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Full text of "Lettre de M. Bergasse sur les États-généraux."

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Câs-^. 

Fflc. 

IHH30 


LETTRE 

D E 

M. B E R G A S S 

s R 

LES ÉTATS-GÉNÉRÀUX. 


1789. 


XHENEWBERRV 

UBilARYy^ 


( 



' AVANT-PROPOS. 

^ I L faut que je dife un mot de la circonf. 
tance qui a occafionnd cette Lettre. 

La Municipalité de St.-Geimain-Laval 
en Foiez ^ m a fait parvenir ^ il y a environ 
fix feniaines, par la voie de fon Syndic , 
quelques exemplaires d’un Mémoire quelle 
a fait imprimer fur la néceffité de la Contri- 
bution commune , & l’importance pour le 
Tiers-Etat de n’être pas repréfenté aux 
Etats - Généraux par des Nobles ou des 
Anoblis, tant que le fyftême de la Con- 
tribution commune ne ferait paspalfé en loi, 

Tai trouvé ce Mémoire fortement rai- 
fonné , & j ai répondu comme je le devais 
c eft-a-dire , dans les termes les plus hono- 
rables , à l’envoi que la Municipalité a bien 
voulu m’en faire. 

Ma Réponfe a été inférée dans les Re^if, 
très de la Municipalité. 

Depuis , & au commencement de ce 
mois , la Municipalité ayant envoyé au 
Miniflre des Finances une AdrelTe de re- 
mercîment , à caufe de fon Rapport au 



iv ' 

Confeil du 27 Décembre 1788 , elle a 
jugé cpnvenable d’ordonner qu’à la fuite 
de l’Adrefle on imprimerait une partie de 
ma Réponfe ( i ). 


( I ) Dans cette partie imprimée de ma Réponfe , 
je dis, entre’antres chofes : « Vous avez parfaitement 
» vu qu’il ne faut pas qne la caufe du Tiers-Etat 
)> foit défendue par des Nobles ou des Anoblis , tant, 
» que l’égale répartion de l’Impôt ne fera pas palfée 
» en loi vous [auriez même pu aller plus loin , 8c 
fi demander qu’aucun Noble ou Aàobli ne repréfente 
» le Peuple , qu’auparavant , en procédant a la réforme 
5 > des loix criminelles , il n ait ete^galement llatue 
« par une loi , qu’il n’y aura déformais aucune dif- 
» tiuûion de peines ou de fupplices entre le Noble 
» & le non Noble. 11 importe elfentiellement d’ef- 
» facer cette diftinéHon avililfante , & je n’approu- 
>> verai jamais qu’on faffe voter enfemble des hommes 
» que la loi, quand ils font coupables , ne traite pas 
>) de la même manière : voulez-vous obtenir des deli- 
» bératious fages , donnez à vos votans non-feule- 
« ment le même intérêt, mais encore le même ref- 
>> peâ les uns pour les autres , & ce refped ne fau- 
» rait exifter par' tout où la loi ne punit pas de la 
» même manière , par-tout où , en puniflant les memes 
» fautes , d’un côté elle flétrit , &; d’un autre cote elle 
D honore » 


V 

Et pareillement parla voie de fon Syn-' 
dic , elle ni a fait parvenir c]uel(|ues exem- 
plaires de TAdrefTe. ' 

C’eil: ce fécond envoi qui a occafionné 
la Lettre qu’on va lire. Je comptais d’abord 
n écrire que deux ou trois pages. ^Infenfi- 
blement ma Lettre s’eft étendue. Quand 
elle a été achévée , je Fai founiife à Fexa- 
nien de quelques amis qui ont cru qu’elle 
pouvait etre utile dans les circonfiances 

préfentes , & qui m’ont engagé à la donner 
au public. 

Je ne fuis peut-être ici de l’avis de per- 
fonne , mais fi I on veut bien donner un peu 
d attention à ce que je dis, on remarquera 
du moins combien au milieu des fyüênies 
qui nous divifent , & des préjugés qui nous 
égarent , je Iduhaiterais qu’on trouvât les 
moyens de former au milieu de nous une 
opinion commune ( i ). 

{ I ) Je reitère ici le défaveu que j’ai fait d’un écrit 

ablurdequ’on a ôfe répandre, comme étant mon ou- 
vrage, & a pour îitTQiCûàier du Tiers-Etat à 


rAfemilée des Eiats-Ge'iiiraux de 1789. J’avais invite 
Meffieurs les Jounialiftes de Paris, par une lettre du 
5 Janvier dernier , à inférer mon défaveu dans leur 
feuille. Il s’y font réfufés ^ & quelques jours après , il 
y ont inféré des défaveux du même genre , à eux adref- 
fés par MM. de TolUndal & Céeutti. Je m’abftiens de 
toute réflexions fur un procédé fi étrange ; mais , je 
ne puis m’empêcher de trouver un peu extraordinaire 
que le droit de fe difculper par le même moyen , d une 
imputation ou faulfe ou ridicule , ne foit pas le droit 
de tout le monde. 

Depuis , j’ai appris qo’on avoit répandu d autres 
écrits dans quelques Provinces , non plus comme étant 
demoi; mais , ce qui eftbien plus fort , ^ou%monnom ; 
i’io-nore ce que contiennent ces écrits , & , juiqu a ce 
qu'-ils me foient comius , je ne puis me plaindre d’au- 
tre chofe que de l’impudence de kurs Auteurs. 

’Polir me garantir d’un pareil brigandage a 1 avenir , 

&, en attendant que la liberté de ia Preflb , enfin ob- 
tenue , nous garantifle des iuconvéniens de la licence 
de la Preffe , qu’il ne faut pas confondre avec elle , 
je déclare que je ne/eraijplus imprimer aucun écrit, 
fans en dépofer , chez un Notaire , un ^ Exemplaire 
figue de moi, & certifié. conforme à l’original. 

J’aifatisfait, pour celui que je publie aaueüement , 
à la formalité que je m’impofe ici , chez Me. Margan- 
îiii , Notaire , rue Saint-Harioré. 



LETTRE 

S 


D B 

M- BERÇASSE, 

A MM, les Officiers - Municipaux de la Ville de 
St,-Germain-Laval ^ en Fore^, 

Paris, le 12 Février 175p. 



T’ AI lu, Meilleurs, votre adreiïe au Miniflre, 
avec autant d’intérêt que j’avais lu votre Mémoire 
fur la Contrihution commune. 

J’y ai remarqué la même méthode dans le déve- 
loppement des principes & des conféquences 3 
la même fimplicité dans les rélultats. 

Si j’avais pu prévoir que vous dufdez faire im- 
primer en partie la Lettre que j’ai qu l’honneur de 


(.8 ) 

iVbus écrire ^ je nie ferâis sctsclie 3 I3 rendre dî^ne 
du public , en dévelopjlant , avec quelqu’»tendue , 
Ce que j’y dis fur la manière dont il faut que le 
Tiers-Etat foit repréfenté , & fur- la néceffité d’a- 
bolir à-.la-fois , & la diflinaion des impôts , & la 
diflinaion des peines. 

Je crois que je fuis le premier qui ai fait fentir 
qu’on n’aurait jamais d’efprit public en F rance , 8c 
conféquemment point de conflitution véritable , 
tant que , lolt par l’effet de l’inégale diftribution 
de l’impôt , foit par la différence des peines , une 

grande partie de la Nation ferait avilie (i). 

Car l’efprit public ne peut le développer que 
cbez un peuple où le mérite > qui a le droit de pré- 
tendre à tout , n’a aucune efpèce d’humilianon a 
ré'douter. Or , d’après cette idée , mefurez l’influen- 
ce qu’ont eu nécefl'airement fur nos mœurs , les 
miférables infUtutions dont je parle ici ; voyez fi 
l’homme du peuple , auquel elles rappellent , a 
chaque inflant , qu’il exifte dans un pays où la loi 
favorife des diflinaions qui le déshonorent , ne fent 
pas, pour ainfi dire, en naiHant , les facultés con- 
traintes; 8c calculez , s’il eft poflîble, la diminution 
de talens , de vertus , d’habitudes grandes & fortes, 


(i) Voyez mes Mémoires dans l’Aflaire de M. Kornmann. 


(p) , 

qui doit réfulter de cet état de chofes pour la 

'Nation. 

Je regardais donc comme un point innnimcnt 
efTentiel au rétabliHement. du refiort puiïïant de 
l’honneur dans toutes les âmes , 5c au développe- 
ment de l’eiprit public, qui !ne peut germer dans 
des hommes avilis, l’abolition entière de toute efpece 
de diftinaion , en matière de peine & d’impôt. Mais, 
ce point obtenu > je ne penl’e pas qu’il huile s arrê- 
ter il relie une autre chofc non moins impor- 
tante à faire , c’ell la dehruaion oe tous ces préju- 
gés extravagans qui veulent que , parce qu un 
individu n’ell* pas ne dans la clalTe des. Nobles , 
parce que dans la clalfe des Nobles il ne compte 
pas un certain nombre d’ayeux , quoi qu il falTe , 
quelle que foit d’ailleurs l’éminence de tes vertus ou 
de fes talens, la plupart des places ou importantes 5 
ou honorables dans l’Etat , ne puiüent lui etre con^ 
fiées- 

• N’eh-il pas étonnant , par exemple , que depuis 
quelque temps on ne foit plus admis dans beaucoup 
de Cours Souveraines , fans faire preuve de quatre 
degrés de Noblelfe ? Je luis loin d imputer aux 
• Cours un ufage Ti extraordinaire. S’il ell un état 
dans la Société qui exige de la conlideration , cell 
celui de Magidrar. Or ^ quand les ?vlagidrats ont 
vu qu’on n'accoi;dait plus la confidération qu a la 

I- 

I 


1 


( 10 ) 

nailTance ; quand ils ont remarqué que fi leurs 
Compagnies fe peuplaient de gens que le préjugé 
dominant humilié, elles feraient moins honorées par 
ceux qui dilpofentde la puilïance, moins redou- 
tables , dès lors , à l’autorité qui opprime , moins 
refpeélables même aux yeux du peuple qui ne fort 
que d’hier de la longue léthargie dans laquelle il a 
«té comme enfcveli pendant tant des fiècles , il a 
bien fallu , fi je puis me fervir de ce mot , qu’ils 
ahafient , comme maigre eux , le train de l’opi- 
nion , & qu’ils décoraffent en quelque forte leur 
autorité , pour la maintenir. 

^Mais , ce qui excufeà des yeux non prévenus, un 
réglement de cette efpèce, n’empêche pas qu’il ne 
convienne de faire remarquer combien e(l loin de 
toute idée politique , une Nation où le préjugé de 
la naiiiance eil: tel , que celle de toutes les profef- 
dions,- qui doit dépendre le moins_du mouvement 
Oes opinions fociales , s’eft vue , par la force des 
chofes , coiiduite comme involontairement à i’a- 
dopter. 

Ce n eil pas tout : Sc que penfez-vous encore de 
Image qui veut que nul nepuilleêrre préjenfésu 
Piince, ne jouiife du privilège d’être ternis à ia 
table, ou à les fêtes, n’ait le droit de poiféder telle 
^ou telle charge à la Cour , ou , ce qui efl bien pis , 
"dans I iLtat , s il ne prouve que fa Noblelle remonte 


(") , . 
au XIV". fiècle ? Je ne lais quel ell Pimbécile qui 

a imaginé cette bicarré coutume (i) ; mais j 
quand je fonge que Defcartes , Pafeal , Corneille , 
Boiluet , Montefquieu , & cette foule de Grands 
Hommes auxquels nous avons élevé des ftatues , 
n’auroient pas- été bonne compagnie pour un Roi de 
France j quand, je fonge ViVant , 

un homme , quelque médiocre qu’ü lût , pouvait , 
avec une généalogie , obtenir plus d égards , re- 
cueillir plus de refpeéts , j’avoue que je luis un peu 
honteux de vivre au milieu d’une Nation ou de ü 
gothiques ufages font encore en honneur , &: ou 
l’influence de ces ulages efl telle j que , fl nous 
voyons reparaître aujourd’hui parmi nous ce Ci- 
céron qui fauva Rome, & ce Démoflbènes qui fit 
trembler Philippe , nous n’aurions d’autre emploi à 
à leur offrir que celui de Subflitut du Procui eur du 
Pvoi de quelque Bailliage , s’ils voulaient être em- 
ployés utilement , ou toi^t au plus une place à 1 Aca- 
démie ) s’ils fe décidaient a ne rien laire. 

Voulez-vous favoir pourquoi' l’Angleterre vous 
offre une fl grande quantité d’hommes originaux 
Sc de grands caraéfères ? Ne l’attriDuez pas uni- 


(i) Je dois dire ici que je n’ai pas vu un Noble , qui ne 
blâmât cette coutume finguîiëre , & qui ne comprit qu on 
n’aura jamais une Nation , tant qu’elle fubrnlera. 


/ 


quesT^’ent à 1 etabliflement de ' là Ciiambre des 
Commiines, ni même aux lois qui protègent , dans 
^bn Pein , la liberté des individus ; attribuez-Ie à 
ceci fur tout , que le développement des facultés 
humaines y a une telle latitude , qu’il n’efl point 
de pofle dans l’Etat auquel ne puilfe parvenir un 
Citoyen , a quelque claiTe de la Société qu’il ait 
d^abord appartenu. Voilà ce qui fait la force de ce 
Peuple ; voilà ce qui , chez lui , donne à toutes les 
âmes , ce' mouvement vigoureux & plein , que 
nous îbmmes loin de remarquer chez nous. Quand 
nn nomme de génie ne voit devant lui pour l’ar- 
reter, que la réadlion ordinaire des paffions & des 
intérêts humains contre pne grande ame qui veut 
arriver à fon pofle , aucun obrtaclè ne l’épouvante, 
parce qu’aucun obdade n’eO: invincible ^ mais, fi 
les barrières qu’on lui oppoi'e ne font pas des pai- 
fions , des intérêts particuliers , fi ce font desinfti- 
tutions fixes , des lois contre lelquelles toute elpèce 
de courage eftimpuiiianre; que voulez- vous qu’U 
devienne, & qu’augurerez-vous d’un peuple où les 
plus rares qualités , & les vertus les plus utijes , 
n’ouvrent ^aucune carrière à l’individu qui les pof- 
sède , fi c’eft dans une chaunaière , & non dans un 
Palais , qu’il a reçu le jour ? 

On aura donc déjà fait , fans doute , une elpèce 
de conquête fur les préjugés qui fondent notre fer- 


^ ( î3 ) 

vitude , en aboliifant la diftin£lion des peines & 
des impôts ; mais , comme vous le voyez , cette 
conquête eft bien peu de chofe , fi l’on ne fait un 
pas plus confidérable , en détruifant toutes les 
Coutumes qui empêchent un homme quelconque 
de s’élever parmi nous au plus haut période de 
puiffance ou de dignité perfonnelle , que fes fa- 
cultés lui permettent d’atteindre. 

Prenez-y garde : j’ai prouvé ailleurs que la -fo- 
ciété n’eft pas l’ouvrage de notre volonté ; qu elle 
réîulte immédiatement de rexificnce & de la na- 
ture des facultés de l’homme , que rien n’ell donc 
arbitraire dans les inftitutions qui doivent la régir. 
Or , les inftitutions focialcs que peuvent- ejles avoir 
pour objet ? eft-ce la contrainte ? la gene ? 1 a- 
;iéantiifement de nos facultés ? Non , fans doute 5 
car , dans ce lyftême , à quel deffein ces facultés 
nous auroient-elles été données? N efl-ce pas plu* 
toc, au contraire , le développement facile & ré- 
gulier de ces mêmes facultés? Maisalor^ qu avez- 
vous fait avec les ufages dont je me plains ici ? Ne 
vous êtes-vous pas pofitivement op’pofe au plan de 
la nature dans l’organifation de la fociece } Quoi / 
il lui plak de faire naître dans -la demeure d’un 
pâtre , un homme fupérieur , un homme quelle 
deftine , par confequent , à occuper un pode emi- 
nent parmi fes femblabks , ^ parce quccethomraq 


i h) 

ne peut faire Tes preuves chez le Généalogifîe cîe 
ia Cour , il n’eO: bon à fîen au milieu de vousf 
6e un foc J ne dans cette clalTe d’hommes que vous 
appeliez grands , va s’emparer fans fcrupule du 
pofle pour lequel l’homme fupérieur était né (i) ! 

Je vous i’alTure , plus vous y réfléchirez , Sc 
plus vous verrez que c’efl principalement aux inf- 
ritutions que j’attaque en ce moment , ( inflitutions 
abfolument femblables à celles qui , divifant les 
Indiens en cafles qu’ils ne peuvent franchir , 5c 
qui , etouflant ainfi en eux toute efpece d’émula- * 
lioH , n’en ont fait , depuis long-temps ^ qu’un peu- 
ple d’opprefleurs & d’opprimés ) , qu’il faut attri- 
buer , en très-grande -partie , la dégradation du 
earaaère nationnal , cet efprit de fervitude & d’en- 
vie qui règne dans les dernières clafles de la (o- 
ciété , cet efprit. d’orgueil & de domination , qu’on 
ne remarque que trop dans les premières , & les 
moeurs fans force ^ fans fuite & fans énergie que 
ce double efprit devait infailliblement faire 
éclore. 

I 

Délivrons - nous donc avant tout , puifque 


(i) levons demande ici que vous auriez fait du Général 
\Yashington , j’ii était né en France. 


N( 15 ) 

nous nous occupons d’une confiitution raifonnable , 
non-feulement des diftinélions en matière de loi 
ou d’impôt , contre lefquelles je me fuis déjà élevé , 
mais auffi de tous ces ufages vicieux qui , en arrê- 
tant le mouvement des facultés de Vhomme , le 
jettent dans le découragement , & le difpofeat à 
tous les genres d’efclavaga qui ont que trop régné 
parmi nous. 

Ces pas faits ; c’efl-à-dire , ks idées que Je 
propofe ici devenues nationnales , on pourra enfin 
s’occuper avee-fuccès de déterminer la confHtution 
qui nous convient. Je n’ai pas le temps d cxpofer ici 
toute mon opinion fur un fujetde cette importance. 
Il faudrait vous rendre compte des diverfes ré- 
fiexions que j ai faites fur l’enfemble de nos mœurs, 
de nos lois , de nos habitudes , de nos préjugés , 
fur les caufes de notre dégradation , fur les prin^ 
cipes d’après lefquels il ferait prudent de nous ré- 
générer 5 fur la manière dont il convient d’amener 
ces principes , & tout cela n’eft pas une tâche mé- 
diocre , & malheureufement l’affaire qui m’occupe 
depuis fi long-temps , 5c qui ne -veut pas finir , ne 
me permettra d’y fonger que lorfque vraifemblable- 
ment il ne fera plus temps de le faire avec avan- 
tage ; mais , quoique le loifir me manque en ce 
moment , pour m’expliquer à mon gré , je ne puis 


( 5 

cependant m’ empêcher de vous communiquer quel- 
ques obfervations fur deux erreurs dans lefquelles . 
on cft déjà tombé , & deux erreurs , à mon gré ^ 
bien eflentielles. 

La. première , concerne la repréfentation aux 
Etats-Généraux. 

La fécondé , la périodicité des Etats-Généraux. 

J’ A I été bien furpris , je l’avoue , que nulle 
part on n’ait apperçu l’inconvénient qui fe trouve 
à faire nommer les Repréfentans nobles , fimple- 
ment par des Nobles , les Repréfentans Eccléfiàf- 
tîques , Amplement par des Eccléfiaftiques & 
même les Repréfentans du Tiers-Etat , Amplement 

par le Tiers-Etat.. ^ 

L’homme qui doit voter aux Etats-Généraux , 
qu’eil-il à votre avis ? eft-il (euîement le Repré- 
lensant de la NobleiTe , le Repréfentant du Clergé , 
ou même fe Repréfentant du Tiers ? n’eft-il pas 
réellement le Repréfentant de la Nation ? & com- 
ment le repréfentera t-il , fi ce n’eft pas par un fuf- 
frags pleinement national qu il eft député ? 

En Angleterre , U n’y a que la Chambre des 
Communes qui repréfente la Nation», car la Cham- 
bre des Pairs ne la repréfente point , puifqu’elle 
n’eft pas compofée de P/lembres élus. Or , dans la 

Chambre 



( 17 ) 

Chambre des Communes fe trouvent des Baron- 
nets , des Chevaliers , des Bourgeois, des Ecclé- 
fîaftiques, de ümples Propriétaires , c’efl-à-dire, tous 
les Ordres de Citoyens qui vont fe trouver dant nos 
Etats - Généraux ; 6c îl n’eft pas venu dans la tête 
des Anglais , qui ont rêvé la liberté avec un peu 
plus dé profondeur que nous, de faire élire les 
Baronnets par les Baronnets , les Bourgeois par les 
Bourgeois , les Ecciéfialliques par les Ecclefiaflîques 
Pourquoi cela ? Parce .qu’ils ont parfaitement fent. 
que pour qu’un homme pût être regardé relle- 
menr comme le Repréfentant de la Nation , îl 
fallait qu’il fût choifi par tous les Ordres des Ci- 
toyens a - la - fois , parce qu’ils ont parfaitement 
compris qu’en adoptant des éleéUons par claffes , 
ils introduiraient , dans le corps politique , des fe- 
mences de divifion interminables , parce qu’ils ont 
parfaitement vû que la meilleure manière d’unir 
les Citoyens entr’eux, & d’empêcher l’orgueil 
réfukant de la difHélîon des rangs & des rîchelîes ^ 
c’étoît de les placer , relativement à le carrière 
politique qu’ils peuvent parcourir, dans une dé^ 
pendance continuelle les uns des autres. 

Voyez, au relie , avec quelle métho4e & quelle 
connoHTance approfondie , de la manière dont fe 
développe l’efpric public chez un peuple, ils ont 
procédé à la formation de leur /'^•‘‘ftitution : cheaj 


( i8 ) 

eux ) vousle favez 5 on ne connoit ni la diflînélîon 
des peines, ni la difiindion dns impôts. On paye 
en coniequence de Ta richeile , on eft puni en con- 
féquence de fes crimes ; chez eux également, & 
je viens de vous le dire, il n’eft pas de Citoyen, 
dans quelque rang que la Providence Fait fait naître, 
qui ne puilTc prétendre au 3 t plus hauts emplois, 
aux prérogatives les plus honorables dans lEtat » 
& certainement perfonne ne s’avHe de demander 
à • celui que ce Prince appelle de la Chambre des 
Communes à la Chambre des Pairs , s’il a des 
Ayeux ou s’il n’en a pas. Après cela 5 que devaient- 
ils faire pour être conféquens ? Déterminer leur 
lyftême d’éledlion de manière à ce que nul ne 
portât , dans l’ademblée nationale , -ce malheu- 
reux efprit de Corps , fi conflamment ennemi du 
yéritÀ)le efprit public ; fe donner , en confequence ^ 
des Députés vraiment élus par la Nation , & non 
pas par des ^portions féparés de la Nation, de 
ce fyflême d’éleaion, & de la deftriiaion de toutes 
les fauffes inflitutipns que je combats , qu’eft - il 
réfulté pour eux ? Quels bien général eft toujours 
ou le bue ou au moins le prétexte de leurs difeuftions 
politiques dans-raftemblée nationale ; que 1 orgueil 
particulier que lesdiftindions fociales produifent , 
fur-tout, lorfque, honorables pour les uns, elles 
font , comme parmi nous > humiliantes pour les au- 



( î 

tfcs, Îiet'y fsk Jamais remarquer - que fî on y ap^ 
perçoit les mouvemens des pallions humaines, du 
moins ces pallions ont un feul& même objet, & un 
grand objet j qu ainfi chacun y arrive avec une VO'* 
Ion té , qui peut être pervertie fans doute , mais qui 
du moins eü toute relative à la choie publique , Sc 
c[ui n epuifant pas fbn aélion fur de petites préten’» 
dons perfonnelles , fc conferve entière pour les in- 
térêts majeurs qui doivent l’occuper* 

Or ^ fi ces idees font jufles , pourquoi n’avons- 
nous pas imité les Anglais en ce point Qu’on 
détermine par Province , par Bailliage , à la botine 
heure , la quantité de Nobles , Eccléfiaftiques 
de gens du Tiers- Etat, qu’il faut élire; mais, çg 
nombre déterminé , que toutes les claffes s’uniffent 
pour élire enlemble celui qui , dans chaque Ordre , 
doit repréfenter tous les Citoyens à la fois. , Com- 
ment n’*-t-on pas vû que c’était - là un moyefi 
infaillible de rendra le Clergé & la Nobleflê plus 
populaires, de donner un plus grand caradlère,un 
caraélère , pouf ainfi dire , plus national à leur, 
députation ; d’appaifer l’efFervefcence de tous les 
intérêts particuliers , qu’il femble qu’on n’ait cherché 
qu’a exciter, d’appeller enfin à l’Afferablée des' 
Etats , non plus des partis pour fe combattre , 
mais des individus, déjà difpofés à s’aimer & à 
s’entendre f 

B», 


J’ A R R I V E à I3 périodicité des Etats Generaux. 

On a cru gagner beaucoup & faire un pas bien 
hardi vers une conftitution en obtenant le retour 
périodique des Etats. J’ofe affurer , moi , que li 
les Etats- Généraux ne font que périodiques , la 
grande affaire de la conftitution eft manquée. 

Voyons ü je le démontre. 

Je crois c[ue l’on conviendra facilement qu il efl 
de la nature de l’autorité d’acquérir fans celle ; 
qu’à moins que le Prince qui en eft le dépofitaire , ne 
foit d’un caraélère aufli modéré j aufti difpofé pour 
le bien de fon Peuple , que celui qui nous gouverne 
aujourd’hui , infailliblement , .félon qu’elle eft 
audacieufe ou timide, elle tend ou à renverfer , oa 
à ronger les bornes dans lelquelles elle eft cir- 
confcrite. 

Or , cela polé , ( nous ne voyons que le moment 

prélent , penfons un peu à l’avenir ,) que peut-il 

nous arriver avec des' Etats- Généraux qui ne feront 
que périodiques ? Des calmes & des tempêtes , & 
puis , enftn , la deftruaion d’un ordre de choies qui 
ne produira que des calmes & des tempêtes.^ 

Lorfque , dans de certaines tenues d’Etatè^ , Tau. 
torité aura fouffert, je crois que j’avance une chofe 
certaine , en affirmant qu’elle employera le temps 
qui lui fera laiffé jufqu’à une autre tenue , pour 
recouvrer , par les moyens de corruption qu» 


( ) 

font à fon ufage , la portion de pouvoirs dont elle 
fe fera involontairement dépouillée. 

Lorfque , dans d’autres tenues d’Etats , l’autorité ^ 
au contraire , aura trop envahi , je crois que j’avance 
encore une chofe certaine j en difant qu’il n’en 
réfultera , Jufqu’à une autre tenue 9 que des mé- 
contentemens pour le Peuple , & ce qui eft bien pis ^ 
peut être une forte de laflitude , après laquelle les 
temps de fervitude pourront recommencer. 

Vous n’aurez , félon moi, dans ce fyftême , 
qu’une exigence femblable à celle d’un malade qui 
pafle , d’un accès de fièvre , à un état de fiupeur , 
qui ne fort de cet état de fiupeur que pour éprou- 
ver un accès de ^fièvre ^ & qui finit par s’éteindre 
dans un fommeil létargique. 

De plus , penfez donc qu’il eft bien des cîrconf- 
tances , dans l’intervalle d’une tenue d’Etats à une 
autre , où l’autorité a befoin d’agir autrement 
qu’on ne l’a prévu , ou au - delà de ce qu’on a 
prévu. Or , dans cette hypothèfe , il lui faut une 
loi pour agir ^ & fi la loi , d’après nos principes 
aéluels, n’eft que la volonté du Prince | confentie 
par le Peuple, qu’efi-ce qui fera cette loi, les 
repréfentans du Peuple n’érant pas aflemblés ? 
Vous ferez donc forcés de décider, dans ces cir- 
confiances , qui ne feront que trop fréquentes , ou 


( 22 ) 

îq\ie le mouvement du Gouvernement, jufqu^à une 
tenue prochaine , doit s'arrêter ; ce qui ferait 
tine abfurdité infigne , ( car c’efl: une itifigne ab- 
furdité que de vouloir que le mouvement du 
Gouvernement ^arrête ) , ou que le Prince doit 
être revêtu, pour ces cas feulement, du pouvoir 
provifionnel de faire une loi. Mais , comment 
détermine;: ces cas ? Mais de plus , prenez garde 
que fl vous donnez ce pouvoir provifionnel au 
Prince , v^us commettez la même faute que vos 
ancêtres qui , en lui confiant un. pouvoir de cette 
nature , ont accoutumé les Miniflres à fe mettre 
infenfiblemcnt à la place de la Nation , ôc préparé 
ainfl rinvafion de tous fes droi-^. 

Je fais que vous allez me répondre que les Etats , 
pour prévenir ces inconvéniens , peuvent nommer 
une Commiffion intermédiaire , fans le cohfen- 
tement de laquelle rien ne fe fera. Une Com- 
mifïîon intermédiaire ! Eh bien , je foutiens que 
s’ils ont le malheur d'adopter un établiffement de 
ce genre, le droit de la Nation à la légiflation ne 
fera qu’un peu plus promptement envahi. Com- 
ment ne voit - on pas que l’intérêt de l’autorité 
fera de faire ce qu’elle a déjà fait? ( Car, fi vous 
étudiez bien votre hifloîre , vous verrez que l’êta- 
bliffêment dont-il s’agit ici n’cfl pas nouveau. ) 



I 


: ( 23 ' ) 

Comment ne fent-on point que Fautorîté s’unira 
infailliblernenc à ia Commilîion pour éloigner d’a- 
bord, puis^"*pour ejTipêcber le plus qu’elle pourra , 
la tenue 'dés Etats ? Que les prétextes abonderont ? 
(une guerre étrangère, des troubles civils, par 
cxempie qu’elle- fe maintienne , dans le prin- 

cipe, avec la Commîffion , enfuite, fans fon con- 
cours , dans l’exercice d’un pouvoir qui ne lui était 
que précairement attribué ? Qu’enlin , s’il nous 
vient encore des Minifli-es comme Richelieu , qui 
ayent le derpotilme dans la tête ôc dans le cœur, 
îa Coramifiîon ne fera plus, en leurs mains , qu’un 
moyen très-commode pour rendre la Nation inac- 
tive , ^ la contraindre à l’oubli de les prérogatives 
les plus elTentielles ? 

J’ai étudié les'ancienmes Légillations , & je n’y 
ai vu nulle part, chez les peuples, qui du moins 
s’étaient fait une idée juüe de la liberté 6>c des 
lois , qu’on ait penfé qu’il pût exiller une conflitu- 
tion raifonnablc par* tout où le mouvement de la 
Légiflation n’agit que d’une manière périodique. 

Le mouvement de la Légifiation me parait être 
au corps politique, ce qu’ed au corps humain le 
mouvement du diaphragme , le mouvement d’inl- 
piration ou de refpiration ; cefc le mouvement 
legijlatïf qui confiitue la. vie du corps politique , 

B 4 


1 


, ( *4 ^ 

fcomrne c^efi le mouvement du diaphragme qui 
conftitue la vie du corps humain. L’un , félon moi , 
tî’ert pas plus fait pour être interrompu que l’autre; 
& ]e ne conçois pas davantage un corps politique , 
fans un pouvoir légiflatif toujours en adlivité , que 
je ne conçois une organifation humaine, exiflante 
fans ce mouvement d’infpiration & de refpiration j 
dont je viens de parler. 

ObSBRve:^ encore eecî , que la meilleure ma- 
ftière d’alîurer votre conftitution , quand vous en 
aurez une, c’eft d’acquérir des habitudes relatives à 
votre conftitution. Et pourquoi cela ? parce qu’alors 
attaquer votre conftitution , ce fera nécelfairement 
^taquer le fyftême de vos habitudes. Or , attaquer 
le fyflême de vos habitudes , c’eft véritablement 
porter lé trouble dans toute votre exiflence. Eh l 
qu’ed ce qui foufFre avec patience que Ion exiflence 
foît troublée .? Qu’efl-ce qui ne fe met promptement 
en défenfe pour la garantir ? 

Mais, maintenant, de quelle manière fe forment 
les habitudes politiques d’un peuple f Âbfolumenc 
de la même manière qué^fe forment nos habitudes 
morales êc phyfiques ; par une continuité d’adle:* 
de la même efpèce. 

Comment faites- vous acquérir à’ votre 


(2S) 

par exemple , la facilité de produire tel ou tel 
niouvement ? N^eft»ce pas en le plaçant continuel”* 
lement dans une fituation où il faut nécelTaircment 
que ce mouvement foit produit ? Comment faites- 
vous acquérir à votre ame la facilite de pratiquer tel- 
le ou telle vertu ? N’eft-ce pasaufTi en plaçant votre 
ame dans une fituation où l’exercice de cette vertu 
lui devient néceifaire ? Or , fi c’efl: ainfi que fc for- 
ment vos habitudes pbyfiques & morales, n eft-ce 
pas également de la meme manière que doivent fe 
former vos habitudes politiques ? 

Cela pofé , qu’apperçois-je , je vous prie , dans la 
périodicité de vos Etats- Généraux ? J’apperçois 
qu'au moment de la tenue de vos Etats , tous les 
elprits s’échaufferont fur les quefiions qui pourront 
y être traitées \ que relativement a ces differentes 
quefiions > toutes les volontés vont fe mouvoir , 
toutes les facultés fe déployer. Mais après la clôture 
des Etats , que ferez-vous de ce mouvement exa- 
géré des efprits , des volontés , des facultés ? Ne 
faudra-t-il pas, de toute néceffité , qu’il s’appaife» 
ou qu’il change d’objet ? Et dans l’un & l’autre cas, 
comment vont fe former pour vous les habitudes 
politiques dont je vous parle? Je vous vois ici tantôt 
modifiés d’une façon , tantôt d’une autre , tantôt 
agités , tantôt en repos, mais non pas confiamment 


appliqués à la même chofe , non pas conflammenc 
exercés par les mêmes circonftances ; & puHque 
.c’efl; dans une manière d’être permanente , puifque 
o’efl par une continuité d’aéles du même genre , 
que fe déterminent vos habitudes ; , encore une. fois, 
comment vous donnerez-vous les habitudes poli- 
tiques qui vous manquent ? 

Savez-vous pourquoi notre Nation n’a point de 
caraélère r* c’eft qu’elle n’a point de Gouvernement; 
c’efl que les principes de fon adminiflraiion chan- 
gent comme les hommes qui font à la tête de fon 
adminiflration ; c’efl que les individus y apparte- 
nant à un ordre de chofes infiniment mobile , doi- 
vent infailliblement s’arranger pour cet ordre de 
chofes; c’efl: que , dès*lors , à l’exception d’un bien 
petit nombre , tous , afin d’être mieux , doivent fe 
compofer une manière d’être , qui fc prête à tout; 
tous doivent s’organifer de façon à ce qu’aucune 
circbnflance ne les bleffc, c’efl-à-dire , fe ‘donner une 
organifation fans mufcle , fi on me pernact cette 
exprcfîion ^ qui s’affoupliilc fous toutes les mains, 
ôc fe compofe fans eflPortpour toutes les formes qu’on 
veut lui faire prendre. 

Or , ( il faut me pardonner fi j’infifle fur ce 
point ) , je n’ai , je l’avoue , qu’une manière déjuger 
de la bonté ou du vice d’une inflitution j comme je 


1 


U7) 

fuis perfuadé , depuis long-temps ,? que les lois , avec 
tout leur appareil , n’ont été imaginées que pour faire 
les mœurs ; fitôt qu’on me propole une inllitution , 
mon premier foin eft de rechercher quel doit etre 
fon effet moral fur le caraflère du peuple qui en eft 
l’objet 5 & Il cet effet moral efl nul , je dis que 1 inf- 
tîtution efl inutile j fi cet effet moral efl dangereux^ 
je dis que, l’inflitution efl mauvaife. 

Mais , d’après cette idée , quel effet moral re- 
fultera pour nous ^ je vous le demande 5 de la Le- 
giflation intermittente qu’on nous propofe? Quelles 
habitudes fortes , quelle uniformité de conduite & 
de principes vous fera t-elle acquérir ? Comment 
fon aclion , interrompue à des époques determi-* 
nées , puis recommençant à longs intervalles , 
pourra-t-elle donner des formes confiantes à nos 
mœurs ? ôe fi'eile nous laiffe à peu près ce que nous 
fommes, fi du moins elle ne produit pour nous 
que des mouvemens troublés 6c fans fuite , ne .fe- 
rons-nous pas 'toujours une Nation fans caraélère • 
6c une Nation fans caraélère , une Nation , dont la 
con üitution efl telle qu’elle ne développe dans les 
individus qui la corspofent , aucune habitude pro- 
fonde , peut-elle lé flatter que les Lois quelle s’efl 
choifies feront durables f' 

Ainfi , même en laiffant à part les inconvéniens 


quej’aî démontré devoir réfuîtef pour la liberté 
publique , de rintermircence des Etats-Généraux y 
par cela feul que cette intermittence efi: incompa-» 
tible avec des habitudes politiques fixes , avec un 
caraélere national déterminé , par cela feul qu’un 
peuple fans habitudes politiques & fans caraélère » 
eft un peuple où aucun fyfiême de Légiflation ne 
peut durer , il eft donc démontré que les Etats- 
Généreux ne feront qu’une inftitution faufle , s’ils 
font périodiques : & de cette vérité maintenant 
démontrée , que dois-je conclure ? Ceci nécelïaire- 
ment , que nos Etat s- Généraux ne produiront un bien 
réel , qu autant qu ils feront permanenSy qu autant que 
leur permanence deviendra la première Loi politique 
de VEtat, 

Ai-je fini ? Non , en vérité : & puifque j’y fuis ^ 
duffé-je anticiper fur la manifeftatioh de quelques 
idées importantes ^ que je voudrais bien pouvoir 
un jour développer toutes à-la-fois , il faut encore 
que je vous expofe quelle forme il me .paroît con- 
venable de donner à vos Etats-Généraux , & com- 
ment , relativement à cette forme , il feroit bon 
d’organifer vos Provinces & vos Villes. 


On a beaucoup difputé fur la queftion de favoir 


f 35) ) 

ii I dans les Etats-Généraux , on doit délibérer par 
ordre ou par tête. , 

Ce n’eft plus là une queftion , dès-Finüant qu’on 
reconnaîtla néceffité de rendre les Etats-Généraux 
permanens. 

Dans une pareille hypothèfe , la Délibération 
par Ordre & la délibération par tête , me paraif- 
lent également impolitiques. 

Et d’abord ^ deux raifons doivent faire ’profcrire 
la délibération par Ordre. ■ 

La première, c’eftque fi vous divifez tous les 
Citoyens en Ordre, vous perpétuez, vous fan dion- 
nez tous les préjugés qui font réfultés de cette fatale 
diftindion des Ordres. Les deux Ordres privilégiés 
auront beau reconnaître qu’il convient de rendre la 
contribution commune, qu’il convient même d’a- 
bolir , comme une inftitution barbare , la funefie 
diftindion des peines ; je vais plus loin : ils pour- 
ront trouver jufte qu’un homme du peuple , en 
conféquencc de fes vertus ou de les talens , puilTe 
prétendre aux diâidions , aux emplois les plus 
honorables dans la focîété , eh 1 bien , de cela feul , 
que chaque Ordte aura foin de s’environner de 
barrières qu’il ne voudra pas franchir , la fimple 


' \ 


( 50 ) 

force des chofes , & cec orgueil fecret qui nous 
porte à nous diftinguer fans cefTe de noslembla- 
blc5 , à ne pas nous repiacer dans !a foule quand 
nous en avons une fois été féparés , vous ramène- 
ront bien vite toutes les opinions fauifes*, qui , plus 
encore que vos lois, ont préparé votre feryitude. 
Par exemple , avec cette dangereufe diflîndion des 
Ordres , vous ne tarderez pas à voir fe confolider 
cette difliélion non moins fatale dans les profof- 
fions, J qui fait aujourd’hui que , quoique toutes 
foient égalemeut utiles , le grand nombre cependant 
eft incompatible avec la qualité de Noble ; qui fait 
qu’un Noble n’a prefque d’autre carrière à parcou- 
rir que la carrière militaire , qui rend ainfi le Corps 
'de la NoblelTe abfolument dépendant des grâces de 
îa Cour , & des caprices de l’autorité ; ôcfûut-îlque 
je âife comhien a été funefie à notre liberté j b à 
notre morale publique , la dépendance dont je parle 
ici 5 b comment , tant quelle exïfiera au point oîi 
nous la voyons , le defpotifme ne cetera pas d'être 
pour la Nation %mfiéau toujours po£îble b toujours 
redoutable. 

La fécondé raifon , qui rend la délibération par 
ordre impoliîique , c’efi: que, puilque par le feul 
effet de ce genre de délibération , tous les préjugés 
particuliers à chaque Ordre feront foigneufemenc 

\ 


(30 

confervés J infailliblement, dans leurs difcuflîons , 
icsvôtansde chaque Ordre feront mus par deux ef- 
prks : par refprit particulier de leur Ordre , ôc par 
i'efpric public 5 qui fera bien faible à côté de refpric 
particulier de leur Ordre , car on tient plus à fon 
Corps qu’à fa Patrie, comme on tient plus à foi 
qu’aux autres. Mais , que produira ce double efprit ? 

Pas autre chofe que les Lois imparfaites. Et pour- 
quoi cela ? Parce qu’elles se feront pas le réfultat 
de volontés pleines , entières , occupées unique- 
ment d’un objet , parce qu’une fofde de pafhons 
perfonneîies en auront préparé la rédaélion , & 
que , comme je croîs l’avoir dit plus haut , le$ 
j^aJJÎQns -perfonneîies les volontés partagées entre 
plufieurs objets ne valent rien pour faire des Lois. 
Réfléchirez à ce qui s’efl palTé de nos jours eri) 
Suède. Les Etats de ce Royaume étaient compofés 
de quatre Ordres diftinéls. Ces Ordres, quand ils * 
étaient aflemblés , reffemblaîent prefqfte toujours à 
quatre phalanges armées pour fc combattre : 
qu’ont- ils produit ? Des troubles, des divifions , 
tant qu’à la fin le peuple Suédois s’efl îafle delà 
liberté , comme on fc Iafle d’un fardeau , 3c qu’iî 
a préféré , à cette liberté trop orageufe , un Gou- 
yernement prefque abfolu. 

J E viens à la délibération par tête : c’efl tou- 


( ) 

jours dans rhypothèfe des Etats-Généraux perma* 
Tiens que je l’examine 5 un petit nombre de réfle- 
xions vont vous démontrer qu’elle û’efl pas meil- 
leure que l’autre. 

L’autorité eft populairé aujourd’hui ; mais, il ne 
faut pas oublier que , de fa natute, elle tend à ne 
l’être pas. 

Or, pour s’accroître J ou elle peut avoir befoin 
du peuple j ou elle peut avoir beloin des deux 
Ordres diflingués du peuple. 

Si elle a befoin du peuple , & qu’on délibéré par 
tete , en accordant au peuple quelque faveur lé- 
gère, & il demande toujours fî peu de choie , en 
fe procurant quelques lufFrages dans les deux autres' 
Ordres, infailliblement elle fera la Loi qui 'lui 
conviendra. 

Si elle a befoin des deux autres Ordres , en leur 
accordant quelques diflinéHons nouvelles , en ga- 
gnant quelques fuffrages dans le peuple , infaillible- 
ment auflî, & avec autant de facilité, la Loi pourra 
devenir fon ouvrage. 

En uu mot , parce qu’il y aura nécelfairemenc 
une oppofition d’intérêts très-marquée , entre les 
diverfes clalfes de vôtansà l’alfemblée nationale, 
c^uQ les réunir dans le même lieu ^ ce ne fera 

fas réunir leurs afftcîions & leurs volontés , félon 

Fe: 


( 33 ) 

refpèee d’intérêt que favorifera l’autorité , elle ferà 
toujours affurée de faire pencher la balance en fa 
faveur* 

De plus 5 Sc cette coniidcratlon efl: encore im- 
portante , la Loi ne doit jamais être l’ouvrage d’une 
paillon , d’un mouvement exagéré dans les têtes , 
il faut la loumettre à plufieurs fortes d’examens , 
avant que de lui donner fa dernière forme ; mais 
ici, comme tous à-la* fois délibéreront fur la Loi', 
fans parler davantage de l’autorité , n’avez* vous 
pas à craindre qu’un ambitieux .qui aura de l’élo- 
quence 5 de l’adreife , des vues profondes & de 
grands moyens pour faire profpérer ^s vues , ne 
s’empare, parle feul afeendant de fon caraélère | 
de la pluralité des fuffages , Sc quoique le Roî 
ait le droit d’accepter ou de refufer la Loi , ce qui 
le conilitue eifentiellement Légiflateur ; ne voyez- 
vous pas , comment , en un inftant , armé de toutes 
des forces de l’opinion , il peut mettre jufqu'au 
Trône même en danger ? Lorfque Cromwel voulut 
envahir la liberté de fon pays , il réduifir le Par- 
lement à une feule Chambre , parce qu’il ne pou- 
vait être dans les deux Chambres à - la - fois , & 
failant palier la Loi par un feul examen , fur lequel 
il influait à fon gré , il finit par n’en faire autre 

C 


' f 34 5 

chofe que l’exprefTion conftantc de fa volonté (i); 

Ainsi donc , dans l’hypothèfe das Etats-Géné- 
raux permanens , vous ne pouvez , avec luccès , 
ni délibérer par ordre , ni délibérer par tête. 

Mais alors , que faut-il donc faire ? Ge qu’on fait 
ailleurs , fi ce qu’on fait ailleurs efl fage. 

Or 9 voyons ce qu’on fait ailleurs. 

Je remarque qu’en Amérique , où l’égalité des 
hommes eft le premier des dogmes politiques ^ 
où aucune prérogative héréditaire ne diflingue 
les individus , où certainement , toutes les confti- 
xutions n’ont pour objet que d’affurer la liberté , 
Je Corps légiflâtif eft par-tout compofé de deux 
Chambres , la Chambre des Repréfentans & le 
;Séhat ; que ces Chambres font formées de membres 


(i) J’ayoue que, îôrfqùe je pcnfe aux précautions qu’il 
faut prendre pour faire une loi , fi l’on ne voulait point de 
conflitution , fi 6n voulait continuer à vivre au hafard , fi 
on s obflinait , en conféquence , à n’avoir que des Etats-Gé- 
neraux périodiques , je préférerais la délibération par ordre 
a la deliberation par tête ; & cela pour l’avantage même du 
1 iers-Etat , qui fera toujours plus fort en délibérant à part, 
qu’en délibérant avec les deux autres Ordres, fous l’influence 
Mes préjugés humilians dont il cherche , avec tant de raifon, 
à s’affranchir. 

Mais il me femble qu’enhn on voudra une confiitution..' 


"i r- 

dus fu.va„t cemines règles j que bien que la loi 
a.t ete dehberee dans la Chambre des Repréfentans 
con entie par elle , cependani elle n’eft défini- 
tivement loi que lorfqu’elie a fubi , dans l’autre 
-am re , un nouvel examen & mérité une nou. 
velle approbation ; en y réfléchiflant un peu 
il me paraît que cet ufage n’a été adopté dans cette 
contrée , que pour éviter les inconvéniens des Ré- 
publiques anciennes , où les lois n’ont été li fou- 
vent que le réfultat des paffions de quelque Chef 
de parti , parce qu’ufte délibération unique orife 
par le Peuple , fuffifait pour les conftituer/ 

Je remarque qu’en Angletterre , où les préro- 
gatives héréditaires exiftent comme chez- nous , 
mais où l’on s’eft auffi occupé de liberté , il fau* 
trois volontés pour faire la loi , la volonté de 
la Chambre des Communes , ou des Repréfen- 
tans de la Nation , qui délibère la première : la 
volonté de la Chambre des Pairs , ou des chefs 
inamovibles de la Nation , qui a le droit de reief 
ter la loiconfentie par la Chambre des Communes ■ 
la volonté du Roi qui peut rejetter la loi , même 
acceptée par les deux Chambres. 

Il faut donc que la loi y fubiffe trois examens 
& reçoive trois lanaions avant que d’être promul- 
guée } on n’y a donc pas voulu , non-plus qu’en 
Amérique , que la Loi pût jamais être l’effet d’une 

C a 


•émotion foudaine , on y,a donc craint , fi elle n était 
affujettie qu’à un feul examen , quelle ne put de- 
venir , -dans les mains auffi de quelque Chef de 
parti, un fnftrumentpour renverfer la conftitution, 

& s’élever fur fes ruines* ^ 

Cela pofé, 

Pourquoi ne nous conduirions-nous pas, 
comme on l’a fait en Angletterre & en Amérique ? 

Pourquoi , maintenant qu’il nous eft démontré 
qu’il nous faut des Etats- Généraux permanens , & 
que ces Etats- Généraux feront mal conftitués , fi 
l’on y dëibère par tête ou par Ordre ; pourquoi ne 
• les divlferlons-nous pas en deux Chambres qui , 
'Tunéaprà l’aufre , examineraient les Lois à établir , 
■&leurferoient auffi fubir deux examens avant que 
de les'prfeter au Monarque qui , feul par fon 
■ cbhlentemeht , peut les revêtir du caradère de la 

'Loi'?",; -, 

' "Nous aurions donc une Chambre haute , ou une 
"'Chambre des Pairs , & cetté Chambre „,quapt à 
préfent (i) J ferait compofée des Membres de la 


* ■' -(i) Je dis " préfent , fsree que dans la fuite , le Roi 
doit avoir le droit dé faire .monter , de la Chambre des 


t 37 ) 

Famille Royale, des Princes du Sang , des Chefs 
des principales familles nobles de l’Etat , & des 
Députés de l’Ordre Epifcopal : car l’Ordre Epifco- 
pal ell trop nombreux parmi nous , pour pouvoir 
affiftet en Corps aux affemblées de la Nation. Il 
n’y aurait d’élus ainfi , dans la Chambre , que les 
Membres du Clergé qui , félon moi , ne devraient 
s’y trouver que dans la proportion d’un à trois avec 
les Membres de la NobleSé. 

Nous aurions donc une Chambre des Com- 
munes ou des Repréfentans de la Nation , & cette 
Chambre , quant à préfent ( i ) , ferait compolée 
de Membres élus dans la Nobleffe , qui ne joui: 


Repréfanta-nsàlaChambredesPairs, tout homme , quel 

qu’il foit qui , par fes fervices , ou par fes talens , lui au- 
ra paru mériter cet honneur; & certainement il n’eft au- 
cun Pair du Royaume , qui ne fïit flatté de'fiéger à côté 
de Montefquieu ou d’un homme te! que Washington , par 
exemple , s’ils fe trouvait de tels perfonnages dans la Cham- 
bre des Repréfentans. Au refte , puifque je penfe que dans 
CS moment 11 faudrait que les Chefs des principales Familles 
Nobles de 1 Etat entralTenr dans la Chambre-Haute , on fent 
qu’il conviendroit que le nombre acluel des Pairs ftt confi- 
derablement augmenté. 

( I ) Je dis , quand i préfent, parce que peu m’importe, 
lorfque les préjugés que je combats feront détruits , qu’il y 
au plus ou moins de Nobles dans la Chambre des Repréfen- 
tans. 


À 


(? 8 ) ^ _ 

raient pas du privilège de la Pairie ^ dans le Cierge 
du fécond Ordre, àc dans la clalfc nombreufe du 
Tiers-Etat , de telle façon que la Nobleffe y ferait 
plus nombreufe que le Cierge, & que le Tiers- Etat 
y ferait plus nombreux que le Clergé & la Nobleffe 
réunis ; de telle façon encore , d’après les principes 
que j’ai expofés plus haut , que nul ne pourrait y 
être admis fur le fiinple vœu de fon Ordre , puif- 
qu’il faut prolcrire la diftinélion des Orores dans le 
Corps politique délibérant, mais par le fuffrage de 
cous les Eleéleurs Eccléfiailiques , Nobles ou non 
Nobles de Ion canton. 

Je crois qu’id je n’ai pas befoin de prouver qu’il 
faut néceffai rement que tous les Membi-es de la 
Chambre des Communes foient élus. On fent bien 
que de cela feul , qu’ils font les Repréfentans de la 
Nation , ils ne peuvent délibérer pour elle qu’au- 
tant qu’ils reçoivent d’elle , à cet égard , une million 
fpéciale. 

On pourrait feulement me demander la raifon 
pour laquelle j’ai compofé la Chambre -Haute de 
Membres inamovibles , ou qui n’y entrent qu a 
raifon de leurs dignités , & non pas de Membres 
élus par la Nation , comme dans la 'uhambre des 
Communes ; en un mot , pourquoi , fur ce point , 
j’ai préféré la pratique de l’Angleterre à la pratique 
de l’Amérique î 


Mareponfeâ cette queSion eft fimpîej c’eftque 
nous ne fondons pas uneconflitution réDubîicaire 
mats une conftitutïon monarchique , &‘que , dans’ 
^ tou« conft.tunon monarchique . i! faut , entre !a 

I Nation & le Roi , un Corps fur lequel la Nation 

^ n exerce d’autre influence que celle de l’opinion , un 
Corps qui ne dépende pas de la Nation pour la 

i ™ de former, &qui.„.ayant à répondre 

qu a lui-meme de ce qu’il fait , devienne if: le 

, ^diennaturel du Trône, à l’exiftence duquel i 

P'^erogativc-sfont attachées, 

i 

cequi^rf’ --maintenant 

I prc^ofé. inftitutions que je 

D’abord, j’y remarque un premier avanta«:c’eff 

quau moyen de la divifion des Etats en deut- 
Charnbres,;e parviens à ne faire voter dans l’Af 
fembleeque des individus qui n’auront pmnf: 

I ou de burTpriviC^ 

^ s’occuper continudlement ZlZ7 ' 

cuperont de la chofe publique avec pCl VuLTs- 
On conviendra , par exemple , que le fv(}7 

i C 4 


(lo) 


.„cu.l.i« J. tel. d, Bina-, o„ 

On»«i.r,dr. t.«! do.tc .«ffi ,q«« • 

' ^If^rée . & toutes les barrières , 

'ûes peines étant eitacee « ^ ^ ^mnechent 

“i[f*r»ra!rtX’ «««n. .!.& 

h" Iodé» . do prvooi. aux f'““ 
do rE...,n’oa.Ha- pto . E„,jr„C- 

,.é,=..o do divifoo o..ro loa Noblo. . 
tiques & les Membres du Tiers , qui 

la Chambre des Repréfentans. 

L’efprir public pourra donc fe ^ ^ - 

îreft propre, c./ ^^^^;;;;:,;£^:q::nd 

P3.quevous ^ 

^„v^ /orm^rurz. i prèuntîan à 

Us uns lontr. Us autres , qu’une même vo- 

lonte ptnjje unir , ^ q j tendre à un 

feront difpofés , deviennent capable 

jerurit jt J r „r^mhUieleurs penÇees Ude teur 

même but, avec lenjembLeaeieu t J 

^"';:Ho.c.,ooo...ooav...a,,do»o.<,d^»., 

OOO »0». oooMé..bU J' ';f7V„.„o oovio 

raîc que , dans ce, moment , ave 

doolomoo.obdWifoploado;^"^^ 
qu’au lieu de rapprocher la Noblel 


"llp fais s’en douter j ® rend»e 
Etat, on i les léparent. Or. 

éternelles les 

rappeliez-vous ce n'aureyamais de 

ne tarderez pas a trouvèrent un 

Zr. ; tant que , par Teifet 

7^eur divifton, '^^jtl^neSproSon, 

I rnr:nT;Iffion qm la rend entlèretnent dé- 

de mes principes à cet égard voyez , jj 
..elpasimmen^mus.^^^^^^^^ votre 

rh'"brT deTRlpréfentans, le Noble du fimple 
? n ,.rès avoir lait difparaitre tout ce qui 
Citoyen , a, 1 ,,„ ae l’autre. 

les /force , quelle dignité vous don- 

yoyez aufîi 'J“ Repréfentans par un rap- 

r,ezà Lnre- îoyez comme la No- 

procbement de ce g i défenfeurs du 

bielle, fe plaçant au -///tknter , rendra 
peuple, & s’honorant s’il 

L réclamations plus impo^an , que je ptopofe , 

,,lfte une autre mamere , / A,/ 

d’anéantir, fans Jde partie de 

liantes qui , en vouant la plus , 


Ja Nation à une forte d’avilîir ^ 

depuis fi long. l’ont dépouil- 
le me dîtes pi ? "'"^'‘Sle. 

d'-ont confentir à fe^phlTT vou- 

^^•Préfentans, à côté fi r”' des 

^o^lesFraniC^to:tl 

^“e le véritable honneur ’ ' eequec’eft 

f-?£rquando„ :7?Lo7" ''^"^1=- 

des Généraux, des Amiraux" dÏ’ 

ervices, des Fils des Par par leurs 

dl^^dres , fiéger à côte dl N Pl- 

Communes. & s’honorer delà'!]' 

Penc> pourquoi la mê^. . . P ‘3“’ds occu- 
en France? Pourquoi les P"® 

^^Oî-rs patriotiques q„’i]^ • ^es 

f-nehi, Je 1’ fpère' ftLT °- 

1« Nation de cette 1 '“d°'’^rque 

Quelle nous devons, depuir^ d 

Servitude & nos revers Tp ^ècies , notre 

û’achever leur ouvrage • ^«fuléraient-ils 

ils d’adopter un fyltême’qui n“T'"' "="'"d«ient- 
« qui eft honorable d.n. I rien de 

^“1 n’a pour objet que de P^^^^S^tives , & 

dans les diverfes dalTel deT m'“ 

Pement des talens & W * dévelop- 

' ^ par la perfpel 




< 43 5 

tive des n^nes honneurs pour tous , & des mêmes 
récompenies ? 

Mais ce n’efl: pas aflfez de déclarer les Etats- 
Généraux permanens $ de les conftituer meme en 
Chambre des Pairs & en Chambre des Repréfen- 
tans ; il relie après cela une chofe bien impor- 
tante à faire ; c’ell d’établir autour de ces Etats 
ainfi conlUtués , un ordre de circonllances tel , 
qu’ils ne puilfent jamais exprimer d’autre vœu 
que celui de la Nation , ou ce qui revient au 
même , que la volonté des Députés , qui les cem- 
po feront J ne puîffe ^ en aucune cîrconjlance ^ etre 
corrompue* 

Avant tout il faut que je vous parle ici de 
la manière dont il convient d’organifer vos Provin- 
ces 5 car , c’eft dans le fyllême de leur organifation 
principalement , & dans les fondions publiques qui 
leur feront attribuées en conféquence de cette 
organifation , que je prétends trouver les moyens 
de rendre abfolument inutiles tous les efforts qu on 
pourrait faire pour corrompre la volonté des 
Députés à l’AlTemblée Nationale. 

O N réclam'e aujourd’hui , de toutes parts , l’eta- 
bUlî’ement des Etats Provinciaux; & le Gouverne- 
ment a parfaitement compris qu un Empire aulli 


etendu que celui-ci , ferait toujours mal adminîflré, 
tant qu’il n’y exifterait pas plufieurs centres d’Ad- 
miniftrations , mais^ des Etats Provinciaux, tels 
qu’on fe propofe de les conftituer , même en pre- 
nant pour modèle les Etats dont la forme a été ^ 
d«erminée d’après les principes les plus popu- 
laires , (i) peuvent- ils vous convenir? Et le 
peuvent-ils fur-tout dans l’hypothèfe que je viens 
de développer , c’eft-à-dire , dans la fuppofîtion 
ou vos Etats - Généraux , devenus permanens, fe 
conftitueraient en Chambre des Pairs & en Chambre 
des Repréfentans ? ' 

Non , certainement ; & pourquoi ? parce que 
dans vos Etats Provinciaux aduels , même les plus 
populaires, c’ell: toujours la Noblefle qui élit la 
Noblelfe , le Clergé qui élit le Clergé, le Tiers- 
Etat qui élit le Tiers-Etat ; parce que , quoiqu’on 
y délibéré en commun , il ell cependant des cir- 
confiances où on y délibère à part; parce qu’ainfi " 
le fyftême de la diflinélion des ordres y eft établi , 
fyftême que je vous ai démontré devoir être prof- 
ent dans les Corps délibérans; parce que dès-lors 
il y aurait une oppofition décidée entre les prin- 
cipes d’après lefqucls vous auriez formé le premier 
Corps politique de. l’Etat , & les principes d’après 


> 


( I ) Les Etats du. Dauphiné. 



( 45 * ) 

lelquels les Corps politiques fecondaires feraient 
formés; parce que dès-lors, par l’organilation des 
Corps fecondaires, vous confacrçriez tous les pré- 
jugés qui ont fondé notre iervitude , tandis que par 
l’organilationdu Corps politique principal , vous 
tendriez Ues détruire; parce qu’enfin ae 1 oppo- 
fition de principes entre le premier Corps politique 
& les féconds , réfultcrait l’impoffibilité de tout 
efprit public parmi vous , attendu «ne 

oppofitionde principes, il ferait impoffible de di- 
riger toutes les penfées vers le même objet , toutes 

ks volontés vers le même but. 

Comment faut- il donc organiler vos Etats Pro- 
vinciaux? Abfolument de la même manière que vous 
avez organifé votre Chambre des Repréfentans il 
vous faut des Communes Provinciales , comme 
il vous faut des Communes Nationales , il vous 
faut des Communes Provinciales compofees d’un 
nombre déterminé d’Eccléfiaftiques , de Nobles , de 
gens du Tiers-Etat, élus chacun non pas par leur, 
Ordre , mais , ainfi que dans la grande Affemblee 
Nationale , par tous les Ordres à-la- fois. 

\ 

Dans ces Communes Provinciales , comme dans 
le grandes Communes , vous ne délibérez jamais à 
part , parce que les diftlnaions humiliantes qui 
. vous réparaient , étant détruites , vous n’aurez ici , 


( 46 ) 

comme là , aucun prétexte pour vous divîfer : & de 
pour le bonheur de tous , l’adlion du premier Corps 

ponttque de l’Etat fur les opinions fauffes qui Jus 
ont égaré fi long-temps , & dont on n’a que trop 
profité pour nous affervir. 

_ Ce n’eft pas tout ; & puifqu’il s’agit de l’organi- 
fation de vos Provinces , il conviendrait auffi que je 
vous parlafle de vos Municipalités, qu’il faudrait 
inftituer egalement d’après les mêmes principes que 


.ommunes Nationales. 


^ Il eft d’autant plus eifentiel de donner à vos Mu, 
Dicipahtés une forme meilleure que celle qu’elles 
onteujufqu’àprélcntjque, félon moi , ce font les 
Corps politiques qui doivent influer de .plus près 
fur la régénération des mœurs ; qu’il y a long-temps 
que je fuis convaincu que c’eft à ces Corps qu’il 
faut attribuer radminiftration de la Police dans 
toute l’etendue du Royaume, & qu’il ne me ferait 
pas bien difficile de démontrer qu’eux feuls peu- 
yoat fe charger de cette adminiflration , de manière 
a ce qu’elle ne devienne jamais tyrannique pour 
les Sujets. 

La Police n’a pas pour objet de punir les crimes , 
mais de les prévenir. Or, à qui le foin de prévenir 
les crimes convient- il mieux qu’à des Adminiftra- 
tions populaires, chargées , par la nature de leurs 


{ 47 ) 

fonaions , de veiller à tout ce qui inte'refle le bien- 
être des Sujets , de s’informer de leurs befoins pour 
ainfî dire domeflique , de s’occuper de la meilleure 
manière d’y pourvoir ? 

De plus , il entre toujours un peu d’arbitraire 
'dans la Police , ôc dans quelles mains peut- elle être 
moins arbitraire , que dans les mains d’hommes ëius 
par (leurs Concitoyens , & delHne'es à redevenir 
fimples Citoyens un jour ? 

Je n’aile temps de rien approfondir à mon gré; 
mais je crois pouvoir pofer en maxime queleDef^ 
potîfme^ commencera toujours pour un Peuple , du mo^ 
ment ou la Police de ce P euple paiera des mains de 
fes Prépofés dans les mains des Prépefés du Gouyer-^ 
nement^ 

Quoi qu’il en foît , vous voyez à-peu-près com- 
ment je fouhaiterais que vos Provinces fulTent or- 
ganifées. 

O R maintenant ^ Je reviens à mon objet. 

Je vous dilais , il n’y a qu’un moment , que c’ë- 
tait dans 1 organifatîon que vous donneriez à vos 
Provinces , que vous deviez chercher un moyen 
de rendre incorruptible la volonté des Députés de 
îa Nation aux Etats- Généraux. 


( 4 ^ ) ^ 

Kefîe à favoîr fi rorganifation que je vous pro- 
poie , ne me fournit pas ce moyen. 

J E ne puis m’occuper ici de ce qui concerne 
Féleaion de vos Députés , des qualités qu’il faut 
avoir pour être Eleéleur & pour être Eligible ; s’il 
ne convient pas comme en Angleterre , comme en 
Amérique , comme nous avons toujours fait noust ' 
mêmes jufqu’à préfent , comme on a fait dans toutes 
les conftirutions fages & raiionnables , de ne comp- 
ter au nombre de nos Eleveurs & de nos Eligibles 
que des perionnes qui ne foient pas trop voifines 
du befoin , & qui puilfent répondre , au moins par 
un peu de fortune , de leur intégrité (i). 

Je ne puis de même m’occuper de la nature des 
pouvoirs qu’il importe d’accorder à vos Dépu- 
tés j tant que votre conftitution ne fera pas ar- 
retée , vos Députés ne peuvent être chargés d’une 
«utre miffion que de vous propofer la confiituîion 
que , fous le bon plaifir du Prince , Us croiront la 
plus convenable , Sc vous fentez qu’il y aurait un 
grand danger à faire dépendre le fort de la Nation » 


(i) Quant à préfent , je voudrais que ce fût en conféquence 
de ce qifon pa) erait à fimpôt , qu’on fût déclaré Eligible ou 
Ekaeur. Dans la fuite , je défirerais que la propriété feule 
, donnât des droits à cette double qualité. 


lîon-feulement 




(4S^) 

non-fealement au préfent, mais au futur , de ce quî 
peut être ftatué dans une Affemblée , dont la compo- 
fition vouseû inconnue. Quand vous aurez une conf- 
titution , c’eft encore autre chofe; la queftion des 
pouvoirs à donner à vos Députés n’en eft plus une j 
ils auront tous ceux que la conftitution ,leur lailTera» 
& on ne pourra leur en donner d’autres , que lorf-« 
que la Nation confultée £après de certaines formes , 
y aura confcstî. 

Je fuppofe donc votre conflitution abfolument 
déterminée dans tous fes points , & vos Deputég 
élus fuivant des règles précifes , arrivant à Taflem- 
blé nationale , avec le droit d’y délibérer à leur gré 
fur tous les objets dont la conJHtution leur permet de 

s^oocuper* 

!' 

Or , maintenant voici tout mon fyftême. 

Je ne veux pas (^ue les Communes provinciales | 
qui repréfentent les Provinces , ayent la faculté de 
fixer les objets de Délibération dans l’allemblée 
nationale , & de commander aux Députés Popinion 
qu’ils doivent avoir relativement à ces objets, 
parce qu’une fois la conftitution arrêtée 5 un tel 
ulage ne produirait que le trouble & 1 anarchie , 
parce qu’il empêcherait abfolument le principal 


ryo ) 

Corps politique de fe mouvoir, parce qu’il le fen- 
drait eflentiellement nul, parce que fur chaque quef- 
tion , il faudrait affembler les Provinces, & que les 
réfultats que le Gouvernement attendrait pour agir, 
n’arriveraient jamais. 

Mais , en même temps que j’interdirais la conflU 
tiiîion une fois arrêtée ( il ne faut jamais perdre 
ceci de vue , ) toute efpèce d’influence fur les 
Délibérations nationales , aux Communes des 
Provinces , je leur laiflerais une influence confidé- 
rablcj Ô^ de tous les inflans , Jhr les perfonnes dé^ 
libérantes. 

En partant de ce principe , qu’on ne me con- 
teflera pas , bien qu’il ioit nouveau, qu’z/n Repré- 
fenîant de la Nation cejje ejfentiellement de la repré~ 
fenîer fitôt quil ne lui efi plus agréable , j’accorde- 
rais , à chaque Commune provinciale, le droit de 
révoquer à la pluralité des iuffrages , fans explica- 
tion ifans jugement préalable (i), uniquement parce 
qu’elle le voudrait , de par une efpèce d’oftracifme , 
tout Député de fa Province qui celTerait de lui con- 
venir. 

J’accorderais a chaque Commune municipale 


(i) Le droit de juger appartient au Prince , les Magif- 
trats feuls peuvent l’exercer , & les Communes , foit natio* 
nales , foit provinciales , ne doivent pas en jouir. 


( SI ) 

ou à chaque municipalité , le droit de provoquêt 
dans la Commune provinciale Tcxamen d’un Dé^ 
puté quelconque de la Province aux EtatSiGéné-' 
raux. Je pourrais meme aller -plus loin, & dans 
le cas où, toutes les municipalités dune Province: 
réunies feraient mécontentes d’un Député & où 
la Commune provinciale ne ferait pas ^droit furT 
leur requête , je voudrais que ces municipalités 
joaiiïent de la faculté d’envoyer un certain nom-, 
bre de leurs Membres à la Commune provinciale 
pour délibérer avec elle fur la conduite de ce Dé^ 
puté. ' ' 

De-la que réluîterait-il ? D’abord , qu’en? 
fuppofant les Etats-Généraux affemblés à Paris | 
par exemple, ce ne ferait pas à Paris qu’il faudrait 
corrompre tel ou tel Député aux Etats-Generaux 
pour obtenir ion iuifrage , mais dans fa Province j 
qu’en le corrompant à Paris, on n’aurait encore 
rien fait , ^ ü l’on ne corrompait non-feulement leS 
Communes , mais les. Municipalités de fa Pro- 
vince ;c’efl-à- dire , fa Province toute entière , ce, 
qui eft à peu-près impoifible. 

De-là que réfulterait-il? En fécond lieu, que 
tandis que le Roi aurait , comme en Angleterre a 
le droit ds dl£oudre les Etats ^ lorfqu’il le trouve*^ 

Dz 


( ):2 ) 

Tâît convenable , jpoùr en récréer fur le cbamp 'de 
nouveaux , la Nation , au moyen de Voftracïfme 
qu’elle ferait exercer par les Communes des Pro- 
vinces, lur les Députés à rAlfemblée nationale, 
aurait de fon côté le droit de retirer.de la Chambre 
des Repréfentans aux Etats , toute volonté qui lu^ 
femblerait corrompue ou égarée , que jamais en 
conféquence la Chambre des Repréfentans ne 
pourrait oublier ou trahir les intérêts de la Nation, 
puifque la^Nation , parles Communes provinciales, 
pourrait toujours , quand elle le trouverait conve- 
nable , fans opérer aucun trouble , fans exciter 
aucun tumulte , faire difparaître toute la Chambre,' 
ou une partie de la Chambre , cômme elle le juge, 
rait à propos. 

‘ De-Ià que’réfulterait-il ? En troîfième Heu , que* 
ce ferait fous les yeux de la Nation, conftammenc 
affemblée , & forrnant , pour ainfi dire , comme 
une -enceinte autour du premier Corps politique 
délibérant que fe prononceraient tous les Suffrages, 
que s’agiteraient toutes les queftions , que s’expri- 
meraient tous les avis ; & qui ne voit jufqu’à 
quel point une furveillance fi impofante arrêterait 
le mouvement dés intérêts particuliers ? On veut 
hîen être méchant ou corrompu}, mais on ne veut pas 
le paraître , & quand on efivu de toute part , quol^ 


I 


qjon fe propofe , c ejè toujours U bien qu^il faut 
faire ( O . 

De - là , que rélulterait - il enfin ? Que jamais 
il ne Te formerait au milieu dç vous un parti , 
comme celui qu’on nomme en Angleterre , le 
parti de l’oppoficion. Il ne peut e:KiJier ehe^ quelque 
Peuple que ce fait une fermentation politique quelle 
n' ait été préparée par une corruption morale , & ce 
n’efi que parce que le Parlement d’Angleterre , par 
la nature de fon îftitution , efi: corruptible , que 
la Nation, d’ailleurs individuellement heureufe , 
ofFre toujours aux autres Nations le Ipedlacle de 
deux partis qui fe combattent. Chez vous , toute 
les difcuflions feraient pailfibles , attendu que par 
les précautions que vous auriez prifes , toutes les 
volontés qui pourroieni influer fur les deflinées 
de l’Etat , feraient faines ou cefleraient promptement 
d’influer lur de fi précieufes deftinées ; chez vous 
Topinion publique fe formerait donc doucement & 
fans effort ; des extrémités de l’Empire, /ufques 
aux pieds du Trône on la verrait s’avancer & 

( i) On penfe bien que dans ce fyflême , & d’après l’idée 
que j’expofe , il ne ferait pas befoin que les Etats- Généraux 
fuffent auffi nombreux qu’on annonce qu’ils doivent l’être* 
On pourrait les réduire à la moitié fans inconvénient. L’ef- 
fentiel n’efl: pas d’alfembler une multitude confufe pour dé- 
libérer , mais de faire obferver par la multitude ceux qui 
délibèrent. 

D3 


( Si; ) 

'croître en s’avançant , comme on voit de loin les 
vagues d’une mer tranquille , approcher par ondc^ 
redoublées , & non pas tumultueufes , du rivage ou 
elles doivent s’arrêter. 

Et foufFrez que je termine ceci par une obfér- 
vation importante. C’eft fur-tout à organiler 1 ’opi- 
nion Nationale que je voudrois qu’on s’attachât , 
dans la conftitution qu’on nous prépare. Notre 
Empire eft trop étendu ; les ^circonflances politi- 
ques oîi il peut fe trouver y exigent quelquefois 
des mouvemens trop prompts , trop décidés , pour 
qu’il ne faille pas que le Monarque y jouiffe , non- 
feulement au dehors , mais même au dedans d’une 
autorité confidérabîe. Ce n’ed pas allez qu’il folt le 
chef , Sc comme la clef de la conflitutiorj , Sc 
qu’aucune loi ne puilfe fe faire fans fon confente- 
meneV H ^^nt encore que toutes les grâces , toutes 
les honneurs, toutes les récompenfes foient dans 
fa main ; que le pouvoir exécutif, qoe le pouvoir 
judiciaire , qui n’efl: qu’une partie du po uvoîr exécu- 
tif , que le pouvoir militaire , qui n’efl aulli qu’une 
partie du pouvoir exécutif , y demeurent fans 
diftinéUon & fans partage j que ce foit lui qui faffe 
la guerre ou la paix ; que ce foit en fon nom qu’on 
puniffe, que ce foit lui feul aufîi qui pardonne., 
qu’en un mot , toute la force phyfique de la Nation , 


^ ( 55 ) 

quelqu’iîïiîTfîsn Te qu’elle ioiî , dépendre de lui iufqaes 
dans le moindre de Tes mouvemens. 

Mais , puifqu’ii eft convenable que la Nation 
lui confie hns réferve l’exercice de fa force phyfi- 
que , que doit- elle faire , Elle , pour que des 
?ïlinifl:res pervers n’employent jamais cette force 
phvfique au détriment de lés 'droits elTentiels & 
de Va liberté f Elle doit porter au plus haut degré 
le développement de h force morale ; c’ed-à dire , 
qu’elle doit donner à l’opinion publiqué , qui fe 
formera dans fon leîn , une confifiance fi impo- 
fante qu’on ne puiife la méprifer fans fo ie j c elt a- 
dire , qu’il faut que cette opinion , ainfi formée , 
environne conflamment de ia lumière le Prince 
qui veut agir , comme il faut que conflamment 
aulîi , elle épouvante de ion éclat le Minii^re qui 
voudrait la méconnaître. Or , s’il eil vrai que Vopi- 
nîon efl un frein à la pulffance , recherchez , par 
cette fuite d’inilitutions que je propoie , en même 
temps que je rends au milieu de vous , l’opinion 
incorruptible , je ne lui donne pas auffi un degré 
d’autorité tel , qu’il y aura toujours une grande 
imprudence & iouvent un véritable délire à Fof- 
fenferfi). 

(i) En tout , que veux-je faire ici r Je veux , la Confti 
tution une fois fixée , laüfer tout le pouvoir au Pr-ince , ^ 
toute l’opinion au Peuple. 

jJ ^ 


( 5 ^) 

Il faut bien que je m’arrête. Ce n’eft pas encore , 
pour moi , le moment de faire un ouvrage fur les 
circonflances où nous nous trouvons , & j’oublie 
un peu trop que ce n’eft qu’une Lettre que je vous 
écris, 

E N revenant fur cette Lettre ^ Je trouve que je 
^ous ai prouvé , 

I®. Qu’il exiftait au milieu de vous des inftitu- 
tions & des préjugés qui vous empêcheraient d’a- 
voir une confHtution tant qu’ils ne feraient pas dé- 
truits , Sc je vous ai parlé de l’inégale diftribu- 
tion de l’impôt , de la diflînélion des peines, &de 
Tufage qui ne permet pas à un homme né dans les 
dernières clalTes de lâ focieté de s’élever aux pre- 
mières y 

2^ Que les préjugés & les inftitutîons que j’ai 
Combattus y étant détruits, vous n’auriez d’alTerablée 
politique , vraiement nationale , qu’autant que les 
Députés à cette AlTembîée ne feraient pas nommés 
chacun par leur Ordre , mais , par tous les Ordres 
réunis ; 

5^ Que pour que vous euiïlez une Légiflation 
certaine , que votre caradère national fe déter- 
minât , que vous pufliez acquérir des habitudes 
politiques fixes , il fallait que votre Aflémblée 
îiationaîe ne fut pas périodique ; mais permanente. 


I 






(. SI ■) 

'4°. Que vous ne pouviez délibérer ni par Ordre , 
ni par lête dans des Etats-Généraux permanens, & 
j’ai cxpofé la manière dont- il convient que vos 
Etats-Généraux foient organifés ; 

5'®. Enfin , que ce n’était pas affez de rendre 
votre AflTemblée nationale permanente , qu’il fallait 
encore trouver les moyens d’empêcher qu’elle ne 
fût corrompue en tout ou ejpartie, & je vous ai 
offert 5 en conféquence , l’ébauche , plutôt que le 
développement d’un fyftême d’organifation pour 
vos Provinces & pour vos Municipalités, en 
déterminant quelques-uns des rapports de ce fyftê- 
me d’organifaiion avec le fyflême d’organifation de 
votre Afiemblée Nationale , je vous ai démontré la 
poflibilité de rendre nulies toutes les tentatives qu’on 
pourrait faire pour corrompre les Membres de 
cette Afiemblée, 

J’aurais dû , je le fens , m’étendre beaucoup plus 
fur ce dernier objet 5 car, cefc fur-tout dans les rap- 
ports que f imagine entre V organifation des Provinces 
6 * Vorganifation du premier Corps politique de VEtat^ 
que je fais confifler toute la force de votre confii- 
tution ; mais, j’efpère que vous remarquerez à 
chaque inftant que je fupprime une quantité con- 
fidérable d’idees intermédiaires ; & fi celles que je 
laifie échapper vous paraifient utiles, peut-être 
regretterez- vous, avec moi que mes occupations 


( ;8 ) 

préfentes , & la tâche pénible que Je me fuis im- 
pofée, ne me permettent pas d’offrir encore àu 
Public tout l’enfemble des réflexions que j’ai fai- 
tes , non -feulement fur la meilleure Légiflation 
que vous puiffiez adopter , d’après les circonftances 
où vous êtes , mais fur la meilleure Légiflation 
pofîible pour l’homme , d’après la connaiffance 
fuflifamment approfondie du fyflême phyfique Bz 
moral de fes facultés. Ici, combien d’opinions 
accréditées j’aurais détruites ; combien il na’eût été 
facile , en me plaçant à l’origine de nos paffions » 
en faifant remarquer l’afHon & la réaélion conti- 
nuelle des Lois fur les Mœurs & des Mœurs fur les 
Lois, de déterminer l’époque précife où la Légifla- 
tîon elle-même nous corrompt par la nature des 
înflitutions qu’elle nous donne , & des préjugés 
qu’elle fait éclore , de fixer enfuite les élémens dont 
il faut qu’elle fe compofe pour être toujours bien- 
faifante & falutaire ; encore une fois , il faut bien 
me pardonner , fi un devoir indifpenfable à remplir 
ne me permet pas de dire à mon gré tout ce que 
î’avais penfé pour la profpérité commune. 

Cependant,- il me refte une Obfervation 
cflentielle à vous communiquer ; je vois qu’on 
paraît fentir enfin la néceflité de tout refaire en 
France > Bc qu’en même-temps qu’on s occupe de 


(S9) 

reconftituer la Nation, on voudrait aulîi procéder 
à îa réforme de fes Lois civiles & criminelles , & 
même de notre fyftême d’Education. J’applaudis 
bien fincérement aux motifs qui ont conduit à 
entreprendre une tâche fi importante & fi délicate j 
mais , cette tâche n’eft-elle pas prématurée ? 

Les Lois civiles , ont pour objet de déterminer la 
manière dont peut s’acquérir , fe conferver j ou fe 
tranfmettre la propriété. 

Les Lois criminelles , ont pour objet de clafier 
les délits , & 'de fixer les peines ( i ). 

Les Lois fur l’Éducation , ont pour objet de 
former des Citoyens , c’efl-à-dire, de faire acquérir 
à un individu quelconque la connaiifance & Vhahî- 
tuâe de fes droits & de fes devoirs relativement 
à la fociété, dont il eO; Membre. 

Or , doit-on s’occuper de toutes ces chofes avant 
que la Nation foie conftituée ? 8c n’eft-ilpas à 
craindre que fi, aéluellement par exemple, on arrê- 
tait des réformes fur ces diverfes efpèces de Lois > 


( I. ) Quoique je penfe que le moment ne foit pas venu 
de réformer les lois criminelles , je me hâte de dire cepen- 
dant que l’intérêt de l’humanité veut qu’au moins , en 
attendant , on pourvoie à ce que le fort des aceufés en 
foit pas abfolument à la diferétion des premiers Juges. 


( 'Co ) 

CCS réformes, ne convînfTent pas à la conftitutîon 
qne nous aurions adaptée ? 

Il y a des rapports effentiels entre la confiitutlon 
politique £an Peuple y & le fyfiême de fes Lois 
civiles 6* criminelles i 6* de fes Lois fur VEdu- 
cation. 

Parce que les Lois civiles ont pour objet la 
manière dont doit s’acquérir , fe conferver ou fe 
tranfmettre la propriété , on lent qu’elles ne fauraien-t 
être les mêmes dans un pays où le vœu de la confti- 
tution eft l’égalité des hommes , que dans un pays 
où le vœu de la conftitution ferait leur inégalité. 

Parce que les Lois criminelles ont pour objet de 
claffer les délits & de fixer les peines , c’efi - à - dire , 
de déterminer en combien de manières on peut 
attenter à l’ordre de la fociété y de calculer en 
même- temps le degré de perverfité que fuppofe 
chaque attentat , 8t le degré de peines qu’il mérite , 
on fent que l’ordre de la fociété n’étant pas le même 
par-tout , & l’homme dans des Ordres de fociété 
dilFérens, n* étant pas modifié de la même manière i 
ce n’efl: pas non plus, d’après les mêmes données , 
qu’il faut procéder à la clafiîfication des délits & 
à la détermination des peines (i). 


(i ^ Ce ferait ici le lieu de parler de notre Ordre judiciaire, 
& de faire remarquer combien il eft nécelfaire de 1 alfo^ 




( 6r ) 

Enfin f pafce que les Lois fur l’Education ont pour 
objet de nous faire acquérir la connaiffance & l’ha- 
bitude de nos droits & de nos devoirs , relativement 
a la fociété à laquelle nous appartenons , on fenc 
encore que luivant les principes d’après lefquels la 

fociété eft conftituée , les droits & les devoirs font 
difFérens, & qu’ainfi, la forme de l’Education ne 
peut être la même que chez les Peuples conflitués 
d une manière femblable 

De toute façon , vous voyez donc que s’il eft fa?e 
depreparer des réformes dans le fyftême de nos 
Lois, il eft prudent peut être n’en arrêter au- 


que , par- 

Ic Nation , en même temn, nntu^ ‘ de 

Corps dépofitaire&feul exécuteur des°acS 

me il eft de Tintérét du Prin^^ o, ^egilîatifs; com« 

Peuple , quelle foit , en quelque foTte*| une 
au milieu de nous, toujours en acliv!fp\î!?® 
re , toujours confultée , qZd Ts’ÎTt Te fT" 
ment , & dans quelle /orme elle! t Itf^/onfol éV- 
me ces formes doivent être fimples afin r ® 
foient promptes ; de quelle façon reponfes 

tant la dignité réelle de nos TriUnaux^Sm"““ ’ ®"fugmen- 

f.on à^âq^ir^kSt 

rable encore que celle oiip in,-»™' ’ P'us confidé- 

6utp.ua de/oifir queiæ7;--\~^^^ « 


cune , que notre conditution politique n’ait ete ir-* 
révocablement déterminée. 

Le grand défaut de la plupart de nos conflitu-. 
tions modernes , c ed que prefque toutes les parties 
qui les compoient , ont été travaillées à part , & 
très- fouvent d’après des principes bppofés. Faut-il 
s’étonner après cela , que ces diverfes parties mifes 
enfemble , le hurtent entr’elles , qu’elles s’embar- 
ralTent plus qu’elles ne s’aident dans leur jeu , 
qu’il y ait fi rarement de l’unité dans leurs mou-- 

vemens ? .-*• 

Au milieu de l’anarchie d’opinions où nous, 
vivons, il faudrait, pour que nous eulTions une 
bonne légiflation , qu’elle fut conçue par une feule 
tête, qui, après avoir étudié nos habitudes bonnes, 
ou mauvaifes , jugé toutes nos inditutions , obferve ^ 
d’après nos mœurs aduelles , de quel dégré d’amé- 
lioration politique , nous pouvons être capables , 
lîous préfenterait en un feul fydeme , & comme 
dépendant d’un feul principe , tout l’enfemble des 
lois qui peuvent nous convemr. Cèlerait a nous 
eniùite à dikuter ces lois , comme ce ferait à un 
tel homme à nous donner la raifon-de chacune, à 
nous faire appercevoir les rapports kcrets qui les 
unident , l’ordre moral quelles peuvent produire , 
l'eur induenee fur le bonheur domedique & la 
proipériré commune. Enfin , fi nous avions le droit , 







( ; 

comme il efl jufle , de profcrire les parties de fon 
plan que nous n'adopterions pas , ce ferait à lui à 
nous apprendre à ne rien admettre du moins que ce 
qui ferait analogue aux parties de fon plan que nous 
aurions adoptées. 

Malheureufement , tout cela n’efl guères prati- 
cable , & il faut bien que plufieurs efprits co-opèrenc 
a la formation du fyfteme de lois qui doivent nous 
gouverner 5 mais , que du moins ceux qui feront 
chargés de cette œuvre importante , n’oublient p3g 
que rien n’alsûre la durée d’une conflitution comme 
l’unité de defîin dans toutes les parties , qu’entre 
deux conflitutions à choifir , celle qui offre un carac- 
tère plus hardi dans fon enfemble , fi elle n’ell corn- 
pofée que de matériaux qui fe heurtent & fe tour- 
mentent , n’eft pas à préférer à celle qui , offrant un 
caraélère moins frappant au premier coup-d’œil , 
préfente plus de rapports , plus de liaifons , pl us d'or- 
donnance dans fes détails, que fi , fous l’empire de îa 
première , il fe développe de plus fortes & de plus 
grandes pallions , fous l’empire de la fécondé il fe 
développe des habitudes plus profondes & plus dou- 
ces , ôc que fl la paix à maintenir parmi Us hommes . 
doit être V objet de toutes les con^àtuîlons focïales ; 
s’il n’exifle point de paix parmi les hommes fans des 
habitudes douces & profondes ^ il n’y a pas a héfiter 
entre la conflitution qui nous donbe ces habitudes ^ 


(^) 

& celle qui «e nous permet pas de les acque'rir. 

E N voilà bien affez : & ftrieufement je crois 
qu’il eft temps de finir. Je vous répète que vous 
ii’avez ici qu’une très-petite partie des idees qui fe 
font affemblées dans ma tête depuis que nous nous 
occupons de conftitution , lur-tout qu’il y a infini- 
ment loin du peu que je vous ai expofé dans cette 
l.ettre , à l’Ouvrage que j’ai annoncé , & qu’il ne 
m’a pas lencore été permis d’entreprenare ; mais , 
entre les idées que je vous prefente , tout incom- 
plettes qu’elles font , il me femble qu il en eft 
qui méritent d’être méditées avec quelque foin , & 
que du moins , toutes ont cette utilité quelles ten- 
dent à rapprocher les efprits divifés , à faire remar- 
quer les. écueils qu’il nous faut éviter , fi, dans chaque 
ordre , nous nous occupons lérieulement d acquérir 
«ne conftitutlon raifonnable , & à nous donner quel- 
que point de vue commun dans tout ce que nous en- 
treprendrons pour la déterminer & l’obtenir (t). 

Je fuis , &c. - 


( I ) Je ne fais , fi je me trompe , maio lî me ica ^ 
dam l’ordre de chofe que je propole , fur-tout ^ 

rai développé dans toute fon etendue , tous 
nul ne perd de ce qu’il pofléde , que tandis , par exemple , 

Suek pouWr réel du Prince s’accroit , la liberté de la Na- 

non augmente , & qu’il n’efl: aucune claife de Citoyens^.^au 
rnros dans l’Etat qui fe trouve dépouillé de fes p-e_ 
rivéé,'qut , car U faut bien en convenir., 

tout le fydême de ce que nous avons appelle notre 
î-üiion foit changé. y v, 

FIN.