons les
chiffres successifs de 22 millions, de 11.300.000 et de 15.100.000, ce qui ne cor-
respond pas, il s'en faut, au chiffre de production d'une année normale. Pour la
plus grosse part les bénéfices énormes des aciéries n'ont point été distribués aux
actionnaires, mais destinés à consolider la situation financière des entreprises :
les radiations, amortissements, etc., sont montés, entre les deux périodes
extrêmes considérées, de 14 à 37 millions de marks, et les fonds de réserve se
sont accrus de 5.600.000 à 42.200.000.
Mais tout cela, c'est de l'artificiel, comme une très grosse part des consom-
mations et des productions de guerre; et nous verrons, au lendemain delà paix,
ce que deviendront les industries les plus puissantes de l'Allemagne aux prises
avec de nouvelles difficultés de toutes sortes.
Daniel Bellet.
* *
EMPRUNTS ET DÉPENSES DE GUERRE DE L'AUTRICHE-HONGRIE
Il ne s'agit naturellement pas ici d'appréciations ni de conclusions à tirer, mais
bien de quelques chiffres à réunir, autant qu'on peut s'en procurer d'à peu près vrai-
semblables. ].ia source principale à consulter en la matière, ce sont les rapports géné-
ralement semestriels du ('omité de la Dette nationale du Reichsrat autrichien, les
disiïours c^t rapports parlementaires du ministre hongrois des Finances, les publi-
cations phis ou moins officieuses des journaux comme le Pester Lloyd, le Reichpost
de Vienne, VOeslerrelsehisehe Ruudsehau ; -miùs il faut aussi se reporter à un article
(!)• Dans ce chiffre total ne sont pas compris 19 millions de tonnes de ces combustibles
minéraux extraits de Belgique, et 5 millions de tonnes provenant des autres territoires
occupés par TAUemand.
(2) Ces chiffres présentoat un certain intérêt au moment des discussions qui se poursuivent
en Franco sur cette question, que nous ne nous hasarderions pas à aborder, étant données
ses difficultés de solution.
- 279 -
de la Gazette de Lausanne du mois de février 1917, qui a produit une grande émotion,
une vive irritation en Autriche, parce qu'il semble à peu près découvrir la vérité. Tous
ces documents ont été commentés et critiqués de la façon là plus remarquable par
un auteur anonyme dans la Revue d' Économie politique (numéro de mars-avril 1910),
et également dans The Economist.
Au 30 juin 1916, les sommes empruntées par l'Autriche depuis le début de la guerre
se présentaient comme suit, d'après les relevés de la Commission de la Dette (ces
sommes sont en couronnes, dont la valeur au pair est de l^Oo) :
Avances de la Banque d'émission 6.425.000.000
Avances du Syndicat des Banques autrichiennes 3.272.000.000
Avances du Syndicat des Banques allemandes 1.264.000.000
Montant nominal des quatre premiers emprunts de guerre. . . 13.591.000.000
Total au 30 juin 1916 24.552.000.000
Si nous suivons les avances de la Banque d'émission austro-hongroise, nous trou-
vons qu'elles ont été successivement de :
Au 31 décembre 1914 2. G08.000.000
Au 30 juin 1915 3. 562. 000. 000
Au 31 décembre 19 15 3.954.000.000
Au 30 juin 1916 6.425.000.000
Pour ce qui est des avances du Syndicat des Banques autrichiennes, voici les chiffres
correspondants, ces avances no commençant qu'aux premiers mois de 1915 :
Au 30 juin 1915 600.000.000
Au- 31 décembre 1915 500.000.000
Au 30 juin 1916 3.271.000.000
Pour ce qui est particulièrement des avances du Syndicat des Banques allemandes,
faites principalement pour assurer le service de la Dette austro-hongroise en Alle-
magne et pour payer les marchandises achetées dans ce pays, nous trouvons les chif-
fres successifs de :
Au 31 décembre 1914 235.000.000
Au 30 juin 1915 446.000.000
Au 31 décembre 1915 593.000.000
Au 30 juin 1916 1.264.000.000
Si, d'autre part, nous décomposions les emprunts de guerre, emprunts au public,
nous trouverions :
Premier emprunt de guerre (automne 1914) : bons du Trésor
à cinq ans 2.180.000.000
Deuxième emprunt de guerre (printemps 1915) : bons du Tré-
sor à dix ans . 2.688.000.000
Troisième emprunt de guerre (automne 1915) : bons du Tré-
sor à quinze ans 4.203.000.000
Quatrième emprunt de guerre (printemps 1916) : emprunt
forcé à quarante ans 4.520.000.000
Quant aux dépenses des dettes de guerre de la Hongrie au 30 juin 19t6, même à
supposer que la Hongrie n'ait pas contracté des avances auprès des Banques hon-
groises, nous nous trouvons en présence des chiffres suivants :
Avances de la banque d'émission 3.676.000.000
Avances du Syndicat des Banques allemandes 725.000.000
Emprunts de guerre 6.300.000.000
Totalau30 juin 1916 des emprunts de guerre 10.701,000,000
- 280 -
Pour les avances des deux Syndicats de banqu(.^s, on est obligé de procéder un peu
par vraisemblance, plus exactement par proportionnalité, l'Autriche et la Hongrie
empruntant parallèlement, en raison de la quote-part résultant du compromis passé
entre les deux pays pour les dépenses communes. Pour ce qui est des emprunts de
guerre, ils s'étagent comme il suit :
Premier emprunt de guerre (novembre 1914) 1.170.000.000
Deuxième emprunt de guerre (mai-juin 1915) 1.130.000.000
Troisième emprunt de guerre (octobre 1915) 1.900.000.000
Quatrième emprunt de guerre (avril-mai 1916) 1.930.000.000
Total des emprunts de guerre au 30 juin 1916 6.300.000.000
Ce sont là les ressources auxquelles on a fait appel. On peut estimer que tout au
moins les dépenses ont égalé ces emprunts, si elles ne les ont pas dépassés. Les milieux
officiels austro-hongrois affirment volontiers que les dépenses sont demeurées en
dessous des emprunts.
En somme, durant les vingt-trois premiers mois de la guerre, la monarchie austro-
hongroise aurait dépensé au moins 35 milliards de couronnes, ce qui correspondrait
à une moyenne mensuelle de quelque 1 milliard 520 millions de couronnes.
Depuis le 30 juin 1916, FAutriche-Hongrie, et en particulier le Comité de la Dette
nationale, ont essayé de donner le change; mais il semble, notamment d'après les
évaluations fort savamment établies du rédacteur de la Gazette de Lausanne, que la
dépense mensuelle depuis juin 1916 serait au moins de 2 milliards de couronnes.
En tout cas, même en ne supposant une dépense moyenne mensuelle que de 1 mil-
liard 730 milhons pour l'Autriche, comme correspondant à la moyenne des sommes
empruntées durant le premier semestre de 1916, et une moyenne de 665 millions pour
la Hongrie, basée sur une déclaration du ministre des Finances, cela ferait dans
l'ensemble 2 milliards 400 millions de couronnes par mois. Et si l'on tient compte
de ce chiiïre depuis le commencement de juillet 1916 jusqu'à mars 1917 inclusive-
ment, on arrive au petit tableau suivant des dépenses ou emprunts de l' Autriche-
Hongrie au ler avril 1917 :
Dépenses au 30 juin 1916 35.000.000.000 couronnes
Évaluation pour le 2e semestre de 1916. . . . 14.400.000.000 —
Pour les trois premiers mois de 1917 7.200.000.000 —
Total au 31 mars 1917 56.600.000.000 —
Sur la base de la parité, cela fait à peu près . . . . 59.000.000.000 francs
Le rédacteur de la Gazette de Lausanne estime que, si la guerre dure jusqu'à la fin
de l'année 1917, T Autriche-Hongrie se trouvera en présence d^emprunts ou de dé-
penses atteignant au minimum de 75 à 80 milliards de couronnes. Et comme,
d'autre part, la dette de la Monarchie représentait 20 milliards avant la guerre, ce
serait donc un total énorme pour le pays do 100 milliards de couronnes, autrement
dit 105 milliards de francs, auxquels il faudrait faire face comme montant de dette
de la Monarchie. t^ • , t-t-
Daniel Bellet.
*
* *
A PROPOS DE LA RICHESSE DES ÉTATS-UNIS
L'entrée en guerre des États-Unis a donné lieu à d'innombrablos calculs concer-
nant la force militaire et économique de ce pays. On a insisté en particulier sur ses
ressources financières. Le caractère conjectural que présentent beaucoup des évalua-
tions a été signalé notamment par le Financial and Commercial Chronicle de New-
York, à l'occasion d'iuie déclaratinti du secrétaire de la Section d'Épargne de l'Asso-
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ciatioii des banquiers américains, M. Harrison, d'après laquelle les Fltats-Unis
pourraient dès à présent faire un emprunt de S 75 milliards. Son raisonnement est
le suivant :
« Si la Grande-Bretagne, disait M. Harrison, avec un revenu de S 309 par tête,
peut supporter une dette de $ 452 p^r tête, il est bien évident que les États-Unis,
avec un revenu de S 500 par tête et une dette de S 11 par tête, pourraient assumer
une nouvelle dette proportionnée à celle que supporte la Grande-Bretagne. Cela
permettrait d'émettre des emprunts de guerre jusqu'à concurrence de $ 75 milliards
aux États-Unis. Cette comparaison peut se soutenir, si l'on tient compte de ce que
la situation des deux pays est la même à l'égard des avances qu'ils font aux Alliés. »
M. Harrison part de cette hypothèse que le revenu annuel des États-Unis atteint
$ 50 milliards (soit S 500 par tête des 100 millions d'habitants). En réalité, rien ne
prouve que cette évaluation soit exacte. D'après le census des États-Unis, la richesse
de ce pays est évaluée à S 200 milliards. Plus exactement, il y a deux ans, le census
des États-Unis a publié des chiffres qui tendaient à prouver qu'entre 1900 et 1912,
la richesse nationale était montée de S 88 milliards 500 millions à $ 187 milliards
700 millions. Quoique ces chiffres fussent basés en partie sur des valeurs de domaines
agricoles très supérieures à celles des périodes antérieures, à cause du prix élevé
des produits agricoles, on aurait le droit (étant donné que le niveau des prix de ces
produits a récemment monté encore davantage et que, par conséquent, les terrains
agricoles ont augmenté de valeur), d'estimer la richesse nationale actuelle à $ 200 mil-
liards, ce qui ne serait pas hors de proportion avec une évaluation de S 187 milliards
pour 1912. Au sujet de la Grande-Bretagne et des pays européens, il n'existe pas
d'évaluations officielles récentes de la richesse nationale. Comme il s'agit de simples
conjectures, la valeur de cette richesse pourrait être supposée égale à un nombre
aussi bien qu'à un autre. M. Harrison admet que la richesse de la Grande-Bretagne
est de S 85 milliards. H en tire les déductions ci-dessus; mais toute autre comparaison
serait également juste puisqu'il n'ex