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AVANT -PROPOS.
La publication du présent ouvrage date de l'an 1844,
où il a paru d abord en allemand. Il a été reproduit
dans la même langue avec des changements et des addi-
tions considérables dans les années 1848. 1855. 1861
et 1867 (cinquième édition), l'auteur ayant toujours eu
en vue de le maintenir au courant de l'évolution moderne
du droit international.
Une traduction française fut entreprise et mise au
jour en 1857 par M. Bergson, docteur en droit et avocat,
décédé à Paris le 12 août 1863.^ Le succfjs de cette
traduction donna lieu en 1866 à une nouvelle édition,
dont, du consentement des héritiers de M. Bergson,
Tauteur s'est chargé lui-même avec l'aide de M. Schnatter,
professeur et actuellement directeur du Collège français
à Berlin, afin de la mettre en accord avec la quatrième
édition allemande.^
^ Voyez le nécrologae que M. Lalanne a fait ins^ror dans la Kf;vuc
critique de Législation, 1863, tome XXIII.
* Une traduction grecque a ct^ publiée en 18fK» j'ar 1'; d*;funt pro-
fesseur Diomide Kyriakos à Athènes, et une antre en lan^c polonaise ]'ar
MM. Bzesinski et Kydzowski a Cracovie en 1>504.
a*
IV AVANT -PROPOS.
C'est de la même manière que nous reproduisons
maintenant la traduction de M. Bergson, rendue con-
forme à la situation actuelle de la jurisprudence inter-
nationale, et uniquement guidé par l'esprit de la plus
parfaite impartialité envers toutes les nations.
Nous avons seulement à constater encore que par
suite de Tinterruption douloureuse du commerce littéraire
amenée par la dernière guerre, un ouvrage très - méritoire
ne nous est parvenu que presque au môme moment où
nous traçons ces lignes -ci. C'est le „ Droit international
théorique et pratique" par M. Charles Calvo, ancien
ministre, publié originairement en espagnol à Paris en
1868 et refondu dans une édition française de 1870 et
1872 en deux forts volumes in 8""".
Nos regrets sont d'autant plus sincères que nous
nous trouvons dans la plupart des matières on parfait
accord avec M. Calvo et que son vaste labeur nous
aurait pu servir de justification en plusieurs questions.
L'AUTEUR.
ERRATUM.
Il tant liro pa^o 2J à la fin dii § *J:
(J'cst iXonc uniquement de Thannonio etc.
TABLE DES MATIÈRES.
•
INTRODUCTION.
I. Dn droit international en général. Patce
Existence d'nn droit international: sa définition. § 1 ... . t
Fondement et sanction du droit international. § 2 2
Caractère des lois internationales. § 3 -i
Parties dn droit international: ses rapports avec la politique. § 4 6
Garanties accidentelles du droit int^^mational : Téquilibrc des
États. §5 7
II. IjO droit public européen.
Origines. §6 8
Limites territoriales du droit public européen, f 7 15
Sources du droit international européen en général. § 8 . . . IG
Caractéristique des traités publics. §9 17
Théories et littérature da droit public. § 10 22
Ul. Droits réciproques spéciaux des nations.
Caractère général de ces droits. § Il 29
Modes d'acquisition. § 12 30
La possession sert de règle subsidiaire aux rapports internatio-
naux. § 13 31
LIVRE PREMIER.
DROIT INTERNATIONAL FONDAMENTAL, SURTOUT
PENDANT LA PAIX.
Chapitre I'
«T
DES PERSONNES ET DE LEURS RAPPORTS FONDAMENTAUX.
Observations générales. § 14 34
Section I. États souverains.
I. Définition, nature et diverses espèces d'Etats. § 15 — 25 . . . 35
n. Droits fondamentaux des États dans leurs rai)port8 uiutuels. § 26 51
Principe de l'égalité des États. § 27 52
Restrictions du principe de Tégalité par les droits de préséance. § 28 53
yi TABLE D£S MATIÈBES.
Page
Droits fondamentaux et individuels des États:
1. Droit d^existence territoriale libre et indépendante.
a. Droit d'intégrité on d'inviolabilité territoriale. § 29 . 56
b. Droit de conservation et de défense. § 30 ... . 58
c. Droit de souveraineté. § 31 61
2. Droit de respect mntnel des États. § 32 62
3. Commerce mntnel des nations. § 33 66
m. Modifications des droits fondamentaux des États dans leurs rapports
mutuels.
1. Conflits des droits souverains de di£férentes nations. § 34 . 69
Conflits en matière de justice entre plusieurs États. § 35 . 70
a. Conflits en matière pénale. § 36 71
b. Conflit des lois en matière civile. § 37 — 39 .... 75
2. Rapports des États avec le pouvoir ecclésiastique du Pape.
§ 40. 41 82
3. Exterritorialité. § 42 86
4. Servitudes internationales. § 43 90
5. Droit d'intervention. §44—46 94
rV. Droits internationaux accidentels. § 47 99
Section n. Des souverains et de leurs rapports personnels et de
famille. § 48 100
Acquisition de la louveraineté en général. § 49 101
Modes d'acquisition de la souveraineté. § 50 102
Entrée au pouvoir. § 51 104
Double personnalité du souverain. § 52 104
Prérogatives internationales des souverains. § 53. 54 . . . . 105
Rapports internationaux de la famille du souverain. § 55 . . 110
Rapports privés des familles souveraines. § 56 113
Perte de la souveraineté personnelle. § 57 114
Section ni. L'homme dans ses rapports internationaux. § 58. 58* . 115
Les regnicoles et sujets des États. § 59 118
Caractère international de la sujétion. § 59* 120
Droits des étrangers eu généraL § 60 122
Droits des forains. § 61 124
Rapports légaux des étrangers. § 62 125
Droit d'asile et d'extradition. § 63. 63* 127
Chapitre II.
DES BŒNS DANS LEURS RAPPORTS INTERNATIONAUX.
De la distinction des biens. § 64 134
Territoire d'un État. § 65 135
Limites des territoires. § 66 136
Caractère territorial des choses. § 67 137
Dépendances de l'État et colonies. § 68 138
TABLE DES MATlÈREft. Vn
Page
Modes d'acquisition dn domaine international. § 69 140
Droit d'occupation. § 70 142
Aliénation du domaine international. § 71 144
Comment se perd le domaine international. § 72 146
Cboses non snsceptibles d'être possédées. — La mer. § 73 . . . 147
Du domaine de la mer. § 74 149
La mer près des côtes peut être sonmise à la propriété. § 75 150
Eaox maritimes en deçà de la mer des côtes. § 76 153
Détroits et portions de la mer enclavées dans les limites territoriales
des États. § 76» 154
Domaine des lacs, des mers territoriales et des flenyes. § 77 . . . 155
Des aayires et des droits de navigation en pleine mer. § 78—80 . 158
Chapitre IQ.
DES OBLIGATIONS.
Section I. Des traités publics.
Caractère obligatoire des traités internationaux en général. § 81 166
Division des traités pubMcs. § 82 168
Conditions essentielles des traités publics.
1. Cause Hcite. § 83 1G9
2. Capacité des parties contractantes. § 84 172
8. Consentement libre. § 85 173
Perfection des traités. § 86 174
Forme substantielle. § 87 175
Concurrence de tiers lors de la conclusion d'un traité. § 88 . . 177
Modalités, rédaction et division générale des traités. § 89 . . 179
Accords ou traités constitutifs. § 90 180
Traités réglementaires ou cartels. § 91 182
Traités de société ou d'alliance. § 92 183
Traités d'union fédérale. § 93 185
Effets généraux des traités. % M 187
Interprétation et application des traités par voie d'analogie. §95 189
Sûretés données pour l'observation des traités. §%.... 190
Garants des traités. § 97 192
Résiliation des traités. — Exceptions. § 98 194
Extinction des traités. § 99 196
Section II. Engagements qui se forment sans convention.
1. Faits licites. « 100 198
2. Faits illicites. § 101—103 199
Violations du droit international réprimées partout. § 104 . 203
VIII TABLE DES MATIÈRES.
LIVEE DEUXIÈME.
DBOIT D'ACTIONS ET DE GUERRE.
Chapitre !«'.
DES CONTESTATIONS INTERNATIONALES ET DES MOYENS
DE LES VIDER.
Pagtt
Leurs causes. § 105 205
Différents modes dont peuvent être terminées les contestations. § 106 205
Tentatives amiables. § 107 206
Moyens d^entente particuliers sur certains points litigieux. § 108 . 207
Compromis. § 109 208
Actes de fait et représailles. § 110 211
L'embargo, le blocus et les menaces de guerre effectifs. § 111 . . 214
Mesures de correction et de rétorsion. § 112 216
Chapitre II. '
LE DROIT DE GUERRE.
Définition de la guerre. § 113 218
Parties belligérantes (Jus belli activum et passivum). § 114 . . . 219
Puissances auxiliaires. § 115—117 221
Théâtre de la guerre. § 118 225
Droit de la guerre proprement dit; — usages, raison de guerre. §119 225
Commencement des hostilités. § 120 228
Mesures qui précèdent ou accompagnent ou suivent le commencement
de la guerre. § 121 230
Effets directs du commeucement des hostilités. § 122 232
Effets de la guerre sur le commerce des sujets ennemis. § 123 . . 234
Les personnes comprises dans Tétat de guerre. § 124 236
Corps francs; Guérillas; francs - tireurs ; corsaires. § 124* .... 238
Pratiques licites de la guerre. § 125 240
Traitement des personnes ennemies. § 1*2G 243
Captivité. § 127-129 246
Droits sur les choses qui appartiennent à Tennemi. § 130. 131 . . 249
État de la jurisprudence moderne. § 132 253
Effets de la conquête sur la condition de la propriété inmiobilière
privée. § 133 254
Choses incorporelles (Créances). § 134 255
Acquisition de choses mobilières. § 135. 130 258
Occupation maritime. § 137—139 261
Droits des parties belligérante^ sur les bicus ennemis qui se trouvent
dans leurs territoires respectifs. § 140 207
Conventions de guerre. §141—143 26d
TABLE DES MATIÈRES. TX
Chapitre m.
LE DROIT DE NEUTRALITÉ.
Page
Introduction. § 144 274
Ganses et fin de la neutralité. § 145 276
DeToirs des neutres. % 146 277
Développement des règles précédentes. § 147. 148 278
Droits des neutres. § 149. lôO 283
Liberté du commerce des nations neutres. § 151 286
Origines et développements de la jurisprudence relative aux devoirs
des neutres. § 152 288
Difierses questions relatives aux droits des neutres. § 153 . . . . 292
Droit de blocus. § 154—156 294
Extension forcée du droit de blocus. § 157 299
Prohibition du commerce de contrebande. § 158 301
Définition légale de la contrebande de guerre. § 159 303
Objets de contrebande. § 160 304
Cas où il y a lieu à saisir pour contrebande de guerre et consé-
quences. § 161 308
Contrebande par accident. § 161* 310
Restrictions du transport maritime des propriétés privées. § 162 . . 312
Le pavillon ne couvre pas la marchandise. § 163 313
Le pavillon couvre la marchandise. § 164 . 316
Cas controversés du commerce neutre. Cas licites. § 165. 166 . . 320
Droit de visite (Jus visitationis). §167 — 169 328
Convoi des navires neutres. § 170 327
Saisie des navires neutres. § 171 331
Juge compétent pour prononcer la prise. § 172. 173 333
Mesures extraordinaires des belligérants à Tégard des neutres. § 174 337
Coup -d'oeil rétrospectif sur les droits des neutres. Voeux de réforme.
§175 339
Chapitre IV.
FIN DE LA GUERRE — DE l'USURPATION ET DU DROIT
DE POSTLIMINIE.
I. Fin de la guerre. § 176 343
1. Cessation générale des hostilités. § 177 344
2. Soumission complète de Tun des Etats belligérants. § 178 344
3. Traités de paix. § 179—181 345
Clauses spéciales des traités de paix. § 182 350
A partif de quel moment les traités de paix produisent -ils leurs
effets? § 183 351
Exécution des traités de paix; — leur suspension. § 184 . . . 352
Effets des traités de paix à Fégard de tiers. § 184* .... 353
Heffter, droit intenuUional. 8* éd, b
X TABLE DES MATIÈRES.
Pag«
II. iDterrègne et usurpation. § 185. 186 355
m. Droit de postliminie. § 187 358
Droit de postliminie au profit des nations et de leurs souverains.
§ 188 35y
Droit de postliminie par rapport aux particuliers et aux droits
privés. § 189 3B3
Diverses applications du droit de postliminie en matière civile.
§ 190 365
Reprises ou recousses des navires. § 191. 192 367
LIVRE TROISIÈME.
DES FORMES DU COMMERCE INTERNATIONAL
OU DE LA PRATIQUE DES ÉTATS DANS LEURS RELATIONS
RÉCIPROQUES
EN TEMPS DE PAIX ET EN TEMPS DE GUERRE.
Introduction. § 193 372
Chapitre I«^
RÈGLES GÉNÉRALES DU CÉRÉMONIAL DANS LES RELATIONS
RÉCIPROQUES DES NATIONS ET DES SOUVERAINS.
Règles générales. § 194 372
Droit de préséance. § 195 375
De la courtoisie. § 196 377
Cérémonial maritime. § 197 378
Chapitre II.
DU COMMERCE DIPLOMATIQUE DES ÉTATS.
Introduction. § 198 381
Section I. Des agents du commerce diplomatique.
Origine et principe naturel. § 199 382
Droit d'envoyer ou de recevoir des agents diplomatiques. § 200 383
Classification des agents du commerce diplomatique. § 201 . . ^^8G
Condition légale des personnes diplomatiques en général. § 202 387
Des prérogatives dont jouissent en général les agents diploma-
tiques. § 203 388
Inviolabilité. § 204 388
Exterritorialité. § 205 390
Devoirs des agents diplomatiques en pays étranger. § 206 . . 392
Position de Tagent diplomatique à Tégard de tierces puissances.
§ 207 394
TABLE DES MATIÈRES. XI
Pago
I. Différents ordres d'envoyés titrés. § 208 396
Choix de la personne du ministre public. § 209 397
Expédition de Tagent diplomatique. Établissement de son caractère
public. § 210 399
Droits des personnes diplomatiques en général. §211 . . . . 401
Droits du ministre public qui découlent du principe d'exterritorialité.
1. Inviolabilité. § 212 402
2. Droit du culte privé ou domestique. § 213 404
3. Immunité de la juridiction criminelle dont jouit Tagent
diplomatique. § 214 405
4. Exemption de la juridiction civile et de police. § 215 . . 407
5. Juridiction exercée par le ministre étranger sur les personnes
de sa suite. § 216 408
Quelques autres immunités du ministre public. § 217 .... 411
Cérémonial d'ambassade. § 218 412
Rang des agents diplomatiques entre eux. § 219 414
Prérogatives spéciales des ministres de première classe. § 220 . 415
De la famille et de la suite du ministre public. § 221 ... 416
n. Agents et commissaires. § 222 419
Fin des missions diplomatiques. § 223 421
Effets de la suspension et de la lin des missions diplomatiques.
§ 224-226 423
Section II. De Fart diplomatique.
Définition. §227 426
Origines et progrès de Tart diplomatique. § 228 428
Caractères diplomatiq)ies. § 229 480
But de la diplomatie. § 230 433
École de diplomatie. § 231 .436
Capacité et responsabilité de l'agent diplomatique. § 232 . . . 437
Art de négocier. § 233 440
Section III. Des formes des négociations diplomatiques. § 234 . . 441
Langue diplomatique. § 235 442
Style diplomatique. § 236 444
Correspondance des souverains. § 237 445
Diverses espèces de compositions diplomatiques. § 238 . . . 447
Manière de négocier. § 239 447
Congrès. § 240 449
Chapitre III.
ÉTABLISSEMENTS INTERNATIONAUX PARTICULIERS POUR LES
INTÉRÊTS SOCIAUX DES PEUPLES.
Cartels concernant la sûreté publique et la justice. § 240* .... 451
Voies de communications internationales, voies postales, ferrées et
télégraphiques. — Établissements de quarantaine. § 241 . . . . 452
Xn TABLE DE8 MATIÈKES.
P«fe
Institutions internationales ponr Tindustrie. § 242 454
Traités et établissements de commerce et de navigation. § 243 . . 456
Des consuls. § 244. 245 459
Attribution des consuls actuels. § 246 — 248 462
Chapitre IV.
l'espionnage.
Règles générales. § 249 466
Espions de guerre. § 250 467
Espions politiques. § 251 468
APPENDICE.
I. Aefee de la dite Sainte Alliance, du 14/26 sept. 1815 .... 471
n. a) Protocole signé à Aix-la-Chapelle le 15 novembre 1818 par
les plénipotentiaires des Cours d'Autriche, de France, de la
Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie, b) Déclaration . . 473
m. Traité de paix et d'amitié, conclu le 30 mars 1856 entre la
France, TAutriche, le royaume -uni de la* Grande -Bretagne et
d'Irlande, la Prusse, la Russie, la Sardaigne et la Turquie . 475
rV. Bulle du Pape Grégoire XVI concernant les cas de souveraineté
contestée 488
V. Loi du royaume d'Italie du 13 mai 1871, relative aux garanties
accordées au Pape et au Saint-Siège selon le texte français
imprimé à Florence .... 490
VI. Protocole d'Aix-la-Chapelle du 11 octobre 1818 concernant les
titres des souverains et des membres de leurs familles ... 495
Vn. Traité Européen du 14 mars 1857 concernant le rachat des
droits de douane et d'autres imposés aux navires passant les
Belts et le Sund 496
YLU. Spécification des conventions concernant la navigation des
fleuves qui séparent ou traversent différents États .... 502
IX. Déclaration du 16 avril 1856, qui règle divers points de droit
maritime 508
X. La convention de Genève conclue le 22 avril 1864 pour supprimer
les rigueurs inutiles de guerre 512
XI. Règlement concernant le rang des agents diplomatiques entre eux 515
xn. Pratique des congrès 516
INTRODUCTIOX.
L
DU DBOIT IXTER^ATIOXAL EN GÉNÉRAL
Exfstenee d^vn droit f ntematf onal : m déioftlon.
§ 1. A travers des milliers d'auméen Ton déoavre les
traces et les progrès d'un droit c/immon â Umn leK i>eupleH, au
moins à plusieurs d'entre eox.^ Ainsi les jurisconf^altes rouiains
ont déjà établi nn droit des geni» (jus gendam; e^/uipreuaut les
principes et les usages des peuples qui sen'aieut de règle i^riui-
mone et uniforme à leur commerce international comme à leurs
institutions civiles et sociales, autant que c^s dernières n'avaient
pas revêtu un caractère particulier et individuel^ 11 représen-
tait à la fois le droit public externe et le dn>it commun des
honunes. C'est le premier élément surtout, celui d'un droit
public externe, d*un droit international (jus inter gentetf/ qu'on
' Les preares en sont fooniieK danb le ;piuid ouvm^e d« M. ï. J.uu-
rent, professeur belge, iotitolé: Étades hnr rbiîftoire de rhurjustuité.
* Voir sur cette défini tîoD bidore. Ori;fiueë V. 4. Dirkseii, Kliei-
nisches MoBeam fur Jurispradenz I, 1. Welcker, Kiicvclopâidie uud Ke*
thod. Stntigart 1829. p. 8ff- 123. t. f?avjg7J.v. î^vBteHJ des heotigeu roiui-
schen Bechtes I, p. 109. 413.
' Zoueh dADs son Jos feciale, publié en 10.7), s'est p<^ur la preruiere
fois servi de cette expression comme de la beule vraie. d'Ag-uesfe^au rappe-
lait le droit entre les gens. Depuis BeotLaiu ]'. t'.rme drc/it ix/t^nuti'^ual
(international law) efc-t derenn le tenue utFiiel. V. Wheatou, JfisU/ire da
droit des gens, p. 45 et 4^. f2* édit p. 14i^;.
Heffier, droit iiit«nuaîon2iL 9* 44^ 1
2 INTRODUCTION. § 2.
retrouve dans notre droit des gens moderne. L'autre élément
du droit antique, celui d'un droit privé commun à tous les
hommes, du moins d'une nationalité reconnue, ne fait partie
de la loi internationale qu'autant qu'elle a placé certains droits
individuels et certains rapports privés sous la sauvegarde et la
garantie des nations.
Existe- 1- il un pareil droit public reconnu et valable par-
tout? Certainement non. Ce n'est que dans certaines contrées
du globe qu'il s'est développé: c'est surtout dans notre Europe
chrétienne et dans les États fondés par elle qu'il a obtenu Tas-
sentiment universel, en sorte qu'avec pleine raison on lui a
décerné le nom de droit européen.^ Dans ce droit les divers
États, c'est-à-dire les souverains *et leurs peuples, figurent
comme personnes ou êtres moraux.
Fondement et sanction du droit International.^
§ 2. Le droit en général se manifeste dans la liberté ex-
térieure de la persomie. L'homme mdividu pose son droit lui-
même lorsque par sa volonté il crée le fait et qu'il la modifie selon
les inspirations de sa conviction intime ou selon ses intérêts du
dehors. Mais dans les rapports sociaux des individus, le droit
s'établit par leur volonté collective ou par celle de l'autorité à
laquelle ils obéissent: le droit alors c'est l'ordre social. Aucune
association permanente n'existe sans droits et obligations réci-
^ Les peuples sanvages, les Musulmans etc. n^observent pas la même
loi internationale, ainsi que Font judicieusement observé Leibnitz, Codex
juris gentium, prooemium; Montesquieu , Esprit des lois I. cliap. 3; Ward,
Inquirity into thc law of Nations I, 156; E. Th. Pûtter, Beitrâgc zur
Vôlkerrechts-Geschichte. Leipz. 1843. p. 50 suiv. Sur le droit international
des Chinois, des ludous et des Perses on peut consulter H. Ph. E. Hacl-
schner, de jure gcntium apud gentes Orientis. Halae 1842; sur celui des
peuples sauvages et demi -sauvages: Fallati, Ttibinger Zeitschr. f&r Itechts-
wissenschaft 1850; sur celui de la Porte v. au § 7 ci- après.
^ Nous indiquerons au § 9 ci -après les diverses théories et la litté-
rature du droit international. M. Wheaton, dans ses Éléments du droit
international, Leipzig 1848. 1. 1, p. 18, ne nous a compris que d'une ma-
nière imparfaite.
§ 2. DU DROIT INTERNATIONAL EN GÉNÉRAL. 3
proques de ceux qui la composent. A défaut d'un pouvoir
supérieur ils maintiendront eux-mêmes Tordre établi au milieu
d'eux. Car: Uni societas ibi jus est.
Le droit international avec son caractère primordial résulte
du même principe. Chaque État commence par poser lui-même
la loi de ses rapports avec les autres États. Dès qu'il est sorti
de l'isolement, il s'établit dans son commerce avec les autres
une loi commime à laquelle aucun ne peut plus se soustraire,
sans renoncer en même temps ou du moins sans porter atteinte
à son existence individuelle et à ses rapports avec les autres.
Cette loi se rétrécit ou s'élargit avec le degré de culture des
nations. Reposant d'abord sur une nécessité ou sur des besoins
purement matériels, elle emprunte dans ses développements à
la morale son autorité et son utilité, et s'aflFranchit successive-
ment de ses éléments impurs. Fondée en eflfet sur le consente-
ment mutuel soit exprès soit tacite ou présumé dû moins d'une
certaine association d'États, elle tire sa force de cette convic-
tion commune que chaque membre de l'association, dans les
circonstances analogues, éprouvera le besoin d'agir de même et
pas autrement pour des motifs soit matériels soit moraux. Sans
doute la loi internationale ne s'est pas formée sous l'influence
d'un pouvoir législatif, car les États indépendants ne relèvent
d'aucune autorité commune sur la terre.* Elle est la loi la plus
libre qui existe: elle est privée même, pour faire exécuter ses
arrêts, d'un pouvoir judiciaire organique et indépendant. Mais
c'est l'opinion publique qui lui sert d'organe et de régulateur:
c'est l'histoire qui, par ses jugements, confirme le juste en der-
nière instance et en poursuit les infractions comme Némésis.
Elle reçoit sa sanction dans cet ordre suprême qui, tout en
créant l'État, n'y a pourtant proscrit ni parqué la liberté hu-
maine, mais a ouvert la terre tout entière au genre humain.
^ Les jurisconsultes anglais notamment, p. ex. Ruthcrforth , Institutes
of national law II , 5. ont par suite nié le caractère positif du droit inter-
national. Ils ont perdu de vue que le droit civil s'est pareillement déve-
loppé dans les États, du moins en grande partie, en dehors do l'interven-
tion de Tautorité suprême : il constitue ce Jim non scriptum, qmd consensus
fecit C'est ce que M. Austin (Province of jurisprud. determ. London 1832)
a déjà entrevu.
1*
4 INTRODUCTION. § 3.
Assurer au développement général de rhumanité dans le com-
merce réciproque des peuples et des États une base certaine,
telle est la mission qu'elle est appelée à remplir: elle réunit à
cet eflfet les États en un vaste faisceau dont aucun ne peut
se détacher.*
Caractère des lois Internationales.
§ 3. Un grand nombre d'auteurs enseignent que Taccord
formel des États souverains, résultant tant des traités conclus
entre eux que des modes de conduite réciproque ou bien encore
de l'analogie des principes par eux adoptés , est la source con-
stitutive unique des règles du droit international. D'autres au-
teurs les appuient surtout sur les usages des nations: d'antres
encore supposent une loi naturelle supérieure qui oblige tous
les États et dont ils découvrent les éléments par une espèce
d'intuition philosophique. La vérité, amsi que nous l'avons déjà
observé, est que les États n'admettent entre eux d'autres lois
obligatoires que celles résultant d'un consentement réciproque,
lequel toutefois, pour être valable, n'a besoin ni de la sanction
formelle des traités ni de l'homologation de la coutume. Les
traités comme la coutume constituent uniquement des espèces par-
ticulières du droit international.* Nous devons en eflfet admettre
les distinctions suivantes, savoir:
I. Un droit réciproque des États, de ceux notamment placés
au même niveau de culture, qui dérive d'une nécessité in-
térieure et qui par suite n'a besoin d'aucune sanction for-
melle. Car il existe certains principes qu'aucun État qui
d'une manière régulière et permanente veut participer au
commerce international ne saurait renier et dont il suppose
* I/Espa^ol François Suarcz (décédé en 1617) dans son ouvrage
„Dc Icgibas et Deo legislatore" professait déjà ces idées élevées. Elles
«ont approfondies par F. A. Trendelenburg, Naturrecht anf dem Grande
der Kthik. Berlin 1800. 2* éd. et par H. Ahrens, Cours de droit naturel
H* éd. Wion 18G8. V. aussi v. Onipteda, Literatur des Vôlkerrechts,
I. 187. li. von Mohl. Staatsr. Vôlkerr. Polit. Tûbing. 1860. I, p. 578.
* 11 OHt iH'nniii d'appliquer au droit international ce que Modestin
dînait danM la loi 40. D. de legib. ,»Omno jus aut nécessitas fecit aut con-
i(n«u< coiistituit aut firmavit consuetudo."
§ 3. DU DROIT INTERNATIONAL EN GÉNÉRAL. 6
la reconnaissance chez les autres: il éviterait autrement
ou romprait ses relations avec eux. Tel est le droit de
respect réciproque de la personnalité, fondé sur le besoin
de vivre ensemble en paix. Telle est la loi des traités
politiques et des ambassades, qui repose sur le besoin
d'un commerce international régulier. Telle est encore la
loi qui ordonne que les guerres soient faites avec huma-
nité: elle est le résultat de la négation d'un état de guerre
permanent. Vouloir méconnaître Texistence de ce droit
non écrit et nécessaire, ce serait rabaisser au dernier
niveau la morale des États chrétiens.
n. A côté de ce droit intellectuel, on rencontre en outre dans
les associations d'États un droit fondé sur certains actes
volontaires, établi et constaté:
l*' par la reconnaissance universelle expresse ou tacite d'un
principe général dans une espèce déterminée sans y
être limité dans l'application;
2** par le contenu et l'esprit des traités publics;
S*' par l'application et l'observation uniformes partout du
même principe dans des cas analogues , laquelle repose
d'une part sur l'opinion d'un engagement envers les
autres, d'autre part sur celle du droit d'en exiger
l'exécution; c'est-à-dire par les usages, les observances
des États dont la preuve résulte surtout de l'existence
des mêmes intérêts réciproques et de la réciprocité
de traitement. De ces usages internationaux il faut
distinguer ceux qui sont purement unilatéraux , adoptés
par un État particulier à l'égard des États et des
sujets étrangers, conformes à sa constitution particu-
lière ou bien commandés seulement par de simples
égards de politesse et d'humanité. Cette comitas gen-
Hum et les considérations purement personnelles qui
forment par exemple la Courtoisie des États, ne
créent aucun droit aux profits des autres, à moins
qu'elles n'aient reçu une sanction obligatoire.*
1 La valeur de ce qu'on nomme comitas gentium a été souvent exa-
gérée. Elle peut influer sur le droit municipal, mais elle ne constitue pas
6 INTRODUCTION. § 4.
A côté de ce droit commun ainsi établi des associations
d'États, il peut exister encore des droits spéciaux pour les rap-
ports internationaux de certains États, dont nous expliquerons
les modes d'origine ci -après au § 11.
Parties du droit international: ses rapports arec la
politique.
§ 4. Aucune société ne peut compter sur une paix éter-
nelle. Les nations comme les indi>'idus pèchent elles-mêmes
et entre elles. La guerre est une voie d'expiation et de
relèvement. Supposer un âge d'or sans la guerre et sans ses
nécessités, c'est supposer un état des nations exempt de péchés.
Il est certain que la guerre en provoquant un certain mouve-
ment moral raffermit des forces qui pendant la paix dorment
ou s'émoussent sans profit.* En offrant une protection contre
l'injustice et contre les violations de la volonté libre et ration-
nelle des nations , elle conduit elle - même au rétablissement de
la paix troublée. Loin de vouloir l'ignorer, le droit inter-
national doit donc au contraire lui tracer ses lois. Par suite
ce dernier comprend essentiellement deux sections distinctes,
& savoir:
I. Le droit de paix qui expose les rapports fondamentaux des
États entre eux, à l'égard des personnes, des choses et
des obligations.
II. Le droit de guerre, analogue au droit des actions du droit
civil,* qui trace les règles de la justice internationale.
•
tout d'abord une loi internationale. Comp. John C. Hnrd, Topics of Jorispr.
New -York 1856. § 78 suiv.
1 ,,Nnllnni omnino corpns sive sit illud naturalo sive politicum, abs-
qno cxcrcitatione sanitatcm suam tucri qncat. Ecgno autem ant reipublicae
iostuin atqno honorificum bellam loco salnbris excrcitationis est. Bellmn
civile profecto instar caloris fcbrilis est, at bellnm extemnm instar calons
Cl motu, qui valetudini imprimis condncit. Ex pace enim deside et emol-
liuntur animi et corrunipuntur mores.*' Baco, Serm. fidcl. t. X. p. 86.
Comparez Polyb. IV, 31.
• „ Jus belli." Isidore, Orig. et après lui can. 9. 10 Dist. 1. rappelle
,.jn8 militare.'*
§ 5. DU DROIT INTERNATIONAL EN GÉNÉRAL. 7
A ces deux sections se rattache ensuite comme une troisième
in. La pratique extérieure des États, notamment les lois et les
formes du commerce diplomatique.
A côté du droit international, conoune la plus rapprochée de lui
parmi les sciences politiques, se place la politique externe
des États, la théorie d'une sage conduite réciproque. Une
contradiction entre le droit international et la politique, bien
que trop fréquente en réalité, ne doit pas exister naturel-
lement: il n'y a qu'une vérité, il n'y a pas de vérités contra-
dictoires. Une politique moralement correcte ne peut jamais
faire et approuver ce que réprouve la loi internationale, et d'un
autre côté celle-ci doit admettre ce que l'oeil vigilant de la
poKtique a reconnu absolument nécessaire pour la conservation
des États. Car la propre conservation de l'État forme sans
contredit la condition tacite de son entrée dans une association
internationale. Il faut en dire autant de sa prospérité pubKque,
lorsqu'elle devrait être sacrifiée aux intérêts d'autres nations.
Garanties accidentelles da droit International:
réqnillbre des états.
§ 5. L'histoire raconte les périls et les violations sans
nombre du droit international là même où il s'est établi d'une
manière certaine dans la conscience des nations. Exposé à un
degré éminent aux séductions de la force ambitieuse de domi-
ner les autres pour les asservir à ses desseins, il n'est protégé
en quelque sorte que par un certain équilibre politique des na-
tions. Cet équilibre consiste généralement en ce que l'État
individu qui voudra tenter une violation du droit international
contre un autre, provoquera une réaction non -seulement du
côté de l'État menacé, mais aussi de tous les autres coïnté-
ressés au système international établi, assez énergique pour em-
pêcher toute altération dangereuse des rapports politiques établis.
Dans la pratique il ne suppose pas précisément l'équilibre ma-
tériel des États dont l'histoire ne fournit guère d'exemples, et
s'il pouvait jamais s'établir, il serait sujet à des transformations
continuelles, la loi qui préside au développement, au progrès
8 INTRODUCTION. § 6.
et à la décadence des forces nationales n'étant pas toujours la
même. H peut aussi consister dans la garantie collectiye et
morale d'une association d'Ëtats inégaux, garantie qui a pour
but d'obliger ses membres de s'opposer à la suprématie d'nn
seul par la force réunie de tous. En ce cas il ya sans dire
que la force physique ou morale nécessaire pour repousser les
agressions du plus fort ne doit pas faire défaut , car autrement
l'équilibre et la loi internationale deviendraient un vain mot
Considérée en elle-même, l'idée d'un équilibre politique des
États n'est donc nullement une chimère, ainsi que plusieurs
auteurs l'ont prétendu, mais une idée éminemment naturelle anx
États professant la même loi. Ce sont les applications seule-
ment qu'on en a faites, les déductions qu'on en a tirées à cer-
taines époques que nous devons réprouver.^
IL
LE DEOIT PUBLIC EUROPÉEN.
Origines.*
§ 6. Le droit international européen d'aujourd'hui est dû
au christianisme et à la civilisation. On rencontre déjà, il est
* Les onyrages bibUcgraphiques publiés par Ompteda (Lit. n, 484
sniv.) et par Eamptz (N. Lit. 97. 99) contienDent des notices littéraires
sur réquilibro européen. V. Kliiber, Droit des gens § 42. V. aussi Fichte,
Beden an die deutsche Nation. Berlin 1808. p. 411—417. Sur Finfluence
de ridée d'équilibre dans les relations des États européens réciproques on
peut consulter le § suivant.
' On les trouve développées dans l'ouvrage de R. Ward , Inquiry into
the foundation and histor}' of the law of nations in Europe from the time
of the Greeks and Romans to the âge of H. Grotius. London 1795. 2 vols.,
et dans celui de M. Laurent, déjà cité au § 1. Ajoutons H. Wheaton,
Histoire des progrès du droit des gens depuis la Faix de Westphalie. Leipz.
1841. 2« édit. 1846. 3« édit. 1865, avec le commentaire de M. Will. Beach
Lawrence, pubUé à Leipz. depuis 1868. Millier -Jochmus, Geschichte des
Yôlkerrechts im Alterthum. Leipzig 1848. Enfin de Wal, Inleiding tôt
▼. W. d. b. Volkenregt. Groning. 1835. p. 124—171.
§ 6. LE DEOIT PUBLIC EUBOP^N. 9
m
vrai, chez les peuples de Tantiquité dans leurs rapports inter-
nationanx des usages uniformes, surtout en ce qui concerne
leurs modes de faire la guerre, de recevoir les ambassades, de
conclure des traités entre eux et d'admettre l^ droit d'agfle.
L'observation de ces usages néanmoins ne reposait nullement
sur la base d'une obligation formelle envers les autres peuples,
mais plutôt sur des idées religieuses de chaque peuple et sur les
moeurs qu'elles avaient établies. Les ambassadeurs et les fuyards
qui venaient implorer la protection d'un peuple étranger étaient
réputés inviolables, parce qu'il les considérait comme étant placés
sous la sauvegarde de la religion dont ils revêtaient les symboles
sacrés. Pareillement des solennités, des serments et des sacri-
fices plaçaient les traités politiques sous la protection divine.
Mais en dehors de ces idées religieuses on ne se croyait nulle-
ment tenu envers les étrangers. „ La guerre étemelle aux bar-
bares ^^, fut le mot d'ordre, le „schiboleth'' de la nation la plus
civilisée du monde antique, les Grecs, dont les philosophes
aussi ne reconnaissaient d'autres rapports juridiques avec les
nations étrangères que ceux fondés sur des traités.^ Des liens
plus étroits existaient sans doute, même des rapports juridiques
permanents entre les tribus de même race, mais ils tiraient
leur force surtout de la communauté du Culte religieux et des
institutions politiques auxquelles elle servait de base.'
Les Romains ne professaient guère des idées plus libérales.*
1 ,,Ciim alienigenis, cnin barbaris aetemum omnibus Graecis bellam
est/' Liv. XXXI, 29. Y. aassi ce qne dit le philosophe Épicare dans
Diogène Laert. Apophthegm. XXXI, 34—36.
' Ce qu'on désignait sons le nom de xoivoç vofioç ^EXXrjvtav, Thucy-
dide m, 58. y. St. Croix, Gouvernements fédératifs p. 51. C'est là notam-
ment qu'il faut mettre l'institution moitié religieuse, moitié politique de
la Ligue amphictyonique.
8 Nous rappelons cette maxime de la Loi des XII Tables: ^adversus
hostem aetema auctoritas esto'S maxime qui se retrouve encore dans les
collections Justiniennes , où elle est formulée ainsi: que tous les peuples
avec lesquels des pactes n'ont pas été conclus, sont réputés „hostes." L. 5.
§ 2. L. 24 Dig. de capt. L. 118 D. de Verb. Sign. V. Osenbrûggen, de
jure belli et pacis Bomanor. Lips. 1835. Comparez de plus W. Wachs-
muth , jus gentium quale obtinuit apud Graecos. Berol. 1822. et A. W. Heff-
ter, prol. acad. de antiquo jure gentium. Bonn. 1823.
10 INTRODUCTION. § 6.
Ils avaient on droit fécial , mais uniquement pour les usages
de la guerre et pour les solennités des traités; leur politique
était, il est vrai, plus noble par sa tendance cosmocratique que
celles d'autres peuples de Tancien monde; on accordait aisé-
ment Tamitié du peuple romain à ceux qui y aspiraient, ainsi
que le droit des gens privé aux étrangers dans leur commerce
mutuel et avec les Romains; mais on ne souffrait poidt de
rivaux: on les écrasait. En général Rome à la hauteur de son
pouvoir comme maîtresse du monde ne consulta que ses pro-
pres lois et le droit des gens y reconnu, dont la pratique fut
revêtue de formes fastueuses par TEmpire byzantin.
La coutume internationale des peuples de FOccident et du
Nord se présente d'abord sous des formes très- rudes. ^ La
liberté individuelle était la loi des peuples germaniques et avec
elle le port d'armes, le droit de guerre, le pillage, la piraterie,
tant qu'ils ne furent pas soumis à des gouvernements royaux
et en même temps aristocratiques, qui se trouvaient en état de
restreindre cette liberté. Du reste l'étranger était réputé être
hors de la loi à moins qu'il ne fût protégé par l'hospitalité.
Au christianisme était réservée la haute mission de diriger
ces peuples dans une nouvelle voie. Son amour de l'humanité,
son précepte: „Fai8 du bien aussi à ton ennemi" ne pouvaient
guère s'acconmioder avec un état d'hostilité permanente.
Dorénavant l'église, installée successivement dans tous les
états de l'Europe, se chargea de l'oeuvre civilisatrice, c'est-à-
dire d'adoucir et de corriger les moeurs farouches des peuples
comme de leurs maîtres en usant de son autorité spirituelle.
Les papes et les conciles supprimèrent de nombreux usages
barbares dans le commerce mutuel des peuples;' ils leur
offraient de plus une médiation dans les différends nés entre
eux. En même temps les croisades sanctionnées par l'église
ainsi que les lois de la féodalité et de la chevalerie contri-
buaient au rapprochement social des nations chrétiennes de l'Occi-
dent, à l'exception de l'Empire grec, lequel se tenait ou était
tenu par les circonstances, surtout par son affaiblissement poli-
> V. le tableau intéressant publié dans Tonvrage de Piitter, dt« p. 2
note 1 ei -dessus; p. 48 suiv.
« Walter, Kiichenrecht § 340. Pûtter, loc. cii
§ 6. LE DROIT PUBUC EUROPÉEN. 11
tique, dans nn certain éloignement des états oeeidentaox. Re-
présentés par leurs princes, ceux-ci formèrent en quelque -sorte
une grande famille chrétienne autour de Féglise romaine, dont
les canons faisaient loi dans les pays chrétiens. A côté du
droit canon se plaça encore^ Fautorité du droit romain conmie
d'un droit conmiun à tous les chrétiens. Chacun de ces deux
corps de lois reconnaît un droit naturel et des gens.*
Cependant aucun état, peuple ou prince, ne s'est soumis
entièrement et sans réserve, ni au droit romain ni au régime
absolu de la hiérarchie en matière politique; au contraire on a
réclamé et exercé même une concurrence politique dans les
affaires ecclésiastiques. Enfin les gouvernements laïques ont
fait valoir comme principe supérieur leur souveraineté et indé-
pendance. Voilà une nouvelle phase du droit international, dont
les traces se trouvent empreintes aux actes et procédés du con-
cile de Constance (1414—1418) et de celui de Baie (1432 —
1448). 8
Cette souveraineté territoriale et par suite le selfgovem-
ment et Tégalité de tous les états furent dès lors les bases des
rapports internationaux.
Néanmoins les liens de famille et de fraternité chrétienne
ne furent pas entièrement brisés même par les réformes reli-
gieuses du XVI' siècle. On croyait encore partout à des lois
divines et naturelles immuables; on s'était accoutumé à force
de Tétude et de la pratique du droit canon et romain à respec-
ter un droit des gens ; enfin la science commençait à en établir
le sjrstème et à en formuler les règles à suivre.
1 Les jnriscoDsoltes du moyen âge, et encore André Alciat (snr les
lois 118 et 225 D. de Yerb. signif.) en donnaient l'explication suivante:
L'emperenr Antonin Oaracalla ayant déclaré citoyens romains tous les habi-
tants de Tempire, il s'ensuit que tous les chrétiens comme seuls capables
de tous les droits politiques , représentent le peuple romain, tandis que les
infidèles ne sont pas réputés Bomains. Les Romains seuls admettent entre
eux des droits et des devoirs communs: ils sont engagés dans une guerre
permanente contre les Turcs et les Sarrazins, état de guerre régi par les
règles du droit romain. Comparez Leibnitz, praef. ad Cod. iur. gent.
* Voyez le Décret de Gratien Dist. 1, can. 9.
' Comparez le Droit des gens par Klftber, § 12. Oppenheim, System
des Vôlkerr. p. 20.
12 INTRODUCTION. § 6.
Malheureusement un autre élément vint entraver ans8i bien
le développement que Tapplication harmonieuse de la jeune
science. Je veux parler de la propagande successive de Fart
politique, cet art qui en ne consultant que des intérêts égoïstes,
méconnaît les droits et les intérêts de tous les autres sans
éprouver aucun scrupule dans le choix de ses moyens; cet art
politique qui, né en Italie et cultivé avec un remarquable suc-
cès en Espagne, s'est frayé un accès dans tons les cabinets
en y provoquant sinon des eflForts positifs, du moins des contre -
eflForts semblables. Tout en se servant avec une apparence
trompeuse des formules légales consacrées, il reniait au fond
tous les axiomes du droit. Comme une réaction contre cette
politique envahissante, on imagina l'idée de l'équilibre euro-
péen, c'est-à-dire le principe qui impose à chaque État le
devoir d'empêcher, soit seul soit au moyen d'une coalition, l'éta-
blissement de la suprématie d'aucun autre État, principe qui
découle du droit légitime de défense, mais qui à son tour a
donné lieu à de fréquents abus. La réalisation pratique de
cette idée fut dès lors le principal problème de la politique
européenne:^ autour de ce pivot commun se sont concentrés
les motifs et les solutions à peu près de tous les démêlés po-
litiques depuis le xvi* siècle. Il est vrai que les droits des
nations et des États n'y ont figuré que sur l'arrière - scène,
abandonnés presque exclusivement aux soins de la science.
Celle-ci toutefois, sous les orages de la guerre de trente ans,
malgré les agitations du XYII*" siècle, comme précédemment
* A cette idée se rattache aussi le projet de Henri IV de former une
grande république des États européens, projet qui fut développé depuis,
lors du traité dTtrecht, par Tabbé de St. -Pierre dans son pamphlet inti-
tulé: „ Projet de traité pour rendre la paix perpétuelle. Utrecbt 1713."
V. là - dessus Toze, Allgenieine christlicho Bepublik. Gotting. 1752. Buch-
holi, Neuo Monatsscbrift. 1824. I, 28 suiv. Ortolan dans la Bévue de
législation 1850. T. III. p. 345 suiv. Wheaton, Histoire I, 317. We-
lowski, disA. académique. Le grand dessein de Henri IV. Par. 1860.
Droysen, Beitrage z. Lohre von den Congressen. Berl. 1869. Ces projets
étaient rarement dépourvus de quelque but égoïste, et ne manquent pas
de nos jours. V. p. ex. Q. Fr. Leckie, Historical research into the nature
of tho balanoo of powcr in Europe. Lond. 1817. Marchand, Projet de paix
perpétuelle. Paris 1842.
§ 6. LE DROIT PUBUC EUROPÉEN. 13
lors de la réforme religieuse, acquérait une autorité, à laquelle
les puissances de cette époque ne pouvaient même se sous-
traire entièrement. L'aurore en fiit marquée par Hugo Grotius
(Huigh de Groot), enfant d'une petite république nouvellement
née mais riche d'actions, où les principes de tolérance reli-
gieuse et d'un libéralisme modéré avaient trouvé un asile. Gro-
tius a rappelé dans un langage généralement intelligible les
maximes du christianisme, les enseignements de l'histoire, les
sentences des philosophes sur le juste et l'injuste à la mémoire
des souverains: son traité est devenu successivement le code
européen des nations, adopté également par toutes les confes-
sions chrétiennes.^
Néanmoins le droit ne réussissait pas à reprendre entière-
ment la place usurpée par la politique, laquelle se servait plutôt
de la science du droit pour colorer ses prétentions qu'elle ne
se soumettait à ses décisions. Une certaine modération seule-
ment se fait remarquer dans ses succès , des transactions équi-
tables tiennent lieu du droit strict, afin de ne pas troubler
l'équilibre politique, soit vrai soit imaginaire (§8). La fin du
xvm* siècle voit disparaître le droit public et l'équilibre euro-
péen sous le torrent de la Révolution qui fait place à l'Empire
et à son génie de conquête.* La coalition générale de l'Europe,
en faisant rentrer le torrent débordé dans son ancien lit, pro-
voqua les traités de 1814 et de 1815, qui, après avoir re-
constitué du moins les États germaniques de l'Europe dans
certaines démarcations, ont rendu momentanément possible l'équi-
libre politique des puissances continentales. Pour en garantir
la solidité ainsi que les créations nouvelles, il fallait aussi
remettre en vigueur les principes du droit international ou cet
„ équilibre politique qui est synonyme avec les principes de
conservation des droits de chacun et du repos de tous", comme
écrivait le prince de Bénévent, dans une note du 19 décembre
1814. Dans cet esprit fut conclue la Sainte -Alliance, où
presque tous les monarques chrétiens de l'Europe se sont donné
* Voyez les excellentes observations publiées par Frédéric Schlegel,
Vorlesungen ûber die neuere Geschichte. Wien 1811. p. 421 suiv.
^ Les nombreuses violations da droit international amenées par là
ont été développées par Eamptz, Beitr. zum Staats- und Vôlkerr. I, n. 4.
14 INTRODUCTION. § 6.
personnellement la parole de se considérer entre eux et de
considérer leurs peuples comme membres de la grande famille
chrétienne, et ont reconnu par là Fexistence réelle d'une asso-
ciation morale des États. ^ Enfin les plénipotentiaires des cinq
^andes puissances européennes, lors du Congrès d'Aix-la-Cha-
pelle en 1818, ont déclaré que leurs gouvernements étaient
fermement résolus à ne pas vouloir s'écarter de l'observation
la plus stricte du droit international tant entre eux que vis-à-
vis des autres États (voy. Appendice I. II.).
Depuis lors et d'après les conventions arrêtées à cette
époque, les grandes puissances s'érigèrent en aréopage politique
appelé à délibérer et à statuer sur les aflFaires les plus impor-
tantes non -seulement de leui*s propres États, mais aussi snr
celles des autres. Sous ses auspices commença surtout la
réaction contre la révolution qui continue à couver sous les
cendres^ mais loin de l'éteindre, elle Ta fait éclater avec une
nouvelle énergie en 1830. Ni le principe révolutionnaire, ni
même le constitutionalisme régularisé des nations ne pouvaient
naturellement être satisfaits de cette autorité dictatoriale des
grandes puissances. La catastrophe de 1848 et les événements
ultérieurs ont mis fin à la pentarchie. L'indépendance des
nations est rétablie; c'est aux congrès des puissances . plus on
moins intéressées qu'on recourt parfois pour vider des questions
internationales. Sous ce point de vue les conférences tenues à
Paris en 1856 ont ouvert une nouvelle ère. Car outre le mé-
rite d'avoir mis fin à la guerre de Crimée on a eu celui de se
concerter sur plusieurs points contentieux du droit maritime et
la Haute Porte a été reçue dans le concert dit Européen.
(Voyez le § suivant).
En résumé: les États de l'Europe de même que les États
transatlantiques issus de son sein obéissent à une loi commune.
Cette loi néanmoins sur bien des matières n'est pas tout à fait
fixée: n'ayant pas encore pénétré suffisamment dans la eon-
' Martens, Supplém. VI, 656. La valeur de cet acte a été jugée
très - différemment Voyez son éloge dans la dissertation de L. Pemice de
sancta Confocderationo oratio. Halao 1855. D*autres se sont déclarés dans
nn sens contraire. Consultez en outre sur les traités de cette nature ci-
dessouB § 92.
§7. LE DROIT PUBLIC EUROPÉEN. 15
science générale des nations, elle est privée ça et là d'une
certitude absolue dans Fapplication.^ Sa solidité croissante dé-
pend d'un équilibre durable des États qui repose autant sur
une pondération de leurs forces matérielles que sur leur respect
réciproque. Cet équilibre existe jusqu'à un certain point entre
les puissances continentales, bien moins sur mer : aussi le droit
maritime continue -t-il à former la partie la plus faible du
droit international. Enfin un équilibre permanent supposerait
l'équilibre des quatre autres continents, qui doit encore être
réservé à l'avenir.
Toujours est -il que le droit public européen se distingue
par un caractère d'humanité qui constitue sa supériorité sur
celui qui l'a précédé, notamment sur celui du monde antique.
Car ce dernier avait la guerre pour base , tandis que la paix
est devenue l'état normal du droit moderne.
Limites territoriales du droit puMlc earopéen.
§ 7. Le droit international moderne né en Europe, s'est
développé comme nous avons vu chez les nations chrétiennes
de l'Europe et du dehors. C'est chez elles qu'on trouve un
commerce et „ concert" permanent, une dikéodosie mutuelle, un
véritable „commercium iuris praebendi repetendique", qu'elles
entretiennent entre elles d'après les règles traditionnelles de la
société européenne et avec leur garantie collective et morale.
A l'égard des États non -chrétiens, comme de ceux qui n'ont
pas encore été admis d'une manière régulière dans le sein de
la famille européenne, l'application du même droit est tout- à-
fait libre et fondée sur une réciprocité purement conventionnelle.
Les relations avec eux se forment d'après les exigences de la
politique et de la morale.
Ainsi les rapports des États chrétiens avec les peuples
musulmans ne reposaient jadis, et lors du temps des Croisades,
que sur les convenances politiques et sur les traités conclus
avec eux, traités qu'ils avaient la coutume d'observer religieu-
^ Quant aux lacunes du droit des gens moderne nous renvoyons à
Touvrago de M. Trendelenburg, Die Lûcken im Vôlkerrecht. Leipz. 1870.
16 INTRODUCTION. § 8,
sèment. Toutefois le Coran, qui leur sert aussi de Code da
droit international, et Texclusivisme religieux qui leur est pro-
pre ne se comportaient pas avec une application réciproque et
absolue des principes du droit des gens européens.^ Mais enfin
la Haute Porte a été reçue par le traité de Paris de 1856
dans le concert européen et dans la communion du droit pablic
européen,^ ce qui s'applique sans doute aussi à ses dépen-
dances. • Le temps va montrer s'il lui sera possible de vaincre
tous les scrupules religieux qui pourraient s'opposer à l'obser-
vation stricte dudit droit public. Vis-à-vis des autres peuples
musulmans, comme des peuples païens les règles ci -dessus
exposées continueront encore à recevoir leur application. Quant
aux pirates, qui, sans autorité reconnue, se livrent aux exactions
et violences de toute espèce contre des personnes et les pro-
priétés, ils ont été toujours considérés et traités en ennemis
communs du genre humain* et par cela même exclus du droit
commun. Mais on n'y pourra point compter les sujets des états
barbaresqucs reconnus par des traités, tant qu'ils s'abstiennent
d'aggressions hostiles. '^
Sources du droit international européen en général.
§ 8. Le droit public européen est en grande partie un
droit non écrit dans le sens juridique de cette phrase: il attend
> Comparez Ward, Enquiry I, 166. II, 321. Mably, Droit des gens
t. II, p. 13. Wheaton, Internat. Law § 10. Piitter, Beitrâge p. 50. B. L.
Mas Latrie, Traités de paix et documents concernant les relations des Chré-
lions avec les Arabes au moyen âge. Paris 1868.
« V. TAppendice No. III.
» D*après la Convention de la France, de la Grande-Bretagne, de
r Autriche, de la Prusse et de la Russie avec la Porte du 15 juiU. 1840.
Art 5: „Tou8 les traités et toutes les lois de TEmpire Ottoman s'appli-
quent à rÉgyi>te et au paschalik d'Acre, comme à toute autre partie de
l'Empire Ottoman." Martens (Murhard), Nouv. Rec. gen. I, 161.
* Cicéron déjà, de Of^c. III, 6 les a qualifiés ainsi. Comparez du
reste le § 104 ci -après.
» C'omparoz C. van Bynkershoek , Quaest. iur. publ. I , chap. 17. Nau,
y&lkerscorecht § IdO et quant aux anciens traités conclus avec les Barba-
resqucs Lcibnitz, Ood^dipl. p. 13. 14. Ward, Enquiry II, 331.
§ 9. LE DROIT FUBLIC EUROPÉEN. 17
encore sa codification, qui n'a été tentée jusqu'à présent que
par la science.^ Il se compose de lois conventionnelles qui se
trouvent consignées dans les traités publics (§ 9) ou qui sont
reconnues par des déclarations uniformes ou par l'usage non
équivoque et constant des nations européennes et de leurs gou-
vernements, ou qui peuvent être abstraites des institutions, du
degré de civilisation et des moeurs de ces nations, vu que tout
ce qui est contraire à la moralité ne saurait être tenu pour
juste par les gouvernements.*
S'agit -il de la vérité de certains principes: c'est dans
riiistoire, chez les autorités de la science, enfin dans les arrêts
des tribunaux qui ont à décider des questions internationales,
qu'il faut chercher les témoignages et la confirmation, sauf une
critique raisonnable pour démêler le vrai d'avec l'erreur, dont
même une décision judiciaire n'est pas toujours exempte.' En
dernier lieu il ne faut pas confondre les régies internationales
établies entre quelques États avec les principes reconnus entre
tous les États européens.
Caractéristique des traités publics.
§ 9. La source la plus féconde du droit des gens ce sont
sans doute les conventions internationales avec les négociations
^ L'assemblée nationale décréta le 28 octobre 1792 la rédaction d*une
déclaration du droit des gens dont Tabbé Grégoire fat chargé. Le projet
en 21 articles fut présenté par lui en 1795 à la Convention. Cette der-
nière toutefois, qui commençait à renoncer au système d'isolement et de
révolution universelle, rejeta le projet. On le trouve avec les critiques de
Bentham réfutées par Isambert, dans les Annales politiques, publiés par ce
dernier en 1823, Introduction tn /¥ne. On peut consulter également là-
dessus les observations judicieuses de Martens, Ëinleitung in das europâi-
sche Vôlkerrecht von 1796, préface p. V suiv. Une codification scientifique
a été tentée par Adolphe de Dominic Petrushevecz, dans son Précis du dr.
international. Leipz. 1861 et d'une manière supérieure par J. £. Bluntschli»
sous le titre de: Das moderne Vôlkerrecht. Nôrdlingen 1868.
* Bynkershoek, Quaest. iur. publ. m, 10. „Jus gentium oritur ex
pactis tacitis et praesumtis , quae ratio et usus inducant." C'est là la rai-
son naturelle, la „ recta ratio."
^ On ajoute souvent une trop grande valeur aux décisions des tribu-
naux de prise. Telle est l'erreur p. ex. de M. HfflUmore, Intem. Law
Heffter, droit international. Se éd, 2
18 INTRODUCTION. § 9.
précédentes; leurs textes et leur esprit témoignent de Taccord
des nations et des gouvernements.
Dans le monde antique ces actes étaient à -peu -près h
manifestation unique d'un principe commun de droit. Les trai-
tés de l'antiquité néanmoins présentent un intérêt médiocre:
rarement ils dépassent le cercle étroit des besoins momentanés.
Tantôt ils révèlent les malheurs des vaincus , tantôt ils ont
pour but la conclusion d'un armistice plus ou moins long, par-
fois aussi l'établissement de relations commerciales ou bien
même celui d'une espèce de dikéodosie fondée sur les droits
réciproques.^
Les traités conclus entre les États ou plutôt entre les
princes du moyen âge ofifrent encore moins d'intérêt L'État
lui-même n'était alors qu'une agglomération de rapports et de
besoins privés: on disposait de pays et de peuples comme de
sou domaine particulier. La féodalité et l'église jouissaient
seules d'une certaine protection qu'elles accordaient à leur tour,
et encore fut -elle souvent insuffisante.*
Dès le XV* siècle il commence à se former une jurispru-
dence des traités politiques qui, marquée au coin du progrès
et de la réaction, se lie aux commencements de la politique
européenne et en réfléchit l'esprit général.* D'innombrables
J, 51. L'application qui en est faite par Mr. Hurd dans ses Topîcs § 94 est
beaucoup ])lu8 restreinte.
* Une collection précieuse des traités politiques de Fantiquité se
trouve dans Barbey rac, Supplément au corps universel diplom. de J. do
Mont. A la Haye 1789. 1. 1. Les av/nfioXn 7T€qï tov fxri àâix^îv de la Grèce
et surtout les traités conclus entre Athènes et Sparte , entre Borne et Car-
tlia^j^e et en 561 entre les empereurs Justinien et Cosroës, que contient cette
collection, sont du plus haut intérOt. Y. Barbeyrac, part. U, p. 196.
* Les traités do cette époque se retrouvent aussi dans Barbeyrac loc
cit. part II. V. là -dessus les observations dans Ward II, p. 231 suiv.
> V. les observations sur cette nouvelle politique et les affaires poli-
ti<iucH do cette époque dans J. F. Schmaufs, Ëinleitung zu den Staats-
wissonschaften. Leipz. 1740. 1747. 2 vol. Fr. Ancillon, Tableau des révo-
lutions du système politique de TEurope. Berlin 1803—1805. 4 vol. Paris
1800. G vol. G.-Fréd. de Martens, Cours diplomatique ou tableau des rela-
tions extérieures des puissances de TËurope. Berlin 1801 (t. I. II. Guide
diplomatique, t. III. Tableau.). IiO même : Grundrifs eîner dlplomatischen
liOHchichtc der eoropftisoheu Staatshiiudel und Friedensschlûsse. Berlin
§ 9. LE DROIT PUBLIC EUROPÉEN. 19
traités se concluaient alors qui souvent ne servaient qu'à mas-
quer passagèrement les véritables intentions des parties et que
rarement elles prenaient au sérieux. EUes les rompaient ensuite
avec la même facilité, pour les remplacer par des traités d'al-
liance avec les adversaires des alliés précédents.* Là où il y
avait quelque chose à gagner ou à partager, chacun s'empressait
d'accourir et de saisir sa part (,,le système copartageant^'). Les ma-
riages et les dots y jouaient un rôle accessoire très-considérable.'
1807. Koch, Tableau des révolutions de l'Europe. Paris 1807. 3 vol.
nouv. cdit. Paris (1813) 1814. 4 voL Abrégé de rhistoire des traités de
paix entre les puissances de FEurope par Koch. Bàle 1796. 1797. 4 voL
refondu par Fr. Schoell. Paris 1817. 1818. 15 vol. C. D. Voss, Geist der
merkwûrdîgsten Bûndnisse des 18. Jahrh. Géra 1801. 1802. 5 voL Geist
der merkwûrdigsten Bûndnisse des 19. Jahrh., par le même. 1803. 1804.
2 vol. Histoire générale et raisonnée de la diplomatie française par M.
Flassan. Paris et Strasbourg. 6 vol. nouv. édit en 7 vol. 1811.
Nous allons indiquer les recueils généraux des traités politiques qui
ne s'appliquent pas uniquement à certains États particuliers: G. W. Leib-
nitz, Codex juris gentium. Hannov. 1693. 1727. Guelferb. 1747. Ejusdem
Mantissa. Hannov. 1700. 1724. Guelferb. 1727. Jacques Bernard, Recueil
des traités de paix etc. Amst. et la Haye. 4 vol. 1700. Jean Du Mont,
Corps universel diplomatique. Ibid. 1726 — 1731. 8 vol., avec les supplé-
ments par J. Barbeyrac, J. Bousset et J. Yves de St. Priest; F. A. Wenck,
Codex juris gent. recentiss. 3 vol. Lips. 1781. 1786. 1795. G. P. de Mar-
tens , Recueil des principaux traités d'alliance. 8 vol. et 7 vol. de Supplé-
ments publiés par le même auteur ; puis les Suppléments rédigés par Saal-
feld , Ch. de Martens, Sartorins et Murhard. Les principaux États possèdent
également leurs recueils particuliers, qui ont été indiqués par de Ompteda
et par de Eamptz dans la littérature du droit des gens. Elûber, Biblio-
thèque choisie, insérée dans son Droit des gens in fine, ainsi que dans
Mohl, Zeitschriffc fur Staatswissenschafi 1846. I, p. 87. Ajoutons le Nou-
veau cours de diplomatie ou recueil universel des traités, publié par MM.
L. B. Bonjean et Paul Odent. Paris 1857. Un choix des principaux traités
se trouve dans le Recueil manuel et pratique des traités depuis 1760 par
M. Ch. de Martens et J. de Cussy. Leipzig 1846—1853. 7 vol. Dr. P. W.
Ghillany, Diplomatisches Handbuch. Sammlung der wichtigsten europ&i-
schen Friedensschlfisse , Congrefsacten und sonstigen Staatsurkunden vom
Westphâl. Frieden bis auf die neueste Zeit. Mit kurzen geschichtlichen
Ëinleitungen. (En 4 parties). 2 vol. Nôrdlingen 1855.
^ Il suffit de rappeler les guerres d'Italie provoquées par les préten-
tions de la France sur les couronnes de Milan et de Naples.
^ y. Buchholz, Geschichte Kaiser Ferdinands I. t I, p. 60.
2*
20 INTRODUCTION. § 9.
Avec le schisme religieux du xvi* siècle de plus nobles
intérêts firent leur entrée sur la scène du monde. Us furent
agités à rintérieur des États d'abord, mais la politique exté-
rieure allait parfois s'en emparer pour tirer profit des démêlés
religieux, sans scrupule même relativement à la propre religion
d'État. Au xvr siècle encore la politique commerciale acquit
une influence prépondérante sur les affaires générales de l'Eu-
rope: en y rattachant les intérêts coloniaux, elle transporta^
surtout depuis l'insurrection des Provinces -Unies contre la mo-
narchie espagnole, le théâtre de la guerre dans les contrées
les plus éloignées du globe, et devint par là l'objet de bien
des transactions.
La première moitié du xvii* siècle est remplie des luttes
sanglantes des intérêts religieux dont le congrès de Westphalie
vient enfin sceller la transaction définitive. Dans ce congrès
la diplomatie des grandes puissances célèbre ses triomphes.
Longtemps elle regardait avec orgueil son oeuvre, qui néan-
moins, comme une nouvelle Pandore, laisse échapper de son
écrin de nombreux dons funestes. Cependant le traité de West-
phalie formera la base durable du statu quo et de l'équilibre
politique de l'Europe occidentale et méridionale, en même temps
qu'il sera la ligne de démarcation entre l'ancienne et la nou-
velle diplomatie. Jusque-là elle s'est appuyée dans les négo-
ciations sur des droits au moins apparents: lors de la rédaction
des traités de Munster et d'Osnabruck elle se propose déjà bien
moins le rétablissement des droits violés, et en se réglant
d'après les convenances politiques, elle détruit de nombreux
droits établis par la voie des sécularisations, des médiations on
autrement^
A la conclusion de la paix de Westphalie succède comme
conséquence directe une politique extrêmement remuante,
dirigée tantôt vers l'acquisition de certahis avantages matériels,
tantôt vers le maintien de cet équilibre rétabli au prix de
> Les ouvrages les plus importants qui ont été publiés sur la paix
de Westphalie ont été indiqués par Martens, Staatshàndel, p. 55; on peut
consulter aussi: Die Urkunden und Friedensschlûsse zu Osnabrûck and
MOnster, nach auth. QneUen. Zurich 1848.
§9. LE DROIT PUBLIC EUROPÉEN. 21
tant de sacrifices. La politique d'intervention arrive à sa ma-
turité complète et avec elle Tusage des congrès et des concerts
européens: les gouvernements s'y trouvaient peu gênés depuis
la suppression des États généraux. La Haye devient le foyer
neutre de la diplomatie: c'est là qu'elle bat les cartes et
qu'elle cherche à terminer le jeu, car les adversaires engagés
ailleurs sur les champs de bataille peuvent s'y rencontrer
librement.
Pendant tout le xvm* siècle jusqu'à la révolution française,
la jurisprudence internationale de l'Europe continue à présenter
un système de combinaisons politiques, ayant pour but prin-
cipal d'écarter autant que possible toute prépondérance mena-
çante pour l'équilibre général, aussi longtemps du moins que
la fortune des armes ou la complication des événements
n'avaient pas livré l'une de ses parties sans merci à la discrétion
des autres. L'arrangement des affaires politiques échut à une
diplomatie peu caractérisée et pâle, qui poursuivait surtout la
conservation du statu quo.
Cet esprit de conciliation disparut à son tour pour long-
temps dans le Nord d'abord lors du partage de la Pologne, et
dans l'Occident à la suite des victoires de la révolution. La
révolution victorieuse dictait les traités: les vaincus étaient
obligés de s'y soumettre pour obtenir des ménagements momen-
tanés. Des sénatusconsultes ou de simples manifestes annon-
çaient à l'Europe les changements intervenus dans le statu quo.
Les traités conclus au commencement de notre siècle jusqu'en
1814 pivotent tous autour de la politique Napoléonienne, soit
pour la consolider, soit pour préparer cette coalition secrète
qui , transformée en résistance ouverte, a créé le tissu politique
de 1815. La conservation et, lorsqu'il le fallait, la correction
de ce tissu était dès lors le but des congrès monarchiques et
des conférences ministérielles avec leurs déclarations et leurs
protocoles, jusqu'à ce que la pentarchie fut rompue par
l'énergie des peuples et des gouvernements jaloux de leur indé-
pendance.
Les grandes matières de la diplomatie européenne, qui ne
se rattachent quelquefois que d'une manière indirecte aux ques-
tions du jour, furent dans la seconde moitié du siècle précédent
22 INTRODUCTION. § 10.
les droits maritimes des neutres, et dans notre siècle d'abord
le système continental Napoléonien, pnis la suppression de h
traite des noirs et ensuite Tnnion douanière allemande, l'énum-
cipation iptemationale du commerce, de la navigation , des arts,
de la littérature et de Findustrie.
Autant il est vrai que les traités publies servent à con-
struire un système de jurisprudence internationale, autant il
faut être circonspect dans Tusage de cette source. D'abord les
traités n'obligent que ceux qui y ont pris part, et il y en a
fort peu oà tous les gouvernements aient été représentés. A
peine pourra- 1- on y compter la paix de Westphalîe et l'acte
du Congrès de Vienne, qui fut au fond une collection de beau-
coup de traités spéciaux sous l'approbation et l'adhésion des
grandes puissances, enfin les actes de la Conférence tenue à
Paris en 1856.* C'est donc uniquement l'harmonie des idées
et des principes non équivoque et suivie partout qu'il est per-
mis de déduire des règles conununes à la grande société euro-
péenne.
Théories et littérature du droit publie.
§ 10. Les auteurs qui exposent sous une forme doctrinale
ou purement narrative le droit public européen et qui appar-
tiennent aux diverses époques de ses développements, constituent
en quelque sorte une source accessoire assez féconde de ce
droit. Comme ailleurs, le rôle de la science et de la presse
consistait ici tantôt à approuver, tantôt à précéder la pratique
et & lui frayer une voie. L'esprit général et les fréquents tâton-
nements de chaque époque se réfléchissent dans cette source.'
* Voir rHiatoiro du Congrès de Paris, par Gourdon. Paris 1857.
* On peut trourer des essais d'une histoire littéraire dans la Biblio-
thcca iuris imporantiuin (publiée par Burch.-Gotthelf Struv). Norib. 1727.
Isambcrt, Annales politiques. Paris 1823. Introduction. Y. G. de Wal,
Inloiding tôt de Wctensc. van bot £urop. Volkenrcgt. Groning. 1836.
p. 1—123. 201—218. liCs travaux les plus récents à ce sujet ont été indi-
qués par de Mohl, Geschichte und Litteratur der Staatswissenschaften.
1 , 869 s. V. aussi do Kaltonborn , Kritik des Vôlkerrechts. Leipzig 1847.
p. 18—230.
§ 10. LE DROIT PUBUC EUROPÉEN. 23
L'Antiquité ne nous a légué aucun traité complet du droit
des gens. Au moyen âge les jurisconsultes cherchaient, à l'aide
des textes du droit romain et du droit canon, à résoudre les
questions internationales. Lors de la Renaissance la science
du droit céda la place à la science politique raffinée dont "Ni-
colo Macchiavelli devint Tinterprète et le principal représentant
Son Traité du Prince est un chef- d'oeuvre de la politique per-
sonnelle et égoïste que n'arrêtait aucune barrière extérieure,
nécessaire à la vérité à certaines époques et à certains peuples,
pour les rappeler au sentiment de la dégradation dans laquelle
ils étaient tombés et pour les relever vers un nouvel essor.*
Depuis lors les jurisconsultes du xvi* siècle cherchaient à déve-
lopper un système de droits mutuels chez les nations chré-
tiennes, toutefois en s'occupant d'abord de questions particu-
lières.* Enfin Hugues de Groot (né en 1583, décédé en 1645),
en résumant l'ensemble des questions qui jusqu'alors s'étaient
présentées dans la jurisprudence internationale des États, l'érigé
en science particulière et indépendante, cultivée depuis lors
jusqu'à nos jours sans interruption. Dans son traité immortel
du „ Droit de guerre et de paix", achevé en 1625, il établit
la double distinction du droit des gens , celle d'un droit immu-
able ou naturel et d'un droit volontaire de toutes ou du moins
de plusieurs nations.^ Son livre manque peut-être d'une base
plus profonde et n'explique nullement la corrélation intime qui
> Isamberty à Tendroit cité p. 76 , a présenté d'excellentes observations
sur le vrai caractère de Macchiavel et de ses doctrines. Y. aussi Corn. Star
Numann, Macchiavelli opnsc. dcl Principe. Traiect. 1855. Th. Mnndt,
Macchiavel und der Gang der europâischen Politik. Leipz. 1853. 2* éd.
* L'Espagnol François Snarez (1538—1617), le premier auteur impor-
tant du droit international, nomme dans son traité de Legibus ac Deo
Icgislatore les usages depuis longtemps observés dans les relations réci-
proques des États européens la Loi coutumière des nations chrétiennes.
Âlberico Gentile, Italien décédé à Oxford en 1611, peut être considéré
comme le plus considérable parmi les prédécesseurs de Grotius. Les ouvrages
publiés par lui sont les suivants: de legationibus — de jure belli — de
justitia bellica. v. Ealtenbom, Die Vorlâufer des H. Groot. Halle 1848.
W. A. Reiger, Progr. de Alberico Gentili. Groningen 1867.
> y. sur les destinées de ce livre Ompteda § 120 sniv., et sur son
contenu § 57 suiv. Une nouvelle traduction en a été publiée par M. Pra-
dier-Podéré. Paris 1866.
24 INTRODUCTION. § 10
existe entre le droit naturel et le droit positif. Rédigé princi
paiement dans le bat de constater, le droit déjà usité da moins
en certaines espèces, autant que ce dernier répondait à h
morale, il donne aox antres questions encore non décidées de«
solutions tirées des règles générales du droit ou des autorités
respectables et conformes à la morale.^ C'est cette trans-
parence morale qui a assuré le succès le plus durable de ce
Uvre.
Plusieurs tendances se sont depuis produites tant dans
ridée fondamentale que dans le mode d'explication du droit
international, dont chacun à son tour offre des nuances parti-
culières.
L'une de ces tendances, en prenant pour point de départ
le droit naturel, suppose Texistence ou la fi(5tion d'une loi
rationnelle innée ou commandée à la nature humaine, et à
laquelle aucun individu ni aucune association humaine ne peuvent
se soustraire. Cette tendance, commencée déjà avant Grotius,'
fut la contradiction nécessaire pour renverser le règne précédent
des purs intérêts matériels dans la politique: mais à son tour
elle a prêté le flanc à la contradiction. D'un côté en effet plu-
sieurs auteurs ont nié complètement l'existence d'une loi posi-
tive, notamment d'une loi internationale, obligatoire par elle-
même. Suivant ces auteurs la seule vraie loi naturelle consiste
dans le pouvoir matériel de l'autorité, dans une mission divine
de domination, dont la loi humaine est descendue elle-même.
C'est ce qu'enseignaient p. ex. l'Anglais Hobbes (né en 1588,
mort en 1679) qui accordait à l'autorité une origine divine,* et
naguère encore en France, bien que d'une manière différente,
M. de Bonald.^ D'ailleurs les règles éthiques de la justice
1 V. pour les détails Gust. Hartenstein, DarstcUung der Rechts- Phi-
losophie des H. Grotius. (Âhhandlangen der phil.-histor. Elasse der Kônigl.
Sftchs. Gescllschaft der Wissonschaften). Leipzig 1850.
* On pourra comprendre parmi les partisans de cette tendance
J. Oldendorp (doc. en 1557) dans son Isagoge juris natur. Col. 15S9. et
Nie. Hemming (à Copenhague) dans sa Mcthod. apodod. juris nator. Yi-
tomb. 1502.
> Son ouvrage principal furent les Elementa philosophica de cive. 1642.
* D*abord dans la tiiéorie du pouvoir politique et religieux. Con-
stance 17\>t>; ensuite dans sa Législation primitive etc.
§10. LE B*OIT PUBUC EUROPÉEN. 25
communes à tous les hommes, ont été considérées comme le
seul fondement des droits de 4'homme et des gens, d'abord par
Samuel de Pufendorf (né en 1631, déc. en 1694) dans son Jus
naturae et gentium,* ensuite par Chrétien Thomase (1655 —
1728) dans plusieurs ouvrages.*
Ces théories durent rencontrer une opposition d'autant plus
énergique qu'elles étaient en contradiction avec la réalité des
choses, ou qu'elles ouvraient le champ à l'arbitraire du pou-
voir. La plupart des auteurs préférèrent suivre la voie plus
commode et plus pratique tracée par Grotius, et en même
temps qu'ils accordaient aux lois positives une autorité prépon-
dérante, ils admettaient pourtant le droit naturel des individus
et des nations comme une source directe, du moins comme
une source subsidiairement obligatoire à côté des lois positives.
En ce sens enseignait et écrivait le premier après Grotius,
l'Anglais Richard Zouch (1590—1660).* Quelques philosophes
se sont ralliés également à cette opinion, notamment Chrétien -
Frédéric de Wolf (1679 — 1754) qui dans les points fondamen-
taux a adopté les doctrines de Grotius.* Ainsi encore pen-
saient et écrivaient Germain - Frédéric Kahrel (1719 — 1787),
Adolphe - Frédéric Glafey (1682 — 1754)'^ et surtout Émeric de
Vattel, Suisse d'origine (1714 — 1767), dont l'ouvrage écrit en-
tièrement dans l'esprit du système professé par Wolf, s'est
frayé par sa manière élégante et pratique, bien que souvent
superficielle, une entrée dans les bibliothèques des honmies
^ Publié d'abord en 1672, après avoir été précédé des Elementa
jnrispr. universalis. 1660. Il publia ensuite TouTrage intitulé De offîciis
hominis et civis. 1673. Y. sur Thomase et ses adversaires Struv, Bibl.
juris imper. I, V.
* Notamment dans ses Fundamenta joris naturae et gentium. Halae
1705 et 1708. V. Struv, loc. cit. I, VL
^ luris et iudicii fecialis sive juris inter gentes et quaestionum de
eodem explicatio, publié d'abord à Oxford, 1650 et souvent réimprimé plus
tard. V. Ompteda, à Tendr. cité §64. 130. Wheaton, Histoire des pro-
grès etc. p. 45 (I, 141).
* Son ouvrage principal est: Jus gentium méthode scientifica pertrac-
tatum. 1749. V. Ompteda §93 suiv. Wheaton, Histoire p. 121 (I, 227).
5 Son livre intitulé: Vemunft- und Yôlkerrecht, parut en 1723 et un
autre ouvrage: Vôlkerrecht, en 1752.
26 INTRODUCTION. § 10.
d'état à côté da livre de Grotius.^ Noos nommerons encore
T. Kutheiibrd,* J.-J. Bnrlamaqoi^ et Gérard de RaynevaL^
Les partisans du droit historico- pratique se sont montrés
encore plus hostiles aux idées de Pufendorf. H se sont à lenr
tour divisés en deux fractions, savoir d'un côté les partisans
du pur droit positif qui admettent seulement le droit inter-
national fondé sur les traités et les usages. Os nient d'une
manière absolue ou ils ignorent Texistence du droit naturel,
notamment du droit naturel international. D'un autre côté ceux
qui, en même temps qu'ils regardent la volonté des nations
comme la source du droit commun et pratique, la retrouvent
autant dans les manifestations des actes internationaux, qne
dans la nécessité des choses, dans la position et dans les rsqp-
ports mutuels des États. Bien qu'ils n'admettent point un „jn8
naturale" comme une source obligatoire par elle-même, ils
conviennent néanmoins que la volonté présumée des nations
implique la raison naturelle (ratio naturalis) des personnes, des
choses et des rapports ainsi que les préceptes de la justice en
général.
 cette dernière fraction appartiennent Samuel Rachel
(1628 — 1691), l'adversaire direct de Pufendorf , '^ ensuite Jean-
Wolfgang Textor (1637 — 1701) et plusieurs autres.^ Les par-
tisans du pur droit positif, les hommes de la tradition, de
l'histoire et de la jurisprudence sont: Corneille de Bynkershoek
(1673—1743),^ le Chevalier Gaspard de Real;® en Allemagne
* Lo droit des gens, publié pour la première fois en 1758; avec 1«
not^îs de Pinheiro-Perreira. Paris 1838. 1863. V. Ompteda, loc. cit. p. 39.
Wheaton p. 127 (1 , 236).
' Institutcs of natural law. 2 vol. London 1754.
^ Principes ou éléments du droit politique, publiés d'abord à Genève
en 1747, puis à Lausanne 1784. Cet auteur est très -estimé en Angleterre.
« Institutions du droit de la nature et des gens. Paris an XI (1803)
et 1832.
^ y. sur lui et sur ses opinions Ompteda, loc. cit. § 73.
• V. Ompteda, loc. cit. § 74. 75.
^ Son ouvrage principal sur la matière est le suivant: Quoestionnin
jorii publ. Libri II. Lngd. Bat. 1737, réimprimé depuis. Y. Ompteda § 150.
Wheaton , Histoire 1 , 244 et intem. Law. § 7.
** Dans son ouvrage publié en 1754, intitulé: La science du goaver-
nomont P. V.
§10. I^ DROIT PUBLIC EUROPÉEN. 27
J.-J. Moser^ (1701 — 1786) qui n'admet que rautorité des faits;
ensuite la nouvelle école des publicistes presque tout entière,
depuis que Kant, en renversant le droit naturel, après l'avoir
détaché de Téthique et de la spéculation, a donné au droit la
volonté positive pour base unique. Dans cet esprit enseignait
et écrivait G.-Fréd. deMartens* (1756 — 1821) qui n'admettait
à- peu -près dans le droit public des nations aucune autre auto-
rité que celle des traités conclus entre elles et les principes y
établis, ensuite Ch. - Théophile Gttnther (né en 1772), Frédéric
Saalfeld (à Gottingue, 1809), Th. -Ant.- Henri Sohmalz (1760
— 1831), Jean-Louis Klttber (1762—1835), Jules Schmelzing,
Charles - Louis Politz (1772—1834) et Chr.-Sal. Zachariac
(1769 — 1843). Tous ces auteurs ne reconnaissent l'existence
d'un droit naturel ou philosophique entre les nations qu'autant
qu'il est capable d'influer sur la rédaction des lois positives.
Quelquefois ils le consultent au besoin à titre de loi subsidiaire,
sans s'expliquer aucunement pour quels motifs ils lui accordent
ce titre ni sur les fondements du droit naturel. Les théories
enseignées par ces auteurs sont elles-mêmes dépourvues sou-
vent d'une base positive. M. Pinheiro-Ferreira s'est élevé
naguère avec énergie contre cette école de publicistes: dans
ses commentaires sur Martens il s'est rapproché de nouveau
de l'école opposée qui, pour l'interprétation des lois positives,
appelle à son secours la spéculation et la critique scientifique.*
M. Wheaton aussi , tout en se plaçant du côté de la pratique
et des lois positives, n'a nullement fermé l'oreille à l'équité et
à la critique au point de vue élevé de la justice universelle.*
^ Le principal ouvrage do cet infatigable publiciste est intitnlé : Vef-
such des neuen europâischen Vôlkerrechts. 1777—1780. 10 vol. V. Omp-
teda § 103. Eamptz, Nene Literatnr. § 85.
3 Ci -devant professeur et puis diplomate. Il a publié pour la pre-
mière fois SCS idées dans un programme publié à Gottingue en 1787 et
intitulé: Von der Existenz eines positiven europ. Vôlkerrechts. Y. la liste
de ses publications dans Kamptz, Neue Literatur. § 35 suiv.
s Le droit des gens par G. -Fr. de Martens, avec des notes par Pin-
heiro-Ferreira. 1831. 1863. 2 vol.
* Eléments of the intem. Law. London 1836. 2 vol. publ. aussi à
Boston par Mr. Lawrence, traduit en français sous le titre: Éléments du
droit intem. Leipz. et Paris 1848. 1858.
28 INTRODUCTION. § 10.
C'est ce point de vue qu'ont embrassé en général les pnblicistes
français y anglais et espagnols les plus récents.^
Parmi ces théories si diverses dont nous venons d'esquisser
l'analyse rapide, on rencontre au point extrême celle qui donne
au droit international pour base principale l'intérêt des États,
soit l'intérêt individuel de chaque État en particulier,^ soit
l'intérêt collectif de tous. Montesquieu d'abord* et tout récem-
ment Jérémie Bentham^ ont professé cette théorie. Le vrai
utile sans doute s'identifie avec les commandements de la mo-
rale: néanmoins il faut convenir en même temps que ce mot
se prête facilement à des malentendus.^
La philosophie la plus récente n'a pas réussi non plus à
mettre un terme à la contradiction des théories et des prin-
cipes. Tantôt, avec Schelling, elle suppose une révélation de
la loi, émanation de l'esprit divin, accordée aux nations: tan-
1 Nous nommerons parmi les auteurs français: Du Rat-Lasalle, Droit
et lëgislation des armées de terre et de mer, qui contient dans le t I.
p. 870 un précis du droit des gens ; surtout Th. Ortolan , Règles internatio-
nales do la mer. Paris 1845; parmi les auteurs anglais: Oke Manning,
Commentarics on the Law of Nations. London 1839. James Reddie, Be-
Boarohcs in luaritime intem. Law. Edinb. 1844. 1845. 2 vol. Wildman,
Intem. Law. London 1849. 2 vol. Rob. Phillimore, Commentaries upon
Intem. Law. Lond. dep. 1854. 4 vol. Travers Twiss, the Law of nations.
Oxford 1861; pour l'Amérique du Sud André Belle , Principios de dereeho
de gcntes, publié à Santiago de Chile, réimprimé à Paris en 1840; parmi
les auteurs espagnols José Maria de Pando (décédé en 1840), £lementos
del Dorccho Intem. Madr. 1843. Ant. Riquelme, Elementos de Dereeho
Publ. internacional, con explication de las reglas que constituyon el deredio
internacion. Espagnol. 1. 1. II. ; pour l'Amérique du Nord Kent , Commen-
tarics on American Law. Vol. I. H.-W. Halleck, Intemat. Law in Peaoe
and War. New -York 1861. Les auteurs néerlandais sont énumérés par
Did. van Ilogcndorp, de iuris gent. studio in patria. Amstelod. 1856.
* On ))0ut reprocher surtout cet égoïsme national aux antenrs da
droit maritime dont nous parlerons ci -après, notamment aux autevn
anglais. Los auteurs ftançais au contraire se sont rapprochés en oe do-
nior temps du point do vue cosmopolitique des auteurs allemands et acta-
dinavet,
* De Tcsprit des lois. I, 8.
« Jerem. Bentham, Prindples of intem. Law. (Works, oolL under
anporintendence of J. Bowring. P. Vin. p. 585 et suiv.).
* On trouve de bonnes observations dans Oke Manning p. 58 suiv.
§11. DROITS RÉCIPROQUES SPÉCIAUX DES NATIONS. 29
tôt, avec Hegel, elle revendique le droit international aussi au
profit de la liberté humaine, au profit de la volonté qui pose
elle-même le droit, soit individuellement, soit dans la com-
munauté sociale.
Nous avons déjà exposé notre propre opinion aux §§ 2 et 3
ci -dessus.^ Du reste nous nous dispensons d'indiquer déjà ici
les matières spéciales du droit international, lesquelles sont
traitées par les auteurs séparément, p. ex. le droit maritime,
le droit de guerre, les droits des Aubains etc. en renvoyant
nos lecteurs aux chapitres de notre ouvrage qui traitent les-
dites matières.
m.
DROITS RÉCIPROaUES SPÉCIAUX DES NATIONS.
Caractère général de ces droits.
§ 11. Le droit international européen engendre non -seule-
ment par lui-même des droits et des obligations mutuelles
entre tous les États qui appartiennent au concert européen,
mais il fait naître encore sous son égide des droits spéciaux
entre Fun et l'autre État (§ 12). En général tous les droits
de ces deux espèces ont pour objet ou des intérêts matériels
ou de pures convenances extérieures connues dans le langage
diplomatique sous le nom de „ Droits de cérémonie, droits
cérémoniaux." Ces derniers ne sont souvent que les formes
extérieures de rapports nécessaires. Nous n'en tiendrons
compte qu'autant que le droit international autorise les gou-
vernements d'exiger leur observation dans leurs rapports mu-
tuels. Mais nous n'entendons nullement nous livrer à l'examen
* Wamkônig a donné un aperça très -estimable des diverses théories.
Voy. Tiibinger Zeitschrift fur Rechtswissenschaft. Vol. VII, 622 suiv.
30 INTRODUCTION. § 12.
du cérémonial intérieur des cours et des autorités constituées
dans leurs relations publiques ou au dehors ^ dont les disposi-
tions sont réglées par Fautonomiede chaque État^
Modes d^acqolsition.
§ 12. Les fondements particuliers sur lesquels les droits
particuliers des États reposent , sont
l*' les traités internationaux;
2** l'occupation ou la prise de possession des biens sans
maître.
A ces deux modes, qui feront Tobjet d'un examen nltériear,
il faut ajouter encore:
3" la possession immémoriale;
4** les usages, les coutumes reçus entre plusieurs nations,
manifestés par des actes extérieurs et non contestés,
lorsque notamment ils ne sont pas reflfet de Terreur ou
de la violence;*
5** la prise de possession par suite d'une renonciation ex-
presse ou tacite.
Mais le droit public européen n'admet pas indistinctement
l'autorité de la „ prescription," bien que la prescription forme
une partie intégrante et nécessaire d'un système complet de
lois civiles. L'école, la doctrine a longuement discuté cette
(jnestion, sans l'avoir pleinement résolue.* En cflBet la pratique
internationale s'est toujours refusée à admettre la prescripâou
d'une manière absolue. Elle pourrait servir de règle dans
certains corps d'États fédéraux, comme autrefois elle a eu sa
> Nous employons le mot „ droits cérémoniaux" dans un sens sjdch
nymo à celui qu'on attache au caractère cérémoniel des agents diplomatiques.
Orapteda, loc. cit. § 206 déjà se plaignait des fréquents malentendus de ce
mot, malentendus qui ont fait considérer tous les droits cérémoniaux comme
une ))artio intégrante du droit international.
• V. GUnther, Europaisches Vôlkerrecht. I, p. 16 — 20. 28—31. Mar-
tcns, Précis du droit des gens (1821) § 6. 65 — 67.
" Ompteda § 213. Kamptz § 150. Pinheiro-Ferreira sur Martens,
note 31, remarque à juste titre qu'il faut distinguer droit et loi de pre-
scription.
§13. DBOITS RÉCIPBOQUES SPÉCIAUX DES KATI0H8. 31
valeur dans Tancien empire germanique , mais il serait même
difficile de l'appliquer encore sans loi expresse aux rapports
établis actuellement entre les divers souverains de FAllemagne.
H est donc constant que les droits une fois acquis , aux-
quels des clauses spéciales ou leur but n'assignent pas une
durée limitée, subsistent indéfiniment et aussi longtemps que
les parties intéressées n'y renoncent ou ne se trouvent pas
dans l'impossibilité de les exécuter. La renonciation peut faire
l'objet d'une convention expresse ou tacite, résultant d'un aban-
don volontaire qui met le possesseur à l'abri de toute con-
testation. D est incontestable en même temps que l'abandon
peut être présumé en cas d'une très -longue possession non
contestée et non interrompue; c'est toujours aux principes de
la renonciation qu'il faut recourir en pareille question.^ La
prescription est purement une question de fait
Il en est de même à l'égard de la prescription immémo-
riale (antiquitas, vetustas, eujus contraria memoria non existit),
c'est-à-dire la possession dont l'origine est inconnue et qui
contient une présomption de propriété. La possession inuné-
moriale est un titre approbatif du fait accompli, titre devimt
lequel doit se taire l'autorité de l'histoire. A combien de con-
testations les limites territoriales et les droits des États ne
donneraient -ils pas lieu si on prétendait leur demander leurs
titres légitimes, s'ils ne puisaient leur raison d'être dans la
force de faits accomplis? Néanmoins il faut convenir en même
temps qu'un siècle de possession injuste ne suffit pas pour
enlever à celle-ci les vices de son origine.'
La possession sert de règle subsidiaire aux rapports
Internationaux.
§ 13. A défaut de lois clairement définies, les hommes
peuvent régler librement leurs rapports par la force seule de
> Grotius n, 4, 1 et suiv. PufeDdorf IV, 12, 11. Vattel H, 11, f 149.
WheatoD U , 4, § 4.
s Grotius U, 4, § 7. Vattel II, 11, § 143. Waecbter, De modis tollendi
pacta inter gentes. Stattg. 1779. § 39 sniv. de Steck, ÉclairdMeinentH de
divers sujets. lagobt. 1785. Gfinther, Vôlkerr. I , p. 116 suiv.
32 DrrBODrcnoir. § 13.
leur volonté. Ctui là qae repose le caractère l^al de h
[ptrmieimon qai, entre les nations comme entre les indnidiiâ.
sert de règle da moins pro>îsoire aox rapports réaproque^
De fait la p^issession exercée librement par une personne
est un Bi:ie c^^nstitutif on déclaratif de son droit individaeL
lequel à la vérité ne saurait prévaloir sur nn droit préexistant
mais qui néanmoins en suspend l'exercice et qu'il fant main-
tenir; en cas de contestation , jusqu'à la décision da litige. Si
rÉtat lai -même protège la iiossession jusqu'à nn certain point
à plus forte raison sous le nom de ,,uti possidetis^' et de
^ statu quo^^; la possession s'applique aux rapports libres des
États. Ce caractère d'un fait tenant lieu du droit dn moins
provis^)irement et conférant une espèce de sanction aux rap-
|H;rts nés sous son empire , sauf les droits incontestables de
propriété; la possession le conserve également à Fégard des
tiers. *
Au sur]>lus la nature de la possession en matière inter-
nationale est la même qu'en matière civile , sauf cette diffé-
rence (|ue les dispositions des lois civiles relatives aux con-
ditions et aux formes des poursuites judiciaires ne sont pas
appli<'iibles en matière internationale^ excepté les États fédéram
o(i l'autorité <îentralc exerce une espèce de juridiction entre
les divers membres. C'est ainsi que la diète de la Confédé-
ration gennHni<{Uc intervint quelquefois dans les contestations
possessoires nées entre les souverains de l'Allemagne, en se
conformant dans ses arrêts aux dispositions du droit commnii
do ran(*.i(*n Kmpire. Devant un tribunal semblable il est per-
mis aussi d'opposer les exceptions résultant d'une posses-
sion vicieuse.' Mais en général il suflit (^u'on possède ré-
ellement et pour soi. Au reste il n'est pas douteux qne.
do mi^mo ({u'en matière civile , la possession internationale
compnmd les choses corporelles et incorporelles (juris quasi
> (îrotiuH I. 4. 20. 11. 4, 8. § 3. Sclmialz, Vôlkerr. 208. Klûber,
Druit (loH ^ouH. ^ 0. WildiUAii, Iiitorn. Law. I, p. 57 professent une théorie
mialuKUo tpio iiuiim roii'o\ivoii8 i^^aloinont dans la Déclaration du Saint Siégf
du 1» noût 1H:U. (Voir Tappondico).
* iiQftod UiH) vi uoo olam uoo precario alter ab altère possidetis.'*
§ 13. DHOITS RÉCIPROQUES SPÉCIAUX DES NATIONS. ' 33
possessio); mais en tont cas la possession suppose la connais-
sance du possesseur et ne dépasse pas les limites de la déten-
tion réelle. L'État est représenté à cet effet par les organes
on les délégués du pouvoir souverain.^
ï Grotius m, 21, 26.
Heffter, droit international. S« éd.
LIVRE PREMIER.
DROIT INTEMATIONAI FONDAMEKTAL, SURTOUT
PENDANT LA PAU.
Chapitre P'*
DES PERSONNES ET DE LEURS RAPPORTS
FONDAMENTAUX.
Obserratloiis générales.
§ 14. Les personnes physiques ou morales que Ton doit
considérer comme des sujets immédiats du droit iiitematiouâl
actuel, sont:
I. les nations ou États appartenant au concert européen;
II. les souverains de ces États , leurs familles et leurs agents
diplomatiques ;
m. les regnicoles de ces États par rapport aux autres États.
Ces diverses personnes jouissent en leur qualité de membres^
de l'association internationale de certains droits incontestés et
naturels, auxquels sont venus se joindre certams droits positif;
consacrés par les usages et les traités publics. Outre cela le
droit commun prescrit aussi l'observation de certaines règles
envers tout homme, de quelque nationalité qu'il soit, de ma-
nière qu'on doit regarder généralement l'homme en soi-même
comme objet du droit européen.
D'un autre côté ce droit n'admet plus aujourd'hui l'exi-
stence politique et presque souveraine d'associations purement
privées, dont il existait autrefois de fréquents exemples. TeUes
furent ces associations commerciales des villes qui ont exercé
une influence considérable sur les développements du droit
§ 15. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PADC. 35
international, surtout maritime. La plus célèbre en fut la Ligue
hanséatique, nommée ainsi dès 1315 et transformée par la
suite en véritable corps politique, qui faisait la guerre sur mer
et sur terre pour ses intérêts et s'établissait en vertu de traités
et de privilèges dans des pays étrangers.^ Les compagnies
de commerce, qui ont joué également un rôle important dans
la politique coloniale des trois derniers siècles, en diffèrent
essentiellement. Soumises au contrôle permanent des gouver-
nements sous les auspices desquels elles s'étaient formées, elles
ne sont jamais devenues des personnes morales du droit inter-
national.*
SECTION I.
ÉTATS SOUVERAINS.
I. Définition, nature et diverses espèees d'États.
§ 15. Une nation, un État est une association permanente
d'hommes réunis et régis par une volonté commune dans le but
de pourvoir à leurs besoins physiques et moraux. Sa tâche
principale consiste dans le développement rationnel de la Uberté
humaine. Les États particuliers représentent à peu près autant de
familles du genre humain, sans qu'on puisse admettre l'existence
d'un État universel, sinon par fiction arbitrdre. C'est dans la
diversité des États seulement que les forces humaines peuvent
se développer librement d'une manière régulière et permanente,
et l'État universel, s'il pouvait s'établir, provoquerait aussitôt
l'insurrection de tous les éléments nationaux.
' y. sur la ligne hanséatique les ouvrages de Sartorins et de Lappen-
berg; aussi Ward, Enqairy II, 276 suiv. Pardessus, Droit marit. t II,
90, 453. m, 150. Pûtter, Beitrâge 137. Heinr. Handelmaim, Die letzten
Zeiten hanseatiscber TJebermacht in Scandinayien. Kiel 1853. Barthold,
Geschichte der dentscben Hansa. Leipzig 1854. 2 vol. Moser, Versucb.
VU, 313. .
s y. les écrits indiqués par Eamptz (Contin. d'Ompteda) § 260.
L'exemple le plus remarquable sera toujours la Compagnie anglaise des
Indes orientales (Miltitz, Manuel des Consuls II, 621 suiv.), dont le pou-
voir a cessé depuis le 1«' novembre 1858.
3*
36 LIVRE PREMIER. §16.
L'existence d'un État suppose les conditions suivaûtes.
savoir :
I. Une société assez nombreuse et capable d'exister par elle-
même et dans rindé))endance ; ^
IL une volonté collective régulièrement organisée ou une auto-
rité publique chargée de la direction de la société vers le
but que nous venons d'indiquer;
nL la permanence de la société (status), base naturelle d'un
développement libre et permanent, et qui dépend essen-
tiellement d'une propriété territoriale suffisante, de l'apti-
tude intellectuelle et morale de ses membres.
Là où ces trois conditions ne se retrouvent pas entière-
ment, il n'y a qu'embryon d'État ou un État transitoire, simple
agrégation d'individus dans certains buts. Ce sont des hordes,
sociétés sauvages qui, dépourvues de tout élément de développe-
ment intérieur, sont condamnées à se dissoudre elles -même&
La théorie ancienne est d'accord là -dessus avec la théorie
moderne, que des réunions de ce genre ne sauraient être regar-
dées comme des États. ^
L'importance historique ou universelle des États établis e«t
en outre tantôt transitoire et de circonstance ou de nature à
se dissoudre elle-même pour devenir le noyau d'États futurs,
tantôt naturellement permanente , lorsqu'ils reposent sur la sè?e
et sur l'unité nationales.
Nous regardons comme oiseuse la question agitée psr
l'école et qui consiste à savoir: quel est le nombre de per-
sonnes nécessaires pour former un État? si une, deux, tm
personnes y suffisent? Les traits distinctifs de l'État que mm
venons d'indiquer, répondent suffisamment à cette question.
§ 16. Le poids plus ou moins considérable que la puis-
sance d'une nation jette dans la balance politique des États,
ne modifie nullement le caractère légal des rapports internatio-
naux, bien que l'importance de la puissance réelle des nations
1 C'est ce qa'Aristote, Polit. I, 1, exprime par le mot aùrn^xtuL
* Y. anssi H. Qroot m, 3. I, 1 avec les citatioas de Cie. Philipp.
rV, 15 et de joriflconsnltes romains.
§ 16. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 37
se révèle dans leur existence physique^ dans la pratique et
dans la politique des États. A cet eflfiet on distingue entre les
États de premier, de second, de troisième et même de quatrième
rang, et cette distinction parfaitement fondée est d'une vérité
incontestable, pourvu qu'on n'essaye pas de la réduire à de
simples chiffres de population.
Pareillement la constitution intérieure des États est d'une
certaine influence sur les rapports internationaux. Elle déter-
mine notamment la ci^pacité des parties contractantes, bien
que l'adoption d'une constitution soit une affaire purement inté-
rieure de chaque État. Sous ce point de vue , on distingue
surtout deux espèces de gouvernement, la monarchie et la
république, offrant chacune des combinaisons diverses. Entre
ces deux espèces se placent les gouvernements bâtards, appelés
par Aristote „parecbases" et ceux mixtes.
La vraie monarchie est l'autocratie d'un seul reposant sur
des titres non contestés et gouvernant d'après des maximes
rationnelles.
Dans la monarchie absolue la volonté du monarque se con-^
fond avec la raison d'État (l'État c'est moi). Par une espèce
de fiction on y suppose que le monarque ne peut faire aucun
mal à ses sujets.
D'un autre côté la monarchie constitutionnelle assujettit le
gouvernement lui-même à certaines lois et le rend responsable
envers la nation, qui par suite est regardée comme un Être légal.
Les États monarchiques portent des noms différents, et ces
noms dépendent, d'après les traditions, des titres de leurs sou-
verains. A cet effet on distingue les titres d'empereur, de roi,
de prince et de duc.
Le titre de roi est plus ancien que celui d'empereur et
en quelque sorte le titre primitif.* D indique chez les peuples
germaniques le chef ou seigneur patrimonial ou féodal, tandis
que le titre postérieur d'empereur implique l'idée de maître
souverain.
Le titre de prince (Ftirst), s'appliquait en principe aux pre-
miers sujets de l'État seulement; leurs dénominations spéciales
> Grimm, Deutsche Bechtsalterthfimer.
38 UVKË PREMIER. §:
Bont empruntées an régime féodal da moyen âge, telles qae di
margrave, etc.
Le titre de grand -duc est devena depuis le xvi'' àik
un titre intermédiaire entre celui de roi et de prince.^
La tyrannie, Tancienne tyrannis ou Fusuipatioiiy oceo]
une place à côté de la monarchie. Elle gouyeme non par
droit, mais par la force et l'intimidation.
D y a un gouvernement populaire, lorsque le corps de i
nation retient à lui Tempire ou le droit de conunander, 8'
commande et obéit à la fois. Cette déânition comprend I
démocratie, l'aristocratie et l'ochlocratie.
Dans la démocratie pure tous les membres natarellema
capables de la nation participent à l'exercice da pouvoir soi
verain.
Dans l'aristocratie l'exercice du pouvoir souverain s^pa
tient à un certain nombre de citoyens privilégiés, et Fautonomi
populaire y est fondée sur l'inégalité. L'aristocratie se man
feste sous les diverses formes de timocratie, d'oligarchie et d
plutocratie.
L'ochlocratie, espèce bâtarde de la démocratie, est le rëgn
mobile des masses qui s'inspirent de leurs passions et de leoi
caprices passagers.
§ 17. Dans l'ordre historique universel il faut distingue
l'État oriental de l'État européen.
L'État oriental est celui de la résignation et du servagi
dans lequel le despotisme ou l'oligocratie s'est alliée à I
hiérarchie. L'État slave en est une forme ennoblie par I
christianisme et par la culture occidentale, auxquels sont venue
se joindre quelquefois les institutions et les classes féodales.
L'État européen présente les phases suivantes:
l'État classique de l'ancien monde, royauté héroYqt
d'abord qui gouverne avec le concours des gérontes, tran
formé par la suite en démocratie. Rarement il revêt h
formes de la monarchie pure, jusqu'au moment où il se perdi
^ La titre de grand -dnc a été créé d'abord au profit de la Toseai
par un décret da Saint- Siège rendu en 1569, confirmé par une ordonnant
ipériale do 1675. Y. Pfefftnger, Vitr. iUuatr. 1 , 747. 748.
§ 18. DROIT INTEKNATIONAL PENDANT TA PAIX. 39
dans Fempire romain qui, gouverné exclusivement d'après les
convenances politiques, absorbera l'ancien monde tout entier;
rÉtat germanique primitif du moyen âge ou cçlui de la
propriété foncière et de la commune rurale;
rÉtat romano - germanique , calqué sur le type de l'empire
romain avec les modifications apportées par le régime féodal
et communal;
l'État absolu, compris aujourd'hui sous le nom d'ancien
régime;
ensuite l'État moderne et constitutionnel, ou l'autorité
publique basée sur l'accord de volonté, réel ou présumé, du
gouvernement et des gouvernés. Il repose soit sur l'idée de
la souveraineté du peuple (État populaire), soit sur l'autorité
souveraine du prince et sur les droits garantis des sujets (État
dynastique et constitutionnel), soit enfin sur le règne parle-
mentaire de classes privilégiées qui ne laisse subsister qu'une
ombre des prérogatives de la couronne;
enfin l'État républicain, jadis aristocratique, comme celui
de Venise et de Gênes ; aujourd'hui presque sans exception d'un
caractère démocratique.
Le droit public interne indique les développements ulté-
rieurs de ces diverses formes de gouvernement.
§ 18. La souveraineté internationale des États repose
essentiellement sur l'organisation d'un pouvoir régulièrement
constitué et indépendant. Cette indépendance des États néan-
moins ne présente pas partout le même caractère unitaire et
exclusif, ni légalement, ni de fait. A cet effet les auteurs
distinguent plusieurs catégories, notamment l'État simple, l'État
composé et les confédérations d'États.
L'État simple est celui qui, indivis et en possession de la
souveraineté complète dans son intérieur, n'est lié, en dehors des
rapports internationaux ordinaires, à aucun corps politique
externe d'une manière permanente.
L'État composé ou, selon l'expression de l'école, le système
d'États (systema civitatum),^ comprend
^ y. Sam. a Pufendorf , De systematibus dvitatntii dans ses Dissert. .
acad. sélect. Lond. Scand. 1675. p. 264. J. C. Wieland , De system. civit.
40 LIYBE PBEIMIEB. §19.
1"* rÉtat mi - Bonverain ^ soumis à la suzeraineté d'nn antre
État parfaitement souveiain.' Nons en parlerons au § 19
ci -après; et
2*" la réanion de plusieurs États souverains sons on gouyer-
nement commun (unio civitatum): il en. existe également
plusieurs espèces (§ 20 ci - après).
A côté de toutes ces catégories il y a encore des confédé-
rations perpétuelles de plusieurs États (conibederationes civita-
tum) pour leur défense et la garantie commune de leurs droits
(§ 21 ci -après).
Enfin rÉtat complètement souverain pent^ dans ses rap-
ports extérieurs, être assujetti à certaines restrictions, que noo^
examinerons au § 22.
§ 19. Il faut convenir que Tidée d'une mi - souveraineté
est très -vague et présente même une espèce de contre - sens,
le mot de souveraineté excluant toute dépendance d'une puis-
sance étrangère. . Néanmoins , comme la souveraineté a une
signification double: souveraineté extérieure par rapport aux
puissances étrangères; souveraineté intérieure par rapport an
régime intérieur de l'État, il est permis de parler d'un État
mi -souverain pour indiquer la nature bâtarde d'un corps poli-
tique soumis dans ses rapports extérieurs à une puissance supé-
rieure.^ Dans le monde ancien on peut citer conmie exemples
les alliés sujets des Athéniens et les populi lîberi, alliés des
Romains en vertu de la clause : „ ut majestatem P. R. comiter
servarent,"* enfin les „subreguli" et les tétrarques compris
dans le vaste empire romain. Telle fut aussi à peu près la
condition des princes territoriaux de l'empire germanique avant
l'extension démesurée de leur autorité, établie par la paix de
Lips. 1777 et dans ses Opéra acad. I, ii. 2. Pôlitz, Jahrbûcher der Ge-
achichte nnd Staatskunst 1829. I, G20. Ch. Lad. Stieglitz, Quaest jur.
pnbl. specim. L Lips. 1830.
> L'expression d'État mi -souverain a été employée pour la première
foia par J. J. Moser, Beitr. zum Vôlkerrecht in Friedenszeiten. I, 508.
* Les mots de ,, suzerain*' et de ,, suzeraineté '* dérivent du mot latin
«sursum/ Us désignaient autrefois une position supérieure dans le système
féodal de la France.
3 Comparez Gûnther, Vôlkerrecht. I, p. 121.
» V. 1. 7. S 1. D. de captivis.
§20. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 41
WestphaliC; et la condition seniblable des princes féodanx dé-
pendants de la couronne de France. De nos jours on pouvait
y compter encore la seigneurie de Kniphausen située dans
rAUemagne du Nord. Elle jouissait de tous les droits de sou-
veraineté intérieure, notamment de sa législation propre et du
droit de pavillon pour la protection de sa marine marchande,
en même temps qu'elle relevait, sous la garantie de la Diète
fédérale, de la suzeraineté du duché d'Oldenboui^, suzeraineté
qui avait succédé à celle de Tempire germanique. Un traité
conclu entre le comte de Bentinck, dernier possesseur de cette
seigneurie, et le duc d'Oldenbourg, sous la médiation des cours
d'Autriche, de Prusse et de Russie, (compromis de Berlin du
5 juin 1825) et garanti le 9 juin 1829 par la Diète fédérale,
avait scellé cet état de choses particulier, auquel le fait d'une
transaction du 13 a\Til 1854 a mis fin au profit d'Oldenbourg.
Eestent encore les principautés électives de Moldavie et de
Yalachie, dont la constitution a été réglée par la Paix de Paris
en 1856 et en suite de celle -ci par les décrets des assemblées
nationales des deux principautés en 1859; pareillement la prin-
cipauté héréditaire de Servie, qui jouit de bien des libertés,^
et les États barbaresques, qui relèvent de la Porte, comme
États mi -souverains.*
§ 20. Une union d'États souverains (unio civitatum)* peut
être le résultat de leur réunion accidentelle sous le même chef
(unio personalis). Dans ce cas chacun conserve la plénitude
de ses droits souverains. Bien qu'étrangers les uns aux autres,
ils ne pourront jamais se faire la guerre entre eux. Ou bien
les diverses nations dont se compose l'union, contractent des
< M. Tkalac dans son ouvrage sur le droit pnblic de Servie, Leipzig
1858, voulait même revendiquer à sa patrie une presque -souveraineté,
y. l'acte de paix conclu à Paris le 30 mars 1856 art. 28. 29.
^ Le district de Poglizza en Dalmatie fut considéré aussi naguère
comme État mi -souverain, sujet à la suzeraineté de FAutriche. 11 ne peut
plus en être question aujourd'hui. V. Neigebaur, Sûdslaven. Leipz. 1851.
p. 165. De même les Princes territoriaux de TEmpire germanique et mé-
diatisés eu suite de la Confédération rhénane de 1806 ne sont nullement
mi -souverains; ils ont été soumis aux droits de souveraineté des États
actuels de TAUemagne.
3 Comparez Kltiber, Droit des gens § 27.
42 UVKE PRËBilEB. §20
rapports qui préparent la ftision totale on partielle de leurs
destinées (nnio realis). A cet effet on distingae l'État incorporé
de Tunion fondée sur Fégalité politique des membres dont elle
se compose.
L'État incori)oré forme un accessoire de TËtat principal et
en partage le sort politique. Les colonies modernes par rap-
port à leur métropole en sont un exemple.
L'union politique qui a pour base l'égalité des droits, se
présente sous des formes diverses. Tantôt elle Fa engloutir
entièrement un État jusque-là indépendant dans mi autre (nnio
extinctiva), comme le royaume de Pologne, fondé en 1815, viait
d'être transformé successivement en province de l'empire rosse;
tantôt elle a pour but de faire jouir les nations réuiies des
bienfaits de la paix et de partager entre elles les hasards de h
guerre: telle est celle de la Suède et de la Norwége en vertu
de Tacte d'union du 31 juillet et 6 août 1815.* Tantôt plusieurs
nations sont réunies en un seul État et sont régies par la même
constitution, soit en formes monarchiques, comme les États
héréditaires de la monarchie autrichienne et les trois royaumes
unis d'Angleterre, d'Ecosse et dlrlande; soit sur la base d'Éut
fédéral et démocratique. L'ancien monde nous en fournit on
exemple dans la confédération achéenne;* le monde modem
celui des États - Unis de l'Amérique , ' du Mexique , et celui de
la Suisse depuis 1848.*
Au reste l'union politique n'est nullement exclusive de
l'existence individuelle des divers corps dont elle se compose,
mais celle-ci est limitée d'après les clauses du pacte d'union
au profit du pouvoir central. Ce pouvoir lui-même à son
» Martens, N. Rec. JI, 608—615.
« V. Polybe II, 37, 10. 11. Fr. W. Tittmauii, Griechische Staits-
verfaflsungon. 1822. p. 673. 667. Saint -Croix, Des anciens gouvem. fédë-
ratifs. Strasb. 1800. A.-Ë. Zinserling, Le système fédératif des anciens
mis en parallèle avec celui des modernes. Heidelb. 1809. Pôliti, Di«
Staatensysteme Ëuropas and Amcrikas. Leipzig 1826. 3 vol.
' V. sur la Constitution des États-Unis Story, N. cours de droit poli-
tique, trad. par Odent. Paris 1843. James Kent, Comment, on the Am^
rican Law. New-York. 2« éd. 1882. (Trad. en allemand par Biaung.
Hcidelberg 1836). Phillimore. Intem. L. I, 138.
« Phillimore, ib. 184.
§21. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 43
tour devient impuissant quelquefois en présence de la tendance
centrifuge des États de Tunion, tendance qui peut avoir pour
résultat de faire succéder à TÉtat fédéral la confédération
d'États.
§ 21. La confédération d'États diffère essentiellement de
rÉtat fédéral. Privée d'un pouvoir général et central, elle
forme pourtant une association politique permanente, ayant des
organes communs et des institutions organiques conformes aux
stipulations du pacte fédéral. Les divers États alliés con-
servent leur pleine souveraineté sous tous les rapports, et
n'obéissent aux décisions du pouvoir fédéral qu'autant qu'ils
s'y sont soumis volontairement, tandis que dans l'État fédéral
les divers corps dont il se compose ont cessé d'être entière-
ment souverains. La confédération n'est le plus souvent qu'un
premier pas fait par de petits États qui, pour sortir de leur
isolement et remédier à leur faiblesse, se rapprochent entre
eux comme des tribus d'une souche commune. Quelquefois
aussi, ainsi que nous venons de le dire, la confédération de-
vient la dernière manifestation d'un État fédéral. Dans l'ancien
monde, elle a porté le caractère de simples alliances de pro-
tection et de défense, comme dans les ligues des villes grecques
et latines. Dans le monde moderne c'est la forme fédérale
qu'avaient adoptée autrefois les cantons de la Suisse et les
sept provinces unies des Pays-Bas, à la suite de leur insur-
rection contre la couronne d'Espagne, enfin la confédération
d'Allemagne qui a subsisté depuis 1815 jusqu'en 1866.
L'influence des rapports fédéraux sur la constitution parti-
culière des divers États peut varier naturellement et rapprocher
la confédération de la nature de l'État fédéral. En effet cette
tendance centripète a fait naître après la dissolution de la
Confédération germanique une Confédération plus étroite des
États du Nord de l'Allemagne et en suite de l'accession des
États du Sud en dehors de l'Autriche, le nouvel Empire con-
fédéré germanique.
Généralement c'est dans les relations avec les puissances
étrangères que se manifeste l'efficacité de la confédération : c'est
par là qu'à son tour elle devient une personnalité dans le
44 LIVRE PKEMTER. § 2
système international. Enfin la confédération la plus viah
sera celle qui a pour base Tunité nationale des États réunis.
§ 22. Ce ne sont pas seulement les rapports fédéraux q
modifient l'autonomie souveraine des nations. Cette autonon
peut subir encore d'autres modifications plus ou moins pi
fondes, sans faire renoncer les nations à leur souveraineté. No
allons en indiquer les principales, quoiqu'elles soient très -rai
aujourd'hui :
I. Restrictions volontaires de certains droits souverains
profit d'une puissance étrangère, telles que des servitudes d'Ét
que nous traiterons au § 43, ou concessions de certains avs
tages et de certaines prestations permanentes, telles qu'n
rente ou un tribut proprement dit comme prix de rachat desti
à faire cesser les vexations du plus fort;
IL Pactes de médiation et de garantie, que nous expliqi
rons au chapitre relatif aux contrats (§ 97);
m. Rapports féodaux: une puissance ayant donné i
souveraineté en fief, le souverain de celui-ci s'est rendu vol
tairement feudataire de l'autre. La constitution d'un fief i
naître certains droits privés et certains devoirs réciproques en
le suzerain (dominus feudi) et le vassal, notamment celui d'i
fidélité mutuelle. Ainsi p. ex. ils ne doivent pas se faire
guerre entre eux; la félonie donne lieu à la commise du f
L'hommage ne porte aucun préjudice aux droits territoriaux
vassal ni à ses rapports avec les souverains étrangers,^ poux
que ces rapports laissent subsister le lien féodal.* Les Et
feudataires sont devenus de nos jours très -rares. Le Uen féo<
du roi des Deux-Siciles par rapport à Naples envers le Sa
Siège n'existe plus de fait.* En AUemagne la confëdérati
rhénane l'a fait cesser presque partout et la confédération g
manique l'a regardé comme incompatible entre ses membi
souverains ; *
* Bodinus, De republ. I, 9. Textor, Synops. jur. gent. IX, î
H. G. 8cheideiDantcl , De nezu feudali inter gentes. Jenae 1767.
« Gûnther, Vôlkerr. I, 135. Moser, Vers. I, 7.
* Ce lien datait des temps des Normands. Il fut déjà modifie <
1791. V. Colletta, Storia di NapolL H, c. 13. IH, 1. Vm, 25.
« y. le décret de la Diète fédérale du 20 janvier 1848.
§ 23. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 45
IV. Traités de protection, par lesquels un État faible se
soumet à la protection d'un plus puissant. L'histoire politique
à toutes les époques offre des États de ce genre, nommément:
les îles ioniennes, ci -devant république aristocratique sous
la protection perpétuelle du roi d'Angleterre, en vertu du traité
de Paris du 5 novembre 1815 et de Pacte constitutionnel du
29 décembre 1817; elles font maintenant partie du royaume
de Grèce;
les principautés danubiennes, soumises depuis le traité
d'Andrinople de 1829 au protectorat de la Russie, protectorat
remplacé par la garantie collective des puissances signataires
de la paix de Paris en 1856;
la principauté de Monaco, propriété de la famille de Gri-
maldi-Valentinois: l'Espagne d'abord, la France depuis 1641
jusqu'à la révolution, enfin la Sardaigne (par le traité de Paris
de 1815) se sont succédé dans le protectorat de cette princi-
pauté,^ actuellement comprise dans le royaume d'Italie;
enfin la ville libre de Cracovie (art. 6 de l'Acte final du
Congrès de Vienne), incorporée depuis 1846 à la monarchie
autrichienne.
Régulièrement le traité de protection a pour but de sauve-
garder l'indépendance de l'État protégé, incapable de se garantir
lui-même d'insulte et d'oppression. En reconnaissance de la
sûreté qu'on lui procure, l'État protégé doit, dans ses relations
extérieures, s'accommoder à la politique de l'État protecteur
et régler en conséquence sa conduite à l'intérieur, afin d'éviter
des complications au dehors. Mais souvent cette sorte de sou-
mission a eu pour effet de réduire la condition de l'État pro-
tégé à celle d'État mi- souverain ou accessoire, et rarement les
traités et les usages ont fixé les clauses de la soumission.
Certainement une soumission tout- à -fait volontahre sera essen-
tiellement révocable.*
§ 23. L'origine des États est en général le résultat d'évo-
lutions oi^aniques. Tantôt, comme l'État patriarcal primitif,
^ y. Moser, Answ. Staatsr. V, 3. 399. de Béai, Science du gouv.
JV, 2. 3. 21. Murhard, N. Suppl. t. H. 1839. p. 343.
« V. surtout Vattel I, §§ 191—199. Oûnther, Vôlkerr. I, 131.
46 LIVRE PREMIER. § 23.
il a été le produit de la vie de famille et de tribu, tantôt,
comme TÉtat hiérarchique, il s'est formé sous Finfluence des
idées religieuses, tantôt, comme l'ancien État héroïque, et plus
tard l'empire romain et l'État féodal, il a été fondé par le
génie et l'énergie d'hommcB supérieurs. Souvent l'établissement
de colonies a engendré de nouveaux États. Au moyen âge
l'usurpation, la conquête, les partages, de nos jours l'émanci-
pation, l'affranchissement de pays aciîessoires ou de colonies
de leurs métropoles en ont été des sources fréquentes.
Un État existe de fait dès qu'il réunit les éléments néces-
saires, indiqués au § 15 ci -dessus, c'est-à-dire la volonté
unie à la force et aux moyens indispensables pour défendre
son indépendance. De là naît également l'obligation des autres
de respecter cette indépendance. Néanmoins les principes de
la justice qui régissent l'Europe chrétienne prescrivent en outre
que l'existence d'un État ne lèse pas les droits des autres
États qui appartiennent déjà au concert européen (Neminem
laede!), que du moins la lésion cesse ou que l'État lésé re-
nonce : c'est à cette condition qu'un nouvel État devient légi-
time. Aussi longtemps que l'État lésé n'a pas renoncé, qu'il
s'oppose et qu'il a recours à la force des armes pour rétablir
l'ancien ordre de choses, les autres puissances ne peuvent ni
ne doivent reconnaître l'existence du nouvel État, ni entrer en
relations politiques avec lui : il faut que l'État lésé, après avoir
été indemnisé, reconnaisse le nouvel ordre de choses, ou qu'il
se trouve dans l'impossibilité de recouvrer ses anciens droits.
Jusque-là il ne peut y avoir que de ces relations naturelles,
surtout commerciales y autant que la guerre n'y met pas ob-
stacle, n n'appartient nullement aux puissances étrangères,
parties non intéressées du litige, de décider si l'admission d'un
nouvel État constitue une lésion de droits antérieurs: à leur
égard cette création est un événement que la politique et la
morale peuvent admettre ou désapprouver. Elle forme au con-
traire une question légale à l'égard des parties réunies jus-
qu'alors sous un gouvernement commun, question qui doit être
résolue d'après le droit public interne, et dont la solution admet
seulement le concours des puissances qui ont stipulé l'intégrité
de l'union politique précédemment établie, ou qui ont intérêt
§ 23. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 47
légitime et direct ^ et non pas seulement celni d'une garantie
accessoire. Dans tous les cas le nouvel État doit remplir les
engagements qui datent de Tunion précédente, à raison de la
portion à lui échue lors du partage.
D'un autre côté l'entrée du nouvel État sur la scène poli-
tique ne dépend nullement d'une reconnaissance expresse et
préalable des puissances étrangères: elle s'accomplit de plein
droit le jour ou il commence à exister. De même ce sont les
convenances politiques seules qui doivent décider ces dernières
à le reconnaître et à entrer en rapports directs avec lui. La
reconnaissance ne fait que confirmer ce qui existe par soi - même,
en admettant un nouveau membre dans la grande famille euro-
péenne.
La pratique et la théorie s'accordent en général avec les
principes qui viennent d'être énoncés. Us ont reçu une appli-
cation fréquente, notamment lors de. l'insurrection des sept
provinces unies des Pays-Bas et de celle, survenue depuis, du
Portugal contre la couronne d'Espagne, plus tard, à la suite
des guerres d'indépendance de l'Amérique du Nord, de l'Amé-
rique du Sud , de la Grèce et naguère lors de la reconstitution
de la Belgique. Les négociations surtout qui ont eu lieu entre
la France et la Grande-Bretagne au sujet de la reconnaissance
de l'indépendance des États-Unis sont très -instructives.^
D'ailleurs la- question doctrinale de savoir si et à quelles con-
ditions la portion d'un État peut s'en détacher, appartient au
droit public interne. Elle fut déjà traitée par les anciens publi-
cîstes, notamment par Grotius et par Cocceji, son commenta-
teur;* elle a reçu de nos jours des solutions différentes selon
le point de vue auquel on s'est placé. Nous aurons à l'exa-
miner à l'occasion du droit d'intervention.
' Ch. de Martens, Nouv. causes célèbres, t. I. 1843. p. 379 — 498.
Moser, Versuch dos neuen europaischen Vôlkerr. VI, p. 126 suiv, Gtinther,
Volkerr. I, 75. Schmalz, Vôlkerr. p. 36 suiv. EHlûber, Droit des gens. § 23.
Wheaton, Intem. Law. I, 1. 2. § 19. (Éléments du droit des gens. § 10).
Phillimore U, 16.
» Grotius m, 20. 41. 2. Cocceji II, 5, 24. 2. Comparez Pufendorf,
Jus Naturae et Gentium VIII, 11, 4.
48 UYKE PREMIER. §24.
§ 24. Les Etats naissent^ croissent, vieillissent et périssent
enfin comme les individus. L'État n'est immortel que eemme
principe et comme cause première: TÉtat particulier n'est im-
mortel qu'en ce sens tout au plus, qu'il ne dépend pas de
l'existence physique de certains membres, mais subsiste aussi
longtemps que la loi de reproduction fait succéder de nouveaux
membres à ceux qui s'éteignent.^ Au surplus il est condamné
à périr comme toutes les choses terrestres^ et son autorité ne
lui survit en aucune manière. La question de savoir quand
un État a cessé d'exister n'en est pas moins une question pra-
tique, car avec lui ont dû s'éteindre nécessairement les rapport:«
légaux qui dépendaient de son existence. En abordant cette
question, nous partons du principe suivant:
Tout État souverain subsiste aussi longtemps que, sons
une forme quelconque, il possède les éléments nécessaires
à l'existence d'un corps politique, conformément à U
définition que nous en avons donnée au § 16; par suite
aussi longtemps que subsiste une association indépen-
dante, capable de se protéger elle-même et de se re-
produire, n'importe d'ailleurs que la reproduction s'opère
d'une manière organique ou par voie d'immigrations.
En conséquence un État doit être considéré comme entière-
ment éteint dans les cas suivants:
l"* lorsque tous les membres de la nation dont l'État se com-
posait ont péri d'une manière naturelle ou violente*
2** lorsqu'ils ont cessé de former une association politique pjir
suite d'oppression, d'émigration ou d'expulsion de leur sol
natal, ainsi qu'il est arrivé au peuple juif et & d'autreii
peuples de l'ancien monde;
3" lorsqu'une association politique se fond avec une autre
(unio per confiisionem), de manière que chacune perd m
caractère individuel ou que l'une devient subordonnée i
l'autre.*
' Respublica aeterha. Universitas non nioritur sed conservatnr iB
nno. On trouve des déductions savantes de ces maximes, dont nov
n^avons pins besoin, dans Grotius, J. B. ac P. H, 9. 3 et Pnfendorf, J.S.
et G. Vm, 12. 7.
* Grotins, 1. cit. § 6. Pnfendorf , I. cit. § 9.
§25. DROIT -INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 49
Un État est réputé avoir cessé d'exister en partie seule-
ment, par suite d'une diminution de sa substance, c'est-à-dire,
par suite d'un partage ou d'un démembrement en plusieurs
corps distincts, — ou bien par suite de la perte d'une portion
de son territoire qui a été réunie à celui d'un autre, — enfin
par l'incorporation à un État étranger, ou après avoir été réduit
à la condition d'État mi -souverain (§ 19).
Un État, au contraire, continue à subsister, lorsqu'il subit
seulement des changements dans les formes de son gouverne-
ment ou dans les organes du pouvoir souverain. H est vrai
qu'Âristote était d'un avis opposé; mais tons les publicistes
modenies s'accordent à repousser son avis. Ainsi p. ex. Bynker-
shoek disait: „ forma civitatis mutata non mutatnr ipse populus.
Eadem ubique res publica est.''^ En effet les éléments de
l'État continuent à être les mêmes. Par suite un État indé-
pendant subsiste encore lorsqu'il n'est réuni à un antre qu'à
droits égaux; ou bien lorsque le siège en est transporté d'un
territoire dans un autre avec renonciation au territoire pré-
cédent, pourvu que l'association politique continue à offrir le
même caractère de liberté et d'indépendance. Car ce n'est pas
la glèbe qui forme l'État, bien que nous considérions des sièges
fixés comme étant nécessaires à sa subsistance.' Dans tous ces
cas, les rapports légaux de l'État ne subissent d'autres modifica-
tions que celles résultant de la novation de l'ancien état de choses,
p. ex. relativement aux traités publics conclus précédemment.
§ 25. Lorsqu'un État vient à se dissoudre en totalité ou
en partie, il naît la question de savoir: à qui est échue sa
succession avec les profits et avec les charges qu'elle comporte?
On s'est demandé dans ce cas si la succession devait être con-
sidérée comme étant à titre universel ou à titre particulier?'
^ Aristote, Politique, m, 1. Bynkershoek, Qnaest jnris publ. n, 25.
Grotius, I. cit. §8, 1. Pufendorf, L cit. §1. Boeder, De actis civitat.
(Dissert. acad. vol. I, p. 881). Hert, De ploribas hominibos anam personam
sustinent. §§ 7. 8.
a Grotius, 1. c. § 7. Pufendorf § 9; et déjà Aristote 1. dt. p. 74 (édit
GôttUng).
s V. Klock, Consilia. vol. VUI, 152. n. 28. v. Cramer, Wtzl. Nbst.
110, p. 233.
Heffter, droit intemAtionaL S« ëd. 4
50 ÎJVRE PREMIER. § 25.
En mêlant ainsi les principes du droit privé avee ceux du droit
public, on a dû nécessairement troubler la simplicité et l'har-
monie de ces derniers.
Nous posons en effet, dans le cas d'une extinction complète
d'un État, la règle suivante, à savoir:
Tous les rapports publies de rancienue association poli-
tique, ayant été exclusivement établis en vne de cette
deniière, doivent être considérés conune éteints, autant
du moins que leur maintien dans le nouvel état de
choses n'est pas possible et n'a pas été expressément
stipulé ;
Sont considérés, au contraire, comme continuant à sub-
sister, tous les droits et tous les engagements privés
(jura et obligationes singulorum privatae) qui datent de$
anciens rapports politiques, sans qu'on paisse excepter
la responsabilité privée des particuliers relativement aux
engagements de l'État;^ peu importe que ces derniers
grèvent les personnes ou les choses. U suffit que leur
exécution soit possible d'mie manière quelconque.
Car les droits établis dont la durée n'a pas été limitée,
sont considérés comme existant toujours, aussi longtemps do
moins qu'existent les personnes et les choses k l'égard desquelles
ils peuvent recevoir leur exécution.
Il faudra en dire autant de la persistance des droits pn-
vés, lors de la dissolution partielle d'un corps politique, tandi»
que les rapports publics de ses membres subiront les change
ments commandés par le nouvel ordre de choses, ou imposés
par la loi du vainqueur, lorsqu'ils sont l'effet de la conquête.'
Le domaine public, avec les charges qui le grèvent, appar-
tient, après la dissolution d'un État, à celui qui lui a suec^é.
C'est ce qui fait dire que le fisc nouveau succède à titre uni-
versel non -seulement aux droits, mais aussi aux obligations de
l'ancien en suite de cette règle: „Bona non intelliguntor nin
deducto aère alieno.^' Dans les cas de démembrement les par-
> Ainsi ils répondent notamment dn payement des emprunts contractés
par Tancien État.
* V. les décisions portées par la députation do TEmpire de 1803, §3
rolati veulent à la constitution de la ci -devant principauté de Mfinater.
§ 26. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAEL. 51
tages s'opèrent proportionnelleinent à la part de ehaemL^ Quant
aux immeubles du domaine public^ on les considère régnlière-
ment comme des parties du territoire , o(i ils s<Hit ntaés.
II. Droits fondamentmax des ÉtMts dans lemn rapporte
miitiiels.
§ 26. Les droits gâiéranx et matneis des nations avec
les formes et avec les modifieatioiis consacrées par les règles
du cérémonial pabUc et par les usages , durent avant toot
fixer notre attention. Voici Tordre dam leqnel ils se pré-
sentent :
le droit d'existence libre et indépendante dans tonte l'étendne
du territoire acquis;
le droit d'être respecté comme personmdité p<ditiqae son-
veraine ;
le droit d'un commerce mutuel avec les autres nations.
Ces différents droits sont dominés par le principe fonda-
mental de l'égalité de toutes les nations souyeraines, sauf les
modifications qu'il a reçues dans le droit positif.
On a encore parlé à la yérité, dans la pratique des nations,
d'un Droit de convenance, c'est-à-dire du droit qui appar-
tient à chaque nation , en cas d'une collision de ses intérêts
avec ceux des autres, d'agir de la manière la pins conforme
aux siens propres. Mais ce droit même suppose néeessairement
l'absence d'un droit régulièrement consenti an profit d'une
nation étnmgère et de nature à en empêcher Texerciee. Le
seul intérêt politique ne suffit pas pour motiver l'exercice d'un
droit semblable.
Spécialement l'on comprend sous le droit de convemuioe
tout ce qui, en temps de guerre, est réputé la raison de guerre;
puis les cas d'une nécessité effective, qui constituent au profit
1 V. le jonnud périodique Hermès XXX, 1. p. 113. Grotioi II, 5. 9.
§ 9 et 10. Pufendorf, 1. cit. VIU, 12. § 5. Wheaton, L dt S 20. p. 99.
Leonhardi , AnstrâgalTerf. des dentadi. Bondes. 1 , 645. Hnder, Das Beeht
getrennter Landestheile auf gemeinschafU. Legate. Weimar 1824. Bluntschli,
D. moderne Vôlkerr. § 54.
4*
52 UVBE PREMIER. §27.
des nations le droit suprême de sauvegarder leur existence et
leurs intérêts menacés par un péril imminent, même aux dépens
et en violant les droits d'autrui. Ici la eonvenance se confond
avec la légitime défense.
Nous établirons par la suite qu'aucune 4e ces deux espèces
de convenances légitimes n'est affranchie de toute règle.*
Principe de l'égalité des États.
§ 27. Les nations en tant qu'elles sont souveraines oa
indépendantes les unes des autres, ne pourront être considérée»
entre elles que sous le point de vue d'une égalité complète.
L'État le plus faible a les mêmes droits politiques que le plus
fort. En d'autres termes, chaque État exerce dans leur pléni-
tude les droits qui résultent de son existence politique et de
sa participation au concert européen. Néanmoins il ne s'ensoit
pas qu'un État, à moins d'y être autorisé par un titre spécial,
puisse exiger d'un autre, lors de l'exercice des droits souve
rains de ce dernier, et dans leurs rapports mutuels, Tobsenra-
tion des règles de conduite qu'il a adoptées lui-même. Ainsi
un État ne peut empêcher un autre de favoriser ses propres
sujets au détriment de sujets étrangers, et d'accorder notam-
ment certains avantages aux premiers sur ces derniers, en cas
de collision d'intérêts réciproques. Ces faveurs ne constituent
aucune illégalité, mais une iniquité seulement qui autorisera
des mesures de rétorsion, ainsi que nous l'établirons au §111
ci -après. De même encore un État peut accorder à certaines
nations étrangères des avantages et des droits spéciaux, sans
que les autres y puissent voir une lésion. Elles auront la
faculté d'en faire autant et de recourir à des mesures de rétor-
sion.^ Il ne faut pas oublier non plus, ainsi que nous l'avons
' Moser, Beitr. I, 5. F. H. Stmben, Abhandl. von der Kriegsnîwi
und dem Convcnicnzrecht (in der Sammlung auserlesener juristischer Ab-
handl. Leipz. 1768). p. 31 suiv. L. v. Dresch, Abhandlungen Qber Gegen-
stânde deu ôffentlichen Rcchtes. 1830. No. 1. Heffter, Beitr. zn dem
Staats- und Privât - Flirstenrecht p. 184. Klûbcr, Oeffentliches Recht des
deutBchen Bundes. % 175.
* Gûntber, Vôlkerr. 1 , 316.
§ 28. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 53
déjà dit, que Tidée de souveraineté n'est nullement exclusive
de certaines restrictions, de certains rapports de dépendance
et de soumission politiques. Enfin l'inégalité politique des États
et les traditions ont consacré dans le système européen le droit
de préséance.
Restrictions dn principe de l'égalité par les droits de
préséance. ^
§ 28. Déjà aux conciles religieux du moyen âge les pré-
tentions rivales de rang et de préséance ont donné lieu à de
vives contestations entre les représentants des diverses nations.
Ces contestations et le commerce actif entre les puissances tem-
porelles et le Saint -Siéga ont fourni aux papes Toccasion de
faire intervenir leur autorité, et les rangs des princes ont été
réglés par eux à diverses reprises. Un règlement publié en
1.504 par le pape Jules n notamment a fixé les rangs dans
Tordre suivant: Tempereur romain, le roi romain, les rois de
France, d'Espagne, d'Aragon, de Portugal, d'Angleterre, de
Sicile, d'Ecosse, de Hongrie, de Navarre, de Chypre, de
Bohême, de Pologne et de Danemark ; la république de Venise,
les ducs de Bretagne et de Bourgogne ; les électeurs de Bavière,
de Saxe et de Brandebourg; l'archiduc d'Autriche, le duc de
Savoie, le grand -duc de Florence, les ducs de Milan, de Ba-
vière , de Lorraine etc. L'autorité de ce règlement et d'autres
semblables n'a jamais été reconnue généralement. De même
plusieurs conventions conclues à cet eflTet entre divers gouver-
nements sont tombées dans l'oubli par suite du changement
1 Les traités relatifs à cette matière, à laquelle on accordait autre-
fois une importance minutieuse et exagérée, ont été indiquées par Omp-
teda § 195 suiv. et par Kamptz § 124 suiv. V. en outre Zach. Zwanzig,
Theatrum praecedentiae. Frcfrt. 1706. 1709. Rousset, Mémoires sur le
rang et la préséance. Amst. 1746. Agostino Paradisi, Atteneo dell' uomo
nobile. Venet. 1731. Gottfr. Stieve, Europ. Hofcerimon. Leipzig 1715.
1723. Gûnther, Vôlkerr. I, p. 199 suiv. Hellbach, Handbuch des Rang-
rechts. Ansp. 1804. Fr. A. Mosheim, Ueber den Rang der europàischen
Mâchte. Sulzbach 1819.
54 UVKE PKEMIEK. §28.
des circonstances.^ — La franchise chevaleresque da roi Go-
stave- Adolphe de Suède et de la régence qui lui a succédé,
s'est pour la première fois opposée ouvertement et avec har-
diesse à ces vaines prétentions. Les paroles prononcées par
lui: que toutes les têtes couronnées étaient égales , ont ea
un retentissement général qui a produit des changements im-
portants.
Aujourd'hui les rangs des divers États sont réglés d'après
Tordre conventionnel suivant:
L Les États qui ou dont les souverains jouissent d'hon-
neurs royaux (honores regii), ont des prérogatives d'honneur
sur d'autres États souverains. Sont considérées conune préro-
gatives attachées aux honneurs royaux: l'usage du titre, de la
couronne et des annes royaux; le droit incontesté de pouvoir
nommer aux missions diplomatique^ des ministres publics de
première classe, ainsi que d'autres droits faisant partie da
cérémonial public, dont nous parlerons au livre UI. Les em-
pereurs, les rois, les grands -ducs régnants, et en vertu d'anciens
usages, les ci -devant électeurs de l'Empire germanique, jou-
issent des honneurs royaux; enfin conmie les ci -devant Pro-
vinces-Unies des Pays-Bas et la république de Venise, pareille-
ment aujourd'hui encore les confédérations libres, telles que la
Suisse et les États-Unis de l'Amérique, jouissent incontestable-
ment de ces prérogatives.
n. Une égalité parfaite de rang est établie en principe
entre les souverains qui appartiemient à chacune des deux caté-
gories principales d'États, c'est-à-dire celles de premier et ai
second rang. Ce principe s'applique notamment aux titres
d'empereur et de roi, les empereurs romains d'Allemagne qui
autrefois étaient considérés comme occupant le premier rang
dans la chrétienté, ayant cessé d'exister. Le titre d'empereur
n'a plus eu depuis sur celui de roi de prérogatives quelconques.
Plusieurs rois se sont attribué la dignité impériale, ou du moins
ont donné à leur couronne et à leurs droits le nom d'impé-
riaux. C'est ainsi que les rois de France se donnaient le titre
' V. les onvrageB cités dans la note précédente et un résumé cbei
Gfinther § 18.
§ 28. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 55
d'empereur dans leurs négociations avec la Porte et les États
Barbaresques. De même la couronne d'Angleterre est qualifiée
d'Impérial crown dans les actes publics.^ Néanmoins les sou-
verains qui jouissent des honneurs royaux, sans cependant
porter le titre d'empereur ou de roi, accordent le pas & ces
derniers. Ds ont également le pas sur les républiques actuelle-
ment existantes, bien que le rang de ces dernières, par rap-
port aux souverains qui jouissent des honneurs royaux, ne soit
pas clairement défini.
III. Le vasselage d'un État ne coni'ère pas nécessairement
un droit de préséance à TÉtat suzerain, mais les États mi-
souverains ou d'une souveraineté incomplète cèdent en tout le
pas, sinon aux États souverains en général, du moins à celui
dont ils relèvent. De même un État protégé cède le pas k
l'État protecteur, dès que le protectorat porte un caractère
général et qu'il ne s'agit pas d'affaires en dehors de ce dernier.
Cette infériorité toutefois n'est que relative et ne se retrouve
aucunement dans les rapports internationaux avec les autres
puissances.^ Il existait naguère tels États mi -souverains aux-
quels les usages européens accordaient la préséance sur d'autres
entièrement souverains. Ainsi les électeurs du ci -devant empire
germanique avaient le paj9 sur les souverains qui ne jouissaient
pas des honneurs royaux.
IV. Les traités publics et les usages pourront modifier
l'égalité du rang des États. Ainsi l'ordre parmi les États de
l'Allemagne était réglé par l'acte de la Confédération germa-
nique, mais uniquement par rapport à la Confédération, et con-
tinue à servir de modèle dans le nouvel Empire germanique,
sorti de la Confédération de l'Allemagne du Nord. Ces conven-
tions devront être respectées par les autres puissances, dès
qu'elles sont portées à leur connaissance, pourvu qu'elles ne
leur causent aucun préjudice.* En effet les conventions pu-
bliques ne peuvent profiter ni nuire aux puissances qui ne sont
pas parties contractantes. U faut en conséquence que celles
ï V. (de Steck) , Échantillon d'essais. Halle 1789. p. 3. — Le par-
lement britannique porte aussi le nom d'impérial parliament
» Gûnther I, 213. 214. „Protectio non involvit subjectionem."
« Gûnther I, 269.
56 UVRE PBEMIER. § 2'X
qui ont ponr objet de conférer à one puissance une priorité
de rang sor les antres ^ obtiennent l'assentiment de toutes leg
parties intéressées. Autrement , en s'écartant des règles géné-
rales, elles constitueraient un acte de lésion. En cas de con-
flit c'est toujours aux règles générales qu'A faut recourir, et il
ne faut jamais y déroger. Des considérations de fEunille mêmes
ne permettront pas de s'éloigner des principes d'une stricte
neutralité, dès qu'il ne s'agit pas de purs rapports de familleJ
V. Lorsque la forme du gouvernement vient à changer
chez une nation, lorsque notamment les organes du pouvoir
souverain suprême cessent d'être les mêmes, elle n'en conserve
pas moins le rang et les honneurs dont elle a joui jusqu'alors.
Le protectorat exercé p«ir Cromwell, durant le „common wealth**,
les deniîèrcH années du Directoire et le consulat en France en
fournissent des exemples éclatants.' Toutefois si le changement
opéré dans la forme du gouvernement avait ponr effet on
changement du titre de souverain, de nature à en modifier
également le rang conformément aux usages reçus (alin. Il ei-
dessus), il en serait autrement.
VL Aucun souverain ne peut prétendre que les autres
paissances reconnaissent les honneurs conférés par lui, si ceux-ci
sont égaux ou même supérieurs aux siens propres. Ainsi la
prétention d'un prince souverain ne jouissant pas des honneurs
royaux lui-même, qui voudrait créer un de ses sujets prince
ou duc, serait contraire aux usages reçus.'
Droits fondamentaux et individuels des États.
I. Droit d'existence territoriale libre et indépendante.
a. Droit (rintégrito ou d'inviolabilité territoriale.
§ 29. Les États, comme les individus, ont le droit fonda-
mental d'exister et de se développer autant physiquement que
moralement.
• Gûnther 1 , 269. Comparez de plus le Protocole signé à Vienne le
19 Mam 1815, dans rAppendice.
• Art, 23 du traité do Campo Formio. V. Vattel H, 3, 39. GUnther
I, 208. Klttber § 99. Wheaton I, 196. (Élém. du droit intem. I, 162).
• y. KlQber, Oeffentl. Becht des Deutschen Bundes. § 497, 1 in fine.
§ 29. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX, 57
La condition naturelle en est la possession exclusive et
assurée d'un territoire suffisant aux besoins de la société poli-
tique qui se trouve dans la possibilité de former on État à
part. Alors cette possession devient son domaine, dont 0 peut
jouir à son gré et dont il peut garder et défendre l'int^jité
contre tout attentat par tous les moyens de défense. Par suite
aucune nation ne peut, par ses lois ni par ses actes , affecter
directement, lier ou régler des objets qui se trouvent dans un
territoire étranger. Auoun acte de juridiction étrangère ne peut
non plus être exécuté dans le territoire d'une nation sans son
consentement exprès ou tacite. L'intégrité et l'inviolabilité d'un
État trouve ses limites naturelles dans celle des autres. Voici
les conséquences pratiques des principes qui viennent d'être
énoncés.
L L'autorité de tout acte et de tout établissement public
expire aux limites du territoire. Ainsi l'administration des
postes, celle des loteries, les bureaux d'enrôlement militaires
ne peuvent pas fonctionner dans un territoire étranger. Les
notaires ne peuvent pas non plus y instrumenter, ni les auto-
rités judiciaires et de police y exercer des poursuites. Les
fonctionnaires de l'État n'y ont aucun caractère public. Chaque
territoire représente à cet égard un asile pour les individus
vis-à-vis des autres États.
II. L'autorité publique d'un État ne peut faire aucun acte
de nature à porter atteinte, d'une manière directe ou indirecte,
à l'intégrité d'un autre dans ses éléments naturels. Ainsi elle
doit s'abstenir d'actes quelconques tendant à provoquer l'émi-
gration des sujets d'un autre État, ou à le dépeupler, ou à en
détacher une portion de territoire. Elle ne doit pas s'appro-
prier arbitrairement les enclaves de son territoire appartenant
à un État étranger. H est vrai que la politique n'a pas ton-
jours respecté ce principe incontesté du droit international.
Souvent elle a provoqué ouvertement la révolte, ou du moins
elle a favorisé dans un intérêt égoïste des conspirations et la
propagande révolutionnaire. Telle a été à la vérité la politique
constante de plusieurs cabinets de l'Europe. Mais elle n'a
jamais osé s'abriter des maximes du droit: c'est en secret
Ô^ UMŒ, PREMIER. § 8>'.
r|a>lle a le p\n» souvent agi, et eUe a toajoon rencontré
Voppfmiium den antre» cabinets.^
D'an antre côté on ne pent empêcher nn Etal de receToir
Mnr fKin territoire les émigrants d'nn antre pays, on de lenr
offrir en général certains avantages. On ne peat Tempêcher
wm pins d'incorporer à son territoire les parties d'un territoûf
/étranger qni, après s'en être détachées, ont fidt reconnaître
leur indéfiendance conformément anx régies exposées an § 23
ri 'dessus.*
IIL lAt iH)nvoir souverain d'un État ne doit refuser ni
retirer k un Etat étranger ce qui lui appartient d'après l'ordre
naturel des chr>seH. Les conditions natureOes de pays limi-
trophcH notamment doivent être maintenues d'après lenr état
priniitif, et Ton ne peut revendiquer le domaine exclusif de
rhoMCH que la nature a réparties entre tous ou entre plnsieais
«'gaiement. Ainsi on ne doit pas détourner le cours d'une
rivière ou les eaux d'un lac au préjudice d'un État voisin,
mais les États riverains peuvent l'utiliser dans son parcours
sur leur territoire, pourvu que son cours naturel ne soit pu
changé.'
fV. IjC pouvoir souverain d'un État ne doit pas non pins
ordonner ou autoriser sur son propre territoire des faits oo
des établisHcnientH qui sont de nature à nuire anx voisins.
A cet égard on suit la maxime du droit privé: „In sno qnis-
que fac^sre non prohihetur dum alteri non nocet'^ bien entendu
quon admette une distinction entre „damnum^^ et „lucnuD
cessans.'' *
b. Droit (le consorvation et de défense.
§ W. La raison naturelle permet la protection et la défense
de roxistencc politique contre tous les dangers qui la menacent,
« (lûnthor, Volkorr. II, p. 276 suiv.
* MoHcr, VorH. VJ, p. 118. GUnther, loc. cit. II, p. 298 suiv.
• Vattol 1 , 22, 271. 273.
« Mtdtum interottt utnun damnum qnis faciat, an lucro qaod adhnc
faciebat, uti prohibeatur. L. 1. § 11. D. de aqoa. L. 26. D. de danmo
inf. y. Cocceji, De iore nocendi aUla in Vol. dissert. II, 1199.
§ oO. DROIT IXTEKNATIONAL PEN'DAST L-V PAIX. 59
et Tadoptiou des mesnres de précaution propre8 à repousser
toute agression du dehors.^
Les périls qui menacent Texistenee des États sont nom-
breux. Tantôt ce sont des forces naturelles et surhomaînes qq
des bouleversements qui changent la face du monde, tantôt
c'est la \iolence Iiumaine. Les premiers par eox- mêmes ne
justifient aucunement des lésions faites à Texistence, aux pro-
priétés et aux droits d'États étrangers et de leurs sujets. Une
extrême nécessité pourrait seulement excuser le maintien des
propres droits aux dépens des droits d'antrui. Encore faut -il,
pour le légitimer, que le danger ne soit pas provoqué volon-
tairement, et que le préjudice occasionné puisse être réparé au
moyen d'une indenmité.
En général les principes du droit de conserver Texistence
sont les mêmes pour les nations que pour les individus, bien
qu'ils soient d'une application plus rare par rapport aux pre-
mières. Supposons qu'une nation manque absolument de vivres,
ne pourrait -elle, après avoir épuisé tous les moyens, demander
à ses voisins qui en ont de reste, de lui en céder à juste prix,
ou même en enlever de force, sauf indemnité?*
Le droit d'une juste défense est le droit qui appartient à
chaque nation de repousser par la force toute agression quel-
conque. Les autres nations ont même le droit de la secourir,
si seule elle ne peut repousser l'agression, et qu'elle veuiUe
être secourue. Assurément il faut une lésion réelle, ou bien
une intention manifeste de léser. Tant qu'il n'y a pas lieu
de craindre une telle lésion, il est permis seulement de prendre
des mesures de précaution , telles que des coalitions, des arme-
ments, des constructions de forts etc. Dès que le danger existe,
la nation menacée a le droit d'opposer la force, et même d'aller
au-devant de l'attaque qui la menace en attaquant elle-même.
C'est ce que conseillaient déjà les lois romaines: „melius est
occurrere in tempore quam post exitum vindicare."'
^ Adversus pericolom oatoralis ratio permittiit se defendere. L. 4. D.
ad legem Aquil.
* Vattel n, 120. Bynkershoek, Quaeet. jur. publ. II, 15. Grotius
11, 2, 9.
3 Loi 1. Cod. quando liceat onicmqiie.
60 UVKE PKEMIËH. §30.
Il est évident que le point de vue étroit du droit privé ne
peut servir ici de règle absolue aux rapports intemalionanL
Le secret qui enveloppe les trames de la politique ne laisse
guère deviner très - souvent ses vues ni son but véritables. Une
longue observation même du système politique poursuivi par
un Cabinet ne fournira souvent que des suppositions et rendra
l'erreur excusable. Toutefois on doit se prémunir contre des
entraînements inconsidérés et procéder dans les explications
réciproques avec une franchise complète.*
Une nation peut prendre un tel accroissement qu'il ponm
devenir par la suite un danger pour les autres nations. Néan-
moins cet accroissement seul ne constitue aucunement un cas
(le Juste défense et de guerre légitime, tant qu'il s'opère dans
les limites du droit et de la justice internationale. Mais quand
une grande puissance tâcherait d'acquérir de nouveaux titres
d'agrandissement p. e. par des mariages , des donations, des
cessions etc., ce jour -là les autres, sans commettre aucnne
offense, pourront s'y opposer.*
La question de savoir si des changements de réquih'bre
p()liti(ine des États, prévus ou accomplis, autorisent les État*
menacés à s'y opposer par la force, doit être résolue dans nn
sens analogue. Tant que ces changements ont pour base des
titres actuels et valables, vouloir les empêcher, ce serait com-
mettre une insulte. Mais en dehors de ce cas, la politique con-
seille la réunion collective de toutes les forces, pour prévenir
ou pour repousser le danger commun. C'est là surtout que la
politique de coalition a obtenu ses plus beaux triomphes. No»
citons comme exemples la coalition qui avait pour objet la m-
cession d'Espagne après le décès du roi Charles II, celle formée
en 1785 par le grand Frédéric sous le nom de Ligne des
princes allemands, en vue de la succession de Bavière; enfin
les coalitions contre la Révolution et l'Empire de Napoléon!
Il n'existe à la vérité aucun juge qui puisse détemûner
d'une manière exacte où s'arrête le droit, où commence U
* Nous examinerons le droit de demander des expUcations à roce>-
sion du droit d'intervention au § 44 et suiv. ci - après.
* V. un résumé des diverses opinions chez Gtinther I, p. 362 suir.
§31. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 61
nécessité d'une juste défense. Cette nécessité surgira incon-
testablement le jour où des indices irrécusables révéleront les
vues d'une puissance tendant à établir sa suprématie sur les
autres et à fonder une monarchie universelle.
c. Droit de souveraineté.
§ 31. Un autre droit fondamental des nations est celui
de remplir leur mission avec une entière indépendance. Chaque
nation est donc libre de régler à son gré les formes de son
gouvernement y les lois et les institutions pour son administration
intérieure y ainsi que les mesures de politique extérieure, sauf
les restrictions qu'un droit d'intervention ou le respect dû aux
autres nations pourraient imposer aux velléités gouverne-
mentales.
Il est encore incontestable que chaque nation est libre
d'adopter elle-même et d'accorder à ses autorités les noms, les
titres, les distinctions extérieures, les* armes ^ etc. qu'elle juge
à propos.^ En général les autres nations n'ont rien à voir
dans ces actes d'autonomie intérieure. Une contradiction ne
serait juste à leur profit que dans les cas suivants:
premièrement si des traités en vigueur ou certains rapports
envers quelque puissance étrangère s'y opposent;
secondement, si les titres ou les honneurs appartiennent
déjà à une autre puissance.
Enfin les puissances étrangères ne sont point obligées de
déférer indistinctement aux volontés du souverain qui prend un
titre et un nom nouveaux, et de loi décerner les honneurs qui
y sont attachés.
En conséquence, le souverain qui veut prendre avec plein
effet un nouveau titre ou une nouvelle qualité, doit s'assurer,
d'avance ou après, le consentement des autres souverains, du
^ La pratique des États se dirige, à cet égard, diaprés les règles de
Part du blason. V. les écrits coDceniant cette matière, dans : Berend , All-
gemeine Schriftenkunde der Wappenk. 1835. 3 vol. Lower, Cnriosities
of Heraldry. London 1845. Pour Thistoire des armes y. Deutsche Viertel-
jahrsschrift. 1853. No. 64.
* Vattel n, 3, § 41 suiv. de Real, Science du Gouvem. V, 5, 6.
Gtinther, Vôlkerr. II, 4, 1.
62 LIVRE PREMIER. §32.
moins de ceux qui ont le droit ainsi que le pouvoir de s'v
opposer. Il en est de même quand il s'sgit du ehangemeDî
des titres, d'armes et d'autres distinctions extérieures.^ Telle
a été la pratique constante des États. Sous ce rapport le>
négociations qui ont précédé et suivi Tadoption du titre royal
par l'électeur de Brandebourg, et du titre d'empereur qne le
czar Pierre I s'est décerné lui - même , sont utiles à consulter.
L'opposition peut être justifiée par le motif de l'affaiblisse-
ment du prestige attacbé au titre, si à ce titre ne correspt^ii
dent pas des moyens suffisants pour le soutenir dignement; elle
peut encore être fondée sur l'abaissement des autres souverains
par suite de l'élévation de l'un d'entre eux.*
Au reste le droit revendiqué autrefois par le Saint -Sié^
de conférer des titres politiques n'est plus sérieusement souteuo
aujourd'hui. Les écrivains politiques de la Prusse et la position
décidée de son gouvernement vis-à-vis du Saint-Siège out
réduit à sa juste valeur cette prétention.*
2. Droit de respect mutuel des États.
§ 32. De même que les hommes entre eux, les nations,
à moins qu'elles ne prétendant vivre dans un isolement com-
plet, doivent se respecter mutuellement conune membres de
l'association humaine. C'est une obligation qui résulte de lenr
existence physique. Le respect dû à un État ne peut lui être
refusé par un autre que dans le cas où ce dernier eontesterait
sa légitimité et romprait les relations avec lui. Et alors encore
les devoirs commandés par la morale et par l'humanité ne
pourront pas lui être refusés.
Les devoirs qui correspondent au droit de respect, d'un
caractère tantôt positif, tantôt négatif, sont notamment ceux-ci:
L Le respect de la personnalité physique. Dès lors il
n'est permis à aucune nation d'entreprendre la destruction
physique d'une autre, aussi longtemps du moins que son propre
salut ne le commande pas impérieusement (§ 29 ci-dessnsi
» Schmelzing, Europ. Vôlkerr. §40. Schnialz, Vôlkenr. p. 182.
* Il existe un iirotocole du Congrès d'Aix-la-ChapeUe trèg-curieui
son» c(* rapport, que nous communiquons dans T Appendice.
" V. surtout d<? Ludewig, Opusc. niiscell. I, p. 1 et 129.
§ 32. DROIT INTERNATIONAL PENDANT ÏJl PAIX. 63
Ce serait donc commettre une injustice que de fermer à un
État enclavé des débouchés de son commerce ou de Timposer
de droits exorbitants qui équivaudraient à une prohibition, et
de Fempêcher par là de se procurer les moyens de subsistance
nécessaires et qu'il ne possède pas lui-même.^
II. Le respect de la personnalité politique des États, c'est-
à-dire de tous les droits généraux et spéciaux, sanctionnés
par leur constitution propre, tant que leur exercice ne dépasse
pas de justes limites, ou ne fait pas naître des conflits qui
résultent de Texistence de droits opposés.
Ainsi les États dans leurs relations réciproques se doivent
les égards et les honneurs consacrés p^r les règles du céré-
monial public. Us doivent s'abstenir d'actes arbitraires qui
sont de nature à usurper sur les droits souverains d'un État
étranger ou à en empêcher l'exercice. Tonte lésion ou tonte
usurpation des droits et des établissements d'un souverain
étranger, telles que la contrefaçon de monnaies faite surtout
avec une diminution du poids, l'emploi illicite d'armes ou d'un
pavillon étrangers, et en général toute Grande, constituent des
lésions.*
Les États doivent en outre, dans leurs relations réci-
proques, respecter les institutions particulières de chacun. Ain6i
il ne leur est pas permis d'ignorer dans leurs négociations la
constitution d'un pays, à moins qu'ils n'aient le droit d'en con-
tester la validité. De même lorsqu'un souverain fait poursuivre
ses droits devant des tribunaux étrangers, ou est appelé, s'il
y a lieu, à s'y défendre, il doit se conformer aux lois du
pays. Mais d'un autre côté les États ne sont aucunement tenus
de s'aider et de s'assister réciproquement dans l'exercice de
leurs droits gouvernementaux.
m. Respect de la dignité morale des États, ces derniers
faisant partie de l'ordre moral universel, pourvu que par leur
conduite ils ne se rendent point indignes du respect des autres.
n n'est donc permis à aucune nation de traiter une autre
avec dédain ou d'une manière offensante. Mais en même temps
' V. Vattel II ,134. H va sans dire que la simple perception des
droits d'entrée ou de transit ne constitue pas une lésion.
^ V. Vattel 1, § 108.
64 UYRE PREMIER. §31
il suffit que dan» leurs rapports les nations se traitent d'égales
et s'accordent de plus les honneurs conyentioniiels dos à lenr
rang parmi les États. Ainsi , bien que la gloire d'une nadou
tienne intimement à sa puissance, elle ne peut pourtant exiger
des autres qu'elles la traitent comme la plus grande et la pin»
brave. Il serait seulement injurieux de désigner ime natioD
comme exclue de toute prétention à la gloire.^ En général
c'est la conduite fondée sur le droit et sur la justice qui attire
et conserve à une nation la considération des autres peuples,
n est \Tai que si; passagèrement et par un acte isolé, elle
venait à s'écarter de la ligne étroite de la justice , cet acte
seul ne devra pas lui faire perdre la considération à laqueUe
elle peut prétendre. Certainement il sera permis à tout le
monde de juger ces actes en conformité avec la maxime do
droit romain: ^^peccata nocentium nota esse et oportet et ex-
pedit"* Car où s'arrêtera le mensonge le jour où les souve-
rains justiciables par le tribunal de l'histoire , dont ils sont
pour ainsi dire les organes vivants, réviseront d'accorder à la
vérité l'accès dans leurs conseils? Mais, cela à part, chaque
souverain a le droit d'exiger qu'une foi entière soit accordée
à ses paroles et à ses explications, pourvu que ses actes
attestent sa sincérité et sa bonne foi.'
Les gouvernements doivent veiller en outre que les enga-
gements auxquels ils se sont soumis, soient exécutés également
par leurs propres sujets. Jusqu'à présent néanmoins les lois
spéciales des États de l'Europe ont gardé un silence à peu
près unanime sur la protection qui est due aux droits et aoi
intérêts particuliers des gouvernements étrangers. La pratique
égoïste des États n'a pas hésité à nier la nécessité d'une pro-
tection semblable. La contrebande à l'étranger, par exemple,
d'après la jurisprudence constante des tribunaux de plusieurs
pays, continue à être considérée comme une chose parfaitement
* Ija gloire d*nne nation est sans doute un bien très -réel et incos-
testable. C'est en ce sens que Vattcl (I, § 190) a pu dire: attaquer b
fçloire dHine nation, c'est lui faire injure.
• L. 18. D. do înjur.
'* V. les oaTrages cités par de Kamptz, Lit. § 93.
§ 32. DROIT INTERNATIONAI^ PENDANT LA PAIX. 65
licite dont personne n'a à rougir.^ Chaque gouvernement, sur
ce terrain, semble attendre de TÉtat voisin Tinitiative d'une
réforme. Cette initiative on ne la rencontre jusqu'à présent
que dans les États fédéraux : là du moins les intérêts collectifs
^ Qu'il nous soit permis de rapporter ici les tennes d'un arrêt rendu
en sens contraire par la Cour suprême dans laquelle Tauteur a eu l'hon-
neur de siéger.
„ Attendu que la Cour de cassation est compétente pour statuer sur
la question de savoir: si une convention est contraire aux bonnes moeurs?
Car cette question implique non pas des idées accidentelles, mais des prin-
cipes constants qui doivent être considérés comme faisant partie de la loi
à laquelle ils servent de base;
que les idées sur ce qui est moralement permis ou défendu, ne sont
pas des idées locales, circonscrites dans les limites du territoire d'un État ;
que la volonté morale , qui est le fondement des bonnes moeurs, con-
siste essentiellement dans l'obligation de ne léser les droits de personne,
ni de s'enrichir aux dépens d'autrui;
que chaque Etat a le droit incontesté d'exiger une justification de
marchandises importées de l'étranger et d'en percevoir des droits;
qu'à la vérité les États ne sont pas tenus de s'entr'aider réciproque-
ment dans l'exercice de ce droit, mais qu'une violation à cet égard n'en
constitue pas moins une lésion et un acte incontestablement immoral de la
part de celui qui l'entreprend dans un but d'intérêt personnel, ou qui le
provoque ;
que par suite la Cour d'appel rhénane a jugé avec raison que la con-
vention dont il s'agit, et qui avait pour objet l'introduction de marchan-
dises de contrebande dans un pays ami, était contraire aux bonnes moeurs
et aux lois etc.^'
La jurisprudence française professe des principes moins libéraux. Par
arrêt du 25 mars et du 25 août 1835 la Cour de cassation a jugé que la
contrebande à l'étranger n'est pas une cause illicite d'obligation; qu'elle
peut être notamment l'objet d'une société entre Français, ainsi que d'un
contrat d'assurance valable. Ces arrêts s'appuient sur les motifs que la
contrebande en pays étranger, à l'aide de ruse employée pour tromper les
préposés chargés de l'empêcher, n'est prévue ni réprimée par aucune loi
française; — qu'on viole les lois prohibitives qui n'obligent que les sujets
du prince qui les a établies (Sirey 1835 , 1 , 675 et 805). La jurisprudence
anglaise et américaine n'est guère plus libérale. Y. dans le sens de notre
opinion Pfeiffer, Prakt. Ausf. III, 83 et l'auteur espagnol Pando, Elem. del
derecho intem. p. 144 ; sur les contestations entre États pour faits de contre-
bande, V. Moser Vn, 756. Y. aussi la loi prussienne du 22 août 1853
(Gesetzsammlung , 926) , qui punit même l'introduction de contrebande dans
un pays étranger pourvu qu'il y ait réciprocité.
Heffter, droit international. S« ëd. 5
66 LITRE PREMIER. §33.
ont été réglés d'une manière satisfaisante poar tous. Noas
reprendrons les détails de cette matière dans le chapitre relatif
aux obligations qui naissent des délits.
3. Commerce mutuel des uatioBS.'
§ 33. Le but suprême du droit international, ainsi que
nous Tavons expliqué (§2 ci -dessus), étant le rapprochement
mutuel des nations, il fournit par le commerce des moyens
d'échange de leurs ressources morales et matérielles, propres
au développement de la nature humaine. La liberté de com-
merce à la vérité n'est pas un principe absolu. IKdoit sabir
plusieurs restrictions. La première résulte de cette justice
distributive qui, fondée sur l'égalité en nivelant les positions
inégales, s'oppose à ce qu'un État entretienne avec nn antre
un commerce dont seul il supporterait les charges et ce dernier
les bénéfices. Une autre restriction, fondée sur des motifs tont
aussi graves, résulte de cette circonstance que l'intérêt de con-
servation ne permet guère à un État de se placer dans une
dépendance absolue d'un autre , en lui accordant une liberté de
commerce absolue.
La politique intérieure des États doit seule dicter les me-
sures de précaution, de défense, de réciprocité et d'encourage-
ment qu'il convient de prendre à cet effet. C'est à elle de
proscrire du territoire d'un État les branches nuisibles do com-
merce, à assujettir celui des étrangers au régime des passeport»
et aux règlements de police, à favoriser les produits nationani
en grevant les produits étrangers de droits protecteurs, en
traçant les routes que ces derniers, lors de leur entrée dans
le territoire, doivent suivre, et en les assujettissant à la néces-
sité d'entrepôt. C'est à elle de décider s'il convient de favo-
riser le commerce étranger par des traités, par la création de
ports libres (§ 243) et d'établissements analogues, on bien seule-
ment celui de certaines nations (§27); d'accorder même des
monopoles, s'ils peuvent offrir encore aujourd'hui de réels
avantages. Enfin une nation peut , par un traité de oonmieiee,
' Voir les écrits concernant cet objet dans: Ompteda, Lit. S277-
de Eamptz § 252. KlQber, Droit des gens. § 69. Zachariae, 40 Bfkcfaer. lY, 21
§ 33. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 67
se soumettre à certaines restrietioii% pourra qu'elles n'aSectent
ni son indépendance , ni' les progrès de son déyeloppement
intérieur.
Sous ces réserves Ton pourra résumer le droit public des
nations civilisées à l'égard du commerce mutuel dans les pro-
positions suivantes:
I. une nation qui, par rapport à son commerce, adopte un
système d'isolement complet, renonce par là à la jouis-
sance du droit commun des nations;
n. une nation ne peut priver une autre du commerce des
objets qui sont pour cette dernière d'une nécessité ab-
solue , conformément à ce que nous avons dit au § 30
ci -dessus;
m. elle ne peut non plus refuser aux autres nations l'usage
innocent de ses routes de terre et d'eau ou des établisse-
ments destinés aux conmiunications do public, pour satis-
faire à leurs besoins intellectuels et matériels soit dans
son propre pays, soit dans un autre. Les anciens auteurs
ont déjà consacré une pareille obligation sous le nom de
„Jus usus innocui'^ et spécialement de „Jus passagii iu-
nocui'^; seulement ils ne s'accordaient pas entre eux sur
la question de savoir s'il constitue une obligation parfaite
ou imparfaite. Sans doute la seule nécessité des besoins
humains peut le justifier complètement; le refiis non mo-
tivé d'objets utiles ne constituera qu'un procédé peu amical.
Toujours l'appréciation d'une nécessité appartiendra à
l'État qui dispose des choses recherchées par un antre ;^
IV. une nation ne peut, sans offense ou sans lésion, pré-
tendre exclure le commerce rival d'une autre d'un terri-
toire où il est admis. Vainement quelques nations de
l'Europe se sont réservé naguère le monopole du com-
merce surtout aux Indes Occidentales et Orientales. Seule-
ment les colonies ne sauraient sous ce rapport être assi-
milées à des puissances tierces. ESles relèvent de la
métropole et sont gouvernées par la politique qui tend à
1 Comparez Gfintlier I, 225 note c. Pufendorf, J. N. m, 3, 6.
H. GrotiusH, 2, 13. Vattein, 123. 132—134.
5*
68 LIVRE PREMIER §33.
garantir à celle-ci leur commerce exclusif*. Qu'il suffise
de rappeler à ce sujet le régime des droits municipâni
des colonies françaises.
V. Toute nation, dans ses transactions avec les étrangers
est tenue de se conformer aux règles de la bonne foL
Elle ne doit pas abuser de la foi des nations étrangères:
une nécessité rigoureuse peut seule lui servir d-excase.
loi*sque, par exemple, elle commet une violation du secret
des lettres.^
VI. Aucune puissance ne peut refuser de recevoir sur son
territoire les sujets d'une puissance amie^ dès qaik
justifient d'une manière régulière de leur individualité.
Elle ne peut, après les avoir reçus, les renvoyer de sou
territoire sans des motifs qui doivent être eonmiuniqués
à leurs gouvernements respectifs. Dans tous les cas le
renvoi ne peut s'effectuer avec des formes blessantes, »
la conduite de l'individu renvoyé ne les justifie pas. C'est
une conséquence du droit au respect*
Vn. Tout commerce contraire aux droits fondamentaux de
l'homme est illicite. Celui qui l'empêche ou le détruit,
ne commet aucun acte d'injustice.
La traite des noirs présente ce caractère. On connaît les
tentatives tendant à sa suppression qui ont été faites par les
nations européennes, surtout depuis le congrès de Vienne, ten-
tatives qui n'obtiendront de succès complet que le jour où
l'équilibre général sera établi sur les mers, le jour surtout où
tous les États du concert européen auront proscrit l'esclavage.^
1 y. de Kamptz , Lit. § 94.
< L'article relatif an renvoi de MM. Hecker et Itzstein de la Capitsle
de la Prusse, inséré dans les Annales de jurisprudence prossieiuie (LX^'.
p. 569) ne présente pas exactement ces principes.
' Traité de Paris conclu avec l'Angleterre, art. addit. 1. Déclantion
des plénipotentiaires des cinq puissances de TEurope du 8 février 181&-
BuUe du Saint-Siège du 3 décembre 1839 dans Martens - Murhard , N.B.
)CVT, 1034. Décret de la Confédér. german. du 19 juin 1845, qui aaaimile
la traite des noirs à la piraterie et au rapt. Y. Eltlber, Droit des gens-
§ 72. Murbard, N. Suppl. UI, p. 48. 238. Le journal ,,Au8land'< de 1842.
No. 335. Traités conclus entre T Angleterre, la France et les Pftyg-Bv
des 30 novembre 1831 et 22 mars 1833 (Martens, N. R. IX, 547. 556), aw-
§ 34. DROIT INTERNATIONAL TENDANT LA PAIX. 69
ni. Modiflcatlons des droite fondamentaux des Étate
dans leurs rapports mutuels.
I. Conflits des droits souverains de différentes nations.
§ 34. Le principe de la souveraineté et de Tindépendance
de chaque nation n'a pas un caractère absolu et exclusif au
point de faire considérer des lois et des actes émanés des sou-
verains étrangers comme dépourvus de toute autorité hors du
territoire. Une pareille exclusion ne s'accorderait guère avec
le respect mutuel que les nations se doivent les unes aux autres.
H faut ajouter en outre que certaines causes les obligent à
avoir égard aux rapports nés sous Tinfluence des lois étran-
gères. Nous allons les indiquer.
I. Dans les relations internationales, le caractère politique
des personnes diplomatiques ainsi que leurs biens sont régis
exclusivement par les institutions de TÉtat qu'elles représentent.
Pour refuser d'admettre sur son territoire les conséquences de
cette exemption, il faudrait ou qu'elles fussent contraires aux
usages internationaux, ou de nature à porter quelque préjudice
à l'État qui les repousse. Ainsi, par exemple, un gouverne-
ment ne peut reftiser de reconnaître les quaUtés, les titres etc.
dont les agents diplomatiques accrédités auprès de lui ont été
investis par leurs gouvernements respectifs.^
n. Lors de l'examen d'un acte reçu à l'étranger, il faut
recourir aux dispositions des lois étrangères. De même il faut
ajouter pleine foi aux communications émanées des autorités
étrangères,* pourvu que leur compétence ni l'authenticité de
l'acte ne soient contestées. A cet eflfet il est d'usage de faire
légaliser par les agents diplomatiques les signatures des actes
délivrés par les autorités publiques de leurs pays respectifs.
•
quels ont accédé la Sardaigne , 8 août 1834 , les villes hanséatiques, 9 juin
1837, et la Toscane (Martens XIII, 194. XV, 191 et 292). Traité conclu
entre rAutriche, la Prusse, la Grande-Bretagne et la Bussie, du 20 décembre
1841 (N. B. S. n, 392), entre la Grande-Bretagne et la France du 29 mai
1845 (Vm, 284), entre la Grande-Bretagne et TAmérique septentrionale
du 7 avril 1863. V. aussi fhillimore 1 , 320.
» V. Schmelzing, Vôlkerr. § 14.
70 LIVRE PREMIER. § 35.
Pour que Tobservation de ces formalités n'entraîne pas trop de
lenteurs, Ton a cherché à les abréger dans les pays où la con-
naissance des institutions étrangères est tenne en honneur. En
Prusse notamment une circulaire concertée entre les ministres
de la justice et des affaires étrangères, datée dn 22 mars
1833, a tracé à ce sujet des limites raisonnables.^
Sans doute les lois d'une nation peuvent encore accorder
directement certains effets aux actes émanés des autorités étran-
gères, au moins à la condition expresse ou tacite d'une par-
faite réciprocité.
Lorsqu'enfin les autorités publiques de plusieurs États sont
également compétentes pour statuer sur une affaire, ehac^uie
peut procéder indépendamment de l'autre et décider l'affaire
de son côté, sans la concurrence de l'autre puissance.
Conflits en matière de justice entre plusieurs États.
§ 35. S'agit -il de résoudre les conflits en matière de
justice entre différents territoires,* les principes qui régissent
en général cette matière se résumeront dans les propositions
suivantes :
I. L'État jouit du pouvoir incontesté de soumettre ses
citoyens à Tautorité de ses lois en tout ce qui concerne Tordre
public, de manière qu'ils sont tenus de les respecter autant
dans le pays qu'au dehors. Il est encore investi dn mênse
pouvoir à l'égard des étrangers, pendant leur séjour sur 8od
territoire.
n. Tout État a le droit de déterminer les conditions et
les formes sous lesquelles les actes intervenus sur sdh territoire^
^ de Kamptz, Jabrb. XLI, 220. Y. aassi Halleck, Int L. p. 180.
* lia riche littérature de ce sujet est indiquée et jugée par R «le
Mohl dans son excellent ouvrage : Geschicbte und Literatur der StaatBwissen-
Bchaften. I, 441. Les ouvrages les plus complets sur cette matière soBt
ceux de Kent, Commentaries on Amène. Law. 1. 1. Story, Commentaries
on the conflict of laws forcign and domestic. Boston 1841 (t. Kril Zét-
Bchrift des Auslandes. Vil, 228); Foelix, Traité du droit intematioiial priTé-
Paris 1843. Nouv. éd. par Démangeât. Paris 1855. Massé, Le droit commer-
cial. Paris 1844. t. 2. Hurd, Topics of Jurispr. New -York 1856. Bar, D«
internationale Privât- u. Strafrecht. Hannover 1862. V. aussi Tarticle de
Gûnther, Rechts-Lexikon. t. IV, p. 721. V. en outre la Note du 837 ci-après.
§ 36. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 71
OU à l'étranger, produiront leurs effets. D'autre part il peut
refuser d'admettre sur son territoire les effets des actes reçus
à Tétranger, ou du moins les faire dépendre encore de Taccom-
plissement de certaines conditions. Mais il ne peut ni sou-
mettre aux dispositions de ses lois les personnes ou les choses
qui lui sont et qui continuent à lui être étrangères, ni exercer
une juridiction quelconque contre un État ou un souverain
étranger.^
m. Aucun État enfin n'est tenu d'autoriser sur son terri-
toire l'exécution des actes et des jugements étrangers. Pourtant
l'intérêt commun des nations leur conseille sous ce rapport un
rapprochement réciproque, ce qui a conduit à certains usages
généralement reçus et à des conventions particulières entre les
gouvernements.*
Les législations de l'Europe s'étendent plus ou moins sur
cette matière. Néanmoins l'accord accidentel de plusieurs légis-
lations sur certains points ne constitue aucunement un principe
d'une application générale, et, à défaut de lois ou de traités,
c'est surtout à la sagesse des organes gouvernementaux qu'il
appartient de montrer le chemin en conciliant les intérêts de
la souveraineté avec le respect dû aux autres États, et en
sauvegardant plutôt la liberté et les droits individuels de
l'homme par la souveraineté qu'en les abandonnant à la merci
de celle-ci.
a. Conflits en matière pénale.'
§ 36. Les questions de conflits des lois pénales des diffé-
rentes nations reçoivent en définitive les solutions suivantes:
^ Par in parem non habet imperimn. Comp. Tarrêt de cassation da
24 janv. 1849 dans la Gazette des Tribunanz du 26 janv. 1849.
> Les traités conclus sur ce sujet entre plusieurs gouvernements de
r Allemagne sont recueillis systématiquement par O.Erug, Das Intemational-
recht der Deutscben. Leipzig 1851. Quelques points sont réglés par la
Confédération germanique du Nord dans la loi du 21 juin 1869, concer-
nant Tassistance mutuelle des États dans Texercice de la justice.
» V. les ouvrages de C. A. Tittmann, Die Strafrechtspflege in vôlker-
recbtlicber Hinsicbt. Dresden 1817. Scbmid, Lebrbuch des gemeinen deut-
scben Staatsrecbts. § 87. 88. et A. F. Berner, Wirkungskreis des Straf-
gesetzes. Berlin 1853. p. 81. Y. aussi le traité de Tinstruction criminelle
72 LIVIUS PBEMIER. §36.
I. La loi pénale est territoriale et personnelle à la fois.
Elle est territoriale en ee sens qu'elle saisit tontes les per-
sonnes qui se trouvent sur son territoire, les regnieoles comme
les étrangers.
Elle est personnelle en ce sens qu'elle soit les regnieoles,
et qu'elle réprime les infractions qu'ils ont pn commettre en
dehors du territoire.*
Les auteurs sont loin d'être d'accord avec nous sur la
deniière partie de notre proposition: il y en a qui contestent
à rÉtat le droit de punir les infractions qui ont été commises
en dehors de son territoire. Néanmoins la plupart des légis-
lations criminelles autorisent même les poursuites contre les
étrangers (jui se sont rendus coupables, hors du territoire, de
crimes attentatoires à la sûreté de l'État et à ses institutions
fondamentales.^ Autrefois on admettait encore la compétence des
tribunaux du pays pour la répression de tous les crimes, réputés
punissables dans l'intérêt commun de Thumamté, en quelque
lieu qu'ils eussent été commis, pourvu qu'ils n'y eussent pas
été poursuivis. Mais (luoiqu'on ne puisse désapprouver l'esprit
de justice qui a i)résidé à la rédaction de ces dispositions, à
savoir que chaque État est tenu de prêter son concours pour
la répression des crimes: néanmoins, tant que les lois pénales
continueront à présenter des divergences fondamentales entre
elles , leur application à des espèces qui ne sont pas nées sous
par M. Faiistin Hélie, tome II, et Phillimore I, 355. — Il règne tonjonrs
entre les auteurs une grande divergence d'opinions sur cette matière
épinease.
> V. Hefftcr, Lehrbuch des Criminal - Rechts. §.25—27, et l'avis de
la faculté de droit de Halle, inséré dans: Neues Archiv des Criminal -
Rechts. XIV, p. 546. Tel est aussi Tavis de M. Faustin Hélie (t n, p. 568):
„11 nous parait, dit- il, que le principe qui déclare la loi pénale essen-
tiellement territoriale, a reçu en général une fausse application , que
si la loi pénale est territoriale en ce sens qu'elle ne peut être appliquée
que sur le territoire , elle peut néanmoins régir, dans une certaine mesure,
les actions des citoyens pendant leur séjour momentané à Tétranger, et
réprimer à leur retour les infractions qu'ils ont pu commettre."
" V. de Kamptz, Jahrbuçh der preufs. Gesetzgeb. XXIX, p. 19 guiv.
et les lois les plus récentes. V. aussi Foelix, loc. cit. Il, 9, 2.
§ 36. DUOIT INTEKNAÏIONAL PENDANT LA PAIX. 73
leur empire ou en pays étranger, offrira toujours de graves
inconvénients. ^
Le mandat émané d'autorités étrangères saisira- 1- il va-
lablement la juridiction d'un tribunal à Teffet de procéder à la
répression d'un délit?* En thèse générale un mandat semblable
devrait être regardé comme licite, mais il est contraire au prin-
cipe constitutionnel, qui veut que personne ne puisse être sous-
trait à son juge naturel.
U. La loi du lieu de la poursuite est seule applicable à la
punition du fait incriminé, bien entendu qu'il soit compris
dans les dispositions de ladite loi.
Suivant l'opinion de plusieurs anciens auteurs la loi du
lieu où le fait a été commis, serait la seule applicable. Ce-
pendant presque tous les auteurs modernes et les lois les plus
récentes ont établi le principe contraire, qui vient d'être
énoncé.^ En effet la peine doit être envisagée conmie pro-
venant d'une obligatio ex lege contractée envers l'État qui fait
exercer les poursuites.
UI. Lorsqu'une infraction tombe sous l'application des lois
pénales de différents États, les poursuites commencées
dans un territoire ne constituent aucune espèce de priorité.
Les règles de la litispendance n'étant pas obligatoires en
matière pénale, l'infraction même qui a été l'objet d'une
condamnation ou d'un acquittement dans un territoire,
' On sait qae les art. 5 à 7 dn Code d'instruction crim. rendent la
poursuite simplement facultative. Ils ne sont pas applicables aux délits
dont un Français s'est rendu coupable, hors du territoire de TErapire,
contre un Français (Cass. 26 septembre 1839 Dalloz 1840, 1 , 374). Ils ne
s'appliquent pas non plus aux crimes dont un Français s'est rendu cou-
pable hors du territoire contre un étranger. Ainsi un Français, après
avoir commis un crime ou délit en pays étranger, peut, en se réfugiant
en France, se mettre à l'abri de toutes les poursuites. Pour remédier du
moins en partie à cet état de choses, un projet de loi fut présenté en
1842 par M. le Garde des Sceaux. Ce projet n'a pas été sanctionné ni
repris depuis.
2 C'est la théorie de Martin, Lehrbuch des Criminal-Proz. §20, et
de Klûber, Vôlkerr. § 63. Conlara Weigand, Erôrterungen des Criminal-
Rechts. 1836. p. 64. Oppenheim , Vôlkerr. p. 385.
3 Foelix, loc. cit.
74 UYKE PREMIEB. §36.
pourrait encore être poursuivie dans un aatre^ à moins que
la maxime humanitaire: ,,Non bis in idem'' ne s'y oppoee.^
IV. La justice pénale étant essentiellement territoriale, mm
État n'autorise, dans son territoire ^ Texéention des juge-
ments rendus en matière criminelle par les tribunaux étran-
gers, contre la personne ou les biens d'un individu.'
On est aujourd'hui d'accord sur ce principe^ auquel des
traités seuls peuvent déroger, ' et qui conserve toute sa force
dans les pays fédéraux mêmes/ Les jugements ne produisent
d'effets en pays étranger, que quant aux incapacités civiles qui en
résultent pour les regnicoles jugés dans leur pays. (Voir § 38. Il
Néanmoins la poursuite et la répression des infractions anx
lois criminelles étant généralement d'un intérêt commun aacnn
État, sur une réquisition régulière des autorités étrangèrt»
compétentes, ne refuse aisément de prêter son concours pour
la recherche des auteurs et la constatation des crimes. Mais
il peut le refuser aussi, en accordant aux inculpés sa protec-
tion, faculté qu'on ne pourra lui contester, lui seul étant juge
de la justice et de l'opportunité des poursuites.
V. La validité formelle des actes d'instruction reçus deraot
un tribunal étranger, est régie par les lois du lieu où ik
ont été dressés.
» y. HefFter, Lehrbuch des Criminal-Bechts. § 180. 181. note 5-
Schmid , loc. cit. § 90. IL et TÂrrét de la Cour de Cassation de France àz
14 avril 1868 commenté dans la Bevne dn droit intematioiial , I^re anoée.
1869. p. 82.
* Plusieurs aatenrs, à la vérité^ ont prétendu que les JÊtats sont obli-
gés de s'entr'aidcr réciproquement dans Tcxerdce de la justice criminelle.
Schmid p. ex. (à Tendroit cité § 87) dit : „ que les États ont le àem
commun de considérer comme leur mission principale le maintien de Ywitt
moral et légal entre les hommes, et par suite de s^assister nratoellemeit
pour faire respecter la justice criminelle." Mais c^est on point de me mo-
ral, qui n'est nullement exclusif de la faculté pour chaque État d*appréckr
librement si les poursuites exercées dans Tautre sont fondées. Bien ne
peut, sous ce rapport, être exigé de lui.
» V. Foelix p. 572 (§ 604 2« éd.).
* Jul. Clari, Receptae Sententiae. V, § fin. p. 38. not 10. Ai'iiri il i
fallu un traité spécial entre les États de la Confédération germanique, ^
puis de la Confédération du Nord, pour régler Tassistance réciproque tt
fait de poursuites pénales.
§37. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 75
Ce principe est reconna dans presque tous les pays; mais
il ne s'ensuit pas que les tribunaux soient obligés de tenir
pour constants les faits admis par les tribunaux étrangers.*
Quant au droit d'asile et d'extradition ^ nous en traiterons
au § 42 ci -après.
b. Conflit des lois en matière civile.'
§ 37. Les règles de juridiction des tribunaux des diffé-
rents États en matière civile diffèrent en partie considérable-
ment de celles consacrées en matière pénale.
Le droit international privé universel des Romains (jus
gentium privatum), ne s'est pas développé sans discontinuation.
Il fut contrarié par le principe germanique des lois personnelles
du moyen âge, principe suivant lequel l'individu était régi,
sous tous les rapports, par la loi de la nation ou de la tribu
dont il faisait partie, n'offrant d'ailleurs aucun mode de solution
des nombreux conflits qu'il faisait naître. Il allait être remplacé
par celui de la souveraineté territoriale. Le principe territorial,
par cela même qu'il s'impose à tous les rapports civils nés sur
le territoire, semble, au premier abord, peu favorable à l'appli-
cation des lois étrangères. La loi civile, de même que la loi
pénale, étant essentiellement territoriale, son autorité semble
expirer aux limites mêmes du territoire. Mais ce raisonnement
repose sur une erreur profonde. En effet l'État qui voudrait
nier l'autorité d'un droit civil en dehors de celui par lui établi,
nierait ne même temps l'existence d'autres États et l'égalité de
leurs droits avec les siens; c'est ce qu'il ne peut pas, n'étant
lui-même qu'un organe spécial du genre humain. Tous les hommes
pouvant prétendre au même titre, du moins moralement, à être
admis à la jouissance du droit civil, chaque État doit y contribuer.
1 Cette question a donné lien à bien des discussions. Elle a été
décidée affirmativement dans un règlement pour les États Pontificaux du
5 nvbr. 1831. V. Foelii p. 575 (§ 606 2« éd.).
2 V. les ouvrages de Schàflftier, Entwurf des internat. Privatrechts.
Prankfurt 1841. de Wâchter, Ueber die Collision der Privatrechtsgesetze
(Archiv fur civil. Praxis. XXTV, XXV). de Savigny, System, t. Vm. Di-
ritto intemazionale privato , per Pasquale Fioro. Firenze 1869. M. Mailher
de Chassa, dans son traité des statuts, a adopté un système très -différent.
76 LIVRE PREMIER. § 37.
Maïs comme le droit cîvil, dans ses développements, a besoin de
la sanction du pouvoir souverain, une nation doit admettre Tau-
torité fraternelle de Tautre, à laquelle cette sanction est échue,
conformément aux règles de Fégalité et du respect mutuel des
nations. La difficulté consiste seulement dans la fixation de la
compétence, que nous essayerons d'analyser par la suite. Mais
considérés en eux-mêmes, les rapports nés sous Tempîre des
lois spéciales d'une nation, se présentent partout avec la force
de faits aecomplis, sans toutefois produire nécessairement par-
tout les mêmes effets légaux que leur accordent les lois du
pays où ils ont pris naissance. Ici l'autonomie des États re-
prend tout son empire. Le législateur d'un pays peut refiiser
d'admettre sur son territoire certains effets des lois étrangères,
ou bien les faire dépendre de l'accomplissement de certaines
conditions accessoires. C'est à la jurisprudence de chaque pays
à examiner à ce sujet les dispositions des lois particulières;
mais, lorsqu'elles se taisent, elles doivent être réputées vouloir
laisser subsister les effets légaux des rapports nés à l'étranger.^
Ce qui n'implique toutefois en aucune manière l'obligation d'une
nation d'admettre sur son territoire des rapports réprouvés par
ses propres lois. Ainsi un Musulman ne peut, dans un État
chrétien, invoquer les lois de sa patrie relatives à la poly-
gamie, pour contracter des liaisons bigames. De même un
étranger divorcé valablement dans son domicile d'origine, ne
peut contracter un nouveau mariage dans le pays où le divorce
est aboli.* Les lois étrangères ne peuvent non plus produire
dans un pays des effets contraires aux lois de ce dernier, ni
les effets que celles-ci seules peuvent produire. Ainsi l'auto-
rité paternelle, pendant le séjour en pays étranger, subira les
modifications prescrites par les lois du séjour actuel. Les
fictions légales tolérées dans un pays ne peuvent être invo-
quées dans un autre où elles sont inconnues, bien qu'on n'y
puisse repousser les conséquences des rapports nés sons le
régime de ces fictions. Ainsi, par exemple, les déclarations
• Comparez Ch. Fr. Eichhom, Dentsches Privatr. § 35.
* Arrêts de la Coor d*appel de Paris du 30 août 1824 (affiûre de la
dame Bryan) Sirey t. 25, 2, 203, et da 28 mars 1843 (affaire Jackowski)
DaUoz 1848, 2, 566.
§ 38. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 77
de décès présumé, admises par les lois allemandes, ne peuvent
tenir lieu de preuves de décès dans les pays où ces déclara-
tions sont inconnues ; ni la légitimation d'un enfant naturel non
plus de celle de la naissance légitime exigée par certaines lois.
D'un autre côté on maintiendra les partages de succession,
opérés à la suite de ces déclarations de décès. Mais le système
qui voudrait soumettre la validité même et les conditions des
rapports nés à l'étranger aux dispositions des lois du territoire
où Ton en réclame Texécution , donnerait au principe territorial
une interprétation exagérée, en même temps qu'une force rétro-
active.
§ 38. Nous allons indiquer maintenant les règles générales
qui servent communément à la solution des conflits nés en
matière civile à moins que la législation d'un pays ne suive
d'autres maximes.^
I. Tout ce qui concerne l'état civil des personnes, leur
capacité de contracter, de faire tels ou tels act^s, de tester,
de succéder est compris sous le statut personnel et régi con-
séquemment par les lois et la juridiction du pays auquel elles
appartiennent comme sujets , par exemple la durée de la mino-
rité, la nécessité et la nomination d'un tuteur, d'un conseil
judiciaire etc. Le séjour même prolongé en pays étranger ne
fait pas cesser les effets de ces lois personnelles, tant qu'un
changement de nationalité n'est pas survenu. Cette règle répond
le mieux à la stabilité et à l'indépendance des rapports privés,
ainsi qu'au respect mutuel que les nations se doivent entre
elles. Aussi ce principe a-t-il obtenu l'assentiment presque
unanime des auteurs et de la jurisprudence, et il est admis
par la plupart des législations modernes. Supposé enfin qu'un
individu réunît en sa personne plusieurs nationalités distinctes,
1 Ainsi le Code néerlandais, art. 9, dispose: „Le droit civil du
royaume est le même pour les étrangers et les Néerlandais, tant que la
loi n'a pas expressément établi le contraire.*' Le Code des Denx - Siciles,
art. 5: ,,Les lois obligent tons cenx qui habitent le territoire du royaume,
qu'ils soient citoyens, étrangers domiciliés ou passagers." De même, d'après
les lois russes, l'étranger, pendant tout le temps de son séjour en Russie,
est soumis, quant à sa personne et à ses biens, aux dispositions des lois
russes. V. Foclii § 30. 31.
78 UVKE PREMIEB. § 38.
il faudrait appliquer les lois qui s'accorderaient le mieux avec
sa position actuelle: autrement la question serait insoluble.^
II. Les lois de chaque État régissent les biens de toute
nature qui se trouvent dans le territoire (statut réel). Néan-
moins la plupart des législations modernes restreignent les
effets du statut réel aux biens immeubles, soit par leur nature,
soit par leur destination , soit par Tobjet auquel ils s'appliquent.
C'est donc un principe constant dans toute l'Europe que les
inuneubles sont régis par les lois du lieu de leur situation.^
Il reste seulement douteux: s'il faut accorder à ce principe an
caractère absolu , au point que l'acquisition même des immeubles
dans un territoire serait régie exclusivement par les lois de
celui-ci? Le droit international, sans répondre d'une manière
complète à cette question, dont la solution varie selon les lois
et la jurisprudence de chaque pays, fournit cependant à ce
sujet les éléments suivants:
Si les lois locales n'en disposent pas autrement, elles sont
réputées admettre la validité des lois étrangères et les actes
reçus à l'étranger ayant pour objet des immeubles sitaés dans
le territoire, pourvu qu'ils soient revêtus des formalités requises
à l'acquisition des immeubles dans ce pays.
Les meubles possédés par un étranger sont régis par les
lois de son domicile, à moins que des dispositions spéciales ne
s'y opposent, telles que la maxime: en fait de meubles la pos-
session vaut titre, et autres.
En effet les meubles n'ayant pas d'assiette fixe, on les a
toujours considérés comme devant suivre la personne, et comme
n'ayant pas d'autre situation que la sienne (mobilia ossibns
inhaerent, personam sequuntur). Il y a cependant quelques
codes qui soumettent les meubles aussi au régime du statut
réel.»
> Allgeni. PreuTs. Ijandrecht. Einl. § 35. — Cette question ne ponrn
pas se présenter en France: la naturalisation d'nn individu en France im-
plique la renonciation à son domicile d'origine.
* W&chter, Arch. XXY, 200. 383. Foelix p. 54 sniv. de Savignj
Vin, 181.
* P. ex. le Code de Bavière, pari III, chap. 2, § 17; celui du Canton
de Vand (art. 3. 8); du Canton de Berne (art 4). — Par application do
§ 38. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 79
m. La validité des actes licites de rhomme est régie par
les lois da lieu où ils doivent produire leurs effets, lorsque
ces lois ont adopté on système exclusif. Autrement la matière
des actes constitutifs d'un certain état ou d'un droit réel sur
des immeubles sera seule régie par les lois du lien de leur
exécution y la capacité des parties intéressées demeurant sub-
ordonnée à leurs lois personnelles. Quant aux obligations con-
tractuelles, il faut recourir ordinairement aux lois de domicile
de chaque partie. L'interprétation des actes se fera d'après
les lois du lieu où ils ont été reçus. ^ Quant à leurs formes,
il suffit d'après un usage général de les revêtir de celles pre-
scrites par les lois du lieu de la confection. La question de
savoir cependant si l'observation des formes locales est facul-
tative ou nécessaire, est controversée. Nous la résoudrons dans
le premier sens, si les lois gardent le silence. Les parties
contractantes ont évidemment le droit de choisir soit les formes
prescrites par les lois locales, soit celles du lieu d'exécution.*
Il est vrai que si, pour l'authenticité des actes, les lois exigent
qu'ils soient reçus par des officiers publics du pays, ils ne
peuvent valablement être dressés par des officiers publics
étrangers, bien que connus sous une dénomination équivalente.*
IV. Les obligations quasi -contractuelles sont régies à la
fois par le statut personnel en ce qui concerne la capacité des
parties intéressées, et par la loi du lieu où s'est passé le fait
qui a donné naissance au quasi -contrat; à défaut d'un pareil
fait, par la loi du domicile.^
principe susénoncc il a été jagé qne les tribunaux français sont incompé-
tents pour connaître d'une demande en liquidation et partage d'une suc-
cession d'un étranger, quant aux meubles. ' D'un autre côté il a été décidé
que la succession d'un étranger décédé en France sans parents au degré
successible , ni enfant naturel ni conjoint survivant , appartient non au sou-
verain du pays étranger, mais est acquis au gouvernement français (Cassa-
tion 28 juin 1852, Sirey 1852, 1, 537). V. Foelii p. 71.
» Wâchter p. 365 suiv. Foelix p. 87 suiv. § 69. de Savigny VIII,
p. 264.
« Wâchter p. 377. 405. 406. 413. Foelix § 73 suiv. de Savigny Vm,
p. 348 suiv.
8 V. Foelix § 471.
* V. Foelix § 114.
V, l'our ce qui l'ourerne le» uMigutîous jinivcnaut de faâ
ilIicituM la théorie et In pralii^ue balancent cufrc l'aiiplicatton i
la loi ilu lieu de In poursuite {lex fori), ou du domicile, OB 1
enfin du lie» dn délit même. I,n plupart de» jurisconsulie!' se 1
Mtnt prononeé» pour la loi „ubi delietotn admûuiuni est'"
VI. Qnani A la forée exéeutoire, >\ la eonstitutiou d'hvpv
thèqiii.', ans droits de privilé^, lea lois n'accordent en généra!
CCS effets qu'ans actes autlientiques reçut* daiiM le pays tnéioe.
à inoîii» que des traitée intentatiouanx ne contiennent des sti-
pulation» eontraires.'
la nature et les eSete des
' non» occuper des actes el
nt de la eompéteoce des tri-
reconnues en cette matïËn'
le régler en justice les effet
ités dans son territoire, soi:
uu étranger. La compéteort
eUD caraetére exclusif. El!f
gatoire, contraire à l'asiome:
qui forme la base de U
n ])lu8 en ce sens qne les
tribunaux seraient tenus de statuer, du (M)nBentement même de!
parties, sur des contestations auxquelles les lois et les intérêts
du pays sont tout- à-fait étrangers.
II. La forme de procéder est régie par la loi du pays oii
la deniamle est introduite. Huivaut un usa^ adopté par toute"
les nations, les tribunaux de dilTérents pays se prêtent Dut
assistance volontaire et réciproque, lorsque, pendant le cou»
d'une instance, il devient nécessaire de procéder k nu art*
quelconque d'instruction dans un lieu situé hors du ressort do
juge saisi de la cause, ce qui se fait par des commissiom
rogatoires. Le juge requis procède conformément ans dispo-
^tions des lois de son pays. U peut observer aussi les forme»
§ sa. Après avoir
actes extrajudiciaires, un
formalités de justice , et
bunaux. Les règles généi
sont les suivantes:"
1. Il appartient k tout
des actes qui devront être ei
contre uu regnieole, soit ce
de ses tribunaux tontefois n'a
n'a pas non plus un caractère
Nemo invitas ad agendum cogil
procédure civile. Elle ne l'a pas
' V. les citatJoiiB do Bar, Intern. K. § 88.
' V. Foalii § 473.
• V. Poeli» g 125. Klfibcr, Proit dra geus, S l>8, .W.
§ 39. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 81
indiquées dans la commission rogatoîre, pourvu qu'elles ne
soient point en contradiction avec les lois prohibitives du
territoire.^
ni. Les décisions judiciaires, en tant qu'elles ne concernent
pas la forme de la procédure, doivent suivre les lois qui domi-
nent la matière (§38), ce qui s'étend naturellement aux ex-
ceptions qui affectent le fond même de la demande, et aux
preuves.*
IV. Les jugements passés en force de chose jugée, sont
exécutoires dans le territoire où ils ont été rendus^ et dans les
pays où leur exécution a été garantie par des traités ou par
des usages internationaux. Cependant dans aucun État on ne
devrait refuser d'accorder aux jugements rendus par des tribu-
naux compétents à l'étranger, l'autorité d'un contrat judiciaire
intervenu entre les parties, et par suite Os devraient être
déclarés exécutoires après avoir été soumis à un examen pré-
alable, qui porterait seulement sur la compétence du tribunal,
sur la régularité de la procédure, l'absence de toute disposition
contraire aux lois et aux institutions du pays, enfin sur la force
de la chose jugée acquise au jugement.
n faut en dire autant des sentences arbitrales, des excep-
tions de litispendance , de la chose jugée en pays étranger.
Elles présentent le même caractère de contrat judiciaire qui
forme la base de toute instance engagée devant les tribunaux.^
» Poelix p. 300 suiv. (§ 209).
^ Qnant à Texception tirée de la prescription, elle fait l'objet d^nne
controverse sérieuse. Est-ce qu'elle n*est qu'une exclusion de procédure
par le laps du temps ou bien du droit même de la partie ? Pour s'en rendre
un compte exact, il faut avant tout examiner le caractère que les lois par-
ticulières de chaque pays attribuent à la prescription. En cas de doute
nous suivrons la dernière opinion. Comparez Foelix p. 140. Wftchter,
Archiv. p. 408. de Savigny p. 273. Contra: arrêt de la Cour suprême de
justice de Berlin, Entsch. X, 105.
* de Eamptz, Litt. § 140; idem, Beitrâge zum Staats- und Vôlkerr.
I, n. 5. Schmid, Teutsches Staatsrecht. §86. Wâchter, Archiv. p. 417.
Foelix , Droit intem. n. 314. ss. Kappler, Juristisches Promptuarium , art.
„ Auslândische Urtheile." Pour la Belgique, v. arrêt de la Cour d'appel
de Bruxelles, dans la Gaz. des tribunaux, 24 septembre 1844. V. aussi
Foelix p. 446. 227. Gaz. des tribunaux du 22 novembre 1851. et M. Asser,
dans la Revue du droit international. I, p. 82. 85.
Heffter, droit InteniAtional. Se ^ 6
82 UTBB FBBUfB. § 40.
2. Rapports tfM État» avao la paawalr aaaIMnIlpa ûê Papa.
§ 40. Les rapports dea Étata avec vn povroir
externe, et surtout avee le chef de Vt^fiai^ eathoiiqne - romaine
sont d'une nature toute spéciale.^ De tou les tenqia il y a
eu des diffërends et des conflita entre eea deux pidaaaiices,
spirituelle et temporelle, leaqnela ne aanraient être écartées
que par la soumission pléniëre des soa?eraina et de leuragoa-
vemements sous les décisions des autoritéa eedènaatiqmeti. Cette
tendance théocratique, les Papes Font poonmiYie avec ime
logique persévérante pendant le moyen Ige, mais ila n'ont
jamais réussi à la réaliser entièrement Ha ont ea même à
souffrir des revers et des pertes dana l'exercioe dea droits
acquis par eux en divers pays. Nëanmoina ila ne s'en sont
jamais désistés et le Syllabns de 1864, de mênoe que les dé*
crets du Concile romain de 1869 à 1870, fonmiaeeiit la preuve
qu'au Vatican on n'a rien oublié.
A quelles sources puisera- 1- on la déeiaian de eee ccmffits?
Nous croyons qu'en général les rapports entre FÉgliae et l'État
sont régis par les mêmes principes auxquels obèinaent en pra-
tique les États ou pouvoirs indépendants les nus dea antres
dans leurs relations mutuelles. Ils se résument dana les pro-
positions suivantes:
I. En ce qui concerne le caractère des deox pniasanees»
temporelle et spirituelle , aucun souverain qui commande à des
sujets catholiques ne peut se refuser |i reconnaître dans le
pontife romain le représentant de l'unité centrale de TÉgliw
catholique, auquel elle se rattache par des liens indiasolnblea
Rien ne peut s'accomplir dans le sein de l'Église sana l'assen-
timent de son chef, qui prononce en dernier ressort sur œ qm
est vrai et ce qui est faux. Vouloir exclure son autorité, ce
serait faire violence à la conscience des sigets catholiques.
D'autre part l'Église romaine ne doit pas vouloir ignorer l'exi-
stence de l'État et ses droits de se maintenir et de se déve-
lopper librement.
* lie caractère international desdits rapports ne peut être nié. Com-
parez Philliniore, International Law, Vol. Il, p. 277 et 88.
§ 40. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 83
Aucune des deux puissances ne peut faire la loi à Vautre :
elles sont entièrement indépendantes Tune de Tautre. L'État
n'est qu'une partie de l'ordre divin des choses: l'Église, dans
ses rapports temporels, n'est pas plus infaillible que l'État. Si
l'antagonisme vient à éclater entre eux, la voie de la trans-
action seule peut le terminer.
n. Gonséquemment les concordats* du Saint-Siège avec
les puissances catholiques, ainsi que ses conventions avec des
princes non -catholiques, que Ton a évité de nonmier concordats,
sont une source importante des rapports établis entre l'Église
et l'État, quelquefois même les conventions spéciales arrêtées
avec les prélats de l'Église dans les limites de leurs fonctions.
Leur force obligatoire ne diffère pas de celle des traités publics
à l'égard de leur validité et du)*ée; ils ne sont pas simplement
des privilèges révocables de bon gré de part et d'autre.*
Les usages réciproques, ou Inobservation uniforme de cer-
taines règles, par suite de leur vérité interne ou de leur néces-
sité externe, forme une troisième source des rapporte légaux
entre l'Église et l'État. Aussi le droit canon reconnaît -il
comme obligatoires pour l'Église et pour tous ses membres, les
usages qui ne sont contraires ni à ses institutions, ni à ses
doctrines fondamentales, ni à son propre principe.' Par là-
même qu'elle se réserve le droit d'examiner à son point de vue
l'admissibilité d'un usage et d'émettre là -dessus un avis obli-
gatoire pour le clergé, l'État a incontestablement le droit ana-
logue d'examiner les prétentions temporelles qu'elle fonde sur
de prétendus usages, et il peut suspendre on supprimer leur
application dès qu'elles sont en opposition avec ses institutions
fondamentales.
En cas de contradictions et de conflito une jouissance, im-
mémoriale, une tolérance tacite, l'observation constante pendant
1 Comp. Mûnchy Vollstandige Sammliuig aller Concordate. Leipzig
1830. 2 vol. Weiss, Corp. jnr. eccles. hod. (Hessen 1833.
> La nature des concordats a été de nos jours Tobjet de beaucoup de
contestations. Elles ont été développées et critiquées par Hubler (Dove,
Zeitschriffc d. Eirchenr. Vol. m. IV.), Bomagios et d'autres.
« V. can. 7. Dist 11, cap. 6. Dist. 12, cap. 4—9. Dist 8, cap. 1—11.
X. de consuetud. Walter, Kkchenr. § 62. Bichter, Eirchenr. § 181.
6*
84 uvn pmaBL §4i.
qn'oD avait le iioavoir, et rintérSt de i^eppoier donneTa u
luoiiiH à la iKiBsession un earaetère pwfiwife (§11 ci -dessus]^
que ui TÉgliBe ni TÉtat ne peavenl^ wêm hJMBcey méeonnattie
et tnml)ler. Car selon FexpraMion de Plein de IbrcAy aidie-
vêquc de Paris, ,,Conmyentia aedis i^MMtoHeae id maxime
praestat, ut liona fide principes in ao mogoUo tnctando ver-
sentur, quod ad se pertinere non impiolMbili ntmie patant^
ita ut patieutia illa, si neeesse ait, Tieem privilegii et éiapat
sationis subeat/^^
§ 41. Pendant des siècles les Papee ont possédé et gos-
verné un vaste territoire, qni sons le nom de Patrimoine
de St. Pierre constituait avec beaaooqi d'antres temporalités
le liénéfice du Saint -Hiége. Ils y exerçaient tow les droits de
la souveraineté et prenaient part à cet égard aux affaires pofi-
tiques du monde.'
Dépouillé de cet accessoire de la phis hante dignité eeclé-
siastique, le souverain pontife continuera cependant de jonir de
tous les honneurs et droits usuels inhérents A cette positica
principale à Tégard des souverains et États séoolierSy qui de
leur côté pourront prétendre à la continuation de leurs relalimtf
établies avec le siège pontifical. La loi italienne qni vient
d'être sanctionnée le 13 mai 1871 n'y a mis aneon obstsde.
(Voir Tappendice).
Les points les plus remarquables de ces relations sont les
suivants :
1. La dignité papale est élective; rélection, depuis k
moyeu âge, s'opère „iure humano^' par le collège des cardi-
naux d'après les constitutions de plusieurs FvpeuL CSertaines
puissances (rAutriche, la France, TEspagne) prétendent, Ion
de l'élection d'un nouveau pontife, au privilège de récaser tel
ou tel candidat/ bien que ce privilège ne soit pas reconm
par la cour papale ni autrement constaté. D en est de mâne
de l'usage jadis consacré au profit de plnsienrs sonveraios
> De concordia Imp. et sacerdot. ni, 9, 8.
* Cenni, Monumenta dominationis Pontificiae. Rom iTSO. Sngo-
heim, Qescb. des Eirchenstaates. Leipzig 1854.
> Jns exclusivae. Voyez Toze, Kleine Schriften. Leips. 1791. p.4li
Gûnther, II, 415. Jo. Casp. Barthel, de Exdnsiva.
§ 41. DKOIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 85
catholiques, de nommer des cardinaux protecteurs de leurs
peuples (cardinales protectores natîonum), ce qui a cessé depuis
la révolution de 1789. Généralement les communications avec
la cour de Rome s'opèrent aujourd'hui par des agents diplo-
matiques.
U. Tous les monarques catholiques accordent au Saint -
Père le premier rang et lui témoignent en fils fidèles les hon-
neurs coutumiers tels que le baisemain et autrefois celui de
tenir Tétrier au Pape montant à cheval. Pour les puissances
non -catholiques c'est une affaire de convenance dans l'intérêt
de la paix et de respect personnel envers le chef souverain
de l'Église romaine.
lU. Comme puissance spirituelle, le pape exerce dans les
Etats où le culte catholique est reconnu, toutes les fonctions
qui découlent de son caractère traditionnel. Elles consistent
dans le maintien de l'unité de la doctrine et des institutions
canoniques, et en conséquence dans la direction, la repré-
sentation et la surveillance des intérêts généraux de l'Église,
conformément à sa constitution et à ses dogmes.^ Lorsque
la puissance spirituelle dépasse ses limites incontestées, l'État,
en vertu de son droit de police intérieure, peut lui résister
et prendre à l'avance des mesures contre des empiétements
éventuels, „ne quid detrimenti respublica capiat." Ces me-
sures sont tracées par le droit public interne et par la poli-
tique. Dès le xv** siècle la pratique des nations admet à
cet effet l'examen des bulles et des dispenses émanées du
Saint-Siège, leur suspension et le placet regium ou le droit
d'exequatur pour leur mise à exécution, et les appels comme
d'abus en cas d'excès de la puissance spirituelle; des mesures
péna;les et de police contre la propagation clandestine des règle-
ments ecclésiastiques destinés à être soustraits à Texamen de
l'État; la surveillance des relations de TÉglise nationale avec
ses chefs étrangers.
IV. D'après un antique usage l'Église romaine et son chef
jouissaient du patronage du saint Empire romain, jusqu'à la
1 Marheineke, System des EatholiciflmuB. U, 344. Clausen, Kirchen-
yerf. tibersetzt von Frios. I, 27.
• i-
86 UVHB FUmBi §42.
dissolution de ce dernier Bturenie ai 1806 ^ pateoiiAge qm
datait du régne de Pépin et de CharleniagM * Depoia lactate
de FEmpire germanique, cette proteetioii a eeiaé eonme droit;*
elle lut peqdant quelques années ezenée de fait par la France.
Aujourd'hui elle est mise moralement sons la iwp<HiaalHlit6 de
ritaUe.
Le droit public de chaque État et k droit eedésiastique
mdiquent les rapports spéciaux du Saint-Siège.* A une oertaîne
époque Kome prétendait soumettre à son aatorité les affiûra
temporelles mêmes des nations. Elle s'arrogeait notaoïment h
sanction suprême des droits des empeieura, des rdm et des
princes, la faculté de censurer leurs actes de gonvemement,
de lever des impôts sur leurs territoires' ete. La France a b
première résisté victorieusement à ces prétentiona exagérées,
qui depuis ue se sont plus reproduites.^ La plus beUe et la
plus digne mission temporelle pour le chef comnum de TÉgliBe
catholique était, au moyen fige, rexerdce d'un pouvoir con-
ciliateur entre les puissances, dont, dans Fintérêt d'une paix
générale, il pourrait être investi encore aiyourd'hui^ dès que
des parties en litige viendraient invoquer son arbitrage.
3. Exterritorkillti.»
§ 42. L'exterritorialité est une immunité de droit public
dont jouissent certaines personnes, immunité qui a pour objet
de les exempter des pouvoirs de FÉtat dans lequel elles résident
< HûUmann, Eirchenverf. 167. 172 sniv.
3 Al. Millier, Die nen aufgelebte Schirmvogtei des 5ateireichi8oheD
Kaisers iiber die rômisch - katholische Kirche. Erfdrt 1830.
" Voyez les élncidations de M. Phillimore, Inieinat. Law. n, p. 277 ss.
* Gûnther, Vôlkerr. I, 162 suiv.
^ Les ouvrages consacrés à cette matière traitent Mndement de Tex-
territorialité des agents diplomatiques, mais aucunement de celle des autres
personnes. Le traité le plus complet est toujours celui de Bynkenhoek,
De jud. compétent, legati. Lugd.-Bat. 1721. traduit par Barbeyrac 1728.
1727, traduction qui se retrouve dans les éditions de rAmbasaadeur par
Wicquefort. V. Foelix, Revue étrangère. 1845. I. p. 81. Y. aussi flendrdt
international privé p. 266. Les recherches les plus récentes se trouvent
dans la dissertation d'Ëvertsen de Jonge, over de grenzen yan de Begten
van Gezanten u. s. f. Utr. 1850.
§ 42, DKOIT INTEBNATIONAL PENDANT LA PAIX. 87
effectivement. Par une espèce de fiction légale on considère
généralement ces personnes comme n'ayant pas quitté le terri-
toire de leur nation. C'est peut-être aller trop loin et donner
à ce droit un caractère trop absolu. Il en résulterait, par
exemple, cette conséquence singulière que tous les actes passés
par une personne exemptée dans le territoire étranger, seraient
régis exclusivement par les lois de son domicile d'origine, que
la règle: „Locus régit actum" ne pourrait être invoquée contre
elle,*ce qui certainement ne serait pas admissible.^ Le pri-
vilège de l'exterritorialité en effet repose sur la considération
unique que, dans un intérêt exclusivement international, la
juridiction d'un État cesse d'être applicable aux rapports civils
de certaines personnes, et que son exercice est suspendu à
leur égard. Les personnes qui jouissent de ce privilège sont
les souveraii^s, leurs agents diplomatiques et leurs forces mili-
taires, lors de leur admission dans le territoire étranger. Nous
aurons à examiner par la suite dans quelle étendue elles sont
appelées à en jouir. Nous nous bornerons dans ce paragraphe à
retracer les principes généraux et non contestés de l'exterritorialité.
L Les personnes exemptes conservent en général leur do-
micile d'origine, et par suite tous leurs rapports civils continuent
à être régis par les lois du domicile. C'est ce qui toutefois
ne leur enlève pas la faculté d'élire un domicile sur le terri-
toire de leur résidence réelle. De même elles peuvent con-
server le domicile qu'elles y avaient précédenmient.* Ainsi,
par exemple, un agent diplomatique accrédité auprès du sou-
verain dont il était le sujet avant sa nomination, peut ne pai|,
renoncer à ces rapports. Rien ne s'oppose non plus à ce
qu'une personne exempte ne se soumette librement à la juri-
diction étrangère: rien, par exemple, n'empêche qu'un sou-
verain ne puisse avoir un domicile en territoire étranger.
Cette élection de domicile entraîne la soumission de la personne
exempte, dans tous les rapports civils en dehors de son carac-
tère public, à la juridiction des tribunaux étrangers.'
' V. snr Forigine de cette fiction Evertsen p. 158.
> V. Bynkershoek c. XI, § 5 soiv.; c. XYin, p. 6 in fine.
" C'est ce que le traité de Westphalie (Y, § 28) a sanctionné notamment
a regard des anciens cheyaliers de rËmpire dans ces termes: »,ni8i forte
■# ■
88 hmm nwnk . .. • %4Sr
n. L'exterritorialité a pour ^ dfamt VfmmpHm des
personnes et des objets- privilégiéB de toils eapèce da juid»-
tion territoriale. Anenn aote de poUoe, aneaA aete da poa^
judiciaire ne peuvent les attendre. Mak lea antrea drints
souverains de l'État snbsiitaiit dam tonte leor finEoe, tels que
ceux de sûreté et de défense intértooraiy le dioift de ûdie
respecter ses lois par une intervention positive da goav^ne-
ment eto.
III. Lorsqu'il s'agit^ pour la personne exempte, de lloqoi-
sition de certains droits qui ne sont aoe«rdéB qa'anx rtagniodefl,
ceux , par exemple , de diriger une inq[>rinierie oa d'eseroer le
commerce, elle doit se conformer anx lois du territcnre.
IV. La personne exempte n'est pas affiranehie non ptns des
charges qui grèvent l'usage de certaintea ehosea fusant partie
du domaine public, par exemple des droite de péage des routes
de terre ou d'eau, k moins que le gonvemement étranger ne
consente à les en exonérer par courtoisie , ainsi qae cela se
pratique quelquefois.
V. Il faut en dire autant quant à l'exeroioe de droite civils
en pays étranger. Ainsi, pour l'acquisition d'immeables y
situés, la personne exempte doit se conforma aux dispositions
des lois locales.^
VI. L'immunité de la personne exempte se oommnniqiie
aux personnes de sa suite. Elle s'étend en même tenoips aux
effets et aux biens meubles qui lui appartiennent. Néanmoins
les personnes comme les biens qui précédenmient étaient soumis
à la juridiction d'une puissance étrangère, ne peuvent sans son
consentement exprès , être soustraits k sa juridiction ; ils ne le
pourront pas non plus contrairement aux dispositirnuk formelles
des traités internationaux.*
Vn. La personne exempte est soumise à la juridiction terri-
toriale du pays où elle réside, dans toutes les affiûres privées
in quibusdam locis rationc bonorum et respecta territorii Tel 4(?t»tctlti aliis
statibns reperiantur subjecti."
* C'est un principe généralement adopté. V. Bynkershoek chap. XVL
Merlin, Képertoire, m. ministre public. S. 5. § 4. art 6 et 8. Wheaton I,
2, 3. § 16. En Prusse par le Code de proc. civile: AUg. G.-O. I, 2, 66.
^ Wicquefort, F Ambassadeur. I, 28. p. 422. BynkershoQk ohap^XY. §&
§ 42. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 89
pour lesquelles, lors même qu'elle n'y résiderait pas, elle serait
tenue de répondre en justice. Car dans les affaires de cette
sorte la juridiction territoriale ne saurait être moins compétente
dans le cas où la personne exempte réside dans le pays même,
que dans le cas contraire.^ La jurisprudence internationale
toutefois admet à ce sujet certaines limites, à la vérité non
obligatoires; elle ne reconnaît en général la compétence des
tribunaux locaux qu'en matière réelle, ou lorsqu'il s'agit de
demandes reconventionnelles ou accessoires de la demande prin-
cipale formée contre la personne exempte, enfin dans le cas
d'une continuation d'instances commencées auparavant.' Des
mesures conservatoires où il ne faut pas le concours de la
justice seront également autorisées. Pour les judiciaires, il y
a lieu d'en douter;^ du reste la soumission volontaire à la
juridiction du territoire n'est pas exclue, si ce n'est de la part
d'un ministre étranger, sans le consentement de son souverain.*
Enfin dans le cas où la personne exempte aurait conservé d'une
manière non équivoque son précédent domicile dans le terri-
toire, conformément à ce que nous avons dit au n** I du présent
paragraphe, elle ne pourra décliner la compétence des tribu-
naux du pays.
Il est inutile d'ajouter qu'en aucun cas les personnes
exemptes ne peuvent être l'objet d'une contrainte ou d'une
mesure d'exécution quelconque, et qu'il faut observer envers
* Ainsi en principe rien ne s'oppose à ce qu'on n'applique le prin-
cipe du forum contractus. Un mémoire de la Cour de Versailtes de 1772
observe à ce sujet avec beaucoup de raison ce qui suit: ,, L'immunité dq»
ministre public consiste essentiellement à le faire considérer comme s'il
continuait à résider dans les États de son maître. Rien donc n'empêche
d'employer vis-à-vis de lui les moyens de droit dont on userait s'il se
trouvait dans son domicile ordinaire.'' Flassan, Histoire de la diplom.
franc. VU, 22.
> Bynkershoek cbap. XIV. § 13. chap. XVI. § 2. Merlin , Répert. Mi-
nistre public. V, 4. 10.
" Bynkershoek chap. IV. § 5. 6. chap. XVI. § 6 admet des saisies -
arrêts. V. cependant Foelix II, 2, 2, 4. Un arrêt de la Cour imp. de
Paris , du 5 avril 1813 (Sirey 1814. 2. 306) a jugé qu'aucune saisie ne peut
avoir lieu dans le pays de la résidence du Ministre étranger pour des dettes
contractées avant ou pendant le cours de sa mission.
« Bynkershoek chap. XXIII. Ch. de Martens, Causes célèbres. I, 229.
90 UnOB FBBMBVL §43.
eUes les égards qd 0<mt chu à ]mr poirittoD, Ainà, par
exemple, des sommiUioni on des oitatioH ne pMnrent Inir être
signifiées que par voie diplomatiqiie.^
VIII. L'exterritorialité cesse aree Isa oanaea qui Font mo-
tivée. On ne reconnaît pins le droit d'aole daaa VhbUL d'm
ministre étranger , ni la franchise da qoaitier.'
4. SKvHsëtt il
§ 43. Les rapports naturels des Étala qui sont appelés
à se développer les nns à côté des aatreSy portent avec eux
la nécessité de certaines restrictions des droits souveraiiu,
restrictions auxquelles aucnn d'entre eux ne peut se sonstraiie
sans léser Tordre des choses établi et les règles de bon vois-
nage. On leur a donné le nom de servitades publiques natu-
relles (servitutes juris gentinm necessariae).^ An nombre de
ces servitudes naturelles on comprend , par exemple, l'obliga-
tion de recevoir les eaux qui découlent natOreUement d'un
territoire limitrophe,^ la défense de construire sur une rivière
des ouvrages tendant à en détourner le cours, à le rejeter
sur la rive opposée , et en général de nature à oaoser quelque
préjudice à un État voisin (§33 ci -dessus). Les dispositions
1 V. A. 6. 0. ftir die preursischen Staaten. I, 3, (66. Bynkenhoek
chap. XVI. § 19 n'est pas tont-à-fait dn môme ans.
> V. ci - après an livre III et au § 63 in fine.
* V. les ouvrages indiqués par Ompteda , Lit § 214 et de Kampti
§ 101, surtout ceux de Ph. J. Elwert, De serritatib. b. jurib. in àHeno tor-
ritorio. Argent. 1674, de C. J. C. Engelbrecht, De serritatilmt jnr. pnbl
Helmst. 1715. 1749. Nie. Tbadd. 'donner, Entwioklong des Begrilb nnd
der Grundsâtze der deutschen Staatsrecbtsdienstbarkeiten. Srlangen 1800.
Ces auteurs traitent surtout des rapports anciennement établis entre les États
de TEmpire germanique, appelés „ servitutes jnris pnbUd Kemuudci" par
opposition aux „ servit, juris gentium." de St€ck, dans ses ÉcUdrciBsements,
traite la matière d'une manière plus générale.
« V. Hert, Opusc. II. III. p. 103 suiv. Cet auteur, ainsi que Engel-
brecht, comprend au nombre des servitudes natoreUee les oui de foiœ
majeure et de légitime défense ; c'est aller trop loin. KlÛber § 199. net t.
au contraire, et d'autres nient l'existence des servitudes nAtarellee.
^ „Semper haec est servitus inferiorum praedionun , . ut natnra pro-
fluentem aquam recipiant" (Loi I. § 22. Dig. de aqua). V. sur les déve-
loppements de ce principe Hert p. 185 suiv.
§ 43. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 91
du droit romain s'appliquent sans difficulté à ces sortes de
servitudes.
A côté des servitudes naturelles, on rencontre des servitudes
positives consenties librement par les États (servitutes juris
gentium voluntariae). Elles ont pour objet l'établissement d'un
droit restrictif du libre exercice de la souveraineté territoriale
au profit d'un État ou d'un particulier étrangers. Autrefois elles
étaient d'une application plus fréquente, surtout en Allemagne,
qu'elles ne le sont aujourd'hui.^
Pour la validité de ces servitudes il faut d'une part: un
État souverain, quelquefois aussi, ce qui est plus rare, un
particulier étranger appelé à en jouir, et d'autre part un État
indépendant, obligé de les souffrir. Elles peuvent aussi être
réciproques lorsque, par exemple, elles ont pour objet la per-
ception d'un certain impôt de part et d'autres. Le droit réga-
lien des postes, garanti par le recès de l'Empire germanique
de 1803 (§ 13) et par l'acte de la Confédération germanique
(art. 17), à la maison de Thum et Taxis dans toute l'étendue
du territoire fédéral, où elle en a joui lors dudit recès jusqu'en
1866 et sauf quelques traités spéciaux qui y dérogeaient, était
une servitude internationale. Un droit régalien au contraire
accordé par un État à un regnicole ou, en dehors d'un traité
public, à un étranger, ne constituersût pas une pareille servi-
tude. Ce seraient plutôt des concessions régies par les prin-
cipes du droit public interne.*
Les servitudes dont il s'agit, ont pour objet exclusif des
droits souverains ou régaliens,' et généralement le domaine
public, non le domaine privé de l'État, ni la propriété privée
de ses regnicoles , bien que celle - ci puisse se trouver indirecte-
vi^ak atteinte par une servitude semblable.^
Les effets des servitudes publiques consistent tantôt k faire
jouir un État étranger de certains droits souverains dans un
autre territoire , tantôt k lui interdire sur son propre territoire
1 y. Moser, Nachbarliches StaatBrecht. p. 289. Engelbrecht II, 2.
Borner, Vôlkerrecht der Dentseheo. p. 280.
> V. Engelbrecht H, 1. 12.
3 Begalia majora et minora.
« Gônner, loc. cit. § 27—86. Klûber § 188.
93
l'exenàco «l'un droit Bcmblablc. Il eu résnlte <iue la âiatinctifJD
des lois cii'ilcH outre sorvitndee niliruiatîvo» et négutive» e«t
appUcabK- i-u iiiiitiëre inteniationale. Comme exemples de t-er-
vitudea nùgutiveH uuns uîtous la déteuse de coustruire nue ior-
teresse, d'éUldir dcn forcett railitairee an-delà d'an chifirr
détemiiiK: Hcir U IVvutiére etc.' D'autres distîiictioDs, telles
que celle de ..aervitutes cuntinane et diseoQtiuaae", nons pa-
ruBuent peu utilcH. Peu Uiipurte d'ailleurs que ce eoit l'État
lai-même ou ues nationaux ijui soient appelés k jouir de )s
servitude. Aiiiisi , par exemide . le droit de eouper du boU de
campêcbe daim certaiue
niques, t'onuiiit uue clause
(art.l7>*
L'esirênie limite de ce
respect mutuel ([ue les m
elles ne iieuvent jamais avoi
entièrement dépendante d'un.
streignanl le libre cxerrice des
elles sultsiuttT comme uutiou w
le problème le (dus délicat de
tique ne sera que rarement appeit
nu profit dea sujets lirit:iii-
I du truihi de Paris de 1763
tude» est indiquée par le
iivent à leur indépendances
effet de rendre une nation
■e. Uu moins, tout en k-
tts souverains, la laisserout'
uiTcraine, C'est an sarplas
léorie, problème que la pr»
! à résoudre.*
Les Kcrvitudes publiques s'acquièrent par voie de traités,
même ainm tradition.'* £Uee peuvent aussi être eoDstitnéeK
valablement par un usage immémorial (§ 11 ei-deRsus). U
seule pnssesfiion d'une servitude toutefois ne snilît pas poui
imposer à un État indépendant l'obligation d'en tolérer la jonis-
sance: il peut au contraire exiger en tout temps qu'il eu soit
justitié par un titre régulier, et la présomption de la liberté
militera toujours en sa faveur. KlUber (§ 130), Engelbrecht et
Gijnner, qui soutiennent la thèse opposée, s'appuient sm^es
rapports tirés de l'ancien état de choses établi en Allemagne,
et il est incontestable qu'encore l'acte fédéral de 1815 (article U)
maintenait entre les États de la Confédération germanique
' V. Engelbrecht U, 2. 27.
* de Steck, EHaaia. ITTÔ. Gônner g 24. 2S.
* Une formule différente a été proposée par Schnielzing § 239, V. aoesi
GoDDer 8 37. 38.
* Gônnet §67.
§ 43. , DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 93
Tautorité légale de la possession. Toutefois, entre des sou-
verains entièrement indépendants les uns des autres , la simple
possession ne pourra jamais suffire pour établir un droit per-
manent.
Les traités constitutifs de servitudes internationaux s'inter-
prètent d'après le sens clair et strict des termes y employés.
D n'est pas permis de tirer de la concession d'un droit de
souveraineté une induction en faveur d'un autre : dans le doute,
c'est seulement le moindre degré du droit qu'il faudra ad-
mettre.* — L'usage immémorial s'établit par une jouissance
constante et uniforme, conformément à l'adage: „tantum prae-
scriptum quantum possessum."* Dans le doute, l'État obligé
ne peut en aucune manière être troublé dans la co -jouissance
du droit concédé, à moins que ce dernier ne soit naturelle-
ment exclusif ou de nature à ne pouvoir être exercé que par
un seul État, ou que l'autre n'ait renoncé à cette co -jouis-
sance.* La jouissance d'un droit souverain dans un territoire
étranger ne peut s'effectuer que de la manière la moins nui-
sible ou la plus convenable pour l'État obligé.* La conces-
sion d'un droit contraire à un droit précédemment établi serait
nulle.
Toute servitude est regardée conmie un droit réel perma-
nent, autant par rapport à l'État obligé que par rapport à
celui auquel elle est concédée.^ Elle se transmet activement
et passivement aux successeurs et héritiers du pouvoir souve-
rain. Elle prend fin d'après les règles ordinaires de nullité
ou de résolution des traités internationaux.* Elle s'éteint encore
par voie d'abandon, de consolidation et de renonciation ex-
presse. Ainsi p. ex. l'acte de la Confédération du Rhin (art. 34)
> Qônner § 80 — 82. Klftber § 139.
* Sixtin., De regalib. I, ô. 171.
» Engelbrecht H, 1. 12. Gônner §90.
« Engelbrecht H, 3. U. QôDner § 78.
» Gônner § 94 auiv.
« V. Klûber, Abhandlnngen und Beobachtongen. I. 1830. p. 1--57.
de Eamptz, Beitrage znm Staats- nnd Yôlkerr. I, p. 140. Brauer, Beitrâge
zam Staatsrecht der Bheinbnndstaaten. p. 264. Maurenbrecher, Dentsches
Staatsr. § 138 e. Medicus, Bhein. Bund. IV, p. 184. Schmelzer, Verhâlt-
nifs auswàrtiger Eammergûter. 1819. p. 75.
u
UVHI PKKUIBft.
aemblt^ avoir iiliro^é dnxin Ioh t«rritnîree qui faiswent partie
de cette Confédération, Uiutou les seirîtndes y établies auden
nemoiit. (Jt;|)eudai)t une faraude divergence d'opinions a éclaté
sur te poiut, PluMieui^ auteurs exceptent de l'abrogation tarilc
les servitude» niifcatÏTCH; d'autres cellea fondées sur des [irivi-
légew iuiin'riiiux. Noua pensons que lea petite droits régaliens
(re^alia iiiinura) doivent iteul» êtri> exeeptéM de cette abrogation
Kéni^-nile.
6. Dri>" ■l'i"*'
g 44. De tout ce qn
résulte clairement qu'en f
de s'immiscer dan» les s
Aucune puissance ne peut
dant, quelque faible qu'il s(
exiger l'introduction de chai
née, ni s'opposer aux réformes
conditions du pouvoir souve
dicter à un État indépendant
gouvernement, ni Ini imposer
ons établi jusqu'à préeeul i]
îtine puissance n'est en dmil
érieures d'nn État étranger,
Mipnser à un État indépeu-
constitntion partjcnlière. ni
s dans celle qu'il s'est don
' lui projetées, ni régler le*
Aucune puissance ne pent
régies de conduite et de
iines institutions ou le faire
renoncer à d'autres. Aucune puissance enfin ne peut prétendre
vouloir tracer la ligne politique d'un souverain indépendaul.
C'est donc le principe de non - intervention qui est le senl ntii,
tandis que celui d'intervention n'est qu'un droit exeeptionnel,
fondé sur des raisons spéciales qui n'ont pas toujours été, dan?
la pratique des nattons, dew raisons légitimes et n'ont souveni
' I/eiaïuen des poiota priuciiiaui qui se rattachent à lu queatii>n do
droit d'iuterïeiition , su trouve dans Muser, Vers. VI. p. 317 suiv. Tâtl*l
II, 54. Gùnther. Viilkerr. I, 280 suiv. de Kamptz. VôlkerrechUiche Er-
orternng des Reehta der europiiischen Hàchte, in die Ver^sung eiiie^ ein-
zelneii Staats uicli zu tniselien. Berlin 1821- (V. la critique dans Hemifti
XI, p. 142). Traité sur le droit d'intervention par MM. D. et B. paris ■
1823. Krug, Dikâopolitik. I^ip^tig J824. p. 322 Buiv. Wheaton, Histoire
du progrès etc. p. 394 suiv. (II. 19S). Heiberg, Das Princip der Nicbt-
lutervcutioii. Leipzig lM42. H. de Botteck, Das Eecht de- *■'= — iachong.
Preiburg 1845, et daos le Dictionnaire intitulé: Staats -Leucon. t. \'ll.
Phillimore I, 433. Halleck, Intem, Law. Chap. IV. g 3. 1. Berner, daos
le StRatstexicon de Bluntachli, art. Intervention.
§ 44. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 95
eu d'autre fondement que des intérêts égoïstes. Mais le droit
des nations n'admet que des raisons fondées sur la justice.
Pour être exacts nous distinguons, quant à l'objet:
l'intervention dans les affaires constitutionnelles d'un pays
de celle dans ses affaires de gouvernement, y compris les
démêlés politiques de divers gouvernements entre eux.
Quant à la forme, nous distinguons encore:
l'intervention proprement dite, ou le cas où une nation
intervenant comme partie principale dans les affaires inté-
rieures d'une autre, cherche à lui imposer sa volonté par
la force même des armes,
de la simple coopération, ou du concours accessoirement
prêté à une autorité ou à un parti quelconque de la
nation dont les affaires intérieures l'ont motivé.
Enfin on peut user de simples mesures de précaution arrê-
tées en vue de dangers éventuels, telles que la paix armée, ^
et d'une intercession purement officieuse, entreprise par une
nation dans son propre intérêt ou dans l'intérêt d'une autre.
Ces formes et ces dénominations diverses d'intervention
appartiennent encore à la pratique récente des États. C'est
surtout le principe de coopération qui est devenu la base du
traité de la quadruple alliance du 22 avril 1834 et de celui
additionnel du 18 août de la même année.' Cependant long-
temps avant déjà il était en usage dans les affaires générales
de l'Europe.
Ces diverses mesures ont toutes pour but de provoquer
dans les affaires intérieures d'un autre État un changement
voulu. Décidément la nature différente des gouvernements ne
modifie en rien le caractère des principes internationaux, bien
que dans l'ancienne pratique la nature spéciale des États électifs
et fédéraux ait fourni une vaste carrière à toute espèce d'inter-
cession politique.^
» Mot inventé en 1840 par M. Thiers.
2 V. Martens (Murhard), Nouveau Recueil, t. XI. 1837. p. 808 et
t. XII. p. 716.
3 La Confédération germanique, dans un arrêt du 18 septembre 1834,
avait adopté un système très -prononcé contre toute intervention étrangère.
Martens (Murhard) , N. Suppl. Gottingue 1842. p. 56. — D est inutile de
LIVRE PREMIER. § 45.
§ 45. Une interveution proprement dite, par lii([uelle nne
puîssani'e, comme partie principale, intervient dans les affaires
întérienres de constitution on de gouvernement d'nn État indé-
pendant, ne peut être justifiée que dans les cas suivants:
I. Lorsque l'intervention s'opère avec le consentement for-
mel de cet État, ou en vertu d'une clause expresse d'un traité
public qui a pour objet la garantie de sa constitution ou de
certains droits, dès que cette clause a été invoquée par l'une
des parties contractantes. Des liens fédéraux on de protection
indissolubles peuvent encore motiver le droit d'opposition à des
cbangements projetés ou bien faire provoquer, dans un intérêt
de conservation, certains changements à introduire, ou certaines
mesures à prendre que le maintien de ces liens rend néces-
saires. Ainsi la Diète germanique jouissait du droit d'inter-
vention dans les États de la Confédération, par rapport aux
afi'aires qui touchaient aux institutions fondamentales et aux
garanties de cette dernière.
n. 11 y a lieu & des mesures d'intervention lorsque les
changements intérieurs survenus dans nn État sont de nature à
porter préjudice aux droits légitimes de l'État voisin. Lorsque,
par exemple, les changements auraient pour efi'et de dépouiller
un souverain étranger de ses droits de succession éventnels ou
de ceux seigneuriaux, devrait -il se laisser dépouiller de ces
droits sans aucune opposition ni résistance?
ni. Les nations qui admettent entre elles l'existence d'un
droit commun et qui se proposent l'entretien d'un coumierce
réciproque fondé sur les principes de l'humanité, ont incon-
testablement le droit de mettre, d'un consentement commun, un
terme k nne guerre intestine qui dévore un ou plusieurs pays.
S'aifranchir, même par une intercession armée, d'un état d'inquié-
tude prolongé, et chercher en même temps à en ])révenir autant
que possible le retour, c'est resserrer des liens internationaux
relâchés.
IV. Une intervention peut enfin avoir le but légitime d'em-
pêcher riugéreuce non justifiée d'une puissance dans les afiaires
rappeler que c'est sons la forme d'nne ioterventioti qne se aont ncccimplis
les premiers actes relatifs an portage de la Pologne.
§45. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 97
intérieures d'un pays, lorsqu'elle est de nature à créer un pré-
cédent attentatoire à Tindépendance de plusieurs ou de tous
les États. Nous en reparlerons dans la section relative aux
obligations qui naissent d'actions illicites.
Eln dehors des cas qui 'viennent d'être indiqués, il n'existe
aacone autre cause d'intervention effective. Ces causes en
déterminent en même temps le but et le moyen. Le but, c'est
l'exercice d'un droit établi, c'est la réparation d'une lésion qui y
porte atteinte. . Le moyen, l'extrême remède, c'est la guerre,
après que les voies pacifiques ont été épuisées.
Les événements et les changements survenus dans un pays
qui sont de nature à menacer l'existence ou les intérêts des
États limitrophes, autorisent seulement l'emploi de mesures
préyentives de précaution et des négociations amiables. Ainsi
lorsqu'une révolution a éclaté dans un pays, lorsqu'une propa-
gande s'y est formée dans le dessein manifestas de répandre au
dehors des théories subversives, les gouvernements intéressés
peuvent avoir recours à des mesures de police ou à l'établis-
sement d'un cordon militaire, destinés à les contenir dans des
limites étroites, ou bien encore à une demande de garanties.
Ils peuvent en outre, si leurs intérêts ont été lésés, employer
des mesures de rétorsion. De même des armements extra-
ordinaires, sans un but clairement avoué, les autorisent à
demander des explications catégoriques qui ne peuvent leur être
refusées sans offense (§ 30 et 31 ci -dessus).^
Des hostilités qui ont éclaté entre deux États donnent aux
antres le droit d'arrêter les mesures nécessaires pour prévenir
le dérangement de l'équiUbre politique; soit que, par une inter-
cession amiable, ils réussissent à circonscrire le but et les
limites des hostilités, soit que, par une alliance défensive, ils
établissent un contrepoids suffisant, ou qu'ils arrêtent des arme-
ments suffisants au besoin pour la protection des intérêts indi-
viduels ou communs (la paix armée). Dans la pratique des
» V. J. J. Moser, Vers. VI, p. 398. Pr. Ch. de Moaer, Vom Rechte
eines Souverains, den audem znr Bede zn steUen. El. Schriften VI, p. 287.
Gûnther I , p. 293. On y trouve de nombreux exemples empruntés à la
jorisprudenoe du siècle précédent. Le nôtre en offre également un grand
nombre.
Heffter, droit internaftlonAl. 8« éd. 7
98 LIVKE PREMIER. § 46.
nations rintervention réelle a souvent pris la place d'une inter-
cession ou de simples mesures de sûreté. La révolution fran-
çaise, les congrès de Troppau, de Laibach et de Vérone, ainsi
que les affaires belges, ont provoqué des délibérations inces-
santes sur cette grave question, dans que les opinions diver-
gentes aient toujours réussi à se mettre d'accord.* — Nous
avons déjà observé que la prétention hautement avouée de
fonder une monarchie universelle équivaudrait à une déclaration
de guerre faite à Tindépendance de l'Europe (§ 30).
§ 46. La conduite d'un souverain, quelque blâmable qu'elle
soit, tant qu'elle ne porte aucune atteinte ni aucune menace
aux droits des autres souverains, ne donne à ces derniers
aucun droit d'intervention. Car aucun souverain ne peut s'éri-
ger en juge de la conduite de l'autre. Néanmoins il est du
devoir des autres de tenter auprès de lui les voies d'une inter-
cession amiable, et si, malgré ces avis, il persévère dans sa
conduite, s'il continue à fouler • aux pieds les lois de la justice,
il faudra rompre toutes les relations avec lui.
n en sera autrement, et l'on pourra intervenir d'une ma-
nière effective, chaque fois que les choses en viennent à une
guerre civile. En ce cas les puissances étrangères pourront
assister celui des deux qui leur paraîtra fondé en justice, s'il
invoque leur secours. La loi ^ effet est la même pour les
États que pour les individus. Si elle permet à l'individu de
voler au secours de son prochain menacé dans son existence
ou dans ses droits fondamentaux, à plus forte raison le per-
mettra-1- elle aux États souverains.' Il faut seulement que
ces derniers n'usent pas légèrement de ce droit, car les notions
de juste et d'injuste, étant sujettes & erreur, sont d'une appli-
cation difficile. L'intervention impose en outre des sacrifices
en hommes et en argent: elle peut créer à la partie inter-
venante des périls et des résultats désastreux. Dans tous les
cas elle ne doit pas dépasser les limites naturelles, réglées
> V. Wheaton, Internat. Law. II, 1. 4. Heiberg et de Rotteck, aux
endroits cités. Pando, Derecho intern. p. 74.
" Yattel, loc. cit. § 56. J. G. Marckart, De jure atque obligatione
gentinm saccnrrendi injuste oppressis. Harderov. 1748. V. aussi le § 30
ci -dessus.
§ 47. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 99
d'avance, d'une coopération parement accessoire: elle ne doit
pas non plus être imposée, et il faudra qu'elle cesse, dès que
la partie qui l'a provoquée a cessé d'exister ou s'est soumise.
Ces principes s'appliquent en outre aux cas d'intervention
dans les affaires religieuses d'une nation étrangère. Ils pré-
sident notamment à la solution de la question de savoir s'il
est permis à une nation d'intervenir en faveur de ses frères en
religion qui sont l'objet de mesures d'intolérance et de persé-
cutions dans un pays étranger. ^ Ils expliquent en quelque sorte
l'intervention des trois grandes puissances en Grèce et la légi-
timité de la bataille de Navarin.
lY. Droits intemationaux accidentels.
§ 47. En examinant les droits fondamentaux des nations,
nous avons déjà eu l'occasion d'expliquer en partie plusieurs
droits accidentels qu'un État peut acquérir envers un auft-e par
titres valables (§ 11 et 26). Ils retrouveront naturellement leur
place dans les sections suivantes du présent livre, où nous
traiterons des biens, des obligations et des actions. Le droit
public de l'Europe n'admet pas une loi générale sur les suc-
cessions. Mais rien ne s'oppose à ce que des traités spéciaux
garantissent k un souverain étranger la succession éventuelle
d'un territoire. Au moyen âge les pactes successoriaux furent
assez fréquents. Ainsi, par exemple, ce fat en vertu d'un
pacte successorial conclu en 1016 et 1018 que le royaume de
Bourgogne (Arélat) échut en 1032 k l'Empire germanique.' On
rencontre encore aujourd'hui en Allemagne plusieurs de ces
pactes d'une origine très -ancienne, et qui n'ont pas été mis
hors de vigueur jusqu'à ce jour. En général le droit de suc-
cession qu'ils établissent est personnel en ce sens qu'il profite
seulement à la famille régnante d'un pays, non au pays même.
Us portent le nom d'unions héréditaires (uniones bereditariae),
quelquefois aussi celui de confraternités héréditaires (confrater-
> V. les développements chez Yattel, loc. cit. § 58—62. Schmelzing
§ 190.
s MascoY, De regni Bnrgond. orta etc. I, § 10.
7*
lOO LIVRE PREMIER. § 48.
nitates hereditariae), parce que, en quelque sorte, ils opéraient
runion, au moins fictivement, des territoires respectifs en un
seul domaine sous l'adoption d'un nom fraternel, et en impo-
sant aux sujets l'obligation de prêter hommage aux princes
confrères.^ La validité de ces pactes dépend de l'époque de
leur origine: les révolutions récentes ont toutefois rendu sou-
vent leur exécution impossible.
SECTION II.
DES SOUVERAINS ET DE LEURS RAPPORTS PER-
SONNELS ET DE FAMILLE.
§ 48. Les souverains avec leurs familles et leurs repré-
sentants forment la seconde catégorie des personnes dont le
droit international doit s'occuper.
Le Souverain d'un État est la personne physique ou mo-
rale réunissant les diverses fonctions du pouvoir suprême, et
qui par suite forme une partie intégrante de l'État même. Les
fonctions dont il est investi ont un double caractère, tant interne
qu'externe, selon que leur action se fait sentir en dedans ou
au dehors du territoire. La souveraineté a tantôt un caractère
absolu, tantôt un caractère limité constitutionnellement, tantôt
elle ne se présente que sous la forme de la mi - souveraineté.
Elle peut être conférée à une ou à plusieurs personnes. Lors
qu'elle est déléguée à plusieurs personnes, celles-ci l'exerceront
ordinairement en commun. Quelquefois une souveraineté collec-
tive ne pourra être établie que par rapport à certains objets;^
» V. Gftnther II, 106. Beseler, Vergabungen. I, 215 suiv.; II , 3. 90.
Beichard, MoDarchie, Landst&nde and Bandesverfassung in Deatschland.
Leipadg 1836. p. 149. 150. V. aussi FActe du Congrès de Vienne, art. 99.
* C'est une espèce assez rare pour laqueUe on peut citer comme
exemple, d'après le droit public de TAllemagne, les successions dites
y, Chhuerbschaften ", les communautés de domaine exercées par plusieurs
princes (y/çi65 ci -après), le gouvernement exercé en commun par plu-
sieurs princes' allemands dans certaines affaires , p. ex. par les princes de
Mecklembourg, ceux de la maison ducale de Saxe, et de la maison cadette
de Beuss dans le duché de Lippe. V. Klftber, Oeffentliches Becht des
deutflchen Bundes. §81. HeflPter, Beitrâge zum Staats- und Ftirstenrecht.
§ 49. DBOIT INTEKNATIONAL PENDANT LA PAIX. 101
d'autres fois elle s'exerce individuellement et solidairement,
dans les cas, par exemple, où un souverain, tout en continuant
à régner, s'adjoint un co- régent; il en est de même dans les
gouvernements consulaires où les fonctions du pouvoir souve-
rain ne sont pas divisées. Dans ces cas on applique la maxime
du droit romain ainsi conçue: „Magistratus (plures) cum unum
magistratum administrent, etiam unius hominis vicem susti-
nent."^ Chaque membre exerce alors un droit d'intercession
et de „veto" sur les actes de ses collègues, tant que ces actes
ne sont pas des faits accomplis.
Acquisition de la souveraineté en général.
§ 49. Un souverain est regardé comme légitime, s'il est
entré en possession du pouvoir conformément à l'ordre légal
des choses établi, et sans opposition des parties intéressées;
comme illégitime, si son règne repose sur une violation de
droits antérieurs: d'illégitime il peut devenir légitime par suite
du consentement ou du décès des parties intéressées. C'est à
ces simples propositions que peut être ramenée la controverse
relative à la souveraineté légitime ou illégitime. Nous repar-
lerons au surplus de la souveraineté usurpée dans le livre U,
qui traite du droit de la guerre (§ 185 s.).
Tant que l'origine ou la légitimité du pouvoir souverain
est contestée , le seul fait de sa détention réelle tient lieu du
droit, non -seulement dans les rapports avec le peuple soumis,
mais aussi dans les relations internationales. C'est que la sou-
veraineté réelle, lors même qu'elle serait illégitime, est une
continuation de l'État , elle le représente et elle crée des droits
et des obligations pour l'avenir, sauf les droits particuliers du
souverain légitime. Car l'État ne peut changer de nature.
En Angleterre ce principe a été sanctionné par un ancien acte
du parlement (2, Henry VII) dans les termes suivants: „That
p. 311. Dans les républiques on rencontre d*aatres restrictions dn ponvoir
souverain.
1 L. 25. D. ad mnnicip. Y. Moser, Staatsr. XilV, p. 236. Hert,
De ploribns hominibns personam nnam snstinentibas, dans: Comment, et
Opnsc. m, p. 61.
102 Lmoi ramn— §50.
he, who is aduàUff Kingi whefher hj tSm/im or bj deseent»
yet being once King, aU aets done hj ktat as Kiog, are Isir-
fol and justiciable, aa by anj Kiag.^ -Anaal CranarweD poa*
vait-il concevoir sérieusement la penaéa de pmidve le titn
de roi.^
Le sonverain non légitime, à la réritéf ne pest Talabkmeit
imposer aux nations étrangères l'obUgatioii de le reeomialtie
comme légitime, ni prétendre aoz boBMnn y attaehéa, ni exi-
ger le maintien des rapporta intenatkmaiiz. Mais à nn rrfas
il pent répondre par nn refus semblable d*iiiie eontiinitttkm dn
rapporte avec le gonvemement offensenr.
Dans tous les cas, tant que se probmgent les ooniestatioiM
relatives à la souveraineté d'un territoire, le droit intematimal
et la politique conseillent l'observation d'ime etrietp neutralité.
Nous nous sommes déjà expliqué sur la qnestioii de aaydr dus
quelles limites ces contestations peurent donner Heu à l'inter-
vention d'une puissance étrangère (§ 44). D n'appartient en
aucune manière aux autres nations de se proBOOoer aiir kv
valeur intrinsèque, mais pendant le temps qu'elles oontinneofty
il ne leur est pas défendu d'accorder leora fiympathicp pfaitSt i
Tun qu'à Tautre prétendant, sans que Ton puisse y voir une
atteinte portée au droit intemationaL Dès le moment où Vm
des prétendants est entré en possession du pouvoir, c'est à Im
seul que les États étrangers ont affaire, et c'est avec lui qu'ils
reprendront de fait les relations interrompues , sans qn'O puisse
en résulter un préjudice ou une offense quelconque enyers les
autres prétendants.'
Modes d'acquisition de la souveraineté.
§ 50. La souveraineté ou l'autorité suprême de FËtat n'est
pas un pouvoir matériel, attaché par soi-même soit à un seul
membre de la société, soit à celle-ci tout entière. Cionsidérée
* Oliv. Cromwell and his times, by Coxe. p. 328.
> V. § 23 ci -dessus. Giinther II, 421. Vattel II, 12. 198. Momt.
Vers. I , p. 185 suiv. Nous donnerons aussi dans Tappendioe le texte con-
forme d'une décrétale de Grégoire XVI.
§ 50. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 103
comme fait et non comme idée dominante, la souveraineté du
peuple, de même que celle dynastique, est un fait hypothé-
tique. C'est un objet dont l'appropriation dépend originaire-
ment d'un acte de volonté et de forces suffisantes d'une ou de
plusieurs personnes. Les modes de constitution de la souve-
raineté sont donc d'une part le résultat du développement orga-
nique des États, que ce développement aboutisse d'ailleurs à
la souveraineté populairCj ou à celle dynastique. D'autre part
ils obéissent à des influences du dehors ou internationales, car
le sort des batailles et la conquête peuvent détruire l'autonomie
d'une nation en lui substituant la loi du vainqueur. De même
la transmissibilité du pouvoir souverain n'est aucunement une
qualité inhérente à son principe. Elle dépend de la loi con-
stitutive, en l'absence de celle-ci de la volonté générale, et
lorsque cette dernière se tait également, de la volonté du dé-
tenteur actuel du pouvoir et de ses moyens pour s'y maintenir,
n en résulte que la loi de succession peut circonscrire la trans-
mission du pouvoir souverain dans le cercle d'une seule famille
(successio gentilitia), ou bien y appeler éventuellement d'autres.
Ainsi, par exemple, les constitutions de la Bavière, de la Hesse,
de la Saxe et d'autres ont reconnu entre plusieurs souverains
de l'Allemagne ces confraternités héréditaires dont nous avons
parlé au §47 ci* dessus. Mais en principe la transmissibilité
du pouvoir n'implique en aucune manière la faculté de le trans-
mettre à une famille étrangère: il n'implique pas non plus une
idée de domaine, c'est-à-dire, la faculté de disposer librement
du pays et de ses habitants, à moins que cette faculté n'ait
été accordée ou réservée expressément. A ce sujet les anciens
publicistes distinguaient entre „ régna usufructuaria^^ et „ régna
patrimonialia^^^ Nous ne pouvons donc admettre, même par
rapport aux souverains de l'Allemagne, l'opinion professée par
Maurenbrecher, qui, contrairement à Torigine de la souverai-
neté, pose comme principe général son caractère essentiellement
transmissible, du moins en ce qui concerne F Allemagne.' En
1 GrotiQB, De J. B. I, 3. 11 sniv. V. là -dessus Klûber §31.
> Manrenbrecher, Die dentschen Ftirsten nnd die Souverainetat. Frankf.
1839. p. 109. 119. Struvii Jurispmdentia heroica. t. IV. p. 544 seq.
104 LIVRE PREBllER. §§ 51. 52.
France aussi, à Tépoque déjà où Louis XIV voulait assurer à
ses descendants naturels et légitimés la succession éventuelle
de sa couronne, le parlement a maintenu avec énergie le
principe opposé. ^ En effet la transmissibilité permanente de
l'autorité souveraine suppose un droit spécialement acquis ou
un pouvoir illimité.
Entrée an pouvoir.
§ 61, La souveraineté personnelle une fois acquise com-
prend, dès rentrée au pouvoir, les droits ou l'exercice de la
souveraineté internationale. Elle ne suppose en aucune manière
une reconnaissance préalable par les puissances étrangères, et
le seul fait d'une détention du pouvoir, conformément aux
règles générales ou spéciales du droit public interne, est con-
sidéré comme suffisant. Toutefois les usages et les convenances
politiques exigent une notification du changement de règne aux
nations amies et alliées ou à leurs représentants, notification
qu'on fait suivre ordinairement de la promesse d'une continua-
tion de bons procédés et de Texpression du désir d'en obtenir
de semblables en retour. * Lorsque le pouvoir est nouveau,
lorsqu'il n'est pas le résultat d'un droit de succession garanti,
lorsqu'il est douteux ou contesté, il est aussi d'usage de de-
mander une reconnaissance expresse aux puissances étrangères.^
Cette reconnaissance ne peut être valablement exigée à aucun
titre que comme condition de la continuation des rapports inter-
nationaux.
DonUe personnalité du souverain.
§ 52. Le souverain réunit en sa personne un double
caractère légal, savoir le caractère public et par suite le carac-
tère international, et celui civil. Ce dernier toutefois dépend
' Qtinther U, 430. Le Saint-Siège regardait autrefois comme un devoir
des souverains catholiques Tenvoi d'ambassades d'obédience dès leur entrée au
pouvoir. Ibid. note e. Buder» de legationibus obedientiae. Jenae 1737.
> Gûnther U, 432.
§ 53. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 105
toujours du premier et ne peut jamais lui préjudicier, suivant
Taxiome naturel que le droit public déroge toujours au droit
privé. Ainsi rien ne s'oppose à ce que le souverain d'un État
acquière et exerce des droits civils , ou consente à une restric-
tion de ceux par lui possédés en payft étranger; à ce qu'en
qualité de particulier, il devienne vassal ou sujet d'un souve*
rain étranger, qu'il entre au service civil ou militaire d'une
puissance étrangère , et y jouisse de droits politiques ou parle-
mentaires. Ainsi l'évêque souverain de la principauté d'Osna-
brttck, le duc d'York, siégeait comme pair d'Angleterre dans
la chambre des lords (1787).^ Le duc de Cumberland, feu roi
de Hanovre , en a fourni un exemple plus récent. L'incompati-
bilité de ces diflférentes fonctions ne commencerait que le jour
où leur exercice simultané serait en contradiction avec les règles
constitutionnelles de l'un des deux États, ou serait de nature
à compromettre l'honneur et la dignité du souverain. D faudra
alors sinon renoncer aux fonctions étrangères, du moins en faire
suspendre l'exercice. C'est dans ce sens que la cour de chan-
cellerie à Londres a décidé par un arrêt en date du 13 janvier
1844, la cause du duc Charles de Brunswick contre le roi de
Hanovre. Pour éviter de pareils conflits, le souverain pourra
toujours, en renonçant à ses rapports privés, recouvrer tout
l'éclat de son caractère public.
Prérogatives internationales des senveralns.
§ 53. Les droits de souveraineté, lorsqu'ils se confondent
avec la personne qui en est investie, régis d'ailleurs par les
principes de la réciprocité et de l'égalité, peuvent être résumés
dans les règles suivantes:
L Les souverains représentent leurs États d'une manière
absolue (jus repraesentationis omnimodae), autant du moins
que les constitutions particulières n'y apportent pas certaines
restrictions, en sorte qu'en dehors de celles-ci toute mani-
festation du souverain est considérée comme étant celle de l'État
dont il est l'organe. Les engagements contractés par un sou-
m
» Giinther H, 271.
106 UYU FmoB. « § M.
verain an nom de l'État dbUgent ee denter, en mime temps
qu'ils Ini profitent C'est mi prineipe du drait wnstitiitionfidy
adopté en Angleterrei en FraoMy teonoé éaai les lois fimda-
mentales de plosienrs États d'AIVfflMgne,* etipd n'est mdle-
ment exclusif ni de celui de la reqNNHaUHlé atohiérieDe, m
du concours parlementaire des eoips légiilaltti, kmqn'il s'agit
de la mise en exécution des traités eontraotés. Mm k souve-
rain ne peut pas disposer dire<^|NMnt de 1» perBoime et des
biens de ses sujets, excepté dami les cas oti ks rè|^ géné-
rales ou spéciales du droit pubUe en autorisent le sacrifioe an
profit de l'État
U. Lie souverain comme chef on représentant Bnprfeme de
l'État, a droit au respect
ni. Les souverains sont égaux entre eux: lorsque bon
droits sont transmissibles par voie de sttoeessiony leurs fiumDes
jouissent entre elles d'une égalité de paissanee absolMy égalité
toutefois qui laisse subsister les rangs que le droit, céréiwnnBl
de TEurope, les règlements et les traités ont oonssciée entn
les différents souverains (§ 28. 41).
IV. Le souverain peut prétmdre aux titres et anx hon-
neurs que les usages internationaux accordent aux différentes
catégories d'États, ou dont elles ont toigonrs joui sans c(m-
testation.
Les titres consacrés sont:
pour le chef de TÉglise romaine , celui de SancHtas Sua
( Sandissimus Pater), titre accordé autrefois aussi anx
évêques en général. Summus Poniifex^ usité dès le troi-
sième siècle. Papa dès le cinquième siède, employé dans
un sens exclusif depuis Grégoire VU ; •
pour les empereurs et les rois le titre de Mcffeslé, aocoidé
d'abord exclusivement à Tempereur romam roi d'Allemagne
et depuis le xv"* siècle aux rois également, mais que depuis
le xvm*" siècle seulement rempereur d'Allemagne a con-
senti à partager avec eux. A Fempereur de Turquie (padi-
^ Acte constitutionnel du Wurtemberg, § 85; Const. du duché de
Brunswick , § ^ ; Const. du duché d'Altenbourg § 6 etc.
> Bichter; Lehrbuch des Kirchenrechts. § 110.
§ 53. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 107
schah) la plupart des sonverains ne donnaient autrefois
que le titre d'Altesse; aujourd'hui on lui accorde égale-
ment celui de Majesté;^
pour les grands -ducs et Télecteur de Hesse le titre d'Altesse
Boyale (Cdsitudo Begia) a été consacré, titre dont jouis-
sait aussi le duc de Savoie, par rapport au royaume de
Chypre possédé autrefois par ses ancêtres;* le duc de
Holstein - Gottorp Ta obtenu en 1736;*
les ducs et les princes portent le titre A'Altesse*^ Sérénissime
(Serenitas), auquel les ducs d'Allemagne préfèrent celui
d'Altesse: ainsi les ducs régnants de Saxe, d'Anhalt, de
Brunswick et de Nassau ont adopté en 1844 le titre
d'Altesse.*^
Quant aux Confédérations d'États et aux républiques, leurs
titres sont moins constants. La Confédération germanique, dans
ses relations diplomatiques, a eu le titre de Sérénissime Con-
fédération germanique.^ De même les républiques de Pologne,
de Venise et de Gênes étaient qualifiées de Sérénissimes Ré-
puUiques,'^ Les monarques ont conservé en outre, en^feuite de
leurs bonnes relations avec l'Église, certaines épithètes honori-
fiques: le roi de France celui de Bex Christianissimus ou de
fils premier-né de VÊglise; le roi d'Espagne, depuis 1496,
celui de Rex Catholicus; celui d'Angleterre, depuis 1521, celui
de Defensor fidei; celui de Pologne le titre de Bex Orthodoxus;*
le roi de Portugal, depuis 1748, celui de Bex fidelissimus; le
roi de Hongrie, depuis 1758, celui de Bex Apostolicus. Le Pape
lui-même se donne le titre modeste de Servus Servorum Dei.^
* Pr. Ch. de Moser, Kleine Schriften. VI, 20. Moser, Versnche. I, 238.
* V. ci -dessus § 16 et § 28 I. Lettre touchant le titre d'Altesse
roïale du duc de Savoy e. à Cologne 1701.
s Moser, Staatsrecht IV, 193; idem, Versnche I, 242.
< Pr. Ch. de Moser, Kleine Schriften. Vn, 167 sniv. Heumann, Progr.
de tit. Serenissimi. Gotting. 1726.
^ Décret de la Diète fédérale du 16 août 1844, et la brochure inti-
tulée: Pràdicatsfrage (par Wahlkampf). Giessen 1845.
« Klûber, Oeffentliches Becht. § 141.
' Moser, Vers. I, 241.
^ J. C. Becmann, Syntagma dignitat. I, n. 2 et 3. Moser, Vennischte
Schriften. Abh. I, p. 63.
106 LIVBB FmOB. § 53.
Les monarques jouissent de la fnéragaiife de parier d'eax-
mêmes an pluriel et d'emplojer eelta fimmle : Jibm par b
Grâce de Dieu, formule usitée ehei lea éfkfÊm dèa k iv* stède^
et à laquelle ils lyontaient poatérieofem—t les ftennes amvaiits:
d aposMicae Sedis groHa. Les piineea klqMS n'ont oommeneé
à s'en servir qu'an z* siède.^ Noos en TemmB l'emploi an
§ 237. Quant aux -ehangements ëe titrea, ks rtgleB ezpBqBées
au § 28 leur sont applicables.
V. Les souverainsy tant dans nn bat de prestige du pou-
voir suprtme y que pour leur serviee peiwmnel et pour cdn
de leur famille, jouissent de la prérogative* de tenir nne eonr,
prérogative qui découle d'andens nsages. La cour an moyeo
âge se composait d'abord de ministérianzy plus tard de grûds
va8saax. La eour moderne est surtout nn produit du règne
des ducs de Bourgogne et dé Louis XIY.'
VL Les souverains, pendant leur s^nr dana nn ptys
étranger , sont exempts de la juridiction territoriale (§ 64), pir
application de cette maxime: „par in parem non habet impe-
rium/'^ Mais il n'est pas défendu d'interdire à un souveraii
étranger l'entrée ainsi que le séjour dans le territoire , et de
prendre à cet effet les mesures de sflreté néoeaeaires. C'est
ainsi, par exemple, que le roi Henri IV interdisait an doc
Charles - Ëmanuel de Savoie le séjour en France.^ Dans ses
rapports privés en outre , et surtout en ce qui concerne les
immeubles possédés, les successions recueillies et les engage
ments civils, ceux de vasselage ou de service contractés, oa
enfin le domicile élu par lui en pays étranger, le souverain est
soumis à la juridiction étrangère. Toutefois la personne fiOQ-
veraine étant inséparable de la personne dvile, elle ne peut
» PfeffiDger, Vitr. illustr. I, 4. 9. Heumann, Progr. de tit. Dei Gnt».
Allendorf 1727. 6. Tilesii, Comment, de titnlo: Nos Dei Gmtia. Segi«-
mont. 1751.
3 Fr. Ch. de Moser, Hofrecht. 1754. C. E. de Malorti, Der HofknaiflclialL
Hannover 1842.
* Pour les crimes, v. § 102.
« d'Aabigné, Histoire nniv. lH, 5. 5. Stephanns Caasiiu» De jure et
judice legator n, 18. Pul'endorf Vm, 4. 21. Bynkershoek» De jud. l«gii
m, 3.
§ 54. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 109
jamais être atteinte directement ou être Tobjet d'un acte d'exé-
cution. La soumission volontaire du souverain à la juridiction
étrangère ne pourrait guère produire d'effets analogues, car
elle impliquerait une renonciation aux droits de souveraineté,
et par là même elle léserait la dignité de sa position. Quel-
ques auteurs qui soutiennent la thèse contraire, ont cité, il est
vrai, à l'appui de leur opinion, trois exemples célèbres, savoir
la conduite du roi Henri Vn envers Robert, roi de Naples,
celle de Charles d'Anjou envers le malheureux Gonradin, enfin
celle d'Elisabeth envers Marie Stuart.^ Mais qu'est -ee que cçs
exemples, dont au surplus il serait facile de grossir le chifFre,
prouvent, sinon que les notions du droit international n'étaient
que trop souvent méconnues dans les anciens temps, et qu'il
recevait alors des atteintes continuelles? C'est donc par une
juste appréciation que le tribunal de première instance de la
Seine, dans un jugement en date du 17 avril 1847, a proclamé
.le principe suivant: „ Attendu que selon les principes du droit
des gens, les tribunaux français n'ont pas juridiction sur les
gouvernements étrangers , à moins qu'il ne s'agisse d'une action
à l'occasion d'un immeuble possédé par eux en France conmie
particuliers" etc.*
§ 54. Le souverain étranger, lors de son entrée dans un
territoire, y jouit des droits d'hospitalité. Ces droits consistent
d'abord dans les cérémonies traditionnelles d'une réception solen-
nelle et d'un traitement conforme à son rang, à moins qu'il
n'y ait renoncé par l'adoption de l'incognito,* ou par l'entrée
au service du pays, ou par l'entrée dans le pays contre la
volonté du gouvernement. De là la nécessité d'une demande
préalable. Mais le droit le plus éminent consiste dans l'exterri-
* Zouch , De jure fec. II , 2. 6. V. la loi Clément. 2. De sent, et re
judic. Henn. Conring, De finibus imperii german. H, 22. Bjnkershoek,
De jud. leg. UI, § 16. 17.
^ AfF. Solon contre Mehemed Ali. Sirey 1847. Dans le même sens
C. roj. Paris 16 janvier 1836 (Sirey 1836, 2. 70. — Contra Poelix, §472).
> On distingue à cet effet entre Tincognito strict et Tincognito simple
sous on nom d'emprunt Moser, Gmndsatze des Vdlkerrechts in Friedens-
zeiten. p. 128 suiv. Dresler , De jurib. principis incognito peregrinantis
odiosis. Martisb. 1730. Gfinther I, 478.
no
UVSK râSUIBB.
tonalité, Umt au pnilit du m>uvcritîit étrttugcr que de su smk
et <lea nbjctH dciitiiiés à leur usaps puniunnel. Elle compreii))
en outre ma exeni])tii>n de tous le» impt'its persuimela, la jnri-
dindoit rnnteiitieuiie sur xea sujctH, bien entendu daua les limites
trai-éeH par les loi» de tiou propre payu et dans des cas nr-
gentH seulement, et enlîii la juridictiun gracieuse (volonltûre'.
En elTct un sfiuveraiii étrun^cr ue saurait exercer dans le [uv.'
où il sii:jounic patutagèrcnieut , phia du droits sur Bes pnipres
sujets qu'il n'«u pusuède clieK lai: ce séjour dépeud d'une aui(>
riuttioa préulablc,
ditîon». n en ré» iju
T wir contre l'exL.vi^e
ttîger qu'il y soit HDrsid
us produit dn droit moderne
les souverains du moyen f
Tais traitements de prince:^
jour, et c'est par là qu'on
ration de guerre.' Longtenij
l'existence de ce droit, ^ qui
du principe de l'égalité des
reste, ou est d'accord que
ancuue manière un droit d'asile
étranger.
temps en détcrBÙne les cou
irités du pays peuvent inicr
îdiction qui leur déplait el
lémeut, L'exterritorialité ts
de semblable u'exietait rbei
emprisonnement et les mao
!r» (étaient alors à l'ordre de
:ait souvent lors d'une déol»
•me les auteurs ont conlesl*
néanmoins une o^nséqnenct
'erains (§53 ci-desBUs). .l"
xterritorialité n'implique ra
1 |)réjudiec du gouvememeiil
Rapports Inteniatlonaax de la faiullle du souverain.
§ 55. Les membres de la famille du chef de l'État jm
issent incontestablement, dans les monarchies héréditaires, d'nw
> WarU, History. I, 279, Plltter, Beitr. znr Vaikerredits-GeBchidiK
p. 115.
' Ainsi par exemple Coooeji, De ftindata in territorio et plni. «*
cnrr. poteatate, II, g 12. Leibnitz, De juro Kupremat. cap. XXV. Cont»
J. Tesmar. Tribunal principie peregrinantis. Marp. 1676. Stephan. Cassiis-
De jure etjud. legator. II. 18. Bjnkerehoek . De jnd. como. le», m ii^
Pranz Joach, Christ, de tirupe. Unturs,, ob der Sourmi _-,^ ja
&ouverainet£t dessen nntemorfen soi. wo er sich L ntii'A
Leipzig 1752, et les auteurs les plus récente. GQiilIie
la qnestiun indédge.
W [
§55. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 111
partie des prérogatives dont celui - ci est investi. Ainsi l'épouse
mariée au souverain par mariage égal, partage son rang et
ses titres, et les conserve pendant son veuvage, tout en cédant
le pas, en ce cas, dans les occasions solennelles, à Tépouse du
souverain régnant.^ Dans les États où les femmes ne sont pas
exclues de la succession au trône, les lois constitutionnelles du
pays détermineront alors les droits de Tépoux de la souve-
raine, surtout lorsqu'il ne jouit pas lui-même d'une position
indépendante parmi les princes de l'Europe, et serviront de
base dans les rapports internationaux.^ Tous les autres membres
de la maison régnante ont droit à des titres et à des honneurs
correspondants à leur position, mais qui en général, du moins
dans les maisons impériales et celles royales, sont inférieurs
à ceux du souverain. Ainsi les princes et les princesses des
maisons impériales portent le titre A'AUesse impéricUe, ceux des
maisons royales le titre d'Altesse royale, pourvu qu'ils des-
cendent les uns et les autres d'empereurs ou de rois, ou qu'ils
aient acquis ce titre d'une manière expresse. Ceux des mai-
sons grand -ducales et de la maison électorale de Hesse
portent le titre A' Altesse, tandis que l'héritier présomptif du
trône, qui descend du grand -duc régnant, reçoit ordinairement
celui de son père, c'est-à-dire é! Altesse royale.^ — Tous les
membres des familles ducales et princières, lorsqu'ils sont d'une
origine princière, portent le titre d! Altesse sérénissime , mais
depuis 1844 les premiers, du moins leurs descendants directs
ainsi que leurs héritiers présomptifs, reçoivent également celui
d'Altesse.^
» Moser, Vers. I, p. 316. Staatsr. XX, 352. Klflber, Oeffentl. Recht
des deatschen Bandes. § 248. de Nenm. in Wolffsfeld , J. principis privât,
t. n. tit. 29. § 361.
* Schwertner, De matrimonio feminae imperantis cum snbdito. Lips.
1686. Parthenios, Dissert. U. de marito reginae. Gryphisw. 1707. Moser,
Vers. I, 314. Snrland , Vom Gemahl einer Eônigin. Halle 1777. De Steck,
Vom Gemahl einer Eônigin. Berl.'.1777.
' V. le protocole d'Aix-la-Chapelle- dans Tappendice.
* Ainsi arrêté par les statuts des maisons ducales de Saxe, dn 10 avril
1844, et depuis dans d'autres maisons ducales. Les autres puissances n'ont
pas encore reconnu généralement ce titre. Pour la Pnuae v. la Circulaire
UVKK p^austt.
Ci>.H litres ue subi^wnt nurun» uiodificatiuD par l'a^e
Atabli daiiH pla«ieiira pHys it'accorder k certaio» membre» det
maÎHoiig régnniiteH des titre.» particuliers, eu dehors de cem
aii!«iu(;l8 il:^ peuvent prétendre par leur naîesaiiuv, uuage eu
vigueur uotammeut e» Fraii^'e et eu Augleterre. Eu AUema^u'
égttleutent les princes piiluéi^ portaient qnelqaeroi» des titres ilc
fasnte nobleeue.' Les priDce^setu mariées, suivaut leur ran^.
oonuerveut leurs titrée de naissance, auxquels elles ajoateui
cenx de leurs épiiux, en'comiuençaut par les pliig éleTés.'
maisons souTeraineSj ponmi
>iiis de la même ori^iie qui'
■aog, égaux entre eux el de
foi» n'a rien d'obligatoire, et
as souveraines eu ont souvent
feste impérial de Russie dn
le pins de rigueur les rtgle*
Ile souveraine,* de même qnc
ses sujets. Ce dernier poim
rtout en Allema^e, à cause
ipire germanique.* Mais en
Les membres
qu'ils soient sucoee
les successibles , sont, q
naiwauee égale. Cette r
les traités et les statuts dt
élargi les limites. C'est je
30 mars m20 qui maiutieni
de l'égalité de naissanee.'
Tous les membres de la I
l'épouse du cbef de l'État, s"
était autrefois très-controvert
de la coustitntion spéciale de
thèse générale, la question ne pont recevoir d'autre solntiou
légale que celle que nous venons d'indiquer. L'époax mênif
d'une souveraine, dès qu'il a établi son domicile dans le terri-
toire de celle-ci, devient sujet de l'État, k moioB qu'il dmi
droit à une position exterritoriale. — Les rapporta légaux de?
miDist. en date du 9 janvier 1815 (de Kauiiitz, Jahrb. LXV, p. lî*i
V. aussi V- 106 ci-deBaoB.
1 Eichhoru, Rechtâgescliichte. Il, § iXiï , uot. e. Lûoig, TIjiïs. ji>
Coiuituiu. p. 3!f0. Huld. ab Ejben. de tit. nubilis. liiess. 1(577. § 7. PW-
finger, Ad Vitriar. 1, 17. 3. 6. i>. 575. t. II,
' Ludolf, Do jure f orainatum illuBtr, p, 28, Moser, Staater. XX. p JàS
Schiuid, Beitrâ^e zni Qescbichtti des Adels. 42, 43. Couoejï, O^ We oM-
ganatiua, III, 12. Ch. Frod. de Moser,- Hofreoht 1,
' V. sur les ufiageij dcB diA'éreiiteB uiaisons i
HailiBche Alifr. Lit.-Zeit. 1829, Mai No. 96 soir.
* Mo.ier, Faiiiilien-Staatsr. II, iSiS. 471, Kl
* MoBer, Staater. XX, p, 3*
§ 56. DROIT INTERNATIONAL PENDANT JJl PAIX. 113
membres des familles souveraînes étant exclusivement régis par
l'autorité du chef de TÉtat, et subsidiairement par les Statuts
et les usages particuliers, ils ne peuvent devenir Tobjet d'une
intervention étrangère que par voie d'une simple intercession,
ou lorsqu'elle s'appuie sur la violation de droits stipulés. En
eflfet les liens de famille, qui reposent sur la nature et la mo-
rale, continuent à subsister malgré le mariage, et ils créent le
droit comme le devoir d'assistance réciproque: une maison sou-
veraine peut donc intercéder d'une manière efficace en faveur
de ses membres mariés à l'étranger, lorsqu'ils sont l'objet de
mauvais traitements.^
D'après les usages reçus, les membres d'une famille sou-
veraine ne jouissent pas de l'exterritorialité en pays étranger,
bien qu'ils y soient reçus avec les égards dus à leur rang.
Toutefois les héritiers de trône sont l'objet d'une attention spé-
ciale et honorés même quelquefois, bien que non d'une manière
générale, des privilèges d'exterritorialité.*
Le co- régent régnant, ainsi que le régent souverain,
jouissent, à l'exception des titres, des mêmes droits que les
souverains.
Rapports privés des familles souTeralnes.
§ 56. Dans leurs rapports privés, les membres des
familles souveraines, à l'exception du prince régnant, sont régis,
comme les autres regnicoles, par les lois générales du pays, à
moins que celles-ci n'établissent des exceptions en leur faveur,
ou qu'ils ne jouissent d'un droit spécial de famille, ainsi que
cela se pratique en Allemagne. On y rencontre même un droit
privé commun des princes, qui, il est vrai, se confond souvent
avec le droit public du territoire.*
Quant au souverain, bien qu'il ne relève pas directement
de l'autorité des lois civiles en ce sens qu'il ne peut faire
» de Martens, Vôlkerr. § 170. Gûnther II, p. 491.
2 Schmelzing § 211.
^ L'auteur en a donné Fesqnisse dans un livre particnlier intitulé:
Die Sonderrechte der souverânen und der mediatisirten H&user Deutschlands.
Berlin 1871.
Heffter, droit International. Se éd. 8
114
IJVnB FBBMTBR.
l'objet d'jiiieniie oBpèce de ]>onrBuite pereonncUe, il n'en est
pu moins vrai que, quant aux modeo d'acquisition et de pour-
suite des droitH {lureincot viviU, il est tenu de les observer et
ne peut w'eii dÎR[)etiNur que datM les utu) où il )K>arrait en affrau-
ehir bcb pn>prC8 sujet». Ce qui sera vrai alors surtout qne,
par une violation dos loin civiloo, il viendrait à froisser les
sentînientH de JubHw du pays. Car les loin d'une uation Ibnnent
8a intiraie, et il n'est dans le i)ouvoir de personne de rendre
moral uu Ugal ve qui est prolondémcut immoral ou contrîûre
aux lois de la jut'"'"
Ix droit romain, •
lèbre; „princep8 li
tempérament qu'il était
BOX luis dans les af
ment admise dans la pn
moins où le caprice du »
sive. Car les nations moi
celui des lois. C'est ainsi c
la règle striete: „the king is
expressly named tlierein." U
les monarchies absolues de
1 établissant la maxime cê^
t", y a ajouté cependant «
du prinee de se sonmctlir
Rt c'est la règle géut^rale-
idcnie des nations, là du
ne t'omic pas la loi exdn-
'admuttent d'autre droit qne
irisprudence anglaise nioditic
lound by any statute imless
I îtait encore de mSme dm
A., miagne. L'inviolabilité ila
souverain s'oppose seuleineut A tuutc espèce d'exécution per-
sonnelle.
Perte de la souveraineté personiielle.
% 57, La souveraineté dn prince cesse par son dtw*-
car le prince décédé ne peut avoir de droits, mais bien sa
famille, qni a le devoir de respecter sa mémoire et de la (m
respecter par les autres.* La souveraineté se perd encore par
suite d'nne déchéance ou d'un dépouillement de l'auloritt
suprême, décliéanee qui peut être soit définitive, lorsqu'elle t'^'
l'effet d'une cause légitime, politique ou internationale, s«il
seulement temporaire, lorsqu'elle est la conséquence d'une rifr
■ L. 23. Dig. de légat in. I. 4, Cod. de leglbiu
tostam. înfinn.
* L. 1. S i. 6. D. de injuriis.
§ 58. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 115
lence illicite (sedes impedita), non exclusive de Tesprit et du
droit de retour (postliminium. Voir livre H. § 185 et suivants
ci -après). Les convenances seules peuvent guider les autres
souverains quand il s'agit de savoir s'ils doivent continuer à
accorder au souverain déchu les titres et les honneurs précé-
dents, tandis qu'ils ne doivent pas le refuser au souverain em-
pêché temporairement dans l'exercice du pouvoir, alors surtout
qu'ils reconnaissent expressément ses droits d'y rentrer. L'histoire
fournit des exemples nombreux de souverains auxquels des
honneurs royaux ont continué à être accordés, même après leur
abdication: citons celui de la reine Christine de Suède (1655
— 89) qui, pendant son séjour en France, réclamait non-seule-
ment le droit d'exterritorialité, mais aussi celui de juridiction; ^
ensuite celui du roi Stanislas Lescinski (1709 — 1766), tandis
que d'autres, p. ex. le roi Charles IV d'Espagne (depuis 1808),
Gustave IV de Suède, enfin le roi Louis de Hollande se sont
retirés tout- à- fait dans la vie privée.
n est inutile d'ailleurs d'observer que dans les relations
internationales les actes souverains du prédécesseur, rendus
conformément aux lois fondamentales du pays, obligent ses
successeurs.*
SECTION m.
THOMME DANS SES RAPPORTS INTERNATIONAUX.
§ 58. Suivant Aristote l'homme est né pour la société et
pour l'État; mais il n'est pas toujours sous l'empire de ce der-
nier; il peut exister sans l'État, et l'État n'est pas le même
partout: il y en a des espèces fort différentes d'après l'esprit
les moeurs, la religion des peuples et par suite de la nature
du sol. En conséquence aussi le droit n'est pas le même par-
tout et pour tous.
> y. Bynkershoek , De jnd. légat, chap. m, 4 et 16. de Martens,
Nouv. Causes célèbres, t. H. Append. do. IV.
* Comparez les écrits où cette question est traitée dans toute son
étendue et qui sont indiqués par Zachariae, Das Staats- und Bundes-
recht. § 58.
8*
116 UVBB FBmiBL §58.
Assurément, s'il y a oerteins draHi pEiDHMrdinx anzqneb
rhomme peut prétendre par cela sesl qttU esdate, ees dimts
devront être également respectés par tons, sans distinction i
quelle nation l'individu appartient , les natioiiB n'étant elles-
mêmes que des personnalités coUedives du genre l>mnMi En
effet, on n'a pas seulement enseigné rezistenoe de didts de
l'homme en général, mais on a tftché mfittie de les formuler
légalement dans quelques pays, principalement en France. Si
d'un autre côté on a nié la force obligatoire et universelle de
ces prétendus droits primordiaux, il fiindra admettre néanmoins
qu'ils sont une norme pour les États qui ont adopté pour lè^
de leur conduite les lois de la morale naturelle.
Les exigences communes à tous les individna se résument
dans ridée de la liberté personnelle. L'homme étant ajq^lé i
se développer physiquement et moralement en tont ce dont b
nature humaine est capable, l'État, qui n'est Ini-même qn'ime
portion de rhumanité, loin de troubler ou d'entraver ce déy^
loppement libre , doit au contraire le favoriser par tous te
moyens. En vertu de sa haute mission l'État doit en outre
prêter son assistance aux membres qui, passagèrement ou d'une
manière permanente, sont empêchés de jouir de la liberté com-
mune. En leur fournissant les choses les plus nécessaires à
leurs besoins, il tâche en même temps de les élever au nivean
moral de la société.
En conséquence du même principe l'homme ne peut pas
être la propriété d'un autre ni de l'État lui-même. Aucune
nation qui se dirige d'après les préceptes de l'humanité ne doit
donc tolérer l'esclavage ni admettre sur son territoire les con-
séquences qui en découlent. L'esclave et le serf étranger seront
pour l'État des honmies libres. A la vérité . ce principe qne
l'air rend libre a été proclamé en France déjà par le roi Louis X
(Ordonn. V, 1. p. 1311); il l'a été également en Angleterre, a
Prusse et ailleurs. L'acte du Parlement anglais 3. 4, THniL4,
chap. 73, publié le premier août 1834, a inauguré une nouvelle
ère par l'abolition de l'esclavage dans les colonies; et la guerre
civile dans le Nord de l'Amérique vient d'achever la victoii«
du système abolitioniste. Bien peu s'en faut -il encore poor
§ 58'. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 117
qu'on puisse enregistrer au droit européen le principe qu'il n'y
a plus d'esclavage.^
§ 58'. L'analyse de la liberté individuelle nous fait distin-
guer les droits élémentaires suivants, savoir:
Premièrement le choix libre d'une résidence dans un pays
quelconque où l'homme croit pouvoir vivre le plus librement
et à son aise. Aucun individu n'est attaché irrévocablement à
la glèbe de l'État , qui l'a vu naître ou qui l'a protégé quelque
temps. La terre est la patrie commune de tous les hommes,
et pour sauvegarder sa liberté il faut avoir la faculté de cher-
cher une nouvelle patrie dans une autre partie du globe. Le
droit d'émigration est donc un droit imprescriptible, limité seule-
ment par des engagements volontaires ou légaux auxquels les '
hommes ont été soumis dans les temps passés. L'ancienne
théorie de même que l'ancienne pratique des États n'avaient
qu'une intelligence très -imparfaite d'un principe qui aujourd'hui
ne fait plus l'objet d'aucun doute. M. de HaUer même a admis
le droit d'émigration comme un droit fondamental.' Quant aux
restrictions particulières de ce droit, nous les examinerons au
§59' ci -après.
Deuxièmement, conservation, défense et développement de
la personnalité physique dans les limites de la nécessité et
sans lésion d'autrui. De là découlent la faculté d'assujettir
la nature aux besoins matériels de la vie, la propriété, sa
conservation et son accroissement par le libre échange, le
mariage comme moyen de réproduction de l'espèce humaine,
tous ces droits contenus dans les limites tracées par la loi
morale.
Troisièmement, droit d'existence et de libre développe-
ment de la personnalité morale et par suite faculté d'acquérir
> Parmi les écrits qui ont traité ce grand sujet nous nous bornerons
à citer Biot, L'abolition de Tesclayage ancien. Paris 1841. Agenor de
Gasparin, Esclavage et traite des noirs. Paris 1838. Foelix, dans la Revue
étrangère, t. IV et V. Phillimore I, 316.
> V. sur Tancienne théorie les écrits indiqués par de Eamptz § 122.
— V. sur M. de HaUer le compte - rendu dans la Bévue critique de légis-
lation t. yn. (1855) p. 478. Il appeUe le droit d'émigration „flebile bene-
ficium.'' Comparez aussi Merlin , Béperi m. Souveraineté. § 14. Zachariae,
40 Bûcher vom Staat. IV, 1 , 258.
118 LIVRE PREMIER. § 5ij.
et de développer des connaissances par un libre échange intel-
lectuel; faculté enfin de se former des convictions religieuses
sur le monde invisible et d'y conformer sa conduite.
Tels sont les droits primordiaux et privés de tous les
hommes, droits qu'on ne doit pas confondre avec les droits
politiques ou de citoyen. A l'égard de ces derniers il n'existe
aucun principe uniforme et généralement admis par toutes les
nations. Leurs formes et leurs modifications dépendent de la
condition du pouvoir et de l'esprit publics. La déclaration des
droits de l'homme et du citoyen, placée en tête de la constitu-
tion française du 3 septembre 1791, avait tâché de les réunir
ensemble.
C'est à l'État à prescrire les formes ou les modes d'ex-
pression de ces droits qui existent indépendamment de lui, à
en tracer l'ordre et les limites, et à fournir les moyens de
les réaliser. C'est par là qu'ils entrent dans le domaine de la
législation intérieure de chaque État. Mais le concert commun
de l'Europe a consacré le principe qu'il n'y a plus de per-
sonnes ou nationalités proscrites et hors de loi, comme il y en
avait jadis, p. e. celle des nommés Égyptiens ou Bohémiens
(Cingari), et qu'il faut accorder à toute personne une protec-
tion de sa vie et de ses biens. Il y a encore plus.^ L'esprit
cosmopolitique des États modernes fait jouir les étrangers
presque partout des mêmes droits privés que les regnicoles,
ainsi qu'il sera dit au § 60 ci - après. Les régulations particu-
lières ne concernent que l'étendue de cette concession et con-
stituent cette partie de la jurisprudence que l'on appelle habi-
tuellement le droit international des étrangers, ou droit inter-
national privé, et que l'on pourrait nonuner aussi bien le droit
international de l'honmie.
Les regnicoles et sujets des États.
§ 59. Constatons d'abord le caractère distinctif de la sujétion,
c'est-à-dire de la dépendance personnelle d'un certain État.
^ Comparez déjà de Béai , Science du Gouyemem. lY, 7, 1, 1. Vattel
Droit des gens. II, 1, 19. 6, 17. Gtlnther II, 344.
§ 59. DKOIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 119
Sont considérés comme membres ou sujets de TÉtat, d'après
le droit international:
1"* Les regnicoles, c'est-à-dire tous ceux qui sont établis
dans le territoire d'un État à demeure perpétuelle, peu
importe qu'ils y soient nés ou qu'ils y aient fixé leur
domicile ;
2* les personnes qui, d'une manière définitive, y sont entrées
en service, soit dans les armées de terre ou de mer, soit
dans l'administration civile;
3"* les femmes de ces personnes, de même que les enfants
légitimes d'un père, les enfants naturels d'une mère, et
les enfants nés à l'étranger de parents regnicoles, tant
qu'ils n'ont pas la capacité civile nécessaire pour choisir
leur domicile et avant d'en avoir profité.^ Jusqu'alors
l'enfant doit être regardé comme étant régi par les lois
du pays auquel appartiennent ses parents, quoique les
tribunaux du pays où l'enfant réside ne suivent pas par-
tout cette règle;
4"* enfin les enfants trouvés dans un pays, à moins que leur
origine n'ait pu être constatée.
Le droit public interne indique les droits politiques et
civils dont jouissent ces différentes classes de personnes, ainsi
qu'il peut admettre, en dehors de ces catégories, encore d'autres
aux droits de cité. Néanmoins il est évident que l'extension
donnée par les lois ou patentes d'un État à la qualité de
sujet, ne peut porter aucun préjudice aux liens de sigétion
envers un autre Etat suivant les règles internationales ci- dessus
exposées.*
Sont considérés comme sujets d'un État sous certains rap-
ports seulement (subditi secundum quid) les personnes ci-iq>rè8
dénommées, savoir:
1 Vattel I, 19. § 215. Quant aux enfants nés sur mer y. § 78 ci -
après.
' Les conflits entre les divers États deviennent de jour en jour plus
gênants. L'on ne pourra y remédier que par des traités. Les États-Unis
de l'Amérique ont déjà pris ce chemin. Comp. ,, Conventions regulating
Nationality.^' 1868. Comparez encore Westlake dans la Revue du droit
intem. 1869. p. 102.
■• VB»^»*' ' '*"^ ■ (
120 UVBE PBEIUSB. §59*.
les étrange» possédant des immenUet dus un tenitriie on
y exerçant certains droits qui les font afwjiflfrr aux regm-
coles (foreuses ; foranei^ dyes qui foras Jialiituit), ajppdés
pour cela sujets mixtes quant aux prqiriéléB;^
les étrangers qui font on séjour phis ou moiiis prolongé sur
le territoire (albini, alibi nati| aubains).'
Caractère International de Ift avjétloii.
§ 59*. La qualité de siyet d'État opère une goamission
entière sous Tempire de TÉtat, mais elle ne eonatitae pas,
d'après ce que nous avons déjà établi ^ un lien indissoluble
sous le point de vue international; elle cesse de fiut par rémi-
gration; il n'y a pas lieu à une revendication du sajet émigré
dans un autre pays. Néanmoins Fémigration peut être sur-
veillée et réglementée par l'État. Les lois peuvent notamment
imposer l'obligation d'en donner un avis préalable anx autorités
locales, avis qui fournira à ces dernières le moyen de s'assurer
si l'émigrant a satisfait à tous ses engagements ^ et d'exiger
de lui une caution destinée à assurer l'accomplissement de ceux
qu'il doit remplir encore. Autrefois il était d'usage d'exiger
des émigrants le sacrifice d'une portion de leur patrimoine.
Les traités internationaux ont à peu près aboli tous les restes
de cette coutume.
A la question d'émigration vient se rattacher naturellement
une autre. Le sujet d'un État peut -il être à la fois sujet
d'un autre ou sujet mixte? Cette double nationalité , bien que
tolérée dans une partie de l'Europe , a été proscrite expressé-
ment par plusieurs législations, qui dans ces cas exigent que
la personne choisisse entre son domicile actuel et celui de son
origine.'
^ y. Tarticle de Jordan» inséré dans le Staats-Lexioon. VI , 301.
3 Une dissertation complète sur ces diverses catégories se trouve <^<^i»a
Schiller, De jure peregrinomm, dans ses Ezercitatt ad Digesta. GaschQD,
Code des Anbains. Paris 1818.
3 Zonch, De j. fecial. H» 2. 13, qui nie la possibilité d*ètre sujet de
plusieurs États , va trop loin. Car tout dépend des dispositions des lois
des divers pays. Déjà les lois de Tancien monde variaient sur ce
§ 59'. imOIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 121
Tant que les rapports de sujétion n'ont pas été dissous
par l'émigration, la loi internationale accorde à l'État certains
droits, en même temps qu'elle lui impose certaines obligations.
Ces droits et ces obligations se résument dans les règles
suivantes :
I. L'État pourra appuyer les justes réclamations de ses
regnicoles à l'étranger, défendre ses sujets par les voies inter-
nationales, lorsqu'ils sont l'objet de poursuites arbitraires, et
exiger la réparation des lésions commises à leur préjudice
(jus protectionis civilis, in specie jus repraesentationis onmi-
modae). Conformément à ce principe et la Confédération ger-
manique et l'Empire actuel de l'Allemagne se sont chargés
expressément d'une représentation solidaire des différents États
qui le composent et, le cas échéant, de leurs sujets.^
n. L'État peut rappeler ses sujets établis à l'étranger, dès
qu'il le juge convenable (jus avocandi). Néanmoins, pour ob-
tenir leur retour, il ne peut réclamer à cet effet l'assistance
des autorités étrangères. C'est une conséquence de l'indépen-
dance de chaque État pour ses affaires intérieures. Aussi un
gouvernement n'est -il pas même tenu d'autoriser sur son terri-
toire la publication des lettres de rappel envoyées par un gou-
vernement étranger.*
ni. Le sujet d'un État continue, pendant son séjour à
l'étranger, à être soumis à la juridiction et aux lois de sa
patrie. C'est en observant ces lois seulement qu'il y conserve
ses droits civils et politiques. D'autre part l'État fera droit
aux engagements contractés par ses regnicoles à l'étranger,
pourvu qu'ils ne soient pas contraires aux lois de la mère-
patrie (§ 35). Mais les lois fiscales ne sont pas applicables
point. V. Cicéron pro Balbo chap. 12: „Sed nos (Romani) non poBsnmna
et hnjos esse civitatis et cajosyis praeterea; ceteris omnibus concessmn est.*'
V. Moser, Vers. VI, 52. Gûnther H, 326. Gaschon (Disc, prél.) p. 73. Les
lois françaises n'admettent pas la double nationalité d'an individu.
> V. Klûber, Oeffentl. Recht. § 173 a. et la Constitution de l'Empire
ait. 3. al. 6.
> Moser, Nachbarliches Staatsrecht. p. 118. 687. Idem, Versuch des
Vôlkerrechts. VI, cbap. 4. 6. Les anciens auteurs admettaient cette espèce
de revendication d'un Gouvernement étranger, p. ex. Moser, Grunds&tze in
Friedenszeiten. V, 1. § 27. Gftnther H, 309 suiv.
122 * U¥BB ramiB. § 60.
aux immeubles de ses sigeli aUttés ént m antre pays, iku
que les anciens traités et uagea n'aiflBt pu toujours suivi
cette règle, notamment lors de YéMUmemeat d'an impôt sur
les revenus.*
IV. Le sujet d'un État ne peut inroqner Hnteirention i'm
gouvernement étranger , et le rondm juge datf démêlés avec
son propre gouvernement Tout an phis eeU-là ponm-t-fl
intercéder en sa faveur par des voies amiaMes,? Antrefi» fl
n'était pas rare de voir les sqfets pofter Mainte oontre lean
princes devant le Saint-Siège par la vole d'me yydénondstioii
évangélique.^ Cette voie de recours est a^joudlmi rejetée
partout
Droits des étrangers en généraL'
§ 60. Les sujets d'un 'ÈÀsi ne relèvent d'ancone puisMoee
étrangère, et ils ne peuvent se prévaloir de droits puMks
acquis par des concessions d'un antre gouvemement* Qb œ
sont justiciables par les tribunaux de ce dernier qae lorsque
y ont à exercer des droits privés on qu'Oa y possèdent des
immeubles, et pendant qu'ils y séjournent
Aucun doute n'existe sur le droit d'une nation de déter-
miner les conditions de l'admission des étrangers snr son terri-
toire, de régler leurs rapports civils pendant leur s^our et de
les exclure des fonctions politiques. Néanmoins il est constant
qu'aussi longtemps qu'elle continue à entretenir des relatîoDs
régulières avec les autres, elle doit admettre lenrs sujets à U
jouissance du droit privé sur le pied d'une oomplète égalité, et
qu'elle ne doit point, à ce sujet, établir des distinctions qui
1 Recès german. de 1544 § 45. Mynsinger, Cent oba. V, 92. Sock,
Do contributioD. chap. 13.
« F. Ch. de Moser, Kl. Schriften. VI, 287. Gûnther, Y6Iken. I, 2»
3 y. l'article de Jordan dans le Staats-Lexicon. TI, 860 suIt. PQtter.
Fremdenrecht. Leipzig 1845.
* y. § 83 ci -dessus. C'est une conséquence de l'indépenâaiice dtf
États. V. Gûnther, Vôlkcrr. U, p. 262. 315. 828. de Uartena, YQlkm
§ 80. 87. Schmelzing § 142. Les brevets délivrés dana un pays ne «tft
pas valables dans un autre. V. Foelii, Droit international. H, 9^ G.
§ 60. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 123
ne seraient pas motivées par la nécessité de représailles ou de
mesures de rétorsion. C'est un principe généralement adopté
aujourd'hui. Le développement des rapports internationaux ne
permet pas de leur appliquer la distinction romaine entre „jus
civile" et ,Jus gentium", entre le droit civil d'une et celui de
toutes les nations, à moins que les lois particulières d'un pays
ne fassent dépendre l'exercice de certains droits privés de la
jouissance des droits politiques ou civiques. Aussi la position
exceptionnelle des étrangers justifie -t- elle pleinement la dispo-
sition généralement admise qui soumet l'étranger demandeur à
la nécessité de fournir caution; tandis que celle qui assujettit
les successions et les legs échus à des étrangers à certams
droits (jus detractus, traite foraine), est une pratique em-
pruntée à des siècles où l'on regardait les aubains presque
comme des ennemis. Hostile au principe de la liberté des
rapports internationaux, cette pratique a été abrogée par de
nombreux traités.^
S'il est constant que l'État n'a aucune juridiction sur les
étrangers ne résidant pas sur son territoire ou n'y possédant
pas des biens meubles ou immeubles, il n'en est pas de même
relativement à ceux qui y ont établi leur résidence, alors sur-
tout que la demande serait recevable, dans le cas où elle serait
formée contre un regnicole devant un tribunal du pays. Sous
ce double rapport la jurisprudence française s'est éloignée de
celle des autres États. En effet la disposition de l'artice 14
G. Nap., qui permet de citer tout étranger devant les tribunaux
de France pour les obligations par lui contractées envers des
Français nous paraît contraire au principe qui s'oppose à ce
que personne puisse être soustrait à son juge naturel, contraire
à la maxime: „actor rei forum sequitur^^ et à cette autre:
„ extra territorium jus dicenti impune non paretur/^ ' En même
temps , d'après la jurisprudence française , il est défendu à nn
étranger de poursuivre un autre étranger pour une dette non-
' y. de Martens, Vdlkerr. § 79. 93. SchmeLông § 132. 146. Foeliz
p. 169 suiv.
* V. snr les mesures de rétorsion adoptées par les États de FAlle-
magne au sujet de l'art 14. 0. N. Eappler, Joristisches Promptoariom.
2« édit. y. ,,Aiislander'< p. 88 sniv. ' Foélix II, 2, 2, 8 n. 175.
.^'
124 UTBB ranuB. § ei.
commerciale contractée idt du» m pallie^ soit en France, ce
qai est contraire au caractère eoimopolitB de Fhonmie qui doit
être protégé par les loto partout ob il léaide.
D'nn autre côté les engagemenla eontracMa par nn gon-
vemement envers les si^ctB d'une antre pninanoe, loin d'être
régis par les lois étrangères^ sont sonmiB ezdnrivement au
règles dn droit intemationaL De tels engagements sont les
emprunts publics contractés à rétnmgeri dont nona traiterons
dans le Chapitre consacré aux contrais. Enfin les tribunanx
d'un pays ne seront pas compétents pour statuer 8oayerail)^
ment sur des contestations dviles concernant des sigets étran-
gers, lorsqu'il s'agit d'une question internationale et que le
gouvernement de l'autre pays a le droit d'interrenir par voie
internationale, où, en conséquence ^ la contestation cesse d'être
purement civile. Cette question a été traitée ponr la première
fois entre la Grande-Bretagne et la Prusse, à Toocasion des
prises faites par des corsaires anglais.^
Droits des forains.'
§ 61. On appelle forains (foreuses) les étrangers qui sont
soumis aux lois et tribunaux du pays à l'égard de leurs im-
meubles situés dans le territoire. Ces immeubles sont sujets
aux taxes et aux contributions comme les antres immeubles^'
ainsi qu'aux règlements de la police locale, et le propriétaire
ne peut décliner à leur égard la compétence des tiibimaux dn
territoire.
Dans plusieurs contrées de FAllemagne on ra plus loin
Les étrangers qui y possèdent des inmieubleSy sont regardés
sous ce rapport (jure landsassiatus) comme siyetB et soumis,
même pour leurs affaires personnelles , aux lois et tribunanx
ï V. Ch. de Martens, Causes célèbres. Il, p. 1—88. de Martens, Vôlkerr.
§ 95. Klliber, Droit des gens. 5 58.
« J. Cb. Limbacb, De forensibus. Giess. 1669.
B Quant aux taxes, aucun doute ne subsiste plus aigonrdlrai. Y. 1 59.
m. ci -dessus, de Martens, Vôlkerr. § 88. Elûber, Oefféntl. Beoht. | 4071l«
ainsi que les ouvrages indiqués par de Kamptz, Literat f 118.
§62. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 125
du pays,* tandis que leur famille et leurs autres biens con-
tinuent à être régis par les lois du domicile d'origine. Il est
constant du reste que ni ces dernières ni celles des autres
États n'ont à accorder nécessairement à ces rapports les effets
d'une sujétion réelle; aussi pourrait -on faire cesser ces restes
du régime féodal en imposant la nécessité du choix entre ce
domicile accidentel et celui d'origine.*
Rapports légaux des étrangers.
§ 62. Chaque État est maître de fixer les conditions aux-
quelles il permet aux étrangers l'entrée et le séjour sur son
territoire. Il peut, dans un intérêt de sûreté publique, les
renvoyer individuellement ou en masse, à moins que les dispo-
sitions des traités conclus avec d'autres puissances ne s'y op-
posent. De même un État ne peut refaser de recevoir •ses
propres sujets expulsés d'un territoire étranger, sans être obligé
d'y concourir formellement, à moins que des traités spéciaux
ne l'exigent, comme ceux relatifs à l'extradition réciproque
des vagabonds.® Toutefois l'exclusion complète d'une nation
de tout commerce international, ainsi que le renvoi non motivé,
ou fait d'une manière blessante, de ses nationaux serait
regardé, d'après le droit public européen, comme une injure
(§ 33 ci -dessus).*
Chez les peuples de l'ancien monde les renvois en masse
des étrangers (^evr^Xaaiai) étaient assez fréquents. Dans nos
États modernes on n'y a recours qu'en temps de guerre.* Le
^ C. H. Geisler, De landsassiatii. Marp. 1781. et Elttber, loc. cit.
§ 269. 466 a. Eichhom, Deutsches Priyatr. § 75.
« Gûnther II, p. 426.
8 de Martens, Suppléments. YIII, p. 282. Sur la définition y. Tho-
masius, De vagabundis. Lips. 1681. vanHaesten, De yagabnndis. Ultraj.
1773. Gûntaier II, p. 259.
^ A. Contostaulos, De jure expeUendi peregrinos diss. Berol. 1849.
Cet auteur prend pour point de départ l'obligation de FÉtat de receyoir
sur son territoire tous les étrangers.
«^ V. ci -dessus § 33. Schmelzing § 168. Qtinther H, 219. 223. 314.
Martens § 74. Schilter, loc. cit. § 52.
186 LTVHB I-HBMIEK.
âtoeoure proimiirt'i nn parlement, le 3 uvril 182i, par lord
Guiiiiiig, pnur la défense de l'aiineii bill des étrangers, prf
sente à ce sujet un pnissuit intérêt. Ai^uurd'boi un ^ygiéme
plnx d'iiix a prévain égnleiiient en Augloterre: U consiste dans
nn enregistrement dei« étraogera qui ettt renouvelé de six en
BIX mois (Stat. George IV cha|). 64).
En dehors de ce que nous avons déjà indiqué an § eu
ci-deasua, les étrangers, pendant leur séjour sur un territoire,
sont soumis aux régies fondamentales suivantes:
I. Tous les '■ ' oumia k l'autorité des lois
pénales et de poliee, la juridiction criminelle dn
territoire où ils résident. : sigets k ses lois civiles cl
peuvent être poursuivis à ion des engagements con
tractés par eux (g 37. î)9). ritorialité, les traités el les
usages, il est vrai, étab t exceptions: en matière de
procédure et de juridiction, rangers peuvent encore ob-
tenir des faveurs spéciales. telles faveurs sont, i)»r
exemple, la juridictiMi coi i (livre IQ ci-après) et la
maxime du droit anglais qu ranger est justiciable s'il le
veut par un jurj', composé [lOUi tié d'étrangers (de mcdiciaie
lingitau I,
II. IjCS étrangers ne sont ] soumis aux lois concemanl
les impôts personnels et la consuii itïon militaire, établies dans
le territoire où ils séjournent. Les autorités du pays ne peuveni
mettre en réquisition leurs personnes ou leurs biens meuble*
qu'en cas de nécessité urgente, et sous la réserve d'une indem-
nité future. Mais ils sont tenus de payer les impôts qui
grèvent l'usage ou la consommation de certains objets, l'exercirt
de certaines industries et la jouissance de certains avantages,
par exemple, les droits de péage des chaussées, ceux de eou-
cesaion ou de patente, tes contributions immobilières, les droits
de tiiid)re et d'enregistrement.*
III. L'étranger conserve l'état civil de son domicilo d'iiri-
gine quant à ses affaires domestiques (§37 ci -dessus); mais
' Les loia do aûret<5 et de [jolîce obligent tons & itent 1,
territoire (art, 3, C. N.).
* de Mnrtons, Volkcrr. g 88. Schmehing S 187. , «m
nccesBÎtatis , v. Scliiltcr, Inc. cit. g 4G.
§ 63. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 127
son état politique n'est d'aucune valeur dans le pays étranger.
Ainsi par exemple, la dégradation civique et Tinterdiction de
certains droits publics ou sociaux n'aura pas d'effets à son
égard. ^ Pareillement les fonctions publiques dont il est revêtu
dans son pays, ne peuvent être invoquées ni par lui ni contre
lui, pendant son séjour dans le territoire étranger, à moins
qu'il n'y soit chargé d'un mandat de sa patrie (§ 34). Néan-
moins les rangs et titres d'un individu sont, d'après les usages
des nations, respectés en pays étranger, pourvu qu'ils ne soient
pas contraires aux lois de ce dernier,* et sans préjudicier au
rang et aux titres des regnicoles.
IV. L'étranger qui a rempli tous les engagements con-
tractés par lui dans un territoire, peut le quitter librement;
ses biens ne pourront être retenus sous aucun prétexte.* Tous
les usages contraires, tels que droits de retrait, d'aubaine (jus
albinagii), celui qui était établi dans le Palatinat sous le nom
de „Wildfangrecht"* ont successivement disparu, ou sont sur le
point de disparaître. En France, où le droit d'aubaine s'est
conservé le plus longtemps, un décret de l'assemblée consti-
tuante, en date du 6 (18) août 1790, l'avait déjà réprouvé: mais
ce fut seulement une loi du 14 juillet 1819 qui l'abolit d'une
manière définitive.*
Droit d'asile et d'extradition.
§ 63. Tout État indépendant offre sur son territoire un
asile naturel non - seulement aux nationaux, mais aussi aux
> Ch. Thomasius, *De existimatione , fama et infamia extra rempnbl.
Hal. 1709.
« Gunther U, p. 315. de Martens § 85. Schmelzing § 141. Elûber
§ 84. V. aussi Vitriar. illustr. Pfeffinger m, p. 112. Pîltter, Erôrterungeu
des deutscheD Staats- and Fûrstenrechts. I^ p. 10.
8 V. de Martens § 78. Schmelzing § 179.
« Moser, Naclibarl. Staatsr. 406. Gûnther II, 361. Jordan, Staata-
Lex. VI, 368.
^ Les ouvrages indiqués par de Eamptz § 121. Pûtter, Beitr. p. 128.
Schilter, loc. cit. § 32. 39. Mittermaier, GrundsâtEe des gemeinen deutschen
Privatrechts. G« éd. § 100.
128 LmB FmmiL §63.
L
■■
étrangers, contre les poursuites dhigies mk déhon eoniie en.
Hais c'est une question controyonée depais longtmiqis, de
savoir si cette protection a on oanelère obHgmtoire, si an con-
traire un État n'est pas tenu de satisfidie à une demande
d'extradition formée par un autre goufemement) à FoecasioD
d'au crime ou délit commis sur le territoire de ce dernier.^
Le droit public des peuples anoiemi n'autorisait guère
l'extradition des individus qui, réfcgiéB diei nn peuple, inro-
quaient la protection des dieux nationaux: Umt an plus anto-
risait-il celle d'un étranger qui, dans lé pays même où il s'étiit
réingié, s'était rendu coupable d'un crime envers un antre
étranger: du moins on regardait en oe cas Fenqploi de repré-
sailles comme licite.' Mais pour qu'un dtoyen Ait livré à m
peuple étranger y il fallait que son crime envers ce dernier fût
assez énorme pour que son extraditiçn ne pflt être refusée à
la juste vindicte du peuple offensé.^
Au moyen âge l'Église ouvrait de nombreux lieux d'aâle,
en même temps qu'elle exerçait la juridiction pénale d'une
manière très - étendue : ^ en dehors de FËg^iae, les puissances
laïques n'admettaient d'autres règles que celles dn plus ibit
Depuis rétablissement de rapports plus réguliers entre les États
modemen d'après le principe de leur indépendance réciproque,
l'usage a suivi communément les règles suivantes:
I. Chaque État est maître de refuser l'entrée sur son terri-
toire aux étrangers réfugiés et aux étrangers en général, ain^
que nous l'avons déjà expliqué (§ 62). Cependant des cona-
' V. Provo-Kluit, Do deditione profugor. Lngd. Bat. 1829, snitoit
Berner, Wirknngskreis des Strafgesetzes. 1843. § 40 — 45. Bob. de VohL
Revision der vôlkerrechtl. Lehre vom Asyle. Tftbingen 1853. A. Bnlme-
rincq, Das Asylrecht. Dorpat 1854. Sur les lois les plus récentes t. Foe-
lix, Droit intern. p. 578 et Faustin Hélie dans la Revue de lëgislatioD et
de jurisprud. par Welowski. t. I, 2. p. 220. Frederick Waymoutii Gibbfc
Extradition Treaties. Lond. 1868. Bulletin de la société de lénslalîoi
comparée. 1869. Mai p. 56 sq. Pour la littérature antéiienre y. de "Kisxifi
§ 111.
'^ V. Heffter, Athenische Gerichtsverfassung. p. 428.
3 Abegg, Untersuchungen der Strafrechtswissenschaft. p. 183.
* Walter, Kirchenrecht § 270. 345. Grimm, Deutsche Reclits-Alter-
thiinier. p. 880.
§ 63. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 129
dérations d'humanité font accorder facilement Tautorisation de
séjour sur un territoire, en imposant Taccomplissement de cer-
taines conditions (§ 63'). Il est vrai que Topinion opposée,
celle qui oblige TÉtat de recevoir chez lui les réfugiés, surtout
politiques, a été soutenue avec énergie, mais on n'a réussi
aucunement à en établir le fondenient. La diète suisse elle-
même, après ravoir défendue pendant deux ans, en imposant
aux cantons Tobligation de recevoir les réfiigiés étrangers, a dû
y renoncer (25 février 1851).
n. Aucun gouvernement n'est obligé d'accorder l'extradition
d'un de ses sujets. Il n'en a pas même besoin, si l'État ne
laisse pas im](hiiiis les crimes commis par ses nationaux à
l'étranger.^ Mais dans les pays où, sous ce dernier rapport,
un système différent a prévalu, le gouvernement se trouvera
quelquefois dans la nécessité morale de livrer un sujet à un
autre État où celui-là a commis un crime d'une atrocité extra-
ordinaire.*
m. En l'absence de traités formels, toute extradition d'un
étranger est subordonnée à des considérations de convenance
et d'utilité réciproques. L'intérêt de la société commande que
les crimes ne restent pas impunis, et l'extradition pourra avoir
lieu alors surtout qu'il n'y a à redouter aucune injustice delà
part des autorités qui la réclament. Par cette raison les anciens
auteurs, tels que Grotius et Vattel, ont déclaré l'extradition
comme obligatoire: mais la négative est soutenue par les auteurs
modernes, et elle a prévalu dans la pratique.® Pinheiro-Ferreira,
qui repousse toute extradition, va évidemment trop loin, et son
opinion extrême n'a trouvé jusqu'à présent aucun partisan.
^ Ce principe a été reconnu expressément en Prusse, en Bavière, en
Wurtemberg, dans les grands -duchés de Bade, de Hesse et d'Oldenbourg,
dans les duchés de. Brunswick et d'Alten bourg, indirectement aussi par la
loi belge du 30 décembre 1836. — Pour la France voir l& circulaire de
M. le Garde des Sceaux du 5 avril 1841. Dalloz, Dictionn. m. Extradition;
Foelix p. 588 (no. 613 éd. 3).
* Décret impérial du 23 octobre 1811. La légalité de ce décret a été
contestée. V. Foelix no. 572 suiv. (611 éd. 3).
' y. Tittmann , Strafrechtspflege in vôlkerrechtlicher Béziehung. p. 27.
Eluit p. 73. Allgem. Augsb. Zeitung. 1824. Append. no. 32. Contra Jour-
Heffter, droit intenuttional. 8« ëd. 9
■K
130 uvBB ramiB. . §63.
Le principe de l'extraditioa me fidto admis, y a-t-il lien
d'établir une distinction tirée de Ia Batue différante 'des crimes?
Régulièrement non. Néanmoins une ezeeptiim a été admise en
faveur des crimes politiques, car ordinaiiement on refose aujour-
d'hui l'extradition d'individus prévenns ezdnslrement de crimes
de cette sorte. Le caractère individvel de ces crimes et la
crainte d'une peine disproportimmée ont motiyé sans donte
cette dérogation à la règle générale. Par cimtre on arrêté de
la Confédération germanique du 18 aoât 1886 avait rendu ob-
ligatoire entre tous les États de la Cionfédération f extradition
réciproque des individus accusés de cette espèce de crimes.^
Mais la Confédération du Nord de r Allemagne s'est conformée
récemment à l'usage presque commun du contraire.'
nal des Débats, 20 février 1824. Qaant à la France y. Foolix p. 5SI.
Quant aux États-Unis du Nord de rAmériqne, t. Kent, Americui Lawl
p. 3r> éd. 4.
^ L'arrêté fédéral du 18 août 1836 a été complété par nne loi géné^
raie en date du 26 janvier 1854. (Y. la traductioii dans la Bévue critiqGe
de législ. 1855. p. 95). £n voici les diapositionB prineipalea : „Les Étits
de la Confédération s'obligent à livrer les individus arrêtés, piévenns oq
condamnés i)ar les tribunaux du pays oh ils ont commis un crime ou uc
délit, pourvu que les faits soient qualifiés crimes on délits par les lois da
pays où Textradition est demandée, et que la peine n^ soit pas prescrite
(art. 1). — Lorsque l'individu poursuivi a été anôté pour d^autrês crimes oi
délits, l'extradition n'a lieu qu'après Tacquittement, après que la peine a
été subie ou que Tarrestation a cessé (art. 2). — On remet ayec Tindivida
arrêté les objets trouvés en sa possession (art. 3). — L'extradition a liée
à la réquisition du tribunal compétent. La demande énonce le crime os
délit pour lequel le prévenu est poursuivi (art. 4). — Si l^extradltion est
demandée ])ar plusieurs Etats à la fois , celui qni a fait la première demanda
l'obtient (art. 5). — Les frais d'arrestation et d'entretien sont compté^^ da
jour de l'arrestation et sont remboursés par le tribunal qui a demandt*
l'extradition (art. 6). — Les individus livrés sont transportés librement d'm
Etat dans l'autre (art. 7). — L'entretien des individus livrés est lé^
d'après les dispositions des lois du pays où Textradition est demaDde^
(art. 8). — Les autorités chargées de l'extradition remettent , ayec Tindi-
vidu livré, un certificat de transport. Les frais sont remboursés intégrale-
ment (art. 9). — Sont abrogées les dispositions des traités précédemment
conclus, en ce qu'elles ont de contraire à la présente loi (art. 10)."
"^ Par la loi du 21 juin 1869. V. Endemann, die BecbtsbQlfe im nord-
deutschen Bunde. Berl. 1869. p. 167.
§ 63. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 131
IV. Les demandes d'extradition se font par voie de com-
mission rogatoire. Elles énoncent les faits et les motifs sur
lesquels elles sont fondées. Lorsque l'extradition est requise
par plusieurs gouvernements à la fois^ elle devrait de préfé-
rence être accordée à celui qui semble être le plus intéressé
à la poursuite et offrir le plus de garanties d'une juste répres-
sion. Quelquefois on prendra aussi en considération la priorité
de la demande. Mais faute de traités la résolution du gou-
vernement interpellé dépend uniquement de son libre arbitre.
V. Si l'individu inculpé est sous le coup de poursuites
dirigées contre lui à raison de délits commis par lui dans le
pays même où il s'est réfugié, il peut être jugé à raison de
ces faits, avant qu'on procède à son extradition. Dans ce cas
l'extradition peut aussi être faite conditionnellement et à la
charge de le renvoyer après qu'il a subi sa punition.*
VI. L'examen d'une demande d'extradition est une affaire
de haute police. Le gouvernement seul a le droit de prononcer
sur les demandes d'extradition formées par les autorités étran-
gères. Quelquefois il délègue l'examen des pièces relatives à
la demande à certaines autorités inférieures ou aux tribunaux
du pays.*
Vn. L'extradition s'effectue ordinairement par la remise de
l'inculpé sur les frontières contre le remboursement des frais,
si des conventions particulières n'en disposent pas autrement.
Lors de la remise on dresse un procès verbal, et lorsque l'extra-
dition n'a pas lieu en vertu d'un traité, on a soin de réserver,
le cas échéant, des services analogues. Pour faire traverser à
un inculpé le territoire d'un autre gouvernement, il faut que
ce dernier en soit averti et y consente.
VIII. L'individu dont l'extradition a été consentie, ne peut
être poursuivi ni jugé qu'à raison du crime pour lequel elle
a été obtenue. En agir autrement, et le faire juger à raison
d'autres crimes ou délits, ce serait violer le principe mutuel
ï Kluit p. 65.
> Le même p. 113 suiv. Dans T Amérique Un Nord c'est aux tribu-
naux à en juger. V. Kent, ubi supra.
9*
183
I.:VIUC PREHUHL
d'anle et \n okiiMe tacite cnniprisc implicitement dans toute
extraditivii. '
Et. Xiiii» a\one déjà vu (aii § 4a oi-deisus) que l'exterri-
torialité ii'iiuplique iiucnn droit d'asile. Par suite l'extraditinii
d'au inculpé qui s'est réfuté, par exemple, dans l'hôtel od
dans la voiture d'un ministre étranger, eu cbcreliant ainsi à se
placer anus la protertiou de ce dentier, ne peut être refosée.
Senlement, pour l'extraire de l'endroit où il s'est réfugié, il
faudra procéder avec tous les méu»^cmeut« dns an caractère
public d<> la pcrsoniii
teuu de recevoir les indi'
e«l proposée , s'il n'a pas
c« Bujet* Ou peut seule
mode, à qaitter le territoire
iiix irontièrea de sa patrie,
i autorités du pays l'obliga-
X. Aucun gnnveniemf
vidns incul]iés dont l'extraai
contracté un engagement t'or
ment contraindre un étranger l
et même le i'aire conduire j
sans toutefois pouvoir iniposc>
tion de le recevoir formeileme
Dan» plusieurs pays ou n'tmi de l'extradition dea réfugié:
qa'en vertu de conventions exp en. Parfois, dans des at
spéciaux, les autorités de ces ^ s fournissent aux gouvem^
meuts étrangers la faculté de s ciiiparer des personnes pour-
suivies. Ainsi la loi de la Grande-Bretagne^ n'accorde jamais
expressément l'extradition ni d'un reguicole ni d'un étranger
accusé d'un crime commis hors du royaume-uni, et dans les
trois traités d'extradition conclue par ce gouvemenient avec la
France, les États-Unis, le Danemarc il n'est spécifié qu'un
nombre fort restreint de crimes comme étant de nature à don-
ner lieu à l'extradition.*
§ 63*. L'État qui accorde k des réfugiés, et notamment
à des réfugiés politiques, l'hospitalité sur son territoire, ne fait
' Ktnit p. 87, Foelii p. 580. sai (no, 609. 613 éà. 3). Le confiait
a été jugi-' [lar la haute Cour à Berlin le 10 nvbr. 1S55 dans l'affaire d'un
ProBBien remis aax autoTÏtëB de eoa pays.
' Une convention semblable a été conclue entre la Euasie et la Prusse,
le 25 mai 1816. — Klnit p. 91,
■ Poelii ]i. liOâ (no 641 éd. 3).
• Galette des tribun., 21 mars 1843. N. 11. 8. V, 20. Comparez aussi
Phillimore I, 426. Law oE eitradition by Clarke. 1867.
§ 63*. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 133
que remplir les devoirs de bon voisinage et d'une puissance
alliée, en leur imposant comme condition de leur séjour Tobli-
gation de s'abstenir de toute tentative hostile ou coupable à
regard de leur propre gouvernement ou d'un autre. Pour pré-
venir les conflits et les complications qui peuvent résulter de
tentatives semblables, les autorités locales arrêtent les mesures
commandées par les circonstances, soit en interdisant aux réfu-
giés le séjour sur la frontière, soit en fixant le lieu de leur
séjour dans l'intérieur du pays (internement), soit en les pla-
çant sous la surveillance de la haute police, soit enfin en les
expulsant du territoire. Dans les États d'une faible étendue
territoriale surtout, cette dernière mesure sera à peu près la
seule applicable. D'un autre côté un gouvernement a la faculté
d'user envers certains individus de mesures moins énergique»,
et de se contenter à leur égard de simples garanties morales
ou matérielles. D peut même, en leur conférant le droit de
cité ou de naturalisation, les placer sous l'égide et la protec-
tion de ses lois. En général les États n'obéisâent à cet égard
qu'à leurs propres inspirations et ne sont tenus les uns envers
les autres à aucune obligation positive. Celui qui a offert un
refuge aux sujets de l'autre doit seulement prêter l'oreille aux
justes réclamations de ce dernier, les examiner et prendre des
mesures en conséquence. Il n'encourra une responsabilité que
le jour où, de connivence avec les menées hostiles des réfugiés,
en favorisant leurs entreprises coupables, il aura provoqué on
fomenté des troubles dans des États amis.
Si l'Angleterre et l'Amérique du Nord ont adopté sous ce
rapport des principes différents de ceux suivis sur le continent
européen, cela ne prouve rien contre l'exactitude des proposi-
tions sus -énoncées. A certaines époques l'Angleterre elle-même
a réclamé contre la conduite politique adoptée par des gouver-
nements continentaux en faveur de réftigiés anglais, et peut-
être ces réclamations se renouvelleront -elles un jour.^
^ V. nn article très-instmctif on les propositions indiqnées ci-dessns
ont été développées avec autant de tact qne d^éner^^e, dans le recueil
intitulé: Enropa, par G. Etkhne. 1853. no. 95. 96.
Chapitre H.
DES BIENS DANS LEUBS B&FOBTS OTTEB-
MTIONATJÏ.
I>e la dlfltinetfoii dat Meni.
§ 04. Les distinctionB do droit civil entre biens meablu
et inimeiitiles, corporels et incorporelB , se retronrent dans le
droit international. U y s eu outre des biens qni sont la pro-
priété d'nn certain État et d'autres qui ne le sont pas (i«$
nullius). Ces derniers se subdivisent en biens vacants (ades-
pota) et en ceux dout personne ne s'attribue la propriété et
denieurcut communs à t»ns (res communes). C'est surtoat le
domaine international qu'il importe de définir d'une manière
exacte.' On entend par là les droits exclusifs âe l'État m
certains liiens qui se trouvent sur son territoire et dont il dispoH
liJiremcnt, cont'omiément aux règles du droit public interne.'
Ce doniutiie possède i>our les rapports internationaux, les qni-
lité» du domaine privé, savoir celles d'une dispositîoQ libre et
exclusive. .Si l'État i)rotége le domaine privé, cette protectino
pourtant n'a pan pour cAFct de l'en rendre maître an point qn'il
puisse se l'approprier en dehors d'une nécessité ou d'une réserve
expresse. „Oniiiiarex imperio possidet, singuli dominio." Date
ce sen» les piiblicistes ont appelé le droit de l'Etat sur les bieij
privés de SCS sujet» son „<lomaiHe éminent" (dominiam emineni-L'
L'État et le souverain i)euvent en outre acquérir ou posséda
dcH bieni4 à titre i)nrticulier, soit dans le pays, soit à. l'étranger
diiiis ce (leniicr cas ces biens sont soumis aux lois et aux jnii-
dictions étrangères, fi moins qu'ils n'aient acquis la nature de
■ V. Urtoliiti, Dq dumaine international dftDS U Berne de légisUtui
par Wt-lowski. 184Î). II. ]., 280. III. p. 5. IV. p. 61.
^ Los pcrsoDiios ne pi'ureiit faire l'ot>jet da doioune dans dca ÈW'
libres. V. s 58 li-dessus. Grofiun II, 9. 1.
^ Scneea, Orat. ai. Les ouvrages indiqnéa par StrUTe, Biblioth. jo
imi). 11, 11 et pnr Ptttter, Litter. des Staatsr. IH, p. 37B. V. aussi V»ti--
I, 20. 2^5. 244. U, 7. 81. Butlierford, Instit. U, 9. 6.
§65. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 135
servitudes d'État. Les biens possédés ainsi par un État à
l'étranger, lorsqu'ils n'ont pas un caractère patrimonial comme
propriété de la famille souveraine, forment une véritable por-
tion de son domaine public.^ Néanmoins aucune nation n'est
obligée d'autoriser sur son territoire l'acquisition d'immeubles
par une nation ou un souverain étrangers: elle peut exiger
encore l'aliénation des immeubles possédés par eux, si cette
possession est de nature à porter atteinte à l'indépendance ou
à la constitution du pays.*
Territoire d'un État.
§ 65. IjC domaine international comprend surtout le terri-
toire ou le pays occupé par une nation dans les limites qui la
séparent des nations •voisines.* Peu importe qu'il soit arrondi,
morcelé ou enclavé: les droits" de souveraineté et d'indépen-
dance sont toujours les mêmes. Quelquefois un ou plusieurs
territoires enclavés dans un autre relèvent de la suzeraineté de
ce dernier, tout en obéissant à leur propre souverain et à une
administration distincte (territoria subordinata); en même tetnps
que, vis-à-vis des puissances étrangères, îk ne figurent que
comme portions accessoires du territoire principal. Telle fut^
par exemple, la condition de la principauté de Bar dans l'an-
cienne France : telle a été celle de plusieurs principautés d'Alle-
magne.* — Deux ou plusieurs États peuvent encore exercer la
souveraineté divise ou indivise d'un territoire étranger (con-
dominium): à ce titre, par exemple, la Prusse et la principauté
de Lippe possédaient en conunun la ville de Lippstadt.* —
^ y. surtout Schmelzer, Das Verhaltnirs answârtiger Kammergûter«
Halle 1819. p. 48. 179 suiv.
^ Des dispositions semblables existent dans plusieurs États, p. ex. en
Mecklembourg. V. Gûnther II, 216. Kliiber, Droit des gens. § 124. 128.
' Moser, Grunds. in Friedenszeiten. 361. Idem, Versuche. V, 58. 164.
* V. Heffter, Beitr. zu dem Staats- und Ptiirstenrecht. I, p. 289 suiv.
M. H. Griebner, s. C. H. Drewer, De jure territorii subordinati. Diss. I et H.
Lips. 1727. Merlin, Répert. univ. m. Bar.
s J. A. Fronmiann, De condominio territorii. Tûb. 1682. G. J. Wag-
ner, De condominio territorii dissertât. Mogunt. 1719.
AntrcftHH on ailiuottait eucore, snrtont en Allemagne, one iliatinc-
tion entre le» tcrritoiree cloa et noii cl<>8 (territoria clausa, non
rlaama'], selon i]uc In suaverainelA étj(exerci^î pHr un pouvoir
inrtlvi» et unîiiuc, ou (lu'elle renuontralt des entraves fréquentes
dan» le» exeniptinnH et lex prirïl^gcs iiorsontieb ou locaux. Le»
révolntions «in oonimoiicenient d« notre BÎtcle et l'acte de la
Conl'édération rhénane (art, 34) unt mis fin itect état de choses,
qui d'aiUeura existait plutftt e.a tli6oric qu'en pratique.*
1^9 limites territoriales de tnns les Etat» actuels reposent
Bur «ne base ensentiellenie
Jusqu'à ce jour la seiem
fixer len limites naturelles
Celles-ci ue contiennent que
En effet leur développement
gagné, au climat, anx besoins f
il a été judicieusement obser
intermédiaires se placent natuj
tiens entre les nations forterae
c'est ainsi que la Belgique et lu
naturelles entre l'Allemagne et la
l'Allemagne et l'Angleterre.
I taire et rie circonstanees.
e n'a pas encore réussi i
sur la base des nationalités,
(■anx des Éta^p jiarticoliere.
ttache à. la uature du sol
moyens pour vivre, comme
r Montesquieu.* Des Étals
nent et forment des transi-
caractérisées de l'Europe:
uiflse forment des barrièrfti
■ranee, les Pays-Bas entre
Llmttefl des territoires.^
§ 6G, Les limites internationales d'un territoire on d'un
État sont physiques ou intellectuelles. Les limites physiques
sont la nier, les hautes montagnes, les terrains incoltes m
inoccupés, Lee rivières, loin d'être des barrières naturelles,
forment au contraire de vraies artères de comunication des diffé-
rentes nations. Lorsque le bord d'mi fleuve a été fixé expressé-
ment comme limite d'un territoire, il n'est pas permis de l'étendrï
' V. Hildebrand, De territ clanao et non claïuo. Altiaf. 1715. KH-
hei, Oelfentliches Recht dea deutschen Bandes. § 277.
' V. aussi Ideen lïber das politÎBche Gleicbgewiokt. Leipng X81i
chftp.IV. E. von Mohl, Politik I, 333.
■ V. lea ooTiages indiiLuéB par de Eampti. S 109. QUatiier Q,
p. 170.
§ 67. DROIT mTERNATlONAL PENDANT LA PAIX. 137
sur le fleuve lui-même, et lorsqu'un fleuve appartient entière-
ment à un pays, le rivage opposé formera la limite territoriale.^
Les limites artificidles consistent dans des lignes purement
conventionnelles, ordinairement faciles à recoimaître par ^des
signes extérieurs placés à certaines distances, tels que palissades,
fossés, tonnes, digues. Elles reposent tantôt sur des traités for-
mels, tantôt sur une possession immémoriale et non contestée. Des
frontières contestées sont réglées par des commissions spéciales
ou par des traités:* s'il devient impossible de retrouver les véri-
tables limites, le terrain contesté est partagé ou déclaré neutre, et
administré en commun jusqu'au règleirient définitif.* C'est le mode
adopté, par exemple, à l'égard du district des mines de Moresnet,
situé entre la Prusse rhénane et la Belgique. Si un fleuve sépare
deux États, l'empire de l'un et de l'autre s'étend jusqu'au milieu
du fleuve, sauf convention contraire.* Quelquefois le chenal dit
„Thalweg" a servi de limite, comme celui du Rtjiin; ce mode a
encore été adopté dans le traité conclu en 1809 entre la Russie et
la Suède. Si un fleuve limitrophe se détourne entièrement de son
cours et se jette exclusivement dans l'un des deux territoires
voisins, la limite ancienne n'en sera aucunement changée, mais
les droits de navigation de l'État exclu- du nouveau lit deviennent
en ce cas l'objet d'un nouveau règlement* Il en sera de même
quant aux lacs situés entre deux territoires: il faudra y appli-
quer également les dispositions du droit civil.* Nous traiterons
plus loin des limites maritimes d'un territoire (§ 75).
Caractère territorial des choses.
§ 67. Le territoire, avec tout ce qu'il renferme ou ce qui
s'y passe, est soumis à la juridiction de l'État. „Quidquid est
' V. Gûnther H, 20. 21.
3 Gûnther H, 176. 184 soiv. Bielefeld, Institat. poUt. U, 6. § 22. 23.
« Moser, Vers. V, 25. 354. Gûnther H, 17. 181.
* Grotius n, 3. 18. Vattel I, 22. 266. de Martens § 121. Gûnther
II, 20. Schmelzing § 220. Elûber § 133.
« Grotins n, 3. 17. Pufendorf IV, 7. 11. Vattel §270. Gûnther H, 25. 198.
^ Gûnther II, 55. 203. Des dispositions spéciales règlent le lac de
Constance. V. déjà Bnder, De dominio maris Snevici. Jen. 1742. Moser,
Nachbarl. Staatsr. 440.
138
in turritorio, fwt ctiaiu di- tcrritorio." La vérité de cet axînme
ne pouvait ôtrc cmitcsWc (|u'ft nne époque nû la sonveraîneté
territoriale n'était pas eniHire compl^ttAent liéveloppée. ■ — I-a
sotfreruineté s'arrête aux limili^H du territoire qu'il ne lui est
pas permis de fraiiehir. KIlc ne |»eut donc ]>»» disposer iks
, objet» qui se trouvent en dehors de «es limites, lors même
qu'ils lie seraient pas ocl^^p(*8.'' j\inȔ l'exploitation d'nne mine
concédée ne peut jamais a'étciidre sur le territoire étranger
sans la concesaion de l'autorité terriU)riaJe. Tout ce qui se trouve
sur les frontières de pays lin
— L'exterritorialité, les st
exceptions nu ])rineipe exol
(§42, 43 ci-dessns). 11 est Ji
mais qui sont snseepttbles il
Les bêtes sauvages, par exei
territoire d'un pays, devieiineu.
nium transiens) qui cesse dès t
ne sont jias susceptibles d'une revi idication. D'après Grotins,
elles sont la propriété commune ( genre humain et des États.
Pufendoif y a ajouté encore d'ai Tes obaervatioiiB qui sont
aujourd'hui d'une importance seconuaire.* C'est aux lois cl^-iles
des différentes nations et aux traités publics d'indiquer les
choses qui sont susceptibles d'être iiossédées à titre particulier,
ainsi que les droits de l'État à leur égard.
leur appartient en commun,'
publiques constituent des
la souveraineté territnriale
irtaines choses sans maitrc,
îssédée* à titre particulier,
tant qu'elles errent sur le
propriété passagère (dgiiii-
les le quittent. Donc elles
Dt^pciidaHces de IVtat et colonies.* |
§ 68. Sont considérés comme dépendances d'un État les
droits réels qu'il possède dans un territoire étranger, tels que
' C'est ainai ([ue Thomase dcrJTaît lu thèse ainsi intitulée ; De innti-
litate lirocardiei : Quidqniii est in territiirio est etiam de tenitorio.
» Comii. aussi Vattol II. 7. 86 saiy.
3 Suivant Ch. A. Meniua, Disaort. de finib. territ. Lipa. 1740. g 30
les arbres planton aur la frontièru aiipartieDuent an territoire du cîtr
duquel se trcjnvont les borues indicatives de la frontière.
' Grotins, De J. B. ae P. II, 3 in fine; II, 4. 14. Pafeiidorf lï.
6. 4 Euiv.
" S. 8t7jclt, De probatiene pettinentiarnm. Frcf. Viadr. 16G8. H. Engel-
brecbt, Do reunione pcrtinentianini. Heliust. 1715. Gtnther H, p, lïS.
§ 68. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 139
des servitudes actives, des immeubles, des droits de suzeraineté
et d'usufruit (§ 43 et 64 ci -dessus) qui, par le seul fait de leur
acquisition, obtiennent un caractère réel. Sont encore consi-
dérés comme dépendances les terres, les districts, les pays
expressément annexés, qui, bien que situés hors du territoire
principal, étant- dépouillés cependant de leur autonomie, sont
régis par la même constitution, et qu'une administration com-
mune fait comprendre sous une dénomination générique (§ 20. 1).
Régulièrement la qualité de dépendance d'un territoire peut
être l'effet seulement d'un titre formel. Elle ne résulte pas
notamment de cette circonstance qu'à une certaine époque un
gouvernement y jouissait de certains droits qui ont cessé par
la suite. Telle était pourtant la politique de réunion de Louis XIV,
laquelle, en s'appuyant sur quelques 'dispositions du traité de
Mtinster de 1648 (XI, 70), prétendait au xvn*" siècle faire
revivre des droits depuis longtemps éteints. Assurément le
chef d'un État ne transmet aux successeurs du pouvoir que ce
qu'il possède en sa qualité de souverain, non pas à titre privé
ou patrimonial; lorsque la transmission s'opère en vertu d'un
acte de cession partielle, les stipulations de l'acte déterminent
les limites des droits souverains transférés. En cas de doutes
il faut interpréter ces droits comme étant restés communs entre
le cédant et le cessionnaire. Ces doutes se présentent souvent
dans l'interprétation des traités de cession, et il est prudent
d'éWter à ce sujet des termes trop génériques.
Les colonies fondées par un État dans un territoire étranger
ne peuvent pas toujours être considérées comme dépendances
de cet Etat ou comme domaines de son souverain.* Quelque-
fois les citoyens d'un pays, en renonçant à leur mère -patrie,
sont allés s'établir sur un sol vierge, libre encore de toute
1 Pour rhistoire des colonies chez les anciens voir Hegewisch, Nach-
richten die Colonien der Griechen betreifend. Altona 1808. Raoul -Eochette,
Histoire critique des colonies etc. Paris 1815. Heeren, Ideen zur Geschichte
der Menschheit. — L'histoire des colonies modernes est disséminée encore
dans quelques ouvrages spéciaux. Quelques notices se trouvent chez Moser,
Beitr. zum neuesten europâischen Vôlkerr. V, 398 suiv., et dans Tart de
Boscher, Ueber Colonial wesen, inséré dans Bau, Zeitschrift der politischen
Oeconomie. Neue Folge VI, 1.
O UVBE PBSUIKU.
autoriti^ Hoiiverainc, et y ont lundé, «vec leur» iiropreg res-
goari'CH et avec leurs bcuIb moyen», de nouveaux Etats. Telle
Alt en général la politique (-x>lomale de la Grèce, [tolititiue qni
permettait aux colonies de se développer avec une eotière
lî))erté et d'atteindre la haute prospérité dont jouissaient jilu-
HÎeurs d'entre elles. De nos jonrs on peut ottcr à ce sujet
l'eiteiaple du Paraguay. Mais le plu» souvent la politique mo-
derne n'a vu dans les colonie» que des voies commodes ponr
remplir les caisse» du trésor de la uiétroiiole, en les soumettant
h an régime d'exploitation "■" ''"i compagnies privilégiées et
à une administnttion conçue 'oîprit de moiio])ole.*
Les colonies placées so gouveracment direct de la
métropole en forment nnc i luiee politique. Qnelquefnis
une colonie relève de Fautd zorainc du territoire où elle
a été fondée, en même temp» î les colons conservent les
droits de cité dans leur mën trie et jouissent de sa |iro-
tection.* Dans des contrée» dcj, rvues de toute autorité snn-
reraJne, les rapports légaux des colonies peuvent présenter
des difficultés sérieuses entre les liverses puissances, comme,
par exemple, dans le» colonies européennes établies sur les
côtes occidentales do l'Afriqne. liC maintien seul du status quo
servira, dans ces cas, k résoudre les conflits naissants.
Modes d'aeqalsltion do doinalae Internat! onal.^
§ 6!), Le droit international admet comme modes d'a«jni-
sition réguliers les actes et les événements seulement qui, sans
violation de droits préexistants, ont pour objet de garantir
d'une manière permanente la disposition directe et exclosive de
certaines choses, et notamment de certains territoires, à un («i
k plusieurs États. Ces modes sont la cession , les accroisse-
ments naturels et l'occupation.
I. La cession ou succession conventionnelle de droits soa-
verains peut être obtenue par des voies pacifiques ou par 1»
' V, Giiutlicr JI, J32.
* V. GrotiuBÏI, 9, 10 et le commeDt. de Cocceji; V 4, (810l
■ Ortolan, dane 1b Bévue de législation. Fam Ifr iam.
§ 69. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 141
guerre. Elle n'opère la transmission de la propriété à Tégard
des tiers, que du moment où Tacquéreur réunit en lui la volonté
et la faculté de disposer de la substance physique de la chose
d'une manière directe. Jusque-là il ne jouit que d'un droit
à la propriété, droit dont Texercice, pourvu que le titre
réunisse les conditions prescrites, ne rencontrera aucune entrave,
mais qui n'exclura pas les effets intermédiaires d'une posses-
sion tierce. Il faut en conséquence, si l'acquéreur ne se trouve
pas déjà saisi, qu'une mise en possession ou tradition s'opère
à son profit. C'est cette faculté de disposer librement de la
substance de la chose qui est le signe incontesté de la pro-
priété à l'égard des tiers: les fictions légales et l'exécution
forcée sont des remèdes de droit cjivil, impraticables en matière
internationale. Tout au plus la volonté clairement exprimée et
rendue publique peut être regardée comme translative de la
propriété. Les anciens auteurs, et en partie encore les mo-
dernes, sont peu d'accord sur cette question.^
U. Les accroissements et les transformations naturels des
objets, la naissance de nouvelles îles dans les limites terri-
toriales ou maritimes d'un État, les alluvions constituent un
second mode d'acquisition. Les principes du droit romain, qui
répondent si bien à la nature des choses et à l'équité, sont d'une
application incontestable dans cette matière et ont été adoptés
par toutes les nations.' H est encore incontesté que tout ce
qui se trouve en dehors de terres d'alluvion, ne peut s'acquérir
que par voie d'occupation. H y aurait une prétention arbitraire
à vouloir revendiquer, au profit d'un territoire, comme ses
dépendances, de nouvelles îles qui se sont formées en dehors
de ses limites; telle serait celle qui regarderait la Hollande
comme une simple allnvion du Rhin. Tant qu'une alluvion
peut être ramenée à son état primitif, elle ne constitue pas
un objet d'acquisition.^ — Quant aux fruits, le droit international
n'admet pas la règle du droit civil que le possesseur fait les
fruits siens. H peut en disposer de fait, il peut s'approprier
« V. Gûnther U, 86. Ortolan, lac. cit. no. 120. 55. (HI, 38).
« de Cancrin, Wasgerr. III, 2. Gfinther H, 57—62.
> Wbeaton, Inteni. Law. I, p. 216. V. aussi § 72, II, a.
142 UVrà PUMOEB. § 70.
des fruits indu^trieU , miûs il uc i)eut pas ret'u.ser au proprié-
taire lu Institution de fruit» uitturels.'
]II. L'(>c(.-ti])atloD des biens sans lunttre dout nous allons
parliT AU paragraphe suivant, forme un troisiëiue mode d'ae-
quiËiitioii.
Qunut à la prescriptinu et & la possession îmmémnride,
nons avons d(!'jji vu qu'ollos peuvent, jusqu'à uu certain point,
tenir lieu d'un titre d'fU'iiuisitiuu valable."
pRtlon.
lent, il faut qae les biens
m d'en acquérir le domaine,
)ri»e de posseesion effective,
inditions.
qu'aux Mens qui, 'quoique
t pas de maître. Elle ne
10 peuvent être l'objet que
Boit forcée. L'ocenpatioD
on aux îles non habitées oa
§ 70. Puur occuper
soient sans maître, et qu'Ji
vienne se joindre le fait i
Examinons cliafone de ee» l
1. L'occupation ne s'a]
susceptibles d'être possédiîs,
s'étend pas aux personnes^ n
d'une soumission soit volm
s'applique notamment aux i r
non occupées entièrement, mais aucune puissance sur la tcm i
n'a le droit d'imposer ses lois à des peuples errants on mt- \
vages mêmes. Ses sujets peuvent cherclier à nouer des rela- '
tiens commerciales avec ces derniers, séjourner chez eus en I
cas de nécessité, leur demander les objets et rivres indispen-
sables, et même négocier avec eux la cession voloutaire d'une
portion de territoire destinée à être colonisée. La nature, il '
est vrai , ne défend pas anx nations d'étendre leur empire sat >
la terre. Mais elle ne donne pa,s le droit à une seule d'entre
elles d'établir sa. domination partout où cela lui convient, U
propagande de la civilisation, le développement des intérêts
commerciaux et industriels, la mise en activité de valeurs im-
productives, ne le justifient pas non plus. Tout oe qu'on penl
î et 10, 4. Pufendorf IV, 7. 23. Comp. Mpee-
' V. Grotins II,
datit S T.i in fine,
» Voyez S 11 ci -dessus et Pbillimore I, 265.
' OrotioB U, 9. 1. Ortolan. Du dom. inteinat. 7
§ 70. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 143
accorder à ce sujet, c'est que, dans un intérêt de conservation
du genre humain, il sera permis aux nations de se réunir,
pour se faire ouvrir d'un commun accord les ports d'un pays
fermé hermétiquement à leur commerce.^
II. Toute occupation suppose une volonté bien arrêtée de
s'ai)proprier d'une manière permanente des biens sans maître.
Personne ne peut acquérir à son insu et involontairement.
III. La volonté d'appropriation doit être suivie d'une prise
de possession effective, et être constatée par des mesures
propres à établir une domination permanente. Le domaine
ainsi acquis ne se perd pas par une interruption momentanée
et transitoire. De simples déclarations Verbales au contraire,
des signes incertains d'une appropriation projetée, lorsqu'ils
sont contredits par les faits et qu'ils rendent l'intention dou-
teuse, ne pourront pas être regardés comme un titre valable,
bien que la pratique des nations se soit quelquefois prévalue
de mesures semblables.*
On peut d'ailleurs prendre possession au nom d'un tiers,
en vertu d'un pouvoir général ou spécial, et le domaine lui
sera acquis dès le moment de la prise de possession.'* On
peut également, par une ratification subséquente, valider l'occu-
pation effectuée par un „negotiorum gestor" et acquérir ainsi
la ])ossession ou le domaine dès l'instant de la ratification et
après en avoir pris connaissance, en vertu de cet axiome
„ignoranti non acquiritur possessio."* La prise de possession
qui a lieu au nom de plusieurs États les rend copropriétaires
par indivis, à moins qu'il n'ait été procédé à une déclination
de leurs portions respectives. Autrefois ce fut le pape qui
statuait sur les contestations nées à l'occasion de découvertes
1 V. Vattel I, 18. § 205 suiv. Gûnther H, 9. Wildman I, 70. Z.
2 Grotius. Vattell, 18. 207. 208. Gûnther II, 11. Ortolan no. 68 sniv.
Wildman I, 69. Sur la controverse engagée à Toccasion de l'ouvrage de
Bynkershoek intitulé: De dominio maris, eap. 1. voy. Klûber, Droit des
gens. § 126.
^ V. les exemples dans Wheaton, Tntem. Law. I, p. 209. Un pouvoir
tacite , qui serait donné à tous les sujets d'un État, est inadmissible. Il
n'y a que l'esclave qui puisse acquérir de plein droit pour son mûtre.
* V. de Savigny, Besitz. p. 365.
T- ^.r
144 uvxB pBninii^ § 7i.
de nouvelles terres. Le partage des bdes^ opéré par loi entre
FEspagne et le Portugal, en est vu enem^e célèbre.^ Enfin
Foccapation effective de la chose priiio^[iale oompr^idra aossi
ses dépendances, lorsqu'elles ne se troovent pas dans une pos-
session séparée.'
Allénation du donudne ImtenuittoiiaL
§ 71. Les modes d'aliénation du domaine publie sont en
général ceux du droit civiL En dehors de la yente et de
Féchange (§ 72), nous distinguons surtout oeux de oongtitution
de rente, de fief et d'hypothèque.
I. La constitution d'une rente perpétuelle an profit d'an
État on d'une personne étrangère, était un mode très -usité
autrefois. Le rccës de l'Empire germanique de 1803, dont
les dispositions à ce sujet ont été reproduites par TActe de h
Confédération rhénane et par celui de la Confédération ger-
manique, stipule de nombreuses rentes au profit des princes
médiatisés et non médiatisés. A défaut de stiipnlations con-
traires, elles grèvent la totalité des biens susceptibles de porter
des fruits et affectés à leur payement, et elles ne s'éteignent
que par la destruction complète de ces biens ou par l'impossi-
bilité d'en tirer des fruits.' Si leur perte n'était que partielle,
le montant de la rente serait réduit proportionnellement jusqn'à
leur rétablissement intégral. C'est ce qu'a déjà déeidé une bnlle
rendue par le pape Pie Y en 1569: „GensuB omnes in {utunun
creandos re in totum vel pro parte perempta, aut infructaosa
in totum vel pro parte effecta, volumus ad ratam perire."^
1 y. les balles de 1454, 1481 et 1498 dans Du Mont, Corps uniT
m, 1, 200. m, 2, 302. Schmauss, Corp. jur. gent. I, 112. 180. Gftnther
II, 7. Walter, Kircbenr. §342.
> Martens, Droit des gens. H, 1, 38. Phillimore I, 247.
B Une rente ne peut être constituée que sur les fruits dHine chose.
V. Multz, De censibus. Altorf 1659. tb. 11 et 18. Mariiiiiy De jure ces-
suum. Colon. 1660. IV. no. 1. Grusemaim, De censu resenr. Binteh
1705. § 12.
* Magn. Bullar. Rom. t. H, p. 295. G. Frantske, V«r. résolut IV,
no. 9. Multz 1. c. tb. 69. Cette règle néanmoins n^est pas aâmise géné-
ralement. V. Censius, S. Rotae Rom. decis. ad traôt de oensib. Lagd.
§71. DKOIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 145
II. La constitution d'un fief au profit d'étrangers est un
second mode de transmission.^ La validité de cet engagement
et ses effets légaux sont jugés d'après les lois particulières de
chaque Etat, excepté les fiefs situés dans un territoire étranger
(feuda extra curtem) lesquels sont régis par les lois et les usages
de ce denûer.*
ni. Enfin le territoire d'un État peut, en entier ou en
partie, être engagé, hyj)othéqué, ou donné en nantissement à
un créancier, avec le droit de juridiction souveraine. Des en-
gagements semblables, très -usités autrefois,^ sont devenus très-
rares aujourd'hui. La Corse engagée, du moins en apparence,
en 1768 à la France par la république de Gênes, la ville de
Wismar hypothéquée en 1803 encore par la Suède au duché
de Mecklembourg, en sont des exemples récents.* Mais en
général les usages internationaux ont remplacé ces sortes d'en-
gagements par l'aff^ectation spéciale de certains biens ou reve-
nus au payement des emprunts contractés par l'État, affectation
qui, pour être efficace, doit être faite conformément aux lois
de cet État. Le langage diplomatique comprend même sous la
dénomination de „ dettes hypothéquées" celles contractées an
profit d'un pays ou de certains districts, et il n'entend par là
que l'engagement permanent qui les grève, sans y attacher
aucunement la signification d'une hypothèque civile.*
1658. dec. 1. Martini, loc. cit. chap. VULL. no. 224 sniv. ZoU, De censn
reserv. Rinteln 1705. § 21.
1 Gûnther H, 152. 159.
> Griebner, De domino directo in territorio aliène. (Jenichen, Thés,
jnris fend. U, 206). de Cramer, Observ. jnris nniv. 741, § 14. Du Monlin,
sur la coutume de Paris. § 12 no. 4 et sor Chassanenl, De fendis, m, § 7.
Cujac. lib. I. fend. cap. 2.
8 J. P. 0. y, 26. 27. de Senkenberg, De xelnitione territ oppignor.
Halae 1740. N. H. Gnndling, De jure oppignorati territorii. Halae 1706.
rec. 1741. de Neumann in Wolffsfeld, Jus reale principmn. (t. IV.) III, 8,
400 seq.
* de Martens, Recueil. Vni, 1. 229; Vin, 54.
^ D. Haas, Ueber das Repartitions - Princip der Staatsschnlden. Bonn
1831. § 24 suiv. Pour ce qui est du § 80 du recès de TEmpire gennaniqne
de 1803, Yoy. Leonhardi, Austrftgalverfahren. U, 161.314.405; I, p. 640.
Emmingbaus, Corp. jur. genn. acad. p. 930.
Heffter, droit intenuttioiuU. 3» éd, 10
146 UVHB PBBIim. § 72.
La question de savoir si un sonvenin penl^ pour la garantie
des emprunts par lai contractés, engager TilaUement des Mens
particuliers de ses sujets , ne pent 8tre réflobiey d'après les
principes du droit public interne, que négativenient^ les cas de
nécessité seuls exceptés.^
Comment se perd le domaine Intemattonnl.
§ 72. Le domaine international se perd dans les cas
suivants:
I. Quant aux choses qui ne se tronvent que temporaire-
ment sur un territoire (§ 67), qui n'y ont pas été occupées
régulièrement ou qui ont recouvré leur liberté naturelle, dès
le moment qu'elles en sont sorties.
n. En ce qui concerne le territoire et ses différentes par-
ties, il faut remarquer ce qui suit:
Dans le cas assez rare qu'on appelle avulsion, si la pièce
de terre qui s'est détachée d'un terrain et s'est jointe à un
autre, n'est pas revendiquée en temps utile par Fanoien maître
(§ 69. n), elle cesse de lui i^partenir. Hors oe cas la pro-
priété territoriale se perd de plein droit à la suite d'tm aban-
don et d'une possession immémoriale; enfin la perte du domaine
peut être le résultat d'une cession volontaire, eonyentionnelle
ou forcée des droits particuliers et souverains d'un État au
profit d'un autre.
Les charges qui grevaient un territoire cédé, continuent à
subsister sous le nouveau maître (§ 25). Personne en effet ne
peut conférer à un autre plus de droits qu'il n'en possède lui-
même, ni porter préjudice aux droits d'un tiers, suivant l'anden
adage: „Id enim bonorum cujusque esse intelligitur quod aeri
alieno superest.^^^ Si la cession ou l'aliénation a pour objet
une portion du territoire, les charges qui grevaient le territoire
entier, sont réparties, à défaut de stipulations contraires, entre
> Grotius III, 20. 7. Simon, Quomodo jure gent. bons subdil pro
debitis principis obligari possunt Jen. 1675. (Praesid. acad. I, no. 20).
de Neumann in Wolflfsfeld, De pact. et contract. Princ I, 3. 86.
« L. 31. § 1. D. de Verb. Sign. L. 11. D. de j. fisc.
§ 73. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 147
ses diflPérentes parties,^ à Texception des charges indivisibles
parmi lesquelles Tusage diplomatique ne comprend pourtant pas
les dettes dites hypothéquées (§ 71).
Le domaine international peut être revendiqué contre tout
possesseur, même contre celui de bonne foi, sans qu'on soit
tenu de lui rembourser le prix d'acquisition. Il est vrai que
les auteurs ne sont pas tout- à -fait d'accord entre eux sur ce
point , sur lequel la jurisprudence n'est appelée à se prononcer
qu'en de rares occasions. En adoptant à ce sujet l'opinion de
Grotius et de Pufendorf, nous ne faisons que constater les prin-
cipes de la justice approuvés presque par toutes les nations. Car
la possession ne peut, du moins d'une manière absolue, prendre
le caractère légal du domaine. Les frais utiles faits par le
possesseur de bonne foi dans l'intérêt de la chose, et qui ne
sont pas compensés par les fruits perçus, doivent lui être rem-
boursés; il profite des fruits par lui perças avant la demande,
lorsque le propriétaire a gardé le silence. Car par là même
ce dernier est censé avoir ratifié la possession, et il ne peut
plus attaquer les actes accomplis en conséquence.^
Les règles particulières du droit de la guerre seront ex-
posées au livre deuxième. (Voir § 131. 185 et ss.).
Choses non susceptibles d'être possédées. — La mer.
§ 73. n est des choses qui de leur nature ne peuvent
faire l'objet du domaine privé ; tels sont l'air,, l'eau courante et
notamment la mer, qu'il est impossible d'occuper d'une manière
exclusive et permanente. D'une importance égale pour tous les
hommes, ils ont tous le même droit d'en jouir librement, droit
qui cesse avec l'occupation même.' H n'est pas tout aussi
^ Ainsi jugé par la Conr d'appel de Celle dans Faffaire des obliga-
tions d'État du Palatinat rhénan, dans Leonhardi, Anstragalyerfahren.
p. 550. Dans le même sens Conr d'appel de Jena. p. 888. 897.
« Gûnther II , p. 214. Grotins II , 10. 1. Pufendorf IV, 13.
' L. 13. § 7. D. de injur.: „Et quidem mare commune omnium est et
litora sicuti aër. — Usurpatum tamen et hoc est, tametsi nullo jure, ut
quis prohiberi possit ante aedes meas vel praetorium meum piscari; quare
si quis prohibeatur, adhuc injuriarum agi potest." L'action injuriarum du
10*
148 UVSB FSEIOBB. • § 73.
constant si TÉtat ne peut pas acquérir le domaine de ces
choses, et notamment de la mer et de aea différentes portions?^
Cette question a divisé les natkms à toatoa lea époques. Le
moyen fige encore imbu des idées romaines^ en ae fondant sur
le rescrit d'an empereur Romain (L 9 Big. de L Rhodia): „Ego
quidem mundi dominas '', attribuait à rempeienr Bomain le
domaine éminent de la mer,' quoiqu'il ne soit guère k pré-
sumer que les Romains eux-mdmes aient aeoordé à leur empe-
reur un droit semblable. Aussi Venise se regardait -elle à
cette époque comme le souYcrain de l'Adriatique , en même
temps que Gênes revendiquait Tempire exehisif de la mer de
ligurie." Lorsque plus tard l'Espagne et le Portugal entrèrent
en lice pour se frayer de nouvelles routes vers lea Indes, elles
s'arrogèrent le domaine des mers par elles déoouyertes. La
Grande - Bretagne de son côté prétendait jouir de la souverai-
neté des quatre mers qui entourent les fles britanniques (Ae
narrow- seas), sans toutefois jamais en indiquer les limites
exactes.^ C'est contre toutes ces prétentions que Orotina écrivit
son célèbre traité intitulé: y, Mare liberum^, puMié pour la pre-
mière fois à J^ydc en 1609, et qu'il ouvrit ainsi la Hee k cette
question de droit politique. Dès lors toutes oes prétentions ont
été abandonnées successivement ^ et ce n'est que le droit aa
salut du pavillon qui a continué à être revendiqué jusqu'à nos
^
droit romain s'accordait on gênerai dans tons les cas où quelqu'un était
empêché dans la jouissance d'une chose comumne. On disait idon: Qui
prior venit, ]>otior jure. Comp. Kltiher, Droit des gens. | 47.
^ V. les ouvrages indiqués par d'Ompteda | 218 buIt. de Kampti
§ 172 suiv. ; surtout de Cancrin, Ahhandlungea von dem Wassenechte.
Halle 1789. Gûnthcr U, 25. Elâber § 130. Wheaton, Intern. Law. I, i
§ 10 et Histoire des progrès p. 99 suiv. (I, p. 198. 2). POhlB, Seerecht K,
§495. Ortolan, Règles intem. de mer, I, p. 109 soiv. Haatefeuîlle, Des
droits des nations neutres. Paris 1848. 1. 1, p. 175 suiv. et surtout U dis-
sertation de B. D. H. Tellegen, Disp. de jure in mare, impr. prozimiuD.
Gron. 1847.
^ y. F. G. Pestel, De dominio maris mediterranei. Binteln 1764.
» V. Tellegen p. 9.
* Wheaton, Progr. p. 101 (I, 200). Phillimore I, 194* L'onTiage
principal dans lequel les anciennes prétentions de rAngletene ont été dis-
cutées, est celui de J. Borough, Imperium maris BritannioL London 1686.
V. aussi Tellegen p. 36 suiv.
§ 74. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 149
jours par la Grande-Bretagne dans ses mers intérieures, droit
toutefois qu'on ne saurait regarder absolument comme un signe
de domaine.*
Suite: Du domaine de la mer.^
§ 74. En considérant seulement les rapports naturels des
hommes entre eux et avec le monde physique, on ne saurait
nier qu'une ou plusieurs nations ne puissent réunir les forces
nécessaires pour exercer Tempire d'une mer intérieure ou même
du vaste Océan, et dicter les lois sous lesquelles il sera per-
mis aux autres d'y naviguer. Mais cet empire ou cette supré-
matie, en dehors des difficultés qu'il présenterait et qu'aucune
nation ne pourrait surmonter dès que les autres résisteraient à
ses prétentions, serait en même temps illicite et contraire à la
liberté et à la mission du genre humain, avec quelque modé-
ration d'ailleurs qu'il pût être exercé. Il aurait pour eflfet
d'imposer aux nations indépendantes des conditions relatives à
l'usage d'un élément qui forme la seule voie de conmiunication
entre les diverses parties du globe, voie qu'il est impossible
de réglementer. Il impliquerait la faculté de priver le genre
humain de la pêche des poissons, de fossiles et de tant de
richesses naturelles ; des efforts gigantesques suffiraient à peine
pour en assurer à un peuple la possession exclusive dans un
seul district maritime. La loi naturelle qui s'oppose à ce que
l'homme en possession de la plénitude de sa volonté morale
puisse être soumis avenglémoit aux commandements d'un autre,
s'oppose à plus forte raison à ce qu'une nation, en s'emparant
d'une chose commune à toutes, vienne dicter aux autres des
lois obligatoires qu'elles n'auront pas librement acceptées. Elles
devront au contraire les combattre avec toutes leurs forces»
Aussi l'idée d'un empire semblable a- 1- elle rencontré toujoure
une opposition énergique. Le droit public de l'Europe n'admet
» Wheaton, Intem. Law. 1. c. § 9. EdiDburgh Beview XI, p. 17 suiv.
Hantefenille I, p. 212.
^ On peut consulter avec fruit Ortolan, Règles internai I, p. 116
suiv. Hautefeoille I, 190. Wildman I, p. 72.
«p
i60 LITBB nraOKE. § 75.
donc aacane espèce de domaine mir TOeém et ses diiG&reiites
parties, aussi loin que leurs eaux sont «eeearihlea à la nayi-
gation des peuples et des individus , à moiiui que des traités
ou une tolérance tacite ne dérogent au piinoîpe de la liberté
des mers, dérogation qu'un auteur célèbre regarde comme non
obligatoire.^ C'est ainsi que la police et la sonreillance de
certains districts maritimes, dans un intérêt de commerce et
de navigation, ont été confiées i l'État le plus voiain, leqnel
en même temps pourra être autorisé de percevoir certains droits
de péage pour indemnité des charges qui résultent de cette
police. L'intérêt de la sûreté peut en outre conférer à un État
certains droits sur un district maritime (§ 75 d- après).
L'acquisition exclusive d'une portion quelconque du vaste
Océan par voie d'occupation au contraire est jnridiquement
impossible. L'endiguement d'un district maritime par des tra-
vaux de défense de toute espèce, dès qu'il n'aura pas obtenu
le consentement des autres nations, ne constituerait jamais qn'ra
simple fait, qui disparaîtrait avec la destruction de ces travani
De même le long usage, lorsqu'il ne résulte pas d'une manière
incontestée d'un acquiescement tacite et général des nation»
ne conférera aucun droit exclusif sur la mer dont l'usage est
une „re8 merae facultatis."*
La mer près des côtes peut être soumise
à la propriété.'
§ 75. Les États maritimes ont le droit incontestable tant]
pour la défense de leurs territoires respectifs contre des attaquer 1
imprévues, que pour la protection de leurs intérêts de conb
merce et de douanes , d'établir une surveillance active sur te
côtes et leurs voisinages, et d'adopter toutes les mesures néce^
saires pour fermer l'accès de leurs territoires à ceux qutt
refusent d'y recevoir, on qui ne se seront pas conformés aiis|
» Hautefenille I, p. 222.
2 Yattel I, 23. § 285. 286. Wheaton n'admet pas ici un consenteiDtf I
tacite (Intem. Law § 10 in fine).
« HautefeuiUe T, 234.
§ 75. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 151
dispositions des règlements établis. C'est une conséquence
naturelle de ce principe général: „ut quod quisque propter
defensionem sui fecerit, jure fecisse videatur."^ Chaque nation
est donc libre d'établir une surveillance et une police de ses
côtes, comme elle l'entend, à moins qu'elle ne soit liée par
des traités. Elle peut, d'après les conditions particulières des
côtes et des eaux, fixer la distance convenable. Un usage
commun a établi à cet effet la portée du canon comme la distance
qu'il n'est permis de franchir qu'en des cas exceptionnels, ligne
de limite qui non -seulement a obtenu les suflPrages de Grotius,
de Bynkershoek, de Galiani, de Kltlber, mais qui a été con-
sacrée également dans les lois et les règlements de beaucoup
de nations.* Cependant on peut soutenir encore avec Vattel
que la domination de l'État sur la mer voisine s'étend aussi
loin qu'il est nécessaire pour sa sûreté et qu'il peut la faire
respecter; et l'on pourra regarder avec Rayneval la distance de
l'horizon qui peut être fixée sur les côtes, comme limite extrême
des mesures de surveillance.* La ligne de la portée du canon
elle-même, bien qu'elle soit regardée comme de droit commun,
ne présente aucune base invariable et peut être fixée par les
lois de chaque État, du moins d'une manière provisoire. Autre-
fois elle comptait deux lieues: aujourd'hui elle comprend ordi-
nairement trois milles marins. C'est ce qu'établissent les
traités anglo - américain du 28 octobre 1818 (art. 1) et angle -
français du 2 août 1839 (art. 9 et 10), ainsi que la loi belge du
7 juin 1832.*
» L. 3. Dig. de jnst. et jure. V. Vattel I, 23. § 288.
* V. les indicatioiis dans Tellegen p. 46. Ortolan, Bègl. intem. I,
p. 176. Hantefenille I, p. 239. Wildman I, p. 70, b. Traité entre la France
et la Bnssie du 11 janv. 1787, art. 28 ; entre TAngleterre et TAmériqne du
Nord de 1794, art. 25. — Jacobsen, Seereeht p. 580, fait remarquer que
par suite de la marée, la limite de la côte est variable. Un traité conclu
entre la France et TAngleterre le 2 août 1839 et relatif à la pèche dans
le Canal, prend pour base la marée basse.
8 Vattel I, 23. § 289. Rayneval, Instit. du droit des gens. H, 9. § 10.
« Jacobsen, Seerecht. p. 586. 590. TeUegen p. 50. Halleck VI, 18.
En Espagne on prend pour limites six lieues (millas). Biquelme I, p. 253.
L* Angleterre et TAmérique du Nord étendent la ligne douanière à quatre
leagues. Phillimore I, 211 e.
'■^
152
LtVBE i^umm»
§75-
Tout navire qui franchit les Umiloi maritimaa d'une nation
doit 0e confonner anx dispodtiomi des YA^emenfeB MaldiB, peu
importe qu'il Boit entré TolontaiTement oa par siite d'une force
migeure. A cet effet les États riverainB jouiflaent de certaiiu
droits incontestés, qui sont:
r le droit de demander des ezplicatioBB sur le bat du
voyage du navire: si la réponse est refusée ou si elle
paraît inexacte, les autorités des lieux peuvent, par des
voies directes, prendre connaissance du véritable but du
voyage et, en cas d'urgence, prendre des mesures pro-
visoires commandées par les droonstances;
2*" le droit d'empêcher que la paix ne soit troublée dans
lears eaux intérieures et d'y intervenir de facto;
S"" celai de faire des règlements relatife ft Vusage des eaoi
qui baignent les côtes, par exemple, le droit de régler les
différentes espèces de pêche;
4'' le droit de mettre l'embargo et d'établir des navires crw-
scars pour empêcher la contrebande (§ 111);^
5" enfin le droit de juridiction. •
Le simple passage d'an navire étranger dans les eaux qui
forment les limites maritimes d'un État, n'autorise pas ce der-
nier à rassujettir à certains droits de péage, excepté ceux qui
grèvent l'asage des établissements de navigation ou des pêcheries.
Des concessions volontaires des nations peuvent seules faire
naître d'antres droits que ceux que nous venons d'indiquer.
Le péage du Sund, qui appartenait à la couronne de Danemark,
présentait sous ce rapport un exemple unique en son espèce.'
* Moser, Vers. Vil, p. 801 suiv.
> DaDs les deux premières éditions nous avions émis des doutes reli-
tivement à ce dernier point, qui cependant est la conséquence naturelle ds
autres et admis en outre par Tusage, ainsi que par les auteurs de cette
matière spéciale. V. Ortolan, Règl. intem. I, p. 175. Tellegen p. 5i
Massé, Droit commercial, § 105.
^ y. là -dessus les ouvrages indiqués par de Eamptz § 176. de Steck,
Vers. p. 39. Moser, Kleine Schriften. IX, p. 290 suiv. Vattel I, 28. § 292.
Wbeaton, Histoire des progrès, p. 105 suiv. La question du droit est
traitée d'une manière étendue dans les Mémoires du Gouvernement Srtê-
dois relatif au péage du Sund. Stockh. 1839. Réplique du Gouvernement
Danois. Ibid. 1840. W. Hutt, On the Sund -dues. London 1839. Lemoniiu»
§76. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 153
Maintenant ce droit de péage est racheté par les puissances et
nations maritimes. (Voir Tappendice).
Eaax maritimes en deçà de la mer des côtes. ^
§ 76. Si Teau maritime des côtes est censée appartenir
aux États contigus, il s'en suit à plus forte raison que les eaux
maritimes situées en deçà de cette portion de la mer doivent
être du domaine de l'Etat contigu, qui se trouve en même temps
dans la possibilité d'en garder et d'en défendre les accès et
de les tenir sous sa tutelle exclusive. Telles sont:
1" Les canaux artificiels du pays qui communiquent avec
la mer.*
2"* Les ports et les havres, soit artificiels soit naturels, qui
forment l'accès du territoire.'
Quelques nations, tant par une extension de leurs droits
sur les eaux des côtes, que par d'autres raisons, et à^ faveur
de circonstances particulières, se sont attribué un droit de
domaine encore plus large sur certaines portions de la haute
mer. Ainsi en Angleterre on comprend sous le nom de „Eings^^
ou „Queens chambers'^ les baies situées entre deux promon-
toires dans le domaine de l'État.^ Une interprétation analogue
semble avoir prévalu en France,* car le traité anglo- français
du 3 août 1839 concernant les limites des pêcheries entre la
France et l'Angleterre y a compris les baies d'une dimension
de moins de 10 milles.^ — On a regardé également jusqu'à
' one époque fort récente comme mer fermée le golfe de Bothnie
.dans la Baltique dominé longtemps par la Suède. ^ Mais le
^ Yerh<nisse des Sondzolles. Stettin 1841. H. Scherer, Der SnndzolL
^Berlin 1845.
î ^ Haatefeoille, Droit des nations neutres. I, 241.
« Grotius n, 3, § 10, n. 1. 2.
- « L. 15. D. de publicanis. Vattel I, 23. § 290.
^ * Wheaton, Elem. I, 1. 4. 7. Phillimore I, 213. Hautefeuille I, 240.
■ « VHieaton, Elem. I, 1. 4. 7. Hautefeuille I, p. 240.
t « Martens, Nouv. Rec. XVI, 957.
* ' Gûnther II, 53. § 5.
154 UYBB. PBBMIEB. § 76\
traité de Friedrichaham (^/^^ septembre 1809)| par suite de la
cession de la Finlande à la Rnssiei a fixé oe golfe oomme limite,
et il a prescrit en même temps le partage des Ilea y sitaées,
d'après leur proximité des côtes respeofivea de la Suède et de
la Russie:^ le golfe a donc cessé d'appartenir à la Snède et
parait dès lors être conminn aux deux oonronnes. Enfin le
Danemark vent regarder la mer autour de 111e d'Islande et
aux côtes de Orônland conome une dépendance de ces pays-là
jusqu'à une distance de quinze nulles , oe qui n'est pas toute-
fois resté hors de contestation.'
Suite: Détroits et portions de la mer enelarées dans les
limites territoriales des Étfts.
§ 76\ n va sans dire que les détroits entre deux por-
tions de la mer qui servent à la conomunication entre ces der-
nières doivent être réputés libres et communs k Fusage de
toutes les nations, lorsqu'on peut les passer hors de la portée
des canons des pays adjacents, conmie par exemple le détroit
de Gibraltar. En cas contraire le détroit sera sonmis h h
souveraineté de ces États riverains ou de l'un d'enx. Néan-
moins on est d'accord qu'aucun peuple ne peut interdire au
autres Tusage innocent de ces voies de conmmnication (§ 33)
Quant à la mer qui s'étend au delà du détroit non -libre,
bien qu'elle soit partout ailleurs enfermée par le territoire d'oi
ou de plusieurs pays, elle ne pourra aucunement être cona-
dérée comme une mer close ou domaniale de ces États ou di
souverain du détroit, mais le caractère universel de la wff
y prévaudra (§ 73. 74). Aussi a-t-il déjà prévalu dans ief
régulations concernant la mer noire. • Il faut convenir à h
vérité que les restrictions auxquelles le passage innocent ptf
» Martens, Nouv. Rec. t. T, p. 19; t. IV, p. 33.
< Phillimore I, 204. En ce qui concerne la mer du Nord d'AméiH*!
et le traité y relatif conclu entre la Russie et les États -Unis, t. Wheat»
Intem. L. 1 , 2. 4. § 5.
8 Voir van Horn, De navigatione et mercatnra in mari nigio. ^\
sterdam 1834 et les traités de 1829. 1841. 1856. 1871.
§ 77. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 155
le détroit est ou peut être soumis, influent d'une certaine ma-
nière sur Tusage de la mer qui s'ouvre au delà du détroit,
pourvu que le souverain de celui-ci soit assez fort* pour main-
tenir son droit de tutelle pendant la guerre entre tierces puis-
sances. Dans ce sens la fermeture ou la neutralité de la mer
Baltique, proclamée en 1780 et en 1800 par les puissances du
Nord vis-à-vis de toutes les nations qui n'y ont pas de posses-
sions, n'était pas, quoiqu'elle fût contestée par l'Angleterre, une
incongruité blâmable.
Domaine des lacs, des mers territoriales et des fleuves.^
§ 77. Les lacs et les mers purement territoriales sont une
propriété incontestable de l'État ou des plusieurs États dont
ils sont enclavés, et dans les limites indiquées au § 66. H
n'est pas moins certain que l'empire d'un État s'étend sur le
cours des fleuves qui passent par son territoire, jusqu'à leur
embouchure, c'est-à-dire, jusqu'aux points extrêmes des rivages
où leurs eaux quittent le territoire," dussent-elles se confondre
déjà d'avance avec celles de la mer dans un bassin plus vaste
que celui qui est propre à la nature des fleuves. • Les lacs
mêmes qu'elles forment dans le voisinage immédiat de la haute
mer font encore une partie du territoire, surtout lorsqu'ils sont
protégés par quelque langue de terre ou par des îles,* eonmie
l'ancien et le nouveau Haff et celui de Gourlande. On pourra
en dire autant des lacs aux embouchures de fleuves qui sont
dilatés par les irruptions de la mer du Nord dans les terres
Frises, ainsi que le Zuydersée et la Jahde, qui couvrent
d'anciennes terres fermes.
^ Comparez sur cette matière la dissertation très -intéressante de
M. Earatheodory : Du droit internat, concernant les grands cours d^eauz.
Leipz. 1861.
^ Jacobsen , Seerecht p. 583.
" Le St. Laurent en Amérique est -il un détroit on un fleuve? V. là-
dessns Phillimore I, 182. m, 4. Wheaton, Histoire II, 195.
* Une contestation sur les îlots à Fembonchure du Mississippi est
rapportée par Wheaton, Ëlem. I, 2. 4. § 7.
156 LIVBE FBBMIEB. § 77.
Si le fleuve parcourt ou baigne plwdran territoires , les
États riverains se trouvent dans ime oonunimion naturelle à
l'égard de la propriété et de Fosage des eaux, sauf la souve-
raineté de chaque État sur toute Fétendue dk fleuve depuis
l'endroit où il atteint le territoire jusqu'au point où il le quitte
(§ 66). Aucun de ces États ne pourra donc porter atteinte aux
droits des autres; chacun doit même eontribuer à la conserva-
tion du cours d'eau dans les lindtes de sa souveraineté et le
faire parvenir à son voisin. De l'autre part chaoaii d'eux ^ de
même que le propriétaire unique d'un fleuve ; pourrait „ stricto
jure^^ affecter les eaux à ses propres usages et à ceux de ses
regnicoles, et en exclure les autres. Mais le concert européen
n'est pas resté dans cette exclusion. Premièrement un fleuve
qui serait une voie de communication indispensable pour la sub-
sistance d'une autre nation ne pourrait lui être fermé (§ 32. m).
Outre cela on reconnaît avec Grotius, Pufendoif et Yattel, an
moins en principe, un droit beaucoup plus étendu, celui d'usage
et de passage innocent, lequel ne peut être refusé absolument
à aucune nation amie et à ses sigets dans Fintërêt du com-
merce universel.*
En effet les traités de Paris et de Vienne de 1814 et de
1815 y ont pourvu positivement en sanctionnant à ce sujet des
règles communes à toutes les nations de .l'Europe et qui se
résument dans les propositions suivantes:*
l"" La navigation sur tous les fleuves qui^ dans leur cours
navigable, séparent ou traversent plusieurs États, est
1 y. Wheaton, Intern. Law. I, 2. 4. § 12. 18. 19 et son Histoire du
droit des gens. II, p. 191 suiv. surtout les discussions intéressantes au sujet
de la navigation du Mississippi et du St. Laurent.
> Traité de Paris 1814, art. 5. Acte final du Congrès de Vienne
art. 108 — 117 et 118. Décret de la Diète Germanique du 8 août 1820.
y. rhistorique des négociations dans Klûber, Actes du Congrès de Yienne.
t. m. Le Baron Guillaume de Humboldt a présidé aux travaux du comité
international, chargé de cette tâche par le congrès. Y. aussi Wheaton.
Histoire des progrès, p. 388 suiv. (Il, 184). Cremer van den Beigb;
Historia novarum legum de fluminum communium nayigatione. Lugd.
Bat 1835.
§77. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 157
libre jusqu'à leur embouchure dans la mer,^ et ne peut
être interdite en fait de commerce à personne.
2** Les États riverains exercent les droits de souveraineté
des rivières qui parcourent leurs territoires, sans porter
le moindre préjudice à la liberté de la navigation. En
conséquence on ne peut plus établir des entrepôts et des
lieux de transbordement forcés, et ils ne peuvent être
conservés qu'autant qu'ils sont utiles à la navigation et
au commerce.
3** La fixation des droits de navigation est indépendante de
la valeur et de la qualité particulière des marchandises:
le montant de ces droits ne doit jamais dépasser le
„ maximum" fixé au mois de juin 1815;
4** La police de la navigation des fleuves doit être réglée
d'une manière uniforme, et fixée d'un commun accord,
sans pouvoir être changée par un seul des États riverains.
Us sont tenus de veiller à l'entretien des rivages et du
lit des rivières, des chemins de halage etc.
Ces principes généraux ont été, par des conventions spé-
ciales, appliqués à plusieurs des fleuves principaux de l'Europe. •
Le traité de Paris du 30 mars 1856 les a de nouveau
reconnus en stipulant qu'à l'avenir ces principes seront égale-
ment appliqués au Danube et à ses embouchures. A cet effet
il a établi une commission européenne et une commission rive-
raine permanente. La première est chargée de désigner et de
faire exécuter les travaux nécessaires pour dégager les embou-
1 On peut lire dans Elûber, OeffentL Recht des dentschen Bandes,
§ 571. not. d., et dans Wheaton, Histoire, II, 189, le récit dn litige qui a
surgi entre le Gouyemement des Pays-Bas et les antres États intéressés
dans la navigation dn Rhin, sur TinterprétatioD de Texpression „ jusqu'à
la mer" insérée dans F Acte final de Vienne, litige qui fut enfin décidé
par la convention conclue à Mayence entre tous les États riverains. La
navigation du Rhin y fat déclarée libre depuis le point où il devient navi-
gable jusque dans la mer „bis in die See." Martens, Nouv. Rec. IX, 252.
Phillimore, I, 109. 177.
y. aussi l'article intitulé: la Hollande depuis 1815, publié par M. Berg-
son, le premier traducteur du présent ouvrage, dans la Revue des deux
Mondes 1851 , octobre p. 45.
* Voyez Tappendice.
.«■
168 IJVM PHEMISR. ' §78.
ehnres du r)anulie, aiiiBÎ que les parties de la mer y avoisi-
nanteB, des sables et autres obstadcB qui les oljstment, afin
de mettre tette parde du fienve et lesditeB parties de la mer
dans les meillenres eonditions possibles de navigahilité. La
seconde, eoinposée des délégués de l'Autriche, de la Bavière,
de la Sublime Porte et du Wurtemberg, devait élaborer les
règlements ilc navigation et de police fluviale , faire disparaître
les entravei, de quelque nature qu'elles soient, qui s'opposent
encore à ce que les dispositions du traité de Vienne soient
appliquées au Danube, ordonner t faire exécuter les travaux
nécessaires sur tout le partouru js fleuves, et veiller, après
la dissolution de la eouiniission opéenne, nu maintien de la
navigabilité des emboachures >anube et des parties de la
mer y avoisinautes.
n est vrai que les conventio particulières ne se trouvent
pas partout en conformité avec s principes dn Congrès de
Vienne. ' Les intérêts individue des États riverains et de
leurs sujets s'opposent à une libre concurrence de la navigatiou
de toutes les autres nationalités même en tait de commerce.
Sur cela la tixation des droits de navigation peut concurrem-
ment avec le taux des chemins de fer mettre des obstacles A
l'usage dn fleuve commun. Mais les principes vaincront le par-
ticularisme.
Des navires et des droits de navigation en pleine mer.
§ 78. Les naviree d'une nation naviguant sur la haute
mer sont regardés comme des portions flottantes de son pays,
ou, pour nous servir de l'expression des juriscousnltes français,
comme la continuation ou la prorogation du territoire.» Les
publicistes anglais ont combattu vamement cette idée comme
étant nne fiction arbitraire, et peut-être aussi parce qn'elle
était peu favorable à la jurisprudence de la G-"""*" '^— '.agne
' C. p. Wnmi , FHnf Briefe Bbec die Freiheit der ichiffahn.
Leipz. 1858. Karatheodory p. 108.
* Lee coneéqnencea de ce principe ont été dise* mnMit i
1 de l'affaire du Carlo Alberto. V. ci -après 8 '
§ 78. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 159
concernant la navigation des neutres. Nous y reviendrons dans
le livre suivant.
L'équipage d'un navire forme une société spéciale jouissant
de la protection de l'État auquel elle appartient, et continuant
à être régie par ses lois, même pendant son séjour dans les
eaux étrangères. Les enfants des regnicoles nés à bord d'un
navire sont regardés comme sujets de l'État.^ Sur ce point
encore la jurisprudence anglaise s'est éloignée du principe géné-
ralement suivi, et ne Regarde comme sujets que les enfants
nés dans les eaux britanniques. — Les lois particulières de
chaque État règlent le mode de constatation de la nationalité
des navires.*
La juridiction que tout État souverain exerce sur la navi-
gation dans les limites de son territoire, comprend les droits
suivants, savoir:
I. Le droit de faire des règlements qui déterminent les
modes d'usage des voies de communication maritimes et
fluviales au profit de la navigation et du commerce natio-
naux;*
n. le droit de législation et de juridiction sur les nationaux,
tant dans les eaux de l'État que dans celles de la haute
mer;*
m. la faculté de prendre les dispositions et les mesures né-
cessaires pour la protection de la navigation nationale,
notamment celle d'établir des consulats dans les ports et
» Vattel I, 19. 216. Gttnther II, 258. Moser, Vers. VI, 8. — Code
Napoléon art. 59—61.
^ Ud résumé de ces dispositions a été donné par Ortolan I, p. 193 suiv.
de Kaltenbom , Seerecht § 44. 45. Halleck , ch. XXIX. Pour la jurispru-
dence anglaise v. Murhard , N. Kec. G. V, p. 264 et Wildman H , p. 83.
Pour la France v. Code de Commerce art. 226. L^acte de francisation est
délivré par la Douane et il est signé par le Hfinistre des finances (Loi du
27 vendémiaire, an II, art. 10; arrêté ministériel du 30 juin 1819). Com-
parez aussi la Bévue Internationale. 1870 p. 578.
B Jouffroy, Droit maritime p. 29 suiv.
^ Wheaton, Intem. Law. I, 2. 2. § 11. Dans les eaux territoriales
d'une antre nation cette juridiction devra être suspendue, à moins qu'elle
n'y soit tolérée, ce qui est ordinairement le cas en matière de discipline.
160 UVBB PBBMIKR. § 79.
les places de commerce étrangeni a;?6C Tapprobation des
goayernements respectift;^
IV. enfin la faculté de régler le^ pavillon des navires natio-
naux et d'en conférer les immanité» à des nayireB étran-
gers par une autorisation spéciale, laquelle toutefois ne
peut avoir pour effet de faire participer eea derniers aux
immunités réservées exclusivement par les traités ou par
les usages aux nationaux :. elle ne peut mm plus porter
aucun préjudice aux droits des tiers.
Tout usage illicite d'un pavillon étranger est un acte repré-
hensible, tant par rapport à l'État lésé qu'à F^ard des tiers
intéressés. Néanmoins il est passé en usage que le capitaine
d'un navire de commerce peut naviguer sous les ooidenrs qui
lui convieiment le plus.^
§ 79. En ce qui concerne les rapports des navires étran-
gers et de leurs équipages avec l'État dans le territoire duquel
ils séjournent, la loi internationale a adopté les principes géné-
raux suivants:
I. Chaque nation a la faculté de déterminer les conditions
sous lesquelles elle consent à admettre les navires de nations
étrangères sur son territoire et dans ses eaux, pourvu que
ceux de nations amies ne soient pas tout-à-fait exclus de toute
communication commerciale avec le pays. La pratique des
peuples européens s'est en cela de plus en plus conformée aui
exigences libérales de l'économie politique. L'Angleterre même,
jadis si exclusive en matière de navigation et de transport, a
donné depuis 1850 la main aux autres nations* et plusieurs
États ont suivi cet exemple. Il n'y a que le cabotage pour le
transport de port en port du pays qui soit réservé ordinaire
ment aux nationaux.^ — Du reste il est inutile de remarquer
1 Ibid. § 12. y. aussi ci -après § 244 et Buivants.
> Moser, Vers. Y, p. 303. Enschede, Dissert, de tutells et insignibus
navium. Lugd. Bat. 1770. Sur les abus de pavillon v. HaatefeuOle, Nat
neutr. III, 433, et la Revue critique de légîsl. 1854. t V. p. 64.
^ Jouffroy, loc. cit. p. 41. Alexandre de Miltits, Manuel des Consuls.
I, p. 182. 331 suiv. et Statut 3 et 4. William 4. chap. 54. 56. de Botteck et
Welcker, Staats-Lexicon, ai*t. Navigationsacte, et Ortolan à Tendroit cité.
* Poehls p. 997. Kaltenborn, I, 28. H, 346.
§ 79. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 161
que tous les peuples civilisés reconnaissent l'obligation de ne
jamais refuser aux navires en détresse et à leurs équipages
tous les secours nécessaires et Tusage libre de ses établisse-
ments de secours.
U. Aucune nation ni aucun individu ne doivent s'appro-
prier des navires étrangers abandonnés par leurs équipages,
à moins que Tabandon fait par les armateurs du navire n'ait
été régulièrement constaté, ou qu'une prescription de la
propriété ne soit survenue. Les lois et les usages mari-
times diflFôrent beaucoup sur ce point. Les juges anglais
regardent un navire comme délaissé lorsque l'équipage l'a
abandonné sans esprit de retour. Plusieurs législations
prennent plutôt en considération la volonté manifeste des
armateurs. D'autres laissent la question indécise, tout en la
soumettant aux principes généraux relatifs au délaissement de
la propriété.*
III. Il est défendu aux nations et aux particuliers de com-
mettre des actes de pillage sur les personnes ou sur les biens
naufragés. L'usage qualifié de droit d'épave remonte à une
époque de barbarie. Les lois d'une nation civilisée n'admettent
que le remboursement des frais de sauvetage et de garde des
objets naufragés, mais elles s'opposent à ce que la propriété
en puisse être acquise autrement que par voie de prescription.*
Déjà les lois romaines protégeaient les naufragés et leur accor-
daient une prompte justice: de même le code visigoth d'Alaric.
Mais au moyen âge le droit d'épave fut introduit, et il subsista
malgré les bulles des papes et les décrets impériaux, royaux
et autres; ce n'est que de nos jours qu'il a (Usparu enfin des
lois d'à peu près toutes les nations. Néanmoins de temps en
temps des plaintes se font encore entendre sur des actes con-
1 Y. Mittermaier, Deatsches Priratr. § 162 in fine. Jonffiroy, loc. dt.
p. 55. de Kamptz, Jahrb. LXVI, 27. Stovin, Analyse on the Law on
abandonmcntofships. Lond. 1801. dcEaltenbom, Seerecht U, §144 sniv.
Pour la France: Code de Commerce art. 216, 369 — 396. V. anssi Tarticle
sur la responsabilité des propriétaires de navires, dans la Revue étrangère
et française, 1840. t. VII, p. 275.
' Jacobsen, Seerecht p. 774.
Heffter, droit intematioiutl. Se ëd. 11
162 UVBB FSHPBB. § 79.
traires à ces règles dont les habitants dea oôféa continaent à
se rendre coupables.^
IV. Tout navire étranger admis dans les porta oa dans les
eaux d'an État peut se servir des voies et des établissements
destinés à la sûreté de la navigation, ainsi que des moyens de
communication avec la terre.*
V. Tout navire entré dans les ports on dans les eaux d'un
État est assujetti à la police et aux droits de navigation, ainsi
qa'à la juridiction territoriale de ce dernier.* Sont exceptés
seulement de cette juridiction:
1"* les navires qui portent des souverains étrangers ou leurs
représentants, ou qui sont aflfectés exclusivement an ser-
vice de ces personnes;
2'' les vaisseaux de guerre de nadons étrangères, lorsqu'ils
ont reçu l'autorisation d'entrer dans un port, antorisatioD
qui, en temps de paix même, ne s'accorde que difficile-
ment;*
1 V. le rapport de la commission du parlement anglais de 1843. De
même en France. Ptitter, Beitr. p. 118 — 128. JoxiStoj p. 51. Klfiber.
Droit des gens. § 77. de Miltitz, loc. cii I, p. 144 8aiv. Les lois et les
nsages varient seulement sur les frais de recouvrement. Y. Jaoobsen, See-
recht p. 745 suiv. M. Pôhls, Seerecht t. m, p. 968 sût. de Kaltenbom,
Seerecht H, § 145 suiv.
> JonfTroy p. 47. Wheaton, Intem. Law. I, 4. 1 18 et 18. Grotins
II, 2. 15. Pufendorf m, 3. 8.
^ Ce point a été contesté par rapport anz navires de commerce, dans
la Gazette des tribunaux du 28 janvier 1843. Cependant lea publîcistes et
les tribunaux Vont résolu jusqu'à présent dans nn sens conforme à notre
solution. V. Wheaton I, 2. § 10. Jouflfroy p. 28. Ortolan, Règl. întem.
I, 274. Riquelme I, 245. Halleck, YI, 26. Le conseil d^ÉÛt français,
dans nn avis du 22 novembre 1806, a statué ce qui snit: que la protection
accordée aux vaisseaux neutres ne saurait dessaisir la juridiction territoriale
pour tout ce qui touche à TEtat. Cet avis a été développé par Dupin dans
un excellent- réquisitoire relatif à Taffaire du Charles -Albert. On le trouve
avec les arrêts rendus dans cette affaire, dans Sirey, Bec. gén. des lois et
des arrêts. 32, 1. 577 suiv.; 33, 2. 238. Phillimore, I, 378.
^ Ortolan, E. intern. I, p. 213. Un témoignage pins ancien est donné
par Casaregi, Discursus légales de commercio. Florent. 1719 (dise. 136).
V. Wheaton, Histoire, II« périod. § 16 p. 293 de la 2« édit. Slflber, Droit
des gens. § 136 , note e , cite plusieurs traités relatifs à radmiailon condi-
K
§ 80. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 163
S*" les navires ne faisant que traverser les eaux qui coulent
eu avant d'un port, ainsi que ceux qui ont été obligés
d'y chercher un refuge par suite d'une force majeure,
en tant qu'il s'agit de la juridiction civile.^
Dans les autres cas, lors même qu'il existerait un intérêt
pour faire retenir l'équipage, l'honneur national peut quelque-
fois commander de le relâcher, comme les tribunaux français
l'ont décrété dans l'affaire des naufragés de Calais; ou bien la
question sera décidée strictement d'après le droit, comme dans
l'affîiire du Carlo Alberto; ou elle recevra sa solution par
l'interposition d'une puissance intéressée, comme dans le cas
du Cagliari, navire sarde, qui fut, disait -on, contraint par
les 27 Napolitains conjurés qu'il contenait, d'aborder à l'île de
Ponza (en 1857).
§ 80. En temps de paix, les nations n'ont aucun droit
sur les navires étrangers qui voguent sur la haute mer. Le
droit de défense légitime en cas d'attaques illicites ou de dom-
mages causés arbitrairement, constitue une exception à ce prin-
cipe, exception fondée sur la raison que sur la hante mer il
n'existe aucune loi commune ni aucune autorité capable de la
faire respecter.*
Les inconvénients qui résultent de l'absence d'une loi com-
mune, se trouvent atténués par les règles suivantes:
1"" Les lois de chaque État obligent ses sujets, même sur
mer, dans leurs rapports avec des étrangers, et elles
admettent les droits et les devoirs qui en découlent;
2"" les étrangers dans leurs contestations avec les regnicoles,
sont traités sur le pied d'égalité avec ces derniers. Le
juge du lien applique les lois de son territoire;
3"" d'après la plupart des législations maritimes, les tribu-
naux sont compétents pour statuer sur les contestations
tionnelle de bâtiments de gaerre. V. aussi Ortolan, B. intem. l, p. 156.
Riquelme I, 205. Halleck VU, 25.
ï V. déjà la L. 19. § 2. D. de judic.
^ y. Arrêt de la Cour supérieure d*appel de Lnbeck, en date dn
30 janvier 1849. Aoswahl handelsrechtlicher Streitfalle. Bremen 1851.
p. 37 suiv. ScnfTert, Archiv der Ëntscheidangen der obersten Gerichtsh5fe.
IV, p. 60 sniv.
164 LIVRE PREMIER. § 80.
nées entre étrangers, dès que leur inten'ention est invo-
quée par Tune des parties (§ 39);
4** enfin les lois maritimes des dîflférentes nations ont tou-
jours présenté entre elle* une grande analogie dans leurs
dispositions.
En conséquence les nations n'admettent plus sur la haute
mer le droit de la force, sauf les cas de légitime défense ou
de refas de se conformer aux règles du droit international; et
elles déclarent hors la loi (outlaws) ceux qui refusent de se
soumettre à la loi commune, comme les pirates (§ 7. 104).
En dehors de ses eaux particulières où elle exerce la
police de mer, aucune nation n'a le droit de faire arrêter les
navires étrangers, de les faire visiter et d'en faire ordonner la
saisie dans un but même licite, à moins qu'elle n'ait conclu
avec une autre nation une convention expresse à ce sujet.
Cette question fut discutée avec beaucoup de vivacité à l'occa-
sion de l'abolition de la traite des noirs, et elle n'a pas encore
reçu sa solution définitive. La distinction qu'on a essayé
d'établir entre le droit de visite et le droit de perquisition
(right of search) ne résout aucunement la question. Accorder
quelque chose sous ce rapport, c'est s'enchaîner irrévocal)le-
ment Néanmoins, dans un intérêt d'humanité, les nations
devraient s'entendre sur les concessions à faire réciproquement
aa sujet de navires suspects de faire la traite, tout en impo-
sant une responsabilité rigoureuse et suffisante pour prévenir
des abus.
Le traité anglo-français de 1845 (art 8) contient à ce sujet
des instmetionB convenables ayant pour but la recherche de la
nationalité des navires suspects „prima'facie.''^
D'un antre côté la loi internationale autorise la poursuite
sur la hante mer d'un navire dont l'équipage s'est rendu cou-
pable de crimes dans les ports d'un territoire: telle est du moins
la jnrispradence américaine.^ De même elle autorise des pour-
suites dirigées contre les auteurs de crimes conmiis sur la
' y. Wheaton, Egqairy into the validity of the British claim to a
iffl^ of yisitation and search of American vcsscls. Lond. 1842. Haute-
IMlle, Droit des nat. neutres, m, 471. 477. Phillimorc m, 419.
« V. Wheaton , Enquiry p. 148.
§ 80. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 165
haute mer, dès leur retour dans le pays, pourvu que ses lois
pénales répriment les crimes commis de cette espèce (§ 36. 78 II).
Du reste le droit maritime et commercial ne se dévelop-
pera librement et d'une manière uniforme chez toutes les nations
que le jour où, conformément à l'exemple donné par Tancien
monde, elles consentiront à s'en rapporter dans leurs différends
à la décision impartiale de tierces puissances.
Pour le moment les lois maritimes et commerciales des
nations civilisées ont conservé leur caractère spécial et indivi-
duel, à l'exception de quelques principes généralement adoptés
que nous avons essayé de résumer. Telles sont aussi les dispo-
sitions concernant le cours à tenir par les navires pour éviter les
collisions avec d'autres vaisseaux, dispositions consacrées en 1862
par des actes législatifs tant en France qu'en Angleterre, et
admises depuis dans tous les autres États maritimes du con-
cert Européen.^ Une analyse complète de ces lois n'est donc
pas du ressort du droit international, mais fait plutôt partie du
droit public et privé des différents pays. Dès le moyen âge
toutefois plusieurs de ces lois locales ont servi de base com-
mune au développement progressif des autres, et ont acquis
une autorité reconnue. Nous citons à cet effet:
Les assises des bourgeois du royaume de Jérusalem;
le rôle d'Oleron;
les jugements de Damme et les lois de Westkapelle;
les coutumes d'Amsterdam;
le droit maritime de Wisby;
le „consolato del mare";
le guidon de la mer;
le droit maritime hanséatique;
enfin le droit d' Amalfi, * ainsi que plusieurs autres d'une impor-
tance moindre, ayant toutes des rapports directs avec celles
que nous venons de nommer.
Pour les étudier, il faut surtout consulter l'excellente col-
lection des lois maritimes antérieures au xviu" siècle, publiée
1 Comparez Romberg, das Strassenrecht zqt See. Bremen 1870.
3 Carlo Troya, Capitula et ordinationes inaritim^e dvitatis Amal-
phitanae. Vienne 1844. V. Holtins, Abhandl. oivilistischen Inhalta, von
Sutro. 1852.
UTSB fMCWÏKR.
par l'ardcHsiiH. l'an» 182k. 6 vwl. 4. Pour lu i-oiiuiûssance
des \oh m-iritimcH et coiiimercitileM le* plus rtïccnttis on peut
otmBUlter avec t'niU le Mmiiib! dm CoiisiUb, t. 1. U, par Alex.
de ïdiltitz. V. au«iii: de Kftmptz, Ut. § IBO— 171- 252—255.
Mittermaier, Grund«. de» (ieiitwLcu Privatreclita. § 26. 44. de
KritcnlKtni, Suereelit. Ik'ri. 1851. a vol. Enfin: Henricbs,
Arctives du eommerco. 11" éd. Paris 1838. 32. 21 voL, et
Monvellee arcliives du t'omiuerce, pap Tcruaute et Colombel.
Pltti» 1838. BUiv.
III.
DES OBL ATIONS.
DES TRAITÉS PUBLICS.»
Caractère obligatoire des traltt's Intciiiationaux
en gfn6rsA.
g 81. A toutes les époques les traités, en l'absenee même
d'une loi commune, ont servi aax peuples saavages comme
ans nations civilisées, de liens légaux, bien qu'on ait souvent
refusé de leur îiceorder une toi exclusive. ADciennement, pour
les rendre plus solides, on avait recours à la puissance de la
religion et fi la crainte des choses surnaturelles. Ces moven^
ayant été trouvés à leur tour trop peu suffisammeut efficaces
pour le même but, la seule foi dans la validité intrinsèque
des traités survécut, et elle i)nisa de nouvelles forces dans te
' V. les autenr» cit^B par Ompteda § 269 buIt. gniy.
Farmi les Byatèmes on distingue notamment ceni ae viD,
de Neumann in WolffafeM, De paotis et contractib. I ^
Vattel n, chap. 12.
§81. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 167
christianisme, dans le droit positif et dans la philosophie.
Trop souvent néanmoins la pratique des gouvernements Ta
regardée avec dérision, et jusqu'à présent on n'est pas encore
tombé d'accord sur la question de savoir si, pourquoi et jusqu'à
quel point un traité signifie quelque chose ou oblige par lui-
même?"^
n faut convenir qu'un traité ne fait naître des droits que
par l'accord des volontés (duorum vel plurium in idem con-
sensus), que par suite il ne subsiste qu'avec celui-ci, et dès
(|u'un changement de volonté sur>dent du côté de l'une des
I)arties contractantes, l'autre peut exiger seulement le rétablisse-
ment de l'ancien état de choses et des dommages -intérêts à
raison du préjudice par elle éprouvé. C'est la volonté collec-
tive fondée sur la communauté d'intérêts et de sentiments mo-
raux, qui rend l'engagement individuel plus solide, en exigeant
l'exécution directe et continue de ce qu'on a promis. L'État
possède à cet effet des moyens de contrainte suffisants à l'égard
des individus: le droit international en est privé, et par suite
les traités publics peuvent recevoir seulement l'autorité et la
signification naturelles dont nous avons parlé. Il repose sur-
tout sur le besoin commun d'un intermédiaire destiné à créer
des relations permanentes et des droits nouveaux entre les
différents États. Il trouve une garantie plus puissante encore
dans le système politique européen, basé lui-même sur la
réciprocité et l'accord des volontés, et dont par suite on ne
peut faire partie qu'autant qu'on reconnaît les principes relatifs
à la force obligatoire de traités. En dehors de ces principes,
aucune confiance, aucun commerce ne sont possibles, car ils
répondent aux intérêts de tous. Les traités internationaux
signifient donc certainement quelque chose, bien qu'ils soient
privés des garanties du droit civil. „Pacta sunt servanda",
telle a été toujours la règle fondamentale du droit public*
C'est par leur objet seulement que ces engagements offrent
1 y. les différentes explications dans Wamkonig, Bechtsphilosophie.
§ 176.
3 Les anciens publicistes se servaient aussi du lien commun: La
parole d'un prince vaut un serment. V. p. ex. de Neumann , loc. cit § 83.
Il est inutile de recourir à de pareilles propositions, car le principe moral
i pAltIoatâIJt08 , Bii même t€iu]is ([u'ilu jouignieiit d'nne
^uiidc ktitmlc d'cxiicntioii, aiiiHi ([Uti nova iiUuus l'ex-
]jiiiiucr.
DiviNlon (In» tralt(^a pulillcs.
§ 82, Si le (Iriiit des gens peut être encore pris et appli-
(iné (laiiH son acception antique de ilroit naturel commun à Uias
lc8 lionuncs, il régira en général les convenions qui ne sont
s sonmiscs aux lois et à la iiiridiittion particulières des diffé-
on domaine:
par des personnes qni
A aucune volonté sonve-
rOcs où aucune association
veutions qui ue peuvent
le celle de la volonté indi-
les pactes constitationnels
it public interne, convenus
ipres peuples.
iiLirement k ces cat^
reots États. Par suite
toutes les coiiventionb
n'obéissent k aucune
raine, par exemple d.
Ijolitiquc ne s'eut ii
obtenir aucune autre h
viduelle ;
ensuite, Jusqu'à un certain
relatif» à certaine objets de
entre les souverains et leui
Mais sans nous arrêter uU
nous nous occuperons exclusivemenl de celles qui aujourd'hui
font partie du droit international proprement dit. Tels sont:
I. Les traités conclus entre plusieurs États ou leurs repré-
sentants, par lesquels ces derniers s'obligent réciproque-
ment, ou par voie unilatérale, de manière à restreindre la
libre disposition de leurs droits et possessions souverains,
ou par lesquels l'un s'engage d'une manière générale envers
l'autre — traités publics ])roprement dits — ;
n. les traités réciproques des souverains, relatifs à des objets
à l'égard desquels ces derniers ne sont soumis à anctuie
loi politique, ni à aucun juge intérieur (v. § 62), par exemple
ceux qui ont pour objet le maintien et la garantie réci-
proques de leurs droits, ou leurs biens propres et indépen-
dants situés en dehors des territoires par eux gouvernés.'
do droit ne permet pas <1e distingnei entre les engftgemeni
ceux des inférieoia.
' Tattel n, 12. § 195. 196.
Ht et
§ 83. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA FAIX. 169
Les conventions conclues par un souverain avec un parti-
culier, ou qui ont pour objet des choses régies par les lois
civiles d'un État, sont d'une nature mixte. C'est à ces lois
qu'il faut recourir, lorsqu'il s'agit de statuer sur les engage-
ments de la partie contractante non souveraine on sur la nature
des droits réels ou des engagements régis par les lois étran-
gères. Mais quant aux obligations du souverain, à moins
qu'elles ne tombent elles-mêmes sous l'application des lois
civiles de son pays, elles sont régies par les règles du droit
international.^
Conditions essentielles des traités publics.
I. Cause licite.
§ 83. Une cause licite est la première condition essen-
tielle d'un traité public. Nous entendons par là la possibilité
de l'engagement contracté:* Un traité n'existe qu'autant que
son objet est physiquement et moralement possible.' Ainsi,
par exemple, toute convention contraire à l'ordre moral du
monde et notamment aussi à la mission des États de contri-
buer au développement de la liberté humaine, est regardée
comme impossible ; ainsi l'introduction ou le maintien de l'escla-
vage ne pourra jamais valablement être stipulé dans un traité.
U faudra en dire autant de la clause qui aurait pour but de
faire cesser le commerce entre plusieurs nations, au détriment
^ D'anciens pablicistes à la vérité, en exceptant les sonverains de
rapplication des lois civiles, n*ont vooln les soumettre qu'à celle du droit
naturel ou des gens. Y. les auteurs indiqués par Moser, Staatsr. XXIY,
p. 194, et surtout Hellfeld, Dissert, de fontib. juris quo illustres utuntur,
§ 37 (en tête du t. I. Jmispr. heroic); mais la jurisprudence moderne
Tentend autrement, ainsi que nous Tavons indiqué au §56. En général
toutefois on ne rencontre pas de règles précises à ce sujet dans la plupart
des systèmes. V. cependant Vattel II, 12. 214. Riquelme I, p. 176.
> y. sur les différentes significations de la cause des contrats de Neu-
manu à Tendroit cité § 217 suiv. et Cocceji, sur Grotius II, p. 610.
8 de Neumann § 177 suiv. Pufendorf (El, 7. 2) ainsi que Schmalz
(p. 64) et Schmelzing (§ 383) soutiennent qu*il n^ a pas lieu à la restitu-
tion de ce qui a été donné. Mais il serait difficile de démontrer Texactitude
de cette proposition dans sa généralité.
170 I,tVBR PBKMIRB.
de leurs bcHoiiis niiitnel)« moraux nu jibysiqueiii, Aiiiui encore
on Di4ii(|uc (le toi aux cn^iigemeiiM coutracUïs «.'ureri^ des tiers
ne pourra ùtre vnliiblemoiit sdpuli^; daus ce l'as Ut partie cou-
pable sera ti^uue & tien dommages - intérôts envers l'innoeeiite.
Uu traiti^ ne peut pan non plus porter préjudice aux droits
incontcHtài d'un tiers ni ft ceux r|U! lui ont été accordés précé-
demment:' on ne peut s'eugiiger ni stipuler an nom d'un tiers
sur lequel on n'a aurun pouvoir." Néanmoins on ireut se porter
fort pour un tiers, en promettant le fait de celui-ci, eoit par
l'emploi de bons offices (boD* '^' ' ) de nature à lo déterminer
en faveur du but projeté, si me intereessiou proprement
dite, en employant toutes is licites selon les circon-
Btauces, à l'exceptitm de à moins que l'éventualité
d'une intervention armée ; également prévue. Une
indemnité toutefois en ca'' ii- réussite du but projeté,
n'est due fine lorsqu'elle a enue.' Les parties peuvent
s'entendre encore sur des me prendre à l'égard de tiers.
En dehors des espèces que , t cnous d'indiquer, une con-
vention internationale ne peut duire d'effets qu'entre les
parties. Elle ne profite ni ne n. si des tiers,* à l'exception
des cas suivants:
lorsqu'il y a mandat;
lorsque le tiers, par suite de rap mrts de protection, se trouve
d'une manière conditionnelle ou relative dans la dépen-
dance de l'une ou de plusieurs des parties contractantes;
lorsqu'il a été stipulé au profit du tiers ce qu'il a le droit
d'exiger en vertu d'un titre précédent, lequel acquiert par
là un accroissement de force;
enfin dans le cas oii une tierce adhésion a été réser\'ée,
comme la condition d'une stipulation qu'on faisait ponr soi-
même, condition comprise implicitement dans toute con-
vention passée au nom d'aatrui.
' V. Moaer, Vers. VI, p. 420 auiv. Vatt«l § 165—167. Klfibot, Droit
des gène, § 144, Pufendorf in, 7. 11. Mably, Droit des gens I, p. 27.
s V. la loi 83 prim, D. de verb. oblig. de Neuraanu
8 Pal'oTidorf loc. cit. S 10. de Nonmann § 14ij suit. ' y,
' Fr. Laug, De nonnullis foadamentb obtigationus to tertii
qaaesitarum. Goetting. 1708.
§ 83. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 171
Dans ce dernier cas la validité du traité est suspendue
juscju'au moment où le tiers aura déclaré son intention d'en
profiter. Jusque là rengagement peut être révoqué, à moins
qu'on ne soit convenu d'attendre cette déclaration.^
D'ailleurs le droit international n'admet pas les distinctions
du droit civil relativement aux contrats nommés ou Innommés,
à ceux qui donnent ou qui ne donnent pas Ueu à une action
en justice. C'est encore sans motif qu'on a prétendu que tout
traité public supposait une cause (causa debendi) spéciale, en
d'autres termes, qu'il devait avoir pour but des prestations
réciproques, par le motif que tout engagement reposerait sur
un équivalent. En effet la faculté de disposer librement du
domaine implique celle d'y renoncer, même à titre gratuit, au
profit d'un tiers.* Le défaut d'utilité apparente, ni la lésion
ne peuvent non plus vicier ces sortes de contrats, pourvu qu'il
n'existe pas d'autres causes de rescision.®
Toutefois il en serait autrement de la convention par
laquelle un État, en temps de paix, consentirait à se sou-
mettre d'une manière permanente à l'autorité d'un autre, alors
surtout que cette soumission, en dépassant les limites du pro-
tectorat, aurait pour conséquence de le dépouiller irrévocable-
ment de son indépendance politique. C'est à cette simple
proposition que nous croyons pouvoir réduire la théorie des
anciens publicistes sur les traités égaux et inégaux, théorie
professée depuis Grotius, qui l'a puisée dans certains passages
d'Aristote.*
^ Les anciens anteors présentent sur ce point une grande divergence
de vues, née du conflit des lois romaines avec les théories du droit naturel.
V. Grotius II, 11. 18. et le Comment, de Cocceji; Pufendorf III, 9. 4suiv.;
de Neumann § 151; Runde, Beitr. 1799. I, p. 137. Les codes modernes
reproduisent les principes ci -dessus énoncés, qui sont les plus simples
et les plus naturels. V. Allgem. Preufs. Landr. I, 5. § 74. Code Nap.
art. 1121. 1165.
> Grotius II, 14, 4 et 12. de Neumann, De pactis principum I, 3. 90;
I, 5. 219. Gunther, Vôlkerr. II, p. 95.
8 de Neumann, loc. cit. I, 5 p. 220. Vattel § 158. de Martens, Europ.
Vôlkerr. § 45 in fine. Schmelzing § 381.
* Vattel § 174 suiv. Cocceji Comment, sur Grotius II, 12 p. 8 suiv.
Martens, Europ. Vôlkerr. § 46 m fine et § 55.
172 UYBB FSnOBB. § 84.
■
2. CapteKé dM ptrtlM otitrttBliafM.
§ 84. La seconde conditioii esBenlielle de la validité des
traités c'est la capacité des parties contnotaiites. Sous ce rap-
port nous admettons les distinctions suivantes:
I. Les représentants ou détenteurs aetnehi du pouvoir son-
verain, même usurpé (§ 49)^ possèdent seuls la capacité néces-
saire pour conclure des traités proprement dits (§ 82, T), pourvu
que, dans leurs relations extérieures, des Sens de dép^danee^
ni les termes incontestés de la constitution de l'ÉtiU n'y ap-
portent d'entraves.' Le prince légitime an contraire, dépooillé
du pouvoir souverain , ne peut valablement contracter pour
rÉtat qu'après avoir recouvré le pouvoir. — Le souverain peut
disposer aussi des droits de ses sigets,* à moiiiB que leur
inviolabilité ne soit sauvegardée par la constitotion particulière
de rÉtat ou par les principes de la morale, tels que ceux qui
ont pour objet la garantie de la liberté de conscience.^ Le
droit public interne trace les limites des sacrifices personnels
et réels que TÉtat peut imposer à ses sigets moyennant on
sans indemnité.
U. Les souverains ont la faculté exclusive de traiter de
leurs droits propres et individuels, sans que toutefois ils puissent
disposer des droits particuliers de leurs familles, à moins d'y
être autorisés par les statuts de famille. Les actes du souve-
rain ne doivent donc pas préjudicier anx droits des membres
de sa maison, hors les cas d'une nécessité urgente, ob ils
doivent, dans les conventions publiques, être sacrifiés à la rai-
son d'État , comme ceux des autres sigets. Telle est du moins
» V. § 19 ci -dessus. Wheaton, Intern. Law. IXI, 2. 1.
s „ Incontestés.'' Dans les relations internationales en e£fet, la pos-
session seule peut être prise en considération. V. § 12. 23 et 49 ci -dessus.
Sur les restrictions de la constitution anglaise et de celle des États-Unis,
V. Wheaton, loc. cit. § 5. 6. D'autres constitutions modernes contiennent
aussi des restrictions analogues, mais la présomption milite en faYeoi
du chef de TEtat; cependant il ne peut pas seul sacrifier la oonstitution
même.
8 Grotius m, 20. 7. do Neumann § 86. 159. 467.
* V. Vattel § 161.
§ 85. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 173
la règle incontestée de la constitution de famille des maisons
souveraines d'Allemagne.*
Des mandataires munis de pouvoirs suffisants peuvent seuls
traiter au nom des personnes ci -dessus dénommées. Tout ce
qu'un mandataire qui a dépassé ses pouvoirs, ou un „negotio-
rum gestor" aura fait, ne deviendra valable que par une rati-
fication subséquente. Cela s'applique notamment à ce qu'on
appelait autrefois „sponsio" ou accord conclu par le sujet d'un
État avec un gouvernement étranger, sans autorisation du sien.*
Aucune obligation n'en résulte ni pour le gouvernement non
dûment représenté, ni pour celui qui a traité ainsi, à moins
qu'il n'ait promis de la faire ratifier ou exécuter: en ce cas il
est tenu à des dommages -intérêts.* Le gouvernement repré-
senté ainsi d'une manière irrégulière, doit en outre, en temps
de paix, restituer les avantages qu'il a retirés de la conven-
tion. En temps de guerre il se dirigera d'après les lois de
l'honneur et de la politique. — Un mandat tacite ne peut être
que le résultat de certaines fonctions conférées par l'État et
ayant pour objet une mission à accomplir auprès d'une puis-
sance étrangère, avec 'une certaine latitude d'appréciation.
Tout ce qui dépasse les instructions données a besoin d'une
ratification ultérieure, à défaut de laquelle il deviendrait
caduc. C'est notamment lors de l'examen du droit de guerre
que nous rencontrerons quelques applications de ce principe
(§ 143).
3. Consentement libre.
§ 85. La liberté du consentement, ainsi que l'absence des
circonstances qui Tempêchent, sont une troisième condition
essentielle de la validité des traités publics. L'erreur, la fraude
1 Moser, Familienstaatsr. 910. 1065. Heinr. Hersemeyer, De paci
gentilit. Mog. 1781. p. 109.
> Les nombreux ouvrages qui ont traité cette matière ont été indi-
qués par Ompteda XI, p. 585 et de Kamptz, N. Lit. § 244. Vattel, L. Il,
§ 209 suiv. , s'est le plus rapproché de la vérité sur ce point.
> Grotios XI, 15, 3 et 16, trompé par louage des anciens peuples
connu sous le nom de „deditio'S soutient que celui qui avait traité était
personnellement tenu.
174 UVB8 PBBMm» § 86.
et la violence produisent à leur égard les mêmes effets que
dans IcH contrats privés. On ne doit cependant pas regarder
comme véritable empêchement tonte espèce de pression qui
influe sur la liberté de la résolution. . H fimt an contraire que
la violence soit de nature à ébranler un caractère fort . et éner-
gique, ce qui aura lieu chaque fois que Tezistence physique ou
morale sera menacée , au point que la nécessité de la conser-
vation commande la soumission , alors sortont qu'on devoir
supérieur ne fait pas taire ce sentiment Un danger semblable
se produit pour un État, lorsque son eiistence ou son indé-
pendance est mise en question : pour un Souverain ou ses repré-
seutmits officiels y lorsque leur vie, leur santé, leur honneur ou
leur liberté sont sérieusement menacés, alors surtont qne l'agres-
seur a assez de puissance pour mettre ses menaces à exécu-
tion. Le traité néanmoins qui a pour but de £sire cesser un
état de contrainte ou de violence légale,. n'est entaché d'aucuu
vice, celui par exemple qui est destiné à faire cesser une cap-
tivité ou l'évacuation d'un pays conquis.^
Perfection des traités.
§ 86. Toutes les conventions, et les internationales aussi,
supposent en premier lieu Taccord des volontés à la suite d'une
promesse et d'une acceptation, après qu'il a été clairement
expliqué ce que chacune des parties est tenue d'exécuter on
est en droit d'exiger. De simples pollicitations, non suivies
d'acceptation, ne confèrent aucun droit, lors même qu'il y a en
un commencement d'exécution, à moins qu'il n'implique une
acceptation: la sanction d'une promesse religieuse (yotum) on
le serment ne pourra pas non plus suppléer au défaut d'accep-
tation.^ Un traité n'a pas d'existence légale tant que con-
tinuent les négociations ou les arrangements préliminaires, alors
même qu'on serait tombé d'accord sur certàuis points destinés
^ Ces questions sont traitées dans les ouvrages cités pm: de Kamptz
§ 249; voir aussi Pufendorf III, 6. de Noumann § 192 soiv. Schmebing
§ 382.
* Cocceji, Comment, sur Grotius II, 11. 3.
§ 87. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 175
à figurer dans la convention définitive, à moins qu'il n'ait été
convenu qu'on se regarderait mutuellement comme engagé par
les points déjà arrêtés. Cela s'applique notamment à ce qu'on
appelle „pacta de contrahcndo ", qui contiennent tout ce qui
concerne l'afiiiire, sauf seulement la rédaction complète et
formelle.^
En aucun cas le simple acquiescement d'une partie à des
actes faits par une autre, n'équivaut à un consentement con-
tractuel. Tout au plus constate- 1 -il la disposition , mais nulle-
ment l'intention bien arrêtée d'une renonciation à des droits
au profit d'autrui. — Les conventions dites présumées ne con-
statent pas non plus d'une manière régulière et sûre l'unité
des volontés: souvent, il est vrai, dans les rapports internatio-
naux, une partie procède d'après certaines règles de conduite
dans la prévision unique de les faire agréer par l'autre. Si
celui-ci les adopte, il se forme une convention présumée, fon-
dée fréquemment sur les usages du cérémonial public des États,
sans qu'il en résulte aucun engagement permanent pour les
parties. De ces conventions diffèrent les conventions taôites ou
les clauses qui découlent implicitement, comme conditions ou
comme conséquences nécessaires d'un traité;^ il faut en dire
autant des circonstances sur lesquelles on a gardé le silence
lorsqu'il fallait s'expliquer là- dessus.' Nous en reparlerons
plus loin (au § 95).
Forme substantielle.
§ 87. Aucune forme précise n'est prescrite pour la con-
statation de la volonté dans les traités internationaux. Us
existent dès le moment que l'une des parties s'est engagée à
faire quelque chose avec l'intention de se regarder comme liée
^ n serait difficile de formuler cette règle d*une manière plus précise.
V. aussi Cocceji ibid. U, 11, § 1, p. 600 sniv.
^ y. de Leonhardi, Anstrâgalverfahren des dentschen Bundes. Il, 749.
^ y. sur ces distinctions Ad. Fr. Beinhard, Sammlnng jorist. philos,
nnd crit. Aufsàtze. 1775. I, 5. n. 1, p. 307. Klûber, Droit des gens. § 3.
de Neomann § 52.
i76 Ln
p«r rfi(H.-i.-|)tiitiiiii (le rmilru, et (\\\e eett« aooe|itutii)ii est suffi-
Bammciit L-oiiatiilée. •
La [irudcuee, il est ^rai, et. l'nsa^e ctmseilleut la rédaftion
par émt, laquvUe uotumuieiit ext uue cuii»équence naturelle
des traitas tom-lua pur procnrAtion. Mai» de ce Cjne les parties
anmnt ailupté uiic autre lurtue de rédaetion, il ne résultera
sncunc nnllité du traibi.'
Lorsqu'un traité a ité couelu par maadatùrca, il p«t
d'usage aujourd'liui eutre Ich États soiivcrtùiis d'en regarder les
ratâficatioDS et leur tichaiige i^mnm un complément nécessaire
pour sa validité, lors mËrne ratifii^ation n'a pas été es-
pressénient réservée.* Elle ( que le mandataire n'a pu
> Not^ms à c« sDJel ce qt isuonBolte romun Gains d«jà en-
seignait dans scfl (ïoimnciitaiios I: „Dioitur uno raau hoc verbo
(Spondcane? SpoDdeo) peragrinmi e obligari posse, velnt lii Impe-
Tator noster Ptincipeni alicajoa ] popoli do )iacc ita înterrog«t:
Pacëid (uturani HpondcsP Tel ipae eoc aoda îuterrogetnr: „qnod aiiuiam
nbtiliter dictmu esi;" qniu bî qnid au bdb pactioneni fiât, non ei eùpa-
lata agitnr, Bod jiiru 1:>olli vindicatur." Lnsi libçrt^ (»mpU't« de la forme-
Cependant trois fonnes i^taiuDt i» Ibqb le droit pablic des Boiuuoa,
savoir de simples pactioneH. spor et foedcra soleonels. Tite-Live
34, 57. Cic, pro Balbo 12, pro Babir. io, Siganiaa do antiquit. joris. BiL
p. 465 aniv.
' Neyron, De vi foedemm inter gentes. Goett 1788. % 23. et Sehmali,
Eorop. Vôlkerr. p. 52 suiv., soiitiennciit que los traités, pour être oblî^
toiibg, doivent i-tre rédigûs par écrit. Mais pourquoi l'engagement aëriooi,
après aToîr Été accepte, et loraqn'îl peut être prouviS, aerait-tl moins obli-
gatoire, quand mOme il n'eût pas été riidigû par écrit? C'est ce qu'ad-
mettent MartenË, Europ. VQIkerr. g 45- Sclnnehing §377. Kliiber g 141.
143, ainsi quo de Neuiaann § S26. 238. Pen iniporte d'ailleurs que le tr»ii«
Boit compris dans un instrument on dans dea eijjlicationa réciproques; c'est
i^nsï qu'ont i^té concilia les concordats cntiu le Saint-Siège et les pnis-
sancea non catholiques i il suffit- que l'intentian de s'obliger nmtneUeni^it
soit établie. L'uuc des parties peut s'enga^r par écrit et l'antre l'accepta
par des actes ou par des signes incontestables. V. Martens , à TeniIrAit
cité, et Vattel g 2M. Wbeaton m, 2. 3.
' Cet usage est trts- ancien. On trouve l'exemple de la ratificatios
d'un traité inten'cna entre Juatinien et CbosroSs dans Barbefrac, Snppl
an Corps udït. de Du Mont II, p, 197. Les anciens auteurs anr c*t*j. maticfï
sont cités par de Kaniptz §249; Kliiber, Droit des gens. disMr-
tatiou k plus rwL'nto est celle de Wunu, VierteljahrBsch." ». 16^.
Snr nue ratification conditionnelle, v. Harteos, N. Bec, g].
§ 88. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 177
dépassé les limites de son mandat, constatation à laquelle
aucun juge ne peut suppléer. Elle suspend Texécution du traité
conclu, et elle lui donne, dès qu'elle est intervenue, une force
rétroactive, sauf stipulation contraire.^ Elle ne peut à la
vérité être refusée moralement, si le traité conclu est conforme
aux termes des pouvoirs présentés à la partie co- contractante.
Mais lors même qu'il a été ratifié d'un côté, l'usage n'autorise
pas l'emploi de la force pour contraindre l'autre partie qui
refuse l'exécution du traité.* Le refiis non motivé est une
insulte faite à la bonne foi «de l'autre, de nature à le mécon-
tenter et même à provoquer, suivant les circonstances, une
demande en indemnité du préjudice occasionné. La ratification
est essentiellement nécessaire dans le cas où elle a été réservée,
ou lors d'une „sponsio" (§84) -pour qu'elle puisse devenir ob-
ligatoire pour la partie intéressée. Dans ces cas encore elle
fait remonter les effets du traité jusqu'au moment de sa con-
clusion. Relativement aux pouvoirs tacites, (84 in fine), la rati-
fication seule fournit la certitude complète de leur étendue.
Mais il est constant en même temps qu'elle peut être suppléée
par des actes équivalents et notamment par Texécation tacite
des stipulations arrêtées.'
Concurrence de tiers lors de la conelnslon d'un traité.
§ 88. La conclusion des traités publics se fait souvent
sous l'aide d'une ou de plusieurs tierces personnes, savoir:
1 de NenmaDii § 213. Klûber, loc. cit. note e. Martens § 42.
> C'est ce qui est confirmé ^ par d*anciens et de nonveanx exemples.
Tel est aussi Tavis des auteurs les plus distingués. Vattel H, 12. 156.
Byukershoek, Quaest. jur. publ. Il, 7. Elûber, loc. cit. Wheaton, loc. dt.
§ 4. Wildraan I, 172. Biquelme I, 176. Les opinions des anciens auteurs
sont résumées dans Wicquefort, TAmbassad. U, 16. — Martens § 42 ne
diffère qu'en ce qu'il pense que la ratification d'une partie entraîne celle
de l'autre . Une opinion analogue qui repose tout entière sur dea considé-
rations tirées du droit privé, se trouve dans Leonhardi, Austr&galverfahren
p. 319 suiv. Des exemples de traités non ratifiés sont indiqués par Martens
et Kliiber, aux endroits cités, et par Pôlitz, Vôlkerr. p. 158. La ratifica-
tion d'un traité est surtout un point important du droit constitutionnel.
s Grotius U, lô. 17. Wheaton § 3 in fine.
Heffter, droit international. 8e ëd. 12
178 LIYRB PREHIEB. § 88.
1. Far les bons offices (bena officia) d'une tierce puissance,
soit dans le bût d'ouvrir la yoie aux négodaticms des parties
intéressées, soit dans celui de les faire reprendre après qu'elles
ont été interrompues. Us peuvent être proposés soit par une
initiative spontanée ^ soit par suite d'une demande ou d'un en-
gagement contracté (§ 83). Us n'emportent aucune responsa-
bilité des conseils donnés (consilium), à moins qu'elle n'ait été
expressément stipulée;
2. par la médiation proprement dite (mediatio), lorsqu'une
tierce puissance, avec le consentement des parties intéressées,
participe d'une manière régulière aux négociations jusqu'à leur
conclusion, en sorte que les explications réciproques ne peuvent
être données qu'en sa présence et par son intermédiaire.^ Per-
sonne ne peut imposer une médiation: mais dès qu'elle a été
a<xseptée, le gouvernement médiatetir doit faire îles propositions
équitables , donner son avis sur celles faites par l'une des par-
ties et repousser celles qui lui paraissent ii\justes. Il lui est
interdit d'employer la force: une médiation armée serait con-
traite au droit Ubre des traités et constituerait un commence-
ment d'hostilités.' Les fonctions du médiateur cessent avec la
conclusion d'un traité, dont il n'a ni le pouvoir ni le devoir de
garantir l'exécution. Elles cessent encore par la rupture des
négociations du côté de l'une des parties intéressées.
Une tierce puissance peut en outre, par un acte formel,
déclarer son adhésion à un traité précédemment conclu,
tant à la suite qu'en dehors d'une invitation préalable des
parties principales.' A cet égard on distingue les espèces
suivantes :
1** Accession d'une tierce puissance comme partie princi-
pale, lorsque le traité contient des stipulations à son égard, ou
1 y. là -dessus des observations étendues dans Bielfeld, Institutions
politiques. Il, 8, § 17. Yattel § 328. de Steck, Essais sur plusieurs ma-
tières n. 1. Martens, Vôlkerrecht. § 172. Klûber, Droit des gens. § 160.
Wheaton, Inter. Law. m, 2, § 16. Des exemples nombreux sont cités par
Wicquefort, TAmbassadeur. H, 11. Moser, Vers. Vin, p. 421 suiv.
^ V. Vogt, Europ. Staatsrelationen. V, n. 1.
■
« Moser, Vers. VIII, p. 306 suiv. 314. de Steck, ÂusAhrang politi-
scber und recbtlicher Mater, n. 2, p. 49. Klftber § 161.
§ 89. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 179
""^st de nature à modifier see rapports internationaux. Par là
Ue devient partie co - contractante directe;
2" accession d'une tierce puissance à Teffet de faire
approuver par elle les dispositions qui peuvent lui nuire, et
par laquelle elle renonce notamment aux exceptions contre sa
validité ;
3** accession solennelle par pure convenance, afin de don-
ner au traité plus de solennité ou une espèce de témoignage
de sa valeur. Ce qui a lieu surtout dans le cas où Ton fait
approuver un traité par nne tierce puissance supérieure ou
envers laquelle on doit observer certains devoirs de déférence.
Celle - ci ne contracte par là aucun engagement : seulement elle
ne pourra plus invoquer son ignorance dn contenu du traité.
ModalitéB, rédaction et dlviBion générale des traités.
§ 89. En ce qui concerne leur contenu , les traités publics,
de même que les conventions privées, sont susceptibles de
certaines conditions, de certains délais et de certaines autres
modalités. A Tégard de leur portée, on les distingue en traités
préliminaires et définitifs. Les premiers ne constituent le plus
souvent que des „paeta de contrabendo^^, ou n'établissent qu'un
état provisoire.^ Les seconds se subdivisent encore en traités
principaux et accessoires, dont les derniers sont conclus quelque-
fois entre d'autres parties que les premiers.
Lors de la rédaction des traités on adopte ordinairement
celle par articles, et l'on distingue quelquefois les articles
principaux des accessoires. Souvent la tenenr du traité propre-
ment dit est accompagnée d'additions ou d'articles additionnels,
publics on secrets, sans que toutes ces circonstances influent
en aucune manière sur la validité des diverses stipulations.
Enfin les traités solennels des puissances chrétiennes se con-
cluent d'après un usage général „au nom de la sainte Trinité*',
formule à laquelle, dans les conventions avec la Sublime Porte,
est substituée l'invocation „du Dieu Tout -puissant."
» Moser, Vers. Vm, 55. X, 2. 356.
12*
180 LIYBE PREMIER. § 90.
Les objets des conventions internationales sont d'une
grande variété, ce qui a fait naître diflPérentes classifications.^
Martens, Kltlber et d'autres auteurs ont divisé, d'une manière
trop vague et trop peu expressive, les traités en transitoires,
en alliances et en traités mixtes. Il nous paraît qu'à part
les traités de paix, dont nous parlerons au livre suivant, les
traités sont:
1° des conventions constitutives, qui ont potTr objet soit
la constitution d'un droit réel sur les choses d'autrui, soit une
obligation quelconque de donner ou de faire ou de ne faire
point; ou bien ce sont
2"* des conventions réglementaires pour les rapports poli-
tiques et sociaux des peuples et de leurs gouvernements;
ou enfin
S"" des traités de société;
ce qui répond à peu près aux termes d'accord, de cartel et
d'alliance, dont la diplomatie moderne se sert ordinairement
pour désigner nos trois catégories.
n est inutile de remarquer qu'un traité peut avoir un carac-
tère mixte de plusieurs espèces.
Accords ou traités constitutifs.
§ 90. La première classe des traités internationaux se
compose de conventions à peu près semblables à celles qui
appartiennent au commerce social et privé. Ce sont là les
traités relatifs à des intérêts politiques, moyennant lesquels
les puissances s'accordent ou constituent certains droits, par
voie soit unilatérale soit réciproque, avec on sans un équi-
valent correspondant; quelquefois ils ont aussi pour objet
de déterminer, de préciser plus exactement, ou de faire
cesser des rapports de cette nature déjà établis. Tels sont
notamment
* La distinction de Pôlitz , Vôlkerr. § 50 sniv. entre traités politiques
et privés y nons paraît tont-à-fait manqnée. Les Romains distinguaient
principalement trois objets des traités publics: „amicitia, bospitium, foedus."
L. 5 § 2 D. de captivis.
§ 90. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 181
les traités de cession où de renonciation moyennant vente,
échange ou donation;
les traités de limites;
ceux de partage;
ceux de prêt;
rétablissement de servitudes publiques;
les traités qui ont ou auraient encore pour objet de constituer
une souveraineté en fief;
les traités de succession.
Toutes ces espèces sont régies en général par les mêmes
principes, qui, fondés pour la plupart sur le droit romain, se
sont développés d'une manière untforme et se retrouvent dans
les lois de tous les États de TEurope chrétienne. Il faudra
seulement excepter ceux que les intérêts particuliers d'un État
ont introduits dans son droit privé, par exemple ceux qui con-
cernent les formes des actes ou qui, par égard pour les moeurs
d'une nation, prohibent certains autres. Ainsi les pactes suc-
cessoriaux relatifs à la souveraineté d'un prince régnant ne
doivent pas être regardés comme illicites par cela seul que le
droit romain et quelques Codés modernes (Code Nap. art. 791)
les proscrivent en matière civile. Mais il est incontestable que
dans les traités commutatifs, où Tune des parties s'engage à
donner ou à faire quelque chose moyennant un équivalent, une
garantie est due pour cause d'éviction et à raison des défauts
cachés dont l'absence a été une clause tacite de la convention.^
Certainement la perte ou les détériorations, survenues depuis
par force majeure ou par accident, ne sont pas une cause de
résiliation des traités.'
n nous paraît inutile de nous livrer à de plus amples
développements sur les rapports qui, dans ces diverses espèces,
existent entre le droit international et le droit privé d'un État,
1 Souvent elle est stipulée expressément; v. Gtinther, Yôlkerrecht.
U, p. 135.
* De même en cas de partage de biens commnns. L. 11. pr. Dig. de
éviction. Mais les antenrs du droit naturel sont toujours très -divisés sur
la question de savoir qui supporte la perte de la chose aliénée et non
Uvrée. V. Ghrotius H, 12. 15. Pufendorf V, 5. 3.
183 UTBB FRBMIBB. § 91.
tant à cause de leur grande rareté^ que des précautions em-
ployées aujourd'hui dans la rédaction des traités.
Traités réglementaires ou cartels.
§ 91. Les traités que rou comprend pour la plupart sous
la dénomination de Cartels (Garta, Gartula^ Cartellus) sont ceux
qui règlent la conduite politique de plusieurs États ou souve-
rains, soit entre eux, soit envers d'autres, dans un intérêt
commun ou individuel^ d'une manière générale ou dans des
cas déterminés.^
Nous 7 comptons les suivants:
L Les traités qui stipulent seulement des rapports paci-
fiques et d'amitié y et qui comportent l'obligation expresse ou
tacite d'une justice réciproque (dikéodosie) , conformément aux
principes internationaux.
Tels étaient, chez les peuples de l'ancien monde, les traités
par lesquels on s'engageait simplement à s'abstenir envers ses
amis de toute espèce d'o£fenses, et, en cas de lésion, à leur
accorder une satisfaction.' Aussi pourra- 1- on comprendre dans
cette catégorie les traités de reconnaissance qui ont pour objet
l'admission de nouveaux corps politiques dans la famille des
nations, ou celle de nouveaux titres, pour servir de base à leurs
rapports futurs.
n. Les traités par lesquels on règle les conditions du
commerce rédproque, ou par lesquels on s'accorde certaines
faveurs ou certains droits communs.
A cette catégorie appartiennent, dans l'ancien monde, les
concessions du droit de cité et de „connubium'^ entre des peuples
^ Dans les éditions antérieures de notre ouvrage nous avons rangé
cette^ sorte de pactes publics avec Pftttmann, De obligatione foedermn,
Lips. 1753, parmi les aUiances dans Tacception la plus large de ce root.
Cependant il ne s'y agit pas tonjours d'une véritable association, mais
plutôt de promesses ou de conoessions iloit mntnelles soit unilatérales.
* Comme chez les Grecs les avfjfioXa neçï rot fiti dâixétv. V. Heflfter,
Athen. Gericbtsverf. p. 89 suiv. et les notes ; et sa Ftolus. acad. de antiquo
jure gent. p. 7 suiv. Des traités semblables forment le premier pas vers
des rapports internationaux, et ne se rencontrent plus sous cette forme
générale. V. aussi Vattel H, 12, * 171.
§ 92. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 183
alliés, ainsi que les traités de commerce et de navigation tant
de Fancien monde que du monde moderne (§ 243). Ensuite
les conventions qui , dans le but de faciliter le commerce inter-
national, établissent un système uniforme de monnaies, de
mesures, de poids, de péages, ou qui règlent l'extradition des
criminels et Tadministration de la justice en cas de conflits etc.
Traités de société ou d'aUlance.
§ 92. Les traités d'alliance constituent une sorte de société
entre les pouvoirs contractants, quoiqu'on ne puisse y applique*
toutes les règles du contrat civil de société. On s'engage par
là à contribuer d'après un plan arrêté à la réalisation d'un
certain but politique par des moyens soit égaux soit inégaux.
L'un des alliés pourrait même se charger seul de l'exécution,
accorder à l'autre la totalité des bénéfices et l'affranchir de
toute contribution aux pertes, pourvu que cela se fasse ex-
pressément; car autrement ce serait une société léonine con-
traire à la nature d'une véritable société,^ ou bien ce serait
une autre espèce de convention, par exemple un mandat, s'il
était à propos de donner un nom juridique à toute sorte de
conventions politiques.
Le but de l'alliance pourra tantôt être pacifique, tantôt con-
cerner la guerre , autant pour un temps déterminé qu'à per-
pétuité. Ordinairement il s'agira de mesures vis-à-vis de tierces
puissances ou de dangers extérieurs, quelquefois aussi de
mesures à l'intérieur des États alliés, ou simultanément des
unes et des autres.
Ainsi les alliances peuvent avoir pour but
le maintien de la paix intérieure contre des factions;
le maintien de la paix vis-à-vis de tiers ou entre les parties
contractantes ;
le maintien de la neutralité;
> Grotius II, 12. 24. Pnfendorf Y, 8. 3. Cependant la reetriddon qne
nons avons ajoutée ,,à moins qu'il n*y ait stipulation contraire expresse/'
est incontestable à l'égard des personnes capables de contracter. Stryk,
De diversis soeiorum pactis. Hal. 1708. p. 26. de Neumann , loc. cit. g 731.
Y. aussi le Code général prussien. I, 17. § 245.
184 LIVBE PBEMIEB. § 02.
la protection de certaines frontières (traités de barrière);
les moyens de défense pour repousser une attaque injuste
(alliances défensives);
une guerre offensive pour faire valoir des droits légitimes
(alliances offensives),
la suppression de la piraterie et de la traite des nègres.
H y a eu aussi des alliances d'une portée très -ample et
générale , tant à l'extérieur qu'à l'intérieur des États , comme le
pacte de famille conclu en 1701 entre les maisons de Bourbon^
et surtout la nommée sainte Alliance de 1815.'
Les engagements contractés par les alliés ne s'appliquent
qu'aux cas expressément stipulés (casus foederis); qui tantôt
n'ont en vue que certaines éventualités ou certains événements,
tantôt sont d'une durée permanente.^ Â défaut de stipulations
expresses chaque allié doit user de tous les moyens dont il
peut disposer pour atteindre le but commun. Aussi les béné-
fices et les pertes se partagent - ils à raison des ressources
mises à la disposition de l'oeuvre conmiune, et, en cas de doute,
par moitié entre les parties contractantes.^ Si toutefois l'alliance
a pour but l'intérêt exclusif d'une seule partie, elle jouit seule
des profits, de même qu'elle supporte en entier les pertes.
Les profits obtenus accessoirement se partagent entre les alliés,
en cas d'action commune, pro rata; en cas d'action isolée, ils
appartiennent à une seule partie qui supporte aussi les pertes,
sauf stipulation contraire.
Remarquons en dernier lieu deux espèces particulières
d'alliance, qui ont pour objet le maintien d'un certain état de
choses légal ou de la possession, savoir les traités de protec-
1 Martens, Becneil I, p. 16 éd. 2.
s Voyez TAppendice I et supra p. 12. 13. Des stipulations semblables
ne peuvent avoir d'autres conséquences légales que celle d'exclure toutes
hostilités autant que possible, et en cas de dissentiment d'opinion , de faire
admettre des observations amicales et des négociations, de ne consentir à
aucune intervention illicite et de se prêter mutueUement assistance.
3 V. Vattel, à Tendroit cité § 88 et Wheaton, Intem. Law. m, 2,
§ 13 suiv. Nous y reviendrons dans le livre U, chap. 2, en traitant du
droit de guerre.
* Grotius II, 12. 24. Pufendorf V, 8. 2. Pûttmann, à Fendroit
cité § 21.
§ 93. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 185
tîon librement consentis, par lesquels un État se met sous la ^
protection d'un autre, avec les eflTets expliqués au § 22 ci -
dessus ;
ensuite ceux de garantie, par lesquels une partie promet
à l'autre la conservation ou Facquisition de certains droits ou
choses, ou bien d'une universalité de biens et de choses.^ Ils
ont pour eflfet de mettre à la disposition de l'allié, sur sa réqui-
sition, toutes les forces de la partie obligée, autant que l'exige
la défense des droits garantis contre des prétentions et des
attaques injustes. Néanmoins l'État garant ne répond pas du
préjudice souffert par un allié malgré ses efforts, à moins qu'il
n'ait promis également de le garantir en cas d'éviction.*
L'alliance la plus intime s'établit par un traité d'union
fédérale, dont nous allons traiter au paragraphe suivant.
Snlte. Traités d'union fédérale.
§ 93. Les traités d'union fédérale de plusieurs États
offrent cette particularité qu'ils se proposent un but commun,
qui doit être atteint par des institutions communes et perma-
nentes. Leur efficacité pourra s'étendre aux affaires extérieures
comme aux intérieures dans le domaine tout entier des intérêts
moraux et internationaux. Leur légitimité repose sur la nature
sociale de l'espèce humaine, sur l'obligation de l'État de favo-
riser le bien-être de ses membres par le développement et
l'association la plus complète des forces physiques et morales.*
Aussi ces unions, pour être valables, n'ont -elles nullement
besoin d'être reconnues par les États étrangers : l'union fédérale,
qui n'est pour ainsi dire qu'une extension des États reconnus
déjà dont elle se compose, existe par elle-même: de tierces
puissances ne peuvent refaser de recevoir ses représentants
communs, ses déclarations communes sans commettre d'offenses,
' Neyron^ Essai historique et politique sur les garanties. Gôttingeii
1777. Moser, Vers. V, p. 455, et surtout Gûnther II, p. 243 suiv.
2 Wheaton , Intem. Law. § 10. de Neumann § 259.
3 Suivant Tancien proverbe: „Ubi societas ibi et jus est.'' Y. Oocoeji
ad Proleg. Grotius § VIII.
186 UVBB PBEMIEB. § 93.
et le droit international regarderait un refds de ce genre comme
non avenu.
A cette catégorie appartiennent les coniédérations d'États
proprement dites , plus on moins étendues (§ 21)^ l'union doua-
nière allemande et toute antre union fondée en yue de l'adop-
tion d'un système commercial et industriel commun, soutenu
par des mesures conmiunes. La volonté expresse des souve-
rains contractants forme la loi fondamentale de ces unions: à
son défaut on a recours aux principes généraux du droit inter-
national; notanmient au principe suprême de la justice, à savoir
d'une juste égalité, ainsi qu'aux règles sociales qui en découlent.
Ce sont surtout les suivantes:
Les droits et les obligations des membres fédéraux sont
égaux. La part de chacun dans les profits et les charges de
l'union se détermine à raison des ressources et des forces par
lui apportées.
La majorité ne peut introduire aucun changement dans la
constitution fédérale dès qu'un seul membre s'y oppose. Mais
aucun ne peut empêcher non plus par son opposition l'exécu-
tion constitutionnelle des principes fédéraux, tant que l'union
subsiste. Plusieurs membres de l'union peuvent aussi, sans
violation de leurs devoirs, concerter entre eux et mettre à
exécution des mesures qui ne sont pas contraires à la con-
stitution fédérale et ne portent aucun préjudice aux autres
membres. Tel est le sens de la maxime applicable également
aux associations politiques: „in re pari potiorem esse prohibentis
causam.^^ ^
Dans les cas mêmes où l'on applique le principe de la
majorité des voix, les résolutions par elle décrétées ne peuvent
obUger les membres qu'autant qu'elles sont comprises dans les
devoirs fédéraux. A plus forte raison elle ne peut, sans le
consentement libre des co - intéressés , prendre des résolutions
* L. 28. D. communi divid. V. Ludolph. Hugo , De statu regionum
Gennan. (Fritsch, Exercit. juris. t III, p. 1 sxdv.) chap. 6 § 17. Il dit
toutefois, avec Topiiiion commune, ce qui suit: Quando aliquid commune
est ut universis, id ratum est, quod major pars statuent; quando vero
conlmune est ut singulis tune potior est causa profaibentÎB. Gail, De pignor.
chap. 20; Anton Faber in Cod. m, 26, defin. I, n. 7.
§ 94, DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 187
relatives aux rapports internationaux et indépendants de l'union.
Ces derniers sont compris sous la dénomination de „jura sin-
gulorum/^ dont la définition , depuis la paix de Westphalie
(Instr. Osnabr. V^ 52) surtout^ a toujours présenté des difficultés
sérieuses.'
Effets généraux des traités.^
§ 94. Tous les traités internationaux sont des contrats
,,bonae fidei.^' Us obligent non - seulement à tout ce qui a été
stipulé expressément; mais aussi à ce qui convient le mieux à
la matière du contrat et à la commune intention des parties
contractantes. C'est là l'esprit des conventions.* — Les enga-
gements contractés par le souverain au nom de l'État; dans
l'exercice de ses fonctions ; même ceux d'une nature mixte,
obligent ce dernier en entier et sont d'une nature réelle. Ils
continuent à être valables tant que l'État subsiste, même sons
une forme et sous une constitution différentes (§ 24), sauf les
modifications qui résultent du changement des rapports: la ces-
sation complète de ces rapports entraîne leur abrogation (§ 98).
Les engagements contractés par le chef de l'État et relatifs à
ses droits souverains, se transmettent régulièrement à tous ses
successeurs, car ils grèvent l'État lui-même: ses engagements
privés se transmettent à ses successeurs privés seulement, à
moins que, dans l'un comme dans l'autre cas, il n'ait promis
qu'un fait purement personnel.* Les traités publics réels qui
concernent les sujets et leurs rapports individuels, ont la même
^ Ab Ickstadt, Opnsc. t. IL, 1 — 5. Une définition semblable a été
faite pour la Confédération germanique par TActe final de 1880, art. 15.
y. Kliiber, Oeffentlicbes Becht des dentschen Bondes. § 129.
' Neyron, De ri foedemm inter gentes. Goetting. 1778.
8 V. Code N^. art. 1156 — 1158.
^ Les anciens antenrs, tels qne Grotins et Pufendorf (VIH, 9, 6), et
leurs disciples se sont livrés à ce snjet à de longues recherches. Depuis
lors les rapports entre le souverain et TÉtat ont été beaucoup éclaircis.
Vattel déjà (U, 12, § 183 suiv.) professe des notions exactes. La simple
mention du souverain , sans celle de FÉtat , ne change rien à Taffaire. On
pouvait demander avec raison si la sainte Alliance était un traité réel ou
personnel? D'après les explications données dès le commencement par
188 LIVKB PBEMIER. § 94.
autorité que les lois de TÉtat, s'ils ont été contractés et publiés
régulièrement. ^
Un traité public ne peut jamais avoir pour effet d'imposer
aux États ou aux souverains, représentants ou organes de la
justice, des obligations illicites (§83). Lors de son exécution
il faut procéder avec modération et avec équité, d'après la
maxime qu'on doit traiter les autres comme on voudrait être
traité soi-même. Il faut en conséquence accorder des délais
convenables, afin que la partie obligée subisse le moins de
préjudice possible. Â moins qu'il ne s'agisse de prestations
assujetties à certains termes fixes, l'exécution doit être précédée
d'une sommation préalable : c'est à partir de ce moment que la
partie obligée est mise en demeure et qu'elle est tenue à des
dommages -intérêts qui, en matière internationale, ont un carac-
tère semblable à celui qu'ils ont en matière civile.
Dans le livre n, qui traite du droit des actions, nous ex-
pliquerons quels sont les effets de la non - exécution des con-
trats internationaux.
Décidément un traité ne peut par lui-même ni profiter ni
nuire à de tierces puissances. Celles-ci, s'il leur fait éprouver
un préjudice direct ou indirect, peuvent prendre des mesures
conservatoires et réserver provisoirement leurs droits par une
protestation, laquelle toutefois ne préjudiciera ni à la validité
ni à l'exécution d'un traité régulièrement conclu entre les
parties intéressées.*
plusieurs gouvernements, Tidée d'un traité public devait en être exclue.
V. Wiener Jahrbûcher de 1822. t. IV. p. 93. Aujourd'hui il n'en est pks
question.
> Grotius II, 14. 9; II, 22. 5. de Neumann § 333. Pufcndorf Vil, 4. 1.
Hert, Opusc. n,3, p. 82.
* L'Église romaine et ses membres ont quelquefois protesté contre
les traités qui lui étaient nuisibles; p. ex. l'évêque d'Augsbourg contre la
paix de religion de 1555, Rome contre le traité de Westphalie, et plus
tard. Les États n'y ont pas toujours eu égard; l'Église aussi est assujettie
aux nécessités de ce monde.
§ 95. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 189
Interprétation et application des traités
par TOie d'analogie.
§ 95. En cas de doate, les traités s'interprètent d'après
Fintention conforme des parties:^ ultérieurement d'après ce que,
aux termes de la convention, Tune est présumée avoir promis
à l'autre, selon les règles de la^ bonne foi et de la logique.
Ainsi celui qui a stipulé n'a pas le droit d'exiger ce qui ne lui
a pas été promis distinctement:' ce qui n'a pas été rédigé claire-
ment, ne peut pas s'interpréter contre le souverain et la nation
obligés. Lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on
doit l'entendre dans le sens le moins onéreux.* lorsqu'on a
stipulé une chose générique (genus), on ne prendra dans le
doute qu'une qualité ordinaire et moyenne, ainsi qu'il a été
généralement établi en matière civile d'après les dispositions
du droit romam.* Ce qui découle des termes précis de l'enga-
gement comme une conséquence nécessaire, peut être exigé
comme y étant compris tacitement. Pareillement un traité
s'applique par voie d'analogie à des rapports nouveaux essen-
tiellement identiques, à moins que les parties, en contractant,
n'aient eu exclusivement en vue ceux précédenmient établis, ou
que, ces rapports ayant été changés, le traité n'ait perdu son
efficacité légale ou physique.^ — Les parties intéressées seules
ou l'arbitre par eux choisi peuvent naturellement donner aux
traités publics une interprétation forcément obligatoire: toutes
» V. Grotiua II, 16 et le commentaire de Cocceji; Pufendorf V, 12,
surtout Vattel II, 17, qui s'étend longuement sur Finterprétation des con-
ventions. V. aussi de Neumann, Jus princ. loc. cit. tit. 6. §221. Ruther-
ford, Instit. II, 7. Crome et Jaup, Germanien. Il, 2. 161. Pando p. 230 suiv,
Riquelme I, p. 192. Wildman I, p. 177. PhiUimore II, 79. Les propo-
sitions développées dans le texte du présent paragraphe s'expliquent par
ce qui a été dit au paragraphe précédent.
« Mably, Droit public. I, p. 59.
8 de Neumann § 225. Vattel § 277.
« L. 37. D. de legatis I.
« Grotius II, 16, § 20. 25. Pufendorf V, 12. 17. 20. Vattel H, 17, § 290.
296. 304. 305. H. Cocceji, De clausula: Rébus sic stantibus. La règle
ci -dessus expliquée s'appuie surtout sur la Loi 40 in fin. Dig. de pactis.
190 UYIS PBSMIEB. § 96.
les règles d'interprétation ne peuvent servir qu'à Tappui des
prétentions et des explications réciproques.
Sûretés données peur TotaeiTstioii des traités.^
§ 96. Afin de donner mix conyentionB intemationdes plus
de liCMroe et de solidité, différents moyens ont été employés tant
dans le monde ancien qae dans te monde moderne; En dehors
deA Bolennités rdigienses usitées antrefeis, auxquelles on a
r^iOBcé de nos jours,^ et des actes de reconnaissance destinés
& faire maûit^ur entre les parties eontractantes ou leurs suc-
cesseurs rautoriié des traités, noms indîquer(«s notamment les
mojmui suiranÉs:
I. Le sermmt, qui a pour but de eônsacrer, par la sanction
rdigieusey un engagement -conclu.*' D'un caractère purement
peivonnël, ea ce quil ne lie que la conscience de la partie
obUgée, il ne oonfère A l'antre partte d^autres droits que ceux
léraitant de l'engagement mteae. Q ne peut pas non plus légi-
timer des rapports iUciteSy ni foire cesser les droits acquis
d'un tiers. Mais il peut exelore les exceptions dent la partie
obligée aurait pu se servir relativement à ses promesses lors
de la prestation du serment
n. La constitution d'hypothèque, suivie surtout d'une mise
en possession réelle (§ 71).*
^ F. L. Waldner de Freondstem, De finnamentis conventionam publ.
GiesMD 1709 rt 17ô8. 0. F. Wtikr, De nodfi qui firmaudis pactionibus
p«blidg proprii sunt. Tindob. 1775. Yattd H, 16. « 2Sô suiv. de Nen-
maan I, tit TEL.
* de Neomanii % 241. 242.
• Grotius n, 13. Pufendorf IV, 2. de Neiunann tit VIII, se sont
livrés à de longues dissertations sur Tantorité du serment. Les principes
que nons adoptons sont cenx du droit canon, qui accorde au serment le
plus d'effets. Ils se retrouvent dans les traités dee auteurs et dans les
codes. V. Yattel § 225 suiv. Sur le ëeanoA employé JMMessoirément lors
de la conclusion des traités , depuis celui de V«fdua de 848 jusqu'à celui
intenrenu en 1777 entre la France et la Suisse, v. Klftber, Droit des
gens. § 155.
« V. des exemples dans aûnthar H, 153. KlAber i 156.
§ 96. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 191
m. La stipulation d'une clause pénale en cas de non-
exécution, clause qui ne rencontre d'autres restrictions posi-
tives que celles qu'imposent les principes généraux des con-
trats.^
IV. Le mode anciennement usité et connu sous le nom de
„jus obstagii."*
V. Les cautions, qui garantissent le remboursement de
créances.'
VL La remise d'otages, c'est-à-dire, de personnes livrées
au créancier et qu'il peut retenir jusqu'au moment où l'engage-
ment contracté envers lui sera rempli. Les otages sont volon-
taires ou forcés: ils ne répondent pas de l'engagement, ma»
tant que continue ce dernier, ils sont privés de leur liberté
personnelle, sans que toutefois, même après l'échéance de la
créance, le créancier puisse, d'après les lois des nations civi-
lisées, se livrer à leur égard à des actes arbitraires. — L'otage
volontaire pourvoit lui-même à son entretien, tandis que celui
de l'otage forcé est à la charge du débiteur. S'il s'enfaît, il
est restitué au créancier, et si l'on ne peut le retrouver, il faut
le remplacer par un autre; cette obligation toutefois n'existe
pas à l'égard de celui qui est décédé. L'engagement principal
une foiiâ éteint, il n'est permis de reteiiîr l'otage sous aucun
prétexte, si ce n'est à raison de ses propres faits ou engage-
ments.*
Vn. L'intervention de garants d'un traité, dont nous allons
nous occuper dans le paragraphe suivant.
^ Autrefois on connaissait encore les traités contractés sous la foi
d'honneur etc. de Neumann § 256 sniv.
* *de Neumann § 770.
s de Neumann § 779 suiv.
^ L'usag« de constituer éea otagea. s^est perdu dès le xti^ siècle: •&
en rencontre quelquefois encore de rares exemples en temps de gwnte
(v. § 148). Sur leur condition légale ▼. Grotius UI, 30. 52 suiv. Moser,
Vers. IX, 2 p. 457. de Neumann § 751 suiv. Vattel U, 16 § dll mif.
de Stock, Yersuche ûber versohiedene Gegenstande. 1772. p. 48. Pando
p. 227. Bîquelme I, p. 185 et les auteurs cités par d'Ompteda § 276 et
de Eampiz § 250.
192 MVBE PKEMIER. § 97.
tarants des traités.^
§ 97. On a souvent, dans les relations interaationales,
regardé Tintervention de garants comme un mode très - efficace
d'assurer Fexécution des engagements convenus, bien que les
faits en aient démontré Tinsuffisance. Anciennement les Seigneurs
faisaient intervenir leurs vassaux ou sujets comme garants
(warrandi, conservatores pacis) de leurs engagements.* Dans
les temps modernes les traités de garantie accessoire d'une
tierce puissance sont plus communs, traités par lesquels ces
dernières promettent de veiller par tous les moyens en leur
pouvoir à l'observation des stipulations contractées tant entre
les parties qu'n Tégard des étrangers. Ils ne sont qu'une
application des traités d'alliance décrits dans le § 92 ci -dessus,
au lien conventionnel formé entre deux ou plusieurs parties
principales.
Des garanties ne s'imposent pas, mais elles doivent être
acceptées librement par les parties intéressées.^
La garantie doit être certaine et acceptée par tous ceux
entre lesquels elle doit produire des effets. Elle ne résulte ni
d'un simple traité d'accession ni d'une médiation.^ De même
lorsqu'un traité est intervenu entre plus de deux parties, elles
ne sont nullement regardées^ comme mutuellement garantes des
^ V. les monographies citées par d'Ompteda § 276 et de Kamptz
§ 250; surtout H. Cocceji, Dissert, de guarantia pacis. Frcf. V. 1702. Mo-
ser, Vers. VIU. p. 335 suiv. de Neumann § 774 suiv. de Steck, Versuche.
1772. no. 5. Neyron, Essai sur les garanties. Goetting. 1777. Scheide-
mantel, Repertorium. Il, p. 156 suiv. Vattel n, 16 § 235 suiv. Kliibcr
§ 157. Pando 224. Wildraan I, p. 168.
* Les exemples du xvi* siècle sont cités par Leibnitz, Cod. jur. geut.
I, p. 8. Recueil des traités. I, p. 471. Klûber § 155 note c. L'exemple
le plus récent est celui du traité d'Aix-la-Chapelle de 1748: l'Angleterre
envoya alors le duc de Buckingham qui devait rester à Paris jusqu'à la
restitution du Cap Breton.
> L'acceptation d'un garant par l'un des contractants ne produit aucun
effet à l'égard des autres. Y. de Neumann § 792. 796.
* Cocceji loc. cit. IV, 13. de Neumann § 793.
^ C'est ce qu'on a voulu déduire du contenu ordinaire des actes de
ratification: mais ce ne sont que des déclarations émanées d'une seule
partie. Cocceji II, 3. Klûber § 158 b. c.
§ 97. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 193
stipulations particulières à chacune, à moins de clause expresse
à cet eflfet.
L'acceptation de la garantie s'eflFectue soit lors de la con-
clusion de la convention principale, soit par une convention
accessoire, soit par une simple déclaration réservée au tiers.
Elle est ou générale, lorsqu'elle comprend toutes les stipula-
tions d'un traité, ou spéciale, lorsqu'elle ne s'applique qu'à
certaines de ces stipulations; tantôt elle embrasse la durée
entière de la convention principale, tantôt elle comprend un
délai plus rapproché. Les effets de la garantie accessoire con-
sistent surtout dans la faculté donnée au garant dès qu'il est
requis par l'une des parties intéressées^ et que le cas prévu
se présente réellement de faire exécuter le traité conformément
aux principes internationaux. Le garant ne peut intervenir
sans être appelé: il ne peut donner à l'engagement principal
une explication ou interprétation différente de celle sur laquelle
les parties se sont entendues. Si elles ne se sont pas accor-
dées sur ce point, il doit accepter l'interprétation donnée par
la partie qui invoque son intervention. S'il diffère lui-même
d'opinion à ce sujet, il peut reftiser à celle-ci son assistance.
Mais lorsqu'il a été appelé par les deux parties, il jouit du
droit d'interprétation, à la condition de ne pas dépasser leur
intention commune.
Le garant ne peut empêcher ni des chang^nents du traité,
ni la résiliation de son engagement, sur lesquels les parties
principales se sont entendues, à moins qu'il ne figure dans le
premier comme partie co- intéressée.' De même la garantie
d'un traité récognitif et approbatif , conclu par les mêmes par-
ties, n'entraîne pas celle des dispositions particulières du traité
antérieur: elle ne porte que sur la validité de la reconnais-
sance, à moins que les parties contractantes n'en soient con-
venues autrement^
1 Les anteors sont d*accord sur ce point. V. Cocceji IV, 12. de Nen-
mann § 796 in fine. Vattel § 236.
« Wildman I, p. 169.
' Une question de cette nature a été provoquée par la paix de
Teschen. Y. les ouvrages en sens contraire cités par de Eamptz, Liter.
p. 81. no. ô suiv.
Heffter, droit intenuttioiial. 3« ëd. 13
194 UVEE PREMIER. § 98.
Résiliation des traités. — Exceptions.^
§ 98. D'après le droit international, un traité peut être
attaqué comme étant entaché de nullité, s'il manque d'une des
conditions essentielles indiquées au §83; notamment:
' pour cause d'impossibilité absolue ou même relative, connue
des deux parties, de l'engagement au moment où il a été
contracté;
pour cause d'erreur de fait, de nature à rendre impossible
une entente réelle entre les parties, soit que l'erreur porte
sur la substance de l'affaire , soit sur la personne de l'un
des contractants, soit sur l'objet même.*
Dans ce cas le traité n'a pas d'existence légale. — Un
traité peut en outre être attaqué par l'une des parties:
pour défaut de capacité;
pour cause de violence arbitraire, personnelle, exercée par
une puissance quelconque et qui a eu pour résultat la con-
clusion du traité;^
pour cause de fraude pratiquée par l'une des parties et qui
a déterminé le consentement de l'autre.
Dans ces cas, la validité du traité ne peut être attaquée
que par la partie même qui en a été la victime.
La partie obligée peut également refuser l'exécution de
l'engagement contracté:
dans le cas d'une impossibilité survenue et durable, bien
que relative, de le remplir, notamment dans le conflit
avec ses propres devoirs, a,vec les droits et le bien-être
^ Chr. Otto van Boeckelen, De exceptionibos tacitis in pactis pnblicis.
Groen. 1730. van Bynkershoek, Quaest. jur. publ. II, 10. Fr. Platner, De
exceptionibus necessarîis juris publ. Lips. 1764. Rofsmann, dans: Sieben-
kees, Jaristiscbes Magazin. I, no. 4. C. H. Breoning, De cansis jnste solati
foederis. Lips. 1762. C. E. Wâcbter, De modis tollendi pacta inter gentes.
Stuttg. 1779.
« V. les observations de Savigny, System des hentigen rômiscben
Rechts. III, § 115. 135 suiv. et p. 354. V. aussi de Neumann § 183.
« N. H. Gundling, De efficientia metus in promissionibus liberaruni
gentium etc. Hal. 1711 et Exercitat acad. II, no. 2. Le traité obtenu le
19 août 1742 par la flotte anglaise à Naples, fournit un exemple d'un
traité arracbé par la violence.
§ 98. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 195
du peuple ou les droits de tiers, alors surtout que ces
droits existaient déjà avant le traité. Mais elle sera tenue
à des dommages - intérêts , si, lors de la conclusion du
traité, elle avait connaissance de cette impossibilité.^
Eîlle peut refuser encore Texécution de rengagement con-
tracté,
à cause d'un changement des circonstances survenu depuis
la conclusion du traité et non prévu, lorsque, d'après
l'intention évidente des parties, elles en formaient la con-
dition tacite. Les nations et les souverains ne sont pas
maîtres de leurs destinées au même point qu'ils le sont de
celles de leurs membres ou sujets. Il est donc indispen-
sable d'admettre la condition implicite: „ rébus sic stan-
tibus", dans le sens qui vient d'être indiqué.*
H faut regarder comme un changement semblable celui
qui ne permettrait pas à l'État obligé de maintenir sa position
politique antérieure et qui le placerait dans une condition
d'infériorité vis-à-vis des autres, infériorité qui n'existait pas
lors du traité et qui n'était pas dans l'intention des contractants.
Un changement pareil a lieu encore lorsque l'événement ou les
circonstances qui ont motivé l'engagement contracté, ne se sont
pas réalisés ou ont cessé d'exister; lorsque, par exemple,
l'alliance de famille qui a formé la condition tacite d'une alliance
politique, a été rompue.*
Lorsque l'impossibilité d'exécution on le changement des
circonstances ne concerne qu'une partie du traité, on peut en
exiger seulement une modification partielle, mais aucunement
la résiliation entière. Il y aurait lieu à l'application de ce
principe dans le cas d'union réelle d'un État jusqu'alors indé-
pendant avec un autre, ou de sa soumission à un autre sous
la forme d'un protectorat; de la perte d'une partie de son
territoire etc*
> y. de Neumann § 177. Ki^herJ^^U. 164 note c. Br^nning à Ten-
droit cité § 4. 10.
> y. surtout Sam. Coccejl, De clausula: Bebus sic stantibus, et Elfi-
ber § 165 note a.
8 y. aussi SchmeMng § 403.
* y. yattei n, § 204.
13*
196 LIVRE PREMIER. § 99.
.D est enfin incontestable que si Tune des parties con-
tractantes refuse positivement de remplir ses engagements, en
dehors d'un des motifs indiqués ci -dessus pour faire modifier
le traité, il est permis à l'autre /de s'en affranchir également,
lors même que le refus ne porterait que sur un seul point ou
sur une seule disposition. Car l'accord complet sur tout ce qui
a été convenu forme la base de tout traité, et la violation d'une
seule disposition fait craindre celle de toutes les autres et
entraîne un état d'incertitude.^
Toutes les exceptions indiquées ci -dessus peuvent au sur-
plus être écartées soit par une renonciation préalable, soit par
une confirmation expresse ou tacite d'un traité naturellement
possible, et surtout par son exécution volontaire après que
l'obstacle qui s'opposait à sa validité a cessé.
Extinction des traités.^
§ 99. Les traités s'éteignent de plein droit:
par leur exécution complète, lorsqu'ils n'ont pas pour objet
des prestations permanentes, mais des actes qui s'accom-
plissent d'une seule fois;^
1 y. dans le même sens Grotius II, 15, 15. Mably, Droit des gens.
I, p. 164. Vattel II, 200 suiv. Klûber § 165, note c, où Ton trouve l'indi-
cation des principaux ouvrages; Schmelzing § 407. Wildman I, p. 174.
Martens distingue entre les articles principaux et accessoires (droit des
gens § 59). Cette distinction est trop arbitraire, attendu qu'elle est laissée
à l'appréciation individuelle. V. Vattel, à Tendroit cité. Quelquefois il
est réservé expressément dans les traités qu'en cas de violation il faudra
faire une tentative de conciliation aimable. Traité de Westphalie art. 17,
§ 5. Traité d'Oliva art. 35, § 2. Traité conclu en 17^6 entre le Danemark
et Gênes. Wenck III, p. 103, celui conclu en 1843 entre la France et
l'Ecuador. N. R. S. V, p. 415. Traité de Paris conclu en 1856, art 8.
* Outre les ouvrages cités au § 98 on peut consulter les suivants:
Leonh. de Dresch, Ueber die Dauer der Vôlkervertrage. Landshut 1808.
E. W. de Troltsch , Versuch einer Entwickelung der Grundsàtze , nach wel-
chen die Fortdauer der Vôlkervertrage zu beurtheilen. Landshut 1809.
Mably, Droit public. I , p. 165 suiv.
^ Si le traité n'est pas valable et qu'il n'ait pas été librement exécuté,
il y a Ueu à restitution. V. Vattel II, 192.
§ 99. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 197
par Faccomplissement d'une condition résolutoire et par
rexpiration du terme prescrit;
par une renonciation expresse de la partie intéressée;^
par la résiliation mutuelle d'un traité bilatéral, pourvu qu'elle
ne puisse pas être empêchée par un tiers;*
par l'anéantissement complet de la chose qui forme l'objet
du traité, pourvu qu'il n'ait été occasionné par la faute
d'aucune des parties;
par le décès de la partie intéressée ou obligée, sans que
personne succède de plein droit ou d'après les règles de
l'analogie des traités dans leurs prétentions et leurs obli-
gations respectives.'
Enfin une guerre générale, non partielle, survenue entre
les parties contractantes, est une cause sinon entièrement ex-
tinctive, du moins suspensive des effets d'un traité, à moins
qu'il n'ait été conclu expressément en prévision et pour la
durée de la guerre. Nous justifierons cette proposition dans le
livre suivant, lorsque nous examinerons le caractère légal de
la guerre.*
Un traité éteint peut être renouvelé par le consentement
commun, exprès ou tacite des parties contractantes. Le traité
ainsi renouvelé devient seul obligatoire pour l'avenir, et il est
soumis en général aux règles et aux conditions des traités ordi-
naires. Le renouvellement tacite ne peut donc résulter que
d'actes manifestes établissant d'une manière incoptestable l'inten-
tion des parties de faire revivre l'ancien traité dans toutes ses
dispositions. En dehors de ce cas l'exécution continuée d'un
engagement éteint, du consentement du créancier, n'est regar-
dée que comme un fait isolé. ^
^ Le contractant n'est pas tonjonrs libre de renoncer à ses droits,
ainsi que Tobserve très -bien de Nenmann § 395.
« Vattel n, 205.
s A cet effet on distingue entre Jes traités réels et personnels.
V. § 24. 25. 53.
^ V. en attendant les ouvrages cités par Elûber § 165 note a, ainsi
que Wheaton, Intem. Law. m, 2. § 8. Wildman I, p. 176 et § 122 et 181
ci -après.
^ y. Frédéric de Martens, Ueber die Emeuerung der Yertrâge in den
Friedensschlûssen der europàischen Machte. Goeti 1797.
S
198 LIVRE PREMIER. • § 100.
SECTION II.
ENGAGEMENTS ttUI SE FORMENT SANS
CONVENTION.
!• Faits licites.
§ 100. Certains actes et certains rapports produisent dans
le droit public, en dehors des conventions et d'une manière
analogue aux quasi -contrats du droit civil, des effets pareils à
ceux des traités.^ Nous les comprenons dans les deux caté-
gories suivantes:
I. Obligation unilatérale,
laquelle résulte de l'acceptation volontaire d'un payement ou
d'une prestation faite par erreur ou dans un but déterminé
et licite qui n'a pas été atteint, et en général dans les cas
où le droit civil admet une condiction „sine causa";*
n. Obligation bilatérale de reddition de compte et d'indem-
nité réciproques. Elle résulte:
1** de toute gestion d'affaires faite utilement pour un autre,
sans opposition de son côté;*
2° de l'acceptation et de la gestion d'une tutelle de personnes
souveraines, lorsque, par exemple, la régence d'un pays, par
suite de la minorité ou de l'incapacité de son souverain,
a été déférée à un prince ou à une république étrangers ;
^ La plupart des auteurs gardent le silence sur cette matière. Plu-
sieurs anciens auteurs ont nié tout- à -fait Texistence d'engagements sem-
blables. Mais il est impossible de regarder dans le droit public comme
une chimère ce que les Codes et la jurisprudence des nations civilisées
admettent comme valable dans les engagements privés. Y. de Neumann,
Jus Princ. Priv. de pact. et contract. § 824 suiv. Il ne peut y avoir aucun
doute sur les principes , mais seulement sur les points où les Codes varient
entre eux. Il est vrai que les cas d'application se présentent assez rare-
ment dans la pratique des nations.
2 C'est une application des principes du droit romain. V. de Savigny,
System. § 218 suiv.
^ Non pas de ce qu'on appelle un emploi utile, ayant eu pour effet
d'enrichir une partie aux dépens de l'autre, ainsi qu'on l'a déduit de la
disposition de la Loi 206. D. de Reg. juris; v. p. ex. TouUier sur le Livre III,
tit. 4. chap. 1. 5. du C. N. § 20. 112.
§ 101. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 199
3** d'une communauté accidentelle (communie rei vel juris),
par exemple, lors d'une succession échue à plusieurs États
ou souverains, ou lors de Tacquisition d'une chose en
commun, sans que les dispositions des lois civiles d'un
pays puissent être appliquées.
n faut recourir dans ces cas aux principes expliqués ci-
dessus, relatifs aux traités d'association, savoir à celui de
l'égalité des droits et des charges, à moins que la proportion
n'ait été réglée d'avance; à celui de la jouissance libre de
la chose par chacun des coïntéressés , pourvu qu'ils ne s'entre-
nuisent pas ; enfin au principe qui défend de disposer arbitraire-
ment de la chose entière sans le consentement JÊi autres,
en restreignant cette faculté à la portion respective de chacun.
La dissolution de la communauté ne peut s'opérer que par voie
de traité ou accidentellement.
2. Faits ilUcites.'
§ 101. Le droit international n'admet pas à la vérité
l'existence de crimes dans la signification expliquée par le
droit public interne, c'est-à-dire, celle de faits ou d'omissions
que puissent atteindre les lois répressives et dont il faille
répondre devant les autorités compétentes. Mais il regarde
comme faits illicites ou comme lésions les atteintes portées sans
motifs légitimes aux droits fondamentaux des personnes par
lui sauvegardées, notamment à leur liberté, à leur honneur et
à leur propriété. Toute lésion semblable oblige Fauteur à la
réparer: car les lois étemelles de la justice veulent que Tordre
social soit rétabli chaque fois qu'il a été dérangé par une
iniquité quelconque.
1 La plupart des antenra gardent encore le silence sur cette matière
importante. Grotias II, 20. 21 s'est renfermé dans les généralités, ainsi
que Pnfendorf III, 1. Monographies: J. P. de Lndewig, De juris gentinm
laesionibns. Hal. 1741. (Obseirat. selectae Halenses VIII, obsery. 6. 7.)
de Nenmann i. W., De delidds et poenis principnm. Frcf. ad M. 1753,
qui pourtant ne s'occupe que des rapports du ci -devant Empire ger-
main. Quelques remarques sur cette matière so trouvent chez Wildman
I, p. 199.
200 LIVBE PKEMIER. § 102.
La réparation consiste dans Tindemnité offerte à la partie
lésée dans les limites de l'équité. Le premier élément de son
appréciati(m est le dommage on préjudice matériel, c'est-à-
dire, celui qu'on peut extérieurement reconnaître et apprécier;
le second est le préjudice moral souffert par le lésé dans sa
dignité et sa considération. L'atteinte portée aux droits de
la personne lésée du moins aura toujours besoin d'être réparée
par des actes ou prestations équivalents , qui lui serviront
d'indenmité du préjudice souffert dans l'intégrité de ses droits :
des explications suffisantes, une amende honorable, des garan-
ties pour l'avenir sont des moyens usités en pareil cas-i
Âutremeilt l'offensé pourra se faire justice lui-même et cher-
cher à obtenir par la force une satisfaction A^iiitable, propor-
tionnée à la lésion subie par lui.' Â l'excepàon de plusieurs
actes également hostiles aux droits généraux des nations et de
nature à être réprimés par toutes (§ 104 ci -après), la partie
lésée ou ses successeurs ont ordinairement seuls le droit d'exi-
ger une réparation de l'offense. Le caractère des personnes
et les rapports généraux établissent à ce sujet les distinctions
suivantes.
§ 102. Lorsqu'un État ou son souverain a été lésé dans
ses droits personnels et internationaux par une autorité étran-
gère placée en dehors de sa juridiction, il peut exiger non-
seulement, par voie de réclamation, une satisfaction, mais
encore il pourra, si elle lui est refusée, chercher à l'obtenir
par la force. Cette satisfaction les États puissants mêmes ne
la reftisent ordinairement pas à de plus faibles, auxquels ils
ont causé des torts réels. La réparation consiste soit dans une
1 y. le paragraphe suivant.
> Le droit de talion, qui forme Textrême limite de la justice, n'est
pas approuvé par la morale. Sous ce rapport, les principes du droit public
sont ceux du droit criminel. Y. déjà Augustinus Exposit Psalmi 108
(c. 1. 0. 23. qu. 1) „reddere mala pro malis propinquum malis; convenit
tamen et bonis. Unde et lex modum ultionis statuit: Oculum pro oculo.
Quae, si dici potcst, injustorum justitia est, non quia iniqua est ultio
quam lex statuit, sed quia vitiosa est libido ulciscendi." V. Yattel D, 51.
52. 339. Le talion ne peut être regardé comme représaille nécessaire que
vis-à-vis des peuples sauvages ou barbares.
§ 102. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 201
indemnité da dommage matériel , soit dans Tenvoi d'ambassades
et dans des explications solennelles.*
Le principe d'exterritorialité s'oppose à la vérité à ce que
les infractions commises par un souverain étranger aux lois du
territoire où il se trouve passagèrement, puissent être déférées
à la juridiction criminelle ordinaire. Néanmoins l'État offensé
est en droit non- seulement d'arrêter au besoin par la force une
tentative criminelle, mais encore, lorsqu'elle est devenue un fait
accompli, de s'emparer de l'offenseur et de Je retenir jusqu'au
moment où il aura obtenu une réparation. Q pourrait même
répondre à un attentat dirigé contre son existence et son inté-
grité, par une déclaration de guerre.* i?
Gela s'applique également aux représentants diplomatiques
d'une puissance étrangère, lesquels, à l'abri de leur caractère
exterritorial, commettent des crimes dans le territoire de l'État
où ils sont accrédités,^ peu importe d'ailleurs que ces crimes
^ L'histoire moderne fournit des exemples nombreux de réparations
accordées pour injures ou lésions. En voici quelques-unes:
1662 entre TEspagne et la France, pour droits de préséance violés.
Ch. de Martens, Causes célèbres. II, p. 391. Schmauss, Corp. Jur. Sent.
I, p. 760. Gunther I, p. 233. 235.
1685 entre Gênes et la France, de Martens, loc. cit. U, p. 399.
1687 entre TAngleterre et TEspagne. de Martens, Nouv. Caus. cél. II, p. 497.
1702 entre Venise et la France, de Martens, Causes cél. U, p. 405.
1709 entre l'Angleterre et la Russie, après que T Ambassadeur russe eut
^té offensé à Londres. Ibid. I, p. 47.
1752 entre la Suède et la Russie. Ibid. U , p. 414.
1785 entre les Pays-Bas et l'empereur d'Allemagne, le pavillon de ce
dernier ayant été offensé sur l'Escaut. Ibid. H, p. 271.
y. aussi Wicquefort, l'Ambassadeur. I, sect. XXVII. Dans les temps les
plus récents ce sont les violations des droits des neutres sur mer qui sont
les causes les plus fréquentes de réclamatioBB.
* V. surtout Bynkershoek, De jud. comp. leg. chap. III. Huber, De
jure civitatis. I, 3. 3. 1. Thomasius, Jurisprud. divina. UI, 9. 76. Ward,
Enquiry. H, p. 485.
' Comparez § 214 ci -après. L'histoire des siècles précédents en fonr-
nit des exemples nombreux. V. Wicquefort, l'Ambassadeur. I, sect. 27 — 29;
Ward, loc. cit., Merlin, Répertoire, m. Ministre public. V, § 4, n. XII. XHL
Sur les affaires des comtes Ghillenborg, de Goertz, de CeUamare (1717.
1718) Ch. deMartens, Causes célèbres. I^^p. 75. 179. Bynkershoek^ loc cit.
chap. XVU— XX.
202 LIVKE PREMIER. § 103.
soient le résultat d'un mouvement spontané ou d'un ordre de
leurs gouvernements.^
S'il existe entre deux États des rapports de suzeraineté,
les infractions commises par l'État inférieur envers le suzerain
peuvent en outre présenter le caractère de félonie. D faut néan-
moins convenir que les progrès des moeurs et l'influence de
l'opinion publique ont en général ôté aux questions de cette
nature une grande partie de leur intérêt pratique.
§ 103. En cas de lésions commises envers un État ou ses
sujets, soit par un particulier, soit par l'agent d'un gouverne-
ment étranger, sans l'aveu de ce dernier, il faut distinguer
encore scelles se sont passées sur son territoire ou au dehors.*
Dans le premier cas elles tombent sous l'appEcation des lois
pénales et sont déférées aux tribunaux de ce pays, pourvu que
le coupable ait continué à y résider ou y ait été arrêté (§ 36).
Dans le second cas le gouvernement oflFensé peut seulement for-
mer une réclamation auprès de celui auquel est soumis le cou-
pable, pour obtenir soit une réparation suffisante par des voies
civiles ou criminelles, soit son extradition, soit toute autre satis-
faction conforme à ses intérêts.^ Car il est impossible que des
États amis qui reconnaissent entre eux l'existence d'un droit
commun (ce que nous avons appelé une „dikéodosie"), refusent,
en cas de violations de leurs droits fondamentaux, soit poli-
tiques soit civils, de s'accorder mutuellement une réparation
suffisante. Autrement si une demande semblable et bien établie
pouvait être arbitrairement repoussée, le droit lui-même serait
dépourvu de toute réalité ou raison d'être. H est vrai, ainsi
que nous l'avons déjà observé plusieurs fois, qu'une obligation
commune à tous les États de réparer les oflFenses commises entre
eux, ne peut être soutenue qu'à l'égard de ces droits primor-
diaux auxquels on attribue partout la même valeur et la même
* Thomasius à Fendroit cité: ,,Illud auteni absnrdum, quod qnidam
arbitrantor impune licere legato exequi quidquid sibi a principe est man-
datum" cet.
* Autrement il faudrait comprendre le cas sous le § 102. Le gouverne-
ment devra toujours manifester sa désapprobation d'une manière expresse.
Yattel II, p. 338 cite un exemple relatif à la France et à la Sardaigne.
» V. Vattel n, 71—78. Grotius H, 17, 20. Wildman loc. cit.
§ 104. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA PAIX. 203
nécessité; — non pas de ces rapports accidentels auxquels les
lois particulières des différents États seulement donnent leurs
formes et leur signification, peu importe d'ailleurs Tanalogie
qu'elles présentent à ce sujet. ^
Violations du droit international réprimées partout.
§ 104. Toute négation réelle et absolue des droits des
hommes et des nations, tout attentat d'un caractère général on
spécial dirigé contre eux, lorsqu'il s'est manifesté par des actes
extérieurs et par des moyens propres, constitue une violation
du droit international, une offense envers tous les États qui
obéissent aux mêmes lois morales, de nature à être réprimée
par leurs efforts communs. Parmi ces violations on comprend
notamment les cas suivants:
une tentative sérieuse d'établir un empire universel sur les
ruines des États particuliers ou sur le territoire commun à
tous, la haute mer (§ 16. 29 in fine, 74 ci- dessus):
des violations des droits sacrés d'ambassadeurs, dont le main-
tien est une base essentielle des rapports internationaux;^
le refus de faire droit à des prétentions universellement
admises;^
l'adoption de principes contraires aux droits de tous et mis
en avant vis-à-vis d'un seul État;*
les empêchements et troubles apportés au commerce libre des
nations sur la haute mer et sur les routes de terre géné-
ralement accessibles.
La piraterie est une espèce particulière qui consiste dans
l'arrestation et dans la prise violente de navires et des biens
qui s'y trouvent, dans un but de lucre et sans justifier d'une
commission délivrée à cet effet par un gouvernement respon-
* V. § 32 ci - dessus.
> Lors de violations semblables tous les membres du corps diploma-
tique premient fait et cause pour le membre o£fensé, soit spontanément,
soit après y avoir été invitée. Des exemples dans Ch. deMartens, Causes
célèbres. I , p. 83. 220.
» Vattel II, § 70.
* Vattel n, § 53.
204 LIVRE PREMIER. § 104.
sable.' Elle est regardée comme un acte d'hostilité flagrante
contre Thumanité entière, dès qu'elle a reçu un commencement
d'exécution ou dès qu'elle a été constatée d'une manière suffi-
sante. Les pirates qui sont surpris en flagrant délit et qui ont
fait usage de leurs armes, encourent la peine capitale et sont
justiciables d'après les lois de l'État par lequel ils ont été
arrêtés.*
En supposant que l'abolition de l'esclavage des nègres fût
un principe adopté par toutes les nations Européennes, et qu'il
eût cessé de jouir de toute protection, le transport maritime des
noirs deviendrait un crime attentatoire aux droits communs de
l'humanité. En attendant ce résultat, les nations qui ont pro-
scrit l'esclavage, ne peuvent qu'offrir un asile aux esclaves
réfugiés sur leurs territoires, en refusant leur extradition à des
maîtres dénaturés et en leur restituant un bien dont ils ne pou-
vaient être dépouillés.
* Sur la définition de la piraterie v. § 7. Wheaton, Intem. Law. II, 2.
§ 16. Wildman I, p. 201. Eiquelme I, p. 237. Loi française du 10 avril
1825. V. Ortolan , Règl. internat. I , p. 250 suiv. Phîffimore 1 , 379.
^ Déjà dans le monde ancien la peine capitale était la peine régu-
lièrement prononcée. Cicéron, Verrines. V, 26. Au moyen âge on noyait
les pirates. Leibn. , Ood. jur. gent. , document 124. Sauf le cas d'attaque,
les sujets d'un État n'ont pas le droit de procéder à Texécution de pirates.
Loccenius, De jure marit. Il, 3. 9. Valin (ordonn. de 1681) III, 9. 3. p. 236.
Ortolan I, p. 254.
LIVRE DEUXIÈME.
DROIT FACTI05S ET DE &TJERRE.
Chapitre P'-
DES CONTESTATIONS INTERNATIONALES ET DES
MOYENS DE LES VIDER
Leurs causes.
§ 105. Les contestations naissent en général entre les
nations de prétentions quelconques dont la solution n'est pas de
la compétence des tribunaux ordinaires ou éprouve des difficultés
suscitées arbitrairement par quelque pouvoir public aux parties
en litige. Elles ont tantôt pour objet des réclamations réciproques
de souverains, tantôt des prétentions formées par des particuliers
contre un gouvernement ou contre des siyets étrangers lorsque
le gouvernement des rédamants, en défenseur des intérêts violés
de ses sujets, qu'il représente naturellement, prend fait et cause
auprès du gouvernement étranger. Mais s'il peut intervenir
ainsi en faveur de ses regnicoles, il ne jouit pas d'une faculté
semblable à l'égard des sujets étrangers. Il ne pourra inter-
venir régulièrement en leur faveur que dans les cas indiqués
aux §§ 45 et suiv.
Différents modes dont peuvent être terminées
les contestations.
§ 106. Les contestations internationales sont privées en
général de toute autre garantie que celle que donnent la force
de la vérité et la puissance matérielle des parties en litige.
206 LIVRE DEUXIÈME. § 107.
Elles n'ont d'autre for que la bonne foi et Topinion publique.
C'est donc aux parties elles-mêmes à s'entendre sur le mode
le plus convenable pour le règlement de leurs différends, et si
elles n'y réussissent pas, à aviser aux moyens les plus propres
pour soutenir ou pour faire triompher leurs prétentions respec-
tives. Le dernier ou le moyen extrême, propre à sauvegarder
des droits méconnus ou violés, c'est l'emploi de la force. Tantôt
d'un caractère purement passif, elle cherchera à repousser
l'agression; tantôt, agressive à son tour, elle s'efforcera d'ob-
tenir la réparation refusée.^ Dans le premier cas elle se con-
tentera de repousser l'attaque et d'en empêcher le retour, dans
le second elle ne déposera les armes qu'après avoir obtenu
H une pleine satisfaction. Pour atteindre ces fins, il est permis
même de détruire l'ennemi; mais c'est une extrémité qu'il ne
faut jamais regarder comme le but direct de la force légitime.
Elle doit s'appuyer en même temps sur des causes légitimés,
et, hors le cas de nécessité, elle ne pourra dépasser son but.
Autrement l'agression et la défense cessent d'être justes et légi-
times , lorsque surtout , au lieu de formuler les griefs et de les
justifier, on recourt immédiatement à l'emploi de la force, sans
qu'il existe aucun péril imminent. Car c'est la nécessité seule
qui en fournit la justification.
Tentatives amiables.
§ 107. Les moyens propres à convaincre la partie adverse
de ses torts et à l'amener à la conciliation, auxquels il faut
recourir dès qu'il n'existe aucun danger imminent, sont les
suivants :
premièrement, des négociations diplomatiques entamées avec
la partie adverse ou avec une puissance tierce qui peut
réussir à faire entendre sa voix conciliatrice dans le litige.
A cet effet les pièces et les titres de nature à éclaircir les
débats lui seront communiqués;
secondement, un appel directement fait à l'opinion publique,
à laquelle sont livrés les documents et les pièces justifica-
* V. les articles de Wurm dans le Staats-Lexicon, t. XII, p. 111 suiv.
et dans la Deutsche Yierteljahrâschrift de 1858.
§ 108. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 207
tives qui concernent le litige, après que les négociations
n'ont abouti à aucun résultat satisfaisant et qu'elles ont été
rompues;
troisièmement, une médiation internationale préalable et paci-
fique, opérée dans le sens de Tart. 8 du traité conclu à
Paris le 30 mars 1856, soit par les bons offices,^ soit par
la médiation d'une tierce puissance acceptée par les parties
en litige.
Ce dernier mode est le plus efficace. Car l'intervention
d'une puissance médiatrice fait de plein droit suspendre les
hostilités, tant que ses fonctions ne sont pas terminées. De
simples offices d'amitié au contraire n'ont qu'une importance
purement morale (§ 88).
Lorsque les droits d'une partie ne sont nullement menacés
d'une manière sérieuse, une protestation ou de simples réserves
suffiront pour garantir contre toute fausse interprétation ses
actes ou l'inactivité observée par elle, pourvu que les réserves
ne soient pas en opposition avec la situation réelle des choses
ou avec les propres actes de la partie (protestatio facto con-
traria).
Moyens d'entente particuliers sur certains points
litigieux.
§ 108. Lorsque certains rapports, quoique établis d'une
manière générale, ont cependant besoin d'être fixés d'une ma-
nière définitive , comme par exemple, lorsqu'il s'agit de la déli-
mitation des terres restées dans l'indivision, il faudra, dès que
les parties ne peuvent se mettre d'accord sur leur partage,
recourir à la voie impartiale du sort ou de l'arbitrage. Le sort
surtout se prête parfaitement à certaines éventualités, soit que,
par la division de l'objet litigieux , il en attribue leur part aux
divers intéressés, soit qu'à un état de choses incertain et con-
testé il fasse succéder une situation définitive ou seulement
temporaire. Souvent on l'a employé pour mettre un terme aux
1 Comparez le protocole des plénipotentiaires réunis en 1856 à Paris,
du 14 avril.
208 LIVRE DEUXIÈME. § 109.
contestations nées du partage des souverainetés ou des questions
de préséance.^ Tout ici dépend naturellement des conventions
des parties. Même le duel, qui n'est autre chose que le sort
des armes, a été quelquefois proposé, mais rarement accepté à
ce titre, et sans que par là on ait réussi toujours à terminer
le litige.^ Rien en effet ne peut le justifier au point de vue
légal, puisqu'il peut favoriser le coupable. C'est la soumission
à un arbitrage qui restera toujours la voie la plus équitable,
quoiqu'elle ne réussisse pas toujours à mettre un terme aux
contestations internationales.
Compromis.'
§ 109. Les contestations entre deux États peuvent être
soumises à la décision d'une tierce puissance par un compromis
régulièrement intervenu entre les parties intéressées, d'après les
règles des conventions publiques. Le compromis a tantôt pour
objet l'exécution d'une mesure antérieurement arrêtée entre les
parties (arbitratio), telle qu'une délimitation ou partage d'après
certaines règles proportionnelles;^ tantôt il a pour but la déci-
sion d'une affaire au fond suivant les principes de l'équité et
de la justice. — L'acte de compromis énonce le mode dont il
sera procédé, mais il ne contient pas nécessairement une clause
pénale en cas de non - exécution.
* V. Ch. Fr. de Moser, dans: Schott, Jurist. Wochenblatt. Jahrg. III,
p. 615 suiv.
> y. des exemples empruntés à Thistoire ancienne dans Pet. Mûller,
De duellis principum. Jenae 1702. Ward, Enquiry. II, p. 216 suiv. On se
rappelle le cartel envoyé «en 1611 par Charles, roi de Suède, au roi Chré-
tien rV de Danemark et par le roi Gustave IV à Tempereur Napoléon I.
Sur le duel proposé par François I à Charles -Quint en 1528 v. Vehse,
Geschîchte des ôsterreichischen Hofes. 1852. I, p. 168 suiv.
" y. en général Abr. Gerh. Sam. Haldimund, De modo componendi
controversias inter aequales et potissimum de arbitris compromissariis.
Lugd. Bat. 1738. Welcker, Staats-Lexicon. t. XI, p. 778.
* Cette distinction entre le cas mentionné ci -dessus et celui d'arbi-
trage proprement dit, est due à la doctrine de procédure civile. Nous la
regardons comme étant fondée sur la nature des choses. Y. de Neumann,
Jus principum privât, t. VIII , § 1 et suiv.
§ 109. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 209
Les arbitres choisis sont ou des personnes privées, mode
autrefois d'une application très - fréquente , ou des souverains.*
Celles-là ne peuvent pas régulièrement se faire représenter dans
Texercice de leurs fonctions, tandis que ces derniers délèguent
ordinairement Texamen de l'affaire à des juges spéciaux ou à
leurs conseils privés, en sorte qu'ils n'interviennent d'une ma-
nière directe que pour prononcer la sentence définitive.*
Lorsque plusieurs arbitres ont été nommés, sans que leurs
fonctions respectives aient été déterminées d'avance, ils ne
peuvent, suivant l'intention présumée des parties, procéder
séparément.' En cas de désaccord entre eux, l'avis de la
majorité doit prévaloir, conformément aux principes de la pro-
cédure ordinaire. Si les voix venaient à se partager ou à offrir
une divergence absolue de vues, il appartiendrait aux parties,
pour vider la difficulté, d'y pourvoir ultérieurement; sinon, le
compromis serait sans effet. Le droit romain à la vérité auto-
risait les arbitres élus à nommer un tiers arbitre:^ mais cette
disposition positive purement civile n'a été admise d'une manière
générale ni dans les codes modernes ni dans la jurisprudence
internationale.
Lorsque le mode de procéder n'a pas été déterminé d'avance,
les arbitres ont la faculté de fixer un délai pendant lequel les
parties seront tenues de produire leurs moyens et leurs défenses
respectifs. Après que cette production a eu lieu, ils peuvent
procéder à la prononciation de la sentence.^
L'arbitre ne dispose d'aucun moyen d'exécution.
Le compromis finit par de nouveaux engagements inter-
venus entre les parties en litige, par l'expiration du délai sti-
pulé, par le décès ou l'empêchement de l'arbitre, enfin par la
1 Hellfeld dans Struv., Jurisprud. heroica. chap. I, § 21 suiv. 77.
de Neumann , loc. cit. chap. 12 et 13.
* de Neumann, loc. cit. t. VIII, § 18.
* V. Ijoi 17 in fine. Loi 18 D. de receptis. La disposition contraire
du droit canon , contenue au chap. 2 de arhitrio in VI , est inadmissible en
matière internationale.
* Loi 17. § 5. 6. D. de receptis. Contra Code de proc. français
art. 1012. 1017.
^ Loi 27. prim. 1. 49. § 1. D. de receptis.
Heffter, droit international. Se ëd. 14
210 LIVRE DEUXIÈME. § 109.
sentence même, qui a, entre les parties, l'autorité d'une trans-
action régulière. Sous ce rapport les dispositions du droit
romain, relatives à la validité des sentences arbitrales, conçues
dans un esprit trop étroit, ont fait place aux règles plus larges
du droit moderne. C'est ce qu'il faut dire notamment de la
disposition romaine qui, dans le cas où une clause pénale avait
été stipulée, affranchissait la partie défaillante des effets de la
sentence, lorsqu'elle payait la somme promise.^
La décision arbitrale est susceptible d'être attaquée dans
les cas suivants:
1** Si elle a été rendue sans compromis valable ou hors des
termes du compromis;
2° si elle l'a été par des arbitres absolument incapables;
3^ si l'arbitre ou l'autre partie n'a pas agi de bonne foi;
4"" si les parties ou l'une d'elles n'ont pas été entendues;
5° s'il a été prononcé sur choses non demandées;
6"" si ses dispositions sont contraires d'une manière absolue
aux règles de la justice , et ne peuvent par conséquent
former l'objet d'une convention (§ 83).
De simples erreurs au contraire qui peuvent être reprochées
au contenu de la sentence, lorsqu'elles ne sont pas le résultat
d'un esprit partial, ne constituent point une cause de nullité.*
Néanmoins une erreur de calcul et, dans l'engagement décrit
ci -dessus et connu sous le nom d'„arbitratio", la preuve d'une
erreur de fait donneront lieu à la demande de rectification.®
L'arbitrage se présente sous des formes très -variées dans
l'histoire. Chez les Grecs nous le rencontrons sous la forme d'un
recours auprès d'une ville tierce ou alliée (7r6li(; ty.y2t/roç)^
Chez les Romains de la première époque il porte le nom de
„reciperatio".^ Dans les confédérations et les unions d'États,
1 V. Grotius m, chap. 20. 46.
'' V. Grotius, loc. cit. Vattel II, chap. 18. § 329. Wildman I, p. 186.
3 C'est ce qui est appelé „reductio ad boni viri arbitrium" dans les
lois 76. 78. 79. D. pro socio et loi 9. D. qui satisd. coguntur.
* V. Heffter, Athen. Gerichtsverf. p. 340.
^ Gallus Aelius dans Festus: „Reciperatio est, cum inter populum
et reges, nationesque ac civitates peregrinas lex convenit, qnomodo per
reciperatoreni reddantur res reciperenturque , resque privatas inter se per-
sequantur.** V. Cari ScU, Die Recuperatio der Romer. Braunschw. 1837.
§ 110. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 211
rinstitution de tribunaux fédéraux a reçu un certain caractère
fixe et en quelque sorte politique, qu'avaient déjà, dans les con-
fédérations grecques,^ notamment dans la ligue Achéenne, les
réunions amphictyoniques, bien que leur importance ait été sans
doute exagérée. Une institution moderne de cette nature était
celle dite austrégalienne,* chargée de la mission de statuer sur
les contestations nées entre les Souverains de la Confédération
germanique de 1815 et qui, suivant l'arrêté fédéral du 30 octobre
1834 (article 12), pouvait être remplacée par une cour arbitrale.
Ella a cessé depuis 1866. Aujourd'hui les gouvernements
réunis du nouvel Empire vident leurs différends particuliers
au conseil fédéral.
Actes de fait et représailles.
§ 1 10. Le droit d'user de voies de fait conmience au mo-
ment même où les tentatives faites pour arranger un conflit à
l'amiable ont échoué, ou lorsque des circonstances urgentes ne
permettent pas de recourir à cette mesure préliminaire. En ce
cas, s'il s'agit de réclamations liquides, on s'empare de leurs
objets partout où ils se trouvent, ou d'un équivalent à la cré-
ance, en saisissant des biens appartenant à la partie adverse et
qui se trouvent déjà dans le pouvoir de l'État créancier. Dans
les autres cas on aura recours à des actes de violence, soit en
entrant en état d'hostilités ouvertes (dont nous nous occuperons
au paragraphe suivant), soit en usant d'abord de représailles.
Par représailles on entend aujourd'hui toutes les mesures de fait
dont un gouvernement se sert vis-à-vis d'un autre État, des
sujets de ce dernier ou de leurs biens, dans le but de contraindre
la puissance étrangère de faire encore droit sur les questions
en litige ou d'en obtenir une juste satisfaction, ou de se faire
1 Polybc n, 37. 10. Tittmann, Griechische Staatsverfassiing
p. 687.
' de Leonhardi , Das Austragalverfahren des deutschen Bandes. Frkf.
1838. Jordan dans Weiske, Rechts - Lexicon I, p. 474. Zacharîae, Deut-
sches Staatsrecht II , p. 719. Zôpfl, Allgemeines und dentsches Staatsrecht
I, p. 359.
14*
212 UVRE DEUXIÈME. § 110.
au besoin justice lui-même.* Ancieimemeut les représailles se
faisaient surtout par des lettres de marque délivrées par un
gouvernement à ses sujets ou même à des étrangers, par les-
quelles il les autorisait à commettre toutes sortes d'exactions et
de violences sur la nation ennemie.* 11 y avait des représailles
spéciales, que Ton accordait aux offensés eux-mêmes, et des
représailles générales, qui autorisaient tous les sujets à courir
sus à Tennemi. Celles-ci ne différaient pas à la vérité de la
pleine guerre; tandis que celles-là n'étaient autre chose que la
laide autorisée par TÉtat. Des traités ont successivement modifié
cet usage, ^ qu'aujourd'hui on rencontre à peine dans le code
des nations sous la forme de la course , pratiquée exclusivement
sur mer (§ 137). Les moyens usités encore à présent sont les
suivants : *
Premièrement, la cessation dans l'accomplissement des enga-
gements pris envers l'autre État ou envers ses sujets;
secondement, la suspension de l'intercourse amicale entre les
deux États, soit en entier, soit en partie;
troisièmement, la saisie et puis la séquestration de sujets et
de biens ennemis.
Simple mesure de précaution, une telle séquestration a
exclusivement pour but d'offrir un gage, sans conférer aucun
droit quelconque sur la vie des personnes ni sur les biens
séquestrés. Ces derniers toutefois, si la satisfaction exigée con-
tinuait à être refusée, pourront incontestablement servir à la
réparation des intérêts lésés. De même la partie offensée pourra
retenir les sujets ennemis comme otages. Car les anciens auteurs
1 Les nombreuses monographies sont indiquées par d'Ompteda § 288.
de Kamptz § 270. Le mot représailles dérive de reprendre, en anglosaxon
witheruam.
*^ V. sur les anciennes formes Hiillmann, Stadtewesey. t. I, p. 197.
Martens, Caperei I, § 4. Putter, Beitràge zur Vôlkerrechtsgeschichte I,
p. 49. P. Frider., De process. I, cap. 46 suiv. Valin III, 10. p. 414.
B Oke Manning p. 108. Sur Tabolition ultérieure de cette sorte de
représailles v. Ortolan I, p. 396. Wildman I, p. 192.
♦ Sur l'usage international moderne voir Grotius III , 2. de Neumann,
Jus principum priv. t. VIII, § 35. de Steck, Essais, p. 42. Vattel II,
§ 342 suiv. Wbeaton IV, 1. § 2 et 8. Wunn, Staats-Lexicon XII, p. 124.
Halleck, Int. Law, chap. 12, § 11.
§ 110. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 213
et encore Cocceji (sur Grotius) se trompent évidemment lors
qu'ils soutiennent qu'il est permis d'attenter à la vie de ces
malheureux.* , ^
Tout refus et tout retard qu'une partie oppose arbitraire-
ment aux justes réclamations de l'autre, dënnent à celle-ci le
droit incontesté de recourir à des représailles, peu importe
d'ailleurs sous quelles formes ce refus et ce retard se mani-
festent, fût-ce sous celle d'un acte législatif, ou sous celle
d'une décision judiciaire ou d'un arrêté administratif.^ Mais il
appartient aux gouvernements seuls d'ordonner l'application de
mesures semblables.
Certainement des puissances tierces ne sont tenues en
aucune manière de donner suite aux réclamations qui leur sont
adressées à ce sujet par la partie lésée ou même par l'État
intéressé. Elles ne peuvent faire usage d'actes de représailles
dans l'intérêt d'une autre puissance, qu'autant que les traités
leur imposent un devoir d'intervention. Ce devoir se manifeste
surtout avec une certaine force dans le sein des États fédé-
ratifs, et l'article 37 de l'Acte final de Vienne l'a consacré en
1828 expressément au profit de la Diète germanique. Aussi
en Suisse il avait été reconnu également qu'un Canton pourrait
exercer des représailles dans l'intérêt d'un autre Canton.^ Du
reste une tierce puissance pourrait participer aux représailles
d'une autre, lorsque sa coopération aurait pour but de mettre
un terme aux violations du droit international ou à des pro-
cédés contraires à l'humanité et à la justice. En ce cas les
Etats ne font que remplir une mission commune qui leur est
tracée naturellement Organes suprêmes et multiples de l'huma-
* Schilter, De jure obsidnm, considérait déjà des sujets arrêtés par
mesure de représailles comme des otages. V. aussi Yattel II, §351.
^ Des exemples sont cités par Ch. de Martens, Causes célèbres II,
p. 1. 151 suiv. Pour le principe v. Grotius UI, 2. §4. 5. Bynkershoek,
Quaest. jur. I, 24. Oke Manning, Law of nations p. 107. Wurm à Tendroit
cité p. 125. Wildman p. 195.
s de Martens, Vôlkerr. § 256 (261). Bynkershoek (de foro legator.
chap. 22) admet la faculté d'un gouvernement d'exercer des actes de repré-
sailles dans rintérêt d*un autre; contra Oke Manning p. 111 et Wildman
1. 1, p. 193. Halleck XH, § 28.
214 LIYBE DEUXIÈME. § 111.
nité; ils sont appelés à en faire respecter les lois partout où
elles sont violées.
L'embargo, le bloens et les menaces de guerre
effectives.
§ 111. Pour exercer des représailles, les états maritimes
se servent parfois de simples mesures d*embargo et de blocus.
L'embargo („embargar" en espagnol, arrêter) est un acte
conservatoire ou préparatoire qui consiste à faire arrêter pro-
visoirement les navires trouvés dans les ports ou dans les mers
intérieures d'un territoire, dans le but d'en empêcher la sortie.
Invention d'origine britannique, elle a passé successivement dans
les lois et coutumes des autres nations.^
Appliquée après le commencement d'un état de guerre, ou
suivie d'une déclaration de guerre, cette mesure va produire
les eflfets que nous retracerons au chapitre suivant.^ Quelque-
fois encore l'embargo est un simple acte de sûreté intérieure
ordonné par un gouvernement, notamment dans le but d'em-
pêcher que certaines nouvelles sur la situation du pays ne soient
portées au dehors ; ou bien encore pour faciliter des recherches
de police ou judiciaires. Un gouvernement peut en outre, en
cas de nécessité urgente, user de l'embargo pour exercer le
droit d'angarie (§*150). Enfin des représailles peuvent se pro-
duire sous la forme d'un embargo. Il est constant toutefois que,
cet acte ayant manqué de but et n'étant pas suivi d'une décla-
ration de guerre, tout préjudice résultant de la détention arbi-
traire doit être réparé.^
* Les ouvrages relatifs à cette matière sont indiqués par de Eamptz
§ 276. V. notamment de Real , Science du gouvern. V. p. 630. Jouflfroy,
Droit maritime p. 31. Nau, Vôlkerseerecht (1802). § 258 suiv. M. Poehls,
Secrecht IV, § 526. Massé, Droit commercial § 321 suiv. Karseboom, De
navium detentionc, quae vulgo dicitur Embargo. Amsterd. 1840. Halleck
Xn, § 25.
2 Wheaton IV, 1. § 4. Phillimore IH , § 21. HaUeck § 27.
* de Steck, Essais. 1794. p. 7. Jacobsen, Seerecht p. 531. M. Poehls,
loc. cit. p. 1170. Plusieurs traités, tels que ceux conclus le 11 juillet 1799
entre la Prusse et les États-Unis (art. 16), le 30 mai (11 juin) 1801 entre
§ 111. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 215
Pareillement le blocus ou remploi de forces régulières suf-
fisant pour empêcher toute communication d'une côte, d'un ou
de plusieurs ports avec le dehors, peut avoir en vue des fins
différentes. Quelquefois c'est un acte de coercition qui accom-
pagne l'ouverture des hostilités, ainsi que nous l'expliquerons
au chapitre suivant (§ 121). D'autres fois il précède une décla-
ration de guerre régulière, comme mesure de représailles desti-
née à prévenir le danger d'une violation de l'état de paix, qui
résulterait par exemple du départ d'une escadre, de l'intro-
duction de troupes dans une place forte au moment même où
le gouvernement suspect a été mis en demeure de s'expliquer
sur ses véritables intentions. L'histoire la plus récente est
féconde en exemples de cette espèce de blocus tout nouveau,
qu'on emploie sans déclaration de guerre comme acte de repré-
sailles (blocus pacifique). Nous nous contentons de rappeler le
blocus exécuté en 1827 par les forces combinées de l'Angle-
terre, de la France et de la fiussie sur les côtes encore
turques alors de la Grèce; le blocus du Tage (1831), de la Nou-
velle-Grenade (1836), du Mexique (1838), blocus qui par suite
de la déclaration du gouvernement mexicain s'est transformé
en guerre formelle. * La légalité de cette mesure ne peut faire
l'objet d'aucun doute, et les États neutres doivent respecter un
blocus régulièrement proclamé, conformément aux règles expli-
quées au chapitre EU ci -après. Mais une confiscation des objets
saisis ne peut être prononcée qu'à la suite d'une déclaration
de guerre,*
la Russie et la Suède (art. 32), proscrivent rcmbargp comme mesure spé-
ciale et ne l'admettent qu'à la suite d'une déclaration de guerre.
1 Nouv. Supplém. au Recueil III, p. 570. Nouv. Recueil t. XVI,
p. 803 suiv. Les cas assez rares où cette mesure avait été j)ratiquée
jusqu'alors, avaient suscité d'abord quelques doutes sur sft légalité. Elle
est contestée encore par Wurm, dans le Staats - Lexicon XII, p. 128 et dans
la Yierteljahrsschr. de 1858 p. 74; ainsi que par Hautefeuille, Droits des
nations neutres III, p. 176, et par L. Gessner, Le droit des neutres sur
mer. Berl. 1865. p. 215. L'humanité d'ailleurs n'a qu'à s'applaudir de
toute nouvelle institution internationale qui rend dispensable la guerre
complète.
« Avis du Conseil d'État du l*^' mars 1848. Gaz. des Trib. 28 mars
1848 p. 54. L'Angleterre a adopté une jurisprudence différente , mais c'est
216 LIYBE DEUXIÈME. § 112,
Le dernier moyen de se faire justice par soi-même sans
ou avant la guerre consiste dans ronvertiire d'one opération
hostile avec sommation de faire ce qu'on exige ou de choisir
la guerre. C'est la justice brutale envers le faible. Nous ne
citons pas d'exemples. H y en a de fort déplorableâ.
Mesures de correction et de rétorsion.
§ 112. D'un autre côté le droit public Européen permet
encore de recourir à des mesures purement correctives lors-
qu'un gouvernement, sans porter atteinte aux principes du droi^
des gens et aux traités existants , adopte pourtant envers un
autre ou tous les autres ou envers leurs sujets des maximes
contraires à l'équité (§ 27). L'inégalité dans le traitement de
sujets étrangers consistera tantôt dans leur exclusion absolue
de certains avantages accordés aux nationaux , tantôt dans des
faveurs accordées à ceux-ci au détriment des premiers. Quelque-
fois elle résultera également, même par rapport aux nationaux,
de l'application de certains principes contraires à ceux reçus
chez les autres nations et de nature à produire pour celles-ci
des conséquences matérielles fâcheuses. Dans ces différents
cas ce n'est pas à des représailles, mais à la voie de rétor-
sion qu'on aura recours ; c'est - à - dire , dans un esprit d'égalité
et afin d'obtenir le redressement de ces iniquités, on emploie
envers la puissance qui en commet, des mesures analogues,
jusqu'à ce qu'elle consente à y renoncer.^ Ce qui distingue
la rétorsion (retorsio juris) des représailles, c'est que celle-là
a pour but de faire cesser des actes d'iniquité (jus iniquum),
tandis que celles-ci ont pour objet de réagir contre l'injustice.
Elle s'appuie sur cette maxime: „quod quisque in alterum
statuent ut ipse eodem jure utatur.^' C'est par là qu'elle fait
celle de la France qui doit prévaloir si le blocus ne constitue pas un cas
de guerre.
* y. les ouvrages indiqués par d*Ompteda § 287 et de Eamptz § 269»
spécialement Moser, Versuch VUI, p. 485. Vattel U, §341. de Martens,
Droit des gens § 250. Mittermaier, Deutsches Privatr. § 110. Wurm, dans
les articles cités au § 106 supra.
§112. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 217
ressentir à la partie adverse le caractère égoïste et exclusif de
ses procédés.^
La rétorsion peut avoir lieu non - seulement dans les cas
où un gouvernement a déjà fait l'application d'un principe pré-
judiciable à un autre dans certaines espèces , mais aussi dès
le moment où il Ta sanctionné. Néanmoins une simple diver-
gence de dispositions dans les lois de deux pays, lorsqu'elles
ont seulement l'eflfet casuel d'exclure les sujets étrangers de
certains avantages dont ils jouiraient dans leur propre pays,
ne suffira jamais pour justifier des mesui:es de rétorsion, pourvu
que ces dispositions ne soient pas dirigées d'une manière ex-
presse contre les sujets étrangers. Ainsi il est évident que les
dispositions d'un code qui établissent des modes ou des ordres
de successions particuliers, différents de ceux sanctionnés dans
d'autres codes, ne suffiront pas pour motiver des mesures sem-
blables.
D'ailleurs la rétorsion est une mesure essentiellement poli-
tique, dont les magistrats et les particuliers ne peuvent faire
usage qu'en vertu d'une autorisation de leur gouvernement,
rendue dans les formes légales, qui détermine en même temps
le mode et les conditions de la rétorsion, ainsi que les per-
sonnes qui sont appelées à en profiter.^ Les règles particulières
à cette matière sont du domaine du droit public interne.
Si les circonstances ne permettent pas d'appliquer à un
gouvernement étranger des mesures identiques sur les mêmes
objets, la rétorsion s'eflFectuera par voie d'analogie et selon les
circonstances données. Ainsi, par exemple, si le commerce d'un
certain pays venait à être frappé dans un autre de droits ex-
orbitants ou qu'il y éprouvât des difficultés sérieuses, le gou-
vernement lésé y répondrait en imposant les produits similiairçs
de droits analogues.
* J. Gothofr. Bauer, Opusc. 1. 1, p. 157 seq.
> Straben, Bechtl. Bedenken V, 47. Spangenb. U, p. 321.
218 LIVRE DEUXIÈME. . § 113.
Chapitre IL
LE DROIT DE GUERRE.^
Déflnltloii de la guerre.
§ 113. La guerre se manifeste extérieurement comme un
état d'hostilités existant entre plusieurs puissances , pendant
lequel elles se croient autorisées à faire réciproquement usage
entre elles de violences de toute espèce. C'est la définition
matérielle de la guerre. Mais considérée au point de vue légal,
la guerre ne sera un droit qu'autant qu'elle présente un état
régulier de violences et de destruction^ lequel se propose un but
légitime y et continue à l'être jusqu'au moment où ce but sera
atteint. La guerre , en d'autres termes , est l'emploi extrême de
violences légitimes. Tantôt d'un caractère purement défensif,
elle cherchera à repousser une agression ^injuste , et à cet effet
elle préviendra même des menaces suspendues au-dessus d'elle.'
Tantôt réellement offensive , elle exigera le redressement des
offenses ou des injures éprouvées par une juste et pleine satis-
faction. C'est ce qui constituera la justice de sa cause. Le
grand Frédéric déjà écrivit en ce sens dans son Anti-Macchiavel
(chapitre 26) ces paroles remarquables: ,, Toutes les guerres qui
n'auront pour but que de repousser des usurpateurs, de main-
tenir des droits légitimes, de garantir la liberté de l'univers et
d'éviter les violences et les oppressions des ambitieux, sont
conformes à la justice." .
Quoiqu'il en soit il deviendra souvent très -difficile de se
rendre compte de la justice d'une guerre. Les auteurs sont
1 Les monographies relatives à cette matière, notamment celles pu-
bliées par Alberic Gentile, J. Gottl. Fréd. Eoch et Joach. E. de Beust, sont
indiquées par d'Ompteda § 290. 291. de Kamptz § 271. 272. — de Clause-
witz , dans son ouvrage intitulé : Yom Eriege. Berlin 1832. 1. 1. p. 105,
retrace une histoire générale de la guerre. Comparez aussi THistoire du
droit de guerre et de paix de 1789—1815 par Marc Dufraisse. Paris 1867.
3 y. ci -dessus §30 et Guil. Schooten, De jure hostem imminentem
praeveniendi. Specim. jurid. Lugd. Bat.
§114. DKOIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 219
d'accord là -dessus. Ceux-là même en convieiment qui ont
cherché minutieusement de faire une analyse des différentes
causes d'une juste guerre, et ont inventé une espèce de respon-
sabilité juridique à l'égard de celui qui prend les armes sans
sujet légitime.^ H n'existe en effet sur terre aucun juge qui
puisse, d'une manière infaillible, prononcer sur la justice d'une
guerre. Ajoutons que celle-ci est dirigée par le hasard, sans
qu'il soit possible de prévoir d'avance ses nombreuses péripéties.
En faisant succéder à l'ordre le chaos, elle fait sortir pourtant
de ce dernier un ordre de choses nouveau, quelle qu'ait été la
cause de la guerre. Seulement les résultats moraux d'une
guerre injuste ne seront pas ceux d'une guerre légitime.
Jamais aussi des intérêts purement politiques, des intentions
moralement bonnes mêmes, dès qu'elles ne sont motivées
par aucune lésion imminente ou déjà accomplie, ne suffiront
pour purifier une guerre de son caractère illégitime. Mais
nous regardons comme oiseuses toutes les discussions abstraites
sur la légitimité des guerres de religion, de vengeance, d'équi-
libre politique. Cette question puise ses éléments de solution
dans les circonstances particulières à chaque espèce et dans
les principes internationaux que nous avons retracés dans le
livre précédent.
Parties belligérantes.
(Jas belli activum et passivam).
§ 114. Un état de guerre né peut exister valablement
qu'entre parties qui ne sont pas empêchées d'avoir recours dans
leurs contestations à des violences arbitraires et qui n'en sont
responsables à personne. Ces parties sont d'abord les corps qui
jouissent d'une indépendance absolue et ne relèvent d'aucune
1 Parmi ces auteors figurent Grotius et Vattel III, § 183 soiv. 190.
Déjà Cocceji, dans son commentaire sur Grotius III, 10, 3 suiv. a montré
jusqu'à quel point la distinction entre le droit naturel et le droit positif
est insuffisante sur ce point. Le grand nombre d'écrits concernant cette
matière sont indiqués par d'Ompteda 8 21)4. 298. 299. de Kamptz § 274,
280.281.
220 LIVRE DEUXIÈME. § 114.
puissance supérieure, comme les États souverains;* puis les
individus vivant isolément en dehors des conditions sociales,
tels que les flibustiers, les pirates et autres. En ce sens il peut
y avoir même une guerre entre les diverses fractions du même
corps politique, quoiqu'elle ne constitue pas un état de guerre
régulier, produisant les eflfets d'une guerre politique entre plu-
sieurs États, ainsi que cela est déjà remarqué par le juriscon-
sulte romain Ulpien, qui s'exprime ainsi:* „In civilibus dissen-
sionibus, quamvis saepe per eas respublica laedatur, non tamen
in exitium reipublicae contenditur: qui in alterutras partes dis-
cedent, vice hostium non sunt eorum, inter quos jura captivi-
tatum aut postliminiorum fuerint." Mais la guerre civile revê-
tira le caractère d'une guerre internationale, dès que la partie
révolutionnaire se sera complètement émancipée du corps d'État,
auquel elle appartenait jusque-là, et qu'elle aura gagné une
existence territoriale à part.*
Des guerres privées et des guerres entreprises par des
particuliers pour leur propre compte, peu importe qu'ils soient
sujets de la même ou de différentes puissances, ont disparu
dans l'état moderne de l'Europe.*" Des sociétés formées de la
réunion d'un certain nombre de particuliers, telles que les com-
pagnies commerciales, ne sont pas non plus en droit de faire
la guerre sans une autorisation de leurs souverains. Il faut
naturellement excepter le cas où , protégées par leurs murailles
de pierre ou de bois, elles ont cessé, comme autrefois la Ligue
hanséatique, d'obéir à aucune puissance souveraine.*
» de Kamptz § 273.
* Loi 21. § 1. D. de captivis.
8 Halleck, XIV, 25.
* V. sur les moeurs féodales du moyen âge Ward, Enquiry 1, p. 344.
Il, p. 20Î) suiv. La guerre de trente ans encore fournit quelques curieux
exemples à ce sujet: nous nous contentons de citer les ducs de Mansfeld
et Bernard de Saxe. Ward II, p. 312. L'expédition de Schill, désapprouvée
par le roi de Prusse, ne tombe pas sous le même point de vue.
* Sur le caractère éminemment politique de cette Ligue on peut lire
Ward II, p. 276 suiv. Pûtter, Beitr. zur Vôlkerrechtsgesch. p. 141. La
question de savoir si des compagnies de commerce ont le droit de déclarer
la guerre, a été examinée spécialement par Ch. Fr. Pauli, De jure belli
societatum mercatoriar. Hal. 1751.
§115. DKOIT INTERNATIONAL PENDANT LA GtTERRE. 221
Da reste nous distinguons parmi les parties belligérantes
les parties principales des auxiliaires qui ne prennent part à
la lutte principale que d'une manière secondaire.
»
Puissances auxiliaires.^
§ 115. Par parties auxiliaires on entend en général celles
qui portent des secours à Tune des parties belligérantes. Les
secours, tantôt d'une nature générale et non limitée, comprennent
toutes les forces ou les ressources dont dispose la puissance
auxiliaire; tantôt, d'une portée spéciale et restreinte, ils consistent
en prestations ou fournitures déterminées d'avance par rapport
au nombre et à l'étendue, notamment dans l'envoi de troupes,
de subsides, dans l'autorisation d'occuper une place d'armes ou
un port ou de jouir de quelque autre avantage qui a pour but de
rendre plus solide le système d'attaque ou de défense de l'une
des parties belligérantes vis-à-vis de l'autre, et qu'on doit
continuer à fournir jusqu'au moment où le but commun de la
guerre sera obtenu. C'est là le point décisif, qui distingue
l'entrée dans l'état de guerre ouverte de la stricte neutralité
(§ 144).
n arrive rarement que le secours fourni soit l'effet d'une
intervention spontanée: le plus souvent il a été convenu et sti-
pulé d'avance. C'est alors que le cas d'alliance (casus foederis)
sera énoncé dans un traité de garantie qui a pour objet une
guerre soit offensive soit défensive, et qui ne repose pas néces-
sairement sur la réciprocité. Si le traité de garantie est d'une
portée générale, le „ casus foederis" se déploie dès que le terri-
toire allié est envahi ou menacé d'invasion.' Les principes
relatifs aux conventions publiques s'appliquent à ces sortes de
traités: mais leur application rencontre très -souvent des diffi-
cultés et fait naître des conflits sérieux. Souvent des circon-
^ d'Ompteda g 318. de Kamptz § 287. La théorie de cette matière
est expliquée par J. J. Moser, Versuche X, 1. Vattel III, § 78 suiv. Mar-
tens , Vôlkerr. § 2Ô2 suiv. Klûber § 268 suiv. Schmalz p. 269. Wheaton
III, 2. 11. HaUeck XVII, 4 suiv.
« Vattel m, §91.
222 LIVRE DEUXIÈME. § 116.
stances résultant de la situation particulière de la puissance
alliée y ou des engagements antérieurement contractés envers
Fennemi, s'opposent d'une manière péremptoire à ce que le
secours promis puisse être fourni.^ En tous cas Tallié peut, avec
une pleine liberté, apprécier la justice de la guerre, à laquelle
il est appelé à prendre part,* Il n'y a donc rien de si incertain
et de si peu fréquent que la bonne foi dans l'exécution des
traités d'alliance, lorsque surtout ils ne reposent pas sur des
intérêts homogènes et permanents, tels qu'ils existent dans les
unions ou les confédérations d'États.
§ 116. Lorsque les clauses du traité d'alliance n'ont pas
déterminé les obligations réciproques des alliés, la nature des
choses et la pratique des États ont consacré à l'égard de ces
dernières les principes suivants:
I. Aux traités d'alliance d'un caractère général on applique
la règle fondamentale du contrat de société, suivant laquelle
la part de chaque associé dans les bénéfices ou pertes est en
proportion de sa mise dans le fonds de la société et du but
à atteindre en conmiun (C. Nap. art. 1853). Si les alliés ne
réussissaient pas à se mettre d'accord sur l'entreprise commune,
ni sur la part des sacrifices à faire par chacune, les unes ne
pourraient à la vérité entreprendre une opération de guerre,
conclure la paix ou un armistice, ni faire un acte quelconque
de nature à causer quelque préjudice aux alliés. Il faudra
néanmoins excepter les actes nécessités par le but de l'alliance,
lorsqu'il ne pourrait être obtenu autrement: de même les cas où
le maintien de l'alliance deviendrait impossible ou que ses clauses
auraient été violées entre les alliés eux-mêmes. Les annales
de l'histoire fournissent des exemples bien nombreux de guerres
^ entreprises en commun, et qui ont été terminées par des traités
de paix conclus séparément!
m
' Relativement au cas où des secours ont été promis à la fois aux
deux parties belligérantes , y. Grotius II , 15, 13 et le commentaire de Coc-
ceji. Il est difficile d'établir sur ce point des règles fixes.
* Les auteurs sont d'accord à ce sujet. On trouve de nombreuses
observations sur le moment d'appliquer les „casus foederis" dans Moser,
loc. cit. p. 43 suiv. Comparez aussi Wheaton III, 2. § 13 et Halleck XVII,
7 et suiv.
§117. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 223
EaËn aucune des parties alliées ne peut s'enrichir aux
dépens des antres. Chacune doit restituer ce qui a été enlevé
à la partie alliée par rennemi, après Tavoir recouvré sur hi,
conformément aux règles du droit de recousse. De même on
devra procéder au partage des bénéfices obtenus en commun,
en proportion des ressources fournies par chacune. Les pertes
accidentelles au contraire que les vicissitudes de la guerre en-
traînent nécessairement après elles, sont supportées exclusive-
ment par la partie qui en a été frappée, à moins que ses alliés
ne les aient occasionnées par leur conduite peu conibrme aux
lois de la guerre.
n. Si le secours stipulé entre les alliés est d'une nature
spéciale, la partie principale en a la disposition exclusive, sauf
convention contraire. L'allié obligé de fournir des troupes doit
les équiper et les tenir constamment au complet,^ tandis que
leur nourriture et leur entretien sont à la charge de la partie
principale. En exposant leur vie pour ménager celle de ses
propres troupes, elle commettrait un acte déloyal et contraire
au traité. Elle doit généralement éviter à ses alliés tout pré-
judice qui peut résulter de Texécution de leurs engagements,
et aller à leur secours, si Tennemi commun venait à les attaquer.
Elle ne doit pas non plus conclure la paix sans eux, et elle
pourvoira à leur sûreté ultérieure, dont elle fera Tobjet d'une
clause spéciale dans les stipulations de paix.
Toute contravention aux clauses du traité d'alliance donne
à la partie lésée le droit de la dissoudre. En ce cas celle - ci
cesse de pouvoir prétendre au partage des avantages qui ont
été obtenus en commun, à l'exception du butin antérieurement
fait et des droits de revendication sur les objets recouvrés sur
l'ennemi, ainsi que nous l'expliquerons au chapitre IV.
§ 117. Pour ce qui concerne la position des puissances
alliées par rapport à l'ennemi, il est évident que ce dernier
n'est aucunement tenu de souffrir la coalition des forces réunies
contre lui, et qu'il peut y réagir par tous les moyens dont il
> Autrefois on admettait que Tallié fournit de l'argent etc. au lieu de
troupes. V. J. J. Moser, Vermischte Abhandl. I, 84. Actuellement tout
dépend des conventions d«s parties.
224 LIVRE dëujkième. § 117.
dispose, saDS attendre la mise en activité des secours attendus
par Fennemi. H cherchera à se débarrasser d'une coalition
BJfmnt qu'elle ne devienne trop redoutable, et afin de s'assurer
la liberté de ses mouvements.
En général on est d'accord à ce sujet, lorsqu'il s'agit de
secours stipulés pendant le cours d'une guerre ou en prévision
d'une guerre inuninente. Mais il en est autrement dès que le
traité d'alliance antérieur à la guerre a stipulé un secours par-
ticulier et qu'il n'est pas dirigé d'une manière formelle contre
une certaine puissance; de même lorsqu'il a pour objet une
guerre défensive. Dans ces cas on a prétendu que l'allié ne
peut être traité comme ennemi qu'en tant qu'effectivement et
conformément à -ses obligations, il prend part aux hostilités.^
Cependant, permettre aux parties alliées de garder leur neu-
tralité, pour ne les traiter en ennemies qu'après qu'elles se
seront prononcées d'une manière 'ouverte, ce serait méconnaître
les droits légitimes de la partie menacée, à moins que ses
intérêts ne lui conseillent une conduite semblable. Elle devra
chercher au contraire à rompre une coalition dangereuse, et à
cet effet elle posera aux alliés l'alternative suivante: ou de
renoncer à la coalition, ou bien d'avoir à subir les conséquences
d'une déclaration de guerre. Tel fut, par exemple, le mode
de conduite qu'au commencement de l'année 1813 la Russie
a adopté envers la Prusse, par rapport à l'alliance particulière
de cette puissance avec l'empereur Napoléon. — Une pareille
alternative, à la vérité, ne peut être proposée aux parties
alliées de l'ennemi qu'autant qu'elles se disposent à fournir les
secours stipulés. Tant qu'elles ne se sont pas ainsi prononcées,
il est permis seulement de leur adresser des questions, confor-
mément à ce qui a été dit aux paragraphes 29 et 45 ci -dessus.
Une réponse évasive ou retardée malgré la gravité des circon-
stances, fournira en ce cas à la partie menacée une raison
suffisante pour prévenir le complot en le déjouant. C'est ainsi
que le roi Frédéric commença en 1756 la guerre par l'invasion
^ V. de Beulwitz, De auxiliis hosti praestitis more gentium hodierno
hostem non efficientibus. Hal. Sax. 1747. Schmidlin, de iurib. gentium
mediarum. § 10.
§ 118. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 225
de la Saxe électorale, pour sauver son royaume des projets
des puissances qui s'en étaient partagé d'avance les dépouilles.
Théâtre de la guerre.
§ 118. Le territoire des parties belligérantes, les eaux
intérieures et les hautes mers forment le champ de guerre
naturel. Les territoires neutres en sont exempts. Néanmoins
les troupes alliées qui ont pris part aux hostilités, peuvent
être poursuivies sur leur propre territoire, lors même que, sous
d'autres rapports, la neutralité a été accordée à son gouver-
nement. Les autres puissances alliées, dés qu'elles sont entrées
ouvertement en état de guerre, en supportent toutes les con-
séquences.
Des conventions ou des motifs politiques peuvent limiter
le théâtre de la guerre. L'histoire moderne fournit des exemples
de ce genre; car bien souvent les puissances, dans le but de
maintenir la paix ou l'équilibre européen menacé, ont consenti
spontanément à circonscrire le théâtre de la guerre. Nous rap-
pelons l'expédition en Grèce opérée par les trois grandes puis-
sances; le siège d'Anvers, à la suite de la convention conclue
le 22 octobre et le 10 novembre 1832 entre la France et la
Belgique; l'intervention en Syrie, par suite des différends entre
le Sultan et Mehemet-Aly.^
Droit dé la guerre proprement dit; — usi^s^
raison de guerre.
§ 119. La guerre, comme la paix, a ses lois et ses for-
malités déterminées qui constituent la nature externe du droit
de guerre (jura belli). Un droit pareil était déjà connu dans
l'ancien monde, quoique, à la vérité, la volonté arbitraire et
1 y. Nouveau Recueil t. XU, p. 1 suiv.; XIII, p. 39. 57. Flassan, dans
son Histoire de la diplom. franc. Y, 146, allègue un exemple semblable:
pendant Tarmistice concla dans le cours de la guerre de sept ans, le siège
de la forteresse de Neisse en Silésie devait être continué sans interruption.
Comparez encore Halleck XIV, 26.
Heffter, droit intomatioiuil. 8e M. 15
226 LIVRE DEUXIÈME. § 119.
désordonnée des parties belligérantes y rencontrât peu de
limites.^ Il acquit plus de consistance au moyen âge, sous
rinfluence tant du christianisme que de Tesprit de chevalerie,
en même temps qu'il s'est dépouillé de certaines rigueurs. Mais
c'est de nos jours seulement, et après avoir flotté longtemps
entre plusieurs systèmes contraires, qu'il s'est assis enfin sur
les principes d'humanité et de respect de l'espèce humaine.^
Les nations civilisées admettent la guerre comme un état de
choses forcé, conmie un mal inévitable, qui ne doit pas dépasser
les limites de la stricte nécessité. La guerre, qui arme les
hommes les uns contre les autres, n'a pas pour but la destruc-
tion de l'ennemi. La raison et l'humanité, comme le propre
intérêt des nations, ont consacré cette maxime fondamentale:
„Ne causez pas plus de mal à votre ennemi, pendant la guerre
même, que la nécessité de le ramener à la raison ne l'exige.^^
L'ancienne maxime de guerre au contraire voulait qu'on fît
à l'ennemi le plus de mal qu'on pouvait et qu'on jugeait con-
venable.*
* Tite-Live liv. H, 12. XXXI, 30: „E8se enîm quaedam belli jura,
quae ut facere ita pati ait fas." Polyb. V, 9, 11 ol rov noléfiov vofioi
xàt Tcc TovTov âixaia.
* V. les développements dans Ward, Enquiry. chap. X et sniv. V. aussi
page 7 ci -dessus.
^ Ainsi dans son discours d'inauguration du Conseil des prises, du
14 floréal an VUE, Portalis disait ce qui suit:
„Le droit de la guerre est fondé sur ce qu'un peuple, pour Tintérét
de sa conservation ou pour le soin de sa défense, veut, peut, ou doit faire
violence à un autre peuple. C'est le rapport des choses et non des per-
sonnes, qui constitue la guerre; elle est une relation d'État à État, et non
d'individu à individu. Entre deux ou plusieurs nations belligérantes, les
particuliers dont ces nations se composent, ne sont ennemis que par acci-
dent: ils ne le sont point comme hommes, ils ne le sont même pas comme
citoyens; ils le sont uniquement comme soldats."
Talleyrand écrivait à l'empereur Napoléon, en date du 20 novembre
1806, dans le même esprit:
„ Trois siècles de civilisation ont donné à l'Europe un droit des gens
que, selon l'expression d'un écrivain illustre, la nature humaine ne saurait
assez reconnaître.
Ce droit est fondé sur le principe que les nations doivent se faire
dans la paix le plus de bien, et dans la guerre le moins de mal qu'il est
possible.
§119. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 227
Au droit de guerre appartient d'abord la règle ou la ma-
nière ordinaire de faire la guerre, que les usages internationaux
ont sanctionnée et dont les parties belligérantes ont le droit
d'exiger entre elles la stricte observation, c'est la loi des na-
tions civilisées entre elles. C'est elle qui proscrit et frappe de
l'anathème de l'histoire tous les procédés cruels ou barbares;
qui punit de la rupture des relations internationales l'État qui
a violé ses prescriptions. Des circonstances exceptionnelles,
tirées de l'extrême nécessité ou du besoin de rétablir l'égalité
du combat, permettent seules de s'en affranchir et de faire ce
qui est de raison momentanément.^ Des guerres entreprises
contre des hordes ou des bandes sauvages qui ne respectent
aucune loi humaine, sont aussi exceptées des règles conmiunes.
Enfin les guerres navales, plus cruelles et plus meurtrières (ffie
les guerres sur terre, dont elles n'ont pas acquis les règles pré-
cises,' ont au contraire, faute d'équilibre entre les puissances
maritimes, conservé jusqu'à nos jours mi caractère plus ou moins
spoliateur.
D'après la maxime que la guerre n'est point une relation d'homme à
homme, mais nne relation d'État à État, dans laquelle les particuliers ne
sont ennemis qu'accidentellement, non point comme hommes, non pas même
comme membres ou sujets de l'État, mais uniquement comme ses défen-
seurs, le droit des gens ne permet pas que le droit de guerre et le droit
de conquête qui en dérive, s'étendent aux citoyens paisibles et sans armes,
aux habitations et aux propriétés privées, aux marchandises du commerce,
aux magasins qui les renferment, aux chariots qui les transportent, aux
bâtiments non armés qui les voiturent sur les rivières ou sur les mers, en
un mot à la personne et aux biens des particuliers.
Ce droit né de la civilisation en a favorisé les progrès. C'est à lui
que l'Europe a été redevable du maintien et de Taccroissement de prospé-
rité , au milieu même des guerres fréquentes qui l'ont divisée etc." (Mo-
niteur univ. du 5 décembre 1806).
^ F. H. Stmben, Abhandlung von der Kriegsndson und dem Conve-
nienzrecht (Sammlung auserlesener juristischer Abhandl. Leipzig 1768).
Grotius m, 1, 19. 18, 4. Pufendorf H, 3. 23. J. J. Moser IX, 1. 111 suiv.
Bynkershoek, Quaest. 1,3, et les écrits cités par d'Ompteda § 300. de Eamptz
§ 282 suiv.
* Hautefeuille, Droits des nations neutres. I, p. 318. Gessner, Droit
des neutres sur mer p. 9. En général Tartide concernant „Thebelligerent
rights at 8ea<< dans Home and foreign Beview, Jol. 1868. p. 1.
15*
228 LIVRE DËUXIÈBiE. § 120.
Quant aux guerres civiles elles se feront d'abord sous la
responsabilité des vaincus envers TÉtat, c'est-à-dire envers la
partie triomphante. Elles ne prendront un caractère régulier
qu'après l'accomplissement d'une scission territoriale reconnue
de part et d'autre ou en suite de l'intervention d'une tierce
puissance (§ 113).
Du reste il s'en faut de beaucoup que le droit de guerre
moderne soit déjà fixé dans toute son étendue par les usages
et convictions des peuples et de leurs gouvernements. La der-
nière guerre de 1870 à 1871 vient de mettre à découvert bien
des lacunes auxquelles il devrait encore être remédié par le
concert Européen.^ En attendant chaque nation belligérante
sera libre de poser pour elle-même les règles à suivre vis-à-
vis de l'adversaire comme des puissances neutres. L'adversaire
pourra en faire autant; mais il y aura lieu à des réclamations,
à des représailles, à la rétorsion et même à l'intervention de
tierces puissances toutes les fois que les démarches arrêtées
seront en contradiction avec les lois de l'humanité et avec les
principes ou usages déjà établis par le concert Européen.*
Commencement des hostilités.
§ 120. Le droit de guerre veut qu'à la veille de se livrer
à des actes d'hostilités matérielles, on adresse une déclaration
de guerre à la partie adverse avec laquelle on avait entretenu
jusque-là des relations d'amitié réciproques. Car la bonne foi
disparaîtra, pour faire place à un système d'isolement et de
crainte mutuelle, le jour où les nations, sans avis préalable et
régulier, auront à redouter le fléau de la guerre. A cet eflFet
les peuples de l'ancien monde se servaient de diflFérentes for-
malités. Comprises sous la dénomination commune de droit
fécial, la tradition romaine les faisait descendre des usages
antiques du peuple des Équicoles. L'esprit de la chevalerie
* V. M. G. Rolin-Jacquemyns, La Guerre actuelle, dans la Revue de
dr. internat, t. II, 1870 p. 653 ss. et Adolf Trendelenburg, Lûcken im Vôl-
kerrecht. Leipz. 1870.
* M. Bluntschli en a donné l'esquisse dans son écrit „Das moderne
Kriegsrecht," inséré depuis à son ouvrage sur le droit international. Cette
§ 120. DBOIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 229
au moyen âge inventa des règles analogaes dont il exigeait la
stricte observation, tant dans les guerres des Etats qae dans
les duels privés.^ Jusqu'au milieu du xvin* siècle ces formes
solennelles ont été maintenues. C'est à partir de ce moment
qu'elles ont commencé à tomber dans l'oubli. Dès lors les
gouvernements ennemis se sont contentés d'interrompre les rela-
tions diplomatiques entre eux, en même temps qu'ils faisaient
connaître leurs griefs par des manifestes et d'autres voies de
publicité. Quelquefois aussi ils procèdent de fait aux hostilités,
sans se prévenir mutuellement par des déclarations, qui toute-
fois seront toujours la voie la plus régulière.' Le rappel de
l'ambassadeur ne constitue pas nécessairement un acte de com-
mencement des hostilités: il est vrai toutefois que c'est à ce
moment que plusieurs traités ont fait remonter les efifets de la
guerre.*
H résulte de la nature des choses qu'il n'est pas indispen-
sable qu'une guerre défensive soit précédée d'une déclaration
préalable: des hostilités déjà ouvertes par l'ennemi, ou sur le
point de l'être, la rendent superflue. La justice et l'équité
exigent seulement en pareil cas qu'une brusque levée de bou-
cliers ne cause aucun préjudice aux particuliers, à la propriété
privée ni aux gouvernements neutres, qu'elle ne devienne pas
non plus un prétexte pour s'assurer des avantages que l'état
de guerre seul peut donner aux belligérants. A cet efifet aucun
gouvernement ne doit, sans manquer à la foi publique, se
dispenser de l'observation de certains délais destinés à donner
aux intéressés la possibilité de prémunir leurs personnes et
leurs propriétés contre des pertes imprévues. La pratique des
esquisse est basée principalement sur les instructions ou articles de guerre
rédigés par M. Lieber et publiés en 1863 par le Président Lincoln pour
les années des États-Unis.
* Waird, Enquiry. t. Il, p. 207 suiv.
> Bynkershoek , Quaest. jur. publ. 1, 2. d'Chnpteda § 295. de Kamptz
§ 275. Vattel III, § 51. Emerigon, Traité des assurances. I, 12. 35. Mar-
tens § 262. Schmalz p. 223. Klûber § 238. Wildman II, 5. Hautefeuille,
Droits des nations neutres. I , p. 295. Halleck XV, 1—7.
^ de Martens , ManueL § 262. note g. Martens , Supplém. VU , p. 213.
X, p. 870. XI, 471. 483. 613.
230 LIYBE DEUXIÈME. § 121.
nations, il est vrai, n'est pas entrée toujours dans cette voie
d'une manière assez franche. Bien souvent les publicistes ont
eu à enregistrer des actes qui constatent un empressement
blâmable de s'approprier, dès le commencement des hostilités,
des avantages ou des profits qui constituent en réalité une
vraie spoliation.^ H est évident au surplus que des cas isolés,
où Ton s'est dispensé d'une déclaration de guerre préalable, ne
constituent point une règle de nature à être toujours invoquée
par les belligérants. Nous aurons l'occasion d'indiquer quel-
ques applications du principe qui vient d'être établi au § 139.
n va sans dire que la déclaration de guerre faite entre
les parties principales produira également ses effets par rapport
aux alliés , dès qu'ils sont appelés à remplir leurs engagements,
d'après les distinctions marquées au § 117.^
Enfin il ne faudra aucune espèce de déclaration vis-à-vis
de factions hostiles ou de pirates.*
Mesures qui précèdent ou accompagnent ou suivent le
commencement de la guerre.
§ 121. Le commencement d'une guerre peut être fait ou
accompagné par un embargo et par un blocus (§ 111). Lors-
qu'ils ont précédé provisoirement l'ouverture des hostilités, ils
prendront un caractère définitif et permanent par suite d'une
déclaration de guerre.*
» Vattel m, § 56. Marteas à l'endroit cité. Ortolan H, 17. — Oke
Manning, Comment, p. 120 admet des actes semblables comme mesures
exceptionnelles.
« Grotius m, 3. 9. Vattel m, § 102.
8 L. 118 Dig. de Verb. Signif. „Ho8tes hi sunt qui nobis aut quibus
nos publice bellum decrevimus, caeteri latrones aut praedones sunt."
* C'est ainsi que y lors du blocus de Yera Cruz par Tescadre française
(1838), les navires mexicains furent d'abord séquestrés; après la déclara-
tion de guerre ils furent regardés conmie capturés. Aussi la question
arbitrale, conformément aux dispositions de la convention du 9 mars 1839,
a -t- elle dû être posée ainsi: S'ils devaient être considérés comme légale-
ment acquis aux capteurs? V. de Martens, Nouv. Recueil XVI, p. 610.
Wildman II, p. 9 et plus haut § 111.
§ 121. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 231
D y a encore plusieurs autres mesures préliminaires dépen-
dant exclusivement de Tappréciation politique des parties belli-
gérantes, savoir:
1** Publication de manifestes énonçant d'une manière solen-
nelle les causes de la guerre, et suivis de pièces justi-
ficatives pour servir à Tappui des principaux faits relatés
et des prétentions qui en résultent. La dignité des États
impose à ce sujet une certaine réserve et notamment un
langage modéré sur le compte du souverain et de per-
sonnes ennemis. Les faits seuls doivent parler par eux-
mêmes;
2"" des lettres de rappel adressées aux sujets résidant en
territoire ennemi;^
3** publication de lois martiales, c'est-à-dire des règles
d'après lesquelles on a l'intention de juger et de punir
les infractions aux lois de guerre;'
4'' publication de défenses faites par l'une ou l'autre des
parties belligérantes à ses sujets, d'entretenir avec les
sujets ou le gouvernement ennemi des relations commer-
ciales, ou bien de restrictions faites à ce sujet;
5** expulsion des sujets ennemis du territoire, afin d'éviter
les inconvénients qui peuvent résulter de la continuation
de leur séjour.
De pareilles expulsions (xénélasies) étaient très -fréquentes
dans l'ancien monde comme dans les temps modernes. Encore
en 1755 les Anglais furent expulsés du territoire de France au
son du clairon et du tambour. On en usait autrement pendant
la guerre de Grimée, où les sujets de la Russie ont continué
à séjourner paisiblement en Angleterre et en France. Mais en
1870 tous les individus non naturalisés et appartenant à l'un
des pays alors en guerre avec la France ftirent contraints de
quitter le sol français en peu de jours.* Il faudrait toutefois
accorder aux sujets ennemis un délai raisonnable et suffisant
pour quitter le territoire avec leurs biens, et il serait encore
1 de Kamptz , Litt. § 277.
« HaUeck XV, 24 suiv.
* Bevne internationale t. n, p. 671.
232 LIVRE DEUXIÈME. § 122.
pins confonne à l'esprit de notre époqne d'accorder anx sujets
ennemis non suspects et paisibles l'antorisation de continner à
résider dans le territoire.*
Effets directs dn commeneement des hostUités.
§ 122. La suspension réelle des relations paisibles d'État
à État est en général la conséquence la plus directe de la décla- '
ration de guerre. Privées désormais des voies régulières pour
applanir leurs différends , les puissances belligérantes , en réunis-
sant les ressources et les forces dont elles disposent ^ vont
remettre au sort des batailles le soin de prononcer entre elles,
n ne faudra toutefois pas conclure de là, du moins d'après les
principes modernes, que la guerre fasse cesser nécessairement
tous les liens légaux entre les États et que la paix seule
puisse les renouer. Ceux qui soutiennent la thèse contraire
disent que la guerre remet en question l'existence même des
États.' Mais autre chose est l'éventualité, autre chose
l'accomplissement d'une catastrophe qui met fin à l'existence
d'un État.
En premier lieu il est certain que les conventions stipulées
ou renouvelées expressément en prévision des hostilités, conti-
nuent à subsister, tant que l'une des parties belligérantes ne
les aura pas violées. Car en ce cas l'autre devra se dispenser
également de leur observation par voie de représailles, soit
provisoirement, soit d'une manière définitive. Jusque là le
fondement des conventions, l'accord des volontés, subsiste.
Citons conmie exemple le délai de six mois stipulé fréquem-
ment dans les traités de conmierce au profit des sigets respectils,
1 J. J. Moser, Vers. IX, p. 45. Vattel m, § 63.
^ C*est ce qae soutiennent p. ex. Schmalz , Vôlkerr. p. 69 et jusqu'à
un certain point Mably, Droit public. I, p. 169. Contra Wheaton m, 2.
7—9. La question est discutée par Préd. Ch. Wâchter, De modis tollendî
pacta inter gentes. Stuttg. 1780. § 53 suiv. Leopold, De effectu novi belli
quoad yim obligandi pristinarum pacification. Helmst. 1792. J. J. Moser»
Vermiscbtc Abhandl. I. Elûber § 165. Massé, Droit commercial § 144.
Halleck XV, 8 suiv.
§ 122. DROIT INTÇiRNATlONAL PENDANT LA GUERRE. 233
poar mettre en sûreté leurs personnes et leurs biens. ^ De
même les rapports légaux nés de traités antérieurs et 4|ui ont
acquis l'autorité de faits accomplis, continuent à produire leurs
effets: de nouvelles stipulations intervenues dans le traité de
paix futur peuvent seules y mettre un terme.
En second lieu les rapports généraux et permanents des
États ne cessent d'être en vigueur entre les belligérants qu'autant
que la volonté de ces derniers ou les besoins de la guerre
l'exigent. Ainsi, d'après les usages modernes, les parties
ennemies ne négligent pas d'observer entre elles, et notamment
à l'égard des souverains respectifs, les lois de l'honneur et du
respect. La bonne foi encore impose des devoirs dont il n'est
pas permis de s'affranchir sous les armes.
Les conventions contractées antérieurement à la guerre
cessent nécessairement de produire leurs effets, lorsqu'elles
supposent un état de paix. D'autres doivent être considérées
comme étant abolies de plein droit par la guerre qui a mis un
terme à leur cause ou à la possibilité d'un consentement libre
et permanent. Conformément à ce principe les usages inter-
nationaux n'exigent nullement l'accomplissement des engage-
ments contractés antérieurement envers l'ennemi, et les regar-
dent comme suspendus. Reste à savoir si la paix les fait
renaître et jusqu'à quel point? Nous examinerons cette question
au § 180 et 181. H est encore incontestable que, le terme
stipulé dans une convention étant échu avant la guerre ou
venant à échoir pendant la guerre, la partie victorieuse pour-
rait se mettre en possession des avantages qui lui ont été
assurés par la convention. Mais cette possession devra être
ratifiée par les clauses de la paix.
Enfin la guerre ne fait point cesser les droits communs
et individuels de l'honune:' ils subissent seulement toutes les
conséquences inévitables d'un fléau qui frappe sans discernement.
H est en outre évident que les sujets des parties belligérantes
1 Mably à Fendroit cité, de Steck, Essais sur div. sujets. 1785. p. 5.
Voir un autre exemple dans Wheaton § 8, 3. Elâber § 152. Martens § 263.
Yattel m, § 175. Oke Manning p. 125.
« Pufendorf , J. univ. IV, obs. 206, 2.
234 LIVKE DEUXIÈME. § 123.
doivent subir les efifets des restrictions que ces dernières jugent
à propos d'imposer expressément au conmierce ennemi ou neutre
(§ 123). A défaut de restrictions expresses il n'y a pas lieu à
en présumer; car les maximes modernes de la guerre ne per-
mettent pas de porter atteinte aux droits individuels des sujets
ennemis: elles ne s'opposent pas non plus à ce que ces droits
puissent être régulièrement poursuivis devant les tribunaux
compétents.^ Cependant la pratique des nations dominantes
se trouve encore en contradiction avec ces maximes.
Effets de la guerre sur le commerce des sujets
ennemis.'
§ 123. L'honune a naturellement le droit de faire un usage
libre des voies de communication et de commerce établies entre
les nations, et la guerre devrait respecter ce droit conune les
autres droits privés. Son exercice toutefois sera toujours sub-
ordonné aux convenances des parties belligérantes et aux con-
ditions sous lesquelles elles continuent à l'admettre. En effet
le commerce, ce levier puissant, si, libre dç toute surveillance,
il était abandonné à ses propres ressources, sfi rendrait indé-
pendant et deviendrait lui-même une puissance redoutable, dont
les annales de l'histoire fournissent un exemple mémorable dans
la Ligue hanséatique. En même temps qu'il dicterait des lois
aux gouvernements, il étoufferait par son esprit étroit et exclusif
beaucoup d'éléments généreux. H gênerait surtout les opéra-
tions ^es belligérants et donnerait à leurs positions nettement
définies une certaine couleur équivoque^ Affranchi de toute
surveillance, il portera souvent des secMrs à l'ennemi: car
pour lui, cosmopolite qu'il est, il n'exî§te d'autre ennemi que
celui qui arrête la liberté de ses mouvements. La force même
des choses indique par conséquent clairement que les relations
réciproques des sujets des parties belligérantes, loin d'être
J Zachariae, 40 Bûcher vora Staat. XXVIIT, 7. 2. (tome IV, p. 103.)
Contra Wurm dans le journal: Zeitschrift fur Staatswissenschaft. VII,
p. 350 sniv.
' Les monographies, celles notamment relatives au commerce des
neutres , sont indiquées par de Kamptz § 257.
§ 123. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 235
affranchies de toute surveillance, doivent au contraire être con-
tenues dans des limites étroites.^ Conséquemment tout gouver-
nement pourra interdire à ses sujets le commerce général ou
partiel avec Tennemi, en édictant des amendes et la peine de
confiscation contre les contrevenants. H peut encore arrêter les
sujets ennemis livrés au commerce, et user à cet effet de repré-
sailles, dont nous parlerons dans le chapitre relatif aux prises
maritimes. H peut également priver de leurs effets sur son
territoire les contrats commerciaux, comme, par exemple, les
contrats d'assurance, qui ont pour objets des biens ennemis.^
D'un autre côté les parties belligérantes ont la faculté d'autori-
ser certaines branches du commerce et d'accorder des licences
que, bien entendu, elles ne sont nullement tenues de respecter
entre elles. ^ Mais en thèse générale il n'est pas permis de
soutenir qu'une déclaration de guerre emporte toujours une
interdiction absolue de commerce entre les belligérants, bien
que souvent il en soit ainsi. Ces derniers doivent au contraire
s'expliquer clairement à ce sujet, lorsque surtout il s'agit d'une
interdiction générale.* En effet le droit de commerce est essen-
tiellement individuel et ne dérive pas de l'État, qui ne fait
qu'en régler les conditions et qui ne peut pas non plus le
frapper d'une manière absolue.^ Ainsi une puissance ne peut
1 Aatrefois Tinterdiction était la règle commune. Pafendorf , loc. cit.
obs. 207. Bynkershoek, Quaest. jur. pubL I, 3. «yQnamvis autem nnlla sit
specialis commercioram prohibitio, ipso tamen jure belli commercia sunt
vetita." Quelquefois néanmoins on admettait des exceptions. Ainsi en
1675 les États généraux, lors de la guerre avec la Suède, i^roclamèrent
la continuation du commerce entre les parties belligérantes.
3 de Steck, Essais sur div. sujets, p. 14 suiv. Wurm à Tendroit cité
t. Vn, p.340suiv. -
3 Jacobsen, Seerecht p. 423 suiy. 719 — 731. Wheaton, Intern. Law.
IV, 1. § 22. Oke Manning p. 123. WUdman H, 245. Phillimore Ul, 613.
* Nau , Vôlkerseerecht § 263. Contra Wurm, loc. cit. p. 282 suiv.
^ y. pour la jurisprudence passablement rigoureuse suivie en Angle-
terre, en Amérique et en France, Wheaton, loc. dt. § 13. Valin, Com-
mentaire sur rOrdonnanoe de 1681. m, 6. 3. Phillimore UI, 105. HaUeck
XV, 9 suiv. — Oke Manning p. 123, observe avec raison qu*il s'agit ici plutôt
de mesures politiques que commerciales. V. aussi Massé, Droit commercial.
1. 1. 1844. n. 335. Wildman U, p. 15.
236 LIYBE DEUXIÈME. § 124.
pas obliger ses alliés à se soumettre sons ce rapport à une
défense générale, dès qu'elle ne résulte pas des clauses du
traité d'alliance. H doit se contenter d'exiger qu'ils ne favori-
sent pas effectivement l'ennemi, et il s'y opposera au besoin
par voie de saisie ou autrement.^
Les personnes comprises dans Tétat de ^erre.
§ 124. Maintenant nous allons tracer les règles à observer
durant la guerre en commençant par la conduite et le traite-
ment des personnes impliquées dans l'état de guerre.
Notons d'abord que d'après les usages internationaux de
l'Europe moderne les effets actifs et passifs ne se produisent
dans toute leur rigueur qu'à l'égard des chefs des parties prin-
cipales ou alliées, et des armées de terre ou de mer entrées
en campagne sous leur commandement. Cette force armée ne
comprend pas seulement les troupes et les équipages ordinaires,
mais aussi ceux qui sont destinés à l'arrière -ban et au ren-
forcement des premiers, comme la Landwehr allemande. Outre
les soldats armés, on y compte encore les personnes non com-
battantes attachées au camp, telles que les aumôniers, les
médecins, les vivandiers et les intendants militaires. Â l'égard
de ces personnes toutefois il est constant qu'ils ne participent
pas à la guerre active et qu'ils ne peuvent faire usage des
armes qu'en cas de nécessité et pour leur défense personnelle.
— Les autres sujets des parties belligérantes remplissent dans
le cours de la guerre un rôle purement passif et n'y intervien-
nent que par leurs rapports avec les troupes, en même temps
qu'ils subissent nécessairement les conséquences de la guerre
et de ses diverses vicissitudes.* Il leur est* défendu de com-
mettre aucune espèce d'hostilités sans un ordre formel du sou-
verain, qui peut appeler certaines classes ou la population
1 Bynkershoek, Quaest. jur. publ. 1, 10. Wheaton, loc. cit. § 14. Wurm,
loc. cit. p. 294 professent nne opinion plus rigoureuse. On doit néanmoins
se demander à quel titre un gouvernement pourrait s'arroger le droit de
tracer à ses alliés leur voie de conduite et d'exercer sur leurs sujets une
espèce de juridiction.
2 Vattel m, 15, § 226.
§ 124. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 237
valide tout entière à prendre les armes. Dans ce sens le code
général de Prusse (Introduct. § 81) déclare que le chef seul de
l'État prend les mesures nécessaires pour la défense du terri-
toire contre des ennemis étrangers. Si, aux termes de repré-
sailles générales, le souverain, lors de la déclaration de guerre,
ordonnait à tous les sujets de „ courir sus aux ennemis '': cette
formule toutefois, suivant l'explication fournie déjà par Vattel,*
ne signifiait autre chose qu'une autorisation accordée aux sujets
d'arrêter les personnes et les choses appartenant à l'ennemi.
Elle a cessé depuis d'être en usage (§ 110). Néanmoins elle
pourra encore être remplacée par la levée en masse des sujets
ordonnée par le gouvernement.
Les sujets non appelés aux armes des puissances belligé-
rantes ont naturellement le droit de s'opposer directement aux
troupes ennemies, dès qu'elles s'écartent de l'observation des lois
de la guerre. Tous les autres actes d'hostilité commis par eux
sur les personnes ou sur les biens privés de l'ennemi ne constituent
pas seulement une infraction aux lois de la guerre, mais en même
temps aux lois pénales protectrices des personnes et de la pro-
priété, et que par suite elles sont justiciables soit des tribunaux
ordinaires du pays, soit des cours martiales de l'ennemi.^
*
^ Loc. cit. § 227. Voyez aussi Pr. E. a Pufendorf , Jur. univ. IV,
obs. 206.
> Âheggt célèbre criminaliste , observe là -dessus dans son ouvrage
intitulé : Untersuchungen aus dem Gebiet des Strafirechts , p. 86 : La raison
apparente pour résoudre la question dans un sens contraire, serait que
rÉtat dont le territoire, par suite des vicissitudes de la guerre, a été
occupé par des troupes ennemies, n'a le devoir ni Fintérêt de les protéger
contre des attaques du dehors, après qu'un état de violence a succédé à
la situation légale. A Fexception de ces guerres à outrance (bella inter-
necina) dont nous ne verrons sans doute plus le retour, la guerre ne met
pas un terme à Tétat des choses légal, au point d'ai&anchir les citoyens
de Tobservation des lois envers certaines personnes. Il faut surtout renon-
cer à Topinion qui ne fait consister la valeur des lois criminelles que dans
Tefficacité de leur protection. Une question différente sera celle de savoir,
jusqu'à quel point la légitime défense ou d'autres motifs de guerre sont
de nature à modifier le caractère du droit criminel , au point d'assurer l'im-
punité ou une atténuation de la peine , ou même la grâce du coupable. V. aussi
Frisius Binia van Nauta, De delictis adv. peregrinos, maxime adv. milites
hostiles. Qroning. 1825.' HefEter, Lehrbuch des Criminal-Beehtes. §37.
238 LITRE DEUXIÈME. § 144*.
Corps francs; O^nertUas; Franes-tlrenrs; Corsaires.
§ 124*. Tant à côté que séparément des troupes régu-
lièrement organisées, disciplinées et commandées, il y a souvent
des individus armés qui, de leur chef et tantôt réunis en
bandes ou corps, tantôt isolément, font la petite guerre contre
l'ennemi. Ce sont là surtout les nommés guérillas, les francs-
tireurs dans les guerres sur terre. ^ Ils ne seront soumis aux
lois communes de guerre et assimilés aux troupes régulières
que dans les cas suivants:
1"* lorsqu'ils prennent part aux hostilités en vertu d'ordres
formels du chef de leur parti, ordres dont ils sont en
état de justifier;
2"* lors d'une levée en masse ou d'une guerre à outrance,
ordonnée ou approuvée par le gouvernement;
bien entendu que ceux qui y participent, agissent conformé-
ment aux dispositions réglementaires prescrites à l'insurrection.
S'il n'y en a pas et que l'insurrection, la levée en masse
ou la guerre à outrance soit seulement proclamée en termes
généraux, il faudra du moins que les individus, en s'oppo-
sant à l'ennemi, soient reconnaissables pour celui-ci par leur
nombre ou par certains insignes ou par des commandants
militaires.
Dans tous les autres cas l'ennemi ne sera nullement obligé
de respecter ces particuliers comme soldats en règle.* On les
a nommés pour cela brigands, briganti, quoique cette qualifica-
tion ne soit pas moralement applicable à toutes les catégories
de ces combattants.
De pareilles distinctions doivent être faites relativement à
la guerre maritime.
1 V. rexcellent exposé de M. Lieber, On Guérilla Parties. New -York
1863. Comparez HaUeck XTE, 8 ss. et ponr les temps passés J. J. Moser,
Nachtrag zu den Grundsàtzen des Y. R. 1750. et le même dans ses Ver-
suche d. E. V. R. IX, 2, 49.
« V. pour la guerre de 1870 à 1871 M. Rolin-Jacquemyns dans la
Re?ue internationale n, 660.
§HB4*. droit international pendant la guerre. 239
Il y a d'abord des armateurs (privateers en anglais),^ qui
équipent des navires pour aller en course contre un belligérant
en vertu des commissions ou lettres de marque qui leur ont
été délivrées par leur propre gouvernement ou par un gouver-
nement étranger en guerre. Us obéissent aux ordres de
l'amirauté et font partie de la marine militaire.
Les lettres de marque sont un legs du moyen âge et de
son système de représailles.^ Les nations s'accordent sans doute
depuis longtemps sur le caractère barbare de cet usage, et de
plus en plus on y a renoncé. Nous aimons à rappeler à ne
sujet la disposition d'un traité de conmierce conclu en 1785
entre la Prusse et les États-Unis (art. 23), qui déclare la course
abolie entre ces puissances, disposition qui à la vérité n'a pas
été reproduite dans les traités de 1799 et de 1828.^ La Russie
donna un autre exemple de s'abstenir de lettres de marque,
dans la guerre qu'elle soutint de 1767 à 1774 contre la Turquie,
guerre connue par la victoire navale remportée par Orloff sur
la flotte turque à Tschesmé.^ Enfin la déclaration du 16 avril
1856 a proclamé la course abolie pour toujours (voir l'appen-
dice). Pour qu'elle soit regardée comme la loi générale du
concert Européen il n'y manque que l'adhésion de l'Espagne,
des États-Unis de l'Amérique septentrionale et du Mexique.
A l'égard de ces États les anciennes règles de mer serviront
encore de loi, savoir: Les puissances belligérantes seules ont le
droit de délivrer ces commissions: il est défendu à un gouver-
* V. l'ouvrage classique de Martens: Versuch iiber Kaper. Gôttingen
1795. trad. en français ibid. Hautefeuille , Droits des neutres. I, 327.
HalleckXVI, 11.
> de Ealtenbom dans Pôlitz-BMau, Jabrbûcher fÛr Gescbicbte und
Politik. 1849. t. H.
» Nau, Vôlkerseerechi 1802. § 279 cite encore le traité entre l'Angle-
terre et la Russie, mais il contient seulement quelques modifications dans
le régime des lettres de marque. Des clauses analogues se retrouvent dans
une foule d'autres traités, sans a?oir jamais été exactement exécutées.
Hautefeuille p. 338.
* Franklin (Works t. Il, p. 448) a condamné la course. V. ViTheaton,
Histoire p. 223 (éd. 2. n , 371). Hautefeuille I , p. 339. Wurm (Zeitschrift
ftir Staatswissensch. t. VU, p. 344 suiv.) cite plusieurs autres exemples de
guerres qui n'ont pas vn de lettres de marque.
240 LIVRE DEUXIÈME. § lAÔ.
nemeut allié d'en faire usage, aussi longtemps qu'il veut faire
respecter sa neutralité. La commission toutefois peut être
accordée aussi à des étrangers et à des sujets neutres, pourvu
que les traités ne s'y opposent pas.^ De même elle peut être
donnée à des navires marchands qui par là obtiennent la faculté
de capturer des navires ennemis.^ Le gouvernement qui délivre
des lettres de marque, en détermine en même temps les clauses
et les conditions.^ Les corsaires qui sont en mesure de justifier
de leur mandat d'une manière régulière et qui se sont conlbr-
mes à leurs instructions, jouissent seuls de la protection des
lois internationales. Ceux qui ont accepté des commissions des
deux parties ennemies, sont traités en pirates.^
Pratiques licites de la guerre.^
§ 125. Gomme pratiques licites ou conformes au but de la
guerre on regarde non -seulement la force ouverte, mais aussi
des ruses. L'honneur et l'humanité toutefois imposent à ce sujet
aux nations des limites que la raison de guerre seule permet
de franchir exceptionnellement.
Est réputée comme pratique absolument illégale et con-
traire à l'esprit de l'humanité l'empoisonnement des sources et
des eaux du territoire ennemi, proscrit également par les lois
musulmanes. L'emploi d'armes empoisonnées fut déjà défendu
au moyen âge par l'Église: jusqu'au xvi* siècle on rencontre
cependant des exemples de cet usage barbare.^ Nous compre-
1 Hautefeuille I , p. 350. 351. t. lY, p. 252 en cite plusieurs exemples.
Ibid. t. I, p. 345. HaUeck XVI, 16.
* Martens § 12. Hautefeuille I, 345 et sous réserves HaUeck XVI, 10.
8 Pour la France v. le règlement des prises du ^Vis nmî 1803. Mar-
tens, Recueil, t. VIII, p. 9. Ortolan, Règles internat. Il, p. 354. Surtout
de Pistoye et Duverdy, Tr. des prises. I , p. 157. Riquelme I , p. 266. 267.
« Martens (§ 14) et Valin contestent en outre qu'on puisse prendre des
commissions de plusieurs gouvernements alliés: les neutres auraient de quoi
se plaindre. Comparez Hautefeuille I , p. 351 et HaUeck XVI , 15.
^ Nous félicitons les États-Unis du Nord de TAmérique de posséder
Texcellent „Code of Instructions for the Government of Armies in the field"
cité déjà au § 119.
« Chap. 1. X. de sagittar. Ward t. I, p. 252. 253.
§ 125. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 241
nons dans la même catégorie en général toutes les aimes qui
occasionnent des douleurs inutiles ou des blessures difficiles à
guérir, telles que des boulets à pièces, ceux mêlés de verre
et de chaux, doubles ou taillés, et sans doute aussi les fusées
à la congrëve lorsqu'elles sont tirées contre des hommes;
remploi de chiens braques et de troupiers sauvages qui ue
connaissent pas les lois de Thouneur militaire et de l'humanité
en guerre.^ Enfin le carnage causé parmi des personnes qui
n'opposent aucune résistance et qui en sont incapables, est
Tobjet d'une réprobation universelle. Une guerre à outrance
même qui a été déclarée contre un gouvernement, ne lui permet
pas d'avoir recours à des procédés semblables.
Les règles de la guerre proscrivent également, lorsqu'il ne
s'agit pas d'actes de représailles ou de précaution tendant à
prévenir des désastres irréparables, les ravages du territoire
ennemi et les destructions des récoltes et des habitations.
Quelquefois les belligérants y seront forcés momentanément
dans le but de faciliter certaines opérations de guerre. Mais
en général on devra désapprouver des mesures pareilles, comme
p. e. la dévastation du Palatinat par Louis XIV et l'usage
anglais, suivi encore pendant la guerre d'indépendance de
l'Amérique septentrionale et dans les Indes orientales, où l'on
regardait comme licites les dévastations du territoire ennemi,
dès qu'elles avaient pour but de faire obtenir des contributions
des habitants, de contraindre les troupes ennemies à quitter
des positions occupées par elles pour couvrir le pays, enfin
de nuire à l'ennemi et de le ramener à la raison, en cas de
révolte et de rébellion.*
Les lois de l'humanité proscrivent encore l'usage des
moyens de destruction qui, d'un seul coup et par une voie
mécanique, abattent des masses entières de troupes, qui, en
réduisant l'homme au rôle d'un être inerte, augmentent inutile-
ment l'effusion du sang. Citons l'emploi de boulets rames dans
une bataille sur terre, de boulets rouges ou de couronnes fou-
droyantes dans une bataille navale, projectiles qui souvent
» R. de Mohl , Staats - nud Vôlkerreclit 1 , 765.
* de Martens, Vôlkerr. § 274 (280).
Heffter, droit intematlonAl. 3» ëd. 16
242 UYBB DEUXIÈME. § ||[5.
suffisent pour anéantir d'un seul coup des navires entiers avec
leurs équipages.^ Malheureusement les belligérants de nos
jours sont trop portés à augmenter et à amplifier les instru-
ments de destruction.
La moralité doit réprouver de plus les ruses ou strata-
gèmes qui constituent des violations de la foi jurée à Tennemi.'
L'honneur ainsi que le propre intérêt repoussent pareillement
l'assassinat y la provocation à ce crime , l'excitation des sujets
ennemis à la révolte contre leur souverain légitime. Le' but
toutefois d'épargner l'efiusion inutile de sang ou d'obtenir plus
promptement le gain de la cause doit en quelque sorte légiti-
mer l'emploi de moyens de corruption et les pratiques mises
en oeuvre pour corrompre certains individus et provoquer la
trahison.'
C'est ainsi que chacune des parties belligérantes peut
accepter les ofFres volontaires qui lui sont fiâtes par des sujets
ennemis et en profiter, pourvu qu'elles n'aient pour but aucun acte
absolument repréhensible, tel que l'assassinat H lui est incon-
testablement permis de recevoir des transftiges y des déserteurs,
d'accueillir les propositions d'un traître et d'envoyer des espions.^
Chacune peut se garantir des ruses et de la trahison, surtout
de doubles intelligences par les moyens les plus énei^ques.^
Toutefois la dissimulation devra cesser avec l'emploi de la
force ouverte. Ainsi au commencement du combat d'escadres
ennemies, chacune devra arborer son véritable pavillon.*
1 Sur ces différentes propositions y. Yattel UI, § 156—157. 166. 167.
de Martens § 268 sniv. Eltiber § 244. 262. 263. d'Ompteda § 301. de Kamptz
§ 289. — Bynkershoek (Quaest. jnr. pubL : De rebns bellicis chap. 1) n'ad-
met aucune restriction. Contra Ortolan II, 27. 5. Oke Manning p. 149.
WUdman n, p. 24.
« Macchiavel (dei discorsi HI, 40). Vattel UI, § 176.
> Pufendorf yiU, 6. 18. Yattel UI, § 180. Klfiber § 243 note a.
Grotius (m, 1 , 21) a manifesté des doutes à ce sujet d'Ompteda § 303.
de Kamptz § 291.
« Il sera question de Tespionnage à la fin du livre m. Y. cependant
Yattel m, § 181. Klûber § 266. Halleck XYI, 26. Phillimore HI, 140.
8 Yattel m, § 182.
^ Bouchaud, Théorie des traités de commerce, p. 377. Ortolan II,
p. 33. WUdman U, p. 25. HaUeck XYI, 24.
§ 126. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 243
L'ennemi qui, pendant le combat, fait usage d'armes illi-
cites, se place en dehors des lois de la guerre. La loi du
talion le frappera impunément, lorsque surtout elle atteindra
les vrais coupables.
Traitement des personnes ennemies.
§ 126. Dans Fancien monde il n'y avait aucune barrière
contre le traitement arbitraire des ennemis vaincus. Livrés à
la merci du vainqueur, ils n'avaient qu'à choisir entre la mort
et l'esclavage. Les lois modernes des nations chrétiennes, avec
leurs principes pleins d'humanité, ne dépassent pas à ce sujet
les limites de la stricte nécessité,^ ainsi que nous l'avons déjà
observé. Elles distinguent les personnes ennemies selon leurs
conditions en différentes catégories, dans l'ordre suivant:
I. Le droit de la guerre proprement dît, celui de vie et
de mort, est applicable à toutes les personnes ennemies qui
portent des armes pour exercer des hostilités. Â leur égard il
est permis de faire usage de tous les moyens de destruction.*
Le devoir d'épargner la vie humaine peut prévaloir dans cer-
tains cas individuels, mais il devra toujours céder devant la
raison de la guerre, qui est le point fondamental. Dès que
celle-ci le permet, il ne faut pas refuser d'accorder pardon aux
troupes ennemies, à moins que la nécessité de rétablir l'égalité
du combat n'exige l'emploi de mesures de rétorsion.
Les individus non combattants qui forment le train on la
suite de l'armée, tels qu'aumôniers, chirurgiens, vivandiers,
quartiers -maîtres, sont à la vérité l'objet de ménagements indi-
>âduels, mais dans la mêlée générale ils subissent le sort com-
mun. Us n'échappent pas an traitement de prisonniers, à moins
que des traités ou des capitulations ne leur assurent un traite-
ment différent» (§ 124).
Les lois de la guerre, qui sont celles de la légitime
défense, s'opposent également à ce qu'on se porte à des excès
> Comparez pour le tout Halleck XVlll.
« Zachariae, Vom Staat. XXVm, 7. 2. (t. IV, 1. p. 99).
s Elfiber , Droit des gens § 247.
16*
244 LIVRE DEUXIÈME. § 126.
envers un ennemi terrassé ou blessé, qui d'ailleurs n'échappe
pas au sort de prisonnier. Les soins dus aux blessés de
l'ennemi dépendent à la vérité de la générosité du vainqueur:
mais un intérêt de réciprocité lui conseille de ne pas leur
refuser ces soins, après avoir assuré la position de ses propres
blessés et malades. Jamais il ne devra se permettre de les
tuer: dans un seul cas un acte aussi féroce trouverait une
explication, celui où il serait démontré que les soldats mis à
mort s'étaient rendus coupables d'un forfait semblable.
L'inviolabilité est assurée aux parlementaires qui obser\^ent
les signaux conventionnels en s'approchant du camp. On leur
accorde les délais et les sûretés nécessaires pour rentrer libre-
ment dans leur camp.
n. Les individus qui n'appartiennent pas à la force armée,
ceux-là mêmes qui sont chargés du maintien de la sûreté et
de l'ordre intérieurs, jouissent de la protection des lois de la
guerre. Ils ne peuvent être soumis à un traitement violent
que lorsqu'ils ont commis des actes d'hostilités. La seule con-
dition d'ennemi ne justifie pas des procédés semblables. Mais
on peut naturellement prendre envers les personnes sus -indi-
quées des mesures de sûreté de toute sorte, les désarmer, les
arrêter et en exiger des otages.^
Les sujets ennemis qui, lors de l'ouverture des hostilités,
se trouvent sur le territoire de l'une des puissances belligé-
rantes ou qui y sont entrés dans le cours de la guerre, devront
obtenir un délai convenable pour le quitter. Les circonstances
néanmoins peuvent aussi rendre nécessaire leur séquestration
provisoire, pour les empêcher de faire des communications et
de porter des nouvelles ou des armes à l'ennemi.
Ces principes, il faut l'avouer, n'ont pas toujours été
respectés par les belligérants pendant les fureurs de la guerre.
Mais la grande Charte anglaise (Magna Charta, art 41) con-
tenait déjà de sages prescriptions à cet égard. Plus tard des
traités ont stipulé d'une manière solennelle une protection au
moins temporaire au profit des sujets ennemis. Qu'il suffise de
citer les dispositions du traité d'Utrecht, conclu d'une part entre
» Grotius III, 4. 19.
§ 126. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 245
la France et TAngleterre (art. 19), et d'autre part entre cette
puissance et TEspagne (art. 6); celles du traité anglo- russe de
1766 (art. 12).^ Enfin, avons -nous besoin de rappeler les règles
généreuses adoptées dès le principe de la guerre d'Orient par
les puissances occidentales et par la Russie?
m. Conformément aux usages modernes, les souverains
et les princes qui appartiennent à la famille souveraine, lors
même qu'ils auraient pris part aux opérations de la guerre, ne
sont pas soumis au traitement commun, et on leur accorde des
ménagements particuliers. Ainsi on évite de faire tirer sur
eux: mais ils peuvent être faits prisonniers. Aucun excès ne
peut être commis sur des femmes et des enfants: ils ont au
contraire droit à être protégés contre toute molestation. Les
troupes ennemies ne négligent pas non plus d'observer entre
elles les règles consacrées de la politesse. Cela n'empêche en
aucune manière de prendre des mesures de précaution et de
recourir au besoin à des représailles.
IV. Sont exceptées de la protection des lois et des usages
de la guerre les personnes suivantes:
1" Les individus qui, à leurs risques, et sans aucune autori-
sation de leur souverain ou sans tenue militaire recon-
naissable, se sont livrés à la petite guerre (§ 124. b.);
2** ceux qui dans le territoire occupé par l'ennemi com-
mettent des hostilités envers lui; ce qui constitue le cas
de rébellion;*
S*' les militaires et les individus non -militaires qui, par leur
conduite, enfreignent les lois de la guerre, comme les
maraudeurs non régulièrement autorisés;
4'' les déserteurs retrouvés dans le camp ennemi.
Ces derniers seront jugés d'après les lois criminelles qu'ils
ont violées par leur désertion et en suite de celle-ci; les autres
sont responsables d'après la loi martiale.
ï Ward (I, p. 356. 357) cite de déplorables exemples du contraire.
Contra Ortolan II, p. 281. Y. aussi § 122 ci -dessus.
* Lieber, On guérilla p. 13. Revue Internationale III, p. 667. Com-
parez § 131, n. ci -après.
246 LIVKE DEUXIÈME. § 127.
CaptiTlté.
§ 127. D'après les règles de rancien droit des gens,
toutes les personnes ennemies tombées au pouvoir du vain-
queur subissaient le sort de la captivité. Lorsqu'il n'avait pas
promis de les traiter avec ménagement, il disposait d'eux
arbitrairement et selon ses caprices: encore les engagements
pris par lui à ce sujet ne suffisaient -ils pas toujours pour les
protéger. H les tuait, les accablait de mauvais traitements, les
livrait en esclavage.^ Certains peuples à la vérité avaient des
coutumes moins barbares: mais les observaient-ils strictement?
Ainsi une loi adoptée par la Ligue amphictyonique proscrivait
le meurtre d'un prisonnier qui s'était réfugié dans un temple.*
Pareillement une loi qui, à ce qu'on prétend, était respectée
dans toute la Grèce, assurait le pardon aux ennemis qui s'étaient
rendus volontairement en implorant leur grâce.* Il paraît encore
qu'un usage romain garantissait la vie sauve aux assiégés qui
s'étaient rendus avec leur matériel de défense.*
Au moyen âge l'Église assurait par l'établissement des trêves
de Dieu^ à quelques classes de personnes et de choses une cer-
taine protection et inviolabilité. C'est ce qui n'empêchait pas
tout-à-fait les parties belligérantes de soumettre les sujets et les
prisonniers ennemis aux traitements les plus violents et les plus
cruels.® A peine le désir d'obtenir une riche rançon ou l'esprit
de chevalerie apportait -il quelquefois de légers adoucissements
à ces procédés barbares. L'Église parvint en même temps à
supprimer graduellement l'esclavage des prisonniers chez les
nations chrétiennes. Dans l'occident, ce fut par un canon
décrété sous le pape Alexandre IQ par le troisième concile
latéran (1179), que l'esclavage et la vente des prisonniers
chrétiens furent abolis. En Orient une défense analogue existait
» Grotius m, 11, 7 suiv.
'^ Saint- Croix Gouv. fédér. p. 51.
8 Thucydid. m, chap. 52.
* Caesar, De bello gallico. II, 32. Cicero, De offic. I, 12.
'^ V. c. 2. X. de treuga.
6 Ward dans plusieurs endroits. Putter, Beitr. p. 47 suiv.
§ 128. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 247
dès rannée 1260, d'après le témoignage de Tévêque grec Nicé-
phore Grégoire.^
§ 128. D'après les coutumes modernes il est reconnu
que le souverain et les princes des familles souveraines, dès
qu'ils ont pris du service dans l'armée active ou qu'ils sont
capables de porter les armes, . ensuite tous ceux qui font
partie de l'armée active et légitime, sont soumis au sort de la
captivité.*
Les effets de la captivité commencent à courir, à l'égard
des prisonniers de guerre, dès le moment où, réduits à l'im-
possibilité d'opposer de la résistance, ils se sont rendus volon-
tairement, soit conditionnellement, soit sans condition, et qu'ils
ont obtenu la grâce de leur vie.
Les lois de la guerre défendent d'ôter la vie aux prison-
niers sous aucun prétexte: car l'ennemi incapable de nuire a
droit à des ménagements. Il est permis seulement de prendre
à son égard des mesures de précaution et de s'assurer de sa
personne. Si toutefois les circonstances rendaient l'application
de ces mesures trop difficile, la nécessité de la légitime défense
et les fins suprêmes de la guerre feraient repousser la reddi-
tion oflferte. Ainsi les prisonniers qui, après avoir été dés-
armés, menacent de reprendre les armes, pourront être tués
impunément. Le meurtre sera moins excusable s'ils se sont
rendus sur parole, à moins qu'ils n'y aient manqué les pre-
miers, ou que leur présence dans le camp ne présente des
dangers sérieux.
De même le vainqueur a incontestablement le droit de
faire appliquer au prisonnier qui s'est livré sans condition, la
peine d'un forfait énorme contraire aux lois de la guerre, dont
il s'était rendu coupable, d'après les règles de la vindicte sociale.
Toute vengeance néanmoins exercée sur un ennemi qui n'a fait
que remplir les devoirs militaires, doit être réprouvée:* telle
sera, par exemple, l'exécution du brave commandant d'une
» Pûtter , Beitr. p. 69. 86.
> d'Ompteda § 311. de Kamptz § 305. Grotius m, chap. 7. Moser,
Vers. IX, 2, p. 250. 311 sniv. Bynkershoek, Qaaest. jnr. pabl. I, 3. Vattel
m , § 139 sniy. Elfiber % 249. Wheaton IV, 2. 2. Oke Manning p. 155.
» Vattel m, § 141. 143. Wildman n, 25. 26.
248 LIYBE DEUXIÈME. § 129.
forteresse assiégée, lors même que sa défense courageuse
aurait provoqué pendant le siège la menace de cette punition.
Espérons que les annales de l'Europe n'aient plus à enregistrer
de pareils forfaits.
§ 129. Le traitement du prisonnier de guerre consiste
dans la privation eflfective et temporaire de sa liberté , pour
l'empêcher de retourner dans son pays et de prendre de nou-
veau part aux opérations de la guerre. Les membres des
familles souveraines, lorsqu'ils ont été faits prisonniers, sont
traités avec les égards dus à leur position. Détenus souvent
sur leur simple parole, ils sont afFranchis de toutes lès mesures
vexatoires de sûreté personnelle. De même les officiers, dès
qu'ils ont engagé leur honneur, jouissent aussi d'une plus
grande liberté. Les sous -officiers et les soldats au contraire,
soumis à une surveillance active, sont employés à des travaux
convenables pour gagner une partie des frais d'entretien fournis
par le gouvernement qui les détient. Ce dernier pourra exiger
le remboursement ou en exiger la compensation lors de la con-
clusion de la paix.
Les prisonniers de guerre sont, pendant toute la durée de
leur captivité, incontestablement justiciables des tribunaux du
pays où ils se trouvent détenus, notamment à raison des crimes
qu'ils y ont commis. Les lois de la guerre réprouvent de mau-
vais traitements, des procédés arbitraires, des violences de toute
espèce, lorsqu'elles ne sont pas justifiées par la nécessité. Ce
ne serait surtout que dans le cas où, contrairement aux con-
ditions de leur détention, ils conspireraient contre la sûreté
intérieure de l'État, que ce dernier pourrait user valablement
à leur égard de moyens de correction ou de répression éner-
giques. Ceux qui sont restés étrangers aux faits reprochés, ne
devront pas subir les conséquences des représailles, quoi qu'en
disent certains auteurs anciens qui, sous le nom de pratiques
de guerre, ont cherché à justifier des procédés semblables, ne
fût-ce que comme de simples menaces.^ — Les lois de la
> Vattel m, § 142. Le traité conclu en 1799 entre la Pmsse et les
Etats-Unis contient, dans Fart. 24, quelques dispositions curieuses sur le
traitement des prisonniers.
§ 130. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 249
guerre défendent encore de contraindre des prisonniers d'entrer
dans Farmée de TÉtat où ils sont détenus.
La captivité finit dans leâ cas suivants:
par la paix;
par une soumission volontaire acceptée par le gouvernement
ennemi;
par le renvoi conditionnel ou sans condition;
par le rachat ou la rançon.
Les prisonniers qui, après avoir été rendus à la liberté
par suite d'une promesse de payer une rançon qu'ils n'ont pas
remplie, viennent à être repris une seconde fois, ne sont pas-
sibles d'aucune peine, car ils n'ont fait qu'obéir à la voix
naturelle de la liberté et de la patrie. Mais s'ils ont manqué
en même temps aux conditions plus sérieuses de leur mise en
liberté, à celle, par exemple, de ne plus servir contre le gou-
vernement qui les a renvoyés, ils seront passibles de correc-
tions sévères.
Droits sur les choses qnl appartiennent à l^ennemi.^
§ 130. Par une conséquence naturelle des anciennes lois
de la guerre, qui avait pour but exclusif la destruction de
l'ennemi, le vainqueur pouvait s'approprier, par une simple
prise de possession, les biens appartenant à ce dernier, ces
biens étant regardés conune caducs et sans maître.^ Les lois
regardaient même le domaine des biens enlevés à l'ennemi
comme le plus légitime et le plus solide.* Ceux que le vain-
queur n'avait pas l'intention de garder étaient impitoyablement
voués à la destruction. Rien n'était excepté de la ruine uni-
verselle: les campagnes et les villes, les édifices publics et
ï Grotius m, chap. 5 et 6. Vattel m, 9 et 13. Martens, Vôlkerr.
p. 274 suiv. d'Ompteda p. 308. de Eamptz p. 306.
* Loi 1. § 1. 1. 5. § 7 pr. D. de acqnir. rer. domin. I, 20, § 1. D. de
captivis et postlim. Gajus, Comment. Il, 69, § 17. J. de diris. renim.
' Gajns (Comment. lY, § 16) dit des anciens Romains: „Omninm
maxime sua esse credebant quae ex hostibas cepissent. Unde in centom-
viralibos judiciis hasta praeponitnr."
250 LIVRE DEUXIÈME. § 130,
privés, les temples même n'y échappaient pas. Elneore dans
Tépoque romano- chrétienne les tombeaux ennemis , dont la reli-
gion avait placé le culte si haut, n'étaient pas respectés.^ Tout
ce qui, dès le commencement de la guerre, se trouvait sur le
territoire ennemi, était la proie du vainqueur.*
Les lois présentaient cependant certaines différences entre
elles par rapport à la personne de l'acquéreur. Ainsi les lois
romaines admettaient cette distinction fondamentale que la prise
de possession des terres ennemies (occupatio bellica) en rendait
maître l'État vainqueur, tandis que les biens meubles devenaient
l£u propriété des troupes qui s'en étaient emparées, de manière
que les meubles conquis en commun furent partagés proportion-
nellement entre les individus, après certains prélèvements opérés
au profit du fisc et des temples publics.'
Les coutumes modernes de la guerre ont consacré des
principes différents, ainsi que nous l'avons déjà observé. La
guerre n'est plus regardée comme un état de choses normal:
elle ne dissout les rapports régulièrement établis qu'autant que
la nécessité l'exige. Elle n'est pas un état d'hostilité étemelle
entre les nations civilisées: elle ne perd surtout jamais de vue
son véritable but, qui est le retour de la paix. Accident essen-
tiellement transitoire, elle suspend seulement le règne de la
paix. C'est un accident dont chacune des parties belligérantes
profite avec une entière liberté pour conserver les avantages
que lui procurent les succès de ses armes, sans qu'elle ait à
en rendre compte devant une autorité quelconque. Mais tou-
jours est -il constant que l'état de possession, résultant des
succès de guerre, ne produit tous ses effets que par rapport
aux États belligérants: par rapport à leurs sujets au contraire
dans les limites seulement de la stricte nécessité. Depuis
Grotius cette idée moderne de la guerre s'est fait jour avec
une énergie persistante: sortie [des ombres de la théorie, elle
^ Loi 4. Dig. de sepnlcro violato. Loi 36. Dig. de religiosis: ,,8epnlcra
hostium nobis religiosa non snnt.*'
^ Loi 51. Dig. de acquir. rer. domin. Loi 12 pr. Dig. de captivis.
» Grotius m, 6. 14 suiv. Cujas, Obseryat. XIX, 7. Vinnins ad § 17.
Inst. de rer. divis. J.-J. Barthélémy, Oeuvr. div. Paris 1798. 1. 1, p. 1.
§131. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 251
est appelée désonnais à prendre place au sein des nations
civilisées de FEurope.^
§ 131. Du principe moderne de la guerre que nous venons
d'énoncer, découlent naturellement les propositions suivantes:
I. La conquête totale ou partielle d'un territoire n'a pas
pour eflfet direct de remplacer le gouvernement vaincu par le
vainqueur, aussi longtemps que la lutte peut se continuer avec
quelque chance. C'est seulement après avoir fait subir au
peuple vaincu une défaite complète (debellatio, ultima Victoria),
après lui avoir enlevé la possibilité d'une plus longue résistance,
que le vainqueur peut établir sa domination sur lui en prenant
possession du pouvoir souverain, domination à la vérité usur-
patrice, ainsi que nous l'expliquerons au chap. IV. Jusque là
il ne pourra que séquestrer les domaines du gouvernement
dépouillé provisoirement et de fait de ses prérogatives. Il
pourra tirer parti de toutes les ressources dont disposait ce
dernier et qui sont d'une réalisation facile, pour se dédommager
de ses pertes. Ainsi il saisira les revenus de l'État; il prendra
les dispositions nécessaires pour se maintenir en pcf^session du
territoire conquis. Mais on ne saurait prétendre que la con-
quête opère de plein droit une subrogation du vainqueur dans
les droits du gouvernement vaincu.*
^ Isambert dans les Annales politiques et diplomatiques (Paris 1823.
Introd. p. CXV) a très -bien dit: „Nous pensons avec Grotius qu'on acquiert
par une guerre juste autant de choses qu'il en faut pour indemniser com-
plètement les frais de la guerre; mais il n'est pas vrai que par le droit des
gens on acquière le droit de la propriété entière des biens des sujets. On
n'admet plus aujourd'hui le principe que la conquête engendre des droits.
Il n'y a d'immuable, dans la pratiqué des nations» que les principes qui dérivent
immédiatement du droit de la nature.^' Zachariae, 40 Bûcher vom Staate.IV, 1,
p. 102: „Le droit des gens protège les biens des sujets ennemis: il n'est permis
d'y toucher que par exception autant qu'il faut pour atteindre le but de la
guerre. Car les biens particuliers des sujets ne font partie des forces de
guerre des États que dans les limites du pouvoir qui appartient aux goa-
vemements sur les biens de leurs sujets.*' Comparez Halleck, ch. XIX.
> Les monographies sur cette importante matière sont indiquées par
de Eamptz § 307. La théorie de la plupart des auteurs est erronée en ce
sens qu'ils confondent la simple occupation avec la prise de possession
définitive. Cocceji, dans son Comment, sur Grotius m, 6, et dans sa
dissert. De jure victoriae, a exposé la véritable théorie.
252 Liyiffi DEUXIÈME. § 131.
n. Une simple inyasion ne produit ancnn changement
dans la condition de la propriété civile: mais il est évident
que celle-ci ne pourra se soustraire aux conséquences de l'in-
vasion ni aux exigences du vainqueur. Ces exigences porteront
à la fois sur le fond du litige et sur les sacrifices déjà faits
ou à faire encore pour le faire vider.
Les' particuliers répondent en outre de l'exécution des
engagements contractés par l'État, tant envers leur propre gou-
vernement qu'envers l'ennemi vainqueur. En conséquence ce
dernier pourra exiger des contributions, requérir des prestations
en nature ou personnelles, et au besoin, s'il rencontre de la
résistance, il emploiera la force et se mettra en possession des
objets requis, sauf l'indemnité à fixer par voie de compensation
ou autrement, lors de la conclusion de la paix. H est impos-
sible de tracer des règles précises sur l'étendue de la faculté
dont joiiit chacune des puissances belligérantes, de saisir les
biens des sujets ennemis; car pendant la guerre les nations ne
reconnaissent entre elles aucun juge supérieur. L'emploi
d'actes de rétorsion et l'aggravation ! des conditions de la paix,
lorsqu'un retour de la fortune permet de les imposer, sont les
seuls remèdes aux excès dont Tune d'entre elles s'est rendue
coupable à cet égard.
m. Les biens possédés dans le territoire de l'une des
parties belligérantes par des sujets de l'autre, continuent à y
être protégés par les lois et ne peuvent leur être enlevés sans
une violation de la foi internationale.^ La partie qui s'en est
emparée, pourra tout au plus les mettre sous séquestre, si
cette mesure était de nature à lui faire obtenir plus facilement
les fins de la guerre.
IV. La partie vainqueur doit éviter de commettre des
ravages ou destructions de biens ennemis, dès que la raison
de guerre ne les justifie pas, ainsi que nous l'avons déjà dit
(§ 124). Les nations civilisées devraient même éviter en pareil
cas l'emploi de représailles.
1 Comparez Massé, Droit commercial % 138.
§[132. DROIT INTERNATION AI. PENDANT LA GUERRE. 253
État de la jurisprudence moderne.
§ 132. La pratique moderne de la guerre est entrée, il
faut en convenir, dans une voie conforme aux principes ci -dessus
expliqués, sans que toutefois elle en ait admis les dernières
conséquences. Elle a au contraire maintenu quelques restes des
anciens usages, dont aussi les théoriciens de Técole historique
surtout se sont constitués les ardents défenseurs.
En effet, en ce qui concerne d'abord le domaine des biens
appartenant au gouvernement vaincu, la pratique du siècle
dernier a souvent confondu la simple invasion avec la conquête
définitive (ultima Victoria), et elle a fait découler de la pre-
mière des conséquences qu'il faut attribuer à la seconde seule-
ment. D'après un usage presque constant, le souverain victo-
rieux, après s'être emparé de l'intégrité ou d'une partie du
territoire ennemi, se faisait rendre par ses habitants l'hommage
de sujétion. De nombreux auteurs continuaient à professer
l'ancienne théorie, suivant laquelle les biens appartenant à
l'ennemi étaient réputés sans maître (res nullius), et ils en
concluaient que la conquête pourrait avoir pour effet une con-
fiscation au préjudice du gouvernement vaincu. Le vainqueur
disposait donc des terres par lui occupées comme de son
domaine privé. C'est ainsi que George 1, roi d'Angleterre,
par un acte de cession ratifié le 17 juillet 1715, se fit trans-
mettre le domaine des duchés de Brème, de Verden et de
Stade par le roi de Danemark qui venait de les enlever en
pleine paix à la Suède; car ce fut quelques mois après seule-
ment que la guerre fut déclarée à ce dernier pays!^ Cette
pratique s'est continuée pendant les guerres de l'Empire français
au commencement de notre siècle. A l'égard des biens privés
des sujets ennemis, le vainqueur se bornait à leur imposer des
contributions et des réquisitions^ ou à les soumettre aux besoins
momentanés d'une marode disciplinée. Enfin les conmiandants
> Martens § 277 note b. a cité d^autres exemples. Les auteurs anglais
et américains défendent avec opiniâtreté le système par nous condamné.
V. Oke Manning § 277 note 6. WUdman II, 9. Halleck, ch. XIX. Il est
vrai qu'ils ont en leur faveur l'autorité de Grotius et de Bynkershoek.
254 LIVKE DEUXIÈME. § 133.
de troupes ont toujours cherché à éviter autant que possible
des ravages de propriétés ennemies, en ne les autorisant qu'en
des cas exceptionnels.
Si Ton a réussi ainsi dans les guerres de terre à circon-
scrire le droit de Toccupation dans des limites raisonnables,
un système différent, profondément attentatoire au principe de
la propriété privée, a prévalu dans les guerres maritimes, ainsi
que nous aurons l'occasion de l'expliquer. H y a même quel-
ques auteurs qui, nous le disons avec regret, professent encore
sur les changements que produit la guerre dans les conditions
du domaine public et de la propriété privée, certaines théories
inconciliables avec la véritable nature des guerres internationales
de nos temps. Cependant une conviction plus raisonnable s'est
frayé le chemin tant en pratique que dans la littémture y
relative.^
Effets de la conquête sur la condition de la propriété
immobilière privée.
§ 133. Quant aux immeubles des sujets ennemis, on est
depuis longtemps d'accord sur ce point que l'invasion ou l'occu-
pution ennemie ne produit aucun changement dans leur condi-
tion légale et qu'ils ne passent plus, conmie dans les anciens
temps, entre les niains du vainqueur. Sous ce rapport, les
auteurs modernes ne présentent aucune divergence d'opinion.
Ils s'accordent à dire qu'une prise de possession a besoin d'être
ratifiée lors de la conclusion de la paix, ce qui veut dire en
d'autres termes que l'occupation est un fait insuffisant.*
n en résulte que toutes les dispositions arrêtées par le
vainqueur relativement à la propriété immobilière du territoire
par lui occupé, n'ont aucune valeur légale, qu'elles ne pro-
duisent que des conséquences de fait qui, lors de la reprise,
^ V. surtout M. Vidari, Del rispetto délia proprietà privata. Pavia
1867. et Tappendice à la fin de notre ouvrage.
* Mcermann , Von dem Recht der Eroberung. Erfurt 1774. Pufendorf
Vin, 6. 20. Vattel m, § 195. 196. Klûber § 256. de Martens § 277.
Wheaton IV, 2, § 16. HaUeck, ch. XIX, 3. 1. Vidari, p. 63. 123.
§ 134. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 255
par une application du droit de „postliminie", deviennent
caduques.
Ce que nous venons de dire sur la condition de la pro-
priété privée des sujets, s'applique également aux biens privés
du souverain dépossédé temporairement. Aussi longtemps que
le vainqueur n'aura pas acquis la possession complète du pou-
voir suprême, il ne pourra disposer valablement de ces biens,*
pas plus que de ceux qui font partie des domaines de TÉtat.^
Mais il pourra incontestablement disposer toujours à titre pro-
visoire des fruits et des revenus qu'il aura fait saisir.
Choses incorporelles (eréanees).^
§ 184. L'occupation des choses incorporelles a toujours
fourni aux auteurs l'occasion d'une controverse importante.
Peuvent -elles être occupées ou saisies valablement? La plupart
des auteurs^ se sont prononcés pour l'affirmative, en ce sens
que, le débiteur une fois valablement libéré par le vainqueur,
le créancier primitif ne pourrait plus se prévaloir à son égard
des conséquences résultant du droit de postliminie. Les mêmes
auteurs disaient en outre que la libération était valablement
faite par le vainqueur, lors même que les débiteurs avaient
leur domicile en territoire tiers ou neutre. A l'appui de leur
* Ainsi jugé par la Cour de Cassation de Paris (Sirey XVll, 1. 217):
„Le droit de conquête n'a d'effet au préjudice des princes que sur les biens
qu'ils possèdent en qualité de princes, et non sur les biens qu'ils possèdent
comme simple propriété."
^ Jugement de la même Cour (Sirey XXX, 1, 280): „La conquête
et l'occupation d'un État par un souverain n^autorisent pas ce souverain
à disposer par donation ou autrement du domaine conquis ou occupé.''
V. aussi Allgemeines Landreoht ffir die preufs. Staaten. I, 9, § 198.
" Chr. Gottl. Schwartz, De jure victoris in res divictor. incorporales.
Alt. 1720. de Kamptz, Beitrage zum Staats- und Ydlkerrecht. no. 9.
B. W. Pfeiffer, Das Recht der Eriegseroberung in Beziehung auf Staats-
Capitalien. 1823. Ferd. Ch. Schweikart, Napoléon und die kurhessischen
Capitalscbuldner. Kônigsberg 1833. de Kamptz, Litt § 307. Ajoutez
Vidari, p. 102.
^ Wildman II, 11, n^en excepte que les créances d^nn État envers
des particuliers.
256 LIVRE DEUXIÈME. § 134.
théorie, ils ont invoqué la maxime romaine qui donnait à
Toccupation de guerre (occupatio bellica) un caraetère absolu.
Ils eu faisaient descendre une sorte de droit de confiscation,
dont on s'est prévalu pendant plusieurs guerres du siècle dernier,
pour se faire rembourser le montant des sommes qui étaient
dues au gouvernement vaincu. Ils se sont prévalus des dispo-
sitions de différents traités de paix qui ont également sanctionné
des spoliations semblables.^ Enfin, comme si tant d'arguments
ne suffisaient pas, on a encore eu recours à un prétendu arrêt
de la Cour amphictyonique. D s'agissait alors d'une demande
formée par la ville de Thèbes contre le peuple thessalien et
dont elle aurait été déboutée après qu'Alexandre le Grand eut
fait remettre à ce peuple le document original, lors de la
destruction de la ville.*
Quoi qu'il en soit, nous croyons, au point de vue légal,
devoir combattre cette doctrine, ainsi que la jurisprudence à
laquelle elle a servi de base. C'est en effet un principe élémen-
taire que le payement fait à un autre qu'au vrai créancier, ou
que la libération d'un tiers ne fait pas régulièrement cesser les
droits du créancier. Pour se rendre compte d'une manière
suffisante de l'état de la question, il faut distinguer première-
ment des créances purement personnelles les obligations qui
dérivent de droits réels, sans en former précisément la partie
principale. Car celles-ci participent de la nature des immeubles
et elles en partagent le sort pendant la guerre, conformément
aux règles précédemment retracées par nous.
1 Schweikart, loc. cit. p. 74. 82 suiv. cite un grand nombre de traités
pareils. V. aussi Bynkershoek, Quaest. jur. publ. I, 7, p. 177. de Eamptz,
Beitr. § 5 note 4. En général les exemples cités par ces auteurs con-
tiennent des conventions faites en prévision de cas spéciaux et qui n'ont
aucun caractère général.
» Cette histoire est racontée par Quintilien, Instit. orat. V, 10.
111 suiv. Les auteurs ont traité cette question avec une certaine pré-
dilection ; V. Schweikart p. 53 suiv. L'arrêt en question n'est probablement
qu'une pure fiction. V. Saint - Croix , Des anciens gouvernements fédératifs.
p. 52. P. W. Tittmann, Ueber den Bund der Amphictyoncn. 1812. p. 135.
On ignore jusqu'aux termes de ce jugement, qu'on a essayé de recomposer
d'après le passage sus -indiqué.
§ 134. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 257
Parmi les créances d'un caractère personnel, nous remar-
quons d'abord celles qui ont pour but de fournir un équivalent
de certains immeubles concédés à titre d'usage, comme les loyers
et les fermages. Ces derniers appartiennent incontestablement
à l'ennemi dès qu'il s'est mis en possession des immeubles.
C'est à lui de décider s'il veut maintenir les baux: dès qu'il
n'en a pas disposé autrement, ces baux sont censés être tacite-
ment continués entre lui et les fermiers précédents.* — Mais
quant aux autres créances personnelles, ce serait peu conforme
à leur vraie nature, que de les regarder comme étant suscep-
tibles d'une possession réelle, par suite d'une occupation de
guerre (occupatio bellica). La simple détention d'un titre ne
confère aucunement le droit d'en poursuivre l'exécution: c'est
une règle constante.^ Une créance, chose essentiellement
incorporelle ou personnelle, ne fait naître des rapports qu'entre
le créancier et le débiteur; le créancier seul peut céder valable-
ment ses droits à un tiers, à moins que la cession ne soit l'effet
d'une autorisation donnée en justice. La guerre, avec ses chances
incessantes de succès et de défaite, ne peut pas conférer aux belli-
gérants un droit semblable. Le débiteur qui aurait été obligé de
payer à la partie qui momentanément avait le dessus, supportera
seul les conséquences de cet accident de guerre, conformément
aux dispositions du droit civil. ^ H ne pourra opposer le payement
à son créancier: ce dernier lui tiendra seulement compte des
dépenses utUes. Celui qui a payé indûment a encore le droit
d'exiger le remboursement de ses dépenses de celui qu'il a libéré
valablement de poursuites ennemies. Mais ce sera seulement lors
de la conquête définitive et en vertu des clauses formelles du traité
de paix, que la question recevra une solution définitive, notam-
ment dans le cas où le débiteur est à la merci de l'ennemi qui
s'est emparé du territoire. Toutefois les actes accomplis par ce
dernier ne peuvent jamais nuire à une tierce puissance.^
1 Ziegler, De jnribus majest. I, 33, § oit.
^ de Kamptz, loc. cit § 8.
8 Schweikart p. 94 suiv. 105. 109.
* Les auteurs qui prétendent que les choses incorporelles peuvent
faire Tobjet d*une occupation, professent dans cette matière one opinion
dififérente dé la nôtre. Y. de Eamptz, loc. cit. § 6. 7.
Heffter, droit intoniAtloiua. 8* ëd. 17
258 UVBE DEUXIÈME. § 135.
Enfiiiy chacune des parties belligérantes pourra admettre
ou reftiser d'admettre les réclamations formées contre ses sujets
par des sujets ennemis (§ 122) , à moins qu'elle ne se trouve
liée à cet égard par des conventions précédentes.^
Aequisitlon de choses mobilières.'
§ 135. Le butin est un mode d'acquisition régulier et
généralement admis dans les guerres terrestres. Sous ce nom
on comprend ordinairement toutes les choses mobilières et eorpo-
rellesy enlevées à Tannée ennemie on à quelques personnes qui
en font partie, ou bien encore^ par exception^ à des individus
étrangers à l'armée; ^mme, par exemple, lorsqu'une forteresse
ou une place d'armes, à la suite d'une défense opiniâtBfc aurait
été livrée au pillage par ordre des chefs. ,
Le butin repose sur cette idée fondamentale que les années
ennemies sont réputées abandonner aux chances de la guerre
tout ce qu'elles portent avec elles lors de leur rencontre. Le
pillage de particuliers, autorisé dans certains cas exceptionnels,
a au contraire pour bat d'offrir aux troupes une espèce de
récompense de leurs efforts extraordinaires. Sans doute il
serait plus généreux, plus conforme aux préceptes de l'humanité,
de ne permettre aucune dérogation semblable à la loi commune,
puisque l'indenmité à accorder en pareil cas offrira toujours les
plus grandes difficultés d'appréciation. Le plus souvent ces
actes de brutalité frappent des innocents, ainsi que la pratique
elle-même l'a constaté.
Quoi qu'il en soit, il n'est pas douteux que tout ce qui,
en dehors des cas qui viennent d'être indiqués, a été enlevé
par des troupes aux sujets du pays qu'elles occupent, doit être
restitué aux propriétaires légitimes, conformément aux prescrip>
tiens de la discipline militaire. A plus forte raison les choses
appartenant aux sujets ou aux troupes ennemies, lesquelles
^ Dans le traité conclu en 1794 entre FAngleterre et les États-Unis
on rencontre une disposition semblable. Wheaton IV, 1 , § 12 (8 905 édit.
de Dana).
> d'Ompteda § 309. de Ejunptz § 308. Grotins m, 6. Yattel m , 196.
Vidari , p. 130.
§ 136. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 259
leur ont été enlevées par des particuliers non militaires, ne
seront pas Tobjet d'une possession valable.*
Quant à la personne de Tacquéreur, la pratique des États,
appuyée çà et là sur des textes positifs, distingue entre les
choses qui forment le matériel d'une armée ou qui sont destinées
aux opérations de campagne, et celles qui le sont exclusive-
ment aux besoins des troupes, comme les caisses de guerre,
les objets précieux, les objets d'équipement. Ces derniers
échoient aux militaires ou aux corps de troupes qui les ont
enlevés, tandis que l'artillerie, les munitions de guerre, les
provisions de bouche appartiennent au souverain, qui ordinaire-
ment accorde une indemnité aux troupes qui s'en sont emparées.'
Suivant un ancien usage assez bizarre, les cloches d'une pla<^
conquiae appartenaient au chef d'artillerie, lorsqu'elles avaient
servi pendant le siège.'
§ 136. En examinant de plus près la nature du domaine
qu'on appelle le butin de guerre, on s'aperçoit aisément qu'il
n'a aucunement pour base la fiction qui regarde conmie étant
sans maître (res nullius) les biens conquis, car en réalité ils
ne cessent d'appartenir à leurs maîtres précédents. L'absence
d'une justice conmiune entre les parties belligérantes ne suffit
pas non plus, conmie nous l'avons dit, pour expliquer conunent
une possession essentiellement arbitraire peut se transformer en
domaine.^ Si, eonmie dans le monde ancien, les États chrétiens
n'admettaient entre eux aucune loi conmiune, la conquête serait
toujours le mode d'acquisition le plus solide. Mais ce point
de vue ne s'accorde plus avee la nature essentiellement tran-
^ Stroben, Rechiliche Bedenken. n, no. 20^ professe une opinion
différente. Y. cependant Pnfendorf VIQ, 6. 21. Le Code général de Pmsae
I, 9, § 193. 197 a prescrit expressément qne TÉtat senl peut accorder
Tantorisation de faire dn butin, et qne le pillage des snjets ennemis
étrangers à Tarmée ne doit avoir lien qn^en verta d^nne autorisation dn
chef de Tarmée.
* Allgemeines Landrecbt fftr die preofs. Staaten. I, 9» § 195 snir.
Y. aussi les anciennes lois militaires allemandes, par exemple celle dite
ArtiJ^elsbrief de 1672, aH. IS.
" Moser, Yers. IX, 2, p. 109.
« Pando p. 389.
17*
260 llVJm DEUXIÈMB. § 136.
tdtoire de nos guerres actaelles. D'après nos idées, le pillage
ne deviendra jamais on mode d'acquisition régulier. Il donne
seulement la faculté matérielle de disposer librement des fruits
et de la substance de la chose , autant que les circonstances ne
s'y opposent pas. L'occupant ou celui auquel il a cédé l'objet,
' n'est pas non plus tenu d'en rendre compte, tant que la guerre
continue ou que le détenteur actuel de l'objet se trouve à l'état
d'ennemi vis-à-vis du propriétaire précédent Ce dernier toute-
fois reprendra librement sa chose partout où il la retrouvera,
soit sur le territoire neutre, soit dans une partie de son propre
territoire non occupée par l'ennemi. Il la reprendra encore
librement après la conclusion de la paix, en tant que les
dispositions du traité n'excluent pas les réclamations à ce sujet
En un mot, la guerre n'a fait que suspendre tempor^|;rement
les effets de la propriété privée, qui continue à être placée
sous la sauvegarde individuelle et collective des États. Le
f|dt de la détention matérielle remplace provisoirement le droit,
pour passer tour à tour entre les maina de l'une ou de l'autre
des parties belligérantes. Les lois particulières des États
déterminent les conditions sous lesquelles la demande en reven-
dication de l'ancien propriétaire des choses enlevées est admise
contre le détenteur actuel soumis à leur juridiction. Mais nulle
part le butin ne porte le caractere d'un domaine irrévocable en
faveur du détenteur actuel et de ses successeurs. Du moins
aucun principe général n'a consacré un domaine que le traité
de paix ou des traites préexistants peuvent seuls consacrer.
C'est encore aux lois particulières à déterminer le moment
où la propriété commence à être acquise à l'occupant: il n'existe
aucune loi générale à ce sujet ^ Anciennement, suivant les
dispositions du droit des gens romain alors en vigueur chez la
plupart des nations, le moment de l'appropriation de guerre
ftit celui où la prise de possession ou la détention exclusive
ne pouvait plus être troublée ou empêchée par le propriétaire
précédent ni par les camarades de guerre; en d'autres termes,
dès le moment où les biens enlevés avaient été placés en sûreté
devant l'ennemi et ne pouvaient plus être repris qu'à la suite
^ Cocceji sur Grotius 1X1, 6. 3 in fine.
§ 137. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 261
de nouveaux efforts ou par des circonstances accidentelles.
Aussi longtemps au contraire que Faction de combat se con-
tinuait en réalité et^ue, par un retour de la fortune, les
choses enlevées pouvaient être reprises, le butin n'était pas
regardé comme un fait accompli.^ Cette distinction se retrouve
dans plusieurs codes modernes.^
La difficulté de déterminer d'une manière exacte le moment,
de la prise de possession, a fait admettre encore le terme d'une
occupation de vingt- quatre heures. Ce terme a passé en usage
chez quelques nations dans les guerres terrestres et maritimes.'
Toutefois il ne laisse pas de présenter certaines difficultés dans
l'application, et il ne saurait être regardé comme une règle
commune du droit international. Dans les pays régis par le
code Napoléon la disposition de l'article 2279 est décisive,
laquelle répond éminemment à l'état de guerre: „En fait de
meubles la possession vaut titre.^^
Oeenpation maritime.
§ 137. Pendant une guerre sur mer, les navires armés
des puissances belligérantes, comme les navires privés de leurs
sujets, avec les cargaisons, sont susceptibles d'une occupation
et d'une saisie valables.^ Par esprit d'humanité on a excepté
< y. sur les difficultés d^interprétation des lois romaines Ziegler, De
juribns majestatis. I, 33, § 79. Les lois ne laissent subsister aucun doute
sur le moment de Toccupation. L. 3. § 9. Dig. de yi.
> Y. par exemple Allgemeines Landrecht f&r die preufs. Staaten. I, 9,
§ 201. 202. ,, Le butin est regardé comme acquis, s*il a été rapporté par
les troupeâ qui s'en sont emparées, dans leur camp, dans leurs quartiers
de nuit ou autrement en lieux sûrs. Tant que Tennemi est poursuivi, les
objets enlevés peuvent être repris par Fancien propriétaire."
3 De Thon rapporte que cet usage a été observé lors de la reprise de
la ville de Lierre en Brabant en 1595. Grotius m, 6. 3.
* Bûsch, Ueber das Bestreben der Yôlker neuerer Zeit, einander in
ihrem Seehandel recht webe zu thun. Hamburg 1800. Joufi&oj, Droit
maritime, p. 57 suiv. Zachariae , 40 Bâcher vom Staat. IV, 1, p. 111. Weil,
Constitut. Jahrbûcher. 1845. I, p. 260. — Pour la jurisprudence v. N. Carlos
Abreu, Tratado jurid. politico sobre las presas marit. Cadix 1746. Traduct.
franc. 1758 et 1802. B. J. Valin sur TOrdonnanoe de 1681, et son Traité
262 LIVBE DEUXiiSME. § 137.
seulement les canots, les ustensiles des pdchenrs des côtes , ainsi
que les biens naufragés. En France notamment la jurisprudence,
suivant d'anciens usages , s'est refusée constamment & valider la
saisie de canots pêcheurs, même par voie de représailles.^
Les guerres maritimes, comme nous l'ayons déjà observé,
avaient, jusqu'aux traités de 1815, principalement pour but la
destruction du commerce ennemi. Tant que les intérêts d'un
commerce avide continueront à peser exclusivement, ou du
moins d'une manière prépondérante sur leurs causes et leur
direction, il ne faudra pas s'attendre & les voir changer de
caractère.
Le principe pratiqué jusqu'à ce jour a été le suivant: tous
les biens qui se trouvent sur mer, qu'ils appartiennent au
gouvernement ou à des particuliers, sont regardés comme une
bonne prise échue à la partie ennemie, dès qu'elle parvient à
s'en emparer. Nous verrons par la suite jusqu'à quel point
les licences et les droits des neutres dérogent à ce principe,
n produit ses effets, dès le moment de l'ouverture des hosti-
lités, par rapport aux navires, avant même que leurs capi-
taines en aient été informés, ainsi que la jurisprudence anglaise
moderne Ta décidé constamment.^ Quelquefois néanmoins un
certain délai est accordé à cet effet: ainsi, dans la guerre
de Grimée, les puissances occidentales ont, par une déclaration
des 27 et 29 mars 1854, permis aux navires russes de quitter,
pendant un délai de six semaines, leurs ports respectifs, pour
retourner dans leur patrie; la France a accordé en 1870
des prises on principes de la jnrispmd. franc, concernant les prises. A la
Rochelle et Paris 1782. de Steck, Versnch Qber Handels- nnd Schifffahrts-
vertràge. Halle 1782. p. 171. G.-Fr. de Martens, Essai coneemant les
armateurs. 1795. Merlin, Képert. nniv. mot: ,, Prise maritime/' Nan,
Vôlkerseerecht. § 265 sniv. Wheaton , Intem. Law. IV, 3 , § 9 suiv. (§ 359
de redit, de Dana). Wurm dans Botteck et Welcker, Staats -Lexicon. Y. Prise.
Pando p. 412. Ortolan II, p. 39. Wildman II, p. 118 et snrtont de Pistoye
et Duverdy, Droit des prises maritimes. Paris 1855. Halleck, ch. XX.
> Sirey, Rec. gén. I, 2, 331 et 296. Merlin, loc. cit. Ortolan II, 49.
HaUeck, ch. XX, 23.
' V. de Steck, Ueber Handelsvertrâge p. 171. Faber, Nene enrop.
Staatscanzlei. VI, p. 426. Nau, Vôlkerseerecht. §257. Wheaton, Intern.
Law IV, 1, § 10. 11. de Pistoye et Duverdy II, p. 89.
§ 138. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 263
trente jours anx bâtiments de commerce ennemis. A part
les concessions de cette sorte ; les parties belligérantes
exercent lenrs droits, tant sur la haute mer que dans leurs
eaux ou dans celles de Tennemi, soit directement par des
navires d'État armés en course , soit par des commissions ou
des lettres de marque délivrées régulièrement à des corsaires
ou armateurs privés, à moins qu'on n'y ait renoncé définitivô-
ment.^ Des troupes de terre même, lors de l'occupation d'mi
port ennemi, s'empareront valablement des navires de guerre
qui y sont stationnés, et en ce cas les règles restrictives , rela-
tives au butin ordinaire, ne sont point appliquées.* Sont con-
sidérées comme illicites les prises faites sur le territoire neutre,
de même que celles faites moyennant une violation de l'autori-
sation d'entrée dans un port neutre.*
§ 138. Pour fixer le moment où une prise sur mer doit
être réputée accomplie, on suivait autrefois les dispositions du
droit romain relatives au butin de terre, que nous avons déjà
expliquées. Plus tard les lois et les traités publics ont pris
souvent pour base le terme d'une détention de vingt -quatre
heures: ils en faisaient dépendre les droits du capteur et ceux
de recousse au profit du précédent propriétaire.* Ce terme
néanmoins a cessé également de former une règle du droit
commun. Ainsi le Code général de Prusse (I, § 208) dispose
encore à ce sujet ce qui suit: „Les biens et les navires capturés
par des corsaires ne sont regardés comme perdus que du moment
où ils ont été conduits dans un port ennemi ou neutre." —
D'après un ancien usage,* en vigueur en France dès le règne
1 Autrefois rentrée de corsaireB dans une rivière ennemie, ponr y
faire nne prise, était regardée comme un acte illicite et criminel. Cette
défense n'a aucun caractère général et cesse d'être obligatoire, dès que
la commission n'en fait pas mention, de Pistoye et Duverdy I, p. 112.
Wildman II, p. 361.
* Martens, Versuch Ûber Caperei. § 34. de Pistoye et Duverdy I, p. 111.
8 Wildman n, p. 147. Wheaton, Eléments. IV, 2, § 14 (§ 386 édit.
de Dana). Oke Manning p. 385. Phillimore ni, 451.
* Martens § 55 suiv. Wheaton, Intem. Law IV, 2, § 12. édit. de Dana
§ 367. 1.
« Valin, sur FOrdonnance de 1681. El, 9. 1. V. sur le principe de
cette institution Wildman II, p. 354.
264 ïJPmB VESfJxAiaL^ § 138.
de Charles VI (1400), et dès km dies toolM tes «iitoeB naticms
gnr mer, le capteur ixM juatifier dç la légalité de la, eaptme
devant le oonaeil des priBes eompétent, en ftiaant iq^roiiyer
par ce dernier son titre d'acquisition. Les fi»malités prescrites
à ce siget doivent dtre observées par les corsaires privés oomme
par les navires de l'État^ Le d^teor doft avant tout oondoire
la navire capturé dans nn port dn territoire auquel jl appar-
Ment on, s'il y a lien, dans nn port neotre, et tant que ses
droits n'ont pas été régulièrement constatés, il Ini est défendu
de disposer arbitrairement des objets saisis.' La destmction
de la prise ne pourra être excusée que dans les caa de néces-
sité extrême.'
Sont regardés comme étant compétents pour atataer sur
la validité des prises, d'après la pratique constante des États,
tantôt les tribunaux ordinaires, tantêt les conseils de prise et
les commissions spéciales du pays auquel appartient le capteur.
Un État neutre ne possède aucune espèce de juridiction réga-
lière en matière de prises, alors même que des navires capturés
ont été conduits dans ses ports> Les consuls établis par l'une
des parties belligérantes dans le territoire neutre, ne peuvent
pas non plus être regardés comme compétents, attendu que les
fonctions consulaires n'impliquent pas ordinairement une juri-
diction maritime. Le gouyemement français avait, il est vrai,
investi ses consuls d'une commission pareille, mais il l'a révo-
quée par Décret impérial du 18 juillet 1854. Par la même
raison on ne pourra, à ce sujet, accorder aucune autorité aux
ministres plénipotentiaires.^ Cependant il suffit pour la validité
de la saisie, quoique les objets capturés se trouvelit encore sur
le territoire neutre, qu'elle soit reconnue par la suite.*
> Yalin, sur rOrdonnance de 1681. XI, p. 309.
« Wildman II, p. 168.
3 Clark, Papers read before the Jnridical Society. Londies 1864.
BluntschU, V. R. §672.
* Joaffroy p. 282. HaatefeniUc IV, p. 294. Comparez cependant f 172.
<^ Phillimore UI, 469. Martens § 37. Wheaton § 15. Oke MumiDg
p. 380.
« Wheaton, Intem. Law IV, 2, § 13 in fine (édii franc. H, p. 44).
Oke Manning p. 382.
§ 139. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA OUERRB. 265
La procédure des conseils de prise, lorsque Torigine
ennemie dn navire ne peut pas être contestée, est très -som-
maire. Dépourvue d'un débat contradictoire/ elle a exclusi-
vement pour but de faire constater la régularité de la prise,
et il ne pourra y avoir un procédé formel sur la validité de la
capture que dans le cas où le capitaine conteste la nationalité
ennemie de son navire, ou qu'il invoque un privilège ou une
immunité particulière, afin d'en obtenir Télargissement^ Lee
conseils de prise d'ailleurs appliquent presque exclusivement
les lois et les règlements de leur pays, et c'est d'après leurs
dispositions que se fait le partage des biens capturés. Us
devront respecter pourtant les principes incontestables du droit
international.^
Quelques griefs que présentent les règles relatives à la
procédure et à la juridiction en matière de prises , la pratique,
pendant le cours d'un siècle, s'est habituée à ne regarder la
propriété de navires capturés comme perdue ou comme con-
fisquée, qu'après que la légitimité^ de la prise a été prononcée
par les tribunaux compétents. L'Angleterre elle-même, intéressée
sans doute à voir se perpétuer un usage dont elle a retiré le
plus de profit, continue à respecter à ce sujet les droits égaux
des autres nations.^
§ 139. L'aperçu qui précède suffit pour montrer qu'inuti-
lement on chercherait à retrouver au fond des règles consacrées
en matière de prises maritimes, un principe juste et à l'abri
de toute controverse. En supposant même que les différentes
nations dont se compose la grande famille européenne, adoptent
sans la moindre divergence des maximçs uniformes, il n'en
* Jouffiroy p. 86. 296 suiv. Pour la jurisprndence anglaise v. Wild-
man II, p. 352. Phillimore UI, 551; ponr celle française y. de Pistoye et
Daverdy. Pour Taméricaine : Halleck , ch. XXXI. Wheaton , édit. de Dana
§ 388. Y. aussi les observations de Wonn, Staats-Lexicon XI, p. 145.
« Wheaton, Intem. Law IV, 1, 21. Édit. franc. II, p. 22.
' Portails a observé avec raison que ces règlements devraient reposer
sur une base commune. Wheaton, Histoire I, p. 152. Y. aussi Phillimore
III, 533.
* Wheaton, Intem. Law lY, 2, § 12. 13. Joufl6roy p. 209 suiv. Oke
Manning p. 382.
LITBB DBUxSïœ. §139.
résalterait antre chose que, faille de s'être entendues sur les
vraÎB principes, elles contintieraient à n'observer qae le principe
tout matériel et individuel de la réciprocité , qui ne s'appuie sur
aucune hase morale. Ce principe manque surtout du consen-
tement libre des natioas elles - mêmes, qui ne sauraient ne rallier
à un système purement arbitraire. Comment justifier autrement
la disposition qui regarde la détention des objets saisis pendant
quelques, voire même pendant vingt -quatre heures, ou leur
entrée dans un port du territoire, comme un titre suffisant pour
en conférer le domaine, alors surtout qu'il s'agit d'objets privée?
Quelle autorité tant -il accorder à ime sentence qui a été rendue
par des Juges nommés par le gouvernement intéressé à voir
maintenir la capture à son profit, lorsqu'ils sont tenus de pro-
noncer conformément aux dispositions arrêtées ])ar le même
gouvernement? D y a longtemps que des hommes regardés à
la vérité comme théoriciens , ont proclamé que ce système était
indigne d'une époque chrétienne et civilisée. Cette pensée péné-
trera davantage dans la conscience des nations, à mesure qne
leur propre dignité leur fera une loi du maintien des règles
de la justice. Elles les défendront surtout contre ceux qui
jusqu'à présent ont trouvé dans la continuation de ce système
arbitraire la satisfaction de leurs intérêts égoïstes, et qui par
là même sont très- disposés à le perpétuer. On ne prétendra
certainement jamais contester à mie puissance engagée dans
une guerre, la faculté de s'emparer de navires qui appartien-
nent soit à l'État, soit à des sujets ennemis, ainsi que de
leurs cargaisons. Aucune nation n'est tenue de laisser ouvertes
les routes de mer qui peuvent faciliter à ses ennemis les
moyens de prolonger la lutte, ni de permettre la continuation
d'un commerce préjudiciable au sien. Soutenir le contraire, ce
serait défendre une chimère. Néanmoins il suffira qu'on admette
la nécessité de principes moraux à la place d'intérêts purement
politiques ou de simples fictions, pour qu'on tomhe d'accord
sur les conclusions suivantes:
qne la prise d'un navire n'emporte jamais an profit du
capteur la propriété du bâtiment et des biens qui s'y
trouvent; — qu'il ne confère qu'un droit de saisie et la
faculté de disposer desdits objets pour les besoins pressants
§ 140. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUEBRE. 267
de la guerre 7 ou pour servir de cantion contre rennemi;
enfin qne la paix seule pourra donner aux actes passés
à leur égard un caractère définitif et permanent, dans les
cas, bien entendu, où leur restitution intégrale ou partielle
ne forme pas une clause du traité de paix.
Jusqu'au moment de la conclusion de la paix le navire et
les biens capturés peuvent être repris valablement au profit
de leur vrai propriétaire' par voie de recousse, dont nous
aurons à nous occuper au § 191 ci -après.
Les propositions d'autres auteurs et intéressés seront rap-
portées dans Tappendice.
Droits des parties belligérantes snr les Mens ennemis
qui se trouvent dans leurs territoires respeetljFIs.
§. 140. Suivant les dispositions du droit des gens ancien,
chaque belligérant pouvait valablement s'emparer de biens trouvés
dans son territoire, car ces biens étaient regardés comme
butin de guerre. „Et quae res hostiles apud nos sunt, non
publicae sed occupantium fiunf^ La théorie moderne plus
humaine ne peut plus admettre une théorie semblable. D n'en
est pas moins vrai que jusqu'à présent la pratique des États,
par des voies détournées, a réussi à obtenir des résultats ana-
logues. En conunençant, dès l'ouverture des hostilités, et sou-
vent avant la déclaration de guerre, par faire saisir les biens
ennemis à titre de représailles, elle procédait ensuite à leur
séquestre.^ On conmiençait par frapper d'embargo les navires
ennemis que des intérêts de commerce retenaient dans les ports
du territoire. La mesure ftit étendue ensuite aux marchandises,
achetées ou consignées pour compte de négociants, sujets
ennemis. Elle s'appliquait enfin même aux biens et aux mar-
chandises appartenant à des sujets ennemis qui, jusqu'au moment
^ Loi 51. Dig. de aoqnir. rer. dom. Loi 12. princ. Dig. de captivis.
^ On peut trouver des développements de cette théorie -dans de Béai,
Science du gouvem. Y, chap. Il, Y, 3. de Stock, Versuche ûber Handels-
und SchifiEfohrtsvertrage p. 168. Moser, Vers. IX, 1 , p. 45. 49. Son injustice
est évidente.
268 LIVBE DEUXIÈME. § 140.
de la déclaration de guerre , avaient résidé paisiblement dans
le territoire. Dans tous ces cas, les conseils de prise n'ont
jamais manqué de faire examiner.de la manière la plus scru-
puleuse par leurs délégués savants la question du domicile
d'origine, et dès qu'il s'élevait le moindre soupçon à ce sujet,
on traitait les commerçants étrangers en ennemis, pour par-
venir à la confiscation de leur propriété. Des maisons de
commerce et des comptoirs qui avaient été établis par des
sujets ennemis, ne pouvaient naturellement pas échapper au
sort commun.^ Les stipulations formelles, telles que les
contiennent la plupart des traités de commerce modernes de
quelque importance, suffisaient seules pour sauvegarder les
personnes et les biens contre les conséquences de cette juris-
prudence , et leur permettaient de quitter librement le territoire
ennemi.*
D'un autre côté les biens immeubles appartenant à des
sujets ennemis n'étaient pas ordinairement compris dans les
mesures de séquestre. On s'en abstenait afin d'éviter des repré-
sailles de nature à attirer aux sujets de pareilles ou de plus
grandes calamités.^
On voit donc aisément que ce sont surtout les intérêts
commerciaux , le désir de détruire le commerce ennemi au profit
du commerce national, qui dirigent les actes des parties belli-
gérantes. Pourquoi dès lors chercher à y retrouver un principe
juridique et des applications logiques? D est permis sans
doute , ainsi que nous l'avons observé plusieurs fois, de chercher
à réduire l'ennemi, en faisant tarir ses ressources et en frap-
pant au coeur son commerce extérieur. Mais il n'en résulte
aucunement, dès qu'on admet au fond du droit moderne de
guerre un principe moral , qu'il faille confisquer les navires, les
marchandises et les fonds appartenant aux sujets ennemis, pour
ï Wheaton , Intern. Law IV, 1 , § 16—19 (Dana § 301 s.) et les obser-
vations do Pando p. 412 — 424. La jurisprudence anglaise est développée
par Wildman, Instit. of intern. Law t. I, chap. 1. 2 et par Phillimore III,
38. 128. Celle de TAmérique par Halleck ch. XXIX. Cpr. aussi: Enemys
territory and alien enemys. By B. H. Dana. Boston 1864.
* Des exemples sont cités par Nau, Yôlkerseerecbt § 258.
8 Wheaton, loc. cit. § 12. Halleck XIX, 12.
§ 141. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 269
leur en faire perdre la propriété d'une manière irrévocable. Les
représailles au contraire devraient se borner à une simple saisie
et à l'application provisoire des biens saisis aux besoins
de la guerre. Dès lors tout ce qui n'aura pas servi pour
cette destination y ce qui subsistera encore lors de la
conclusion de la paix, devrait être restitué ou entrer en com-
pensation d'une manière expresse ou tacite. — D se peut que
nous touchions au moment où les principes internationaux à ce
sujet subiront une transformation fondamentale. Car c'est la
première puissance maritime, la Grande-Bretagne elle-même,
qui éprouverait le plus grand préjudice du maintien de la
pratique actuelle. En effet, dans quelle partie du globe ses
intérêts commerciaux ne se trouvent -ils pas engagés?
Conventions de guerre.^
§. 141. Toutes les nations civilisées admettent aujourd'hui
le principe que les traités et les promesses obligent même en
guerre et entre ennemis, et qu'on doit, tant qu'il y a possibilité,
les exécuter de bonne foi. D est défendu surtout d'abuser , au
préjudice de l'ennemi, de la confiance par lui témoignée. Violer
la foi donnée, c'est l'autoriser à exiger une satisfaction éclatante,
c'est encourir une flétrissure devant l'aréopage international de
l'opinion publique. Déjà saint Augustin proclamait cette vérité :
„Fides etiam hosti servanda est,'' qu'aucun publiciste n'a encore
osé contredire.*
Les conventions conclues entre les belligérants relativement
à l'état de guerre, ont pour objet tantôt des rapports perma-
nents pour toute la durée de la guerre, ou jusqu'à un certain
terme ; tantôt seulement des accords transitoires. Dans la pre-
mière catégorie nous rangeons les espèces suivantes:
1 V. d'Ompteda , Lit § 814. de Eamptz § 298 suiv. £. C. Wieland,
Optisc. acad. III, no. 1. Grotios m, 20. Yattel m, chap. 16. Martens,
Vôlkerr. VIII, 5. KlûW, Droit des gens § 273 suiv. Wheaton, Eléments
IV, 2, 18 (Dana § 399). Halleck XXVII.
« Can. 3. C. 23. qu. 1. Bynkershoek, Qnaest. jnr. I, 1, qui admet
d'ailleurs la fraude entre ennemis, ne le contredit pas. Comparez anssi
Wheaton, Elem. IV, 2, 17.
270 UTBB DEDXlklIB. § 149.
l"" les Gartek relatifii anz cmninmiiotiftiig des postes;^
aux signalements des parlementaires et à la réeeptkm àt
oenx-ci; aux courriers et aux passeports; à Templm on an
non-nsage de certaines armes, an traitement des prisonnien
de gaerre etc.
2"" les traités de neutralité, ayant pour but d'ezenqiter de
l'état de guerre certains territoires, certaines places, personnes
ou classes de sigets, avec les effets résultant d'une neutralité
absolue ou restreinte.'
D existe même des traités de ce genre destiiiés pour serrir
de lois conventionnelles à perpétuité. Le plus beau monument
de cette espèce est créé par la Gonrention oonehie à Genève
le 22 août 1864 et acceptée depuis par presque toutes les
nations du concert Européen à l'exceplâon de la Ghrande-Bretagne,
du Portugal et des États-Unis de l'Amérique du Nord. Elle
concerne ramélioration du sort des militaires blessés appartenant
aux armées en campagne et la neutralité des ambulaïioeB et des
hôpitaux militaires avec leur personneL (Voir Tappendioe.)
§ 142. Parmi les conventions de guerre spéciales et
accords transitoires nous remarquons les suivants:
l"" Des lettres de protection , notamment celles de sauve-
garde (salva guardia), par lesquelles la partie qui les délivre,
prend, par écrit et d'une manière solemielle, l'engagement de
protéger des personnes ennemies contre de mauvais traitements.
Quelquefois elle accorde une escorte militaire, chargée des
ordres nécessaires. Cette dernière, tant qu'elle remplit paisible-
ment sa mission et jusqu'à son retour dans le camp, est
regardée comme sacrée et à l'abri de toute attaque;*
2"* des sauf - conduits , par lesquels on accorde à quelques
personnes la faculté de pouvoir circuler librement dans des
endroits défendus;^
1 Des exemples intéressants sont cités par Wnnn, iSeitschrift f&r
Staatswissenschaft 1851. p. 296.
* J. J. Moser, Yersucb X, p. 154.
' G. Engelbrecht, De salva gnardia. Jen. 1743. Yattal lY, % 171.
Moser, Vers. IX, 2, p. 452 sniv.
« Grotius m, 21, § 14 sniv. Yattel § 265 sniy.
§ 142. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 271
3"* des licences délivrées au profit de navires et de leurs
cargaisons (§ 123);^
4" des conventions conclues avec les sujets ennemis, par
lesquelles ils promettent de payer des contributions de guerre
ou de fournir certains objets en nature: les engagements con-
tractés à cette occasion remplacent souvent des sonunes fixes
payées à forfait. Il est vrai que ces engagements ne peuvent
être poursuivis devant les tribunaux du territoire occupé que
pendant la durée de Foccupation. Mais il est évident en même
temps que leur exécution peut être imposée par la force Nous
examinerons au chapitre IV la question de savoir si ces engage-
ments continuent à subsister après que Foccupation a cessé;
ô"" des conventions relatives à la rançon ou au rachat
d'un navire capturé, ou qui ont pour objet l'élargissement de
ce dernier au moyen d'un billet de rançon signé par le capi-
taine, ou de la remise d'un ou de plusieurs otages. Ces con-
ventions ont conunencé à être en usage dès la fin du dix-
septième siècle. Leurs effets généraux, lorsqu'ils n'ont pas été
limités par des lois particulières, consistent d'une part dans
l'obligation de payer intégralement le prix de rançon, dès que
la légalité de la prise a été maintenue et que l'exécution peut
être poursuivie devant les tribunaux compétents; — d'autre
part, dans la protection accordée au navire relâché par le
gouvernement capteur contre des attaques ultérieures jusqu'à
sa destination, pourvu qu'il ne quitte pas la route qui lui est
tracée. Le billet de rançon peut à son tour être déclaré de
bonne prise, par suite de la capture du corsaire. Si, en ce
cas, le corsaire capteur se trouve être siget du même État que
le signataire du billet, la question de savoir s'il faut regarder
ce dernier comme valablement libéré, se décidera d'après les
dispositions légales relatives à la recousse;'
6"* des conventions relatives à l'échange des prisonniers,
également assez fréquentes depuis la seconde moitié du dix -
^ La jurispradence anglaise est indiquée par Wildman II , p. 245 saiv.
L'américaine par Halleck iULVlil. Comparez Wheaton-Dana § 409.
« Wheaton, Intern. Law IV, 2, § 27 (édit franc. § 28). Martens, Vers,
ûber Oaper. § 23. Wildman II, 270 — 275. Philiimore m, 160. Massé
§ 381. Halleck XXVII, 20. Gessner, Le Droit des neutres p. 838.
S72 UVBB DEUXIÈME. § 14S.
Beptième siècle.^ A cet effet on âistingne entre les diverses
catégories de troupes^ et Ton établit certains chiffres proportioii-
nelSy en compensant les différences par des sommes d'aigent
on autrement;'
V des ci^itolations' consenties par des corps de troupes
on par des places assiégées , conditionnellement^ on sans condi-
tions. Elles se font le plus souvent sous la forme de propo-
sitions rédigées par la partie qui offre de faire sa soumission,
auxquelles l'autre partie répond d'une manière analogue;
S"" des armistices ou trêves^ ayant pour objet une suspen-
sion des hostilités. Elles sont ou générales, lorsqu'elles font
cesser les hostilités sur tous les points à la foiSy on particu-
lières, lorsqu'elles les font cesser sur quelques points ou en
certains lieux seulement De même elles peuvent être con-
clues pour un temps déterminé ou indéterminé. L'armistice
devient obligatoire dès le jour où il a été conclu : toutefois les
commandants militaires cha]^;és de son exécution n'en répon-
dent que du jour où ils en ont reçu l'avis. C'est à leurs gou-
vernements respectifs à réparer le préjudice qui pourrait résulter
d'une communication tardive.
L'effet ordinaire de l'armistice est le maintien du statu que
des parties belligérantes dans leurs positions respectives, sans
que l'une puisse en reculer les limites aux dépens de l'antre,
n est d'ailleurs loisible à chacune d'exécuter dans les lieux
occupés par elle pendant l'armistice, tout ce qui peut contri-
buer à fortifier sa position et à la rendre plus solide. Réduite
1 Du Mont, Corps nniv. i Vil, 1, p. 231 donne le pins ancien cartel
de cette espèce, qui porte la date de 1673.
> Moser, Vers. IX, 2, 388 suiv. Wheaton IV, 2, § 3. (Dana § 344.)
Ward, Enqniry I, 298 sniy. Halleck XVUI, 8.
* J. Fr. Lndovicif De capitnlationibas. Hal. 1707. Moser, Vers. IX,
2, 155. Halleck XXVII, 10. D*aatres monographies s<mt indiquées par
d*Ompteda § 315. de Eamptz § 300.
^ Souvent on stipulait autrefois d*attendre rarriyée de renforts pen-
dant un certain espace de temps , et de s*en remettre ensuite à la décision
des armes. Ward n, 226 suiy.
«* Grotius m, 21. Pufendorf VIII, 7, 3. J. Strauch, Dissert acad.
no. 5. Moser, Vers. X, 2. 1. Vattel m, § 233 suiy. Riquelme cbap. Xm.
HaUeck XXVn, 5.
§ 143. DKOIT INTERNATIONAL PENDANT LA 6UERBE. 278
à ces termes notre proposition nous paraît préférable à celle
formulée par M. Pinheiro-Ferreira dans les termes suivants:
Qu'il ne faut rien faire de ce que Tennemi aurait été intéressé
d'empêcher et que, sans la trêve, il aurait probablement
empêché.^ — D est encore évident que, pendant cet intervalle,
les sujets des belligérants peuvent entrer ensemble en relations
de commerce, pourvu qu'elles ne nuisent pas aux opérations
ultérieures de la guerre.* — D'après les usages, lorsque l'ar-
mistice n'a pas été conclu pour un terme très - rapproché , la
réouverture des hostilités est régulièrement précédée d'une
dénonciation,' nécessaire surtout quand il s'agit d'une trêve
générale et de longues années. On se dispense, bien entendu,
d'une dénonciation de la trêve qui, par suite de circonstances
imprévues, a été privée de ses effets.
§ 143. Les principes qui président à la conclusion des
traités pendant la paix , régissent également les conventions de
guerre, dont l'honneur militaire exige la stricte exécution avec
plus de rigueur encore. Tout commandant Supérieur de troupes
se trouve implicitement investi de pouvoirs suffisants pour la
conclusion de ces sortes de conventions, dès que la nécessité
des circonstances les justifie ou qu'elles se rattachent d'une
manière quelconque à ses fonctions, et sans qu'elles aient
besoin de la ratification du souverain. Mais si elles excèdent
le cercle de ses attributions, elles ne sont plus regardées que
comme des promesses personnelles (sponsiones) et ne deviennent
valables qu'à partir du moment de la ratification* (§ 84).
' Pinheiro-Ferreira sur Vattel III, p. 245. La question de savoir
si, pendant Tarmistice, Tennemi assiégé peut réparer ses brèches et con-
struire de nouvelles défenses, est controversée. Soutenue d'abord dans un
sens affirniatif par Grotius (§ 7) et surtout par Pufendorf (§ 10), elle a
été résolue négativement par Cocceji sur Grotius (§ 10) , par Vattel (III,
§ 246 suiv.) et par Wheaton (IV, 2, 20). Il est généralement admis qu'il
est défendu à Tassiégeant de continuer pendant la trêve les travaux de
siège. V. Riquelme p. 163. Halleck, § 6.
2 C'est à quoi se réduisent les observations de Frider. Esai. a Pufen-
dorf, Jur. univ. IV, observ. 207.
3 Pufendorf, J. N. et G. VHI, 7. 6.
« Riquelme p. 165. HaUeck XXVU, 4.
Heffter, droit intenuttional. 9« éd, 18
■1.^
274 LnrRB DEtnaJBifE. § 144.
Pour garaBtir ou pour faciliter rexéoation de e^ conven-
tions, on a recoors aux voies précédemment indiquées (§ 96).
Sont exceptées seulement celles d'un caractère purement dvil
ou d'une réalisation difiBcile en temps de guerre. Nous indi-
quons comme exemples la remise d'otages, qui doivent être traités
d'après les mêmes principes que ceux envoyés en tenq[)s de paix:
la cession provisoire de places fortes , ainsi que la livraison de
gages, afin de permettre à l'autre partie, en cas de non-exécu-
tion des stipulations arrêtées, d'user de représailles.
Toute infraction commise par l'une des parties contractantes
permet à l'autre de résilier immédiatement, sans aucune dteon-
ciation préalable, les conventions arrêtées.^ Il est donc évident
que la rédaction de ces actes exige des soins particuliers et
que leur exécution doit s'effectuer avec une pnnnpte exactitude.
Nous aimons à rappeler à ce siget les observations suivantes
de M. Wheaton: „In thèse compacts, time is material: indeed
it may be said to be of the very essence of the contract If any
thing occurs to render its immédiate exécution impraticable, it
becomes of no efiect, or at least is subject to be varied by
firesh negotiation.^' Au surplus les exemples de conventions de
guerre non ratifiées abondent dans l'histoire. Qu'il sufiSse de
rappeler celles de Zeven (1757), d'El Arisch (1800) et du
maréchal de Saint -Cyr (1814), qui sont devenues jcélèbres.*
Chapitre ni.
LE DROIT DE NEUTRALITÉ.
Introduction. '
§ 144. A côté des belligérants se groupent les nations
neutres. Le système de leurs droits et de leurs devoirs mutuels,
» Grotins m, 21. 11. Pufendorf Vm, 7. 12.
« Wheaton IV, 2. 23.
* Les ouvrages relatifs à cette matière sont indiqués par d*Ompteda
§ 819 et de Eamptz § 315. Les prindpaiix en sont les snirants: EL Coooeji,
§ 144. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 275
lequel est du plus haut intérêt pour la conservation de la
société internationale, ne s'est développé qu'avec le droit de
gens européen commun.
En général on peut définir la neutralité d'être la continua-
tion impartiale de Tétat pacifique d'une puissance envers chaque
partie des belligérants. Cependant nous y admettons avec les
principaux publicistes quelques degrés et modifications.
Nous distinguons d'abord la neutralité complète ou stricte
de la neutralité incomplète. La première a lieu lorsqu'on s'ab-
stient d'une manière absolue de favoriser aucune des parties
belligérantes. La seconde a lieu lorsqu'un État se relâche à
quelques égards de la rigueur du caractère principal de la. neu-
tralité. C'est ce qui a lieu notamment dans les cas suivants:
l"" lorsqu'une puissance, avant le conunencement des hosti-
lités, et non pas en vue même d'une guerre actuelle, a promis
à l'un des belligérants des secours, pourvu que, purement
défensifs, ils ne présentent aucun caractère agressif, que l'autre
partie ne s'y oppose pas et qu'au surplus les conditions de la
neutralité soient observées par elle (§117 ci -dessus);^
Disputât, de jure belli in amicos. 1697. (Exercitat. curios. t. H.) J. Ph. Vogt,
Sammlung auseriesener Abhandl. Leipzig 1768. No. III. J. Pr. Schmidlin,
De jnribus et obligation, gentinm medianun in bello. Stnttg. et Ulm. 1786.
Ferd. Galiani , Dei doveri dei principi gnerregianti yerso i nentrali. Napoli
1782. Trad. en allem. par C. Ad. Caesar. Leipzig 1790. (L'abbé Galiani
est décédé à Naples en 1787.) Samhaber (ou Stalpf), Abbandl. ûber einige
Rechte und Verbindlichkeiten neutraler Nationen in Zeiten des Erieges.
Wiirzburg 1791. Aug. Henning, Abhandl. ûber die Neutralitat, dans son
livre: Sammlung von Staat^schr. I. Hamburg 1784. de Béai, Science du
gouvernement V, 2. J. J. Moser, Versuche X, 1, 147 suiv. Bynkershoek,
Quaest. 1, chap. 8 — 15. de Martens, Vôlkerr. VIII, 7. Elâber, Droit dea
gens § 279 suiv. Wheaton, Intem. Law lY, chap. 3. Oke Manning p. 166.
Pando p. 455. Ortolan II, p. 65. Leschkof, Principes de neutralité. Moscou
1841. HautefeuiUe , Droits des nations neutres en temps de guerre mari-
time. Paris 1848. 4 voL Riquelme p. 141. 270. L. Ctessner, Le Droit des
neutres sur mer. Berl. 1865.
* Exemples: Le traité des Pyrénées (7 novembre 1659)' art. III.
Du Mont, t. VI, part. II, p. 265; la politique des Provinces -Unies lors de
la guerre de 1658 et de 1659 entre le Danemark et la Suède. Nau, Yôlker-
seerecht § 233. 234. Scbmidlin § 10. Hantefeuille I, 382—393. Halleck
xxn,2.
18*
276 LIVBE DEUXIÈME. § 14d.
2"* lorsqu'une puissance accorde les mêmes faveurs à toutes
les parties belligérantes ou seulement à Tune d'entre elles , soit
en vertu de conventions antérieures, soit avec le consentement
des autres parties, soit enfin d'une manière passagère et de
bonne foi dans des cas urgents.
On distingue en outre la neutralité générale du territoire
entier d'une nation de la neutralité partielle qui n'embrasse
qu'une portion de ce territoire/ ou même certaines personnes
(§ Ul).
Causes et fin de la neutralité.
§ 145. La neutralité est un droit naturel qui résulte de
la liberté et de l'indépendance des nations. Mais elle peut
aussi être réglée librement et garantie par les traités, ou bien
encore elle peut avoir un caractère de nécessité permanente.^
C'est ainsi que les traités de Vienne ont proclamé la neutralité
perpétuelle de la Suisse' et de la ville libre de Cracovie,* et
les traités de 1831 et 1839 celle de la Belgique.^
Les gouvernements des États ne sont pas toujours libres
de garder la neutralité. Divers motifs les obligent souvent à
prendre le parti de l'un des belligérants. Ainsi les États liés
entre eux par des pactes de famille refuseront difficilement de
se prêter mutuellement des secours, soit que l'un d'entre eux
* Moser, 1. c. p. 154.
•^ Hautefeuille t. I, p. 393.
^ Déclaration des puissances alliées du 20 mars 1815, suivie de
Tacceptation du Conseil fédéral du 27 mai. Acte du Congrès de Vienne
art. 84. 92. Acte d'approbation du 20 novembre 1815. deMartens, Suppl.
t. VI, p. 157, 173, 740. La neutralité d'une partie de la Sardaigne est
garantie par l'art. 92 de l'Acte du Congrès de Vienne, et par le protocole
du 3 novembre 1815. Martens, Nouv. Recueil t. IV, p. 189. Enfin par
le traité de Turin de 1860.
* V. la convention du 3 mai (21 avril) 1815 art. 6 et Acte du Con-
grès art. 118. de Martens, à l'endroit cité p. 254. 429. Cette neutralité
a cessé depuis 1846. (V. supra § 22.)
^ Traité séparé du 15 novembre 1831 art. 1. Nouv. Recueil t. XI,
p. 394. Traité du 19 avril 1839 art. 7. Nouv. Recueil t. XVI, p. 777.
V. l'excellent ouvrage de Arendt, Essai sur la neutralité de la Belgique.
Brux. et Leipz. 1845.
§ 146. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 277
vienne à être attaqué, soit qu'il se dispose à prendre Toffensive.
n faut en dire autant des pays qui font partie d'une confédé-
ration politique investie du droit de déclarer la guerre;^ ou
bien des pays liés entre eux par une union réelle , peu importe
d'ailleurs que les rapports qui servent de base à leur union,
reposent sur le principe d'égalité ou non.* Par contre l'union
purement personnelle de deux territoires distincts sous un sou-
verain commun n'est en aucune manière exclusive de la faculté
pour chacun de maintenir sa neutralité , pendant que l'autre est
engagé dans une guerre.
Chaque nation a le droit incontesté de défendre avec les
armes la neutralité par elle proclamée et de repousser par la
force toute atteinte de nature à la troubler. Elle prendra à
cet effet les mesures qui lui paraîtront les plus convenables, à
la seule condition de ne pas dépasser le but proposé. Ces
mesures portent le nom de neutralité armée. De puissantes
alliances se sont formées sous cette bannière, et l'histoire
moderne en a enregistré plusieurs de très -célèbres.
La neutralité prend fin par une déclaration de guerre faite
soit à la puissance neutre par l'un des belligérants, soit par
celle-ci en faisant cause commune avec l'une des parties; ou
bien encore par une ouverture directe des hostilités. Mais
l'expiration du délai fixé pour la neutralité d'une puissance n'a
nullement pour effet d'y mettre un terme de plein droit, en lui
faisant succéder un état de guerre.*
Devoirs des neutres.
§ 146. La neutralité entraîne avec elle certaines obliga-
tions, certains devoirs, que les nations doivent remplir si elles
veulent jouir de ses bienfaits. Ces devoirs sont principalement
au nombre de trois, qui renferment tous les autres:*
ï Pour la Diète germanique v. l'Acte final de Vienne art. 41.
« Pour la Suède et la Norvège v. le traité d'union du 31 juillet et
du 6 août 1815, art. 4. de Martens, Nouv. Recueil t. Il, p. 612. V. en
général Galiani 1. 1 , chap. 3.
* Moser, loc. cit. p. 491.
* Klûber § 287.
278 LIYBE DEUXIÈME. § 147.
l"" intervention contre tout acte d'hostilité tenté par Tim
des belligérants contre Tautre sur le territoire neutre.
2"" abstention de tout acte de nature à gêner les opéra-
tions militaires de Tun des belligérants en dehors du territoire
neutre.
S"" impartialité complète dans les relations avec les deux
belligérants et abstention de tout acte ayant le caractère d'un
secours auxiliaire porté à Vxm contre Tautre (§ 115). Peu
importe d'ailleurs qu'on offire à l'une des parties les secours
qu'on a donnés à l'autre. Cette prétendue impartialité^ dont
plusieurs anciens publicistes ont fait une sorte de sauvegarde^
est une formule insignifiante, un faux semblant d'impartialité
incapable de changer la face des choses.^
La puissance neutre qui viole l'un de ces devoirs , s'expose
non -seulement à des représailles, mais aussi à une déclaration
de guerre immédiate de la part du belligérant lésé.
La neutralité incomplète ou limitée s'interprète de la
manière la plus stricte. Chacun des belligérants a incon-
testablement aussi le droit de s'oppotex de toutes ses forces 4
l'envoi de secours à l'autre partie, quel qu'en soit le motif, à
moins d'une renonciation expresse de sa part.* Mais il ne
peut se prévaloir de ce que ces secours ont été fournis, pour
en exiger de semblables.^
Développement des règles précédentes.
§ 147. Conformément à la règle première indiquée au
paragraphe précédent, le neutre doit s'opposer de toutes se^^
forces à ce que l'un des belligérants commette sur son territoire
des actes d'hostilité sur les personnes ou les biens de l'autre.*
S'il est trop faible pour résister au belligérant, s'il n'a concédé
le passage de son territoire que lorsqu'il y a été contraint et
» M. Pôhls, Seerecht IV, p. 1076 (§ 513 in fine). Arendt, 1. c. p. 108.
Halleck XXU , 5.
"^ Nau , Vôlkerseerecht fc? 233 in fine.
' Les contestations qui à ce sujet ont eu lieu entre TAngleterre et
les États - Unis , sont racontées par Wheaton IV, 3, § 3. (Dana § 425).
* Hautefeuille 1. 1 , p. 444. Pour le droit d'asile v. § 149.
§ 147. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 279
forcé, il doit du moins s'abstenir de tout acte approbatif de
nature à légitimer des violations ultérieures. S41 accorde un
asile aux troupes poursuivies (§ 149), il ne dépassera pas les
bornes de Thospitalité.^
Par une application analogue, un gouvernement neutre ne
doit pas permettre à ses tribunaux de statuer sur la validité
des prises faites par les belligérants ou par Tun d'entre eux,
sauf les cas où la compétence de ces tribunaux résulte de la
nature particulière des faits et des circonstances, ainsi que
nous l'indiquerons au § 172.
Les secours fournis par humanité, soit isolément soit en
masse , aux victimes de la guerre de Tune ou de Tautre partie
ont toujours été considérés comme des actes inoffensifs et
exempts de tout reproche.
En suite de la deuxième règle du paragraphe précédent
le neutre ne mettra point d'entraves aux opérations militaires
des belligérants,' p. ex. aux blocades légitimes (§ 154), en
tant que ces opérations n'empiètent point sur les droits terri-
toriaux du neutre.
Suivant la règle troisième, le neutre doit s'abstenir de
fournir à l'un des belligérants aucun secours de ^ nature à
augmenter ses forces, de donner à l'attaque ou à la défense
des chances plus grandes de succès. Il ne peut céder à l'une
des parties aucune place fortifiée ni aucun port de guerre.
Le souverain qui fournit directement ou indirectement à l'un
des belligérants des armes , des munitions de guerre , des
vivres, de l'argent, enfin tout ce qui peut servir à faire ou à
soutenir la guerre ou à augmenter ses forces et ses ressources,
cesse d'être neutre. ' Il ne doit pas permettre dans ses États
des enrôlements de soldats. Autrefois on voyait assez souvent
des princes louer ou céder en quelque sorte leurs troupes , non
pas en vertu de traités d'alliance antérieurs à la déclaration
* Bynkershoek, Qnaest. jnr. pnbl. I, ohap. 8. de Martens, Oaper. § 18.
Wheaton lY, 3, § 4. 6. 7. 9. Boachand, Théorie des traités de commeroe
p. 183. Pando p. 462. Haatefeaille 1. 1, p. 429. 454. Halleck XXn, 6. 5.
* Tite-Live XXXV, 48. „Amici bello se non interponant." Bynkers-
hoek, Quaest. j. publ. 1,9.
s Aiendt p. 105. Hautefenille I , p. 450. 462.
280 " ÏJY& DEUZIÈMi. § 147.
de guerre,^ maiB dans on pur esprit de fiBoaUté. Ce trafie
honteux est devenu impossible en Terta des droÉl constitu-
tionnels des peuples. Spécialement la Baisse a dfi renoncer à
Tusage de pareils marchés ; connus autrefois sons le nom de
conventions militaires ; conmie inoondliables avec la neutralité
perpétuelle qui lui a été garantie par les puissaacea euro-
péennes.'
n y a une autre question sur laquelle les andens auteurs
sont tombés dans une grave erreur. Us ont prétendu que le
neutre avait le droit de permettre au belligérant le passage de
ses armées sur le territoire neutre toutes les fois qu'il en avait
besoin ou qu'il le jugeait à propos , et que le souverain neutre
ne pouvait le refuser sans conunettare une iigustice. Non- seule-
ment le passage de troupes armées sur le territoire neutre
n'est pas un droit, mais encore la concession du passage con-
stituera, de la part du neutre, une violation de ses devoirs
qui donne à l'autre partie un juste motif de te traiter en
ennemi.' Le neutre ne doit pas non plus permettre que ses
ports, ses rades ou ses mers territoriales servent de station
aux bâtiments des puissances beUigénmtes, ni que ces dernières
y embarquent de l'artillerie ou des munitions de guerre. H
doit veiller avec soin à ce que l'un des belligérants n'arme
dans ses ports aucun bâtiment de guerre, ni aucun corsaire.
De pareilles concessions ne peuvent se concilier avec les lois
d'une stricte neutralité. Car il est difficile d'empêcher qu'elles
n'exercent quelque influence sur le sort de la guerre. Presque
' Une excellente exposition historique et théorique de la question
se trouve dans Oke Manning p. 170. V. aussi Hautefeuille i I, p. 433.
Phillimore IH , 109. HaUeck § 14 ibid.
' Bury, dans la Beyue internationale, t. n, p. 636.
' La plupart des publicistes allemands se sont prononcés avec Yattel
(III, § 119 suiy.) en faveur d'un droit de passage innocent (passagium inno-
cuum) , p. ex. Martens dans son Précis du droit des gens § 310. 311.
L'auteur lui-même du présent- ouvrage , bien que convaincu du peu de
fondement de cette opinion, ne s'est peut-être pas exprimé sur ce point
d'une manière assez nette dans la première édition. Dès lors il n'a pas
hésité à adopter sans réserve l'opinion opposée qui a trouvé d* excellents
défenseurs dans Hautefeuille (t. I, p. 424. 447), Oke Manning (p. 182) et
Arendt (p. 121). Pando au contraire (p. 461) soutient enoore l'ancienne théorie.
§ 147. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 281
toujours elles augmenteront les forces de Ton des belligérants,
lui donneront des chances de succès et, par conséquent, nuiront
dans la même proportion à Tautre. Presque touj^urs la situa-
tion du territoire neutre se prête plus facilement aux opérations
de guerre de Tune que de l'autre partie. Leur en accorder
simultanément le passage, c'est en réalité ouvrir le territoire
neutre à des hostilités ou favoriser une partie contre l'autre.
Le souverain neutre doit donc s'abstenir en général des actes
qui, dans les circonstances au milieu desquelles ils se pro-
duisent, ne se présentent pas avec le caractère d'innocuité
parfaite. En ce cas la bonne foi et la prudence exigent de
lui une entente préalable avec l'autre belligérant.^
L'autorisation accordée aux sujets paisibles d'un belligérant
de séjourner dans le territoire neutre ^ l'entrée passagère des
bâtiments de guerre dans ses ports et rades, les fournitures
qui leur sont faites en bois, agrès et objets nécessaires pour
réparer les avaries qu'ils ont souffertes, soit par accidents de
mer, soit dans un combat, ne présentent pas un caractère
aussi dangereux. Néanmoins le neutre doit exiger que ces
bâtiments quittent ses ports dès que leur séjour prolongé
paraîtra se rattacher à quelque combinaison de guerre.*
La validité des aliénations en pays neutre der biens con-
quis par l'un des belligérants, par une de ces voies connues
sous le nom de butin ou de prise, après que la prise de pos-
session est devenue inattaquable d'après les règles internatio-
nales, ne peut faire l'objet d'aucun doute. Plusieurs traités
^ Moser (Versuche t. X, p. 238) disait déjà dans le même esprit:
„0n De doit pas permettre le passage d'armées ou de corps d'armée entiers
sur le territoire neutre. Autrement on s'expose, selon les circonstances, à
perdre la qualité de neutre. Accorder le passage à Tune des parties et le
refuser à l'autre, c'est évidemment un acte de partialité. Lorsque le libre
passage profite seulement à l'une des parties, sans pouvoir profiter à
l'autre, celle-ci peut exiger certainement que le neutre le refuse au
premier."
^ JouflEroy (Droit marit. p. 92) et Hautefeuille (t. I , p. 461) regardent
dans ces cas comme illicite la fourniture d'armes et de munitions de guerre.
Pando (p. 467) professe la même opinion. Ne serait -il pas cruel de livrer
des combattants désarmés à l'ennemi? D'ailleurs la vente en territoire
neutre a toujours été considérée comme on acte parfaitement licite.
282 LIYBE DEUXIÈME. § 148.
contiennent une stipulation expresse à ce sujet Mais rien
n'oblige le neutre à autoriser ces aliénations. Aussi , tandis
que certains traités les admettent ^ d'autres les proscrivent - ils
formellement.^ Toutefois la création sur le territoire neutre
d'un lieu d'entrepôt destiné à recevoir ces sortes d'objets,
devrait être regardée comme un acte d'hostilité. H faut en
dire autant de la mise en possession d'un neutre dans des
terres conquises, dont le vainqueur ne peut disposer valable-
ment qu'après la conclusion de la paix (§ 132).
§ 148. Nous venons de retracer les lois rigoureuses qui
doivent présider aux relations des nations neutres avec les
belligérants. En thèse générale les mêmes principes devront
encore servir de règle à la conduite des individus de chaque
nation neutre et par conséquent ces derniers sont tenus de
s'abstenir de tout acte contraire aux obligations fondamentales
du droit de neutralité (§ 146). C'est pour cela qu'ils sont
soumis à plusieurs restrictions de la liberté du commerce
(§151 et suivants); qu'ils ne peuvent non plus prendre du
service militaire dans les armées de terre et de mer d'un
belligérant contre l'autre; qu'enfin ils ne doivent leur prêter
aucun secours considérable en proportion avec -celui qui con-
stituerait une lésion de la neutralité de la part du gouverne-
ment neutre lui-même (§ 147). Anciennement on en jugeait
autrement. Tant qu'il n'y avait que des troupes mercenaii^s^
les particuliers pouvaient librement, soit individuellement, soit
en bandes ou compagnies sous quelque „ condottiere", entrer
au service de l'un ou de l'autre belligérant Cette faculté
formait même un des éléments de la bonne liberté allemande.^
Pareillement il était admis de prendre une lettre de marque
comme corsaire sous le pavillon d'un belligérant Tout cela
ne convient plus aux moeurs et aux institutions des États
modernes. Les gouvernements ne permettent plus à leurs
sujets Fenrôlement sous les drapeaux des parties en guerre ni
la participation à la course maritime. Ils se croient même
> Vattel m. 7, 132. Bynkershoek, Quaest. I, 15. de Steck, Handels-
und Schiffîahrtsvertr. p. 176. Pando p. 467. Ortolan (II, p. 270) s'est
prononcé pour la négative.
2 V. le recès de TEmpire de 1570 § 4.
§ 149. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 283
obligés d'interdire aux citoyens de porter aide ou secours aux
belligérants de Tune ou de l'autre manière et d'appliquer aux
contrevenants les peines légitimes, s'il y a lieu. Mais ils ne
sont pas responsables de tout dommage causé à un belligérant
par les contraventions de leurs sujets; ils ont seulement à
surveiller les actes contraires aux règles de la neutralité et à
empêcher les infractions manifestes.^
Droits des neutres.
§ 149. L'état de guerre survenu entre deux nations
impose seulement aux droits fondamentaux des autres certaines
restrictions résultant des devoirs spéciaux de la neutralité.
Ces droits ainsi modifiés se résument dans les propositions
suivantes:
Premièrement: Inviolabilité du territoire neutre, — plein
exercice des droits de souveraineté dans le territoire neutre.
^ Ce sujet a causé bien des réclamations et des contestations pendant
et après les dernières guerres. Les questions qui s'y rattachent sont
discutées par M. Westlake et M. E. Jaequemyns dans la Revue du droit
internat, t II, p 636. 700. ss. — Parle traité anglo-américain de Washington,
signé le 8 Mai 1871, les deux gouvernements ont adopté les règles suivantes:
„Le gouvernement nreutre est tenu 1** d'user de toute vigilance pour
empêcher, dans sa juridiction, Téquipement et Tarmement de tout vaisseau
qu'il a des motifs raisonnable^ de croire destiné à croiser ou de faire la
guerre contre une puissance avec laquelle il est en paix: et aussi d'employer
la même vigilance à empêcher de quitter le domaine de sa juridiction tout
vaisseau destiné à croiser ou faire la guerre, comme il a été dit ci -dessus; —
2° De ne permettre à aucun des belligérants de faire de ses ports ou de
ses eaux la base de ses opérations maritimes contre l'autre, ni de s'en
servir pour augmenter ou renouveler ses approvisionnements militaires,
ses armes ou pour recruter des hommes; 3^ D'employer toute vigilance
dans ses propres ports et dans ses eaux, et, à Tégard de toute personne
dans sa juridiction, d'empêcher toute violation des obligations et des
devoirs qui précèdent." Ces règles ne formeront à la vérité que la base
du jugement à rendre par le tribunal arbitral qui doit être constitué à
Genève pour l'affaire de TAlabama. Néanmoins comment pourrait -on mécon-
naître la justesse et l'équité desdites règles en général? Comparez au
reste la Revue des deux mondes, tome 49 (1871) p. 795 — 810. Bluntschli,
dans la Revue Internat. Il , (1870) p. 452 ss. La question des dommages
ne nous intéresse pas ici.
284 IJYHB DBUXIÈHB. § 149. \
Le territoire neutre devient par là nn asSto natiirellement
ouvert aux sujets des belligérants, lorsqu'ils s'y présentent
isolément^ et que leur présence n'impUqœ pas une faveur
accordée à Tan des belligérants an détriment de l'antre. H y
a encore plus. Lorsqu'un corps armé fuyant devant son ennemi
vient se réfugier dans un pays neutre, il y est reçu et est traité
avec humanité, mais les troupes sont éloignées du théâtre de
la guerre ; on les peut fidre sortir du pays d'une manière seule-
ment non préjudiciable à l'ennemi; en un mot on remplit les devoirs
d'humanité à l'égard des individus, sans accorder un asQe ou un
Heu de rassemblement à l'armée prise comme un corps. Lors-
qu'au contraire des navires des puissances en guerre se pré-
sentent devant un port neutre, et qu'ils y sont admis, on leur
permet seulement d'acheter les vivres nécessaires, de faire les
réparations indispensables et de reprendre la mer pour se livrer
de nouveau aux opérations de guerre. En tout cas le gou-
vernement neutre peut prendre des mesures convenables pour
empêcher des actes d'hostilité qui pourraient se commettre
entre les parties belligérantes sur son territoire, par exemple,
en faisant sortir la plus faible la première et en retenant la
plus forte pour un temps suffisant, au moins de 24 heures,
pour donner le devant à la première.* S'il y a déjà nn com-
mencement d'hostilités, il peut, et doit même s'il le peut, les
réprimer de toutes ses forces et contraindre le vainqueur à se
défaire des fruits de sa victoire, faire relâcher les prisonniers
et faire restituer le butin et les prises faites par luL Le vain-
queur n'est pas même en droit de continuer dans le pays neutre
la poursuite de l'ennemi battu ou chassé.' Seulement si l'État
neutre a fourni à l'un des belligérants des troupes auxiliaires
1 WheatOD, Intern. Law IV, 3, 11. Ortolan II, 289. HantefeuiUe I,
478. Principalement: Lad. Em. Pûttmann, de jure recipiendi hostes alienos.
Lips. 1777.
2 Moser, Vers. X, 1, 159. 311. de Martens, Vôlkerr. §807. KlQber
§ 258, note b. Ortolan n, 248. de Pistoye et Dnyerdy, Prises maritimes
I, 108. HantefeuiUe I, 474. II, 91. 187.
* Wheaton, Intern. Law IV, 3, 6 et 7. de Martens, Caper § 18.
Nan, Vôlker8eerecht§235. Ortolan II, 255. 278. Pando p. 465. de Pistoye
et Dnyerdy I, 22. PhiUimore m, 457. HaUeck XXn, 6 s.
§ 150. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 285
OU qu'il lui a ouvert des places fortes, celles-ci peuvent incon-
testablement être attaquées sur le territoire neutre (§ 118).
§ 150. Deuxièmement. Le souverain neutre qui se conduit
avec loyauté à Tégard des belligérants, a le droit d'exiger d'eux
qu'ils continuent à respecter ses déclarations et ses actes comme
pendant la paix. D est toujours présumé vouloir observer entre
les parties une stricte impartialité, à moins que les faits mêmes
ne viennent donner tort à ses déclarations, et prouver qu'elles
ont uniquement pour objet de tromper l'une des parties et de
dissimuler sa partialité en faveur de l'autre. Cette règle acquiert
une certaine importance lorsqu'il s'agit de déterminer la validité
des passeports, des lettres de commission et des certificats
délivrés par un gouvernement neutre.
Troisièmement. D résulte du principe de l'égalité et de
l'indépendance des États que les belligérants ne doivent pas
soumettre les peuples avec lesquels ils sont en paix, à des lois
et à des juriiUctions qui ne sont pas fondées sur les disposi-
tions formelles des traités ou sur les principes reconnus du
droit international. Le souverain qui n'est pas lié de l'une ou
de l'autre façon procède sur son territoire tsomme bon lui semble.
Rien surtout ne doit l'empêcher de prendre les mesures qu'il
croit nécessaires pour la protection efficace de ses sujets contre
les actes arbitraires et les empiétements des belligérants.
Quatrièmement. L'État neutre continue à jouir de la
disposition exclusive des biens meubles et immeubles qu'il
possède dans le pays des belligérants ou de l'un d'entre eux,
lors même que ces biens se trouveraient sur le théâtre des
hostilités. Le droit au butin et de confiscation ne s'applique pas
dans ces cas. Cependant les usages de la guerre ont admis une
exception à l'égard des objets qui ont été mis à la disposition
de l'un des belligérants et qui servent directement à ses opéra-
tions de guerre. C'est ce qui a lieu notamment en matière de
contrebande, dont nous essayerons plus loin de donner une
définition exacte. En ce cas la propriété neutre, pas plus que
la propriété ennemie, ne peut échapper à la saisie et à l'occu-
pation ennemies.
Les biens immeubles appartenant au souverain neutre ou à
ses sujets, et situés dans le territoire de l'un des belligérants.
286 LIVRE DEUXIÈME. § 151.
ne peuvent naturellement pas se soustraire aux charges de la
guerre. Les navires et les biens meubles des neutres an con-
traire qui se trouvent sur le territoire de Tun des belligérants
ou sur la- haute mer, ne peuvent être saisis par lui, pour être
appliqués à ses propres besoins, qu'en cas de nécessité ui^ente.
Les belligérants, très -portés à abuser de la force qu'ils ont
entre leurs mains, ont, il est vrai, imaginé d'employer des
navires neutres dans leurs expéditions maritimes comme de
plein droit (jure angariae). Ce droit putatif d'angarie a été
pratiqué surtout sous Louis XIY, qui l'a considéré comme Tune
des prérogatives de la souveraineté. Dans les traités modernes
il a été ou supprimé entièrement, ou accordé seulement moyen-
nant une indemnité complète.^ Autrement son exercice n'est
excusable qu'au cas de nécessité extrême. Il faut en dire autant
du prétendu droit de préemption, exercé autrefois par l'un des
belligérants sur les marchandises neutres destinées pour les
ports de son adversaire. H en sera fait mention plus bas.
V
Liberté du commerce des nations neutres.
§ 151. Bien que les principes qui viennent d'être exposés
aient obtenu à peu près l'assentiment général, leur application
à la liberté du commerce et de la navigation des nations neutres,
tant entre eux qu'avec les belligérants, éprouve des difficultés
sérieuses.
La liberté absolue du commerce des neutres entre eux n'a
pas été contestée à la vérité; cependant les difficultés de faire
recomiaître ce commerce , et les nombreuses mesures vexatoires
dont il a été l'objet, font regretter l'absence de règles fixes et
précises à son égard. CeUes-ci se rattachent elles-mêmes à la
solution de la question principale, à savoir: Quelles restrictions
doivent subir le commerce et la navigation des peuples neutres
avec les belligérants? Depuis plusieurs siècles les nations sont
divisées sur une question où l'absence d'un code et de tribunaux
* de Real, Science du gouv. V, 2 in fine. Nau, Vôlkerseerecht § 260.
Grotins UI, 17. 1. de Steck, Essais p. 7. Hantefeuille IV, p. 434. Phil-
limore LU, 41. Massé n. 321.
§151. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 287
internationaux se font surtout sentir. Malheureusement, dans la
pratique des États, sa solution dépendait surtout du droit du
plus fort, ou plutôt elle était le résultat de Tabsence d'un droit
quelconque au profit des plus faibles.
Ce n'est pas seulement la pratique qui fournissait un vaste
champ à des discussions ardentes: la théorie eUe-même est
loin d'avoir dit son dernier mot. En attendant elles sont par-
venues à s'entendre quelquefois en vue de certaines lois inté-
rieures et de certaines décisions judiciaires intervenues dans
plusieurs pays, qui ont acquis une grande autorité. Mais
il ne faut pas se le dissimuler: ces lois, ces jugements ne
sont que des actes purement politiques émanés de gouverne-
ments isolés qui n'obligent les autres peuples qu'autant qu'ils
leur sont imposés par la force et qu'ils sont exécutés malgré
leur injustice.
Dans aucune branche de la science du droit international
l'absence de voies régulièrement tracées ne se fait sentir plus
vivement. Nulle part on ne découvre un accord complet entre
la pratique, les traités et la doctrine! Et pourtant il est
impossible de méconnaître la nécessité de règles précises et
généralement applicables entre les nations, dès qu'on admet
entre elles l'existence d'un droit commun, dès qu'on convient
que les rapports établis entre elles, que nous avons essayé de
retracer dans les pages précédentes, sont exacts et répondent
à la réalité des choses. C'est dans ces rapports que nous
allons puiser les éléments de solution des diverses questions
controversées. A cet effet nous considérerons comme lois com-
munes les règles de réciprocité généralement admises dans la
pratique des États, et là où elles se taisent, nous chercherons
à nous aider des principes déjà expliqués.^
* Le tndté intitulé: Researches historical and critical in maritime
internat. Law. By James Beddie, Esq. Edinb. 1844 , 45. Il Vols, contient
un exposé approfondi de la théorie et de la pratique sur cette matière.
Quoiqu'en définitive ce soit un plaidoyer en faveur des prétentions britan-
niques, il admet cependant quelques concessions. Y. là -dessus les obser-
vations d'Ortolan t. Il, p. 430. Les auteurs se démettent ici difficilement
de leur nationalité.
288 LIVBE DEUXIÈICK § 152.
Origines et dëyeloppementg de la Jurisprudenee relatlTe
aux deToirs des neutres.
§ 152. L'histoire de notre sujet ^ commence surtout vers
le milieu du xvi* siècle. Le commerce maritime ayant cessé
d'être le monopole de quelques peuples, de quelques com-
pagnies ou eités privilégiées 9 commençait alors d'exercer une
force attractive immense sur toutes les nirtions de l'Europe et
à être encouragé par les gouvernements qui j voyaient une
source inépuisable de richesses et de puissance. D'ardentes
rivalités surgirent aussitôt: en même temps qu'elles contri-
* huaient à l'accroissement de la marine tant militaire que mar-
chande, elles donnèrent le signal de luttes sanglantes. Une
seule nation réussit par des efforts héroïques à triompher de
toutes ces rivalités et à asseoir sur les ruines des marines
secondaires un empire comme le monde n'en avait pas encore
vu de semblable. Aux yeux de cette nation, le droit inter-
national maritime se trouvait tout entier dans son intérêt, et
c'est aux exigences de ce dernier que les usages des autres
peuples durent se plier. Fidèle en apparence aux anciens
principes si simples, dont elle s'imposait souvent la stricte
exécution dans ses traités, ce fut lors de leur application
qu'elle se réservait d'en éluder les dispositions et de faire
sentir aux faibles sa supériorité. Ses prétentions suivent la
progression ascendante de sa puissance et provoquent souvent
des résistances énergiques. La réaction commence dès la
seconde moitié du xvn"* siècle pendant les guerres continuelles
de l'Angleterre contre la France et l'Espagne. Louis XIV
renonce au système général si funeste au commerce qui était
en vigueur alors, et donne à la France, dans les Ordonnances
de la marine de 1681 et de 1689, un nouveau code maritime,
vrai chef- d'oeuvre de rédaction qui a reçu un succès à peu
près universel. Bien qu'au fond il ne soit qu'un résumé d'an-
ciens règlements, d'anciennes coutumes, il présente cepen-
dant dans sa rédaction une forme éminemment originale et
1 Hantefeuille I, 26 suiv. Gessner dans les préliminaires de son
Droit des neutres.
§ 152. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 289
systématique. Il se peut que le droit maritime y ait été trop
particularisé. Néamnoins le congrès dTtrecht parvint à fixer
certaines' règles communes au profit du commerce neutre par
les traités conclus en 1713 entre les principales puissances
maritimes.
Les traités de Fontainebleau et de Paris (1762. 1763)
allaient renouveler la prépondérance maritime de la Grande-
Bretagne. Celle-ci était alors an faîte de sa puissance: aucun
contrepoids n'existait, elle dominait seule les mers. Non con-
tente de sa suprématie, elle voulait régner seule, s'enrichir
seule aux frais des autres nations. Une réaction dut dès lors
se manifester, réaction qui, dès le début, se manifesta avec
une certaine énergie. La France en donna le signal. Elle
conclut dès 1778 avec les provinces insurgées de T Amérique
un traité, dans lequel elle reconnut solennellement leur indé-
pendance politique. Dans la même année elle publia un
nouveau règlement sur le commerce des neutres. Catherine II,
surnommée par ses flatteurs la Minerve du Nord, conclut^avec
le Danemark d'abord, ensuite avec la Suède, une alliance
ayant pour objet de forcer les belligérants au respect et à
Texécution des règles fondamentales du droit maritime à Tégard
des peuples pacifiques. Bientôt la Prusse, T Autriche, le Por-
tugal, les Deux-Siciles et la HoUande accédèrent à cette nou-
veUe alliance préparée par Panin, qui prit le nom de neutra-
lité armée. ^ Quoiqu'elle ne réussît pas à maintenir dans leur
intégrité les règles par elle proclamées,* elle arracha pourtant
^ On raconte que Catherine elle-même l'appelait ,,la nnllité armée.**
Était-ce seulement ponr faire un jeu de mot, ou de Tironie à cause du
peu de confiance qu'elle avait dans le succès de sa propre oeuvre , — c'est
ce que nous n'osons décider. L'ironie à part, le fait n'en était pas moins
digne d'un esprit élevé.
^ Les principes contenus dans la première déclaration de la Cour
de Russie du 28 février 1780 peuvent se résumer dans les termes
suivants:
1*" Les vaisseaux neutres peuvent naviguer librement de port en port
sur les côtes des nations en guerre;
'2'' les efifets appartenant aux sujets desdites puissances en guerre, sont
libres sur les vaisseaux neutres, à l'exception des marchandises de
contrebande ;
Heffter, droit Intenutloii*]. 8« M. 19
290 UTBE DEUXIÈME. § 152.
aa gouvemement britannique quelques concessionis consacrées
par la convention du ^1^ juin 1801, à laquelle adhérèrent le
Danemark (23 octobre 1801) ef la Suède (^%o mars 1802).^
La résistance aux prétentions britanniques prit enfin des
proportions gigantesques dans la grande lutte dont les premières
années du xix* siècle furent les témoins. Rappelons-en en
quelques mots les phases mémorables. Par un ordre du con-
seil du 16 mai 1806, le cabinet de St. James notifie aux puis-
sances neutres le blocus de tous les ports, rades, côtes, rivières,
compris depuis Tembouchure de TElbe jusqu'au port de Brest
inclusivement. L'empereur Napoléon y répond par le décret
de Berlin (21 novembre 1806). Les îles britanniques sont
déclarées en état de blocus. Tout conmierce et toute correspon-
dance avec ces îles sont interdits. Tout sujet anglais dans les
pays occupés par la France est déclaré prisonnier de guerre.
Toute propriété anglaise est déclarée de bonne prise. Tout
commerce des marchandises anglaises est défendu; tout vaisseau
ayant touché TAngleterre est exclu des ports. Un nouvel ordre
3^ rimpératrice se tient, quant à la fixation de celles-ci, à ce qui est
énoncé dans Tart. X et XI de son traité de commerce avec la Grande-
Bretagne, en étendant ces obligations à toutes les puissances en
guerre (ces articles limitaient la prohibition aux armes et aux muni-
tions de guerre);
4® pour déterminer ce qui caractérise un port bloqué , on n'accorde cette
dénomination qu'à celui où il y aura, par la disposition de la puis-
sance qui Tattaque avec des vaisseaux arrêtés et suffisamment proches,
un danger évident d'entrer;
6^ ces principes servent de règle dans les procédures et dans les juge-
ments sur la légalité des prises.
Y. de Martens, Rec. t. m, p. 158. A ces dispositions sont venues s^ajouter
plusieurs autres, inscrites dans des conventions postérieures. L'histoire
de la neutralité armée et de ses nombreuses vicissitudes a été très -bien
racontée par Kluber, Droit des gens § 303—309; Wheaton, Histoire p. 223.
311 suiv. (I, 358. U, 83 éd. 2). Y. aussi les auteurs cités par de Eamptz
§ 258. Sur la position qu'on prit de la part du Congrès des États dn
Nord de l'Amérique vis-à-vis de la question on peut consulter Trescot,
The diplomacy of the révolution. New -York 1852. p. 75.
^ La convention du Vit j^nn 1801 se trouve dans Martens, Recueil
t Yn, p. 260. ËUe pouvait être regardée en quelque sorte comme l'ulti-
matum de l'Angleterre. Wheatcm ibid. p. 314 suiv.
§ 152. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 291
(lu conseil (7 janvier 1807) déclare de bonne prise tous les
navires faisant route pour un des ports de la France, déclare
en état de blocus tous les ports et places de la France et des
États ses alliés. Le décret de Milan (17 septembre 1807) pro-
nonce alors la confiscation de tout navire ayant souffert la visite
d'un vaisseau anglais et le blocus des îles britanniques sur mer
et sur terre.
Considéré en lui-même, ledit système continental établi
par les décrets de Berlin et de Milan, était une conception
politique très -féconde, digne du grand homme dont elle
émanait.* Maintenu avec une sévérité rigoureuse au dehors,
avec une sage modération au dedans, ce système, qui tendait
à réunir tous les États du continent dans une puissante ligue,
fut sans doute le moyen le plus efficace pour combattre avec
succès les exigences britanniques. Ce fut plutôt par son exécu-
tion pleine de partialité, par les nombreuses licences, par les
violations portées à l'autonomie des nations continentales, qu'il
a laissé parmi elles de si tristes souvenirs. H n'existait peut-
être aucun autre moyen aussi efficace pour réduire à leur
juste valeur les prétentions de la Grande-Bretagne à l'empire
des mers.
Maintenant le concert Européen vient d'amener des trans-
actions plus équitables. L'Angleterre même a fait, lors de la
guerre de 1854, quelques concessions générales à la liberté du
commerce neutre en sacrifiant une partie de ses préjugés à
Tentente cordiale avec la France et à l'influence des prin-
(*ipes conciliateurs suivis par le gouvernement de la France
dans l'intérêt commun des nations.' Enfin une tierce puissance
au delà de l'Océan va jeter de plus en plus un poids important
dans la balance des rapports maritimes pour la fixation du
droit commun.
1 Le système continental est aussi très^^bien expliqué par Elûber, à
Tendroit cité § 810—316. Oke Manning p. 330. M. P5hls p. 1147. Les
auteurs sont indiqués par de Eamptz § 257. no. 113 suiv.
> Comparez là -dessus C. W. Âsher, Beitrâge zu einigen Fragen ftber
die Yerh&Itnisse des Seehandels in Kriegszeiten. Hamb. 1854. Soetbeer,
Actenstûcke in Bezug auf Scbiflfahrt and Handel in Eriegazeiten. Hamb.
1854. 1855.
292 LIYBE DEUXIÈME. § 153.
DlTerses questions relatlyes aux droits des neutres.
§ 153. La liberté du commerce et de la navigation des
nations neutres, tant entre elles qu'avec les belligérants , n'a
jamais été contestée en principe. Les auteurs Tout proclamée,
les traités ont souvent reconnu que le commerce et la naviga-
tion des peuples neutres étaient en eux-mêmes libres. Les
divergences des publicistes, et les contestations des États n'ont
rapport qu'à la détermination des restrictions que cette liberté
doit subir dans l'intérêt des belligérants. A cet égard il faut
distinguer principalement les trois questions suivantes:
L Quels sont les droits des neutres en cas de blocus des
côtes et des ports de l'une des puissances en guerre
par les escadres de l'autre?
n. Quelles sont les branches spéciales du conmierce que
les belligérants peuvent interdire aux gouvernements et
aux sujets neutres?
m. Quels sont les moyens que les belligérants peuvent
employer licitement, à l'égard des neutres , dans la
poursuite du but légitime de la guerre?
Ces questions sont étroitement liées entre elles.
On peut reprocher généralement aux publicistes de s'être
attachés, dans l'examen de ces questions, à des points de vue
trop exclusifs, en partant de principes établis a priori. A la
liberté absolue du commerce des États neutres, défendue par
les uns, d'autres ont opposé un droit de nécessité créé au profit
des belligérants. Nous croyons qu'en premier lieu il faut con-
sulter le droit consacré par des conventions et par l'usage con-
stant; à leur défaut les règles générales précédennnent exposées
sur les rapports respectifs des États.
n existe sur cette matière une infinité de monographies, pour la plu-
part des écrits de circonstanoe et des pamphlets qui ont pour objet tantôt
la défense des belligérants, tantôt celle des neutres. Elles sont indiquées
par de Kamptz § 257. Les anciens auteurs déjà: Albéric Gentile (De jure
belli I, chap. 21); Grotius (III, 1, 5. 9, 4. 17, 3), Henri Cocceji (De jure
belli in amicos — Exerc. curât t. Il, p. 19); Bynkershoek (Quaest. juiis
pubL I, chap. 10 suiy.) se sont occupés des questions relatives aux droits
des neutres. Il faut faire remarquer ensuite les nombreux ouTiages qui
§ 163. DBOIT INTEBNATIONAL PENDAKT LA GUSBBE. 293
sont coDsacrés à Texamen de la jurisprudence anglaise antérienre aux traités
de Paris et de Habertsbourg (1763), et expliquée dans le Discourse on the
conduct of Great Britain in respect to neutral nations during the présent
war, by Charles Jenkinson (depuis Lord Liverpool). Londres 1757 (2« édit.
1794; 3*» édit. 1801); — les pièces et les documents relatifs aux contesta-
tions entre TAngleterre et la Prusse en 1752 et indiqués par de Eamptz
no. 17 — 21; — le traité déjà mentionné ci -dessus, publié par l'Espagnol
Don Carlos Abreu en 1758 et surtout Touvrage du publiciste danois Mar-
tin Hûbner, intitulé: De la saisie des bâtiments neutres etc. A la Hayd
1758. Trad. allem. ibid. 1789. C'est un plaidoyer en faveur de la liberté
des neutres (v. là -dessus les observations de Wheaton, Histoire p. 159 suiv.
— 2* édit. I, p. 273). Jean Ehrenreich de Behmer (f 1777), dans ses
Observations sur le droit de la nature et des gens touchant la capture et
la détention des vaisseaux et effets neutres. Hambourg 1771, et en latin
dans son Novum jus controv., est entré dans la même voie. — La con-
troverse a été reprise avec une énergie redoublée pendant la guerre de
rindépendance américaine. Les principaux ouvrages de cette époque, écrits
dans Tesprit de la neutralité armée ou dans un esprit plus libéral encore,
sont les suivants:
Ferd. Galiani, Dei doveri etc. (v. ci -dessus § 144. n. 2),
et pour la défense de la pratique usitée, Touvrage de Lampredi, Juris
publici universalis theoremata, Libumi 1778, suivi d'un livre intitulé:
Del commercio dei popoli neutrali in tempo di guerra. Firenze 1778.
Trad. en français par Penchet. Paris 1802.
Totze , La liberté de la navigation. Londres et Amsterdam 1780.
A répoque de la révolution^ française appartiennent les publications sui-
vantes :
de Stock, Essais sur divers sujets. 1799.
D. A. Azuni, Sistema universale dei Principii dei diritto marit. 1795; en
français 180Ô.
Biisch, Ueber das Bestreben der Yôlker neuerer Zeit, einander in ihrem
Seehandel recht wehe zu thun. Hamburg 1800.
Prof. Schlegel, Sur la visite des bâtiments neutres. Copenhague 1800,
et les pamphlets opposés des publicistes anglais Alexandre Croke et
Robert Ward.
Bayneval, De la liberté des mers. Paris 1801.
J. N. Tetens, Considérations sur les droits réciproques des puissances
belligérantes et des puissances neutres. Copenhague 1805 (en alle-
mand déjà en 1802).
Joui&oy, Le droit des gens maritime. 18(10»
Et à la fin de cette période:
(Biedermann) Manuel diplomatique sur le dernier état de la vontroYerae
concernant les droits des neutres. Leipz. 1814.
V. aussi Jacobsen^ Seerecht p. 521 suiv. et les ouvrages de Beddie (p. 289
ci -dessus), de Hautefeuille, de Massé, de Leschkof, de Spazovitzel (du
294 UYBE DEUXdsUE, § 154L
commerce neutre. St. Petenbourg 1851), de Canchj (le droit public mari-
time. Paris 1862), de Gessner (p. &5) ainsi qne le National Beview, Lond.
Jannary 1863. p. 116.
Droit de Moeus.^
§ 154. Non» avons déjà fait connaître le droit de blocus
an § 111 et 121 ci-dessas^ qni est principalement le droit du
belligérant de s'emparer sur mer on snr terre des abords d'nne
forteresse/ d'un port, d'une rade et même de toutes les côtes
de son ennemi, et d'y exercer les droits d'une occupation pas-
sagère pendant tout le temps qu'il se maintient dans la pos-
session réelle vis-à-vis de cette partie du territoire ennemi ^^
à l'effet d'empêcher toute communication avec le dehors. Ce
pouvoir du belligérant de dicter des lois dans le rayon momen-
tanément soumis à sa disposition , n'a jamais été contesté. Les
nations neutres l'ont toujours reconnu , et doivent le respecter
comme une opération militaire garantie par les usages de la
guerre (§ 147). Gonséquemment elles devront s'abstenir de
tout empiétement à l'exécution du blocus et elles se rendront
coupables d'une violation des lois de la guerre par toute sorte
de manoeuvres qui font craindre que le but du blocus ne soit
manqué et qu'il ne devienne illusoire. La saisie du navire
neutre contrevenant ou d'antres moyens de transport , avec leur
cargaison, quels que soient leur nature et leur propriétaire,
ainsi que la confiscation de ces objets sera la suite incon-
testable de l'infraction.' Les personnes qui se trouvent à bord
^ Grotius lu, 1. 5. Bynkershoek , Qaaest 1, § 11. de Steck, Han-
delsvertr. p. 188 suiv. Nau, Vôlkerseer. § 200 suiv. Jonffiroy, Droit marit.
p. 159. Jacobsen, Seerecht p. 677 sniv. Wheaton, Intem. Law lY, 3. 25
et son Histoire des progrès p. 84. Pôhls , Seerecht lY, p. 1142. § 52B sniv.
Oke Manning p. 219. Wildman H, p. 178. Pando p. 497. Ortolan U,
p. 287. Hantefenille III, p. 1. Massé p. 211. Philllmore m, 238. Gessner
p. 145. Halleck XXin.
a Hautefenille m, p. 54. 55 et p. 14. 21. Ortolan n, p. 291 qualifie
à tort le blocns une substitution d'une souveraineté à l'autre. U ne saurait
être question d'une souveraineté sur la mer libre.
" Wildman II, p. 200. — La jurisprudence anglaise la plus récente
autorise le propriétaire des nuurchandises à fournir la preuve de sa non-
§ lÔÔ. DBOIT INTEBNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 295
du navire ne pourront être soumises à aucune punition, vu
qu'il n'y a point de lois pénales communes sur mer; mais il y
aura lieu à des représailles et même à un traitement hostile
en cas de résistance ou de rébellion.
Tout d'accord que Ton soit actuellement sur la nature du
blocus et sur les principes généraux ci -dessus expliqué, néan-
moins l'application de ces derniers ne manque pas d'offrir des
difficultés et un grand nombre d'opinions divergentes.
§ 155. La première qiaestion' très -controversée est celle
de savoir: A partir de quel moment le blocus sur mer est- il
réputé réellement établi à l'égard des neutres?^ La nature des
choses, il est vrai, semble l'indiquer. Du moment où, devant
le lieu bloqué, des bâtiments de guerre sont stationnés en per-
manence et en assez grand nombre pour empêcher toute espèce
de communication avec la place ou le port investi. Plusieurs
traités contiennent des dispositions formelles à ce sujet. Ainsi
le traité de neutralité armée (article 3) s'exprima en ces termes:
„Pour déterminer ce qui caractérise un port bloqué, on donne
cette dénomination à un port où par suite de la disposition
prise par la puissance qui l'attaque avec des vaisseaux arrêtés
et suffisamment proches, il y a un danger évident d'entrer.'*
L'Angleterre consentit à insérer cette définition dans la conven-
tion de juin 1801, en substituant toutefois la particule alter-
native ou à la conjonctive d.^ — Quelques traités vont jusqu'à
fixer le nombre des vaisseaux qui doivent être stationnés devant
un port pour qu'il soit réputé être réellement bloqué. La plupart
de ces traités appartiennent au xvm* siècle: celui de 1818
entre le Danemark et la Prusse exige (article 18) la présence
complicité. Oke Manning p. 320. De même la jurisprudence américaine.
Halleck XXTTT, 36.
1 y. surtout Wheaton, Intem. Law XI, p. 222 sniy. édit. fr. Il, 172.
Halleck XXTTT , 4. Gessner p. 169.
> Martens, Recueil Vil, p. 176. La définition originaire se trouve
dans le Code général de Prusse (Allgem. Preufs. Landrecht) partie I. tit. 9.
§ 219: ,,Le lieu bloqué est celui dont des batteries de terre ou des yais-
seaux ennemis stationnés au dehors ferment Taccès." — V. Wheaton,
Histoire p. 326 (H, 86). de Steck p. 188. 189. Nau, Vôlkerseerecht
§ 202 suiy.
296 UVXE DEUXIÈME. § 166.
de deux vaisseaux pour le m<^.^ Enfin là déelaration de
Paris da 16 ayril 1866 § 4 porte: ^^Les bloens, pour dtre
obligatoires, doivent être effeetiâ, c'est-à-dire, mainteniis par
one force sufiSsante pour interdire réellement l'accèfl du littoral
de Tennemi." *
La distance à laquelle les bfttynents de gaerre doivent se
trouver du port bloqué, dépend naturellement des ciroonstances.
Jl suffira qu'ils soient stationnés de manière à pouvoir surveiller
l'entrée du port et en retenir tout navire qui tenterait de passer
à leur insu.
Toutefois , suivant un usage généralement admis, qui repose
sur la position indépendante des nations neutres, la seule pré-
sence de forces ennemies devant une place ne suffit pas pour
la faire considérer comme en état de blocus formel. Cela est
vrai surtout lorsqu'il s'agit d'un blocus maritime. H faut que
l'existence du blocus soit portée à la connaissance des nations
neutres, soit par la voie d'une notification diplomatique, soit
par ^des avertissements locaux ou personnels. Ainsi la déclar
ration faite par le commandant de l'escadre chargée du blocus
au capitaine d'un navire neutre, que le port dans lequel il
veut entrer est bloqué, équivaut à une notification faite par la
voie diplomatique. On distingue à cet égard entre la notifica-
tion générale et spéciale ou de fait.^
Après que la notification a été faite, le blocus 'continue
d'exister alors même que les vaisseaux chargés de le former
ont été forcés de s'éloigner momentanément par suite de coups
de vents, de tempête ou autres accidents de mer. Dans ce
cas le blocus notifié conserve les mêmes effets que le blocus
de fait. Cette interprétation est conforme à la pratique con-
stante des nations comme aux règles de l'analogie. Enfin
l'état de blocus régulièrement publié par un gouvernement
^ Elûber, Droit des gens § 297 donne par erreur le chifi&e de
vingt Le traité de 1753 entre la Hollande et les Denz-Siciles
(art. 22) exige qne six vaisseaux an moins soient arrêtés devant le port.
V. de Stock p. 188. Martens, Nouveau Recueil IV, p. 532. Hautefeuille
m, p. 60.
» V. surtout Hautefeuille m, p. 61 — 92.
I
§ 156. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 297
neutre sur son territoire, a pour les sujets l'autorité d'une loi
intérieure. ^
Le blocus est réputé levé et privé de ses effets à Tégard
des neutres, lorsque les vaisseaux bloquants se sont éloignés
volontairement pour réparer les avaries, pour ravitailler, ou
lorsqu'ils ont été chassés par les forces de Tennemi. H en est
de même du siège d'une place: il est levé dès que l'armée
assiégeante se retire volontairement ou forcément.* Il n'a
jamais été question d'une notification de la fin du blocus: il
ne continue à l'égard du commerce neutre, qu'autant qu'il est
réel et effectif: c'est une règle fondamentale.*
§ 156. Aux observations précédentes sur la forme essen-
tielle du blocus, nous devons ajouter quelques remarques sur
la question de violation du blocus.
Ce cas de violation n'existe que par la réunion des deux
circonstances suivantes:
V D faut d'abord que le blocus soit réel et effectif et
qu'une notification quelconque du belligérant en ait pu avertir
le contrevenant.*
Le juge équitable prendra toujours en considération les
circonstances particulières à l'espèce.*
2° n faut qu'il y ait infraction ou du moins une tentative
d'infraction. La simple intention, sans un commencement d'exé-
cution non équivoque sur les lieux mêmes, ne suffit pas;
„Actus aliquis, non solum consilium punitur."* Ainsi, par
exemple, le navire neutre arrivant du large qui, après avoir
reçu la notification spéciale, entre ou tente d'entrer dans le
•
^ La simple notification du blocus dans les ports voisins n'a pas été
toujours considérée comme un acte suffisant. EUe fat contestée de la part
du gouYemement français lors du blocus ordonné par la république de Chili.
Martens, Nouveau Recueil XV, p. 507. — V. du reste Jouffi*oy p. 165.
Jacobsen p. 680. Wheaton , Intem. Law p. 233. Pôhls lY, p. 1145. Les
traités entre la France et plusieurs États de TAmérique ont réglé un mode
spécial d'authenticité des notifications du blocus. Ortolan n, 303.
3 Jacobsen p. 683. Wheaton p. 241. Pôhls à Tendroit cité.
3 Oke Manning p. 324. Ortolan p. 310. Hautefeuille m, p. 114.
* Pôhls p. 1160. Pando p. 497.
^ Wheaton p. 233. F. F. L. Pestel, Selecta capita Juris marit. § 11.
« Vattel m , § 177.
298 UVBE DEUXIÈMIU § 156.
port bloqaèy pendant que le bleeas existe rôellement, peut être
saisi et confisqué. Le navire au contraire sorti d'an port neutre,
après la notification diplomatique d^ Uocus y qui fiiit Yoile vers
le lieu bloqué ne paraît pas par cela seul saisissable sur la
haate mer. De même le nayire qui, malgré les ngnaux et
la semonce y ne s'est pas arrêté immédiatement , n'est pas par
cela seul regardé comme ayant fait la tentatÎYe d'enfineindre
le blocus.^
Conformément k ces propositions la neutralité armée
de 1800' portait: que tout bâtiment naviguant vers on port
bloqué ne pourra être regardé comme contrevenant , que lorsque,
après avoir été averti par le commandant du blocus de l'état
du port, il tâchera d'y pénétrer en employant la force ou
la ruse.*
Nous disons pareillement que le navire neutre qui fait
voile vers le port bloqué, n'est pas par cela seul saisissable
sur la haute mer. Car il se peut que le navire espère trouver
k son arrivée l'entrée du port libre, par suite de la levée du
blocus. Sien ne prouve non plus qu'il n'anrait encore changé
de direction pendant la traversée. Enfin la saisie d'un navire,
faite ponr exercer un acte de punition, en pleine mer et en
dehors des territoires des belligérants, constituera toujours un
attentat à l'indépendance du peuple auquel il appartient ^ une
usurpation sur la liberté de la mer.' La jurisprudence anglaise,
il est vrai, ne l'entend pas ainsi. Selon les jnges anglais, la
notification diplomatique d'nn blocns a pour effet d'interdire
aux neutres toute expédition commerciale pour le port déclaré
bloqué, et à faire déclarer coupable de violation du blocus
1 Le décret précité de la république de Chili, qui contient une dispo-
sition contraire, a été vivement critiqué.
* La convention britannique de 1801 effaça cette disposition.
^ Les traités récents se montrent en général très -indulgents: ils per-
mettent aux navires qui arrivent de loin, de s'approcher de Tescadre du
blocus, y. le traité entre la Suède et les États-Unis du 4 septembre 1816
art. 13, et celui du 4 juillet 1827 art. 18. Martens, Recueil IV, p. 258.
Nouveau Recueil VU, p. 280. Le traité entre TAmérique du Nord et les
États de r Amérique du Sud de 1824, 1825, 1831, 1832, 1836 et le traité
entre les villes hanséatiques et le Mexique du 15 septembre 1828 art. 20.
Nouv. Suppl. I, p. 687.
§157. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 299
tout navire ayant mis à la voile postérieurement à la noti-
fication. Ils ont déclaré de bonne prise les navires et leurs
cargaisons qui n'avaient fait que passer devant les vaisseaux
chargés du blocus; ou bien les navires qui s'en retournaient;
ou encore ceux que les vents avaient jetés sur les plages
ennemies.^ Ce n'est alors que la levée du blocus qui fait
cesser la responsabilité pour la violation intentionnée.^
La sortie ou la tentative de sortie d'un bâtiment d'un port
bloqué où il était entré avant l'investissement, pourra, con-
stituer une seconde espèce de violation de blocus. Tout dépend
ici des circonstances. Ainsi il y aura culpabilité de la part
du navire qui tentera de sortir à la faveur de la nuit, en pro-
fitant d'un gros temps , en longeant la côte , malgré la présence
des bâtiments bloquants. Il y aura encore violation de la part
du navire qui tente de sortir du port avec une cargaison prise
à bord après le commencement de l'investissement. Mais géné-
ralement les navires neutres sont libres de sortir du port bloqué
sur lest ou avec une cargaison embarquée à bord avant
l'ouverture du blocus.' Toujours la confiscation du navire ne
peut -elle être prononcée que lorsque la violation est bien
établie. De simples soupçons ne devraient entraîner qu'une
saisie provisoire. Cependant la pratique accorde ici aux tri-
bunaux une latitude presque sans bornes.
Extension forcée du droit de blocus.
§ 157. n y a des peuples maritimes dont la pratique ne
s'est pas même renfermée dans les limites que nous venons de
tracer et qui, à diverses époques, ont cherché à donner au
' Voyez Phillimore m, 390 — 402 et d'autre part Hautefeuille III,
p. 131. Ortolan H, p. 320. Jacobsen p. 682. 687. 698. Pando p. 500—503.
La joriBpmdence américaine parait être d*accord avec la britannique.
Halleck § 24.
« Jacobsen p. 709.
^ Jacobsen p. 697. Wheaton, Eléments II, p. 245. Oke Manning
p. 329. Pôhls p. 1162. Phillimore m, 402. Le traité précité entre les
Yilles hanséatiques et le Mexique du 15 septembre 1828 autorise exprès^
sèment ces espèces de sorties.
300 JJYKË DEUXIÈME. § 157.
droit de blocoB une extension encore moins conforme à son
caractère naturel et généralement adopté.^ Us ont prétendu
mettre de vastes côtes en état de blocus par un sfanple ordre
de cabinet y en établissant quelques croisières dans leur voi-
rinage et en portant le blocus k la connaissance des peuples
neutres. Déjà en 1660 la Suède ^ dans sa guerre contre la
Bussie, se servait d'un pareil blocus. Plus tard ce furent les
Hollandais qui en firent usage contre la Grande-Bretagne
(1652) y et ces deux puissances réunies en 1689 contre la
France. Depuis c'est la coalition qui a déclaré en 1793 toutes
les côtes de la France en état de blocus ^ sous prétexte que
les lois internationales ne pouvaient pas être appliquées k ce
pays dans la situation où il se trouvait. En 1798 la Grande-
Bretagne déclare en état de blocus tous les ports et les embou-
chures de la Belgique.' Ces mesures, réputées d'abord excep-
tionnelles, ont causé aux États neutres des pertes considérables
et ont provoqué en partie le système de la neutralité armée,
n ne restait qu'un pas k franchir: on commençait à déclarer
en état de blocus des territoires, des îles entières, sans dis-
poser en aucune manière des forces nécessaires pour le main-
tenir ; et Ton appliquait aux contrevenants sur lesquels on pouvait
mettre la main, les dispositions relatives au blocus réel, en
lui substituant le blocus fictif; de cabinet; sur papier; par
croisière, per notificationem. Qu'il nous soit permis de tran-
scrire ici conmie spécimen de la jurisprudence anglaise en
matière de prises, le passage d'un jugement i^du en 1780
par James Mariott contre des navires neutres néerlandais:
„yous êtes confisqués dès que vous êtes pris. La Grande-
Bretagne, par sa position insulaire, bloque naturellement tous
les ports de l'Espagne et de la France. Elle a le droit de
* Un docnitiient très -important ponr la manière d^eniisager le droit
de blocus maritime est Tédit hollandais de 1680, commenté par Bynken-
hoek dans ses Quaest. jur. pabl. 1, 11, dans lequel on rencontre déjà les
éléments de la jurisprudence anglaise postérieure. Y. Wheaton, Histoire
p. 86. éd. fr. n, 163.
> Dumont, Corps diplom. YII, part. 2. p. 238. Wheaton, Histoixe
part I, S 16 et n, § 31 (p. 284 suiy.). Nau, YôUcerseerecht § 209 — 21^
Ortolan U, p. 325.
§ 158. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 301
tirer parti de cette position comme d'un don qui lui a été
accordé par la Providence."^
Nous devons ajouter toutefois que ces prétentions outrées
n'ont à aucune époque obtenu le consentement de tous les
peuples. Issues d'un esprit étroit et d'une situation exception-
nelle, ces prétentions sont contraires aux principes de la justice
internationale, puisqu'elles créaient des entraves à l'indépen-
dance des peuples et leur imposaient des lois obligatoires.^
Les neutres, par conséquent, ont le droit incontestable de leur
résister de toutes leurs forces. La loi de blocus dépourvue
des moyens nécessaires d'exécution n'est qu'un prétexte destiné
à couvrir des prohibitions arbitraires de conmierce, une guerre
clandestine faite au conmierce ennemi et neutre.
Prohibition du commerce de contrebande.
§ 158. La jurisprudence relative à la contrebande de
guerre^ est née des défenses faites depuis un temps immé-
morial par les souverains à leurs sujets de se livrer à cer-
taines branches de commerce avec l'ennemi.^ Déjà dans les
> de Martens, Caases célèbres II, p. 35.
^ y. les réflexions sur les représailles auxquelles ane partie belligé-
rante peut recourir» lorsque les lois de la guerre sont violées par Fautre,
dans Pando p. 519 suiv.
^ y. les ouvrages indiqués au § 154, ainsi que Bynkershoek, Quaest.
jur. publ. If chap. 10. Joh. Gottl. Heineccius (resp. Eessler), De navibus
ob mercium illicitarum vecturam commissis. Hal. 1721 et 1740. De Justi,
Historische und juristische Schriften I, p. 141 suiv. Christ. GottL Schmidt,
Auserlesene Abhandlungen , das deutsche Staatsrecht betreffend. 1768. I.
no. 1. Schmidlin, De jurib. gent. mediar. §88 suiv. BobertWard, Essay
of Oontraband. Lond. 1801. de Steck, Handels- und Schififahrtsvertrâge
p. 190 suiv.; Essais (1785) p. 68 suiv. Nau, yôlkerseerecht § 153 suiv. et
§ 192 suiv. Jouffiroy, Droit des gens marit p. 102 suiv. Wheaton, Intem.
Law ly, 8, § 21. Idem, Histoire des progrès p. 75 suiv. Pôhls, Seerecht
ly, § 516. p. 1096. Oke Manning p. 281. Pando p. 486. Ortolan n, p. 154.
de Kaltenbom, Seerecht II, p. 413. Wildman U, p. 210. Hautefeuille,
II, 297. Phillimore m, 321 et pour Thistoire de la question 1. 1, p. 34.
Massé § 195. Gessner p. 70.
* „ Contra bandum," id est „ contra bannum." Déjà au moyen âge
le mot contrabannum était synonyme de marchandise prohibée et confisquée,
y. Carpentier, Glossariom novum I, ool. 1123.
302 UYBE DEUXIÈME. § 168.
Godes de Jnstmien on trouve quelques digpocdtioiig à eet
égard. ^ Plusieurs décrets rendus par les papes et les condles
du temps des croisades, interdisaient tout commerce avec les
Sarrasins.' Plus tard la ligue hanséatique, pendant ses guerres
fréquentes, prohibait les objets de contrebande et quelquefois
elle prétendait interdire aox gouyemements neutres toute espèce
de commerce avec leurs ennemis.* C'est sous Finfluence de
Técole de Bologne que paraît s'être établie la tiiéoiie d'après
laquelle les neutres , par le transport des olgets de contrebande,
commettent une infraction envers la partie belligérante qui en
souffre, et que les contreyenants peuvent être saisis et punis.
Cette théorie, il est vrai, ne s'est complMement développée et
n'a été généralement reconnue que d^uis l'établissement de
marines militaires considérables et l'introduction du système
de course, car par là les belligérants acquéraient les moyens
nécessaires pour faire respecter leurs prétentions par les peuples
pacifiques. Cependant la ligue hanséatique, dans ses jours
de grandeur, lorsqu'elle jouait encore un certain rôle politique,
réussissait quelquefois à mamtenir contre les belligérants la
liberté absolue du commerce, même à l'yard des objets de
contrebande, et à assurer en même temps k ses alliés la libre
navigation dans les eaux des puissances en guerre.^
Pendant les trois derniers siècles les États maritimes ont
adopté, dans un intérêt commun et réciproque, la règle que
les belligérants ont le droit de restreindre la liberté du com-
merce neutre, en ce qui concerne la contrebande de guerre, et
de réprimer les infractions commises k cet égard. Un nombre
infini de traités a consacré ce principe d'une manière expresse
ou implicite.^ Les lois intérieures des nations l'ont sanctionné
> Le passage principal est la constîtatioii de Yalens et de Gratien
1. 2. Cod. quae res exportari non debeant
^ Concil. Lateran. III de 1179 sons Alexandre ni. Can. 24 et Lat. lY.
de 1215 (Innocent III); cap. 6 et 17. X. de Jndaeis et Sarac., chap. 1. X.
vag. comm. V, 2.
3 Sartorius, Hanseat. Bund II, p. 663.
* Ptitter, Beitr. p. 154.
'^ On les trouve dans de Steck, loc. cit p. 194 — 204 et dans Nan,
Ydlkerseerecht § 156 sniv. Les traités de commerce et de naTigation de
notre siècle qui contiennent ce principe, seront indiqués par la suite.
§ 159. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 303
également. Nous nous contentons de citer Tordonnance de la
marine de 1681 (III. 9. 11), celle de Louis XVI de 1778 et le
Code général de Prusse (II. 8. § 2034 et suiv.; I. 9. 216 suiv.y
Jamais ce droit n'a été sérieusement contesté aux belligérants.
Il n'a pas besoin d'être démontré spécialement par rapport aux
diverses nations. L'on s'est refusé seulement à reconnaître les
conséquences arbitraires et violentes, que certaines puissances
ont essayé d'en tirer. C'est donc à tort que certains publi-
cistes ont prétendu nier l'existence d'une loi commune inter-
nationale, relative à la contrebande de guerre, ou qu'ils l'ont
fait découler exclusivement des dispositions formelles des con-
ventions publiques.* Ce point de vue est en contradiction avec
la vérité historique. Quoi qu'il en soit, il est nécessaire , pour
que la contrebande de guerre existe , que le commencement de
la guerre soit porté à la connaissance des nations neutres.^
Définition légale de la contrebande de guerre.
§ 159. n est impossible de donner, au point de vue
naturel des choses , une définition de la contrebande de guerre,
valable pour toutes les nations qui appartiennent au grand
système Européen.* La définition doit nécessairement avoir
pour base des données légales. En effet il s'agit de lois
» V. de Pistoye et Duverdy I, p. 392. Hautefeuille II, p. 337. PhU-
limore III, 315. Halleck ch. XXIV. La jorisprndeiice anglaise est indiquée
par Wildman II , p. 210.
* V. notamment Sam. Cocceji dans son Novnm systema prudent,
nation. §. 789, et les auteurs qui ont adopté sa théorie. Jonffroy p. 111.
Kliiber § 288 suiv. — Les déclarations de la neutralité armée de 1782 et
de 1800, de même que celles concertées à Paris en 1856, ne contiennent
aucune disposition à Tappui de cette théorie, ainsi qu'on Ta prétendu.
Ces déclarations ne s'oppoeent pas au principe de la contrebande, mais
seulement à ses interprétations arbitraires, et elles émettent à cet égard
le voeu d'une entente commune «ntre les États.
s Comparez T Arrêt du Conseil d'État du 1*' mars 1848 (Gazette des
tribunaux , 28 mars 1848 p. 533) cité supra au § 111.
* Sur les tentatives de donner une définition exacte de la contre-
bande naturelle y. Jouffi-oy, Droit marit. p. 102 suiy., où il critique les
opinions des anciens publicistes.
V "
304 UVBB DBUXlàlfk J § 160.
positives qui imposent des restriotioiui à la liberté du oomimiee
des peuples restés spectateurs pacifiques d^nne lutte qui leur
est étrangère. Ces lois ne sauraient dtre le résultat que du
consentement libre des parties intéressées.
La jurisprudence ancienne des nations eonyenait dans l'idée
commune, à savoir: que le fait de fournir à l'un des belligérants
des objets de première nécessité pour la guerre , est un acte
punissable à Fégard de TautreJ En conséquence^ les objets de
contrebande pouvaient valablement être confisqués, les coupables
arrêtés en flagrant délit pouvaient être punis. Toutefois il n'est
permis à une nation de s'arroger une juridiction sur des sigets
étrangers, qu'autant qu'ils se trouvent sur son propre territoire
ou sur le territoire ennemi provisoirement occupé par elle.
Pour exercer une pareille juridiction sur un territoire essen-
tiellement libre, tel que la haute mer, il lui &ut le consente-
ment de la nation à laquelle appartiennent ces sujets. A défaut
de consentement, le belligérant ne peut faire usage envers des
sujets étrangers que de certames mesures de contrainte ou de
représailles, qui ne pourront prendre un caractère pénal que
pour des faits soumis à la juridiction territoriale (§ 36). Hors
i ce cas ses actes tombent dans le domaine du droit des gens,
d'après lequel ils sont susceptibles d'être critiqués et contestés
par les parties lésées, lorsqu'ils dépassent les justes limites de
la nécessité de guerre. Cela posé nous n'aurons encore qu'à
examiner les deux questions suivantes:
l*" Quels sont les objets qui doivent être considérés comme
contrebande de guerre?
2° Quels sont les moyens de contrainte tendant à la répres-
sion de ce commerce?
Objets de contrebande.
§ 160. En vain les publicistes ont- ils tâché de com-
prendre les objets de la contrebande de guerre dans une seule
^ Ainsi le traité d'alliance entre TAngleterre et la Suède de 1661
art 12 qualifie la contrebande de crime punissable, ^qualis (poena) suminis
oriminibus debetur."
§ 160. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 305
formule.^ De nombreuses classifications ont été proposées sans
avoir obtenu Tassentiment général.^ Les usages internationaux
se réduisent seulement à la règle suivante, à savoir: que les
peuples qui veulent rester nejatres, doivent s'abstenir de fournir
aux belligérants ou à l'un d'eux les objets de première néces-
sité, dont l'emploi est un moyen direct de faire la guerre,
c'est-à-dire de nuire à l'ennemi, de le combattre. Or il y a
des objets dont l'usage est exclusivement possible pendant la
guerre. Ce sont les armes, les munitions de guerre, l'artillerie,
n y en a d'autres qui sont également utiles et nécessaires pour
la guerre et la paix, tels que les chevaux. H y a des matières
premières propres à la fabrication des armes et des munitions
de guerre, à l'habillement des militaires, à la construction, au
radoub et à l'armement des vaisseaux. Enfin l'or,» l'argent et
le cuivre, monnayés ou en barres, peuvent être considérés
comme des moyens propres pour se procurer des objets de
première nécessité. Ajoutons encore qu'à certains moments
et dans certaines circonstances des objets peuvent acquérir
pour les belligérants une importance qu'ils n'auront pas dans
d'autres.
L'idée de la contrebande, on le voit, est une idée com-
plexe, variable selon les temps et les circonstances, et qu'il
est difficile de déterminer d'une manière absolue et constante.
Il faut donc que les nations se inettent d'accord sur la nature
et les limites exactes de la contrebande, soit en général soit
particulièrement au commencement d'une guerre. Car il ne
peut être loisible aux belligérants d'imposer, suivant leurs
intérêts spéciaux, et dès qu'ils en auraient les forces néces-
saires, aux nations neutres des restrictions plus ou moins
onéreuses. Rien ne les autorise à donner des lois.
Afin de constater le droit actuel on doit donc en premier
lieu consulter les traités conclus par les nations européennes,
1 La formule proposée par Jonfi&oy p. 130, 134 nous parait trop vague:
elle aarait besoin d'être longuement expliquée à chaque cas de guerre.
'^ Les distinctions proposées par Grotius (IIX, 1, 5) sont insuffisantes,
quoiqu'elles aient été adoptées par bien des publicistes. Y. Wheaton,
Histoire p. 75 (2*" édit. I, p. 169). A Tégard de Bynkershoek comparez
Phillimore m , 380.
Hefftcr, droit inteniAtioiial. Se éd, 20
306 LIVRE DËUXIÈBIE. § 160.
y compris les peuples du Nouveau- monde. ^ Ces traités ne
sont d'abord obligatoires qu'entre les contractants et doivent
être interprétés de la manière la plus stricte^ car ils contiennent
un droit de répression et établissent des juridictions presque
pénales.^ Â défaut de traités, il faut puiser la décision dans
les usages internationaux universels à la constatation desquels
la concordance des traités peut aussi servir de preuve. D'après
ces usages, la contrebande est exclusivement limitée aux armes,
utensiles et munitions de guerre , en d'antres termes aux objets
façonnés et fabriqués exclusivement pour servir dans la guerre,
non pas aux matières premières propres à la fabrication des
objets prohibés. Cette règle forme la base des divers traités
conclus entre les puissances maritimes dans le cours du xviiT
siècle. LadPrance l'a reconnue dans le traité d'Utrecht (articles
19 et 20), et elle a toujours été considérée depuis comme faisant
partie de son droit maritime. Elle se retrouvée dans les déclara-
tions de la neutralité armée, dans le traité entre la Russie et
l'Angleterre du mois de juin 1801 et dans un grand nombre de
traités de conmierce et de navigation conclus depuis 1815.^
* Ces traités sont indiqués par Pôhls p. 1104 suiv. Oke Manning
p. 284 suiv. Ortolan II, p. 167. Hautefeuille H, p. 317. PhiUimore DI, 374.
Halleck XXIV, 16. 17. Schmidlin, De juribus gentiom mediamm § 38 suiv.
^ Le juge Sir William Scott n'a pas été du même avis dans son juge-
ment contre des navires hollandais chargés de bois de construction (1779).
V. WUdman Jî , 222. Schmidlin , loc. cit. § 43.
8 Traités entre les États de l'Amérique du Nord et du Sud : la Colombie
du 3 décembre 1824, le Chili du 16 mai 1832 (art. 14), l'Amérique cen-
trale du 5 décembre 1825, le Mexique du 5 avril 1831 (art. 16), Venezuela
du 20 janvier 1836 (art. 17). Martens, Nouv. Recueil t VI, p. 831; t. X,
p. 334; t. XI, p. 442; t. XIII, p. 554. Nouv. Supplém. t. II, p. 415.
Traité entre la France et le Brésil du 28 janvier 1826 (art. 21). Nouv.
Recueil t. VI, p. 874; entre la France et le Texas du 25 septembre 1839
(art. 6). Nouv. Recueil t. XIII , p. 988 ; entre la France et la Nouvelle -
Grenade du 1 octobre 1846. Traité entre la Prusse et le Brésil du 9 juillet
1827. Nouv. Recueil t. VII , p. 274 ; entre la Prusse et le Mexique du
18 février 1831 (art. 11). Nouv. Recueil t. XH, p. 544. Traité entre les
villes hanséatiques et Venezuela du 27 mai 1837 (art. 16). Nouv. Recueil
t. XIV, p. 242. Traité entre les Pays-Bas et le Texas du 18 septembre
1840 (art 17). Nouv. Recueil 1. 1, p. 379. — Comp. Preufs. Allgem. Land-
recht t. II, tit. 8, § 2034 suiv. — de Steck p. 203. Nau § 156. 157. Wbea-
ton , Histoire p. 324 suiv.
§ 160. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 307
Il y a une autre classe d'objets qui, dans les traités seule-
ment et dans les lois intérieures de plusieurs nations, sont
indiqués comme objets de contrebande. Ainsi on y a compris:
1*" les chevaux, qui en général sont exclus expressément
dans le code prussien (II, 8, 2036), tandis que les traités
américains mentionnés ci -dessus prohibent seulement les
chevaux de cavalerie;
2" toutes les matières premières propres à la fabrication des
armes et munitions de guerre, le fer, la fonte, Tacier,
le salpêtre, le soufre; les munitions navales, telles que
le bois de construction, le chanvre, le goudron;*
3"* les vivres ou matières alimentaires;*
4" Tor, Targent et le cuivre monnayés ou en barres.^
Ces divers objets ne sont pas d'un usage direct et exclusif
pour la guerre ou uniquement propres à la guerre. On ne
saurait donc prétendre qu'ils portent nécessairement le caractère
de contrebande. C'est seulement dans le cas où, par leur
transport vers l'un des belligérants, le commerce neutre prend
le caractère de secours manifestement hostile, que l'autre belli-
gérant a le droit d'empêcher de fait.
On doit ranger dans la même catégorie certains objets
nouveaux que les progrès de la science ont appliqués de nos
jours aux besoins de la guerre. Telles sont les machines à
vapeur, la houille etc., qui jouent un rôle si important dans
les guerres maritimes. modernes. Considérées en elles-mêmes,
toutes ces choses sont également utiles et nécessaires pour la
paix et pour la guerre. Elles ne sont donc pas, par leur
nature, du nombre des marchandises prohibées. H va sans
dire aussi que les choses nécessaires pour les propres besoins
^ Cette classe d'objets a provoqué fréquemment des discussions
ardentes. V. Wheaton, Intem. Law H, p. 187 (édit. franc, p. 141).
* Les Provinces - Unies ont obtenu en 1741 de la Suède la révocation
d'une prohibition relative à ces objets , qui, en France, n'ont jamais été
compris parmi ceux de contrebande. Pothier, Traité de la propriété no. 104.
Valin, Comment, sur le Code des prises art. 11. — V. de Martens, Récits
n, p. 166. — n n'en a pas été ainsi en Angleterre. Wheaton, Intem.
Law II, p. 198 (édit. franc, p. 148). Phillhnore m, 375.
" Cocceji , De jure belli in amicos % 15. 20 c(Mnpr«nd ces choses parmi
les objets de guerre dans certains cas. Y. surtaiit Jouffroy p. 136 suiv.
20*
308 LIYBE DEUXIÈME. § 161.
du navire neutre ne sont jmnais regardées eomme objets de
contrebande.^
Nous devons noter enfin que lors de la guerre de Grimée
les puissances alliées ont pratiqué les principes les plus
libéraux; qu'elles n'ont compris sous le nom de contrebande
que les armes, les munitions et les objets uniquement
destinés aux usages de la guerre , en maintenant à cet
égard les dispositions des traités existants; qu'enfin les prohi-
bitions d'exporter ne s'appliquaient qu'aux territoires respectifs
des belligérants.^ Ce bel exemple ne sera sans doute pas
perdu dans les guerres maritimes futures!
Cas où 11 y a lieu à saisir pour contrebande de guerre
et conséquences.
§ 161. Le trafic d'objets prohibés ne constitue pas à lui
seul le délit de contrebande de guerre. Il faut en outre que
les navires neutres, par le transport de ces objets dirigé vers
les ports ou les forces navales de l'ennemi, se soient rendus
coupables d'un acte contraire aux devoirs de la neutralité et
qui entraîne leur saisie légitime.^ Une puissance neutre a sans
doute la faculté de défendre d'une manière absolue à ses
propres sujets la vente et la délivrance de certaines denrées.*
Mais seule aussi elle a le droit de réprimer les infractions
commises à ses règlements, et les belligérants ne sauraient y
prétendre sous aucun prétexte. Il leur est permis tout au plus
de se plaindre de violation des devoirs de la neutralité, si les
règlements des puissances neutres donnaient lieu à cacher le
commerce de contrebande (§ 148).
Le délit de contrebande de guerre est réputé éteint, dès
que le navire porteur d'objets suspects ou prohibés a achevé
» de Kaltenborn II , 420.
^ V. Hautefeuillc II, p. 411 et la brochure déjà citée de E. W. Asher,
Beitràge zu einigen Fragen der neutralen SchifKahrt. Hamb. 18»54.
3 V. pour la jurisprudence anglaise Wheaton, Intern. Law II, p. 219
(édit. franc, p. 165). Wildmanll, p. 218. Jouffroy p. 154. Ortolan II, p. 178.
de Kaltenborn II, p. 421. HaUeck XXIV, 10. 11.
« Nau, Yôlkerseerecht § 193 soiv.
§ 161. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 309
son voyage. Ce principe est presque généralement admis;
néanmoins la jurisprudence anglaise s'est refusée à l'appliquer
dans un grand nombre de cas.^
Un usage très -ancien fondé en partie sur les dispositions
des lois romaines et sur les doctrines des romanistes, autorise
les belligérants à s'emparer des objets de contrebande trans-
portés vers les ports ennemis, et à faire valider la saisie par
un acte connu sous le nom de jugement ou de déclaration de
bonne prise.* Le navire saisi lui-même ne peut être déclaré
de bonne prise que dans les cas où ses armateurs ou proprié-
taires avaient pleine connaissance de la destination clandestine
du chargement ou de la cargaison.® Dans quelques traités,
une exception a été expressément admise en faveur des navires
saisis: ils permettent au capitaine de continuer librement le
voyage, après avoir abandonné les objets prohibés trouvés à
bord.* D'ailleurs le capitaine n'est sujet à aucune responsa-
bilité personnelle: il encourt seulement la perte du fret et des
dépenses.
En ce qui concerne les choses non comprises sous la déno-
mination d'objets de contrebande, ni d'après les règles géné-
rales, ni d'après les conventions spéciales, les belligérants ne
peuvent les saisir sous aucun prétexte. Cependant on a vu
souvent ces derniers élever la prétention d'avoir le droit d'ar-
rêter les navires neutres destinés pour les ports ennemis et de
s'approprier les cargaisons qu'ils portaient, en en payant le
prix aux propriétaires. C'est ce que l'on appelle le droit de
' Jacobsen, Seerecht p. 422. 423. Wheaton, Intem. Law IV, 3. 23
(édit. franc, p. 26). Wildman II, p. 218. Comparez aussi Halleck XXIV, 8.
> V. sur les origines de cette juridiction Wheaton, Histoire p. 82
(2« édit. p. 179).
3 y. déjà à ce sujet la loi 11. § 2. D. de publicanis Jacobsen» See-
recht p. 642. Oke Manning p. 309: il cite la », haute autorité" de Bynkers-
hoek et de William Scott. Pando p. 496. Wildman II , p. 216. Phillimon
m , 371. HautefeuiUe IV, p. 343. HaUeck XXIV, 5. — Dftiui la ^
on ne respecte pas partout cette distinction. Pour la jaxifpnMlr
çaise Y. Ortolan p. 180 et Jacohsen p. 656. Massé § 216.
« Les traités entre les États de TAmériqne du Nofd aT
cités plus haut au § 160, accordent expressément an ca]
V. aussi de Steck, Handelsyertrage p. 208. S09.
310 UVBE DKUXlklIB. § 16r.
préemption.^ Déjà dans randenne jvriflpmdeiice française on
rencontre un pareil usage: quelqaefdai lorsqu'il s'agissait
d'objets de contrebande , le droit de pr6eiiq[itiiHi rempla^
celui de prise.' Plus tard ce prdtradn droit a été appliqué
surtout y avec plus ou moins d'équité , aux dhoaea connues sons
le nom de contrebande par acoideni* lyailleuni 91 n'a jamais
formé une règle généralement reconnue du droit international.
Au fond il ne sera toujours qu'un acte arbitraire^ une atteinte
portée à la liberté et k l'indépendanoe du pavillon neutre.
Vainement, pour le colorer , le belligérant invoquera- 1- il la
nécessité de nuire à l'ennemi Quelle est la nécessité qui lai
permet de nuire aux peuples pacifiques ? En tout cas , l'indem-
nité due aux propriétaires neutres devrait du moins comprendre
non - seulement le prix des denrées saisies, mais aussi le gain
dont ils ont été privés (lucrum cessans). La pratique de cer-
taines nations ne Fa pas entendu ainsi, et elle a trouvé des
juges tels que Williimi Scott, qui ont étayé d'arguments
spécieux leurs iniques décisions.^
n y a des traités qui ont proscrit la confiscation des objets
mêmes de contrebande proprement dite, en la remplaçant par
une simple saisie avec indemnité. Cette disposition se trouve
notamment dans le traité conclu le 11 juin 1799 entre la Prusse
et r Amérique du Nord, et elle a été renouvelée dans celui du
1" mai 1828;^ mais elle ne subsiste plus de nos jours.
Contrebande par accident."
§161*. On comprend encore sous la dénomination de
contrebande quelques cas de transports maritimes dont les
» Pôhls IV, § 520, p. 1127. Oke Manning p. 313. Haatefeuille U.
p. 271. Halleck § 25. Gessner 132.
* V. rOrdonnance de 1584 art. 69. Grotius lU, 1. 5. no. 6.
^ JacobseD , Seerecht p. 656. Whcaton , Hist. p. 83 et 285. Jou&oy
p. 154. Wildinan II, p. 219.
* Oke Manning p. 317.
^ Martens, Recueil VI, p. 679 et Nouv. Recueil Vil, p. 615.
^ A constilter sur cette matière: Jacobsen p. 667 — 672. Jouifroy
p. 136. Wheaton l. L. IV, 3, 22 et 23. éd. franc. Il, p. 25 (Dana § 502)
§161*. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 311
objets ne sont pas des marchandises prohibées servant aux
moyens de faire la guerre. Ce sont plutôt des actes de secours
direct qu'un neutre prête à un belligérant et contraires aux lois
de neutralité , qui donnent à Tadversaire le droit de s'y opposer
par force. Dans la pratique on regarde à juste titre comme
de tels actes de secours hostile:
l*" le transport volontaire de soldats, matelots et autres
hommes destinés au service militaire d'un belligérant;
2** le transport volontaire de dépêches d'un belligérant ou
à un tel, servant à la correspondance avec ses agents
à l'étranger non résidant ordinairement dans un pays
neutre (§207).^
Ajoutons
3" l'envoi de vaisseaux de guerre construits ou armés
dans un port neutre ou ailleurs, effectué pour le compte
d'un belligérant.
Nul doute que ces diverses contraventions n'autorisent
l'ennemi de saisir et de confisquer le navire avec la cargaison
(lui se trouve en rapport au but hostile du voyage. Au pre-
mier cas ci -dessus énoncé, les personnes destinées au service
hostile pourront être traitées comme ennemis.
Toutes ces mesures découlent du droit de défense et de
représailles contre le gouvernement neutre et ses sujets, qui
se rendent complices de l'autre belligérant. La pratique des
puissances maritimes y applique régulièrement les mêmes
principes et procédures que dans les cas de contrebande.
C'est pour cela que les cas ci -dessus expliqués sont qua-
lifiés de contrebande par accident. Au moins ce sont des cas
analogues.
et suiv. Ortolan p. 197. Pando p. 540. Hautefeuille II, 399. 450. 462.
Wildman II, 234. Asher, Beitrâge zu einigen Fragen neatraler Schifffahrt.
Hanib. 1854. Gessner, p. 103 s.
' Voir sur ce sujet les discussions auxquelles le cas du Trent en 1861
a donné naissance. Marquardsen , der Trentfall. Erlangen 1862. Giov. de
Gioannis, La questione del Trent. 1862. Becueil de F Académie de légis-
lation de Toulouse, t XI (1862) p. 344.
312 LIVEE DEUXiiSlIE. § 162.
BeBtriett<Hi8 du transport msrltbBe ieB propriétés
prtTées.
§ 162. Le droit de batin, si hëarensement modifié pour
les gaerres de terre , n'est pas encore restreint dans les mêmes
limites pour les gaerres maritimes.- Le belligérant peni empêcher
le commerce entier de radyersaire sur mer et s'emparer là
des propriétés particulières ennemies qu'il rencontre (§ 123. 137).
Dans cet état des choses une question se présente naturelle-
ment La jurisprudence internationale n'en contient pas de
plus importante. La question est double: Les propriétés de
l'un des belligérants peuvent - elles être transportées par les
navires neutres , sans être soumises k la confiscation de la part
de l'ennemi? La seconde partie de la question peut se for-
muler ainsi: Les propriétés neutres chargées sur les navires
de l'un des belligérants^ sont -elles confiscables, lorsque ce
navire est pris par l'autre belligérant? Cette question était
inconnue dans l'ancien monde. Les ferres maritimes ne
iurent le plus souvent que des guerres de pirates, le commerce
maritime fondé sur des rapports fort simples , était privé encore
des nombreux rouages qui le mettent en mouvement et le ré-
pandent aujourd'hui dans de nombreux canaux. Les contestations
entre les belligérants et les peuples pacifiques et alliés furent
jugées par voie d'arbitrages ou d'autres voies analogues. Quant
aux peuples non alliés, les belligérants ne se croyaient tenus
envers eux en aucune manière.*
Par suite du développement que la marine marchande et
les marines militaires ont reçu depuis le moyen âge, deux
systèmes se sont trouvés en présence.
Suivant le premier de ces systèmes, les belligérants ont
le droit de confisquer les propriétés ennemies même à bord
des navires neutres. La cargaison neutre, au contraire, qui
se trouve à bord de navires ennemis, reste propriété neutre,
* La question a été traitée d'une manière très -approfondie dans les
ouvrages suivants: Pôhis IV, § 518, p. 1112. Oke Manning p. 203 — 280.
Pando p. 472 - 484. Massé § 227— 276. Ortolan U, p. 74. Wildman n,
p. 136. Hautefeuille III, p. 195— 426. de Kaltenbom, Seerecht § 234.
Phillimore m, 238. Halleck p. 631. Gessner 228.
§ 163. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 313
pourvu qu'elle ne contienne pas de contrebande de guerre et
qu'elle ne soit pas prohibée autrement. Ce système n'est au
fond qu'une application par trop spécieuse de cette maxime
suprême, source de toute justice: „Suum cuique."
Le second système est l'opposé du précédent : Le pavillon
neutre couvre la cargaison ennemie. — Robe d'ami garantit
celle d'ennemi; robe d'ennemi confisque celle d'ami; ou bien:
navire libre, marchandise libre; navire ennemi, marchandises
ennemies; ou enfin: le pavillon couvre, ou le pavillon ne couvre
pas la marchandise, — voilà autant de manières figurées
d'exprimer cette double solution.^
Le second système est le plus récent. C'est celui qui
protège le commerce neutre d'une manière assez efficace contre
les molestations inhérentes au premier. C'est un premier pas
fait dans la voie qui tend à mettre le commerce neutre à l'abri
des attaques des vaisseaux ennemis, et à ôter ainsi à la guerre
maritime son caractère de piraterie.
Le pavillon ne couvre pas la marchandise.
§ 163. Ce système fut celui du moyen âge. H se trouve
dans le „Consolato del Mar^^, dont l'autorité était respectée dans
toute la Méditerranée occidentale.* On le rencontre également
* Free ship, free goods; enemy ships, enemy goods. — Frei Schiff,
frei Gut; unfrei Schiff, unfrei Gut.
'^ Nous croyons devoir transcrire en entier le passage si important,
y relatif du Consolato, dans la traduction française (v. Pardessus, Collection
des lois marit. II, p. 303. C'est le chapitre 231, suivant d*autres manu-
scrits 276, 273 ou 264):
„ Lorsqu'un navire armé aUant ou revenant, ou étant en course, ren-
contrera un navire marchand, si ce dernier appartient à des ennemis,
ainsi que sa cargaison, il est inutile d'en parler, parce que chacun est
assez instruit pour savoir ce qu'on doit faire, et, dans ce cas, il n'est pas
nécessaire de donner de règle.
Mais si le navire qui sera pris appartient à des amis, tandis que les
marchandises qu'il porte appartiennent à des ennemb, l'amiral du navire
armé peut forcer et contraindre le patron du navire qu'il aura pris à lui
apporter ce qui appartiendra aux ennemis, et même il peut l'obliger à le
garder jusqu'à ce qu'il soit en lieu de sûreté; mais il faut pour cela que
l'amiral, ou un autre pour lui, ait amarré le navire pris à sa poupe en
314 LIYRK DEUXIÈME. § 163.
lieu oh il n*ait pas craint que des ennemis le lui enlèvent, à la charge
néanmoins pour Famiral de payer au patron de oe navire tout le fret qu'il
aurdt dû recevoir , s'il avait porté la cargaison là où il devait la décharger,
ou de la manière qui sera écrite sur le registre. Si, par événement, on
no trouve point de registre, le patron doit être cru à son serment sur h
montant du fret.
Encore plus, si, par événement, lorsque Tamiral ou quelque autre
pour lui, sera en lieu où il puisse mettre la prise en sûreté, il veut que
le navire porte la marchandise confisquée, le patron ne peut s*y refuser.
Mais ils doivent faire une convention à cet égard, et, quelque convention
on accord qui intervienne entre eux, il faut que Tamiral ou celui qui le
représente la tienne.
Si, par événement, il n'est fait entre eux aucune promesse ou con-
vention relativement au fret, il faut que Tamiral, ou celui qui le repré-
sente, paie au patron du navire qui aura porté dans le lien qu'ils lui
auront prescrit les marchandises capturées, un fret égal à celui qu'un
antre navire devrait avoir pour des marchandises pareilles, et même
davantage , sans aucune contestation ; hien entendu que ce paiement ne doit
être fait qu'après que le navire sera arrivé au lieu où l'amiral, ou celui
qui tient sa place, aura mis sa prise en sûreté, et que ce lieu, jus-
qu'auquel il fera porter la prise, soit en pays d'amis.
Lorsque le patron du navire capturé ou quelques-uns des matelots
qui sont avec lui, disent qu'ils ont des effets qui leur appartiennent, si
ce sont des marchandises, ils ne doivent pas être crus à leur simple parole :
mais on doit s'en rapporter au registre du navire, si l'on en trouve un.
Si, par événement, on n'en trouve point, le patron ou les matelots doivent
affirmer la vérité de leur assertion. S'ils font serment que ces marchan-
dises leur appartiennent, l'amiral, ou celui qui le représente, doit les
délivrer sans aucune contestation, en ayant égard cependant à la bonne
réputation et à l'estime dont jouissent ceux qui prêteront ce serment et
réclameront les marchandises.
Si le patron capturé refuse de porter les marchandises ennemies qui
seront sur son navire, jusqu'à ce que ceux qui les auront prises soient en
lieu de sûreté, malgré l'ordre que l'amiral lui en donne, celui -ce peut le
couler à fond ou l'y faire couler, s'il le veut, sauf qu'il doit sauver les
personnes qui montent le navire ; et aucune autorité ne peut lui en demander
compte, quelles que soient les demandes et plaintes qu'on lui en fasse.
Mais il faut entendre que toute la cargaison de ce navire, ou la majeure
partie, appartient à des ennemis.
Si le navire appartient à des ennemis et sa cargaison à des amis,
les marchands qui s'y trouvent et à qui la cargaison appartiendra en tout
ou en partie, doivent s'accorder avec l'amiral pour racheter à un prix con-
venable, et comme ils pourront, ce navire qui est de bonne prise; et il
doit leur offrir une composition ou pacte raisonnable sans leur faire sup-
porter aucune injustice. Mais si les marchands ne veulent pas faire un
§ 163. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 315
dans plusieurs traités jusqu'au dix -huitième siècle.* La pra-
tique Ta reconnu comme règle fondamentale pendant fort long-
temps.* Enfin il a été professé par plusieurs des principaux
accord avec l'amiral , celui - ci a le droit d'amariner le navire et de renvoyer
au lieu où lui-même aura armé, et les marchands sont obligés de payer
le fret de ce navire de même que s'il avait porté leur cargaison au lieu
pour lequel elle était destinée, et rien de plus.
Si, par événement, les marchands éprouvent quelque lésion en raison
de la violence que Tamiral leur aura faite, celui-ci ne doit leur répondre
de rien, puisqu'ils n'ont pas voulu faire d'accord avec lui pour le rachat
de ce navire qui était de bonne prise, encore par une autre raison, parce
que souvent le navire vaut plus que les marchandises qu'il porte.
Mais cependant, si les marchands ont annoncé le désir de faire un
accord, comme il est déjà dit ci -dessus, et que l'amiral s'y soit refusé
par orgueil ou par esprit de jactance, et, comme il a été dit, emmène
avec les marchands la cargaison sur laquelle il n'avait aucun droit, ceux-ci
ne sont pas obligés de payer le fret, en tout ni en partie, à cet amiral:
au contraire, il est obligé do leur rendre et restituer tout le dommage
qu'ils éprouveront ou qu'ils auront possibilité d'éprouver par l'effet de
cette violence.
Mais lorsque le navire armé se trouve avec le navire capturé en un
lieu où les marchands ne pourraient pas réaliser l'accord qu'ils ont fait, si
ces marchands sont des hommes connus, et tels qu'il n'y ait point à
craindre l'inexécution de l'accord fait avec eux, l'amiral ne doit point leur
faire violence ; et s'il leur fait violence , il est obligé de payer le dommage
qu'ils souiÏTiront; mais si, par événement, les marchands ne sont pas des
gens connus ou ne peuvent pas payer le rachat, l'amiral peut agir conmie
il a été dit."
> Notamment dans un traité entre les villes de Pise et d'Arles (1221),
dans un traité entre Edouard III d'Angleterre et les villes maritimes de
Biscaye et des Castilles (1351), dans un autre entre le même souverain et
les villes de Lisbonne et d'Oporto (Pardessus, à l'endroit cité, et de Stock,
Handelsvertr. p. 211); ensuite dans les traités entre l'Angleterre avec les
pays suivants: la Bourgogne. (1406), Gênes (1460), la Bretagne (1486), le
duché d'Autriche (1495) , le Danemark (29 novembre 1669 art. 20). V. Nau,
Vôlkerseerecht § 175.
^ Dans une lettre de Louis XI au roi de Sicile, qui se trouve dans
Leibnitz, Codex juris gentium prodrom. no. XVIII. il est question d'un
„ usus in hoc occidentali mari indelebiliter observatus, res hostium et bona,
etiamsi infra amicorum aut confoederatomm triremee seu naves positae
sint, nisi obstiterit securitas specialiter super hoc concessa, impune et
licite jure bellorum capi posse." Grotius, J. B. ac P. III, 1. 5. 4. note ^^
a mentionné cependant une décision néerlandaise de 1438 eu faveur de la
liberté de marchandises neutres à bord de navires ennemis.
316 UTEE DEUXIÈME. § 164.
pnblicistes du xym* siècle.^ En Anglietetre et dans plndeius
antres pays il a continué à être regardé comme la seule rè^e
véritable du droit mternational^ à laquelle les traités seuls
permettent de déroger. La jurisprudence américaine a m&ne
déclaré libre la cargaison neutre d'un bâtiment de guerre
ennemi y pourvu qu'elle ne contienne p«s d'objets de contre-
bande et que les propriétaires y lors de la capture du bâtiment^
n'aient opposé aucune résistance.*
Néanmoins ce système^ en apparence si simple , n'avait
pas prévalu partout. En France notamment nous rencontrons
une maxime différente^ proposée par de Momac d'après l'ana-
logie du droit romain: y,Bobe d'ennemi confisque celle d'ami ^;
et comme corollaire cette autre: ^^Le navire neutre qui porte
des marchandises ennemies, est confisqué.'^ Il paraît que les
parlements ont refusé pendant longtemps d'appliquer ce dernier
principe. Cependant il se retrouve encore dans l'ordonnance
de la marine de 1681 , et ce Ait en 1744 seulement qu'il fut
effacé définitivement des lois françaises.'
Le pavillon couvre la marchandise.
§ 164. L'application des anciennes règles que nous venons
de décrire , dans les guerres des grandes puissances maritimes,
ainsi que Tintroduction de l'usage de délivrer des lettres de
marque, donnaient lieu à des plaintes incessantes de la part
des peuples pacifiques. Les belligérants, sur de simples
soupçons, saisissaient les navires neutres et les conduisaient dans
leurs ports respectifs, pour les soumettre au jugement des
* V. surtout les auteurs cités par Wheaton , Intern. Law IV, 3, § 16
(19) et Histoire des progr. p. 56: Alb. Gentilis, Hisp. advoc. I, 27. Grotius
III, 6, 6 et 26. I, 5, note 6. Zouch , Jus fecial. Il, 8, 5 et 6. Bynkershoek,
Quaest. I, 18 et 14. Heineccius, De navium ob vectur. merc. comm. Il, 8
et 9. Robiuson, Collectan. marit. p. 25. 26. 149. 171. 176. Loocenios, De
jure marit. II, 4. 12.. Vattel lU, 115.
* Wheaton, Intem. Law IV, 3, p. 176 suiv. t II. (édit. franc, p. 112)
et p. 257, § 28 (édit. franc, p. 191, § 31).
> Wheaton, Histoire p. 61 et 142 (2« édit. p. 160. 253). Oke Manning
p. 203—280. Ortolan II, p. 74.
§ 164. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 317
tribunaux chargés de statuer sur la validité des prises. Les
visites faites à cette occasion servaient souvent de prétextes
pour entraver le commerce neutre. Les peuples pacifiques
durent songer dès lors à se garantir contre ces abus par des
conventions spéciales, portant en substance que les parties
contractantes renonçaient à la visite et à la saisie des navires
respectifs dans le cas où Tune d'elles se trouverait engagée
dans une guerre maritime, tandis que l'autre resterait neutre,
pourvu qu'il ne s'agît pas d'objets de contrebande. Le pavillon
neutre dès lors devait couvrir les propriétés ennemies, en même
temps que des propriétés neutres pouvaient être saisies à bord
des navires ennemis.^ Cependant la concession de l'un de ces
principes n'impliquait point de plein droit la concession de
l'autre. *
C'est la France surtout qui, dans ses déclarations officielles
comme dans ses décrets les plus célèbres, a formulé le prin-
cipe: „ Navire libre, marchandises libres," c'est-à-dire, le
navire libre rend libres les marchandises qu'il porte, quel que
soit leur propriétaire. Nous le rencontrons déjà dans les capi-
tulations conclues en 1604 par la France avec la Sublime
Porte. ^ Rarement on la voit d'une manière moins généreuse
s'écarter de ce principe à l'égard de quelques États faibles,
par exemple, des villes hanséatiques.* Les Provinces - Unies
des Pays-Bas ont cherché également à introduire dans leurs
* Wheaton,. Histoire p. 69. 144 (162. 254). Moshamm, Ueber die
neuesten AnsichteD, nach welchen die auf nentralen Schiffen geladenen
Gûter behandelt werden. Landshnt 1808. Ferd. Conte Luccheei - Palli,
Principi di diritto publ. raaritimo. Napol. 1841, et Furneaux, Abridged
history on the principal treatises of peace with référence to the question
of the neutral flag protecting the property of the Ënemy. London 1887.
^ Jouffroy p. 197. Wheaton, Intem. Law IV, 3, 20 (22).
^ Flassan, Diplomatie française I, p. 225 soiv. Les traités conclus
avec les autres puissances sont indiqués par Bûsch, Bestreben der Yôl-
ker etc. Hamburg 1800. p. 56 suiv. Le traité le plus récent est celui
conclu avec le Texas du 25 septembre 1839 art. 4. Nouveau Recueil
t. XVI. p. 989.
^ Dans les trutés de navigation du xvm* siècle entre la France et
les villes hanséatiques, et notamment celle de Hambourg, on retrouve la
maxime du Consolato del Mar. V. Nau, Vôlkerseerecht § 177.
318 UVBE DEUXIÈME. § 164.
traités de commerce le système dont nous venons de parler.
L'Angleterre au contraire n'a consenti qu'en de rares occasions
à souscrire à mi système qui consacrait la liberté de la navi-
gation neutre. Dans le traité d'Utrecht (1713), et implicite-
ment dans celui d'Aix-la-Chapelle, elle accorda aux peuples
neutres la liberté, ou pour nous servir d'une locntion des
publicistes anglais, le privilège de libre navigation comme
exception de la règle. Les puissances maritimes de l'Europe
faisaient également de nombreux efforts auprès des États bar-
baresques en faveur de ce principe.^ Ensuite les peuples du
Nord se réunirent pour résister à l'ambition démesurée de
l'Angleterre, pour protéger le commerce maritime de leurs
sujets, et empêcher l'anéantissement de leur marine mar-
chande. Les traités auxquels la déclaration du 28 février 1780
servait de base , proclamèrent d'une manière uniforme le prin-
cipe fondamental: que les effets appartenant aux sujets des
puissances en guerre, étaient libres sur les vaisseaux neutres,
à l'exception des marchandises de contrebande; principe qui
devait s'appliquer désormais à toutes les nations qui n'en
avaient pas adopté de différents. Ces dispositions furent renou-
velées dans les traités constitutifs de la seconde neutralité
armée (16 et 18 décembre 1800). Mais cette nouvelle ligue
des États du Nord ne fat pas de longue durée. L'Angleterre
leur imposa bien des restrictions par le traité connu sous le
nom de convention maritime de 1801.*
Dès lors la liberté du commerce et de la navigation neutre
fut suspendue entièrement durant la guerre de l'Angleterre
avec la France en suite du système continental. Ce n'est
qu'après la pacification universelle en 1814 et 1815 qu'on
retourna à des maximes plus sages et modérées, soit dans les
traités soit dans la pratique. Dans les dernières guerres les
puissances maritimes en ont donné des preuves réitérées.
Enfin la déclaration adoptée pendant les conférences de Paris,
le 16 avril 1856, a énoncé en principe
» Bfisch, loc. cit. p. 242 suiv. Nau, Vôlkerseerecht § 130.
* de Martens, Nouv. Causes célèbres II, p. 167. Wheaton, Histoire
p. 316 (U , 86).
DROIT [NTEBNATIONAL PENDANT I-A GUERRE. 319
que le pavillon neutre couvre la marchandise emiemie , à
l'exceptioD de la contrebande de guerre ; et
que la marebandûu ueutre, à l'exception de la contrebande
de guerre, n'est pas saisissable soub pavillon ennemi.
Ni l'Espagne ni les États-Unis de l'Amérique septentrionale
ni le Mexique n'ont, il est vrai, jusqu'ici adhéré formellement
à cette déclaration. Mais du moins la jurisprudence Esiiagnole
n'est pas tout-à-tait étrangère aux principes de la déclaration,'
et quant aux États-Unis leur gouvernement a non-seulement
fait application des dits principes dans plusieurs traités,* mais
il les a aussi reconnus expressément, pourvu qu'on fasse encore
des concessions plus larges à la liberté du commerce maritime
eu temps de guerre. (Voir l'Appendice.)
Dans cet état des choses noas osons constater qu'an moins
entre les signataires principaux et adliérents de la déclaration
de Parie la règle du Consolato del Mar à l'égard de marchan-
dises ennemies sur vaisseaux neutres ne peut plus être invoquée
comme existant en vigueur. La guerre de Danemark contre
l'Autriche et la l'russe a déjà fourni la preuve que les puis-
sances signataires se croient liées par ladite déclaration qui
à la vérité n'a fait qu'exprimer la volonté générale, le „con-
»eusue. omnium", dont U serait difficile et non pas sans blâme
de s'écarter."
Pour les marchandises neutres trouvées à bord de navires
ennemis personne ne contestera qu'elles resteront au propriétaire
neutre , sauf les cas de contrebande et de stipulation contraire
dans les traités , qui pou)jf:aut ne sont pas appliqués dans toute
leur rigueur lorsque les marchandises sont chargées à bord du
navire ennemi avant le commencement de la guerre.
Du reste la question relative à la liberté du commerce
neutre se rattache naturellement à celle qui a pour objet le
droit de visite des belligérants (§ 167). Qu'il suffise de faire
' Riqaelme I, 275-281.
» WheBton, Histoire -iei. 462 (II, 55)> Ajontfli le traité avec laBuBsie
du -i-A juillet 1854. (Martens, N. Eec. général. XVI, 1, p. 571.)
= Mr, PhiUiitiore (lU. Préface p. X) est trÈa-réserré aur ce point.
Mais le gouvernement anglais uat reste lidèle â la déclaration. Cuni-
pares; thc ordre iu Council du 7 mars 18(10 relatif â la guerre avec la Oliine,
320 UVBB DEUXlkMS. § 165.
observer seulement que si les belligéraatB ont ohaeim le droit
incontestable d'enlever les propriétés ennemies partout où ils
les trouvent; il ne s'en soit aaconement qu'ils puissent violer
arbitrairement les droits des peuples pacifiques. Le véritable
noeud de la question se trouve dans la conciliation de ces deux
intérêts opposés.
Cas controversés du conuneroe neutre. — Cas Ueltes.
§ 165. n .existe un certain nombre de cas dans lesquels
la liberté du commerce et de la navigation des peuples neutres
est devenue un objet de controverser particulières. Ce sont
notamment les suivants:
I. Le transport direct d'objets nécessaires aux besoins des
troupes de terre ou de mer dans les ports de l'un des belligé-
rants, et non compris parmi les objets de contrebande propre-
ment dits. La jurisprudence anglaise et l'américaine appliquent
ici les règles rigoureuses ralatives à la contrebande , jusqu'à
prononcer la confiscation du navire.^ Au point de vue d'une
stricte justice, nous ne pouvons admettre que la simple saisie
de ces objets pendant la guerre, ou bien un droit de préemption
à leur égard.
II. Le cabotage des ports des belligérants. La neutralité
armée a cherché à introduire dans le code international, ainsi
que nous Favons déjà observé, le principe que les vaisseaux
neutres peuvent naviguer librement de port en port sur les
côtes des nations en guerre. Rien Ai effet ne s'oppose à ce
que les sujets neutres puissent acheter librement des objets
dans un des ports des belligérants, pour les revendre dans un
autre. Cependant la pratique, et notamment la jurisprudence
anglaise , a reiiisé jusqu'à présent d'admettre ce principe , par
le motif que le cabotage pourrait facilement servir de prétexte
pour couvrir le commerce de contrebande. Par conséquent elle
admet seulement au profit des nations neutres, le commerce
des objets de provenance ou d'origine neutre dans les ports
* Whoaton, Intem. Law II, p. 219 (édit. franc, p. 166). Oke Manning
p. 289. de Ealtenbom R, p. 415.
§ 165. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 321
ennemis. A Tégard des marchandises au contraire qui ont été
chargées dans un port ennemi pour être transportées dans un
autre port ennemi, elle a établi la présomption juris et de jure
qu'elles doivent être considérées comme ennemies. En ce cas
elle prononce la confiscation de la cargaison, non celle du
navire qui perd seulement le fret acquis. La clause même
insérée dans beaucoup de traités, qui permet aux neutres de
naviguer librement de port en port et sur les côtes des nations
en guerre, ne suffit pas pour écarter tous les doutes, notam-
ment en ce qui concerne la question de savoir si elle s'applique
également aux biens ennemis.^
lU. Les commerces nouveaux j et spécialement le commerce
réservé des puissances belligérantes avec leurs établissements
respectifs d*outre-mer, ont encore été fort longtemps Tobjet de
contestations entre les nations. La guerre peut -elle empêcher
l'un des belligérants de déclarer libres, au profit de tous les
peuples ou de quelques-uns d'entre eux, le commerce et la
navigation jusque-là réservés à ses propres sujets? Peut-elle
mettre obstacle à ce que les nations pacifiques acceptent ces
nouveaux débouchés et profitent des avantages qu'ils peuvent
présenter? Le cabinet de St. James Ta essayé à plusieurs
reprises. Il Ta tenté d'abord lors de la proclamation de la
loi célèbre: „Rule of the War" de 1756, sous prétexte que
les licences accordées par la France pour le commerce avec
ses colonies, profitaient exclusivement aux Hollandais. Les
changements survenus depuis dans le régime colonial ne font
plus craindre le retour de mesures semblables. Il est à
remarquer que Htlbner, dont lés opinions sont ordinairement
si favorables à la cause des neutres, leur a refusé cependant
ce genre de commerce.*
ï JoufÏToy p. ISSsuiv. Pôhls IV, §521, p. 1137. Hautefeuille II,
p. 293. Halleck XXVI , § 19. Gessner p. 266. Des traités qui n'admettent
pas le commerce de cabotage, sont indiqués par Oke manning p. 199.
de Kaltenbom § 226.
* „Ce qui pourrait faire envisager ce commerce comme illicite, dit -il,
c'est que les mêmes peuples neutres ne le font jamais et n'osent le faire
en temps de paix, qu'il ne leur est ouvert qu'en temps de guerre et à
cause de la guerre; et qu'enfin, au rétablissement de la paix, ils en sont
Heffter, droit international. S* ëd. 21
322 LIVBE DEUXIÈlfB. § 166.
Les maximes observées dans les cas indiqaéB d- dessus
sous U et III ne manquent pas à la vérité d'une certaine justi-
fication, comme étant une conséquence de la nature spéciale
des guerres maritimes y lorsqu'il s'agit d'un transport de mar-
chandises ennemies. Car ces guerres^ ainsi que nous l'ayons dit,
ne se font pas seulement d'État à État Elles sont dirigées en
même temps contre les propriétés privées et contre le commerce
des sujets ennemis. Les peuples neutres qui se Hyrent à ce
commerce; semblent ainsi en quelque sorte secourir l'un des
combattants contre l'autre et lui porter des secours indirects.
C'est sans doute le motif pour lequel les puissances maritimes
ne se sont pas opposées jusqu'à ce jour d'une manière plus
efficace à un usage si contraire à leurs intérêts. Tontefois la
règle de 1756 n'est plus à concilier avec les régies de la
déclaration de 1856.
§. 166. Les branches licites du commerce auxquelles les
peuples pacifiques peuvent se livrer sans violer des devoirs de
la neutralité, sont les suivantes: les assurances des navires et
des cargaisons appartenant aux sigets des belligérants;^ l'achat
et la vente de denrées et de marchandises qui ne sont pas
des objets de contrebande , et tant qu'elles ne sont pas devenues
propriétés ennemies; par suite les transports de marchandises
dans les ports ennemis, tant qu'elles n'y ont pas été vendues.
De même le commerce de commission est libre en temps de
guerre. Vouloir refuser aux neutres ce genre d'opérations, ce
serait supprimer une des branches les plus importantes du
commerce moderne. Ceci est vrai surtout à l'égard des mar-
chandises envoyées d'mi port neutre dans les ports de l'un des
belligérants, lors même que des avances ont été faites déjà
par le commissionnaire. Le commerce de conunission fait d'un
port ennemi dans un port neutre pourrait plutôt donner lieu
derechef exclus, de telle sorte que le commerce des sujets d*iui souverain
neutre avec les colonies d'un État qui est en guerre, parait être nn objet
du droit rigoureux de la guerre." (De la saisie des bâtiments oeutres I, 1,
chap. 4, § 6.) V. aussi Joufi&oy p. 199. Wbeaton, Histoire p. 157. Pôhls
p. 1130 suîv. Oke Manning p. 195. Pando p. 547 — S56. Haatefeuille II,
p. 274 suiv. de Kaltenbom § 227. Halleck XXVI , 20. Gessner p. 271.
> Moser , Vers. X , p. 324.
§ 167. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 323
à des doutes, par le motif que les marchandises expédiées
sont encore la propriété des sujets ennemis,^ laquelle, diaprés
la pratique actuelle, est sujette à la confiscation. Seulement
le commissionnaire neutre a droit aux avances par lui faites
qui doivent lui être remboursées.
Lorsqu'il s'agit d'un commerce direct fait entre les sujets
des belligérants et les sujets neutres, les conventions particu-
lières intervenues entre les parties, déterminent si les mar-
chandises continuent, jusqu'à la livraison, à rester la propriété
du vendeur, si par suite elles doivent être réputées ennemies
ou neutres. Mais rien ne s'oppose à ce que les sujets neutres
achètent librement des navires dans le territoire de l'un des
belligérants, pourvu que la vente soit faite „boça fide" et
qu'elle ne soit pas un acte purement simulé. H est vrai que
sur ce point la jurisprudence anglaise et irançaise de même
que l'américaine se sont montrées en général très -rigoureuses.*
Les peuples neutres ont de plus le droit incontestable de
faire le transport de propriétés neutres dans le pays d'un des
belligérants. A cet égard ils doivent se conformer toutefois
aux obligations résultant du droit de blocus et de contrebande.
En ce qui concerne les objets de contrebande, la vente
faite aux belligérants en territoire neutre, ne saurait être con-
sidérée comme un acte illicite et contraire aux devoirs de la
neutralité; ce n'est que leur transport qui en rend responsable.^
i
Droit de visite (Jus visitatlonls).^
§ 167. Le principal moyen pratiqué par les belligérants
dans le but de maintenir le commerce neutre dans ses limites
nécessaires ou conventionnelles, c'est l'exeroice du droit de visite.
> Mittermaier , Deutsches Privatr. § 552. — Jonffroy p. 185.
> Jonffroy p. 206. Jacobsen, Seerecht p. 741. Phillimore, 111, 606.
Halleck XXI , 15.
8 Pistoye et Duverdy I, p. 394.
* Pôhls IV, p. 527 suiv. Wheaton , Intem. Law IV, 3. 19 suîv. (§ 524
Dana). Massé § 301. Oke Manning p. 350 sniv. Pando p. 549. Ortolan
U, p. 202. Hantefenille I, p. 86. IV, p. 427 suiv. Wildman II, p. 119.
PhiUimore UI, 417. Halleck ch. XXV. Gessner p. 278.
21*
324 LIVRE DEUXIÈME. § 16f^.
C'est le droit qui appartient aax belligérants de faire arrêter,
soit par des bâtiments de TÉtat, soit par des navires armés
en commission, les navires rencontrés , de constater lenr natio-
nalité et de prendre connaissance de lenr destination ainsi que
de leur cargaison. Plnsieurs pnblicistes d'one autorité consi-
dérable, parmi lesquels nous nommons Hflbner en première
ligne y ont y vers le milieu du xyin* siècle , contesté la légalité
du droit de visite, du moins sur la hante mer, ce droit étant
attentatoire à Tindépendance des peuples pacifiques.^ Sans
prétendre nous prononcer sur la valeur de ces objections , nons
nous bornons à établir ce fait incontestable ^ que tontes les
puissances maritimes qui disposaient de forces suffisantes, ont
fait usage dans leurs guerres d'un pouvoir, lequel, tant qu'il
s'est renfermé dans des limites raisonnables, n'a pas été sérien-
sement contesté, et qui en même temps a servi de base à
de nombreuses conventions publiques. Déjà le Consulat de la
Mer atteste Fantiquité d'mi usage qui seulement, par snite de
rinfinité d'abus auxquels il a donné lieu, a été l'objet des
réclamations continuelles des nations neutres.* Renfermé dans
ses limites exactes, le droit de visite ne porte aucune atteinte
à leur indépendance et ne leur est nullement préjudiciable.
Nous disons en conséquence que, dans l'état actuel des choses,
la visite est un moyen généralement admis entre les belligé-
rants, dont il est essentiel de définir le but, les conditions et
les limites, conformément aux usages établis entre les nations.
§ 168. Le but de la visite est de faire valoir des droits
du belligérant vis-à-vis de l'ennemi et des nations neutres.
Le belligérant peut exercer la visite:
1** sur son propre territoire;
2** sur le territoire de son adversaire, c'est-à-dire dans les
rades, ports et mers ennemis, sans exception même des
fleuves (§ 137);
3*" enfin sur la haute mer, la mer libre.
^ Les auteurs qui ont traité spécialement cette question, sont indi-
qués par Klûber § 283 a. Leurs diverses opinions ont été discutées par
Jouffroy p. 213 suiv. Nau , Yôlkerseerecht § 216.
2 Nau, Yôlkerseerecht § 163. de Martens, Ueber Oaper. § 21.
§ 168. DBOIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 325
Mais la visite ne peut avoir lieu dans les eaux neutres,
ni dans celles des puissances alliées, sans le consentement
exprès ou tacite de ces dernières. Les prises faites dans les
eaux neutres doivent en conséquence être restituées sur la
plainte de la partie lésée. ^
Sont sujets à la visite les navires de commerce rencontrés
dans les lieux sus -dits et dont la destination pacifique, étran-
gère aux opérations de guerre, n'est pas établie par des signes
évidents et incontestables. Les bâtiments de guerre neutres
ne sont pas soumis à la visite, si leur nationalité est incon-
testable. Il est à remarquer toutefois que leur pavillon ne
fait pas nécessairement foi de leur nationalité.^ Les belligé-
rants peuvent au contraire arrêter en pleine mer toute espèce
de transports dont Tinnocnité n'est pas suffisamment établie,
tant par rapport à leur chargement et à leur propriétaire, que
par rapport à leur provenance et à leur destination.
La visite a pour but spécial, d'abord:
r de vérifier la propriété du navire et de la cargaison,
et de savoir si l'un ou l'autre n'appartiennent pas à
l'ennemi ;
2" de s'assurer si des personnes ennemies ne se trouvent
pas à bord du navire visité;
:v de s'assurer que le navire ne porte pas à l'ennemi des
objets de contrebande de guerre ou de secours prohibé;
4" de l'empêcher de communiquer avec les lieux bloqués.
En conséquence la visite doit constater:
1'' la nationalité du navire;
2'' la qualité, l'origine et la destination de la cargaison;
y la nationalité de l'équipage, lorsqu'elle ne résulte pas du
pavillon du navire, ainsi qu'il a été stipulé dans plu-
sieurs conventions conclues par la France , p. e. celle
conclue avec le Texas.
' Jacobsen , Seerecht § 584. 585.
'^ Des discussions qui ont eu lieu sur cette question, sont racontées
par de Martens, Erzâhlongen merkwûrdiger Falle II, p. 1 suiv. V. aussi
Oke Manning p. 370. Pando p. 564.
326 UYBE DEUXIÈME. § }69.
D'ailleurs la ma3dme même: Le pavOlon ooayre la mar-
chandise, ne soifira pas tonjours pour empêcher les cnnsears
des belligérants de procéder à la yisite des nayûres neutres.
Du moins il faudra leur permettre de s'assoier de leur natio-
nalité, et s'ils ne portent pas d'objets de contrebande.^
§ 169. Les personnes qui.penyent procéder à la visite
des navires neutres sont exclusivement ks eommandants de
forces navales et militaires, spécialement ks bâtiments de guerre
et tous ceux pourvus de commissions dâivrées par le souverain
belligérant, y compris les armateurs ou corsaires, pourvu qu'A
ne soit pas renoncé à la course X§ 124*).
L'exercice du droit de visite a été réglementé surtout par
le traité des Pyrénées, dont les dispositions sur ce point sont
devenues en quelque sorte le droit maritime de l'Europe. Ces
dispositions ont pour objet: la semonce; la distance à laquelle
le croiseur doit se tenir; l'envoi d'un nombre limité d'hommes
à bord du navire neutre; l'examen des papiers de ce navire.
La semonce est un coup de canon tiré par le croiseur pour
avertir le navire en vue de son intention de le visiter.* Ce
dernier doit obéir à la semonce, s'arrêter et attendre la visite.
S'il ne le fait pas, il s'expose à s'y voir contraint par l'emploi
de la force. Le croiseur doit envoyer au navire visité une
embarcation, et deux ou trois honmies seulement peuvent
monter à bord.*
La dernière formalité de la visite , la plus importante , est
l'inspection des papiers de bord. Les papiers qui peuvent être
consultés et faire foi, sont les suivants:
le passeport et les autres certificats d'origine du navire et
de la cargaison;
le connaissement et la charte - partie ;
) y. à ce sujet les justes observations que contient le jugement rendu
par Sir William Scott dans une affaire de cette espèce dans Bobinson,
Admirality Reports I, p. 340. Wheaton, Intem. Law XI, p. 250 (édit.
franc, p. 186, Dana §. 526).
> L'omission de cette sorte de semonce n*est pas considérée oonune
essentielle par les juges anglais et américains. PhiUimore III, 429.
> de Martens, Uebcr Caper. § 20. 21. Hautefeoille lY, p. 3.
§ 170. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 327
les rôles d'équipage;
enfin le journal du voyage.*
Si les traités n'indiquent pas d'une manière exacte Tétat
des papiers dont un navire doit être porteur , il faut admettre
incontestablement toutes les pièces de nature à justifier mora-
lement de la nationalité du navire et de l'innocuité de son
chargement, sans avoir seulement égard à des preuves for-
melles. Les règles spéciales prescrites au croiseur belligérant
doivent toujours être interprétées en ce sens. Si le navire
reconnu neutre par sa nationalité est également trouvé neutre
par sa conduite, s'il ne porte chez l'ennemi aucun objet prohibé,
le croiseur doit se retirer et laisser le navire continuer sa route.
Dans la pratique, à la vérité, on n'a pas toujours observé
cette modération. Trop souvent, au lieu de se borner à con-
stater la nationalité du navire par l'inspection de ses papiers
et l'mnocuité de sa cargaison, par la vérification des factures
et des connaissements , les croiseurs se livraient à des recherches
minutieuses et vexatoires. C'est la jurisprudence française qui,
guidée par les réquisitoires pleins d'équité de Portails, a la
première proclamé des principes plus généreux. D faut regretter
surtout l'extrême divergence que présentent les dispositions des
lois intérieures des diverses nations, relativement aux modes
de constater la nationalité des navires et des cargaisons. La
jurisprudence anglaise notamment accorde ici une importance
exagérée à la formalité du serment.^
Convoi des navires neutres.^
§ 170. Le but de la visite, ainsi que nous l'avons dit,
est de mettre le belligérant à même d'exercer son droit
1 Sur les papiers à produire, sur les formalités à observer et sur la
jarisprudence anglaise et française à cet égard, on peut consulter avec
fruit Jacobsen y Seerecht p. 22. 67. 87. 410 suiv. Pando p. 566.
^ Sur les formalités de la neutralisation et les nombreux abus on
peut consulter Pôhls IV, §530, p. 1180 suiv. Hautefeuille m, 427. IV,
121. La jurisprudence anglaise est indiquée par Wildman II, p. 84. 100.
3 V. Jouffiroy p. 237 suiv. Nau, Vôlkerseerecht § 169 suiv. Wheaton,
Histoire p. 93 suiv. Pôhls p. 532. Oke Manning p. 355. Ortolan II,
21Ô suiv. Hautefeuille I, 68. IV, 62.
328 LIYBE DISUXIÈIIE. § 170.
de guerre sur les navires ennemis , d'empdcher qu'ils ne hii
échappent à la faveur d'un déguisement , et de mettre obstacle
aux violations des obligations des neutres. De bonne heure
on a dû songer à trouver un moyen qui, tout en répondant
au but principal de la visite y mette pourtant les navires neuti^
à Fabri de vexations incessantes. Ce moyen consiste à faire
naviguer les navires de conunerce sous l'escorte de bfitiment8
de guerre. L'usage en est très -ancien. Dès le moyen âge on
faisait escorter les navires marchands , pour les garantir des
actes de piraterie et des excès de tonte espèce, si fréquents
dans ces siècles de barbarie. Mais ce fut surtout vers le milieu
du xvn* siècle que la question du convoi des navires neutres
prit une grande importance. Les Hollandais firent alors de
grands efforts ik>ur faire inscrire dans le traité conclu avec
l'Angleterre en 1665, le principe que le privilège dn bâtiment
de guerre devait s'étendre à tous les navires convoyés. Ils ne
purent l'obtenir: l'Angleterre ]:efiusa de le reconnaître. La
question fut soulevée depuis lors dans les guerres fréquentes
entre les puissances maritimes de l'Europe. Pendant la guerre
de l'indépendance américaine elle reçut enfin une espèce de
solution. Les puissances neutres ; coalisées pour le maintien
de leurs droits sons le nom de neutralité armée, déclarèrent
que la parole de l'otScier commandant l'escorte dn convoi
suffisait pour constater la nationalité des navires confiés à sa
protection et l'innocuité de leur chargement^ La lutte recom-
^ de Martens , Ueber Caper. § 20. — Voici le texte complet de cette
déclaration, que nous transcrivons ici à cause de son importance:
„ Que la déclaration de Tofficier commandant le vaissean ou les vais-
seaux de la marine royale ou impériale, qui. accompagneront le convoi d^nn
ou de plusieurs bâtiments marchands, que son convoi n*a à bord ancune
marchandise de contrebande, doit suffire pour qu'il n'y ait lieu à ancune
visite sur son bord ni à celui des bâtiments de son convoi.
Pour assurer d'autant mieux à ces principes le respect dû à des sti-
pulations dictées par le désir des intéressés, de maintenir les droits
imprescriptibles des nations neutres , et donner une nouvelle preuve de leur
loyauté et de leur amour pour la justice, les hautes parties contractantes
prennent ici rengagement le plus formel, de renouveler les défenses les
plus sévères à leurs capitaines , soit de hautbord , soit de la marine mar-
chande, de charger, tenir, ou receler à leurs bords aucun des objets, qui,
§ 170. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 329
niença avec une nouvelle violence pendant les guerres de la
révolution française. Elle se termina par la convention mari-
aux termes de la présente convention, pourraient être réputés de contre-
bande, et de tenir respectivement la main à Texécution des ordres qu'elles
feront publier dans leurs amirautés et partout où besoin sera, à Tefifet de
quoi Tordonnance, qui renouvellera cette défense sous les peines les plus
graves, sera imprimée à la suite dn présent acte, pour qu'il n'en puisse
être prétendu cause d'ignorance.
Les hautes parties #ontractantes voulant encore prévenir tout sujet
de dissension à l'avenir en limitant le droit de visite des vaisseaux mar-
chands allant sous convoi, aux seuls cas où la puissance belligérante
pourrait essuyer un préjudice réel par l'abus du pavillon neutre, sont
convenues :
1. Que le droit de visiter les navires marchands appartenant aux sujets
de Tune des puissances contractantes et naviguant sous le convoi
d'un vaisseau de guerre de ladite puissance, ne sera exercé que par
les vaisseaux "de guerre de la partie belligérante, et ne s'étendra
jamais aux armateurs, corsaires ou autres bâtiments, qui n'appar-
tiennent pas à la flotte impériale ou royale de leurs Majestés, mais
que leurs sujets auraient armés en guerre.
2. Que les propriétaires de tous les navires marchands appartenant aux
sujets de l'un des Souverains contractants, qui seront destinés à
aller sous convoi d'un vaisseau de guerre, seront tenus, avant qu'ils
ne reçoivent leurs instructions de navigation, dé produire au com-
mandant du vaisseau de convoi leurs passeports et certificats ou
lettres de mer, dans la forme annexée au présent traité.
3. Que, lorsqu'un tel vaisseau de guerre, ayant sous convoi des navires
marchands, sera rencontré par un vaisseau ou des vaisseaux de
guerre de l'autre partie contractante qui se trouvera alors en état
de guerre, pour éviter tout désordre, on se tiendra hors de la portée
du canon, à moins que l'état de la mer ou le lieu de la recontre ne
nécessite un plus grand rapprochement; et le commandant du vaisseau
de la puissance belligérante enverra une chaloupe à bord du vaisseau
de convoi, où il sera procédé réciproquement à la vérification des
papiers et certificats qui doivent constater, d'une part que le vaisseau
de guerre neutre est autorisé à prendre sous son escorte tels ou
tels vaisseaux marchands de sa nation, chargés de telle cargaison
et pour tel port; de l'autre part, que le vaisseau de guerre de la
partie belligérante appartient à la flotte impériale ou royale de leurs
Majestés.
4. Cette vérification faite, il n'y aura lieu à aucune visite, si les papiers
sont reconnus en règle, et s'il n'existe aucun motif valable de suspi-
cion. Dans le cas contraire, le commandant du vaisseau de guerre
neutre (y étant dûment requis par le commandant du vaisseau ou
330 UYB£ D£UZIÈIiE. § 170.
time du 17 juin 1801 , imposée par la Grande - Bretragne aux
puissances du Nord, laquelle soumit à une sorte de visite
même le bâtiment de guerre chargé de l'escorte.^
Jusqu'à présent les puissances maritimes n'ont pa se mettre
d'accord sur des règles communes : plusieurs traités qui avaient
consacré l'immunité des navires convoyés , ont été résiliés dans
le cours de notre siècle. Mais il faut défendre comme un
principe irrévocablement établi que les navires de eonmierce
neutres régulièrement visités avant leut départ et convoyés
par des bâtiments de guerre pourvus des papiers de bord
nécessaires, ne doivent pas être soumis à la visite des croiseurs
belligérants. Ces derniers violeront le respect dû à l'indépen-
dance des peuples pacifiques, s'ils refiisent d'ajoater foi au
contenu de ces papiers et à rafSrmation de l'officier comman-
dant un convoi. Plusieurs traités conclus depuis 1815 par les
puissances maritimes, contiennent la disposition expresse, que
le but de la visite sera complètement atteint, à l'égard des
navires convoyés, par la déclaration du commandant de
l'escorte, qu'ils sont réellement neutres et que leurs cai^aisons
des vaisseaux de la puissance belligérante) doit amener et détenir
son convoi pendant le temps nécessaire ponr la visite des bâtiments
qui le composent; et il aura la faculté de nommer et de déléguer
un ou plusieurs officiers pour assister à la visite desdits bâtiments,
laquelle se fera en sa présence sur chaque bâtiment marchand,
conjointement avec un ou plusieurs officiers préposés par le comman-
dant du vaisseau de la partie belligérante.
5. S'il arrive que le commandant du vaisseau ou des vaisseaux de la
puissance en guerre, ayant examiné les papiers trouvés à bord, et
ayant interrogé le maître et Téquipage du vaisseau, apercevra des
raisons justes et suffisantes pour détenir le navire marchand, afin
de procéder à une recherche ultérieure, il notifiera cette intention
au commandant du vaisseau de convoi, qui aura le pouvoir d*ordonner
à un officier de rester à bord du navire ainsi détenu, et d^assister à
Texamen de la cause de sa détention. Le navire marchand sera
amené tout de suite au port le plus proche et le plus convenable
appartenant à la puissance belligérante, et la recherche ultérieure
sera conduite avec toute la diligence possible.
^ Les principes de la jurisprudence anglaise sont indiqués par Wild-
man II, p. 124 suiv. Ceux de Taméricaine n'en diffèrent pas. Halleck.
XXV, 21.
§171. DKOIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 331
ne contiennent aucun objet de contrebande. Nous citons le
traité entre la Prusse et les États-Unis de 1828, dont l'article
14 renouvelle expressément les dispositions du traité de 1799
à cet égard; les traités entre les États-Unis et les États
de l'Amérique du Sud de 1824 et suiv., et enfin le traité entre
la France et le Texas de 1839 (article 5).*
Au surplus il va sans dire que les navires seuls faisant
partie du convoi sont exempts de la visite , et non pas ceux
qui sont venus s'y joindre •volontairement* Ne jouiront pas
non plus de cette exemption les navires qui ont quitté le convoi
en route ou qui en ont été séparés; ces navires peuvent être
arrêtés en pleine mer conmie suspects et visités par les
croiseurs belligérants.' Enfin ces derniers peuvent procéder à
la vérification de Fétat d'un convoi, pour s'assurer si, par
hasard ou volontairement , des navires étrangers ne se trouvent
pas en faire partie.*
Saisie des navires neutres.
§ 171. Un navire neutre peut être saisi et déclaré de
bonne prise dans les ca« suivants:
l"" si, au lieu d'obéir à la semonce et de s'arrêter, le capi-
taine du navire s'oppose à la visite par une résistance
matérielle ou par des préparatifs de résistance. Dans ce
cas les navires même convoyés peuvent être saisis avec
le bâtiment de guerre qui les escorte. Gomipe exemple
nous citons la prise d'un convoi suédois par une escadre
anglaise en 1798;^
2'' si le capitaine ne peut pas justifier sa qualité de neutre;
» Ortolan II , p. 227. 228.
^ Mais ils ne peuvent pas pour cela être déclarés de bonne prise.
V. Ortolan H, p. 237. Riquelme p. 291.
3 Jacobsen, Seerecht p. 140.
* Ortolan p. 231.
^ Le cas est raconté par de Martens, Erzahlongen I, p. 299 suiv.
Jacobsen, Seerecht p. 577. Wheaton, Intern. LawIV, 3, §27. M. Fôbls
p. 1177.
\
332 UVBE DlSUZlklIK. § 171.
3** s'il viole ouvertement le blociui rétgidièrement notifié par
Fan des belligérants y s'il porte des objets de contrebande,
des troupes on des dépêches ennemies;
4"" si Fétat du navire on les dédarations dn ci^itaine sont
de nature à inspirer des soupçons; notamment lorsqu'on
ne trouve pas de papiers de bord, ou lorsqu'ils sont
doubles ou incomplets, lorsqu'ils ont été jetés en tout ou
en partie dans la mer;^ en un mot, si les circonstances
font supposer qu'ils sont simulés;*' enfin
b'^ en cas de déviation , si le navire a changé de route, sans
que les motifs de la déviation puissent être suffisamment
expliqués.^
A défaut de défenses formelles il est permis au croiseur
de relâcher le navire saisi moyennant une rançon.^ Lorsqu'il
s'agit seulement d'objets de contrebande ou prohibés qui sont
trouvés à bord d'un navire neutre, le capitaine peut échapper
à la saisie du navire en les abandonnant au croiseur , qui en
donnera un reçu.^ Le droit de guerre en effet permet seule-
ment au l)elligérant d'empêcher des objets nuisibles d'arriver
chez son adversaire, il ne va pas au delà.
Le croiseur est responsable des conséquences résultant
d'une prise illégale, non - seulement envers son propre gouver-
nement, mais aussi envers les armateurs et les propriétaire^«
neutres.^ Il répond notamment des dommages et des pertes
occasionnés par sa propre faute. En conséquence il doit
apporter aux objets capturés tons les soins usités sur mer,
faire dresser un inventaire de tous les objets trouvés à bord,
» Pôhls p. 1178.
* Jouffiroy p. 278. de Martens , Ueber Oaper. § 22. Le navire qui
en route s'est joint au convoi , peut être arrêté comme suspect, sans néces-
sairement être sujet à la confiscation. V. Wheaton, loc. cit. §. 29. Orto-
lan p. 233 — 237. Oke Manning p. 36i) professe une opinion plus rigoureuse.
8 Jouflfroy p. 307.
^ L'arrêté du 2 prairial an XI défend expressément de rançonner les
bâtiments neutres, lors même que leurs passeports seraient suspects ou
iUégauz (art. 39. cliap. 5). V. Hautefeuille IV, p. 262.
^ de Martens § 24. M. Poehls p. 1195.
« Jacobseu p. 565—577. Massé § 370.
§172. DHOTT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 333
faire sceller les papiers, faire fermer les écoutilles et s'abstenir,
autant que possible, de tout déplacement on changement des
objets trouvés. Si un déplacement est nécessaire, il y fera
procéder en présence du capitaine du navire capturé , qui devra
signer Tacte dressé à cet eflFet. La jurisprudence française
exige en outre qu'un procès - verbal soit dressé de la saisie et
des motifs qui l'ont provoquée; c'est une disposition qui nous
paraît éminemment utile. ^
Le mode de procéder à l'égard des navires neutres cap-
turés est le même qu'à l'égard des navires ennemis.
Juge compétent pour prononcer la prise. ^
§ 172. La validité de la saisie d'un navire neutre doit
être soumise au jugement d'un tribunal des prises, de la même
manière que celle d'un navire ennemi. Quel est le juge com-
pétent des prises? Suivant une jurisprudence constante, les
tribunaux du belligérant saisissant sont seuls compétents pour
statuer sur la prise des bâtiments saisis et conduits dans les
ports du saisissant. Il est vrai que, depuis le milieu du
xviii*" siècle, plusieurs publicistes ont élevé contre cette juri-
diction des objections sérieuses, jusqu'à nier tout -à -fait leur
compétence.^ Si, ainsi que cela a lieu entre quelques États, elle
repose sur des traités formels, elle est à l'abri de toute con-
testation. Là où des traités ne lui servent pas de base, la
déclaration de prise n'est au fond qu'une mesure essentielle-
ment politique, en faveur de laquelle on pourrait légalement
tout au plus invoquer l'analogie du „ forum arresti sive depre-
kensionis^^; bien entendu dans les cas seulement où le neutre
a réellement violé ses devoirs envers l'un des belligérants.
Les jugements rendus par les tribunaux des prises n'acquièrent
1 de MarteDs, loc. cit. §22. Poehls p. lld4 8iiiY. JacobseD p. 564.
Voyez aussi riiistmction américaine da 18 août 1862 dans Taifaire
du Montgomery.
'^ V. §137 ci -dessus. Comparez Massé §329. GessDer, chap. VJ,
p. 357.
s V. Jouffroy p. 282 suiv. Nau § 215 suiv. Poehls IV, § 537, p. 1219.
Wurm, dans le Staats-Lexicon t. XI, p. 140. Oke Manning p. 378.
334 UYKB DEDZliaiB. § 172.
Fantorité de la chose jugée qne dans le territcnre où 3b sont
rendus (§ 39 d-dessns): les juges étrangers ne sont «ustmeoieiit
tenos de les respecter. Tontefois, dans le bot d'éviter dei
contestations et de ne pas laisser la propriété dans Tincer-
titade, on admet ordinairement la vaUdité des jugemeiits rendm
par ces tribunaux , pourra qu'ils ne contiennent anoane violation
des principes fondamentanz du droit intematiofiaL^
Les r^les relatives à la compétence des tribunaux des
belligérants subissent une exception dans les cas suivants:
1"* lorsque la saisie a été pratiquée dans les eaux d'un ter-
ritoire neutre,' soit par une entrée directe dans ces eaux,
soit par Tabus de llioeiHtalité dont le capteur avait joui
dans les limites du territoue neutre;*
2"" lorsque le navire et les biens captaiéSy avant d'avmr été
déclarés de bonne prise au profit du oroiseiip, ont regagné
un des ports du territoire auquel ils iq[»partiënnent
Dans le premier cas, le juge du territoire neutre où se
trouvent les biens saisis, est compétent de faire droit aux
réclamations ^u propriétaire ou de ses ayant droit; et le gou-
vernement neutre pourra en outre demander une satisfaction
par voie diplomatique au sujet de l'illégalité de la capture.
Dans le second cas le juge neutre, sur la demande des pro-
priétaires, est encore valablement saisi de la connaissance de
la cause , qu'il décidera d'après les dispositions des lois locales
et celles des traités en vigueur.^ Qu'arrivera- 1 -il lorsque le
navire a été conduit dans un port neutre étranger an saisi?
En ce cas rien n'autorise le souverain du port d'asile à s'ar-
roger la connaissance de la validité de la prise. D doit provi-
1 Oke Manning p. 383.
< Comparez § 137. à la fin.
' Si p. ex. le navire d*nn belligérant a ponrsnivi illégalement on
vaisseau ennemi on neutre suspeet pendant le délai de 34 heures. Y. d-
dessus § 149. et Pando p. 471. Pareillement Tarmement du bâtiment
ennemi qui a fait la prise, dans un port neutre est également eonsidéié
comme une violation du territoire. Y. Ortolan p. 264.
* JoulSroy p. 295. de Martens, à Tendroit cité § 36. Wheaton,
Intem. Law IV, 3, §6—10. IV, 2, § 13. Jacobsen, Seerecht p. 584. Oke
Manning p. 385.
§ 173. DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE. 335
soirement accorder de la protection an navire capturé; mais
quant au fond du litige, il ne peut être vidé qu*entre le belli-
gérant et le souverain neutre intéressé.
§ 173. Le mode de procéder devant les tribunaux chargés
de statuer sur le sort des bâtiments neutres arrêtés, porte le
caractère d'un procès en revendication: c'est au neutre saisi à
prouver Tillégalité de la prise. Il est vrai que, d'après la
maxime „spoliatus ante onmia restituendus'^ et d'après Tana-
log\p de ce qui se pratique en matière de saisie -arrêt, ce
serait au capteur à justifier qu'il avait des motifs suffisants
pour la prise. Mais on n'y regarde pas de si près.*
En ce qui concerne Içs formes de la procédure et les
règles relatives aux preuves et à la rédaction du jugement, le
juge chargé de statuer sur Ja validité de la prise, doit se con-
former aux dispositions des lois intérieures de son propre ter-
ritoire, à moins que des traités spéciaux conclus avec la puis-
sance neutre à laquelle appartiennent le navire ou les sujets
saisis, n'aient disposé autrement. D n'existe actuellement qu'un
nombre très -limité de traités à cet égard. La plupart se
bornent à stipuler réciproquement une justice impartiale par l'in-
stitution de juges non suspects.^ Plusieurs prescrivent la com-
munication réciproque des sentences rendues par leurs tribunaux
respectifs: comme, par exemple, les conventions conclues entre
les États - Unis et les républiques de l'Amérique centrale et
de l'Amérique du sud.
Eu général les modes de procéder et les règles qui pré-
sident aux motifs de décision des tribunaux des prises, sont
peu favorables aux réclamants. Très- souvent ce ne sont que
des instruments, des hameçons politiques mis au service d'un
égoïsme avide, ainsi qu'on peut s'en convaincre facilement en
parcourant les recueils de la jurisprudence des prises; et cela
malgré l'admiration que beaucoup de personnes ont professée
pour „les savants juges des prises ^^ de plusieurs nations. Ordi-
1 MarteDs , à Fendroit cité § 27. Pinheiro - Ferreira , dans ses notes
sur de Martens, Introdnct. § 317. Jouifroj p. 296. V. snitont Wnrm, dans
le Staats-Lexicon XI, 145.
' V. par exemple la convention anglo- russe de 1801.
336 uvBB DEinnfcMB. § 173.
nairement on n'admet comme preuves que les papiers tnmTés
à bord des navires capturés. A rappm de» fiûts résultant de
Texamen des papiers , on fiût saUr à Téquip^ge nn inter-
rogatoire qni quelquefois porte un caractère presque inqoi-
sitorial!^
D'après les maximes qui ont prévalu dans la pratique
maritime moderne , il est facile de se rendre compte de l^i
nature des pénalités qui attendent les propriétaires des objets
saisis et condamnés. Les tribunaux ^ en validant la saisie,
prononcent tantôt la prise du navire et de la caigaisony tantôt
la prise de l'un ou de l'autre, ou bien la perte d'une partie
de la cai^aison ou du fret Lorisqu'ils .prononcent la main
levée de la saisie, le navire arrêté est mis en liberté, les
objets saisis sont restitués à leurs propriétaires: quelquefois
même ils accordent à ces derniers des dommages - intérêts
Mais le plus souvent ils ménagent le croiseur saisissant De
simples soupçons non entièrement repoussés sont assimilés à
cet effet aux contraventions patentes, et suffisent du moins
pour faire décharger' les corsaires du remboursement des frais.
Toutefois il n'existe sur cette matière aucun code international.'
Tout dépend des dispositions des belligérants, de leur bonne
ou mauvaise volonté, de l'impartialité ou de l'esprit prévenu
des juges. Les puissances neutres ont incontestablement le
droit de s'opposer de toutes leurs forces aux actes d'injustice
dont ils auraient à se plaindre à cet égard, ou du moins de
réclamer une indemnité.'
1 de MarteDS, à Tendroit cité. Y. aussi les ôbservàtionB sur plu-
sieurs cas très -intéressants dans Jacobsen, Seerecht p. 441 suiv. et
p. 544 suiv.
> Joui&oy p. 299 suiv. a essayé de donner une classification des divers
cas qui peuvent se présenter ici. V. aussi de Martens , Ueber Caper^ § 3i)
et surtout Texcellent ouvrage de Hautefeuille aux chapitres : Bloeus, Contre-
bande, Visite et Saisie.
s Grotius m , 2. 5. Bynkersboek, Quaest. juris pnbl. I, cbap. 9.
Vattel n, § 84. Wheaton IV, 2. 15. Nous pouvons citer comme un
exemple les représailles décrétées par le gouvernement pruasien contre
TAngleterre et la correspondance diplomatique qui en es