M. Petrov, L. Mikhilev, Y. Koukouchkine
CHIMIE
MINÉRALE
Éditions Mir Moscou
M. M. HETPOB
JI. A. MUXHJIEB
10. H. KYKYIHIKHH
HEOPTAHHUECKRKAA
XUMHA
H3HATEJIECTBO «XHMHA»
JIEHHHTPAJ
M. PETROV, L. MIKHILEV, Y. KOUKOUCHKINE
CHIMIE MINÉRALE
ÉDITIONS MIR :- MOSCOU
Traduit du russe par
EUGÈNE OUMANSKI
Ha fpanyyscxom sasuke
© Manarenberso «Xnmna»s 1981, c uamenenuaux
© Traduction française Editions Mir 1984
V-
TABLE DES MATIÈRES
INTTOQUCTION. à. 3 sis es à US se ds Med se ee
$ 1. Rôle de la chimie dans le développement de l’industrie et de l’agricul-
EURB 2 D 2 er /eSPUD PR nn ie Dre dr here
$ 2. Fotos fondamentales de la chimie. Matière et corps. Objet de la
Chimie Le de LORS a es Rd ei eo des
$ 3. Lois stoechiométriques du point de vue de la théorie atomique et
moléculaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . TT
$ 4. Degrés d'oxydation des éléments. Classes des composés minéraux.
Nomenclature 4 2 4 du um & e ee-se oh eu melon
Chapitre premier. STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION PÉ-
RIODIQUE ET LOI PÉRIODIQUE DE MENDÉLÉEV
Structure ATOMIQUE. 4... 20 à 8. ee de ie Le va 2 Nu ner 8 A 6e 6 de
$ 5. Modèële planétaire de l'atome . . . . . . . . . . . . . . . . .
8 6. Radioactivité. Réactions nucléaires
S- 7: "Atome de BON à: 4.2 44 à 4 ie nu Ur à di dus e ste à
$ 8. Proprietés a ts et ondulatoires du microunivers . . . . .
$ 9. Atomes polyélectroniques . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Propriétés périodiques des éléments chimiques
$ 10. Structure électronique des atomes . . . . . . . . . . . . .
$ 11. Rayons atomiques . . . . .
$ 12. Energie d'ionisation des atomes et affinité électronique
$ 13. Structure de la classification périodique de Mendéléev
$ 14. Historique de la découverte de la loi de périodicité
$ 15. Portée de la loi de périodicité . . . . . .. . . . . . . . . . .
$ 16. Modèle de l’« enveloppe » nucléaire de l'atome et stabilité des isoto-
Chapitre 11. LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLECU-
RS ES nn SANS US 2 er D'ooio es à
18. Caractéristiques principales de la liaison chimique . . . . . . .
19. Mécanismes de formation des liaisons chimiques . . . . . . . .
20. Rupture homolytique et hétérolytique des liaisons chimiques . . .
21. Liaisons multiples
22. Orientation des liaisons et hybridation des orbitales atomiques , .
23. Caractéristiques principales des molécules
24: Liaison hydrogène
ar 2838 8 SRE 5
SS
PSLELSS D
6 TABLE DES MATIÈRES
$ 25. Description de la liaison chimique dans la méthode des orbitales mo-
léculaires (OM): 3 4 5 D su QAR à Li à Moi à
$ 26. Interaction entre molécules
ÿ 27. Liaison métallique ....................
$ 28. Semiconducteurs et isolants
Chapitre 1114 RÉACTIONS D'OXYDOREDUCTION . . .
$ 29. Traits caractéristiques des réactions d’oxydoréduction
$ 30. Série de tensions . . . . . . . .. . . . . . . . . . + . . .
$ 31. Variation des propriétés oxydoréductrices des éléments en fonc-
tion de leur structure atomique . . . . . . . . . . . . . . .
$ 32. Principaux oxydants et réducteurs. Types des réactions d’oxydo-
réduction
$ 35. Energie interne et enthalpie
8 36. Energie de Gibbs et entropie . . . . . . . . . . . . . . . . .
$ 37. Conséquences de la loi de Hess
Chapitre V. CINÉTIQUE} CHIMIQUE ET ÉQUILIBRE CHIMIQUE .
$ 38. Vitesse des réactions chimiques. Loi d’action de masse
8 39. Equilibre chimique .................. ..
$ 40. Principe de Le Chatelier
Chapitre VI. PROPRIÉÊTÉS DES SOLUTIONS
8 41. Nature des solutions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
$ 42. Concentration des solutions et son expression . . . . . . . . . .
$ 43. Diffusion et osmose. Pression osmotique des solutions
8 44. Diminution de la tension de vapeur des solutions
Chapitre VIJ. SOLUTIONS ÉLECTROLYTIQUES . . . . . . . .
& 45. Traits caractéristiques des solutions électrolytiques . . . . . . .
$ 46. Théorie de la dissociation électrolytique . . . . . . . . . . .
$ 47. Dissociation des électrolytes. Degré et constante de dissociation .
$ 48. Loi de dilution. Dissociation graduelle
$ 49. Réactions ioniques
& 50. Hydrolyse des sels
S:91: Electrolyse. . 5 su Lu is Si s EE Sa de 4 à
$ 52. Sources chimiques de courant électrique
Chapitre VIII. SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VII . ..
HYAPOPÈNS LL LL LL ELA Lai iLREe SRE
$ 53. Hydrogène à l'état naturel . . . . . . . . . . . . . . . . . .
& 54. Préparation et propriétés de l’hydrogène
Halogènes 12:02 SR AR ee à
S 09: Généralités. à 2.2 Sen eue de. 0 ù a Li digue ee
8 56. Propriétés physiques des halogènes . . . . . . . . . . . . . .
$ 57. Propriétés chimiques des halogènes
$ 98. Halogènes à l'état naturel
$ 59. Préparation des halogènes
NV
TABLE DES MATIÈRES 7
$ 60. Halogénures d'hydrogène, acides halohydriques et leurs sels . . . 225
8 61. Combinaisons oxygénées des halogènes . .. . . . . . . . .. 227
$ 62. Applications des halogènes et de leurs composés . . . . . . . . 232
Chapitre IX. SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI . . . .. 233
S 63: Généralités! 4 2 4 Li de 5 she eus Ra 233
Oxveehé sis re au ss ad Sd ire de en 234
$ 64. Propriétés et obtention de l'oxygène. Oxygène à l’état naturel et
SON FOÏGT 222 718 D à ed 6 De Jet 18 où 6 Don AS do D dre du 234
69. -O70n8 s'en ue D de M 0e D ra ee 0 rie ee Ge 236
Principales combinaisons de l'oxygène . . . . . . . . . . . . . . . 237
SD: Bad LS LS PR RS RS RAS NS ee de SUR. 237
8 67. Peroxyde d'hydrogène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 240
SOUIT 1 LL Gh.are on D oe a US UND eee à sie à 242
8 68. Propriétés et applications du soufre . . . . . . . . . . . . . . 242
$ 69. Soufre dans la nature. Préparation du soufre . . . . . . . . . . 244
$ 70. Combinaisons du soufre avec l'hydrogène et les métaux . . . . . 245
$ 71. Combinaisons oxygénées du soufre . . . . . . . . . . . . . . 247
$ 72. Applications et production de l'acide sulfurique . . . . . . .
$ 73. Acides persulfurique et pyrosulfurique . . . . . . . . . . . . . 256
$ 74. Cycle du soufre dans la nature . . . . . . . . . . . . . . . . 258
Sélénium.et tellure 2 4: 5 à 2 à à 8 à 4% à Us à & à "6 à ot 258
$ 75. Propriétés et applications du sélénium et du tellure . . . . . . . 258
$ 76. Propriétés des combinaisons du sélénium et du tellure . . . . . . 260
Chapitre X. SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V M... . .. 264
S r11.-Generalilés js uen ss eee se sé Digg 264
ALOE: ie Se le ie) & a dérn de SN Sue as 265
8 78. Propriétés et applications de l'azote. Azote dans la nature . . . . 265
$ 79. Ammoniac et ses dérivés . . . . . . . . . . . . +. + + + + . 267
$ 80. Procédés de préparation de l’ammoniac . . . . . . . . . . . . 274
8 81. Applications de l’ammoniac et des sels d'ammonium . . . . . . 273
$ 82. Combinaisons oxygénées de l'azote . . . . . . . . . . . . . . 274
8 83. Acide nitrique et ses sels . . . . . . . . . . . . . . . . . . 276
Phosphore. 2 SSSR SUR er Reese 280
$ 84. Propriétés et préparation du phosphore. Phosphore dans la nature 280
$ 85. Combinaisons hydrogénées du phosphore . . . . . . . . . . . 282
$ 86. Combinaisons oxygénées du phosphore . . . . . . . . . . . . 283
$ 87. Production des engrais minéraux . . . . . . . . . . . . . . . 285
Arsenic. antimoine, bismuth . . .. . . . .. .. .. .. .. . . . . . . . 288
$ 88. Généralités. Etat naturel de As, Sbet Bi . . . . . . . . . . . 288
& 89. Arsenic et ses combinaisons . . . . . . . . . . . . . . . . .
$ 90. Antimoine, bismuth et leurs composés . . . . . . . . . . . . 291
Chapitre XI. CARBONE, SILICIUM, BORE M... . . . . . . . . . 294
S 91." Généralités |: 354 De à 5 à aude Le se no a et bus 294
CarDONé. 5 Lis semi red ses sure mets 294
8 92. Carbone à l’état naturel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29%
$ 93. Charbon. Adsorption sur le charbon. Noir de carbone . . . . . . «298
$ 94.. Propriétés chimiques du carbone . . . . . . . . . . . . . . LAIT
8 TABLE DES MATIERES
& 95. Combinaisons oxygénées du carbone
SUICIUM NS 2 De de a es nan te de D res 309
8 96. Préparation, propriétés et applications du silicium . . . . . . . 309
8 97. Combinaisons hydrogénées du silicium . . . . . .. . . . . .. 310
$ 98. Combinaisons oxygénées du silicium . . . . . . . . . . . . . 311
BOIG Hi 2 Lee nn are ON ere AU Re Die, ini Dre el 316
$& 99. Bore dans la nature. Propriétés et préparation . . . . . . . . . 316
8 100. Combinaisons hydrogénées du bore . . . . . .. . . . . . . . 318
$ 101. Combinaisons oxygénées du bore . . . . . . . . . . . . . . 319
Chapitre XII. COMPLEXES ................... 321
& 102. Théorie de la coordination de Werner . . . . . . . . . . . . . 321
$ 103. Nomenclature des complexes . . . . . . . . . . . . . . . 325
$ 104. Isomérie des complexes . . . . . . . . . . . . . . . . . 326
$ 105. Règle des cycles de Tchougaïev. Effet de chélation . . . . . . . 328
$ 106. Liaison chimique dans les complexes . . . . . . . . . . . 330
Chapitre XIII. MÉTAUX . .................... 333
& 107. Généralités ................... . . .. 333
$ 108. Propriétés chimiques des métaux . . . . . . . . . . . . . . 335
$ 109. Extraction des métaux de leurs minerais . . . . . . . . . . . 338
S- 110 AMIADES = sue HS LS sure di Dos D D Se ait 341
8 111. Corrosion des métaux . . . ee...
Métaux du sous-groupe principal du groupe I (métaux alcalins) . . . . 349
+ 112: Génerahiles 4 Sn 2 in vie De die des drees 349
$ 113. Propriétés des métaux alcalins . . . . . . . . . . . . . .. 349
$ 114. Métaux alcalins à l’état naturel. Préparation et applications . . 352
Métaux du sous-groupe secondaire du groupe I (famille du cuivre) . . . 354
s 115.-Genéraliles sun JS a mi sie sad nee 354
$ 116. Propriétés du cuivre, de l’argent et de l'or . . . . . . . . . . 355
$ 117. Etat naturel des éléments de la famille du cuivre. Préparation et ap-
DicatiOns ass Da bs D'ou as à ee Du à 357
Métaux du sous-groupe principal du groupe II... . . . . . . . .. 359
$:118: Générales LL IS AS SLR RES N SSH 359
$ 119. Propriétés du béryllium, du magnésium et des métaux alcalino-
DOFUS 5 55 D 2 es DA ii Mode an ai ee ue *. . 360
$ 120. Calcium et ses composés .. . . . . . . . . . . . . . . . . 362
8 121. Dureté de l’eau et son élimination . . . . .. . . . . . . . . . 363
$ 122. Etat naturel des éléments du sous-groupe principal du groupe II.
Préparation et applications . . . . .. .. . . .. .. . . . . . . . 365
Métaux du sous-groupe secondaire du groupe II (famille du zinc) . . . . 366
8 123. Généralités . . . . . .. . 366
$ 124. Propriétés du zinc, du cadmium et du mercure . . . . . . . . 367
$ 125. Eléments de la famille du zinc dans la nature. Préparation et ap-
DAICALIONS: EE me Lies set male ve Nr gaie at et de Ne 369
Métaux du sous-groupe principal du groupe 111
8 126. Généralités . . . . . . .. . . . . .…. . . . . . . . . . . 371
$ 127. Propriétés de l'aluminium, du gallium, de l’indium et du thalli-
um
$ 128. Etat naturel des éléments du sous-groupe principal du groupe 111.
TABLE DES MATIÈRES 9
Métaux du sous-groupe secondaire du groupe 111. Lanthanides et actinides 376
6 129. Généralités … . à 4 4 3 4 + + + 4 à 4 à à à 4 à à à 2 316
$ 130. Propriétés des métaux de la famille du scandium . . . . . . . . 371
$ 131. Eléments de la famille du scandium dans la nature. Préparation
él aPpliCAtIONS 3: Se Las u es L'Ha Ere & din & 318
$ 132: Lanthanñides ::. 2 214 5 à » 3 LL a 4 a & & BH & & 318
8 193: ACtIMiIdeS in Sd De bé Ds er de 383
Métaux du sous-groupe principal du groupe IV (famille du germanium) 388
$ 134. Généralités ....................... 388
$ 135. Germanium et ses combinaisons . . . . . . . . . . . . . . . 388
$ 136. Etain et ses combinaisons . . . . . . . . . . . . . . . . . 389
$ 137. Plomb et ses combinaisons . . . . . . . . . . . . . . . . . 391
$ 138. Etat naturel des éléments de la famille du gerimanium. Prépara-
tion et applications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 392
Métaux du sous-groupe secondaire du groupe IV (famille du titane) . . . 393
S 1939. Géneralltes | 2 Le Sue ne ed M Se 393
$ 140. Propriétés du titane, du zirconium et du hafnium . . . . . .. 394
$ 141. Etat naturel des éléments de la famille du titane. Préparation et
APDIICAUODS - ss si Leu ds Lisa Ress 396
Métaux du sous-groupe secondaire du groupe V (famille du vanadium) . . 397
s 142: Generalites:, . ss LS ue am sas died à 397
& 143. Propriétés du vanadium, du niobium et du tantale . . . . . . . 398
$ 144. Etat naturel des éléments de la famille du vanadium. Prépara-
tion et applications . . . . . .. . .. .. .. . . . . . . . . . . 399
Métaux du sous-groupe secondaire du groupe VI (famille du chrome) . . . 400
$ 149: Généralités: 2 2% dus du Sa SUR De os 400
$ 146. Propriétés du chrome, du molybdène et du tungstène . . . . . . 401
8 147. Combinaisons du chrome . . . . . . . . . . . . . . . . . . 402
$ 148. Composés du molybdène et du tungstène . . . . . . . . . . . 404
$ 149. Eléments de la famille du chrome à l’état naturel. Préparation et
APDLICAUIONS 8 4 due loi dei 0 le ce: Noa ie Greg 0 404
Métaux du sous-groupe secondaire du groupe VII (famille du manganèse) 407
$ 150. Généralités . . . . . .. . . .. . . . .... . . . . . . . . . 407
$ 151. Manganèse et ses composés .. . . . .. .. .. .. . . . . . . . . 407
8 152. Technétium et rhénium . . . . . . .. . . . . . . . . .. 410
$ 153. Eléments de la famille du manganèse dans la nature. Préparation
ÉL'ADPIICAUONS: à sis és Lorean em dada 411
Métux du sous-groupe secondaire du groupe VIII (famille du fer) . . . 414
$ 154. Généralités . . . . . .. . ... .... ...... ... . . . .. 414
$ 155. Fer et ses combinaisons . . . . . . . . . . . . . . . . . . 414
$ 156. Cobalt et ses combinaisons .. . . . . . .. .. . . .. . . .. 417
$ 157. Nickel et ses combinaisons .. . . . . .. . . . . .. . . . . . 418
$ 158. Etat naturel des éléments de la triade du fer. Préparation et appli-
CAUIODS OR ES sed ras Nid dr nd à ai ed Don 419
Platimoides: sis miam ss ee at Mises La saw 424
S 199: "Généralités. 2 4. à à à Lea 6 4 ue Due D he & dd ina 424
8 160. Propriétés des platinoïdes . . . . . . . . . . . . . . . .. 425
$ 161. Platinoïdes dans la nature. Préparation et applications . . . . . 427
Chapitre XIV. GAZ RARES ................... 428
1162:-Générahtés. 2. 3 22 JS: ua dus LE R os dass 428
40 TABLE DES MATIRRES
$ 163. Propriétés des gaz rares . . . . . . . . . . . . . . . . . .
$ 164. Préparation et applications des gaz rares . . . . . . . . . . .
Chapitre XV. PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT ET RECUPE-
RATION DES SOUS-PRODUITS DE L'INDUSTRIE CHI-
NIQUE Se en ie ne ne Ron
$ 165. Pollution du milieu environnant par les résidus industriels . . .
$ 166. Protection de l'environnement . . . . . . . . . . . . . . .
$ 167. Récupération des déchets et des sous-produits de l’industrie chi-
MIQUE NS 2 eee dd Dino nd a D ide a ia ds ee
Conclusion. Rôle de la chimie dans la représentation scientifique du
IMONDE. sand De era in Sa ete eve ira
ARNO . Sn. en 08 NU St de Disons dre dla
Quelques problèmes types . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . .
Index des DONS Li dei ss oes ei e isa Les
Index des matières . . . . . . .. . . . ee ee «+ + à ns
INTRODUCTION
$S 14. Rôle de la chimie dans le développement de l’industrie et de
l’agriculture. Quatre industries clefs ont été énumérées au 26° Con-
grès du PCUS: production de l'électricité, métallurgie, chimie et
constructions mécaniques. La chimie se trouve donc parmi les indus-
tries qui déterminent le développement de notre économie natio-
nale. Elle constitue la base non seulement de l’industrie chimique et
de la pétrochimie, mais aussi de l’industrie des matériaux de cons-
truction, de l’industrie pharmaceutique. On peut dire avec certitude
qu’il n'existe aujourd'hui aucune branche de l’économie nationale
qui pourrait se passer des produits fournis par l’industrie chimique :
cela est vrai aussi bien pour les constructions mécaniques que pour
l'industrie légère ou l’agro-alimentaire.
L'industrie chimique, plus que toute autre activité industrielle,
est décisive pour le progrès de notre civilisation, car, quoi qu'il
fasse, l’homme se retrouve partout en face des corps au sens chimi-
que de ce mot. La chimie et l’industrie chimique lui donnent la
possibilité de créer, en connaissance de cause, des matières nouvelles
qui n'existent pas dans la nature. On connaît à ce jour plus de 6 mil-
lions de composés chimiques dont le nombre s'accroît annuellement
d'environ 200 000, près de 40 000 nouveaux composés étant obtenus
en Union Soviétique. Dans notre pays on construit chaque année
quelque 2 000 nouvelles usines chimiques.
Il faut insister sur le fait que notre industrie chimique n'existe,
pratiquement, que depuis la Grande Révolution Socialiste d'Octobre.
La Russie tsariste était riche de chimistes éminents qui ont fait la
gloire de la science russe: Lomonossov, Mendéléev, Boutlérov, Zi-
nine. Pourtant, les conditions économiques et sociales de l’époque
ne permettaient pas de traduire en réalisations industrielles les
progrès de la science. La Russie d'alors présentait un exemple
éclatant de la contradiction entre un niveau élevé de la science chi-
mique et un état arriéré de l’ensemble de l'industrie du pays.
La situation a totalement changé dès les premières années du
pouvoir soviétique. Au cours de la période postrévolutionnaire
particulièrement dure pour notre pays (1918-1922) on fonde sept
42 INTRODUCTION
centres d’études chimiques. Le rôle de ces établissements scientifi-
ques a été déterminant pour la création, relativement rapide, d'une
nouvelle industrie nationale, l’industrie chimique.
Notre industrie chimique d'aujourd'hui est une branche immense
et puissante de l’économie nationale. La part des produits chimiques
dans la production globale est bien importante. De 1971 à 1980, la
production de l’industrie chimique et pétrochimique a plus que dou-
blé. Cela est dû, essentiellement, à l'efficacité élevée des produc-
tions chimiques: l’industrie chimique est une des plus rentables.
Ainsi, une tonne de polymères utilisée dans les constructions méca-
niques fournit une économie de 6 000 roubles. Cela explique pour-
quoi, au cours des derniers 15 ans, les investissements alloués à
l’industrie chimique ont constitué près de 10 % de la totalité des
capitaux investis dans l’industrie nationale.
La productivité du travail et l'efficacité économique des pro-
ductions chimiques s’accroissent considérablement lorsqu'on utilise
des installations de grande puissance unitaire. Il existe en U.R.S.S.
des installations qui produisent, par jour, 350 tonnes d'acide sul-
furique (procédé par contact), ce qui est une performance mondiale.
Bientôt on construira (le projet en est déjà prêt) des unités d’une
puissance de 1350 t/jour. Actuellement, on met en œuvre des ihstal-
lations de fabrication d'acide nitrique (1400 t/jour), tandis que des
unités de production d’ammoniac, également les plus puissantes du
monde (plus de 1000 t/jour) sont en service depuis longtemps déjà.
Il est important de noter que ces installations fonctionnent pratique-
ment sans consommer de l'énergie venant de l’extérieur. L'énergie
nécessaire à leur marche se dégage au cours des réactions chimiques
qui sont à la base de ces procédés de fabrication. On peut dire qu une
seule de ces unités de production d’ammoniac est égale en puissance
à toutes les installations dont notre pays disposait en 1948.
Une large utilisation des produits de l’industrie chimique par
les différentes branches de l’économie nationale a, pour ces dernières,
des conséquences aussi bien quantitatives que qualitatives. Ainsi,
la coupe et le forgeage cèdent de plus en plus leur place dans les
constructions mécaniques au façonnage par coulage ou par pressage
des matières plastiques, des résines synthétiques et des caoutchoucs,
parfois combinés au bois, à la céramique, au métal. Cela veut dire
qu’à la place des machines-outils pour usinage par coupe on a be-
soin des machines capables de donner une forme aux pièces fabriquées
par coulage, cylindrage, boudinage, etc. Certaines branches de l’in-
dustrie légère sont rénovées de façon radicale. Ainsi, par exemple,
au lieu de coudre les vêtements et les chaussures en matériaux tra-
ditionnels, on colle et soude de nouveaux matériaux synthétiques.
Une des plus importantes tâches économiques. de l’industrie chi-
mique consiste à contribuer à assurer une meilleure productivité de
l'agriculture. Pour cela, il faut avant tout accroître encore les capa-
$ 1] ROLE DE LA CHIMIE DANS L'INDUSTRIE 143
cités de production d’engrais chimiques. Comme l’a décidé le 26°
Congrès du PCUS, on en produira vers la fin du onzième quinquen-
nat 150 à 155 millions de tonnes par an. On prévoit non seulement
d'augmenter les quantités produites, mais aussi, ce qui est très
important, d'élever les teneurs moyennes en substances nutritives
(azote, phosphore et potassium). Ces teneurs plus élevées en éléments
fertilisants sont d’un très grand intérêt, car cela permet de transpor-
ter les engrais chimiques à moindres frais, le « poids mort » étant
réduit au minimum. Îl faut souligner qu'il arrive de transporter ces
engrais à des distances considérables.
Améliorer la productivité de l’agriculture, c'est aussi fabriquer
plus d’insecticides, de désherbants et de fongicides, ainsi que de
condiments d'origine chimique.
On continuera de développer d'une façon accélérée une des bran-
ches clefs de l’industrie chimique: production de résines synthéti-
ques et de masses plastiques. On dit que le XX s. est le siècle des
polymères. De 1980 à 1985, la production de polymères atteindra 6
à 6,25 millions de tonnes par an. Un tel accroissement rapide de la
production permettra d'assurer, dans les années à venir, un appro-
visionnement sensiblement meilleur en ces matériaux des branches
les plus importantes de l'économie nationale et, notamment, d'en
élargir l’utilisation dans les constructions mécaniques, dans le
bâtiment, dans la fabrication de tuyaux, de matériaux d'emballage
et de conditionnement.
Le développement de notre industrie automobile, la création
d'un grand effectif de camions-benne à fort tonnage et de scrapers
exigent un accroissement brusque de la production de pneus qui doi-
vent, de plus, présenter une meilleure résistance à l'usure. Voilà
pourquoi, en conformité avec les décisions du 26° Congrès du PCUS,
on produira beaucoup plus de caoutchoucs synthétiques qui rempla-
cent parfaitement le caoutchouc naturel.
Les fibres chimiques jouent un rôle toujours plus important dans
la fabrication d'articles de consommation courante et de divers arti-
cles à usage industriel. Leur part s'élève aujourd’hui à 30 % dans
l’industrie textile et à plus de 50 % dans l’industrie de la chaussure
et de la mercerie. Il est prévu d'augmenter de 36 % la production
de fibres artificielles au cours du onzième quinquennat.
Le Programme du Parti Communiste de l’Union Soviétique, do-
cument qui définit les objectifs principaux de notre Etat, énonce:
« Une des plus grandes tâches consiste à développer par tous les
moyens l’industrie chimique, à utiliser de façon complète, dans
toutes les branches de l’économie nationale, les réalisations de la
chimie moderne qui élargit immensément les possibilités de la crois-
sance de la richesse nationale, de la fabrication de nouveaux moyens
de production et articles de large consommation, plus perfectionnés
et moins chers. »
14 INTRODUCTION
$ 2. Notions fondamentales de la chimie. Matière et corps.
Objet de la chimie. Le monde qui nous entoure est matériel, consti-
tué par les diverses formes de la matière: corps et rayonnements
(champs). La chimie, une des sciences les plus anciennes, étudie
les corps.
On appelle corps la matière qui possède une masse au repos * et
qui se caractérise, dans des conditions déterminées, de propriétés
physiques et chimiques constantes.
On range parmi les corps les particules élémentaires **, les ato-
mes, les molécules ainsi que les gaz, les liquides et les solides qui en
sont constitués.
La caractéristique principale des rayonnements est leur énergie.
L'exemple en est fourni par la lumière ou les rayons X.
C'est la masse qui a servi pendant longtemps de critère pour dis-
tinguer entre corps et rayonnement. Pourtant, au début de notre
siècle, Einstein a établi que la masse m et l'énergie Æ sont liées par
la relation £ = mc* où c est la célérité de la lumière. Il découle de
cette relation qu'une certaine quantité d'énergie correspond à une
certaine masse et vice versa. La masse et l’énergie sont deux caracté-
ristiques de la matière.
La variabilité paraît être la propriété fondamentale de la matière.
Une des tâches principales de la chimie est donc l’étude des variabi-
lités des corps ou, autrement dit, des processus de leur transforma-
tion. Les propriétés d’un corps étant fonction de sa composition et de
sa structure, on peut définir la chimie comme une science étudiant les
corps, leur constitution, leurs propriétés et leurs transformations.
L'étude de la constitution et des propriétés, la détermination
des mécanismes et des lois de la transformation des corps naturels
sont également nécessaires afin de résoudre un autre problème extré-
mement important: obtenir par voie artificielle (synthétique) des
corps déjà créés par la nature, ainsi que des corps que l'on ne ren-
contre pas à l'état naturel. On peut donc dire que la chimie ne se
limite pas à l’étude des corps naturels, mais crée elle-même de la
matière à étudier.
Chaque année on obtient une multitude de substances inexistan-
tes à l’état naturel, mais qui possèdent des propriétés très précieu-
ses, par exemple certains types de polymères.
* La masse est la propriété qui caractérise l’attraction gravitationnelle ou
l’inertie d’une particule lors du changement de son état.
Poids et masse sont deux notions différentes. Le poids d’un corps diminue
au fur et à mesure qu'il s'éloigne de la surface terrestre, alors que sa masse de-
meure inchangée. Les objets éloignés dans l'espace n'ont pas de poids (« état
d’apesanteur »), mais possèdent la même masse qu'au sol.
** Aujourd’hui, on voit se développer non seulement la physique, mais aus-
si la chimie des particules élémentaires. La chimie du proton est assez bien étu-
diée. Il existe déjà des monographies consacrées à la chimie de l’électron.
$ 2] NOTIONS FONDAMENTALES DE LA CHIMIE 15
L’obtention de corps par voie artificielle est une tâche importan-
te et passionnante de la chimie. Mais la nature recèle encore pas mal
de transformations chimiques, dont les mécanismes restent cachés
aux chercheurs. La découverte de ces secrets de la nature apporterait
d'immenses avantages matériels. Ainsi, pour fixer l’azote atmosphé-
rique sous forme de ses combinaisons, l'industrie est obligée de
réaliser des conditions extrèmement rigoureuses. La synthèse de
l'ammoniac à partir d'azote et d'hydrogène se fait sous une pression
élevée (des milliers de pascals) et à haute température (plusieurs
centaines de degrés); pour synthétiser l’oxyde d’azote (II) à partir
d’azote et d'oxygène, il faut une température de l’ordre de 3000 °C.
Or, les bactéries des nodosités des légumineuses fixent l’azote atmos-
phérique dans les conditions normales *. Ces bacteries disposent de
catalyseurs plus perfectionnés que ceux utilisés par l’industrie. La
seule chose que l’on sait pour l'instant, c'est que ces catalyseurs
biologiques renferment toujours les métaux: molybdène et fer. La
chlorophylle qui permet aux végétaux d’assimiler le dioxyde de
carbone, toujours dans les conditions normales, est un autre exemple
de catalyseur très efficace.
Propriétés des corps. Les propriétés (qualités particulières) se
manifestent essentiellement dans les changements des corps. Ainsi,
la qualité caractéristique de l’éther est sa volatilité; pour le fer
c’est la susceptibilité à la corrosion. Les propriétés des corps peuvent
être physiques et chimiques. Densité, dureté, couleur, état d’agréga-
tion, points d’ébullition ou de congélation, etc., sont des propriétés
physiques. Les processus liés aux changements des propriétés physi-
ques (fusion de la glace, variation de la dureté lors du chauffage ou
du refroidissement des corps) sont des processus physiques. Au cours
des changements physiques les molécules des corps demeurent in-
changées.
Les propriétés chimiques se manifestent dans les transformations
des corps: elles sont caractérisées par l’aptitude des corps à interagir
dans les réactions. On appelle réaction chimique le processus au cours
duquel des corps se transforment en d’autres corps. Une réaction
chimique suppose toujours que des molécules ou des atomes se trans-
forment en nouvelles molécules ou atomes séparés. Ainsi, la décom-
position de l’eau en hydrogène et oxygène ou la combustion du so-
dium dans le chlore avec formation de chlorure de sodium sont des
transformations chimiques qui sont à leur tour l'expression des
propriétés chimiques des corps.
Eléments chimiques. Encore les Anciens considéraient que le
monde était constitué par un petit nombre d'éléments. Ainsi, pour
Aristote tous les corps étaient des combinaisons de quatre éléments:
* On appelle normales les conditions de l’état d'un corps à une température
de 25 °C et une pression de 0,1 MPa (0,1 MPa = 105 Pa — 760 mm Hg = 1 at.)
16 INTRODUCTION
l'air, la terre, l’eau et le feu. Plus tard, on y rajouta plusieurs élé-
ments chimiques connus jusqu'à nos jours.
Avec l'invention de la balance analytique (milieu du XVII s.)
débute la période des études quantitatives des transformations chi-
miques. Ces études conduisirent à l’idée que si une combinaison est
décomposable en deux ou plusieurs corps de moindre masse, un corps
simple (élément) ne peut être décomposé.
Lorsqu'on a mieux connu la structure atomique, la notion d’élé-
ment a reçu un contenu nouveau.
Un élément chimique est l’ensemble des atomes ayant même char-
ge nucléaire. La charge nucléaire coïncidant avec le numéro d'ordre
(nombre atomique) que chaque élément possède dans la classifica-
a)
Fig. 1. Réseaux cristallins des variétés allotropiques du carbone :
a — diamant ; b — graphite
tion périodique de Mendéléev, il est possible de définir l'élément
chimique comme ensemble des atomes ayant même numéro atomique.
A l’époque où Mendéléev créait son tableau périodique, on ne
comptait guère que 63 éléments chimiques. Nous en connaissons
aujourd'hui de façon certaine 105 et, selon des informations qui
appellent encore une confirmation, on aurait déjà obtenu le 106:
élément. 18 éléments ne se rencontrent pas dans la nature: on les
a obtenus par voie artificielle.
Corps simple et composé chimique. Un corps simple est constitué par
les atomes d’un même élément chimique. Pourtant, un élément chi-
mique peut donner lieu à plusieurs corps simples. Le diamant et le
graphite sont tous les deux des corps simples. L'un comme l’autre
ne sont constitués que d’atomes de carbone. Cependant, leurs pro-
priétés chimiques et, surtout, physiques ne sont pas les mêmes. Un
autre exemple est fourni par les deux formes du phosphore: blanc et
rouge. |
L'existence de corps simples sous plusieurs formes a reçu le nom
d'allotropie, chacune de ces formes étant une variété allotropique.
$ :] NOTIONS FONDAMENTALES DE LA CHIMIE 17
Elles se distinguent les unes des autres soit par le nombre d’atomes
dans la molécule (par exemple l’oxygène O, et l’ozone O;), soit par une
disposition relative particulière des atomes. La figure 1 montre les
arrangements atomiques dans les réseaux cristallins du diamant et
du graphite.
Les composés chimiques sont aussi homogènes que les corps sim-
ples, mais, à la différence de ces derniers, les composés comportent
des atomes de plusieurs éléments.
De mème que les corps simples, les composés chimiques peuvent
parfois cristalliser sous plusieurs formes qui se caractérisent par une
disposition différente des atomes et des molécules à l’intérieur du
réseau cristallin.
L'aptitude d’un même corps à former des cristaux de formes
différentes suivant les conditions de la cristallisation est appelée
polymorphisme. Le diamant et le graphite en sont des cas particu-
liers. Sous certaines conditions, les formes polymorphes sont parfois
transformables l’une dans l’autre. Dans ce cas, il y a également va-
riation des propriétés du corps, de sa densité ou de son point de fu-
sion par exemple.
Le phénomène de polymorphisme est particulièrement caractéristique,
par exemple. de la silice où le silicium est combiné à l'oxygène. Il en existe
près de 13 formes polymorphes interconversibles à différentes températures,
dont les densités varient assez sensiblement. Ainsi, le quartz bêta a une densité
de 2650 kg/m*, alors que celle de la cristobalite alpha s'élève à 2220 kg/ms.
L’interconversion des différentes formes polymorphes de la silice peut être
représentée comme suit:
573 °C 1050-1200 °C
Quartz bêta Que alpha =
128 °C
Z Cristobalite alpha => Matière fondue
253 °C
Cristobalite bêta
Lorsque le passage d’une forme polymorphe à une autre se fait
de façon réversible et à une température inférieure au point de fusion
du corps initial, une telle transformation est dite énantiotrope. Si,
par contre, ce passage s'effectue à une température supérieure au
point de fusion du corps de départ, on a affaire à une transformation
monotrope.
Certains corps, de composition chimique différente, sont aptes à
former, dans des conditions déterminées, des cristaux de même for-
me. Ce phénomène porte le nom d'isomorphisme et les substances
correspondantes sont dites isomorphes. De tels corps sont suscepti-
bles d’une cocristallisation avec formation de cristaux mixtes (solu-
tions solides). C’est le cas, par exemple, de l’alun d’aluminium
KAI(SO,):-12H,0 et de l’alun de chrome KCr(S0O,),-12H,0. Sont
également isomorphes les composés KMnO, et KCIO, ou Na;PO, et
Na:AsO,. Pour qu’une cocristallisation isomorphe se produise, il
2—01151
148 INTRODUCTION
faut que les molécules qui y participent aient des tailles voisines et
le même nombre d’atomes. En règle générale, les tailles des atomes
analogues ne doivent différer que de 15 % au maximum.
Combinaison chimique et mélange. Un mélange n’est pas obliga-
toirement hétérogène. Ainsi, le lait ou l’air, parfaitement homogènes,
sont de vrais mélanges. Dans un mélange, il est possible de distin-
guer ses parties constituantes d’après leurs propriétés caractéristiques.
Par contre, les propriétés d’un composé chimique diffèrent des
propriétés de ses constituants. Si le mélange mécanique de soufre
finement divisé et de fer en poudre peut être séparé à l’aide d’un
aimant, le sulfure de fer FeS n'est pas séparable en éléments par voie
mécanique. De plus, un mélange peut présenter n'importe quel rap-
port de ses constituants, alors que dans les composés chimiques ces
rapports sont strictement déterminés.
$ 3. Lois stœchiométriques du point de vue de 1a& théorie atcmi-
que et moléculaire. Depuis les temps reculés, l’homme cherche à
pénétrer par sa pensée les profondeurs de la matière. Les savants de
l'Antiquité (philosophes) méconnaissaient l'expérience comme moyen
d'étudier la nature. Ils avaient pour méthode la spéculation. Le
philosophe grec Démocrite considérait les atomes en tant que les
plus petites particules de la matière, insécables et impénétrables,
se mouvant constamment et ne différant les unes des autres que par
leurs taille et forme. Pourtant, la doctrine de Démocrite n'avait pas
été suivie: l'Antiquité fut dominée par la théorie d'un autre philo-
sophe grec, Aristote, qui prônait l'existence de quatre éléments ou
propriétés fondamentales de la nature. L'autorité d'’Aristote était
tellement grande que ses œuvres furent sanctifiées après sa mort et
fermement défendues par l'Eglise. Ce n'est qu'en XVIIe s. que la
doctrine d’Aristote perd sa qualité de vérité infaillible et que celle
de Démocrite devient le point de départ de la théorie de la matière.
En 1741, dans son traité Eléments de la chimie mathématique,
Lomonossov expose les idées qui constituent. au fond, la base de la
théorie atomique et moléculaire moderne. I] y écrit que tous les
changements des corps se produisent au moyen du mouvement. A la
base de ce mouvement on trouve les éléments (il désigna par ce ter-
me les atomes) qui, en se combinant, forment des corpuscules (mo-
lécules). L'élément (atome) est la parlie du corps qui n’est pas com-
posée d'autres corps plus petits et distincts. La doctrine de Lomonos-
sov était également spéculative.
Ce n’est qu'à la fin du XVIII. et au début du XIX°Ss., après qu'on
a établi les lois de l'interaction chimique (lois stæchiométriques) *
qu’apparaissent des données qui permettent à l’Anglais Dalton de
* La stœchiométrie étudie les rapports quantitatifs (en masse et en volume)
unissant les corps qui entrent en réaction.
8 3] LOIS STŒCHIOMÊTRIQUES 19
formuler les principes fondamentaux de la théorie atomique (1803).
Selon Dalton, tous les atomes de chaque élément sont identiques et
se caractérisent, en plus de leurs autres propriétés, par le fait de pos-
séder un poids déterminé qu'il appela poids atomique. A côté de
cette caractéristique essentielle de l'atome, Dalton formule son
autre propriété: l'indivisibilité.
Aujourd'hui, les principes de la théorie atomique sont univer-
sellement admis et n’éveillent aucun doute. Il vaut donc mieux
considérer les lois stœchiométriques en se plaçant sur le point de
vue de la théorie atomique et non sous l’aspect historique de leur
apparition et évolution. Cependant, avant de les aborder, il faut
dire quelques mots sur les principes fondamentaux de la théorie
atomique et moléculaire et sur la définition actuelle de l'atome et
de la molécule.
19 Tous les corps sont constitués de molécules, d’atomes ou
d'ions. La molécule est la plus petite particule qui garde encore les
propriétés de chaque composé chimique donné.
29 Les molécules sont animées d’un mouvement continu. Ce mou-
vement s'accélère avec élévation de la température.
3° Les molécules des corps différents se distinguent les unes des
autres par leurs masse, taille, composition, structure et propriétés
chimiques.
49 Les molécules peuvent être constituées soit d'atomes d'un
seul élément (corps simples), soit d’atomes de plusieurs éléments
(corps composés). Le nombre et la disposition des atomes dans la
molécule sont d’une importance capitale.
5° On appelle atomes les plus petites particules des éléments que
l’on ne peut décomposer par voie chimique. Ainsi, l'atome est l'ul-
time particule qui détermine les propriétés d’un élément.
6° On appelle ions les particules chargées, composées d’atomes
séparés ou de groupes d’atomes chimiquement liés qui présentent un
excès ou un défaut d'électrons. Suivant le nombre d'électrons excé-
dentaires ou manquants les ions sont à une charge, à double charge,
ctc"
La masse atomique (la masse atomique relative) est la masse d'un
atome exprimée en unités de masse atomique.
L'unité de masse atomique est prise égale a !/,, de la masse atomi-
que de l’isotope du carbone #C.
La masse moléculaire (la masse moléculaire relative) est la masse
d'une molécule exprimée en unités de masse atomique.
Loi de la conservation de la masse. Cette loi fut découverte par
Lomonossov en 1748. Malheureusement, cette découverte de Lomo-
nossoy, ainsi que plusieurs autres, demeura ignorée pendant long-
temps. Voilà pourquoi la présente loi fut redécouverte en 1774 par
Lavoisier. L’énoncé de la loi de la conservation des masses est actuel-
lement le suivant:
-
20 INTRODUCTION
La masse des corps qui entrent en réaction est égale à la masse
des corps issus de la réaction.
La théorie atomique explique parfaitement cette loi. Lors d’une
réaction chimique le nombre d'atomes est le même avant et après
la réaction. On peut l’illustrer par l'exemple suivant:
H,SO, + 2NaOÏ — Na,SO, + 2H.0
Pourtant, presque toutes les réactions chimiques s’accompagnent
d'effets thermiques: il y a soit dégagement, soit absorption de la
chaleur. Les réactions qui dégagent de la chaleur sont exothermiques,
celles qui en absorbent sont endothermiques. L’interaction acide-base
s'accompagne toujours de dégagement de chaleur (d'énergie) et la
représentation symbolique ci-dessus n'est donc pas une expression
complète du processus. Il est plus correct d'écrire cette réaction de
la façon suivante:
H,SO, + 2NaOH = NaSO, + 2H,0 + Q
où Q correspond à une certaine quantité d'énergie (113,7 kJ en
l'occurrence).
Maintenant, lorsque l'équation est écrite sous sa forme complète,
nous entrons en contradiction avec la loi de la conservation de la
masse. En effet, si l’on se réfère à la relation d’Einstein, l’énergie
dégagée au cours d'une réaction doit correspondre à la masse des
produits de la réaction inférieure à la masse des réactifs de départ
d’une quantité équivalente à l’énergie dégagée.
Calculons cette perte de la masse des produits de la réaction pour
l'interaction d’une mole * de H,S0O, avec 2 moles de NaOH. Comme
nous l’avons indiqué plus haut, l'interaction de ces quantités d'acide
sulfurique et d'hydroxyde de sodium fournit une énergie de 113,7 kJ
(1 kJ = 101 g.cm°/s°). La relation d’Einstein nous donne la perte
de masse (en g):
= = Em = 126-1070
où 3-10! est la vitesse de la lumière, en cm/s.
Les balances les plus perfectionnées qui existent à ce jour ne
permettent pas d'enregistrer d'aussi faibles variations de la masse.
Ainsi, dans les limites de la précision des appareils de mesure, la
loi de la conservation des masses est pratiquement applicable aux
réactions chimiques, sans être toutefois théoriquement stricte. On ne
peut l’appliquer aux processus qui s’accompagnent d’un très impor-
* Une mole correspond à la quantité d'une substance contenant autant de
molécules, atomes, ions, électrons ou autres unités de structure. que renferment
d'atomes 12 g d'isotope du carbone !*C.
On appelle masse molaire la masse d’une mole d’une substance. On l’exprime
en g/mol ou en ikg/mol.
S 3] LOIS STŒCHIOMÉÊTRIQUES 21
tant dégagement de chaleur, comme c'est le cas des réactions ther-
monucléaires qui font intervenir les noyaux atomiques.
Les transformations des corps étant presque toujours accom-
pagnées d’une absorption ou d’un dégagement d'énergie et une mas-
se déterminée correspondant à une énergie donnée, la loi de la con-
servation des masses et celle de la conservation de l'énergie ne peu-
vent exister l’une sans l’autre. La nature ne connaît qu'une loi uni-
que, la loi de la conservation de la masse et de l'énergie.
La loi des proportions multiples est énoncée comme suit:
Lorsque deux éléments se combinent en proportions multi
ples, les diverses masses de l’un des éléments qui s’unissent à une
même masse de l’autre sont entre elles comme des nombres en-
tiers, généralement petits.
Cette loi découle avec évidence de la théorie atomique. Ainsi, CO
et CO, contiennent, pour 12 g de carbone, respectivement 16 et
32 g d'oxygène, c'est-à-dire les masses d’oxygène qui s'unissent à
une même masse du carbone sont entre elles dans le rapport de 1 : 2.
Un autre exemple est fourni par les oxydes d’azote : N,0, NO, N.,0:,
NO,(N,0,) et N°0. On y trouve, pour 14 g d’azote, respectivement
8, 16, 24, 32 et 40 g d'oxygène, soit le rapport des nombres entiers
1:2:93:475.
Il faut dire qu'aujourd'hui on ne peut considérer cette loi comme
parfaitement justifiée que si elle est appliquée aux composés à l'état
gazeux (ou à l’état vapeur). Les composés à l’état solide peuvent
déroger à cette loi.
La loi des proportions définies stipule:
Les proportions en masse des différents éléments qui consti-
tuent un composé chimique donné sont invariables, quel que soit
le mode de préparation de ce composé.
Cette loi est claire et naturelle au point de vue de la théorie
atomique. La molécule, particule représentative des caractères
propres à chaque espèce chimique, est constituée par un nombre dé-
terminé d’atomes identiques ou différents. La composition de la
molécule de tout corps étant invariable (sinon ce serait la molécule
d'un autre corps), la composition du corps lui-même l’est également.
Les corps de composition invariable ont reçu le nom de daltonides
en l'honneur de Dalton dont la théorie atomique a beaucoup contri-
bué à faire admettre la loi de proportions définies.
Pourtant, cette loi n’est valable que pour les substances gazeu-
ses ou vaporisables. Les solides peuvent y déroger, ainsi que dans
le cas de la loi des proportions multiples. Par exemple, la composi-
tion de l’oxyde inférieuer de titane peut varier, suivant les condi-
tions de sa synthèse, entre TiO,,, et TiO,.. Ainsi, TiO est un cas
particulier des combinaisons de composition variable. On connaît
29 INTRODUCTION
actuellement un grand nombre de composés qui ne répondent pas à
la loi des proportions multiples et à celle des proportions définies.
De tels composés sont dus à la formation d’un réseau cristallin
avec des défauts. Ainsi, TiO cristallise en une structure du type -
Fig. 2. Réseau cristallin de TiO:
1 — atomes de titane ; 2 — atomes d'oxygène
NaCI (fig. 2). Si l’on représente les nœuds de ce réseau par des cro-
chets et les sites interstitiels par des parenthèses, la structure de
TiO, pourra être schématisée comme suit:
[Ti] [O] [Ti] [0] [Ti] | J [Ti] [0] [Ti] [O] [Ti] [0]
() () () () () () (0) () ()
[O] [Ti] [O] [Ti] [O] [Ti] [ [Ti] [O] [Ti] (O] [Ti]
() () () () () () () (O) ()
[Ti] [OJ [Ti] [0] [Ti] [OJ [Ti] [0] [Ti] [O0] [Ti] [0]
TiO TiO, TiOi+y
On voit que le réseau cristallin de TiO,_, possède des lacunes
(sites vacants) à l’emplacement de nœuds normalement occupés par
les atomes d'oxygène, alors que dans le réseau cristallin de TiO, +,
des atomes d'oxygène excédentaires occupent des positions inter-
stitielles. C’est grâce à l’existence de lacunes ou d’atomes excéden-
taires interstitiels dans le réseau cristallin que certaines substances
manifestent beaucoup de propriétés nouvelles bien intéressantes,
comme c'est le cas de semiconducteurs.
Pour les différencier des daltonides, on donne aux composés de
composition variable le nom de berthollides.
$ 3] LOIS STŒCHIOMETRIQUES 23
La loi des nombres proportionnels peut avoir la formulation sui-
vante :
Lorsque les masses de deux ‘éléments se combinent exac-
tement avec une même masse d’un autre élément, elles peuvent
se combiner exactement entre elles.
Autrement dit, les éléments se combinent entre eux suivant des
proportions déterminées (quantités équivalentes).
L'équivalent (nombre proportionnel) d'un élément est la quantité
de cet élément (en moles) qui se combine avec une mole d’atomes
d'hydrogène ou remplace le mème nombre d’atomes d’hydrogène
dans les réactions chimiques.
La loi des nombres proportionnels est aussi une conséquence de
la structure atomique des corps. Connaissant maintenant la compo-
sition des molécules, HCI et NaCI, par exemple, il est facile de voir
que la masse d'hydrogène égale à 1 mole d’atomes (1,0079 g) est
équivalente à 22,98977 g de sodium (1 mole d’atomes). Dans H,0 et
HCI les quantités équivalentes sont 7,999 g d'oxygène et 35,453 g
de chlore : ce sont les quantités qui se combinent avec { mole d’ato-
mes d'hydrogène.
Ces exemples montrent que les masses équivalentes * coïncident
parfois avec les masses atomiques, alors que dans d’autres cas elles
ne représentent qu'une fraction de la masse atomique. Pendant long-
temps les chimistes n’ont pas eu de méthode précise qui leur aurait
permis de déterminer la formule de toute espèce chimique. Ainsi, on
attribua à l’eau la formule HO. En prenant pour unité la masse ato-
mique de l'hydrogène, on en déduisait une masse atomique de l’oxy-
gène égale à 8, alors qu’en réalité 8 g/mol représentent la masse
équivalente de l'oxygène.
Par ailleurs, on aurait pu établir, au lieu du système des masses
atomiques, une échelle des masses équivalentes. Pourtant, ce qui
compliquait la tâche, c'est qu'à un même élément peuvent corres-
pondre plusieurs masses équivalentes. C'est ainsi que la masse équi-
valente du cuivre dans ses combinaisons CuO et Cu,0 est égale, res-
pectivement, à 31,77 et à 63,54 g/mol. Le problème des équivalents
des composés chimiques sera discuté plus bas (v. p. 169 et suivantes).
L'établissement par Gay-Lussac de la loi de la combinaison des
gaz en volume marqua une étape importante dans la création du sys-
tème des masses atomiques:
Dans les mêmes conditions de température et de pression
les volumes des gaz réagissants sont dans un rapport simple
entre eux, ainsi qu'avec les volum:s des produits gazeux issus
de la réaction.
__ * Masse équivalente: masse de l'équivalent d’un corps. On l’exprime en
g'mol ou kg/mol.
24 INTRODUCTION
Ainsi, 2 volumes d'hydrogène et 1 volume d'oxygène s'unissent
pour former 2 volumes de vapeur d’eau. En appliquant la théorie
atomistique à la loi de Gay-Lussac, le célèbre savant Berzelius
considérait que des volumes égaux de gaz devaient contenir le même.
nombre d’atomes. Pourtant, ces idées ne retrouvaient pas les résul-
tats expérimentaux. Si l’on suit Berzelius, un volume d'hydrogène
et un volume de chlore donneraient en se combinant un seul volume
d'hydrogène chloré. Or, en réalité on en obtient deux.
En 1811, Avogadro définit la molécule et énonce l'hypothèse
qui est devenue aujourd'hui une loi (loi d’Avogadro):
Dans les mêmes conditions, des volumes égaux de gaz con
tiennent le même nombre de molécules.
Cette hypothèse expliquait bien les données expérimentales.
Ainsi, deux volumes d'hydrogène chloré ne peuvent provenir d’un
volume de chlore et d’un volume d'hydrogène que si les molécules
d'hydrogène et de chlore se sont scindées en deux, donnant naissance
à deux nouvelles molécules. Les molécules d'hydrogène et de chlore
doivent donc comporter plusieurs atomes, dont le nombre serait
pair et minimal: deux
H, + Cl, = 2HCI
Le nombre de molécules contenues dans une mole (molécule-
gramme) de tout corps est égal à 6,02-10%. C'est le nombre d’Avo-
gadro que l’on désigne par la lettre AV.
Si, selon la loi d'Avogadro, des volumes égaux de gaz renferment,
dans les conditions identiques, le même nombre de molécules, l'af-
firmation inverse est également valable : un même nombre de mo-
lécules de tout gaz dans les conditions physiques analogues occupe
le même volume. Une mole de toute substance renfermant, par dé-
finition, toujours le même nombre de molécules, on conçoit qu'une
mole de tout corps gazeux occupe toujours le méme volume si les
conditions demeurent invariables.
Les lois des combinaisons en volume de Gay-Lussac et d'Avo-
gadro conduisent à quelques conclusions importantes.
1° Le volume d’une mole de tout gaz aux conditions normales
(0 °C, 0,1 MPa) est égal à 22,414 1 (22,4 1 pour les calculs approchés).
En utilisant cette valeur, il devient possible de calculer la masse
d'un volume donné de gaz, le volume d’une masse donnée de gaz et
enfin la masse moléculaire * d’un gaz si l’on en connaît le volume
et la masse. Dans ce cas, on doit aussi connaître la température et
la pression de ce volume ou de cette masse du gaz.
* Pour déterminer la masse moléculaire d'un corps (en unites de masse
atomique), on trouve ordinairement la masse molaire de ce corps (en g£: ‘mol ou
kg'mol), numériquement égale à cette première.
$ 3] LOIS STŒCHIOMÊTRIQUES 25
Le calcul est possible soit à l’aide des proportions ordinaires,
soit au moyen de l’équation d'état des gaz parfaits (équation de Cla-
peyron-Mendéléev) :
PV = RT
où P, V, m, M et T sont respectivement la pression, le volume, une
masse donnée, la masse moléculaire et la température absolue du
gaz considéré ;
R est la constante universelle des gaz (le travail d'expansion
d’une mole de gaz, lorsque sa température s'accroît d’un degré),
égale à 8,314 J/(mol-K).
Connaissant la masse du gaz m et son volume V, ainsi que les
conditions dans lesquelles il se trouve (P et T), on peut calculer sa
masse molaire ou, en d’autres termes, la masse du gaz contenu dans
22,4 1 à O °C et sous 0,1 MPa.
EXEMPLE 1. Calculer la masse molaire du dioxyde de carbone si l'on
sait qu’à 0 °C et 0.1 MPa 1 1 de gaz pèse 1,94 g.
Réponse. Après avoir exprimé les données du problème avec les unités qui
conviennent le mieux à la résolution de l’équation d'état des gaz parfaits (À =
= 8,31 J/(mol-K) — 8,31 N-m/(mol.-K): 7 — 0 °C — 273 K ; P — 0,1 MPa =
— 105 Pa — 105 N/m°; V — 1 1] — 10-8 m“), on a:
mRT 1,94-8.31-273
M -— DE 0-40 — — 44 g/mol
2° On peut calculer la masse moléculaire d’un gaz (ou vapeur)
en se servant du rapport des densités du gaz considéré et d'un gaz
de référence, dont la masse moléculaire est connue.
Pour trouver la densité d un gaz par rapport à un autre (qui sert
de référence), il suffit de comparer, dans les conditions identiques,
les masses de volumes égaux de ces gaz. Le nombre qui montre, de
combien de fois la masse du gaz (ou de la vapeur) considéré est supé-
rieure ou inférieure à la masse du même volume du gaz de référence,
caractérise la densité du premier gaz par rapport au second. Ainsi, en
comffontant dans les mêmes conditions la masse m, d'un certain
volume du gaz (vapeur) considéré, dont nous désignerons la masse
moléculaire par W,, à la masse m, de l'hydrogène occupant le mé-
me volume, on obtiendra, d'après la loi d'Avogadro, la proportion
m M >
Me 2,016
m,/m; étant la densité du gaz considéré par rapport à l’hydrogé-
ne (Du),
M, = 2,016D,
Si la détermination n'exige pas une précision élevée, on peut
admettre que la masse moléculaire d’un gaz ou d’une vapeur est
26 INTRODUCTION
approximativement égale à sa double densité par rapport à l’hy-
drogène.
EXEMPLE 2. Déterminer la masse moléculaire de l’azote sachant que sa
densité par rapport à l'hydrogène est égale à 13,89. :
Réponse. On trouve la masse molaire de l’azote: Af — 2-13,89 — 28 g/mol.
La masse moléculaire de l’azote est donc égale à 28 unités de masse atomique.
Si le gaz de référence est l'air, dont la masse moléculaire moyenne
s'élève approximativement à 29 unités, on obtiendra, prâce au mé-
me; raisonnement, la relation
M; = 29D, r
Où Dr eSt la densité du gaz (vapeur) testé par rapport à l'air.
EXEMPLE 3. Déterminer la masse moléculaire de l'oxygène (densité par
rapport à l'air — 1,104).
Réponse. Trouvons la masse molaire de l'oxygène: M = 29.1,104 =
— 32 g/mol. La masse moléculaire de l’oxygène vaut donc 32 unités de masse
atomique.
[1 faut insister sur le fait que c2s procédés de détermination de
Ja masse moléculaire des corps gazeux et vaporisables, que ce soit
à l’aide de l'équation d'état des gaz parfaits ou par détermination
de la densité relative, ont tous pour base la loi d’'Avogadro. Ce n'est
que le mode opératoire qui varie d’un procédé à l’autre.
L'évolution de la chimie théorique dans la première moitié du
XIX€ s. fut beaucoup influencée par la détermination des masses
moléculaires suivant le postulat d’'Avogadro, même s'il ne s’appli-
quait qu'aux gaz et aux substances volatiles *. La loi d'Avogadro a
permis :
a) de déterminer les masses atomiques des éléments formant des
combinaisons gazeuses ou de ceux qui sont gazeux à l’état de corps
simples ;
b) de découvrir des espèces ayant même composition élémentaire
(c'est-à-dire, comportant les mêmes éléments dans le même rapport
des masses), mais possédant des masses moléculaires différentes : on
apprenait de la sorte à distinguer la formule réelle d'une espèce
chimique de sa formule la plus simple. Ainsi, le rapport C: H = 1:1
est le même pour l’acétylène comme pour le benzène et la formule
la plus simple des deux espèces répond à la composition CH, alors
que la détermination des masses moléculaires conduit aux formules
vraies: C,.H, pour l’acétylène et CH, pour le benzène;
c) de découvrir nombre de composés ayant même composition
élémentaire et mêmes masses moléculaires, mais différant par leurs
propriétés chimiques et physiques: isomères.
* C'est seulement vers la fin du XIX® s. que l'on a appris à déterminer la
masse moléculaire des substances peu volatiles sur la base des propriétés de
Jeurs solutions diluées: lois de Raoult et de Van't Hoff.
$ 4] DEGRES D'OXYDATION. CLASSES DES COMPOSES MINERAUX 27
3° Il est possible de trouver les rapports volumiques entre les
gaz réagissants et les produits gazeux de la réaction.
Comme un certain volume de tout gaz renferme, dans les condi-
tions identiques, un même nombre de molécules, on en déduit qu’un
même nombre de molécules de gaz différents occupe le même volu-
me. La conséquence logique de cette déduction consiste en ce que
les rapports volumiques entre les gaz réagissants et les produits
gazeux de la réaction répondent à leurs coefficients dans l'équation
de la réaction ou inversement, les coefficients de l'équation traduisent
les rapports entre les gaz qui entrent en réaction et ceux qui en ré-
sultent.
Ainsi, si l’on se réfère à l'équation
H, + Cl = 2HCI
l'interaction d'un volume d’hydrogène avec un volume de chlore
doit conduire à deux volumes d'hydrogène chloré.
$ 4. Degrés d’oxydation des éléments. Classes des composés mi-
néraux. Nomenclature. Pour établir les formules empiriques et for-
mer les noms des composés chimiques, il faut connaître et savoir
utiliser les degrés d'oxydation des éléments *. Si l’on suppose que
les composés chimiques sont formés d'ions, le degré d’oxydation
correspondra à la charge de l'ion constituant un composé donné.
Mais en réalité, les composés ioniques purs sont pratiquement inexis-
tants, ce qui rend le degré d'oxydation une grandeur conventionnel-
le. En l’évaluant, on part du fait que dans les combinaisons le degré
d'oxydation de l'hydrogène vaut ordinairement +1 et celui de
l'oxygène —2. Cette règle ne s'applique pas aux hydrures des mé-
taux actifs (NaH ou CaH,) où l'hydrogène a un degré d’oxydation
—1, au peroxyde d'hydrogène et ses dérivés (H,0, ou BaO,) où
l'oxygène est au degré —1, ainsi qu'au fluorure d'oxygène OF, où
le degré d’oxydation de l'oxygène est égal à +2.
On détermine le degré d'oxydation des autres éléments en se ba-
sant sur le fait que la somme algébrique des degrés d’oxydation des
atomes d’une molécule doit être nulle. Ainsi, dans PH, le phosphore
est au degré —3, car la somme des degrés d’oxydation de trois atomes
d'hydrogène est +3. Dans P,0;, le phosphore est déjà au dégré +3.
Cela découle du fait que la somme des degrés d'oxydation de trois
atomes d'oxygène est égale à —6. Pour avoir une somme algébrique
nulle des degrés d'oxydation dans la molécule P,0;, il faut que la
somme des degrés d'oxydation de deux atomes de phosphore soit +6.
Le degré d’oxydation de chaque atome de phosphore dans ce com-
posé vaut donc +3. Dans HBO, le bore possède un degré d’oxyda-
* Le terme degré d'oxydation a pour synonymes: état d'oxydation, valence
électrochimique, nombre d'’oxydation.
28 INTRODUCTION
tion +3, la somme algébrique des degrés d’oxydation d'un atome
d'hydrogène et de deux atomes d'oxygène étant égale à —3.
En règle générale, un élément présente plusieurs valeurs du degré:
ainsi, celles du soufre sont d’oxydation +6, +5, +4, +3, +2,-
+1, 0, —1, —2. Parmi plusieurs degrés d’oxydation d’un élément
on peut dégager ceux qui sont stables (les plus fréquents).
Voyons comment le tableau de Mendéléev permet de déterminer
les principaux degrés d’oxydation des éléments. Tout d’abord, il
faut distinguer les éléments des sous-groupes principaux de ceux
des sous-groupes secondaires: les premiers sont disposés dans les
groupes au-dessous des éléments des 2° et 3° périodes, alors que les
seconds sont décalés dans le sens horizontal.
On détermine les degrés d’'oxydation stables des éléments des
sous-groupes principaux en se conformant aux règles suivantes.
Les éléments des groupes Ï à III possèdent chacun un seul degré
d’oxydation: positif et égal au numéro de la colonne. Les éléments
des groupes IV à VI présentent, en plus d'un degré d’oxydation
positif numériquement égal au numéro de la colonne et d’un degré
négatif égal à la différence entre le nombre 8 et le numéro de la
colonne, des degrés positifs intermédiaires que l'onobtientensoustray-
ant du numéro de la colonne le nombre 2. Pour les groupes IV,
V et VI les degrés d’oxydation intermédiaires sont respectivement
égaux à +2, +3 et +4. Le bismuth, élément de la colonne V, pos-
sède presque toujours un degré d'oxydation <+3.
Les degrés d’oxydation des halogènes (Cl, Br, 1) varient de +7
à —1 en sautant une unité: +7, +5, +3, +1, —1{. Le fluor, voisin
immédiat de l'oxygène, ne manifeste dans ses combinaisons avec
d'autres éléments qu'un seul degré d'oxydation: —1.
Les éléments des sous-groupes secondaires ne présentent aucune
relation simple entre leurs degrés d’oxydation stables et le numéro
du groupe. Il ne reste donc qu'à retenir les nombres d'oxydation de
certains éléments de ces sous-groupes: Cr (<—6 et 3), Mn (+7,
+6, +4 et +2), Fe, Co, Ni (+3 et +2), Cu (+2 et +1), Ag (+1),
Au (+3 et +1), Zn et Cd (+2), Hg (+2 et +1); le mercure au de-
gré +1 ne se rencontre que dans les combinaisons comportant tou-
jours deux atomes de mercure, telles que Ig,Cl..
Dans le cas des composés minéraux on distingue les classes prin-
cipales suivantes: oxydes, hydroxydes (acides et bases), sels et ha-
logénures d’acides (anhydrides halogénés).
Ozxydes. On appelle oxydes les composés constitués par deux élé-
ments, dont un est l’oxygène. Les atomes d'oxygène des oxydes ne
sont pas liés entre eux, mais seulement avec les atomes de l'autre
élément.
On distingue les oxydes salifiables et non salifiables ou neutres
(les derniers sont peu nombreux : CO, NO, N,0). Les oxydes sali-
fiables se subdivisent en oxydes acides, oxydes basiques et oxydes am-
$ 4] DEÉGRES D'OXYDATION. CLASSES DES COMPOSES MINÉRAUX 29
photères. Le caractère d’un oxyde est déterminé par son aptitude à
former des sels avec les acides et les bases (ainsi qu'avec les oxydes
acides ou basiques).
Les oxydes acides sont ceux qui forment des sels avec les bases
ou les oxydes basiques, par exemple:
SO; + 2NaOH —= Na,SOs + H,0
Les oxydes basiques forment des sels avec les acides ou les oxy-
des acides:
FeO + 2HCI = FeCl, + H,0
Enfin, les oxydes amphotères forment des sels aussi bien avec
les acides (ou les oxydes acides) qu'avec les bases (oxydes basiques)
Cr:03 +— 2NaOH = 2NaCrO, + H,0
CroO3a + 6HCI — 2CrCl, + 3H,0
La nature d'un oxyde est fonction de la position de l'élément
correspondant dans le tableau périodique de Mendéléev. On sait
que dans les périodes les propriétés métalliques des éléments s’ac-
centuent de droite à gauche et dans les colonnes, de haut en bas.
C'est le contraire pour les propriétés non métalliques. Dans les
sous-groupes principaux la séparation entre les éléments formant les
oxydes acides et les éléments qui forment les oxydes basiques passe
par les éléments. dont tous les oxydes sont amphotères (diagonale-
verticale Be-Al-Ge-Sn-Pb). Les éléments qui se trouvent à droite et
en haut de cette ligne sont ceux à oxydes acides, à l'exception des
éléments du groupe V, As et Sb, dont les oxydes de composition
M,0; sont amphotères (alors que M,0, sont acides), et Bi, dont
l'oxyde Bi,0, a un caractère basique. À gauche et en bas de cette
même ligne on trouve les éléments formant les oxydes basiques,
exception faite de deux éléments du groupe ITI, Ga et In, dont les
oxydes sont amphotères.
Comme exemples d'oxydes amphotères des sous-groupes secon-
daires citons ZnO, Au,O;:, Cr,03, MnO,..
Lorsqu'un élément de cette série forme plusieurs oxydes suivant
ses différents degrés d’oxydation, les oxydes amphotères séparent
les oxydes basiques et acides de telle sorte que les oxydes qui cor-
respondent aux degrés d'oxydation supérieurs sont acides et ceux
qui correspondent aux degrés inférieurs sont basiques. Ainsi, MnO,
est amphotère, MnO, et Mn,O, sont acides, MnO est basique.
Il existe deux nomenclatures pour les combinaisons oxygénées :
traditionnelle et internationale. D'après la nomenclature tradition-
nelle, la combinaison avec l'oxygène d'un élément ne possédant
qu'un seul degré d’oxydation est dite oxyde de cet élément, quelle
qu'en soit la composition (K,0 oxyde de potassium, CaO oxyde de
calcium, Al,0, oxyde d'aluminium). Si l'élément présente un degré
30 INTRODUCTION
d'oxydation variable, son dérivé oxygéné correspondant au degré
d'oxydation inférieur de l'élément reçoit le nom d’oxyde suivi d’un
adjectif se terminant par eux: Cu,O oxyde cuivreux, FeO oxyde fer-
reux, Hg,0 oxyde mercureux, MnO oxyde manganeux. Dans ce cas,
les oxydes qui correspondent au degré d’oxydation supérieur reçoi-
vent la terminaison ique: CuO oxyde cuivrique. Fe,O;, oxyde
ferrique, HgO oxyde mercurique, Mn,0O;, oxyde manganique.
On appelle dioxydes les composés de type MO, : oxydes qui ren-
ferment un atome central tétravalent et deux atomes d'oxygène.
Il ne faut pas confondre dioxydes et peroxydes: dans ces derniers
deux atomes d'oxygène sont liés à un métal bivalent typique, par
exemple :
O
Bas |
No
Lorsqu'un des composés oxygénés d'un élément (supérieur ou in-
termédiaire) est un dioxyde (répond à la formule MO.), sa combinai-
son oxygénée de degré inférieur MO (parfois M,0:) est appelée
oxyde de cet élément:
CO, dioxyde de carbone CO oxyde de carbone
SnO, dioxyde d'’étain SnO oxyde d'étain (stanneux)
PbO, dioxyde de plomb PbO oxyde plombeux (protoxyde de
plomb)
MnO, dioxyde de manganèse MnO + de manganèse (manga-
neux
NO, dioxyde d'azote NO oxyde azotique (nitrique)
Les oxydes acides et certains oxydes amphotères sont parfois
appelés anhydrides des acides correspondants: B.0; anhydride bori-
que. N.0; anhydride nitreux (azoteux), N.0, anhydride nitrique
(azotique), As.0, anhydride arsénieux.
Récemment, on a proposé une nomenclature plus stricte des
oxydes qui assure une correspondance complète entre leurs formules
et noms. Ainsi, si un élément forme plusieurs oxydes, on ajoute au
mot « oxyde » un préfixe numérique qui désigne le nombre d'atomes
d'oxygène rapportés à un atome de l'élément. Ainsi, M,0 demio-
xyde *, MO monoxyde, M,0;, sesquioxyde, MO, dioxyde, M0;
demipentoxyde, MO; trioxyde, M,0; demiheptoxyde, MO, tétro-
xyde.
Selon la nomenclature internationale, on donne aux combinaisons
oxygénées d'un élément le nom d’oxyde suivi du nom de l’élément
avec, entre parenthèses, un chiffre romain qui désigne le degré d'oxy-
dation : CuO oxyde de cuivre (11), Cu,O oxyde de cuivre (1), Fe,O:
oxyde de fer (III), FeO oxyde de fer (11).
* Pourtant, en français on dira « monoxyde de diazote » pour N,0, ainsi
que « trioxyde de dichlore » pour CI,0,, etc. (N.d.T.)
$ 4] DEGRES D'OXYDATION. CLASSES DES COMPOSES MINERAUX 31
Les formules graphiques montrent le nombre de liaisons entre
les éléments. Comme l’atome d'oxygène est divalent et que chaque
valence est figurée, de façon conventionnelle, par un trait, les struc-
tures des oxydes peuvent être schématisées comme suit:
M—0—M M=0 O0=M—0-—M==0 O=M=0
O O0 OO O0 o O0 oO O
NS 4 N 4 NX
M—0—M NZ O=M—0—M—O M
07 No | 0” “o _o” Ÿ‘o
0
Actdes et bases. L'interaction (directe ou indirecte) des oxydes
avec l’eau conduit à leurs formes hydratées qui peuvent avoir la
nature d’acides, de bases ou d’hydroxydes amphotères. Les oxydes
acides forment avec l'eau les acides:
SO, + H.0 = H,S0,
les oxydes basiques, les bases:
K,0 + H.0 = 2KOH
les oxydes amphotères, les hydroxydes amphotères
ZnO + H,0 = Zn(OH), == H,Zn0;,
Les acides se composent d'hydrogène (susceptible d’être remplacé
par un métal) et d'un groupe acide.
En règle générale, les acides des éléments des groupes VI et VII
se forment à partir d’oxydes de telle façon que le nombre d’atomes
d'hydrogène dans la molécule (ou le nombre de molécules d'eau
combinées) soit minimal :
CLO,; + H,0 — 2HCIO,
C1,0, + H,0 = 2HCIO,
SO: + H,0 — H,S0,
bès éléments des groupes JII à V dans leurs états d'oxydation
correspondants forment deux types de combinaisons: dérivés ortho
(H3BO:, H:A10:, H,Si0,, H:3PO:) et dérivés méta (HBO,, HAIO,,
H,Si0;, HPO;). Dans la molécule d’un dérivé ortho, le nombre d'ato-
mes d'oxygène est égal à celui d atomes d'hydrogène et correspond
au degré d’oxydation de l’atome central. La seule exception est le
cas des acides formés par les éléments du groupe V, de formule gé-
nérale H:,PO,, que l’on considère comme des orthohydroxydes et
qu'on appelle, par exemple, acide orthophosphorique pour H,PO,
ou acide orthoarsénique pour H,AsO,.
Si l’on enlève de l’eau à un orthoacide, on peut obtenir un mé-
taacide :
H,PO, = H,0 -+ HPO,
32 INTRODUCTION
Les métaacides comportent le moins d'atomes d'hydrogène. En
détachant une molécule d’eau d’un métaacide, on obtient l’arhydri-
de d'acide correspondant :
2HPO>; Drsai H.,0 + P,0;
Les acides du carbone et de l'azote n'existent que sous la forme
méta (dans leurs noms le préfixe méta est omis).
Il y a des acides qui contiennent deux atomes centraux et un
nombre impair d’atomes d'oxygène: H,S,0, acide disulfurique,
H,P,0: acide diphosphorique, H,Si,0, acide disilicique. L'ancienne
nomenclature leur attribuait souvent le préfixe pyro (pyrosulfuri-
que. pyrophosphorique, mais dimétasilicique).
Les chimistes se sont largement servis des préfixes ortho, méta
et pyro pour former des noms d’acides. La forme ortho est la plus
riche en eau, la forme pyro * en renferme moins. La forme méta **
contient le moins d’eau. L'’illustration en est fournie par les équa-
tions des réactions correspondantes :
P,0, + H,0 = 2HPO; (métaphosphorique)
P.0, + 2H,0 = H,P,0; (pyrophosphorique)
P.0, + 3H,0 = 2H,PO, (orthophosphorique)
En se représentant la formule graphique de tel ou tel hydroxyde,
il faut partir du fait qu'il est constitué par un atome central — mé-
tal ou non-métal — lié ordinairement aux hydroxyles OH par l’in-
termédiaire de l'oxygène. Voilà pourquoi le nombre d’atomes d'hy-
drogène permet de juger du nombre des groupes OH qui entourent
l'atome central. Ainsi, les formules graphiques d'AI(OH);, et de
H,SiO, ont la forme:
Ï
OH HO 0H
A1Z-0-H Si
No-H 1—o0o/ No-n
Lorsque la molécule contient plus d’oxygènes que d’hydrogènes,
les atomes d'oxygène excédentaires se joignent directement à l'ato-
me central qui dépense alors deux valences par atome d’oxygène.
La représentation graphique des formules HNO,., H,S0, et H;,PO,
* Pyro. du grec pur, puros veut dire « feu ». On s’est servi de ce préfixe par-
ce que les pyroacides étaient préparés en chauffant précautionneusement par
flamme les orthoacides, par exemple:
2H,PO, — H,0 À H,P;,0:
Un chauffage plus fort et durable conduisait au détachement d’un plus
grand nombre de molécules d'eau et à la formation de métaacides.
** Le préfixe méta, d'origine grecque, signifie « après ». Les métaacides
sont la dernière forme obtenue en éliminant l’eau des orthoacides. En poursui-
vant la déshydratation, on assiste à la formation d'oxydes.
$ 4] DEGRES D'OXYDATION. CLASSES DES COMPOSES MINERAUX 33
donne les formes suivantes:
H—O—N—0 S I—O0O—P—=0
u—0/ No #—-0/
Si la molécule possède deux atomes centraux, ces derniers se
lient l'un à l’autre par l’intermédiaire d’un oxygène commun, alors
que les groupes OH et les autres atomes d’oxygène se répartissent
en proportions égales entre les deux atomes centraux. A titre d’exem-
ple, considérons les formules graphiques de l'acide bisulfurique
H,S,0, et de l'acide biphosphorique H,P,0,:
V1 Spor” es
H—0—S—0—S—0—H 67 1 [SO—H
H—O” |
O oO
O0 O0
Un tel arrangement atomique conduit à la règle que l’on appli-
que au calcul de la valence de l’atome central en tenant compte de
la composition de sa forme hydratée. Ainsi, dans la molécule H,SO,
il y a quatre atomes d'oxygène qui possèdent ensemble huit valen-
ces. Or. l'oxygène utilise deux valences pour assurer la liaison avec
deux atomes d'hydrogène. Par conséquent, six valences (4-2 — 2 —
— 6) sont employées pour attacher l’oxygène à l’atome central. Le
soufre y est donc hexavalent.
Cette règle simple est à recommander lorsqu'il s’agit de déduire
une formule d'anhydride d’une formule d'acide, car une approche
purement arithmétique est grave d'erreurs. Ainsi, dans HCIO,
l'atome de chlore central est heptavalent, ce qui correspond à l’an-
hydride CI,0.. L'équation de la décomposition de l'acide perchlo-
rique sera donc de la forme
2HCIO, = H,0 + CLO;
Le< noms des acides, dont l’atome central est au degré d'oxyda-
tion numériquement égal au numéro de la colonne dans le tableau
périodique de Mendéléev, se forment à l’aide d'un adjectif se termi-
nant par ique, dérivé du nom de l'élément: H,MoO, molybdique,
HNO, azotique (ou bien nitrique, du nom latin de l’azote) et, excep-
tionnellement, acide aurique pour H;AuO, et ferrique pour H,FeO,
(ces deux derniers noms correspondent aux degrés d’oxydation su-
périeur< des éléments qui ne coïncident pas avec le numéro des grou-
pes: l'or est dans le groupe I et le fer dans le groupe VII).
Dans les noms des acides formés par les éléments des groupes IV
à VI, aux degrés d’oxydation inférieurs des atomes centraux cor-
respondent les noms se terminant par eur: H,SO, acide sulfureux,
H,SnO, acide stanneux, HNO, acide nitreux (azoteux).
3—011%1
34 INTRODUCTION
On utilise les préfixes ortho ou méta, si cela contribue à préciser
la formule de l’acide: acide orthoarsénique H,AsO,, acide métaar-
sénique HAsO,.
Pour désigner les degrés d’oxydation des halogènes, on se sert de.
plusieurs préfixes et terminaisons: per et ique pour +7, ique pour
+5, eux pour +3, hypo et eux pour +1. Par exemple, on dénomme
HCIO, acide perchlorique, HBrO; acide bromique, HIO, acide io-
deux, HCIO acide hypochloreux.
Les bases contiennent un métal et un ou plusieurs groupes OH.
Les bases solubles dans l’eau ont le nom d’alcallis.
Traditionnellement, les noms des bases <e forment à l’aide du
mot hkydroxyde suivi de l’adjectif approprié : hydroxyde ferrique pour
Fe(OH});, hydroxyde ferreux pour Fe(OH),. La nomenclature inter-
nationale veut qu'on donne à ces bases, respectivement, les noms
d’hydroxyde de fer (III) et d’hydroxyde de fer (Il).
Suivant le nombre d'hydroxyles qu'elles comportent les bases
sont monoacides ou polyacides (NaOH base monoacide, Ca(OH), base
diacide).
Les hydrozydes amphotères se caractérisent par une dualité acide-
base. Ils se comportent comme bases en présence d'acides
Zn(OH), + H.SO, == ZnSO, + 2H,0
et comme acides en présence de bases:
H;,Zn0; + 2NaOH = NasZnO;, nu 2H,0
Suite à leur double nature les hydroxydes amphotères possèdent
chacun deux noms: Zn(OH), (ou H;,ZnO,) hydroxyde de zinc ou
acide zincique, AÏ(OH); (ou H:AÏ10;) hydroxyde d'aluminium ou
acide aluminique.
Les sels se composent d’un ion métallique (reste de base) et d’un
groupe acide. Leur préparation est possible par plusieurs voies. Ils
peuvent résulter, par exemple, de l’action d’un acide ou d’un oxyde
acide sur une base ou un oxyde basique:
2HNO;, + Ca(OH}); — Ca(NO3): + 2H,0
2HNO, + CaO = Ca(NO,). + H.0
N205 + Ca(OH}; = Ca(NOs): + H20
N°0, + CaO = Ca(NO,).
Les hydroxydes amphotères ne forment des sels qu’avec les bases
ou acides forts:
Zn(0H). + H,S0, = ZnS0, + 2H.0
Zn(OH), + 2NaOH = Na,Zn0. + 2H,0
Les produits de la substitution complète des hydrogènes d’un
acide par les atomes de métal sont appelés sels neutres (normaux).
$ 4] DEGRES D'OXYDATION. CLASSES DES COMPOSES MINERAUX 35
La nomenclature internationale des sels a pour base les princi-
pes suivants.
Lorsque l’atome central de l’acide est un élément des groupes I
à VI, son degré d'oxydation correspondant au numéro du groupe est
désigné par la terminaison ate (ou iate) que l’on ajoute à la racine du
nom latin de l’atome central de l'acide. Le nom ainsi formé précède
celui du métal : K;AÏO, orthoaluminate de potassium, KPO; méta-
phosphate de potassium, BaSeO, séléniate de baryum.
Pour les éléments des groupes IV à VI on désigne le degré d'oxy-
dation inférieur de l’atome central de l’acide à l’aide de la terminai-
son ite: K,PbO, plombite de potassium, CsNO, nitrite de césium,
CaTeO, tellurite de calcium.
Dans le cas des sels des oxoacides halogénés, les différents degrés
d'oxydation de l’atome central sont exprimés à l’aide de préfixes et
terminaisons per et ate pour le degré +7, ate pour +5, ite pour +3,
hypo et ite pour +1: KCIO, perchlorate de potassium, Ca(BrO:)s
bromate de calcium, KIO, iodite de potassium, Ba(ClO), hypochlo-
rite de baryum.
Si le métal présente deux degrés d’oxydation, on les indique entre
parenthèses: FeSO, sulfate de fer (II), Fe,(SO,): sulfate de fer
(ID) *.
Les noms des sels des hydracides sont dérivés au moyen de la
terminaison ure: AuCI chlorure d'or (1), AuCI, chlorure d'or (IIT),
SnCl, chlorure d’étain (II), SnCl, chlorure d'étain (IV).
Les polyacides fournissent, à côté des sels neutres, des sels acides
(hydrosels), produits d’une substitution incomplète de l'hydrogène
de l’acide par le métal: NaHSO,, KH,PO,, Ca(HCO:),. On les
appelle, suivant la nomenclature utilisée, sulfate acide ou hydrosul-
fate de sodium pour NaHSO,, phosphate diacide ou dihydrophospha-
te de potassium pour KH,PO,, phosphate monoacide ou hydrophos-
phate de potassium pour K,HPO,, carbonate acide ou hydrogénocar-
bonate de calcium pour Ca(HCO:;)..
Le diacide sulfurique peut présenter deux types de groupes acides
(SO et HSO,;), d'où deux types de sels: Na,SO, sulfate de sodium
et NaHSO, sulfate acide ou hydrosulfate de sodium (ancien nom:
disulfate de sodium). Le diacide carbonique possède deux groupes
acides (CO et HCO;), formant, par exemple, avec le calcium deux
sels : CaCO, carbonate de calcium et Ca(HCO;), carbonate acide ou
hydrogénocarbonate de calcium (ancien nom: bicarbonate de cal-
cium). Le triacide orthophosphorique (ou phosphorique) peut avoir
trois restes acides (PO, HPO‘-, H,PO:) et former trois types de
sels: Na3PO, phosphate de sodium, Na,HPO, phosphate monoacide
ou hydrophosphate de sodium, NaH,PO, phosphate diacide ou dihy-
drophosphate de sodium.
* Ou bien, sulfate ferreux et sulfate ferrique, selon l'usage français. (N.d.T.)
3%
36 : INTRODUCTION
On obtient les sels acides par les procédés suivants.
19 Neutralisation incomplète d'un acide ou d’un oxyde acide
par une base:
H,S0, + NaOH = NaHSO, + H.0 :
SO, + NaOH = NaHSO,
2° Action d'un acide ou d’un oxyde acide sur un sel neutre du
même acide:
K,S0, + H:S0, = 2KHSO,
CaCO, + CO, + H,0 = Ca(HCO.)
Les sels acides se transforment assez aisément en neutres
1° par interaction avec un alcali
NaHSO, + NaOH = Na,SO, + H.0
2° par interaction avec un autre sel s’il y a formation d’un pro-
duit volatil
NaHSO, + NaCI = Na.SO, + HCI:
3° par chauffage
Ca(HCO;), = CaCO, + H,0 + CO.
Les sels basiques (hydroxosels) résultent d’une substitution par-
tielle des hydroxyles de la molécule d'une base par des groupes
acides.
Les bases polyacides présentent plusieurs restes. Il y en a trois
pour AÏ(OH);,: AI(OH), AIOH=** et AÏ$*. En établissant la formule
d'un sel basique, on écrit d’abord le reste basique et puis, à côté,
le reste acide. Par la suite on ajuste leur nombre de façon à rendre le
sel électroneutre. Supposons que l’on a à écrire la formule du carbo-
nate basique de cuivre. Le reste de la base Cu(OH), est CuOH*.
Connaissant l'acidité du reste basique et la basicité de l'acide, on
obtient la formule du carbonate basique de cuivre: (CuOH),CO;.
Pour les bases à trois hydroxyles ou plus il peut y avoir plusieurs
sels basiques. Ainsi, Cr(OH);, et HNO; forment deux sels basiques.
On déduit leur formule en écrivant d’abord les restes basiques de
Cr(OH), et en déterminant leurs acidités: Cr(OH)5 et Cr(OH)**.
Après avoir ajouté les restes acides, on a Cr(0OH),NO,; et CrOH(NO3)..
Toujours suivant la nomenclature utilisée, un sel basique peut
avoir deux noms: Cr(OH),NO, nitrate dibasique de chrome ou nitra-
te de dihydroxochrome, CrOH(NO;), nitrate monobasique de chrome
ou nitrate d’hydroxochrome, AI(OH),CI chlorure dibasique d’alu-
minium ou chlorure de dihydroxoaluminium, AlOHCI, chlorure mo-
nobasique d'aluminium ou chlorure d’hydroxoaluminium.
En représentant graphiquement les formules des sels, il faut se
rendre nettement compte de la structure des restes acides et basi-
$ 4] DEGRES D'OXYDATION. CLASSES DES COMPOSES MINERAUX 37
ques. Ainsi, l’acide orthophosphorique
H—O\
H—0—P=0
H—0/
peut former trois restes acides:
OK OK ro
H—0—P=0 —0—P-0 —0—P—0
H—0/ H—0/ : —0/
Les sels que l'acide orthophosphorique forme avec les restes de
l'hydroxyde de calcium (Ca°* et CaOH*) peuvent avoir les formules
graphiques suivantes:
H—0O AM O HO—Ca—0
N \N |
O—P=0 > —0 HO—Ca—0—P=O
/ |
AS 4 HO—Ca—0
O—P=0 /
ZX Ca
H—0O O—H N
O
N
O—P=0O
J
Ca
N7/
O
sl acide sel neutre sel basique
Nous donnons ci-après les noms de quelques sels répandus.
Acide Formule de Sel neutre
l’acide
Nitrique HNOs Nitrate
Nitréux HNO: Nitrite
Aluminique (orthoalumi- H;,AlO; Aluminate (orthoalumi-
nique) nate)
Borique (orthoborique) HsBO; Borate (orthoborate)
Bromhydrique HBr Bromure
Dichromique H,Cr,0, Dichromate
lodhydrique HI lodure
Silicique H,SiOs Silicate
Permanganique HMn0, Permanganate
Métaaluminique HAIO, Métaaluminate
Métaborique HBO, Métaborate
Métaphosphorique HPO; Métaphosphate
Arsénique H,AsSO, Arséniate
38 INTRODUCTION
Acide Formule de Sel neutre
l'acide
Arsénieux HsASO; Arsénite
Orthophosphorique H,PO, Orthophosphate (phos-
pbate)
Pyrophosphorique H,P,0: Pyrophosphate
Sulfurique H,SO, Sulfate
Sulfureux H,S0, Sulfite
Carbonique H,CO; Carbonate
Phosphoreux H,POs Phosphite
Fluorhydrique HF Fluorure
Chlorhydrique HCI Chlorure
Perchlorique HCIO, Perchlorate
Chlorique HCIOs Chlorate
Chloreux HCIO;, Chlorite
Hypochloreux HCIO Hypochlorite
Chromique H,CrO, Chromate
Me (orthochro- HsCrOs Chromite (orhochromite)
meux
Cyanhydrique HCN Cyanure
Les halogénures d'acides sont les produits de substitution des hy-
droxyles des oxoacides par des atomes d’halogènes.
Lorsqu'on déduit, par exemple, la formule du chlorure d’acide
carbonique, on remplace de façon conventionnelle les hydroxyles de
l'acide HO—C—OH par les atomes de chlore: CI—C—CI.
I il
O
La définition des halogénures d’acide que nous avons donnée ci-
dessus n’est destinée qu’à déduire leurs formules. Les procédés réels
de préparation des halogénures d'acide minéraux sont spécifiques
pour chaque composé de cette classe. I] existe également des halo-
génures d’acide incomplets où les atomes d’halogènes n'ont pas rem-
placé tous les hydroxyles, ainsi que des halogénures d’acide mixtes
qui comportent des atomes d'halogènes différents.
Les noms des halogénures d'acide se composent de celui de l’ha-
logène (avec la terminaison ure), ainsi que du nom de l'acide de dé-
part *. Ainsi, les halogénures d'acides SO,CI,, POBr; et BI; ont
les formules graphiques et les noms suivants:
CI 79 Br IL
S Br—P—0O I—B
c/ “o Br/ 1/
chlorure d'acide bromure d'acide iodure de bore
sulfurique orthophosphorique
(chlorure (bromure de
de sulfuryle) phosphoryle)
* Ou du radical correspondant. (W.d.T.)
$ 4] DEGRES D'OXYDATION. CLASSES DES COMPOSES MINERAUX 39
Une propriété chimique importante, commune à tous les halo-
génures d'acide, est leur réaction irréversible avec l’eau, avec for-
mation de deux acides: acide halohydrique (HF, HCI, HBr, HÏ) et
acide dont l’halogénure en question est dérivé:
SO,CL + 2H,0 = H,S0, + 2HCI
POBr, + 3H,0 = H,PO, + 3HBr
BI, + 3H,0 = H,BO, + 3HI
CHAPITRE PREMIER
STRUCTURE ATOMIQUE.
CLASSIFICATION PÉRIODIQUE
ET LOI PÉRIODIQUE DE MENDÉLÉEV
STRUCTURE ATOMIQUE
La découverte des rayons cathodiques (flux de particules néga-
togènes) et du photo-effet (émission de particules négatogènes par un
métal soumis à l’action de la lumière) dans la seconde moitié du
XIXE s. suggéra l’idée d’une constitution complexe de l’atome. Ces
découvertes témoignaient de la présence d'électrons dans les ato-
mes. L'étude de la radioactivité des éléments chimiques (rayons @,
B et y) démontra que les atomes possédaient, en plus des électrons,
une matière chargée positivement. Les rayons canaux constituèrent
une autre preuve de l’existence de particuies positogènes à l’inté-
rieur des atomes.
Un argument important en faveur de structure complexe des ato-
mes fut la découverte de la loi de périodicité de Mendéléev :
Les propriétés des corps simples, ainsi que les propriétés et
les formes des combinaisons sont une fonction périodique des
masses atomiques des éléments chimiques.
Le raisonnement était le suivant: s’il y a une corrélation entre
les éléments chimiques constitués d’atomes, c'est que les atomes
possèdent quelque chose de commun et, par conséquent, ils doivent
avoir une structure complexe.
$ 5. Modèle planétaire de l’atome. C'est le physicien anglais
Rutherford qui est le fondateur de la théorie moderne de l’atome.
Ses expériences convaincantes montrèrent que pratiquement toute
la masse ainsi que la matière chargée positivement de l’atome étaient
concentrées dans une petite fraction de son volume. Rutherford
baptisa cette partie de l’atome noyau. La charge positive du noyau
était compensée par les électrons qui gravitaient autour. Dans ce
modèle atomique, les électrons rappelaient les planètes gravitant
autour du Soleil, d’où son nom de modèle planétaire. Par la suite,
Rutherford put utiliser des résultats expérimentaux pour calculer
les charges nucléaires. Elles s’avérèrent égales aux numéros d'ordre
des éléments dans la classification périodique de Mendéléev. Les
S »] MODELE PLANÊTAIRE DE L'ATOME 4
travaux de Rutherford et de ses disciples donnèrent à la loi périodi-
que de Mendéléev un sens plus clair et une formulation quelque peu
différente :
Les propriétés des corps simples, ainsi que les propriétés et
les formes des combinaisons d’éléments sont une fonction pé-
riodique de la charge nucléaire des atomes des éléments.
Le plus simple noyau atomique est celui de l’hydrogène. Sa char-
ge est égale en valeur et contraire en signe à celle de l’électron. Il a
la masse la plus petite parmi tous les noyaux. Le noyau atomique
de l'hydrogène fut reconnu pour une particule élémentaire. En 1920,
Rutherford lui donna le nom de proton (du grec prôtos, premier). La
masse du proton est approximativement celle de l'unité de masse
atomique.
Pourtant, les masses de tous les atomes, celui d'hydrogène
excepté, sont numériquement supérieures aux charges des noyaux
atomiques. Déjà Rutherford supposait que les noyaux devaient con-
tenir en plus des protons des particules neutres possédant une cer-
taine masse. Ces particules sont découvertes en 1932 par les physi-
ciens allemands Bothe et Becker. Le physicien anglais Chadwick
précise leur nature et les appelle neutrons. Le neutron est une parti-
cule non chargée d’une masse sensiblement proche de celle du proton
(donc, de l'unité de masse atomique).
En 1932, le chercheur soviétique Ivanenko et le physicien alle-
mand Heisenberg élaborent, indépendamment l’un de l’autre, la
théorie du noyau, selon laquelle les noyaux atomiques se composent.
de protons et de neutrons.
Considérons la structure de l’atome d’un élément (du sodium par
exemple) du point de vue de cette théorie. Le sodium est le 11° élé-
ment de la classification périodique, avec un nombre de masse égal
à 23. Vu le numéro d'ordre du sodium, sa charge nucléaire vaut 11+.
L'atome de sodium possède donc 11 électrons dont la charge totale
est égale en valeur à la charge positive du noyau. Si l'atome de so-
dium perd un éléctron, la charge positive du noyau deviendra supé-
rieure de 1 à la somme des charges négatives des électrons (10) et
l'atome de sodium se transformera en ion chargé 1+. La charge du
noyau atomique est la somme des charges des 11 protons du noyau,
d'une masse totale de 11 unités. Le nombre de masse du sodium
s'élevant à 23, la différence 23 — 11 — 12 correspond au nombre des
neutrons de l’atome de sodium.
On désigne les protons et les neutrons par le terme nucléons.
Le noyau de l’atome de sodium en comporte 23, dont 11 protons
(numéro d’ordre du sodium) et 12 neutrons. On écrit le nombre total
de nucléons (nombre de masse) en haut et à gauche du symbole de
l'élément et le nombre de protons (numéro atomique) en bas et à
gauche, par exemple “Na.
PA) STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDELÉEEV [CH I
Tous les atomes d’un élément ont la même charge nucléaire, c’est-
a-dire le même nombre de protons dans le noyau. Par contre, le
nombre de neutrons varie d’un noyau atomique à un autre, l’élé-
ment restant le même. Les atomes qui possèdent un nombre égal de
protons et un nombre différent de neutrons sont dits isotopes. Ainsi,
l'oxygène à l’état naturel se compose de trois isotopes : :*0(99,76 %
{at.)], :0[0,04 % (at.)], 0 [0,20 % (at.)]
Les atomes d'éléments différents, dont les noyaux comportent
un même nombre de nucléons, sont isobares, par exemple: ;!*Cd
‘et "Sn.
$ 6. Radioactivité. Réactions nucléaires. On appelle radioacti-
vité la transformation spontanée des atomes d'un élément chimique
-en atomes d’un autre élément avec émission de quanta d'énergie,
de particules élémentaires ou de noyaux. La radioactivité des élé-
ments chimiques est le résultat de l'instabilité des noyaux. On con-
naît aujourd'hui plusieurs formes de rayonnements émis par les
<orps radioactifs, dont les plus répandus sont:
19 Rayonnement alpha : flux de particules & qui sont des noyaux
d’hélium. La charge d’une particule & vaut 2+ et sa masse environ
-4 unités. Ainsi, en émettant une particule alpha, le noyau atomique
perd une masse égale à 4 u.m.a. et sa charge positive diminue de 2
unités.
2° Rayonnement bêta : flux de particules B qui sont des électrons.
Au point de vue de la théorie de la structure protonique et neutro-
‘nique du noyau atomique, l’émission des électrons résulte des trans-
formations de neutrons intranucléaires en protons. La masse de l’élec-
tron constituant à peu près 1/2000 de la masse d’un nucléon, l’émis-
sion d'un électron n’a pratiquement aucun effet sur la masse du
noyau, alors que la charge nucléaire augmente d'une unité.
3° Le rayonnement gamma est un flux de photons (quanta d'éner-
.&gie). En émettant les rayons y le noyau ne change ni de charge, ni
-de masse. La radiation y est le résultat du passage du noyau d'un
-état excité à un état plus stable énergétiquement. Le noyau s’excite
‘en émettant des particules & ou f. En règle générale, la désintégra-
tion bêta s'accompagne d’une radiation y. Le rayonnement alpha
‘est suivi (mais bien moins fréquemment) d'un rayonnement gamma.
Beaucoup plus rares sont les autres formes de la désintégration radio-
active que nous laisserons de côté.
En 1913, le physicochimiste américain Fajans et, indépendam-
ment de lui, le radiochimiste anglais Soddy ont formulé la règle de
déplacement. D'après cette règle, la désintégration alpha conduit à
Aa formation d’un atome de l'élément chimique dont la position dans
la classification périodique est rétrogradée de deux places (cases) par
æapport à l’élément de départ. En effet, l’émission d'un rayon alpha
&ait diminuer de deux unités la charge positive du noyau et son nu-
$ 6] RADIOACTIVITE. RÉACTIONS NUCLÉAIRES 43
méro atomique. La désintégration bêta fait croître la charge nuclé-
aire et, par conséquent, le numéro atomique de l'élément d'une uni-
té : l'élément formé avance d’une place à droite par rapport à l'élé-
ment initial. Le rayonnement gamma ne correspond à aucune trans-
mutation des éléments. L'atome de radium, en émettant une parti-
cule &, se transforme en radon, dont il est facile de calculer le numé-
ro atomique et le nombre de masse :
#6Ra —+ a+*#Rn
Le mélange naturel des isotopes du potassium renferme parmi
autres l'isotope radioactif $: ;,$K. Sa désintégration conduit à l’iso-
tope correspondant :
13K — B+ {Ca
Ï]l existe quatre familles (séries) d’isotopes radioactifs génétique-
ment liés, où chaque isotope résulte de la désintégration radioactive
du précédent. Ces séries ont été découvertes en étudiant la radioacti-
vité naturelle des éléments lourds de numéro atomique 81 et plus.
La figure 3 présente la famille radioactive de l'uranium. On caracté-
rise la vitesse de la désintégration radioactive d’un élément par sa
période de demi-vie: temps nécessaire pour que la moitié du nombre
initial d'atomes se désintègrent. On trouvera les périodes des élé-
ments, ainsi que les types de la désintégration, sur la figure 3. Il
faut dire qu'on n'avait pas compris tout de suite que les transmuta-
tions radioactives aboutissaient à des isotopes d'éléments connus:
voilà pourquoi plusieurs produits de désintégration qui font partie
de la famille de l'uranium ont eu leurs propres désignations.
En son temps, la règle de déplacement a permis de lier les séries
radioactives à la classification périodique, de prédire l’existence de
radioéléments encore inconnus, de caractériser chimiquement les
radioéléments à transmutation rapide.
Selon l'avis des savants, la radioactivité joue un rôle important
dans le bilan thermique de notre planète. C'est la désintégration
. V7 . . . .
radioactive du radium, de l'uranium, du thorium et du potassium
qui ferait monter la température des couches de la Terre en moyenne
d'un degré par 100 m de profondeur croissante. La couche radioacti-
ve de la croûte terrestre possède une épaisseur de plusieurs kilomètres.
Réactions nucléaires. Dans une réaction nucléaire, on assiste à la
transmutation des noyaux par l’action de particules élémentaires
ou d’autres noyaux. Pratiquement, on réalise une réaction nucléaire
en bombardant des noyaux plus lourds par des noyaux plus légers
ou par des particules élémentaires. Aujourd'hui, on se sert largement
de ce type de réactions pour préparer des isotopes (d'éléments con-
nus), rares à l’état naturel, ou pour synthétiser de nouveaux élé-
ments chimiques.
44 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÉLÉEV [CH. 1
g2Ù
o4Pa
Th
9oTb 2 0104 ans
Fig. 3. Famille radioactive de l'uranium
La notation d’une réaction nucléaire rappelle celle d’une réaction
chimique. On écrit à gauche les noyaux qui entrent en réaction, à
droite les produits de la réaction nucléaire. Ainsi, en irradiant les
noyaux d’azote ‘°N avec des noyaux d’hélium ;He (particules «) on
obtient un noyau instable M qui émet bientôt un proton ;p. Il n’est
pas difficile d'identifier l'élément qui résulte de cette réaction
“IN + #He + !p+ 170
$ 6] RADIOACTIVITE. RÉACTIONS NUCLÉAIRES 45
La nature d’un élément est caractérisée par son numéro atomique :
nombre de protons dans son noyau. Dans la présente réaction on
obtient l’élément de numéro 8, c'est-à-dire l'oxygène. Le nombre de
masse de cet isotope est égal à 17. L'oxygène naturel ne renferme
que 0,04 % de cet isotope.
Dans les laboratoires, on utilise comme source de neutrons un
mélange constitué par une combinaison quelconque du béryllium
et un élément radioactif émetteur de particules &. On a alors la ré-
action nucléaire suivante:
9Be+ 4He —+ 13C+ in
Dès le début des années quarante, on se sert de réactions nuclé-
aires pour obtenir des transuraniens. Le premier transuranien pré-
paré suivant cette voie a été l’isotope neptunium 239 issu du bom-
bardement de l'uranium 238 par des deutérons * de haute énergie:
258U + 5D —+ SU + ip
B3U —+ 22Np +8
Quelques pays produisent d'importantes quantités (plusieurs
tonnes) de combustible nucléaire : plutonium 239. On le prépare dans
les réacteurs atomiques par action de neutrons lents sur l’uranium
238. L'uranium 239 instable, produit de cette réaction, se transfor-
me en neptunium 239 en émettant des particules 6. Ce dernier iso-
tope présente également une radioactivité bêta et donne par trans-
mutation radioactive le plutonium 239. Les réactions nucléaires
correspondantes s’écrivent comme suit:
FEU + gr — SU
SU + B-+ END
SU —+ B- #3 Pu
Radioactivité artificielle. Il est possible de rendre radioactifs des
atomes stables en les bombardant avec des noyaux ou des particules
élémentaires. Jadis on ne pouvait utiliser pour un tel bombardement
que & flux de particules & (appelées aussi hélions) résultant de la
désintégration des éléments radioactifs naturels. Avec la mise en
œuvre de divers accélérateurs (cyclotrons, synchrophasotrons) les
possibilités d'obtention des isotopes radioactifs artificiels se sont
considérablement élargies. Aujourd'hui, plusieurs pays (dont
l'U.R.S.S.) possèdent toute une industrie des isotopes radioactifs,
dont on fait un large usage dans les laboratoires de recherches et
dans l’industrie.
On prépare industriellement l’isotope radioactif bêta de l'hydro-
gène, le tritium, en soumettant le béryllium au bombardement des
* Les deutérons (ou deutons), noyaux de l'isotope lourd de l’hydrogène D
(deutérium), se composent d'un proton et d’un neutron.
46 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÉÊLEEV [CH. I
deutons suivant la réaction:
4Be -+ D —+ Be +iT
Le carbone 14, isotope radioactif, présente une grande valeur
pratique. On l’obtient par bombardement neutronique de l'azote:
BN + on — ip +180
Les isotopes radioactifs :T et C (atomes marqués ou traceurs ato-
miques) ont permis de résoudre plusieurs problèmes relatifs au méca-
nisme des réactions organiques. La méthode des traceurs atomiques
a joué un rôle important non seulement dans la chimie, mais aussi
dans la biologie, la médecine, l’agriculture, ainsi que dans diverses
branches industrielles.
$ 7. Atome de Bohr. L'’atome planétaire de Rutherford reflétait
cette vérité évidente que la masse essentielle de l’atome se trouve
concentrée dans une fraction minime de son volume, le noyau atomi-
700 600 500 400
À,nm
Fig. 4. Une partie du spectre de l'atome de mercure
que, les électrons étant répartis dans le reste du volume atomique.
Pourtant, un électron qui décrit une orbite autoura du noyau entre en
contradiction avec la théorie du mouvement des charges électriques:
l'électrodynamique. |
D'abord, un électron gravitant autour du noyau devrait. selon
les lois de l'électrodynamique, tombera sur le noyau, car son énergie
diminuerait nécessairement du fait du rayonnement. Ensuite, en
s'approchant du noyau, cet électron rayonnerait des ondes toujours
plus courtes formant un spectre continu. Or, les atomes ne disparais-
sent pas: les électrons ne se précipitent donc pas sur le noyau. De
plus, le spectre d'émission de l’atome est discontinu.
Lorsqu'on porte un métal à sa température d’évaporation, ses
vapeurs émettent une lumière, dont la couleur est variable suivant
le métal. Le rayonnement de la vapeur métallique, décomposé dans
un prisme, donne un spectre constitué de raies lumineuses séparées
(fig. 4). Un tel spectre est dit « de raies » (« de lignes »). Chaque raie
spectrale se caractérise par une certaine longueur d'onde ou une
certaine fréquence du rayonnement électromagnétique. Actuelle-
8 *] ATOME DE BOHR 47
ment, on mesure les longueurs d'onde en nanomètres (1 nm —
= 10 7m)
En 1905, Einstein, préoccupé du phénomène de photoeffet (émis-
sion d'électrons par des métaux soumis à l’action de la lumière),
énonce l'hypothèse, selon laquelle la lumière se propagerait sous.
forme de photons d'énergie Æ, liée à la longueur d'onde de la lumière
À et à sa fréquence v par la relation
E=hmhv
où cest la vitesse de la lumière (3-10 cm/s),
hk la constante de Planck (6,63-10-% J:.s).
Ainsi. chaque raie spectrale serait due à des protons de même
énergie. Par conséquent, les atomes rayonnent de l'énergie sous for-
me de photons ou quanta d'énergie ayant des valeurs déterminées pour
chaque type d'atome.
En 1903, le physicien danois Bohr introduit dans le modèle pla-
nétaire de Rutherford des conceptions quantiques qui expliquent
l'origine des spectres atomiques discontinus. Sa théorie de la struc-
ture de l’atome d'hydrogène se base sur deux postulats **.
Premier postulat de Bohr:
L’électron gravite autour du noyau, sans rayonner d'éner-
gie, sur des orbites stationnaires strictement définies qui sa-
tisfont à la théorie des quanta ***.
L'électron placé sur chacune de ces orbites possède une énergie-
déterminée. Plus une orbite est éloignée du noyau, plus l'énergie de-
l'électron occupant cette orbite est élevée.
Dans la mécanique classique, le mouvement de tout objet autour
d'un centre est défini par le moment cinétique mur (où m est la mas-
se du corps en mouvement, v est sa vitesse, r le rayon du cercle).
Selon la mécanique quantique, l'énergie de cet objet ne peut avoir
que çertaines valeurs: elle ne varie que par sauts. D'après Bohr, le-
moment cinétique de l'électron dans l'atome d'hydrogène ne peut
être égal qu'à un nombre entier de quanta d’action (k/2x). Autre-
; ; h h hk le «
ment dit, le produit mur aura les valeurs = ; 25= : 35 ou n;— (où »
est un nombre naturel). Cette relation due, probablement, à la seule
* Avant 195-1976, on se servait souvent d'une autre unité de mesure, ang-
strôm (À) : 1 À — 10-8 cm (ou 10-19 m).
** Postulat : proposition non évidente par elle-même, mais admise comme:
principe premier sans être démontrée.
*** La théorie des quanta fut créée en 1900 par le physicien allemand
Planck qui considérait qu'une limite de divisibilité existait non seulement pour
la matière et l'électricité, mais aussi pour l'énergie: quantum d'énergie.
48 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÉLÉEV [CH. 1
perspicacité de Bohr, fut ensuite démontrée mathématiquement par
le physicien français de Broglie.
Ainsi, le premier postulat de Bohr s'exprime mathématiquement
par la relation
h
mur=n pr (1)
ou, autrement dit, le moment cinétique angulaire de l’électron ne
peut varier d’une façon continue. Sa variation n'est possible que
par des portions déterminées (sauts).
En conformité avec l’équation (1) le rayon minimal de l'orbite
d'un électron et, par conséquent, l'énergie potentielle minimale (et
totale) de l’électron correspond à r — 1. L'état de l’atome d’hydro-
gène dui répond à nr = 1 est dit éfat normal ou fondamental. Un ato-
me d'hydrogène dont l’électron occupe une autre orbite (nr — 2, 3,
4, ...) est excité.
L'équation (1) comporte deux inconnues: la vitesse de l’électron
et le rayon de son orbite. Si l’on établit encore une équation compor-
tant vet r, il devient possible de calculer les valeurs de ces impor-
tantes caractéristiques de l’électron dans l’atome d'hydrogène. On
obtient cette seconde équation en prenant en considération l'égalité
des forces centrifuge et centripète qui agissent dans le système noyau
de l’atome d'hydrogène-électron.
La force centrifuge est égale à mv?/r. La force centripète qui dé-
termine l'attraction de l’électron par le noyau est définie, selon la
loi de Coulomb, par la relation 2e (e, étant la charge de l'électron,
e, la charge du noyau). Compte tenu de l'égalité des charges de l’élec-
tron et du noyau dans l'atome d'hydrogène, on peut écrire :
mu* e°
= 2)
r r
En résolvant le système des équations (1) et (2) par rapport à v
et à r, on trouve:
ho ”
Fe 4ème F (3)
dre 1
ee — (4)
h n
Les équations (3) et (4) offrent la possibilité de calculer les rayons
des orbites et les vitesses de l’électron pour toute valeur de n. Lors-
que n = 1, le rayon de la première orbite de l'atome d'hydrogène
(rayon de Bohr) vaut 0,053 nm. L’électron se meut sur cette orbite à
2200 km/s. Les équations (3) et (4) montrent que les rayons des orbi-
tes électroniques de l'atome d'hydrogène sont entre eux dans le
rapport des carrés des nombres naturels et que la vitesse de l’élec-
tron diminue, lorsque nr augmente.
$ 8] PROPRIETES CORPUSCULAIRES ET ONDULATOIRES 49
Deuxième postulat de Bohr:
En passant d’une orbite sur une autre, l’électron absorbe ou
émet un quantum d’énergie.
Lorsque l'atome s’excite, c’est-à-dire que l’électron passe de
l'orbite la plus proche du noyau sur une orbite plus éloignée, il y a
absorption d’un quantum d'énergie. Lorsque, par contre, l’électron
passe d’une orbite éloignée sur une orbite plus proche, il y a émission
d’un quantum d'énergie (E, — E,) = hv
(fig. 5). Après avoir déterminé les rayons
des orbites et les énergies des électrons 17
qui les occupent, Bohr a calculé l'énergie
des photons et les raies qui leur corres- p/\
pondent dans le spectre discontinu de O=
l'hydrogène. Ses résultats retrouvaient les
données expérimentales.
Le nombre nr qui détermine les dimen-
sions des rayons des orbites quantifiées,
les vitesses des électrons et leurs énergies,
a été dénommé nombre quantique princi-
pal. Par la suite, le physicien allemand Fig. 5. Schéma des transi-
Sommerfeld a perfectionné la théorie de tions de l'électron
Bohr. Il a supposé que l’atome pouvait
posséder, outre les orbites circulaires, des orbites électroniques ellip-
tiques : l'existence de ces dernières expliquait l'origine de la struc-
ture fine du spectre de l'hydrogène.
Cependant, la théorie de la structure atomique de Bohr-Sommer-
feld qui réunissait des conceptions classiques et quantomécaniques
était, de la sorte, construite sur des contradictions. Ses défauts prin-
cipaux se résument à ceci:
19 Cette théorie s’avère incapable d'expliquer tous les détails
des caractéristiques spectrales des atomes.
20 Elle ne permet pas le calcul quantitatif de la liaison chimique
même dans une molécule aussi simple que celle d'hydrogène.
VV
$ 8. Propriétés corpusculaires et ondulatoires du microunivers.
Les lois qui décrivent le mouvement des électrons et des autres par-
ticules de faible masse (microobjets) diffèrent des lois définissant le
mouvement des corps visibles à l'œil nu (macroobjets).
La théorie moderne du mouvement des microobjets est basée sur
l’idée de leur double nature. Il est établi que les microobjets se com-
portent tantôt comme des particules, tantôt comme des ondes.
E;
Propriétés ondulatoires et corpusculaires de la lumière. On s'est aperçu pour
la première fois de la double nature des microobjets en étudiant la lumière.
D'une part, la lumière présente les phénomènes d’interférence et de diffraction,
propres à tout processus ondulatoire. D'autre part, il y a des faits qui témoignent
4—01151
50 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÉLÉEV [CH. I
des propriétés corpusculaires de la lumière, tel le photoeffet : émission d'électrons
par des métaux et semiconducteurs soumis à l’action de la lumière, phénomène
découvert par Stolétov en 1889.
La théorie ondulatoire de la lumière ne peut expliquer le phénomène de
photoeffet défini, en particulier, par les lois suivantes.
49 Le nombre d'électrons libérés par la lumière pendant l'unité de temps
est proportionnel au flux lumineux.
20 La vitesse des électrons émis ne dépend pas de l'intensité du foyer
lumineux. Elle n’est fonction que de la fréquence de la lumière appliquée et de
la nature de la substance.
Au point de vue de la théorie ondulatoire de la lumière, plus la source
lumineuse est intense, plus l’amplitude de l'onde luminevse émise doit être
rande. L'énergie que l'électron éjecté peut recevoir serait d'autant plus élevée.
Pourtant selon les résultats expérimentaux. les vitesses des électrons éjectés
par la lumière ne subissent aucune influence de l'intensité de la source lumineu-
se. Elles ne sont déterminées que par la longueur d’onde ou la fréquence de la
lumière.
En 1905, Einstein déduit l’équation qui décrit le photoeffet :
m L°
2
hv = A+
où À est le travail d'extraction électronique pour une substance donnée,
m la masse de l'électron,
v sa vitesse.
11 découle de cette équation que si le rayonnement est composé de quanta,
les électrons absorbent ces quanta en s’appropriant leur énergie. Lorsque cette
énergie est supérieure au travail de sortie de l'électron d'une substance donnée,
il quite cette dernière : alors son énergie diminue de 4. L'énergie qui lui reste
est l’énergie cinétique de l’électron. Plus la lumière est intense, plus il y a d'élec-
trons qui reçoivent son énergie; mais la portion d'énergie reste invariable et
égale à hv. Ainsi. les lois du photoeffet peuvent être expliquées de façon satis-
faisante si on admet Ja nature corpusculaire de la lumière.
Propriétés corpusculaires et ondulatoires des particules. En 1924, de Broglie
émet l'hypothèse que la double nature corpusculaire et ondulatoire est inhérente
non seulement aux photons, mais à tout autre corps matériel. Selon lui, le
mouvement de toute particule peut être considéré en tant qu'un processus ondu-
latoire. De même que la lumière. ce mouvement doit satisfaire à la relation
À = h/mv où m est la masse de la particule et v est sa vitesse. Ces ondes pour
les particules matérielles ont été baptisées brogliennes. L'expérience a confirmé
l'hypothèse formulée par de Broglie. En 1927, Davisson et Germer aux Etats-
Unis et Tartakovski en U.R.S.S. observent la diffraction des électrons, en
utilisant comme réseau de diffraction un cristal ou une lame de chlorure de
sodium. Aujourd'hui la diffraction des électrons et des neutrons est devenue un
intsrument important de la recherche expérimentale.
Pour estimer l'ordre de grandeur de la longueur d'onde À liée au mouve-
ment d’une microparticule. nous en ferons le calcul pour l’électron (sa masse
est égale à 9,11 .10-31 kg) se déplaçant à une vitesse de 2200 km/s, soit 2,2 -106 m's
à fi =: 0:39 pm
La longueur d'onde calculée est égale à la longueur de Ja circonférence de
la première orbite de Bobr (rg = 0,053 nm).
Selon de Broglie, les propriétés ondulatoires de l'électron dans l'atome
se manifestent dans le fait que la longueur d’onde caractérisant le mouvement
de l’électron doit être contenue dans la longueur de l'orbite un nombre entier
$ 8] PROPRIÊTES CORPUSCULAIRES ET ONDULATOIRES 51
de fois, soit 2x7 — nÀ (fig. 6). En combinant cette équation à l'équation À =
= h/mv, on obtient celle de Bohr (1). ;
Ici il faut surtout insister sur le fait que les longueurs d'onde de l'électron
dans l'atome ont le même ordre de grandeur que les dimensions de l'atome:
autrement dit, il est possible de décrire le mouvement de l’électron dans l'atome
en partant de ses propriétés ondulatoires.
Principe d'incertitude. Le physicien al-
lemand Heisenberg a critiqué le modèle pla-
nétaire de Bohr en se basant sur la diffé-
rence fondamentale qui existe entre les ma-
cro et les microobjets, notamment quant aux
conditions de leur observation.
On détermine la position et la vitesse
d'un macroobjet par observation visuelle.
C’est la lumière réfléchie par le corps observé
qui fournit l'information nécessaire. Ordinai-
rement. cette lumière n'exerce aucun effet
sur la position et la vitesse de l'objet. füt-ce
un ballon de football ou une voiture, car
l'action de la lumière sur des masses aussi
importantes est tout à fait négligeable. Mais
les choses se présentent sous un jour tout diffé-
rent si l’on essaic d'observer l'électron à l’ai- Fig. 6. Onde électronique
de de photons. car le photon agit sur l’élec-
tron en modifiant de façon considérable la
vitesse et la direction de son mouvement. Ainsi, ayant déterminé la position
de l'électron, on ne peut plus connaître sa vitesse: elle a changé.
On pourrait essayer d'observer l'électron à l’aide de photons du domaine
spectral infrarouge: ces photons possèdent une énergie très faible. Alors. en
principe, il serait possible de déterminer la vitesse. Mais, la sensibilité des
appareils étant d'autant plus faible que les ondes lumineuses sont plus longues,
on ne pourrait déterminer avec précision la position de l’électron. En effet, les
ondes infrarouges ont les longueurs de l'ordre de quelques dizaines de milliers
de nanomètres, alors que l’électron est à peu près 10 000 fois plus petit.
Heisenberg a déduit la relation d'incertitude
À
k
où Ap est l'incertitude (l'erreur) relative à la valeur de l'impulsion de l'objet
(ou sa quantité de mouvement),
Az l'incertitude sur la position de l'électron.
Ainsi, si l’on a déterminé la position de l'électron à 10-1° cm près. l'in-
certitude sur la vitesse est égale à 58000 km/s (et l'électron se déplace à
2000 km/s ).
I] ne faut pas interpréter le principe d'incertitude comme notre incapacité
de mesurer avec précision certaines grandeurs : il s’agit là d’une propriété réelle
des objets en mouvement. dont la trajectoire n’est pas une droite ou une courbe
coulante, mais présente un certain caractère ondulatoire, pouvant être décrite
à l’aide d'équations du mouvement ondulatoire.
Modèle probabiliste de l'atome. La conséquence la plus importante
de l'application du principe d'incertitude à la description des pro-
cessus physiques à l’intérieur de l’atome est l'impossibilité de dis-
poser des coordonnées précises de l’électron à tout moment donné.
L'incertitude sur la position et la vitesse de l’électron est tellement
&®
52 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÉLÉEV [CH. 1
importante qu’on n'espère pouvoir analyser la trajectoire de son
mouvement. Pourtant, l'approche probabiliste permet quand même
une description de l’atome.
Dans la pratique, on recourt souvent aux lois probabilistes-
(stochastiques). Dans ces cas-là, on renonce à considérer un seul
objet: on étudie le comportement d’un grand ensemble d'objets
qui détermine les conditions du comportement du système entier.
On a affaire à de tels systèmes en étudiant, par exemple, le trafic
des ;voyageurs: on ne considère pas chaque itinéraire individuel,
mais l’intensité du trafic dans une direction donnée. Un autre exem-
ple est fourni par la pression du gaz sur les parois du récipient: les
caractéristiques du mouvement d’une molécule peuvent être très
variables à chaque instant, alors que le comportement d’un grand
ensemble de molécules n’est fonction que de la température et du
nombre de particules dans l'unité de volume.
De façon analogue, lorsqu'il s’agit de caractériser le comporte-
ment de l’électron dans le champ du noyau atomique, il importe
peut-être avant tout de connaître non la position de l’électron par
rapport aux trois coordonnées, mais uniquement la probabilité de sa
présence dans un volume déterminé de l’atome
Equation de Schrüdinger. De Broglie avait posé la première pierre
de la mécanique quantique (ondulatoire) qui décrit le mouvement
des microparticules. La théorie moderne de la structure atomique
tire son origine de la description quantomécanique de l’atome par
Schrôüdinger. Ce dernier a proposé une méthode d'expression des lois
du mouvement des particules auxquelles on a affaire dans la théorie
des atomes et des molécules.
On peut comparer l'onde électronique à une onde stationnaire qui apparaît,
par exemple, sur une corde dont l’une des extrémités est fixe et l’autre soumise
Fig. 7. Schéma d'une onde stationnaire
à un mouvement de montée et de descente dans un même plan (fig. 7). Une onde
stationnaire se caractérise par son mouvement forcé où les maxima et les minima
de l’amplitude, de sens opposés, se succèdent restant dans le même plan. L'ampli-
tude est nulle à mi-chemin entre le maximum et le minimum: c'est le point
nodal ou le nœud. En passant par le nœud, l’onde change de sens et, donc, de
signe. Comme l'onde stationnaire ne se déplace que dans un seul plan, son
amplitude n’est fonction que d’une seule coordonnée.
Les ondes électroniques pouvant se propager dans n'importe que plans,
leur amplitude est une fonction de trois coordonnées : 4 (x, y, z). On l'appelle
$ 8] PROPRIETES CORPUSCULAIRES ET ONDULATOIRES 53
usuellement fonction d'onde. Schrôdinger a déduit une équation qui lie l'énergie
d'un système électronique à la fonction d'onde. L'équation de Schrôdinger
pour le mouvement d’une seule particule, tel l’électron dans l'atome d’hydro-
gène. a la forme générale suivante:
L (+ LT ] Um Et
” 8rim \ ri dy® CE
U étant l'énergie potentielle de l’électron,
E l'énergie totale de l'électron.
Sans élucider le sens mathématique de l'équation de Schrüdinger,
mentionnons ses particularités.
19 L’équation n’a des solutions que pour certaines valeurs déter-
minées de l'énergie de l’électron. Le caractère quantique du compor-
tement de l’électron dans l’atome se présente donc comme la consé-
quence de la résolution de l’équation utilisant les caractéristiques
ondulatoires du mouvement de l’électron.
2° Les solutions de l’équation expriment les probabilités de trou-
ver l’électron en tel ou tel point de l’espace entourant le noyau ato-
mique, sans lier aucunement cette probabilité à la trajectoire du
mouvement de l’électron. Dans le cas de systèmes polyélectroniques,
la résolution de l’équation se complique: sa résolution rigoureuse
n’est possible à l’heure actuelle que pour l’atome d’hydrogène (et
les particules hydrogénoïdes, c'est-à-dire monoélectroniques, tels
He”, LT: 9)
Dans l’équation de Schrôdinger la fonction d'onde possède un
sens physique limité, mais, ce qui est important, 1° est la mesure de
la probabilité de présence de l'électron dans un certain volume à la
distance r du noyau. La fonction 4xr°14* définit la probabilité de trou-
ver l’électron dans une certaine couche sphérique (4nr° est la surface
d’une sphère de rayon r) à la distance r du noyau. Dans l'atome d'hy-
drogène le maximum de cette fonction pour l’électron de la plus petite
énergie correspond à la distance égale au rayon de Bohr.
Souvent on préfère considérer l’électron comme étalé sur l'atome
sous la forme d'un nuage électronique. La fonction +* devient alors
la mesure de la densité électronique dark un volume donné. Cette
représentation de l’électron sous l’aspect d’un nuage, dont la densité
en tout point est proportionnelle à 4°, est très répandue et utile. Le
modèle probabiliste de l’atome rend vide de sens la notion d'’orbite
électronique: on n’y a affaire qu’à la densité électronique étalée
dans l’espace. La figure formée par l’électron « étalé » a le nom d'’or-
bitale. On peut considérer que l'orbitale est l'espace comprenant
90 % du nuage électronique. Il est possible d'obtenir l’orbitale
sous la forme d’une fonction d’onde 1 en résolvant l’équation de
Schrôdinger. L'’orbitale (la fonction d'onde) change donc de signe
en passant par le point nodal.
Une caractéristique très importante d'une orbitale est son type
de symétrie. On appelle orbitaless les orbitales à symétrie sphérique.
54 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÊLEEV (CH. I
Les orbitales à symétrie axiale qui ont la forme d’haltères sont dé-
nommées orbitales p. Lesorbitales d et f ont une forme plus co mpliquée.
La résolution de l’équation de Schrôdinger montre qu’un niveau
électronique peut contenir une orbitale s, trois orbitales p, cinq
orbitales d et sept orbitales f. Les axes de trois orbitales p forment
entre eux des angles de 90°.
Les états quantiques discrets de l’électron dans l’atome se mani-
festent dans la différence des formes des orbitales, ainsi que dans
l'absence de formes intermédiaires et dans le fait que les orbitales
ont une orientation spatiale déterminée: certaines directions privi-
légiées se peuplent d’électrons, alors que d’autres restent vides.
Caractéristiques quantiques des états électroniques dans l'atome
(nombres quantiques). Les différentes formes des orbitales correspon-
dent aux différences dans le caractère du mouvement de l’électron.
L'absence de formes transitoires entre, par exemple, les orbitales s
et p atteste que le passage de l’électron d'un état à un autre se
fait par saut. Ainsi, l’électron présente des états quantiques diffé-
rents suivant l'orbitale qu'il occupe.
Il existe un système de caractéristiques quantiques de l'électron
(nombres quantiques) qui sert à définir l’état de l’électron dans
l’atome.
Nombre quantique principal. L'énergie de l’électron et la taille
du nuage électronique sont déterminées par la grandeur ». Plus nr
est élevé, plus la taille du nuage électronique et l'énergie de l’élec-
tron sont importantes. Le nombre quantique principal nr peut pren-
dre toute valeur entière : 1, 2, 3, 4,
Nombre quantique orbital. L' étude ‘des spectres atomiques a ré-
vélé que les raies spectrales ont, elles aussi, une structure complexe.
Elles sont composées de lignes fines ra pprochées les unes des autres.
Sachant que toute raie du spectre est le résultat d'un passage quanti-
que déterminé de l’électron, on peut admettre qu’un niveau énergéti-
que se compose de plusieurs sous-niveaux énergéliques.
L'énergie d'un électron dépend non seulement de la distance qui
le sépare du noyau, mais aussi de son moment cinétique mvr. Le
moment cinétique orbital de l'électron est également soumis aux lois
de la quantification: il ne peut prendre que des valeurs déterminées.
Le moment cinétique orbital de l’électron est caractérisé à l’aide du
nombre quantique /, dit nombre quantique orbital ou secondaire.
C'est un entier variant de O à (n — 1). À chaque valeur de ! corres-
pond un moment cinétique orbital déterminé de l’électron, alors
qu'à chaque moment orbital correspond une forme déterminée de
l’orbitale.
Le premier niveau énergétique (7 — 1) ne peut donc posséder qu'un
seul sous-niveau à L — 0. Pour le niveau énergétique à nr = 2
deux sous-niveaux sont possibles: à L = 0 et ! = 1. Le niveau à
n — 3 peut se composer de trois sous-niveaux: L = 0, ! = 1 et
$ 8] PROPRIÊTES CORPUSCULAIRES ET ONDULATOIRES 55
l — 2. Le nombre de sous-niveaux énergétiques possibles est stricte-
ment déterminé et numériquement égal au nombre quantique prin-
cipal.
Usuellement, on désigne les sous-niveaux quantiques à .
—= 0,1,2,3, ... à l’aide de lettres et on leur attribue le nom d'éta
Fig. S. Formes des orbitales électroniques pour quelques états électroniques
différents dans les atomes
électroniques (respectivement, états s, p, d, f). Un électron dans l’état
s est appelé électron s, etc. Il découle de la résolution de l’équation
de Schrüdinger (fig. 8) que les électrons s (2 = 0) occupent des orbi-
tales sphériques, les orbitales des électrons p (1 = 1) sont en forme
d'haltère, celles des électrons d ont la forme d’une rosette, tandis
que les électrons f forment des nuages encore plus compliqués.
56 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÉLÉEV [CH. 1
L'usage veut que l’on désigne les états énergétiques de l’élec-
tron avec des chiffres et des lettres. On place le chiffre correspon-
dant au nombre quantique principal devant la lettre qui caractérise
le nombre quantique secondaire. Ainsi, l’électron de l’atome d'’hy-
drogène peut présenter l’état 2s. Cela veut dire qu’il se trouve sur le
deuxième niveau énergétique dans l’état s: son nuage électronique
est sphérique. La notation 3p caractérise un électron qui occupe le
troisième niyeau énergétique dans l’état p (nuage électronique en
forme d'haltôre).
Nombre quantique magnétique. Si l’on examine le spectre des ato-
mes d'hydrogène placés dans un champ magnétique extérieur, on
peut remarquer que les raies spectrales se dédoublent encore plus.
Il s'ensuit que les sous-niveaux énergétiques se décomposent à leur
tour en champ magnétique. Comme l'enseigne le cours de physique,
le mouvement de l’électron (courant électrique!) suivant un circuit
crée un champ magnétique, la ligne qui passe par le nord et le sud
de ce champ étant perpendiculaire au plan du circuit. Le moment
cinétique orbital est indissolublement lié au champ magnétique de
l’électron en mouvement; par conséquent, les caractéristiques ma-
gnétiques du mouvement de l’électron doivent présenter une corréla-
tion avec le nombre quantique orbital L.
L'énergie de l’électron est fonction de l'orientation de son orbi-
tale par rapport au champ magnétique extérieur. Elle est déterminée
par l'interaction des champs magnétiques. C’est une grandeur quan-
tifiée (qui varie par sauts). Voilà pourquoi les orbitales ne se dis-
posent dans l’espace que d’une façon déterminée. Ainsi, les orbi-
tales p qui ont la forme d’un haltère s'orientent perpendiculairement
les unes aux autres suivant les axes des coordonnées cartésiennes. En
conformité avec la direction des coordonnées les orbitales p sont
désignées p,, p,y Ou p: (v. fig. 8).
Dans le cadre de la mécanique quantique, le nombre des diffé-
rentes orientations spatiales des orbitales est caractérisé par. le
nombre quantique magnétique m,. Pour chaque valeur donnée du
nombre quantique secondaire ! le nombre quantique magnétique
prend toutes les valeurs entières de +2 à —[, O inclu. Lorsque ! —
— 0, m, ne peut être que nul, ce qui veut dire que chaque couche
ne peut contenir qu'une seule orbitale s orientée d'une seule manière
possible. Lorsque À = 1, m, prend les valeurs +1, 0, —1, la couche
pouvant renfermer trois orbitales. Lorsque ! = 2, m, peut valoir
+2, +1, 0, —1, —2: cinq orbitales d possibles. Suivant leur confi-
guration spatiale ces orbitales reçoivent les désignations d.:, d,s_»,
dixs dy et dxy (V. fig. 8). Enfin, lorsque l = 3, m, prend les valeurs
+3, +2, +14, 0, —1, —2, —3: sept orbitales f.
Nombre quantique de spin. Outre le moment cinétique orbital,
l’électron possède son propre moment cinétique dû à la rotation de
l'électron sur lui-même. Ce mouvement de rotation est dit spin.
$ 8] PROPRIÊTES CORPUSCULAIRES ET ONDULATOIRES 57
Ainsi qu'à tout autre mouvement, il lui correspond un moment ci-
nétique. D'une façon approchée, le spin électronique peut être re-
présenté en tant que la rotation de l’électron autour de son axe dans
le sens des aiguilles d’une montre ou dans le sens inverse. Le mo-
ment de spin électronique est une grandeur quantifiée qui peut pren-
dre deux valeurs: <+14/2 et —1/2 ou tout simplement + et —. Le
nombre de spin s est le quatrième nombre quantique.
Etats énergétiques de l’électron dans l'atome d'hydrogène. L'atome:
d'hydrogène possède un seul électron dont l’état fondamental se ca-
ractérise par les nombres quantiques suivants: n = 1, = 0, m, —
= 0,s— +1/2ou —1/2. Lorsque l’électron s’excite, le nombre quan-
tique principal peut prendre les valeurs 2, 3, 4, etc. Le Tableau I
regroupe tous les états électroniques possibles qui correspondent aux
nombres quantiques principaux de 1 à 5.
Tableau I
Etots possibles de l'élection dsns l’atome d'hydrogène
Nombres quantiques
Nombre Etat Nombre
prin- | secon- d d'états quantique Ro
cipal | daire magnétique m;, e ph n dre sens ec Éjectro-
d niques
1 0 0 +— 2 s 2
2 0 0 TT — 2 s | 8
#0 0 +- 2 s
1 +1, 0, —1 LE 6 , | je
2 +2, +1, 0, —1, —2 + — 10 d
4 0 0 re 2 s
1 14, 0, —1 L— 6 p
3 | +3, +2, +1, 0, + 14 j
1.10. =
0 +- 2 s |
1 +1, 0, —1 + p
2 +2, +1, 0, —1, —2] —— 10 d |
+4, +3, +2, HE, += 18 Ed |
0, —1, —2, —3, —4
L 9 9
Lorsque l'équation de Schrüdinger est résolue de façon stricte, on
arrive à calculer les énergies qui correspondent à chaque état élec-
tronique. Parfois, on représente les états électroniques qui répon-
dent à des valeurs déterminées de », Let m, à l’aide de cases. Il y en
58 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÊÉLÉEV [CE. I
a deux, qui ne diffèrent que par leurs nombres quantiques de spin.
La case est la représentation symbolique d’une orbitale.
$ 9. Atomes polyélectroniques. La résolution stricte de l’équation-
de Schrôdinger est possible dans le cas de l’atome d'hydrogène. On
trouvera sur la figure 9 le schéma des états électroniques dans l’ato-
me d'hydrogène pour les nombres quantiques principaux de 1 à 4.
E = : &d 4f
3s
à CO OI
[1 CL
Fig. 9. Energies des niveaux électroniques dans l’atome d'hydrogène
Dans les limites d’un même nombre quantique principal les états
électroniques (s, p et d) de l’atome d'hydrogène sont dégénérés :
ils ont tous la même énergie.
S'il n’y avait aucune interaction entre les électrons d’un atome,
on retrouverait les mêmes états électroniques dans un atome à
électrons multiples. Mais, en réalité, les électrons se repoussent mu-
tuellement. Ainsi, l’électron périphérique d'un atome est attiré par
le noyau, mais repoussé par les électrons internes. Le noyau est
pour ainsi dire blindé par les électrons internes, comme si sa charge
diminuait jusqu’à une certaine valeur « effective ». Le blindage par
les électrons internes est très sensible au niveau des électrons d,
moins pour les électrons p et encore moins pour les électrons s. La
dégénérescence des électrons se trouve ainsi levée: leurs énergies
sont devenues différentes. On trouvera sur la figure 10 le schéma
des états électroniques dans des atomes à plusieurs électrons.
Dans le cas des atomes polyélectroniques, on est obligé de se ser-
vir de solutions approchées de l'équation de Schrôdinger. Il existe
une règle (formulée par le savanf soviétique Kletchkovski) qui per-
met de disposer les étatè électroniques (orbitales) dans l'ordre de
leur énergie croissante. La disposition des orbitales suivant leurs
‘énergies, représentée sur la figure 10, n’est valable que pour les
éléments légers. En commençant par le zinc, suite à l’accroissement
8 9] ATOMES POLYELECTRONIQUES 59
de la charge positive du noyau, la situation se complique. On repar-
lera de ce problème plus loin.
La structure électronique détermine les propriétés chimiques des
éléments et de leurs combinaisons. Si l’on veut prédire les propriétés
chimiques des éléments, il faut savoir établir la structure électroni-
|
ae 5d Af
2 4d
5s
6 OÙ ot
4p
3d
Fig. 10. Energies des niveaux électroniques dans les atomes à électrons
multiples
que des atomes. C’est essentiellement le principe de Pauli et la règle
de Hund qui régissent le remplissage des couches électroniques des
atomes.
Nombre d'électrons sur les niveaux et les sous-niveaux électroniques.
Principe de Pauli. Le principe de Pauli s’énonce comme suit:
Un atome ne peut contenir deux électrons dans les états ca-
ractérisés par quatre nombres quantiques tous identiques.
En établissant la structure électronique d’un atome à électrons
multiples, il faut partir du fait que les électrons remplissent toutes
les orbitales de l’atome dans l’ordre d’accroissement de l’énergie de
l’électron sur chacune des orbitales (v. fig. 10). Le principe de Pauli
donne la possibilité de calculer la capacité des niveaux et des sous-
60 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÉL£ÉEV [CH. I
niveaux électroniques, qui s'avère égale au nombre des états élec-
troniques correspondants (v. Tableau 1).
Lorsque le nombre quantique principal nr = 1, le nombre quan-
tique orbital ! et le nombre quantique magnétique m, n'ont qu’une
seule valeur: 0. Alors la seule distinction possible entre les électrons
se situera au niveau de leurs nombres quantiques de spin. La pre-
mière couche électronique ne présente donc que deux états quanti-
ques possibles caractérisés par les nombres quantiques suivants *:
n=1Â, 1=0,m =0,s= +1/2 et n=1, 1=0, m =0, s =
— —1{,2. La notation abrégée pour la première combinaison: 1; 0;
0 ; +1/2, pour la seconde : 1 ; 0 ; O0 ; —1/2. La première couche électro-
nique ne pouvant avoir qu'une seule valeur du nombre quantique
orbital (0), les deux électrons de cette première couche sont des élec-
trons s, qui occupent des orbitales s de symétrie sphérique. L'élé-
ment qui possède un seul électron sur l'’orbitale 1s est l'hydrogène,
alors que dans l’atome d’hélium l'orbitale 1s est peuplée de deux
électrons. La notation pour la structure électronique de l'hydrogène
est 1s 1, pour l'hélium 1s° **. Dans l’atome d'hélium la première
couche électronique qui contient 2 électrons est donc complètement
remplie (saturée).
Revenons au Tableau 1. Lorsque n = 2, li peut prendre deux va-
leurs : 0 et 1. Pour { — 0 deux combinaisons de nombres quantiques
sont possibles : 2: 0; 0; +1/2 et 2; 0; 0; —1/2. Ainsi, la deuxième
couche électronique peut contenir également deux électrons s (! = 0).
Lorsque ! = 1, le nombre quantique magnétique prend déjà trois
valeurs: “+1, O0, —1, et les combinaisons possibles des nombres
quantiques sont les suivantes:
25 1; +1; +1/2 2, 1; +1; —1:2
25 1: O: 41/2 24: 05219
25 1: —1; +1/2 2: 1, —1; —1/2
La deuxième couche électronique peut donc contenir encore six
électrons: électrons p, dont les orbitales ont la forme d’un haltère.
Au total, il peut y avoir huit électrons sur la deuxième couche élec-
tronique : deux électrons s et six électrons p. La deuxième couche
complète s'écrit 2s°2pf.
En poursuivant l'examen du Zableau 1, on comprendra facile-
ment que la troisième couche peut comporter 18 électrons (3s°3p°3d19)
et la quatrième 32 électrons (4s*4p‘4d°4f14), Les couches électroniques
sont respectivement désignées par les lettres X (première couche,
* Dans tous les en ce dispose les nombres quantiques selon l’ordre stric-
tement defini: n, À, m
*s Le premier chatte ei le nombre quantique principal. La lettre qui indi-
que le type d’orbitale porte en exposant Je nombre d'électrons occupant l'orbita-
le de ce type. + 7
$ 9] ATOMES POLY£LECTRONIQUES 61
n=1), Lin= 2), M(n=3), N(n=4), O0 (nr =5), P(n =6)et
Q{(n = 71).
Dans l’état fondamental de l’atome les électrons occupent les
orbitales de la plus basse énergie (v. fig. 9). La première couche élec-
tronique peut contenir deux électrons. Le troisième électron du
lithium occupera le sous-niveau 2s. La structure électronique du
lithium est 152251:
Le béryllium a la structure électronique 1s°2s°, le sous-niveau 2s
est saturé:
Le cinquième électron du bore occupera le sous-niveau 2p et la
structure électronique du bore s'’écrira donc 1s°2s°2p!:
Remplissage des orbitales d'un sous-niveau. Règle de Hund.
L'ordre, dans lequel les électrons remplissent les orbitales d’un
sous-niveau, est donné par la règle de Hund (Tableau 2):
A l’intérieur d’un sous-niveau les électrons remplissent le
nombre maximal des orbitales.
L’atome de carbone possède la configuration électronique 1s°2s*2p*.
Conformément à la règle de Hund, le deuxième électron p occupera
(CH. 1
STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÉLÉEV
62
Tableau 2
Structure électronique des atomes dans l’état fondamental
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ATOMES POLYELECTRONIQUES
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$ 9]
En quantique principal
Orbitale
.. électronique
Jualu IA
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NN
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Va
SN RS
ei
64 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÉÊLEEV
Nombre quantique principal
mù jp pr (9
È
: 1 | 2 | 3 | & | $ | 6
5 Couche électronique
Te | K L M | N O | P
2e =
2e 2 Orbitale
59 = a ————_————————
Ze [es 8 | p | d | x | s | p | d | 8
75 Re 2 8 18 32 2 6 5 2
76 Os 2 8 18 32 2 6 6 2
37 Ir 2 8 18 32 2 6 7 2
18 Pt 2 8 18 32 2 6 9 4
79 Au 2 8 18 32 2 6 | 10 |
80 Hg 2 8 18 32 2 6 | 10 2
81 T1 2 8 148 32 2 6 | 10 2 1
82 Pb 2 8 148 32 2 6 | 10 2 2
83 Bi 2 8 ‘| 18 32 2 6 | 10 2 3
84 Po 2 8 148 32 2 6 | 10 2 4
85 At 2 8 18 32 2 6 | 10 2 5
86 Rn 2 8 48 32 2 6 | 10 2 6
7 Fr 2 8 18 32 2 6 | 10 2 | 6
88 Ra 2 8 148 32 2 6 | 10 2 | 6
89 AC 2 8 18 32 2 6 | 10 2 6
90 Th 2 8 18 32 2 6 | 10 2 | 6
91 Pa 2 8 18 32 2 6 | 10 212 6
92 U 2 8 18 32 2 6 11001 31216
93 |Np | 2 | 8 | 18 | 3 | 2|6|10| 4121|6
94 Pu 2 8 148 32 2 6 | 10 6 | 2 6
95 Am 2 8 18 32 2 6 | 10 712 6
96 Cm 2 8 148 32 2 6 | 10 712 6
97 Bk 2 8 18 32 2 6 | 10 8 | 2 6
98 Cf 2 8 18 32 2 6 | 14014102 6
99 Es 2 8 18 32 2 6 | 10|11| 2 6
100 Fm 2 8 18 32 2 6 1101121 2!|16
101 Md 2 8 18 32 2 6 1101131 2 6
102 (No) 2 8 18 32 2 6 | 10 114! 2 6
103 (Lr) 2 8 18 32 2 6 | 10114 | 2 6
104 Ku 2 8 18 32 2 6 110 114| 2 6
105 NS 2 8 18 32 2 6 | 10114] 2 6
© D 2
D NN NN DD D DD D D D D DD D =»
$ {] ATOMES POLY£LECTRONIQUES 05
Dans l'atome d'azote ({s°2s°2p%) toutes les orbitales 2p se trou-
vent occupées:
LU)
QD
L'huitième électron de l'oxygène se situe sur une orbitale p
déjà occupée par un électron, formant une paire d'électrons à spins
opposés :
2p
HUE
15
8°
Les orbitales des atomes de fluor et de néon se remplissent com-
me suit:
2p
pu FILE
15
LA avt]
Lorsqu'un atome possède plusieurs électrons cèlibataires, les
moments de spin de ces derniers s’additionnent. Par conséquent,
les spins des atomes de bore, de carbone, d'azote, d'oxygène, de
fluor et de néon valent respectivement !/,, 1, 11/,, 1, !/, et 0. Compte
tenu de ce fait, la règle de Hund reçoit la formulation suivante:
Le spin total des électrons doit être maximal sur chaque
sous-niveau donné.
Règle de Kletchkovski. Certains niveaux électroniques commencent
à se remplir avant que tous les niveaux précédents soient saturés
(fig. 11). Ainsi, des électrons 4s apparaissent dans les atomes lors-
que les orbitales 34 sont encore vides. On observe la même chose
pour les électrons 5s et 4d, Gs et 5d. La regle de remplissage des orbi-
tales a été formulée par le savant soviétique Kletchkovski. Cette
501151
66 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÊLÉEV [CH. TI
—
——
—
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CES
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N Ne Ca Zn Zr Nd Hg
Fig. 11. Encrgies électroniques en fonction du numéro atomique de l'élément :
On prend pour unité d'éncrgic l'énergie de l'électron de l'atome d'hydrogène dans son
état fondamental (non excité)
règle consiste en ce que le remplissage des orbitales se fait de telle
sorte que la somme des nombres quantiques principal et orbital
croisse progressivement : (n +) = 1, 2, 3. ... Pour une même
8 9] ATOMES POLYELECTRONIQUES 67
valeur de la somme (n + !) le remplissage des orbitales va des
plus élevés et des » plus petits aux Z moins élevés et aux » plus grands.
Le Tableau 3 présente le remplissage des orbitales en tenant compte
de la règle de Kletchkovski. Rappelons que la condition ! < nr —1
doit être respectée dans tous les cas. Il découle du Tableau 3 que
les électrons remplissent les sous-niveaux dans cet ordre:
1s2s2p3s3p4s3d4p5skd5p6s4f5d6pis5f6d
La règle de Kletchkovski permet de déterminer les structures
électroniques des éléments connus, ainsi que celles des éléments
transuraniens encore inconnus. Sans aucun doute, l'intérêt prin-
cipal de la règle de Kletchkovski consiste en son pouvoir de prédic-
tion. Si, en conformité avec cette règle, le dix-neuvième électron de
l'atome de potassium se trouve sur l’orbitale 4s, cela veut dire que
l'énergie de l’électron logé sur l'orbitale 4s est inférieure à celle de
l’électron de l’orbitale 3d. Pourtant, le rapport des énergies électro-
niques des orbitales 4s et 34 ne demeure pas inchangé. Sur la figure 11
où les énergies des électrons de toutes les orbitales sont représentées
en fonction de la charge nucléaire, on peut voir qu’à partir du scan-
Tableau 3
Remplissage des niveaux et des sous-niveaux atomiques
selon la règle de Kletchkovski
Etat électroni- | Nombre d'élec- | Nombre d'élec-
trons de la couche
|
n + |
que trons possibles
1 1 0 Îs 2 2
2 2 (0) 2s 2
3 2 1 2p 6 } 8
3 3 0 3s 2
4 3 1 3p 6 } 8
4 4 0 4s 2
5 3 2 34 10 } 18
5 4 1 Ap 6
5 5 0 5s 2
6 4 2 4d 10 | 18
? 6 5 1 5p 6
6 6 0 6s 2
7 4 3 4 14
1 5 2 7 40 32
7 7 0 7s 2
8 5) 3 5 14
8 6 2 8. 10 92
8 1 1 7p 6
5%
68 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÉLÉEV [CH. I
dium l'énergie des électrons du sous-niveau 3d devient inférieure à
celle des électrons du sous-niveau 4s. Ainsi chez l’atome de titane
se détacheront d’abord les électrons du sous-niveau 4s, puis ceux
du sous-niveau 3d.
L'existence des écarts dans la structure des couches électroniques
de certains atomes dans l’état fondamental — ,,Cr, .,Cu, ,,Mo,
asPd, a7A£, gaGd, ;#Au (v. Tableau 2) — peut être expliquée par
une stabilité particulière des orbitales occupées à demi ou comple-
tement du sous-niveau correspondant. Ainsi, pour les orbitales d
sont stables les configurations d° et d", pour les orbitales j les confi-
gurations f? et f14.
PROPRIETES PÉRIODIQUES DES ÉLÉMENTS CHIMIQUES
$ 10. Structure électronique des atomes. Le Tableau 2 montre
qu'il existe une périodicité dans la variation de la structure électro-
nique des atomes rangés en fonction de l'ordre croissant de leurs nu-
méros atomiques. Cette périodicité est liée au fait que des séructures
électroniques analogues (mais non pas identiques) se retrouvent à inter-
valles réguliers. Ainsi, le lithium a la structure électronique ,Li1s?2s!.
Huit éléments plus bas on rencontre une structure électronique ana-
logue de l'atome de sodium: ,,Nais°2s*2pf3s!. L'atome de potas-
sium possède également une structure électronique analogue:
19K1s°25°2pt3s"3pf4st. L’intervalle est toujours de 8 éléments.
Plus loin des structures analogues réapparaissent chez les atomes
de rubidium: :,Rbis°2s"2p3s"3p#3dl4s4pt5st et de césium
ssCss"2s°2p#3s*3p63d\%4s"4pt4d5s"5p#6s!. Les intervalles entre les
atomes de potassium, de rubidium et de césium sont de 18 éléments.
L'élément suivant dont la structure électronique est analogue aux
précédentes, est le francium:
a7Fris"2s?2pt3s23p63d4s"4p4d4f5s5pt5d 6s"6pf7st. L'intervalle
césium-francium s'élève à 32 éléments.
Il est donc possible d'écrire la structure électronique de tous les
éléments considérés à l’aide de la formule générale (n — 1) s’p®ns!,
à laquelle n'échappe que la structure électronique de l'atome de
lithium décrite par la formule (7 — 1) s°ns'. L’unique différence con-
siste en ce que contrairement à tous les autres éléments mentionnés
la couche électronique précédente de l'atome de lithium contient 2
électrons au lieu de 8, alors que dans la couche périphérique on trouve
également un seul électron sur une orbitale s.
Considérons l'atome d'oxygène. Il a pour structure électronique
801s°2s2pt. Une structure électronique analogue se retrouve chez
les atomes de soufre: ,,S1s*2s"2p%3s"3p*, de sélénium :
s4Se1s°2s°2p3s"3p°3d4s4pt, de tellure:
seTe1is*25*2p43s"3p63d4s"4p4d is" 5pt et de polonium:
S 11] RAYONS ATOMIQUES 69
gaPols*®2s°2p63s?3p3d"4s"4p*4d 4f45s5p$5d 6s6pt. La formule (n —
— 1) Spfd'ns°p* embrasse la structure électronique de tous ces élé-
ments à l'exception de l’oxygène [(r — 1) s°nspt] et du soufre
[(r — 1) s‘pfns*ptl. La périodicité est observée à mêmes intervalles:
8, 18, 18, 32 éléments.
Les structures électroniques des éléments du sous-groupe du man-
ganèse sont les suivantes: .,Mn1s*2s"2p°3s"3p$3d°4s,
asTcis®2s"2p63s°3p°3d 4s"4p64di5s",
-sReis’2s2p63s"3p3d"4s"4p64d 4fN5s"5p#5dfGs". Leur formule géné-
rale est (7 — 1) s‘pfdns’. L'intervalle entre les atomes Mn, Te
et Re est égal à 18 et 32 éléments.
C'est donc la structure électronique des atomes qui explique les
analogies des propriétés chimiques des éléments d’un même sous-
groupe de la classification périodique, ainsi que la périodicité dans
la variation de ces propriétés.
La périodicité de la structure électronique se manifeste dans la
réapparition, à intervalles déterminés, d'éléments s, p et d ayant
même configuration des sous-niveaux électroniques. La périodicité
de la structure électronique a pour résultat une variation périodique
d’un certain nombre de propriétés chimiques et physiques des élé-
ments. Cela concerne, en particulier, les rayons atomiques, les poten-
tiels d’ionisation, d'affinité électronique.
$ 11. Rayons atomiques. Les rayons des atomes et des ions sont
une caractéristique très importante. Ce paramètre géométrique aide
à expliquer un bon nombre de faits expérimentaux et de propriétés
0,26
Ti 0,22
0,18
0,14
0,10
0:06
0,02
72 76 80 84
0 4 8 ed 20 24 28 32 36 40 44 48 52 56
Numéros atomiques
Fig. 12. Rayons atomiques cn fonction du numéro atomique des éléments
des éléments chimiques et de leurs combinaisons. Les rayons atomi-
ques des éléments chimiques varient de façon périodique en fonction
du numéro atomique (fig. 12). Le rayon atomique diminue lorsqu'on
passe des métaux alcalins aux halogènes. Le rayon de chaque métal
alcalin suivant augmente de nouveau de façon à devenir supérieur
70 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÊLEEV [CH. I
au rayon atomique du métal alcalin précédent. Ainsi, le rayon ato-
mique est égal à 0,186 nm pour le sodium, à 0,16 nm pour le magné-
sium, à 0,099 nm pour le chlore, alors que le rayon de l’atome de
potassium augmente de nouveau jusqu'à 0,231 nm.
La loi générale de la variation des rayons atomiques consiste donc
en ce que ces rayons diminuent généralement au fur et à mesure qu’un
sous-niveau (s, p, d ou f) se remplit d'électrons. On trouve l’explica-
tion de ce phénomène dans le fait qu'avec augmentation de la charge
l'attraction par le noyau joue un rôle plus important que la répulsion
mutuelle des électrons.
Ordinairement, les rayons atomiques s’allongent lorsqu on des-
cend le long d’un groupe de la classification périodique. Cela est
vrai, par exemple, pour les métaux alcalins et alcalino-terreux, les
halogènes, etc. Comme il y a 10 éléments 3d entre le calcium (élément
4s) et le gallium (élément 4p), le rayon atomique de ce dernier (0,122
nm) est inférieur à celui du calcium (0,143 nm). D'autre part, le
rayon atomique du scandium (0,16 nm) qui est un élément d est plus
grand que le rayon de l'atome d'aluminium. Voilà pourquoi les
propriétés chimiques du gallium'le rendent « étranger » à la série
B-AÏl-Ga, alors que les propriétés du scandium le font parfaitement
entrer dans la série B-Al-Sc, bien que B, Al et Ga soient des éléments
p et Sc un élément d.
Une autre exception à la loi générale, selon laquelle les rayons
atomiques augmentent à l’intérieur des groupes, est fournie par les
éléments qui suivent les lanthanides. La diminution des rayons ato-
miques des lanthanides parallèlement à l'augmentation de leur masse
atomique est baptisée contraction lanthanique. Sa raison est la même :
l'attraction subie par les électrons croît avec l'augmentation de la
charge nucléaire. En même temps, dans les limites d’une même
période le nombre de couches électroniques demeure constant. Suite
à la contraction lanthanique, le rayon atomique du hafnium (0,157
nm) se trouve égal à celui du zirconium (0,157 nm), ce qui a pour
résultat des propriétés chimiques très voisines du zirconium et du
hafnium ainsi que du niobium et du tantale. Outre la contraction lan-
thanique, il existe encore la contraction actinique pour les éléments 5f.
La diminution des rayons des atomes et des ions lorsque, dans
une période, on passe d'une case à la suivante, est à peu près égale
à leur augmentation dans les groupes:
K Lu
De la sorte, les rayons des éléments voisins disposés en diagonale,
tels que Li et Mg ou Be et Al, s'avèrent voisins. Cette particularité
$ 12] ÉNERGIE D'IONISATION DES ATOMES 71
fut remarquée encore par Mendéléev. Conformément à ces « analogies
diagonales », le lithium, par certaines de ses propriétés, est plus
proche du magnésium que des autres métaux alcalins. Ainsi que le
magnésium (et contrairement aux autres métaux alcalins), le lithium
forme un phosphate et un carbonate peu solubles. Le lithium et le
magnésium réagissent assez aisément sur l’azote moléculaire en for-
mant des nitrures.
La grande ressemblance entre le béryllium et l'aluminium est
due également aux rayons voisins des ions Be** et AlS+.
En analysant le minérai de manganèse, les époux Noddaki, dé-
couvreurs du rhénium, ont d’abord décidé que la proportion de cet
élément dans la croûte terrestre était infiniment petite. On supposait
que le rhénium et le manganèse, éléments d’un même sous-groupe,
devait voisiner à l’état naturel. Or, on a vite fait de constater que le
rhénium est contenu dans les minerais de molybdène et non de manga.
nèse. Cela est aussi une manifestation des analogies diagonales-
$ 12. Energie d’ionisation des atomes et affinité électronique.
On appelle énergie d’ionisation le travail nécessaire pour éloigner un
électron d'une mole d'atomes non combinés à une distance infiniment
grande *, par exemple:
Na+EIl=Nat+e
où EI est l'énergie d'ionisation.
Parmi les procédés de détermination de l'énergie d'ionisation on
trouve la méthode de choc électronique: irradiation des atomes d'un
gaz par des électrons dont l'énergie est due à une différence de poten-
tiel. La valeur minimale de la différence de potentiel qui assure à
L'électron libre une énergie suffisante pour éjecter un électron de l'ato-
me, est ce qu'on appelle potentiel d'ionisation.
Voilà pourquoi, usuellement, on entend par l'énergie d’ionisa-
tion la valeur, proportionnelle à cette première, du potentiel d'ioni-
sation que l’on exprime en électron-volts (eV) ou en joules (J) rap-
portés à une mole d’atomes (1 eV = 96 kJ). On distingue le premier,
le deuxième, le troisième, etc., potentiels d'ionisation qui corres-
pondent au dégagement du premier, du deuxième, du troisième...
électrons de l’atome. Les potentiels d'ionisation sont une caracté-
ristique importante des atomes. C'est une grandeur directement me-
surable. Le potentiel d’ionisation est ume fonction composée de cer-
taines propriétés de l’atome : charge nucléaire, rayon atomique, blin-
dage de la charge nucléaire par les électrons internes, profondeur de
pénétration des électrons périphériques dans les nuages électroniques
inférieurs. La périodicité de la variation des potentiels d’ionisation
* Les distances infiniment grandes par rapport à un atome sont inferieures
à un centimetre.
=)
te
STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDELÉEV (CH. I
en fonction du numéro atomique des éléments est nettement visible
sur la figure 13. La diminution des potentiels d'ionisation dans les
groupes est due à l’allongement du rayon atomique. Dans les périodes
les potentiels s’accroissent régulièrement de gauche à droite. Une des
raisons de cet accroissement est la diminution des rayons atomiques.
2000
1000
Potentiel d'ionisation, kJ
0 10 50 30 10 50 56
Numéros atomiques
Fig. 13. Premiers potentiels d'ionisation des atomes en fonction du numero
atomique des éléments
On donne dans le Tableau 4 les valeurs des potentiels d’ionisation
pour les éléments de la première et de la deuxième période.
3 Le Tableau 4 et la figure 13 montrent que malgré la bonne régu-
larité générale de la variation des potentiels d’ionisation on trouve
à l'intérieur des périodes quelques écarts de cette variation progres-
sive. Le potentiel d’ionisation s'accroît, quand on passe du lithium
au béryilium, en raison de l’augmentation de la charge nucléaire, le
blindage du noyau par rapport à l’électron 2s supplémentaire étant
peu important : son attraction par le noyau est donc plus forte que
sa répulsion par les autres électrons. Quand on passe du béryilium au
bore, la charge nucléaire augmente également de l'unité, mais l’élec-
tron supplémentaire se loge sur une orbitale p. Pour cet électron le
blindage du noyau est plus sensible et, comme résultat, le potentiel
d'ionisation de l’atome de bore se trouve inférieur à celui de l’atome
de béryllium. L'électron supplémentaire de l'atome de carbone occupe
l'orbitale p vide suivante. L’accroissement de la charge nucléaire
6 12] ÉNERGIE D'IONISATION DES ATOMES 73
Tableau {
Potentiels d’ionisation de quelques éléments chimiques (en eV)
Putentiels d'‘ionisation
Numéro
atomique
11 II1 IV V VI | VII VII]
.
[er]
an
—
DU —
> =) C9 EL > 00 CO O1 C0
489,8
77,45] 97,8 1551,9 |666,8
17,39/113,8
87,231114,2 1157,1 |185,1
97,161126,4 157,9
+
DRE ESS 10 8%
L 1
r1O20wmE
1
2
3
4
5)
6
7
8
9
0
EE
2
©
(DO à = D mb
L 1 *
n'y est pas complètement compensé par le blindage: le potentiel
d'ionisation augmente. Il s'accroît aussi dans l’atome d’azote par
rapport à l'atome de carbone, toujours pour la même raison. Dans
l'atome d'oxygène le nouvel électron va remplir une orbitale p:
où il y a déjà un électron. La répulsion réciproque de deux électrons
occupant une même orbitale est tellement forte que, bien que la
charge nucléaire ait augmenté, le potentiel d’ionisation de l’atome
d'oxygène diminue par rapport à l’azote. Le potentiel d’ionisation
de l’atome d’azote est donc supérieur non seulement à celui de l’atome
de carbone, mais aussi à celui de l'atome d'oxygène.
Une situation analogue existe dans la troisième période.
Comme il découle du Tableau 4, les potentiels d’ionisation des
électrons qui occupent le niveau quantique externe diffèrent très
sensiblement des potentiels d’ionisation des électrons du niveau quan-
tique précédent. Kourbatov, professeur à l'Institut technologique,
signalait ce fait encore en 1908.
On appelle affinité électronique la quantité d'énergie qu'un atome
neutre dégage, lorsqu'un électron vient s’y fixer, en faisant un ion
négatif :
Cl--e=Cl---A1£
AF étant l’affinité électronique en eV.
On n'a trouvé aucune corrélation quantitative entre le premier
potentiel d'ionisation et l’affinité électronique. Ce sont les éléments p
du groupe VII qui présentent les plus grandes valeurs de l'affinité
électronique.
1
A STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÊLÉEV [CH. I
Affinité électronique, eV Affinité électronique, eV
PS es à 3,62 DS ss de 1,90
Cle de 3,82 PE 0,3
LÉ RSRRE 3,54 AL SELS 0,4
hits sse 3,24 Be ds ne 0
Dr ie. 1,48 Mg ..... 0
S 2,07 | É PRSRRRE 0,54
Ni ses 6,2 Na . . . .. 0,74
Pénesass 0,8 Ph cet ne 0,7
Gus Lu 2 1,13
$ 13. Structure de la classification périodique de Mendéléev. La
période de la classification périodique est une série d'éléments qui
commence par un métal alcalin et qui se termine par le gaz noble le
plus voisin. Le numéro de la période coïncide avec la valeur du nombre
quantique principal de la couche électronique externe.
Chaque période, excepté la première, débute par un métal type.
En parcourant une période de gauche à droite, on assiste à un affai-
blissement progressif du caractère métallique et au renforcement du
caractère non métallique. Les halogènes sont des non-métaux francs.
Chaque période se termine avec un gaz rare qui sépare les non-mé-
taux types des métaux types.
La quatrième et la cinquième période comportent chacune 18 élé-
ments. Dans ces périodes, à la différence de la deuxième et de la
troisième, on trouve des décades intercalaires d'éléments. Les élé-
ments des décades intercalaires (Sc à 502n, 39 YŸ à 48Cd, 5-La, -.Hf
à Hg), ainsi que quatre éléments (59AC, 104Ku, 105 et 106) de la
quatrième décade forment les sous-groupes secondaires. Ces élé-
ments, dits de transition, se caractérisent par leurs orbitales d non
saturées.
La présence de ces décades dans les périodes fait que les métaux
tvpes sont séparés des non-métaux types non plus par 6, mais par
16 éléments. Par conséquent, les éléments voisins des périodes longues
(4° et 5°) ont leurs propriétés chimiques beaucoup moins différentes
que chez les éléments voisins des périodes courtes (2° et 3°). Dans la
sixième période la décade intercalaire commence avec le lanthane
(numéro atomique 57), alors que dans le cérium (numéro atomique 58)
l'électron suivant se place sur une orbitale 4f. Le remplissage des
orbitales 4f s'achève dans le lutécium. Les orbitales 5d restantes ne
recommencent à se remplir que lorsque les orbitales 4f se sont trou-
vées saturées.
La septième période. inachevée, a une structure analogue. On n'y
connaît que trois éléments de décade intercalaire : l’actinium, le kour-
tchatovium et le nielsbohrium.
Les éléments f voisins diffèrent très peu les uns des autres par leurs
propriétés chimiques. On l'explique par le fait que les differences
dans la structure électronique des éléments f ne se situent, dans la
$ 13] STRUCTURE DE LA CLASSIFICATION DE MENDÊLÉEV 15
plupart des cas, qu’au niveau de la troisième couche électronique à
compter de l'extérieur.
Les éléments d et f ne sont pas les seuls à présenter cette simili-
tude plus grande entre les éléments voisins quand on passe des pério-
des courtes aux périodes longues : c'est aussi le cas des éléments p.
Ainsi, si Cet N sont tres dissemblants, Pb et Bi ont déjà certaines
propriétés assez proches.
Les éléments voisins des périodes II et III ayant leurs propriétes
sensiblement différentes, Mendéléev les baptisa éléments typiques.
L'appartenance des éléments à tel ou tel groupe et leur division
en sous-groupes sont déterminées par la structure de leurs deux der-
nières couches. La classification périodique comporte huit groupes
d'éléments: c'est le nombre maximal d'électrons pouvant occuper
la couche périphérique.
Les sous-groupes principaux sont constitués par les éléments s
et p avec, en tête, les éléments typiques. L'élément initial du sous-
groupe principal du groupe VIII est l’hélium. Quant à l’hydrogène.
aujourd'hui il est souvent rangé dans le groupe VII.
Les éléments des décades intercalaires forment les sous-groupes
secondaires. Celui du groupe VIII comporte les triades: Fe-Co-Ni,
Ru-Rh-Pd, Os-Ir-Pt.
Dans chaque groupe les éléments des sous-groupes principaux
et secondaires s’écartent les uns des autres par leurs propriétés. Cet
écart est le plus sensible dans les groupes I, IT, VII et VIII. Dans le
centre du tableau de Mendéléev les caractéristiques des éléments des
groupes principaux et secondaires se rapprochent. Le plus grand rap-
prochement s’observe pour les groupes III et IV.
Le troisième groupe de la classification périodique est le plus
nombreux : il comporte les éléments 4f et 5f.
Tout le monde reconnaît aujourd'hui que c'est la structure élec-
tronique des atomes qui est à la base de la systématique des élé-
ments chimiques que Mendéléev a mise en tableau et formulée sous
la forme de sa loi de périodicité. Les propriétés chimiques des élé-
ments sont déterminées par la structure électronique des atomes, la
structure électronique étant à son tour fonction de la charge nuclé-
aire. Comme la masse de l’atome est essentiellement concentrée
dans son noyau, la première formulation de la loi périodique par son
créateur était liée à la masse atomique.
$ 14. Historique de la découverte de la loi de périodicité. Dmitri Mendé-
léev découvrit la loi périodique en 1869. Il était à l’époque un professeur de
chimie de 35 ans qui enseignait à l'Université et écrivait un ouvrage intitulé
Principes de chimie.
Tout d’abord, Mendéléev se proposa de systématiser les connaissances
relatives à la chimic des éléments afin de rationaliser l’enseignement du cours
de chimie minérale. La systématique des éléments chimiques qui existait à l’épo-
que ne pouvait satisfaire Mendéléev : il entreprit d’en créer une nouvelle, lus
parfaite. Mendéléev choisit comme principe de base de la systématique le poids
76 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDELÉEV (CH. TI
atomique * des éléments chimiques. 11 écrivait dans son ouvrage classique
Principes de chimie: « Selon le sens de toutes les connaissances exactes sur les
phénomènes naturels, la masse d’un corps est celui de ses caractères dont doivent
dépendre toutes ses autres propriétés, car elles sont toutes déterminées par les
mêmes conditions ou les mêmes forces qui agissent en déterminant le poids. et
ce dernier est directement D Éobortionnel à la masse du corps. Il est donc tout
à fait naturel de chercher les rapports qui unissent les propriétés et les ressem-
blances des éléments à leurs poids atomiques. »
Des tentatives qui visaient à révéler une corrélation entre une propriete
quelconque des éléments chimiques et leurs autres propriétés avaient été entre-
prises plus d’une fois bien avant Mendéléev. Ainsi. entre 1817 et 1829, le chi-
miste allemand Dôbereiner avait découvert la « loi des triades » qui permettait
de grouper par trois certains éléments. Il] avait noté que le poids atomique du
terme moyen d'une telle triade était proche de la demi-somme des poids atomi-
ques des deux autres éléments. Ainsi, la demi-somme des poids atomiques du
chlore et de l'iode (35,5 - 127)/2 est égale à 81,25, se rapprochant de près du
poids atomique du brome. Une situation analogue existe pour la triade Ca,
Sr, Ba et quel ues autres.
En 1862, le chimiste français de Chancourtois tenta de réunir tous les
éléments sur la base de leurs poids atomiques. 11 disposa les éléments le long
d'une hélice formant un angle de 45° à la surface d’un cylindre. Des lignes qui
répondaient aux poids atomiques de 0 à 128 étaient tracées parallèlement à la
base du cylindre. La directrice du cylindre était divisée en 16 parties (en confor-
mité avec le poids atomique de l'oxygène qui était pris égal à 16). Une telle
disposition mettait souvent des éléments semblables sur une même droite
verticale. Ainsi, une même ligne réunissait S, Se, Te, ainsi que Li, Na, K.
Pourtant, il y avait aussi beaucoup de dissemblances entre des éléments se
trouvant sur même ligne verticale.
En 1865, le chimiste anglais Newlands déclare avoir découvert la « loi des
octaves ». Selon cette loi, à peu près chaque huitième élément présente des
propriétés semblables. Newlands basa sa classification sur les poids équivalents
et non atomiques. Une partie de son système des éléments chimiques est donnée
ci-après (élément-numéro de sa place):
H-1 F-8 CI-15 Co, Ni-22 Br-29 pd-36 1-42 Pt, Ir-50
Li-2 Na- K-16 Cu-23 Rb-30 Ag-37 Cs-44 T1-53
G1-3 Me-10 Ca-17 Zn-25 Sr-31 Cd-38 Ba, V-45 Pb-54
Bo -4« Al-11 Cr-19 Y-24, Ce, La-33 U-40 Ta-46 Th-56
C-59 Si-12 Ti-18 In-26 Zr-32 Sn-38 W-47 Hg-52
N-6 P-13 Mn-20 As-27 Di. Mo-34 Sb-41 Nb-48 Bi-:5
O-7 S-1: Fe-21 Sc-28 Ro. Ru-35 Te-43 Au-49 Os-51
Newlands voulait faire entrer tous les éléments connus à l’époque (62)
dans 8 groupes. Comme il n’y avait que 56 places. il fallut parfois mettre deux
éléments à une même place. De plus, Newlands tenait à combler toutes les
places qui découlaient de sa « loi des octaves ». sans que l’idée lui vint qu'il
püt y avoir encore des éléments inconnus.
Vers la fin des années 1860, on comptait plus de 50 tentatives pour classer
les éléments chimiques. C'est le chimiste allemand Lothar Meyer qui s’approcha
le plus de la découverte de la loi périodique. I] publia, en 1864, un tableau qui
réunissait quelques groupes d'éléments bien caractérisés et, en 1868, son ta-
bleau demi-long où. pour la première fois. figuraient les périodes (Tableau 5).
Certains éléments connus à l'epoque n'entrèrent pas dans le tableau de Meyer:
H. B. In. Y, Nb, Th. U. Le tableau commençait avec la deuxième période
(probablement. Meyer n’osa pas accorder toute une période au seul hydrogène).
12 éléments n’occupent pas Les bonnes places (ils sont marqués de pointilles).
Tout cela montre bien qu’en 1868 le tableau était encore de loin inachevé.
* Avant les années 1870, on utilisait le terme « poids atomique » pour ce
qu’on appelle aujourd'hui « masse atomique ».
$ 14] HISTORIQUE DE LA DÉCOUVERTE DE LA LOI DE PÉRIODICITE 17
Tableau 5
Forme demi-longue du tableau des éléments chimiques de Meyer
NilCulZan
Ag |Cd s
Au | Hg|Pb]| Bi
En 1869, Mendéléev publie la classification périodique des éléments chimi-
ques et formule la loi périodique. Cette classification nous est parvenue prati-
quement sans modifications. On n'a fait que la compléter avec des éléments
nouvellement découverts.
Meyer ne publia la version complète de son tableau qu'après le travail de
Mendéléev auquel il se référait. Meyer écrivait notamment : « Grâce à une déter-
mination plus correcte des poids atomiques des différents éléments, il est devenu
possible de grouper tous les éléments suffisamment connus en un système unique.
Récemment Mendéléev a montré qu'un tel arrangement était réalisable en dis-
posant tout simplement tous les poids atomiques en série, sans aucun choix arbi-
traire, par ordre croissant, en divisant ensuite cette série en tranches et en joignant
ces dernières les unes aux autres sans modifier l'ordre. Le tableau ci-après
est identique dans ses pus lignes à celui présenté par Mendéléev. » Ensuite
Meyer donnait son tableau.
Ce qui importe, ce n’est même pas le fait que Mendéléev avait publié son
tableau un peu plus tôt que Meyer. Pour Meyer son tableau était une forme
commode de systématiser les éléments: il ne discerna pas derrière elle une loi
générale de la Nature. Il écrivait en 1870 qu’il y avait toute une série d'élé-
ments dont les propriétés les laissaient hors de tout système, à condition de leur
attribuer les poids atomiques universellement admis à l’époque. Cette circon-
stance conduisait Meyer à la conclusion suivante: « I] serait prématuré d’ac-
cepter les modifications des poids atomiques admis jusqu’à présent en partant
d'une base aussi précaire. D'une manière générale, aujourd’hui on ne peut trop
miser sur ce genre d'arguments. ni en attendre une solution aussi définitive du
[ÉReRe que c'est le cas pour la détermination de la chaleur spécifique ou de
a densité de vapeur. » Cette citation met clairement en évidence l’attitude de
Meyer envers la loi périodique. Mendéléev ne se borna pas à corriger les poids
atomiques du béryllium, de l’indium, du cérium, du lanthane, de l’ytterbium,
de l’erbium, du thorium et de l’uranium: il prédit aussi avec une bonne préci-
sion les propriétés de quelques éléments qui n'étaient pas encore découverts :
gallium, scandium, germanium. C’est en cela que consiste le triomphe de la loi
périodique de Mendéléev.
Numérotation
78 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDEL£EEV [CH. T
‘
La classification périodique reflète la corrélation entre les éléments chimi-
ques qui existe objectivement. Elle n’a rien d'imaginaire: la Nature même
s'y reflète, et c’est à juste titre que Mendéléev baptisa sa classification « natu-
relle ». La loi de Mendéléev est une clé importante pour comprendre le monde
matériel, surtout pour un naturaliste qui a l'habitude et le désir de la prévision.
$ 15. Portée de la loi de périodicité. La loi périodique de Mendé-
léev est le fondement de la chimie moderne. Cela concerne tous les
domaines de la pensée et de la recherche chimique. La chimie miné-
rale en fournit un exemple éclatant. Cependant. ici nous ne nous éten-
drons pas là-dessus, car notre exposé tout entier est fondé sur la loi
périodique. Considérons donc quelques autres domaines de la chimie.
Le problème des liens unissant la chimie analytique à la loi pério-
dique fut posé pour la première fois par le chimiste russe Menchout-
kine deux ans après la découverte de Mendéléev. L'auteur de la loi
périodique insistait sur l'existence d'une analogie des propriétés
d'éléments non seulement dans les groupes, mais aussi dans les pério-
des, ainsi que dans le sens diagonal. Les analogies diagonales ont
joué un rôle important dans la mise au point des méthodes d'analyse
de nombreux éléments. La classification périodique permet de s'at-
tendre à ce que les éléments disposés horizontalement dans les lon-
gues périodes présentent la moindre différence entre leurs propriétés
respectives. Il y a une grande analogie dans les propriétés de Zr-
Nb-Mo, ainsi que de Hf-Ta-W. La loi diagonale autorise à s'attendre
à une similitude des propriétés de Ti-Nb-W et de Zr-Ta-U. En effet,
la détermination spectrophotométrique du niobium réagissant sur
le rhodanate d'ammonium est perturbée en présence de Mo, W et
Ti, Ti et W empêchant également la détermination avec le peroxyde
d'oxygène.
L'analogie des propriétés chimiques qui découle de la position
des éléments dans la classification périodique peut étre utilisée
pour la mise au point de nouvelles méthodes d'analyse. On sait, par
exemple, que la réaction avec les ions SCN est caractéristique de
Mo(V). L'’analogie horizontale permet de supposer que Nb(V) don-
nera la même réaction. En effet, aujourd'hui les ions SCN trouvent
un large usage dans la détermination photométrique du niobium.
L'égalité des charges et des rayons des ions engendrant une
analogie de leurs propriétés est d’un grand intérêt pour la chimie
analytique et autres sciences connexes. Encore dans les années vingt,
l'éminent géochimiste soviétique Fersman avait démontré d’une
manière convaincante que toute la classification périodique pouvait
être divisée en « champs » et « blocs » formés d'éléments à caracté-
ristique géochimiques et cristallochimiques * analogues. Fersman
* La géochimie étudie la composition chimique de la Terre, les lois de la
propagation et de la distribution ainsi que les modes de combinaison et les voies
de migration des éléments chimiques sur la Terre. La cristallochimie étudie les
lois qui lient la structure d'un cristal à ses propriétés physiques et chimiques.
8 15] PORTÉE DE LA LOI DE PÉRIODICITÉ 79
écrivait: « Chaque champ répond à une association géochimique
déterminée d'éléments. Tout champ ayant sa place déterminée dans
le système de Mendéléev, ces associations répondent aussi aux lois
de périodicité qui s’y rattachent. »
Les « champs » et les « blocs » de Fersman servent de principes
directeurs pour la recherche scientifique et l’activité pratique des
géologues. Les lois qui régissent l’association des éléments et leur
comportement présentent un intérêt exceptionnel pour l'activité
de l’homme. Ces lois ont pour base la classification périodique de
Mendéléev. Il est établi aujourd'hui que la loi périodique n'est pas
valable que pour notre planète : cette loi a une valeur vraiment uni-
verselle.
L'obtention d’alliages à propriétés préfixées a connu de grands
succès au cours de ces dernières décennies. Les métallochimistes se
guident également sur la classification périodique. Les conclusions
principales qui concernent les conditions de formation des alliages
(solutions solides) de tel ou tel type sont les suivantes.
19 Les conditions optimales pour réaliser une solution solide con-
tinue entre deux éléments sont : appartenance des éléments à un même
groupe de la classification périodique, même type de leur réseau
cristallin, faible différence entre leurs rayons atomiques (10 ‘
au maximum), valeurs voisines des potentiels d’ionisation et des
électronégativités. |
2° Si les rayons atomiques diffèrent de 10 à 20 %, on observe un
grand écart entre les potentiels d’ionisation et les électronégativites.
Par conséquent, la formation de solutions solides n'est alors possible
que dans des conditions limitees.
3° Lorsque les rayons atomiques présentent une différence supe-
rieure à 20 %, de tels éléments ne peuvent, en règle générale, inter-
agir entre eux et souvent ne sont même pas miscibles à l’état fondu.
Les grandes réalisations dans la synthèse et l'identification des
éléments chimiques artificiels auraient été absolument impensables
sans la loi périodique. Cela concerne aussi bien l'obtention du tech-
nétium, du prométhéum et de l’astate que la synthèse des éléments
transuraniens (qui succèdent à l'uranium). Les progrès de la phy-
sique et de la chimie des transuraniens, de la création des bases de la
théorie de la fission nucléaire doivent beaucoup à la loi de Mende-
léev.
On pourrait parler encore et encore de l'influence fructueuse de
la loi périodique sur le développement des différentes sciences. Mais
cela demanderait des connaissances spéciales chez les étudiants.
L’exposé qui précède doit suffir pour faire comprendre l'importance
de la loi périodique, une des lois fondamentales de la Nature. Sa
portée est comparable à celle de la loi de la gravitation universelle de
Newton, de la théorie transformiste de Darwin ou du principe de rela-
tivité d’Einstein.
80 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÊLÉEV [CH. I
$ 16. Modèle de l°’ « enveloppe » nucléaire de l’atome et stabi-
lité des isotopes. Il a été établi expérimentalement que les caracté-
ristiques des noyaux atomiques telles que stabilité, abondance natu-
relle, énergie de couplage nucléonique dans le noyau, nombre d'iso-
topes varient de façon périodique avec l'augmentation du nombre de
protons et de neutrons. Ce fait a donné lieu à l'hypothèse sur les
couches nucléaires des atomes. On pense que les couches nucléaires
se remplissent de nucléons (protons et neutrons) d’une manière ana-
logue au remplissage des couches atomiques par les électrons. Sont
stables et abondants les atomes dont les noyaux comportent un nom-
bre déterminé de protons ou de neutrons, à savoir : 2, 8, 20, 50, 82, 114,
126. Ces nombres ont éte baptisés magiques. On suppose qu'ils sont
liés à la capacité des couches.
La stabilité des noyaux croit lorsque, avec l'augmentation du
nombre de masse, le nombre de protons ou de neutrons s'approche
d’un nombre magique. Elle baisse brusquement quand le nombre de
nucléons est immédiatement supérieur au nombre magique. La
stabilité et l'abondance des atomes croissent de nouveau au voisi-
nage du nombre magique suivant. Ordinairement, un élément possé-
dant une quantité de protons égale à un des nombres magiques a plus
d’isotopes que les éléments qui l'entourent dans la classification pé-
riodique.
Les isotopes dont les noyaux comportent un nombre magique de
protons et de neutrons, sont dits doublement magiques. Ces isotopes
sont les plus stables et les plus abondants. La double périodicité
(séparément pour les protons et pour les neutrons), caractéristique
Tableau 6
Composition de l’atmosphère
Corps C:104, 9, nan ro Corps C-104,% st nos
N> 180 840 2-1019 | Nils 0,01 1,5-1011
O: 209 480 5-1018 Os 0,01-0,07 1,2.101
Ar 9 340 NO; 0,001-0,02 3-1010
CO: 314-318 NO 0,0002-0,002
Ne 18,2 SO: 0,0002-1,0
He 5,24 H,S 0,0002
CH, 1,0-2,0 3,8-101: HNO; 1-1010
Kr 1,1 HNO: 2-108
H 0,5 . | NOs 1-10°
N:0 0,25-0,5 6-1011 N°05 2-109
CO 0,1 3-101° H,CO 1,5-1010
Xe 0,087 (formal-
déhyde)
$ 17] ABONDANCE DES £LEMENTS CHIMIQUES SUR LA TERRE 81
des noyaux atomiques, témoigne du fait qu’à l’intérieur des noyaux
les nucléons occupent différentes couches, dont chacune comporte
un nombre déterminé de nucléons. En se basant sur la théorie des
couches nucléaires des atomes, on cherche actuellement dans la na-
ture des atomes à numéros atomiques 114, 126 et plus.
Si ce modèle du noyau est confirmé et justifié, la loi périodique
s'’avérera encore plus universelle qu'on ne le pense aujourd'hui.
$ 17. Abondance des éléments chimiques sur la Terre. La Terre a
pour couches externes l’atmosphère, l’hydrosphère et la lithosphère.
L'atmosphère est l'enveloppe supérieure constituée par un mélange
complexe de gaz, dont les plus abondants sont l'azote et l'oxygène.
Le Tableau 6 présente les concentrations moyennes (C) des gaz qui
composent l’atmosphère du niveau de la mer à 25 km d'altitude, par
rapport à l’air sec.
L'eau couvre un peu moins de trois quarts de la surface terrestre.
Ce sont pour la plupart les eaux des océans. Cette partie de la Terre
est appelée hydrosphère. C'est au fond la solution aqueuse d’un élec-
trolyte minéral de composition complexe. On trouvera ci-après la
composition élémentaire de l’hydrosphère.
Concentration, Concentration, Concen-
mg/l mg/l tration,
m£g/1
CI 19 000 AS 0,003 T1 0,00001
Na 10 600 Sn 0,003 He 5.107
M 1 300 Pb 0,003 Au 4.107$
S (SO) 900 (2600) U 0,003 La 3-10-6
a V 0,002 Ce 4.107"
K 380 Mn 0,002 Pr 2-10-°
r 9 Ti 0,001 Nd 8.107
C (HCO;) 28 (140) Th 9,0007 sm 1.107:
N: 13 Co 0,0005 Eu 41078
Os 8 Ni 0,0005 Gd 2.107
Sr 8 Ga 0,0005 Dy 2-107°
B 4,8 Cs 0,0005 Ho 8-1078
Si 3 Sb < 0,0005 Er 2-10
F 1,3 Hg 0,0003 Tm 4-1078
Ar 0,6 Y 0,0003 Yb 2.107
N (NO3) 0,5 (2) Ne 0,0003 Lu 4.108
i 0,2 Kr 0,0003 Ra 3-10711
Rb 0,12 Ag 0,0003 Pa 2.107132
P (POË-) 0,07 (0,2) Bi 0,0002 Ra Q. 1015
I 0,05 Cd 0,00011
Ba 0,03 W 0,0001
Al 0,01 Ge 0,0001
Fe 0,01 Xe 0,0001
Zn 0,01 Cr 0,00005
Mo 0,01 Sc 0,00004
Se 0,004 Be 0,0000%
Cu 0,003 Nb 0,00001
6—01151
82 STRUCTUÜRE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÉLÉEV [CH. I
La lithosphère ou la croûte terrestre est la couche solide supérieure
de notre planète, d’une profondeur de 30 km environ. Sous la croûte
se trouve la plus puissante des couches terrestres, le manteau de la
Terre, qui constitue 80 % du volume et 2/3 de la masse du globe ter-
restre.
La croûte (l'écorce) terrestre se compose de roches éruptives mag-
matiques, sédimentaires et autres. La composition chimique de l’é-
corce terrestre est très complexe, car les différentes roches y sont
réparties inégalement. On y trouve surtout des silicates et des alu-
mosilicates de calcium, de magnésium et des métaux alcalins ainsi
que des carbonates. La partie supérieure de la croûte est riche en
sels d'aluminium et de métaux alcalins, alors qu’en profondeur il
y a plus de composés du magnésium et du fer.
Le manteau se compose essentiellement de silicates de magné-
sium et de fer: sa composition correspond à celle des météorites
pierreuses. Le noyau de la Terre a la composition des météorites fer-
reuses (sidérites): il renferme du fer métallique avec du nickel.
Nous donnons ci-après les compositions moyennes oxydique et
élémentaire de la lithosphère (en %).
Oxydes Eléments
59,12 SiO, 46,42 O
15,34 AIO; 27,50 Si
6,88 Fe.O; 8,08 Al
5.08 Ca 5,08 Fe
3,49 MgO 3,61 Ca
3,84 Na,0O 2,83 Na
3,14 K,0 2,58 K
1,15 H,0 2,00 Mg
1,05 TiO, 0,44 Ti
0,30 P,0; 0,12 P
0,10 Mn
0,10 Ba
Total: 99,39 Total: 98,86
On remarquera facilement que la lithosphère de la Terre est cons-
tituée pour trois quarts de deux éléments : oxygène et silicium. Si
l'on y ajoute l’eau de l’hydrosphère et l'oxygène de l'air, la part
de ce dernier élément devient encore plus importante, d’où l’inté-
rêt particulier des combinaisons oxygénées des différents éléments
pour la chimie.
De façon générale, on peut dire que la lithosphère renferme de
préférence les éléments se trouvant au début de la classification pério-
dique, jusqu'au 28° environ.
L'étude de l’abondance de divers éléments et de leurs isotopes
sur la Terre permet de tirer les conclusions suivantes. Sont le plus
abondants :
8 17] ABONDANCE DES ÉLÉMENTS CHIMIQUES SUR LA TERRE 83
1° Eléments à numéro atomique pair, dont 80, 149i, 28Fe, 20C,
1:M£g.
2° Fer et ses voisins dans la classification périodique (maximum
de fer).
3° Eléments dont les isotopes ont un nombre de masse multiple
de 4: He, O, Ne, Si, S, Ar, Fe, Ni.
4° Isotopes à nombre pair de protons ou de neutrons dans le
noyau: près de 60 % de tous les isotopes stables.
5° Isotopes dont le nombre des nucléons est un multiple de 4
(doublement magiques), par exemple: ‘He (z — 2, N = 2), 10
(z = 8, N = 8), Ca (z = 20, N =: 20), *SPb (z = 82, N — 126).
Ainsi, les éléments sont plus ou moins répandus sur la Terre en
fonction non de leurs propriétés chimiques, mais des propriétés de
leurs noyaux, dont les plus importantes sont la parité et la saturation
des couches nucléaires.
La composition isotopique des échantillons de roches lunaires et
de météorites s’est avérée analogue à la composition isotopique des
éléments terrestres. On peut en conclure que les processus de forma-
tion d'éléments sont partout du même type.
CHAPITRE II
LIAISON CHIMIQUE
ET STRUCTURE DES MOLÉCULES
$ 18. Caractéristiques principales de la liaison chimique. La théo-
rie de la liaison chimique est à la base de toute la chimie théorique.
C'est grâce à la liaison chimique que les atomes forment des parti-
<ules plus complexes : molécules, radicaux, cristaux, etc. La liaison
chimique résulte de l'interaction de deux (parfois plusieurs) atomes.
La formation d'une liaison se déroule avec dégagement d’énergie.
Parmi les hypothèses qui ont précédé la doctrine quantique nous
mentionnerons la théorie de la formation de la liaison chimique de
Lewis. En 1916, il émit l'hypothèse selon laquelle la liaison chimi-
que était le résultat de la formation d’une paire (doublet) électro-
nique commune entre deux atomes. Chaque atome apporterait un
électron à ce doublet commun. La liaison de ce type est dite cova-
lente. Les schémas de formation des liaisons chimiques dans les
molécules H.,, F,, NH, et CH, sont représentés ci-dessous. Les élec-
‘trons sont figurés par des symboles différents suivant l'atome auquel
ils appartiennent :
Il H
XX es a °*
HXH OO XFXF:. XNYH HxCcX*H
NC. ee M *
IT H
Après la formation des liaisons chimiques, chaque atome de la
molécule possède une configuration électronique stable à 2 ou 8
électrons. La théorie de Lewis embrassait un grand nombre de faits,
mais ne parvenait pas à expliquer la cause de la formation des liai-
sons chimiques.
C'est la mécanique quantique qui a permis d'’élucider le méca-
nisme de la formation des liaisons chimiques par la mise en commun
de doublets électroniques. En considérant les électrons dans l’atome
en tant que des nuages électroniques, on peut représenter la forma-
tion de doublets communs comme le résultat d’un recouvrement de
<es nuages (fig. 14). L’excès de densité électronique sur la ligne qui
joint les deux noyaux les serre ensemble. Ainsi, les forces qui con-
$ 18] CARACTÉRISTIQUES DE LA LIAISON CHIMIQUE 85
2 ——_—
tribuent à la formation d’une liaison chimique ont une nature élec-
trique.
L'idée de Lewis sur la paire d’électrons mise en commun a un
sens profond du point de vue de la mécanique quantique. Ainsi, cha-
que atome de la molécule d'hydrogène
possède deux électrons. Conformément au
principe d'exclusion de Pauli, ces deux
électrons doivent avoir leurs nombres de
spin différents, sinon chaque atome d’hy-
drogène posséderait deux électrons à qua-
tre nombres quantiques identiques.
Le recouvrement des nuages élec-
troniques (accouplement des électrons)
ne peut donc avoir lieu que si leurs spins Fig. 14 Formation d'une
sont opposés. La méthode décrivant les liaison chimique par recou-
liaisons chimiques, dont la formation vrement de deux nuages
est liée à des doublets électroniques com- électroniques
muns, est dite méthode de liaison de va-
lence (LV). En écrivant les formules structurales, on schématise sou-
vent les paires d'électrons qui assurent la liaison, par des traits
de valence :
Densité électronique élevée
FF: où :F:F:
Aujourd’hui, on considère que le critère le plus strict de la nature-
d’une liaison chimique est la densité électronique entre deux atomes.
Malheureusement, ce critère reste encore difficilement accessible
à la vérification expérimentale. La caractérisation énergétique d'une
liaison chimique présente un grand intérét. Lorsqu'une liaison chi-
mique se forme, l'énergie totale du système composé de molécules.
est inférieure à l’énergie des constituants (atomes).
On définit la valence comme l'aptitude de l’atome d’un élément
chimique à fixer ou à remplacer un certain nombre d’atomes d'un
autre élément. À ce point de vue, il est le plus simple de déterminer
la valence d’un atome d’après le nombre d’atomes d'hydrogène for-
mant des liaisons chimiques avec cet atome ou d’après le nombre
d’atomes d’hydrogène remplaçables par l'atome de cet élément.
La valence est une des plus importantes caractéristiques d’un élé-
ment. C'est l'indice de l’aptitude des atomes à former des liaisons
chimiques.
Avant l'avènement de la mécanique quantique, les chimistes
définissaient la valence comme le quotient obtenu en divisant la
masse atomique de l'élément par sa masse équivalente. Certains
éléments possédant plusieurs masses équivalentes, il fallait admet-
“tre l’existence de plusieurs valeurs de la valence pour ces éléments.
Cette définition de la valence garde son importanee jusqu'à nos jours.
86 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLECULES [CH. IT
Parfois on identifie la valence au degré d'oxydation (v. p. 27). Mais
une telle identification s'avère souvent incorrecte.
Dans le cadre de la représentation quantomécanique de l'atome,
la valence est définie comme le nombre des électrons non appariés
(célibataires) qui participent à la formation des liaisons chimiques.
En plus des électrons non appariés, la valence d’un atome dépend du
nombre d’orbitales vides et satu-
rées de la couche électronique de
valence.
On appelle énergie de liaison
l'énergie qui se dégage lorsque des
Atomes isolés atomes séparés se réunissent en
molécules *. Onl’exprime usuelle-
ment en joules par mole (J/mol).
C'est une des plus importantes ca-
ractéristiques de la liaison chimi-
Basse que. L'édifice le plus stable est
énergie celui qui renferme le moins d’éner-
: + : gie. On sait, par exemple, que les
Fig (5. Enerrie du syame de dax Éiomes d'hydrogène lendent à se
la distance internucléaire : réunir en molécules (autrement
1 — attraction; 2 — répuision dit, à former un système plussta-
ble), car un système composé de
molécules H, comporte moins d'énergie qu'un système composé du
même nombre d’atomes H à l’état libre.
La courbe énergétique de la figure 15 caractérise l'interaction
des atomes d’hydrogène. Le rapprochement des atomes s’accompa-
ne d'un dégagement d'énergie, d'autant plus important que le re-
couvrement des nuages électroniques est plus marqué. Pourtant,
dans les conditions ordinaires, les noyaux de deux atomes ne peuvent
fusionner du fait de la répulsion coulombienne. Cela signifie qu'à
une certaine distance l'attraction des atomes se verra remplacer par
leur répulsion. De cette façon. la distance interatomique r,, à la-
quelle répond le minimum de la courbe énergétique, correspond à la
longueur de la liaison chimique et l'énergie Æ, à l'énergie de cette
liaison.
Une condition sine qua non de la formation d'une molécule à
partir de deux atomes d'hydrogène sont les nombres quantiques de
spin différents de leurs électrons. Si les spins sont identiques, la
molécule ne peut se former, car cela contredirait le principe de Pauli.
Lors du rapprochement de deux atomes d'hydrogène, dont les élec-
trons ont les nombres quantiques de spin identiques, il y aura non
Haute
énergie
* Il ne faut pas oublier qu’il y a des cas où l'énergie dégagée lors de la for
mation d’une molécule à partir de deux atomes isolés correspond non pas à une
seule, mais à plusieurs liaisons.
$ 18] CARACTERISTIQUES DE LA LIAISON CHIMIQUE 81
pas attraction, mais répulsion des atomes (v. fig. 15). Dans les diffé-
rents atomes l'énergie de liaison varie entre 170 et 420 kJ/mol.
Structures électroniques des atomes excités. La valence d’un atome
étant fonction du nombre de ses électrons non appariés, il est utile
de considérer les structures des atomes dans l’état excité. Le passage
d’un électron sur un sous-niveau ou un niveau énergétique plus élevé
(excitation) demande une dépense d'énergie. Une liaison chimique,
en se formant, dégage de l’énergie. La liaison sera stable si l’augmen-
tation de l'énergie atomique due à l'excitation est inférieure à l’éner-
gie de la liaison chimique qui se forme. En d'autres termes, il est
nécessaire que l'énergie dépensée pour exciter les atomes soit com-
pensée par l’énergie dégagée lors de la formation de la liaison.
Nous donnons ici les nombres des électrons non appariés pour les
états fondamental et excité de quelques atomes:
Li Be E C N O F Ne
Etat fondamental... 14 0 1 2 3 2 1 0
Etat excité àn—2 .... 1 2 3 4 3 2: 1 0
On peut se rendre compte que le nombre des électrons non appa-
riés dans l’état fondamental des atomes ne retrouve pas toujours
les valeurs des valences qui correspondent à la position des éléments
dans la classification périodique.
L'’atome de lithium dans l’état fondamental possède un seul élec-
tron célibataire. qui peut participer à la formation d’un doublet
électronique de liaison avec un autre atome. Le lithium joue le rôle
d’un élément univalent, ce qui coïncide avec le numéro du groupe
où il se trouve.
Le béryllium dans l’état fondamental n’a pas d'électrons non ap-
pariés. Or, il révèle une valence égale à 2 dans ses combinaisons.
On l'explique par ce qu’en se combinant chimiquement, l’atome de
béryllium s'excite *:
24 2p 2 2p
get +1 | | sil I
L'énergie d’excitation de l'atome de béryllium de l’état 2s° à
l’état 2s!2pl est égale à 259 kJ/mol. L'énergie dégagée par la forma-
tion d'une liaison chimique varie entre 160 et 400 kJ. Ainsi, bien
que l'excitation de l'atome de béryllium exige une certaine énergie,
cette énergie est de loin inférieure à celle dégagée lors de la formation
de deux liaisons chimiques. Finalement, le système perd de l’énergie
en devenant plus stable.
._ * Le symbole d’un élément marqué d'un astérisque, tel que Be*, correspond
à un atome excité. Par souci de . icité, ici comme ailleurs, les orbitales ato-
miques de types différents seront placées au même niveau.
88 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLECULES (CH. 11
L’excitation de l’atome de bore
HI L-"Hn]
ne demande pas non plus une énergie trop élevée, car là l’électron
passe d’un sous-niveau sur un autre dans les limites d'un même ni-
veau quantique. L'atome de bore excité peut former deux liaisons
chimiques supplémentaires. Par conséquent, la formation des liai-
sons chimiques produit beaucoup plus d'énergie que n’en consomme
l'excitation de l’atome de bore.
Le carbone dans l’état fondamental possède deux électrons non
appariés. Or, on sait bien qu'il est tétravalent par excellence dans
ses combinaisons. C'est dans l’état excité que ses quatre valences se
manifestent :
28 2p = CP
MNT) —c
L'excitation de l’atome de carbone 2s°2p° — 2s!2p$ demande une
énergie de 400 kJ/mol. L'énergie qui se dégage, par exemple, lors
de la formation de chaque liaison C—H dans les hydrocarbures, est
de l’ordre de 360 kJ. Cela fait 720 KkJ pour deux liaisons, soit 320 kJ
de plus que l'énergie nécessaire pour l'excitation.
L'excitation de l'azote, de l'oxygène et du fluor dans les limites
du deuxième niveau quantique ne peut faire croître le nombre d’élec-
trons non appariés. L'excitation des électrons de ces atomes par tran-
sition sur le niveau quantique suivant exige une énergie beaucoup
plus élevée que celle dégagée par la formation de liaisons supplé-
mentaires. Voilà pourquoi les combinaisons de l'oxygène tétravalent
doivent être très instables.
Trois éléments de la troisième période — chlore, soufre et phos-
phore — peuvent manifester une valence correspondant au numéro
du groupe de la classification périodique, car l'énergie d’excitation
de l’électron de l'état 3s ou 3p à l’état 3d ou 4sest de loin inférieure à
l'énergie d’excitation 2s — 3s ou 2p — 3s. Ainsi, le chlore peut être
heptavalent dans l’état CI*-3s!3p$3@, le soufre hexavalent dans l’état
S*-3s!3p%3d° et le phosphore pentavalent dans l’état P*-3s13p%3d1.
Paramètres de la liaison chimique. Outre son énergie, une liaison
chimique est caractérisée par sa longueur, sa multiplicité et sa pola-
rité. Pour une molécule qui comporte plus de deux atomes, des carac-
téristiques importantes sont les valeurs des angles entre les liaisons
et la polarité de la molécule entière.
8 19] FORMATION DES LIAISONS CHIMQUES 89
La multiplicité de liaison est définie par le nombre de doublets
électroniques qui lient deux atomes. Aïnsi, la liaison réunissant les
atomes de carbone est simple dans l’éthane H;C—CH,, double dans
l’éthylène H,C=CH, et triple dans l’acétylène HC=CH. L'énergie
d’une liaison croît parallèlement à sa multiplicité: les énergies des
liaisons C—C, C=C et C=C valent respectivement 263, 422 et
535 kJ//mol.
On appelle longueur de liaison la distance séparant les noyaux
des atomes liés. Ces longueurs sont de l’ordre de quelques dixièmes
du nanomètre suivant la combinaison concernée. Plus une liaison est
multiple, plus elle est courte: les longueurs des liaisons NSN=—N e
—N=N— et N=N sont égales respectivement à 0,145, 0,125 et
0,109 nm ; pour les liaisons C—C, C=C et C=C elles sont respective-
ment de 0,154, 0,134 et 0,120 nm.
La polarité de liaison est conditionnée par le déplacement du dou-
blet électronique de liaison vers un des atomes, ce qui donne lieu à
un dipôle * dont la mesure est le moment dipolaire: produit de la
charge par la distance entre les charges. On l’exprime en coulomb-
mètres (C-m). Lorsque une charge négative égale à la charge de l’élec-
tron (1.6-10-1? C) et la même charge positive sont séparées par une
distance de 0,1 nm, le moment dipolaire est égal à 1,6-10-1?.10-19 —
= 1,6-10-* C:m.
On sait que le moment dipolaire de la molécule HCI vaut 3,44 <
x 140730 C.m, la distance internucléaire étant de 0,127 nm. Si l’atome
de chlore portait une charge de —1 et l’atome d'hydrogène une charge
de +1, le moment dipolaire de la molécule HCI serait égal à 1,6 :
+ 40-19.4,27.10-10 — 2,03-10-% C:m. On peut en déduire que l'atome
d'hydrogène est porteur d’une charge positive et l'atome de chlore
porte une charge négative égale à 3,44-107%0: 2,03-107% = 0,17
de la charge d’un électron. Un calcul analogue pour la molécule de
KCI à l’état vapeur conduit aux valeurs des charges portées par les
atomes de potassium et de chlore, égales chacune à 0,83 de l'unité
de charge.
$ 19. Mécanismes de ormation des liaisons chimiques. Dans la
méthode LV, on distingue deux mécanismes de formation des liaisons
chimiques: d'échange et donneur-accepteur.
Mécanisme d'échange. Ce mécanisme intervient dans les cas où
chaque atome formant liaison fournit un électron au doublet commun.
Dans les molécules H, et Li,, les liaisons sont formées par les
électrons s non appariés des atomes (fig. 16, a), dans les molécules F,
et CG par les électrons p non appariés (fig. 16, b). Les liaisons des mo-
* Dipôle: ensemble de deux charges électriques de signe opposé, mais éga-
les en valeur absolue, qui sont séparées par une certaine distance.
90 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLECULES [CH. II
lécules HF et HCI sont constituées d’électrons s de l'hydrogène et
d'électrons p des halogènes (fig. 16, c).
Une particularité de la formation de combinaisons selon le méca-
nisme d'échange est sa saturabilité: un atome ne peut former qu’un
Fig. 16. Formation des liaisons chimiques par recouvrement de nuages élec-
troniques :
a — deux nuages 5: b — deux nuages p; c — nuages setp
aombre limité de liaisons. Celui-là dépend, en particulier, du nombre
des électrons de valence non appariés.
Il découle des schémas électronographiques
que l'atome d'azote possède 3 électrons non appariés et l’atome d’hy-
drogène n'en a qu'un. Selon le principe de saturabilité, c'est la com-
biainson NH; qui doit être stable, et non NH, ou NH. En effet,
la formation de chaque liaison chimique entre l’atome d'hydrogène
et l'atome d’azote correspond au dégagement d’une certaine quantité
8 11] FORMATION DES LIAISONS CHIMQUES 91
d'énergie. Plus importante est l'énergie dégagée lors de la formation
de la molécule à partir d'atomes, plus cette dernière sera stable.
Voilà pourquoi parmi les combinaisons énumérées de l'azote avec
l'hydrogène, c'est la molécule NH, qui doit présenter la meilleure
stabilité : lors de sa formation tous les électrons de l’atome d’azote
se sont trouvés couplés. Néanmoins, il existe des molécules à nombre
impair d'électrons: NO, NO;, CIO. Toutes ces combinaisons se dis-
tinguent par leur réactivité élevée.
Au cours de certaines réactions chimiques, on peut voir se former
des groupes à valence non saturée, appelés radicaux: H, NH,, O,
2) 2, 2p
s"Lta[ta tal à
F F F
— SJ ELIENENER
H H
bd) 2,
N F,B° NH,
H
H H H
NH.
Fig. 17. Configurations électroniques des molécules BF;, NH, et BF; - NH;
CH;, etc. La réactivité des radicaux est extrêmement élevée et leur
durée de vie est, le plus souvent, très courte.
Mécanisme donneur-accepteur. On sait que deux composés à va-
lence saturée : l’ammoniac NH, et le trifluorure de bore BF, peuvent
entrer en réaction l’un avec l’autre:
Examinons le mécanisme de cette réaction. La figure 17, a pré-
sente les orbitales du bore peuplées par leurs propres électrons ainsi
que par des électrons du fluor (sur la figure ces derniers sortent des
cases). Notons que des quatre orbitales du bore trois sont peuplées
et une reste vacante. Dans la molécule d’ammoniac (fig. 17, b), toutes
les quatre orbitales de l’azote sont remplies. Trois orbitales abritent
des électrons d'azote et d'hydrogène (mécanisme d'échange) et la
quatrième, un doublet dont les deux électrons appartiennent à l'azote.
Une telle paire d'électrons est dite doublet non partagé.
La combinaison H,N- BF, se forme du fait que le doublet non partagé
de l’ammoniac cie l’orbitale vacante du fluorure de bore (fig. 17. c)
On assiste alors au dégagement d'une certaine quantité d'énergie,
l'énergie potentielle du système diminuant d'autant. C'est ce qu'on
appelle mécanisme donneur-accepteur, l'atome qui cède son doublet
92 LIAISON CHIMIQUE ET STRI'UTURE DES MOLECULES iCH. 11
pour former liaison étant donneur (ici c’est l'atome d'azote) et l'atome
qui abrite ce doublet sur son orbitale vacante étant accepteur (atome
de bore). La liaison donneur-accepteur est une variété de la liaison
covalente.
Dans H;,N-BF;, l'azote et le bore sont tétravalents. L’atome d’azo-
te voit sa valence augmenter de 3 à 4 par utilisation de la paire d’élec-
trons non partagée pour la formation d'une liaison chimique supplé-
mentaire. La valence de l’atome de bore s'accroît grâce à la pré-
sence d’une orbitale vide sur son niveau électronique de valence.
On voit donc que la valence des éléments n'est pas déterminée que
par le nombre des électrons non appariés : elle dépend aussi de la pré-
sence de doublets non partagés et d'orbitales vacantes sur le niveau
électronique de valence.
Un cas plus simple de la formation d’une liaison chimique selon
le mécanisme donneur-accepteur est la réaction de l’ammoniac avec
l'ion hydrogène :
NH;+H*= NH}
Ici, c'est l’orbitale vide de l’ion hydrogène qui joue le rôle d’ac-
cepteur de doublet électronique. L’atome d'azote de l'ion ammonium
NH est tétravalent.
Electronégativité. Dans le cas général, la paire électronique formée
(nuage diélectronique) se trouve plus près de l’un ou de l’autre de
deux atomes réunis. L'électronégativité caractérise l'aptitude des
atomes d'une molécule à déplacer le doublet commun.
Il existe plusieurs méthodes de calcul des électronégativités
atomiques. Dans une de ces méthodes, l’électronégativité d’un atome
est prise égale à la somme de son énergie d'ionisation et de son affinité
électronique. Supposons qu'un électron de l’atome À passe à l’atome
B en formant la molécule A*B-. Lors d’une telle transition le dé-
tachement de l’électron de l'atome A nécessitera une énergie d’ioni-
sation £7Z,. Pourtant, l’addition de l’électron à l’atome B fera dé-
gager une énergie égale à l'énergie d'affinité électronique AE.
L'énergie totale du système AB changera d'une quantité AE» —
— EI,. Si, par contre, l'électron passe de l'atome B à l'atome A,
l'énergie totale du système changera d'une quantité A1Æ£1 — ÆElp.
En fait, l’électron emprunte la direction qui assure le plus important
dégagement d'énergie. Lorsque
AËB — EI\ > AE; — Els.
l’électron passe de l’atome A à l'atome B. Donnons à l'inégalité
ci-dessus la forme suivante:
AE» + Elr > AE \ + ET,
La somme de l'énergie d'’affinité électronique et de l'énergie
d'ionisation d’un atome donné est l’électronégativité de cet atome
$ 19) FORMATION DES LIAISONS CHIMQUES 93
(EN). Si l'électron passe (se déplace) de l’atome A à l’atome B,
cela veut dire que l’électronégativité de l’atome B est supérieure à
celle de l'atome A.
On a pris égale à l'unité l’électronégativité de l’atome de lithium:
l'électronégativité des autres atomes est calculée par rapport à celle
du lithium (Tableau 7). On constate en examinant le Tableau 7
Tableau 7
Electronégativités relatives des atomes
1 | 11 111 IV V VI | VIII VIII
H
2,1
Na Mg Al Si P S CI
0,9 1,2 1,5 1,8 2,1 2:9 3,0
K Ca Sc Ti Cr Mn Fe (Co Ni
0,8 4,0 1,3 1,3 1,6 1,6 1,6 1,7 1,8
Zn Ga Ge As Se Br
1,6 1,6 2,0 2,0 2,4 2,8
Rb Sr Y Zr Nb Ru Rh Pd
0,8 1,0 1,9 1,5 1,7 2,0. 2,1 2,1
Ag Cd In Sb Te I
1,9 1,7 1,7 1,8 2,1 2,6
Cs Ba La Hf Os Ir Pt
0,75 | 0,9 1,2 1,4 24 2,14 2,1
Hg Pb Bi Po At
1,8 1,6 1,8 2,3 2,2
Fr Ra
0,7 0,9
que l’électronégativité augmente de gauche à droite le long des pério-
des et manifeste une tendance à diminuer avec accroissement du
numéro atomique chez les éléments d'un même sous-groupe.
v Dans une molécule composée de deux atomes à électronégativités
différentes, il y a déplacement d& doublet électronique vers l'atome
le plus électronégatif. Ce dernier acquiert ainsi une charge négative,
l’autre atome devenant porteur d’une charge positive. La molécule
94 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLECULES [CET IT
se trouve en possession d’un pôle positif et d’un pôle négatif. La
liaison chimique où le doublet électronique est déplacé vers un des
partenaires, est appelée liaison polaire.
L'atome de chlore, d’électronégativité 3,0, et l’atome d'hydrogène,
d'électronégativité 2,1, forment la molécule de chlorure d'hydrogène,
dans laquelle le doublet électronique est rapproché de l'atome de
chlore. Une charge effective négative apparaît donc sur l’atome de
chlore et une charge positive sur l’atome d'hydrogène. La comparai-
son des électronégativités des atomes de sodium et d'hydrogène per-
met de conclure que dans l’hydrure de sodium, c'est l'hydrogène
qui est chargé négativement.
Dans une molécule formée par deux atomes identiques, le doublet
électronique appartient à titre égal à chacun des deux atomes: une
telle liaison n'est pas polaire. Des liaisons non polaires se réalisent
dans les molécules H,, N,, Cl,, O,, etc. Ces molécules sont non po-
laires.
Lorsque les électronégativités des atomes formant une molécule
sont très différentes, le doublet électronique s'approche tout à fait
de l’atome le plus électronégatif. Une telle liaison est voisine de
l'ionique. Cependant, il n'existe pas de molécules composées d'ions
« purs ». La charge effective du chlore dans NaCl est égale à —0,83
et la charge effective du sodium à +0,83. Les molécules NaCI n'’exis-
tent qu’à l’état vapeur.
$ 20. Rupture homolytique et hétérolytique des liaisons chimiques.
L'énergie nécessaire pour rompre une liaison chimique est égale à
l'énergie dégagée lors de sa formation.
Deux types de rupture sont possibles en principe : rupture homo-
lytique et rupture hétérolytique. Dans la rupture homolytique d’une
liaison covalente, le doublet de liaison se rompt, chaque atome
gardant un électron de la paire commune:
H=H=2H° où bien HI ci=H*+ci*
La rupture pendant laquelle les deux électrons passent à un des
atomes, donnant deux ions de signes contraires, est dite héférolytique.
Un exemple en est fourni par la dissociation ionique de la molécule
HCI
H | ;: CI=H*+C;
$ 21. Liaisons multiples. Liaison sigma. La liaison chimique
entre atomes est due au recouvrement des nuages électroniques. Lors-
que ce recouvrement se fait le long de la ligne joignant les noyaux
atomiques, la liaison correspondante est dite liaison ©. Elle peut
être formée par deux électrons s, un électron s et un électron p ou
deux électrons p (fig. 18). On appelle liaison simple la liaison chimique
réalisée par un seul doublet électronique. C'est toujours une liaison 0.
Les orbitales s ne forment que des liaisons 0.
6 21] LIAISONS MULTIPLES 95
Liaison pi. 1 y a des cas où le nombre de doublets formant liaison
entre deux atomes est supérieur à l'unité. Il s’agit alors d’une liaison
multiple. La molécule d'azote peut servir d'exemple de formation
d’une telle liaison. On a représenté sur la figure 19 la disposition spa-
tiale des orbitales p demi-remplies de deux atomes d'azote. Dans Îa
P—P
Fig. 19. Recouvrement des orbitales Fig. 20. Liaison x formée par deux
atomiques dans la molécule N: électrons p
molécule d'azote, les orbitales p, forment une liaison o. Une autre
liaison est formée par les orbitales p. qui fournissent deux zones de
recouvrement : au-dessus et au-dessous de l’axe des x. Une telle lia-
son est dite liaison n (fig. 20). La seconde liaison x de la molécule
d'azote est formée d'orbitales p,. Dans une liaison x le recouvrement
des nuages électroniques est moins important que dans une liaison
simple : voilà pourquoi les liaisons x présentent, en règle générale,
une résistance moins élevée que les liaisons o formées par les mêmes
orbitales atomiques.
Les orbitales du type p peuvent fournir des liaisons ©, ainsi que
des liaisons n. Dans le cas des liaisons multiples, une de ces liaisons
est obligatoirement une liaison o. Des trois liaisons de ligolécule
06 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLÉECULES [CH. IT
d'azote une est du type © et deux autres du type x:
Z
afafa
Z
$ 22. Orientation des liaisons et hybridation des orbitales atomi-
ques. La configuration géométrique est une importante caractéri-
stique pour les molécules comportant plus de deux atomes. Elle dé-
pend de la disposition mutuelle des orbitales atomiques qui parti-
cipent à la formation des liaisons chimiques.
La théorie de la structure antérieure à la théorie quantique at-
tribuait une structure linéaire à la molécule d’eau, alors que les
Y y
5 |
:
| |
+6
1 | H
1-0 0"!
6: à /i
Ho H |
Fig. 21. Orientation des liaisons dans la molécule H,0
données expérimentales montrent que les liaisons de cette molécule
forment entre elles un angle de 104,5°. La valeur de cet angle peut
être expliquée en se fondant sur la théorie quantique. Le schéma
électronique de la couche de valence de l’atome d'oxygène est 2s°2p*.
Deux orbitales p non appariées forment entre elles un angle de 90°.
Le recouvrement maximal des nuages électroniques des orbitales s
des atomes d'hydrogène avec les nuages des orbitales p de l'atome
d'oxygène correspond à la disposition des liaisons sous un angle de
90°. La liaison O—H de la molécule d'eau est polaire. L'atome d'hy-
drogène est porteur d’une charge positive effective +, l'atome d'oxy-
gène porte une charge ——. La répulsion mutuelle des charges posi-
tives des atomes d'hydrogène ainsi que celle des nuages électroniques
(fig. 21) expliquent l'augmentation de l'angle de liaison jusqu’à
104,5°.
L'électronégativité du soufre est petite devant celle de l'oxygène.
Voilà pourquoi la polarité de la liaison H—S dans H,S est inférieure
à la polarité de la liaison H—O dans H,0. La longueur de la liaison
H—S (0,133 nm)est plus grande que celle de la liaison H—0O (0,056 nm)
et l'angle formé par deux liaisons H—S s'approche de 90° (92°
pour H,S). Une situation analogue existe dans H,Se où l’angle de
liaison est égal à 91°.
$ 22] ORIENTATION DES LIAISONS ET HYBRIDATION DES OA 97
Pour la même raison, la molécule d’ammoniac a une structure
pyramidale avec une valeur supérieure à 90° pour l’angle formé par
les liaisons de valence H—N—H (il vaut 107,3°). Quand on passe
de l’ammoniac à PH,, AsH, et SbH,, les angles deviennent respec-
tivement égaux à 93,3, 91,8 et 91,3°, se rapprochant sensiblement de
l'angle droit.
Hybridation des orbitales atomiques. Les atomes excités de béryl-
lium, de bore et de carbone ont les configurations respectives 2s!2p!,
2st2p° et 2s!2p%. On peut donc penser que les liaisons chimiques de
ces atomes mettront en jeu des orbitales atomiques différentes et
non pas identiques. Ainsi, les combinaisons BeCl,, BCI., CCI, pré-
senteraient des liaisons non équivalentes en résistance et en orienta-
tion et les liaisons © d’orbitales p seraient plus solides que les liai-
sons 6 d’orbitales s, car le recouvrement des orbitales p est favorisé.
Or, l'expérience montre que les molécules dont les atomes centraux
possèdent des orbitales de valence différentes (s, p, d), ont toutes
leurs liaisons équivalentes.
Slater et Pauling en ont fourni l'explication. Selon leur avis, les
orbitales différentes d'énergies suffisamment proches * forment le
nombre correspondant d'orbifales hybrides. Leur nombre est égal à
celui des orbitales atomiques participant à l’'hybridation. Les orbi-
tales hybrides sont toutes identiques quant à la forme du nuage élec-
tronique et leur énergie. Elles sont plus allongées en direction de la
formation des liaisons chimiques que les orbitales atomiques et as-
surent de ce fait un meilleur recouvrement des nuages électroniques.
L'hybridation des orbitales atomiques consomme de l'énergie:
c'est pourquoi dans un atome isolé les orbitales hybrides sont ins-
tables et tendent à se transformer en orbitales atomiques « pures ».
La formation de liaisons chimiques stabilise les orbitales hybrides.
Comme les liaisons engendrées par les orbitales hybrides sont plus
solides, un tel système dégage plus d'énergie et devient par là plus
stable.
Hybridation sp. Elle a lieu, par exemple, lors de la formation des
halogénures de Be, Cd et Hg(I[l). Dans leur état de valence, tous les
halogénures comportent sur le niveau énergétique correspondant des
électrons s et p non appariés. Au cours de la formation de la mole-
cule, une orbitale s et une orbitale p donnent naissance à deux orbi-
tales sp hybrides faisant entre elles un angle de 180° (fig. 22, a,
chaque orbitale hybride y est figurée différemment).
Selon les données expérimentales, les halogénures de Be, Zn,
Cd et Hg(Il) sont linéaires, les deux liaisons étant de même longueur.
Hybridation sp°. L'hybridation d’une orbitale s et de deux orbi-
tales p conduit à trois orbitales hybrides sp° qui se trouvent dans
* Une trop grande différence d'éhergie empêche l’hybridation.
7—01151
98 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLECULES [CH 71
un même plan en font des angles de 120° (fig. 22, b). Ce type d'hy-
bridation se réalise dans BCI, par exemple.
Hybridation sp*. Elle est caractéristique, en particulier, des com-
binaisons du carbone. L'hybridation d’une orbitale s et de trois orbi-
tales p a pour résultat la formation de quatre orbitales hybrides sp
a)
s+p sp
S+P+P+p
Fig. 22. Hybridation d'orbitales :
a — une orbitale « et une orbitale p: b — une orbitale « et deux orbitales p:
c — une orbitale s et trois orbitales p
orientées vers les sommets d’un tétraèdre, l'angle entre les orbitales
valant 109° (fig. 22, c). L'hybridation se manifeste dans la parfaite
équivalence des liaisons chimiques de l’atome de carbone avec autres
atomes, dans les combinaisons CH,, CCI,, C(CH;),, par exemple.
L'orientation des liaisons dans les molécules NH, et H,0 peut également
trouver une explication dans l'hypothèse d'hybridation des orbitales etectroni-
ques. Une hybridation peut faire intervenir des orbitales complètes comme des
orbitales remplies à moitié. Ainsi, dans l’atome d'azote une orbitale 2s peut
$ 22] ORIENTATION DES LIAISONS ET HYBRIDATION DES OA 99
participer à l'hybridation à côté de trois orbitales 2p. On peut s'attendre à ce
que les quatre orbitales hybrides seront orientées vers les sommets d'un tétraèdre.
Trois orbitales hybrides ne seront remplies qu'à moitié et la quatrième sera
complètement peuplée. L’angle formé par les directions des orbitales sera voisin
de l'angle tétraédrique (près de 109°), ce qui retrouve bien les données expéri-
mentales (107,5°).
La molécule d’ammoniac résulte du recouvrement de trois orbitales sp3
avec l’orbitale 1s de l’atome d'hydrogène (fig. 23, a).
L'ion ammonium se forme par la mise en commun d'un doublet électronique
libre : entre une des orbitales sp* complètes et l'orbitale 1s vacante de l'ion
Fig. 23. Formation des molécules d'ammoniac (a) et d'eau (b)
hydrogène. Il est prouvé que l'ion NH a une configuration tétraédrique réguliè-
re.
La présence dans une molécule d'orbitales hybrides complètement remplies
(c'est le cas pour la molécule d'ammoniac) influence beaucoup sa polarité glo-
bale. 11 est nécessaire d'en tenir compte en déduisant la polarité des molécules
des polarités des liaisons isolées.
La configuration de la molécule d'eau est également representable en par-
tant d’une hybridation sp* des orbitales de l'atome d'oxygène (fig. 23. b).
Dans ce cas, deux orbitales sp% se trouveront complètement remplies. Suite
à l'hybridation sp*, l'angle formé par les liaisons de valence de la molécule
d'eau est également Sréche du tétraédrique (104.5°).
Une hybridation peut faire intervenir non seulement des orbi-
tales s et p, mais aussi des orbitales d et f. Le Tableau 8 regroupe les
différentes formes de molécules et d'ions, engendrées par des orbi-
tales pures et hybrides. L'examen du Tableau 8 conduit aux conclu-
sions suivantes: si l’on sait qu'une molécule ou un ion AB, a une
structure linéaire, c’est que l'atome À possède des orbitales hybrides
sp; lorsqu'une molécule ou un ion AB, présente un angle de 120°
entre ses atomes, l’atome A possède des orbitales sp” ; dans une molé-
cule ou un ion de forme tétraédrique, l’atome central a des orbitales
sp”, et ainsi de suite.
Notons pour conclure que l'hypothèse d'hybridation permet de
comprendre certaines particularités de la structure moléculaire qu'il
est impossible d'expliquer d’une autre manière.
Effet de l'hybridation des orbitales sur la résistance des liaisons.
Comme il découle de la figure 22, a, l'hybridation des orbitales s
et p conduit à un déplacement du nuage électronique en direction de.
la formation de liaisons avec un autre atome. Les zones de recofÿre-
ri
100 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLECULES [CH. IT
Tableau 8
Configuration spatiale de certains molécules et ions
re Orbitales de valence Configuration E
EU drton de l’atome central spatiale xemples
AB. p? (pures) angulaire H,S
sp (hybrides) linéaire BeCI., CO.
AB; p° (pures) pyramidale PHs
sp? (hybrides) triangulaire BF;, CO;
AB, sp* (hybrides) tétracdrique CH,, BF:
dsp® (hybrides) carrée [PdCIl,]*-
[Pt (NH3)4l°*
AB: sp°d (hybrides) bipyramidale PCI;
ABs sp3d? (hybrides) octaédrique SFsr PFe
AB: d*sp* (hybrides) octaédrique [CO [NH3)e]%*
AB, sp*d' (hybrides) cubique PbFi{-
ment des orbitales hybrides sp sont donc plus grandes que celles des
orbitales pures s et p, d’où une meilleure solidité des liaisons engen-
drées par ces premières.
Les liaisons formées d'électrons s sont les moins résistantes. On
trouve ce type de liaison dans les molécules des métaux alcalins:
Li,, Na,, etc. Deux orbitales s identiques ne peuvent fournir un re-
couvrement assez important en raison de la répartition sphérique
(non orientée) de la charge. La liaison de la molécule d'hydrogène
échappe seule à cette règle. L'orbitale s de l’atome d'hydrogène, vu
son rayon réduit, se caractérise par une densité électronique élevée.
Le caractère orienté des orbitales p favorise leur recouvrement,
sensiblement meilleur. Il est établi expérimentalement que pour les
orbitales hybrides formées d’orbitales atomiques s et p, le plus grand
recouvrement est assuré par une hybridation du type sp. On a ras-
semblé dans le Tableau 9 les données relatives aux longueurs et aux
énergies des liaisons C—H dans divers composés.
Tableau 9
Caractéristiques des liaisons C—H suivant le type
d'hybridation
Longueur de Energie de
Hybridation Molécule la liaison liaison,
C—H, nm kJ/mol
Acétylene 0 ,1060 æ 505
Ethylène 0,1069 = 443
Méthane 0,1090 — 430
Radical CH 0,1120 RTE
8 23] CARACTERISTIQUES DES MOLÉCULES 401
L'examen du Tableau 9 montre que la solidité des liaisons aug-
mente dans l'ordre orbitales p-orbitales sp°-orbitales sp?-orbitales sp.
Lorsque l'hybridation fait intervenir des orbitales d, la résistance
des liaisons s’en trouve sensiblement renforcée.
$ 23. Caractéristiques principales des molécules. Polarité molé-
culaire *. Une molécule composée de deux atomes d’électronégativités
différentes est polaire (HF, HBr). Les molécules formées par des ato-
mes identiques sont non polaires (H., F., I.).
Dans le cas d’une liaison simple, la polarité de la molécule est
d'autant plus marquée que la différence est plus grande entre les
électronégativités des atomes formant liaison. Lorsque les atomes
sont réunis par une liaison multiple, les valeurs des électronégati-
vités respectives des atomes ne renseigneront pas toujours d’une
façon univoque non seulement sur la polarité de la liaison, mais éga-
lement sur l’orientation du dipôle. Ainsi, la différence des électroné-
gativités du carbone et de l’oxygène est égale à l’unité. On pourrait
supposer que le moment dipolaire de la molécule CO est voisin de
celui de la molécule HCI, les électronégativités des atomes d’hydro-
gène et de chlore présentant la même différence égale à 1. Pourtant,
uno = 3,44-10-% Cm et uco = 0,344-10-% Cm. Un autre
fait inattendu de prime abord est que l'extrémité négative du dipôle
dans la molécule CO est dirigée vers l'atome de carbone, moins élec-
tronégatif.
Les électrons non appariés du carbone et de l'oxygène de la molé-
cule CO forment deux liaisons. Les doublets communs de ces liaisons
sont déplacés vers l'atome d'oxygène:
La présence d’une orbitale vide sur l'atome de carbone et de dou-
blets non partagés sur l’atome d'oxygène a pour résultat la formation
d’une troisième liaison, du type donneur-accepteur. Gela provoque un
déplacement de la densité électronique de l'atome d'oxygène vers
l’atome de carbone. Ce déplacement est tellement important que la
densité électronique excédentaire se trouve désormais non pas sur
l'atome d'oxygène, mais sur celui de carbone.
* On caractérise la polarité des molécules par leur moment dipolaire u,
égal au produit de la charge électrique élémentaire e par la longueur de dipôle
l (distance entre les charges): u = el.
402 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLÊCULES [CH. IT
Les molécules composées de plus de deux atomes et qui peuvent
comporter des liaisons polaires, ne sont pas pour autant polaires dans
tous les cas. La molécule linéaire de dioxyde de carbone O=C—=0
ou la molécule triangulaire de fluorure de bore BF, sont non polaires,
malgré la présence de liaisons polaires, car, suite à la symétrie des
liaisons, les barycentres des charges moléculaires positives et néga-
tives se trouvent au centre des molécules. L'hybridation des liaisons
+
6! +6!
+d RD 5 FN
0.
ED >
Fig. 24. Répartition des charges dans les molécules NH; (a) ct NF; (b) et
orientation de leurs dipôles
(sp, sp”, sp, sp*d par exemple) rend les molécules et les ions non
polaires. Par contre, si les liaisons sont formées par deux ou trois
orbitales p pures (H,S, AsCI.,), une telle molécule est polaire.
Il y a des cas où l’hybridation des orbitales fait croître la polarité
des molécules. Ainsi, la polarité de la molécule d'ammoniac s'accroît
sensiblement du fait de l'occupation par un doublet non partagé
d'une des quatre orbitales hybrides sp*. Alors le barycentre des char-
ges négatives subit un déplacement considérable et la polarité de
la molécule augmente (fig. 24).
L'importante contribution du doublet électronique non partagé
au moment dipolaire moléculaire découle de façon évidente des ré-
sultats de la détermination du dipôle de la molécule NF;. Il est
établi que uxr, = 0,77-10-% C.m et l'extrémité négative du dipôle
est dirigée vers l'atome d'azote (v. fig. 24). L'atome de fluor étant
beaucoup plus électronégatif que l’atome d'azote, cette orientation
du dipôle ne peut résulter que de la contribution du doublet non
partagé à la polarité totale de la molécule.
Polarisabilité et effet polarisant des ions et des molécules. Un ion
ou une molécule sont déformés en champ électrique : il s'y produit un
déplacement relatif des noyaux et des électrons. Cette déformabilite
des ions et des molécules a reçu le nom de polarisabilité. Ce sont les
électrons de la couche externe, liés le moins solidement, qui sont
déplacés en premier lieu.
À conditions égales (même rayon et même charge), la plus grande
polarisabilité est caractéristique des ions qui ont leur couche pé-
riphérique à 18 électrons saturée. Les ions qui possèdent tmre-couche
$ 23] CARACTÉRISTIQUES DES MOLECULES 103
externe à 18 électrons non saturée sont moins polarisables ; le sont
encore moins les ions qui ont la structure des gaz rares à 8 électrons.
Lorsque la structure des couches électroniques est la même, la
polarisabilité des ions décroît parallèlement à l'augmentation de la
charge positive. par exemple
Fe- > Ne > N+> Mg?* > AI“ > Sit*
Pour les ions issus des analogues électroniques, la polarisabilité
augmente avec le nombre de couches électroniques, par exemple
Li* < Nat <K* <Rb*<Cs*
ou
Fe- << Cl- < Br- <I-
La polarisabilité des molécules est fonction de la polarisabilité
des atomes constitutifs, de la configuration géométrique, du nombre
et de la multiplicité des liaisons, etc. On ne peut comparer entre elles
que les polarisabilités des molécules de structure analogue qui ne dif-
fèrent que par un atome. Dans ce cas, il est possible d’assimiler la
différence de polarisabilité entre molécules à la différence de pola-
risabilité entre atomes.
A l'origine d'un champ électrique peut être soit une électrode
chargée, soit un ion *. Ainsi, un ion est capable lui-même de pola-
riser d’autres ions ou molécules. L'effet polarisant d’un ion aug-
mente lorsque la charge s'accroît et que le rayon diminue. Les charges
et les rayons étant les mêmes, l'effet polarisant s’amplifie quand on
passe des cations qui ont la couche électronique d'un gaz rare aux
ions dont la couche externe à 18 électrons est en train de se saturer.
Les ions qui ont leur couche à 18 électrons entièrement remplie pre-
sentent le plus grand effet polarisant.
En règle générale, l'effet polarisant des anions est de loin infé-
rieur à celui des cations. On l'explique par la taille beaucoup plus
importante de ces premiers.
Une molécule est polarisante lorsqu'elle est polaire. Son effet
polarisant est d'autant plus marqué que son moment dipolaire est
plus élevé.
Propriétés magnétiques des corps. Tout corps est soit paramagné-
tique. soit diamagnétique. On est en présence d'un corps paramagné-
tique lorsque ses atomes (ou molécules) possèdent un moment magné-
tique permanent. Un corps est diamagnétique lorsque ses atomes
n'ont pas de moment magnétique permanent. Certains solides (peu
nombreux), dont le fer, le cobalt, le nickel, ont la faculté de s’ai-
manter dans des conditions déterminées et de rester aimantés en
* Les ions possèdent un champ électrique très fort. L'intensité de ce champ
à 4 nm de l'ion porteur de la charge d’un électron est de l’ordre d'un milliard de
V/m. Un champ de même intensite existe dans la couche bipolaire entourant une
électrode.
404 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTÜRE DES MOLÉCULES [CH. II
qe
l'absence d'un champ magnétique extérieur. On les appelle ferro-
magnétiques.
Les corps paramagnétiques ont la propriété d'être attirés par
un champ magnétique, tandis que les corps diamagnétiques en sont
re poussés.
Les propriétés magnétiques des corps sont déterminées par les
propriétés magnétiques des ions, des atomes et des molécules. La
susceptibilité magnétique des atomes dépend des moments magné-
tiques intrinsèques des nucléons et des négatons (électrons). Les mo-
ments magnétiques des protons et des neutrons sont mille fois en-
viron plus petits que ceux des électrons. C’est donc le moment total
des électrons d'un atome qui détermine principalement le moment
magnétique atomique.
Les moments magnétiques permanents dus aux électrons sont,
d'une part, le résultat de leur rotation sur eux-mêmes (moment ma-
gnétique de spin) et, d'autre part, le résultat de leur mouvement orbi-
tal autour du noyau (moment magnétique orbital). S'il y a deux élec-
trons sur une même orbitale (la chose n’est possible que lorsque leurs
spins sont opposés), leurs champs magnétiques se neutralisent. Si
les moments magnétiques de tous les électrons de l’atome compen-
sent ainsi les uns les autres (cela se produit lorsque tous les électrons
sont appariés), le moment total est nul et l'atome est diamagnétique.
Lorsque, dans un atome, il y a des électrons non appariés, le moment
total diffère de zéro et l’atome est paramagnétique.
La même chose est vraie pour les molécules. S'il y a des électrons
célibataires dans une molécule, cette dernière est paramagnétique.
Une molécule diamagnétique ne possède pas d'électrons non couplés.
La contribution du moment magnétique orbital au moment magné-
tique total créé par les électrons est peu importante.
Le moment magnétique de spin total des électrons non appariés. exprimé
en magnétons de Bohr, peut être déduit selon la formule p4,= V1 Œ + 2) où
t est le nombre des électrons non appariés (t — 1, ug1= 1,73; t = 2, pe] =
9.802 s 1= 3, pe]= 3.87; t = 4, pe] — 4,90
Dans la plupart des cas, la méthode LV considérée plus haut
renseigne bien sur la présence ou l'absence d'électrons célibataires
responsables des moments magnétiques des molécules ou des ions.
Ainsi, la plupart des combinaisons des éléments des sous-groupes
principaux sont diamagnétiques. Sont paramagnétiques les molé-
cules qui renferment un nombre impair d'électrons : NO, NO, CIO,
ainsi que nombreuses combinaisons des éléments à et f.
Dans un certain nombre de cas, la méthode LV s'avère incapable
d'expliquer la présence de paramagnétisme : tel est le cas de la molé-
cule O, par exemple. C'est une autre méthode de description des
liaisons chimiques, la méthode des orbitales moléculaires (OM),
qui en fournit une explication.
$ 24] LIAISON HYDROGÈNE 105
& 24. Liaison hydrogène. La liaison hydrogène est une forme
particulière de la liaison chimique. On sait que les combinaisons de
l'hydrogène avec des non-métaux hautement électronégatifs, tels
F, e N, ont des températures d'’ébullition anomalement élevées
(en ‘C):
HO an a 100 ER 19
HS ee Li su —60 HCI ....... —84
HS ....... —4i HBr 44 2 40 —67
HiTe: 4 0.2. 20 NÉ ie 0 2: —35
Si la température d’ébullition décroît régulièrement dans la série
H,Te-H.Se-H,sS, elle s'accroît brusquement quand on passe de H,S
à H,0. On observe la même situation dans la série des halogénures
d'hydrogène. C’est le signe d'une interaction spécifique entre les
molécules de H,0 ou celles de HF. Cette interaction doit empêcher
le détachement des molécules les unes des autres: diminuer leur
volatilité et, par là, élever la température d'ébullition des corps
correspondants. Suite à une grande différence d’électronégativité
entre les atomes, les liaisons chimiques H—F, H—O, H—N sont
très polarisées. L’atome d'hydrogène porte donc une charge effec-
tive positive + 6 ; les atomes F, O et N, porteurs d’un excès de densité
électronique, sont chargés négativement. L'interaction coulombienne
fait que l’atome d'hydrogène positif d’une molécule est attiré vers
l'atome électronégatif d’une autre molécule. Une attraction s'exerce
donc entre les molécules (les pointillés représentent les liaisons hy-
drogène) :
+06
H
OS N +0 —0 +6 —8 +6—0
O—H” OH H—F...H—F...HF
NN; —0
H
+0
On donne le nom de liaison hydrogène à la liaison formée au moyen
d’un atome d'hydrogène faisant partie d’une des deux particules liées
(molécules ou ions).
L'énergie de la liaison hydrogène (21 à 29 kJ/mol) est environ
10 fois moins élevée que l'énergie d’une liaison chimique ordinaire.
Et pourtant, cette liaison est à l’origine de l'existence à l'état va-
peur des molécules dimères (H:0):, (HF), ainsi que
O—H---0
H—c” \c-H (dimère de l'acide formique)
O-.--H—-H
406 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLECULES [CH. II
Il existe aussi des liaisons hydrogène intramoléculaires. Ainsi,
dans l'aldéhyde salicylique
il se forme une liaison hydrogène intramoléculaire entre le groupe
hydroxyle et l'oxygène carbonylique. L'existence d’une telle liaison
se manifeste dans le fait que le point d'ébullitionte cet aldéhyde
(1,6 °C) est de loin inférieur à celui de son isomère, le p-hydroxyben-
zaldéhyde (116 “C). Un point d'’ébullition aussi élevé s'explique,
chez ce dernier, par l'existence de chaînes polymères
formées à l'aide de liaisons hydrogène.
Les liaisons hydrogène ont également un grand rôle biologique.
En particulier, elles assurent la formation de la double hélice des
acides nucléiques, responsable de la transmission d’information
dans l'organisme vivant.
$ 25. Description de la liaison chimique dans la méthode des orbitales
moléculaires (OM). Les chimistes se servent largement de la méthode des liaisons
de valence (LV). Dans cette méthode. une molécule complexe est considérée en
tant qu'un assemblage de liaisons dicentriques et diélectroniques isolées. On
suppose que Îles électrons responsables de la liaison chimique sont localisés
entre deux atomes. La méthode LV est bien applicable à la plupart des molécu-
les. Mais il y a des molécules auxquelles cette méthode ne peut être appliquée
ou bien les résultats qu'elle fournit ne retrouvent pas l'expérience.
Il est établi que dans certains cas, ce ne sont plus les doublets électroni-
ues, mais des électrons isolés qui jouent le rôle déterminant dans la formation
e la liaision chimique. L'existence même de l'ion HŸ témoigne de la réalité
d'une liaison chimique formée par un seul électron. Lorsque cet ion se forme
à partir d'un atome d'hydrogène et d'un ion hydrogène. il se dégage une énergie
de 255 kJ:mol. L'ion H}? présente donc une liaison chimique assez solide. Si l’on
essaie de décrire la liaison de la molécule d'oxygène suivant la méthode LV,
on arrivera à la conclusion que. premièrement. cette liaison est double (a et x)
et que. deuxiémement,. tous les électrons de la molécule d'oxygène sont appariés :
la molécule O, serait donc diamagnétique. Or. des résultats expérimentaux
montrent que si. d'après son énergie, la liaison dans la molécule d'oxygène
est double, la molécule n'est pourtant pas diamagnétique. mais paramagnétique.
Elle comporte deux électrons non appariés. La méthode LV est incapable d ex-
pliquer, ce fait.
On considère aujourd'hui comme le meilleur procédé de traitement quanto-
mécanique de la liaison chimique la méthode des orbitales moléculaires (OM).
Mais elle est beaucoup plus compliquée que la méthode LV et moins évidente
que cette derniére. DA
$ 25] LIAISON CHIMIQUE DANS LA MÊTHODE OM 407
Selon la méthode OM, tous les électrons d’une molécule se trouvent sur
des orbitales moléculaires. Dans cette méthode, on part des fonctions d'onde
des électrons isolés. L'orbitale moléculaire (OM) que l'électron occupe dans la
molécule est définie par la fonction d'onde Ÿ correspondante.
Types des orbitales moléculaires. Lorsque l'électron d'un atome se rappro-
chant d'un autre atome commence à subir l'influence de cet autre atome, le
caractère de son mouvement et, donc. sa fonction d'onde varient. On ne connaît
pas les fonctions d’onde (orbitales des électrons) de la molécule qui s’est formée.
Fig. 25. Recouvrement des fonctions d'onde des atomes d'hydrogène lors de
l'addition (a) et de la soustracion (b) de ces fonctions :
1 — fonction d'onde atomique : 2 — fonction d'onde moléculaire
a) b) c)
{s 15 6! Ca
Fig. 26. Formation des orbitales liantes o, (b) et antiliantes ©, (c) à partir
des orbitales atomiques 1s (a)
Il existe plusieurs procédés de détermination de la forme des orbitales moléculai-
res en partant des orbitales atomiques connues. Le plus souvent, on les obtient
par combinaison linéaire des orbitales atomiques (LCAO *). Sous sa forme graphi-
que la plus simple. une orbitale moléculaire représentée en tant que combinai-
son lineaire d'orbitales atomiques s'obtient en additionnant ou en soustrayant
les fonctions d'onde que l'on trouve sur la figure 25.
Des OA sont aptes à former des OM lorsque elles ont des énergies voisines
et la même symétrie par rapport à l'axe de liaison. Considérons quelques exem-
ples de formation d'orbitales moléculaires. Les fonctions d'onde (orbitales) 1s
de l'hydrogène peuvent donner deux combinaisons linéaires: soit par addition
(fig. 25. a). soit par soustraction (fig. 25. b). Lorsque les fonctions d'onde s’ad-
ditionnent. la densité du nuage électronique, proportionnelle à wŸ?, s'accroît
dans la zone de recouvrement. Une charge négative excédentaire apparaît
alors entre les noyaux atomiques et les attire l’un vers l'autre. Les orbitales
atomiques de deux atomes d'hydrogène sont présentées sur la figure 26, a.
* Suivant l'expression anglo-saxonne linear combination of atomic orbitals.
(N.d.R.)
408 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLÊCULES [CH. II
RÉ
L'orbitale moléculaire de la molécule d'hydrogène obtenue par addition des
fonctions d'onde des atomes d'hydrogène, est dite liante (fig. 26. b). Lorsque
les fonctions d'onde sont soustraites, la densité du nuage électronique dans la
zone internucléaire devient nulle et ce nuage est « expulsé » de la région intera-
tomique. L’orbitale moléculaire qui s’est ainsi formée ne peut lier les atomes
(fig. 26, c): elle est antiliante.
Les orbitales s de l'hydrogène ne formant que des liaisons ©, les OM obtenues
reçoivent les désignations o1 (fig. 26. b) et ©, (fig. 26. c). Les OM formées à
partir d'orbitales atomiques 1s sont désignées par o1 Î{s et oà 1s.
L'énergie potentielle (et totale) des électrons d’une OM liante se trouve
inférieure, et celle des électrons d'une OM antiliante supérieure à l'énergie des
ä Oanis De
/
= \
\ H
Orbitale / Orbitale
atomique \ ” atomique
Accroissement d'énergio
3,1
Orbitales moléculaires
Fig. 27. Variation de l'énergie des orbitales atomiques au cours de la forma-
tion des orbitales moléculaires liante et antiliante
électrons des orbitales atomiques (fig. 27) *. L'’accroissement de l'énergie des
électrons sur les orbitales antiliantes est quelque peu supérieur, en valeur
absolue, à la diminution de leur énergie sur les orbitales liantes. L'électron
se trouvant sur une orbitale liante assure la liaison entre les atomes en stabili-
sant la molécule, tandis que l’électron d'une orbitale antiliante déstabilise la
molécule en affaiblissant la liaison entre ses atomes.
Des OM se forment également à partir d’orbitales 2p de même symétrie.
Les orbitales o liante et antiliante issues des orbitales 2p situées sur l'axe des z
(fig. 28, a) sont désignées respectivement par oj2p. et Oa2p4; les orbitales x
liante et antiliante (fig. 28. b). par x12p, et ra2p.. Les orbitales x 2py et Ta2Py
se forment de façon analogue. En haut de la figure 29 on trouvera Île diagramme
des énergies relatives des orbitales moléculaires issues des orbitales atomiques 2p.
Les OM peuvent se former à partir d'orbitales de nature différente, mais obliga-
toirement de la même symétrie par rapport à l'axe de liaison. Les orbitales
moléculaires liantes et antiliantes issues d'orbitales s et p,. sont représentées
sur la figure 28, c. I] découle des figures 27 et 29 que le nombre des OM est
égal à celui des OA participant à la formation des liaisons chimiques.
Système d'orbitales moléculaires. Les orbitales atomiques <se combinent en
un système d'orbitales moléculaires. La figure 27 présente le jeu des OM issues
des orbitales 1s; la figure 29. les OM qui se forment à partir des orbitales atomi-
ques 2s et 2p de la deuxième couche électronique. 11 est à noter que l’orbitale
©]2s et l’orbitale o,2p. sont situées dans un même espace. Suite à la répulsion
entre électrons. l'énergie de l'orbitale o,2p. se trouve parfois supérieure à l’éner-
gie des orbitales x12p, et xji2p, (fig. 30).
* Dans la méthode OM, les orbitales, moléculaires comme atomiques, sont
figurées par des traits. Le nombre des traits correspond au nombre des ogbitales.
b)
Fig. 28. Différents cas de formation d'orbitales moléculaires liantes et anti-
liantes :
a — OMo, et 0, à partir d'OA p; c — OMn, et «4, à partir d'OA p; b — OMo,
et 01 à partir d'OA pets
Ga 2Pz
7 N
sn, *
9 Maple THa2piN î
-P a L a Pz -p
© " 5 /
£ NT =Py pee
: \ G2Px
e
&
E
+
n 0 ,2s
ë pr]
O / \
<« s N
23 4 : 25
\ /
be /
9-5
Fig. 29. Schéma des orbitales moléculaires pour les molécules formées par les
éléments de la deuxième période
410 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLÉCULES [CH. I]
Remplissage des orbitales moléculaires. Les électrons remplissent les orbita-
les moléculaires dans l’ordre de l'énergie croissante des orbitales. Dans le cas
où l'énergie des OM est identique (orbitales x, ou x), le remplissage se pro-
duit suivant la règle de Hund de telle manière que le moment de spin de la
molécule soit maximal. Chaque OM, ainsi qu'une OA, ne peut contenir plus
ay
| Ps mu \ sc
2p" 27 |} \ p A
\N J. OA 2 2 \ té PA 1: :
Ne Jen LA
tæ) pxP À
A a
/ A \ a 25 / \ \
ra LT Ni
; 9 7 ” 9
; ki = \ e, 24 / T7
Fig. 30. Schéma des orbitales moléculaires tenant compte de l'interaction des
orditales o,2s et o12p,
de deux électrons. Comme nous l'avons déjà mentionné, les propriétés magnéti-
ques des atomes ou des molécules sont déterminées par la présence ou l’absence
d'électrons non appariés: s’il y en a. la molécule est paramagnétique; s’il n°y
en a pas. elle est diamagnétique.
Examinons l'ion H*,
| i
OM de H;
Sur ce schéma l'unique électron de l'ion est logé sur l'orbitale moléculaire
0j. 11 s’agit d'un composé stable: l'énergie de liaison est égale à 255 kJ/mol,
la longueur de liaison à 0,106 nm. L'ion moléculaire H* est paramagnétique.
En admettant que la multiplicité d’une liaison est définie par le nombre de
doublets électroniques, la multiplicité de liaison dans /* est égale à 1/2. Le
processus de formation de H peut s'écrire comme suit:
H{1s'] + H*{1s°] — Hi [(o115)!]
Cette notation signifie que l'orbitale moléculaire oj, issue d'orbitales
atomiques 1s, renferme un électron. /
$ 25] LIAISON CHIMIQUE DANS LA METHODE OM iii
La molécule d'hydrogène ordinaire
OM de Ha
renferme déjà deux électrons de spins opposés sur l’orbitale 0) 1s:
2H{1s) —+ H2[(o11s)°]
L'énergie de liaison dans H, (435 kJ/mol) est plus grande que dans Hi.
D'autre part, cette première liaison est plus courte (0,074 nm). C’est une liaison
simple et la molécule H, est diamagnétique.
L’ion moléculaire He*#
He(1s] + He*[1s!] —+ He: [(0,1s)}*(0a1s)1]
possède déjà un électron sur l'orbitale o,1s:
VA de Hed lOA de Ho*
il
OM de He,
L énergie de liaison dans He (238 kJ/mol) est moins élevée que dans H..
alors que la longueur de liaison (0,108 nm) est plus importante. La multiplicité
de cette liaison est égale à 1/2 (demi-différence entre les nombres des électrons
sur les orbitales liantes et antiliantes).
La molécule hypothétique He,
OA de He | OA de He
OM de He,
aurait deux électrons sur l'orbitale oj1s et deux électrons sur l’orbitale o, fs.
Comme un électron sur une orbitale antiliante annule l'effet liant d'un électron
sur une orbitale liante, la molécule He, ne peut exister. La méthode LV conduit
à la même conclusion.
Le Tableau 10 montre l’ordre de remplissage des orbitales moléculaires
pour les molécules des éléments de la deuxième période. 11 découle des schémas
présentés que les molécules B, et O, sont paramagnétiques et que la molécule
Be, ne peut exister.
1412 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLECULES [CH. II
Tableau 10
Ordre de remplissage des orbitales moléculaires
\
Lui, feel [ne Lo feu co [vo | not
Multiplicité
de lia's0on
Energie de liai-
son, kJ/mol
La formation des molécules à partir des atomes des éléments de la deuxième
période peut ètre écrite de la façon suivante (A étant les couches électroniques
internes) :
Lis: 2Li[K2st] — Li.[ A A(o12s)°]
Be, : 2Bel A2s°] + Be.l À K(o,2s)2(0,2s)°]
B.: 2B[K2s*2p1] + BK A(o12s)* (0325) (t12py) (x12p :)!]
C2: 2CTK2522p°?] + CA A (0125) (6,25) (112p)*]
Ne: 2N[K2s22p9] + N{K K(o125)*(0,2s)*(r12p) (012p.)°]
O,: 20[K2s°2p}] + OA A (0125) (0425) (t12P) (012P2) (ta 2P y) (Ha2P z)!]
Fo: 2F{A2s32p5] — FA K A(o12s)?(0,2s)*(t12p)*(o12P+)* (fa 2p)t]
(Ne): 2Nel[ A2s2p5] + Nef KÆK(o12s)=(0,2s)*(x2p) (012p.) (ta2p)*(02p,)?
Propriétés physiques des molécules et méthode OM. La réalité des orbitales
moléculaires liantes et antiliantes est confirmée par les propriétés physiques
des molécules. La méthode OM prédit que les potentiels d’ionisation molecu-
laires doivent être supérieurs aux potentiels d’ionisation atomiques lorsque,
au cours de la formation d'une molécule, les électrons se logent sur des orbitales
liantes. Les potentiels moléculaires seront inférieurs aux potentiels atomiques
si les électrons occupent des orbitales antiliantes. Comme le montre Le Ta-
bleau 11. les potentiel: d'ionisation des molécules d'hydrogène et d'azote (orbi-
tales liantes) sont plus élevés que les potentiels d’ionisation des atomes d’hydro-
gène et d'azote. alors que les potentiels d’ionisation des molécules d'oxygène
et de fluor (orbitales antiliantes) sont moins élevés que les potentiels des atomes
correspondants. Lorsqu'une molécule s’ionise, sa liaison devient moins solide si
l’électron détaché a appartenu à une orbitale liante (H., et N,) et plus solidé si
l'électron a quitté une orbitale antiliante (O0, et F;).
113
LIAISON CHIMIQUE DANS LA METHODE OM
& 25]
089 | 6901! — | #67 | S6z | 076 | SE | SUH} FYOr 001 96L yO£ | 1€9 | L8S | O8 | SGG | UONB1908
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O+4N kO+N=1:0+9=10+:9= : : : : ;
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A
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Suof 39 sa[nogjotu ‘sawuoju sonbjonb op uojiujooss;p op sajfioug 39 uOJ)USJu0;,p S[21)1U9)0q
IT nv] vu
8—01151
114 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOL£ÉCULES (CH. II
%
Molécules diatomiques à atomes différents. Les orbitales moléculaires pour
les molécules à atomes différents sont construites de façon analogue. à condition
que les potentiels d'ionisation des atomes de départ sont suffisamment voisins.
On a représenté sur la figure 31 le diagramme de formation des OM et de leur
remplissage par électrons pour la molécule CO. Les énergies des orbitales atomi-
+ +
OA de C OM de CO OA d'o
Fig. 31. Diagramme des orbitales moléculaires pour la molécule CO
1
|
|
== es ouf
OA de N OM de NO OA d'O
Fig. 32. Diagramme des orbitales moléculaires pour la molécule NO
ques de l'oxygène les situent plus bas que les orbitales correspondantes du
carbone. Ces énergies se trouvent plus près du noyau, car l'oxygène possède
un potentiel d'ionisation plus élevé que celui du carbone. Les 10 électrons des
couches périphériques des atomes de départ remplissent l’orbitale liante oj2s
et l'orbitale antiliante o,2s, ainsi que les orbitales liantes x7,2p et o,2p.. La
molécule CO s'avère isoélectronique par rapport à la molécule N,. L'énergie de
$ 26] INTERACTION ENTRE MOLÉCULES 415
liaison des atomes dans la molécule CO (1105 kJ/mol) est même plus élevée que
dans la molécule d’azote (940 kJ/mol). La liaison C—0O est longue de 0,113 nm,
La molécule NO (fig. 32) NIK2s22p3] + O[ A2s°2pt] = NO[KK(o12s)?
(Ga2s)*(t12p)*(o12px)*(xa2p)] possède déjà un electron sur une orbitale anti-
liante. L'énergie de liaison dans NO (680 kJ/mol) est donc moins importante
que celle dans N, ou CO. Lorsqu'un électron quitte la molécule NO (ionisation
en NO*), l'énergie de liaisons augmente jusqu'à 1050-1080 kJ/mol.
Examinons la formation des orbitales moléculaires dans la molécule de
fluorure d'hydrogène HF (fig. 33). Le potentiel d’ionisation du fluor (17,4 eV,
soit 1670 kJ/mol) étant supérieur à celui de l'hydrogène (13,6 eV, soit
Ed Ca 1S2P, \
: 7 Se
\ \ F
“ Non liante \
1 1
Ne D ne
» Non liante ,”
\ + FA 2
G} 1s Pr
Fig. 33. Diagramme des orbitales moléculaires pour la molécule HF
1310 kJ/mol), les orbitales 2p du fluor possèdent une moindre énergie que l’or-
bitale 1s de l'hydrogène. Suite à la différence considérable de leurs énergies, l’or.
bitale 1s de l'atome d'hydrogène et l’orbitale 2s de l'atome de fluor n’entrent
pas en interaction. Ainsi, l’orbitale 2s du fluor devient, sans subir aucune modi-
fication, OM dans HF. Les orbitales de ce type sont dites non liantes. Les orbi-
tales 2p, et 2p. du fluor ne peuvent non plus interagir avec l'orbitale fs de
l'hydrogène suite à leur symétrie différente par rapport à l'axe de liaison. Elles
deviennent également des orbitales moléculaires non liantes. Une OM liante
et une OM antiliante se forment à partir de l'orbitale Îs de l'hydrogène et de
l'orbitale 2p, du fluor. Les atomes d'hydrogène et du fluor sont joints par une
liaison à 2 électrons, d’une énergie de 560 kJ/mol.
$ 26. Interaction entre molécules. Plus haut ($$ 18, 19), nous avons
parlé des liaisons responsables de la formation de molécules à partir
d’atomes. Or, une interaction existe également entre les molécules.
Cette interaction est à l’origine de la condensation des gaz et de leur
transformation en corps liquides et solides. Van der Waals fut le
premier à donner une formulation (en 1871) aux forces d'interaction
des molécules. On les appelle aujourd'hui forces de Van der Waals.
On distingue parmi elles les forces d'orientation, d'induction et de
dispersion.
Les molécules polaires, suite à l’interaction électrostatique des
extrémités opposées des dipôles, s’orientent dans l’espace de telle
sorte que l'extrémité négative du dipôle d’une molécule fasse face à
l'extrémité positive d’une autre molécule (fig. 34, a). L'énergie de
$S*
116 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLÉCULES [CH. IT
CE PS Re EE EE
cette interaction est déterminée par l’attraction électrostatique des
deux dipôles. Plus le dipôle est grand, plus l'attraction intermolé-
culaire est élevée.
Une molécule polaire peut faire croître la polarité des molécules
voisines. En d’autres termes, le dipôle d’une molécule provoque l’ac-
croissement du dipôle d’une autre molécule, et une molécule non
polaire peut devenir polaire (fig. 34, b). Le moment dipolaire qui
. ; 9 (XD
Nr x © ©
EXD HO œ,
Fig. 34. Forces d'interaction entre molécules :
a — d'orientation ; db — d'induction ; e — de dispersion
résulte de la polarisation par une autre molécule ou un ion est appelé
moment dipolaire induit, le phénomène portant le nom d’induction.
De cette manière, l’interaction d’induction se superpose toujours à
l'interaction d'orientation.
On n'’observe aucune interaction d'orientation ou d’induction
chez les molécules non polaires (H,, N.) ou chez les atomes des gaz
rares. Or, on sait que l’hydrogène, l'azote et les gaz rares se liqué-
fient. Pour expliquer ces faits, London introduisit en 1930 la notion
de forces intermoléculaires de dispersion. Ces forces agissent entre tous
les types d’atomes et de molécules, indépendamment de leur struc-
ture. Elles sont provoquées par les moments dipolaires instantanés
qui surgissent de façon concertée dans un grand groupe d’atomes
(fig. 34, c). L'orientation de ces dipôles peut varier à chaque instant
donné, mais leur apparition concertée assure des forces d'interaction
faibles qui conduisent à la formation de corps liquides et solides.
$ 27. Liaison métallique. Les structures cristallines des métaux
ont pour trait caractéristique le déplacement libre de leurs électrons
dans tout le volume du métal. L'’opacité, l'éclat « métallique » et
une bonne conductivité électrique des métaux sont le résultat de ce
déplacement libre des électrons. Lorsque des atomes métalliques se
lient entre eux (liaison métallique), leurs électrons se trouvent ap-
partenir à tous les atomes du cristal : ils ne sont plus sur leurs orbi-
tales atomiques, mais sur des orbitales « moléculaires ».
La liaison métallique est une liaison où les électrons de chaque
atome isolé appartiennent à tous les atomes qui sont en contact.
Cela assure un meilleur recouvrement des nuages électroniques en
$ 27] LIAISON METALLIQUE 117
comparaison du recouvrement électronique dans les molécules ne
comportant que deux atomes.
Lors de la formation d’une liaison métallique, V atomes fournis-
sent /V orbitales « moléculaires ». Si la différence d'énergie entre
« la plus basse » et « la plus haute » orbitale est égale à AE (plusieurs
volts), la différence énergétique entre deux orbitales voisines sera
donnée par AE/N (N étant de
l’ordre du nombre d’Avogadro:
6,02-10%). On voit que cette
différence est très petite (près de
10-% V) et que les électrons n’é-
prouvent aucune difficulté à passer
d'une orbitale « moléculaire » sur
une autre, ce qui leur permet de
se déplacer dans le volume du
métal.
A la place de l'unique niveau
électronique de l'atome, le métal
condensé dispose de toute une
zone (bande) d'énergie constituée ra pu
par les orbitales « moléculaires »
KA
& Une
très rapprochées.
Lorsque le nombre des atomes
en interaction est suffisamment
Fig. 35. Formation et recouvrement
des bandes énergétiques dans le cris-
tal de sodium en fonction de la dis-
grand, on y trouve des orbitales tance interatomique
électroniques dont l'énergie se rap-
proche de celle des orbitales électroniques des atomes isolés. Cela
veut dire que certains atomes du métal (atomes non ionisés) n'ont
pas mis en commun leur électron.
Les diverses approches théoriques de l’étude des solides ont pour
principe fondamental l’idée de bande électronique d'énergie. De même
que dans l’atome isolé il y a des niveaux d'énergie permis et inter-
dits où les électrons se logent, le cristal met à la disposition des
électrons des bandes permises ou interdites par énergie.
La scission en bandes des niveaux électroniques d'énergie se
produit lorsque les atomes isolés se rapprochent pour former un cris-
tal. Avec la variation de la distance il apparaît des bandes d'énergie
qui correspondent à tel ou tel type d'orbitales. Outre cela, à une
distance déterminée ces bandes commencent à se recouvrir. L’ap-
parition et le recouvrement des bandes énergétiques en fonction de
la distance interatomique sont schématisés sur la figure 35 pour le
cristal de sodium. Au fur et à mesure que les atomes se rapprochent,
les niveaukélectroniques discrets commencent à se transformer en
bandes énergétiques. Le processus débute par les orbitales périphéri-
ques, les plus éloignées du noyau. Les atomes se rapprochant encore
plus, on voit se recouvrir les bandes énergétiques voisines. La valeur
118 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLECULES , [CH Il
de r, caractérise la distance interatomique dans le cristal de sodium
complètement formé. Notons que les niveaux énergétiques internes
1s, 2s, 2p ne se scindent en bandes qu’à des distances inférieures à rs.
La théorie des bandes d'énergie fournit une explication concrète
de certaines propriétés des métaux, telles que leur conductivité calo-
rifique et électrique. C’est la liberté relative de déplacement, dont
jouissent les électrons dans le cristal, qui détermine ces propriétés
des métaux. Ainsi, l'électron soumis à une force qui correspond à
la tension appliquée commence à se mouvoir et son énergie cinétique
augmente. Cela permet à l’électron de passer à un niveau énergétique
plus élevé. Comme la différence d'énergie entre niveaux est très fai-
ble, le mouvement de l’électron commence déjà à une intensité très
basse du champ électrique.
L’atome de sodium a la configuration électronique Na 1s°2s?2pf3st.
Posons qu’un cristal correspond à une mole de sodium. Dans ce cas,
la bande électronique formée par les électrons 3s renferme NV ve
et V électrons. V niveaux peuvent contenir au maximum 24 élec-
trons. La bande 3s n'est donc remplie qu’à moitié. Par conséquent,
en champ électrique les électrons se déplaceront sans problèmes en
occupant les niveaux vacants de la même bande 3s; même si cette
zone ne présentait aucun recouvrement avec la bande 3p, le sodium
serait un bon conducteur d'électricité. Il l’est à plus forte raison en
présence de ce recouvrement.
Indiquons pour conclure que dans les métaux la bande où se trou-
vent les électrons de valence n’est normalement remplie qu'en partie
ou bien se recouvre avec la zone vacante la plus voisine. Parfois,
comme dans le sodium, les deux versions coexistent.
$ 28. Semiconducteurs et isolants.On sait que chaque atome de
silicium est tétraédriquement entouré par ses voisins. Sa structure
cristalline rappelle celle du diamant. Tout atome de silicium est lié
à d’autres atomes de silicium par quatre liaisons équivalentes. Les
liaisons chimiques sont réalisées à l’aide d'orbitales hybrides du
type sp.
A la différence des métaux, la scission en bandes des niveaux élec-
troniques d’énergie dans le cristal de silicium présente une particu-
larité (fig. 36). Au cours de la formation du réseau cristallin à partir
d’atomes, à une certaine distance r” (r° > r,) il se produit une hy-
bridation d’orbitales selon le type sp*, ce qui donne l'unique bande de
valence hybridée sp. Dans une mole de silicium cette zone peut con-
tenir au maximum 8 électrons. Tous ces électrons participent à
la formation de liaisons chimiques entre les atomes voisins.
Une autre particularité de la structure en bandes du silicium con-
siste en ce que la zone 4s, vacante, ne se recouvre pas avec la bande
de valence lorsque les distances interatomiques r = r,, mais en est
séparée par une zone d'énergies interdites (bande interdite) A£. Les
& 28] SEMICONDUCTEURS ET ISOLANTS 119
électrons qui se trouvent dans la bande de valence ne peuvent par-
ticiper à la conduction électrique, car ils sont tous engagés dans
la formation de liaisons chimiques. Pour conférer au silicium une
conduction électrique, il faut faire passer ses électrons dans la
zone 4s, en les dotant d'une énergie au moins égale à AE. Dans le
cas considéré, la zone 4s est ce qu’on appelle bande de conduction.
La zone comprise entre la limite supérieure de la bande de valence et
la limite inférieure de la bande de conduction est dite bande interdite.
La bande interdite est la plus importante caractéristique d’un
corps cristallin. Suivant la largeur de cette bande, tous les corps cris-
tallins sont divisés en métaux, semiconducteurs et isolants. Dans les
métaux, la largeur de la bande interdite est nulle. Si elle est élevée
Bande de conduction
Ar
=—=Bande de ——
—— valence —
Fig. 36. Formation des bandes d'énergie dans le silicium (a) et structure en
bandes du silicium (b)
(plus de 4 eV), un tel corps est dit isolant: ici on n'arrive pas à faire
passer l'électron dans la bande de conduction ni en chauffant le corps
ni en le plaçant dans un champ électrique. Les corps qui ont une bande
interdite valant entre 0,1 et 4,0 eV sont semiconducteurs. Leur con-
ductivité électrique est faible à la température ordinaire. [ls se com-
portent en isolants à des températures proches de 0 K. Une tempé-
rature élevée confère à une partie des électrons une énergie qui leur
permet de franchir la bande interdite et la conductivité électrique
s'accroît. [l y a ici une différence de principe entre métaux et semi-
conducteurs: si, chez les métaux, la conductivité décroît avec l’aug-
mentation de la température, elle croît avec la température chez les
semiconducteurs.
En 1819, Dulong et Petit découvrent la règle suivante:
La chaleur atomique de la plupart des corps simples, à l’état
solide, est comprise entre 20 et 30 J/(mol-°C) [en moyenne près
de 25 J/(mol.°C)|].
420 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLECULES (CE. 11
om
La chaleur atomique est le produit de la chaleur spécifique d’un
corps simple (à l’état solide) par la masse atomique de l'élément
correspondant. Cette grandeur étant plus ou moins constante, il
devient possible, en mesurant la chaleur spécifique, de calculer de
façon approchée la masse atomique. L'avantage de ce procédé de
détermination des masses atomiques consiste en ce qu’il est appli-
cable aux solides.
Il est à noter que cette règle est valable aussi bien pour les mé-
taux qui ont des électrons libres que pour les non-métaux qui n’en
ont pas. On en tire la conclusion que la chaleur spécifique de beau-
coup de corps simples ne dépend pas de la présence d'électrons libres.
Or, cette conclusion contredit la théorie. Il ne reste alors qu’à faire
l'hypothèse que le nombre d'électrons contribuant à la chaleur spé-
cifique est de loin inférieur à celui des électrons de valence. Cette
hypothèse paraît probable, mais demande une explication.
Si l’on se réfère à la théorie cinétique classique, à zéro absolu
tous les électrons d’un métal doivent occuper le plus bas niveau
d'énergie ou, autrement dit, avoir une énergie égale à zéro. D'autre
part, selon la théorie des orbitales « moléculaires » appliquée aux
métaux, même à zéro absolu seuls deux électrons pourront occuper
l’orbitale d'énergie minimale. Les autres électrons devront se placer
sur des orbitales ayant une énergie plus élevée. L'énergie de ces
électrons sera donc toujours supérieure à zéro. Lorsque la température
monte, les électrons occupant les orbitales supérieures peuvent, en
acquérant de l'énergie, passer sur les orbitales suivantes d'énergie
plus élévée. Les électrons placés sur les orbitales situées plus bas ne
peuvent (jusqu’à une certaine limite) acquérir de l'énergie, car toutes
les orbitales supérieures voisines sont complètes. Ainsi, seuls Îles
électrons qui se trouvent sur les plus hauts niveaux de la zone d'orbi-
tales « moléculaires » peuvent s'approprier de l'énergie. Cela ne
constitue qu’une partie insignifiante du nombre total des électrons
de valence. La contribution à la chaleur spécifique totale ne sera
donc fournie que par une faible quantité d'électrons, pratiquement
la même pour les divers corps simples, métaux ou non-métaux.
CHAPITRE III
RÉACTIONS D’OXYDORÉDUCTION
$ 29. Traits caractéristiques des réactions d'oxydoréduction. Ini-
tialement, on appela oxydation tous les processus où il y avait ad-
dition de l’oxygène (comme le rouillage des métaux à l'air). On don-
nait le nom de réduction aux processus de détachement de l’oxygène
combiné à un métal
t
CuO + H, — Cu + HO
Mais, au fur et à mesure que des faits s'’accumulaient, les notions
d'oxydation et de réduction devenaient plus générales. Le terme
d’oxydation embrassa, en plus de l'addition de l'oxygène, le dé-
tachement de l’hydrogène par, exemple:
2H,S + O0. = 25 + 2H,0
De même, on rangea parmi les processus de réduction ceux où il
y avait addition de l'hydrogène, telle la réaction de l'hydrogène
sur la vapeur de soufre avec formation de sulfure d'hydrogène :
H+S=HS
Par la suite, on rattacha aux phénomènes d’oxydation et de ré-
duction des réactions où n'intervenaient ni oxygène ni hydrogène.
la combustion de l'aluminium dans le brome par exemple :
2A1 + 3Br; = 2AlBr,
Encore plus tard, on classa dans la catégorie des réactions d'oxydation
celles qui se produisent en solution aqueuse et s’accompagnent d'élé-
vation du degré d’oxydation des éléments. Ainsi, en faisant passer
du chlore à travers une solution de chlorure de fer (11), on assiste à
la réaction
2FeCl, + Cl, = 2FeCl,
où le degré d’oxydation du fer passe de +2 à +3. La transformation
inverse de FeCl, en FeCl, reçut le nom de réduction.
Le développement de la théorie de la structure atomique créait
la base d’une interprétation scientifique des plus diverses réactions
422 RÉACTIONS D'OXYDOREDUCTION , {CH I
d'oxydation et de réduction avec ou sans participation d'oxygène
et d'hydrogène. Aujourd’hui, parmi les réactions chimiques les plus
diverses, on dégage deux types de réactions qui diffèrent l’un de
l’autre d’une façon essentielle. On rattache au premier type les réac-
tions au cours desquelles le degré d’oxydation des éléments combinés
ne varie pas. La formation de nouvelles molécules ne se produit, dans
ces réactions, que par regroupement d'atomes ou d'ions. Parmi ces
réactions on trouve:
a) une grande quantité de réactions d’échange du type
AB + CD = AD + BC
(BaCL, + K,S0, = BaSO, + 2KCI par exemple)
b) certaines réactions d’addition
CaO + H,0 = Ca(OH}: V4
c) certaines réactions de décomposition
CaCO, = CaO + CO,
[Il est facile de voir qu’au cours de ces réactions les éléments ne
changent pas de degré d'oxydation.
Il en est tout autrement dans les réactions du second type où le
degré d’oxydation des atomes ou des ions subit des variations. Soit
la réaction
Zn + 2HCI = ZnCl, + H,
On y voit participer les atomes de zinc, les ions hydrogène et
chlore, le degré d'oxydation du zinc passant, au cours de cette réaction,
de O0 à + 2 et celui des ions hydrogène de + 1 à 0.
On appelle réaction d'oxydoréduction (réaction rédox) une réaction
qui a pour résultat un changement du degré d'oxydation des éléments
qui y interviennent.
Le processus au cours duquel des électrons sont cédés et le degré
d'oxydation augmente, est dit oxydation.
Le corps comprenant un élément apte à céder ses électrons est ap-
pelé réducteur. En cédant ses électrons, le réducteur s'oxyde.
On appelle réduction le processus de fixation d'électrons avec di-
minution du degré d'oxydation.
On appelera donc oxydant le corps qui comprend un élément apte
a fixer des électrons. En fixant des électrons, l'oxydant se réduit.
Les atomes métalliques dont le niveau énergétique périphérique
est pauvre en électrons (1 à 3), ont tendance à en céder au cours d'une
réaction chimique (oxydation), alors que les non-métaux (4 à 7
électrons sur le niveau extérieur) en fixent volontiers en se réduisant.
Par conséquent, les atomes des métaux sont réducteurs (ils s'oxydent
$ 30] SÉRIE DE TENSIONS 123
en cédant des électrons) et les atomes des non-métaux sont oxydants
(ils fixent des électrons en se réduisant)*.
Voici quelques exemples de réactions d'oxydoréduction.
1° Combustion du magnésium à l’air (ou dans l'oxygène):
0)
) 0 +2 —2
2Mg + O, = 2Mg
L'atome de magnésium cède deux électrons à l'atome d'oxygène.
Ce dernier passe du degré O0 à —2 et le magnésium passe du degré 0
à + 2. Ainsi, le magnésium s'oxyde et l'oxygène se réduit. Le mag-
nésium est un réducteur et l'oxygène, un oxydant.
29° Combustion du cuivre dans le chlore:
0 0 +2 —1
Cu + CI, = CucClIl,
L'atome de cuivre cède deux électrons à la molécule diatomique
de chlore. Le degré d’oxydation du chlore passe de 0 à —1, celui du
cuivre de O0 à + 2. Le chlore, oxydant, se réduit. Le cuivre, réduc-
teur, s'oxyde.
3° Oxydation du chlorure de fer (II) en solution aqueuse par le
chlore :
+2 —! 0 ne
2FeCl, + Cl, = 2FeCl,
L'ion fer à double charge cède un électron à l’atome de chlore en
passant du degré + 2 à + 3, alors que le chlore passe du degré 0
à —1. Le chlorure ferreux qui se comporte en réducteur s’oxyde en
chlorure ferrique FeCl;. Le chlore qui se comporte ici en oxydant,
se réduit.
On peut juger de l’aptitude d’un métal (ou de son ion hydraté)
à s’oxyder (se réduire) en milieu aqueux au cours d’une réaction chi-
mique en trouvant sa place dans la série de tensions.
$ 30. Série de tensions. Lorsqu'on plonge une plaque métallique
dans l’eau (ou dans la solution d'un sel du métal considéré), des ions
métalliques se détachent de la surface de la plaque sous l’action des
molécules polaires d’eau. Il reste alors à la surface du métal une cer-
taine quantité d'électrons excédentaires. Les ions métalliques hydra-
tés (entourés de molécules d'eau) demeurent à proximité de la surfa-
ce de la plaque métallique. C’est ainsi que se crée la couche bipolai-
re (la double couche). La différence de potentiel qui existg dans ce
cas entre le métal et la solution est appelée potentiel d'électrode du
métal (fig. 37). Suivant la nature chimique du métal (structure ato-
mique, susceptibilité à l'hydratation des ions), il envoie dans la solu-
tion telle ou telle quantité d'ions, et le nombre d'électrons demeu-
rant à la surface métallique varie en conséquence. Ainsi, chez le
* Des atomes non métalliques peuvent aussi servir de réducteurs : on en rc-
parlera plus loin.
124 RÉACTIONS D'OXYDOREDUCTION , (CH. III
cuivre, le mercure, l’argent, l’or et quelques autres métaux cette fa-
culté d'envoyer des ions en solution n’est que très faiblement accusée.
La valeur du potentiel d’électrode caractérise quantitativement
l'aptitude d’un métal à céder ses électrons, c'est-à-dire ses propriétés
Molécule polaire d'eau
Plaque métallique
Ù
Ù
O ED >
Fig. 37. Apparition d'une différence de potentiel entre le métal ct la solution
réductrices. Des réactions d’oxydoréduction sont à la base de l’ac-
tion des piles galvaniques. Connaissant les potentiels d'électrode des
métaux, on fabrique des piles galvaniques à force électromotrice pré-
fixée.
Ordinairement, on détermine les potentiels d’électrode relatifs,
car il n'existe aucune méthode de mesure directe des potentiels d’élec-
trode des métaux. Cette détermination consiste à mesurer la force
électromotrice d’une pile galvanique constituée par une électrode de
référence à l'hydrogène, dont le potentiel est pris égal à zéro, et par
une électrode en métal testé. L'électrode de référence est une plaque
de platine revêtue d'une couche de platine finement divisé et saturé
en hydrogène sous une pression de 0,1 MPa. Cette plaque est plongée
dans une solution normale d'acide sulfurique. La plaque de platine
saturée en hydrogène se comporte comme une électrode d'hydrogène.
Près de la surface de cette électrode, un équilibre s’installe entre les
molécules d'hydrogène, ses atomes et ses ions:
H: = 2H 3 2H* + 2e
$ 30] SÉRIE DE TENSIONS 125
La différence de potentiel entre le métal plongé dans la solution
de son sel, dont la concentration en ions métalliques est égale à
1 mol/l, et l’électrode de référence à l'hydrogène est le potentiel nor-
mal d’électrode, désigné par £”. La figure 38 présente le schéma de
l'installation servant à déterminer le potentiel d’électrode du cuivre.
On mesure à l’aide d’un voltmètre la force électromotrice de l’élément,
égale dans le cas considéré à 0,34 V. Ainsi, le potentiel normal du
cuivre par rapport à l’électrode de référence vaut 0,34 V. Parconven-
tion on considère que le potentiel d’électrode a le même signe que la
Fig. 38. Installation servant à déterminer le potentiel normal du cuivre:
1 — solution d’un sel cuivrique ; £ — solution 1 N de H;:S0,
charge de l’électrode correspondante par rapport à l’électrode de ré-
férence à l'hydrogène. Les électrodes, chargées AE sont par rap.
port à l’électrode à l'hydrogène, présentent donc un potentiel posi-
tif. Dans le schéma examiné, les ions cuivre passent de la solution sur
l'électrode de cuivre. Par conséquent, le cuivre a un potentiel posi-
tif. Le Tableau 12 rassemble des potentiels normaux d'électrode re-
latifs aux solutions aqueuses.
Comme en témoigne le Tableau 12, l'aptitude des atomes à céder
des électrons (oxydation) diminueetleur aptitude à en fixer (réduction)
s'accroît parallèlement à l’augmentation de la valeur algébrique
des potentiels normaux £. Ainsi, les atomes de fer (E — — 0,441 V)
s'oxydent moins aisément que ceux de zinc (E = — 0,763 V), alors
que les ions cuivre (E = 0,34 V) sont beaucoup plus faciles à réduire
que les ions plomb (E — — 0,126). Les données présentées, relati-
ves aux potentiels d’électrode d’'atomes et d'ions, permettent de pré-
voir la possibilité d’une réaction d'oxydoréduction entre deux corps
quelconques.
En se servant des potentiels normaux d’électrode, il faut tenir
compte des remarques suivantes.
126 REACTIONS D'OXYDOREDUCTION (CH. III
Tableau 12
Potentiels normaux d'électrode à 25 °C
Electrode Processus d'électrode Potentiel, V
Métaux
Zi*/Zi Zit+ezZi —3,02
K+/K Kt+tez=kK —2,92
Ca°*/Ca Ca**+ 2e Ca —2,84
Na*/Na Nat+e Na —2,71
Mg°*/Mg Mg°* + 2e = Mg —2,38
AIS+/AI AlS+—+ 3e = Al —1,66
Mn?+/Mn Mn°*+ + 2e = Mn —1,05
Zn°+/Zn Zn?*+2e = Zn —0,763
Cr3+/Cr Crst+3ez Cr —0,74
Fe=+/Fe Fe?* + 2e = Fe ,441
Co?+/Co Co°* + 2e = Co 0,277
Ni?+/Ni Ni®*+2ez= Ni —0 ,23
Sn?+/Sn Sn?*+ + 2e == Sn —0 ,136
Pb°+/Pb Pb?*+ 2e = Pb —0 ,126
Fe+/Fe Fest + 3e = Fe —0,036
2H+/H, Htbez + H, 0,000
Cu°*/Cu Cu?* + 2e = Cu 0,34
Hg**+/Hg Hg°* + 2e = Hg 0,70
Hg*/Hg Hg*+e = Hg 0,798
Ag'/Ag Ag'+ez Ag 0,799
Pt*+/Pt Pt®*+2e 2 Pt 1,20
Auñ*/Au Au + 3e == Au 1,50
Au*/Au Au* +e = Au 1,70
Fe3+/Fe°+ Fei*Lezz Fe°* 0,77
Non-métauzx
Te/Te*- Te + 2e == Te?- —1 ,14
Se/Se*- Se + 2e == Se°- —0,78
S/S?- S+2e = S° —0,51
1,/217 _ L+ezi- 0,536
Br,/2Br- Br,+ez=Br- 1,06
CI,/2C1- À ci+e= CI- 1 ,358
F,/2F- LFtenF- 2,85
© MnO;/Mn°*+ MnO: + 8H++ 5e- = Mn°* + 4H,0 1,52
g 30] SÉRIE DE TENSIONS 127
19 Un métal qui se trouve dans le Tableau 12 au-dessus de l'’hy-
drogène, le déplacera lors d’une réaction de ses solutions aqueuses si
la concentration de ces dernières en ions hydrogène est égale à 1 mol/l.
20 Les ions métalliques situés au-dessous de l'hydrogène dans le
Tableau 12, se réduisent (fixent des électrons) lors d’une réaction sur
l'hydrogène.
3° Le Tableau 12 peut servir à prévoir le sens des réactions d’oxydo-
réduction entre tels ou tels éléments ou leurs ions. Une expérience
nous permettra d'illustrer cette
possibilité (fig. 39). Le bécher 7
contient une solution d’iodure de
potassium KI et le bécher 4 une
solution de chlorure ferrique
FeCl;. Les deux solutions com-
muniquent à travers la jonction
liquide 2 (tube en II rempli de
solution de KCI) qui assure la
conduction ionique. Les élec-
trodes de platine à sont plongées
dans les solutions. Si l’on ferme le
circuit en y branchant un volt-
mètre sensible 3%, ce dernier
Fig. 39. Appareil illustrant l'appari-
indiquera la présence de courant
électrique. Les électrons se dépla-
cent de la solution d'’iodure de
potassium vers la solution de
tion de courant électrique au cours
d'une réaction d'oxydoréduction :
1, 4 — respectivement solutions de KI et
de FeCl,:; 2 — jonction liquide ; 3 — voit-
mètre : 5 — électrode de platine
chlorure ferrique, c'est-à-dire des
ions iode aux ions fer (oxydant). L'apparition du courant électrique
dans cet élément galvanique est donc le résultat de deux demi-réac-
tions : il y a oxydation dans le récipient 7
21=-— 2e = I,
et réduction dans le récipient 4
F+ + e = Fe°*
Les deux processus étant simultanés, on obtiendra l'équation io-
nique de la réaction après avoir multiplié par 2 les deux membres
de la dernière équation (afin d’égaler les nombres des électrons cédés
et fixés) et en additionnant les équations ci-dessus :
21- + 2Fe+ = I, + 2Fe°*
L'équation moléculaire de cette réaction aura la forme
2KI + 2FeCl, = I, + 2FeCl, + 2KC1
On peut s’assurer de la présence d'iode dans le récipient Z en y
ajoutant une goutte d'empois d’amidon (coloration bleue). La pré-
4128 RÉACTIONS D'OXYDOREDUCTION (CH III
sence d'ions Fe** est révélée à l’aide du ferricyanure de potassium
(précipité bleu).
On pouvait prévoir la possibilité de cette réaction rédox en consi-
dérant les valeurs des potentiels d'électrode Feÿ*/Fe?+ (0,77 V) et
1,/21- (0,536 V).
$ 31. Variation des propriétés oxydoréductrices des éléments en
fonction de leur structure atomique. L’aptitude des éléments chimi-
ques à fixer ou à céder des électrons est liée à la structure des atomes
et à leur situation dans la classification périodique des éléments.
1° Dans les réactions chimiques, les atomes des métaux ne peu-
vent que céder des électrons et servir de réducteurs. Les métaux al-
calins et alcalinoterreux sont les réducteurs les plus actifs (v. Ta-
bleau 12).
2° Les atomes des non-métaux (le fluor excepté) peuvent se pré-
senter soit en oxydants, soit en réducteurs, suivant les propriétés
des corps avec lesquels ils entrent en interaction. Ainsi, le soufre
joue le rôle d’oxydant en réagissant sur le fer F
0 O0 +2—2
Fe + S = FeS
et ce même soufre s’oxyde à l’air
0 O0 +4—2
S + O0, = SO,
comme un réducteur. Cependant, les non-métaux chimiquement ac-
tifs sont surtout oxydants. On les utilise souvent comme tels dans la
pratique (oxygène, fluor, chlore).
3° Suivant les propriétés du partenaire, les atomes d'hydrogène
sont également tantôt oxydants, tantôt réducteurs. L'hydrogène
est réducteur dans la réaction
0 0 +41
Cl: + Ha = 2HCI
car le doublet électronique de la molécule HCI est fortement déplacé
vers le noyau de l’atome de chlore. Le chauffage du sodium dans un
jet d'hydrogène conduit à l’hydrure de sodium
0 0 +1—1
2Na + H: = 2NaH
Ici, le doublet de liaison est rapproché du noyau de l’atome d’hydro-
gène qui y est au degré d'oxydation—1. Dans cette réaction, l’hy-
drogène se comporte en oxydant. Mais la tendance à céder des élec-
trons est plus caractéristique de l'hydrogène. C’est donc en tant que
réducteur que l'hydrogène est utilisé dans les divers procédés chimi-
ques, en laboratoire comme à l'échelle industrielle.
4% Les molécules monoatomiques des gaz rares (He, Ne, Ar) ne
manifestent guère des propriétés oxydantes ou réductrices, en accord
6 32] PRINCIPAUX OXYDANTS ET R£EDUCTEURS 429
avec la structure de leurs atomes (niveau énergétique périphérique
rempli à 8 électrons).
5° Les ions métalliques ou non métalliques sont dépourvus de pro-
priétés réductrices lorsqu'ils sont au degré d’oxydation supérieur.
Dans les réactions d'oxydoréduction, ces particules ne peuvent se
comporter qu'en oxydants en fixant des électrons. Les corps compor-
tant des ions au degré supérieur sont donc souvent utilisés comme
oxydants: permanganate de potassium KMnO,, acide nitrique
HNO;, bichromate de potassium K,Cr.O: et autres.
6° Les ions positifs aux degrés intermédiaires peuvent être soit
réducteurs, soit oxydants suivant Îles propriétés du partenaire :
+2 (L +3— 1
2FeCl, + Cl, = ne. (Fe°+ réducteur)
+2 L
FeO +- Co — e + É0, (Fe*+* oxydant)
1° Les corps qui comportent des anions non métalliques (Cl-,
Br-, S°-, [- par exemple) ne peuvent être que des réducteurs.
Dans chaque période, le pouvoir réducteur des éléments décroit
et le pouvoir oxydant s’amplifie dans l’ordre croissant des numéros
atomiques. Ainsi, dans la deuxième période, le lithium est unique-
ment un réducteur et le fluor uniquement un oxydant. C'est le résul-
tat du remplissage progressif par électrons du niveau énergétique
extérieur (l'atome de lithium ne possède qu'un seul électron, alors
que l'atome de fluor en a sept des huit possibles sur ce niveau).
Dans les limites de chaque sous-groupe principal, l'accroissement
du numéro atomique s'accompagne de l’amplification du pouvoir
réducteur, alors que le pouvoir oxydant s’estompe. Si, dans le sous-
groupe principal du groupe VI, l’oxygène est un oxydant fort, le tel-
lure est, par contre, un oxydant bien faible et il y a des réactions où
il se comporte en réducteur. Les combinaisons chimiques de ces élé-
ments présentent des caractères analogues. La valeur du rayon ato-
mique est une des raisons qui expliquent ces variations.
$ 32. Principaux oxydants et réducteurs. Types des réactions d'oxy-
doréduction. Parmi les oxydants forts de large emploi pratique on
trouve les halogènes (F,, Cl, Br., [:), l'oxyde de manganèse MnO.,
le permanganate de potassium KMnO., l'oxyde de chrome (l’anhydri-
de chromique) CO, le chromate de potassium K,CrO, le dichrema-
te de potassium K Cr,0., l'acide nitrique HNOs et ses sels, l'oxygè-
ne O:, l'ozone Os le peroxyde d’ hydrogène H,0., l'acide PAU
concentré H,$0.,, l'oxyde de cuivre Gu0, l'oxyde d'argent Ag. 0,
9—01151
130 R£EACTIONS D'OXYDOR£DUCTION [CH. III
+4 +4
l’oxyde de plomb PbO,, hypochlorites (par exemple, NaCIO) et au-
tres combinaisons.
Les métaux alcalins et alcalinoterreux sont de très forts réduc-
teurs. on autres réducteurs citons hydrogène, os oxyde de
carbone ‘Co. sulfure d'hydrogène H 6, oxyde de soufre “So... acide sul-
fureux H.$0, et ses sels, halogénures d’ hydrogène (à l'exception du
fluorure d'hydrogène), chlorure d’étain SnCL., sulfate de fer FeSO..
On distingue trois types des réactions d’ ’oxydoréduction : inter:
moléculaires, intramoléculaires et réactions de dismutation.
Les réactions intermoléculaires sont celles où les molécules (ato-
mes, ions) des éléments faisant partie d'un corps (appelé oxydant)
agissent sur les molécules (atomes, ions) d'un autre corps (appelé ré-
ducteur) :
+4 —! +2 0
MnO, + 4HCI — MaCL, + Cl + 2H,0
Dans les réactions intramoléculaires, les éléments d'un mère « corps
changent de degré d'oxydation de telle sorte que l’un des éléments
s'oxyde et que l’autre se réduit. Telles sont, par exemple, les réac-
tions de décomposition du sel de Berthollet et de l’oxyde de mercure
(IT) :
+52 1 0
2KCIO, — 2KCI + 30,
+22 ) 0
2Hg0 — 2He + O:
Dans les réactions de dismulation, les atomes d’un méme corps réa-
gissent les uns sur les autres de façon que les uns cèdent des électrons
(s’oxydent) et que les autres fixent des électrons (se réduisent). C'est,
par exemple, la dissolution du chlore dans l’eau:
0 + 1 —1
Cl, + H,0 = HCIO + HCI
ou
0 () +1 |
CI + C1 + H,0 = HCIO + HCI
$ 33. Equations d oxydoréduction. Toutes les réactions chimiques
se déroulent en conformité avec la loi de la conservation de la masse
et de l'énergie. Au cours d’une réaction d'oxydoréduction, la somme
des charges électriques des corps de départ doit égaler la somme des
charges des produits de la réaction, bien qu'il y ait variation des deg-
rés d’oxydations d'éléments isolés entrant dans la composition des
espèces réagissantes. L'équation globale d’une réaction d'oxydoré-
duction peut être obtenue à l’aide soit de la méthode de bilan élec-
tronique, soit de celle de demi-réactions.
8 33] ÉQUATIONS D'OXYDOREDUCTION 131
Dans la méthode de bilan électronique, on compare les degrés d'oxy-
dation des atomes dans les corps de départ et les produits. L’oxydant
doit avoir fixé autant d'électrons que le réducteur en a cédé. Les
exemples qui suivent illustrent l'application de cette méthode.
Lorsqu'on réunit les solutions d’iodure de potassium et de chlo-
rure de fer (III), une réaction se produit:
KI + FeCl, — la + FeCl: + KCI
Les éléments soulignés ont changé de degré d'oxydation au cours
de la réaction. Cette dernière se compose de deux processus : oxyda-
tion des ions iode et réduction des ions fer (111). Nous exprimerons le
passage des électrons des ions iode aux ions fer tripositifs par les
équations électroniques :
{
9
21- — 2e = I. (oxydation)
Fe+t + 1e — Fe°* (réduction)
On se sert de coefficients (à gauche des équations écrites) afin de
mettre en équilibre les nombres d'électrons cédés par les ions iode et
fixés par les ions fer. Comme la molécule d’iode se forme après avoir
cédé deux électrons et que l'ion fer tripositif ne fixe qu'un électron,
on a mis à gauche les coefficients 1 et 2. Cela veut dire que deux ions
iode sont oxydés par deux ions fer. Maintenant, on peut établir l’équa-
tion complète de la réaction
2KI + 2FeCl, = IL, + 2FeCl, + 2KCI
L'oxygène oxyde l'aluminium suivant le schéma
Al + O; > ALO;
En écrivant l’oxydation de l’aluminium et la réduction de l’oxy-
gène sous forme d'équations électroniques, on a:
4 | Al — 3e = Alt (oxydation)
3 | O0: + 4e = 20°- (réduction)
On a mis les coefficients 4 et 3 pour rendre égaux les nombres des
électrons cédés par l'aluminium et fixés par les molécules d'oxygène.
Ainsi, quatre atomes d'aluminium interagissent avec trois molécules
d'oxygène. L’équation définitive de la réaction d'oxydation de l’alu-
minium s'écrit donc:
4Al + 30; — 2ALO3;
Dans la méfhode de demi-réactions (électrono-ionique), appliquée
aux réactions d'oxydoréduction en solution aqueuse, les coefficients
sont trouvés à l’aide d'équations électrono-ioniques. Dans ces derniè-
res, à la différence des équations électroniques, on écrit les ions qui
existent réellement en solution.
Examinons la réaction d’oxydoréduction qui a lieu lorsqu'on fait
passer du sulfure d'hydrogène à travers une solution de permangana-
9*
132 RÉACTIONS D'OXYDOREDUCTION (CH. III
te de potassium additionnée d'acide sulfurique. Dans ce cas, la colo-
ration cramoisie disparaît et la solution se trouble, suite à la forma-
tion de soufre libre. La première demi-réaction a pour schéma:
HS = S + 2H+ + 2e (1)
Ici, le sulfure d'hydrogène sert de réducteur, car il s’oxyde en cé-
dant deux électrons.
Parallèlement au dégagement du soufre, la solution de permanga-
nate de potassium se décolore, car l'ion MnO;, cramoisi, se transfor-
me en ion Mn** qui est presque incolore (rose en concentrations éle-
vées). C’est la seconde demi-réaction
MnO3 + 8H+ + 5e — Mn°* + 4H,0 (2)
Les équations (1) et (2) expriment donc les demi-réactions sous
la forme ionique. On voit que l'ion permanganate MnO: y fixe cinq
électrons, alors que la molécule de sulfure d'hydrogène n’en cède que
deux. Il est donc nécessaire, avant d'établir l’équation globale de la
réaction par addition de ces deux équations, d’égaler les nombres des
électrons cédés et acceptés : TT
SIHS —2e S+2H+
2 | MnO; + 8H* + 5e = Mn°* + 4H.0
OH3S + 2MnO; + 161% — 5S + 10H* + 2Mn°+ + 8H,0
Après avoir soustrait 10H+ des deux membres de cette équation,
on obtient l'équation iono-moléculaire :
5H.S + 2Mn0; + EH* = 5S + 2Mn°* + 8H.0
Pour passer maintenant à l'équation moléculaire, il faut écrire à
côté de chaque anion le cation correspondant et à côté de chaque ca-
tion l'anion qui manque:
5H,S + 2KMnO, + 3H,S0, = 5S + K.S0, + 2MnSO, + 8H.0
La méthode de bilan électronique est également applicable à
l'établissement de l'équation de cette réaction d’oxydoréduction.
Ecrivons le schéma de la réaction
— 2 +7 0 +2
H,S + KMnO, -E H,S0, —+ S + K,S0, -+ MnSO, + H.0
Puis on établit les équations électroniques en tenant corapte des
variations des degrés d'oxydation et du bilan des électrons cédés et
fixes :
e
5 S-—2e—-=S (oxydation)
21Mn'* + 5e — Mn°* (réduction)
L'équation globale de la réaction s'écrit :
5H,S + 2KMnO, + 3H,S0, = 5S + 2MnSO, + K.S0, + 8H.0
8 33] ÉQUATIONS D'OXYDOREDUCTION 133
Une réaction d’oxydoréduction intéressante a lieu lors de la dis-
solution du cuivre dans l'acide nitrique dilué. En établissant l’équa-
tion globale de cette réaction, nous nous servirons d’abord de la
méthode de bilan électronique:
0 +5 +2 +2
Cu + HNOs —> Cu(NO:)s + NO + H,0
Les équations électroniques montrent les variations des degrés
d’oxydation du cuivre et de l'azote:
31 Cu — 2e — Cu°* (oxydation)
2 | N$+ +- 3e N°* (reduction)
3Cu + 2N°+* = 3Cu°* + 2N°*+
Dans une équation moléculaire d'oxydoréduction, il est plus aisé
de placer les coefficients en commençant par le second membre.
3Cu + HNO, —+ 3Cu(NO)à ++ 2NO + H,0
On voit que sur huit atomes d'azote deux seulement se réduisent,
alors que les six autres restent au degré +5 et participent à la forma-
tion du sel. L’équation globale de la réaction est donc de la forme
3Cu + 8HNO, = 3Cu(NO,), + 2NO + 4H,0
Maintenant, nous procéderons à l'établissement de l'équation
globale de cette même réaction à l’aide de la méthode de demi-réac-
tions. Les molécules (atomes) de cuivre se transforment en ions
Cu°* qui colorent la solution en bleu:
Cu — 2e = Cu°+ (oxydation)
NO3 + 4H* + 3e = NO + 2H,0 (réduction)
Egalons le nombre des électrons cédés et acceptés
3 | Cu — 2e — Cu°*
21 NO; + 4H* + 3e = NO + 2H,0
Finalement, on obtient les équations globales électrono-ionique
et moléculaire :
3Cu + 2N0;: + 8H* — 3Cu** + 2NO + 4H,0
3Cu + 8HNO; = 3Cu(NO3): + 2NO + 4H,0
Considérons encore quelques réactions d’oxydoréduction se dé-
roulant en solution aqueuse (en milieu acide, alcalin et neutre) et
s’accompagnant d'oxydation et de réduction d'ions. Pour établir
leurs équations globales, on se servira de la méthode de demi-réac-
tions.
1° Une solution orange de dichromate de potassium additionnée
d'acide sulfurique devient verte avec précipitation d’iode lorsqu'on
1434 RÉACTIONS D'OXYDOREDUCTION . [CE IIT
y a ajouté une solution d’'iodure de potassium :
K,Cr,0, + KI + H,S0, —+ Cra(SOuls + Ia + K2SO, + H,0
{°re demi-réaction Cr:05- + 14H+ + 6e = 2C* + 7H,0
2€ demi-réaction 21- — 2e = I.
Pour établir une équation d'oxydoréduction entre ions en solu-
tion, on met en équilibre le nombre des électrons cédés et fixés avant
de faire la somme, terme par terme, des équations des demi-réactions :
Cr:05- + 14H+ + 6e = 2C+* + 7H,0
3|21* = 2e—1,
Cr.03- + 14H+ + 61- = 2Cn0+ + 3L + 7H,0
Pour passer de cette équation à l'équation moléculaire, on ajoute
à chaque anion son cation et à chaque cation son anion:
K,Cr,0:- + 111,80, + 6GKI = Cro(SOi)s + 3l + 4K,S0, + 1H.0
2° Une solution alcaline de sulfate de chrome (III) est additionnée
de peroxyde d'hydrogène. La solution verte vire au jaune, cales
ions chrome (III) deviennent ions chromate.
La réaction suit le schéma:
Cro(SOs)s + KOH + H:0: 7 K,CrO, + K:SO, + H,0
17e demi-réaction 2Cr* + 160H- — 6e = 2Cr0j- + 8H,0
2© demi-réaction H,0, + 2e = 20H-
Après avoir égalé les électrons cédés et acceptés, il vient
2CS+ + 160H- — 6e — 2Cr02- + 8H,0
3H,0, + 6e = 60H”
On additionne terme par terme les deux équations
2Cr5+ + 160H- + 3H,0, = 2CrO$- + 60H- + 8H.,0
2Cr3*+ + 100H- + 3H:09 = 2Cr0% + 8H20
Après avoir écrit à côté de chaque anion le cation qui lui corres-
pond et à côté de chaque cation l’anion correspondant, on a l’équa-
tion moléculaire suivante:
Cra(SO:)s + 10KOH + 3H,0: — 2K:CrO, + 3K:S0, + 8H,0
3° Lorsqu'on ajoute du sulfite de potassium à une solution neutre
de permanganate de potassium, la solution perd sa coloration, l'oxy-
de de manganèse ([V) de couleur brune précipite. La solution a dé-
sormais une réaction alcaline:
KMnO, + K:SOs + H20 —+ MnOs! + K.S0, + KOH
1°"€ demi-réaction MnOz + 2H,0 + 3e — MnO, + 40H-
2° demi-réaction SOS” LE H20 — 2e = S0?- + 2H*
O1
8 33] ÉQUATIONS D'OXYDOREDUCTION 13
Après mise en équilibre du nombre des électrons, on a:
2MnOz + 4H,0 + 6e = 2MnO, + 80H-
3S03- + 3H,0 — 6e — 3S02- + 6H*
En additionnant terme par terme ces deux équations, on obtient
l'équation ionique globale:
2Mn03 + 3S02- + 7H,0 = 2Mn0, + 3S03- + 6H,0 + 20H-
Après avoir soustrait 6H,0 des deux membres de l'équation, il
vient
2MnO:z + 3S03%- + H4.0 = 2Mn0. + 3S02- + 20H-
L'équation moléculaire de la réaction a la forme
2KMnO, + 3K:S03 + H,0 = 2MnO, + 3K,S0, + 3KOH
En partant de ces exemples de calcul des coefficients pour les
équations moléculaires globales des réactions d'oxydoréduction, on
peut comparer la méthode de bilan électronique et celle de demi-ré-
actions. Dans le premier cas (bilan électronique), on exprime les
processus d'oxydoréduction à l’aide d'équations électroniques, ce
qui permet une simplification considérable, sans refléter toutefois
la situation réelle. La méthode de demi-réactions présente l'avanta-
ge de tenir compte des ions réels et de la nature du milieu (acide, al-
calin ou neutre) au moyen des équations électrono-ioniques.
Les réactions d’oxydoréduction sont d'un grand intérêt biologi-
que et industriel. Des réactions d’oxydoréduction très complexes se
déroulent dans les organismes animaux et végétaux en dégageant
l'énergie nécessaire à leur vie. La combustion des divers combusti-
bles, la corrosion des métaux, l’électrolyse, tous ces processus ont pour
base des réactions d’oxydoréduction. C'est à l’aide de ces réactions
que l’on extrait les métaux de leurs minerais. On s’en sert largement
à l’échelle industrielle pour produire nombreux produits de valeur:
ammoniac, alcalis, acides nitrique, chlorhydrique, sulfurique, etc.
C'est grâce aux réactions d'oxydoréduction que l’énergie chimique se
transforme en électrique dans les piles galvaniques et les accumula-
teurs.
CHAPITRE IV
EFFETS ÉNERGÉTIQUES
DES RÉACTIONS CHIMIQUES
$ 34. Notions de la thermochimie. Loi de Hess. L'établissement
d'une mesure exprimant la tendance des corps à interagir est un pre-
blème extrèémement important.
En 1867, Berthelot énonça un principe selon lequel l’aptitude réac-
tionnelle des réactifs était définie par la chaleur de réaction. Ce cri-
tère est très séduisant, car il se prête facilement à une évaluat{ôn ex-
périmentale. En outre, il semble très plausible. En effet, plus une
réaction dégage de chaleur, plus aisée, semble-t-il, devrait être l’inte-
raction des corps et plus stables les produits formés.
Le principe de Berthelot s'accorde avec le fait que les corps exo-
thermiques (qui se forment avec dégagement d'énergie) sont, en règle
générale, stables, résistants et peu réactifs. Par contre, les corps
endothermiques (qui se forment avec absorption d'énergie) sont insta-
bles et hautement réactifs. Or, malgré cette vraisemblance et cet at-
trait du principe de Berthelot, on ne peut l'utiliser comme mesure
de l'aptitude réactionnelle (affinité chimique) des corps. On connaît pas
mal de réactions chimiques qui sont soit exothermiques, soit endo-
thermiques suivant les conditions de leur déroulement. Ainsi, à
600 °C l'hydrogène et l'oxygène réagissent avec explosion et en dé-
gageant beaucoup de chaleur, alors qu’à 4000 “C il y a. au contraire,
décomposition des vapeurs d’eau en hydrogène et oxygène avec ab-
sorption de chaleur.
L'existence de nombreux processus chimiques réversibles et de
réactions endothermiques spontanées fait donc voir que l'effet ther-
mique ne peut servir à mesurer l’affinité chimique dans tous les cas.
Cependant, la chaleur de réaction est un indice de grand intérêt
pour la chimie et la technologie chimique. Les effets thermiques des
processus chimiques sont étudiés par la thermochimie.
La chaleur de réaction Q est la quantité de chaleur dégagée ou
absorbée au cours d’une réaction. L'effet thermique est positif dans
les réactions exothermiques et négatif dans les réactions endother-
miques. Toutes les réactions chimiques se déroulent soit à pression
constante, soit à volume constant. Les premières sont dites isobares ;
& 41] NOTIONS DE LA THERMOCHIMIE. LOI DE HESS 137
les secondes, isochores. Ordinairement, la chaleur de réaction est ex-
primée en joules et rapportée à une mole de substance. Lorsqu'une
réaction chimique est écrite avec indication de l'effet thermique,
c'est une équation thermochimique. Sous sa forme générale, l'équation
thermochimique se présente comme suit:
pour une réaction exothermique A+B- C+0Q
pour une réaction endothermique D+L--M—(Q
La chaleur de réaction dépend de l’état d’agrégation des réactifs.
Voilà pourquoi, dans les équations thermochimiques, les symboles
des réactifs sont habituellement suivis de l'indice de leur état d'ag-
régation [A (g) pour l’état gazeux, B (s) pour l’état solide et C (1)
pour l’état liquide].
Au terme d’une étude large et systématique des réactions chimi-
ques exo et endothermiques, Hess énonça sa loi:
L'effet thermique d’une réaction ne dépend que de l’état
initial et de l’état final du système, quelle que soit la voie em-
pruntée par la transition.
En d'autres termes, l'effet thermique de toute réaction est le mé-
me, soit que la combinaison finale se forme directement à partir des
corps de départ, soit qu’elle résulte d’une série de réactions successi-
ves. Illustrons-le par un exemple. La transformation du graphite en
dioxyde de carbone peut emprunter les voies suivantes:
C(s)—> CO, (g)
Qù | Î @s
—> CO (g) —
Toutes les trois réactions sont exothermiques :
1
C(s) +- 0: = CO(s) + Q,
1
CO(g) + 7 0: — CO;,(g) + Q2
C(s) + 0, = CO,(g) + Q
Si les conditions d’état des corps initiaux et finals restent les mé-
mes (même pression et même température au début et à la fin de la
réaction), la chaleur dégagée sera identique, soit que le graphite
s'oxyde immédiatement en CO, soit qu'il se transforme d'abord en
CO et puis s’oxyde en CO,. On peut exprimer cet état des choses par
l'équation
Q mn Q: ES Q:
Dans le cas des réactions mentionnées, on mesure aisément les
chaleurs Q et Q,. La valeur de @, est difficile à déterminer par voie
expérimentale, car la combustion du carbone avec un accès limité
138 EFFETS ENERGEÉTIQUES DES RÉACTIONS CHIMIQUES , [CH IV
d'oxygène conduit, en règle générale, à un mélange de CO et CO.
La loi de Hess permet de calculer très facilement la chaleur dégagée
par la réaction de combustion du carbone avec formation d'oxyde de
carbone: c'est la différence des chaleurs Q et Q..
La loi de Hess se vérifie pour tout processus chimique qui s’ac-
compagne d’une variation d'énergie. Outre les chaleurs des réactions
chimiques, elle permet de calculer les énergies des liaisons chimiques
ou des réseaux cristallins, la chaleur de dissolution, etc. La découver-
te de la loi de Hess date de l’époque où l’on œuvrait à formuler la
loi de la conservation de l'énergie. C'est là que se manifesta pour la
première fois la propriété fondamentale de l'énergie interne d'un sys-
tèeme d’être une fonction de l’état, c'est-à-dire l'indépendance de
l'énergie interne du système de la voie du passage de l’état initial
à l’état final.
$ 35. Energie interne et enthalpie. Conformément à la loi de la
conservation de l'énergie, pour tout processus doit se vérifier l'éga-
lité * f
Q = (U; — U;) + 4 = AU + À |
où @ est la chaleur.
U, et U, les énergies internes respectivement de l’état final et de
l'état initial,
A le travail.
Cela veut dire que la chaleur communiquée à un système (en
chimie, c’est un corps ou un ensemble de corps) est utilisée pour
changer l'énergie interne et pour effectuer un travail. L'énergie in-
terne est constituée d'énergies diverses: mouvement de translation
et mouvement rotatif des molécules, mouvement oscillatoire des ato-
mes à l’intérieur de la molécule, mouvement des électrons dans les
atomes. Le travail en question est le travail contre toutes les forces
qui agissent sur le système (pression extérieure, tension superfi-
cielle, etc.).
Pour une réaction chimique se déroulant à pression constante,
le travail est égal au produit de la pression P par la variation de vo-
lume
A=P(V: — V,)
où V. et V, sont, respectivement, le volume des produits de la réac-
tion et le volume des corps de départ.
Dans ce cas. la chaleur communiquée au système dans le cadre du
processus isobare s'exprime comme suit:
Q» = (Us — Us) + P (Va — Vi) = (Ua + PVa) — (Ui + PV)
* Le symbole A désigne la différence. Pour les réactions chimiques, cette
différence est trouvée en soustrayant les quantités relatives à l’état initial (aux
réactifs de départ) des quantités relatives à l’état final (aux produits de la ré-
action).
$ 36] ÉNERGIE DE GIBBS ET ENTROPIE 139
Si l’on désigne U + PV par FH, cette expression prendra la forme
QPp = H3 — H; = AH
La grandeur H est appelée enthalpie (des mots grecs en dans, et
thalpein chauffer). C’est une caractéristique importante des corps.
Ainsi, la variation de l’enthalpie des produits de la réaction par rap-
port à l’enthalpie des corps initiaux est numériquement égale à la
chaleur absorbée ou dégagée dans un processus isobare.
$ 36. Energie de Gibbs et entropie. Un principe fondamental de la
mécanique veut que tout système tende à avoir l'énergie potentielle
minimale. Suivant la distance qui le sépare de la surface terrestre,
chaque corps peut être caractérisé par sa réserve d'énergie potentiel-
le. Le corps tend spontanément à s'approcher de la Terre, ce qui fait
décroître son énergie potentielle. L'énergie potentielle sert donc de
mesure pour la tendance des corps vers la Terre. La perte d'énergie
potentielle ne dépend pas du trajet du corps, mais uniquement de la
hauteur initiale et finale.
Pour les phénomènes chimiques, il existe également une mesure de
la force motrice des réactions chimiques. C'est l'énergie de Gibbs,
dite également potentiel isobare-isotherme ou potentiel isobare tout
court. Dans les processus spontanés, l’énergie de Gibbs diminue éga-
lement en s’approchant du minimum. La variation d'énergie de Gibbs
ne dépend pas de la voie empruntée par la réaction. Sa valeur doit
être négative dans les processus spontanés. Par conséquent, l’inéga-
lité AG << 0 est une condition sine qua non de la possibilité d’une
transformation chimique. Lorsque AG >> 0, on est assuré qu'une telle
transformation n'aura pas lieu de façon spontanée, de même qu'il
est impossible qu'un corps se déplace de lui-même du bas vers le
haut.
La chaleur de réaction, sur laquelle se base le principe de Berthe-
lot, et l'énergie de Gibbs sont liées par la relation
AG = AH — TAS
où Z est la température absolue,
S l’entropie.
L’entropie est la mesure quantitative du désordre. Voici quelques
exemples qui nous aideront à caractériser cette notion.
La décomposition de la vapeur d’eau à haute température suivant
la réaction
2H,0 — 2H; + O:
conduit à la formation de trois molécules à la place de deux. Le sys-
tème est devenu plus désordonné: son entropie a augmenté. Ici,
AS a une valeur positive.
440 EFFETS ÉNERGÉTIQUES DES RÉACTIONS CHIMIQUES , (CH. IV
La formation de l’ammoniac à partir de l’hydrogène et de l’azo-
te
No + 3H, Fe 2NH;
où quatre molécules de départ ne donnent que deux molécules, s’ac-
compagne d une diminution de l'entropie (AS << 0). Le système est
devenu moins désordonné.
Lors d’une réaction chimique, la variation d'enthalpie peut être
comprise entre 40 et 400 kJ/mol, alors que l’entropie ne peut varier
que de 4-120 J/(mol-K).
Deux facteurs déterminent le sens d'un processus chimique:
Ja variation d'enthalpie et la variation d’entropie. D'une part, tout
système tend à augmenter son entropie ; d'autre part, ce même systè-
me tend à réduire son enthalpie. Un processus est possible ou non
suivant les contributions respectives des composantes enthalpique et
entropique à l'énergie de Gibbs.
Considérons la variation d’enthalpie AH et son influence sur le
signe de AG. Il découle de l’équation qui lie ces grandeurs Li A
réactions s accompagnant d'un dégagement d'énergie (valeur féga-
tive de AA) sont probables, alors que les réactions absorbant de l’éner-
gie (AH >> 0) sont peu probables. Qui plus est, aux températures
proches de O0 K (dans ce cas le produit T'AS s'approche de zéro) seule
la valeur de AH détermine le signeet la valeur de AG. Par conséquent,
la probabilité d'une réaction ne dépend, à très basses températures,
que du signe et de la valeur de AH : autrement dit, le principe de Ber-
thelot se vérifie dans ces conditions.
Lorsque les températures sont voisines de la normale, le produit
TAS reste petit devant AH pour la plupart des réactions. C’est donc
toujours le signe et la valeur de AH qui déterminent le signe et la va-
leur de AG à ces températures peu élevées. En règle générale, les ré-
actions exothermiques sont possibles dans les conditions ordinaires
de laboratoire, alors que les réactions endothermiques sont, par
contre, peu probables dans ces conditions : elles sont caractérisées par
une valeur positive de AH et, la contribution de T'AS étant peu impor-
tante. leur énergie de Gibbs AG est également positive.
A des températures élevées (7 => 1000 K), la valeur absolue de
TAS devient supérieure à celle de A et le signe de AG dépend
désormais du signe de T AS. Comme l'échelle Kelvin n’a que des va-
leurs positives, le signe de AG dépend du signe de AS. Lorsque la
variation d'entropie est positive, le terme T'AS dans l'équation AG —
— AH — TAS devient de plus en plus négatif parallèlement à l’ac-
croissement de la température. Voilà pourquoi, plus la température est
élevée, plus une telle réaction est probable (si l'on suppose que
AH ne varie pas). En réalité, AH varie en fonction de la températu-
re, mais d’une façon insignifiante. Lorsque AS a une valeur inférieu-
re à zéro, le terme T'AS devient positif et la réaction moins probable.
S 37] CONSÉQUENCES DE LA LOI DE HESS 141
Ainsi. les réactions qui conduisent à l'accroissement de l'entropie
(celles dont les produits présentent plus de particules — molécules
ou atomes — que les réactifs de départ) doivent être probables dans
les conditions de très hautes températures.
C'est aussi la raison pour laquelle la molécule d'eau se décompose
en hydrogène et oxygène à une température très elévée. La tendance
des molécules complexes à se décomposer en molécules simples à hau-
tes températures est un phénomène général. C'est, par exemple, le
principe du procédé de craquage du pétrole où, à température élevée,
les hydrocarbures lourds se dissocient en hydrocarbures plus légers.
A plus de 100 000 K, non seulement les molécules se dissocient en
atomes, mais les atomes aussi se désintègrent en noyaux et électrons
en formant le plasma.
Il existe des tables des valeurs standards * de l'enthalpie AH,.,,
de l'entropie S.,. et de l'énergie de Gibbs G.,. pour les corps à l’état
normal (à une température de 25 °C et sous une pression de 0.1 MPa).
L'énergie de Gibbs y est calculée pour les réactions de combinaison
de corps simples. telle la formation de l'ammoniac à partir de l’azo-
et et de l'hydrogène ou bien de l'oxyde de zinc (11) du zinc métalli-
que et de l’oxygène. Ces données de base permettent de déterminer
par calcul la possibilité d’une réaction. les chaleurs de réaction,
l'énergie de liaison pour les molécules simples, etc.
$ 37. Conséquences de la loi de Hess. Dans les calculs thermochi-
miques, on se sert fréquemment de la notion de chaleur de formation
AH$orm. 11 s’agit de la chaleur qui se dégage lorsque des corps sim-
ples ont formé un corps composé. Les chaleurs de formation des corps
simples, stables à 25 °C et sous 0,1 MPa, sont prises égales à zéro. La
première conséquence de la loi de Hess est liée à la chaleur de forma-
tion :
La chaleur de réaction est égale à la somme des chaleurs de
formation des produits de la réaction, moins la somme des cha-
leurs de formation des corps initiaux.
L'équation correspondante s'écrit :
À Hréact — AH form. prod AH torm. corps init
Cette règle offre de grandes possibilités pour le calcul thermochi-
mique, car il y a des tables de référence où figurent les chaleurs de
formation de nombreux composés. Supposons, par exemple, qu'on a
à calculer l'effet thermique de la réaction de formation de l'alcool
méthylique à partir de l'oxygène et de l'oxyde de carbone ([l):
2H,(&) + Co(g) = CH,OH(I) AH
réact
_* Ona choisi comme normale (standard) la température égale à 298 K
(25°C).
142 EFFETS ÉNERGÉTIQUES LES RÉACTIONS CHIMIQUES [CH. IV
Dans un ouvrage de référence * on trouve: AH ,,rm.cH:oH =
— —238 kJ ; AHrm. co — —110 KkJ. La chaleur de formation de
l'hydrogène, corps simple, est nulle. Par conséquent, l'effet thermi-
que de Ja réaction AHiéaet = AHiorm. cH5oN — AH {orm. co =
— —238 + 110 — —128 kJ. La réaction est donc exothermique.
Souvent, dans les calculs thermochimiques, on se sert des cha-
leurs de combustion des différents corps, dont les valeurs figurent
également dans des tables de référence. On prend pour la chaleur de
combustion normale la chaleur dégagée lors de la combustion du corps
correspondant dans l'oxygène. Les conditions de la combustion sont
choisies de façon à obtenir des produits comme CO, (g), H,0 (1),
N, (g), halogénures d'hydrogène, etc. La deuxième conséquence de
la loi de Hess est liée à la chaleur de combustion:
La chaleur de réaction est égale à la somme des chaleurs de
combustion des corps initiaux, moins la somme des chaleurs de
combustion des produits de la réaction.
Ainsi, le calcul de l'effet thermique pour la formation de l'oxala-
te de méthyle à partir de l'alcool méthylique et de l'acide lt se
présente comme suit:
COOH COOCII,
(S) + 2CHS$OH (D) — : (1) :-2H,0 (1)
COON COOCH;
Conformément à la règle ci-dessus,
réac comb. corps init
A, gact = M comb. H:C204 24 Hcomb. cHsOH — AA comb. (COOCH:):
La chaleur de combustion de l'eau est, naturellement, nulle,
car l’eau est par définition un produit final de la combustion. On trou-
ve dans les tables de référence: AHcomb. H2C20, = —246 KkJ;
AH com». CH30OH — —125 kJ ; AH conb. (COOCH3)2 — —1672 KkJ.
On a donc: AH,sner — —246 — 2-725 + 1672 — —24 kJ.
Il vaut mieux effectuer le calcul des chaleurs de réaction à l’aide
des données de référence relatives aux chaleurs de formation. Les
valeurs des chaleurs de combustion sont supérieures d’un ordre de
grandeur environ à celles des chaleurs de formation. Lorsqu'on fait
intervenir dans le calcul les chaleurs de combustion, la chaleur de ré-
action est obtenue en tant qu’une petite quantité qui représente la
différence entre des nombres beaucoup plus importants. La précision
du calcul s’en ressent.
Il existe aussi d’autres conséquences de la loi de Hess qui permet-
tent de calculer les chaleurs de dissolution des corps, l'énergie des ré-
seaux cristallins et l'énergie des liaisons chimiques.
* Cf. par exemple, SpatTkiiit CHPABOUIHHK HaHKO-XHMNHICCKUX BCIHAHH
(Mémento sommaire des grandeurs physico-chimiques). Ion pen. K. Î. Mumenko
À. À. Papznenn JI., Xumuñ, 1974, 200 c.
CHAPITRE V
CINÉTIQUE CHIMIQUE
ET ÉQUILIBRE CHIMIQUE
$ 38. Vitesse des réactions chimiques. Loi d'action de masse.
Un des paramètres fondamentaux des processus chimiques réalisés
dans l’industrie est la vitesse avec laquelle ces processus s'effectuent.
On dispose parfois d’un procédé de transformation bien simple que
l’on ne peut pourtant appliquer, car le temps nécessaire pour obtenir
le produit v est trop important : un tel procédé ne peut être rentable.
La théorie relative aux vitesses des réactions chimiques est appe-
lée cinétique chimique. La vitesse d’une réaction chimique est la varia-
tion des concentrations des espèces réagissantes par unité de temps.
Si, à un instant donné, une des espèces a eu la concentration C,
(en mol/]l) * et qu'après un temps t (en s) sa concentration a diminué
jusqu’à C; (en mol/l), c’est que pendant cet intervalle de temps, la
réaction s’est déroulée avec une vitesse moyenne & {en mol/(l-s)]:
Ca— Ci
l'= 1
Il faut savoir que la concentration des corps gazeux varie paral-
lèlement à la pression : à une pression plus élevée correspond un moin-
dre volume etc, donc, une concentration plus haute.
Nombre de facteurs déterminent la vitesse de réactions chimiques:
nature des espèces réagissantes ; leurs concentrations; catalyseurs ;
degré de finesse (pour les solides) ; milieu (surtout pour les réactions
ce produisant en solution); forme du réacteur (pour les réactions en
chaîne) ; intensité de la lumière visible ou ultraviolette (pour les ré-
actions photochimiques) ; intensité des rayons gamma (pour les réac-
tions radiochimiques), et ainsi de suite. Les quatre premiers facteurs
sont de la plus grande importance : on va donc les examiner de plus
près.
* Les concentrations des gaz sont proportionnelles à leurs pressions partiel-
les. La vitesse d’une réaction en phase gazeuse peut donc être exprimée par la va-
riation de pressions partielles par unité de temps. On appelle pression partielle
d'un constituant d’un mélange de gaz la pression que ce constituant exercerait
s'il occupait. à la même température, le même volume que le mélange entier.
144 CINETIQUE CHIMIQUE ET EÉQUILIBRE CHIMIQUE [CH. V
Nature des espèces réagissantes. Les deux réactions ci-dessous nous
permettrons d'illustrer l’influence de la nature des corps en réaction
sur la vitesse de réactions chimiques:
2NO + O, = 2N0,
2C0 + 0, = 2CO,
Dans les conditions normales, l’oxyde d'azote (11) réagit avec une
grande vitesse sur l'oxygène de l'air en se transformant en dioxyde
d'azote de couleur brune. Dans les mêmes conditions, l’oxyde de car-
bone (IT) n’agit pratiquement pas sur l'oxygène. Si l’oxyde de carbo-
ne réagissait sur l'oxygène aussi vite que l’oxyde d'azote, l'intoxica-
tion « oxycarbonée » serait inexistante.
Concentration des réactifs. Une réaction] chimique est le résultat
d'une collision entre les molécules, les atomes ou les ions de deux ou
plusieurs corps au cours de leur mouvement désordonné. L'’interac-
tion n’est possible que dans ce cas-là. Lorsqu'un corps A interagit
avec un autre corps B en formant la combinaison AB, la condition
nécessaire pour que cette réaction se produise est la rencontre des mo-
lécules À et B à un même instant et en un même point de l’espace.
La réaction est d'autant plus rapide que ces rencontres sont plus fré-
quentes dans l'unité de volume de la solution ou du mélange de gaz.
Le nombre de collisions et, par conséquent, la vitesse de réaction
sont fonction de la concentration des espèces réagissantes: plus il y
a de molécules, plus fréquentes sont leurs collisions. Une formulation
générale de l’influence de la concentration sur la vitesse de réaction
est fournie par la loi d'action de masse, énoncée en 1867 par deux cher-
cheurs norvégiens Guldberg et Waage. Le chimiste russe Békétov
avait donné dès 1864 une formulation analogue pour le cas particu-
lier des réactions de déplacement des métaux par l'hydrogène. La
loi d'action de masse s’énonce comme suit:
La vitesse d’une réaction chimique est proportionnelle au
produit des concentrations des espèces réagissantes.
Pour la réaction
À + B = AB
la loi d'action de masse s'écrit comme
v = k{A][B]
£ étant le coefficient de proportionnalité ou la constante de vitesse
de réaction,
{A] et (B] les concentrations des corps en réaction.
Lorsqu'une réaction fait intervenir plusieurs molécules d'un mé-
me corps, dans l'expression de la vitesse de réaction la concentration
de ce corps sera élevée à la puissance correspondant à son coefficient
$ 38] VITESSE DES RÉACTIONS CHIMIQUES 145
stœchiométrique dans l’équation de la réaction. Ainsi, pour la réac-
tion
2A+C=D+M
la vitesse est exprimée par
v = k {AJ#{C]
Cette équation devient surtout évidente si l’on écrit la réac-
tion sous la forme
A+A+C=D+M
Aujourd'hui, on donne souvent à l'équation de la loi d'action de
masse le nom de loi de la vitesse.
La constante de vitesse de réaction a le sens physique de la vitesse
de réaction lorsque le produit des concentrations des espèces réagis-
santes est égal à l'unité. Usuellement, en comparant entre elles des
réactions différentes, on a affaire non pas à leurs vitesses absolues,
mais aux constantes de vitesse.
Suivant le nombre des molécules intervenant dans la réaction,
on distingue les réactions monomoléculaires, bimoléculaires, trimo-
léculaires, et ainsi de suite. La dissociation de l’iode moléculaire en
atomes (1, = 21) est une réaction monomoléculaire: l’acte élémen-
taire ne fait intervenir qu’une seule molécule. L’interaction de l’io-
de avec l'hydrogène (1, + H, = 2HIT) est une réaction bimoléculai-
re, deux molécules participant à l’acte élémentaire. La probabilité
d’une collision simultanée de trois molécules ou plus est très petite:
de telles réactions ne se produisent pratiquement jamais. Les réac-
tions dont l'équation comporte plusieurs molécules réagissantes,
passent ordinairement par une série de stades successifs bi etmonomo-
léculaires.
Une notion importante de la cinétique chimique est l'ordre de
réaction. Il ost la somme des exposants des concentrations de chaque
réactif dans l'expression de la loi de la vitesse. Ainsi, la réaction de
dissociation en atomes de l’iode moléculaire est une réaction d'ordre
4, car dans la loi de vitesse de cette réaction v = k {I,], l’exposant
de la concentration de l'iode est égal à l'unité. La réaction iode-hy-
drogène est déjà d'ordre 2 (ordre { pour la concentration de l’hydro-
gène ct ordre 1 pour la concentration de l’iode, car v — k[H,] [L,]).
Si unc réaction bimoléculaire (trimoléculaire) est toujours d'ordre
2 (3), l'inverse n'est vrai que bien rarement. Ainsi, l'interaction
2N0O + H, = N,0 + H,0 est décrite par la loi de vitesse v =
= k [NO [H,} qui montre qu'il s’agit là d’une réaction d'ordre 3.
Or, cela ne veut pas dire que c’est une réaction trimoléculaire : elle
se produit par des chocs bimoléculaires successifs.
Température. Avec l'accroissement de la température, les chocs
moléculaires entre les espèces en réaction deviennent plus fréquents
1U—01151
446 CINÊTIQUE CHIMIQUE ET ÉQUILIBRE CHIMIQUE , [CH V
et la réaction s'accélère. Elle se ralentit, au contraire, si la tempéra-
ture baisse. La vitesse d’une réaction chimique se trouve multipliée
par 2 à 4 lorsque la température monte de 10 degrés. Elle diminue
d'autant si la température baisse de ces mêmes 10 degrés *. Le nom-
bre qui montre de combien de fois a augmenté ou diminué la vitesse
d’une réaction chimique, lorsque la température a varié de 10 de-
grés, est le coefficient de température de cette réaction.
Cet accroissement important de la vitesse avec élévation de tem-
pérature ne peut être expliqué par l’augmentation du nombre global
de chocs moléculaires. Selon la théorie cinétique des gaz, la vitesse
de mouvement moléculaire est proportionnelle à la racine carrée de la
température exprimée en degrés Kelvin. Dans ce cas, une élévation
de température de 273 jusqu’à 373 K a pour résultat une vitesse de
mouvement moléculaire 1,2 fois plus grande seulement, puisque
Para V3 | 4.2
Üozs V 273 ci
La théorie cinétique des gaz permet de calculer le nombre de chocs
entre particules. Ce calcul montre que si chaque choc conduisait à
une interaction, toute réaction se déroulerait avec la vitesse dAne
explosion. En réalité, une proportion très faible des chocs se térmi-
nent par un acte d'interaction, alors que la grande majorité de ces
collisions restent stériles: les molécules se heurtent et s’éloignent
l’une de l’autre, sans avoir réagi. Voilà pourquoi on a été obligé d’in-
troduire la notion de chocs efficaces ou actifs. Le nombre de ces chocs
à température donnée est proportionnel au nombre total des chocs
entre les molécules en réaction. Avec élévation de température, le
nombre des chocs actifs augmente beaucoup plus vite que celui des
chocs « totaux ». La réaction ne se produit que lorsque les molécules
qui entrent en collision possèdent une énergie suffisante pour effec-
tuer l’acte réactionnel élémentaire.
Cet acte ne dure que près de 107! s. Pour que les molécules aient
le temps de réagir, il faut que leurs liaisons chimiques soient « relä-
chées »: cela n’est possible qu'en présence d'une énergie moléculai-
re excédentaire. Les molécules qui possèdent ce surplus d'énergie
sont dites activées. L’activation des molécules peut résulter du chauf-
fage du corps qui accélère le mouvement de translation des molé-
cules, ainsi que le mouvement oscillatoire des atomes et des groupes
atomiques à l’intérieur des molécules. Tout cela affaiblit les liai-
* Un nombre immense de réactions chimiques diverses se déroulent dans
l'organisme de l’homme et des animaux. Beaucoup de ces réactions s’accélérent
à température élevée. Dans l'organisme atteint d’une maladie (infectieuse par
exemple), des réactions sont déclenchées qui contribuent à éliminer la source de
Ja maladie. L'élévation de la température corporelle est donc, ordinairement,
une réaction de défense qui aide l'organisme à vaincre le phénomène morbide.
$ 38] VITESSE DES RÉACTIONS CHIMIQUES 4147
sons intramoléculaires. Ainsi, pour réagir, les molécules doivent
franchir une certaine barrière énergétique.
Compte tenu de ce qui vient d’être exposé, nous pouvons repré-
senter la variation de l'énergie du système À + B se transformant en
S par la courbe donnée sur la figure 40, a. La molécule S se forme à
partir des molécules A et B, suite à une redistribution des atomes et
des liaisons chimiques. Tout d'abord, les molécules activées A et B
ZHini
Chemin réactionnel Chemin réactionnel
Fig. 40. Relief énergétique des chemins réactionnels pour un processus endo-
thermique (a) et un processus exothermique (b)
entrent en collision pour former un complexe activé AB au sein du-
quel la redistribution des atomes aura lieu. L'énergie à conférer aux
molécules afin qu'elles aient l'énergie du complexe activé est dite
énergie d'activation E,. Comme le montre la figure 40, a, dans le cas
considéré l'énergie des produits de la réaction est plus élevée que celle
des espèces initiales : la réaction À + B —-S est endothermique. La
différence entre les énergies des produits de la réaction et des corps de
départ est ce qu’on appelle effet thermique de la réaction AH. La
courbe correspondante pour une réaction exothermique.C + D — P
est présentée sur la figure 40,b.
La corrélation entre la constante de vitesse de réaction k et l’éner-
gie d'activation E, est donnée par l'équation d’Arrhenius:
k = Ae—Ea/RT
où À est un coefficient préexponentiel lié à la probabilité et au
nombre des chocs,
e la base des logarithmes naturels,
R la constante des gaz,
T la température absolue.
I1 découle de cette équation qu’une énergie d'activation plus
élevée correspond à une constante de vitesse de réaction plus petite,
donc, à une réaction plus lente.
10°
148 CINÊÉTIQUE CHIMIQUE ET ÉQUILIBRE CHIMIQUE ‘ [CH V
Tableau 13
Energie de liaison et énergie d’activation de
quelques réactions
Energie, kJ/mol
Réaction
d'activation de liaison
2HI=H; +1: 184 301 H—I
2N0 + Br, = 2NOBr 5,4 | 644 N—=0O
188 Br—Br
CN-+ CHI = CH,CN + I- 84 196 CHs3—Ï
H, + Cl, = 2HC] 251 * 435 H—H
242 CI=CI
* Energie minimale du quantum de lumière amorçant la réaction.
En règle générale, il n’y a aucun rapport direct entre l'énergie
d'activation et l'énergie des liaisons chimiques qui se rompent.
On a rassemblé au Tableau 13 les données correspondantes pour quel-
ques réactions. On y voit que l’énergie d'activation est presque tou-
jours inférieure à l'énergie de toute liaison rompue. Seule l'énergie
d'activation de la réaction hydrogène + chlore est voisine de l'éner-
gie de la liaison interatomique dans la molécule de chlore. Ces
données fournissent déjà une première hypothèse sur le mécanisme de
cette réaction. Probablement, le premier acte de cette interaction
est La rupture de la molécule de chlore en ses atomes. Le second acte
serait l'interaction des atomes de chlore avec la molécule d'hydro-
gène. L'énergie d'activation de cette étape de la réaction serait in-
férieure à l’énergie de liaison dans la molécule d'hydrogène. Ces éta-
pes réactionnelles seraient les premiers stades d’un processus en
chaîne que l’on pourrait représenter comme suit :
CI, —+ 2CI
CI + He HCI+ H
H + CL + HCI + CI
Notons qu’il y a d’autres données expérimentales qui confir-
ment la réalité de ce mécanisme en chaîne *.
* Recémment, l’académicien soviétique Nicolaï Séménov a découvert un
nouveau type de réactions en chaîne: réactions à ramification énergétique de
la chaîne. Ainsi, l’interaction de l’atome de fluor avec la molécule d'hydrogène
$ 38] VITESSE DES RÉACTIONS CHIMIQUES 149
La réaction de décomposition de l’iodure d'hydrogène (v. Ta-
bleau 13) attire une attention particulière. Seules les molécules HI
participent à cette réaction. S'il y avait ici une rupture préalable
de la liaison H—I, l'énergie d’activation calculée £,,, serait égale
à l'énergie de liaison, soit à 301 kJ/mol. Or, l'énergie d’activation de
ce processus, déterminée par voie expérimentale (£,,,), ne vaut que
184 kJ/mol. Il se trouve que le complexe activé de cette réaction est
composé de deux molécules HI. Dans ce complexe H::.I, les liai-
H...I
sons H:.--H et I---1 commencent à se former avant que les liai-
sons H---I soient complètement rompues. L'énergie dégagée lors
de la formation des liaisons H:--:H et I---I est utilisée pour rom-
pre les liaisons H-:-1. On a représenté sur la figure 41 les barriè-
res d'énergie pour le complexe activé et pour le processus avec ruptu-
re préalable des liaisons chimiques dans les molécules d’iode et
d'hydrogène.
Ainsi, l'énergie d'activation dépend du chemin emprunté par
la réaction.
Catalyseurs. On peut modifier le déroulement d’une réaction par
introduction de catalyseurs dans le système. On appelle catalyseurs
les corps qui font varier la vitesse d’une réaction, tout en gardant
leur composition chimique après des réactions intermédiaires. L’ef-
fet des catalyseurs sur la vitesse de réaction est appelé catalyse.
Les catalyseurs peuvent diminuer l’énergie d'activation en orien-
tant la réaction vers un autre chemin. L’abaissement de l’énergie
d'activation conduit à l'accroissement de la part des particules
réactives, le processus d'interaction s’en trouvant accéléré. Les
catalyseurs qui accélèrent une réaction sont positifs. Il existe aussi
des catalyseurs négatifs qui freinent les réactions en fixant les molé-
cules ou les radicaux intermédiaires actifs : la réaction ne peut plus
suivre le chemin qui correspond à la plus basse énergie d'activation.
se déroule suivant la réaction
F -H, — HF + H:
L'atome d'hydrogène issu de ce processus réagit sur la molécule de fluor:
H-+F, = HF*+F:.
C'est une réaction exothermique qui dégage une chaleur de 403 kJ/mol. Après
l'acte élémentaire de la réaction, cette énergie excédentaire passe principale-
ment dans la molécule HF qui s’excite. En entrant en collision avec une molécu-
le F,, elle peut lui céder son excès d'énergie suffisant pour la rupture de la liai-
son F—F:
HF* LF, = HF +2F
Au cours de cette réaction la molécule HF* se désexcite en passant à l'état
normal. De cette manière, un atome de fluor issu d’un processus quelconque don-
ne naissance à trois nouveaux atomes de fluor.
450 CINETIQUE CHIMIQUE ET £QUILIBRE CHIMIQUE (CH. V
Les catalyseurs se divisent en homogènes et hétérogènes. L'état
d'agrégation d’un catalyseur homogène est identique à celui d'au
moins un des réactifs. Les catalyseurs hétérogènes présentent un état
d'agrégation autre que celui des réactifs.
La catalyse homogène s'effectue le plus souvent par formation de
produits intermédiaires instables. Soit une réaction
A+<B—cC
qui demande une énergie d'activation élevée £,. En présence d’un
catalyseur deux réactions ont lieu:
A + Cat —+ ACat et ACat + B —+ C + Cat
où Cat est le catalyseur.
Lorsque la plus grande énergie d’activation (E; ou E;) pour ces
deux réactions successives est inférieure à l'énergie d'activation pour
Energiu du système
Energie du système
Chemin réactionnel Chemin réactionnel
Fig. 41. Relicf énergétique du chemin Fig. 42. Relief énergétique du chemin
rcactionnel pour le processus réactionnel lors d'une catalyse homo-
2HI =H,+L : gène
1 — calculé: 2 — cxpérimental
la réaction en l'absence du catalyseur (E,), un tel catalyseur est posi-
tif (fig. 42).
Un exemple des réactions catalytiques de ce type est fourni par
l'oxydation de l’oxyde de soufre (IV) en oxyde de soufre (VI) en pré-
sence d'oxyde d'azote (II). Cette réaction
SO: + O: — SO;
ne se produit pratiquement pas sans le catalyseur, alors qu'aux con-
ditions normales, l’oxyde d'azote (11) s'oxyde facilement en dioxyde
d'azote :
2NO + O0, = 2N0,
$ 38] VITESSE DES RÉACTIONS CHIMIQUES 151
qui, à son tour, est capable d’oxyder l’oxyde de soufre ([V) en oxyde
de soufre (VI):
SO, + NO, = S0, + NO
Dans ce processus on peut considérer NO, comme intermédiaire
et NO comme catalyseur.
Si la théorie de la catalyse par formation d’intermédiaires s'appli-
que aux processus homogènes (où toutes les espèces concernées pré-
sentent le même état d’agrégation), la catalyse en milieu hétérogène
trouve son explication dans le cadre de la théorie de l’adsorption acti-
vée.
On appelle adsorption la faculté d'un corps de fixer à sa surface
d’autres corps.
C’est la théorie multiplète de la catalyse hétérogène, élaborée par
l'académicien soviétique Balandine, qui a reçu la plus large approba-
tion. Selon cette théorie, l’aptitude du catalyseur à accélérer une
réaction est fonction de la structure spatiale des molécules réagis-
santes, ainsi que de la géométrie de la disposition des centres actifs
à la surface du catalyseur. Souvent, ces centres catalytiquement ac-
tifs sont tout simplement les atomes de la surface du catalyseur.
Les molécules réagissantes s’adsorbent sur ces centres (atomes).
La théorie multiplète veut que la disposition géométrique des cen-
tres actifs à la surface corresponde à la disposition des atomes dans
la molécule catalysée. Les molécules s’adsorbent sur plusieurs centres
actifs, ce qui conduit à un affaiblissement des liaisons chimiques et
puis à leur redistribution.
Suivant les réactions, le nombre de centres d’adsorption dans un
centre catalytiquement actif peut être égal à 2, 4, 6, ... Ces centres
sont appelés respectivement doublets, quadruplets, sextets, etc.
(multiplets dans le cas général). Dans le cadre de cette théorie, le
mécanisme catalytique d'une réaction d'échange
AB + CD = AC + BD
avec intervention de deux atomes de catalyseur formant doublet
peut être schématisé comme suit:
A—B 2A--B AB
K K=K! KæKI/|IK
C—D V C::D” C D
Les distances entre les centres actifs K son telles que dans les mo-
lécules adsorbées AB et CD, seules les liaisons chimiques sont redis-
tribuées, alors que la position des atomes reste inchangée. Dès que
les liaisons se sont réarrangées, les molécules AC et BD se dé-
sorbent.
Comme exemple d’une réaction catalytique hétérogène, citons
l'oxydation du dioxyde de soufre par l’oxygène en présence de plati-
152 CINÊTIQUE CHIMIQUE ET ÉQUILIBRE CHIMIQUE JCH. V
|
ne ou de V,0,. Un autre catalyseur possible de ce processus, d’un
effet plus faible, est Fe,0:. Voilà pourquoi, lorsqu'on brüle du souf-
re sur une cuiller de fer, on voit se former, à côté du dioxyde de souf-
re incolore, de l’oxyde de soufre (VI) sous forme d’une fumée blanche.
Pour la même raison, la calcination de la pyrite
doit s'accompagner de la formation de faibles quantités d'oxyde de
soufre (VI).
Les catalyseurs et la catalyse jouent un rôle extrêmement impor-
tant dans l'industrie chimique moderne. On estime que plus de
10 % de toutes les productions chimiques utilisent des catalyseurs.
Dans l’industrie pétrochimique, pharmaceutique et alimentaire le
taux des procédés catalytiques récents s'approche de 90 %. La pré-
paration des principaux produits de la grande industrie chimique
(hydrogène, ammoniac, acides sulfurique et nitrique) est entière-
ment basée sur des réactions catalytiques. Les catalyseurs ont trouvé
des applications particulièrement diverses dans la technologie de la
synthèse organique. On s'en sert pour fabriquer alcools, acides orga-
niques. aldéhydes, phénol, résines et fibres synthétiques, caout-
choucs artificiels, combustibles moteurs, colorants, médicaments.
Les catalyseurs permettent d'améliorer très considérablement la
rentabilité des différentes productions, car les procédés cataly£iques
se déroulent à plus basses températures et pressions que les procédés
sans catalyse. On dépense moins d'énergie et on utilise des appareils
moins chers.
Nombre de procédés possibles énergétiquement et avantageux
économiquement ne sont pas encore réalisés tout simplement parce
qu’on n'a pas trouvé de catalyseurs appropriés suffisamment actifs.
$& 39. Equilibre chimique. Les réactions chimiques peuvent être
réversibles ou irréversibles. Les réactions irréversibles se produisent
dans un seul sens. Ainsi, la décomposition du nitrate d'ammonium
NHÇ4NO;s + 2H,0 + N,0
est un processus irréversible : toute tentative pour obtenir du nitra-
te d’ammonium par interaction de N.0 et de l’eau est vouée à l'échec.
Les réactions irréversibles sont moins nombreuses que les réversibles.
La réaction de l’hydrogène sur l’iode peut servir d'exemple d’une
transformation réversible. En mélangeant de l'hydrogène gazeux
avec des vapeurs d'iode dans un récipient fermé à température nor-
male, on y découvre au bout d’un instant de l’iodure d'hydrogène qui
s’est formé selon la réaction
Ha + la + 2HI
D'autre part, en plaçant dans un récipient fermé de l'iodure
d'hydrogène gazeux, on y voit paraître, quelque temps après, les
8 39] ÉQUILIBRE CHIMIQUE 153
vapeurs violettes d’iode, l’iodure d'hydrogène s'étant décompose :
2HI + Hs +
Pour indiquer le caractère réversible d’une réaction, on met deux
flèches aux sens opposés :
réaction directe
Hat be 2 HI
réaction inverse
L'interaction de l'hydrogène avec les vapeurs d’iode se produit
d’abord avec une vitesse relativement élevée v, dans le sens de la
formation de HI]:
VV. — k [H,][1,]
Au fur et à mesure que HI s’ac-
cumule, le processus inverse (dé-
composition de HI en H,et I.) com-
mence à se dérouler avec une vites-
se v,_ croissante :
VV. — k; (H1}?
Au bout d’un certain temps la
vitesse de la formation de HI de-
vient égale à celle de sa décompo-
sition, c'est-à-dire :
v.—=v. et k[H,llle] = k; (HIF
En d’autres termes, un équilibre
chimique s'établit (fig. 43).
On appelle équilibre chimique
l'état d’un système où la vitesse de
la formation des produits de la réac-
tion (vitesse de la réaction directe)
est égale à la vitesse de leur trans-
formation dans les réactifs de dé- id ns Her
part (vitesse de la réaction inverse). , _"Oator de H1: à — décom-
Ainsi, l'équilibre chimique est un position de HI
équilibre mobile qui s'accompagne
d’une formation et d’une décomposition constantes de molécules. Les
concentrations des réactifs à l'équilibre sont dites équilibrées.
Compte tenu de l'égalité des vitesses de la réaction directe et de
la réaction inverse, on peut écrire:
k [HIj?
hi [Hell]
La constante d'équilibre K peut être exprimée * par le rapport des
constantes de vitesse des réactions directe et inverse. Alors, pour la
(en), x
Equilibre
20 40 60 80 4100 t,mn
Fig. 43. Etablissement De
1:
= K
* En pratique, la constante d'équilibre est, le plus souvent, calculée en
partant des concentrations équilibrées déterminées par voie expérimentale.
454 CIN£ÊTIQUE CHIMIQUE ET ÊQUILIBRE CHIMIQUE (CH. V
réaction
H, + 1, = 2HI
l'expression de la constante d'équilibre aura la forme
__ [HI
_ {H2]11Bl]
On met en numérateur le produit des concentrations des produits
de la réaction et en dénominateur le produit des concentrations des
réactifs initiaux. Les exposants sont égaux aux coefficients stæœchio-
métriques correspondants.
Lorsque les conditions ambiantes demeurent inchangées, l’état
d'équilibre se conserve pendant un temps indéfiniment long. Les va-
riations de la température, de la concentration des réactifs (ou, par-
fois, de la pression dans le cas de systèmes gazeux) peuvent rompre
l'égalité des vitesses des réactions directe et inverse, en rompant du
même coup l'équilibre établi. Au bout de quelque temps, les deux vi-
tesses redeviennent égales, mais, dans ces nouvelles conditions, les
concentrations équilibrées des réactifs sont autres que précédemment.
Le passage du système d’un état d'équilibre à un autre est dit dé-
placement de l'équilibre. On peut comparer l'équilibre chimique à la
position d'un fléau de balance. De même que la position du fléau
change si l’on ajoute un poids sur un des plateaux, l'équilibre chimi-
que peut se déplacer dans le sens de la réaction directe ou inverse sui-
vant les conditions opératoires. Chaque fois on voit s'établir Œn nou-
vel équilibre qui correspond aux conditions nouvelles.
Habituellement, la valeur numérique de la constante d'équilibre
varie en fonction de la température. C'est le résultat de variations
inévales des vitesses de la réaction directe et de la réaction inverse
lors d’un changement de température. A température constante, les
valeurs des constantes d'équilibre ne dépendent ni de la pression, ni
du volume, ni de la concentration des réactifs ou des produits de la
réaction. Il est toujours aisé de déduire la constante d'équilibre de
l'équation globale de la réaction.
Connaissant la valeur numérique de la constante d'équilibre, on
peut calculer les valeurs des pressions ou des concentrations équi-
librées pour chaque espèce qui participe à la réaction. Admettons,
par exemple, qu’on a à calculer la concentration équilibrée de HI
résultant de l'interaction iode-hydrogènes
H, + I, = 2HI
Pour le faire, on exprime les concentrations équilibrées des espe-
ces réagissantes par leurs concentrations initiales. Désignons par C
les concentrations initiales de l'hydrogène et de l’iode et par x la
diminution de ces concentrations au moment où l'équilibre est at-
teint (les concentrations sont exprimées en mol/l). Alors les concentra-
$ 40] PRINCIPE DE LE CHATELIER 155
tions équilibrées des réactifs deviennent: [1,] = C — x; [H.,] —
= C— zx; [HI] = 2x. Connaissant la constante d'équilibre
__ [HIR _ 2(x}
7 [H]IR) (C—2}
on calcule aisément x et, donc, les concentrations équilibrées.
$ 40. Principe de Le Chatelier. Une influence régulière des con-
ditions environnantes (par exemple, de la température, de la pression
ou des concentrations des réactifs) sur l’état d'équilibre des réactions
chimiques réversibles fut établie en 1847 par le chimiste et mé-
tallurgiste français Le Chatelier. La règle ou le principe de Le Cha-
telier s'énonce comme suit :
Lorsqu’une action extérieure est exercée sur un système en
équilibre, le système réagit de façon à intensifier les processus
qui tendent à minimiser cette action.
Effet des concentrations des corps réagissants sur l'état d'équilibre.
Lorsque l'acide sulfurique est préparé par le procédé de contact,
l'oxydation du dioxyde de soufre en trioxyde en présence d’un cata-
lyseur (Pt ou V,0,) s’effectue selon l’équation
2S0, + O? + 250,
Si l’on ajoute à ce système en équilibre un excès d'oxygène, on
verra s’intensifier le processus qui tend à diminuer la concentration
en oxygène. Ce processus est la réaction directe entre SO, et O,
qui fait déplacer l'équilibre du système dans le sens de la formation
de SO;,. L'examen de l'expression pour la constante d'équilibre con-
duit à la même conclusion:
K — [SO:l*
[50,1 10:]
Une concentration plus élevée de l'oxygène (dénominateur dans
cette expression) doit faire croître la concentration du trioxyde de
soufre (numérateur), À étant une constante. Ainsi, une élévation de
la concentration de l'oxygène fera déplacer l’équilibre dans le sens
de la réaction directe, ce qui correspond à une consommation plus
complète de SO, et à un meilleur rendement en SO..
Effet de la pression sur l'état d'équilibre. L'importance de la pres-
sion est essentielle dans le cas de réactions entre gaz. Nous avons déjà
fait remarquer qu'une pression accrue correspondait à une concentra-
tion plus élevée des espèces réagissantes et, parallèlement, à une ré-
action plus rapide. L'interaction entre produits gazeux peut présen-
ter trois cas différents.
1° Les proportions des gaz en réaction sont telles que le nombre to-
tal de moles des corps de départ est égal au nombre total de moles
156 CINÊTIQUE CHIMIQUE ET ÉQUILIBRE CHIMIQUE (CH. V
des corps formés. Naturellement, les volumes totaux des gaz entrant
en réaction seront dans ce cas les mêmes que les volumes totaux des
gaz issus de la réaction
N, + 0, = 2NO
Si l’on double la pression dans le réacteur fermé, le volume de-
viendra aussitôt deux fois moins grand et la concentration des gaz
doublera en conséquence. La réaction directe et la réaction inverse
s’accélèrent d’une façon identique. Il n’y a donc aucun déplacement
de l'équilibre.
On en tire la conclusion que lorsque les volumes des produits ga-
zeux initiaux et finals d’un système en équilibre sont les mêmes, une
variation de pression ne rompt pas l’équilibre.
2° Le nombre total de moles des corps de départ est supérieur au
nombre total de moles des corps formés. Alors le volume total des
gaz entrant en réaction est également plus grand que le volume total
des gaz issus de la réaction
N: + 3H, = 2NH,
On déduit de cette équation que quatre moles de corps initiaux
donnent deux moles de produit de la réaction et que la réaction con-
duit à une réduction du volume. Si l’on fait monter la pression, la
concentration des corps de départ s’accroîtra plus que celle du pro-
duit de la réaction : l'équilibre est déplacé dans le sens de la formation
d'ammoniac. 0
3° Le nombre total de moles des corps de départ est inférieur au
nombre total de moles des corps formés. La somme des volumes des
gaz qui entrent en réaction est alors moins élevée que la somme des
volumes des gaz résultant de la réaction
N:04 LS 2NO;
Ici, une mole de N,0, fournit deux moles de NO. : la réaction di-
recte conduit à un nombre plus élevé de moles et, par conséquent, à
une pression plus élevée. Lors de la réaction inverse, il y a décrois-
sement du nombre de moles et donc de la pression. Si l’on fait monter
la pression dans un tel système en équilibre, le système réagira ten-
dant à retrouver son état initial. Alors l'équilibre se déplacera du cô-
té de la réaction inverse (baisse de pression), avec un accroissement
de la concentration de N.0,. Si l’on diminue la pression, le déplace-
ment de l'équilibre s'effectuera dans le sens où la pression monte
(réaction directe) et c'est la concentration de NO, qui s’en trouvera
augmentée.
Les exemples ci-dessus conduisent à deux conclusions suivantes:
a) les variations de pression ne modifient pas l’équilibre que dans
les réactions réversibles qui s’accompagnent d'un changement de
volumes de gaz;
$ 0] PRINCIPE DE LE CHATELIER 157
b) l'accroissement de pression déplace l'équilibre dans le sens où
le volume diminue et la diminution de pression le déplace dans le
sens où le volume augmente.
Effet de la température sur l'état d'équilibre. La formation de l’eau
à partir de l’hydrogène et de l'oxygène est un processus exothermi-
que (qui dégage de la chaleur)
2H, + Où = 2H,0(c) + 485 k]
soit, pour obtenir une mole de H,0,
Ha + Où == HO (0)+242 KI
Le processus de décomposition de l’eau est, naturellement, en-
dothermique. Conformément au principe de Le Chatelier, une élé-
vation de température dans ce système en équilibre doit faire dépla-
cer l'équilibre dans le sens où la réaction est endothermique (décom-
position de l’eau). Cela aura pour résultat un abaissement de la con-
centration équilibrée de la vapeur d’eau et un accroissement des con-
centrations équilibrées de l'hydrogène et de l'oxygène.
Si l’on baisse la température de ce système, la réaction se produira
de préférence dans le sens où elle est exothermique (formation d’eau).
Considérons un système en équilibre formé d'azote, d'hydrogè-
ne et d’ammoniac. La réaction de formation de l’ammoniac à partir
des éléments est un processus exothermique:
N, + 3H, = 2NH, + 92 kJ
Lorsque l'ammoniac se dissocie en hydrogène et azote, la même
quantité de chaleur est absorbée. Si l'on se réfère au principe de Le
Chatelier, l’abaissement de la température de ce système équilibré
provoquera un déplacement de l'équilibre vers la droite (concentra-
tion plus élevée de l’ammoniac). Pourtant, dans les conditions in-
dustrielles, la synthèse d’'ammoniac à partir d'azote et d'hydrogène
est conduite à des températures assez élevées. Cela s'explique par le
fait qu’à basse température l'équilibre est lent à s’établir, bien que
le rendement en produit désire soit effectivement plus élevé. La durée
du processus devient tellement importante qu'il est plus rentable de
l'effectuer avec des rendements moins élevés, mais plus rapidement.
En résumant ce qui vient d’être exposé, nous pouvons formuler la
règle suivante : dans un sytème à l’état d'équilibre le chauffage pro-
voque le déplacement de l'équilibre dans le sens de la réaction endo-
thermique et le refroidissement, dans le sens de la réaction exothermi-
que.
Les catalyseurs influencent notablement le déroulement des pro-
cessus chimiques. L'introduction d’un catalyseur dans un système
équilibré ne peut modifier son état d'équilibre, car, en accélérant la
réaction directe, le catalyseur accélère d'autant la réaction inverse.
158 CINÊTIQUE CHIMIQUE ET ÉQUILIBRE CHIMIQUE | [CH. V
Cependant, en présence d’un catalyseur, l'équilibre met moins de
temps à s'établir.
Les relations, considérées dans ce chapitre, qui lient la vitesse
des processus chimiques et l’équilibre chimique aux conditions de dé-
roulement des réactions offrent la possibilité de contrôler des proces-
sus en les orientant sciemment vers le résultat désiré. Un exemple
éclatant de l’application pratique de ce principe est fourni par la ré-
duction du fer par l’oxyde de carbone (11) dans les hauts fourneaux.
Autrefois, les gaz qui sortaient des hauts fourneaux contenaient encore une
proportion importante d'oxyde de carbone: cela faisait perdre beaucoup de
chaleur. Pendant longtemps, on avait attribué ce défaut à un contact insuffisant
entre l’oxyde de carbone et le minerai de fer. On espérait en venir à bout en
augmentant de plus en plus la taille des hauts fourneaux (jusqu’à 30 m de hau-
teur). Pourtant, la teneur des gaz en oxyde de carbone demeurait la même.
Alors une expérience (qui coûta bien cher) démontra que la réduction de l’oxyde
de fer par l’oxyde de carbone n’était pas complète. Connaissant les lois de l’équi-
libre chimique, on aurait pu l'apprendre sans toutes ces dépenses inutiles (cet
exemple est dû à Le Chatelier).
CHAPITRE VI
PROPRIÉTÉS DES SOLUTIONS
$ 41. Nature des solutions. Le rôle des solutions est important
dans la nature comme dans l’industrie. Les alchimistes pensèrent que
les corps ne pouvaient réagir qu’à l’état dissous. De nombreux procé-
dés industriels sont effectués en solution: préparation de carbonate
de sodium ou d’acide nitrique, isolement et purification de métaux
rares, blanchiment et teinture des étoffes. L’eau à l’état naturel con-
tient des corps dissous : c’est donc toujours une solution. Les solutions
aqueuses naturelles participent aux phénomènes pédogénétiques et
assurent la nutrition des végétaux. Les processus physico-chimiques
complexes qui ont lieu dans l'organisme animal et humain se produi-
sent également en solution. Selon certains auteurs, la formation de
protides à partir de substances minérales (l’origine de la vie sur la
Terre) se déroula également en solution aqueuse.
Les solutions au sens large sont classées en gazeuses, liquides et
solides. L'air est une solution gazeuse ; la solution de sucre dans l’eau,
une solution liquide; les divers alliages métalliques, des solutions
solides (cristallisées). On appelle solution un système homogène cons-
titué de deux ou plusieurs composants indépendants en proportions
variables. Un des constituants d'une solution est considéré comme un
solvant, tous les autres étant des solulés ou corps dissous. Le solvant
est celui des corps présents dont la quantité prédomine dans un svs-
tème donné. De ce point de vue, l’air est une solution d'oxygène, de
vapeur d'eau, de gaz carbonique et de gaz rares dans l'azote, car la
proportion de l'azote dans l'air est égale à 78 % (vol.). L'alcool
éthylique ou l’alcool méthylique sont miscibles à l’eau en toutes pro-
portions. Voilà pourquoi, suivant les proportions relatives de l'alcool
et de l’eau, ce système peut être soit une solution d'alcool dans l’eau,
soit une solution d’eau dans l’alcool. Les électrolytes * à l’état dis-
sous (par exemple, l’acide sulfurique dans l’eau) sont toujours considé-
rés comme des solutés, sans tenir compte de leur quantité relative.
* On appelle électrolytes les corps qui présentent une conductivité électrique
à l'état dissous ou fondu.
160 PROPRIÊTES DES SOLUTIONS [CH. VI
Les solutions où le solvant est un liquide sont celles qui intéres-
sent tout spécialement la chimie. Bien que, ces dernières années, les
solvants non aqueux prennent une place de plus en plus importante
dans le cadre de la chimie et de la technologie chimique, l’eau reste
quand même le solvant le plus important et le plus répandu. Voilà
pourquoi ce chapitre traite principalement de solutions aqueuses.
Une solution est homogène en tout point de son volume. Cette
propriété des solutions les rapproche des composés chimiques. Pour-
tant, à la différence des combinaisons chimiques, la composition d’une
solution peut être très variable. Ainsi, les propriétés du mélange d'’al-
cool et d’eau varient très considérablement en fonction des propor-
tions des constituants de cette solution. On voit donc que ni la loi des
proportions définies ni la loi des proportions multiples ne peuvent
être appliquées aux solutions. Les solutions se rapprochent davanta-
ge des composés non stæœchiométriques ou, parfois, des mélanges.
Pendant longtemps il y eut deux approches du problème de la
pature des solutions: physique et chimique. La théorie physique fut
développée par Van'’t Hoff, Arrhenius et Ostwald. Mendéléev et au-
tres chimistes russes furent partisans de la théorie chimique des solu-
tions.
Pour Van’t Hoîff, fondateur de la théorie physique des solutions,
le processus de dissolution était semblable à celui d'’évaporation. Il
comparait le comportement du soluté au comportement d’un gaz dis-
sous dans un autre gaz. Selon Van'’t Hoff, l’eau (ou tout autre sol-
vant) serait pour le corps en dissolution ce que le vide plus ou moins
poussé est pour le gaz. Ainsi que ce dernier, le soluté tend à se propa-
ger uniformément dans tout le volume du solvant.
La dissolution des corps est souvent accompagnée d'un dégage-
ment ou d’une absorption de la chaleur et parfois d’une variation de
volume. Pour Mendéléev, ces phénomènes étaient un indice certain
d’une interaction entre le soluté et le solvant. Il développa consé-
quemment l’idée de l’existence d’une interaction chimique entre les
particules du soluté et les molécules du solvant. En ternks moder-
nes, les principes fondamentaux de la théorie de Mendéléev se résu-
ment à ceci:
19 Une solution se forme et existe grâce aux interactions entre
toutes les particules: celles qui existaient déjà comme celles qui se
sont formées lors de la dissolution.
29 La solution est un système dynamique où les composés qui se
dissocient se trouvent en équilibre mobile avec les produits de leur
dissociation conformément à la loi d'action de masse.
Par composés constituant, en particulier, une solution aqueuse,
Mendéléev entendait les composés hydratés ou hydrates. Plus tard,
Kabloukov introduisit la notion d’hydratation des ions et des molé-
cules en solution aqueuse et de solvatation dans le cas général.
La formation d’hydrates en solution aqueuse (solvates pour Les
$ 41] NATURE DES SOLUTIONS 161
solvants autres que l’eau), qui sont des combinaisons assez instables
des particules dissoutes avec le solvant, est aujourd’hui un fait expé-
rimental.
L'hydratation est parfois observable sans qu'on ait recours aux
appareils spéciaux. Ainsi, le sulfate de cuivre anhydre CuSO, est
une substance blanche. Sa solution dans l’eau prend une coloration
bleue. Cette couleur est due aux ions cuivre hydratés. Ces particules
hydratées sont parfois tellement stables que, même lorsqu'on a sé-
paré le soluté de l’eau (et qu’il est donc redevenu solide), des molécu-
les d’eau restent dans les cristaux. C'est ainsi qu'après évaporation
d’une solution aqueuse de sulfate de cuivre, on obtient, en phase so-
lide. le sel CuSO, -5H,0 dont l’eau est dite de cristallisation.
Ce sont les savants russes Kabloukov et Kistiakovski qui proposè-
rent et développèrent la notion d'hydratation. Ces idées ont servi de
base à la fusion des théories chimique et physique.
La solvatation (ou l’hydratation, dans le cas de l’eau) est due à
l'action des forces d'interaction intermoléculaire (forces de Van der
Waals) entre le soluté et le solvant. La solvatation doit donc être
d'autant plus aisée que les molécules constituant la solution sont
plus polaires. L’eau est un bon solvant dans nombre de cas, car ses
molécules sont très polaires.
L'effet calorifique qui accompagne le processus de dissolution est
rapporté à une mole de soluté et appelé chaleur molaire de dissolution.
Cette chaleur est fonction de la nature du soluté et du solvant, ainsi
que. dans une certaine mesure, de la température de dissolution.
La chaleur de dissolution Q est la somme algébrique de deux
quantités :
Q = Qi 7 Qs
où @Q, est la chaleur dépensée pour distribuer les particules du solu-
té (molécules, atomes ou ions) entre les molécules du sol-
vant,
Q, est l'effet thermique de solvatation.
Dans le cas d’un solide qui se dissout dans un liquide, Q, corres-
pond à l’énergie nécessaire pour rompre le réseau cristallin du solide
et les liaisons intermoléculaires du solvant. La valeur de Q, est con-
sidérablement plus petite lorsque c'est un liquide ou un gaz qui est
dissous dans un liquide. Cela concerne surtout les gaz, car leurs
liaisons intermoléculaires sont beaucoup plus faibles que celles des
solides et des liquides.
L'effet thermique de solvatation est la chaleur dégagée lors de
l'interaction des molécules du soluté et du solvant avec formation de
nouvelles liaisons. Le signe de Q dépend de l’importance relative de
chacun de ces deux termes.
Le processus de dissolution peut donc être écrit sous la forme sui-
vante :
Corps à dissoudre + Solvant -= Corps en solutinn +Q
11—01151
162 - PROPRIÊTES DES SOLUTIONS [CH VI
Le processus de dissolution est réversible : suivant les conditions,
il y a soit dissolution, soit libération du corps dissous. Vu la réver-
sibilité du processus de dissolution, il obéit à la règle de Le Cha-
telier. Si la dissolution d’un corps se produit avec absorption de cha-
leur, une élévation de température doit conduire à une meilleure so-
lubilité. Par contre, s’il y a déga-
gement de chaleur lors de la dis-
solution, l'accroissement de tem-
pérature correspondra à une solu-
bilité plus mauvaise.
La figure 44 présente les solu-
bilités de quelques corps en fonc-
tion de la température. On y voit
que la solubilité des sels croît gé-
néralement avec la température,
soit d'une façon modérée (NaCI),
soit très notablement (KNO:;,
AgNO;); les cas sont rares où la
solubilité décroît lorsque la tem-
pérature augmente. La forme
complexe de la courbe de solubi-
lité du sulfate de sodium est liée
à un changement de composition
de la phase solide, lorsque
Na,S0,-:10H,0 devient sulfate
de sodium anhyvdre.
En examinant la courbe de so-
lubilité de chaque sel, on déter-
mine le signe de son effet thermi-
que de dissolution. Ainsi, en con-
frontant la faible augmentation
Fig. 44. Solubilité dans l'eau de quel- de la solubilité de NaCl avec un
ques sels en fonction de la tempéra- accroissement relativement plus
ture important de la solubliité de
KNO; dans le même intervalle
de température, on se rend compte que la dissolution de NaCl
s'accompagne d'un faible effet endothermique, alors que celle
de KNO, présente un effet endothermique plus fort. La brisure de la
courbe de solubilité du sulfate de sodium témoigne de ce que la dis-
solution de Na,S0,-10H,0 est un processus endothermique et celle
du sulfate anhydre un processus exothermique.
Au sens qualitatif, la solubilité d’un corps est son aptitude à for-
mer un système homogène avec un autre corps jouant le rôle de sol-
vant. Cette aptitude dépend de la nature des forces d'interaction mo-
léculaire solvant-solvant, soluté-soluté, solvant-soluté. La meilleu-
re solubilité est atteinte lorsque toutes ces forces ont un caractère
160
13
Ca 3
_-
| d
=
_
Gt
Solubilite, g par 100 g d'eau
œ
20 40 61) 80 400
Température, C
8 41] NATURE DES SOLUTIONS 163
semblable. Les composés non ou peu polaires présentent une bonne
solubilité dans les solvants non ou peu polaires. Ils se dissolvent
moins bien dans les solvants hautement polaires. Ainsi, l’oxyde de
carbone (11) CO, composé peu polaire (moment dipolaire 1 — 0,4 X
X 10-32 C:m), est bien soluble dans le benzène dont les molécules
sont non polaires (u — 0), alors que sa solubilité dans l’eau, composé
à caractère polaire marqué (u = 6,11-107% C-m). est limitée. Le
brome et l’iode sont des corps non polaires (1 = 0), ce qui les rend
mieux solubles dans les solvants non polaires, tels le benzène ou le
sulfure de carbone (u = 0), que dans l’eau. L'eau dissout parfaite-
ment les composés polaires, tels l’ammoniac ou l’éthanol, non seule-
ment parce que leurs molécules présentent une polarité élevée (res-
pectivement 4,94-10-% et 5,66-10-% C:m), mais aussi parce que la
pature des liaisons des constituants de départ est conservée en solu-
tion. Aux liaisons hydrogène qui ont existé entre les molécules de
chaque composant (eau, ammoniac et alcool)
H H
H—0...H | | C.H,—0.-.H
H—N.-.-H—N |
H...0—H | | H...0—C.H,
H H
succèdent les liaisons identiques entre le solvant et le soluté:
H CH;
| |
H—N...H O...H
| | | |
H...0—H H-..0—H
L'eau est un des solvants les plus importants. On sait que la con-
figuration de toute molécule est définie par la disposition spatiale
des noyaux des atomes constitutifs. Les trois noyaux de la molécule
d’eau (un d'oxygène et deux d'hydrogène) forment dans l’espace un
triangle isocèle :
O
p 4 104,579 H
H
Les liaisons forment entre elles un angle de 104,5°. L'oxygène
participe à ces liaisons avec ses deux électrons non appariés des orbi-
tales 2p:
11*
164 PROPRIÉÊTES DES SOLUTIONS | [CH. VI
L'atome d'oxygène possède, dans sa couche de valence, encore
deux doublets électroniques non partagés. Selon la théorie de l'hybri-
dation (p. 97), toutes les orbitales de valence de l’atome d'oxygène
(celles à doublets non partagés comme celles à électrons appariés)
peuvent participer à l’hybridation. De la sorte, l’hybridation englo-
be une orbitale s et trois orbitales p : il se forme quatre orbitales hy-
brides du type sp. Or, comme on le sait, les orbitales sp° sont orientées
vers les sommets d’un tétraëdre:
H
Comme les atomes d'oxygène et d'hydrogène ont des électronéga-
tivités sensiblement différentes, les liaisons O—H sont fortement
polarisées et les deux atomes portent des charges effectives assez éle-
vées : négative pour l’atome d'oxygène et positive pour l’atome d’hy-
drogène. Les liaisons polaires faisant un angle, la molécule entière est
également polaire. Suite à la présence de charges effectives élevées sur
les atomes d'hydrogène et d'oxygène, les molécules d’eau forment en-
tre elles des liaisons hydrogène. Chaque molécule d’eau peut former
deux liaisons hydrogène avec les oxygènes de deux molécules d’eau
voisines. À leur tour, deux autres molécules d’eau peuvent se fixer
sur l’oxygène de la première molécule avec leurs hydrogènes :
o—H
4
Gus a
OH
O0
É N
H
De la sorte, chaque molécule d’eau se trouve attachée par des liai-
sons hydrogène à quatre molécules voisines.
8 41] NATURE DES SOLUTIONS 165
A l’état solide (glace), l’eau présente une structure strictement or-
donnée : son réseau est constitué d'éléments tétraédriques. La forma-
tion d’un tel réseau est liée à l’orientation des liaisons hydrogène.
Lorsque la glace fond, sa charpente tétraédrique se désintègre en frag-
ments isolés. Selon certains avis, ces fragments subsistent dans
l’eau liquide. Malgré l'agitation thermique qui s'accélère avec la tem-
pérature, ces agrégats « résiduels », semblables à des icebergs, demeu-
rent longtemps présents dans l’eau liquide.
Suite au caractère dipolaire de ses molécules, l’eau dissout par-
faitement un grand nombre de composés à liaisons ioniques. L'éner-
gie nécessaire pour détruire le réseau cristallin ionique est compensée
dans une large mesure par l'énergie de formation des liaisons ion-
dipôle (énergie de formation des ions hydratés).
Quantitativement, la solubilité d’un corps est définie par sa
concentration dans la solution saturée: là où un équilibre s’est
établi entre la solution et la substance qui ne s’est pas dissoute.
On caractérise la solubilité limite des corps à l’aide du coefficient
de solubilité qui est le nombre de grammes du corps se dissolvant
dans 100 g d’eau à une température donnée. Le coefficient de solu-
bilité de KCI à 0 °C vaut 27,6. Cela veut dire que sa solution saturée
renferme, à cette température, 27,6-100/(100 + 27,6) = 21,6 % de
sel.
Pour une solution saturée de KCI à 40 °C (elle renferme 28,57 %
de sel dissous), le coefficient de solubilité est déduit de la propor-
tion suivante:
28,57 g de sel dissous dans 71,43 g d'eau
z g de sel dissous dans 100 g d'eau
D'où z=40 g
On appelle saturée la solution qui est en équilibre avec la phase
solide du corps dissous et qui en renferme la plus grande quantité
possible dans les conditions données. Dans une telle solution, les
quantités de molécules qui passent en unité de temps de la phase
solide en solution et de la solution en phase solide, sont les mêmes.
Une solution dont la concentration est inférieure à celle de la
solution saturée, est dite non saturée. Il est possible d'y dissoudre,
dans les mêmes conditions, une quantité supplémentaire de même
corps.
[1 peut y avoir, pour certains corps solides, des solutions sursatu-
rées qui contiennent plus de soluté que ne permet de s'y attendre
la solubilité de ce corps dans les conditions données. Usuellement,
on prépare les solutions sursaturées en refroidissant les solutions
qui ont eté saturées à une température plus élevée. En règle générale,
les solutions sursaturées sont peu stables (systèmes métastables).
En y introduisant de petits cristaux (germes cristallins) de corps
dissous, on assiste à une cristallisation violente avec libération
166 . PROPRIÊTES DES SOLUTIONS [CH. VI
es
de l'excès de soluté. Une solution sursaturée ne peut donc se former
en présence du corps à dissoudre en phase solide. Parfois, la cristal-
lisation peut être amorcée par un corps solide étranger. Voilà pour-
quoi, dans la pratique analytique, on amorce souvent une cristalli-
sation en frottant une baguette en verre contre la paroi du récipient
qui contient une solution sursaturée. Certaines des menues parti-
cules de verre qui résultent du frottement servent de centres de
cristallisation.
Les solutions sursaturées sont souvent le fait de substances à struc-
ture moléculaire complexe. Si le chlorure d’argent en solution sursa-
turée précipite très vite (Ag* et CIl- ont une forme sphérique et
deviennent facilement centres de cristallisation), l’acétate de sodium,
par contre, a tendance à former des solutions sursaturées, car la
basse symétrie de l'ion acétate empêche la formation du germe cris-
tallin.
Les solutions sont dites concentrées si elles renferment beaucoup
de soluté et diluées si elles en renferment peu.
Suivant les solubilités respectives des corps, les concentrations
de leurs solutions saturées peuvent présenter des différences bien
sensibles: parfois ces solutions sont soit très concentrées, soit très
diluées. Ainsi, à 20 “C, le coefficient de solubilité d'AgNO, vaut
215 et celui d AgÏ 3-10-6. La solution saturée du premier sel con-
tient donc 215-100/(100 + 215) = 68 % du soluté, alors que celle
du second sel en renferme 3-10-%-100/(100 + 3-10-9) — 2,9.10-5 %.
$ 42. Concentration des solutions et son expressivn. Expression
de la concentration des solutions sous forme de titre. Sous cette forme,
la concentration montre combien d'unités de masse de soluté con-
tiennent 100 unités de masse de solution. Ainsi, une solution titrant
12 de KOH contient 12 unités de masse de KOH pour 100 unités
de masse de solution. Pour la préparer, il faut prendre 12 unités
de masse de KOH et 88 unités de masse de solvant.
1° Calcul du pourcentage du soluté.
EXEMPLE. On à dissous 50 g de CuSO, -5H,0 dans 450 g d'eau. AU
le pourcentage du cristallohydrate et du sel anhydre.
Réponse. La masse totale de la solution est égale à 500 g. Le taux du cristal-
Johydrate est déduit de la proportion
500 g de solution 100
50 g de soluté z
se
©“ ©
D'où r = 10 %. alors que le taux du sel anhydre CuSO, sera donné par 31,96 X
X 100500 = 6,39 % où 31.96 g est la quantité de CuSO, qui répond à 50 g
de CuSO, -5H,0.
2° Calcul de la masse du soluté ou du solvant d’après la masse
de la solution et sa concentration.
$ 42] CONCENTRATION DES SOLUTIONS 167
EXEMPLE. Combien de grammes de sel et d’eau renferment 800 g d'une
solution titrant 12 % de NaNO. ?
Réponse. La masse du sel dissous constitue 12 % de la masse de la solution:
800-12;/100 = 96 g
et la masse du solvant (88 % de la masse de la solution):
800 -88/100 = 704 g
3° Calcul de la masse de la solution d’une concentration connue
d'après la masse du soluté ou du solvant.
EXEMPLE 1. Combien de grammes de solution à 3 % de MgSO, peut-on
préparer en dissolvant dans l’eau 100 g de MgSO, -7H,0?
Réponse. On écrit la proportion
246 g de MgSO,-7H,0 contiennent 120 g de MgSO,
100 g de MgSO, -7H,0 contiennent zx g de MgSO.
z = 48.7g
Conformément aux données du problème, la masse du sel anhydre est égale
à 3 % de la masse de la solution:
3 % de la masse de la solution = 48,7 g
100 % de la masse de la solution = zg
z = 1023 g
EXEMPLE 2. Combien de grammes de solution à 5 % de KOH peut-on
préparer avec 100 g d'eau?
Réponse. Dans le cas envisagé. 100 g d'eau correspondent à 95 % de la
masse totale de la solution. D'où la masse de la solution:
100.100,95 = 105,2 g
4° Calcul de la masse du soluté ou du solvant à prendre pour pré-
parer la solution d'une concentration déterminée.
EXEMPLE 1. Combien de grammes de HCI doit-on dissoudre dans 250 g
d’eau pour obtenir une solution à 10 % de HCI?
Réponse. 250 g d'eau constituent 90 % de la masse de la solution et la
masse de HCI est égale à 10 % de la masse de la solution, soit
250 10/90 = 27,7 g
EXEMPLE 2. Dans combien d'eau faut-il dissoudre 100 g de MgSO, -7H,0
pour obtenir une solution renfermant 5 % de sel anhydre ?
Réponse. 100 g de MgSO,-7H,0 renferment 48,84 g de MgSO, et 51,16 g
d’eau. Il est donné que 48,84 g de sel constituent 5 % de la masse de la solu-
tion. la masse du solvant étant égale à
48,84 -95/5 — 928 g
11 reste donc de prendre 928—51,2 — 876.8 g d'eau.
On peut trouver d’abord la masse globale de la solution:
48,84-100/5 = 976,8 g
et puis la masse du solvant:
976,8 — 100 = 876,8 g
168 __ PROPRIÊTES DES SOLUTIONS _ [CH. VI
5 9 Calculs par utilisation de la densité des solutions. Le volume
d’une solution est égal à la masse divisée par sa densité.
EXEMPLE 1. Combien de grammes de solution à 10 % de H,SO, faut-il
pour une réaction d'échange avec 100 ml de solution à 13,7 % de Na,CO, (la
densité de cette solution p = 1,145 g/cemÿ)?
Réponse. 100 ml de solution ont une masse de 114,5 g, dont 114,5-0,137 =
= 15,68 g de Na,CO:. L'équation de la réaction
Na,CO3 — H,S0, =— Na,SO, + CO; + H,0
nous permet de trouver la quantité nécessaire de l'acide sulfurique:
15,68 -98,06/106 = 14,5 g
Enfin, on passe à la solution titrant 10 % de H.SO, :
14,5-100/10 = 145 g
EXEMPLE 2. Combien de millilitres de solution à 9.5 % de Na,CO;
(p — 1,10 g/cmÿ) faut-il ajouter à 100 g d'eau pour obtenir une solution à 3 % ?
Réponse. Désignons le volume cherché par r ml. Sa masse est alors égale
à z-1,10 g et la masse de Na,CO; qui y est contenu à x-1,10-0,095 g. Conformé-
ment aux données du problème, la masse du soluté constitue 3 % de la masse
de la solution obtenue (1,10 x + 100):
1,10-0,095 z _
1,140 z—+ 100 me
D'où z= 42 ml.
EXEMPLE 3. Combien de millilitres de solution à 35 % d’ammoniac
(p = 0,94 g/cmÿ) faut-il prendre pour préparer 33 g de (NH,),S0; ?
Réponse. De l’équation de la réaction
2NH; + H,S0, = (NH4)sSO
on déduit la masse de l'ammoniac:
34-33/132 = 8,5 g
puis la masse et le volume de sa solution à 35 % :
8,5-100 … 85100 _..
ps ee “it-Lpg 2,8 nl
EXEMPLE 4. Combien de millilitres de solution à 32,5 % de NH, (p =
—= 0,888 g/cmÿ) doit-on prendre pour préparer du sulfate d’ammonium (NH,),S0O,
avec 250 ml de solution à 27,3 % de H,SO, (p = 1.2 g/cm®)?
Réponse. On trouve la masse de la solution d'acide: 250.1,2 = 300 g.
La solution renferme 300-:0,273 = 81.9 g de H,S0,. On tire de l'équation
2NH; + H,S0, = (NH4)2S0:4
la masse de pie ayant réagi:
34,06-81,9
98,08
A cette quantité d'ammoniac correspondent :
34,06-81,9-100 34,06-81,09-100
98,08-32,5 98,08-32,5-0,888
de solution titrant 32,5 % en ammoniac.
g, soit —=98,6 ml
$ 12] CONCENTRATION DES SOLUTIONS 169
Equivalent et masse équivalente des éléments et des combinaisons.
Comme nous l’avons déjà dit, on appelle masse équivalente la masse:
d'un équivalent (nombre proportionnel) d’un corps (en g/mol ou
kg/mol). On calcule la masse équivalente d’un élément donné en
considérant ses combinaisons avec d’autres éléments, par exemple
chlore, brome ou soufre, de masse équivalente connue.
Les éléments se combinent ou se substituent les uns aux autres
dans les quantités égales ou proportionnelles à leurs équivalents.
La valeur de l'équivalent d’un élément combiné peut varier en fonc-
tion de la nature de la transformation qu’il subit en se combinant
chimiauement. Ainsi, lorsque H,S se forme à partir de ses éléments
(H, + S = HS), la masse équivalente du soufre est égale à 16 g/mol,
son équivalent valant 1/2 de mole; par contre, lors de la formation
de SO, (S + O. = SO.) sa masse équivalente est égale à 8 g/mol
et l'équivalent à 1/4 de mole. Pour juger de l'équivalent et de la
masse équivalente d’un élément, il faut, évidemment, partir d'une
combinaison quelconque de cet élément. D'où la règle:
La masse équivalente d’un élément est égale à la masse molai-
re des atomes de cet élément, divisée par sa valence dans la com-
binaison chimique considérée.
EXEMPLE 1. 0,304 g de A US ont déplacé 0,0252 g d hydrogène.
Calculer la masse équivalente E magnésium.
Réponse. Les masses des éléments combinés étant proportionnelles à leurs
masses équivalentes, on peut établir la proportion
0,304 g de Mg ont déplacé 0,0252 g de H
E g/mol de Mg correspondent à 1 g’mol de H
D'où E = 12,06 g/mol.
EXEMPLE 2. Trois combinaisons oxygénées du chrome renferment respec-
tivement 48; 31, 58 et 23. 53 % d'oxygène. Déterminer les masses équivalentes
E du chrome pour one de ces combinaisons si la masse équivalente de l’oxy-
gène est égale à 8 g/mol.
Réponse. Dans la première combinaison
48 g d'oxygène sont combinés à 52 g de chrome
8 g/mol d'oxygène correspondent à E, g'mol de chrome
D'où E, = 8.67 g/mol.
On tire des proportions analogues pour la deuxième et la troisième com-
binaison :
__ 68,42-8 __ 76,478 _,
Este 17,38 g/mol Es= 55 53 - =26,0 g/mol
Les masses équivalentes du chrome dans ses oxydes sont entre elles comme
les nombres 8,67: 17,38: 26 = 1: 2: 3, ce qui montre l'existence d'une corré-
oe entre la loi des nombres proportionnels et celle des proportions multi-
ples.
L’équivalent d'un acide est la quantité de cet acide qui renferme
un équivalent d'hydrogène pouvant être substitué par un métal.
470 . PROPRIÉÊTÉES DES SOLUTIONS (CH. VI
CPE mom emmgmmme
EXEMPLE. On a déplacé 0,0403 g d'hydrogène de 1,8 g d'acide. Trouver
l'équivalent de l'acide.
Réponse. On déduit l'équivalent de l'acide de la proportion
0.043 g d'hydrogène tirés de 1,8 g d'acide
1,008 g d'hydrogène tirés de x g d'acide
D'où r = 45 g.
Les équivalents des acides HCI, HNO,, CH,COOH sont numéri-
quement égaux à leurs masses molaires (respectivement 36,46;
63,01 et 60,03 g), car ils renferment chacun une mole d’atomes
d'hydrogène remplaçable par un métal. L’équivalent d'un acide
peut donc être calculé en divisant sa masse molaire par sa basicité.
L'équivalent d'une Lase est sa quantité qui réagit avec un équiva-
lent d'acide. L'équivalent de NaOH est numériquement égal à sa
masse molaire (40 g), alors que les équivalents de Ca(OH), et
d'AI(OH), valent respectivement 1/2 et 1/3 de leurs masses molaires
(37 et 26 g). Ainsi, l'équivalent d’une base peut être trouvé en
divisant sa masse molaire par la valence du métal ou, ce qui revient
au méme, par l'acidité de la base.
Pour la même raison, l'équivalent d'un sel est trouvé en tant que
le résultat de la division de sa masse molaire par le produit du
nombre des ions métalliques par la valence du métal. Ainsi, les
équivalents des sels NaCI, KNO, sont les mêmes que leurs masses
molaires. tandis que pour MgSO,, AICI;, AI,(S0,); les équivalents
correspondent respectivement à 1/2, 1/3 et 1/6 de leurs masses
molaires.
Les équivalents des composés chimiques peuvent aussi avoir
des valeurs variables. Dans ces cas, la valeur de l'équivalent du
composé chimique est déterminée par le caractère de sa transforma-
tion, ce qui peut étre illustré par quelques exemples de formation
et de comportement de sels acides et basiques. Ainsi, les équivalents
de H,S0,. KHSO,, Cu(OH), et Cu(OH)CI valent 1/2 de leurs moles
respectives dans les réactions
H,S0, + 2KOH = K,S0, + 2H,0
KHSO, + BaCL. = BaSO, + KCI + HCI
Cu(OH). + 2HCI = CuCl, + 2H,0
Cu(OH)Ci + H,S = CuS + HCI + H.0
Dans les réactions
H.SO, + KOH — KHSO, + H.0
, KHSO, + KOH = K,S0, + H.0
Cu(OH). + HCI = Cu(OH)CI + H,0
Cu(OH)CI + HCI = CuCl, + H,0
les valeurs des équivalents de ces mêmes composés coïncident avec
leurs masses molaires.
]
$ 42] CONCENTRATION DES SOLUTIONS 171
Expression de la concentration des solutions en unités de normalité
et de molarité. Conversion réciproque des différentes unités relatires
à la concentration. On appelle molarité d'une solution le nombre de
moles de soluté que contient 1 litre de cette solution. Lorsqu'un
litre de solution renferme une mole de soluté, une telle solution est
dite molaire. Les solutions qui contiennent dans 1 litre des fractions
de mole (0,1; 0,2; 0,01; 0,001) sont respectivement décimolaire
(0,1 M), didécimolaire (0,2 M), centimolaire (0,01 M), millimolaire
(0,001 M), et ainsi de suite. Les solutions dont le litre renferme
1, 3, 4, ... moles de soluté, sont dimolaire (2 M), trimolaire
(3 M), tétramolaire (4 M), etc.
Le nombre d'équivalents-grammes de soluté par litre de solution
exprime la concentration équivalente (la normalité) d'une solution.
Un corps qui possède une bonne solubilité et un petit équivalent
peut donner des solutions de concentration équivalente élevée.
On appelle normale une solution dont 1 litre renferme 1 équiva-
lent-gramme de soluté. Les solutions contenant dans un litre des
fractions d'équivalent, par exemple, 0,1; 0,2; 0,02; 0,001, sont
dites respectivement décinormale (0,1 N), didécinormale (0.2 N),
dicentinormale (0,02 N), millinormale (0,001 N) et celles qui contien-
nent 2, 3, 4 et plus d'équivalents sont respectivement dinormale,
trinormale, tétranormale, etc.
En passant de la concentration molaire à la concentration équi-
valente et vice versa, il faut tenir compte du nombre d'équivalents
faisant partie d'une mole de corps concerné. Dans le cas des solutions
des composés du type HCI, HNO,, KOH et autres, pour lesquels
l'équivalent coïncide avec 1 mole, la molarité et la normalité des
solutions se trouvent confondues.
Chez les composés du type CaCl,, H,S0,, Ba(OH)., l'équivalent
vaut 0,5 mole. Les solutions normales de ces corps sont donc 0,5 M
et leurs solutions molaires sont dinormales. Une solution 7,59 M de
H,PO, est 22,5 Net la solution 1,2 N d'Al,($0,), est en même temps
une Solution 0,2 M.
Lorsqu'on passe des concentrations exprimées en pourcentage
aux concentrations équivalentes et molaires, on a à tenir compte de
la densité des solutions.
EX EMPLE 1. Déterminer les concentrations molaire et équivalente d'une
solution à 49% de H,PO,4 (p = 1.33 g'cm*).
Réponse. La masse d'un litre de solution est égale à 1330 g et renferme
1330 -0,49 = 651,7 g de H,PO,, soit
1330 -0,49;/98 = 6,65 mol
I] s’agit donc d'une solution 6,65 M. Pour passer à la concentration équiva-
lente. il faut tenir compte du fait que la solution molaire de H,PO, correspond
à sa solution trinormale. La normalité de la solution 6.65 M de H,PO, vaut
donc 19,95 N (6,65-3).
472 + PROPRIÉÊTES DES SOLUTIONS ; [CH. VI
EXEMPLE 2. Calculer le pourcentage de H,S0, dans sa solution 5 M
(p = 1,29 g/cmÿ).
Réponse. 1 litre de solution a une masse de 1290 g et renferme 98.08-5 —
= 490,4 g de H,S0,. Par conséquent. la solution contient :
490,4 100/1290 = 38 % de H,S0,
L'emploi des concentrations équivalentes simplifie considérable-
ment les calculs. On sait que les corps se combinent dans des quan-
tités proportionnelles à leurs équivalents. Cela veut dire, par exem-
ple, que 1 équivalent de BaClI, fait précipiter. d’une solution d’acide
sulfurique, 1 équivalent de BaSO, en laissant en solution 1 équiva-
lent de HCI. En réagissant avec une solution d'AgNO,, 1 équivalent
de BaCL, fait précipiter 1 équivalent d’'AgCl laissant à l’état dissous
un équivalent de Ba(NO:).. Les solutions de même normalité ren-
fermant le même nombre d'équivalents, leurs volumes réagissent
dans le rapport 1: 1.
C'est ainsi qu’un litre de solution normale de H,S0, doit étre
additionné d’un litre de solution normale de BaCl, si l’on veut que
BaSO, précipite complètement. On obtient le même résultat en
ajoutant 0,5 1 de solution 2 N ou 0,25 1 de solution 4 N de BaCI,,
et ainsi de suite. Si l’on emploie des solutions plus diluées, la préci-
pitation de 1 équivalent de BaSO, demandera 2 1 de solution 0,5 N,
4 ] de solution 0,25 N ou 10 1 de solution 0,1 N de BaCI..
Le produit de la normalité d’une solution par son volume en
litres fournit le nombre total d'équivalents contenu dans ce volume
de la solution. En désignant les normalités de deux solutions en
réaction par V, et V. et leurs volumes par V, et V,, on trouve que
NiVi=WiaVa, soit =
c'est-à-dire que les volumes de deux solutions en réaction sont inverse-
ment proportionnels à leurs concentrations équivalentes.
Le fait que l’emploi des concentrations équivalentes simplifie
les calculs est illustré par les exemples suivants.
EXEMPLE 1. Combien de grammes de Na,CO, peut-on décomposer par
l'action de 100 ml de solution 4 N de HCI?
Résolution détaillée.
19 Calcul de la masse de HCI contenue dans 100 ml de solution 4 N:
1000 ml de solution 4 N renferment 36,46-4 g de HCI
100 af de solution 4 N renferment z g de HCI
— 36,46.4.0,1 g
29 Calcul de la masse du carbonate de sodium décomposé. En partant de
l'équation de la réaction
Na,CO, + 2HCI = 2NaCl + H,0 + CO,
$ 42] CONCENTRATION DES SOLUTIONS 173
on trouve:
Décomposition de Fi de Na,CO, due à 36.46 -2 g de HCI
Décomposition de y g de Na,CO; due à 36,46 -0,4 g de HCI
y=212g
Résolution simplifiée. 100 ml de solution 4 N de HCI contiennent 0,4 équi-
valent de HCI. Pour réagir avec cette que de HCI, il faut la mème quantité
de Na,CO; (en équivalents). 1 équivalent de Na,CO, vaut 0,5 mol, soit 53 g,
alors 0,4 equivalent est égal à 53-0,4 = 21,2 g de Na,CO:.
EXEMPLE 2. Combien de litres de solution 0,1 N d'AgNO, faut-il pour
effectuer une réaction d'échange avec 0,5 1 de solution 0.3 N d’AICI, ?
Résolution détaillée.
19 Calcul de la masse d’AICI, en solution : 0,5 1 de solution 0,3 N renferme:
133,3-0,5-0,3/3 g
20 Calcul de la masse d'AgNO, à l’aide de l'équation de la réaction
3AgNO; + AIÏCI, = 3AgCl4 + AI(NO:)s
133,3 g d’AICIL, réagissent avec 170-3 g d'AgNO;
ESS g d’AICI; réagissent avec z g d'AgNO:s
z = 110-0,5-0.3 g
39 Calcul du volume d'une solution 0,1 N d'AgNO;:
1 1 de solution 0,1 N contient 170.0,1 g d'AgNOs
y l de solution 0,1 N contiennent 170-0,5-0,3 g d'AgNOs
y = 1,51
Résolution simplifiée. On dénombre dans 0,5 1 de solution 0.3 N d'AÏCI,
0,5-0.3 — 0,15 équivalent d’AICI,. Pour réagir avec cette quantité d’AlCI;,
on a besoin de la même quantite d'AgNO, (en équivalents), soit 0,15. Un litre
de solution d'AgNO, renferme 0,1 équivalent et 1,5 1 0,15 équivalent. On abou-
tit} au même résultat en utilisant la formule
V'agNOs _ N kicia — " 0,5-0,3 :
DE CRIE TER soit V'AgNOs = 01 =1,9 l
A!Cls AgNO: ’
En mélangeant des solutions à concentrations équivalentes
différentes, on obtient une solution dont la concentration est définie
par le nombre total d'équivalents dans 1 1 de solution. Ainsi, si l'on
mélange 5 1 de solution 4 N de HNO, et 2 1 de solution 0,5 N, le
volume total s'élévera à 7 1 et le nombre total d'équivalents à 5-4 +
+ 2.0,5 = 21. La solution résultante sera donc trinormale.
Strictement parlant, le volume de la solution résultant de la
dilution d’une solution concentrée avec une solution moins concen-
trée ou de l’eau n'est pas égal à la somme des volumes concernés,
mais, lors d’un calcul approché, on peut négliger la variation du
volume total après mélange.
Certains des problèmes semblables, relatifs au mélange de solu-
tions, sont aisés à résoudre à l’aide d’une équation à une inconnue.
174 . PROPRIÊTÉS DES SOLUTIONS ; [CH. VI
EXEMPLE. Combien de litres de solution 6 N de NaOH doit-on ajouter
à 4,5 de solution 0.8 N de KOH pour que la solution mélangée soit dinormale ?
Réponse... 4,5 1 de solution 0.8 N renferment 4.5-0,8 = 3.6 équivalents de
K OH. Si l’on y ajoute r 1 de solution 6 N de NaOH.,. le nombre total d'équiva-
lents égalera 3.6 + 67. le volume total étant égal à 4.5 + r (en 1). Comme il
découle des données du problème, chaque litre de la solution mélangée doit
comporter 2 équivalents. soit
GER
4,5 x
= 2
D'où r — 1.35 1].
Equivalents et normalité des solutions des orydants et des réducteurs.
Comme nous l'avons déjà dit, les équivalents des éléments et de
leurs combinaisons sont fonction du caractère des réactions chimi-
ques auxquelles ils participent. Un même élément ou une même
combinaison peuvent présenter une valeur variable de leur équiva-
lent suivant le type de la réaction. Cela est vrai, notamment, pour
les corps qui interviennent dans les réactions d'oxydoréduction.
Ainsi, HI est oxydé en iode élémentaire par des sels de fer (111)
suivant la réaction
2HI + 2FeCl, = I, + 2FeCl, + 2HCI
21- — 2e = 1],
Dans cette réaction, l'équivalent du réducteur HI est égal à sa
masse molaire, car l’ion négatif Î- perd un électron en se transfor-
mant en iode élémentaire.
Si l’on ajoute un excès d’eau chlorée à une solution aqueuse de
HI, la réaction conduira à la formation d'acide iodique suivant
l'équation
HI + 3CIl, + 3H,0 = HIO, + 6HCI
1- + 3H.0 — 6e = 103 + 6H*
Dans ce cas, l'équivalent de HI vaut 1/6 de sa masse molaire.
L’équivalent d'un oxydant (d'un réducteur) est égal à sa masse
molaire divisée par le nombre d'électrons qu'une molécule d'oxydant
(de réducteur) gagne (perd) au cours de la réaction d'orydoréduction
considérée.
EXEMPLE 1. Calculer l'équivalent de FeCl, réducteur.
Réponse. Vu que l'ion Fe°* perd un électron au cours de l'oxydation en se
transformant en ion Fe’*, l'équivalent de FeCl, est égal à la masse molaire du
sel, soit 126.8 g'mol.
EXEMPLE 2. Quelle fraction d'équivalent vaut 0.971 g de K,CrO, oxy-
dant ?
Réponse. En agissant comme oxydant. K.CrO, fixe trois électrons et se
transforme en un composé comportant un ion Cr°*. L'équivalent de K,CrO,
est égal à M3, soit 194.23 g. et 0,971 g vaut 0,971 -3/194.2 — 0.015 équivalent.
EXEMPLE 3. Combien de grammes de FeSO, peut-on oxyder en présence
de H,SO, à l'aide de 100 ml de solution 0,25 N de K.CrO, ?
$ 43] DIFFUSION ET OSMOSE. PRESSION OSMOTIQUE 199
… Réponse. 100 ml de solution 0,25 N de K,CrO, renferment 0.025 équivalent
d'oxydant qui peut oxyder 0.025 équivalent de réducteur. Comme l'équivalent
du réducteur FeSO, est égal à sa masse molaire (Fe°* — e — Fe3*), soit 151,9,
la masse cherchée égalera 151.9-25/1000 — 3,8 g.
La concentration équivalente (la normalité) d'une solution d’oxy-
dant ou de réducteur est également donnée par le nombre d'équiva-
lents que contient 1 litre de solution.
$ 43. Diffusion et osmose. Pression osmotique des solutions. Cer-
taines propriétés des solutions diluées des non-électrolytes se prètent
à une description quantitative et peuvent
être exprimées sous forme de lois.
Soit une solution concentrée d’un corps
quelconque, placée dans un récipient cy-
lindrique. Versons par-dessus, en prenant
toutes les précautions pour éviter le mé-
lange, une couche de solution plus diluée
ou de solvant. Après un certain temps,
la concentration en corps dissous devien-
dra la même en tout point de la solution.
Cette égalisation progressive de la concen-
tration est due à la tendance des particu-
les des deux constituants de la solution —
solvant et soluté — à se répartir unifor-
mément dans tout le volume de la solution.
Vu la tendance générale à accroître le
désordre, ces particules se déplacent en
direction des concentrations plus faibles.
Les particules du soluté se placent parmi
les particules du solvant et celles du sol- Le
vant parmi celles du soluté. Ce phénomè- Fig. #5. Osmomètre élémen-
ne, dü à l'agitation thermique des molé- ,_ uen . —
° . ° — CC, = — Imem-
cules, est appelé diffusion. branc semi-perméable ; 3 — cau
Considérons maintenant un cas parti-
culier de la diffusion, lorsque la solution et le solvant ou bien deux
solutions de concentrations différentes sont séparés par une cloison
perméable aux molécules du solvant et imperméable aux molécules
du corps dissous: c'est ce qu’on appelle membrane semi-perméable.
On l'utilise dans l'appareil appelé osmomètre.
L'osmomètre élémentaire (fig. 45) est constitué par un tube en
verre (il vaut mieux qu'il soit gradué) dont le bout élargi est fermé
avec une membrane semi-perméable (un tissu animal ou bien de la
cellophane, film macromoléculaire spécialement traité). On verse
dans le tube une solution quelconque, du sucre dans l’eau par exemple.
Après avoir noté le niveau du liquide dans le tube, on le plonge dans
NS
476 .. . PROPRIÊTES DES SOLUTIONS [CH. VI
U
le solvant (eau dans ce cas particulier) de façon à faire coïncider
les niveaux des deux liquides. Au bout d’un temps, le liquide dans
le tube se met à monter pour atteindre une certaine hauteur (h).
Cette montée du liquide dans le tube est provoquée par l’osmose.
L'osmose est une diffusion unilatérale à travers une membrane
semi-perméable. Comme on peut le voir sur la figure 46, les molé-
cules d’eau qui passent par unité de temps du solvant vers la solu-
tion sont plus nombreuses que celles qui suivent le trajet inverse.
Fig. 46. Pénétration des molécules d'eau à travers une membrane semi-
perméable :
1 — molécules d'eau; 2 — molécules de sucre ;: 3 — membrane
Dans le solvant, la concentration en ses propres molécules est plus
élevée que dans la solution qui renferme, en plus du solvant, les
molécules du corps dissous. Le déplacement des molécules de solvant
vers la solution (de l'endroit où leur concentration est plus élevée
vers l'endroit où elle l’est moins) est donc dû à la tendance à aug-
menter le désordre. De plus, il ne faut pas oublier que les molécules
de solvant sont retenues dans la solution par les forces de solvatation
qui les attachent aux particules du corps dissous et qui sont sûre-
ment plus puissantes que les forces d'interaction entre les particules
du solvant.
L'osmose rend la solution plus diluée, mais sa concentration en
molécules de solvant reste néanmoins inférieure à celle du solvant
même. Pourtant, la pression hydrostatique supplémentaire exercée
sur les molécules du solvant dans le récipient intérieur (elle est due
à la différence de niveaux entre les récipients, désignée par h) rend
égale la vitesse de pénétration à travers une membrane semi-per-
méable dans les deux sens.
Lorsque le liquide dans le tube a cessé de monter, cela veut dire
que le système est parvenu à l’état d'équilibre: désormais le même
nombre de molécules traversent la membrane dans les deux sens
opposés (du solvant vers la solution et de la solution vers le sol-
vant). Plus la concentration en corps dissous est élevée, plus les
molécules de solvant/ont tendance à diluer la solution en pénétrant
à travers la membrane et la hauteur de la colonne de liquide néces-
saire pour arrêter l’osmose est d'autant plus importante.
$ 43] DIFFUSION ET OSMOSE. PRESSION OSMOTIQUE 174
Ainsi, en présence d'une membrane séparatrice, l'équilibre entre
la solution et le solvant n’est possible que lorsqu'une certaine pres-
sion supplémentaire, dite pression osmotique, est appliquée à la
membrane du côté de la solution. Soulignons que la pression osmoti-
que n'apparaît que dans un système constitué de solvant, de solu-
tion et d'une membrane semi-perméable.
H existe une multitude de membranes semi-perméables naturelles
d'origine animale ou végétale: membranes cellulaires, parois des
vaisseaux sanguins, du tube digestif, des hématies... L'osmose est
donc d'une importance capitale pour les phénomènes biologiques:
elle règle les processus d’absorption et de sécrétion, d'alimentation
radiculaire, etc.
En pratique, on utilise habituellement des membranes semi-per-
méables artificielles, dont la meilleure est un sel de composition
Cu.{Fe(CN),l. On le prépare suivant la réaction
K{Fe(CN)el + 2CuSO, = Cu,[Fe(CN)el} + 2K,S0,
conduite dans les pores d’un récipient en porcelaine non cuite qui
sert de charpente ou support. Pour mesurer la pression osmotique,
ce récipient est rempli de solution à tester, raccordé à un manomètre
et plongé dans un autre récipient rempli d’eau.
La détermination de la pression osmotique des solutions en fonc-
tion de la variation de concentration et de température a permis de
constater que, bien qu'il y ait des différences notables entre la
pression osmotique et la pression gazeuse, l'aspect quantitatif de
ces deux phénomènes présente une certaine analogie et toutes les
lois relatives à la pression gazeuse se trouvent applicables à la pres-
sion osmotique.
Par analogie avec la pression gazeuse, la pression osmotique
d’une solution diluée est proportionnelle à la concentration de la
solution: en d'autres termes, elle monte lorsque la concentration
en’corps dissous croit et elle baisse lorsque cette concentration dimi-
nue. Vu que la concentration est inversement proportionnelle au
volume, la pression osmotique obéit à la loi de Boyle-Mariotte.
De même que la pression gazeuse, la pression osmotique aug-
mente avec la température : elle est proportionnelle à la température
absolue de la solution (loi de Gay-Lussac).
Si l’on compare les pressions osmotiques de deux solutions de
non<lectrolytes de même molarité, on les trouvera égales lorsque
la température est la même. Les solutions caractérisées par une
pression osmotique identique sont dites isotoniques. Inversement,
lorsque les solutions de deux ou plusieurs corps sont isotoniques,
on peut affirmer que leurs concentrations molaires sont identiques.
Ainsi, la loi d’Avogadro est également applicable à la pression osmo-
tique des solutions.
12—01151
1478 - PROPRIÊTES DES SOLUTIONS à [CH. VI
L'analogie quantitative entre la pression gazeuse et la pression
osmotique a trouvé son expression la plus complète dans la loi de
Van't Hoff:
La pression osmotique d’une solution diluée est numérique-
ment égale à la pression qu’exercerait une quantité donnée de
corps dissous, occupant sous forme de gaz, à température donnée,
un volume égal au volume de la solution.
La pression osmotique étant décrite par une loi relative aux
gaz, on peut étendre à son calcul l'équation d'état des gaz parfaits
PV = RT, après l'avoir légèrement modifiée. Dans cette équation,
V est le volume de la solution qui renferme 1 mole de corps dissous.
Par conséquent, la concentration molaire de la solution C vaut 1/V.
Alors l'expression qui sert à calculer la pression osmotique prend
la forme :
LP oui = CRT
En remplaçant C par le rapport m/M où m est la masse du soluté
dans 1 litre de solution et 4/7 est la masse molaire du soluté. on a:
m
Porn = RE RAT
Dans l'organisme des mammifères et de l'homme. la pression osmotique
vaut environ U,8 MPa, chez les poissons à squelette osseux entre 1 et 1.5 MPa,
chez les plantes des prés entre 0.5 et 1,0 MPa et chez les halophytes entre 6,0
et 8.0 MPa.
A l'époque où les Egyptiens construisaient leurs pyramides, il n'existait
pas encore de matières explosives. Les Egyptiens <e servirent donc. sans le
savoir, du phénomène d'osmose. On pratiquait dans la roche une ouverture où
l'on enfonçait un coin en bois. Arrosé d'eau, ce coin gonflait peu à peu et fina-
lement écartait les parois rocheuses. Le gonflement du coin était dü à la péné-
tration osmotique de l’eau dans les cellules des tissus ligneux.
$ 44. Diminution de la tension de vapeur des solutions. Loi de
Raoult. Au-dessus de tout liquide (solvant ou solution), il existe
une certaine pression due à la vapeur qui sature l’espace environ-
nant. Cette pression caractérise l'état d'équilibre entre la phase
liquide et les molécules de solvant qui se trouvent au-dessus. Nous
ne considérons dans ce cas que les solutions de corps non fugitifs
dont la tension de vapeur est déterminée par une certaine concentra-
tion des molécules de solvant, la concentration en molécules de
corps dissous étant pratiquement nulle ou, en tout cas, négligeable.
La tension de vapeur de ces solutions est inférieure à la tension
de vapeur du solvant à la même température. Cette diminution
de la tension de vapeur est due au fait que la surface de la solution,
à la différence de celle du solvant, est partiellement occupée par
les molécules du corps dissous non volatil. Cela provoque une dimi-
nution du nombre de moléctüles de solvant évaporées par unité de
$ 44] DIMINUTION DE LA TENSION DE VAPEUR DES SOLUTIONS 179
temps, alors que le nombre des molécules qui quittent la phase
gazeuse pour se déposer à la surface de la solution demeure inchangé.
car la surface totale de la solution reste la même.
En plus de cela, il faut tenir compte des forces de solvatation qui
agissent entre les molécules du solvant et du corps dissous. Ces
forces sont supérieures à celles qui assurent la cohésion intermolécu-
Jaire dans le solvant, d'où une moindre tendance des molécules
du solvant à passer à l’état gazeux.
Ainsi, l’addition à un solvant de tout corps non volatil soluble
dans ce solvant et qui forme effectivement une solution, provoque la
rupture de l'équilibre entre le solvant et sa vapeur saturée en con-
duisant à un nouvel équilibre où la tension de vapeur de la solution
sera quelque peu inférieure à la tension de vapeur du solvant à la
même température.
Si l’on désigne par p, la tension de vapeur du solvant et par p la
tension de vapeur de la solution, la différence p, — p — Ap corres-
pond à la diminution de la tension de vapeur. En rapportant cette
différence à la tension de vapeur du solvant, on obtient ce qu'on
appelle abaissement relatif de la tension de vapeur du solvant:
Po — P ayd
ou
Po Po
Selon la loi de Raoult, l’abaissement relatif de la tension de
vapeur du solvant est égal au rapport du nombre de moles r du
corps dissous au nombre total de moles V + n dans la solution
(soluté + solvant):
Lo DE N—+n Pu N+n
Le rapport n/(N + n) est appelé fraction molaire du soluté,
d'où une autre formulation de la loi de Raoult:
L’abaissement relatif de la tension de la vapeur saturée du sol-
vant au-dessus de la solution est égal à la fraction molaire du
corps dissous.
En partant des dns ci-dessus, on peut calculer:
P=Po x + et Ap= Po
Parallélement à l’abaissement de la tension de vapeur, on voit
varier la température d’ébullition et le point de congélation: la
solution bout plus haut et se congèle plus bas que le solvant corres-
pondant.
On sait que la tension de vapeur d'un liquide en ébullition de-
vient égale à la pression extérieure. La tension de vapeur de la solu-
tion est plus basse que celle du solvant pur: c'est, probablement,
pour cette raison que la solution doit être portée à une température
12*
180 . PROPRIÊTES DES SOLUTIONS | (CH. VI
plus élevée afin que sa tension de vapeur atteigne le niveau de la pres-
sion extérieure et que la solution puisse bouillir.
Le diagramme de la figure 47 présente la corrélation entre les
grandeurs mentionnées pour le cas de l’eau et des solutions aqueuses.
Le point À du diagramme répond à la tension de vapeur de l’eau et
de la glace à O C, la courbe 4B à la variation de la tension de vapeur
P, MPa
O,1F
At
cong t, C
Fig. 47. Pression de la vapeur au-dessus de l'eau pure et au-dessus d'une so-
lution en fonction de la température
de l’eau entre 0 et 100 °C, le segment AC à la variation de la tension
de vapeur de la glace, lorsque la température baisse au-dessous de
zéro. et la courbe A,B, à la variation de la tension de vapeur d'une
solution aqueuse entre la température de congélation et la températu-
re d’ébullition. À chaque température donnée, la tension de vapeur
de la solution s'avère inférieure à la tension de vapeur du solvant,
voilà pourquoi tous les points de la courbe 4,B, sont situés plus bas
que les points correspondants de la courbe 48.
Le diagramme met en évidence le fait que la tension de vapeur
de la solution à 100 °C reste inférieure à la pression atmosphérique
extérieure (point D) *. La solution ne bout pas à cette température.
La tension de vapeur n'’atteint la valeur de la pression atmosphérique
qu’au point B,, c’est-à-dire à une température plus élevée (100 +
+ Atsr) °C qui est la température d'ébullition de la solution. Le
diagramme montre également que des cristaux de glace n'apparai-
tront dans la solution que lorsque cette dernière aura été refroidie
jusqu’à une certaine température inférieure au point de congélation
* Cette différence est moins importante que celle montrée sur la figure. Afin
de mieux mettre en évidence l'existence de cet écart, on n'a pas respecté les pro-
portions.
$ 44] DIMINUTION DE LA TENSION DE VAPEUR DES SOLUTIONS 181
de l’eau (At4ong). Alors la solution et la glace auront la même tension
de vapeur et pourront donc coexister en équilibre (point 4,). Ainsi,
les limites de l’état liquide de la solution s'étendent, par rapport
au solvant, d'un nombre de degrés égal à la somme de l’accroisse-
ment de la température d'ébullition de la solution At;:4 et de l’abais-
sement de sa température de congélation Afcong-
Les valeurs des grandeurs After et Afoong Sont proportionnelles
à la molalité * de la solution. Les solutions molales de différents
corps (non-électrolytes) présentent une valeur de l'accroissement de
la température d’ébullition et une valeur de l’abaissement de la
température de congélation caractéristiques de chaque solvant donné.
La première grandeur est dite constante ébullioscopique du solvant
Er et la seconde, constante cryoscopique du solvant E ong-
On détermine les deux constantes (Tableau 14) en partant des
données expérimentales relatives à Afer et Afcong Pour les solutions
Tableau 14
Caractéristiques relatives à l’ébullition et la congélation
de quelques solvants
fcong: °C Econg- °C/mol
Eau
Benzene
Acide acétique
Acétone
Ethanol
Naphtalène
d'une molalité connue d’avance. Inversement, connaissant les cons-
tantes ébullioscopique et cryoscopique du solvant et la molalité de
la solution, on peut calculer ses Atong et Ater. Ainsi, lorsqu'on dis-
sout g grammes d'un non-électrolyte S de masse molaire M g dans À
grammes d'un solvant, il est possible de déduire la molalité de la
solution obtenue m£$ de la proportion
g/M moles dans À g de solvant
ms moles dans 1000 g de solvant
CDS — g- 1000
d'où Ms= Fr
Comme les grandeurs Atep et Atcong Sont proportionnelles à la molalité
: + 1000 g- 1000
te = Ea = MA
et Atcong — E eong
* Molalité: nombre de moles de corps dissous dans 1000 g de solvant.
182 . PROPRIÊTES DES SOLUTIONS , (CH. VI
Il découle de ces expressions que, en conformité avec le sens phy-
sique des constantes ébullioscopique et cryoscopique, At = Eeb
et Atcons = Econg lorsque g = M et À — 1000 grammes.
Il existe une certaine corrélation entre les propriétés envisagées
des solutions : elles sont toutes proportionnelles au nombre de moles
de corps dissous par unité de volume de la solution ou par unité
de masse du solvant. Les lois de Van’t Hoff et de Raoult ne se véri-
fient que pour les solutions diluées, dans lesquelles la proportion
des molécules de solvant fixées sous forme de solvates est suffisam-
ment faible: on peut considérer que les propriétés de ces solutions
dépendent bien peu de la nature du corps dissous. Lorsque la con-
centration est plus élevée, la part des molécules de solvant partici-
pant à la solvatation augmente et celle des molécules de solvant qui
n'y interviennent pas, diminue. Les propriétés des solutions con-
centrées commencent à dépendre des propriétés chimiques du corps
dissous.
Les lois de Van't Hoff et de Raoult permettent de déterminer
les masses molaires des corps dissous à partir d’une seule ou de quel-
ques-unes des quatre propriétés mentionnées de leurs solutions diluées.
La méthode basée sur la mesure de la pression osmotique de la
solution d’une concentration déterminée, fut largement utilisée à
l’époque où l'étude des solutions diluées ne faisait que commencer.
Aujourd hui, on s'en sert, de préférence, lorsqu'il s’agit de détermi-
ner la masse molaire d'un polymère.
La méthode qui part de l’abaissement de la tension de vapeur de
la solution présente l'avantage de permettre la détermination de la
masse molaire du corps dissous dans un large intervalle de tempéra-
tures : entre le point de congélation et le point d’ébullition de la
solution. Pourtant, une telle détermination s'avère moins précise.
Grâce à sa simplicité, on utilise le plus souvent la méthode cryos-
copique qui consiste à déterminer expérimentalement l’'abaissement
de la température de congélation de la solution à l’aide d’un thermo-
mètre approprié qui permet de mesurer la température à 0,01-0,005 °C
près. La méthode cryoscopique n’est inapplicable que lorsque la
solubilité du non-électrolyte testé est trop faible à la température de
congélation de la solution.
La méthode ébullioscopique, basée sur la mesure de l'accroisse-
ment de la température d’ébullition de la solution, est d'un emploi
moins fréquent. Elle est moins précise, car la température d'ébulli-
tion subit une forte influence des variations de pression atmosphéri-
que. De plus, les constantes ébullioscopiques de nombreux solvants
sont inférieures à leurs constantes cryoscopiques (v. Tableau 14).
Ainsi, pour l’eau, la constante ébullioscopique vaut moins d'un
tiers de la crroscopique et les valeurs expérimentales proportionnelles
à ces constantes sont donc d’autant moins élevées, ce qui explique
une erreur relative plus importante.
CHAPITRE VII
SOLUTIONS ÉLECTROLYTIQUES
$ 45. Traits caractéristiques des solutions électrolytiques. C'est
Faraday qui introduisit, dans la première moitié du XIX®° s., la
notion d’électrolytes et non-électrolytes. Il baptisa électrolytes les
corps dont les solutions possèdent une conductivité électrique, et
non-électrolytes les corps dont les solutions ne conduisent pas le
courant électrique. Les sels, les acides et les bases, fondus ou dis-
sous, sont des électrolytes. Comme nous l'avons montré au Chapi-
tre VI, les propriétés des solutions diluées de non-électrolytes varient
proportionnellement à la molalité de la solution. Un même nombre
de moles de tout non-électrolyte, dissous dans une même quantité
d'un solvant, provoque toujours le même accroissement (abaisse-
ment) de sa température d’ébullition (de congélation). Ainsi, si l’on
dissout une mole de saccharose dans 1000 g d’eau, le point de congé-
lation de cette solution monomolale vaudra —1,86 °C. La solution
monomolale de tout autre non-électrolyte (alcool par exemple)
présentera la même valeur de l'abaissement de la température de
congélation.
Les lois de Raoult et de Van't Hoff retrouvaient parfaitement
les résultats expérimentaux, tant qu'on n'étudia que les solutions
aqueuses de substances organiques, ainsi que des solutions non aqueu-
ses (dans l’éther, le benzène. etc.), mais ces lois se trouvèrent inappli-
cables aux solutions aqueuses des acides, des bases et des sels, c est-à-
dire aux solutions des électrolytes. Ainsi, une solution qui renferme
pour 1000 g d'eau une mole de chlorure de sodium, gèle non pas à
—1.86 °C, mais à une température deux fois plus basse qui corres-
pond, approximativement, au point de congélation de la solution
dimolale de tout non-électrolyte. La dissolution du chlorure de
sodium a donc donné lieu à l'apparition d'un nombre de particules
deux fois plus élevé que pour un non-électrolyte et ces particules
ont provoqué un double abaissement du point de congélation. La
même anomalie est observée pour les autres sels ainsi que pour les
acides et les bases. Dans le cas de ces composés l’abaissement de la
température de congélation et l'élévation de la température d'ébulli-
tion sont toujours supérieurs à la valeur théorique.
184 SOLUTIONS £LECTROLYTIQUES [CH. VII
$& 46. Théorie de la dissociation électrolytique. En 1887, le savant
suédois Arrhenius propose sa théorie de la dissociation électrolytique
dont le principe est le suivant:
Les corps dont les solutions sont électrolytiques, se décompos-
ent, au cours de leur dissolution, en fragments (ions) qui
portent des charges positives et négatives.
La présence d'ions rend les solutions conductrices. Plus le nombre
de particules dissociées en ions est élevé, mieux elles conduisent le
courant électrique (leur conductivité est d'autant meilleure). Au fur
et à mesure qu'un électrolvte se dissocie en ions, le nombre total de
particules se trouvant en solution croît, car là une particule donne
naissance à deux ou plus. Les lois de Raoult et de Van't Hoff se
vérifient donc, également, pour les solutions d'électrolytes si l’on
tient compte des particules non dissociées comme des ions qui résul-
tent de leur décomposition. On baptisa cations les ions à charge posi-
tive et anions les ions à charge négative. Les ions positifs métalliques
et l'ion hydrogène sont des cations. Les restes d’eau et d’acides sont
des anions. La valeur de la charge d’un ion coïncide avec la valence
de l'atome ou du reste acide. Le nombre des charges positives est
égal à celui des charges négatives : la solution est donc électroneutre.
On représente la dissociation électrolytique de la manière sui-
vante:
AL(SO,)h = 2AP+ + 3503-
H,S0, = 2H+ + S03-
Ca(OH), = Ca?+* + 20H-
La théorie de la dissociation électrolytique a fourni l’explica-
tion de nombreux phénomènes liés aux propriétés des solutions
électrolytiques, mais elle n'a pas pu expliquer pourquoi certains
corps sont électrolytes et d’autres ne le sont pas ou, encore, quel est
le rôle du solvant dans le processus de formation d'ions. Les réponses
à ces questions n'ont pu être données qu'après avoir éclairci la nature
de la liaison chimique. L'expérience montre que la dissociation ioni-
que des molécules des sels, des acides et des bases ne se produit que
dans les solvants à molécules polaires et que les propriétés électroly-
tiques sont caractéristiques des corps à liaison ionique et à liaison
polaire forte.
La dissociation électrolytique des combinaisons dépend aussi
bien de la nature de leurs liaisons chimiques que de celle du solvant.
Des expériences mettent en évidence cette influence réciproque. En
fermant avec un conducteur quelconque un circuit constitué d'électro-
des et d'une lampe électrique, on voit cette dernière s’allumer. Si
l’on ferme successivement un tel circuit avec des cristaux de chlorure
de sodium, d’hydroxyde de sodium anhydre, d'acide borique ou de
& 46] THÉORIE DE LA DISSOCIATION ÊLECTROI.YTIQUE 1485
sucre, la lampe ne s'allume pas. En refaisant cette expérience avec
les solutions de ces mêmes corps dans l’eau distillée, on se rend com-
pte que les solutions de chlolure de sodium, d'hydroxyde de sodium
et d’acide borique conduisent le courant électrique, alors que la
solution de sucre n’est pas un conducteur.
Pour considérer le mécanisme de la dissociation, reférons-nous à un
exemple concret. Soit un cristal ionique (de chlorure de sodium par
exemple) introduit dans de l’eau. Chaque ion de la surface du cristab
forme autour de lui un champ électrostatique : de signe positif autour
C æœ
Fig. 48. Orientation des molécules d'eau dans le champ électrostatique des
ions du chlorure de sodium
de Na* et de signe négatif autour de C1-. L’effet de ces champs s'étend
à une certaine distance du cristal. En solution, le cristal est entouré
de molécules polaires d’eau agitées d’un mouvement désordonné.
À proximité des ions électriquement chargés, la nature de ce mouve-
ment moléculaire change (fig. 48): les dipôles s’orientent de façon
que leur extrémité positive se trouve dirigée vers l’ion chlore, de
charge négative, tandis que leur extrémité négative fait face à l'ion
sodium positif. Ce phénomène qui a lieu en champ électrostatique est
dit orientation des molécules polaires. Les ions et les dipôles d’eau
sont soumis aux forces coulombiennes d'attraction. Cette interaction
ion-dipôle dégage une énergie qui favorise la rupture des liaisons
Ur du cristal: les ions se détachent et passent en solution
(fig. 49).
Dès la rupture des liaisons ioniques, les ions détachés se trouvent
recouverts d'une couche de molécules polaires d’eau : c’est le phéno-
186 SOLUTIONS ELECTROLYTIQUES [CH. VIT
ml
mène d’hydratation des ions. La chaleur dégagée au cours de ce proces-
sus est appelée chaleur d'hydratation. On l’exprime en joules par mole
{J/mole). L'hydratation d'une mole d’ions sodium dégage 422 kJ
et celle d'une mole d'ions chlorure, 351 kJ. Les chaleurs d'hydrata-
tion des ions sont supérieures aux effets thermiques de nombreuses
réactions chimiques.
Les ions hydratés à charges opposées peuvent entrer en interaction.
Mais la force de cette interaction se trouve affaiblie par la présence
Q ©
DE — ER * 50
Fig. 49. Détachement des ions sodium et chlore du cristal de chlorure de
sodium et leur hydratation
de la couche de molécules d’eau que ces ions sont obligés de trainer;
ils peuvent donc exister à l’état libre. La force d'interaction des ions
hydratés est fonction de certaines propriétés du solvant, dont la per-
méabilité diélectrique.
La perméabilité diélectrique montre de combien de fois la force
d'interaction entre deux charges dans un milieu donné est inférieure
à celle qui s'exerce dans le vide.
La dissociation électrolytique est plus aisée dans les solvants de
perméabilité diélectrique élevée: l'interaction des ions y est plus
faible. Il est à noter que la perméabilité diélectrique élevée d'un
solvant favorise la dissociation sans pour autant la provoquer. Les
molécules polaires du solvant jouent un rôle actif dans le processus
de dissociation.
On trouvera ci-après les valeurs de la perméabilité diélectrique
pour quelques solvants à 25 °C:
Éd: 35e La sa de LG 80
Acide formique . . . . . . . . 57,9 (20 °C)
Ammoniac liquide . . . . . . . 25,4 (77 °C)
2
Alcool éthylique . . . . . . . ) 25
$ 46] THÉORIE DE LA DISSOCIATION ELECTROLYTIQUE 187
AC6IONE. 5 5 De Sa sh 29,74
Chloroforme . . . . . . . . . . 4,724
Ether éthylique . . . . . . . . 4,22
Sulfure de carbone . . . . . . 2,625
Benzène . . . . ...... .. 2,275
Compte tenu de l’hydratation des ions, les équations de dissocia-
tion électrolytique des électrolytes devraient s’écrire comme suit :
NaCl + zH,0 = Na*-nH.0 + CI--mH,0
Pourtant, vu que la composition des ions hydratés n'est pas tou-
jours constante et que la liaison correspondante n'est pas très ré-
sistante, on écrit ces équations sous une forme simplifiée :
NaCI = Na* + CI-
Considérons maintenant la dissolution des combinaisons polaires
sur l'exemple de HCI. Lorsque le chlorure d'hydrogène se dissout
dissolution dansH,0 À ÿ 0 €?
Fig. 51. Dissociation électrolytique des molecules à liaison polaire
dans l’eau, les dipôles d'eau s'orientent autour des molécules dis-
soutes de HCI, provoquant une polarisation encore plus grande de ces
dernières (fig. 50). La liaison polaire entre les atomes d'hydrogène
et de chlore devient ionique. Le doublet électronique commun se
déplaçant tout à fait vers l'atome de chlore, la molécule se dissocie
par rupture hétérolytique. L'atome de chlore devient ion chlorure
hydraté et le proton forme avec la molécule d'eau une particule
composée à charge positive, H,0*, dite hydroronium * (fig. 51):
HCI + rH,0 = H,0+ + CI- ( — 1) H,0
* Il existe plusieurs formes de l'ion hydrogène hydraté: H,0*, H,0*,
H,0+, H,0i.
188 SOLUTIONS ÉLECTROLYTIQUES , [CH. VII
L'hydroxonium H,0* et l'ion chlorure hydraté pouvant être
remplacés, dans les équations de dissociation électrolytique, par les
symboles de l’ion hydrogène et de l’ion chlore, l'écriture suivante de
cette équation est également possible :
HCI = H+* + Ci-
11 découle de ces exemples que seuls les composés à liaison ioni-
que ou polaire (sels, bases, acides) peuvent se comporter en électro-
lytes. On a également éclairci le rôle du solvant : les électrolytes ne
se dissocient en ions que dans les solvants polaires.
I1 faut savoir distinguer les électrolytes des conducteurs solides :
métaux, graphite, charbon. Dans ces derniers, la conductivité est
due aux électrons.
Dans une solution, les ions hydratés sont animés d'un mouve-
ment permanent désordonné (chaotique). Si l’on plonge dans une
telle solution deux électrodes et que l’on applique à ces électrodes,
à l’aide d’une pile, un champ électrique positif à l’une et un champ
négatif à l’autre, les ions hydratés commencent à se mouvoir d’une
manière orientée. Les ions positifs (ions métalliques et ion hydrogè-
ne) se déplacent vers l’électrode négative — cathode — d’où leur
nom de cations. Les ions négatifs (ions non métalliques, restes des
molécules d’eau et d’acides) se dirigent vers l’électrode positive —
anode — et on les appelle anions. Une fois arrivés à la cathode, les
cations captent des électrons et deviennent des atomes neutres, tandis
que les anions perdent à l'anode leurs électrons excédentaires en se
transformant aussi en particules neutres. Ainsi, chez les électrolytes,
ce sont les ions qui assurent le transfert d'électrons.
Les ions n’ont pas les mêmes propriétés que les atomes. Ainsi, les
atomes neutres de sodium agissent sur l’eau en déplaçant son hydro-
gène, alors que les ions sodium hydratés n'ont pas cette faculté.
Les molécules et les atomes de chlore possèdent une couleur verdâtre
et une odeur étouffante, tandis que les ions chlore hydratés sont inco-
lores et inodores. Les molécules et les atomes d'hydrogène forment
un gaz combustible incolore, mal soluble dans l'eau et les ions hydro-
gène ne brülent pas et existent en solution aqueuse sous forme de
H,0*. L'ion MnO; possède une couleur cramoisie, bien que le man-
ganèse qui entre dans sa composition soit gris et que l’oxygène libre
soit un gaz incolore.
$ 47. Dissociation des électrolytes. Degré et constante de disso-
ciation. Dissociation des acides. Les équations de dissociation
électrolytique de quelques acides:
HCI = H+ + CI-
HNO, = H+ + NO;
H,S0, = 2H*+ + SO:-
”
& 17] DISSOCIATION DES £LECTROLYTES 189
témoignent de la présence obligatoire d'ions hydrogène dans une
solution d'acide. Cela explique une série de propriétés caractéristiques
des acides : saveur acide de leurs solutions diluées, formation de sels
par interaction avec les bases, etc.
Au point de vue de la théorie de la dissociation électrolytique,
on appelle acides les électrolytes qui donnent, en solution aqueuse,
%
des ions hydrogène à charge positive sans fournir aucun autre ion
positif.
Il y a des composés qui, en se dissociant, donnent lieu à l’appari-
tion, à côté des ions H*, d’ions métalliques, également positifs. Il
s’agit dans ce cas d’un sel acide et non d’un acide pur. Ainsi, la
dissociation électrolytique de l’hydrosulfate de sodium conduit à
des ions positifs sodium et hydrogène:
NaHSO, = Na* + H* + SO{-
Un sel acide garde, dans une certaine mesure, les propriétés d’un
acide grâce à la présence d'ions hydrogène.
Dissociation des bases. La dissociation électrolytique des bases
solubles dans l’eau :
NaOH = Na* + OH-
KOH = K+ + OH-
Ca(OH), = Ca** + 20H-
a toujours pour résultat la présence en solution d’ions hydroxyle à
charge négative, responsables des propriétés communes à toutes les
bases : interaction avec les acides, formation de sels. On peut donner
aux bases, ainsi qu'aux acides, une définition qui part de la nature
de leur dissociation électrolytique : on appelle bases les électrolytes
qui donnent, en solution aqueuse, des ions hydroxyle à charge néga-
tive sans fournir aucun autre ion négatif.
Lorsque, dans la solution d’un corps, on trouve à côté des ions
OH- des ions groupe acide à charge négative, c'est qu'on a affaire
à un sel basique, par exemple:
Ca(OH)CI = Ca?+* + OH- + CI-
Dissociation des sels. En se plaçant sur le point de vue de la theo-
rie de la dissociation électrolytique, on appelle sel neutre (normal)
un électrolyte qui se scinde en solution aqueuse en ions métalliques
positifs et en ions groupe acide à charge négative:
NaCI = Na* + CI-
AI(NO;): — AlS+ + 3NO;
K:,PO, = 3K* + POi-
Les acides oxygénés, ainsi que les bases, peuvent être considérés
en tant que des hydroxydes de formule générale ROH où R est le
1490 SOLUTIONS ELECTROLYTIQUES [CH. VII
métal ou le non-métal correspondant. La dissociation des hydroxydes
est possible suivant deux voies, figurées par des pointillés :
1) R—O—H; 2) R—O—H
Dans le premier cas, l'hydroxyde a les propriétés d'une base;
dans le second, celles d’un acide. Le mode de dissociation d'un hydro-
xyde dépend de la situation de l'élément R dans la classification
périodique, ainsi que de la charge et du rayon des ions formant l’hy-
droxyde. L'effet polarisant de l’ion sur la liaison O—H est d'autant
plus marqué que sa charge est plus grande et que son rayon est moins
long. Un tel hydroxyde (à liaison O—H polarisée) aura un caractère
plus acide que basique. Au contraire, lorsque l’ion d'un élément
présente une faible charge et un rayon relativement grand, son effet
polarisant sur les groupes O—H voisins est peu important et ces
groupes se comportent dans la combinaison comme une entité. Voilà
pourquoi les hydroxydes des éléments appartenant aux sous-groupes
principaux des groupes I et II de la classification périodique, tels
KOH, NaOH, Ca(OH),, se présentent comme des bases types. Une
charge positive élevée et un faible rayon, caractéristiques des non-
métaux. ont pour effet une action polarisante prononcée sur le
groupe O—H, dont l’hydrogène, devenu cation H* mobile, confère
à l’hydroxyde les propriétés d’un acide.
Lorsqu'un élément forme plusieurs hydroxydes, sa valence plus
élevée correspond à l’affaiblissement des propriétés basiques et au
renforcement des propriétés acides: Fe(OH), est une base plus forte
que Fe(OH), et H,S0, un acide plus fort que H,S0O:.
Certains métaux, situés au voisinage du milieu des périodes dans
la classification de Mendéléev et possédant de ce fait des propriétés
intermédiaires entre métaux et non-métaux, forment des hydroxydes
amphotères (v. p. 34). Ce sont:
pour le groupe 11: beryllium et zinc
pour le groupe 111: aluminium, gallium et indium
pour autres groupes : chrome (11) et (111), étain (11) et (IV), plomb (11) et
(IV) et autres
En écrivant l'équation d’une réaction entre hydroxyde amphotère
et acide, on donne à l’hydroxyde la forme d'une base (R—O—H).
Dans le cas d’une réaction hydroxyde amphotère-base, il vaut mieux
représenter ce premier en tant qu'un acide (HRO).
Lorsqu'un hydroxyde porte plus de deux hydroxyles, il peut don-
ner naissance à des molécules d’eau:
H;,CrO; — H,0 + HCrO,
S 47] DISSOCIATION DES ÉLECTROLYTES 191
Un tel hydroxyde forme avec les alcalis des sels de métaacides :
Cr(OH)3 + NaOÏ — NaCrO, + 2H,0
métachromite
de sodium
Degré de dissociation électrolytique. Comme nous l'avons fait
remarquer plus haut, les ions hydratés de charges contraires peuvent
entrer en interaction lorsqu'ils se trouvent en solution, bien que
cette interaction soit peu importante et dépende de la nature du
solvant utilisé. La dissociation électrolytique est donc un processus
réversible :
HF = H+-+F-
NH,OH = NH} + OH-
A chaque moment donné, il y a donc, dans une solution aqueuse
d’électrolytes, des ions ainsi que des molécules. Entre ces deux formes
s’installe, pratiquement de façon instantanée, un équilibre chimique
mobile : état où la vitesse de la réaction directe (dissociation) est
égale à la vitesse de la réaction inverse (molarisation).
On doit à Arrhenius la notion de degré de dissociation électrolyti-
que a:
— Nombre de molécules dissociées en ions
Nombre total de molécules du rorps dissous
Si l’on désigne par Ÿ le nombre total de molécules en solution et
par n le nombre de molécules dissociées en ions,
a = nÎN
Lorsque r — KV, le degré de dissociation &« = 1. Dans ce cas,
toutes les molécules’ de soluté se sont scindées en ions. Lorsque
n = 0, cela veut dire que le corps en question ne se dissocie pas en
ions: c'est donc un non-électrolyte. Les valeurs du degré de disso-
ciation varient entre 0 et 1. On l’exprime soit en fractions d'unité,
soit en pour cent. Ainsi, le degré de dissociation électrolytique pour
la solution 0,01 N d'acide acétique (0.01 équivalent par litre de
solution) vaut, à 18 °C, 4,3-10-2. soit 4,3 %. Cela veut dire qu'à
l'équilibre
CH,COOH = H* + CH,CO0-
quelque 96 molécules sur 100 gardent leur état moléculaire: en
outre, on trouve en solution quatre ions H* et quatre ions CH;CO00-.
Cent particules initiales forment 104 particules.
Le degré de dissociation électrolytique dépend de la nature de
l’électrolyte et de la concentration de la solution. C’est ainsi qu’à
18 °C a = 0,055 % pour la solution 0,1 M de HCIO et a = 1,3 %
pour la solution 0,1 M d’acide acétique.
192 SOLUTIONS ELECTROLYTIQUES : [CH. VII
oo
On peut illustrer la corrélation entre le degré de dissociation
électrolytique d’un électrolyte et la concentration de la solution à
l’aide d'une expérience. L’acide acétique concentré (anhydre) ne
conduit pas l’électricité. En le diluant avec de l’eau, la lampe électri-
que mise en circuit donne une lumière de plus en plus intense, ce qui
correspond à l'augmentation de la con-
centration en ions H*et CH,CO0- ou,
en d'autres termes, à l’accroissement du
degré de dissociation électrolytique pa-
rallèlement à la dilution (fig. 52).
Notons que dans le cas d’électrolytes
forts (dont le degré de dissociation s’ap-
proche de l'unité) *, les notions « degré
de dissociation électrolytique de l’élec-
trolyte » et « fraction non dissociée de
l'électrolyte » ont un caractère conven-
tionnel.
Le degré de dissociation expérimen-
Fig. 52. Circuit servant à tal des électrolytes forts ne permet pas
détecter la conduction élec- de juger de leur dissociation réelle: on
1
“sn l'appelle alors degré de dissociation appa-
1 — lampe électrique ; 2 — 80- , : snféri
lution électrolytique : s — élec. ete. Sa valeur est toujours inférieure à
trodes celle du degré de dissociation vraie.
Selon les résultats de l'étude aux
rayons X, les réseaux cristallins de nombreux électrolytes forts sont
constitués d'ions: cela suffit déjà pour comprendre que les électro-
lytes forts se dissocient Complètement; leurs solutions ne peuvent
renfermer de molécules non dissociées. Or, parallèlement à l’accrois-
sement de la concentration de la solution d’un électrolyte fort, on
voit augmenter l'attraction entre ions à charges contraires. Certains
de ces ions, qui se sont suffisamment approchés, forment des paires
d'ions. Ces paires, n'étant pas des molécules individuelles, se com-
portent comme telles. Elles se distinguent des molécules par le fait
que les ions qui les constituent ne se touchent pas: ils sont séparés
par une ou plusieurs couches d'eau (fig. 53). L'expérience reproduit
la formation de paires d’ions comme l’absence de dissociation complè-
te chez les électrolytes forts.
La conductivité électrique d’une solution électrolytique est fonc-
tion de la quantité d'ions en solution. Le degré de dissociation électro-
lytique augmente avec la dilution en s’approchant de 100 %. La
conductivité augmente aussi jusqu’à un certain moment, puis elle
commence à diminuer du fait de la dilution de la solution (abaisse-
ment de la concentration en électrolyte).
* Un critère plus strict pour distinguer les électrolytes forts des électrolytes
faibles est lié à la constante de dissociation (voir plus loin).
8 47] DISSOCIATION DES ELECTROLYTES 193
[1 est peu commode de se servir des valeurs d’& pour comparer la
force des électrolytes, car là on ne peut utiliser que des solutions
de même concentration. Il est beaucoup plus pratique de caracté-
riser l'aptitude d’un électrolyte à se dissocier en solution à l’aide
de la constante de dissociation, grandeur indépendante de la concentra-
tion de la solution.
Dans le cas des solutions d’électrolytes faibles (x < 1), on peut
parler de l'existence d’un équilibre entre les ions et les molécules
0 0 ANS
ave $°e &
26" 208 “20 0e
ions hydratés paire d'ions
Fig. 53. Formation d'une paire d'ions
non dissociées (qui sont alors bien réelles). Sous une forme générale
cet équilibre s'écrit donc
CA = C*-- A7
où C*+ est le cation, et
A7 l'anion.
Selon la loi d'action de masse, la vitesse de dissociation à tempé-
rature constante est donnée par
v, = k, (CA)
et la vitesse du processus inverse — l'association — par *
Ua = Ka 1C*) [A]
Ces vitesses deviennent égales l’une à l’autre dès que le corps est
dissous. Il s'établit alors un équilibre chimique mobile où v, = v,,
soit
k, [CA] = k, [C*] [A]
Après avoir divisé les deux membres de l'équation par k, et
{CA]J, on a:
k, __[C*] [AT]
ka CA
La grandeur Xa dite constante de dissociation montre le rapport
du produit des concentrations ioniques dans la solution d’un électro-
= K4
* Usuellement, on exprime les concentrations ioniques en moles par litre
de solution.
13—01151
194 SOLUTIONS ELECTROLYTIQUES [CH. VII
lyte faible à la concentration en molécules non dissociées. Pour un
électrolyte faible, cette grandeur est constante à température donnée
et indépendante de la concentration.
Il est à souligner que la notion de constante de dissociation n’a
aucun sens pour les électrolytes forts en solution diluée, car il n'y
existe pas de molécules non dissociées. De façon formelle, il est
possible de calculer cette grandeur pour un électrolyte fort en partant
de son degré de dissociation apparente, mais elle variera en fonction
de sa concentration.
Ainsi, la constante de dissociation peut servir de critère de divi-
sion des électrolytes en forts et faibles. Les électrolytes faibles sont
caractérisés par une constante de dissociation qui est absente chez
les électrolytes forts. La constante de dissociation des électrolytes
faibles est une mesure de leur force relative : plus elle est élevée, plus
la dissociation de l’électrolyte est prononcée à conditions égales,
donc plus il est fort.
8 48. Loi de dilution. Dissociation graduelle. La Loi de dilu-
tion d'Ostwald lie entre eux le degré de dissociation, la constante de
dissociation et la concentration d’une solution. Soit la solution d’un
acide faible HA qui se dissocie suivant le schéma
HA = H* + A°
En désignant la concentration de l’acide par € mol/l et son degré
de dissociation par &, la concentration en ions H+ s'écrit:
[H*j == Ca
Comme, au cours de la dissociation d’un acide monobasique, le
nombre de cations est égal au nombre d'’anions, la concentration de
ces derniers sera égale à celle des ions hydrogène:
[A-] = (H*] = Ca
Si le litre de solution a contenu initialement C moles et que Cœ
moles se sont dissociées en ions, le nombre de moles non dissociées
est donné par € — Ca. En substituant ces valeurs des concentrations
dans l'équation pour la constante de dissociation, on obtient:
CaCa Ca?
Kom =
Cette équation est l'expression mathématique de la loi de dilu-
tion d'Ostwald. L'équation se simplifie, lorsque « < 1, car alors
la valeur d’x en dénominateur devient négligeable:
Ka = Ca?
D'où le degré de dissociation
=) Ka/C
$ 48] LOI DE DILUTION 195
Cette équation simplifiée illustre bien la formulation de la loi
de dilution:
Le degré de dissociation d’un électrolyte augmente avec
l'accroissement de la dilution (avec l’abaissement de la
concentration).
Pour la plupart des électrolytes faibles, les valeurs de X4 sont
tabulées, ce qui facilite les divers calculs relatifs aux électrolytes.
EXEMPLE. Déterminer «a pour une solution 0,1 M d'acide acétique à
18°C, Ky = 1,8-10-6.
Réponse.
ip S — = V1,8.1071—10-2. V 1,8 & 0,013 ou 1,3%
Les polyacides et les bases faibles, lorsqu'on les dissout dans l’eau,
se dissocient en ions en plusieurs stades, par détachement successif
d’un, deux et plus d'ions H* ou OH-. Nous allons considérer quel-
ques exemples de dissociation graduelle d'acides polybasiques.
a) Le diacide sulfhydrique se dissocie en deux stades:
Ir stade: H,S == H* + HS-
ion hydro-
sulfure
II stade: HS- == H* + S°-
b) Le triacide orthophosphorique se dissocie en trois étapes:
1" stade: H,PO, == H* + H,PO;
II stade: H,PO%5 = H* + HPOf
IIIe stade: HPOZ- = H* +’PO3-
Il est naturel que pour chaque stade de l’état d'équilibre, il va
sa propre constante de dissociation qui va décroissant du premier
au dernier stade.
Pour H,S:
pin EUST Lg gage Km MUST à 0ejom
Pour H,PO, :
= = 7,110 Ko = 6,2. 10-+
K, RE — 4,40 10-19
La dissociation graduelle est possible pour les bases dont la
molécule comporte plusieurs ions hydroxyle :
I*" stade: Mg(OH), == MgOH* + OH-
1I® stade: MgOH* = Mg°* + OH-
13*
196 SOLUTIONS ÉLECTROLYTIQUES [CH. VII
Les constantes de dissociation valent respectivement :
x. IMeOH®] [OII-] k.— IMg®*] [O1r-]
1 [Mg(Ol).] 27 [MgOH*]
On trouvera ci-après les valeurs des constantes de dissociation
à 25 °C pour quelques électrolytes faibles :
Ki Ka K3
NO sis srsègs 7,1:10-1
HP mea: 6,8-10-1
CILCOOH . .... .. 1,8-10-5
CIO sisi ue 3.0-10-8
ILSD Sie ee 1,310? 6,3-10-9
H,COs -....... 4,2-10-7 4,7.40-1
TRE RE 8,9-10-8 1,0. 10-15
HPO, 5225242 7,1:40-3 6,2.10-8 4,4.10-13
Produit ionique de l'eau. Un galvanomètre sensible branché sur
le circuit destiné à déterminer la conductivité de l’eau distillée
montre la présence de courant électrique. Cela signifie que les molé-
cules d’eau sont faiblement dissociées en ions:
2H.0 = H,0* + OH-
ou, sous forme simplifiée,
H.0 = H* + OH-
En appliquant la loi d'action de masse à la dissociation de l'eau,
on a:
._ [H+)[0H-]
SET HO
Comme seule une faible fraction de l’eau se dissocie en ions, on
peut considérer sa concentration comme invariable et constante. En
désignant K {H,0] par Keaur On a:
Keau = |[H*][OH-]
Cette grandeur qui est le produit des concentrations respectives
des ions H* et OH” dans l’eau, est appelée produit ionique de l'eau.
Il est établi qu’à 25 °C, le produit ionique de l’eau Keau — 10716,
Connaissant la valeur numérique de X,u, on est en mesure de déter-
ne la teneur de l’eau en ions hydrogène et ions hydroxyle (en
mol/l).
Comme Keau = {H*] {0OH-] = 10-14 et qu’au cours de la disso-
ciation de l’eau {H*] = {0H-}, le produit ionique de l’eau est repré-
sentable sous la forme: {H*]? — 10-14 ou {OH-]? = 10-44. Ainsi,
{H+] = {0H-] — 10-14 —"10-7.
ou bien Æ {[H:0]={[H*] (0H-]
$ 48] LOI DE DILUTION 197
La concentration des ions hydrogène dans une solution aqueuse
d’électrolyte peut être exprimée par la concentration des ions hydro-
xyle et inversement :
1-14 10-11
T+1 mens "| = —m——
[H*] - TS ou [OII-] T°]
Ainsi, lorsque [H*] — 10-% mol/], [OH-] — 10-° mol/I.
On peut également exprimer les concentrations des ions H* et
OH- en grammes par litre de solution. Dans ce cas on multiplie la
valeur de la concentration (en mol/l) par la masse correspondante
d’une mole d'ions (par 1 pour les ions hydrogène et par 17 pour les
ions hydroxyle).
Toute variation de la teneur en ions H* (et, naturellement. en
ions OH-) a pour résultat un changement d’acidité ou d'alcalinité du
milieu (en mol/l):
4071 40-2 40-3 10-13 10-58 10-8 10-7 10-8 40-9 10-10 40-11 40-12 40-13 40-12
[H*]
a |
Accroissement de l'acidité du milicu Accroisgement de l'alcalinité du milieu
Milieu neutre
Ezxposant d'hydrogène. Exprimées en moles par litre, les concentra-
tions de l'ion hydrogène ne sont ordinairement que de petites frac-
tions d’unité. L'usage de tels nombres n'est pas toujours pratique.
On a donc introduit une unité spéciale pour la mesure des concentra-
tions de l'ion hydrogène, désignée par le symbole pH. On appelle
exposant (potentiel ou puissance) d'hydrogène le logarithme décimal
négatif de la concentration de l’ion hydrogène:
pH — —log {H*]
De cette façon lorsque, par exemple, la concentration des ions hydro-
gène [H*] est égale à 105 mol/1, log 1075 = —5 et —log 1075 = 5.
Donc, pH = 5.
Les exemples suivants montrent, comment on passe de la con-
centration des ions hydrogène à l'exposant d'hydrogène:
[H*+]— 10-° log [H*]= —7 pH= 7,0
[H*]= 10-9 log [H*]— —9 pH= 9,0
|H+] = 5.10-3 log [H*]=0,70—3=—2,30 pH= 2,30
[H+]= 3-10-7 log [H*]=0,48—7—-—6,52 pH=6,52
[H*] = 2 log [H*}= 0,2 pH= —0,20
De façon analogue, le logarithme décimal négatif de la concentra-
tion de l'ion hydroxyle est dit exposant d'hydroxyle et désigné par
pOH.
198 SOLUTIONS ÉLECTROLYTIQUES | (CH. VII
Le caractère du milieu, exprimé en termes de pH et de pOH,
peut être représenté comme suit:
pli =7— milieu neutre pOH = 7— milieu neutre
pH < 7—milieu acide pOH > 7— milieu acide
pH > 7— milieu alcalin pOH < 7— milieu alcalin
109 1071 1072 1073 1071 1075 10-68 10-* 10-78 109 10-10 10-11 10-12 10-13 10-14
Accroissement de l'acidité | Accroissement de l'alcalinité
Milieu neutre
Si l'on connaît pH, on trouve facilement pOH, car pH - pOH=—
— 14. Ainsi, lorsque pH = 5, pOH = 9.
La détermination chimique de la valeur de pH d'une solution
se fait à l’aide d'indicateurs acide-base. Les indicateurs sont des
réactifs spéciaux dont la coloration varie suivant l'acidité du milieu.
On utilise le plus souvent à cet effet le papier de tournesol, l’orangé
de méthyle et la phénolphtaléine. La couleur du tournesol varie pour
les pH allant de 5,0 à 8,0, celle de l’orangé de méthyle pour les va-
leurs entre 3,1 et 4,4, celle de la phénolphtaléine entre 8,2 et 10,0.
Cela est montré sur le schéma ci-dessous (les hachures indiquent Île
domaine de virage des indicateurs):
roux ZA 0 Toumeso
pe meiore | KZ mouse poupe | prénoiomniéine
SR
13 11 9 7 5 3 { po
Il existe également beaucoup d’autres indicateurs acide-base,
moins répandus.
On a à déterminer l'acidité d'un milieu dans les usines et les laboratoires
chimiques, dans les confiseries et les boulangeries. Les laboratoires de chimie
$ 49] RÉACTIONS IONIQUES 199
EE
agricole surveillent l'acidité des sols: lorsque sa valeur est trop importante,
on pratique le chaulage du sol. En médecine, l'acidité est une caracteristique
importante des diverses solutions physiologiques, notamment du suc gastrique.
$ 49. Réactions ioniques. La vitesse élevée de nombreuses réac-
tions chimiques se déroulant en solution électrolytique est due au
fait que ces réactions s'effectuent non pas entre des molécules, mais
entre des ions. Il vaut mieux écrire ces réactions sous la forme iono-
moléculaire. Par souci de simplicité, de telles équations sont dites
ioniques. Cette expression ionique des équations de réactions chimi-
ques permet de distinguer entre les réactions à sens unique et Îles
réactions réversibles.
Nous allons considérer quelques types de réactions chimiques du
point de vue de la théorie de la dissociation électrolytique, tout en
essayant d'établir les critères de leur réversibilité ou irréversibilité.
Réactions réversibles. Lorsqu'on mélange les solutions de chlorure
de sodium et de nitrate de potassium, aucun changement n'inter-
vient. Le chlorure de sodium se dissocie en solution en ions sodium
et ions chlorure et le nitrate de potassium en ions potassium et ions
nitrate. L'équation moléculaire de cette réaction s'écrit:
NaCl + KNO, = NaNO, + KCI
Les substances formées sont parfaitement solubles dans l’eau,
ce sont des électrolytes forts qui se trouvent en solution sous forme
d'ions. L'expression ionique de la réaction hypothétique peut être
la suivante:
Na* + Cl- + K+ + NO; = Na* + NO5 + K+ + Ci-
Dans les deux membres de l’équation figurent les mêmes ions.
Ainsi, en réalité, la réaction n’a pas lieu. Lorsqu'une telle solution
est évaporée à sec, le résidu solide se présente comme un mélange
de quatre sels: NaCI, NaNO:, KCI, KNO:. La proportion plus ou
moins élevée de tel ou tel sel dans le précipité est fonction de sa
solubilité.
Réactions irréversibles. Il est possible de dégager plusieurs types
de réactions pratiquement irréversibles.
19 Réactions de double échange avec formation d'un corps peu
soluble.
En mélangeant une solution de chlorure de sodium et une solu-
tion de nitrate d'argent, on voit apparaître le précipité blanc d’AgCl
(les sels de sodium et d’acide nitrique sont solubles dans l’eau).
Dans l'équation moléculaire, la flèche dirigée vers le bas indique la
substance qui précipite :
NaCI + AgNOs Z NaNO, + AgCl,
Récrivons maintenant cette équation en représentant les substan-
ces solubles sous forme d'ions et les substances peu solubles, qui ne
200 SOLUTIONS £LECTROLYTIQUES , [CH. VII
donnent pratiquement pas d'ions, sous forme de molécules:
Na*i+!Cl- + Ag* + NO; > Na* + NO + AgCl
Cette équation montre que la réaction entre NaCI et AgNO, se
ramène à l'interaction des ions Ag* et Cl”, car tous les autres ions
présents dans la solution ne réagissent pas. Cette réaction est donc
exprimable par l'équation
Ag* + Cl- x AgCI
Une telle écriture a reçu le nom d'’équation ionique abrégée ou
d’équation ionique tout court. On n’y écrit que les ions qui partici-
pent réellement à la réaction. Pour pouvoir écrire une équation
ionique, il faut savoir si les corps qui participent à la réaction et qui
en résultent sont hydrosolubles. On peut l’apprendre en consultant
une table de solubilité des acides, des sels et des bases. Notons que
tous les sels de sodium et de potassium ainsi que les nitrates et la
plupart des acétates possèdent une bonne solubilité dans l'eau. Les
hydroxydes de tous les métaux, à l’exception des métaux du sous-
groupe principal du groupe I et de certains métaux du sous-groupe
secondaire du groupe II de la classification périodique, sont insolu-
bles dans l’eau.
Les réactions qui s’accompagnent de formation de corps peu so-
lubles sont donc, pratiquement, à sens unique ou, autrement dit,
presque complètes.
2° Réactions avec formation de corps gazeux peu solubles.
L'interaction du carbonate de sodium avec un acide fort peut
servir d'exemple d'une telle réaction. Donnons à l'équation de cette
réaction la forme moléculaire et iono-moléculaire :
Na,CO, + 2HCI —J2NaCl + H,0 + CO;t
2Na* + COS- + 2H* + 2C1- — 2Na* + 2CL- + H,0 + COat
COS- + 2H+ + H,0 + CO;!
Si l’on conduit cette réaction dans un récipient ouvert, le dioxyde
de carbone disparaît du milieu réactionnel et ne peut donc plus
participer au processus inverse. Cette réaction est pratiquement
complète.
39 Réactions avec formation de corps difficilement dissociables
(eau, acide acétique, hydroxyde d'ammonium, acide cyanhydrique,
etc.) :
a) réactions de neutralisation avec formation d'eau
HCI + NaOH à NaC] + H,0
H*+ + Cl- + Na* + OH- — Na* + Cl- + H,0
H*+ + OH- + H,0
& 50] HYDROLYSE DES SELS 201
b) réaction avec formation de bases peu dissociables (tel l’hydro-
xyde d'ammonium à Æa = 1,8-10-5)
NH,CI + NaOH + NH,OH + NaCl
NHé + Cl- + Na* + OH- — NH,OH + Na* + CI-
NH? + OH- + NH,OH
c) réactions avec formation d'acides peu dissociables (l'acide-
acétique à Xa = 1,8-10-5 par exemple)
2CH,COONa + H,S0, + Na,S0, + 2CH,COOH
2CH,COO- + 2Na* + 2H* + S0Z- — 2Na* + S03- + 2CH,COOH
CH,COO- + H* < CH.,COOH
Au cours de la formation de composés difficilement dissociables,
les ions des espèces réagissantes se trouvent fixés et la solution de-
vient un bien faible conducteur de courant électrique. On peut s'en
rendre compte à l’aide d’une expérience où l’hydroxyde de baryum
est neutralisé par l'acide sulfurique. Lorsque l’on plonge les électro-
des dans une solution saturée d'hydroxyde de baryum, additionnée
de quelque gouttes de phénolphtaléine, la lampe électrique mise en
circuit s'allume. Au fur et à mesure qu'on ajoute avec précaution,
a l’aide d'une burette, de l’acide sulfurique dilué et qu'on agite
énergiquement la solution, la lumière de la lampe devient de plus.
en plus faible et, enfin, s'éteint tout à fait; parallèlement, la colora-
tion cramoisie de la solution disparaît. Cette dernière ne conduit
pratiquement plus le courant électrique. Cela s’est produit, parce que
tous les ions de la solution ont formé un corps peu dissociable (H,0}
et un corps peu soluble (BaSO,) et la solution a presque complète-
ment perdu son caractère électrolytique :
Ba(OH}, + H:S0, + BaSO,} + 2H,0
Ba+ + 20H- + 2H+ + S02- > BaSO,| + 2H,0
4° Réactions ioniques d'oxydoréduction. 11 y a beaucoup de réac-
tions d'oxydoréduction qui deviennent pratiquement irréversibles:
en solution *. Ainsi,
Zn + H,S0, (dil) — ZnSO, + H.
Zn + 2H+ = Zn°* + H,
2KMnO, + 16HCI (cone) = 2MnCl, + 5C1, + 2KCI + 8H.0
2MnO- — 10C1- — 16H+ = 2Mn°* + 5CI, + 8H.0
$ 50. Hydrolyse des sels. La dissolution de certains sels dans l’eau
rompt l'équilibre de dissociation de cette dernière. Si l’on éprouve à
l’aide d'indicateurs — tournesol, phénolphtaléine ou orangé de
* Pour plus de détails sur les réactions d’oxydoréduction voir le Chapitre-
202 SOLUTIONS ÉLECTROLYTIQUES [CH. VII
RE
méthyle — les solutions aqueuses de carbonate de sodium et de sul-
fate d'aluminium, on trouve que la solution de Na,CO; a un caractère
basique et celle de Al,(SO,):, un caractère acide. Par contre, les
solutions d’autres sels, tels que le chlorure de sodium ou le nitrate de
potassium, sont neutres. La variation du pH de certaines solutions
salines par rapport au pH du solvant (eau) est due à la réaction de ces
sels avec l’eau. Ce phénomène est appelé hydrolyse.
L'hydrolyse (gr. hudôr, eau et lusis, décomposition) est la décom-
position d’un corps par l’eau. Ici, c'est l’hydrolyse des sels qui nous
préoccupe.
On dit qu’un sel est hydrolysé lorsqu'on est en présence d’une
interaction entre les ions du sel et les ions de l’eau qui modifie le
rapport entre les ions H* et OH- de la solution. Nous examinerons
l'hvdrolyse en fonction de la nature des bases et des acides formant
le sel.
1° Hydrolyse des sels dérivés d'une base forte et d'un acide faible.
L'exemple d’un tel sel est fourni par l’acétate de sodium issu d'une
base forte (hydroxyde de sodium) et d'un acide faible (acétique). Ce
sel est partiellement hydrolysé lorsqu'on le dissout dans l’eau
NaCH,CO0 + H,0 = NaOH + HCH,CO0O
Nat + CH,COO- + H,0 = Na* + OH- + HCH,CO0O
Après avoir éliminé les mêmes ions dans les deux membres de
l'équation, on écrit l'équation ionique abrégée :
CH,C00- + H,0 = OH- + HCH,COO
On peut se rendre compte que l'hydrolyse de NaCH,CO0 a con-
duit à un excès d'ions OH- dans la solution: le milieu est devenu
alcalin. Comme nous l'avons déjà dit. l’eau se dissocie, bien que
faiblement, suivant l'équation H,0 = H* + OH-. Les ions acétate
qui fixent les ions hydrogène, font déplacer l'équilibre de dissocia-
tion de l’eau vers la droite.
L'hydrolyse du carbonate de sodium s'effectue de façon analogue.
Les représentations moléculaire et ionique de cette réaction sont
les suivantes:
Na.CO, + H,0 = NaOH + NaHCO,
COH- + H,0 = OH- + HCOÿ
On se rend aisément compte que l’hydrolyse de l'ion est, au fond,
un processus inverse de la dissociation:
CO3- + H+ + OH- =: HCO3; + OH- (hydrolyse)
mm”
H,0
ICO; = H+ + COF (dissociation)
Au cours de l’hydrolyse, les ions hydrogène se fixent sur les restes
de la molécule d’acide faible. Ainsi, dans un sel formé par une base
$ 50] HYDROLYSE DES SELS 203
forte et un acide faible, c’est l’anion issu de l'acide faible qui est
hydrolysé. Par contre, lors de la dissociation, les ions H* sont déta-
chés du groupe acide ou de l'acide.
La dissociation des électrolytes faibles étant graduelle, leur hydro-
lyse doit également se dérouler en plusieurs stades. Le détachement
du premier ion hydrogène de l'acide carbonique
H,CO, = H* + HCO;
se caractérise par une constante de dissociation Æ, = 4,2-10-°;
celui du second ion hydrogène
HCO; = H* + COÿ-
par À, — 4,7-:10-1, Le groupe acide retient donc son second ion
hydrogène beaucoup plus solidement que le premier. On en déduit
que l'addition des ions hydrogène au cours de la première étape de
l'hydrolyse :
CO3- + H,0 == HCO3 + OH-
doit être beaucoup plus marquée qu'au cours de la seconde étape:
L'hydrolyse de l'ion carbonate fournit des ions OH- dont l’accu-
mulation, conformément au principe de Le Chatelier, doit empêcher
l'hydrolyse. Voilà pourquoi l’hydrolyse du carbonate de sodium est
inhibée en présence d'’alcalis, alors qu'en milieu acide il y a fixation
des ions hydroxyle et l’hydrolyse s’intensifie.
2° Hydrolyse des sels dérivés d'une base faible et d'un acide fort.
Un tel sel est, par exemple, le chlorure d'ammonium. Dissous dans
l’eau, ce sel se dissocie en ions. L’ion ammonium, reste de base fai-
ble, agit sur l'eau selon la réaction
NH3 + H,0 = NH,OH + H*
Les ions hydrogène libres issus de cette réaction rendent le milieu
acide. L'hydrolyse du chlorure d'ammonium représentée sous la
forme moléculaire s'écrit :
NH,CI + H20 = NHÇOH + HCI
Le cas du sulfate d'aluminium peut également servir d'exemple
d’une telle hydrolyse. Ce sel, dissous dans l’eau, subit une hydrolyse
partielle :
2AÏ%+ + 3S07- + 2H,0 72 2AÏ0OH°?*+ - 2H+ + 3S02-
AË+ + H,0 = AIOH®+ + H+
[Il découle de cette équation que c'est l'ion aluminium qui est
hydrolysé: cela donne un excès d'ions H* et la réaction du milieu
devient acide. Les stades suivants de l'hydrolyse ne se réalisent pra-
204 SOLUTIONS ELECTROLYTIQUES , [CH. VIT
tiquement pas. L'hydrolyse du sulfate d'aluminium est inhibée
en présence d'acides et activée en milieu basique.
3° Hydrolyse des sels dérivés d'une base faible et d'un acide faible.
Suivant la force de la base et de l'acide qui sont à l’origine de ces
sels, trois cas d'hydrolyse sont possibles.
a) Sel formé par une base faible et un acide faible de force différente.
C'est le cas, par exemple, du cyanure d’ammonium NH,CN
(Kxir,on = 1,8-107$ et Æncx = 5,0-10719).
L'hydrolyse de NH,CN est représentable comme suit:
NH,CN + H.0 = NH,OH + HCN
NH; + CN- + H,0 = NH,OH + HCN
L'hydrolyse portant à la fois sur l’anion et sur le cation, la réac-
tion se trouve déplacée vers la droite beaucoup plus sensiblement
que ce serait pour les sels NH,CI et NaCN. Dans cette réaction, les
cations du sel fixent les ions hydroxyle et les cations, les ions hydro-
gène. De la sorte. l'hydrolyse du cation favorise celle de l'anion.
Comme les ions CN- attachent les ions H* plus solidement que les
ions NH* ne fixent les ions hydroxyle, la solution présente une con-
centration en ions libres OH- plus élevée que celle en ions H*:
le milieu est faiblement basique.
b) Sel formé par une base faible et un acide faible de même force.
Considérons à titre d'exemple l’acétate d'ammonium NH,CH;,CO0.
Les constantes de dissociation de NH,OH et de CH,COOH sont
pratiquement identiques et égales à 1.8-10-%. La réaction d’hydrolyse
a la forme iono-moléculaire suivante:
NH? + CH,COO- + H.0 = NH,OH + CH,COOH
La teneur de la solution en ions acétate et en ions ammonium
étant la mème et la force de la base et de l'acide identique, la réac-
tion du milieu est neutre.
Ainsi, la réaction du milieu résultant de l'hydrolyse d'un sel
formé par une base faible et un acide faible, est fonction de la force
relative de la base et de l’acide correspondants. Si leur force est
égale, le milieu est neutre.
c) Sel formé par une polybase faible et un polyacide faible. Nous
allons considérer le cas du sulfure d'aluminium AlS, que l’on pré-
pare par frittage de l'aluminium avec le soufre. Le sel ALS, ne figure
pas dans la table de solubilité des sels, car sa dissolution s'accom-
pagne de son hydrolyse complète. Comme résultat, on a un précipité
gélatineux d'hydroxyde d'aluminium. alors que la solution sent
l'hydrogène sulfuré.
L'ion aluminium fixe par hydrolyse les ions OH-:
AB+ + H,0 = AIOH?* + H*+
et l'ion sulfure, au contraire, les ions H*:
S?- + H,0 = HS- + OH-
$ 50] HYDROLYSE DES SELS 205
La solution ne présente donc aucun excès ni d'ions H* ni d'ions
OH:-. L'hydrolyse ne s’arrète pas aux premiers stades, mais se pour-
suit jusqu à la formation des produits finals: Al(OH); et Hs.
Voici l'équation de la réaction d'hydrolyse de ce sel:
On voit donc que les sels dérivés des polybases faibles et des
polyacides faibles subissent, en solution aqueuse, une hydrolyse
poussée et souvent complète.
4° Les sels dérivés d'une base forte et d'un acide fort ne sont pas
hydrolysables. Leur dissolution dans l’eau ne conduit à aucune ruptu-
re de l'équilibre entre les ions H* et OH-, la réaction du milieu de-
meurant neutre. La réaction d’un tel sel avec l’eau se présente com-
me suit:
NaNO, + H,0 = NaOH + HNO,
Na* + NO; + H.0 = Na* OH- + H+ + NO;
En éliminant les ions de même nom dans les deux membres de
l'équation, on aboutit à l'équation ionique qui témoigne du main-
tien de l'équilibre de la réaction de dissociation de l’eau:
H.0 = H* + OH-
Il va de soi qu une telle solution a une réaction neutre.
La température est un des facteurs essentiels qui influent sur
l'hydrolyse. Plus elle est élevée, plus l’hydrolyse est intense. Ainsi,
si l’on ajoute quelques gouttes de phénolphtaléine à une solution
d'acétate de sodium, il n’y aura aucune réaction colorée à températu-
re ordinaire (tout au plus une teinte rose légère si la solution d’acéta-
te de sodium est concentrée). Mais, dès qu on a chauffé la solution.
elle se colore en cramoisi, révélant la présence d'ions OH” en excès:
NaCH,C00 + H.0 = CH,COOH + NaOH
Na+ + CH,COO- + H,0 = CH,$COOH + Na* + OH-
CH,C00- + H,0 = CH,COOH + OH-
Une fois la solution refroidie, la teinte cramoisie disparaît. Le
processus est donc réversible:
augmentation de température
CH,C0O0-+H,0 2 CH,COO0H + OH-
diminution de température
L'effet de la température sur l’hydrolyse est également observable
pour la solution de FeCl, lorsque, lors du chauffage, il y a précipita-
tion d'un mélange de sels basiques et d’hydroxyde de fer (III),
signe d'une intensification de l’hydrolyse du sel :
FeCl; + H,0 = FeOHCI, + HCI
FeOHCL + H,0 == Fe(OH),Cl + HCI
Fe(OH).Cl + H.0 = Fe(OH), + HCI
206 SOLUTIONS ÉLECTROLYTIQUES [CH. VII
Sous la forme ionique :
Fe%+ + H,0 == FeOH°* + H+
FeOH®+ -L H,0 += Fe(OH) + H*+
Fe(OH)+ + H,0 = Fe(OH\, + H*+
Cette intensification de l’hydrolyse avec élévation de température
s'explique par une plus grande dissociation endothermique de l'eau:
H,0 = H* + OH- — 57 kJ/mol
Lorsqu'on augmente la température, l'équilibre de cette réaction
se déplace dans le sens de la formation d'ions H* et OH-: ceux qui
sont nécessaires pour réaliser l’hydrolyse.
Le degré d'hydrolyse est le rapport de la quantité du sel hydrolysé
à la quantité totale du sel dissous. Plus la base ou l'acide sont fai-
bles, plus le degré d’hydrolyse est élevé : une solution 0,1 N d'acétate
de sodium est hydrolysée à 0,08 % et celle de carbonate de sodium
à 2,9 %.
L'hydrolyse d'un sel est un processus réversible qui obéit donc
à la loi d'action de masse. Cela permet de déduire l’expression mathé-
matique de la constante d'hydrolyse. L'équation de l’hydrolyse de
l'acétate de sodium peut s'écrire :
CH,COONa + H,0 == CHÿCOOH “+ NaOH
CH,CO00- + H.0 = CH,COOH + OH-
D'où
._ {CH,COOH] [OH-] : _ [CH:COOH] [ON-] _
__ [CH,CO0”] [H,0] ECO [CH,C00-] = An
Comme le produit Æ [H,0] est constant, À, est une grandeur
constante qui exprime l'aptitude d’un sel à être hydrolysé. C'est la
constante d'hydrolyse des sels.
$ 51. Electrolyse. Comme nous l'avons démontré plus haut, les
électrolytes diffèrent nettement, en tant que conducteurs, des con-
ducteurs solides de première espèce (métaux, graphite). Dans les
électrolytes, l'effet d’un champ électrique continu confère un mouve-
ment orienté aux ions de signes contraires, qu'il s’agisse d’un électro-
lyte dissous, fondu ou solide. A la cathode ou à l’anode, ces ions
captent ou cèdent desélectrons, touten subissant des modifications qua-
litatives. On voit donc que, si dans un conducteur de première espèce
le courant électrique est le mouvement orienté des électrons, dans
un électrolyte * c’est le mouvement orienté des ions.
Les processus d'oxydation et de réduction qui ont lieu aux électro-
des lorsqu'un courant continu est envoyé dans un système compor-
tant un électrolyte, sont dénommés électrolyse. Les réactions chimi-
* Les électrolytes solides sont nommés conducteurs de seconde espèce.
8 51] ÉLECTROLYSE 207
ques que l’on observe au cours d’une électrolyse s'effectuent à l’aide
de l'énergie du courant électrique amené de l'extérieur. En d'autres
termes, lors de l’électrolyse l'énergie électrique se transforme en
énergie chimique. Dans ce cas, les processus d'oxydation et de réduc-
tion sont séparés: ils se déroulent sur deux électrodes différentes.
L’électrode qui assure la réduction est dite cathode et celle qui est.
responsable de l’oxydation, anode. La cathode est branchée sur le
pôle négatif et attire les cations; l’anode, branchée sur le pôle positif,
attire les anions. Le mouvement des électrons dans le circuit exté-
rieur est le résultat de ces processus.
Prenons à titre d'exemple l’électrolyse du chlorure de sodium à
l’état fondu.
Fondu, le chlorure de sodium se dissocie en ions Na* et CI-.
Lorsqu'on applique une tension aux électrodes, le courant électrique
commence à passer à travers le sel en fusion. Ce courant apparait
du fait que les cations s'approchent de la cathode, captent un élec-
tron et se transforment en atomes neutres:
Nat te = Na
Ces atomes se dégagent à l’électrode correspondante. Les ions chlorure
s'approchent de l’anode, cèdent chacun un électron et se transfor-
ment également en atomes:
Cl — e = CI
Deux atomes de chlore se réunissent en molécule
2C1 = Cl
et du chlore gazeux se dégage au-dessus du bain fondu.
Souvent, l’électrolyse des électrolytes en solution dans l'eau se
complique du fait de la participation, aux processus d’électrode,
d'ions H* et OH-. Ces ions peuvent se décharger aux électrodes en
même temps que les ions de l’électrolyte. En outre, les molécules
d'eau subissent également une oxydation ou une réduction aux
électrodes. Ainsi, l’électrolyse du chlorure de sodium en solution
dans l’eau se présente autrement que lorsqu'elle est effectuée à l’état
fondu. En solution aqueuse, on voit se décharger à la cathode non
plus les ions Na*, mais les ions H*. C'est donc l'hydrogène qui se
dégage sur la cathode. Quant à l’anode, dans ce cas précis les pro-
cessus y sont les mêmes, que ce soit à l’état fondu ou en solution.
De plusieurs phénomènes d'’électrode possibles dans une situa-
tion donnée se réalise celui qui consomme le moins d'énergie. Cette
consommation dépend des valeurs des potentiels d'électrode des
réactions électrochimiques correspondantes dans les conditions don-
nées. Les ions réduits à la cathode sont ceux qui participent à la
réaction électrochimique présentant le plus grand potentiel positif
d’électrode £. Ainsi, des ions Na* et H*, ce sont les ions H* qui se
208 SOLUTIONS ELECTROLYTIQUES fCH. VII
réduiront sur la cathode, car Eon+/x, = 0 et EXa+yxa = —2,71 V.
Dans une solution aqueuse neutre de Nal, on verra également se ré-
duire sur la cathode les ions H*, puisque E>n-yx, = —0,41 V
{en milieu neutre) et ÆExa+xa = —2,71 V. En ce qui concerne
l'oxydation à l’anode, elle fait intervenir avant tout les ions qui
participent à la réaction électrochimique ayant le potentiel d’électrode
le moins positif. Dans le dernier cas considéré, le choix porte sur
les ions [- et les molécules d'eau. Or, comme E1,,721- = 0,54 V et
Eo,u,o = 0,81 V (en milieu neutre), ce sont les ions I- qui s’oxy-
deront.
Au cours de l'électrolyse des solutions aqueuses neutres de NaCI,
effectuée à l’aide d'électrodes de platine, les potentiels (E£c,y2a- =
= {1.35 V et Eo,yu,o = 0.81 V) indiqueraient que c’est le dégage-
ment d'oxygène qui est favorisé. Cependant. la réaction d’oxydation
des molécules d'eau avec dégagement d'oxygène se trouve inhibée
lorsqu'elle est conduite sur une électrode de platine, car son énergie
d'activation est alors trop élevée *. Voilà pourquoi on voit se déchar-
ger surtout des ions Cl-.
On peut essayer de calculer la valeur de la tension appliquée à
laquelle l’électrolyse doit commencer. En effectuant, par exemple,
l’électrolvse à électrodes en platine de l'acide chlorhydrique en
solution dans l’eau, on voit se dégager de l'hydrogène à la cathode
et du chlore à l’anode. Ces gaz s'adsorbent sur les électrodes créant,
au fond, deux nouvelles électrodes: à hydrogène et à chlore. Elles
forment l'élément galvanique correspondant dont la force électro-
motrice (f.é.m.) est donnée par
E° —= E Cap2ci- — ESH+/H2 = — 1,358 ns 0,000 = 1,358 V
En l'absence de certains effets qui compliquent les choses, il
suffirait, pour assurer l’électrolyse complète de l'acide chlorhydrique
en solution aqueuse, d'appliquer aux électrodes une tension à peine
supérieure à 1,338 V. Le signe de la tension appliquée doit être
inverse à celui de la force électromotrice (f.6.m.) de l'élément galva-
nique formé. Cependant, si l'on veut que ces phénomènes d’électro-
de se réalisent, il faut que les ions s’approchent des électrodes,
s’adsorbent à leur surface, se réunissent en molécules après la décharge,
et, enfin, se désorbent. Tous ces processus se déroulent avec des
vitesses déterminées et consomment une énergie supplémentaire qui
correspond à un accroissement de la tension appliquée. Cette tension
supplémentaire est appelée surtension. Elle se compose de la surten-
sion sur la cathode AËE% et de la surtension sur l'anode AË,. De
plus, un surcroît de tension est nécessaire pour surmonter la résistan-
ce de la solution électrolytique (AU), comme c'est le cas pour tout
* En électrochimie, on parle de grande surtension électrolytique,
$ 51] ÉLECTROLYSE 209
conducteur d'électricité. Finalement, la tension, à laquelle l'électro-
lyse se produit (tension de décomposition), est égale à
U= Ei — E + AE, + AE, + AU
Ordinairement, la surtension n’est pas très élevée dans les réac-
tions cathodiques qui aboutissent à la séparation d’un métal. Mais
pour l’hydrogène, la surtension atteint des valeurs relativement éle-
vées : jusqu’à près de 1,8 V. Elle dépend de plusieurs facteurs, dont
la matière de la cathode, l’état de sa surface, la densité du courant
et autres. La haute surtension d'hydrogène permet d'isoler à la
cathode les métaux dont le potentiel d’électrode est plus négatif que
le potentiel de l’électrode à hydrogène, c’est-à-dire les métaux qui
se trouvent à gauche de l’hydrogène dans la série des tensions.
Les réactions anodiques s'’accompagnent souvent de dégagement
de gaz. Elles se caractérisent par une surtension assez élevée. Celle
d'oxygène atteint normalement des valeurs importantes (de l’ordre
de 1,5 V).
Les valeurs que l’on trouve dans les diverses tables sont usuelle-
ment celles des potentiels normaux relatifs aux électrodes de référen-
ce. En pratique, les processus électrochimiques se déroulent dans des
conditions qui diffèrent des conditions normales. Les potentiels
d'équilibre réels sont fonction de la concentration, de la températu-
re, de la composition de l'électrolyte et parfois aussi de l’acidité
du milieu. Il faut connaître la valeur de bien nombreux paramètres
si l’on veut prendre en compte tous les facteurs qui déterminent la
tension assurant l’électrolyse. D'habitude, on ne fait d’abord qu'esti-
mer la valeur de cette tension que l’on précise ensuite par voie expé-
rimentale.
Un rôle important est celui de la matière dont les électrodes sont
faites. Suivant cette matière, les anodes peuvent être inertes (en
matière non oxydable) ou actives (en matière oxydable au cours de
l’électrolyse).
Nous allons envisager l’électrolyse du vitriol bleu en solution
dans l'eau avec une anode inerte et une anode active. En tant qu'ano-
de inerte nous prendrons, par exemple, une électrode en graphite.
Le potentiel d'électrode ÆEcucu vaut 0,34 V: il est beaucoup
plus positif que pour l’électrode à hydrogène. C'est donc du cuivre
qu'on verra se déposer sur la cathode au cours de l’électrolyse:
Cu?+ + 2e = Cu
Comme ÆEon- est plus négatif qu’Æsoi-, le processus anodique
sera le suivant:
OH-—2e=0+H* 20 = O,+ (en milieu basique)
14—01151
210 SOLUTIONS ÉLECTROLYTIQUES ; [CH. VII
ou
H30 — 2e = O+2H+t 20 = O.+t (en milieu acide)
Si l’on se réfère aux valeurs des potentiels d’électrode. l'oxyda-
tion anodique des ions OH- doit être plus aisée que celle de l’eau.
Pourtant, la concentration des ions OH” est de loin inférieure à la
concentration de l’eau. Les deux processus sont donc probables.
C’est le caractère du milieu (basique, neutre ou acide) qui favorisera
l'un ou l’autre.
Lorsqu'on prend en tant qu'anode active du cuivre métallique,
l'oxydation anodique est subie non plus par l’eau ou les ions hydro-
xyle, mais par la matière de l’anode. Cela a lieu parce que Efus+ycu
est moins positif que le potentiel d'oxydation de l'eau. Par consé-
quent, les ions Cu** de la solution se déposeront sur la cathode et
les atomes de cuivre de l’anode s'oxyderont et passeront en solution
sous forme d'ions Cu**. On constate que pour un nombre donné
d'ions cuivre déposées sur la cathode, il y en a autant qui se sont
détachés de l’anode au cours de son oxydation. L'électrolyse se
poursuivra jusqu'à ce que l’anode soit complètement dissoute. On
utilise l’électrolyse à anode en cuivre appliquée à une solution de
vitriol bleu pour préparer du cuivre pur par raffinage électrochimi-
que. Au cours de l’électrolyse et de la dissolution de l’anode de cui-
vre, les impuretés contenues dans le cuivre s’oxydent et passent en
solution, ou bien précipitent sous forme de boues.
Afin de prévoir le résultat de l’électrolyse d'une solution électro-
lytique dans l’eau, on peut se guider sur les faits suivants:
1° Lorsqu'on électrolyse les sels simples des métaux dont le
potentiel d'électrode est plus négatif que celui de l'aluminium
(y inclus ce dernier), ce sont les ions hydrogène qui se déchargent
sur la cathode.
2° En électrolysant les sels simples des métaux ayant un poten-
tiel d’électrode plus positif que celui de l'hydrogène, ce sont les
métaux correspondants qui se déposent sur la cathode.
3° Lorsqu'on a à électrolyser des sels des métaux dont le poten-
tiel d’électrode est intermédiaire entre le potentiel de l’aluminium
et celui de l’hydrogène, à la cathode il y a simultanément dépôt de
métal et dégagement d'hydrogène.
4° Lors de l’électrolyse des sels d'hydracides ou de ces acides
mêmes (HCI, HBr, HI, HS), on voit apparaître à l'anode les élé-
ments correspondants (Cl,, Br,, I,, S).
n° Si l’on soumet à l'électrolyse les sels d'acides oxygénés ou
ces acides mêmes (HNO;, H,S0,, H;,PO,), c'est l'oxygène qui se
dégage à l’anode, car là l'oxydation anodique fait intervenir les
ions hydroxyle ou l’eau.
Le physicien et le chimiste anglais Faraday décrivit quantitati.
vement les phénomènes qui se produisent au cours de l’électrolyse-
Il énonça, dans les années 1830, les lois suivantes:
& 51] ÊLECTROLYSE 211
La masse des substances qui se forment au cours de l’électrolyse
est proportionnelle à la quantité d'électricité qui a traversé
l’électrolyseur.
Une même quantité d'électricité transforme par électrolyse
des quantités équivalentes de composés chimiques différents.
Pour transformer un équivalent de tout corps, il faut faire passer
à travers l’électrolyseur 96 500 coulombs d'électricité. Cette quantité
d'électricité, dite faraday ou nombre de Faraday, est désignée par F.
On peut présenter les lois de l’électrolyse sous une forme mathé-
matique :
où g est la masse d’une substance transformée chimiquement,
£ l'équivalent chimique de cette substance,
I l'intensité de courant (en A),
t la durée de l’électrolyse (en s).
L'examen de cette formule conduit aux conclusions suivantes.
1° Lorsque Zt — 96 500 C, g = €. Pour transformer chimique-
ment un équivalent * d’un corps, il faut faire passer à travers l’é-
lectrolyte 96 500 C ou 26,8 A-h d'électricité (1 A-h = 3 600 OC).
2° Lorsque Zt = 1 C, g — £/F. Le rapport £/F est l'équivalent
électrochimique. C'est la masse d’une substance transformée chimi-
quement par passage à travers l'électrolyte d'un coulomb d'électri-
cité.
3° Lorsqu'une même quantité d'électricité passe à travers une
série d’électrolytes, les masses des substances réduites à la cathode
et oxydées à l’anode sont proportionnelles à leurs équivalents chi-
miques.
Ainsi, les lois de l'’électrolyse permettent une détermination
directe des équivalents de diverses substances.
L'électrolyse est largement utilisée industriellement pour séparer et épurer
les métaux, pour préparer alcalis caustiques, chlore, hydrogène, acide persulfuri-
que et ses sels, permanganate de potassium et dioxyde de manganèse. Alumi-
nium, magnésium, sodium et cadmium ne sont obtenus que par électrolyse.
Le raffinage du cuivre, du nickel et du plomb est entièrement effectué par voie
électrochimique.
L'électrolyse sert de base à la galvanostégie et à la galvanoplastie.
La galvanostégie consiste à recouvrir une surface métallique avec une couche
d’un autre métal. On le fait habituellement pour éviter la corrosion et donner
aux articles métalliques un meilleur extérieur. En tant que métaux de protec-
tion on utilise le chrome, le nickel, etc. Au cours de l’électrolyse, l’objet sur
lequel on porte la couche de protection sert de cathode.
La galvanoplastie est destinée à obtenir des empreintes et des copies de
différents objets **. Ainsi, pour fabriquer les clichés d'imprimerie ou la copie
* Ici, il s’agit de l’équivalent d'oxydoréduction.
en ss La galvanoplastie fut découverte en 1836 par l’académicien russe Boris
akobi.
14*
242 SOLUTIONS ÉLECTROLYTIQUES , [CE vu
métallique des disques phonographiques on prépare d’abord leur empreinte
sur une plaque de cire. Puis on recouvre la surface du moule de cire avec de la
poudre raphitée, lui conférant ainsi une conductivité électrique. Au cours de
’électrolyse, le moule de cire sert de cathode: le métal s’y dépose, formant
une copie fidèle de l’objet de départ. La cire est ensuite facile à éliminer par
chauffage.
$ 52. Sources chimiques de courant électrique. Les différentes formes de
l'énergie, dont l'homme a besoin, ont souvent pour origine l'énergie chimique
libérée dans les réactions diverses. La transformation de l'énergie chimique *
en chaleur se produit de la façon la plus simple: il suffit pour cela de brûler une
substance à l'air. 11 est beaucoup plus difficile de transformer l'énergie chimi-
que en électrique **. Dans les centrales thermiques, l'énergie chimique con-
tenue dans la houille ou le pétrole est transformée en énergie thermique par
combustion de ces substances. Ensuite. on obtient de l'énergie électrique à l’aide
de machines thermiques. Dans les éléments galvaniques, la transformation
de l'énergie chimique en électrique est possible, en principe, avec un rendement
atteignant cent pour cent. Certainement, le rendement réel est plus bas, mais
il peut quand même aller jusqu'à 90 %. Le rendement réalisé dans les centrales
thermiques n'est que de l'ordre de 35 %.
Un grand objectif économique consiste à mettre au point des procédés
peu chers permettant une transformation directe de l'énergie chimique en
électricité. Une des voies pour résoudre ce problème est la création de nouveaux
types de piles galvaniques et d’accumulateurs.
Les éléments galvaniques — premières sources de courant — parurent au
début du XIX° «. Des lors il devint possible d'obtenir d'assez grandes quantités
d'énergie. C'est grâce à ces éléments qu'on a pu étudier et mettre en application
le phénomène d'électrolyse. La pile Daniell-Iakobi est un des premiers éléments
galvaniques. Elle comprend une électrode en zinc plongée dans une solution de
sulfate de zinc et une électrode en cuivre immergée dans une solution de sulfate
de cuivre. Le: deux solutions sont séparées par une cloison poreuse ou bien réu-
nies à l'aide d'une jonction liquide.
Examinons le principe de fonctionnement des éléments galvaniques sur
l'exemple de la pile Daniell-Iakobi. Si l’on place une plaque de zinc dans une
solution de sulfate de cuivre, on verra se produire, à la surface de la plaque, une
réaction d’oxydoréduction :
Zn + CuSO, = ZnSO, + Cu
Zn + CU?+ = Zn°+ LE Cu
Ce processus consiste en ce que les ions cuivre, en se rapprochant de Ia
plaque de zinc, gagnent des électrons et se réduisent en atomes neutres qui se
déposent à la surface de la plaque. Les atomes de zinc privés d'électrons passent
en solution sous forme d'ions. On assiste donc à un mouvement régularisé d'ions
et d'électrons à la surface du zinc métallique : c’est un courant électrique à courte
distance. Si l’on veut utiliser ce courant, il faut séparer dans l’espace les proces-
Le perte et de capture d'électrons : c’est ce qui est réalisé dans la pile Danieli-
IJakobi.
* L'énergie chimique est la fraction de l'énergie interne, liée non pas au
mouvement chaotique des particules, mais à l’interaction des noyaux et des
électrons qui détermine la structure chimique des corps.
** L'énergie électrique est celle du mouvement régularisé des électrons.
Les électrons et les ions du courant électrique subissent une agitation thermo-
cinétique et la régularité de leur mouvement s’en ressent : les particules chargées
s’écartent de temps en temps des lignes de force du champ électrique, bien que,
en moyenne, leur déplacement soit orienté.
$ 52] SOURCES CHIMIQUES DE COURANT £LECTRIQUE 213
Lorsque du zinc métallique est plongé dans une solution de ZnSO,, certains
atomes de la surface passent en solution sous forme d'ions en laissant des élec-
trons (fig. 54). Au bout de quelque temps un équilibre s’installe:
Zn = Zn°* + 2e (1)
Un processus analogue a lieu lorsqu'on immerge du cuivre métallique
dans une solution de CuSO, :
Cu == Cuf* + 2e (2)
Dans le cas du zinc, le déplacement de l'équilibre vers la droite est plus
important que dans le cas du cuivre. Cela signifie que la plaque de zinc garde
plus d'électrons que celle de cuivre. La charge négative de la plaque de zinc
Fig. 54. Pile cuivre-zinc de Daniell-lakobi
est donc plus importante ou, en d’autres termes, l’électrode de zinc est plus
négative que celle de cuivre. Si l’on réunit les deux électrodes à l’aide d'un
conducteur, leurs charges s’égaliseront, des électrons passant de la plaque de
zinc vers celle de cuivre. Ce passage provoque, conformément au principe de
Le Chatelier, un déplacement des équilibres (1) et (2). L'électrode de zinc perdant
des électrons, l'équilibre (1) se déplace vers la droite: le zinc se dissout. Par
contre, l'équilibre (2) se déplace vers la gauche, car l'électrode de cuivre porte
désormais plus d'électrons. Par conséquent, des ions cuivre s'approcheront de
l'électrode, capteront des électrons et se déposeront sous forme d'atomes à la
surface du métal. Suite au déplacement des équilibres (1) et (2), il y a accumula-
tion d’ions positifs Zn?* autour de l’électrode de zinc et d'ions négatifs SO-
autour de l’électrode de cuivre. Pour avoir un circuit électrique fermé, il faut
relier les deux solutions par un conducteur d'ions. C’est, par exemple, un tube
en verre rempli de solution de ZnSO, ou de CuSO,. Alors, des ions SOi- migre-
ront de l’électrode de cuivre vers celle de zinc et les ions zinc, au contraire, de
l’électrode de zinc vers celle de cuivre. L'égalité des charges des deux solutions
sera ainsi assurée et la pile galvanique pourra fonctionner.
On voit donc qu’il est impossible de créer une pile galvanique qui ne com-
porterait que des métaux: il faut toujours aussi un électrolyte. L'énergie électri-
que qui naît dans les piles galvaniques a pour origine des transformations d'oxy-
214 SOLUTIONS ÊÉLECTROLYTIQUES [CH. VIT
NN
dation et de réduction, auxquelles répond un saut de potentiel entre l’électrode
et la solution.
La différence de potentiel (la tension) entre les électrodes d'une pile galva-
nique est une de ses caractéristiques essentielles. Elle se FARPOrS à un tel état
de la pile où les électrodes sont en équilibre chimique avec la solution qui les
entoure et où le courant qui passe entre les électrodes est infiniment petit:
cas des électrodes disjointes. Cette tension est dite force électromotrice CS
On la déduit de la différence des potentiels d'électrode correspondants. Connais-
sant les potentiels d’électrode normaux
Znt+2e=Zn EYna+yzn = —0,76 V
Cut + 2e = Cu Etusrcu = 0134 V
on obtient la f.é.m. normale pour la pile Daniell-Iakobi
EQu=zn = ECur+/cu — EZn2+/zn = 0,34—(—0,76)=1,10 V
en soustrayant la valeur du potentiel de l’électrode moins positive de celle
du potentiel de l'électrode plus positif.
Les électrodes des piles galvaniques peuvent être de deux types. Dans
le premier cas, l’électrode participe directement aux réactions d'oxydoréduc-
2FeÆ 2Fe°
®%
Fig. 55. Pile galvanique à électrodes inertes fonctionnant par oxydoréduction
tion: c'est ce qu'on observe pour la pile considérée. De tels éléments sont à
électrode consommable de Dans le second cas, l’électrode ne sert qu'à trans-
mettre les électrons. Une pile galvanique à électrodes du second type est repré-
sentée sur la figure 55. La demi-pile gauche est constituée de la solution d’un
mélange de sels de Sn°* et de Sn'* dans laquelle est plongée une électrode de
platine. L'équilibre qui s'établit à la surface de l'électrode :
Snt+ + 2e == Sn?*+
détermine son potentiel. Dans la demi-pile droite, l'électrode de platine est
longée dans la solution d’un mélange de sels de Fe**+ et de Fe’+. L'équilibre
à la surface de la seconde électrode
Fes+ + ee Fe°+
détermine son potentiel. De telles piles galvaniques sont dites à électrodes inertes.
$ 52] SOURCES CHIMIQUES DE COURANT ÉLECTRIQUE 215
Les éléments galvaniques se subdivisent à leur tour en deux types: primai-
res et secondaires. Les éléments primaires ne peuvent être rechargés, une fois leur
substance active consommée. Il n'y est pas possible d’inverser le processus
d’électrode en changeant le sens du courant. Usuellement. on donne à ces élé-
ments galvaniques le nom de pile. Les éléments secondaires peuvent être régéné-
rés (rechargés) après leur épuisement en inversant le sens du courant. C'est la
réversibilité électrochimique des électrodes qui rend un tel rechargement pos-
sible. Ces éléments galvaniques, utilisés pour obtenir de l'énergie électrique,
sont dénommés accumulateurs. Les accumulateurs emmagasinent de l'énergie
électrique sous forme d'énergie chimique. Nous allons considérer deux accumu-
lateurs usuels: acide (au plomb) et alcalin (au fer-nickel).
Accumulateur au plomb. Le pôle positif de cet accumulateur est constitué
ar une électrode en diokvde de plomb. Ce dernier remplit sous forme de pâte
es mailles d'une grille de plomb. L'’électrode de plomb sert de pôle négatif.
On utilise comme éectrlste une solution aqueuse à 25-30 % d'acide sulfurique.
L'équation ci-après représente le processus de génération de courant dans un
accumulateur au plomb (la réaction se produit de gauche à droite):
décharge
Pb + PbO, + 2H,S04 ==> 2PbSO, + 2H,0
charge
Lors de la recharge les réactions se produisent dans le sens inverse.
Au pôle négatif on a la réaction
Pb +2 Pb°+ b 2e
Les ions Pb°*+ se déposent sur l’anode sous forme de sulfate de plomb PbSO,,
peu soluble. Au pôle positif on observe la réaction
PbOs - 4H+ + 2e =e Pb®+ + 2H,0
et les ions Pb°+ se déposent sur la cathode sous forme de PbSO,.
La f.é.m. d’un accumulateur au plomb croît avec la concentration de l'élec-
trolyte en acide sulfurique. Ainsi, s’il y a 240 g d'acide sulfurique par litre
d'électrolyte, sa f.é.m. vaut 2,0 V, alors qu’à 420 g/l elle atteint 2,1 V. Au cours
de la décharge de l'accumulateur, l’acide sulfurique est progressivement fixé
et la f.é.m. diminue. La concentration de l’acide sulfurique permet de juger
du degré de décharge d’un accumulateur. En pratique, il s'avère plus commode
de mesurer la densité de la solution de H,SO, qui est une fonction de la concen-
tration.
Il ne faut pas que la décharge d’un accumulateur au plomb soit trop impor-
tante : si sa f.é6.m. dd jusqu'à 1,8 V, on peut considérer que l’accumulateur
est complètement épuisé. La présence d'impuretés fait baisser le rendement
d’un accumulateur. Il faut donc que les matériaux dont il est fait soient de haute
pureté. L'eau qu'il contient s’évapore au cours du fonctionnement et se décom-
pose en partie lors de la recharge, d'où la nécessité de rajouter de temps en temps
de l'eau distillée. 11 ne faut pas qu'un accumulateur reste longtemps déchargé.
Comme on sait, sa décharge conduit à la formation de sulfate de plomb. Ce
sulfate est d’abord finement dispersé, mais, avec le temps, de gros cristaux se
forment par recristallisation. Ces cristaux détruisent les parois des électrodes,
mettant l'accumulateur hors de service. On évite ce processus, dit sulfatation
des plaques, en rechargeant l'accumulateur immédiatement après la décharge.
Accumulateur alcalin. Une plaque de fer (ou de cadmium) de grande surface
constitue le pôle négatif d'un tel accumulateur, le pôle positif étant en nickel
rempli d'oxyde de nickel (III). Une solution à 20 % d'hydroxyde de potassium
sert d'électrolyte. La charge et la décharge (génération de courant) d’un accu-
216 SOLUTIONS ÉLECTROLYTIQUES (CH. VI
mulateur alcalin se produisent suivant l'équation
décharge
Fe + Ni,0, + 3H,0 > Fe(0H), + 2Ni(OH},
charge
Au pôle négatif se produisent les réactions
Fe = Fe?+ LE 2e
Fe?+ L 20H- = Fe(OH),
Au pôle positif on a:
Ni30s + 3H230 + 2e == 2Ni+t 60H-
Nièt + 20H- = Ni(OH),
Ainsi que dans l’accumulateur au plomb, les électrodes sont poreuses
à surface développée. La f.6.m. de l’accumulateur alcalin vaut 1,3 V. D'habi-
tude, ces accumulateurs sont commercialisés sous forme de batteries comportant
plusieurs couples disposés en série.
I1 ne s'agit pas actuellement d'obtenir de grosses quantités d'énergie
électrique à l’aide d'éléments galvaniques de puissance unitaire élevée. I] est
beaucoup plus simple et rentable d'utiliser à cet effet les centrales thermiques,
hydro-électriques et électronucléaires. Cependant, il y a chaque année de plus
en plus d'appareils industriels ou ménagers qui demandent des sources de courant
autonomes, légères et peu encombrantes. Les autos et les avions modernes, les
appareils de radio et électriques à transistors, les montres électroniques et les
avertisseurs, les satellites artificiels et les laboratoires spatiales ont besoin
d’une large gamme d'éléments galvaniques. Il y a des cas où rien ne peut les
remplacer en tant que source de courant. Leurs dimensions et formes peuvent
être les plus diverses. Ils ne comportent aucune pièce mobile soumise à l’usure
et sont relativement légers, autonomes, peu sensibles aux vibrations. Ils fonc-
tionnent sans bruit et se prêtent bien au réglage.
CHAPITRE VIII
SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VII
HYDROGENE
$ 53. Hydrogène à l’état naturel. La situation de l'hydrogène
au sein de la classification périodique des éléments est assez ambi-
guë. Autrefois, on le plaçait dans le sous-groupe principal du grou-
pe Ï. Aujourd'hui, on le dispose plus souvent au début du sous-groupe
des halogènes. Les arguments en faveur de son classement au début
du sous-groupe des métaux alcalins sont les suivants.
1° De même que les métaux alcalins, l'hydrogène est au degré
d’oxydation +1 dans la plupart de ses combinaisons.
2 Pareillement aux métaux alcalins, l'hydrogène possède des
propriétés réductrices nettement marquées.
3° Les réactions de déplacement réciproque sont caractéristiques
de l'hydrogène et des métaux, y compris les métaux alcalins.
Les traits suivants font ressembler l’hydrogène aux halogènes.
1° Ainsi que les atomes des halogènes, l’atome d'hydrogène est
capable de fixer un électron en formant l'ion hydrogène isoélectro-
nique à l’atome du gaz rare le plus voisin.
2° Tout comme les halogènes légers, l'hydrogène — corps sim-
ple — est gazeux dans les conditions normales et sa molécule se
compose de deux atomes.
3° L'hydrogène combiné est remplaçable par un halogène. La
chimie organique dispose de nombreux exemples de réactions pareil-
les.
4° Le potentiel d’ionisation de l'hydrogène est comparable à
ceux des halogènes. Ainsi, le potentiel d’ionisation de l’atome d'’hy-
drogène vaut 13,6 eV, celui de l’atome de fluor 17,4 eV et celui de
l'atome de lithium seulement 5,6 eV.
L'hydrogène est un des plus répandus éléments terrestres. La
teneur totale en hydrogène de l'écorce terrestre est égale à 1 %
(massiques). Si l’on exprime cette quantité en termes atomiques,
il se trouve que pour 100 atomes constituant l'écorce terrestre, il
y en a 17 d'hydrogène.
Outre l'hydrogène léger :H, on connaît bien ses deux autres iso-
topes: le deutérium D et le tritium °T. Le rôle du deutérium est.
218 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VII [CH. VIII
EE
important dans la technique atomique. L'eau lourde D,0 sert à
ralentir les neutrons dans les piles nucléaires. Le tritium est l’isoto-
pe radioactif de l'hydrogène. En se désintégrant, son noyau émet
une particule B et se transforme en noyau de l’atome d'hélium (iso-
tope de l’hélium de nombre de masse 3):
ST — f + 3He
En substituant le tritium à l’hydrogène léger (ordinaire) combi-
né, on obtient des produits « marqués », largement utilisés en chimie
et en médecine.
$ 54. Préparation et propriétés de l'hydrogène. En laboratoire,
l'hydrogène est usuellement préparé par l’action d’un acide (acide
Chlorhydrique ou sulfurique dilué) sur le zinc:
Zn + H,S0, = ZnS0, + Hs
Les procédés industriels partent d'une matière première moins
Chère. C’est ainsi qu'on fait agir de la vapeur d’eau sur du charbon
incandescent :
C + H,0 = CO + H,
Le mélange qui en résulte est appelé gag à l'eau. En présence
d’un catalyseur (Fe,0:), à 500 °C, l’oxyde de carbone (II) est trans-
formable en CO, suivant la réaction
CO + H.0 = CO, + H,
On n’a aucune difficulté à débarrasser l’hydrogène de CO..
L'industrie utilise de grandes quantités d'hydrogène pour fabri-
quer l’ammoniac. Par hydrogénation (addition d'hydrogène) on
transforme les combustibles solides (houille, schistes) ainsi que les
combustibles liquides lourds (résidus de transformation du pétrole
et du goudron de houille) en combustible léger pour moteurs.
L'hydrogénation des huiles végétales (d’hélianthe, de coton, de soja) per-
met d obtenir des graisses solides utilisées dans la fabrication de margarine,
dans la savonnerie, etc. L'hydrogénation des huiles conduit à des glycérides
saturés fondant plus haut que les corps gras de départ.
Chimiquement, l'hydrogène est un corps assez actif. Il agit facile-
ment, à température élevée, sur plusieurs non-métaux : chlore, brome,
oxygène, soufre et autres. La réaction explosive avec le fluor se
produit dès la température ordinaire:
H: + Fe = 2HF + 535 kJ
L'hydrogène manifeste ses propriétés réductrices en déplaçant
des métaux de leurs sels ou oxydes:
CuO + H; = Cu + H,0
$ 55] GENÉRALITES 219
Dans l'interaction avec les métaux actifs (alcalins et alcalino-
terreux), l'hydrogène se comporte en oxydant:
2Na + Hs = 2NaH
L'hydrogène des hydrures alcalins et alcalinoterreux est au degré
d’oxydation —1. Les hydrures des métaux alcalins ont l’aspect et
les propriétés physiques qui les font ressembler aux halogénures des
mêmes métaux. En agissant sur l’eau, ils forment de l'hydrogène:
NaH + H,0 = NaOH + H,i
On connaît actuellement les hydrures de la plupart des éléments chimiques.
Leurs propriétés et leur structure permettent de les classer en quatre groupes:
hydrures gazeux ou volatils: (BH:):, NH, CH,,
hydrures salins: NaH, CaH.,
hydrures polymères: (BeH.),, (AlH:)..
hydrures interstitiels (métalloïdes): composés non stoechiométriques que
l'on peut considérer comme des solutions solides d'hydrogène dans un métal
(par exemple, hydrogène en solution dans le palladium).
Nu
L'activité chimique de l'hydrogène est particulièrement élevée
au moment de son dégagement (à l’état naissant). Cela est dû au
fait qu'au premier instant (lors de l’interaction du zinc avec un acide
par exemple), l’hydrogène a la forme atomique. Dans les réactions
où l’hydrogène intervient sous sa forme atomique, aucune énergie
n’est dépensée pour rompre les liaisons H—H, comme c’est le cas
en présence de molécules H,. On sait que la molécule d'hydrogène
est assez stable : l'énergie de sa liaison chimique s'élève à 430 kJ/mol.
A la différence de l’hydrogène moléculaire, l'hydrogène atomique
réagit dès la température ordinaire en réduisant les oxydes métalli-
ques, en se combinant à l'oxygène moléculaire, au soufre, au phospho-
re et à l’arsenic.
HALOGNES
$ 55. Généralités. On appelle halogènes les éléments fluor, chlore,
brome, iode et astate *.
Tableau 15
Certaines propriétés des atomes d’halogènes
Premier po- | Electronétga-
Elé- | Numéro | , Configuration des deux | Rayon, |tentiel d’lo- [tivité relative
ment | atomique ques (état fondamental) Si re Pine)
F 9 1s22s°2p5 0,072 1682 4,0
CI 17 2s22p°3s°3p5 0,099 1255 3,0
Br 35 3s?3p3d194s%4p5 0,114 1142 2,8
I 53 4s?4pt4d195s°5p5 0,133 1008 2,6
* L'astate ne sera pas considéré dans ce livre.
220 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VII , (CH. VIII
L'examen de la structure électronique des atomes d’halogènes
(Tableau 15) montre qu'à chacun de ces atomes manque un électron
pour avoir une couche stable à 8 électrons. Les halogènes sont donc
aptes à capter un électron pour former un ion négatif:
eClete—°Cl2 ou Cle Cl-
La molécule de chlore résulte de l’accouplement des électrons
célibataires de deux atomes de chlore:
°Cle + Cl: —+ :CI:CI:
Le fait que les atomes d’halogènes portent sur leur niveau énergé-
tique extérieur un électron non apparié est à l'origine de leur état
univalent. Pour pouvoir manifester des valences plus élevées, l’atome
doit s’exciter en désaccouplant ses doublets électroniques et en
faisant passer un de ses électrons p ou s sur le sous-niveau éner-
gétique suivant (d).
Comme l'excitation d’un électron, liée à sa transition sur le
niveau énergétique suivant, demande une trop grande consommation
d'énergie, le fluor est toujours univalent. Les halogènes qui suivent
le fluor dans la classification périodique possèdent sur leur couche
de valence des orbitales d vacantes. L'énergie nécessaire pour assurer
une transition électronique à l’intérieur d’un même niveau énergé-
tique est beaucoup moins importante. Une telle excitation pour
l'atome de chlore peut être représentée comme suit:
Etat fondarental
Premier état excité
Deuxieme etat excite
Troisième état excité
Ainsi, le chlore, le brome et l'iode peuvent présenter dans leurs
combinaisons une valence égale à 1, 3, 5 ou 7. L'énergie dépensée
po ur exciter les atomes se trouve compensée par celle qui se dégage
lo rs de la formation de nouvelles liaisons chimiques.
$ 56. Propriétés physiques des halogènes. Le fluor et le chlore
sont gazeux dans les conditions normales (Tableau 16). Le fluor est
jaune très pâle et le chlore vert-jaune. Le brome est un liquide
brun-rouge et l’iode un solide brun foncé à éclat métallique qui forme
par chauffage des vapeurs d’un violet foncé. Lorsqu'on refroidit ses
vapeurs, l’iode redevient solide sans passer par l’état liquide *.
* Au cours d’un chauffage rapide, surtout sous pression, l’iode fond à
113,7 °C.
$ 56] PROPRIÊTES PHYSIQUES DES HALOGÈNES 221
Le passage direct d’un corps de l’état solide à l'état gazeux est dénommé
sublimation. On s’en sert souvent pour purifier les corps (iode sublimé).
La volatilité des halogènes diminue parallèlement à l’augmenta-
tion de la charge du noyau atomique qui s'accompagne de l’accrois-
sement des forces intermoléculaires qui retiennent les molécules des
halogènes dans le réseau.
Tableau 16
Propriétés physiques des halogènes
Fluor Chlore Brome | 1ode
Etat d'agrégation à Gaz Gaz Liquide Solide
20 °C
Couleur du gaz ou de | Jaune clair | Vert-jaune | Brun-rouge |Violet foncé
la vapeur
Taux de dissociation 4,3 0,035 0,23 2,8
thermique des mo-
lécules à 4000 °C, %
Masse volumique, 1110 1560 3120 4940
kg/m° (liq) (liq)
Température, °C:
de fusion —219,6 —101,3 —17,3 113,7
d’ébullition —188 ,1 —34 ,1 57,9 182,8
Tous les halogènes possèdent une odeur forte et sont très toxiques.
Aspirés même à faible dose, ils provoquent une irritation des voies
respiratoires et des muqueuses buccale et nasale ; à forte dose, ils
ont un effet suffocant. Le fluor provoque l'inflammation des mu-
queuses et de fortes brülures cutanées. Les lésions dues aux halogènes
liquides sont rebelles à la guérison.
La solubilité des halogènes dans l’eau est variable. Il est impos-
sible de préparer une solution aqueuse de fluor, car ce dernier réagit
sur l’eau. Dans un volume d'eau on dissout 2,3 volumes de chlore
à 20 °C. La solution de chlore dans l’eau, d’une couleur vert-jaune,
est appelée eau de chlore. Pour le brome, la solubilité dans l’eau est
approximativement égale à 3,5 g/l et pour l’iode, à 0,3 g/1. La solu-
tion aqueuse de brome, l’eau de brome, est colorée en brun-rouge.
L'eau d'iode est usuellement préparée en ajoutant à l’eau une faible
quantité d'iodure de potassium.
Le brome et l’iode sont mieux solubles dans divers solvants orga-
niques (alcool, benzène, essence). Lorsqu'on agite du brome ou de
l'iode avec un solvant organique, leur plus grande partie passe dans
le solvant. Les halogènes à liaison moléculaire covalente (non polaire)
se dissolvent le mieux dans les solvants organiques à molécules non
ou peu polaires.
292 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VII (CH. VIII
.
$ 57. Propriétés chimiques des halogènes. Les halogènes forment
des molécules diatomiques qui ne se dissocient en atomes qu'à
hautes températures (v. Tableau 16). Lorsque deux atomes d’halogè-
ne se rapprochent, les nuages de leurs électrons p non appariés se
recouvrent en formant une molécule X, (X=halogène) dans laquelle
l'atome d’halogène acquiert une structure à huit électrons. Les halo-
gènes agissent énergiquement, avec dégagement de chaleur. sur les
métaux en formant des sels (le mot halogène est dérivé des mots
grecs hals sel, et gennän engendrer). Ainsi, un fil de cuivre chauffé
devient incandescent en présence de chlore. La même chose se produit
pour une limaille de fer chauffée, alors que le fer en poudre brüle
dans le chlore sans aucun chauffage préalable. Le chlore agit sur
le cuivre et le fer suivant les réactions
Cu + Cl, = CuCl, et 2Fe + 3Cl, = 2FeCl,
Le fluor et le chlore se combinent avec la plupart des métaux
dans les conditions ordinaires. En l’absence d’eau, il se forme parfois
à la surface de métaux une pellicule dense qui protège le métal (le
chlore sec liquéfié est transporté dans les bouteilles en acier.) Le
brome et l’iode sont moins actifs que le chlore, mais ils réagissent
quand même avec plusieurs métaux dans les conditions normales.
Les halogènes entrent en réaction avec l’hydrogène en formant
une combinaison de composition HX :
H, + X, = 2HX
Le fluor réagit sur l'hydrogène avec explosion en dégageant
535 kJ d'énergie. La réaction du chlore avec l’hydrogène est très
lente dans les conditions ordinaires, mais sous l’action de la lumière
solaire directe ou à température élevée, cette réaction est également
explosive. Ce phénomène a trouvé son explication dans le cadre de
la théorie des réactions en chaîne *.
Dans certaines réactions photochimiques, un quantum de lumière (photon)
absorbé provoque une chaîne de réactions consécutives. Au cours de la synthèse
de chlorure d'hydrogène à partir d'hydrogène et de chlore, pour chaque photon
absorbé il se forme jusqu’à 100 molécules HCI. Ce processus consiste en ce que
l'énergie du rayonnement ultraviolet provoque la dissociation de la molécule
de chlore en atomes. ces derniers réagissant ensuite sur les molécules d'hydrogène
pour engendrer une molécule de chlorure d'hydrogène et un atome d'hydrogène.
Cet atome réagit à son tour sur une molécule de chlore en formant une molécule
de chlorure d'hydrogène et un atome de chlore, et ainsi de suite. On a, de la
sorte, une chaîne de réactions consécutives:
CI, + Photon —+ CIl- + CI:
Cl: -- H, + HCI + H:
Les réactions de ce type sont dites en chaîne.
* En 1956, l'académicien soviétique Nikolaï Séménovy s'est vu décerner un
prix Nobel pour avoir élaboré cette théorie.
$ 57] PROPRIÉÊTES CHIMIQUES DES HALOGÈNES 223
Le brome et l’iode ne réagissent sur l'hydrogène qu’à température
élevée, la réaction étant limitée dans le cas de l’iode, car l’iodure
d'hydrogène formé suivant la réaction
He + I, = 2HI
est facilement décomposable.
Le fluor, le plus électronégatif de tous les éléments chimiques
(v. Tableau 15), est au degré d’oxydation —1 dans toutes ses combi-
naisons, y Compris celle avec l’oxygène (OF.,). Les autres halogènes
peuvent présenter, par contre, des degrés positifs. Le fluor entre en
réaction avec la quasi-totalité des corps simples ou composés. dont
certains gaz rares. En réagissant sur l’oxyde de silicium (IV) amor-
phe, le fluor s'enflamme :
2F: + SiO: — SIF, + O:
Etant un oxydant très fort, le fluor décompose l'eau:
Le chlore réagit sur l’eau à la lumière, donnant les acides chlor-
hydr ique et hypochloreux :
Le brome en solution dans l’eau forme également les acides brom-
hydrique et hypobromeux qui s’y trouvent en équilibre avec le
brome.
Dans les conditions normales ou à température élevée, les haloge-
nes se combinent directement à nombreux non-métaux. C'est ainsi
que le phosphore introduit dans le chlore s’enflamme en donnant du
chlorure de phosphore (III) et du chlorure de phosphore (V):
2P + ACI, = 2PCI, et PCI, + Cl, = PCI,
Le phosphore se combine énergiquement au brome (à froid) et
à l’iode (à chaud). L’azote, l'oxygène et certains autres non-métaux
ne réagissent pas directement avec les halogènes.
La réaction caractéristique de l’iode est son interaction avec l'ami-
don. Le composé qui se forme est d'un bleu intense. Cette réaction
permet de détecter l’iode, même si sa concentration dans une solu-
tion est inférieure à 10-° mol/l. La chimie analytique se sert large-
ment de la réaction iode-amidon.
Dans la série F-CI-Br-I, l'activité chimique (pouvoir oxydant)
va décroissant du fluor à l’iode, rorrélativement à l’augmentation
progressive des rayons et à la diminution du premier potentiel d'io-
nisation de leurs atomes (v. Tableau 15). Le fluor déplace donc de
leurs combinaisons le chlore, le brome et l’iodé; le chlore déplace le
224 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VII [CH. VIII
oo mm mm.
brome et l’iode, et le brome ne déplace que l’iode:
Cls + 2NaBr = Br, + 2NaCl
CL + 2KI = I, + 2KCI
Br +2KI=I, + 2KBr
$ 58. Halogènes à l’état naturel. Aucun halogène, à l’exception
de l'iode, ne se trouve dans la nature à l’état libre. Les sels qui en
contiennent se rencontrent sous forme de gîtes ou à l’état dissous dans
l’eau des mers et des lacs ainsi que dans les eaux de sources pétroli-
fères.
Le fluor est contenu dans les minéraux: la fluorite CaF,, la cryo-
lithe Na,AÏF, et l’apatite Ca, (PO,), (F, Cl). L'écorce terrestre en
renferme 0,08 % (massiques).
Le sel gemme (halite) NaCI est une des combinaisons naturelles du
chlore. Ses gisements se sont formés par dessèchement de mers et de
lacs. Le chlorure de sodium se trouve en quantités importantes dans
l’eau des océans, des mers et des lacs salins. Le chlore entre égale-
ment dans la composition d’une roche constituée principalement
par un mélange cristallin des minéraux halite NaCI, sylvine KCI et
carnallite KCI-MgCl,-6H,0. La teneur en chlore de l’écocre terrestre
s'élève à 0,2 % (massiques).
L'iode et le brome se rencontrent sous forme d’impuretés isomor-
phes dans les chlorures de Na, K et Mg. A l'état libre, l’iode est con-
tenu dans les eaux de gisement de pétrole et dans certaines algues ma-
rines, telle la laminaire. La proportion du brome dans l'écorce ter-
restre atteint 3-10 et celle de l’iode 4-10-° % (massiques).
$ 59. Préparation des halogènes. On obtient le fluor par électro-
lyse de composés fluorés (ordinairement, de KHF, à l’état fondu)
suivant le schema
KHF, = KF + HF
2HF 2 2H++2F-
A la cathode | | A l’anode
2H*+2e=H,;<+! '—2F—2=7F,
Pour préparer du fluor en laboratoire, on place le sel KHF,,
facilement fusible, dans un récipient en cuivre 2 (fig. 56) qui sert de
cathode. L’anode, constituée par un fil en nickel de gros diamètre,
se trouve à l’intérieur du cylindre de cuivre Z muni d'orifices dans sa
partie inférieure. L'électrolyseur est équipé d’évents.
A l'échelle industrielle, l’électrolyse est conduite dans un élec-
trolyseur en acier dont les parois servent d’anode. Comme cathode,
on utilise des tiges en graphite. Entre la cathode et l’anode, il y a
une membrane qui sépare l'hydrogène du fluor.
$ 60] HALOGENURES D'HYDROGEÈNE, ACIDES HALOHYDRIQUES 225
——— ——_—_—__—_—_—_—_—_—_—__—_—_—_——
Le chlore est obtenu par électrolyse de solutions concentrées de
chlorure de sodium dans l'eau. Du chlore se dégage sur l’anode de
charbon, alors que sur la cathode il y a dégagement d'hydrogène.
Dans la solution, on voit s'accumuler de
l'hydroxyde de sodium. Les réactions sont
les suivantes :
2NaCl == 2Na* + 2CI-
A la cathode: 2H,0 + 2e = H, + 20H-
A l'anode: 2CI- — 2: = CL
En solution: 2Na* + 20H- = 2NaOH
Dans les laboratoires. on obtient le chlo-
re en faisant agir de l'acide chlorhydrique
concentré sur des oxydants forts:
2KMnO, + 16HCI = 2KCI + 2MnCl, + 8H,0+5CI,
Le brome est tiré de l'eau decertainslacs Fig. 56. PREUIAONS
salins, de l’eau de mer, parfois des composés P°T PP
: sé fluor :
bromés entrant dans la composition de sels ; : __ cylindres de cuivre
fossiles, des eaux de gisement. L'iode est
extrait des eaux de gisement ainsi que des cendres d'algues marines.
Au cours de la préparation de brome et d’iode, on peut utiliser l'ap-
titude du chlore à les déplacer des halogénures (v. pp. 223-224).
$ 60. Halogénures d'hydrogène, acides halohydriques et leurs sels.
On appelle halogénures d'hydrogène les corps constitués d'un hydrogè-
ne et d'un halogène. A l'exception de l'hydrogène fluoré, tous les
halogénures d'hydrogène sont des gaz incolores. Le fluorure d'hydro-
gène est dans les conditions ordinaires un liquide bas-bouillant :
l'acide fluorhydrique. Sa température d'ébullition relativement
élevée (Tableau 17) est due à l'association des molécules HF. Les ha-
logénures d'hydrogène se caractérisent par une odeur forte, fument à
l'air, irritent les parois des voies respiratoires (surtout le fluorure
d'hydrogène).
Les molécules des halogénures d'hydrogène sont polaires, d'où
leur bonne solubilitée dans l'eau avec féfmation d'acides de formule
générale HX. Ces acides se dissocient en solution aqueuse suivant les
schémas
HX + H°,0 = H,0* + X- ou HX = I1* + X-
Le fluorure d'hydrogène se prépare par interaction de la fluorite
CaF, avec de l'acide sulfurique concentré dans un four en acier à
120-300 °C :
CaF, + H:S0, = CaSO, + 2HF
15—-011951
226 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VII , (CH. VIN
Tableau 17
Propriétés des halogénures d’hydrogène
Chaleur de formation
à partir des élé-
ments, kJ/mol
Longueur de la liaison
H—X, nm 0,141 0,162
Moment dipolaire de la
molécule à l'état
gazeux, p-107%0 C.m
Température, °C:
de fusion — 51
d'ébullition —35
Solubilité à 10 °C, mol/l 12
Degré de dissociation
ur la solution
1 N, %
1,25
Le chlorure d'hydrogène est obtenu par plusieurs procédés, dont
le plus répandu à l'heure actuelle est la synthèse à partir des élé-
ments :
H, + Cl, = 2HCI + 185 kJ
Beaucoup de chlorure d'hydrogène se forme en tant que sous-
produit au cours de la chloration de composés organiques :
RH + Cl, = RCI + HCI (R = radical organique)
Un autre procédé industriel d'obtention de HCI consiste à chauf-
fer du chlorure de sodium en présence d'acide sulfurique concentré :
2NacCl + H:S04 — NaSO, + 2HCI+
L'hydrogène bromé ou iodé ne peut être obtenu par ce procédé,
car ces deux halogénures s’oxydent en présence de H,SO, concentré.
On les prépare par hydrolyse du bromure de phosphore (III) ou de
l'iodure de phosphore (III):
PBr: + 3H,0 _— H,PO; + 3HBr et Pls + 3H,0 — H3POs + 3HI
HF excepté, tous les autres halogénures d'hydrogène, dissous
dans l’eau, forment des acides forts. La constante de dissociation de
l'acide fluorhydrique est égale à 6,7-10-*. Cela veut dire qu’en solu-
tion aqueuse 0,1 N, HF ne se dissocie qu'à 9 %, du fait de l’existen-
ce de liaisons hydrogène et d’association des molécules HF.
8 61] COMBINAISONS OXYGÉNÉES DES HALOGÈNES 297
Une particularité du fluorure d'hydrogène et de l'acide fluorhy-
drique est leur action sur l’oxyde de silicium (IV):
SiO, + 4HF = SiF, + 2H,0
Le verre comportant de l’oxyde de silicium (IV), on ne peut pré-
parer ou conserver HF dans les récipients en verre ou céramiques.
Le fluorure d'hydrogène liquide anhydre dissout parfaitement de
nombreux sels.
L'acide chlorhydrique est un liquide incolore d’une odeur forte qui
renferme 42 % HCI à 18 °C.
Dans le commerce, on trouve l'acide chlorhydrique de concentrations
différentes. L'’acide chlorhydrique utilisé comme réactif possède une densité
de 1190 kg/mS et renferme près de 37 % de chlorure d'hydrogène. L'acide chlor-
hydrique industriel (acide muriatique) contient au moins 31 % de HCI (on le
répare par synthèse directe à partir de chlore et d'hydrogène). Pour transporter
’acide chlorhydrique, on utilise des bouteilles en verre ou des réservoirs métal-
liques caoutchoutés (revêtus à l’intérieur d’une couche de caoutchouc).
Les acides iodhydrique et bromhydrique diffèrent notablement de
l'acide chlorhydrique par leur comportement envers les oxydants.
Ils sont oxydés par l'oxygène moléculaire dès la température ordi-
naire (l’action de la lumière accélère cette réaction), l'oxydation de
l’acide bromhydrique étant beaucoup plus lente que celle de l'acide
iodhydrique.
Les sels des acides halohydriques ont un comportement variable
dans l’eau. La plupart des chlorures présentent une bonne solubilité
dans l’eau. Les chlorures d’Ag (1), Pb (II), Cu (I) et Hg (1) sont peu
solubles. La solubilité des bromures et des iodures est comparable à
celle des chlorures, tandis que les fluorures possèdent, dans la plupart
des cas, une mauvaise solubilité dans l’eau: sevls les fluorures de
Na, K, Al, Sn et Ag se dissolvent bien.
La très mauvaise solubilité et la coloration différente d'AgCl
(blanc), AgBr (jaune pâle) et Agl (jaune) sont utilisées pour identi-
fier les anions chlore, brome et iode.
$ 61. Combinaisons oxygénées des Halocènes Les halogènes ne
réagissent pas directement sur l'oxygène, mais il est possible de pré-
parer, par voie indirecte, des composés oxygénés pour tous les halo-
gènes (à l'exception du fluor) où leur degré d'oxydation peut varier
entre +1 et +7. Le fluor forme la combinaison OF, dans laquelle
il est au degré —1.
Le fluorure d'oxygène OF, est un gaz incolore dont l'odeur rappel-
le celle de l'ozone. C'est l'unique composé où l’oxygène possède un
degré d'oxydation positif. On le prépare par réaction du fluor sur
l’eau ou sur une solution à 2 % de NaOH.
15%
228 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VII [CH. VIII
La dissolution du chlore dans l’eau s'accompagne d’une réaction
réversible (hydrolyse) :
Cl + H:0 = HCI + HOCI
où l'équilibre ne s’installe que lorsqu'un tiers environ de tout le
chlore dissous a réagi. Cette interaction est liée à la polarisation de la
molécule de chlore: déplacement du doublet électronique commun
vers un des atomes de chlore sous l’effet des molécules polaires d’eau :
- +
«Cl: C1: + H°O:H = H°Cl: + :C1:0 2H
L'hydrolyse du chlore est donc une réaction d'oxydoréduction au
cours de laquelle un des atomes de chlore se réduit et l’autre s’oxyde.
L'acide hypochloreux est très faible (X = 3,7-10# à 18 °C) et
instable même en solution diluée. Au fur et à mesure de sa décomposi-
tion
HCIO = HCI + O
l'équilibre de la réaction
Cl, + H,0 = HCI + HOCI
se déplace vers la droite. Finalement, tout le chlore a réagi sur l’eau
et seul l’acide chlorhydrique reste en solution. La lumière accélère
cette réaction, voilà pourquoi l'eau de chlore est à conserver à l’a-
bri de la lumière. L'’acide hypochloreux est un oxydant très fort.
Le chlore complètement sec n'agit pas sur les colorants. mais en présence
d'humidité on observe une destruction rapide des matières colorantes par l'oxy-
gène atomique dégagé au cours de la décomposition de l’acide hypochloreux.
Les sels de l'acide hypochloreux sont dits kypochlorites.
Il est possible de faire déplacer vers la droite l’équilibre de l’hy-
drolyse du chlore si l’on fait passer ce dernier non pas dans l’eau,
mais dans une solution alcaline :
Cl, + KOH = KCIO + KCI + H,0
L'action du chlore sur la chaux éteinte (blanche) Ca (OH), con-
duit au chlorure de chaux:
Cl + Ca(OH), = CaOCI, + H:0
que l’on peut considérer comme un sel mixte des acides hypochloreux
CI
et chlorhydrique | Ca . Le chlorure de chaux est une poudre
NocI
blanche qui sent fort le chlore.
La décomposition de l'acide hypochloreux en présence de sub-
stances absorbant l’eau (tel CaCI.) permet d'obtenir un gaz brun-jau-
12
S 61] COMBINAISONS OXYGÊÈNÉES DES HALOGÈNES 2929
ne instable sentant le chlore : l'oryde de chlore (1) C!,0 qui est l’an-
hydride de l'acide hypochloreux.
L’acide hypochloreux anhydre subit, en solution dans l’eau, trois
transformations différentes qui se produisent simultanément et
indépendamment les unes des autres (réactions parallèles *) :
HOCI — HCI + O (a)
2HOCI = H.0 + CI1,0 (b)
3HOCI — 2HCI + HCIO, (c)
En faisant varier les conditions, on peut obtenir que la réaction
se produise de préférence selon un de ces mécanismes : suivant l’équa-
tion (a) sous l'effet de la lumière solaire directe ou en présence de
substances pouvant se combiner à l'oxygène ou encore en présence de
certains catalyseurs (sels de cobalt, etc.); suivant l'équation (b)
en présence de corps absorbant l’eau (comme CaCl.) ; suivant l'équa-
tion (c) à haute température.
Lorsqu'on fait passer du chlore dans une solution alcaline chau-
de, on assiste aux processus suivants :
3Cl, + 3H.0 == 3HCI -- 3HOCI
3HOCI —+ 2HCI + HCIO,
5HCI + HCIO, + 6KOH = 5KCI + KCIO, + 6H,0
Au total:
3C1, + 6KOH = KCIO, -- 5KCI + 3H,0
Le chlorate de potas:tum formé (sel de Berthollet) KCIO, qui, à la
différence du chlorure de potassium. est mal soluble dans l’eau, cris-
tallise, une fois la solution refroidie.
L'acide chlorique se forme suivant la réaction d'échange
Ba(CiO,). + H:S0, = BaSO,{ + 2HCIO,
et n'existe qu'en solution. C'est un acidà fort et un oxydant énergi-
que, bien que ses sels en solution n aient pas de propriétés oxydantes.
Tous les sels de HCIO, (chlorates) sont toxiques. On ne connaît aucun
anhydride qui correspondrait à l'acide chlorique.
Une oxydation ménagée des chlorates donne un gaz jaune très
instable : l’oryde de chlore (IV) CIO.. Ainsi, si l’on porte à 60 °C
un mélange humide de chlorate de potassium et d'acide oxalique, on
voit se produire la réaction
2KCIO, + H,C:0, — K:CO; eu CO; + H,0 + 2CIO,
L'action de l'oxyde de chlore (IV) sur une solution d'’alcali con-
duit au chlorite (sel de l'acide chloreux):
2CI0, + 2KOH = KCIO, + KCIO, -+ H,0
* Si un ou plusieurs corps peuvent réagir simultanément suivant deux direc-
tions ou plus, de telles réactions sont dites parallèles.
230 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VII [CH. VIII
L'’acide chloreur HCIO, est peu stable. Sa force et son pouvoir
oxydant le placent en position intermédiaire entre les acides hypo-
chloreux et chlorique.
Soumis au chauffage, KCIO, fond d’abord pour commencer à se
décomposer ensuite, vers 400 °C, suivant deux directions:
2KCIO, = 2KCI + 30, (en présence du catalyseur MnO.)
4KCIO, = KCI + 3KCIO, (en l'absence de catalyseur)
Le perchlorate de potassium KCIO,, peu soluble, est facilement
séparé de KCI qui possède une bonne solubilité.
L'acide perchlorique anhydre HCLO, (le perchlorate de potassium
est son sel) est un liquide fumant très hydrophile. Il est instable et
peut exploser au cours du stockage. Porté au-dessus de 90 °C, HCIO,
se décompose en explosant. Il explose également au contact des sub-
stances organiques (bois, charbon, etc.). C'est un des plus forts acides.
Ses solutions diluées n’ont aucun pouvoir oxydant. Ainsi que l'aci-
de même, la plupart des perchlorates sont incolores, bien solubles dans
l'eau et les solvants organiques, ils se décomposent au-dessus de 300-
600 °C avec dégagement d'oxygène. Leur préparation industrielle se
fait par électrolyse des solutions de chlorates:
KCIO, + H,0 = H: + KCIO,
La confrontation des propriétés chimiques essentielles (de l’aci-
dité et du pouvoir oxydant) des oxoacides du chlore fait voir que les
propriétés acides s’accentuent et les propriétés oxydantes s’atténuent
parallèlement à l’augmentation du degré d’oxydation du chlore:
Renforcement des propriétés fes
HOCI, HCIO,, HCIO, HCIO,
Renforcement de l’activité oxydante
Les sels des oxoacides du chlore ne manifestent aucun pouvoiroxy-
dant en milieu neutre ou alcalin. On peut expliquer l’accentuation
des propriétés acides dans la série ci-dessus par l’affaiblissement de
la liaison H—0O, provoqué par l’accroissement de la charge effecti-
ve positive sur l’atome de chlore avec, comme résultat, son attrac-
tion plus intense exercée sur les atomes d'oxygène. De plus, la ré-
pulsion réciproque des atomes d'hydrogène et de chlore, qui portent
des charges de même signe, croît avec l’augmentation de la charge
sur l’atome de chlore. Cette loi générale d'’affaiblissement de la liai-
son H—O avec augmentation de la charge effective positive de l’ato-
me central (soufre, azote, etc.) est valable pour tous les oxoacides.
Étant des oxydants forts, les oxoacides halogénés sont faciles à
réduire. Un halogène est un oxydant d'autant plus fort et se réduit
donc d'autant plus facilement, que son degré d'’oxydation est moins
élevé. La nature des produits de la réduction est fonction de l'acidité
du milieu, de la force et de la quantité du réducteur, de la tempéra-
8 61] COMBINAISONS OXYGENÉES DES HALOGÈNES 231
ture. Nous donnons ci-après quelques exemples de réactions où des
composés oxygénés du chlore se comportent en oxydants:
5HCIO, + 6P + 9H,0 = 6H,PO, + 5HCI
HCIO, + 480, + 4H,0 = 4H,S0, + HCI
5HOCI + Br, + H,0 = 2HBr0, + 5HCI
6FeSO, + KCIO, + 3H,S0, = 3Fe.(S0,)s + KCI + 3H,0
Il est aisé de se rendre compte des propriétés des combinaisons
oxygénées du brome et de l’iode en partant de la réaction réversible :
X: + H:0 = HX + HOX
Lorsqu'on passe du chlore au brome et puis à l'iode, l'équilibre
de cette réaction est déplacé de plus en plus vers la gauche.
Les acides hypobromeux et hypoiodeux ne sont connus que sous for-
me de solutions. Le long de la série HOCI-HOBr-HOI on voit dimi-
nuer la stabilité, le pouvoir oxydant et la force des acides. À côté
de la décomposition selon la réaction
HOX = HX +0
les acides hypobromeux et hypoiodeux présentent également l’équi-
libre
3HOX = HXO, + 2HX
out à la formation des acides bromique HBrO, et iodique
10.
L'’acide bromique n'existe qu’en solution, alors que l’acide iodi-
que peut avoir la forme de cristaux incolores facilement solubles. Les
propriétés de l’acide bromique le rapprochent de l’acide chlorique,
tandis que toutes les propriétés acides et oxydantes de l'acide iodi-
que sont accusées beaucoup moins que chez HCIO:.
De même que les chlorates, les bromates et les iodates n'ont aucun
caractère oxydant en milieu neutre et alcalin. Une déshydratation
prudente de HIO; peut permettre d'obtenir de l’oxyde d'iode (V)
1:0;, poudre blanche déliquescente qui, dissoute dans l’eau, redevient
acide iodique. Cet oxyde d'iode est un oxydant fort qu’on utili-
se dans la gazométrie pour identifier l’oxyde de carbone (II)
1.0, + 5CO = 5C0, + I,
L'acide perbromique HBrO,, obtenu tout récemment, n’a pas encore
éte suffisamment étudié.
L'acide periodique HIO, est un corps cristallin incolore que l’on
isole ordinairement sous forme du cristallohydrate HIO,-2H,0.
On peut le préparer par électrolyse de l'acide iodique:
HIO; + H,0 — H: + HIO,
Cet acide, ainsi que ses sels (periodates), est bien étudié. Ses pro-
priétés acides sont moins marquées que chez HCIO,, mais son pouvoir
239 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VII [CH. VIII
oxydant est beaucoup plus net. L'acide periodique HI0O,-2H,0
a le comportement d'un acide pentabasique.
$ 62. Applications des halogènes et de leurs composés. On utilise
le fluor liquide en tant qu'oxydant des propergols. On s’en sert massi-
vement pour préparer des composés organiques fluorés et, en faibles
quantités, pour obtenir CIF, (oxydant des carburéacteurs liquides et
agent de fluoration), SbF;, fluorures de Ca. Ag, Mn, Al (agents de fluo-
ration). Les divers composés du fluor trouvent des applications mul-
tiples : le fluorure d'hydrogène sert à obtenir le fluor et la cryolithe
synthétique K,AIF,, à graver sur verre et à synthétiser différents
hydrocarbures fluorés. Les fluoro et les chlorofluorohydrocarbures de
la série grasse sont souvent employés comme agents frigorifiques.
Le chlore sert à préparer du chlorure d'hydrogène et de l'acide
chlorhydrique, à blanchir les étoffes et la pâte à papier, à désinfec-
ter l’eau potable (quelque 1,5 g par 1 m° d'eau), à fabriquer chloru-
re de chaux, composés organiques chlorés, substances toxiques. Le
chlorure d'hydrogène, l'acide chlorhydrique et ses sels sont d’un lar-
ge usage industriel: fabrication de résines et caoutchoucs synthé-
tiques et d’autres produits d'hydrochloruration des composés orga-
niques pour le chlorure d'hydrogène ; préparation de chlorures de zinc,
manganèse, fer ct autres métaux, élimination des carbonates, oxy-
des et autres dépôts et impuretés de la surface de métaux et des
forages pour l'acide chlorhydrique.
Le chlorure de sodium sert d’assaisonnement indispensable, c'est
aussi un produit conservant. On en tire le chlore. C’est la matière
de base de la fabrication d'hydroxyde et de carbonate de sodium. On
l’emploie dans la teinture, la savonnerie, etc.
Le brome est utilisé dans les dopes ajoutés aux combustibles mo-
teur et aussi pour préparer les bromures de potassium et de sodium (mé-
decine, photographie).
Pour préparer la teinture d'iode (solution alcoolique à 5 *d'iode),
on prend de l’iode sublimé. L’iodure de potassium est employé dans
la médecine et la chimie analytique et l'iodure d'argent dans la fa-
brication de matériel sensible.
Parmi les composés oxygénés des halogènes, on utilise le plus fré-
quemment les hypochlorites, les chlorates et les perchlorates.
L'Aypochlorite de potassium, oxydant fort, est utilisé pour le blanchi-
ment des tissus de coton et de lin ainsi que de la pâte à papier. La
réaction suit le schéma :
KCIO + H,0 + CO, — KHCO, + HCIO
HCIO = HCI + O
Le chlorure de chaux CaOCI, est utilisé comme décontaminant et
désinfectant, le sel de Berthollet KCIO, dans la fabrication d'’allu-
mettes, les perchlorates dans la pyrotechnie.
CHAPITRE IX
SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI
$ 63. Généralités. Le sous-groupe principal du groupe VI de la
classification périodique de Mendéléev comprend les éléments oxygè-
ne, soufre, sélénium, tellure et polonium. Le niveau énergétique ex-
térieur des atomes de ces éléments (Tableau 18) comporte six électrons
(dont deux sur le sous-niveau s et quatre sur le sous-niveau p), d’où
leur tendance à compléter leur niveau externe jusqu'à l’octet.
Tableau 13
Certaines propriétés des atomes des éléments
du sous-groupe principal du groupe VI
. : Electro-
Configuration des deux Premier négativité
lé t Numéro dernières couches ; potentiel
Elémen atomique électroniques d'ionisation,
s relative
(état fondamental) kJ/mol
(selon)
Pauling)
1s22s22pt
2s°2pt3s?3p!
3s°3p43d1°4s24 p\
4s°4 p64d195s?5p
os*5pt5dl16s°6p!
Les atomes des éléments considérés (à l'exception du poloniun)
ne forment pas de cations, bien qu ils soient porteurs d'une charge ef-
fective positive dans certaines de leurs combinaisons (SF,, TeF,).
Par contre, la formation d’anions M°- en est caractéristique.
Les éléments de ce sous-groupe ont un caractère non métallique
marqué (mais moins accusé que chez les halogènes). [ls forment aisé-
ment des combinaisons avec les métaux, telles que Na,O, Nas,
Na.Se, Na,Te que l’on appelle respectivement oxyde, sulfure, sélé-
niure et tellurure. Ces éléments se combinent à l'hydrogène pour don-
ner des composés H,.M (H.0, HS, If,Se, H.Te).
234 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI , (CH. IX
L’eau est un électrolyte amphotère, car elle se dissocie, simultané-
ment, en ions hydrogène et ions hydroxyle. Les solutions aqueuses de
sulfure, séléniure et tellurure d'hydrogène sont des acides faibles
dont la force croît et la stabilité baisse de l’acide sulfhydrique à l’aci-
de tellurhydrique. L'eau ne commence à se décomposer qu'à 1000 °C,
alors que le tellurure d'hydrogène est instable même à température
ordinaire. Lorsqu'une mole de H.0 se forme à partir de ses éléments,
il y a dégagement de 243 kJ, tandis que la formation de 1 mole de
HS ne donne que 19 kJ d'énergie. En ce qui concerne H.Se et H.Te,
leur formation s'effectue avec absorption, respectivement, de 80 et
143 kJ. D'autre part, la chaleur de formation (et, donc, la stabilité
chimique) des combinaisons oxygénés va croissant dans l'ordre
S-Se-Te. RE
L’atome d'oxygène n’a pas d’orbitales vacantes sur sa couche élec-
tronique de valence (v. Tableau 18). Voilà pourquoi, à la différence
des autres éléments de ce groupe, l'oxygène n'est jamais tétra ou he-
xavalent. Suite à son électronégativité élevée (v. Tableau 19),
l'oxygène porte une charge effective négative dans ses combinaisons,
excepté OF, où il est au degré “+ 2. Tous les autres éléments de ce
groupe ont des degrés d'oxydation positifs jusqu’à “+ 6 lorsqu'ils
sont combinés à l'oxygène.
Tablenu 19
Propriétés physiques des éléments du sous-groupe
principal du groupe VI
Oxygène Soufre | Sélénium Tellure
| Etat d'’agrégation Gaz Solide Solide Solide
Masse volumique, kg/m| 1140 (liq) 2070 4790 6240
Température, °C:
de fusion —218,9 119 220,2 452
d'ébullition — 182,96 444,6 688 1396
Quelques propriétés physiques de l'oxygène, du soufre, du sélé-
nium et du tellure à l'état libre figurent au Tableau 19. Le polonium
et ses combinaisons, dont les propriétés chimiques sont mal connues,
ne seront pas considérés ici.
OXYGENE
$ 64. Propriétés et obtention de l'oxygène. Oxygène à l'état na-
turel et son rôle. L'oxygène est un gaz incolore, inodore et insipide.
Il est peu soluble dans l’eau: 3 volumes d'oxygène dans 100 volu-
$ 61] PROPRIÊTES ET OBTENTION DE L'OXYGENE 235
mes d'eau à 20 °C. A la pression normale, l'oxygène se liquéfie à
— 182.96 °C et se solidifie à — 218, 9 °C (v. Tableau 19). A l’état
liquide et solide, l’oxygène est bleu pâle. Sa molécule est diatomique,
non polaire.
La préparation industrielle de l’oxygène se fait, principalement,
par distillation fractionnée de l’air liquide. Il est stocké et transpor-
té en bouteilles d’acier. Dans les conditions de laboratoire, l'oxygène
est préparé par décomposition de substances riches en cet élément.
Usuellement, c’est le chlorate (v. p. 230) ou le permanganate de potas-
sium KMnO,. Ce dernier se décompose suivant la réaction:
2KMnO, — K,MnO, + MnO: + O:
La propriété chimique la plus importante de l'oxygène est son ap-
titude à se combiner à la plupart des corps simples avec dégagement
de chaleur et de lumière. Souvent, pour provoquer la combustion
d’un corps dans l'oxygène, on est obligé d'élever la température, car
l'oxygène est un corps assez inerte à la température ordinaire (la liai-
son entre les atomes d'oxygène est très résistante). A côté de la com-
bustion, on connaît de nombreux phénomènes d'oxydation lente par
intervention de l'oxygène : respiration des organismes vivants, cor-
rosion des métaux, putréfaction, etc. La chaleur dégagée se disperse
dans l’espace environnant, mais parfois elle s’accumule et peut pro-
voquer une inflammation. C’est ainsi que s’enflamment spontané-
ment les chiffons encrassés, le foin humide, la paille, le charbon et
autres substances combustibles.
Tous les phénomènes d'oxydation sont beaucoup plus énergiques
dans l'oxygène pur qu'à l’air. Ainsi, un copeau qui se consume lente-
ment à l'air, s’enflamme et brûle d'un feu clair dès qu'on l’a intro-
duit dans de l’oxygène pur. Le soufre qui donne une flamme à peine
visible à l’air, brüle d'une flamme lilas très yive dans l'oxygène pur.
Une aiguille d’acier, ortée a linen desc 06 l'air et introduite dans
un récipient contenant de l'oxygène pur, s'oxyde énergiquement en
faisant jaillir des étincelles.
L'oxygène est l'élément le plus répandu sur notre planète: il for-
me 49 % de la masse totale de l'écorce terrestre, l’hydrosphère et
‘ atmosphère. L'air en renferme quelque 21 % (volumiques) ou 23 %
(massiques).
L'oxygène de l'air est sans cesse consommé dans les phénomènes
de respiration, combustion, putréfaction, corrosion, etc. Parallèle-
ment, sa quantité dans l'air est constamment renouvelée sous l'effet
de la lumière solaire. Les végétaux dégagent dans l’atmosphère, grâ-
ce aux processus de nutrition, à peu près 6 fois plus d'oxygène qu'ils
ne consomment pour la respiration.
Très souvent, l’oxygène se trouve dans la nature à l’état combiné.
Il entre dans la composition de l’eau, des minéraux et des organismes
vivants. L'eau renferme 88,89 % (massiques) d'oxygène. La partie
236 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI , (CH IX
de l'écorce terrestre, accessible à l’homme, en contient 47,3 % (mas-
siques) sous forme d’oxydes et de sels oxygénés. C'est aussi un élé-
ment constitutif de l'organisme de l’homme, des animaux et des végé-
taux. Dans les organismes vivants, il y en a quelque 65 % (massi-
ques).
Le rôle technique et industriel de l'oxygène est extrêmement im-
portant. Les brüleurs spéciaux où les gaz combustibles sont brülés
dans le courant d'oxygène pur, donnent une température de loin supé-
rieure à celle que la flamme a dans l'air. La flamme de l'hydrogène
brülé dans un courant d'oxygène atteint 2000 °C et celle de l’acétylène
3000 °C. La flamme de ces gaz est utilisée pour souder et couper les
métaux, pour fondre du platine, du quartz et d'autres matières très
difficilement fusibles. On se sert de l'oxygène liquide ou de l'air li-
quide enrichi en oxygène pour préparer des mélanges explosifs.
Le mélange de toute masse poreuse combustible avec de l'oxygène liquide
est explosif. On donne à ces mélanges explosifs (ou détonants) le nom d’oryli-
quites (orylignites). Ces explosifs puissants remplacent avec succès la dynamite
dans la construction de tunnels ou dans l'exploitation en carrière des gisements
de minerais.
La cartouche à oxygène liquide est un petit sac rempli d’une masse com-
bustible poreuse (foin, paille, sciure, charbon) et muni d'un allumeur électri-
que. Cette cartouche est chargée immédiatement avant l'utilisation en la plon-
£geant dans de l’oxygène liquide.
L'oxygène liquide est un des composants utilisés pour la propul-
sion des fusées. L’oxygène aide à intensifier certains procédés métallur-
giques et chimiques. On l’emploie de plus en plus largement dans di-
vers appareils spéciaux, dont on équipe les avions. les sous-marins,
les mines ou les hôpitaux.
$ 65. Ozone. On appelle ozone une variété allotropique de l'oxy-
gène. dont la molécule comporte trois atomes d'oxygène (O.,). C'est
un gaz bleu clair d'une odeur caractéristique, 1,5 fois plus lourd que
l'oxygène et beaucoup mieux soluble dans l’eau. Il fond à — 192 °C
et bout à — 112 °C. L'ozone est bleu foncé à l’état liquide et presque
noir à l'état solide.
Dans la nature, l'ozone se forme à partir de l'oxygène de l’air au
cours des décharges atmosphériques (30, == 20;), ainsi que par oxy-
dation de la résine des conifères. L'air contenant un peu d'ozone a
un effet favorable sur l’organisme humain. car il tue les microorganis-
mes pathogènes. On considère comme particulièrement sain l’air des
bois de conifères qui renferme toujours une certaine quantité d'ozone.
Ordinairement. l'ozone est préparé par action d'une décharge si-
lencieuse (décharge électrique sans étincelles) sur l'oxygène gazeux.
L'ozoneur utilisé en laboratoire est schématisé sur la figure 57. Son
élément principal est constitué par deux tubes en verre, dont l’un
est placé à l’intérieur de l’autre, entre lesquels on fait passer de l'oxy-
$ 66] EAU 237
gène (ou de l'air) parfaitement sec. Dans le tube interne, il y a une
tige métallique et le tube externe est enroulé d'un filament métal-
lique. La tige et le filament sont réunis aux pôles d'une bobine à hau-
te tension. La décharge silencieuse a lieu dans l’espace entre les
parois des deux tubes. L'oxygène qui en sort renferme quelques pour
cent d'ozone.
La propriété chimique la plus caractéristique de l'ozone est sa
très grande activité oxydante. Bien des corps qui ne réagissent pas
MISSESSSSUUEE GR
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Fig. 57. Schéma d'un ozoneur élémentaire
avec l’oxygène à la température normale, entrent en réaction avec
l'ozone. C'est ainsi qu’en faisant passer de l’air ozoné renfermant
2-3 % (massiques) d’ozone, dans une solution aqueuse d’iodure de
potassium, on voit se libérer de l’iode (la solution se colore en bleu
en présence d'amidon) :
L'argent métallique noircit sous l'effet de l'ozone en formant à
sa surface de l’oxyde d'argent (Il):
Ag + Os = AgO + O:
Dans l'atmosphère d'ozone, le sulfure de plomb se transforme en
sulfate suivant la réaction
PbS + 20, = PbSO, + O,
À la différence de l'oxygène, l’ozone oxyde à froid de nombreuses
substances organiques. Ainsi, il détruit les tuyaux en caoutchouc.
L'air ozoné oxyde énergiquement l’éther, l’alcool, du coton imbibé
de téreébenthine qui s'enflamment. En tant qu'oxydant fort, l'ozone
est utilisable pour parachever l’épuration de l’eau potable afin de la
débarrasser des microorganismes pathogènes ainsi que pour établir
la constitution chimique des molécules de certains corps.
Principales combinaisons de l’oxygène
$ 66. Eau. L'eau est la substance la plus répandue sur la Terre.
Elle recouvre 3/4 de la surface du globe terrestre (océans, mers, lacs,
glaciers). De grandes quantités d’eau sont contenues dans l’atmosphè-
re et dans la croûte terrestre. Notre planète est littéralement imprei-
gnée d'eau et enveloppée de vapeur d'eau. L'eau participe au cycle
238 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI , ICH. IX
complexe des transformations de la chaleur, de l'humidité et des corps
sur la Terre. Tout organisme vivant en comporte.
L'organisme des animaux et des plantes renferme en moyenne
plus de 50 % d’eau. Celui de l’homme en est constitué à 65 % (jus-
qu'à 75 % pour un nouveau-né et 60 % pour un adulte). La perte,
par l'organisme humain, de 10 % de son eau peut être fatale. On peut
donc dire que l’eau est indissociable de la Vie sur notre planète.
Le rôle vital de l’eau est connu à l'homme depuis des temps reculés.
Ce n'est pas par hasard qu'’Aristote compta l'eau parmi les quatre
éléments (principes indestructibles) de la Nature.
La réserve globale de l’eau libre sur la Terre s'exprime par une
quantité immense : 1,4 milliards de km“. A peu près la même quanti-
té d’eau se trouve à l’état lié (physiquement ou chimiquement) dans
les roches sédimentaires ou cristallines. Cependant, les réserves en
eau douce potable sont très limitées.
Les besoins en eau de la population, de l’industrie et de l agricul-
ture croissent d’année en année. Plusieurs chercheurs prédisent pour
l'avenir la famine d’eau. Selon les démographes *, la population de
notre planète doublera vers 2000 pour atteindre un niveau supérieur
à 6 milliards, tandis que la consommation d'eau douce se multiplie-
ra par cinq. Voilà pourquoi aucun problème nest aussi actuel que
la protection des ressources d’eau et l'épuration des eaux résiduaires.
En U.R.S.S., on accorde une très grande attention aux proble-
mes relatifs à l’utilisation rationnelle et surtout à la protection des
ressources d'eau.
L'eau pure est transparente et incolore. Elle n'a aucune odeur ni
saveur (la saveur de l’eau potable est due aux selset gaz qui ysont dis-
sous en faibles quantités). L'eau possède certaines propriétés physi-
ques spécifiques qui la distinguent des autres liquides. Nous avons
déjà parlé de la température d'’ébullition anomalement élevée de
l’eau dans la série des composés H,0-H,S-H,Se-H,Te. On sait bien,
de plus, qu’en gelant l’eau se dilate au lieu de se comprimer comme
le font la plupart des autres liquides. La glace est donc moins dense
que l’eau : elle flotte à sa surface. Ce fait a une importance vitale pour
la flore et la faune aquatiques. Si la glace était plus dense que l’eau,
cette dernière gèlerait jusqu’au fond, créant des conditions extré-
mement difficiles pour les organismes vivants.
En règle générale, la densité des corps augmente lorsque la tempe-
rature baisse. La densité de l’eau liquide est maximale à 4 °C et non
pas à 0 °C. Cette propriété de l’eau empêche les cours d'eau, lesétangs,
les lacs, etc., de geler complètement, car au-dessous de 4 °C les cou-
ches supérieures. moins denses, ne se mélangent plus aux couches
inférieures, dont la densité est maximale.
* Démographie: science ayant pour objet l'étude quantitative de l'état et
des variations des populations humaines.
$ 66] EAU 239
L'eau possède une capacité calorifique * très élevée qui varie
d'une façon anomale avec la température. Cette capacité calorifique
élevée rend les eaux naturelles d'importants accumulateurs de la
chaleur. En été, elles absorbent la chaleur pour la rendre progressi-
vement à l’environnement en automne. La chaleur dégagée au cours
du refroidissement d’un degré d'un mètre cube d’eau suffit pour
chauffer d’un degré à peu près 3000 m* d'air. Voilà pourquoi au bord
des mers et des lacs, il n’y a ordinairement aucune variation brusque
de température (en hiver et en été, le jour et la nuit).
Le passage de l’eau à l’état vapeur exige une très grande quantité
de chaleur. La chaleur nécessaire pour transformer en vapeur 1 mole
d'eau à 100 °C, est égale à 40,5 kJ. Cette grande chaleur de vaporisa-
tion explique la large utilisation de l’eau dans les installations éner-
gétiques à vapeur.
L'aptitude de l’eau à mouiller les surfaces et sa tension superfi-
cielle élevée sont aussi des propriétés importantes. C’est grâce à elles
que l’eau peut monter à une grande hauteur dans les tubes étroits
dits capillaires. C’est un phénomène de très grand intérêt: il permet
aux eaux souterraines de monter vers la surface du sol pour alimen-
ter les plantes. Les mêmes phénomènes capillaires assurent la circu-
lation de la sève à l’intérieur des plantes.
En son temps, l’eau avait été choisie en tant que corps étalon pour
la mesure de certaines grandeurs physiques fondamentales: masse,
densité, température, chaleur, capacité calorifique. Toutes les ano-
malies de l’eau sont dues aux particularités de gæ structure molécu-
laire et aux forces intermoléculaires. Nous avons déjà mentionné.
au Chapitre IT, l'existence de liaisons hydrogène entre les molécules
d'eau.
L'eau solide — la glace — se caractérise par une structure ajou-
rée bien ordonnée. Les liaisons hydrogène jouent un grand rôle dans
la formation de la structure cristalline de la glace. Sa densité rela-
tivement petite s'explique par la présence de vides dans sa structure.
Lorsque la glace fond, l’intensification de l'agitation thermique des
molécules détruit sa structure ajourée, les vides étant comblés. La
densité s’en trouve accrue. L'eau liquide garde des fragments du ré-
seau cristallin de la glace, que l’on peut considérer comme des poly-
mères peu stables (H,0),. Pendant que la température monte jus-
qu’à 4 °C, la destruction des fragments cristallins se poursuit et le
liquide continue à se condenser, malgré l'accroissement de l'agita-
tion thermique. Au-dessus de 4 °G, cette dernière devient tellement
importante que la densité de l’eau commence à diminuer. Il est établi
que même à la température normale l’eau est essentiellement consti-
* On appelle capacité calorifique la quantité de chaleur nécessaire pour fai-
re croître d’un degre la température de 1 kg de substance donnée.
240 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI , (CH. IX
tuée de molécules polymères, le taux de molécules monomères ne
s'elevant qu’à 1 %.
La dissociation électrolytique de l’eau, l’hydratation des ions et
les réactions d’hydrolyse ont été examinées plus haut. On aura en-
core souvent l’occasion de décrire les propriétés chimiques de l’eau
en considérant la chimie de divers éléments. Ici, nous noterons simp-
lement que l’eau est un corps très réactif. Cela s'explique, notamment,
par la présence dans sa molécule de deux doublets électroni-
ques non partagés.
Il est à souligner que l’eau exerce une influence notable sur les
propriétés de nombreux corps ainsi que sur la vitesse de déroulement
de nombreuses réactions. En effet, même les substances très soigneu-
serment séchées comportent des quantités microscopiques d'humidité
dont l'effet est parfois très important. La préparation de substances
parfaitement sèches est un problème très difficile. Des expériences
montrent que lorsque le brome a été séché pendant 9 ans, sa tempéra-
ture d'ébullition est supérieure de 59 °C à celle qui figure dans les
ouvrages de référence. La température d'ébullition du soufre, déshy-
draté dans les mêmes conditions, a augmenté presque de 100 °C.
On sait aussi qu'après un séchage prolongé, le gaz détonant n'explo-
se pas à haute température, l'oxyde de carbone (I) ne brüle pas dans
l'oxygène, l’acide sulfurique n'agit pas sur les métaux alcalins et les
métaux alcalins et l'hydrogène ne réagissent pas avec le chlore. La
chimie toute entière est, ainsi. une chimie sur fond de traces d’eau.
$ 67. Peroxyde d'hydrogène. Les méthodes physico-chimiques
modernes ont permis d'établir que les deux atomes d'oxygène du pe-
roxyde d'hydrogène H,0, sont di-
rectement liés entre eux par une
liaison covalente non polaire (fig.
98). Les liaisons qui unissent les
atomes d'hydrogène aux atomes
d'oxygène sont, par contre. polaires
(suite au déplacement des électrons
communs vers l'oxygène). La mo-
lécule entière H,0, est donc polai-
Fig. 58. Structure de la molécule re. Les molécules H,0, s'associent
202 entre elles par l’intermédiaire de
liaisons hydrogène. Dans ces asso-
ciations, l'énergie de la liaison O—O vaut 210 KkJ, ce qui est de
loin inférieur à l'énergie de la liaison H—O (470 kJ).
Le peroxyde d'hydrogène à l’état pur est un liquide visqueux in-
colore de masse volumique 1440 kg/m%, qui fond à — 0,46 °C et
bout à 151,4 °C. A la différence de l’eau, le peroxyde d'hydrogène est
peu stable. Il se décompose dès la température ordinaire et très fa-
cilement à la lumière ou au contact de certains catalyseurs (MnO,,
$ 67] PEROXYDE D'HYDROGÊNE 241
PbO,, etc.). La réaction est la suivante:
H,0: —= H,0 + O
Sa stabilité augmente considérablement en solution aqueuse diluée.
La faible stabilité des molécules H,0, est le résultat de la petite éner-
gie de la liaison O—0O. Le peroxyde d'hydrogène est miscible à l’eau
en toutes proportions. On le conserve dans les récipients en verre fon-
cé, à frais. Au contact de la peau une solution concentrée de peroxy-
de d'hydrogène provoque des brülures, la peau atteinte devenant
blanche.
Le pouvoir oxydant du peroxyde d'hydrogène est également dû
à la faible résistance dela liaison O—0O. Ainsi, le papier iodo-ami-
donné (impreigné de KI et d’amidon) se colore en bleu en présence
d'iode libéré lorsqu'on l’a mouillé avec du peroxyde d'hydrogène:
2KI + H20: = Le + 2KOH, 21- + H:0; = le + 20H -
21-—2e— 1, H:20, + 2e = 20H-
H,0, se comporte donc en oxydant par rapport à [-. Le peroxyde
d'hydrogène peut aussi être réducteur, mais uniquement vis-à-vis
des oxydants forts:
Cl + H:0s — 2HCI + Os
H,0, — 2e = 0, +2H+, Cl + 2 = 2CI-
On l’applique fréquemment comm: oxydant pour blanchir les
étoffes et autres matériaux. Tout en détruisant les matières coloran-
tes, le peroxyde d'hydrogène n'’affecte presque pas le produit à blan-
chir.
Une autre application du peroxyde d'hydrogène consiste à restaurer les
vieux tableaux peints à l’huile qui ont noirci à cause de la transformation du
blanc de plomb (PbOH),CO, en sulfure de plomb PbS, noir, sous l'effet des
traces de sulfure d'hydrogène contenues dans l'air:
(PbOH),COs + 2H,S = 2PbS + 3H,0 + CO,
Le peroxyde d'hydrogène appliqué oxyde PbS noir en PbSO; blanc:
PbS + 4H303 = PbSO, + 4H,0
Le peroxyde d'hydrogène concentré à 85-90 %, mélangé à certai-
nes matières combustibles, est utilisé pour la fabrication d’explosifs.
On se sert de H,0, pur (en tant qu’oxydant) pour assurer la pro-
pulsion des fusées et des avions à réaction. La médecine emploie la
solution à 3 % de H,0, comme désinfectant pour déterger les plaies,
rincer la gorge, etc.
Le peroxyde d'hydrogène est faiblement acide:
H,0: = H* + HO;
HO; = H+ + 07
1801151
242 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI (CH. IX
,
Son interaction avec les alcalis en fournit une confirmation
Ba(OH); + H:0, = 2H,0 + BaO,
Le peroxyde de baryum BaO, est un sel du peroxyde d'hydrogène
et non pas un oxyde de baryum (IV). Confrontons deux composés
oxygénés de composition analogue, SnO, et BaO.. Ils ont un compor-
tement différent vis-à-vis des acides qui déplacent le peroxyde d’hy-
drogène de ses sels:
Ba0, + H,S0, = BaSO, + H,0;
SnO: + 2H,S0,4 — Sn(SO,)2 + 2H,0
La préparation du peroxyde d'hydrogène se fait par électrolyse
des solutions d'acide sulfurique. La solution aqueuse de H,0, est
concentrée par distillation fractionnée sous vide (l’eau s’évapore plus
facilement que H,0,). Il est possible de tirer le peroxyde d'hydrogè-
ne de BaO, par action d'acide sulfurique dilué (voir plus haut) ou de
dioxyde de carbone sous pression :
Ba0O, + CO: + H:,0 — BaCO, + H,0:
On sépare facilement H,0, formé des sels insolubles. Ordinaire-
ment, le peroxyde d'hydrogène est commercialisé sous forme de solu-
tions aqueuses à 3 % et à 30 %. La dernière solution est appelée
perhydrol.
SOUFRE
$ 68. Propriétés et applications du soufre. Le soufre à l’état
libre forme trois variétés allotropiques : rhombique («), monoclinique
(B) et molle. Le soufre rhombique est le plusstable. Le soufre monocli-
nique (cristaux longs aciculaires d’un jaune sombre) n’est stable qu’à
une température supérieure à 96,5 °C.
Nous donnons ci-après les masses volumiques et les températures
de fusion des variétés du soufre:
Masse
T t
Rhombique . . . . . . . . 2070 112,8
Monoclinique . . . . . . . 1960 119
En fondant, le soufre rhombique devient un liquide mobile jaune. Si l’on
poursuit le chauffage, il prend peu à peu une couleur brun rougeâtre et, au
voisinage de 250 °C, s’épaissit tellement qu’on peut renverser le récipient sans
u’il s'écoule. Au-dessus de 300 °C, le soufre redevient liquide et bout à 444.6 °C,
onnant des vapeurs jaune orange. Si l’on le refroidit lentement, tous ces phéno-
mènes se reproduisent dans l’ordre inverse.
En refroidissant rapidement du soufre porté à l'ébullition (par exemple, en
en versant un filet dans de l’eau froide), on le voit se transformer en une masse
résineuse brun foncé. C'est ce qu'on appelle soufre mou. Au bout d’un temps,
cette masse devient cassante et jaunit en <e transformant peu à peu en soufre
s 68] PROPRIÊTES ET APPLICATIONS DU SOUFRE 243
4
rhombique. Outre les variétés allotropiques mentionnées du soufre, on en con-
naît d'autres qui sont peu stables et se convertissent avec le temps en soufre
rhombique.
On sait que la structure moléculaire du soufre"dépend de la tempé-
rature : c’est cela qui conditionne l'existence de ses veriétés allotro-
piques. Dans les conditions normales, les nœuds du réseau cristallin
du soufre sont occupés par des molécules cycliques’octatomiques (fig.
59, a). Au-dessus de 160 °C, ces cycles se rompent en formant des chaî-
s * 3)
LEXS j S S
LE AN
Fig. 59. Structure des molécules peques octatomiques de soufre (a) et des
macromolécules de soufre mou (b)
nes ouvertes composées d’un grand nombre d'atomes —S—S—S—S—
—$S . ..—S—. Ces chaînes peuvent s'attacher l'une à l’autre, ce qui fait
croître la viscosité du soufre. Au-dessus de 190 °C, les chaînes lon-
gues se rompent à leur tour en donnant des chaînes plus courtes, la
viscosité du soufre diminuant en conséquence. Le soufre mou est com-
posé de macromolécules à plusieurs milliers d’atomes formant des
chaînes en zigzag (fig. 59, b).
Dans les vapeurs de soufre, on a détecté des molécules S4, Se, Sa, Sa
à l'état d'équilibre. Les molécules S,; prédominent à 450 °C et S, à 800 °C.
La variation des proportions respectives des différentes molécules de soufre
s'accompagne d'un changement de couleur des vapeurs: elles sont rouges au-
dessus de 450 °C, puis elles redeviennent plus claires pour prendre, à 650 °C,
en ne jaune paille. Les molécules $S, se dissocient en atomes au-dessus de
Le soufre est insoluble dans l’eau, légèrement soluble dans le ben-
zène, l'alcool, l’éther et autres solvants organiques et bien soluble
dans le sulfure de carbone.
Le soufre est un non-métal type. Il se combine directement à
beaucoup de métaux en dégageant une forte chaleur :
S + Cu = Cu +0Q
Ïl forme des combinaisons avec à peu près tous les non-métaux
mais d'une façon moins aisée et énergique que dans les cas des métaux.
On obtient, par exemple, du sulfure de carbone en faisant passer
des vapeurs de soufre sur du charbon incandescent :
C + 28 æ CS,
16s
244 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI * [CH IX
Les combinaisons halogénées du soufre peuvent avoir des composi-
tions variables : SF,, SF,, SF,, SCI,, SCL, S.CL,, S,Bra. Ces combinai-
sons sont, dans la plupart des cas, facilement hydrolysables.
À chaud, le soufre réagit sur les acides-oxydants
S + 2H,S04 = 3S0, + 2H,0
et se dissout dans les solutions aqueuses d’alcalis:
3S + 6NaOH — 2Na,S + Na.SO: + 3H.0
Avec l'oxygène, le soufre forme plusieurs oxydes, dont les plus
importants sont SO, et SO;. Le soufre se combine directement à l’hy-
drogène à haute température en donnant du sulfure d'hydrogène.
La majeure partie du soufre produit est utilisée pour fabriquer
l’acide sulfurique et l’hydrosulfite de calcium Ca (HSO:),, dont on se
sert pour tirer la cellulose du bois. Le soufre est employé dans la fa-
brication d’allumettes, en pyrotechnie, dans l’agriculture pour lutter
contre les maladies des plantes — principalement, dans les vignes
et les cotonneries —, en médecine pour traiter certaines maladies
cutanées. On consomme beaucoup de soufre pour vulcaniser le caou-
tchouc.
$ 69. Soufre dans la nature. Préparation du soufre. L'homme
antique connaissait déjà le soufre à l’état libre. Les Egyptiens en pré-
Fig. 60. Four d'affinage de soufre brut:
1 — cuve de distillation ; 2 — chambre de condensation
paraient des couleurs, l’appliquaient comme désinfectant et comme
remède contre les lésions cutanées, etc.
La croûte terrestre en renferme près de 0,1 % en masse. Le souf-
re naturel est soit à l’état libre, soit à l’état combiné: ZnS, PbS,
HgS, FeS,, CaSO,, SrSO,, BaSO,, CaSO,-2H,0, Na,S0,-10H,0,
$ 70] COMBINAISONS DU SOUFRE AVEC L'HYDROGENE 245
MgSO,-7H,0 et autres composés. Il est présent dans les divers com-
posés des houilles, des pétroles et des gaz naturels, dans les organis-
mes végétaux et animaux. En U.R.SS., il y a beaucoup de soufre
natif en Turkménie (désert de Kara-Koum), en Uzbekistan, sur la
Volga et dans les Carpates. D’importants gisements de soufre sont
situés aux Etats-Unis, en Italie et au Japon.
Habituellement, le soufre natif renferme des impuretés. On se
sert pour l'en débarrasser de sa fusion facile, en obtenant ainsi du
soufre brut.
L'épuration est poursuivie dans les fours où le soufre est porté à l’ébullition
(fig. 60). Les vapeurs de soufre passent dans une chambre revêtue de briques.
Tant que la chambre est froide, les vapeurs se déposent sur ses parois sous forme
d’une poudre jaune pâle (fleur de soufre). Lorsque la température de la chambre
atteint 120 °C, les vapeurs se condensent et le liquide obtenu est coulé dans
des moules en bois où il se solidifie en bâtonnets (soufre en canons). Le soufre
élémentaire est également tiré de la pyrite FeS, (par chauffage du minerai dans
un four à cuve sans accès d'air, à plus de 600 °C: FeS, = FeS -L S), du sulfure
d'hydrogène renfermé dans lesgaz de cokerie, des gaz de craquage du pétrole.
$ 70. Combinaisons du soufre avec l'hydrogène et les métaux.
Les combinaisons hydrogénées du soufre, de composition variable,
tels H,S, H,S,, H,S:, sont des gaz ou des liquides huileux d’odeur
te Des dérivés de H,S, se rencontrent à l’état naturel (la pyrite
FeS.).
Considérons de plus près le sulfure d'hydrogène (hydrogène sulfuré)
qui en est le plus stable. Le sulfure d'hydrogène naturel est présent
dans les gaz volcaniques, dans l’eau des sources minérales. Il se for-
me au cours de la putréfaction des organismes végétaux et animaux.
Dans la molécule de sulfure d'hydrogène, les liaisons S—H lon-
gues de 0,135 nm forment un angle voisin de l’angle droit (l'angle va-
lentiel H—S—H vaut 92 °C). Bien que la molécule H,S soit polaire,
sa polarité n’est pas trop importante: si la perméabilité diélectrique
de l’eau est égale à 81, sa valeur ne s’élève qu’à 9 pour le sulfure d'hy-
drogène liquide.
Dans les conditions ordinaires, le sulfure d'hydrogène est un gaz
incolore, plus lourd que l'air, à odeur désagréable d'œuf pourri. Il
se dissout assez mal dans l’eau, mieux dans les solvants organiques.
On peut l'obtenir par action directe du soufre sur l'hydrogène:
S + Hz H,S
L'équilibre de cette réaction se trouve déplacé vers HS lorsque
la température ne dépasse pas 350 °C. Au-dessus de cette températu-
re, la réaction inverse s'accélère. La dissociation thermique totale du
sulfure d'hydrogène a lieu à 1700 °C. En pratique, on prépare H,S
non pas par synthèse directe à partir de soufre et d'hydrogène, mais
en soumettant les sulfures de certains métaux à l’action d’acides di-
246 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI [CH. IX
CRE mm
lués :
FeS + H,S0, = FeSO, + H,S1
Le sulfure d'hydrogène est très toxique. L'air qui contient seule-
ment 0,1 % (volumiques) de H,S provoque déjà une intoxication bien
grave, d'autant plus dangereuse que l’on ne perçoit plus l'odeur
de l'hydrogène sulfuré après un empoisonnement léger. Cet effet
toxique s'explique par l'interaction de H,S avec l'hémoglobine. L'hé-
moglobine contient du fer qui forme le sulfure FeS en présence d’hy-
drogène sulfuré ; le sang devient alors vert noir. La concentration li-
mite de H,S dans l'air des entreprises industriellesest fixée à 10 mg/m$.
L'antidote courant est le chlore inhalé en faibles quantités et, prin-
cipalement, l'air pur.
En présence d’une quantité suffisante d’air, le sulfure d’hydrogè-
ne brüle suivant la réaction
2H,S + 30: — 2H,0 + 250, + 1125 kJ
C'est aussi un réducteur puissant qui décolore, par exemple, l’eau
de brome et l’eau d'iode:
H,S + Br, = S + 2HBr
L’oxygène de l'air l’oxyde lentement:
ce qui fait que la solution aqueuse de sulfure d'hydrogène se trouble
avec le temps. Là, le sulfure d'hydrogène se comporte comme un
acide faible en se dissociant par stades:
H.S = H* + HS- (K; = 9.108)
HS-=H*t+sS- (Ka = 4-108)
Les sels neutres et acides de l'acide sulfhydrique sont appelés,
respectivement, sulfures et hydrosulfures. Tous les hydrosulfures sont
solubles dans l’eau (d’ailleurs, ils ne sont connus qu’à l’état dissous).
On les prépare en faisant passer un excès de sulfure d'hydrogène dans
les solutions alcalines:
HS + NaOH = NaHS + H,0
La solubilité variable des sulfures permet de les subdiviser en:
1° solubles dans l’eau (sulfures des métaux alcalins: Na,S, K,S),
2° insolubles dans l’eau, mais solubles dans les acides chlorhydri-
que et sulfurique dilué (FeS, MnS, ZgS),
3° insolubles dans l’eau et les acides (PbS, CuS, HgS, NiS).
Les sulfures sont préparables par combinaison directe des métaux
avec le soufre *. Pour obtenir les sulfures insolubles dans l’eau et les
* On se sert de la réaction du soufre sur le mercure pour éliminer le mercure
qui s’est répandu.
$ 71] COMBINAISONS OXYGÉNBES DU SOUFRE 247
acides, on fait passer du sulfure d'hydrogène à travers les solutions
des sels correspondants:
Ni(NOs): + HS = NiS! + 2HNO,
Les sulfures des métaux lourds, insolubles dans l’eau, mais solu-
bles dans les acides, se préparent par l’action des sulfures des métaux
alcalins en solution sur les solutions des sels correspondants :
K.S + ZnS0, = K,S0, + ZnS}
Les sels de l'acide sulfhydrique sont hydrolyséss
NaS + H,0 = NaHS + NaOH soit
St- + H,0 = HS- + OH
ce qui fait que leurs solutions aqueuses ont une réaction alcaline. Les
sulfures des métaux alcalins et alcalinoterreux sont incolores. Plu-
sieurs autres sulfures sont colorés: PbS, CuS, CoS, NiS sont noirs;
CdS est jaune; ZnS est blanc. On utilise les solubilités et les couleurs
différentes des sulfures des métaux lourds dans une méthode d’analy-
se qualitative des cations.
A côté des sulfures, on connaît les polysulfures : sels des acides H,S,, H,S3,..
.. HS, Parfois, on les appelle aussi combinaisons polysulfurées. On les pré-
pare soit en dissolvant du soufre dans des solutions alcalines concentrées, soit
en chauffant les sulfures en présence de soufre: Na,S S — Na,sS,, NasS +
+ 2S = NaSs, NaS LE 3S = Na.S,, et ainsi de suite jusqu’à Na,S,. Au fur
et à mesure que leur teneur en soufre augmente, la couleur des polysulfures vire
du jaune (Na,S,) au rouge (Na.S,). Les groupes acides des polysulfures se pré-
sentent sous forme de chaines.
On a obtenu un grand nombre de composés du type H,S,, dits hydrogènes
polysulfurés ou sulfanes. L action d'acides sur les polysulfures correspondants
donne un me d'hydrogènes polysulfurés. Ces derniers, peu stables, se
décomposent facilement: H,S, — H,S + (n — 1)S. Un mélange de polysul-
fures de sodium ou de potassium (foie de soufre) est utilisé dans l’industrie du
cuir pour débarrasser les peaux du poil. Le foie de soufre se prépare en fondant
de la soude Na,CO, ou de la potasse K,CO, avec du soufre. Le polysulfure de
calcium} est appliqué en tant qu’insecticide.
$ 71. Combinaisons oxygénées du soufre. L'oxyde de soufre
(IV) ou gaz sulfureux, substance incolore à odeur forte, se condense
à — 10 °Cen un liquide incolore. Il est plus que 2 fois plus lourd que
l’air et possède une bonne solubilité dans l’eau (40 volumes de SO,
dans { volume d'eau aux conditions ordinaires). Cet oxyde est to-
rique: plus de 30-50 mg/m$ d’air provoquent une crise d’étouffement,
la bronchite, la pneumonie. Parfois SO, se dégage de fentes de la croù-
te terrestre ou au cours des éruptions volcaniques.
Industriellement, SO, est souvent obtenu par combustion du sou-
fre dans les fours spéciaux
S + O, = SO,
248 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI , [CH IX
ainsi que par calcination de sulfures métalliques, le plus souvent de
la pyrite jaune:
ares, + 110, — 850.1 + 2Fe.O;
Comme le soufre entre, en proportions importantes, dans la com-
position descombustibles solides, leur combustion donne de grandes
quantités de SO,. Son captage constitue un problème technique de
grande importance, car SO, est, d'une part, une matière première
précieuse de l’industrie chimique et, d'autre part, un polluant.
En laboratoire, on l’obtient par action de l’acide sulfurique sur
les sulfites et sur le cuivre:
Na,SO, + H,S0, (dil) = Na,SO, + SO. + H.0
Cu + 2H,S0, (conc) = CuSO, + SO: + 2H.,0
La molécule SO, est polaire. Les liaisons S—0, longues de
0,143 nm, forment entre elles un angle de 120 *.
L'oxyde de soufre (IV) est un corps chimiquement actif. En tant
qu'oxydant il décolore la fuchsine et certains autres colorants orga-
niques. Cette propriété determine l'application de SO, au blanchi-
ment de la paille, de la laine et de la soie. Le passage de SO, à tra-
vers une solution aqueuse de sulfure d'hydrogène libère du soufre:
SO, + 2H,S = 2H.0 +135
Cependant, les propriétés réductrices sont plus caractéristiques
de SO,. Ainsi, il décolore l’eau de brome:
SO: + 2H,0 + Br, =— H,S0, + 2HBr
Sous l’action de la lumière solaire directe, SO, se combine au
chlore, donnant du chlorure de sulfuryle:
SO, + Cl, = SOC,
C'est un liquide incolore d'odeur forte, facilement hydrolysable
en tant que chlorure d’acide sulfurique:
SO.CI, + 2H,0 = H:S0, + 2HCI
L’action de l’oxygène, sur SO, n'est suffisamment rapide qu'en
présence de catalyseurs:
Lorsque le soufre est brûlé à l’air, moins de 4 % du soufre initial
passent dans SO..
Dissous dans l’eau, l'oxyde de soufre (IV) réagit sur cette derniè-
re en formant de l'acide sulfureux H,SO.. On voit s'établir un équi-
libre
SO, H'H,0 =1H,S0,"z H* + HSO;
$ 71] COMBINAISONS OXYGÊNÉES DU SOUFRE 249
La présence constante d’une proportion importante d'oxyde de
soufre (1V) libre (non lié chimiquement à l’eau) détermine l'odeur
forte des solutions aqueuses de SO.
La grande variété des propriétés de SO, permet de l’utiliser dans
des domaines très divers. Sa liquéfaction facile (à — 10 °C) et l'’éva-
poration rapide de SO, liquide avec une importante absorption de cha-
leur le prédestinent à l'usage dans les installations frigorifiques. C'est
aussi un bon désinfectant. Mais c'est la fabrication d'acide sulfuri-
que qui consomme la majeure partie de SO, produit.
Acide sulfureux et ses sels. L'acide sulfureux H,SO, est un composé
peu stable qui se dissocie facilement en SO, et H,0 et n'existe donc
que sous forme de solutions. Si l’on chauffe une solution aqueuse
d'acide sulfureux, l'équilibre du système
H,S0, = H:0 + SO
se déplace vers la droite (formation de gaz). En faisant bouillir l’aci-
de sulfureux en solution dans l’eau, on obtient sa décomposition com-
plète avec élimination de SO, de la solution. L’acide sulfureux s'oxy-
de lentement en acide sulfurique par action de l'oxygène de l'air.
H,S0; est un acide dibasique!:
H,S0, = H+ + HSOz (K, — 2.10-%)
HSO3 + H+—+ SO- (K, = 6.10-8)
qui forme des sels neutres (sulfites) et acides (hydrosulfjites) :
2NaOH “SO, = Na,S0, + H,0
NaOH + SO, = NaHSO,
La plupart des sulfites ne se dissolvent pas dans l’eau (à l’excep-
tion des sulfites alcalins et du sulfite d’ammonium). Tous les sulfi-
tes et les hydrosulfites sont décomposés par les acides:
Na,S0, + H:S0, = Na.S0, +!H,S0;s
H:S0; — SO: + H,0
De même que l'acide sulfureux, les sulfites et les hydrosulfites
sont des réducteurs forts. Ils sont progressivement oxydés par l'oxy-
gène de l’air même à l’état solide:
2Na:S0;s + Os = 2Na,S0,
Les oxydants comme KMnO,, Br;,, L,, etc., agissent sur les sul-
fites et les hydrosulfites beaucoup plus vite (pratiquement, de façon
instantanée). Cela permet d'utiliser NaHSO; comme « antichlore »
(produit servant à éliminer le chlore des étoffes à blanchir):
NaHSO, + Cl, + H,0 = NaHSO, + 2HCI
250 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI , [CH IX
Les sulfites fixent non seulement l'oxygène, mais aussi le soufre,
en devenant des sels de l’acide thiosulfurique (hyposulfureux) appelés
thiosulfates:
Na,SO,; + S = Na,S,0;
A l'acide thiosulfurique répond la formule structurale
H—S2 O
Ng+s ‘
H—0O 0
dont il découle qu'un atome de soufre est au degré + 6 et l'autre au
degré — 2. Cet acide a à peu près la même force que l'acide sulfuri-
que, mais il est instable à l’état libre en se décomposant en acide sul-
furique et soufre:
Na.S,0;, + H,S04 = Na;:SO, + H:S20s
H,S:0; = H,S0;, + S?
Par contre, plusieurs sels de l’acide thiosulfurique (on ne lui
connaît que des sels neutres) sont tout à fait stables. Les thiosulfates
sont, pour la plupart, incolores et bien solubles dans l’eau. Leurs
propriétés portent l'empreinte de la présence de deux atomes de sou-
fre ayant des degrés d’oxydation différents. Ainsi, la présence de
S?- leur confère des propriétés réductrices. Le thiosulfate de sodium
(Na,S,0:), appelé souvent hkyposulfite, en est le plus intéressant du
point de vue pratique. On l'utilise comme réducteur pour fixer le
chlore :
Na,S,0; + H,0 + Cl = 2NacCl + H,S0, + S
manque
S + 4H30 + 3Cl, = H3S0, + 6HCI
exces
Na;S:03 + 4Cl + 2H,0 = 2H,S0, + 2NacCl + 6HCI
Le thiosulfate de sodium est appliqué en photographie où il sert
à fixer les clichés en éliminant le bromure d'argent qui ne s’est pas
décomposé, des plaques, pellicules ou du papier. Ce procédé est basé
sur l’aptitude de Na,S,0, en solution à former avec AgBr un composé
complexe soluble dans l’eau:
2Na,S,04 + AgBr = NaBr “+ Na,[Ag(S,0,):]
Les clichés traités au thiosulfate de sodium et soigneusement la-
vés à l’eau deviennent insensibles à l’action de la lumière.
$ 71] COMBINAISONS OXYGENÉES DU SOUFRE 251
Une propriété importante du thiosulfate de sodium est sa faculté
de former en présence d'’iode le tétrathionate de sodium incolore:
1, + Nos” No s/ No
| =32Nal + |
LS CA P°
_: Ko N—0/” No
La chimie analytique se sert largement de cette réaction (en volu-
métrie).
Oxyde de soufre (VI) ou anhydride sulfurique. La combustion du
soufre ou le grillage des sulfures métalliques conduisent à la forma-
tion d'oxyde de soufre (IV). La petite fumée blanche observable dans
les produits de combustion du soufre provient de la présence, dans
ces produits, d'environ 4% de SO:. Cela signifie que l’oxygène de l’air
oxyde lentement SO, en SO;. Ce processus peut être catalysé par du
platine finement divisé, porté sur de l’asbestic (amiante en fibre),
par l’oxyde de vanadium (V) V.0, ou par l’oxyde d'azote (II) NO.
À 44,8 °C, les vapeurs de SO, donnent un liquide transparent et
incolore, alors qu’à 16,8 °C, SO, liquide se solidifie eu une masse
incolore. L’anhydride sulfurique fume abondamment à l’air, car il
réagit sur la vapeur d'eau en formant de fines gouttes d'acide
sulfurique.
L'oxyde de soufre (VI) existe sous forme de trois variétés:
So0 gr S30 9 et (SO3):. Les molécules SO; sont aisément polyméri-
sables en cycles ou chaînes:
Le /
ee: + 0 0 p 0 p 0 | ,0
S S Ns/ Ns/ Ns/ NS/
I TK Î Ï f ]
O O O O O O O
monomère 0 | | 0 olymère
NS 2 pos
S S
PAR / \
O O O
trimère
L'’anhydride sulfurique est très soluble dans l’acide sulfurique et
bien peu soluble dans l’eau. SO; anhydre est un oxydant assez fort :
en sa présence le phoshore s’enflamme, l’iodure de potassium libère
de l’iode, et ainsi de suite.
Acide sulfurique. L'acide sulfurique anhydre a la forme d'un li-
quide huileux et incolore qui se fige en une masse cristalline à 10,5 °C.
259 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI __ [CH. IX
On l'appelle monohydrate, car pour une mole de SO, il contient une
mole de H,0. Le monohydrate dissout parfaitement l’anhydride sul-
furique, ce qui donne l'oléum : acide sulfurique fumant qui dégage de
l’anhydride sulfurique. Ce dernier forme de fines gouttelettes d’aci-
de sulfurique au contact de la vapeur d’eau contenue dans l'air (brouil-
lard au-dessus de l’oléum). Normalement, on prépare un oléum
renfermant, dans le monohydrate, une quantité excédentaire de SO;
(18 à 20 %). A chaud, SO, se dégage du monohydrate jusqu'à ce que
la concentration de l’acide ne devienne égale à 98,5 %. L’acide sul-
furique concentré d’une densité de 1820 à 1840 kg;mS (92-96 %)
est baptisé huile de vitriol. Ce nom date de l’époque où l'acide sulfu-
rique était obtenu à partir du vitriol vert FeSO,..
En solution dans l’eau, H,SO, est un acide dibasique fort. Sa dis-
solution dans l’eau s'accompagne de dégagement d’une chaleur con-
sidérable. Voilà pourquoi, en préparant des solutions diluées de
H,S0, à partir de ses solutions concentrées, on ne versera jamais l'eau
dans l'acide sulfurique concentré: on doit, au contraire, verser un filet
mince d'acide sulfurique, plus lourd, dans l'eau.
L’acide sulfurique concentré absorbe avidement l'humidité: on
l'utilise dans l’asséchement des gaz. Il déshydrate de nombreux corps
organiques en les carbonisant. L’interaction du sucre avec l'acide
sulfurique concentré peut être représentée comme suit:
Cr2H 39011 + H,S04 — 12C + H,S0,°11H20
ou bien
H°S0:;
Ct2H 2011 ———+ 12C + 11H,0
L’acide sulfurique concentré provoque de graves brülures. En cas
d’une lésion due à l’acide sulfurique, on procédera immédiatement
à un lavage abondant à l’eau.
L’acide sulfurique concentré se comporte en oxydant fort, surtout
à chaud:
H,S04 + 8HI = 41, + H,S + 4H,0
H.S0, + 2HBr = Br, + SO, + 2H,0
Toujours à chaud, il oxyde le charbon en CO, et le soufre en SO, :
S + 2H,S0,4 — 3S0: + 2H,0
L’acide sulfurique concentré oxyde également, à température éle-
vée, plusieurs métaux, y compris ceux qui se trouvent à droite de
l'hydrogène dans la série de tensions (cuivre, argent, mercure):
Cu + 2H,S04 = CuSO, + SO: + 2H,0
2Hg + 2H,S04 = Hg:SO4 + SO: + 2H.0
8 71] COMBINAISONS OXYGENBES DU SOUFRE 253
Les métaux qui occupent, dans la série de tensions, une position
à droite de l'hydrogène, ne se dissolvent pas dans l’acide sulfurique
dilué.
Notons le fait que le fer qui se trouve beaucoup plus à gauche que l'hydrogè-
ne dans la série de tensions, ne se dissout pas, pratiquement, dans H,S0, con-
centré (bien qu'il soit soluble dans H,SO, dilué avec dégagement d'hydrogène).
Cette stabilité du fer par rapport à Ÿ'acide sulfurique concentré est due à la
formation d'une pellicule d'oxydes de fer. bien résistante, qui n'entre pas en
réaction avec l'acide et préserve Île fer d’une destruction plus poussée. Cela
permet d'utiliser des citernes en acier pour transporter l’acide sulfurique con-
centré.
Dans les réactions d'oxydoréduction avec les métaux, le degré
de réduction de l'acide sulfurique concentré dépend de l’activité du
métal-réducteur. Ainsi, en chauffant H,SO, concentré avec du zinc,
on assiste au dégagement de SO, suivi de formation de soufre élé-
mentaire et de sulfure d'hydrogène:
&Zn + 5H,S04 = 4ZnS0, + 4H,0 + H,S
L’acide sulfurique dilué ne manifeste aucun pouvoir oxydant dû
à Sf+. Tous les métaux qui précèdent l'hydrogène dans la série de
tensions le déplacent de H,SO, dilué, à condition que le sel formé
y soit soluble:
Mg + H:2S04 = MgSOa + Hs
Fe + H,S04 = FeSOs + H;
Sels de l'acide sulfurique. L'’acide sulfurique forme des sels acides
(hydrosulfates) et neutres (sulfates). Les sels neutres sont plus usuels.
Ïls sont, pour la plupart, solubles dans l’eau, à l'exception du sulfa-
te de calcium CaSO,, peu soluble, du sulfate de plomb PbSO,, en-
core moins soluble, et du sulfate de baryum BaSO,, pratiquement
insoluble.
Plusieurs sels de l’acide sulfurique renferment de l’eau de cristal-
lisation (cristallohydrates). Autrefois, on les appelait couramment
vitriols ou couperoses: CuSO,-5H,0 vitriol bleu (couperose bleue);
FeSO,-7H,0 vitriol vert (couperose verte) ; ZnSO,-7H,0 vitriol blanc
(couperose blanche). A chaud, ces sels se débarrassent facilement de
leur eau de cristallisation:
t
CuSO,-5H,0 —> CuSO, + 5H:0
bleu lanc
Suivant leur comportement vis-à-vis du chauffage, les sulfates
anhydres peuvent être divisés en deux groupes: sels des métaux al-
calins et alcalinoterreux qui restent intacts même à une température
supérieure à 1000 °C et sels des métaux lourds qui se décomposent à
t < 1000 °C. En se décomposant, les sulfates anhydres donnent les
oxydes correspondants.
254 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI (CH. IX
L'acide sulfurique forme volontiers des sels doubles dits aluns:
alun de potassium KAI (S0,),-12 H,0, alun de chrome et de potas-
sium KCr (S0,),:-1211,0, alun de fer et de potassium KFe (SO,), X
X 12H,0 ;
Les sulfates suivants ont une valeur pratique importante.
1° Sulfate de calcium CaSO,. On le rencontre à l’état naturel sous
forme d’anhydrite CaSO, et de gypse (plâtre) CaSO,-2H,0. En por-
tant ce dernier à 150-170 °C, on observe une déshydratation partiel-
le :
CaSO,-2H1,0 —> CaSO,: + H,0+1 1 H,0
avec formation d’albätre. Ce dernier, mélangé à de l’eau de façon à
donner une masse pâteuse, se solidifie rapidement :
CaSO,-+ H:0+1 1 H,0=CaS0,-2H,0
On se sert de cette propriété de l’albâtre pour préparer des moules
de toutes sortes. On l’emploie aussi comme liant des enduits divers.
En chirurgie, on l'utilise pour immobiliser les membres fracturés.
2° Vitriol bleu (CuSO,-5H,0. Il sert à préparer certaines
couleurs minérales. Sa solution aqueuse s'emploie pour traiter les
plantes (pulvérisation) et les semences (mordançage).
3° Vitriol vert FeSO, -7H,0. Il est appliqué à l’imprégnation du bois
(afin de le préserver de la putréfaction), à la préparation d'encres
et à la lutte antiparasitaire.
4° Aluns KCr (S0,),:12H,0 et KAI (S0,),-12H,0. Ils sont uti-
lisés dans le tannage des peaux et dans la fabrication de peintures.
$ 72. Applications et production de l’acide sulfurique. L'’acide
sulfurique est un des plus importants produits de l'industrie chimi-
que. Il est consommé en quantités énormes pour fabriquer des engrais
minéraux (superphosphate, sulfate d'ammonium), pour préparer
d’autres acides à partir de leurs sels, dans la fabrication d'explosifs.
L'industriejpétrolière s’en sert largement pour le raffinage des produits
tirés du pétrole. L’acide sulfurique concentré s'emploie comme ca-
talyseur dans la fabrication de fibres synthétiques, de masses plasti-
ques, etc. En U.R.S.S., la production d'acide sulfurique a connu une
croissance incessante au cours du dixième quinquennat. En 1980,
on a produit 23 millions de tonnes d’acide sulfurique, soit 103 %
par rapport à 1979.
La production industrielle moderne d'acide sulfurique comporte
les procédés principaux suivants.
1° Préparation d'oxyde de soufre (IV).
2° Oxydation de l'oxyde de soufre (IV) en oxyde de soufre (VI).
3° Absorption de l’oxyde de soufre (VI) par l'acide sulfurique con-
centré.
$ 372] APPLICATIONS ET PRODUCTION DE H;SO, 255
On prépare SO, en partant des matières premières suivantes:
pyrite FeS, ; gaz issus des procédés de réduction de certaines combi-
naisons naturelles de métaux non ferreux (telle la calcination de la
galène : 2PbS + 30, = 2PbO + 2S0,); sulfure d'hydrogène des gaz
de cokéfaction de la houille ; soufre libre.
La récupération des gaz perdus de la métallurgie des métaux non ferreux
acquiert une importance primordiale sous le jour de la protection de l’atmosphè-
re contre les gaz toxiques. En 1972, l’Union Soviétique produisait 30 % de son
acide sulfurique sur la base de ces gaz. Son coût était inférieur de 30 % à celui
de l'acide sulfurique fabriqué à partir de la pyrite.
La pyrite demeure une matière première importante de la fabrication de
SO,. Aujourd'hui, les réacteurs destinés au grillage de la pyrite ont une puis
sance allant jusqu'à 1400 t par jour. Le rendement élevé de ces appareils est at-
teint grâce au choix des conditions optimales pour le grillage. Dans toutes les
usines de l’U.R.S.S., on ne traite qu'une pyrite broyée (dont les particules ne
mesurent que quelques dixièmes du millimètre) que l’on soumet au grillage
« par fluidisation » (dans un courant d'air) à 800 °C. La réaction est la suivante:
4FeS, + 110, — 2Fe,03 + 8S0,
Dans quelques usines, SO, est préparé par combustion directe du soufre :
S + O: — SO:
La transformation de SO, en SO, est possible par deux procédés :
aux oxydes d'azote et par contact. Le dernier présente certains
avantages par rapport au premier et le supplante peu à peu dans
l’industrie.
Le procédé aux orydes d'azote se présente comme suit. L'oxyde de soufre (1V),
débarrassé de la poussière à l’aide d’un filtre électrostatique. est envoyé dans une
colonne où il rencontre la nitrose (solution d'oxydes d'azote dans l'acide sulfu-
rique concentré) qui descend du haut de la colonne. La nitrose est un système
complexe en équilibre:
NO + NO, + 2H,S0, = N303 + 2H,S0, == 2S0,(OH)(ONO) + H,0
qui comporte simultanément des oxydes d'azote chimiquement liés en acide
OH
/
nitrosulfurique 0—S et dissous dans l'acide sulfurique. Lorsque
NO—N=0
la nitrose entre en contact avec l’oxyde de soufre (IV) chaud et l’eau, on a les
réactions
2S0,(0H)(ONO) + H,0 = 2H,S0, + NO + NO,
NO; en SO: + H,0 — H,S0:, + NO
Ainsi, NO participe à ce processus en tant que catalyseur. L’aci-
de sulfurique obtenu par le procédé aux oxydes d'azote a une concen-
tration de l’ordre de 70 à 78 %.
Le procédé par contact a le schéma suivant. L’oxyde de soufre
(IV), préalablement débarrassé des impuretés, est oxydé à 400-
600 °C en présence de catalyseurs (Pt, V,O.) par l'oxygène de l’air
256 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI , [CH IX
dans les caisses de catalyse (fig. 61) suivant la réaction
2S0, + O; 2 2S0s
La réactinn est exothermique. L'’élévation de température dépla-
çant l’équilibre vers la gauche, il devient nécessaire d’évacuer la
chaleur excédentaire. On l'utilise pour chauffer les gaz envoyés vers
le catalyseur. A cet effet, la caisse de catalyse comporte plusieurs
Acide dilué Acide concentré Acide à 96- 98°
\
\ SO, - 0,
\
\A
à
dr
Résidu
Four Chambre Tour } Tour Caisse Absorbeur ile
N e ù Stockage
à pyrites poussières de lavage de séchage de catalyse
Fig. 61. Fabrication d'acide sulfurique (procédé par contact)
couches de catalyseur séparées par des échangeurs de chaleur. Ensuite
l’oxyde de soufre (VI) va dans l’absorbeur (colonne à garnissage d’an-
neaux), arrosé avec de l'acide sulfurique à 96-98 %, où l’on obtient
de l'oléum:
SOs + H,S04 — H3S20;
Le procédé par contact fournit donc un acide sulfurique de con-
centration élevée.
$ 73. Acides persulfurique et pyrosulfurique. Les acides qui comportent
une chaîne peroxyde (0—O0), sont dits peracides, tel l'acide persulfurique
0 O
/
Ns—0—057
07 | | So
OH OH
L'acide persulfurique H,S:30, a la forme de cristaux incolores qui absorbenut
avidement l'humidité. C'est un oxydant très fort. Il carbonise non seulement
le papier ou le sucre (comme l'acide sulfurique concentré), mais aussi la paraf-
fine. L’acide persulfurique doit ces propriétés à la présence dans sa structure
d'une chaîne peroxyde. La structure spatiale de l’ion S,02- est représentée sur
la figure 62. On prépare l'acide persulfurique par électrolyse d’une solution
$ 73] ACIDES PERSULFURIQUE ET PYROSULFURIQUE 257
aqueuse concentrée d'hydrosulfate de potassium :
KHSO, = K* + HSO;
A la cathode
2H,0 + 2e + H, + 20H-
A l'anode
2HS0; — 2e —> H:S20:
Lorsque les espaces cathodique et anodique ne sont pas séparés par une
membrane, l'interaction de l’hydroxyde de potassium et de l'acide persulfurique
produit du persulfate de potassium K,S:0, peu soluble.
Fig. 62. Structure de l'ion S:0$
‘acide persulfurique se prépare également par électrolyse de l'acide
sulfurique concentré :
H,S0, = H* + HSO:
A la cathode A l'anode
2H* + 2e + H, 2HSO:— 2e —+ H;S:20s
En se dissolvant dans l'eau, l’acide persulfurique agit sur elle suivant
l'équation
H,S:20: — 2H; —= 2H,S0,4 + H,0;
Le peroxyde d'hydrogène est évacué du mélange réactionnel sous une pres-
sion réduite (pour éviter sa décomposition). C'est le procédé industriel de fabri-
cation de peroxyde d'hydrogène.
Les sels de l'acide persulfurique (persulfates) sont des oxydants forts.
L'oxyde de soufre (VI) en solution dans l'acide sulfurique entre enréaction
avec ce dernier pour former l'acide pyrosulfurique:
H,S0, + SO, = H,S,0;
L’acide pyrosulfurique est donc de l’oléum comportant 45 % de SO.
Sal structure est la suivante:
(0) O0
] Î
HO—S—0—S—O0H
I ]
O0 O
Ses cristaux, très hygroscopiques, fondent à 35 °C. L'action de l'eau trans-
forme l'acide pyrosulfurique en acide sulfurique:
H,S,0; + H,0 — 2H,S0,
Les sels de l'acide pyrosulfurique (pyrosulfates) se préparent par chauffage
des hydrosulfates correspondants:
2KHSO, — K 2S20 7 + H,0
17—-01151
258 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI (CH. IX
Ce sont des corps cristallins incolores qui redeviennent hydrosulfates étant
dissous dans l’eau. Le chauffage les décompose :
Na2S20 = Na2SO, + SOs
$ 74. Cycle du soufre dans la nature. À l'époque géologique lointaine où
la croûte terrestre se formait. dans les conditions de haute température et de
manque d'oxygène, le soufre ne se rencontrait qu'à l’état de sulfures. Avec l’ap-
parition sur notre planète de l’eau liquide, les sulfures se transformèrent progres-
sivement en carbonates en dégageant du sulfure d'hydrogène :
CaS + CO: + H,30 = CaCO; + H,S
Le sulfure d'hydrogène était oxydé par l'oxygène de l'air:
2H,S + O, = 2H,0 + 2S
En présence d'eau et d'oxygène de l'air en excès, le soufre se transformait
peu à peu en acide sulfurique:
2S + 30, + 2H,0 = 2H,S0,
Cet acide sulfurique entrait en réaction avec divers sels contenus dans le
sol ou dans l’eau (surtout avec les carbonates) :
CaCO;' L H,S0, = CaSO, + CO, - H,0
La majeure partie de ces sulfates était emportée par les fleuves dans les
mers qui, en séchant, formèrent des couches de minéraux, principalement de
gypse CaSO, -2H,0.
A côté de cette série des transformations (sulfures = H,S + S + H,S0, +
— sulfates) qui se produisent dans la nature en élevant le taux d’oxydation du
soufre. on observe des processus de réduction qui conduisent de nouveau à la
formation de sulfure d'hydrogène. Une partie des sulfates descend vers les
couches profondes de Ja Terre où ils réagissent, à haute température, sur des
corps organiques :
CaSOs + CH, — Cas COz + 2H,0 — CaCO, - HS + H,0
Le sulfure d'hydrogène se dégage alors sous forme de gaz ou se dissout dans
les eaux souterraines.
Les plantes absorbent les sulfates de l'eau du sol. ce qui fait que le soufre,
ayant subi des processus biochimiques complexes, se retrouve dans les matières
protéiques. Après la mort des organismes animaux et végétaux, leurs matières
protéiques se décomposent en libérant le soufre sous forme de sulfure d'hydro-
gène. 2
Tout ce cycle des transformations du soufre dans la nature peut être schéma-
tise comme suit:
— H,S — Sulfures
Sulfures —+ H,S — S > H.S0, — Sulfates — j_ Protéine + H,S — Sulfures
SÉLENIUM ET TELLURE
$ 75. Propriétés et applications du sélénium et du tellure. Le
sélénium et le tellure appartiennent aux oligo-éléments: leur con-
centration dans l'écorce terrestre vaut respectivement 105 et 10-7 %
(massiques). Ils forment rarement des minéraux individuels. D'’ha-
bitude, on les trouve, à l’état naturel, dans les sulfures et dans le
soufre natif.
$ 75] PROPRIÊTÉES ET APPLICATIONS DE Se ET DE Te 259
La densité, les températures de fusion et d’ébullition des corps
simples correspondants augmentent parallèlement à l'accroissement
de la charge nucléaire des atomes des éléments considérés (v. Ta-
bleau 19).
Le sélénium et le tellure sont tirés, principalement, des déchets
de fabrication d'acide sulfurique qui s'accumulent dans les chambres
à poussières, ainsi que des boues qui se forment au cours du raffina-
ge électrolytique du cuivre. Parmi d’autres impuretés, les boues con-
tiennent également du séléniure d'argent Ag,Seet quelques tellurures.
Le sélénium est extrait de la boue par grillage oxydant :
Ag:Se + O, = 2Ag + SeO.
À côté de l’oxyde de sélénium (IV), le grillage des boues donne
de l’oxyde de tellure (IV) TeO., ainsi que des oxydes de métaux
lourds. L’oxyde de sélénium (IV), facilement sublimable, est aisé à
séparer des oxydes métalliques.
L'oxyde de soufre (IV) agit sur les oxydes SeO, et TeO, en milieu
aqueux en réduisant le sélénium et le tellure :
SeO, + H:0 = H3Se0;
acide celénieux
H,Se0; + 2S0, = H,0 + Se} + 2H,S0,
Le sélénium précipite sous forme de poudre d'un rouge vif ou
foncé.
Le sélénium, de même que le soufre, possède plusieurs variétés
allotropiques (sélénium amorphe, rouge; vitreux, presque noir;
caoutchouté ; cristallin monoclinique, rouge ou rouge orangé). La
plus stable de ces formes est le sélénium cristallin de couleur grise qui
possède des propriétés semiconductrices. Sa conductivité augmente
brusquement (de 1000 fois environ) sous l’action de la lumière. Cela
permet de fabriquer des cellules photorésistantes au sélénium.
Le tellure présente aussi des variétés allotropiques: cristalline
et amorphe. Le tellure cristallin, d'un gris argenté, est fragile,
facilement réduit en poudre. Sa conductivité électrique, in-
signifiante, augmente à la lumière. Le tellure amorphe est brun,
moins stable que le sélénium amorphe. Il cristallise à 25 °C.
Le sélénium et le tellure ressemblent beaucoup au soufre par leurs
propriétés chimiques. Ils brülent à l’air (flamme bleue pour le séle-
nium et bleu verdâtre pour le tellure) en formant les oxydes corres-
pondants MO,.. A la différence de SO,, ces oxydes sont des corps cri-
stallins. SeO, est bien soluble dans l’eau et TeO, y est peu soluble.
Le sélénium est le seul à réagir partiellement sur l'hydrogène, à
températures élevées :
Se + H, C2 H,Se
260 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI ; (CH. IX
Le tellure ne se combine pas à l'hydrogène de façon directe. Le sé-
lénium comme le tellure réagissent à chaud sur plusieurs métaux, don-
nant des sels (séléniures et tellurures, K,Se et K,Te par exemple).
Si le sélénium amorphe entre en réaction avec l'eau à température
élevée (le sélénium cristallin ne réagit pas sur l’eau), le tellure le
fait même à la température ordinaire :
Se + 2H,0 = SeO, + 2H,
amorphe
De même que le soufre, le sélénium et le tellure s’oxydent en aci-
des correspondants (H.SeO,, H,TeO,-2H,0), mais dans des condi-
tions plus rigoureuses et par l'intervention d’autres oxydants:
4Se + 3HCIO, + 4H,0 = 4H,Se0, + 3HCI
Te + 3H304 (à 30 %) = H,TeOr
Le sélénium et le tellure se dissolvent lentement, en imitant le
soufre, dans des solutions alcalines bouillantes:
3Se + 6KOH = 2K,Se + K,Se0, + 3H,0
Le sélénium sert à fabriquer des redresseurs de courant électri-
que, des cellules photosensibles, des piles solaires qui transforment
l’énergie solaire en énergie électrique. On l’ajoute dans le verre pour
éliminer la teinte verdâtre due à la présence de combinaisons du fer.
Le séléniure de cadmium confère au verre une coloration rubis. De
petites quantités de sélénium sont utilisées dans l’industrie du caou-
tchouc.
Le tellure est surtout utilisé en tant que semiconducteur.
$ 76. Propriétés des combinaisons du sélénium et du tellure.
Le séléniure et le tellurure d'hydrogène peuvent résulter de l’action
d'acides ‘dilués sur des séléniures et des tellurures métalliques:
Na:Se + H,S0,4 = NaSO, + H.Se
Na,Te + H,80, = Na;SO + H,Te
Dans les conditions normales, le séléniure et le tellurure d’hydro-
gène sont des gaz incolores à odeur caractéristique désagréable (plus
fétide que pour H.S). Le séléniure d'hydrogène est plus toxique et le
tellurure d'hydrogène moins toxique que le sulfure d'hydrogène. Les
combinaisons hydrogénées du sélénium et du tellure sont des réduc-
teurs plus forts que le sulfure d'hydrogène. Leur solubilité dans l’eau
est à peu près identique à celle de H,S. Les solutions aqueuses de
H,Se et H,Te présentent une réaction acide marquée, suite à la dis-
sociation :
H,Se = H* + HSe-
HSe- += H+ + Se*-
$ 76] COMBINAISONS DU SELENIUM ET DU TELLURE 26€
Dans la série O-S-Se-Te, les rayons ioniques passent de 0,136
à 0,211 nm. On doit donc s'attendre à ce que la capacité des ions M?-
de retenir l'ion hydrogène diminue en conséquence. Des données
expérimentales confirment cette tendance. Les premières constantes
de dissociation des chalcogénures * d'hydrogène sont les suivantes:
Ko = 2-10"; Kus = 910%, Kuse = 110%; Kyre = 2 X
X 103. Ainsi, les acides sélénhydrique et tellurhydrique sont plus
forts que l'acide sulfhydrique.
L'aptitude à la dissociation thermique des chalcogénures d’hy-
drogène croît le long de la série O-S-Se-Te : l’eau se prête le moins à
la décomposition thermique, alors que le séléniure et le tellurure
d'hydrogène sont bien instables et se décomposent dès une légère élé-
vation de température.
La stabilité variable des molécules H,0, H,S, H,Se et H,Te est liée à la
c'HROUON successive de leurs chaleurs de formation (en kJ/mol) à partir des
éléments:
HO D ce 288,3 H,Se .... —79,42
HS ae 20,9 HTe .... —142,12
On peut se rendre compte que l’eau est un composé hautement exothermi-
ue, le sulfure d'hydrogène l’est moins, tandis que le séléniure et le tellurure
hydrogène ‘sont des composés endothermiques.
Les sels des acides sélénhydrique et tellurhydrique (séléniures et
tellurures) ont des propriétés qui les rapprochent des sulfures. On les
obtient, ainsi que les sulfures, par l’action du séléniure (du tellurure)
d'hydrogène sur des sels métalliques solubles. Les séléniures et les
tellurures sont proches des sulfures en ce qui concerne la solubilité
dans l’eau et dans les acides. Ainsi, en passant à travers une solution
aqueuse de CuSO,, le séléniure d'hydrogène donne un précipité de
séléniure de cuivre, insoluble dans l’eau et dans les acides dilués:
H,Se + CuSO, = H,S0, + CuSe!
Le sélénium et le tellure forment avec l’oxygène les combinaisons
SeO,, Se0:, TeO, et TeO;, dont SeO, et TeO, se préparent par combu-
stion à l'air du sélénium et du tellure, par calcination des séléniures
et des tellurures métalliques, ainsi que par combustion des sélé-
niures et des tellurures d'hydrogène :
Te + O0, = TeO;,
2ZnSe + 30, = 2Zn0 + 2SeO,
2H,Te + 30, = 2H,0 + 2TeO,
_* Le terme chalcogènes désigne les éléments de la famille de l'oxygène con-
sidérés dans ce chapitre. (V.d.T.)
262 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI [CH. IX
SeO, et TeO, sont des oxydes acides (anhydrides). Dissous dans
l’eau, ils forment respectivement l'acide sélénieux et l'acide tellureux :
SeO, + H,0 — H,Se0,
TeO, + H,0 —= H:TeO;
La dissociation de ces acides en solution dans l’eau est moins
marquée que celle de l’acide sulfureux. L’acide sélénieux n’est stab-
le qu’au-dessous de 70 °C; au-dessus de cette température il se dé-
compose en anhydride et eau. L’acide tellureux n’a jamais été obte-
nu à l’état libre : il n'existe qu’en solution aqueuse.
Alors que les combinaisons du soufre au degré + 4 (SO,, H,SO.,
sulfites) se comportent de préférence en réducteurs, le degré d’oxyda-
tion du soufre s’élevant jusqu’à + 6, SeO, et TeO., ainsi que les
acides qui leur correspondent, manifestent surtout des propriétés
oxydantes en se réduisant respectivement en Se et Te.
Les acides sélénieux et tellureux ne se comportent en réducteurs
qu'en présence d'oxydants forts:
3H,ScO3 + HCIO, = 3H,Se0, + HCI
acide
sélénique
3H,TeO, -- HCIO, = 3H,TeO, + HCI
acide
tellurique
L’acide tellurique libre est obtenu le plus souvent sous forme du
cristallohydrate H,TeO,-2H,0 que l’on peut écrire H,TeO,. Dans
l'acide orthotellurique H,TeO,, les atomes d'hydrogène peuvent être
substitués, entièrement ou en partie, par des atomes métalliques,
ce qui donne des sels du type Na,TeO..
Les acides sélénique H,SeO, et tellurique H,TeO, sont des corps
cristallins incolores, bien solubles dans l’eau. La force de l'acide sé-
lénique se rapproche de celle de l’acide sulfurique, alors que H,TeO,
est un acide bien faible. L’acide sélénique se combine énergiquement
à l’eau et carbonise les corps organiques. Ces deux acides ont un pou-
voir oxydant plus marqué que celui de l’acide sulfurique. Si l’acide
sulfurique concentré n'oxyde que HBr et HI (avec libération de Br,
et [.), les acides sélénique ct tellurique oxydent de plus HCI suivant
la réaction
H,SeO, + 2HCI = H,SeO, -+ H:0 + Cl
L'or qui ne se dissout pas même dans l'acide sulfurique chaud,
est soluble à chaud dans l'acide sélénique anhydre.
Les oxydes qui correspondent aux acides sélénique et tellurique
(SeO, et TeO.,) se préparent selon des procédés différents. Chauffé,
l’acide sélénique ne dégage pas SeO.. L’oxyde de sélénium (VI) est
préparable par interaction du séléniate de potassium avec un excès
$ 76] COMBINAISONS DU SELÉNIUM ET DU TELLURE 269
de l’oxyde de soufre (VI):
. K.Se0, + SO, = K:S0, + SeO,
L'oxyde de tellure (VI) se forme en portant l'acide tellurique à
300 °C (un chauffage plus fort conduit à la décomposition de TeO,
en TeO, et O,):
300° C
H,TeO, — TeO; + H,0
L'oxyde de sélénium (VI), corps cristallin incolore (F — 118 °C),
est bien soluble dans l’eau avec formation d'acide sélénique. L’oxy-
de de tellure (VI) est une poudre jaune qui ne se dissout pas dans l’eau
ni dans les solutions diluées d’acides et d’alcalis, mais seulement
dans les solutions aqueuses concentrées d’alcalis :
TeO; + 2KOH — K,TeO, + H,0
CHAPITRE X
+
SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V
$ 77. Généralités. Ce sous-groupe de la classification périodique
comprend azote, phosphore, arsenic, antimoine et bismuth.
Les atomes de la famille de l’azote possèdent cinq électrons sur
leur couche électronique périphérique (Tableau 20). Il est donc natu-
rel de s'attendre à ce qu'ils aient tendance à compléter leurs orbita-
les externes pour se constituer une couche à 8 électrons. Mais cette
tendance doit être moins nette que chez les éléments correspondants
des sous-groupes principaux des groupes VI et VII qui manquent d’un
moindre nombre d'électrons pour compléter leur couche externe jus-
qu'à ce qu'ils y aient une structure à 8 électrons. Cette tendance doit
également s’atténuer à l’intérieur du sous-groupe de l’azote au bis-
muth. Le détachement d'électrons des atomes neutres des éléments
du groupe V sera plus aisé que dans le cas des éléments des groupes
VIet VII, en raison des rayons atomiques plus importants chez les
éléments considérés. Les éléments du sous-groupe de l’azote ont dans
leurs combinaisons les degrés d'oxydation allant de —3 à +5.
Mais leurs degrés d’oxydation les plus caractéristiques sont les degrés
—3 et “+5. Bien que ces éléments appartiennent à un même sous-
Tableau 20
Certaines propriétés des atomes des éléments
du sous-groupe principal du groupe V
Configuration des deux . Premier Electronéga-
Numéro dernières coucies Rayon de | potentiel |tivité relative
Elément | atomique électroniques l'atome, | d’ionisation. (selon
(état fondamental) en kJ/mol Pauling)
N (il 1s?2s22p3 0,092 1405 3,0
P 15 2s°2p93s?3p° 0,128 1062 2,1
As 33 3s°2p°3d104s°4p3 0,139 966 2,0
Sb 91 4s*4 pt4d\05s°5 p3 0,159 832 1,8
i os?5pt5d106s26p° 0,1 1,8
$ 78] PROPRI£ETES ET APPLICATIONS DE L'AZOTE 265
groupe, certaines de leurs propriétés, présentent des différences bien
nettes. Il est donc plus commode de considérer d’abord les propriétés
de l’azote, puis celles du phosphore, pour passer ensuite à trois au-
tres éléments: arsenic, antimoine et bismuth.
AZOTE
$ 78. Propriétés et applications de l'azote. Azote dans la nature.
L'azote naturel est constitué par deux isotopes stables 1 N (99,635 %
massiques) et NN (0,365 % massiques). L'azote chimiquement pur
est, dans les conditions ordinaires, un gaz incolore et inodore qui
fond à — 209,86 °C et bout à — 195,8 °C. Le réseau cristallin de
l'azote solide est du type moléculaire, mais l'attraction mutuelle
des molécules N, est tellement faible que l'azote ne se liquéfie et
ne cristallise qu’à des températures extrêmement basses. La masse
volumique de l’azote gazeux aux conditions normales est égale à
1,2506 kg/m°. Sa solubilité dans l’eau est faible (2,23 m1/100 ml de
H,0 à 0 °C; 1,42 m]/100 ml à 40 °C et 1,32 m1;100 ml à 60 °C). La
molécule d'azote est diatomique (N.) avec une triple liaison: une
liaison © et deux liaisons x. Pratiquement, elle ne se dissocie pas en
atomes même à hautes températures. Au voisinage de 2700 °C et
sous pression normale, les molécules d'azote ne se dissocient qu’à
0,1 %, alors que, dans les mêmes conditions, le taux correspondant
pour les molécules O, atteint 10 %.
L’azote libre est chimiquement inerte à température ordinaire. A
chaud, il réagit sur le calcium et quelques autres métaux. Le magné-
sium et l'aluminium brülent dans l’azote en donnant des nitrures
(Mg,N, et AIN). Avec l'oxygène, l'azote forme, à 3000 °C, l'oxyde
d'azote (II) NO. I] ne réagit sur l'hydrogène en formant l'ammoniac
que dans les conditions de températures et de pressions élevées et en
présence de catalyseurs. L'azote ne se combine pas directement aux
halogènes et au soufre. Il donne le dicyane (cyanogène) (CN), au
contact au coke porté à l’incandescence.
Dans la nature, l’azote est à l’état libre ou combiné. La majeure
partie de l’azote libre se trouve dans l'air. L’immense « océan » aé-
rien, dont nous habitons le « fond », est un mélange de gaz. Les con-
stituants principaux de l’air sont les suivants:
constituants invariables (dont la concentration est pratiquement
constante pour toute région du globe terrestre):
Azote . . « + « 75,6 %o (massiques) 78,09 % 41015 t
(volumiques)
Oxygène ,. , . 23 % (massiques) 21 % 1,5-1016 t
(volumiques)
Gaz rares . . . 1,3 °o (massiques) Près de 0,9 % Près de 5,1-1013
(volumiques)
266 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V [CHE OX
,
constituants variables (dont la concentration varie suivant la ré-
gion du globe où la prise d’échantillon a été effectuée) :
Oxyde de carbone (IV) . . . 0,03-0,06 % 0,02 (0,04) % (volumiques)
(massiques)
Vapeur d'eau ....... 1,9% Jusqu'à 3 % (volumiques)
(massiques)
impuretés (poussière naturelle et industrielle, gaz industriels,
microorganismes utiles ou nuisibles, etc.).
A proximité des grands centres industriels, l’atmosphère est polluée par
des gaz de rebut et autres déchets de fabrication en quantités importantes.
Ainsi. autour des entreprises produisant l’acide nitrique ou sulfurique, l'air
renferme beaucoup d’oxydes d'azote et de SO.,. Dans les régions de production
de pétrole et de gaz naturel, l’air atmosphérique a une odeur spécifique due
à la présence de gaz de pétrole. Enfin, aux endroits où sont concentrées des
matières végétales ou animales en cours de décomposition, l’air est chargé
de quantités notables d'aramoniac et de sulfure d'hydrogène.
L'air pur, débarrassé des poussières, de l’oxyde de carbone (IV),
de la vapeur d’eau ct des autres impuretés, est incolore, transparent,
insipide et inodore. La masse d’un litre d'air à O °C et sous 0,1 MPa
est égale à 1,293 g. À — 140 °C et sous une pression voisine de 4
MPa, l’air se condense en un liquide incolore transparent. Sous pres-
sion atmosphérique, l'air liquide bout à — 190 °C. On peut le con-
server assez longtemps dans des vases en verre ou en métal ou dans
des containers à doubles parois entre lesquelles l'air a été éliminé.
Comme l'oxygène bout à — 183 °C et l’azote à — 195 °C, la liqué-
faction de l’oxygène est plus aisée que celle de l’azote. On tire l'oxy-
gène de l'azote de l'air liquide par évaporation fractionnée.
L'’azote entre dans la composition de tous les organismes vivants,
car il est un constituant indispensable de toutes les matières protéi-
ques.
L'azote combiné se trouve dans l'air sous forme d’ammoniac (qui
résulte de la décomposition des composés organiques azotés) et, aussi,
sous forme de traces de combinaisons oxygénées (NO, et autres). Dans
les zones superficielles de l'écorce terrestre, on trouve des sels d'am-
monium ainsi que des nitrates. La bonne solubilité de ces composés
explique l'absence d’amas importants de ces substances dans la croùû-
te terrestre. IL y a également de l'azote combiné dans les houilles (1
à 2,5 o massiques) et les pétroles (0,02 à 1,5 % massiques).
Les organismes animaux et les plantes ne sont pas capables de fixer l'azote
libre de l'atmosphère. Or, certaines bactéries nitrifiantes du sol (nitroso et
nitrobacters). les azotobacters ou les colonies de bactéries qui se développent
eur les nodosités des légumineuses, fixent, à l'opposé des animaux et des plan-
tes, l'azote libre. Les cadavres de ces bactéries enrichissent le sol en certaines
combinaisons azotées qui sont assimilées par les plantes en se transformant en
$ 79] AMMONIAC ET SES DÉRIVES 267
protéines végétales. Ces dernières deviennent des protéines animales dans l’orga-
nisme des animaux qui se nourissent des plantes. L'azote retourne dans le sol
au cours de la putréfaction des substances organiques azotées ou avec l'eau de
pluie sous forme de solutions d’ammoniac, d'acide nitrique, etc. Les cultures
agricoles évacuent du sol d'immenses quantités de corps organiques azotés
(entre 100 et 200 kg par hectare). Les engrais organiques et, le plus souvent, les
engrais minéraux (« chimiques ») rendent au sol une partie de son azote.
Certains processus favorisent la libération de l’azote combiné. Dans le sol,
c'est la tâche des bactéries dénirifiantes. L’azote libre se dégage également
lors de la combustion de divers combustibles et au cours de la décomposition
des substances organiques.
Industriellement, l’azote est obtenu en quantités importantes par
liquéfaction de l’air suivie de sa distillation fractionnée. Lorsque de
l’air liquide est soumis à l’évaporation afin d'obtenir de l’azote et de
l'oxygène, il y a parallèlement dégagement de gaz rares.
Dans les laboratoires, on prépare l'azote en décomposant à chaud
un mélange de nitrite de sodium et de chlorure d’ammonium:
NHQNO: — N: + 2H:0
On consomme beaucoup d'azote libre pour synthétiser l’ammoniac.
On s’en sert aussi pour créer une atmosphère inerte lorsqu'il s’agit de
remplir des ampoules électriques, de pomper sous pression de l’es-
sence ou autres liquides combustibles et inflammables, de déshydra-
ter des explosifs.
$ 79. Ammoniac et ses dérivés. Propriétés physiques de l’ammo-
niac. L'ammoniac NH, se présente sous forme d’un gaz incolore à
odeur caractéristique, presque 2 fois plus léger que l'air. Il se liqué-
fie sous pression normale à — 33 °C et se solidifie à — 78 °C. C'est
un gaz facilement comprimable: il suffit d’une faible pression (0,6 —
—0,7 MPa) pour qu'il passe à l’état liquide à température normale,
donnant un liquide volatil. C’est sous cette pression que l’ammoniac
est conservé dans des bouteilles en acier.
Sa faible concentration dans l’air atmosphérique (0,5 % volumi-
ques) irrite les muqueuses. Si la concentration est plus élevée, on ob-
serve des atteintes des yeux et des voies respiratoires, des crises d’é-
touffement et la pneumonie. Sa concentration maximale permise dans
l'air des entreprises industrielles est de 20 mg/m“.
En cas d’une intoxication par l’ammoniac, les premiers soins con-
sistent à donner à respirer de l'air frais, à laver abondamment les
yeux avec de l’eau, à faire inhaler de la vapeur d’eau.
La molécule NH, se forme par accouplement de trois électrons
p de l'atome d'azote avec trois électrons s des atomes d'hydrogène.
Les axes des nuages haltéroïdes des électrons p sont mutuellement per-
pendiculaires. Les trois atomes d'hydrogène se fixent sur l'atome
d'azote de façon à former, entre leurs liaisons, des angles de 100°:
268 SOÜUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V [CH. X
la molécule d’ammoniac a donc une forme pyramidale. Suite à l’élec-
tronégativité différente de l'azote et de l'hydrogène (v. Tableau 6),
les liaisons H—N sont polaires. Les doublets communs sont déplacés
vers l’atome d'azote. La molécule entière présente également une for-
te polarité. Les molécules d'ammoniac liquide, ainsi que celles d’eau,
s'associent entre elles par formation de liaisons hydrogène :
H H H H—O H:.. O-H
| | | | | |
HN: HN: U=N.:: H...0—H H...
| | Molécule d'eau
H H H associée
Molécule d'ammoniac
associée
Cela rend élevée (23,5 kJ/mol) la chaleur d’évaporation de l’am-
moniac liquide, car, en plus de l'énergie nécessaire pour surmonter
les forces d'attraction intermoléculaire, il faut une énergie supplé-
mentaire pour rompre les liaisons hydrogène. La chaleur de vaporisa-
tion de l’ammoniac est de loin supérieure à celles de la plupart des
autres gaz liquéfiés. L’évaporation de l’ammoniac liquide absorbe
donc une quantité importante de chaleur du milieu environnant.
La solubilité de l’ammoniac dans l’eau est parfaite : 700 volumes
d’ammoniac dans 1 volume d’eau à 20 °C et près de 1200 volumes à
0 °C. Cette solubilité élevée de l’ammoniac est due, en majeure par-
tie, à la formation de liaisons hydrogène entre les molécules d’ammo-
niac et les molécules d’eau :
LH H H H H
| | | | |
H—N-.H—N..-H—N...H—O H...C—H...N—H...N—H...O—I
| | | | | | | | |
il MH H O-..0—IH H H H
La solution aqueuse à 10 % d’ammoniac est dite ammoniaque
(alcali volatil). La solution aqueuse concentrée d’ammoniac que l’on
trouve dans le commerce renferme 25 % d’ammoniac et a une densi-
té de 910 kg/mÿ.
Propriétés chimiques de l'ammoniac. L'ammoniac ne brûle pas à
l'air, mais se consume dans l'oxygène pur:
4NHs +30; = 6H,0 + 2N,
Dans des conditions favorables, l’ammoniac peut quand même
être oxydé par l’oxygène de |’ air. Ainsi, on voit se former de l’oxy-
de d'azote (11) et non pas de l’azote libre lorsqu'on fait passer un mé-
lange d’ammoniac et d'air sur du platine incandescent (catalyseur) :
4NH, + 50, = 4NO + 6H,0
A hautes températures, les atomes d'hydrogène de l’ammoniac
sont substitués, entièrement ou en partie, par des atomes métalliques.
& 79] AMMONIAC ET SES DÉRIVES 269
La substitution de tous les trois hydrogènes de la molécule d’ammoniac
conduit aux nitrures. Deux hydrogènes substitués donnent les
imides; un seul hydrogène substitué, les amides ou les amidures.
Ainsi, le passage de NH, sur de l’aluminium incandescent s’accom-
pagne de la réaction
2A1 + 2NH, + 2AIN + 3H,
Les nitrures sont pour la plupart des corps solides. L'eau décom-
pose les nitrures des métaux actifs:
MgsN2 + 6H:0 = 3Mg(0H), + 2NH,
Lorsqu'on fait passer NH, sec au-dessus de sodium métallique
chauffé, il se forme un corps salin, l’amidure de sodium:
2NH, + 2Na = 2NH.Na + H,
L'amidure de sodium est hydrolysé en présence d’eau :
NaNH: + H,0 = NaOH + NHs
Outre les dérivés métalliques de l’ammoniac, on connaît des com-
binaisons qui résultent de la substitution des hydrogènes de l’ammo-
niac par des atomes d’halogènes. L'interaction de l’iode pulvérulent
avec une solution aqueuse concentrée d'’ammoniac (à froid) donne un
précipité brun foncé: le nitrure d'iode (mélange de NI, avec NHI,
et NH,Ï), composé très instable qui n'existe qu'en milieu aqueux.
Le nitrure d’iode sec explose au moindre contact.
On a, également, obtenu le nitrure de chlore NCI, et le nitrure de
fluor NF,. Le premier de ces composés est un liquide huileux de cou-
leur jaune, dont les vapeurs ont une odeur forte. Porté à plus de
90 °C ou soumis à un choc, NCI, se décompose en explosant :
2NCI, = N, + 3C1
Le nitrure de fluor, gaz incolore. est bien stable à l’opposé des ni-
trures d'iode et de chlore.
On connaît un dérivé hydroxylé de l’ammoniac, l’hydrozylamine
NH,0OH, qui résulte de l’électrolyse de l’acide nitrique qui se réduit :
HNOs + 6H = NH,0H + 2H,0
Un autre dérivé important de l’ammoniac est l'hydrazine H,N —
NH,. Ce liquide incolore est facilement soluble dans l’eau. Elle se
forme par oxydation partielle de l’ammoniac:
L'hydrazine est appliquée en tant que réducteur. Le mélange de
vapeurs d’hydrazine avec de l’air brûle en dégageant une forte cha-
leur :
NH, + O4 = 2H,0 + Ne + 625 kJ/mol
270 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V [CH X
Cette faculté de l'hydrazine permet de l'utiliser (ainsi que cer-
tains de ses dérivés organiques) en qualité de propergol.
Les réactions d’addition se déroulant dans les conditions ordinai-
res sont les plus caractéristiques de l’ammoniac en raison de la struc-
ture de la molécule NH, qui possède une paire électronique non par-
tagée. Ainsi, la dissolution de l’ammoniac dans l’eau donne une base
faible, l’hydrozyde d'ammonium :
NH: + H30 = NH,ÇOH == NH} + OH-
En agissant sur les acides, le gaz ammoniac et ses solutions
aqueuses forment des sels d'ammonium :
NH; - HCI — NH,CI,
ou
NH, + H+= NH+
L'ion ammonium NH? se forme du fait que le doublet non partagé
de l’atome d'azote occupe l’orbitale vacante de l’ion hydrogène. Cet-
te interaction peut être schématisée comme suit:
+
5, ; H +
ou HN: + H =[u:ñ:ul
H* Il H
Ainsi, la présence d’un doublet non partagé sur l’atome d'azote
fait apparaître une liaison chimique entre l’atome d’azote et l'ion
hydrogène. La charge de l’ion hydrogène est mise en commun et,
désormais, le doublet non partagé de l'azote appartient aussi bien à
l'azote qu'à l’ion hydrogène fixé. Par conséquent, l’atome d'azote de
Ja molécule NH, joue le rôle de donneur et l’ion hydrogène de l’aci-
de, le rôle d’accepteur.
De même que l’eau, l’ammoniac forme avec certains sels des com-
binaisons dites ammoniacates. Le caractère de la formation et la sta-
bilité des ammoniacates les font ressembler aux cristallohydrates :
CaCl, + 8NH, = CaCl -8NH;,
CuSO, + 4NH,4 = CuSO,-4NH,
CaCl, + 2H,0 = CaCl, -2H,0
CuSO, + 5H,0 = CuSO,-5H,0
& 80] PROCÉDÉS DE PRÉPARATION DE L'AMMONIAC 271
Les sels d’ammonium sont des corps cristallins solides, blancs
pour la plupart, bien solubles dans l’eau. Ils se décomposent à chaud
et la nature de leur décomposition dépend de l’anion du sel. Lorsque
le sel dérive d’un acide volatil, l'élévation de température fait appa-
raître de l’ammoniac et de l’acide qui peuvent former de nouveau le
sel dès que la température a baissé :
chauffage refroidissement
NHÇCI ———> NH, + HCI ——— NH CI
La décomposition des sels ammoniacaux dérivés des acides non
volatils donne de l’ammoniac et un sel acide:
(NH4)3PO:4 = 2NHst + NH,H,PO,
La décomposition des sels d'ammonium dérivés des acides-oxydants
a pour résultat l'oxydation de l'ion ammonium:
(NH,)2Cr:0; — Not + Cr:0s + 4H,0
L'ammoniac peut être identifié grâce à son odeur. ainsi que par
virage d’un papier à phénolphtaléine ou d’un papier de tournesol
humides.
$ 80. Procédés de préparation de l’ammoniac. L’ammoniac est
obtenu par plusieurs procédés.
1° Procédé au cyanamide, basé sur l'interaction du carbure de cal-
cium CaC, avec l'azote à 1000 °C;
CaC, + N° = CaCN, + C
suivie de la décomposition du cyanamide calcique par l’eau:
CaCN: + 3H,0 — CaCO, + 2NH;3t
Le cyanamide calcique est utilisable en tant qu’engrais azoté pour
fertiliser les sols acides, car le carbonate de calcium issu de l'hydroly-
se de CaCN, réduit l'acidité des sols.
2° Séparation de l’ammoniac de l’eau ammoniacale formée au cours
de la distillation sèche du charbon.
3" Syntèse de l'ammoniac à partir de ses éléments en utilisant l’azo-
te de l'air:
Na + 3Ha = 2NH, + 92 k]/mol
Ce dernier procédé est le plus répandu à l’échelle industrielle.
Comme le montre l’équation de la réaction, l'équilibre chimique se
déplacera du côté de la formation d’ammoniac si l’on élève la pres-
sion ou si l’on abaisse la température (Tableau 21). Pourtant, à basse
température, l'équilibre est très long à s'établir. On a donc besoin
d’un catalyseur. Ce catalyseur est du fer en éponge (obtenu par ré-
duction de la magnétite Fe;O,), additionné d’une faible quantité
(près de 3 %) d'ALO. et K.0 (adjuvants actifs). Le rendement en am-
272 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V [CH. X
RE
moniac atteint 97 % sans qu’on ait recours à un catalyseur. Mais
l'application des pressions aussi importantes présente de grandes dif-
ficultés techniques liées à la nécessité d'employer des appareils spé-
Ciaux.
Tableau 21
Concentrations d’ammoniac (% volumiques) dans le mélange
équilibré en fonction de la pression et de la température
Teneur en ammoniac suivant la pression (en MPa)
Température,
ue €
La préparation de l’ammoniac comporte les étapes suivantes:
a) obtention d'azote et d'hydrogène ; b) synthèse d’ammoniac à par-
tir du mélange azote-hydrogène ; c) séparation de l’ammoniac des
gaz n'ayant pas réagi.
Le mélange d'azote et d'hydrogène (1 : 3) est soumis à une épura-
tion soigneuse, car les impuretés, surtout les composés sulfurés, em-
poissonnent le catalyseur. Le compresseur confère au mélange la
pression requise avant de l’envoyer dans la colonne de synthèse (fig.
63). Cette colonne, en acier spécial, est conçue pour résister aux pres-
Fig. 63. Synthèse de l'ammoniac :
1 — turbocompresseur ; 2 — colonne de synthèse ; 3 — refroidisseur ; 4 — sépara-
ur: 5 — compresseur de circulation
sions élevées. Sa hauteur peut atteindre 18 m. Le mélange azote-
hydrogène passe entre les tubes de l'échangeur de chaleur et, porté à
la température nécessaire, pénètre par la conduite centrale dans la cais-
$ 51] APPLICATIONS DE L'AMMONIAC ET DES SELS D'AMMONIUM 973
se de catalyse où se déroule la réaction: N, + 3H, = 2NH,. La
température du mélange gazeux monte. Mais aucune surchauffe du
système équilibré ne survient, car le mélange N, + H, qui arrive
dans la colonne de synthèse refroidit la caisse de catalyse et les tubes
en passant à travers l’espace entre les tubes. Après la colonne de syn-
thèse, le mélange réactionnel va vers le refroidisseur qui sert à sépa-
rer l’ammoniac du mélange azote-hydrogène qui n’a pas réagi (70-
80 %). Ici, l’ammoniac se condense par refroidissement, après quoi
il passe dans le séparateur. Le mélange azote-hydrogène est renvoyé
dans la colonne de synthèse par un compresseur de circulation.
Un tel procédé de fabrication où les substances n'ayant pas réagi
sont séparées des produits de la réaction et retournent dans le réacteur,
est appelé procédé à recyclage. En faisant circuler le mélange azo-
te-hydrogène, on peut se limiter à des pressions peu élevées. Aujour-
d'hui, l’ammoniac est synthétisé sous une pression de 30 MPa, alors
que les installations les plus récentes utilisent des pressions encore
moins élevées: jusqu'à 15 MPa.
Le procédé de laboratoire consiste à soumettre des sels d’ammo-
nium à l’action d'un alcali ( à chaud):
2NH,CI + Ca(OH), = 2NH,4 + CaCl, + 2H,0
$ 81. Applications de l’ammoniac et des sels d’ammonium. La
plus grande partie de l’ammoniac produit sert à fabriquer de l’acide
nitrique et autres substances azotées, telles que (NH.,),S0,, NH,NO:,
carbamide (urée) CO (NH,),, etc. Outre cela, il est utilisé :
dans les installations frigorifiques : l'évaporation de l’ammoniac
liquéfié absorbe une grande quantité de chaleur ;
dans les laboratoires chimiques : les solutions aqueuses d'ammo-
niac sont des bases volatiles faibles ;
en médecine : sous forme d'’alcali volatil ;
dans le ménage : comme détachant (sous forme de mélanges : am-
moniaque —+ éther diéthylique + alcool éthylique ; ammoniaque +
chloroforme + essence + alcool éthylique).
Les sels d'ammonium ont un grand intérêt pratique. Le nitrate
d'ammonium additionné de sulfate d'ammonium s'emploie comme en-
grais azoté. De plus, le nitrate d'ammonium sert à fabriquer des ex-
plosifs : les ammonals. Ici, on utilise la propriété du nitrate d'ammo-
nium de se décomposer en explosant en présence de corps oxydants.
Les ammonals sont utilisés dans les travaux de minage.
Le chlorure d'ammonium (sel ammoniac ou salmiac) est utilisé
pour braser les métaux. NH.CI réagit à chaud sur les oxydes métal-
liques (par l’intermédiaire de HCI libéré au cours de la décomposition
de NH,CI), en nettoyant ainsi la surface du métal. On l’applique éga-
lement comme électrolyte dans les piles sèches.
18—01151
274 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V [CH. X
U
$ 82. Combinaisons oxygénées de l'azote. L'’azote forme avec
l'oxygène cinq oxydes où il présente tous les degrés d’oxydation de
+ 4à + 5: N,0, NO, N.0;, NO, et N,0,. À l'exception de l’oxyde
d'azote (V), tous les oxydes d’azote sont des gaz aux conditions ordi-
naires. N,0, est un solide.
L'oryde d'azote (1) N,0 a la formule structurale O: * N ** N
ou O=N=—N. L'atome d'azote, lié à l'oxygène à l’aide de deux dou-
blets électroniques et à l’autre atome d'azote à l’aide d’un seul dou-
blet, cède en même temps à ce dernier deux électrons non partagés
pour assurer la liaison.
La préparation de cet oxyde d'azote est possible par décomposi-
tion du nitrate d’ammonium à 250 °C:
NH,NOs = N:0 + 2H,0
N,0 est un gaz incolore, à une faible odeur agréable et une saveur
douceâtre. Aspiré, il produit un effet enivrant et anesthésiant, ce qui
détermine son emploi en médecine en qualité d’anesthésique. Porté
à plus de 500 °C, N.0 se décompose en azote et oxygène.
L’oxyde d'azote (11) NO se forme à partir de ses éléments au cours
des décharges électriques :
Na + O = 2N0
L'industrie le prépare par oxydation catalytique de l’ammoniac
en présence de platine ou d’oxydes de fer et de chrome:
En laboratoire, NO est obtenu en soumettant le cuivre à l’action
de l’acide nitrique dilué:
NO se présente comme un gaz incolore et inodore, peu soluble dans
l’eau. A l'air, il s’oxyde facilement en NO, :
2NO + O, = 2N0,
L'oxyde d'azote (III) ou l’anhydride nitreux (azoteux) N,0, peut
résulter de l'interaction du nitrite de sodium avec l'acide sulfurique
dilué à 0 °C:
NaNO, + H,S0, = NaHSO, + HNO,
L'acide nitreux (azoteux) HNO, n'existe que sous forme de solu-
tions très diluées, étant assez aisément décompose :
2HNO, — N°20; + H,0
N,0, se condense à froid en un liquide bleu. Ce corps, très insta-
ble, est facile à décomposer:
N,0, = NO + NO,
$ 82] COMBINAISONS OXYGENEÉES DE L'AZOTE 275
Les sels de l’acide nitreux (nitrites) peuvent être obtenus en fai-
sant passer un mélange équimoléculaire d’oxydes d'azote (II) et
(IV) dans une solution alcaline:
NO + NO: + 2NaOH = 2NaNO, + H,0
A la différence de l’acide nitreux, les nitrites sont des corps sta-
bles. C’est essentiellement le nitrite de sodium qui présente un intérêt
pratique, car on l'utilise dans la fabrication de colorants et dans la
pratique de laboratoire.
HNO, est un acide faible (Ka — 104). Dans leurs réactions chi-
miques, l’acide nitreux et les nitrites se comportent tantôt en oxy-
dants, tantôt en réducteurs. En présence de réducteurs forts, ils
se réduisent, le plus souvent, en NO:
2NaNO, + 2KI + 2H,S0, = NaSO, + K:2S0,4 + 2N0 + 2H,0 + I,
Les oxydants forts peuvent oxyder HNO, et les nitrites en acide
nitrique et nitrates:
2KMnO, + 5NaNO, + 3H,S0, = K:S0, + 5NaNO, + 2MnSO, + 3H.0
L'oxyde d'azote (1V) NO, se forme par oxydation de NO ou par
décomposition des nitrates des métaux lourds:
2Pb(NOs): = 2PbO + 4NO, + Os
On le prépare en laboratoire par action de l'acide nitrique con-
centré sur le cuivre:
Cu + 4HNO, = Cu(NO;); + 2NO, + 2H,0
NO;, gaz brun à odeur fétide, est très toxique et se dissout bien
dans l’eau. Il se dimérise aisément à froid, donnant un corps presque
incolore de formule N,0,:
abaissement de température jusqu’à = 11 °C
NO NU
élévation de température jusqu'à 140 °C
NO, doit sa tendance à se dimériser à la présence d’un nombre im-
pair d'électrons dans sa molécule :
XX X X
x O:N:OX
X X XX
** XX XX , XX
KkO:N:0% ON: 07
XX XX XX XX
monomère dimère
(5+6-1— 17) (5-2+6-4—34)
La dissolution de NO, dans l’eau conduit à un mélange d'acide
nitreux et d'acide nitrique. Or, HNO, étant instable, surtout à chaud,
15*
276 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V , [CH. X
la dissolution de NO, dans de l’eau chaude donne comme produits
principaux de la réaction l'acide nitrique et l’oxyde d'azote (II):
2NO: + H,0 DE HNO, + HNO;
3NO: + H°20 — 2HNO; + NO
La dissolution de NO, dans l’eau en présence d’un excès d'oxygène
sous pression se produit suivant l’équation
4NO. + 2H,0 + O0, = 4HNO,
L'oryde d'azote (V) ou l’anhydride nitrique (azotique) N,0, est le
produit de la déshydratation de l'acide nitrique par l’oxyde de phos-
phore (V):
2HNO; + P,0; — N:0; + 2HPO;
Ce corps instable se décompose lentement dans les conditions
ordinaires :
2N:0: — 2N:0, + O;,
N:0, est un oxydant fort. Sa dissolution dans l’eau conduit à
l’acide nitrique.
$ 83. Acide nitrique et ses sels. L’acide nitrique est préparé sui-
vant plusieurs procédés différents.
1° Procédé à l’ammoniac (industriel). La possibilité de préparer
l’acide nitrique à partir de l’ammoniac est liée à l’aptitude de ce
dernier à s’oxyder lorsqu'un mélange d'’ammoniac et d'air en excès
est mis en contact avec un catalyseur platine-rhodium chauffé :
L'alliage platine-rhodium assure un haut rendement en NO,
une réaction rapide et une longue durée de service. Mais ces métaux
sont très chers, alors que, dans un tel processus, on en perd inévita-
blement une partie. L'étude effectuée par des chercheurs soviétiques
a abouti à la constatation que l’ammoniac était bien oxydable sur
un Catalyseur comportant une toile de platine rhodié et une couche
de catalyseur non platiné (oxydes de fer et d’autres métaux).
Ce procédé de fabrication d'acide nitrique comprend plusieurs
stades.
De l’air épuré est mélangé à de l’ammoniac pur. Le catalyseur
est utilisé sous forme de toiles en fils fins. Un paquet de plusieurs
toiles se fixe horizontalement dans la partie centrale de la caisse
de catalyse (fig. 64). On chauffe les toiles avant d'y introduire un
mélange ammoniac-air. Par la suite, le catalyseur est maintenu à
chaud par la chaleur qui se dégage au cours de l'oxydation de l’am-
moniac. Après la caisse de catalyse, le mélange comportant NO,
air et vapeur d’eau et ayant une température élevée passe entre les
8 83] ACIDE NITRIQUE ET SES SELS 277
tubes de l’échangeur de chaleur et se refroidit en chauffant le mélange
ammoniac-air qui entre dans l’appareil. Il se refroidit de nouveau
en passant à travers les tubes d’une chaudière à vapeur où NO se
transforme en NO:. Ensuite, le mélange gazeux qui contient désor-
mais NO, va dans une tour d’absorption remplie d’anneaux de por-
Arroseur
Gaz
Catalyseur
—— NO
Fig. 64. Installation d'oxydation cata- Fig. 65. Tour d'absorption de NO:
lytique de l'ammoniac
celaine. Le garnissage est arrosé avec de l’eau en haut de la tour
(fig. 65). Pour assurer une absorption plus complète de NO,, on in-
stalle l’une après l’autre plusieurs tours d'absorption. Il s’y produit
la réaction |
3NO, + H,0 = 2HNO, + NO
29 Procédé de laboratoire: action de l’acide sulfurique concentré
sur le nitrate de sodium à une température légèrement élevée :
NaNO, + H,S0, = NaHSO, + HNO,
Ce procédé fut utilisé par l’industrie avant qu'on n'ait mis au
point le procédé à l’ammoniac.
3° Procédé à l'arc qui comprend les stades suivants:
a) formation de NO au cours du passage d’un courant d'air à travers un arc
électrique: N; + O, == 2N0. Cette réaction étant réversible, NO est à évacuer
rapidement de la zone de l'arc électrique et à refroidir pour éviter qu'il ne se
décompose en azote et oxygène. Voilà pourquoi l'arc électrique placé dans un
champ électromagnétique est étendu de façon à former un disque d’un diamètre
allant jusqu'à 3 m;
b) oxydation de NO en NO;;
c) obtention de HNO;. La teneur en NO, du mélange gazeux étant relati-
vement faible, on prépare d’abord le nitrate de calcium Ca(NO.), (salpêtre de
chaux) :
2Ca(0H)4 + 4NO, + O, = 2Ca(NOs): + 2H,0
Après avoir évacué l’eau, Ca(NO:), peut servir à produire de l'acide nitri-
que.
278 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V [CH. X
REP PP GPO
Ce procédé ne s’est pas généralisé, car il consomme trop d'énergie électrique
et qu'un tel acide revient trop cher.
L’acide nitrique pur est un liquide incolore, ordinairement coloré
en jaune par l’oxyde d’azote (IV) qui y est dissous, ce dernier résulte
de la décomposition de l’acide nitrique à la lumière:
&HNO, = 2H,0 + 4NO, + Os
C'est un acide fort qui possède un pouvoir oxydant nettement
prononcé. L'’acide nitrique commercial a ordinairement une concen-
tration de 65 % et une densité de 1400 kg/m°. HNO, est miscible à
l'eau en toutes proportions. Il détruit très vite les tissus animaux
et végétaux. Même une faible quantité d’acide nitrique dilué laisse
des tâches jaunes sur la peau.
L’acide nitrique concentré agit sur plusieurs non-métaux : HNO;
bouillant oxyde le soufre en H.S0, ; le charbon est oxydé en CO..
Ün copeau qui se consume à peine, s’enflamme dans les vapeurs
d'acide nitrique. L'’essence de térébenthine brûle, dès qu’on l’a
versé dans de l’acide nitrique concentré. La solution bleue d'indigo
se décolore. HNO, concentré n’agit pas sur l’or et le platine. Le fer,
l'aluminium et certains autres métaux sont passivés par l'acide
nitrique concentré qui forme à leur surface une couche résistante
d'oxydes, insoluble dans les acides. Cela permet de stocker et de
transporter l'acide nitrique dans des réservoirs en acier.
Lorsque l’acide nitrique agit sur un métal, le produit de la ré-
duction sera, de préférence, tantôt l’oxyde d'azote (IV), tantôt
l'oxyde d'azote (11): cela dépend de la concentration de l'acide et
de l’activité du métal. Parfois l’acide nitrique est réduit en oxyde
d'azote (I) et même en ammoniac qui forme avec HNO, le nitrate
d’ammonium. Les métaux oxydés par l’acide nitrique donnent ordi-
nairement les nitrates correspondants.
Il est à noter que l'action de l’acide nitrique sur les métaux
actifs peut conduire au dégagement d'hydrogène. Mais l’hydrogène
naissant (atomique) est un réducteur fort que l'acide nitrique, oxy-
dant fort, oxyde immédiatement en eau. Si l’on arrose un métal
comme le magnésium, d'acide nitrique en petite quantité, l'hydro-
gène naissant, sans avoir le temps de s’oxyder, passe à travers la
couche d’acide et se retrouve dans les produits gazeux de la réaction.
Considérons quelques cas de l'interaction acide nitrique-métaux :
1° Action de l'acide nitrique concentré sur les métaux peu
actifs (Cu, Hg, Ag, Pb):
Cu + 4HNO, = Cu(NO,), + 2H30 + 2N0,
2° Action de l'acide nitrique dilué sur les métaux peu actifs :
3Cu + 8HNO;=3Cu(NO;), + 2NO + 4H,0
$ 83] ACIDE NITRIQUE ET SES SELS
s
o
3° Action d'un acide nitrique très dilué sur les métaux actifs :
4Zn + 10HNO, = 4Zn(NOse + NH4NO; + 3H:0
& Action sur l'or et le platine de l’ « eau régale » (mélange de
HNO, concentré et de HCI concentré dans le rapport de 1 à 3):
Au + HNO, + 3HCI = AuCI, + NO + 2H.0
AuCI, + HCI = H{[AucCl,]
Notons que l’action de l'acide nitrique sur les métaux a souvent
pour résultat un mélange de composés azotés où l'azote a des degrés
d'oxydation peu élevés. Normalement, un de ces composés prédo-
mine.
Les tonnages fabriqués font de l'acide nitrique un des plus im-
portants produits de l’industrie chimique. On en tire des engrais, de
la poudre sans fumée. des explosifs (nitroglycérine, dynamite),
des colorants, des plastiques.
Les sels de l’acide nitrique (nitrates) ont l’aspect de corps solides
cristallins de couleur blanche, bien solubles dans l’eau. Les nitrates
des métaux alcalins ou alcalinoterreux sont appelés salpêtres (NaNO;
salpêtre du Chili, KNO, salpêtre proprement dit, Ca(NO;), salpêtre
de chaux).
Les nitrates se décomposent à chaud. Les sels des métaux situés
à gauche du magnésium dans la série de tensions, donnent les nitri-
tes avec dégagement d'oxygène :
2KNO; — 2KNO, + O:
On se sert de cette réaction en utilisant le nitrate de potassium en pyrotech-
aie et en fabriquant de la poudre noire ou fumée qui est un mélange finement
divisé de nitrate de potassium, de charbon de bois et de soufre. La poudre
noire brüle suivant la réaction
2KNOs + 3C LS = K,S + 3CO0, L N3 + 617 kJ
Cette réaction peut fournir d'autres corps solides sous forme de fumée
(K3CO3, K2S0,).
Les nitrates des métaux se trouvant à droite du magnésium dans
la série de tensions (le cuivre inclu) se décomposent à chaud en oxy-
des métalliques, oxyde d'azote (IV) et oxygène :
2Pb(NOs)e = 2PbO + 4NO, + O,
Les nitrates des métaux encore moins [actifs donnent par décom-
position à chaud les métaux libres:
Dissous dans l'eau, les nitrates n'ont à peu près aucun pouvoir
oxydant. L'usage principal que l'on fait des nitrates des métaux
lourds consiste à en tirer les oxydes métalliques, alors que les sal-
280 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V | [CH. X
pêtres (nitrates de sodium, de potassium, de calcium, d'ammonium)
sont utilisés en quantités importantes en tant qu'engrais azotés.
Le salpêtre d'ammonium sert à préparer des mélanges explosifs —
les ammonals — employés lors des travaux de minage.
PHOSPHORE
$ 84. Propriétés et préparation du phosphore. Phosphore dans
la nature. Le phosphore existe sous trois variétés allotropiques :
phosphore blanc, rouge et noir.
Le phosphore blanc, solide, jaunit, puis rougit rapidement à la
lumière. Sa formule moléculaire est P,. Chaque atome de cette mo-
lécule étant directement lié à trois autres atomes, toutes les liaisons
interatomiques de la molécule P, doivent avoir la même longueur.
C’est donc un tétraëdre régulier où les angles formés par les liaisons
valent 60°. Chaque atome de phosphore y participe avec trois orbi-
tales p. Ces orbitales ne forment que des liaisons o. Lorsque quatre
atomes de phosphore se réunissent en molécule, l’angle entre les
orbitales p se réduit de 90 jusqu'à 60°. La molécule P, est donc com-
parable à un ressort comprimé : cela expliquerait la haute réactivité
du phosphore blanc.
Les molécules de phosphore blanc sont réunies en réseau cristal-
lin parles forces de Van der Waals, bien faibles, ce qui fait que le phos-
phore blanc se désagrège facilement en molécules sous l'influence de
divers effets (température, solvant, etc.). La même cause le rend
facilement fusible, volatil et soluble dans nombre de solvants. Il
fond à 44 °C en donnant un liquide incolore qui bout à 287 °C. Le
phosphore blanc présente une mauvaise solubilité dans l’eau, mais
il se dissout aisément dans de nombreux solvants organiques, sur-
tout dans le sulfure de carbone.
Le phosphore blanc est très toxique : 0,15 g constitue la dose lé-
tale pour l’homme.
Il s'évapore facilement dès la température ordinaire. Ses vapeurs
s’oxydent. L'énergie de ces réactions se transforme partiellement en
énergie lumineuse, ce qui explique sa luminescence dans l'obscurité.
Vu la basse température d'inflammation du phosphore blanc sec,
son oxydation lente devient aisément combustion: autrement dit,
le phosphore blanc est ce qu'on appelle pyrophorique.
Le phosphore brülant laisse sur la peau des lésions qui guérissent
très lentement. Le phosphore blanc est à manier avec une très grande
prudence. On le conserve dans de l’eau. S'il est placé dans un ré-
cipient en verre, il faut mettre ce dernier dans une boîte métallique
remplie de sable. On ne le coupera que sous l’eau et on n’y touchera
jamais avec la main: les brucelles sont indispensables dans ce cas.
$S 54] PROPRIÊTES ET PRÉPARATION DU PHOSPHORE 28T
On évitera à tout prix que des morceaux de phosphore ne s'éparpil-
lent : ils peuvent provoquer un incendie.
Le phosphore blanc est utilisé, principalement, pour fabriquer
du phosphore rouge et aussi en qualité de substance incendiaire et
fumigène de combat.
On obtient le phosphore rouge en portant le phosphore blanc à
250-300 °C sous pression et à l’abri de l’air. Le catalyseur est de
l'iode en très faible quantité. Le phosphore rouge est un haut poly-
mère de couleur cerise, non toxique. D'une oxydation beaucoup plus.
difficile que le phosphore blanc, il n’est pas lumineux dans l'obscurité
et ne s’enflamme qu’à 260 °C.
Le phosphore rouge commercial renferme habituellement un peu dephospho-
re blanc qui provoque parfois l’auto-inflammation du phosphore rouge. Cette
présence explique également la transformation du phosphore rouge en une masse
humide lorsqu on le conserve dans un bocal mal fermé et non paraffiné (le
hosphore blanc s’oxyde en oxyde de phosphore (V). ce dernier formant avec
"humidité de l’air l’acide phosphorique sirupeux). On applique le phosphore.
rouge dans la fabrication d’allumettes : la surface latérale de la boîte est enduite
d'un mélange comportant du phosphore rouge, du verre pilé et autres produits.
Le phosphore noir est préparé par traitement du phosphore blanc
à 200 °C et sous une pression très élevée. I1 a également une structure
polymère avec un angle de 99° entre les liaisons. Son aspect et cer-
taines propriétés physiques le font ressembler au graphite. Cette
substance, grasse au toucher, conduit le courant électrique. Le
phosphore noir est très inerte et ne s’enflamme qu'à 490 °C.
Le phosphore est un non-métal franc. Mais c'est le phosphore
blanc qui présente les réactions les plus énergiques. Le phosphore
agit le plus aisément sur l’oxygène et le chlore. Lorsque l'oxygène ou
le chlore sont présents en excès, le phosphore forme des combinaisons.
où il est au degré +5, alors qu’il donne des combinaisons de degré.
+3 s’il y a un déficit en O, ou CI, :
34P + 20: = 2P.,0; &P + 30; — 2P,0;
2P + 5Cl, = 2PCI, 2P + 3CL, — 2PCI,
À chaud, le phosphore réagissant avec les métaux donne des phos-
phures :
3Ca + 2P — Ca;P;
Avec le soufre, le phosphore forme à chaud le sulfure de phosphore.
(IIT' ou le sulfure de phosphore (V) si le soufre est pris en excès:
2P + 3S = P,Ss 2P +55 = P,S,
Le phosphore est préparé à partir du phosphate de calcium tiré.
des phosphorites ou des apatites. Le coke C y sert de réducteur; le-
quartz (ou le sable siliceux) SiO., de scorificateur. On peut repré
282 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V (CH. X
CE
senter l'obtention du phosphore par le schéma suivant:
Cas(PO,): + 3SiO: = 3CaSiO, + P,0;
P,0, + 5C = 2P + 5CO
Ca (PO) + 3810, + 5C — 3CaSiO, + 2P + 5CO
L'oxyde de carbone (II) et le phosphore en phase vapeur passent
par un réfrigérant où le phosphore se dépose sous forme du phosphore
blanc, alors que CO est évacué. De temps en temps, on débarrasse
le four de CaSiO, fondu (scorie). La scorie est utilisable dans la fabri-
cation de briques ou de verre industriel. Tous les produits étant
évacués du four électrique, le phosphore s'obtient en continu. L'ali-
mentation en mélange initial se fait également en continu depuis
‘une trémie à l’aide d’une vis transporteuse.
Dans la nature, on ne trouve que du phosphore combiné. L'écor-
ce terrestre en renferme 12-10-° % (massiques). L’apatite
Ca,;(PO,),(F, Cl) est le minéral phosphoré le plus répandu. Parmi
les roches, ce sont les phosphorites. Le taux de P.0, dans les phos-
phorites peut varier entre 12 et 24 % (massiques). En U.R.S.S.,
d'immenses gisements de phosphorites se trouvent au Kazakhstan
{région d’'Aktioubinsk). Il y a des gisements de phosphorites en
Ukraine, sur la haute Kama (phosphorites de la Viatka), dans les
monts Oural (Sterlitamak), à Egorievsk (région de Moscou). Un
gisement d’apatites mélangées d’alumosilicate(néphéline) se trouve
dans les Khibines (presqu'île de Kola).
Le phosphore se trouve dans les plantes, ainsi que dans l’organis-
me des animaux et de l’homme (os, tissus musculaires et nerveux,
Æmail des dents).
$ 85. Combinaisons hydrogénées du phosphore. L'hydrure de phos-
phore PH, (la phosphine) s'obtient par l'action de l’eau sur le phos-
phure de calcium :
Ca»Pe + 6H,0 = 3Ca(0H}); + 2PH,
L’acidification du milieu favorise le déplacement de cette réaction vers
Ja formation de phosphine. On peut également préparer PH, en chauffant du
Dbhosphore blanc avec une solution alcaline concentrée:
4P + 3NaOH = 3H,0 = PH, + 3NaH,PO,
L'hypophosphite de sodium NaH,PO, est un sel de l'acide hypophosphoreux
{monobasique) : “
H_0—p”
IN
O0 H
$ 86] COMBINAISONS OXYGENÉES DU PHOSPHORE 283
La phosphine est un gaz toxique incolore qui sent le poisson
pourri. Elle s’enflamme spontanément à l'air:
2PH; + 402 = P,0; + 3H,0
La formation de la phosphine s'accompagne souvent de celle d'une autre
combinaison hydrogénée du phosphore — P,H, — qui s’enflamme à l'air
encore plus facilement que la phosphine. Ces proprietés des composés PH,
et P.H, sont à l’origine des feux follets qui apparaissent dans les cimetières
ou les marais stagnants.
Les propriétés basiques de la phosphine sont de loin plus faibles
que celles de l’ammoniac : ses solutions aqueuses (où elle a la forme
PH,0H) ne sont pas alcalines. L'’interaction de la phosphine avec
l'eau étant bien faible, elle s’y dissout beaucoup plus mal que l’am-
moniac. Sous l’action d'acides très forts, la phosphine forme des
sels de phosphonium :
PH, + HI = PH,I PH, + HCIO, = PH,CIO,
iodure de perchlorate de
prosphonium phosphonium
$ 86. Combinaisons oxygénées du phosphore. Le phosphore forme
avec l’oxygène les oxydes P,0, et P.0,. L'oxyde de phosphore (III)
P.0, résulte d’une oxydation lente du phosphore en présence d'une
quantité limitée d'oxygène:
4P + 30: — 2P:0;
Il s’agit d’une substance blanche, cristalline, très toxique. Chauf-
fé à l'air, P,0, s'’oxyde en oxyde de phosphore (V). La dissolution
de P,0,; dans l'eau fournit l'acide phosphoreuzx :
P:0; + 3H,0 —= 2H,POs
H,PO; est une substance cristalline incolore, déliquescente à
l'air et bien soluble dans l’eau. Dans les réactions chimiques, il
se comporte comme un acide dibasique de force moyenne :
Ses sels s'appellent phosphites. Cet acide est un réducteur puissant.
L'oryde de phosphore (V) P,0, se présente sous l'aspect de cristaux
blancs hygroscopiques. Il résulte de la combustion du phosphore dans
l'oxygène ou l’air en excès:
4P + 90 — 2P:0;
On s'en sert pour l’asséchement de gaz et de liquides et, parfois,
pour déshydrater des corps qui comportent de l’eau chimiquement
liée. Cet oxyde donne trois acides: méta, ortho et pyrophosphorique.
284 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V [Ch. X
En dissolvant P,0, dans l’eau, on obtient d’abord l'acide métaphos-
phorique :
P,0; + H,0 . 2HPOs
puis, après un bouillissage prolongé, l'acide orthophosphorique :
P:04 —<- 3H,0 — 2H,PO,
Un calcinage ménagé de l'acide orthophosphorique donne de
l'acide pyrophosphorique :
2H,PO, — H,P,0: + H,0
Tous les trois acides sont représentables en tant que des combinai-
sons de la molécule P,0, avec un nombre variable de molécules d'eau.
C'est l'acide orthophosphorique (ou l’acide phosphorique tout
court) qui est utilisé le plus. Il n'est pas toxique, ce qui permet de
l’employer dans l’industrie alimentaire pour la fabrication de sirops.
Etant tribasique, l'acide phosphorique forme des sels neutres et
acides (phosphates et hydrophosphates) : phosphate de sodium Na,PO,,
hydrophosphate de sodium Na.HPO, et dihydrophosphate de sodium
NaH,PO,. Ces phosphates diffèrent les uns des autres par leur solu-
bilité dans l’eau: les sels monométalliques y sont solubles, les di-
métalliques le sont moins et les sels trimétalliques sont, dans la
plupart des cas, insolubles dans l’eau. Les sels de l’acide phosphori-
que trouvent une large application dans l'agriculture en qualité
d'engrais, tel le superphosphate. Ce mélange de sels calciques est obte-
nu par traitement des phosphorites ou des apatites à l’aide d'une
quantité appropriée d'acide sulfurique technique :
Cas(PO,): + 2H,S0, nd Ca(H.PO,): + 2CaSO.,
C'est le dihydrophosphate de calcium, soluble dans l’eau et bien
assimilé par les plantes, qui constitue la fraction active du super-
phosphate. Le sulfate de calcium est du poids mort. Il est donc plus
rentable de produire du superphosphate concentré (double). On le
fait en préparant d’abord de l'acide phosphorique technique :
Cas(PO,): + 3H,S0, . 3CaSO, | + 2H,PO,
et puis l’engrais:
Ca;(PO,): —— 4H3PO,4 _— 3Ca(H,PO,);
A la différence du superphosphate ordinaire, le superphosphate
concentré ne renferme pratiquement aucun poids mort.
Un autre bon engrais phosphaté pour les sols acides est obtenu
en neutralisant l'acide phosphorique par la chaux éteinte:
L'’hydrophosphate de calcium CaHPO,, insoluble dans l'eau, se
dissout dans les acides du sol.
$ 87] PRODUCTION DES ENGRAIS MINÉRAUX 285
Les phosphates moulus (phosphorites ou apatites concentrées) et
la farine d'os {os d'animaux calcinés et broyés qui contiennent du
phosphate tricalcique Ca;(PO.,).| sont des engrais phosphatés bon
marché pour les sols acides.
$ 87. Production des engrais minéraux. L'emploi généralisé des
produits chimiques dans l’agriculture soviétique est un des aspects
de la révolution scientifique et technique en cours. Un facteur im-
portant du développement de la production agricole consiste à amé-
liorer à bon escient la fertilité des sols.
L'utilisation rationnelle des engrais n'est possible que si l’on tient compte
du chimisme du sol et des particularités physiologiques des plantes. L'étude
des rapports qui unissent les plantes, le sol et la fertilisation est la tâche prin-
cipale de la chimie agricole. Le fondateur de cette science dans notre pays,
l'académicien D. Prianichnikov, écrivait: « Non seulement le sol exerce une
influence multiforme sur la plante, cette dernière influe à son tour sur le sol
(accumulation des matiè res organiques, enrichissement en azote, etc.). De
même, l’engrais qui produit son effet sur la plante. subit en retour l'effet
de celle-là inst. Le phosphorite est décomposée par les sécrétions acides des
racines du lupin). Même chose en ce qui concerne l'influence des engrais
sur le sol: tout en modifiant la constitution chimique du sol, ils subissent
des transformations dues à l'effet du sol (décomposition des ‘carbonates et
des phosphates.) »
Depuis 1964, un service agrochimique d'Etat fonctionne en U.R.S.S.:
il met au point des recommandations scientifiques qui concernent la distribution
et l'utilisation efficace des engrais minéraux et des autres produits chimiques.
Tout le territoire de l’U.R.S.S. est partagé entre les laboratoires agrochi-
miques zonaux qui assurent un contrôle agrochimique régulier (tous les 3 à 5
ans) de toutes les terres exploitées par les kolkhozes et les sovkhozes. Les pédo-
logues prélèvent des échantillons de sols, les analysent dans les laboratoires et
établissent des cartogrammes agrochimiques où figurent les principaux éléments
nutritifs des sols. Ces cartogrammes sont remis aux agronomes des entreprises
agricoles. En partant de ces cartogrammes, les spécialistes des laboratoires
zonaux recommandent d'appliquer tels ou tels engrais suivant le terrain et la
culture. Ces recommandations subissent une vérification expérimentale préa-
lable, destinée à contrôler leur effet sur le rendement et la qualité des cultures
agricoles. A cette fin, les spécialistes des laboratoires de chimie agricole prati-
uent des expériences au champ, en faisant varier les doses des engrais intro-
uits.
L'utilisation des engrais chimiques suivant les conseils soigneusement élabo-
rés des laboratoires de Chimie agricole parallèlement à une technique culturelle
avancée assure une très bonne efficacité de la fertilisation.
Le plan pour le onzième quinquennat prévoit que la production des engrais
minéraux atteindra vers 1985 150 à 155 millions de tonnes en unités convention-
nelles (36 à 37 millions de tonnes de matières actives) et que les engrais potas-
siques ne seront livrés qu’en granules ou en gros cristaux.
On sait qu’une grande partie de l'azote, du phosphore et du po-
tassium (éléments nutritifs majeurs) est évacuée du sol au moment de
la récolte. Il devient donc nécessaire d’enfouir dans le sol des engrais
minéraux afin de compléter ses réserves en substances nutritives.
On juge de la valeur fertilisante des engrais minéraux d’après leur
teneur en N, P.0,, K,0, CaO, etc.
286 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V [CH X
EN
La composition de ces engrais peut être très variable. Il est
possible de dégager, d'une manière conventionnelle, deux groupes
d'engrais: simples et complets (complexes). Les engrais simples ne
renferment qu’un seul élément fertilisant : azote, potassium ou phos-
phore. Les engrais complets en renferment plusieurs suivant les be-
soins de telle ou telle culture et les données naturelles (sol, climat...).
On classe les engrais simples d’après leur composition chimique en
azotés, phosphatés et potassiques (v. Tableau 22).
Nous donnons ci-après la composition de quelques engrais com-
plets (% massiques):
N P20s K 2
Ammophos (dihydrophosphate d'ammonium) NH,H,PO, 10-12 58
Diammophos (hydrophosphate d’ammonium) (NH,).HPO, 21 53
Salpêtre de potasse (nitrate de potassium) KNO;: 13,5 46,5
Nitrophoska (engrais ternaire) 12 12 12
Les engrais azotés sont fabriqués à partir d'ammoniac, d'acide
nitrique et de nitrates. Ainsi, l’ammonitrate se prépare par neutra-
lisation de l’acide nitrique à 50-60 % par le gaz ammoniac:
HNO, + NH, = NHQNOs + 149.5 kJ
le salpêtre de chaux et d’ammonium s'obtient en mélangeant de
l’ammonitrate fondu (94-95 %) avec du calcaire finement broyé:
2NH,NO, + CaCO, = (NH4):COs + Ca(NOs)e
les ammoniacates sont fabriqués en dissolvant du salpêtre d'ammo-
nium et du salpêtre de chaux dans de l’ammoniac liquéfie.
Ce sont les phosphorites et les apatites qu'on utilise comme ma-
tière première de la fabrication d'engrais phosphatés. Le constituant
principal de ces minéraux est le phosphate de calcium Ca;(PO,):.
Au cours de leur traitement chimique, le phosphate tricalcique, pra-
tiquement insoluble dans l’eau, se transforme en phosphates dicalci-
que (hydrophosphate de calcium) CaHPO, et monocalcique (dihydro-
phosphate de calcium) Ca(H,PO,)., facilement assimilables par les
plantes.
En fabriquant les engrais potassiques, on a recours aux miné-
raux naturels: kaïnite, carnallite et sylvinite. Ainsi, la sylvinite
est traitée à l’eau chaude pour séparer KCI de NaCI. La solubilité
du chlorure de potassium est beaucoup plus élevée à 100 qu’à 0 °C,
alors que pour le chlorure de sodium elle reste pratiquement invaria-
ble dans cet intervalle de températures.
L’'ammophos est produit en saturant l'acide phosphorique en
ammoniac dans les proportions équimoléculaires :
NH, + H4PO, -> NH4H3PO4
8 87] PRODUCTION DES ENGRAIS MINERAUX 28T
Tableau 22
Engrais commerciaux et leur composition
Teneur en
Dénomination Composition chimique élément
fertilisant, %
Engrais azotés (élément fertilisant: N)
Ammonitrate (nitrate d’ammonium) | NH,NO: 35
Salpêtre de chaux et d’ammonium | CaCO; + NH,NOs 15,6
Sulfate-nitrate d’ammonium (sulfo-
nitrate) NHQNO; et (NH,):SO, | 85,5 à 26,5
Sulfate d'ammonium (NH,):S0, 20,5 à 21
Chlorure d'ammonium NH,CI 26,9
Carbonate acide d'’ammonium NH,HCO; 47,7
Ammoniac liquide NH; 82,3
Salpêtre du Chili (nitrate de sodium) | NaNO; 16,5
Salpêtre de chaux (nitrate de calcium)| Ca(NOs), 17
Urée (carbamide) CO(NH.), 46,6
Cyanamide calcique CaCN, 35
Carbamidoforme CO(NEHL): + CH,0 31
Eau ammoniacale NH, +- H,0 16 à 20
Ammoniacate NH,NOs + NH; |
CO(NIL,): + NHs 45
Ca(NOs)sNHs |
Engrais phosphatés (élément fertilisant : P,0s)
Superphosphate pulvérulent Ca(H:PO;h: 14 à 19
Superphosphate granulé Ca(H,PO,): 19,5 à 22
Superphosphate concentré Ca(H,PO,): 45 à 48
Phosphate dicalcique précipité CaHPO, -2H,0 25 à 35
Phosphates moulus Cas(PO,): 22 à 30
Engrais potassiques (élément fertilisant : K:0)
Chlorure de potassium KCI 63,2
Sylvinite KCI: NaCI 12 à 15
Carnallite KCI-MgCl, -6H,0 12 à 13
Kaïnite KCI-MgSO,-3H,0 8 à 12
Sulfate de potassium K,S0, 49 à 52
Potasse K,CO; 58
Si l’ammoniac est pris en excès, on obtient le diammophos:
2NH; + H,PO, — (NH,):HPO,4
La grande diversité des engrais minéraux produits permet leur
utilisation efficace en conformité avec la constitution du sol et la
culture pratiquée.
-288 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V [CH. X
ARSENIC, ANTIMOINE, BISMUTH
$ 88. Généralités. Etat naturel de As, Sb et Bi. Bien que la con-
figuration électronique des atomes d'’arsenic, d’antimoine et de bis-
muth soit analogue à celle des atomes d'azote et de phosphore
{v. Tableau 20), certaines de leurs propriétés sont bien dissemblables.
Conformément aux données du Tableau 20, l'énergie d’ionisation des
atomes diminue lorsque leur taille augmente. En d’autres termes,
les électrons du niveau énergétique périphérique sont de moins en
moins bien attachés au noyau, d’où l'affaiblissement du caractère
non métallique et le renforcement du caractère métallique dans la
série N-P-As-Sb-Bi.
As, Sb et Bi ont pour degrés d'oxydation caractéristiques —3,
+3 et 5, le bismuth étant de préférence, dans ses combinaisons,
au degré +3.
Les proportions de ces trois éléments sont bien faibles dans l’écor-
ce terrestre. On les y rencontre le plus souvent sous forme de sulfu-
res: arsénopyrite FeAsS, auripigment As.S;, réalgar AsS, stibine
Sb,S:, bismuthine Bi,S:. Pour obtenir l'arsenic, l’antimoine et le
bismuth à l’état libre, on soumet leurs combinaisons sulfurées à une
Calcination à l'air en réduisant ensuite les oxydes formés par le
Carbone :
2Sb.Ss + 90; — 2Sb,0; + 6S0: Sb,0; + 3C — 2Sb + 2CO
$ 89. Arsenic et ses combinaisons. On connaît trois variétés de
l'arsenic : gris ou métallique (densité : 5700 kg/m), noir (4700 kg/m)
et jaune (2080 kg/m°). C'est l’arsenic gris — substance cristalline à
éclat métallique — qui est le plus stable aux conditions ordinaires.
Il conduit la chaleur et l'électricité. Chauffé à l’abri de l’air à 610 “C,
l'arsenic gris se volatilise.
Au-dessous de 800 °C, la densité des vapeurs d’arsenic répond à la formule
moléculaire As, et au-dessus de 1700 °C, à la formule As,. Tant que le niveau
de 2000 °C n'est pas dépassé, les vapeurs d'arsenic demeurent un mélange équi-
libré formé de molécules As,, As, et As. Au-delà, seules les molécules monoato-
miques subsistent.
L'arsenic jaune possède un réseau cristallin moléculaire dont les
nœuds sont occupés par les molécules As,. L'arsenic jaune s'oxyde
facilement à l'air (à l'exemple du phosphore). La sublimation de
l'arsenic gris dans un courant d'hydrogène donne de l’arsenic noir
amorphe : ce dernier ne s’oxyde pas à l'air, mais se transforme en
arsenic gris à 285 °C. Ordinairement, l’arsenic est tiré de l’arsénopyri-
te FeAsS, calcinée en vase clos:
4FeAsS = 4FeS + As,
L’arsenic ainsi obtenu est sublimé et ramassé dans les récepteurs
appropriés.
& 89] ARSENIC ET SES COMBINAISONS 289
A température normale, l’arsenic gris est relativement stable à
l’air (ne s'’oxyde, bien légèrement, qu’à la surface), alors qu’à tem-
pérature élevée, il brûle en donnant As,0.. Dans un vase rempli de
chlore, l’arsenic s’enflamme pour former AsCIL.. Il agit sur plusieurs
métaux et non-métaux. Avec les métaux il forme des arséniures :
3Mg + 2As — Mg3As
La décomposition des arséniures par les acides conduit à l’arsine
(hydrogène arsénié) :
M£sAS + 6HCI — 3MgCle + 2ASH;
L'arsine se prépare, également, par une autre réaction
AS203 + 6Zn . 12HC1 = 6ZnCl, + 2ASH; Su 3H,0
L'arsine, gaz incolore sentant l’ail, est un poison très fort. Porté
à 230 °C, il se décompose en ses éléments. Contrairement à l’ammo-
niac, l’arsine n’agit ni sur l’eau ni sur les acides.
Les combinaisons oxygénées de l’arsenic sont représentées par deux
oxydes: As,0, et As,O.. L'oxryde d'arsenic (III) résulte de la combus-
tion de l’arsenic ou de la calcination des minerais arsénifères. C’est
une substance cristalline, blanche, sublimable à chaud, très toxique.
AS:03, peu soluble dans l’eau, agit sur cette dernière en formant
l'acide arsénieurx :
As:0, + 3H,0 = 2H,As0;
I1 s’agit d'un acide faible, inexistant à l’état libre. Lorsqu'il
est dissous dans l’eau, on observe un équilibre mobile entre les aci-
des ortho et métaarsénieux :
H,As0, = H,0 + HAs0O,
Les sels de l’acide arsénieux (arsénites) se forment parinteraction
d'As,0; avec les alcalis :
As:03 + 6NaOH = 2Na,As0, + 3H.0
Les arsénites s’hydrolysent en solution aqueuse.
Le caractère amphotère de l’oxyde d’arsenic (III) se manifeste
dans son interaction avec l’acide chlorhydrique concentré :
AS:0s + 6HCI — 2AsCI; + 3H,0
Cependant, son caractère acide est plus marqué que le caractère
basique. Les combinaisons de l’arsenic au degré +3 sont des réduc-
teurs qui s'oxydent en donnant des combinaisons où l’arsenic passe
au degré +5. Ainsi, pour obtenir l’acide arsénique H,AsO,, on oxy-
de As,0; par l’acide nitrique concentré :
3AS:0s + 4HNO; + 1H,0 — 6H,As0, + 4NO
L'’acide arsénique est blanc, cristallin, hygroscopique. C’est un
acide faible (Æ;, = 5,62-10-*), bien soluble dans l’eau. Il forme des
19—01151
290 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V (CH. X
sels (arséniates) à propriétés voisines de celles des phosphates corres-
pondants. Contrairement à l'acide orthophosphorique, l’acide or-
thoarsénique H,AsO, est un oxydant qui oxyde SO, en SO. et I- en
I,. Outre l'acide orthoarsénique, on connaît les acides métaarsénique
HAsO, et diarsénique H,As,0..
Les combinaisons sulfurées AsS,; et ASS;, très caractéristiques
de l’arsenic, sont préparées en soumettant les sulfures alcalins à
l’action d'’arsénites ou d’arséniates:
2Na,AsO, + 3NaS + 6H,0 = AS, + 12Na0H
2NasAsO, + 5Na&S + 8H.0 = AsSs + 16Na0H
Les sulfures d'arsenic, insolubles dans l'acide sulfurique concentré,
peuvent se dissoudre dans l’acide nitrique concentré :
3ASSs + 40HNO,; + 4H,0 nt 6H,As0, + 15H,S0, + 40NO
La réaction des arsenics sulfurés sur les sulfures alcalins ou sur
le sulfure d’ammonium produit les thiosels correspondants :
ASS 3 + 3(NH,):S —_— 2(NHy)sASSs
thioarsénite
d'ammonium
ÀSeS + 3(NH,):S — 2(NH4)s5ASS:4
thioarséniate
d’ammonium
Les sels des acides thioarsénieux et thioarsénique sont stables,
alors que ces acides mêmes ne le sont nullement : ils se décomposent
étant dissous dans l’eau:
2H,ASS3 — ASS 3 + 3H,S
2H,AsS, = ASS, + 3H.S
Voilà pourquoi, lorsqu'on acidifie une solution de thiosel, on
voit précipiter le sulfure correspondant :
2(NH,)3ASS + 6HCI — A£eSs} + 6NH,CI + 3H,S
On introduit de faibles quantités d'arsenic dans les alliages de
métaux non ferreux pour les rendre plus durs et plus résistants à la
corrosion. Mais les combinaisons de l’arsenic utilisées en médecine et
en agriculture, présentent un intérêt beaucoup plus considérable.
Malgré la toxicité de l’arsenic et de tous ses composés, de très faibles
doses de ces substances produisent un effet bénéfique sur les organis-
mes vivants. Appliqués à faible dose, les arséniates et les arsénites
améliorent l'appétit et l’assimilation des substances azotées et phos-
phorées, exercent une action tonifiante sur l'organisme en général
et particulièrement sur le système nerveux. Nombreux sont les
médicaments qui renferment de l'arsenic (novarsénol, salvarsan).
Les arséniates et les arsénites servent également à protéger les cultu-
$ 90] ANTIMOINE, BISMUTH ET LEURS COMPOSES 291
res contre les parasites (insecticides), les maladies (fongicides) et les
mauvaises herbes (herbicides ou désherbants). Dans ce cas, on utili-
se, notamment : hydroarsénite de sodium Na.HAsO;, hydroarsénite
de calcium CaHAsO., arséniate de sodium Na;AsO,-2H.0, hydro-
arséniate de calcium CaHAsO,. Certains composés arséniés sont uti-
lisables en qualité de substances toxiques de combat.
$ 90. Antimoine, bismuth et leurs composés. L’antimoine est un
métal blanc, cassant, de densité 6680 kg/mS. Le bismuth, métal
un peu rougeâtre, est également cassant ; il a un bas point de fusion
(271 °C). L’antimoine se combine aisément au chlore pour former deux
chlorures SbCI1, et SbCI,, tout en dégageant une grande quantité
de chaleur. Le bismuth pulvérulent s’enflamme en réagissant sur
le chlore. De même que l’arsine (hydrogène arsénié), la stibine (hydro-
gène antimonié) peut résulter de la réduction de composés antimonieux
par l'hydrogène atomique:
Sb.0; + 6Zn +- 6H,S0, = 2SbH; + 3H,0 _. 6ZnSO,
La stibine, moins stable que l’arsine, se décompose dès la tem-
pérature ordinaire. La bismuthine BiH; est encore moins stable.
Cette dernière est préparée par action de l'acide chlorhydrique sur
l’alliage bismuth-magnésium. A l'air, à température normale, l’an-
timoine et le bismuth ne subissent aucune transformation. À chaud,
l’antimoine brüle en donnant l’oryde d’antimoine (III) Sb.0:, un
corps solide de couleur blanche. Le bismuth ne s’oxyde en oxyde
de bismuth (III) Bi,0;:, jaune, qu à très haute température.
Sb,0; a un caractère amphotère : il agit sur des acides comme sur
des bases:
Les sels de l'acide métaantimonieur HSbO,, ainsi que les sels
issus de la base faible Sb(OH), (ils renferment le cation Sb$+), sont
hydrolysés en présence d'eau:
H20
NaSbO, + H;,0Ï= NaOH +{HSbO, 77 NaOH + Sb(OH),
SbCI, +[2H,0 =+ Sb(OH).CI + 2HCI
Le chlorure d'antimonyle Sb(OH).CI est une combinaison instable £
O
/
Sb(OH):C1=Sb" +H.0
K
Cl
NaSbO, étant beaucoup plus hydrolysable que SbCl;, le caractère
basique de Sb,0, est plus marqué que le caractère acide.
19°
292 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V [CH. X
PS A
Bi,0;, n'agit que sur les acides. C’est donc un oxyde purement
basique :
Bi,04 + 6HNO, = 2Bi(NOs)s + 3H:0
Les oxydes Sb,0, et Bi,0; ne se dissolvent pas dans l’eau. Les
hydroxzydes correspondants Sb(OH), et Bi(OH);, corps solides blancs,
également insolubles dans l’eau, sont préparés en faisant agir des
solutions de sels d’antimoine et de bismuth sur des alcalis:
SbCIl, + 3NaOH = 3NaCl + Sb(OH);}
Bi(NOs)a + 3NaOH = 3NaNOs + Bi(OH}s}
L'hydroxyde de bismuth (III) est une base très faible. Les sels
de bismuth (III) sont donc facilement hydrolysés donnant des sels
basiques peu solubles dans l’eau:
Bi(NOs)s + H:0 = Bi(OH)(NOs)a + HNOs
On connaît l’oryde d'antimoine (V) Sb,O,, un solide jaune, presque
insoluble dans l’eau, ainsi que l’oxzyde de bismuth (V) Bi,0;, d’un
brun rougeâtre. A l’oxyde d’antimoine (V) correspondent les acides
métaantimonique HSbO,, orthoantimonique H,SbO, et diantimonique
H,Sb,0;,. Deux acides bismuthiques extrêmement instables (HBiO,
et H,BiO,) correspondent à l’oxyde de bismuth (V). Les sels de ces
acides (bismuthates) se préparent par l’action d’oxydants forts (CL,,
NaCIO) sur l'hydroxyde ou l’oxyde de bismuth (II1) en milieu alcalin.
Les bismuthates sont des oxydants très forts: ainsi, en milieu acide,
ils oxydent Mn** en MnO::
10KBiO, + 14H,S0, + 4MnSO, =
— 3K,S0, + 5Bi.(S0,)s + 4KMnO, + 14H,0
Les sulfures d'antimoine Sb,S; et Sb,S,; ressemblent, par leur
comportement, aux combinaisons arséniées correspondantes. L’an-
timoine donne également des thiosels: Na;SbS:, Na;SbS,, etc. Les
acides thioantimonieux (sulfoantimonieux) et thioantimonique (sul-
foantimonique), instables, se décomposent en sulfures correspondants
et sulfure d'hydrogène.
Le bismuth ne forme qu’un seul sulfure, Bi,S:.
Il est donc possible de séparer les sulfures d’arsenic et d’anti-
moine du sulfure de bismuth en dissolvant les deux premiers dans
les sulfures alcalins ou dans le sulfure d’ammonium.
On additionne d’antimoine certains alliages pour les rendre plus
durs. Les alliages où l’antimoine voisine avec l’étain, le plomb et
le cuivre (on y ajoute parfois du zinc et du bismuth), servent à con-
fectionner les coussinets. Les alliages qui contiennent 6 à 22 %
(massiques) d’antimoine s'appellent régules ou babbits (ou, encore,
métal blanc). Ces alliages qui se caractérisent par une dureté suffi-
sante, une bonne résistance à l'usure et une incorrodabilité élevée,
$ 90] ANTIMOINE, BISMUTH ET LEURS COMPOSES 293
sont utilisés dans la construction de machines-outils, ainsi que dans
le transport ferroviaire et automobile. L’alliage de composition
(% massiques) Pb(82)-Sn(3)-Sb(1,5) remplit parfaitement les moules
lors de la confection de caractères d'imprimerie (il se dilate en se
solidifiant). L’antimoine est également ajouté au plomb dont on
fait les balles, ainsi qu’au plomb utilisé pour la fabrication de gaines
de câbles télégraphiques, téléphoniques et électriques ou de plaques
d’accumulateur.
Les combinaisons antimoniées d'intérêt pratique sont:
le sulfure d'antimoine (III) Sb,S;: fabrication d’allumettes et
feux d'artifice ;
le sulfure d'antimoine (V) Sb.S,: vulcanisation du caoutchouc
(le caoutchouc vulcanisé à Sb,S,;, de couleur rouge, est très élastique);
l’oxyde d’antimoine (111) Sb,0;,: fabrication de peintures et de
tissus ignifuges.
Le bismuth sert, principalement, à obtenir des alliages à basse
température de fusion. Plusieurs alliages du bismuth deviennent, à
basses températures, des supraconducteurs.
Parmi les combinaisons du bismuth, c’est l’oryde de bismuth
Bi,0; qui est le plus utilisé:
préparation de médicaments utilisés dans les maladies gastro-
intestinales ;
comme catalyseur dans la fabrication de polymères;
comme fondant dans la fabrication d’émaux, de porcelaine et de
verre (il facilite la fusion du mélange de substances de départ).
Les sels de bismuth ont des applications diverses: fabrication de
rouge à lèvres nacré, de peinture de signalisation routière, et ainsi
de suite.
CHAPITRE XI ;
CARBONE, SILICIUM, BORE
$ 91. Généralités. Le carbone et le silicium se trouvent dans le
sous-groupe principal du groupe IV. Leurs atomes possèdent, sur la
couche électronique externe, des électrons 2s et 2p aptes à former les
liaisons chimiques (Tableau 23).
Tableau 23
Quelques propriétés des atomes de carbone, de silicium et de bore
: Elcctroné-
Configuration des deux Premier gativité
Numéro dernières couches Rayon potentiel
Elément | atomique électroniques atomique, | d'ionisation, | felative
(état fondamental) su kJ/mol Pauline)
1s°2s°2p° 0,0914 1088
2s?2pt3s°3p° 0,132 787
1s°2s°2p! 0,098 799
Suivant les conditions et la nature du partenaire, les liaisons
sont formées soit uniquement par les électrons p, soit simultané-
ment par les électrons p et s. Le carbone et le silicium n'engendrent
pas d’ions négatifs, suite à la faible affinité électronique de leurs
atomes. Ils ne forment pas non plus d'ions positifs, vu leur énergie
d’ionisation élevée. Le carbone et le silicium présentent la particu-
larité de se combiner à plusieurs éléments selon le mécanisme cova-
lent.
Le troisième élément considéré dans ce chapitre, le bore, appar-
tient au sous-groupe principal du groupe III. Sa configuration élec-
tronique diffère de celles du carbone et du silicium, mais il présente
une analogie plus grande avec le silicium qu'avec l'aluminium.
CARBONE
$ 92. Carbone à l’état naturel. Le carbone est relativement peu
abondant dans l'écorce terrestre: ses atomes ne constituent que
0,14 % du nombre total d’atomes de l’écorce, soit 0,35 %(massiques).
$ 92] CARBONE À L'ETAT NATUREL 295
Mais son importance est immense, vu le rôle exceptionnel que le
carbone joue dans la nature vivante. Les combinaisons carbonées
servent de base aux organismes végétaux et animaux. Le carbone
entre dans la composition de la houille, du pétrole, du gaz naturel
et de plusieurs minéraux de formule générale MeCO, (Me étant un
métal divalent), dont la dolomite CaCO, - MgCO;, la magnésite MgCO:,
la sidérite FeCO;. la malachite (CuOH),CO;. Sous forme de CaCO;,
le carbone est présent dans les roches telles que la craie, le marbre,
le calcaire ainsi que dans les hydrogénocarbonates de calcium
Ca(HCO,), et de magnésium Mg(HCO;), que l’on trouve à l’état dis-
sous dans de nombreuses eaux naturelles. L’oxyde de carbone (IV)
(gaz carbonique) est un constituant de l'air.
Il n'existe sur la Terre aucun autre élément qui pourrait former un nombre
aussi énorme de combinaisons (plus de trois millions) : cela s'explique par l'’ap-
titude du carbone à former des chaînes homologues linéaires, ramifiées et cycli-
ques. L'étude des nombreuses combinaisons du carbone incombe à la chimie
organique.
Le carbone naturel existe, à l’état libre, sous forme de deux va-
riétés allotropiques: le graphite et le diamant.
Le charbon de bois et le coke, qui ont une structure amorphe, ne peuvent
être considérés en tant que des variétés allotropiques du carbone, car ce sont
a composés ‘organiques complexes (bien que constitués, principalement, de
carbone).
Le diamant, de densité 3500 kg/mÿ, est le plus dur des minéraux
naturels. Il réfracte et diffuse fortement les rayons lumineux, ne
conduit pas l'électricité et conduit mal la chaleur. Difficilement fu-
sible, il s'évapore sensiblement à la température du blanc. Il résiste
à l’action des acides et des alcalis. La taille des diamants naturels
peut varier entre des grains microscopiques et des cristaux bien gros
d’une masse atteignant des centaines et des milliers de carats
(1 carat = 0,2 g). Les gros cristaux pesant plus de 100 carats sont
bien rares. La masse des diamants extraits est généralement comprise
entre 0,1 et 1 carat.
Le plus gros diamant du monde, d'une masse de 3106 carats [(620 g)] fut
trouvé en 1905 en Afrique du Sud. On en fit 105 brillants. Précedemment (en
1893), on y avait trouvé un diamant de 971,5 carats et plus tard (1936), un
autre qui pesait 726 carats. On en a fait également des brillants de tailles diver-
ses.
La couleur et la limpidité des diamants sont variables. A côté
des diamants incolores, il en existe qui sont presque noirs (ainsi
que blancs, bleus, verts, jaunâtres, bruns, rougeâtres, gris foncé).
Suivant la qualité des cristaux (taille, forme, couleur, nombre et
nature des défauts) et leur destination on distingue les diamants de
joaillerie et les diamants industriels.
296 CARBONE, SILICIUM, BORE j [CH. XI
Les premiers sont des diamants naturels de forme parfaite, d’une belle eau,
sans fissures, corps étrangers ou autres défauts. Ils sont taillés à facettes (à l’aide
d’une poudre de diamant) afin de leur donner une forme qui révèle au mieux
les propriétés optiques du diamant : indice de réfraction élevé et une forte dif-
fusion de la lumière. Les diamants se taillent, de préférence, en brillant *.
Tous les autres diamants extraits, quelle que soit leur taille ou qualité, sont
industriels.
En Russie, les premiers diamants furent découverts en 1829 dans l’Oural
moyen. Sous le régime soviétique, d’autres gisements ont été trouvés, y compris
des placers diamantifères à pierres de bonne qualité.
Aujourd'hui, de plus en plus souvent, l’industrie fait appel aux outils
à diamants synthétiques ou naturels: meules et affiloirs.'outils coupants et frai-
ses à pastilles diamantées, ustensiles de forage (trépan à diamant, couronne
diamantée pour forer les roches dures). L'utilisation des différents outils à dia-
mants permet à l'industrie de réduire le coût de la production (outils plus
résistants, meilleur traitement, produits finis plus fiables et durables, meilleure
productivité du travail). De plus, on utilise des pâtes à diamants, surtout pour
roder des pièces et des surfaces (affütage précis des outils de tour en acier dur).
La production de diamants naturels ne peut satisfaire. depuis longtemps déjà,
la demande toujours croissante de l’industrie. Actuellement on utilise. à côté
des diamants naturels, des diamants artificiels.
En U.R.S.S., les premiers diamants synthétiques ont été obtenus à l’Insti-
a de la physique des pes pressions sous la direction de l’académicien Véréch-
tchaguine.
a transformation du graphite (abondant dans la nature) en diamant exige
une pression très élevée (1000 MPa) et une température supérieure à 2500 °C,
ainsi que l'emploi de certains métaux (tels que le fer ou le nickel et leurs allia-
ges) qui favorisent la destruction ou la déformation du réseau cristallin du
graphite ou bien réduisent l'énergie nécessaire pour réarranger ce réseau.
Les dimensions et la pureté des cristaux sont fonction des conditions de la
synthèse (leur taille maximale est de 4 mm).
Depuis 1965, l’industrie soviétique produit des diamants industriels de
synthèse de résistance ordinaire, élevée et très élevée.
Le graphite diffère nettement du diamant par ses propriétés phy-
siques. C'est une masse gris-noir, grasse au toucher, de densité
2200 kg/mS. A la différence du diamant, le graphite est très mou:
il laisse des traces noires sur le papier. On peut l’égratigner par un
coup d'ongle. Le graphite conduit bien la chaleur et le courant élec-
trique, il est opaque comme un métal : sa surface réfléchit la lumière.
L'Union Soviétique possède de puissants gisements de graphite dans
l’Altaï, en Sibérie et en Ukraine.
La diversité des propriétés du graphite le rend utilisable dans
plusieurs domaines industriels. Ainsi, grâce à son inertie chimique
et à sa conductivité électrique, le graphite est une bonne électrode.
L'aptitude à la trituration (séparation de menues écailles) permet
d'utiliser le graphite dans la fabrication de crayons et de matières lu-
brifiantes. Vu son point de fusion élevé (le graphite ne s’évapore pas
même au blanc), on l’emploie mélangé à de l’argile pour confection-
ner des creusets servant à fondre les métaux.
._ * Mais aussi en rose, en poire, {en navette ou en forme rectangulaire (taille
émeraude). (W.d.T.)
6 92] CARBONE À L'ÊTAT NATUREL 297
L'industrie consomme, en plus du graphite naturel. d'importantes quan-
tités de graphite artificiel que l’on apprécie plus hautement que le graphite
paturel en raison de sa pureté et de sa masse réduite. C'est, en particulier, un
ralentisseur efficace de neutrons rapides (v. p. 385). On prépare le sraphite
artificiel en calcinant un mélange de sable et d’anthracite (ou de coke) divisé
dans un fjfour {électrique spécial.
C'est la structure de leurs cristaux qui conditionne les propriétés
si différentes du diamant et du graphite. L'étude aux rayons X a
permis d'établir l’arrangement des atomes de carbone dans les cris-
taux de ces substances. Il s'est avéré que tous les carbones du dia-
mant se trouvent à une même distance (0.1545 nm) les uns des autres
(v. fig, 1, a, p. 16). Chaque atome occupe le centre d’un tétraëdre
régulier, étant directement lié par des liaisons covalentes (hybrida-
tion sp) à quatre carbones voisins qui forment les sommets de ce
tétraèdre. Cette structure du diamant où n'interviennent que des
liaisons 6 covalentes de grande résistance, est responsable de sa
dureté exceptionnelle, ainsi que de l'absence d'électrons libres,
c'est-à-dire de la conductivité électronique.
La structure du graphite est tout à fait autre (v. fig. 1, b). Les
cristaux de graphite sont composés d'atomes de carbone, mais les
forces de cohésion entre ces derniers ne sont pas partout les mêmes.
Les carbones se trouvant dans un même plan sont unis par des liai-
sons covalentes solides de façon à former des hexagones réguliers
ayant des côtés communs. Ces hexagones sont nombreux dans chaque
plan. La distance séparant les plans voisins du cristal de graphite
(0,34 nm) est supérieure de 2,5 fois à celle qui sépare les carbones.
voisins appartenant à un même plan (0,1415 nm); voilà pourquoi
les carbones situés dans le même plan sont liés entre eux beaucoup:
plus solidement que ceux qui se trouvent dans deux plans différents.
Un effort bien faible suffit pour diviser un cristal de graphite en
écailles séparées, alors que la destruction d’une liaison unissant
les carbones qui appartiennent au même plan s'avère beaucoup plus
difficile. Cela explique la stabilité chimique élevée du graphite:
il résiste même aux alcalis et aux acides chauds, à l'exception de
l’acide nitrique fumant. Le graphite est thermostable. [Il commence
à se sublimer à 3700 °C. Il est possible de le faire fondre dès 3800-
3900 °C sous une pression de 10,5 MPa. Vu la haute stabilité ther-
mique du graphite, on l’utilise comme lubrifiant dans les machines
qui fonctionnent à température élevée.
Tout carbone du réseau cristallin du graphite n'est lié qu à trois
atomes voisins. Cette liaison est assurée par trois électrons placés
sur des orbitales hybrides sp°. Le quatrième électron de chaque atome
de carbone n'est pas localisé, d’où la bonne conductivité électrique
du graphite. Les deux variétés allotropiques du graphite naturel
correspondent à deux états d'hybridation du carbone: sp* et sp.
298 CARBONE, SILICIUM, BORE : [CH. XI
Le corps simple (variété allotropique du carbone) répondant à l'état d'hy-
bridation sp, dont l'existence est possible, n'a pas été trouvé dans la nature.
11 a été isolé par les chercheurs soviétiques Korchak, Sladkov et Kassatotchkine
lors de l’oxydation catalytique de l’acétylène C,H,. On l’a baptisé carbine.
‘C'est une poudre noire à cristaux fins qui possède des propriétés semiconductri-
ces. Sa conductivité électrique augmente considérablement sous l'effet de la
lumière, ce qui la rend applicable à la fabrication de cellules photosensibles.
Portée à 2300 °C, la carbine se transforme en graphite. Cette substance a une struc-
ture linéaire (—C—C=C=C=), chaque carbone formant deux liaisons, © et
x, avec chacun des deux atomes voisins. La longueur de liaison entre les carbo-
nes varie suivant leur état d'hybridation dans l’ordre décroissant : diamant
40,1545 nm)-graphite (0,1415 nm)-carbine (0,1284 nm).
$ 93. Charbon. Adsorption sur le charbon. Noir de carbone. Par-
mi les minéraux utiles riches en carbone, les charbons présentent un
intérêt particulier pour l’industrie moderne. Ce sont des restes pétri-
fiés de végétaux et d'animaux ayant
vécu sur notre planète avant l’épo-
que actuelle. On distingue trois va-
riétés de charbons fossiles: anthra-
cite, houille et lignite. De ces trois
variétés l’anthracite renferme le
plus de carbone (95 % massiques),
le lignite étant le moins riche en
carbone (65-70 % massiques). Les
charbons fossiles sont utilisés com-
me combustibles: directement ou
Fig. 66. Pouvoir absorbant des après transformation en un combus-
particules superficielles tible plus précieux: coke, huile ou
gaz combustible. De plus, la houille
sert de matière première dans la fabrication de plusieurs composés
chimiques de valeur. Le rôle du charbon est de plus en plus impor-
tant, en ce qui concerne l’approvisionnement de notre pays (et, no-
tamment, de sa partie orientale) en combustibles et en énergie élec-
trique. Le onzième plan quinquennal prévoit de produire 770 à 800
millions de tonnes de houille vers 1985.
En chauffant du bois à l’abri de l'air, on voit partir ses consti-
tuants volatils qui laissent un résidu solide appelé charbon de bois.
Dans ce charbon, auquel on donne souvent le nom de carbone amorphe,
la liaison chimique entre les atomes de carbone est identique à celle
du graphite, mais les cristaux sont très menus et disposés d’une ma-
nière désordonnée. Sa surface est très grande du fait de l’existence
de nombreux vides et canaux microscopiques.
L’aptitude du charbon à absorber des gaz, des vapeurs, des sub-
Stances colorantes et odorantes en solution est sa propriété la plus
remarquable. Les corps dont la surface est susceptible d'adsorber
d’autres corps, sont dits adsorbants. Le pouvoir adsorbant résulte des
conditions particulières qui existent à la surface de certains corps.
OO0O000B00O
(6000000000
8 93] CHARBON 299
Si, à l'intérieur du corps, toutes les forces qui agissent entre ses
particules sont mutuellement équilibrées, à sa surface ne sont en
équilibre que les forces orientées vers l’intérieur du corps (cf. l'en-
tourage des particules A et B, fig. 66). Cette situation crée à la sur-
face de l’adsorbant un champ de forces responsable de l'attraction
des particules de gaz ou de solution vers l’adsorbant.
Les propriétés adsorbantes dépendent de la nature de l’adsorbant,
de la disposition des particules à sa surface et de la dimension de cette
dernière. L’adsorbant fixe d'autant plus de matière que sa surface
est plus grande. Cette dernière caractéristique est fonction du degré
de finesse (taux de réduction) de l’adsorbant (en admettant que ses
particules ont une forme cubique):
Longueur Nombre de Surface Longueur Nombre de Surface
de l'’arête cubes dans totale, cm? de l'arète cubes dans totale, cm2
du cube, mm 1 cm3 du cube, mm 1 cms
10 1 6 | 40!: 6
| 103 60 1073 10°1 6000
0,1 105 600 104 10°1 60 000
0,01 109 6000
Parfois l’adsorption est suivie d’un autre processus, lorsque le
corps adsorbé se dissout dans la substance qui l’a fixé (passe de la
surface vers l’intérieur). Ce phénomène est baptisé absorption. Le
processus entier s'appelle sorption. La désorption est le phénomène
inverse de la sorption.
L’adsorption est un processus réversible. Des molécules adsor-
bées quittent la surface passant dans le milieu environnant, tandis
que d’autres molécules les remplacent. Il y a là un équilibre : la sur-
face fixe par unité de temps autant de molécules qu’elle en perd.
La position de cet équilibre dépend de la concentration en substance
adsorbée et de la température. Le nombre absolu de molécules ad-
sorbées croît avec la concentration. L’adsorption s'accompagne d’un
dégagement de chaleur (principe de Le Chatelier). Une élévation de
température déplace l’équilibre dans le sens de la désorption. Si
la température baisse, l'équilibre se déplace, au contraire, dans le
sens où le nombre de molécules adsorbées augmente.
Bien que le charbon de bois possède une structure poreuse, son
pouvoir adsorbant n'est pas élevé, car les pores se trouvent pour la
plupart bouchés avec des produits de décomposition du bois. Pour
libérer les pores de ces matières résineuses, le charbon de bois (de
bouleau dans la plupart des cas) est calciné dans un courant de va-
peur d’eau: on obtient ainsi du charbon actif (activé). La surface
totale de tous les pores d’un gramme de charbon actif peut atteindre
1000 m°. Le Tableau 24 présente les quantités de quelques gaz, ad-
sorbées par 1 g de charbon actif à 15 °C sous la pression normale. I]
découle du Tableau 24 que le pouvoir adsorbant du charbon actif
300 CARBONE, SILICIUM, BORE , [CH. NI
est faible pour les gaz difficilement liquéfiables (H,, O,, CH)
et suffisamment élevé pour les gaz faciles à liquéfier (SO,, CL, NH).
Tableau 24
Adsorpt'on de gaz sur charbon actif
Quantité de Quantité de
Point gaz adsorbée Point gaz adsorbée
Corps adsorbé| d'’ébuliition, par 1 K Corps adsorbé| d’ébullition, par 1x
°C d’adsorbant, °C d'adsorbant,
cmÿ cm
SO, — 410,1 380 CO: —78,5 47,6
CI, — 34,1 235 CH, — 161,6 16,2
NHs — 33,5 181 O, — 183 8,2
H,S — 60,8 99 H, — 252,8 4,7
Les propriétés d’adsorption du charbon de bois trouvent de nom-
breuses applications pratiques. Dans les masques à gaz il absorbe
un bon nombre de gaz toxiques : chlore, phosgène, ypérite, etc. L’in-
dustrie pétrolière s’en sert pour débarrasser les gaz naturels de pétrole
des vapeurs d’essence. Dans les sucreries on décolore les sirops en
les traitant au charbon activé qui absorbe les pigments colorants.
L'alcool ethylique est débarrassé des impuretés toxiques (huiles de
fusel) par filtrage sur charbon.
Un bon pouvoir adsorbant est caractéristique des charbons préparés par
calcination des restes d'animaux. Ainsi, le charbon d'os se prépare par distillation
sèche (calcination en vase clos) des os animaux dégraissés. I] renferme 7 à 11 %
(massiques) de carbone et quelque 80 % (massiques) de phosphate de calcium.
Ce charbon d'os sert à décolorer les solutions et, en médecine, à absorber certai-
nes substances toxiques ayant pénétré dans l'organisme humain.
Mentionnons encore ure variété du charbon: le noir de carbone
qui est un corps pulvérulent de couleur noire. Le noir est obtenu par
combustion de diverses substances organiques en présence d’une
quantité insuffisante d’air. Dans ces conditions, tout le carbone n'est
pas oxydé en CO,, mais se dégage, en proportion importante, à l’état
libre. C’est le cas de la flamme filante que donnent l’acétylène,
le pétrole lampant ou le benzène qui brülent à l’air. Une telle flamme
déposera à une surface froide une couche de suie constituée de noir
de carbone.
Industriellement, le noir est préparé par décomposition thermi-
que du méthane qui est un constituant du gaz naturel:
CH, = C + 2H;t
Il existe d’autres procédés où le noir est obtenu par combustion
de résines, de térébenthine et d’autres substances, toujours en limi-
tant l’acces de l’air.
$ 94] PROPRIETES CHIMIQUES DU CARBONE 301
On l'utilise pour fabriquer des couleurs de peinture et des encres
d'impression, ainsi que des teintures pour cuir. On en consomme
beaucoup en tant que charge des mélanges de caoutchouc.
$ 94. Propriétés chimiques du carbone. Le carbone (surtout le
diamant) est très inerte dans les conditions ordinaires: il ne réagit
que sur des oxydants très énergiques. Son activité chimique aug-
mente à chaud. A l’état amorphe, le charbon et le coke brülent ai-
sément à l’air, donnant l'oxyde de carbone (IV) CO,. En présence d’une
quantité insuffisante d'oxygène, le carbone ne s’oxyde qu’en oxyde
de carbone (II) CO. Le diamant ne brûle que dans l’oxygène pur à
700-800 °C. L'’oxydabilité du carbone permet de l'utiliser pour ré-
duire plusieurs oxydes métalliques.
A chaud, le carbone se combine au soufre pour former le sulfure
de carbone:
C + 28 = CS,
Le procédé industriel consiste à faire passer des vapeurs de soufre à travers
une couche de charbon incandescent. Le sulfure de carbone est un liquide à bas
point d'ébullition (46 °C). presque insoluble dans l'eau, mais qui est un bon sol-
vant pour graisses, résines, soufre, phosphore et iode.
Le carbone ne se combine pas aux halogènes que d’une façon
indirecte (le fluor excepté). Ainsi, le tétrachlorométhane (le tétra-
chlorure de carbone) CCI, se prépare en faisant passer du chlore à
travers du sulfure de carbone à 60 °C, en présence de catalyseur
Fes :
Le tétrachlorométhane CCI,, liquide incolore qui bout à 77 °C,
très mal soluble dans l’eau, dissout parfaitement les graisses, les
huiles, les résines et les peintures.
Le carbone se combine directement à l’azote à température éle-
vée. Le cyanogène (cyane, dicyane), gaz incolore qui en résulte, est
toxique :
2C —— N: — CN, ou (CN):
Sa structure est linéaire: N=C—CÆ=N. Le cyanogène se dissout
bien dans l’eau en s’hydrolysant lentement :
(CN)2 + 4H20 = (NH4)2C204
oxalate
d’ammonium
L'action du cyanogène sur l'hydrogène conduit au composé HCN
qui possède un caractère acide fort, d’où son nom d'acide cyanhydri-
que :
302 CARBONE, SILICIUM, BORE __ [CH. XI
L'acide cyanhydrique (prussique) NCH est un liquide incolore à
bas point d’ébullition (25 °C), d’une odeur caractéristique, très to-
xique. C’est un électrolyte faible (Xa = 4,7-10-10). Ses sels sont dits
cyanures. Le cyanure de potassium KCN, corps cristallin incolore fa-
cilement soluble dans l’eau, en est le plus utilisé. Le cyanure de
potassium se décompose à l’air en présence de CO, et de vapeur d’eau,
car l’acide carbonique, plus fort que l’acide cranhydrique, déplace
ce dernier de son sel:
KCN + H,0 + CO, = KHCOs + HCN
Les cyanures s’hydrolysent facilement en formant l’acide cyan-
hydrique très toxique :
CN- + H.0 = HCN + OH-
Les solutions aqueuses de cyanures de potassium et de sodium
ont la faculté de dissoudre l'or et l’argent en présence d'oxygène
de l’air. On les utilise donc pour extraire l’or des minerais:
4Au + 8NaCN + 2H,0 + O0, = 4Na[Au(CN).] + 4NaOH
Le carbone agit à haute température sur les métaux en donnant
des carbures. Ces derniers peuvent résulter également de l'interaction
du charbon avec des oxydes métalliques. La pratique fait fréquem-
ment appel au carbure de calcium, préparé par chauffage du charbon
en présence de chaux anhydre:
3C + CaO = CaC, + CO
$ 95. Combinaisons oxygénées du carbone. Oxyde de carbone (II)
CO. La molécule de cette combinaison possède la structure
XCX:0: ou C 0. Les électrons p non appariés du carbone et de l’oxy-
gène forment deux liaisons covalentes. La troisième liaison, du type
donneur-accepteur, est due au doublet non partagé de l’atome d’oxy-
gène (donneur) et à l’orbitale vacante de l’atome de carbone (accep-
teur). Comme résultat, les atomes de carbone et d'oxygène possèdent
chacun huit électrons sur leur niveau périphérique.
L'oxyde de carbone (IÏ) est un gaz incolore et inodore, très toxi-
que, un peu plus léger que l'air. Les premiers signes d’une intoxica-
tion oxycarbonée sont le mal de tête et le vertige suivis de perte de
connaissance. L’air qui contient 0,1 % de CO, présente un danger
mortel. L'action toxique de CO réside en ce qu’il se combine à l’hé-
moglobine sanguine la transformant en carboxyhémoglobine de cou-
leur écarlate. L’oxygène, dont la place se trouve ainsi occupée, ne
peut plus se combiner à l’hémoglobine et l’homme meurt, asphyxié.
Pourtant, CO est progressivement désorbé du sang si l’on respire de
l’air pur ou, mieux, de l’oxygène. L'air pur constitue donc l’antidote
8 95] COMBINAISONS OXYGENÉES DU CARBONE 303
principal de l’oxyde de carbone (II). Dès l’apparition des premiers
signes de l’intoxication, on emmènera l’intoxiqué à l’air frais.
L'oxyde de carbone (II) se liquéfie à —191,5 °C, se solidifie à
—205 °C, se dissout mal dans l’eau et ne présente aucune interac-
tion avec cette dernière. CO est un oxyde neutre qui n’agit, dans les
conditions ordinaires, ni sur les acides ni sur les bases. Il se forme
par combustion du charbon et de composés carbonésen présence d'oxy-
gène en quantité insuffisante, ainsi qu'au cours de la réaction entre
CO, et un charbon incandescent :
On en trouve dans les gaz de cheminée (1 à 4 % massiques) et
dans les gaz d'échappement des moteurs à explosion (2 à 10 % mas-
siques). Il est obtenu en laboratoire par réaction à chaud de l'acide
sulfurique concentré sur l’acide formique :
H—C—0H —+ CO+ + H,0
|
L'acide sulfurique joue ici le rôle de déshydratant. CO brüle à
l’air d’une flamme bleuâtre, dégageant beaucoup de chaleur:
2CO + 0, = 2C0, + 569 kJ
En plus de l'oxygène, l’oxyde de carbone réagit sur le chlore
(à la lumière solaire directe ou en présence de charbon actif comme
catalyseur), cette réaction conduisant au phosgène :
CO + Cl, = COCI,
Le phosgène (oxychlorure de carbone) COCI, est un gaz incolore
très toxique, 3,5 fois plus lourd que l’air, à odeur caractéristique.
Peu soluble dans l’eau, le phosgène s’y hydrolyse pourtant peu à peu
en tant qu'un dérivé de l'acide carbonique:
/
O=C" +2H.0—2HCI+H,CO;,
Na
Suite à sa toxicité élevée, le phosgène fut utilisé au cours de la Première
Guerre mondiale en qualité de gaz toxique de combat. On peut le neutraliser
à l’aide de la chaux éteinte:
COCI, + 2Ca(0H), = CaCIl, + CaCO, + 2H,0
Le phosgène est la matière première de la fabrication de quelques colorants.
Une propriété importante de CO est son aptitude à réduire à chaud
certains métaux oxydés. On s’en sert, par exemple, dans le procédé
de fusion au haut fourneau pour obtenir la fonte des minerais de
304 CARBONE, SILICIUM, BORE [CH. XI
fer :
Fe:0Os + 3CO — 2Fe un 3CO:.t
A haute température ct sous pression, l’oxyde de carbone (II) se combine
directement à certains métaux avec formation de composés carbonylés:
Fe + 5CO — Fe(CO}s
Ni + 4CO = Ni(CO), |
Cr + 6CO — Cr(CO)s
Les métaux de ces composés ont le degré d’oxydation zéro.
Les carbonyles métalliques sont des liquides bas-bouillants ou des corps
cristallins, parfaitement solubles dans les solvants organiques. Ils sont tous
toxiques. Ces composés se décomposent à température élevée en métal et CO.
On applique les carbonyles métalliques en qualité de catalyseurs dans la synthèse
de composés organiques.
L'oxyde de carbone (11) joue un rôle important en tant que cons-
tituant des combustibles gazeux (gaz à l’air, gaz à l’eau, gaz mixte).
Le gaz à l'air s'obtient par soufflage à l’air d’une couche de charbon
incandescent. Ce procédé est effectué dans
un haut four cylindrique appelé généra-
teur (gazogène) (fig. 67). Le charbon y
est chargé par le haut, l’air arrivant par
le bas. Dans la partie inférieure du géné-
rateur, dans les conditions d’un afflux
continu d'air (d'oxygène), le carbone
s’oxyde de façon complète: C + O, =
— CO,. Ensuite, le dioxyde de carbone
formé monte vers le haut pour réagir sur
le charbon incandescent en traversant
ses couches successives : CO, + C = 2CO.
On obtient à la sortie du générateur un
mélange d'oxyde de carbone (II) et d'azote
de l’air, les volumes respectifs de ces deux
corps étant dans le rapport 1 : 2. C’est ce
qu'on appelle gaz à l’air (gaz de gazogène).
Le passage de la vapeur d'eau à travers
du charbon incandescent fournit du gaz à
l'eau :
NN
à S
LASSSSKES 2
AN QU
SR |: ONE 2
Q ue (0
OO (
NT Z
/
nu
PTT TLITT TT TT TTL D TT ITTT A
Fig. 67. Schéma d'un gazo-
gene C + H,0 = CO + H, — 132 kJ
Ce gaz est composé des volumes égaux de CO et de H,. Son avan-
tage par rapport au gaz à l’air consiste en ce qu'il comporte deux
gaz combustibles (CO et H,), alors que le gaz à l’air n’en renferme
qu'un (CO). Le gaz à l’eau possède un pouvoir calorifique beaucoup
plus élevé. Cependant, sa préparation est un processus endothermi-
que : la vapeur d’eau refroidit rapidement le charbon incandescent.
$ 95] COMBINAISONS OXYGENÉES DU CARBONE 305
Voilà pourquoi on fait alterner le passage de la vapeur d’eau avec
le passage de l’air. Dans ces conditions, on voit sortir du générateur
un gaz mixte (mélange de H,, CO, N, et CO.). Si l’on veut obtenir
en continu un gaz s'approchant par sa composition du gaz à l’eau,
on envoie dans le générateur un mélange vapeur d’eau + oxygène.
En U.R.S.S., la production de gaz s'est constamment accrue au cours du
dixième quinquennat. On a produit 289 milliards de m° de gaz en 1975 et 435 mil-
liards de m° en 1980, soit un accroissement de 50,5 %. Le onzième plan quinquen-
nal prévoit que vers 1985 la production de gaz atteindra 600 à 640 milliards
de m*.
Oxyde de carbone (IV) (gaz carbonique, anhydride carbonique) CO..
La molécule de dioxyde de carbone a la structure O‘*CX:0, soit
O=C=0. L'atome de carbone y est excité (C*2s!2p3). Ses deux orbi-
tales hybrides forment deux liaisons o avec deux orbitales p de
l'atome d'oxygène. Chaque atome d'oxygène garde ainsi un électron
p non apparié qu'il utilise pour former des liaisons x avec deux élec-
trons p de l’atome de carbone.
L'oxyde de carbone (IV) est toujours présent dans l'air. Dans la
nature. il se forme au cours de l'oxydation des corps organiques
(putréfaction des restes de végétaux et d'animaux), dans les pro-
cessus de combustion et de respiration.
Le gaz carbonique de l’air serait vite épuisé, étant absorbé par les plantes,
si les phénomènes de combustion, de respiration, de putréfaction ne contribuaient
pas à son renouvellement constant. Les plantes utilisent CO, dans la réaction
photochimique
mCO; + nH20 + Ch(H30)n + mOs t
qui enrichit l'atmosphère en oxygène.
La quantité de CO, contenue dans l'air est donc la différence entre celle
ui a été dégagée dans ta tu et celle que les végétaux ont absorbée.
a concentration de CO, dans l'air augmente sans cesse, car l’homme brüûle
les combustibles en quantités toujours croissantes (autos, avions, navires).
Aujourd’hui, cette concentration s’est accrue de 11 % par rapport à ce qu’elle
était au XIX°® s. et la température des couches inférieures de l’atmosphère
a augmenté de 1 °C. Cette anomalie est due à la faculté qu'ont CO, et H,CO,
de retenir le rayonnement thermique de la surface terrestre, tout en laissant
passer (comme c'est aussi le cas du verre) la radiation solaire à ondes courtes.
Dans un avenir pas tellement éloigné, la teneur en CO, de l'atmosphère peut
augmenter d'une dizaine de fois, ce qui fera monter la température moyenne de
l'air de 10-12 °C.
Une quantité élevée de CO, dans l'atmosphère est nuisible au
fonctionnement des systèmes respiratoire, cardiovasculaire et ner-
veux. Le cerveau est particulièrement sensible à la concentration
élevée de CO, dans l'air aspiré.
Pour les vaisseaux cosmiques, la concentration admissible en CO, ne doit
pas dépasser 0,5 % (volumiques). On s'y sert d’alcalis pour absorber le gaz
20—01151
306 CARBONE, SILICIUM. BORE , [CH. XI
carbonique excédentaire. Les vaisseaux spatiaux américains sont équipés de
cartouches spéciales à LiOH. L'absorption de CO, se fait suivant la reaction
2LiOH + CO, = Li9CO3 + H,0
Les peroxydes alcalins sont un peu moins actifs dans ce cas, mais, en re-
vanche, l'air s'enrichit en oxygène:
2Na,0O; + 2CO;s —_— 2Na,COs nu O0: 4
Dans l’industrie, CO, se forme au cours de divers processus de
fermentation, telle la fermentation du glucose :
CeHysO — 2C:H,0H + 2CO;
glncose éthanol
ainsi que lors de la cuisson du calcaire:
CaCO, = CaO + CO,1
Parfois, on obtient de faibles quantités de CO, (en laboratoire)
par l’action de l'acide chlorhydrique sur le marbre:
CaCO, + 2HCI — CaCl, + COst + H30
Dans les conditions ordinaires, l’oxyde de carbone (IV) est un
gaz incolore et inodore, environ 1,5 fois plus lourd que l’air, soluble
dans l’eau, assez aisément liquéfiable: on peut le rendre liquide à
température normale sous une pression de 5,85 MPa. La densité de
CO, liquide est égale à 774 kg/mS. Il est stocké et transporté dans
des bouteilles en acier. Il s’évapore rapidement et, donc, se refroi-
dit très vite. Son point de congélation vaut —56,2 °C. CO, solide est
sublimable (capable de se vaporiser sans passer par l’état liquide) :
il forme la « glace sèche » dont on se sert, par exemple, en transpor-
tant les denrées périssables.
Le carbone de CO, a le degré d’oxydation supérieur, c'est pour-
quoi l’oxyde de carbone (IV) ne brüle pas et n'entretient pas la com-
bustion. Cependant, une bande de magnésium allumé à l'air, con-
tinue de brûler dans l’atmosphère de CO,. Cela s'explique par le
caractère électropositif très marqué du magnésium, capable de s'ap-
proprier l'oxygène de CO, :
2Mg + CO, = 2MgO + C
A la différence de CO, l’oxyde de carbone (IV) réagit sur les
alcalis aux conditions ordinaires:
CO; + Ca(OH}; = CaCO, + H,0
Il agit également sur l’eau, en formant l'acide carbonique:
CO, + H:0 = H:CO;
On utilise CO, pour éteindre les incendies. Dans les extincteurs
à mousse, CO, se forme par réaction de l'acide sulfurique sur une
solution d’hydrogénocarbonate de sodium, additionnée d’un agent
8 95] COMBINAISONS OXYGENÉES DU CARBONE 307
moussant :
NaHCO,; + H,S0, — NaHSO, + COst + H,0
Li
L’inconvénient des extincteurs à mousse consiste en ce que le
gaz carbonique formé entraîne avec lui une partie de l'acide sulfu-
rique sous forme de gouttes. Les extincteurs remplis de CO, liquide
n'ont pas cet inconvénient. De plus, CO, est consommé en quanti-
tés considérables pour préparer des boissons gazeuses, fabriquer le
carbonate de sodium et l’urée.
Acide carbonique et ses sels. L'acide carbonique H,CO;, combinai-
son instable, n'existe qu’en solution dans l’eau. La plus grande partie
de l’oxyde de carbone (IV) dissous dans l’eau s’y trouve sous forme
de molécules CO,, le reste formant l'acide carbonique.
C'est un diacide faible à dissociation graduelle (X, = 4,4-10-7
et X, — 4,7-10-1), La dissolution de CO, dans l’eau conduit à l’équi-
libre mobile suivant:
H,0 + CO, == H,CO0, = H* + HCO;
HCO; = H* + COi-
Lorsqu'on chauffe une solution aqueuse de CO,, la solubilité du
gaz diminue, une partie de CO, se dégage de la solution et l’équi-
libre se déplace vers la gauche.
Etant dibasique, l'acide carbonique forme des sels neutres (car-
bonates) et acides (kydrogénocarbonates). La plupart de ces sels sont
incolores.
Parmi les carbonates ne sont solubles dans l’eau que les sels des
métaux alcalins et d'ammonium. Les carbonates et les hydrogéno-
carbonates alcalins s’hydrolysent dans l’eau, d'où la réaction alcaline
de leurs solutions:
Na,CO, + H,0 = NaHCO, + NaOH
Les carbonates de sodium et de potassium fondent sans se dé-
composer, alors que la plupart des autres carbonates se décomposent
à chaud en oxyde métallique et oxyde de carbone (IV):
MeCOs = MeO + CO:
Les acides forts déplacent l’acide carbonique des carbonates:
K:CO;s + H,S0, = K,S0, + H,0 + CO; f
A la différence de la plupart des carbonates, tous les hydrogéno-
carbonates se dissolvent dans l’eau. Ils sont moins stables que les
carbonates des mêmes métaux et se décomposent facilement à chaud,
donnant les carbonates correspondants:
2KHCO, — K:COs + H,0 + CO;
Ca(HCO;): = CaCO, + H,0 + CO, 4
2°
308 CARBONE, SILICIUM, BORE , [CH XI
De même que les carbonates, les hydrogénocarbonates sont dé-
composés par les acides forts:
KHCO, + H,S0, == KHSO, + H,0 + CO,4
C'est le carbonate de sodium (soude) Na,CO, qui présente le plus
grand intérêt et qu’on applique le plus largement. C'est une poudre
blanche qui se dissout dans l’eau avec dégagement de chaleur. On
l'utilise dans la fabrication de savon et de verre, dans les industries
textile, pétrolière et celle de peintures et vernis.
Aujourd'hui, la soude est surtout préparée par le procédé à l’am-
moniac. On fait passer sous pression un mélange gazeux de NH, et
CO, à travers une solution refroidie de chlorure de sodium NaCl, en
provoquant les réactions suivantes:
NH, + CO: + H,0 — NH,HCO,
NH,HCO, + NaCl = NaHCO.J + NH,CI
L'hydrogénocarbonate de sodium, peu soluble dans l’eau froide
(contrairement au chlorure d'ammonium), précipite presque entière-
ment. Le précipité est filtré et calciné suivant la réaction
2NaHCO, — Na,CO; + CO:t + H,0
L'hydrogénocarbonate de sodium NaHCO, est une poudre blanche
donnant une faible réaction basique en solution dans l’eau, suite à
son hydrolyse. Son nom commercial est bicarbonate de soude (ou sel de
Vichy). On l’applique en médecine pour traiter l’hyperacidité gastri-
que, il y a alors neutralisation:
H—R + NaHCO, + NaR + H,0 + CO;t
acide
On l'utilise également comme source de CO, en confiserie, en pani-
fication, ainsi que dans les extincteurs.
La fermentation panaire s'accompagne de formation d'acides organiques
qui entrent en réaction avec NaHCO;. Le gaz carbonique qui se dégage alors
forme des bulles de gaz dans la pâte, la rendant plus molle et poreuse. Une telle
pâte donne des produits poreux, légers et mieux digestibles.
Le carbonate de calcium CaCO, est le constituant principalde la
craie, du calcaire et du marbre. Le calcaire naturel finement divisé
sert à traiter les sols trop acides. Les acides du sol sont neutralisés
suivant la reaction
CaCO, + 2HR = CaR, + H,COs
Il y a parallèlement amélioration de la structure du sol: les terrains
argileux deviennent meubles et perméables à l’eau et à l’air, plus
faciles à chauffer et à labourer. Le calcaire sert également à préparer
de la chaux anhydre (chaux vive) selon la réaction
CaCO, —> CaO + CO,
S 96] PRÉPARATION, PROPRIEÊTES ET APPLICATIONS DU Si 309
La craie est un matériau de construction très utilisé, tandis que
le marbre s'emploie pour revêtir des immeubles, confectionner des
panneaux de distribution d'électricité et, aussi, en tant que matière
utilisée dans l’art sculptural.
L'emploi du carbonate de potassium (potasse) K,CO, se limite es-
sentiellement à la fabrication de verre.
SILICIUM
8 96. Préparation, propriétés et applications du silicium. C’est
Berzelius qui obtint pour la première fois du silicium amorphe (pou-
dre brune) suivant la réaction
SiF, + 4K = Si + 4KF
Un peu plus tard on découvrit une autre variété du silicium: sili-
cium cristallin. A l'heure actuelle, on dispose de plusieurs procédés
de préparation du silicium cristallin, dont la réduction par le coke:
SiO, + 2C = Si + 2C0
Le silicium amorphe est préparable en calcinant à haute tempé-
rature un mélange de sable quartzeux fin et de magnésium en poudre,
placé dans une éprouvette en verre difficilement fusible ou dans un
creuset :
SiO, + 2Mg = 2MgO + Si
Le mélange réactionnel refroidi (Si, MgO et SiO, n'ayant pas
réagi) est traité successivement à l’acide chlorhydrique et à l'acide
fluorhydrique :
MgO + 2HCI = MgCl, + H,0 SiO, + 2HF = SiF, + 2H,0
Le silicium qui ne réagit pas sur les acides, reste dans le creuset
sous forme d’une poudre amorphe de couleur brune, de densité
2330 kg/m*. Le silicium amorphe se dissout dans quelques métaux
à l’état fondu. Si l'on refroidit lentement une solution de silicium
dans du zinc fondu, on voit précipiter des cristaux de silicium.
Le silicium cristallin ressemble au silicium amorphe aussi peu
que le diamant au graphite. Cette variété du silicium est colorée
en gris acier. Sa densité s'élève à 2400 kg/m$. Son réseau cristallin
s'apparente à celui du diamant, mais le silicium cristallin est moins
solide et possède un point de fusion plus bas (1420 °C). A la différence
du diamant, le silicium cristallin possède un éclat métallique et un
caractère semiconducteur. C’est un corps chimiquement inerte.
_Le silicium amorphe agit sur le fluor dans les conditions ordi-
naires :
Si + 2F,—SiF,
310 CARBONE, SILICIUM. BORE [CH. XI
meme
Il entre en réaction avec plusieurs non-métaux à température
élevée :
400 °C 1000 °C
Si + 2CL, SiCl, 3Si + 2N, Si,Na
600 °C 2000 °C
Si + O, SiO: Si+C——— sSiC
Le carborundum SiC est presque aussi dur que le diamant. On en
fait des meules et des pierres à affûter.
Le comportement du silicium vis-à-vis des métaux est variable:
il se dissout parfaitement dans certains métaux fondus (Zn, Al, Sn,
Pb) sans présenter aucune interaction. Il réagit sur certains autres
métaux fondus (Mg, Cu, Fe), formant des composés dits siliciures,
tel Mg.Si. Dans ce dernier cas, le silicium se comporte en oxydant.
Dans les conditions normales, les acides sont sans action sur le
silicium, à l’exception de l'acide fluorhydrique :
Si + 4HF = SiF, + 2H,
Insoluble dans l'eau, le silicium se dissout dans les solutions
aqueuses d'alcalis:
Si + 2NaOH + H,0 = Na,SiO, + 2H.
Le silicium possède une affinité pour l'oxygène beaucoup plus
marquée que celle du carbone. On s’en rend compte en confrontant
leurs chaleurs de combustion respectives :
C + 0, = CO, + 395 kJ
Si + O0, = SiO, + 861 k]
De là l'emploi du silicium pour la « désoxydation » des alliages de
fer, par exemple
2FeO + Si = 2Fe + SiO,
L'oxyde de silicium SiO, issu de la réduction de l’oxyde métallique,
passe dans la scorie. Le silicium allié aux aciers en améliore la ré-
sistance mécanique, l’élasticité et la résistance à la corrosion. Un
acier contenant 4 % de Si s’aimante et se désaimante plus vite que
le fer pur. Les aciers au silicium servent à fabriquer transformateurs,
ressorts, etc. L’acier à 12-18 % de Si résiste très bien aux acides.
Les alliages aluminium-silicium (4,5 à 14 % de Si), dits alpaz,
présentent une résistance mécanique élevée.
Une qualité très importante du silicium est sa conductivité élec-
trique : le silicium soigneusement purifié peut servir de semiconduc-
teur. On l'utilise pour fabriquer des redresseurs de courant alterna-
tif et des piles solaires qui transforment l'énergie solaire en énergie
électrique.
$ 97. Combinaisons hydrogénées du silicium. Un mélange de
combinaisons hydrogénées du silicium (silanes) résulte de l’action
de l'acide chlorhydrique dilué sur le siliciure de magnésium. Ce
$ 98] COMBINAISONS OXYGENÉES DU SILICIUM 311
dernier est obtenu en chauffant intensément du sable quartzeux fin
en présence d’un excès de magnésium :
SiO, + 2Mg = 2MgO + Si
2Mg + Si — Mg.Si
Le traitement à l'acide chlorhydrique de la masse obtenue s’ac-
compagne de lueurs brusques avec dégagement d’une fumée blanche.
Les lueurs sont dues à l’inflammation spontanée des silanes à l'air
et la fumée blanche est constituée de SiO,. Le monosilane SiH, est
le plus simple des silanes. En s’y référant, les équations de ces réac-
tions s'écriront comme suit:
Leur composition chimique et leur structure rapprochent les
silanes SiH,, Si,H,, etc., des hydrocarbures méthaniques (CH,,
C,H4...). Il y a également une certaine similitude des propriétés
physiques: ainsi que les hydrocarbures, les silanes ne sont pas coôlo-
rés. Le monosilane SiH, et le disilane Si,H, sont des gaz aux condi-
tions ordinaiers, alors que les silanes supérieurs de Si,:H, à SisH,,
sont des liquides. Tous les silanes possèdent une odeur caractéristi-
que. Ce sont des poisons forts.
La stabilité des silanes est de loin inférieure à celle des hydrocarbures, car
l'énergie de la liaison Si—Si (176 kJ/mol) est petite devant celle de la liaison
C—C (347 kJ/mol). Plus il y a d’atomes de silicium dans la molécule, moins les
silanes sont stables. Ils possèdent une réactivité beaucoup plus élevée que les
hydrocarbures de la série méthanique. Les silanes se décomposent assez aisément
à chaud en silicium et hydrogène. Ils réagisent sur les halogènes avec dégage-
ment d'hydrogène halogéné :
SiH, + Cl, = HCI + SiH,Cl
monochlo-
rosilane
Les silanes réagissent lentement sur la vapeur d’eau:
SiH3 + 2H30 = SiOs + 4H;
Les dérivés DA tIqUes des silanes (composés organosiliciés ou silicones)
présentent un grand intérêt pratique.
$ 98. Combinaisons oxygénées du silicium. L’oxyde de silicium (IT)
SiO ne se rencontre pas à l’état naturel. On l’obtient en four électri-
que par réduction de la silice avec du silicium, du charbon ou
du carbure de silicium:
SiO, + Si — 28i0
SiO0: + C = Si0 + CO
2Si0, + SiC = 3Si0 + CO
312 CARBONE, SILICIUM, BORE [CH. XI
L'oxyde de silicium (II) est un corps brun jaunâtre de densité
2200 kg/m* qui s’oxyde lentement à l'air:
2Si0 + O, = 2Si0,
et se dissout facilement dans les solutions alcalines:
SiO + 2KOH = K,SiOs + H:
Sous le nom commercial monoz SiO est utilisé pour fabriquer cer-
taines peintures et pour filtrer l’air (il retient les microbes). C’est
aussi un isolant.
L'oryde de silicium (IV) SiO,, solide incolore ne fondant qu'à
1713 °C, insoluble dans l’eau et les acides (excepté HF), est la com-
binaison oxygénée la plus caractéristique et la plus stable du sili-
cium. On connaît plusieurs variétés polymorphes de la silice SiO,,
dont le quartz, la cristobalite et la tridymite.
C'est le quartz que l’on rencontre le plus souvent dans la nature. Le quartz
hyalin, dit cristal de roche, est transparent et incolore. Il existe du quartz enfumé
(cristal brun ou améthyste brûlée) et violet (améthyste). Le sable ordinaire est
San Rats de fins grains de quartz. Sa coleration jaunâtre ou rougeâtre témoigne
de la présence de composés du fer.
Le quartz reste stable à une température ne dépassant pas 870° Ce
la cristobalite l’est entre 870 et 1470 °C, alors que la tridymite est
stable au-dessus de 1470 °C: on rencontre souvent ce minéral dans
les météorites. Toutes les trois variétés de la silice ont une structure
analogue: tétraèdre où chaque atome de silicium est entouré de
quatre atomes d'oxygène:
O O O0 O
_o—si—0—$i—0—8—0—8i-0—
0 0 0 o
_o—$i—0—$i—0—$i—0—$i—0—
0 0 0 o
C'est la structure différente des réseaux cristallins de l’oxyde de
carbone (IV) à l’état solide et de l’oxyde de silicium (IV) qui détermi-
ne la différence de leurs propriétés. CO, solide possède un réseau
moléculaire composé de molécules faiblement liées entre elles, d’où
la volatilité de CO.. Les réseaux atomiques constitués d’atomes de
silicium liés entre eux par l'intermédiaire de l'oxygène, se distin-
guent par leur résistance considérable, ce qui explique la non-vola-
tilité de SiO, et, comme résultat, l’abondance de la silice dans
l'écorce terrestre : SiO, libre constitue 12% de sa masse totale, alors
6 98] COMBINAISONS OXYGENÉES DU SILICIUM 313
que si l’on considère le silicium et l’oxygène des silicates de roche,
leur part s’élèvera à près de 43 % de la masse de l'écorce terrestre.
La silice naturelle n’est pas toujours cristalline : elle se rencontre
aussi à l’état amorphe: c’est le tripoli (terre à diatomées ou terre
d’infusoires), masse poreuse à grains fins, formée de restes d’organis-
mes minuscules. On en trouve des quantités remarquables dans les
organismes d’animaux et de végétaux: les premiers lui doivent leur
dureté (écailles des poissons, carapaces des insectes, plumes des
oiseaux, carapace de tortue, dents) et les seconds, la rigidité de ER
tiges.
SiO, finement divisé se dissout aisément dans les solutions alca-
lines bouillantes, donnant les sels correspondants (silicates) :
SiO, + 2KOH = K,Si03+ 11,0
Fondue avec des carbonates ou des oxydes métalliques, la silice-
forme également des silicates :
SiOs + CaCO, = CaSiO, + CO,+ SiO, + PbO = PbSiO,
Acides siliciques et leurs sels. A l’oxyde de silicium (IV) correspond
une multitude d'acides de formule générale 2xSiO,-yH,0. Les acides
de cette composition à x >> 1 sont dits polysiliciques. L'acide dimé-
tasilicique H,Si,0, ou 2Si0,-H,0 en est le plus simple. Lorsque
z = 1ety = 2, c'est l'acide orthosilicique H,$SiO, ou SiO,-2H,0.
On n'arrive pas à isoler chaque acide individuel, vu leur faible
stabilité.
Les formules des acides siliciques se déduisent de la compo-
sition des sels naturels. C'est ainsi que l'acide polysilicique
H ,Si4032(4Si0,-4H,0) correspond au talc (silicate de magnésium}
Mg:{Si,0,0l(0H),. Tous ces acides sont très faibles. Comme SiO, ne
se dissout pas dans l’eau, on les obtient d'une façon indirecte. Ainsi,
en ajoutant de l'acide chlorhydrique à une solution de silicate de
sodium Na,SiO:, on voit se former, suivant les concentrations des
solutions utilisées, soit un précipité gélatineux (parfois toute la
solution devient une masse gélatineuse), soit une solution colloïdale.
Ce précipité n’a pas une composition chimique déterminée et la for-
mule H,Si0;, qu'on lui attribue en partant du schéma réactionnel
Na,SiO, + 2HCI — 2NaCl + H,SiO,
n'est qu’une convention.
En réalité, on y est en présence d'un mélange d'acides siliciques-
zSiO, -yH,0 avec une forte teneur en eau. Chauffé, ce mélange perd
peu à peu son eau, redevenant, après une calcination prolongée, de:
l'oxyde silicique SiO,. Une déshydratation partielle du mélange
gélatineux d'acides siliciques conduit au silicagel, masse solide,
blanche, très poreuse, d’un grand pouvoir adsorbant.
314 CARBONE, SILICIUM, BORE (CH. XI
La surface hydrophile du silicagel (constituée de particules polaires) adsorbe
énergiquement l'eau et faiblement les liquides non polaires (hydrocarbures,
éthers, huiles). Le silicagel absorbe également des substances dissoutes dans les
solvants organiques. L'industrie s’en sert pour capter certains gaz et la vapeur
d'eau, pour épurer le pétrole et le kérosène. C'est aussi un catalyseur. On en
fabrique plusieurs types qui diffèrent les uns des autres par la taille et la distri-
bution des pores.
Les silicates alcalins qui résultent de la fusion de la silice avec des
alcalis, ont l’aspect d’une masse vitreuse ; on les a dénommés verre
soluble à cause de leur solubilité dans l’eau. Industriellement, le
silicate de sodium Na,SiO, se prépare en faisant fondre du sable avec
du carbonate de sodium :
Na,CO, “+ SiO, = Na,SiO, + CO.4
ou bien avec un mélange de sulfate de sodium et de charbon:
Na.0 «CO, + SiO, = NasO -SiO, + CO, +
2Na,S0, + 2810, + C = 2Na,SiO, + 280,1 + CO,+
Les silicates alcalins s'’hydrolysent fortement en solution dans
l'eau (réaction basique):
2Na,SiO3 + H,0 += Na.Si,0, + 2NaOH
dimétasilicate
de sodium
Si0?- + H,0 = HSiO; + OH-
2HSi0z = Si,Oÿ- + H,0
Les solutions aqueuses de verre soluble (verre de silice) sont uti-
lisées pour imprégner tissus et bois (cela les rend ignifuges), préparer
des peintures ignifuges à bois. On les emploie comme colles, etc.
Le verre ordinaire (verre à vitres) se prépare par fusion d'un sable
siliceux mêlé de calcaire et de carbonate de sodium :
Na,CO, + CaCO, + 6Si0, = Na,0 -CaO -6Si0, + 2C0,1
ou bien
NasO CO, + CaO-CO, + 6Si03 = Naz0 -CaO -6Si0, + 2C0,t
La fusion du verre est effectuée dans les fours spéciaux à 1400 °C.
Le verre chaud se solidifie assez lentement, ce qui permet d'en fabri-
quer par soufflage toutes sortes d'articles (bouteilles, bocaux, verres,
etc.).
En faisant varier la composition chimique du mélange vitrifiable, on
obtient des verres répondant à des exigences déterminer. Ainsi, en remplaçant
le carbonate de sodium Le le carbonate de potassium K,CO:, on fabrique du
verre difficilement fusible dont on fait la verrerie de laboratoire et diverses
pièces d'appareils chimiques. Le cristal contient de l’oxyde de plomb PbO.
Un tel verre se caractérise par un coefficient de réfraction élevé: on l'utilise
pour des ouvrages d'art. Le verre à teneur élevée en éléments bore, aluminium,
$ 98] COMBINAISONS OXYGÈNÉES DU SILICIUM 315
arsenic et potassium, appelé pyrex, sert à fabriquer une verrerie chimique de
haute qualité.
Le verre de quartz qu'on prépare par fusion de quartz SiO, en four électrique
à 1755 °C, a des caractéristiques très précieuses. Son très faible coefficient de
dilatation thermique (5,4-10-?7 par 1 °C) le rend insensible aux changements
brusques de température. On peut, par exemple, plonger un verre de quartz porté
au rouge dans de l'eau froide sans qu’il éclate. Le verre de quartz laisse bien
passer les rayons ultraviolets et infrarouges (le verre ordinaire ne laisse passer
qu'un pour cent environ de rayons ultraviolets). On l'applique donc dans la
fabrication de lampes à vapeur de mercure, utilisées en médecine comme sources
de rayons ultraviolets.
On obtient les verres colorés en additionnant le mélange en fusion de diver-
ses substances. Ainsi, CoO colore le verre en bleu; Cu.0. en rouge; Cr.0:, en
vert éclatant. Le verre additionné d'une faible quantité d'argent est jaune,
alors que l'or lui confère un rouge vif (verre rubis). Encore Lomonossov s'occupa
des procédés de fabrication de verre coloré.
Aujourd'hui, le verre ordinaire sert de matière de base pour dif-
férents matériaux industriels: coton de verre, verre mousse (verre
poreux pour bâtiment de densité 200 à 500 kg/m°) de bonne insono-
rité et de bon pouvoir calorifuge. verre à haute résistance trempé
de façon spéciale (stalinite) et tissu de verre de bonne résistance méca-
nique pour les vêtements de travail.
La production de verres se ramène donc à obtenir des silicates
divers. Conformément au dixième plan quinquennal, l'industrie
soviétique produit aujourd’hui plus de verres de qualités diverses,
dont le verre à vitres (verre blanc), le verre poli. le verre athermane
et divers verres architecturaux et de construction. La verrerie n'est
qu'une partie de l'industrie des silicates.
Les silicates naturels sont représentés par l'asbeste (amiante)
MgalSi,0,0K(OH),, la kaolinite A1 {Si,0,,1(0OH), et autres. Dans la
nature on trouve le plus souvent des alumosilicates: le feldspath potas-
sique ou l'orthoclase K{AISi,0.], la muscovite (le verre de AMoscovrie,
le mica potassique) KATAAISi30,,1(OH, F),. etc.
Sous l’action de l’humidité et de l’oxyde de carbone (IV) de l'at-
mosphère, plusieurs minéraux, dont les feldspaths, se détruisent
Jentement : c'est ce qu’on appelle altération. Au cours de ces modi-
fications de nouveaux minéraux font leur apparition. par exemple:
4K[AISisO,] + 2CO0, + 4H30 =
—_ AÏ,[Si,0,0l(0H}s + 2K;:C0;s + 8SiO;
C'est donc l’altération et la migration des produits d'altération
qui sont à l’origine des gisements d'argile, de sable et de certains
sels.
Parmi les silicates naturels. les argiles présentent un intérêt pra-
tique particulier en tant que matière première de divers produits
céramiques et du ciment.
On distingue la céramique grossière et la céramique fine. La première englobe
briques de construction, poterie, produits antiacides et réfractaires. drains,
316 CARBONE, SILICIUM, BORE [CH. XI
eu
tuiles de toit, carreaux de revêtement. Les objets en porcelaine et en faïence
sont de la céramique fine.
La céramique grossière est faite d'argiles bon marché où la kaolinite voisi-
ne avec des quantités considérables d’impuretés de toutes sortes. L'argile est
cuite à une température relativement basse (inférieure à 1000 °C). Les produits
de la céramique fine sont façonnés en argile blanche et cuits à 1200-1400 °C.
Pour obtenir du ciment, un mélange d'argile et de calcaire en proportions
déterminées est soumis à la cuisson à 1400-1500 °C dans un four à ciment. La
masse frittée qui en résulte est ensuite réduite en poudre fine. Le ciment est un
silicate composé où l’on trouve principalement les éléments Ca. Al, Fe. Si. O.
11 possède la propriété précieuse de former une masse pierreuse à haute résistance
mécanique quelque temps après avoir été mélangé à du sable et à de l’eau. En
mélangeant ciment. sable. pierres cassées, gravier, eau et certains additifs, on
prépare le béton. matériau de construction de ee importante. Le béton
adhère parfaitement au fer. formant une masse bien solide. On appelle béton
armé le béton dans lequel sont enrobées des armatures métalliques.
En U.R.S.S.. au cours du dixième quinquennat on a mis en service des
unités de production de feuilles en fibro-ciment. tuyaux et carreaux cérami-
ques, éléments préfabriqués en acier-béton, etc. Le onzième plan quinquennal
prévoit de porter la production de ciment à 140-142 millions de tonnes vers
1985 (en 1980 on a produit 125 millions de tonnes).
BORE
$ 99. Bore dans la nature. Propriétés et préparation. Les combi-
naisons naturelles du bore sont principalement l'acide borique H,BO;
et quelques sels d’acides boriques, tels que les borax Na,B,0,-10H,0.
L'écorce terrestre renferme 10% % (massiques) de bore. Le bore na-
turel est constitué de deux isotopes: ;°B (19 %) et !'B (81 %).
Le bore appartient au sous-groupe principal du groupe TITI de la clas-
sification périodique des éléments; sa structure électronique est
15°2s°2p'. Il se trouve immédiatement au-dessus de l’aluminium.
Dans la deuxième période, les rayons atomiques décroissent lorsqu'on
passe du bore au carbone, alors qu'ils vont croissant du carbone au
silicium à l'intérieur du groupe IV, cela fait que les rayons des ato-
mes de bore et de silicium sont voisins. Le bore diffère sensiblement
de l'aluminium. tout en présentant de grandes analogies avec le
silicium. Ïl se combine aux atomes d’autres éléments à l'aide de trois
liaisons covalentes. Avec certains éléments, le bore forme encore une
liaison, du type donneur-accepteur. en mettant à la disposition du
doublet électronique de l'autre atome son orbitale p. Ainsi, le bore
manifeste, dans ses combinaisons, une valence égale à trois ou une
covalence égale à quatre.
Le bore est préparé en réduisant son oxyde par le magnésium ou
l'aluminium à hautes températures :
B.0, + 3Mg = 3MgO + 2B
Après refroidissement, le mélange réactionnel est traité à l'acide
chlorhydrique. Le magnésium n'ayant pas réagi et l'oxyde de magné-
sium formé se dissolvent, alors que le bore qui ne réagit pas sur l'aci-
$ 99] PROPRIÊTÉS ET PRÉPARATION DU BORE 317
de chlorhydrique. demeure sous forme d'une poudre brun foncé
(bore amorphe). De même que le silicium, le bore amorphe est soluble
dans certains métaux fondus (aluminium, etc.). En refroidissant
cette solution on libère du bore cristallin rouge à éclat métallique.
La densité du bore amorphe vaut 1730 kg/m* et celle du bore cristal-
lin 2340 kg/m$. Le bore cristallin est presque aussi dur que le dia-
mant. C’est un semiconducteur. Sa conductivité électrique se trouve
multipliée par 30 lorsqu'on fait monter la température de 5 jusqu à
100 °C et par 100 si la température est portée à 6000 “C. Le bore amor-
phe fond à 2075 °C et le bore cristallin vers 2300 °C.
Les propriétés chimiques du bore le font ressembler encore
davantage au silicium. Le bore cristallin est inerte dans les condi-
tions ordinaires. Le bore amorphe s’oxyde lentement à l'air:
4B + 30: —_ 2B:0;
A chaud, le bore réagit sur tous les éléments d'électronégativité
élevée : oxygène. halogènes, soufre et azote. Ainsi, le bore amorphe
porté à 700 ° C brüle à l'air d’une flamme rougeâtre. en formant l’anhr-
hydride borique B,0;. Dans les conditions de températures élevées.
le bore se comporte en réducteur même vis-à-vis des oxydes aussi
stables que P,0;. CO, et SiO, :
Le bore porté à haute température réduit l'hydrogène de l’eau
lorsqu'on le met en contact avec de la vapeur d'eau:
2B + 3H,0 = B:0; + 3H;
Le caractère réducteur du bore dans ces réactions est dû à la
chaleur de formation élevée de B,0: (1254 kJ/mol). Le bore peut
aussi jouer le rôle d'oxydant. Fondu avec des métaux, il forme des
borures où son degré d'oxydation est égal à —3:
La composition des borures est tantôt normale (Na,B, Mgs3B:), tantôt
anomale (AÏB;,, AlB;,s). On y rencontre des liaisons chimiques de types diffé-
rents (métallique, ionique, covalente). Par leurs propriétés les borures rappel-
lent les siliciures. Certains borures se caractérisent par une haute dureté, une
bonne résistance pyroscopique (ils fondent à 3000 °C et plus) et une grande
inertie chimique, ce qui détermine leurs diverses applications industrielles.
On connaît des carbures de bore (tel B,C) dont la dureté s'approche
de celle du diamant.
Le bore résiste bien à l’action des acides. Il ne se dissout que dans
les acides oxydants:
B =. 3HNO, = 3NO; . H3BO;
acide
orthoborique
318 CARBONE, SILICIUM, BORE , [CH. XT
Ainsi que le silicium, le bore est soluble dans les solutions aqueu-
ses d’alcalis avec dégagement d'hydrogène :
2B + 2KOH + 2H,0 = 2KBO, + 3H;
Avec les halogènes, le bore donne à chaud des composés BX;
(X = halogène). Les halogénures de bore ont la nature d'halogénures
d'acide: ils fument à l'air humide en s’hydrolysant :
Les halogénures BF, et BCIl; sont gazeux dans les conditions
ordinaires. BBr, est liquide; Bl;, solide.
Une propriété importante de l’isotope 1°B est la faculté qu'ont ses noyaux
atomiques de capter les neutrons thermiques lents qui amorcent et propagent
les réactions nucléaires en chaîne. Cet isotope permet de contrôler le déroule-
ment de la réaction en chaîne en l'’arrêtant, si nécessaire. Cette aptitude à capter
activement les neutrons (le noyau de l’atome dé bore possède une place vacante
our { neutron) permet aussi d'utiliser l’isotope !°B pour la protection contre
a radiation neutronique.
Le rôle du bore est grand dans la sidérurgie et la métallurgie des
métaux non ferreux. En ajoutant à un acier une très faible propor-
tion de bore (0,0005 à 0,005 %}), on améliore sa pénétration de trempe
et. par conséquent, sa résistance. Le cuivre est additionné de bore
pour absorber les gaz qui y sont dissous, ce qui améliore considérable-
ment la qualité du cuivre. L'amélioration de la tenue à l’usure et de
la réfractarité des alliages fer-métaux non ferreux additionnés de bo-
re s'explique par la formation de borures métalliques de haute du-
reté et résistance.
Il serait séduisant de pouvoir remplacer les combustibles hydrocarbonés
par un combustible à base de borures d'hydrogène, vu que la chaleur de com-
bustion du bore (59 514 kJ/kg) est bien supérieure à celle du carbone
(32 760 kJ/kg).
Les combustibles à base de boranes permettraient de réduire les dimensions
d'un avion pour une même autonomie en distance. En élevant sa vitesse, on
pourrait augmenter la charge utile et diminuer le parcours au décollage.
$ 100. Combinaisons hydrogénées du bore. Le bore ne se cobmine
pas à l’hydrogène de façon directe. Les borures d'hydrogène * (bora-
nes) sont préparés à l’aide de procédés indirects. Ainsi, l’action d’un
acide sur le borure de magnésium conduit à un mélange de boranes
divers où prédomine le tétraborane B,H,,. Les borures d'hydrogène
sont incolores, gazeux pour les boranes inférieurs, liquides ou solides
pour les boranes lourds. Très toxiques, ils ont le plus souvent une
odeur désagréable. Chimiquement, les boranes ressemblent aux si-
lanes (hydrures de silicium). De même que les silanes, les borures
* On les appelle aussi hydrures de bore, ce qui est même plus correct, car le
bore est moins électronégatif que l'hydrogène, si l’on se réfère à l’échelle d'élec-
tronégativités de la Commission internationale de Nomenclature. (V.d.T.)
$ 101] COMBINAISONS OXYGÊNÉES DU BORE 319
d'hydrogène sont instables dans les conditions ordinaires. Le mélan-
ge de boranes issu de l’action d’acides sur le borure de magnésium,
s'enflamme spontanément à l'air:
2B4Hio + 110, — 4B,0; + 10H,0
Comme les silanes, les boranes sont hydrolysés par l’eau en dé-
gageant de l'hydrogène:
B.He, + 6H,0 = 2H,B0, + 6H,
$ 101. Combinaisons oxygénées du bore. Le bore forme avec l’oxy-
gène plusieurs oxydes dont le plus important est B,0;. L'oxyde de
bore (III) B,0; résulte de la combustion à l’air d’un bore porté à
700 °C. Pratiquement, on le prépare par calcination de l'acide ortho-
borique (borique):
2H,B0, = B,0, + 3H,0
B,0, est un corps incolore hygroscopique qui se dissout dans l’eau
avec formation d'acide borique :
B,0; + 3H,0 — 2H,BOs
L’acide borique H,BO;, substance cristalline incolore, bien soluble
dans l’eau chaude, est un acide très faible (Xa = 5,8-10-1). A
chaud, il perd graduellement son eau, donnant l’un après l’autre
l'acide métaborique HBO,, l'acide tétraborique H,B,0;, et B,0;:
H,B0O; — HBO, + H,0 4HBO, — H2B40; + H,0
H,B,0; — 2B,0; + H,0
Trois acides correspondent donc à l’oxyde de bore (II1): méta,
tétra et orthoborique, le dernier étant le plus stable. Ses sels sont,
par contre, moins stables que ceux des acides méta et tétraborique.
Ainsi, l’action de l’hydroxyde de sodium sur une solution d'acide
borique conduit non pas à l'orthoborate, mais au tétraborate de so-
dium :
2NaOH + 4H,BO, = Na,B,0, + 7H:0
En présence d'un excès d’alcali, le tétraborate formé se transfor-
me en métaborate de sodium:
Na,B40, + 2NaOH = 4NaBO, + H:30
L’acidification des solutions de tétraborates ou de métaborates
donne, au contraire, de l'acide orthoborique :
Na.B,0; + H,S0, —= Na,S0, + H:B,0;
H,B,0; + 9H,0 = 4H,B0;
On s’en sert dans la pratique pour obtenir l'acide borique.
On applique ce dernier en médecine comme désinfectant, ainsi
320 CARBONE. SILICIUM, BORE , (CH. XI
que pour tanner le cuir et préparer certains peintures et émaux.
Parmi les sels des acides boriques, c’est le fétraborate de sodium
Na,B,0: (borarx) qui présente la plus grande valeur pratique.
On l’isole à partir de ses solutions dans l’eau sous forme de gros cristaux
incolores de composition Na,B,0,-10H,0. En élevant progressivement la tem-
pérature, on voit d’abord partir l’eau de cristallisation, après quoi le borax
fond en une masse vitreuse transparente. A l'état fondu le borax réagit sur
divers oxydes métalliques, donnant des sels doubles colorés de l’acide métabori-
que :
Na,B,0, + CoO = 2NaBO, + Co(BO:), = Na,Co(BO:),
bleu
Cra03 + 3Na.B,0, = Na,Cr:(BO;)a
vert
L'aptitude du borax fondu à dissoudre des oxydes métalliques
détermine son emploi dans le brasage de métaux: on recouvre de
borax l'endroit à braser et. dès qu'on y touche avec un fer à souder
bien chauffé, l’oxyde métallique se dissout dans le borax, la surface
métallique s’en trouve débarrassée et la brasure v adhère parfaite-
ment. La chimie analytique utilise aussi, parfois, cette propriété
du borax, pour découvrir quelques métaux dont les oxydes donnent,
avec le borax, une coloration caractéristique. Le borax s'emploie
également dans les glaçures appliquées sur la vaisselle en porcelaine
et en faïence, dans la fabrication de verre de haute qualité, de pein-
tures-émaux ignifuges, de savons et de détergents.
CHAPITRE XII
COMPLEXES
$ 102. Théorie de la coordination de Werner. Vers la fin du XIX®Ss.,
les chimistes s’aperçurent de l'existence de nombreux composés
complexes, inexplicables du point de vue des notions sur la valence
qui régnaient à l’époque. Ces composés furent baptisés complexes.
En 1893, le chimiste suisse Alfred Werner formula sa théorie qui
expliquait la structure et certaines caractères des complexes. C'était
la théorie de la coordination (d’où l’autre nom des complexes com-
posés de coordination).
On savait que le sel CoCl, (où toutes les valences de l’ion cobalt
sont saturées) était capable de fixer une à six molécules d’ammoniac,
formant des composés bien stables et bien caractéristiques, tel
CoCl,-6NH;. On savait aussi que les sels Fe(CN), et KCN pouvaient
se réunir en une molécule complexe, Fe(CN);-3KCN. Une des pre-
mières définitions données aux complexes fut donc la suivante:
Le complexe est un produit de combinaison de composés
simples capables d’exister individuellement.
Cette définition phénoménologique fut donnée, notamment, par
Lev Tchougaïev.
Dans un complexe, tel que CoCIl,-6NH; ou Fe(CN).-3KCN, les
caractères de ses constituants se trouvent sensiblement modifiés ou,
même, ne se manifestent pas du tout. Ainsi, aucun réactif analyti-
que connu n'indiquera la présence d'ions Co* et d’ammoniac libre
dans une solution aqueuse de CoCIl,-6NH;. Dans la solution de
Fe(CN);-3KCN, on n'arrive pas à découvrir ni l'ion Fe* ni l’ion
CN-
Le sulfate de chrome (III) et les sulfates alcalins forment, par
cocristallisation à partir de leur solution dans l’eau, des sels doubles
dits aluns: M,SO,-Cr,(S0,)::24H,0 (M = ion alcalin). Mais
les aluns se dissocient en leurs constituants dès qu'on les a dissous
dans l’eau: on ne les considère donc pas comme des complexes. Vu
l'existence de tels composés, on rajouta à la définition ci-dessus cette
précision :
| Les complexes existent à l’état solide comme en solution.
21—01151
322 COMPLEXES , (CH. XII
La théorie de Werner portait, principalement, sur les complexes
métalliques des éléments d (éléments des décades intercalaires). Ces
derniers temps, la théorie de la coordination s'applique de plus en
plus aux combinaisons des non-métaux et il existe déjà une chimie
des complexes des éléments normaux (non transitionnels).
Selon la théorie de Werner, c’est l’ion métallique qui occupe la
position centrale dans un complexe (l'ion cobalt (IIT1) dans le com-
posé CoCi,-6NH;). On l'appelle ion central ou atome central. Autour
de l’ion central sont disposés (coordinés) les ligands (coordinats) —
molécules ou groupes acides:
"NH: NHs NHs73+ "CN CN CN3-
Colll NLe14
Pl NK / | NX
UNH, NHs NH: CH CN CN
La coordination des ligands autour de l'ion central est le trait
distinctif des composés de coordination (complexes).
On appelle coordinence (indice de coordination) le nombre des li-
gands disposés autour de l'ion central. Dans les ions complexes con-
sidérés, l’hexaammine-cobalt (III) et le cyanoferrate (III). les coor-
dinences sont égales à six. L’ion complexe (sphère interne d'un com-
plexe) est constitué par l'ion central et les ligands (coordinats) qui
l'entourent. En représentant un composé de coordination, on met
entre crochets l'ion complexe: [Co(NH:),]°* ou {Fe(CN).l5-. Les
autres constituants d'un tel composé sont disposés en dehors
des crochets. Ainsi, les formules des complexes CoCIl,-6NH, et
Fe(CN):-3KCN s'écriront {Co(NH:),1Cl; et K:ÏFe(CN),l. La charge
totale des ions de la sphère externe doit être égale en valeur et con-
traire en signe à la charge de l'ion complexe:
07 K+
[Co(NH3)61°*CI- K*{Fe(CN)s]
cr K+
Une des idées principales de la théorie de Werner consistait
ce que le nombre de ligands d’un ioncomplexe devait égaler six
ou quatre. Fait remarquable, ces coordinences se manifestaient pour
des ions métalliques présentant de fortes différences de valence, de
charge et de rayon. Cette généralisation contribua beaucoup à la
reconnaissance de la théorie de la coordination. Cela permettait
de prédire aisément la structure et les propriétés de composés nou-
vellement obtenus. Cependant. déjà à l’époque, on connaissait des
complexes possédant une coordinence autre que six ou quatre. Tels
sont, par exemple, les composés du molybdène Na,{Mo(CN),] ou de
l'argent [Ag(NH.),lCI dont les coordinences valent respectivement
8 et 2.
Ss 102] THÉORIE DE LA COORDINATION DE WERNER 323
Il se peut que les ligands d'un ion complexe soient de nature
différente, par exemple NH, et CI-. La théorie de la coordination
permet de prévoir sans difficulté la structure des composés de coor-
dination correspondants en tenant compte de la constance de l’in-
dice de coordination. Ainsi, les composés du platine (II) sont tétra-
coordinés (leur coordinence est quatre). Alors les composés stæ-
chiométriques PtCIl,-4NH;, PtCL-3NH;, et PtCIL,-2NH; peuvent
s’écrire comme suit: TPUNH;)lCL, [Pt(NH;);,CI]CI et [PUNH:)2Cl).
Il est possible de poursuivre la substitution des molécules d'am-
moniac de l’ion complexe par les ions chlorure suivant les réactions
K[PINH,CI,] + KCI = K,[PtCL,] + NH,
On voit donc que les complexes peuvent être cationiques, dont
l'ion complexe est un cation, anioniques où l’ion complexe est un
anion, ou non électrolytiques, comme [Pt(NH;),CL].
La charge d’un ion complexe est égale à la somme algébrique
des charges (degrés d’oxydation) de ses constituants. Ainsi, la charge
de l'ion {Pt2+(NH.)CI,]- est égale à —1 (somme algébrique
+2 + 0 + 3(—1) — —1. Connaissant la charge de l’ion complexe,
il est facile de calculer la charge (degré d’oxydation) de l’atome
Es 0 -
central. Dans le complexe {Co(NH;),(NO,).CI, l’ion complexe a la
charge +1, car le complexe entier est neutre, alors que l’ion chlorure
porte la charge —1. On en déduit la somme algébrique x + 4-0 +
+ 2(—1) = +1, d'où x = +3.
A l'état dissous, les complexes se comportent en électrolytes
forts. Ils se dissocient complètement en cations et anions:
[PU(NH,)4ICL —+ [PU(NHS) + + 2C1-
K.{PtCI,] — 2K+ + [PtCI,}2-
Une telle dissociation est dite primaire.
Mis en solution, l’ion complexe conserve son caractère d’un tout
unique. Les propriétés de ses constituants (ions et molécules) diffè-
rent sensiblement de celles qu'ils ont à l’état non complexé. Par contre
les ions « externes » ne changent pas: ceux de [Pt(NH;),ICL, sont
identiques aux ions chlorure dans CaCl, et ceux de K,{PtCl,] aux
ions potassium dans K,SO,. La dissociation secondaire a lieu lors-
que des ligands quittent l'ion complexe :
[PtCI,2- æ PLCI; + CI-
La dissociation secondaire s'effectue par stades, car l'ion {PtC1,]*-
est un électrolyte faible. Nous avons parlé des constantes d’équi-
libre qui caractérisent l'équilibre des solutions d’électrolytes faibles.
Dans le cas des complexes, ces constantes s’appellent constantes
o1*
324 COMPLEXES ‘ [CH. XII
d’instabilité *. Pour le premier stade de dissociation de l'ion [PtCl,l?-,
la constante d'’instabilité a la forme:
— [PtCI:][Cl-]
#7 [PtCI£-]
La constante d’instabilité est d'autant plus faible que le com-
plexe est plus stable (qu’il est moins dissociable). Le deuxième,
le troisième et le quatrième stade de dissociation s'expriment par
les équations et les constantes d'instabilité suivantes:
PLCI; æ PICI,+CI- = CLIN]
[PtCl;]
= : [PtCI+}(CI-]
PICI, = PICHC ko
: - [Pt2+][C1"]
+ 2 —
Le produit des constantes d’instabilité correspondant à chaque
stade de la dissociation donne la constante totale d'’instabilité
d’un complexe:
K = kkkska
Pour l’ion [PtCl,l?-, l'expression de cette constante se présente
comme suit:
__ [Pt?+][Ci]
dE [PtCIS-]
En solution, les positions vacantes autour de l'ion central seront
occupées par des molécules de solvant. La dissociation des ions
complexes en solution est donc, au fond, une réaction de substitu-
tion qu’il conviendrait mieux d'écrire de la façon suivante:
(PtCl,]2- + H,0 = [PtCl,H,0]- + CI-
[PtCI,H,0]- + H,0 =+ [PtCl,(H:0),1° + Ci-
[PtCL,(H,0),1° + H,0 = [PtCI(H.0),l* + Ci-
[PtCI(H,0),]* + H:,0 = [Pt(H,0),41°* + Ci-
Parfois, en représentant de façon schématique l'équilibre dans
une solution, on n'écrit pas les molécules du solvant, mais leur pré-
sence est toujours sous-entendue. On écrit donc souvent PtClz à la
place de [PtCI:H,0]- ou PtCl, à la place de {PtCI,(H:0),l. Cette
écriture conventionnelle des particules complexes en solution a
nécessité l'introduction du terme ligandité. Si l'indice de coordina-
tion des complexes du platine (II) demeure toujours égal à 4, la
ligandité de {PtCI,;H,0]-en solution vaut trois, celle de {PtCI,(H:0}]
deux.
* La grandeur inverse à la constante d’instabilité est dite constante de stabi-
lité (ou degré de perfection) d'un complexe.
& 103] NOMENCLATURE DES COMPLEXES 325
En phase solide, les complexes ont également tendance à con-
server constant leur indice de coordination. Ainsi, lorsqu'on chauffe
le composé {Pt(NH;),ICL, une molécule d'ammoniac quitte l'ion
complexe :
[Pt(NH;)4lCls = [PUNH;),ICL, + NH,
Le site qu'elle a laissé vacant sera occupé par un ion venant de la
sphère externe :
[Pt(NH3)slCls = [Pt(NHs),CIICI
L'étape suivante de la transformation thermique peut s’écrire,
sous sa forme totale, comme suit:
[Pt(NH,).CI]CI = [PL(NH,),CL] + NH,
Un des mérites de la théorie de la coordination est d’avoir in-
troduit, en chimie minérale, des représentations structurales. A
l’époque où l’étude aux rayons X était encore inexistante, la théorie
de la coordination avait permis de justifier la structure spatiale de
plusieurs complexes connus. En se servant du principe que l’on ap-
plique à la déduction des structures stériques des composés carbo-
nés, Werner vint à la conclusion que les complexes hexacoordinés
avaient une structure octaédrique
et que les complexes tétracoordinés étaient carrés ou tétraédriques:
À
2 N
$ 103. Nomenclature des complexes. La nomenclature des com-
plexes la plus usitée est celle recommandée par l’Union internatio-
nale de Chimie pure et appliquée (IUPAC). En français, on com-
mence par nommer l’anion, puis le cation. S'il s'agit d'un non-
électrolyte, on le désigne par un seul mot. Le nom de l’atome central
est suivi de l'indication de son degré d’oxydation en chiffre romain,
entre parenthèses. Un ligand neutre a le même nom que la molécule,
les ligands-anions sont affectés de la terminaison o. On nomme
d'abord les ligands négatifs, puis neutres. Le nom de la molécule
d'eau coordinée se termine également par 0. On indique le nombre
326 COMPLEXES [CH. XII
de ligands par les préfixes di, tri, tétra, penta, hezxa, etc. Le préfixe
mono est généralement omis. Le nom de l’ion complexe s'écrit en
un mot: chlorure d’hexaammine-cobalt (111) {Co(NH;),iCl:; chlorure
d’aquopentaammine-cobalt (III) {Co(NH:),H,O0ICI,; dibromodiam-
mine-platine (11) {Pt(NH:).Br,l; trinitrotriammine-cobalt (III)
{Co(NH3)s(NO:)s] -
Le mot ammine (avec deux m) ne s'applique qu’à l’ammoniac.
Pour toutes les autres amines on n’emploie qu’un seul m.
Lorsque l’ion complexe est un anion, on affecte son nom de la
terminaison ate :tétrachloropalladate (II) d'ammonium (NH,),{[PtCl,];
pentabromoammineplatinate (IV) de potassium K{PtNH,Br,l.
Dans le cas où les ligands sont des molécules complexes et, sur-
tout, lorsque leur nom comporte déjà des préfixes (di, tri, etc.), leur
nombre est indiqué à l’aide des préfixes bis, tris, tétrakis et ainsi de
suite, par exemple: nitrate de dichloro-bis-(éthylènediamine)-
cobalt (III) {Co(NH,C,H,NH,),CIL,INO;. Le nom d'un tel ligand est,
usuellement, mis en parenthèses.
Lorsqu'un ligand lie deux ions centraux, on fait précéder son
nom de la lettre grecque pu:
H:
N
D
(NH;3),Co Co(NHs)a | (NO;)4 nitrate d'octoammine-u-amido-u-
à hydroxodicobalt (III)
Les ligands formant pont sont nommés en dernier lieu.
La nomenclature permet de décrire la structure spatiale des com-
posés de coordination. On en parlera au paragraphe suivant.
$ 104. Isomérie des complexes. On appelle isomères les composés
ayant la même composition quantitative et qualitative, la même
masse moléculaire, mais des propriétés chimiques et physiques
différentes. Le phénomène d’isomérie a toujours joué un grand rôle
dans la création et le développement des théories visant à expliquer
la structure de composés chimiques. Les faits expérimentaux qui
témoignaient de l’existence de composés isomères avaient beaucoup
contribué à fonder la théorie de la coordination.
On dénombre plusieurs types d’isomérie. Nous n’en considé-
rerons que les plus répandus.
Isomérie géométrique. La possibilité d’une isomérie géométrique
des composés de coordination découlait logiquement des repré-
sentations spatiales. Si l’on admet que les composés hexacoordinés
ont la forme d’un octaèdre, il s'ensuit que les complexes de compo-
sition MA,X, formeront des couples d’isomères, dont on peut
& 104] ISOMÉRIE DES COMPLEXES 327
représenter la structure de la façon suivante :
A X
A X A A
A À A A
A X
isomère cis isomère trans
Cis veut dire « à côté » et trans, signifie « de part et d'autre ».
En effet, dans l’isomère cis les deux ligands X se trouvent l’un à
côté de l’autre, alors que dans l’isomère trans ils sont disposés de
part et d'autre du plan de la molécule.
La nomenclature reflète la structure géométrique des complexes.
On ns . exemple, cis-Cr(NH;),Cl,ICI ou trans-K{Co(NH;), x
X (NO:);l.
L'existence de deux corps isomères de la composition {Pt(NH;),Cl;]
a permis à Werner d'attribuer aux complexes du platine (II) une
structure plane-carrée. En effet, la disposition tétraédrique des
ligands autour de l’atome central ne laisse aux composés de compo-
sition [MA,X,| qu’une seule forme possible :
Aucun déplacement des ligands À ou X ne modifiera cette structure
géométrique. Par contre, les complexes MA,X, possédant une struc-
ture plane-carrée peuvent présenter deux arrangements différents :
À A A X
isomère cis isomèrè trans
Isomérie des hydrates. L'exemple classique d’une telle isomérie
est le cas des cristallohydrates de CrCl;. La composition CrCl;-6H,0
répond à trois composés qui différent les uns des autres par leur
couleur et leur conductivité: [Cr(H,0),Cl:l, [Cr(H,0),CIICI, - H,0,
{Cr(H,0),C1,]CI-2H,0. Ces différences sont dues à la disposition des
molécules d’eau (tantôt à l’intérieur du complexe, tantôt, en partie,
sous forme d'eau de cristallisation).
328 COMPLEXES (CE. XII
Un autre exemple caractéristique de cette isomérie est fourni
par les complexes {Co(NH:),NO;KNO:),: H,0 et [Co(NH:),H,01] x
X (NO). Il est établi que, suivant les conditions, le cristallohydrate
peut se transformer en aquo-complexe ou inversement.
8 105. Règle des cycles de Tchougaïev. Effet de chélation. On connaît
depuis longtemps des complexes comportant des ligands dont la capacité de
coordination est supérieure à l'unité. On a remarqué il y a longtemps la stabilité
BRUGES des complexes que l'éthylènediamine forme avec le cobalt et le
platine.
L'éthylènediamine NH,CH,CH,NH, renferme deux groupes amine: elle
occupe donc deux sites de coordination. La divthylènettiomine
NH,CH,CH,NHCH,CH,NH, en possède trois, pouvant occuper trois sites de
coordination. Suivant le nombre de sites qu’ils occupent, les ligands sont mono-
dentés, bidentés, tridentés, et ainsi de suite. Notons qu'un ligand polydenté peut
PARAEIREE à la coordination avec une partie seulement de ses groupes fonction-
nels.
Naturellement, les groupes fonctionnels capables de former des liaisons
de coordination avec l'ion métallique peuvent être différents. Ainsi la glycine
(glycocolle) NH,CH,COOH est un bon ligand bidenté. Elle occupe un site
de coordination avec son groupe amine et un autre avec son carboxyle dépro-
tone :
Dans ce complexe, la giycine a donc à la fois le caractère d'un ligand neutre
et celui d’un reste acide. De tels ligands forment souvent des composés non
électrolytiques, peu solubles ou bien faciles à extraire à l’aide de solvants
peu polaires. Ces complexes ont trouvé un large usage en chimie analytique.
En 1906, Tchougaïev publie une monographie où l'on trouve, pour le
moins, deux découvertes de taille à enrichir la science chimique mondiale:
c'est, premièrement, l’énoncé de la règle des cycles et, deuxièmement, la des-
cription d’une détermination sensible du nickel à l’aide de la diméthylglyoxime.
La règle des cycles s'énonce comme suit:
Les complexes dont les ligands forment un cycle fermé, sont plus
stables que leurs analogues ne comportant pas de cycle. Les cycles les
plus stables sont ceux a cinq et à six chaînons.
Ainsi, des deux ions complexes analogues
CH, — NH, NH; —CH,7 a+ CH;NH; NH,CHs 7 2+
NN N
Cu Cu
A N
CH; — NH; NH,—CH,_ _CH»3NH; NH;,CHs_
c'est le np à éthylènediamine qui est le plus stable, car il renferme des
ligands à chaîne fermée (cycle pentagonal).
et
$ 105] REGLE DES CYCLES DE TCHOUGAYEV 329:
La réaction de Tchougaïev est bien connue en chimie analytique. Elle per-
met une détermination qualitative et quantitative des ions nickel (11) en solu-
tion par emploi d’un réactif organique, la diméthylglyoxime:
HO—N N—0OH
Le nickel (11) forme un complexe de couleur vive par interaction avec deux
molécules de diméthylglyoxime dont chacune a perdu un proton:
La stabilité de ce complexe est assurée par deux groupements cycliques-
rar Aujourd'hui. on sait qu’en plus des deux cycles pentagonaux
ormés par les azotes oximiques et l'ion nickel, le complexe en question possède-
deux cycles hexagonaux supplémentaires. formés à l’aide de liaisons hydrogène.
Tchougaïev a eu le mérite d’avoir lié, pour la première fois, la nature et
la stabilité des complexes à un groupement atomique concret du ligand organi-
que. Ces idées sont à l’origine de nombreuses études relatives à la synthèse-
et à l'emploi analytique des réactifs organiques et des complezones *. 11 est
bien naturel que les ligands aptes à former plusieurs cycles avec un même ion.
métallique, possèdent un pouvoir complexant particulièrement élevé. Les
complexones et la plupart des réactifs analytiques organiques donnent avec les.
ions métalliques des complexes polycycliques.
Des données quantitatives sur une meilleure stabilité des complexes à li-
gands polydentés par rapport aux monodentés n’ont été obtenues que vers les.
années 1940 : il s’agissait des valeurs des constantes d’instabilité des complexes
correspondants.
Les cycles formés par les ligands coordinés autour d’un ion métallique ont
été baptisés chélates (ce qui veut dire « pince »). Aujourd'hui, on appelle chélates
ou composés chélatés les complexes qui renferment de tels cycles. Par effet de-
chélation on entend la différence de stabilité entre les composés chélatés et les
composés analogues sans cycles. Ces termes et ces notions sont d’un usage très-
fréquent dans la littérature chimique.
* On appelle complezones les corps organiques à plusieurs groupes fonction-
nels dans la molécule. En agissant sur un ion métallique, elles forment plusieurs
cycles à la fois. Parmi les complexones les plus répandues figure l'acide éthy-
lènediaminetétracétique (EDTA):
/
HOOC—CH, CH,— COOH
330 COMPLEXES [CH. XII
$ 106. Liaison chimique dans les complexes. Il existe plusieurs
théories décrivant la liaison chimique dans les composés de coor-
dination. dont celle des liaisons de valencè présente le mérite d’être
concrète et simple, quant à ses principes fondamentaux. Nous ne
<onsidérerons donc que cette théorie.
L'interaction donneur-accepteur entre les ligands et l'atome
<entral joue un rôle important dans la formation d'un composé de
Coordination. C'est l'ion métallique qui est. le plus souvent, accep-
teur, car il possède des orbitales vacantes. Les éléments des décades
intercalaires (éléments d) doivent être particulièrement riches en
orbitales vacantes, si l’on tient compte de leurs orbitales d.
Certaines définitions des complexes reflètent directement le
rôle important de l'interaction donneur-accepteur entre l'atome
central et les ligands. Ainsi, selon le chimiste soviétique Nekrassov,
les complexes sont les composés qui se forment à partir de leurs cons-
tituants, sans qu'il y ait apparition de nouveaux doublets électro-
niques. D’autres chimistes appellent composé de coordination le
produit d'association d’un ion métallique et d’un donneur d'élec-
trons.
La théorie des liaisons de valence se fonde pour beaucoup sur
la conception d'hybridation des orbitales atomiques que l’on doit
essentiellement, comme nous l'avons déjà dit, à Pauling. Cette
conception permet d'interpréter les formules structurales d’une
Feb simple, en termes de la méthode des liaisons de valence
(v. $ 22).
Examinons la structure de l’ion complexe [Ag(NH:).]* du point
de vue de la méthode LV. L'ion argent a la configuration électroni-
que suivante:
4d 5s 5p
CU U LEUR EE
Cet ion possède sur sa couche de valence des orbitales vides
qui se comportent en accepteurs de paires d'électrons:
4d 5s SF
CDD ELLE EEE
NH, NE,
Les orbitales 5s et 5p de l’ion Ag* forment deux orbitales hybri-
des sp. Le recouvrement des orbitales de l'atome central avec les
orbitales des molécules d’ammoniac peut être représenté comme
& 106] LIAISON CHIMIQUE DANS LES COMPLEXES 331
suit :
HAN +
NZ DE
On traite de façon analogue la structure de l'ion complexe
{PL(NH;),°*:
Sd üs 6p
pe Gone (AAA 4 TT T1
Pour former des liaisons solides, il est énergétiquement avan-
tageux de libérer une des orbitales 54 par appariement d'électrons
| 5d 6s 6p
Pt**_ (ion complexe) LULU
od 6s Gp
CUCDCATEPAENENSTES
NH; NH3 NH NEs
[ee cnH,),]"
Une orbitale 5d, une orbitale 6s et deux orbitales 6p donnent
quatre orbitales hybrides dsp*. Ces orbitales étant orientées vers
les sommets d’un carré, la configuration de l’ion complexe est plane-
carrée :
HN NH,
Pt
HN NH,
Le ligand dont l'atome donneur possède, dans sa couche de va-
lence, des doublets d'électrons et des orbitales vacantes, peut être à
la fois donneur et accepteur. Supposons que dans un atome mé-
tallique l'orbitale d;:_,: est vacante et l'orbitale d,, est remplie.
Au cours de l'interaction atome de métal — molécule d'ammoniac,
le doublet de l’ammoniac s'installe sur l'orbitale d;s-,s Vacante du
332 COMPLEXES , (CE. XII
métal. Une liaison simple du type donneur-accepteur se forme entre
l'atome d'azote et l’atome métallique:
Dans la molécule de phosphine PH;, l'atome de phosphore dispose,
en plus d’un doublet électronique non partagé, d'orbitales d vacantes.
Cela permet au phosphore de former avec un atome métallique une
liaison donneur-accepteur ordinaire (phosphore —-’métal), ainsi qu’une
seconde liaison (métal + phosphore) qui résulte du déplacement du
nuage électronique de l’orbitale d,, du métal vers l’orbitale ana-
logue vacante de l'atome de phosphore :
Cette dernière liaison qui appartient également au type donneur-
accepteur, est souvent appelée liaison n dative. Les orbitales p peu-
vent également fournir des liaisons datives. Mais les orbitales d,
suite à leur orientation spatiale favorable, assurent un meilleur
recouvrement et, par conséquent, des liaisons plus résistantes.
CHAPITRE XIII
MÉTAUX
$ 107. Généralités. Il y a bien longtemps déjà, on divisait les
corps simples en métaux et non métaux. On considérait comme
métaux les substances malléables, à éclat « métallique ». Lomo-
nossov écrivait dans son ouvrage « Principes de la métallurgie »:
« On appelle métal un corps clair, dont le forgeage est possible. »
Au fur et à mesure que la chimie se développait, on trouva beau-
coup d’autres caractères distinctifs inhérents aux métaux. Une
diagonale tracée du bore à l’astate sépare la classification pério-
dique en non-métaux (en haut et à droite, excepté les éléments des
sous-groupes secondaires) et en métaux (en bas et à gauche). Les
éléments situés au voisinage de cette diagonale, tels Al, Ti, Ga, Nb,
Sb, ..., présentent des propriétés intermédiaires. Soulignons qu’une
limite nette entre métaux et non-métaux n'existe pas. Certains
éléments (Te, As, Sb, Ge) se comportent tantôt comme métaux, tan-
tôt comme non-métaux, suivant les conditions auxquelles ils sont
soumis.
Tous les métaux, à l'exception du mercure, sont solides dans les
conditions ordinaires. Ils sont opaques et possèdent l'« éclat métal-
lique » qui provient de leur faculté de réfléchir les rayons lumi-
neux tombant sur leur surface. Cette faculté est particulièrement
marquée chez l'argent et l’indium : ces deux métaux servent donc à
confectionner des miroirs ordinaires, ainsi que des miroirs pour
projecteurs, phares, etc. Les métaux ne gardent leur éclat que tant
qu'ils sont une masse compacte. À l'état finement dispersé, la plu-
part des métaux perdent leur éclat en devenant tout noirs. Les mé-
taux qui réfléchissent dans une mesure à peu près égale tous les
rayons lumineux du spectre visible, possèdent une couleur blanc
argent. L’aluminium et le magnésium gardent leur éclat même
réduits en poudre. L’aptitude à réflechir les ondes radio conditionne
leur emploi dans la radiodétection (repérage d'objets de toutes
sortes dans l'air, sur l’eau et sur le sol).
Les vapeurs des sels volatils de certains métaux confèrent à la
flamme d’un brûleur des colorations caractéristiques: violette pour
334 METAUX [CH. XIII
le potassium, jaune pour le sodium, rouge pour le strontium, rouge-
orange pour le calcium: c'est de là que partent les diverses mé-
thodes d’analyse spectrale qualitative et quantitative.
Tous les métaux conduisent la chaleur et l’électricité. Les meilleurs
conducteurs sont l’argent, le cuivre et l'aluminium. La conducti-
vité électrique des métaux dépend de la température: elle baisse
lorsque la température augmente. Les métaux présentant une bonne
conductivité électrique sont en même temps de bons conducteurs de
la chaleur.
Les métaux se caractérisent par certaines propriétés précieuses :
ductilité, élasticité. résistance mécanique. Ils peuvent changer leur
forme sous pression, sans se détruire. Cette propriété des métaux permet
de les laminer ou de les étirer en fil. La résistance et la ductilité
des métaux sont fonction de la température : lorsque la température
augmente, la résistance diminue et la ductilité croît. Les métaux dif-
fèrent nettement les uns des autres par leur dureté. Ainsi. le potas-
sium et le sodium sont des métaux mous (on peut les couper avec
le couteau). Le chrome est presque aussi dur que le diamant : il laisse
des traces sur le verre. La température de fusion et la densité des
métaux varient, aussi. très considérablement. C'est le mercure qui
a le point de fusion le plus bas (—38,87 °C), tandis que le tungstène
fond à 3370 °C. La densité du lithium est égale à 590 kg/m® et celle
de l’osmium à 22 480 kg/m*. Le comportement vis-à-vis d'un champ
magnétique varie également suivant les métaux. On distingue dans
ce cas trois groupes de métaux:
métaux ferromagnétiques qui s'’aimantent sous l’action d'un champ
magnétique faible (fer, cobalt, nickel et gadolinium);
métaux paramagnétiques qui ne s'aimantent que faiblement
(aluminium, chrome, titane et la plupart des lanthanides);
métaux diamagnétiques qui ne sont pas attirés par un aimant et
qui en sont même légèrement repoussés (bismuth, étain, cuivre, etc.).
A l’état libre, 82 éléments sur 104 possèdent des propriétés phy-
siques générales caractéristiques des métaux. Îl est naturel de sup-
poser que les atomes de ces éléments présentent des analogies de
structure. Les atomes des éléments des sous-groupes principaux
des groupes Ï à III portent peu d'électrons sur leur niveau énergé-
tique périphérique (1-3) et, tendant à recouvrer un état plus stable
(la structure des atomes des gaz rares), abandonnent assez facile-
ment ces électrons en devenant des ions positifs. Cette particularité
conditionne la structure originale du réseau cristallin des métaux,
constituée d'ions positifs et d’atomes neutres occupant les nœuds du
réseau. Entre les nœuds on trouve des électrons qui n’appartiennent
à aucun atome déterminé. Les faibles dimensions des électrons leur
permettent de se déplacer plus ou moins librement à l’intérieur du
cristal métallique, en passant d’un atome ou ion à un autre atome
ou ion. Lorsque ces électrons se rapprochent suffisamment d’un
$ 108] PROPRIÊTES CHIMIQUES DES METAUX 335-
ion, on assiste à la formation d'un atome neutre qui ne tarde pas
à se décomposer de nouveau en ions et électrons. Le cristal métallique-
présente donc un certain équilibre
Me'+ + ne = Me?
où z est la multiplicité de la charge ionique.
Les propriétés caractéristiques des métaux découlent de leur
structure. Les électrons remplissant l’espace interatomique réflé-
chissent les rayons lumineux, d’où l'opacité et l'éclat du métal.En
a) b) C)
06® O0 2,09
CROIS 80€ @0
06 0®@0 0®0
Fig. 68. Déplacement des couches dans les réseaux crsitallins atomique (a),
ionique (b) et métallique (c) sous l'effet d'une action mécanique appliquée-
à un corps solide
se déplaçant à l’intérieur du réseau cristallin, les électrons assurent
le transport de l'énergie calorifique entre les couches chauffées et
froides. Le mouvement chaotique des électrons est régularisé par
l’action d'une tension électrique appliquée: ainsi le métal conduit
l'électricité. Une élévation de la température du métal fait croître
les amplitudes des vibrations des atomes et des ions qui occupent
les nœuds du réseau spatial. Cela gène le déplacement des élec-
trons et la conductivité électrique baisse.
Une propriété bien précieuse des métaux consiste à pouvoir se
déformer sans destruction, tandis que les solides à réseau atomique
ou ionique (diamant, chlorure de sodium et autres) sont détruits
par martelage. Lorsqu'on soumet à un effort mécanique un solide
à réseau atomique. ses différentes couches se déplacent les unes par
rapport aux autres, se détachant par suite de la rupture des liaisons
covalentes. La rupture des liaisons dans un réseau ionique provoque
une répulsion réciproque des ions à charges de même nom. Bien
qu'une contrainte mécanique fait déplacer les différentes couches
du réseau spatial des métaux, leur cohésion est conservée, car les
électrons peuvent toujours se redistribuer (fig. 68).
$ 108. Propriétés chimiques des métaux. Les métaux cèdent plus
ou moins facilement les électrons de la couche périphérique, en
formant des ions à charge positive. A la différence des non-métaux,
les atomes métalliques ne fixent pas des électrons pour devenir des
336 MÊTAUX , [CH XI
ions négatifs. Cela permet de les considérer comme éléments électro-
positifs et réducteurs. L'aptitude à céder des électrons varie d'un
métal à un autre. Un métal cède des électrons au cours des réactions
Chimiques d'autant plus facilement (son pouvoir réducteur est d’au-
tant plus élevé) que son atome en possède moins sur son niveau
énergétique externe. Ainsi, les métaux du sous-groupe principal du
groupe Ï, dont les atomes ne portent qu'un seul électron sur le niveau
périphérique, sont les réducteurs les plus énergiques. L’aptitude des
atomes métalliques à céder des électrons est particulièrement mani-
feste dans les réactions de déplacement réciproque de métaux de
leurs sels en solution. Ainsi, le fer se dissout aisément dans une
solution de sulfate de cuivre en réduisant les ions cuivre:
——— 920 ———
4 +2 )
Fe + CuSO, = FeSO, un Cu
Nombreux sont les métaux qui déplacent l'hydrogène des acides.
Presque tous les métaux réagissent sur l'oxygène de l’air. Beau-
Coup donnent cette réaction dans les conditions ordinaires, surtout
en présence d'humidité. Certains métaux ne sont oxydés par l'oxygène
de l’air qu'à température élevée et quelques-uns ne le sont pas même
à très haute température. Dans ce dernier cas, il s’agit des métaux
dits nobles: or, platine, palladium et autres. On ne peut obtenir les
oxydes de ces métaux que par voie indirecte.
Les métaux les plus actifs (alcalins et alcalinoterreux) agissent
sur l’eau même dans les conditions ordinaires. On peut juger de l’ac-
tivité d’un métal en considérant son potentiel normal d’électrode
{v. p. 126). Les métaux peu actifs (Cu, Hg, Ag, Au, etc.) ont des
potentiels d’électrode positifs, alors que les potentiels des métaux
plus actifs sont négatifs.
; v les valeurs des potentiels d’électrode de quelques métaux
{en :
<— Augmentation du pouvoir réducteur des atumes métalliques
Li | Cs K | Na Mg |A Zn | Fe
—3,04 | —3,01 | 2,0 | -2,8 | —2,71 | 2,5 | 4,6 | 0,76 | —0,44
Lit | Cst | K+ | Ca* | Na+ | Me’ | Al5* | Zn°* | Fe®+
Augmentation du pouvoir axydant des ions métalliques —>
$ 108] PROPRIÊTÉS CHIMIQUES DES MÊTAUX 3317
<— Augmentation du pouvoir réducteur des atomes métalliques
H:
Ni | Sn | Pb Cu
Ag | He Au
—0,25 | —0,14 | 0. | 0,00 | 0,34 | 0,80 | 0,86 | 1,50
N?+ Sn°* Pb=* 2H* Cu?* AuS*
Ag* | Hg°*
Augmentation du pouvoir oxydant des ions métalliques —>
La série de tensions fournit une idée de l’ordre suivant lequel
les ions métalliques se déchargent au cours de l’électrolyse. Ainsi,
les ions cuivre sont beaucoup plus faciles à décharger que les ions
fer. La série de tensions permet également de juger de l’aptitude
des métaux à se dissoudre dans les acides et à déplacer les autres
métaux de leurs sels en solution. La série de tensions caractérise le
pouvoir réducteur des métaux et le pouvoir oxydant de leurs ions.
Le pouvoir réducteur d’un métal est d’autant plus élevé et le pouvoir
oxydant de ses ions l'est d'autant moins que la valeur algébrique
de son potentiel est plus basse. Parmi les métaux figurant ci-dessus,
le lithium métallique est le réducteur le plus fort et l'or. le plus
faible. Inversement, Li* est l’oxydant le plus faible et AuS*,l’oxy-
dant le plus fort.
Il ne faut pas oublier que la série de tensions ne permet de juger du
pouvoir réducteur ou de l’activité chimique des métaux que dans
le cas des réactions d'oxydoréduction se déroulant en milieu aqueux.
« A sec », le césium est notablement plus actif que le lithium. Ainsi,
le césium s’enflamme spontanément à l'air, ce qui n’est pas le cas
pour le lithium. Dans les réactions, le sodium est plus actif que
le calcium. Cela est conforme à leurs situations respectives dans la
classification périodique. Pourtant, en milieu aqueux, le pouvoir
réducteur du sodium est inférieur à celui du calcium, si l’on en juge
d’après leurs tensions rédox. Bien que Cs* et Li* aient les mêmes
charges, le rayon de Li* est considérablement moins important (l’ion
lithium ne renferme qu'une seule couche électronique, tandis que
l'ion césium en possède cinq). Voilà pourquoi l'attraction exercée
sur les molécules polaires d'eau par un ion lithium se trouvant à
la surface du métal est plus forte que celle exercée par un ion césium.
Cela favorise la dissolution du lithium. Par conséquent, la varia-
tion du pouvoir réducteur de ces métaux en milieu aqueux ne corres-
pond pas à la variation de leur activité à l’air.
Il découle des valeurs des potentiels d’électrode que tous les
métaux situés à gauche de l'hydrogène dans la série de tensions doi-
22—01151
338 MÉTAUX _ [CH. XII
vent le déplacer des acides dilués. Pourtant, en pratique, ce dé-
placement ne se réalise pas toujours. Le plomb ne se dissout pas
dans l’acide sulfurique dilué, bien qu’il précède l'hydrogène dans
la série de tensions. La réaction débute suivant le schéma
Pb + H.S0,—+ PbSO, + Hot
mais ne dure pas longtemps, car le plomb métallique se revèt d’une
couche protectrice de sel PbSO,, peu soluble, qui interdit l’accès
de la surface du plomb aux ions hydrogène.
L’activitéchimique considérable des métaux (susceptibilité à l’oxy-
dation par l'oxygène de l’air, interaction avec l’eau et les acides,
ainsi que, pour certains métaux, avec les alcalis, interaction avec
des solutions de sels) fait que les métaux ne se rencontrent dans
l'écorce terrestre que, principalement, à l’état combiné: oxvdes,
sulfures, sulfates, chlorures, carbonates.
On ne trouve à l’état libre que les métaux situés à droite de
l'hydrogène dans la série de tensions (argent, mercure, or, platine
et certains autres). Ces métaux (tel l’or) peuvent être tirés des roches
par voie mécanique.
$ 109. Extraction des métaux de leurs minerais. La plupart des
métaux sont produits par traitement chimique approprié de leurs
composés faisant partie des roches (minerais).
On appelle minerai une formation minérale naturelle qui cou-
tient des métaux en telles combinaisons et concentrations qui justi-
fient, techniquement et économiquement, l'extraction des métaux
purs. Les minerais dont on n'extrait qu'un seul métal, sont appelés
simples ou monométalliques (minerai de fer). Les minerais fournissant
plusieurs métaux sont dits complexes, tels les minerais plombo-zincifè-
res. Des minerais complexes on tire parfois des métaux rares.
On distingue, de plus, des groupes de minerais suivant l'oxydant
auquel le métal s'y trouve combiné. D'après ce critère les mine-
rais sont subdivisés en oxydés, carbonatés, phosphatés. silicatés,
alumosilicatés, sulfurés, halogénés. Les minerais oxydés simples sont
constitués par des minéraux tels que le rutile TiO,, la pyrolusite
MnO,, la cassitérite SnO...
Outre les minerais oxydés simples, on rencontre dans la nature
des minerais orydés composés qui comportent des combinaisons de
deux oxydes, dont l'un à caractère basique et l'autre à caractère
amphotère ou acide. Ainsi, la magnétite (ferroferrite) Fe;0, est cons-
tituée d’un oxyde basique, FeO, et d'un oxyde amphotère, Fe,03.
+2 +3
Par conséquent, Fe:0, ou FeO:-Fe,0;, est un oxyde mixte qui est
+2 +3
en même temps un sel : FeO + Fe,0;, — Fe(FeO.),. Le minerai oxydé
composé qui renferme le minéral Fe(CrO,), ou FeO-Cr,O; (chromite)
fournit l'exemple d’un autre oxyde salin (sel de l'acide chromeux).
& 109] EXTRACTION DES METAUX DE LEURS MINERAIS 33%
Les combinaisons oxyde métallique-oxyde non métallique que
l’on rencontre dans la nature, sont! aussi des sels d'acides déterminés.
(CaO-CO, ou CaCO; par exemple).
Les minerais carbonatés comportent des oxydes métalliques com-
binés à l’oxyde de carbone (IV): MeO:CO.. Dans cette catégorie,
on trouve les minerais constitués de minéraux tels que la magnésite
MgCO;, la sidérite (fer spathique) FeCO;, la malachite CuCO,; - Cu(OH)..
Les roches sulfatées et phosphatées qui comportent des sels des
acides sulfurique et phosphorique, ne sont pratiquement pas uti-
lisées pour obtenir des métaux, car là il est très difficile d'extraire le
métal pur (il renfermera toujours du soufre ou du phosphore qui
ont un effet négatif sur la qualité du métal).
Les roches silicatées et alumosilicatées contenant des sels d’acides
polvsiliciques, se caractérisent par leur stabilité remarquable. On
n’en extrait que les métaux que l’on ne trouve pas dans la nature
sous forme d’oxydes ou de sels d’autres acides.
Les minerais sulfurés comportent des sulfures et des polysulfures.
Ces minerais sont constitués par les minéraux tels que la pyrite Fes,,
la chalcopyrite (pyrite à cuivre) CuFeS,. la sphalérite (blende de zinc}
ZnS, la galène (plomb sulfuré ou blende cristallisée) PS.
Dans les minerais halogénés, on trouve le plus souvent des sels de
l'acide chlorhydrique: l’halite (sel gemme ou chlorure de sodium)
NaCI, la sylvine KCI, la carnallite KCI-MgCl,-6H,0. On en extrait
des métaux légers.
C'est le processus de réduction qui permet d'isoler les métaux
de leurs combinaisons contenues dans les minerais:
Me'* + ne — Me? (Me = métal)
Les procédés dont on se sert pour obtenir un métal à l’état libre-
à partir de ses minerais naturels, sont divers.
19 Méthode pyrométallurgique. C’est la réduction des métaux com-
binés à température élevée, à l'aide de charbon, d'oxyde de car-
bone (IV). d'aluminium ou d'hydrogène. On utilise la calcination
en présence de carbone pour réduire l'étain de la cassitérite SnO,
ou le cuivre de la cuprite Cu,0O:
SnO;3 + 2C = Sn + 2C0 Cu,0 + C — 2Cu + CO
Les minerais sulfurés sont calcinés «en vase ouvert» et puis.
réduits à l’aide du charbon:
27nS + 30, = 2Zn0 + 2S0, ZnO + C — Zn + CO
| Dans le cas des minerais carbonatés, les métaux sont extraits:
également par carbonisation en présence de charbon. car ces mi-
nerais se décomposent à chaud, donnant des oxydes. Ces derniers se
réduisent par l’action du charbon:
MeCO, = MeO + CO, MeO + C — Me + CO
19e
-
340 MÊÉTAUX | [CH. XIII
Cependant, le charbon (coke) ne réduit que les métaux dont les
carbures ne sont pas très stables. Dans le cas contraire, on emploie
l'hydrogène :
WO, + 3Hs = W + 3H,0
Mo0O;3 + 3H, = Mo + 3H,0
L'extraction de tels métaux est également possible par métallo-
thermie: réduction d’un métal oxygéné par un métal plus actif,
ayant une plus grande affinité pour l'oxygène. Dans ce cas, on uti-
lise souvent l'aluminium dont l'oxyde se forme en dégageant une
grande chaleur (4Al + 30, = 2A1,0; -- 1676 kJ/mol). Seuls le
béryllium, le magnésium et le calcium sont supérieurs à l'aluminium
sous ce rapport.
Lorsque l'aluminium réagit sur un oxyde métallique présentant
une moindre chaleur de formation, la chaleur dégagée au cours de la
réaction est suffisante pour réduire le métal oxydé:
CroOs + 2A1 — 2Cr + ALO;
3MnO, + 4A1 = 3Mn + 2A1,0,
Un bon rendement en métal réduit est atteint lorsque la chaleur
dégagée au cours de la réduction est de l’ordre de 2310 kJ par kilo-
gramme de charge. Cette chaleur assure la fusion du métal et de la
charge.
2 Méthode hydrométallurgique qui consiste à extraire les mé-
taux à partir de leurs minerais à l’aide de réactifs (H,SO,, KCN,
etc.) donnant des combinaisons solubles dans l’eau. Les solutions
obtenues sont ensuite traitées de façon à en isoler le métal à l’état
libre. Ainsi, au cours du traitement à l'acide sulfurique dilué d'un
minerai renfermant CuO, le cuivre passe en solution sous forme de
sulfate :
CuO + H,S0, = CuSO, + H,0
Puis, on l’en extrait soit par électrolyse, soit en le déplaçant
du sulfate par le fer:
CuSO, + Fe = Cu + FeSO,
On utilise la même méthode pour préparer l'argent, le zinc, le
cadmium, le molybdène, l'uranium.
3° Electrothermie qui consiste à réduire les métaux légers actifs
(tels que K, Na, Ca, Mg, Al) des chlorures, oxydes ou hydroxydes
fondus par l'intermédiaire du courant électrique (électrolyse).
L'électrolyse sert également à purifier certains métaux.
On voit donc que tous les procédés d'obtention des métaux à par-
tir de leurs combinaisons sont basés sur des processus d’oxydoré-
duction.
$ 110] ALLIAGES 341
$ 110. Alliages. Les métaux purs ont beaucoup moins d’appli-
cations pratiques que leurs alliages. Cela est lié au fait que les allia-
ges ont souvent de meilleures caractéristiques techniques que les
métaux purs. Ainsi, le laiton (alliage de cuivre et de zinc) est sen-
siblement plus dur que le cuivre ou le zinc. En règle générale, les
alliages fondent plus bas que les métaux de départ. Les points de
fusion respectifs du sodium et du potassium valent 97,5 et 62,3 °C,
alors que l’alliage comportant 56 % (massiques) de Na et 44 %
(massiques) de K, fond à 19 °C. De même, les résistivités électriques
des alliages et des métaux qui les constituent présentent des écarts
considérables. Si la résistance spécifique du nickel est égale à 7:10-%
et celle du chrome à 15-10”*, sa valeur atteint 110-10-$ Q-cm pour
le nichrome, alliage qui comporte 80 % (massiques) de Ni et 20 %
(massiques) de Cr. L'industrie utilise aujourd’hui un grand nombre
d'alliages très divers à caractéristiques définies d'avance, obtenus
à partir d'une quarantaine d'éléments chimiques en différentes
combinaisons et proportions.
La possibilité même d'obtenir des alliages découle de la faculté
qu'ont les métaux fondus de se dissoudre l’un dans l’autre et de
former des mélanges en se solidifiant après refroidissement. Les cas
typiques suivants sont alors possibles.
1° Les métaux fondus sont miscibles entre eux en toutes pro-
portions en se dissolvant l’un dans l’autre de façon illimitée. C'est
le cas des métaux à réseaux cristallins de même type, ainsi que de
ceux dont les atomes ont des dimensions voisines. Le refroidissement
de tels mélanges conduit à la formation de solutions solides. Ce sont
Ag-Cu, Cu-Ni, Mn-Fe, Ag-Au, Pt-Au, par exemple.
2° Les métaux fondus sont miscibles en toutes proportions, mais
la masse solide qu'on obtient après refroidissement est constituée
de petits cristaux de chaque métal formant alliage. Ces cristaux sont
facilement observables à l’aide d’un microscope. Ce phénomène est
caractéristique des alliages Pb-Sn, Bi-Cd, Ag-Pb par exemple. Ces
alliages hétérogènes ne sont pas des solutions solides.
3° Mélangés, les métaux fondus entrent en réaction donnant des
combinaisons chimiques dites intermétalliques. C'est le cas, par
exemple, des métaux Cu et Zn, Zn et Hg, Ag et Zn, Na et Pb.
Généralement, les métaux ainsi combinés n’ont pas la même valence
que dans leurs combinaisons avec des non-métaux (Cu.,Sn, Zn:Hg,
Ag,2ns).
A chacun des types d’alliages ci-dessus répond une structure
déterminée du réseau cristallin. Dans le réseau cristallin d’une solu-
tion solide, les différents atomes se trouvent confondus. Certains
atomes du métal-solvant se voient remplacer, dans son réseau cristal-
lin, par des atomes du métal dissous. Ce phénomène a lieu lorsque
les atomes des deux métaux ont des dimensions voisines. Si la diffé-
rence est plus importante, les atomes du métal dissous occupent
342 MÊTAUX (CH. XIII
oo
‘non pas des nœuds du réseau cristallin, mais des sites intersti-
tiels.
L'industrie se sert très largement des alliages, vu la possibilité
-de faire varier leurs propriétés. L’incorporation de faibles quantités
de certains métaux rares revêt une grande importance, car ainsi
On obtient des alliages très durs, résistants et élastiques. Ainsi, en
incorporant seulement quelques millièmes de pour cent de chrome
à un acier ordinaire au carbone, on améliore très sensiblement sa
résistance et sa dureté. Le cuivre, le nickel et le fer, additionnés d’un
peu de béryllium, deviennent très durs.
$ 111. Corrosion des métaux. L'’interaction des métaux avec le
milieu ambiant conduit à la formation, à leur surface, de combi-
maisons à propriétés différant nettement de celles du métal en ques-
tion. Chimiquement, il s’agit là d’oxydoréduction.
On appelle corrosion le processus spontané et irréversible de des-
truction d’un métal qui engendre des combinaisons chimiques sous
T'effet chimique du milieu ambiant, tout en changeant les propriétés
physiques et chimiques du métal. La vitesse de la corrosion est
fonction de la nature du milieu. Dans l’atmosphère ordinaire, les
métaux sont détruits par l’action de l'oxygène, de l’azote, de la va-
peur d’eau ou de l’oxyde de carbone (IV). Dans l’industrie, les mé-
taux peuvent être attaqués par des substances plus corrosives: alca-
lis, oxydes d'azote ou de soufre, acides et halogènes. Si l’on tient
également compte des températures et des pressions élevées caracté-
ristiques des procédés industriels, on comprendra que dans ces condi-
tions la vitesse de la corrosion des métaux peut s’accélérer très no-
tablement.
Cependant, des métaux différents placés dans un même milieu,
n'ont pas tous la même stabilité à la corrosion. L’aluminium, l'étain,
le zinc, le plomb se recouvrent, dans l’atmosphère ordinaire. d'une
couche compacte qui leur évite le contact de l’air. Le fer se recouvre
à l’air d’une couche poreuse d’oxydes, hydroxydes et sels de fer,
perméable à l’air. Voilà pourquoi le fer est vite corrodé. En certains
milieux, la corrosion est possible même pour des métaux peu actifs
ou relativement inertes. Ainsi, l’argent noircit au contact d'un air
renfermant du sulfure d'hydrogène :
4AG +- 2H,S + O2 — 2Ag:S + 2H:0
On fait une distinction entre la corrosion chimique et la corrosion
électrochimique.
Corrosion chimique. Elle se produit en l'absence d’électrolytes et,
le plus souvent, à températures élevées, par transition directe d'’élec-
trons du métal à d’autres corps se trouvant dans le milieu ambiant.
&£lle peut résulter de l’action de la vapeur d’eau sur le métal, à tem-
g 111] CORROSION DES METAUX 343
ss)
pérature élevée :
3Fe + 4H,0 = 4H, + Fe,O,
en]
à +2 +3
2Fe-Fe + 4H,0=4H,-+Fe0-Fe.0;
+
soit
Le
On connaît deux variétés de la corrosion chimique.
1° La corrosion atmosphérique est due à l'effet des gaz de l’at-
mosphère (0,, N:, CO.) et d'impuretés accidentelles. La vapeur
d’eau (constituant de l’atmosphère) forme à la surface métallique
une fine couche d'humidité qui favorise la corrosion. Les équations
ci-après correspondent respectivement à la corrosion atmosphérique
du zinc, du lithium et du fer:
U— he
e +2-2
2Zn + O: au 2Zn0
— -6e SE
À +1 -3
6Li “+ N, — 2Li,N
2€
U +2 0
Fe + CO; + H:0 — FeCO; + H:
2° La corrosion par les gaz se produit au contact des gaz corrosifs
(SO;, CL, oxydes d'azote). Ainsi, dans les usines, les dépôts de loco-
motives, sur les ponts de chemin de fer, SO, s’oxyde dans la couche
humide à la surface métallique, donnant de l’acide sulfurique qui
détruit le métal. La corrosion est particulièrement rapide lors de
l'intervention du fluor ou du chlore:
ee
2Fe + 3C1l, —+ 2FeCls
—— 6e
Corrosion électrochimique. La corrosion de ce type est responsable
des plus grandes pertes de métaux. Elle se produit en présence d’un
électrolyte par transitions électroniques entre différents endroits
du métal.
Les métaux et les alliages ne sont pas tout à fait homogènes.
Lorsqu'ils entrent en contact avec un électrolyte (acide, base, sel),
certains sites de la surface se comportent en anode (cèdent des élec-
trons) et d'autres (inclusions de toutes sortes) jouent le rôle de catho-
de. Une multitude de paires microgalvaniques se crée ainsi à la sur-
344 METAUX (CH. XUI
oo mm" +
face du métal. Plus le métal est hétérogène, plus sa destruction en
milieu électrolytique est rapide. L'expérience représentée sur la
figure 69 illustre le principe de la corrosion électrochimique. On
plonge, dans un tube en U rempli de NaCl en solution, une tige de
fer et une tige de cuivre réunies entre elles par l'intermédiaire d'un
conducteur en cuivre qui passe par un gal-
vanomètre. L'aiguille du galvanomètre est
déviée en direction de la tige de cuivre. Il y
a donc. dans le conducteur de cuivre, un
flux d'électrons dirigé du fer vers le cuivre:
Fe—2e + Fe*t. On peut détecter des ions
Fe** dans le coude gauche en y introduisant
du ferricyanure de potassium (réactif de
Fe?*) qui donnera une coloration bleue. En
ajoutant une solution de phénolphtaléine
dans le coude droit, on voit apparaître une
Solution de NaCI coloration cramoisie qui témoigne de la pré-
Fig. 69. Corrosion élec 2 0CE d'ions OH”, issus de la réaction
trochimique du fer au O2 + 2H,0 + 4e + 40H. La tige de ciuvre
contact du cuivre qui fournit les électrons constitue donc la
cathode et la tige de fer l’anode. Les anions
OH- apparaissent en solution suite à la réduction de l'oxygène dis-
sous dans l’eau par les électrons qui arrivent sur la tige de cuivre.
Les cations Fe** réagissent en solution sur les anions:
Fet+ + 20H- + Fe(OH).
4Fe(OH)}; + O2 + 2H,0 — 4Fe(OH),
Peu à peu on voit se déposer au fond du tube de la rouille, com-
posée principalement de Fe(OH)..
La corrosion électrochimique est donc un phénomène d’oxydoré-
duction qui se produit lors du contact de deux métaux ou bien à la
surface d'un métal contenant des impuretés qui jouent le rôle d’un
métal moins actif. A l’anode (métal plus actif), il y a oxydation des
atomes métalliques avec formation de cations (dissolution). À la
cathode (métal moins actif), il y a réduction fournissant des anions
correspondants ou des atomes d'hydrogène formés à partir de ca-
tions H*. Les métaux purs présentent une meilleure résistance à
la corrosion.
Ainsi, il existe à Delhi (Inde) une colonne qui ne «e rouille pas. On l'obser-
ve depuis plusieurs siècles. Rien ne la détruit: ni la pluie. ni le soleil. ni les
rayures qu'on y laisse exprès. Selon les savants, cette stabilité est due, première-
ment. aux conditions climatiques particulières et, deuxièmement, à la pureté
exceptionnelle du fer dont cette colonne est faite.
Un métal ou un alliage subit une corrosion électrochimique lors-
que sa surface est recouverte d’une couche d’électrolyte et qu'il y a
$ 111] CORROSION DES MÉÊTAUX 345
contact entre deux métaux d'activité chimique différente. Le rôle
de métal moins actif peut être joué par un non-métal ou une combi-
naison chimique. On a schématisé sur la figure 70 les processus élec-
trochimiques qui se produisent dans le fer galvanisé et le fer-blanc
Jorsque leur couche protectrice présente une rupture.
— y [HO ENT LOUE
7 LUZ 7
4
2
Fig. 70. Processus électrochimique résultant d'un défaut de la couche protec-
trice dans le fer-blanc (a) et le fer galvanisé (b)
Dans le fer galvanisé (v. fig. 70, b) des électrons passent du zinc
au fer:
Zn — 2e —+ Zn°*+
Zn°* + 20H- —+ Zn(OH);
A la surface du fer on voit se décharger des ions hydrogène :
2H+ + 2e = He
Ainsi, la rupture de la couche de zinc du fer galvanisé conduit
à la destruction de cette couche protectrice, car le zinc est plus actif
que le fer.
Dans le fer-blanc (v. fig. 70. a) à couche protectrice rompue, des
électrons passent du fer à la surface de l’étain:
Fe — 2e —+ Fe°+
Fe2+ + 20H- —+ Fe(OH),
Les ions hydrogène se déchargent à la surface de l’étain:
2H+ —+ 2e — H:
Dans ce cas, la couche de protection demeure intacte: c'est le
fer qui subit la destruction. Les endroits où la couche d'étain est
rompue se recouvrent de rouille sous forme de points brun-rouge.
Plus tard, on voit apparaître des trous.
La vitesse de la corrosion électrochimique dépend : 1° des situa-
tions respectives des métaux en contact dans la série de tensions:
la corrosion est d'autant plus rapide que les métaux formant le
couple électrochimique sont plus éloignés l’un de l’autre dans la
346 MÉÊTAUX [CH. XHIT
série de tensions ; 2° de la composition de la solution électrolytique
baignant le métal: plus elle est acide et plus elle renferme d’oxy-
dants, plus grande est la vitesse de corrosion. La corrosion s'accélère
notablement avec élévation de température.
La corrosion électrochimique attaque les tuyauteries et les câbles électri-
‘ques enterrés par action de courants « vagabonds ». Ces courants résultent du
fonctionnement des transports électrifiés (trains électriques. trams. métro)
des machines de soudage électrique, etc. Certaines substances actives qui se
trouvent dans le sol à l’état dissous (sels, acides) favorisent cette corrosion.
Les phénomènes corrosifs irréversibles causent un grand pré-
judice à l’économie nationale. Les pertes de fonte et d'acier dues à la
corrosion se comptent par dizaines de millions de tonnes. Les cons-
tructions mécaniques y sont particulièrement sensibles: une seule
pièce corrodée peut mettre hors de service toute une machine. La
corrosion fausse les indications des appareils et déstabilise leur
fonctionnement, elle met hors d'usage des appareils électriques. La
protection des métaux contre la corrosion est donc un problème de
première importance pour la technique, l’industrie, l’agriculture.
Protection des métaux contre la corrosion. Des mesures de protection
contre la corrosion sont prévues au stade de projet et au cours de la
fabrication de différents objets en métal. Tout objet métallique doit
avoir une surface bien lisse et sans fissures: l’humidité ne pourra
s’v accrocher et l'effet de la corrosion s’en trouvera réduit.
Pour protéger le métaux ou les alliages soumis à des hautes températures,
on y allie, en surface ou en volume. d'autres métaux. A haute température,
du chrome ou du nickel alliés à l'acier se déplacent par diffusion vers sa surface
pour y former une couche d'oxyde. plus stable que Cr,0, sur le chrome pur.
Un procédé répandu est l’alliage en surface : la surface d’un alliage est saturée
en métal (ou, parfois en non-métal) formant une couche résistante d'oxyde (alu-
minium, chrome, etc.).
La saturation s'effectue par déposition sous vide ou par rechargement du
corps à allier. Ensuite, on procède obligatoirement à un traitement thermique.
Parfois, ce traitement donne des composés intermétalliques. C'est ainsi qu'en
saturant en silicium la surface du molvbdène et en la soumettant ensuite au
traitement. on obtient le composé MoSi, qui protège le métal contre l'air.
Pour protéger contre la corrosion les articles en métal au cours
de leur utilisation, on a recours aux procédés suivants.
1° On graisse les articles en métal avec des huiles inoxydables.
Ces dernières, liquides à chaud, mouillent bien le métal et, en se
figeant, forment à sa surface une couche qui l’isole du milieu am-
biant. Pour assurer une meilleure protection, ces graisses sont addi-
tionnées d'inhibiteurs.
2° On recouvre la surface métallique de composés macromolécu-
laires en solution dans un solvant à bas point d’ébullition. Une fois
le solvant évaporé, la surface du métal se trouve revêtue d’un film
polymère qui ne laisse pas passer les oxydants.
g {tt} CORROSION DES METAUX 347
3 On applique à la surface métallique un pigment (substance
colorante) en solution dans l'huile cuite (huile végétale partielle-
ment oxydée). En couche mince, l'huile cuite est vite oxydée par
l'oxygène atmosphérique, formant une pellicule compacte sur le
métal.
4% On crée à la surface métallique une couche d'oxyde que l’oxy-
gène atmosphérique n'arrive guère à pénétrer. Une telle oxydation
se fait par voie thermique, chimique ou électrochimique.
Dans le procédé thermique, on soumet le métal à une haute tem-
pérature : l'oxydation donne une couche d'oxyde protégeant le métal,
mais ce dernier subit une certaine déformation. Le procédé thermi-
que est donc d’un emploi très restreint.
Le procédé chimique consiste à oxyder une pièce métallique à une
température plus basse que précédemment, à l’aide d'un oxydant
approprié (c’est ainsi qu'on applique sur des pièces en acier un re-
vêtement noir résistant).
La pièce en acier. soigneusement dégraissée et débarrassée des pellicules
d'oxyde, est plongée dans un mélange de solutions — NaOH (800 gl). NaNO:
(50 g/l), NaNO, (200 g'1) — porté à 140 °C. Le nitrate et le nitrite oxydent la
ièce. La formation de la couche d'oxyde dure 20 à 90 mn. Puis la pièce est
avée dans l'eau courante et enduite de graisse. L'acier ainsi traité est dit bruni.
5° On applique également des revêtements métalliques. Pour le
faire, on utilise soit des métaux protégés par une pellicule résistante
due à l’action de l'air ou d’autres oxydants (Al, Zn, Sn, Cr, Pb,
Ni), soit des métaux peu réactifs (Au, Ag, Cu). Il existe deux mé-
thodes pour appliquer les revêtements métalliques: thermique et
électrochimique.
Le procédé thermique est utilisé lorqsu'il s’agit de porter un revète-
ment en métal facilement fusible sur un métal à point de fusion plus
élevé. Pour déposer un tel revêtement sur une tôle d'acier, on la
plonge dans un bain de métal fondu (Sn, Zn, Pb). Avant et après
l'immersion dans le métal liquide, la tôle passe à travers une couche
de flux ou d'huile qui protège sa surface contre l'oxydation immé-
diate. Le zinc et l'étain mouillent bien l'acier. Quant au plomb, on
améliore son pouvoir mouillant en l’additionnant d’un peu d'étain.
Dans le procédé électrochimique on plonge dans un bain rempli
de solution aqueuse d’un sel du métal à déposer (par exemple, NiSO.)
une plaque de ce métal (Ni) qui sert d’anode et la pièce à revêtir
qui sert de cathode. Lorsqu'on fait passer un courant continu à tra-
vers la solution de sel, une couche métallique (Ni) se dépose sur la
cathode (la pièce traitée). L’anode se dissout. Par ce procédé on
obtient un revètement protecteur homogène, de toute épaisseur
voulue, en Al, Zn, Sn. Cr, Pb, Ni, Au, Ag et autres métaux.
6° On applique à la pièce métallique, de l’extérieur, un potentiel
négatif plus élevé que celui fourni par le métal le plus actif du couple
348 METAUX [CH. XIII
corrosif. Ce type de protection est assuré soit à l’aide de protecteurs,
soit au moyen d'un potentiel extérieur.
Le premier procédé consiste à raccorder à la pièce soumise à la
corrosion électrochimique un protecteur en un métal plus actif que
ceux de la pièce à protéger: la corrosion attaquera le protecteur en
épargnant la pièce. Ainsi, le palier de bronze et le collet de l’arbre
de l’hélice propulsive de bateau forment un couple corrosif (fig. 71).
C'est la surface de l'arbre qui sera détruite et on risque ainsi de
AV
AParss
4 Lorerrsrr
LIST #
Fig. 71. Protection contre la corrosion Fig. 72. Protection contre la corrosion
e
à l’aide du potentiel extérieur d'un par un potentiel négatif extérieur
protecteur
perdre l’hélice. Si l’on raccorde une plaque de zinc à la coque, la
corrosion détruira la plaque en laissant l'arbre intact.
Pour créer un potentiel extérieur, on réunit la charpente métalli-
que au pôle négatif d'une dynamo. son pôle positif étant mis à la
terre (fig. 72).
79 On peut réduire la vitesse de corrosion des surfaces métalliques
en contact avec des acides par utilisation d’inhibiteurs. Ces derniers
sont le plus souvent des composés organiques azotés. Grâce au doublet
électronique non partagé de l'azote, ces composes s'adsorbent à la
surface métallique en l’isolant du milieu ambiant.
L'effet protecteur des inhibiteurs est illustré par l'expérience suivante.
On introduit une plaque d'acier dans une éprouvette contenant de l’acide sulfu-
rique à 20 %. 11 v a alors dégagement d'hydrogène suivant la réaction: Fe +
+ H,S0, = FeSO, -: H.. Dans une autre éprouvette avec la même solution,
on plonge une plaque identique et on ajoute une pastille d'urotropine (C;H,,N;).
La vitesse de dissolution de la plaque s’en trouve fortement lente.
On se sert largement d’inhibiteurs pour pouvoir transporter des
acides en citernes d'acier.
$ 113] PROPRIETÉS DES METAUX ALCALINS 349
METAUX DU SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE I
(MÉTAUX ALCALINS)
$ 112. Généralités. On regroupe sous le nom de métaux alcalins
les éléments du sous-groupe principal du groupe Î de la classifica-
tion périodique, dont les oxydes (M,0) forment par interaction avec
l’eau des bases solubles : alcalis *.
Les atomes de tous les métaux alcalins possèdent sur leur niveau
énergétique externe un seul électron s (Tableau 25), relativement
Tableau 25
Quelques caractéristiques des atomes des métaux alcalins
Configuration Rayon, nm
i Premier ro”
Elé- Numéro dernières potentiel négativité
: couches : os: relative
ment | atomique | éjectroniques |de 1'atomel %° Un F/IORSAE On (selon
état fon- kJ/mol Pauling)
amental)
1s°2s1 0,1586 | 0,0189 632
2s®2p*3st | 0,1713 | 0,0278 498
3s33pt4st | 0,2162 | 0,0592 418
4s?4pS5s1 | 0,2287 | 0,0734 401
5s®ñpt6st | 0,2518 | 0,0921 316
6s?26p*6s1 | 0,2447
facile à détacher : dans ce cas, l’atome devient un ion simple positif
(cation) ayant la couche électronique stable du gaz rare correspon-
dant (deux et huit électrons). Les métaux alcalins sont des métaux
francs qui ne présentent qu'un seul degré d’'oxydation égal à +1.
Par rapport aux autres éléments de la même période, les atomes
des métaux alcalins ont les plus grandes dimensions et les potentiels
d’ionisation les plus bas. Le long de la série Li-Cs les rayons atomi-
ques augmentent (le nombre de couches électroniques va croissant)
et l’énergie d'’ionisation diminue en conséquence. Parallèlement, on
assiste à l’accentuation du caractère métallique.
$ 113. Propriétés des métaux alcalins. Les métaux alcalins, d’un
blanc argent, se caractérisent tous par une dureté insignifiante,
une faible densité, une basse température de fusion et d’ébullition,
une haute conductivité électrique. Leurs réseaux cristallins ont une
structure identique. Lorsque la taille de l’atome augmente, du li-
thium au césium, la liaison métallique s’affaiblit. Voilà pourquoi,
* Dans le présent livre nous ne considérerons pas le francium et ses combi-
naisons.
350 MÊTAUX [CH. XIII
de Li à Cs, on voit diminuer la dureté, la température de fusion
(de 180,5 jusqu’à 28,6 °C) et la température d’'ébullition (de 1300
jusqu’à 685 °C) des métaux.
Les métaux alcalins (ainsi que leurs combinaisons) confèrent à la
flamme des couleurs caractéristiques: cramoisie pour le lithium,
jaune pour le sodium, violette pour le potassium, lilas pour le rubi-
dium, bleu violacé pour le césium. Les électrons des atomes excités
de ces métaux, après avoir obtenu par chauffage une énergie supplé-
mentaire, la rendent sous forme de quanta de lumière.
Les métaux alcalins appartiennent aux corps les plus actifs chi-
miquement. Ils agissent énergiquement sur l'oxygène et sur l’eau:
2Me + 2H.,0 = 2MeOH + H,
En triturant un métal alcalin avec du soufre en poudre, on ob-
tient des sulfures Me.S. La réaction des métaux alcalins sur le brome
est encore plus aisée. Ces métaux s’enflamment dans l’atmosphère
de fluor et de chlore en présence d'humidité. La réaction avec l’iode
n’a lieu qu’à chaud.
La conservation et la manipulation des métaux alcalins exigent
une stricte observation des règles de sécurité. Ils sont à stocker à l’a-
bri de l’air et de l'humidité pour éviter des explosions et des incendies.
On les conserve donc sous une couche de kérosène dans les vases
hermétiquement clos. Il ne faut pas éteindre les métaux alcalins
flambants avec de l’eau, car cette dernière donne avec eux une réac-
tion explosive. On ne doit pas non plus rincer à l’eau les récipients
où l’on avait mis un métal alcalin. Les solvants à utiliser dans ce cas
sont certains liquides organiques, tels que l’éthanol.
On peut juger de l’activité chimique relative des métaux alcalins
d’après les chaleurs de formation de leurs combinaisons (en kJ/mol):
Oxyde Hydroxyde Chlorure
Lithium 297 481 408
Sodium 209 426 412
Potassium 180 426 435
Rubidium 174 422 439
Césium 171 418 443
L'activité chimique vis-à-vis de l'oxygène et de l’eau (formation
d'oxydes et d’hydroxydes) diminue du lithium au césium. Cela est,
d'ailleurs, confirmé par le fait que le lithium remplace (réduit) les
autres métaux alcalins dans leurs oxydes:
2Li + K°0 = 2K + L.0
Il y a pourtant plusieurs faits qui contredisent, de prime abord,
cette loi qui veut que l’activité chimique diminue avec augmenta-
tion du numéro atomique. On sait, par exemple, que l'aptitude à
8 113] PROPRIÊTÉS DES MÉTAUX ALCALINS 3OÈ
s'enflammer spontanément à l’air devient toujours plus marquée
quand on passe du lithium au césium (le rubidium et le césium s’en-
flamment sans chauffage). Le césium est beaucoup plus énergique
que le lithium dans l'interaction avec l'eau. En réalité, ces observa-
tions n'entrent pas en contradiction avec le fait que le rubidium et
le césium sont moins actifs que le lithium à l'égard de l'oxygène et
de l’eau. Bien que, en s’oxydant et en réagissant sur l’eau, le rubi-
dium et le césium dégagent moins de chaleur que le lithium, cette
énergie s'avère suffisante pour assurer une fusion rapide de ces mé-
taux (le rubidium, le césium et le lithium fondent respectivement
à 39, 28,5 et 179 °C). Le métal fondu s'’oxyde beaucoup plus vite et,
finalement, s’enflamme.
Les métaux alcalins réagissent à chaud sur l'hydrogène avec for-
mation d’hydrures:
2Na + H, = 2NaH
Ces hydrures sont des composés ioniques cristallisés. Le passage
du courant électrique à travers un hydrure alcalin en solution dans
l'ammoniac liquide (ou à travers un hydrure à l’état fondu) libère
du métal alcalin sur la cathode et de l'hydrogène sur l’anode. L'hy-
drogène y a donc le degré d’oxydation —1 et le métal alcalin le de-
gré +1. Les hydrures alcalins réagissent sur l’eau:
LiH + H,0 = LiOH + Hs
Ce sont des réducteurs forts, capables, par exemple, de réduire
l'oxyde de carbone (IV) en carbone libre:
CO, + 2NaH = C + 2NaOH
A l'air, dans les conditions normales, le lithium se recouvre vite
d’une pellicule rouge foncée : mélange de Li,N avec Li,0. En brülant
à l’air, seul le lithium forme l’oxyde Li,0 (mélangé d’une propor-
tion importante de Li,N), tous les autres métaux alcalins donnant
des peroxydes: Na,O., K,0,, Rb,0,, Cs04.
En présence de réducteurs forts (charbon, soufre, iodures), les
peroxydes alcalins font montre de leur caractère oxydant
2Nal + NasO, + 2HeSO4 = Ie + 2NasSO4 + 2H30
alors qu'en présence d’oxydants forts, ils se comportent en réduc-
teurs :
Ci + NaOs = 2NacCl + O:
Les oxydes alcalins peuvent être tirés des peroxydes par chauffage
en présence du métal alcalin correspondant :
Na:O: + 2Na = 2Na,0O
Dissous dans l’eau, les oxydes alcalins donnent des alcalis. Les:
hydroxydes des métaux alcalins (alcalis caustiques) sont des corps
352 MÉTAUX (CH. XIII
très hygroscopiques. Ils corrodent lentement le verre et même la
porcelaine suivant la réaction
SiO;, + 2Na0OH = Na:SiOs + H,0
$ 114. Métaux alcalins à l’état naturel. Préparation et applications.
L'activité chimique élevée des métaux alcalins exclue la possibilité
de les trouver dans la nature à l’état libre. Ils ne s’y rencontrent
donc qu’à l’état combiné. Leurs proportions respectives dans l'écorce
terrestre sont les suivantes (% massiques):
Li 2,2.10-3 Rb 1,2-10-°
Na 2,83 Cs 6.104
K 2,59
Comme il découle des données ci-dessus, le sodium et le potassium
sont les plus répandus des métaux alcalins: on les rencontre sous
forme de chlorures, sulfates, silicates et certaines autres combinai-
sons. Le lithium, le rubidium et le césium entrent dans la composi-
tion du réseau cristallin des minéraux formés par des éléments à rayons
atomiques et ioniques voisins. Le rayon ionique du rubidium
(0,073 nm) le rapproche du potassium (0,059 nm), d’où la présence
de composés du rubidium dans les minéraux potassés. Le lithium
accompagne le magnésium et le fer. Le francium qui n’a pas d’isoto-
pes stables, se trouve, en très faibles quantités, dans les minerais
radioactifs d’'actinium et d'uranium.
Les métaux alcalins sont préparés par électrolyse de leurs chloru-
res (ou hydroxydes) à l’état fondu:
A la cathode : 2Nat —2e=2Na
A l'anode : 2CI- —2e= Cl,
La technique nucléaire utilise le lithium pour préparer le tri-
tium :
SLi + dn = ?H + £He + 4.664108 k]
L'acier et la fonte, additionnés d’un peu de lithium, deviennent plus
résistants et durs car, au cours de leur fusion, le lithium fixe l'hydro-
gène, l'oxygène et l'azote. La présence de 0,012 % (massiques) de Li
fait croître la conductivité et la densité du cuivre (le métal étant
débarrassé des gaz et du soufre). Le lithium aide à débarrasser de
l'azote et de l'oxygène les gaz rares, dont on remplit les lampes à
incandescence.
Le sodium à l’état liquide est utilisé comme agent de transfert
de chaleur dans les piles nucléaires. [Il sert de catalyseur dans la
fabrication de caoutchouc synthétique. On en prépare un amalgame
(alliage avec le mercure) employé comme agent réducteur. On con-
somme beaucoup de sodium pour obtenir du peroxyde de sodium.
$ 111] PREPARATION ET APPLICATIONS DES MÉTAUX ALCALINS 353
La principale application du rubidium et du césium est la fabri-
cation de cellules photosensibles, appareils qui transforment directe-
ment l'énergie lumineuse en énergie électrique (fig. 73). Les parois
d'un vase sous vide (7) portent un miroir (2) constitué par une fine
couche de rubidium ou de césium et qui est branché sur un circuit
extérieur. Au-dessus du miroir, à l'intérieur du vase, il y a un anneau
(3) en platine, branché sur le même
circuit. La surface du métal alcalin
étant éclairée, les électrons qui s’en
détachent atteignent l'anneau 3 et
un courant continu apparaît dans
le circuit.
Les combinaisons des métaux
alcalins ont une grande importance
pratique. Le chlorure de sodium NaCl
est utilisé comme sel de cuisine et
aussi comme matière première de la
production de carbonate de soude : =.
anhydre (sel de soude) :Na,CO;, d'hy- Le : _e : Re
drogénocarbonate de sodium (bicarbo- tai aïlcalin; 3 — anneau en fil de
nate de sodium) NaHCO, et d’hy- R'AËRS
droxyde de sodium (soude caustique)
NaOH, ainsi que de chlore et d’autres produits. C'est la
production de fibres artificielles (secteur industriel connaissant
aujourd'hui un progrès rapide) qui consomme le plus d’hydroxyde
de sodium (soude caustique). On s’en sert également pour saponifier
les graisses, raffiner les produits pétroliers, ainsi que dans les accu-
mulateurs alcalins, dans l’industrie du cuir et dans l'industrie
textile. etc.
En U.R.S.S., la production de soude caustique a augmenté au cours du
dixième quinquennat. Ainsi, en 1980 on en a produit 2,8 millions de tonne
(103 ®, par rapport à 1979).
Le carbonate de soude anhydre Na,CO, et le carbonate de sodium
cristallin Na,CO.,-10H,0 sont consommés en grandes quantités par
l'industrie chimique, la verrerie, la savonnerie, l’industrie papetière
et autres branches industrielles. La médecine et l’industrie alimen-
taire (confiserie) utilisent l’hydrogénocarbonate (ou, anciennement,
le bicarbonate) de sodium NaHCO..
Les peroxydes de sodium Na.O, et de potassium K,0, présentent
également un intérêt pratique: ils servent à régénérer l'oxygène
dans les sous-marins et les masques à oxygène :
2Na.0: + 2C0: —= 2Na:COs + O:+
Le peroxyde de sodium est appliqué, en outre, comme décolorant.
Dans ce cas on utilise son aptitude à l’hydrolyse avec formation de
2301151
354 METAUX [CH. XII
peroxyde d'hydrogène :
Na,0, + 2H,0 = 2NaOH + H.04
Quelque 90 % des composés potassés produits sont utilisés en
qualité d'engrais. Chaque année, lors de la récolte, on extrait du sol
d'immenses quantités de combinaisons du potassium. Pour compen-
ser ces pertes, on introduit dans le sol des sels comme KCI, K.,SO,
ou KNO:.
L'hydroxyde de lithium LiOH sert à fabriquer des lubrifiants de
haute qualité et le carbonate de lithium Li,CO, est utilisé dans la
fabrication de verre et de céramique.
METAUX DU SOUS-GROUPE SECONDAIRE DU GROUPE 1
(FAMILLE DU CUIVRE)
$ 115. Généralités. La famille considérée comprend le cuivre,
l’argent et l'or.
Les atomes de ces éléments ont chacun un seul électron s sur
leur niveau périphérique (Tableau 26). La différence entre les élé-
ments du sous-groupe secondaire et ceux du sous-groupe principal
consiste en ce que les atomes des premiers ont sur leur avant-dernier
niveau non seulement des électrons s et p, mais aussi des électrons d.
Cela permet aux éléments de la famille du cuivre d’avoir, dans leurs
combinaisons, des degrés d’oxydation supérieurs à +1. Ainsi, les
composés caractéristiques du cuivre ont le degré d'oxydation supé-
rieur +2, alors que pour l'or, c’est le degré +3. Cette faculté qu'ont
les atomes de cuivre et d’or de céder respectivement deux et trois
électrons s'explique par le fait que les orbitales 3d et 4s du cuivre,
5d et Gs de l'or ont des énergies voisines. Pour l'argent, le degré
d'oxydation normal est +1 et seuls les oxydants les plus forts sont
capables de l'oxyder jusqu'au degré +2.
Tableau 26
Quelques caractéristiques des atomes des éléments
de la famille du cuivre
Electroné-
gativité
relative
(selon
Pauling)
Configuration Rayon, nm
Numé- | des deux dernières
ro ato- | couches électro-
Premier
potentiel
de l'ion | d'ionisatinn,
mique niques (état atomique M+ kJ/mol
fondamental)
3s°3p%3d104s1 0,1191 | 0,0325 745
4s?4p#4d105s1 0,1286 | 0,0536 132
9s°9p#54106s1 0,1187 | 0,0633 891
$ 116] PROPRIÊTÉES DU CUIVRE, DE L'ARGENT ET DE L'OR 355
Le long de la série Cu-Ag-Au, les températures de fusion varient
de 1083 à 1063 °C et les températures d’ébullition de 2582 à 2707 °C.
Les densités respectives valent 8920, 10 500 et 9300 kg/m*.
Ces valeurs, beaucoup plus élevées que celles qui caractérisent
les métaux alcalins, proviennent des dimensions réduites des atomes
et d’un assemblage plus compact du réseau cristallin des éléments
de la famille du cuivre.
$ 116. Propriétés du cuivre, de l’argent et de l’or. Chaque métal
de ce sous-groupe a une coloration spécifique : le cuivre est rose,
l’argent blanc, l’or jaune-orange. Tous ces métaux (et surtout l'or)
sont malléables et ductiles. Ainsi, il est possible de réduire l'or en
feuilles d’une épaisseur de 0,0002 mm ou d'’étirer 1 g d’or en un fil
de 3420 m. L'argent (suivi du cuivre) est le meilleur conducteur de
l'électricité et de la chaleur. Les charges nucléaires des atomes de
ces éléments, beaucoup plus importantes que celles des atomes des
métaux alcalins correspondants, ont une force d'attraction supérieure
à la répulsion réciproque des électrons. Cela fait que les métaux de
la famille du cuivre diffèrent nettement des métaux alcalins par leur
comportement vis-à-vis de l'oxygène, de l'eau, des acides dilués
et des sels en solution.
Seul le cuivre réagit directement sur l’oxygène. À l’air, il se re-
couvre peu à peu d’une couche compacte de sel basique (CuOH).CO;,
de coulenr verte:
2Cu + O; + H,0 + CO: — (CuORH).CO;
Porté à 400 °C , le cuivre forme à l'air l’oxyde de cuivre (II),
alors qu'en présence d’une quantité insuffisante d'air et à 800 °C,
il donne l’oxyde de cuivre (I):
4Cu + 0, = 2Cu,0
Les oxydes d'argent et d’or, de degré d’oxydation +1, sont obte-
nus par une voie indirecte:
2AgNO, +I2KOH = Ag:20 + H,0 H{2KNO,
2AuCI + 2NaOH =—FAu.O + H.0f+ 2NaCl1!
Tous les oxydes des éléments de la famille du cuivre sont prati-
quement insolubles dans l’eau. On n'obtient les hydroxydes de ces
éléments que d'une façon indirecte :
CuSO, + 2NaOH = Cu(OH}. + Na,SO,
En règle générale, les hydroxydes MOH possèdent une mauvaise
solubilité dans l’eau et se décomposent facilement en oxyde corres-
pondant et eau:
2MOH = M,0+H,0
23*
356 MÊTAUX (CH. XIII
L'hydroxyde de cuivre, insoluble dans l’eau, se dissout dans l’hy-
droxyde de sodium en solution concentrée, ainsi que dans la solution
aqueuse d’ammoniac:
Cu(OH), + 2NaOH = Na,[Cu(OH),]
Cu(OH), + 4NH, = [Cu(NH,),](OH):
Dans ce cas, la dissolution est conditionnée par l'aptitude des
ions cuivre Cu°* à se transformer en ions complexes [Cu(NH.).,]?* :
la base insoluble Cu(OH), donne alors un complexe soluble
[Cu(NH;),](OH).. Sur le niveau de valence de l'ion Cu?*, il y a une
orbitale 4s et trois orbitales 4p vacantes. Lorsque Cu(OH), entre en
réaction avec NH;, on observe l’hybridation de ces quatre orbitales.
L'ion complexe [Cu(NH;),1** résulte de l'interaction donneur-accep-
teur entre les doublets électroniques non partagés des molécules
d’ammoniac et les quatre orbitales hybrides sp° de l’ion Cu°*.
Le chlorure d'argent, insoluble dans l’eau, est facile à dissoudre
dans l’ammoniac en solution aqueuse suivant la réaction
AgCI + 2NH, = [Ag(NH3).lCI
Là aussi, la dissolution d’AgCI est due à la transformation de
l'ion argent Ag* en ion complexe [Ag(NH,),]* avec formation du sel
complexe [Ag(NH.),ICI, bien soluble dans l’eau. L’ion complexe
[Ag(NH,).]* se forme par interaction donneur-accepteur entre les
paires électroniques non partagées des molécules d’ammoniac et les
orbitales hybrides sp du niveau de valence de l'atome d'argent
(v. p. 330).
La dissolution de l’or dans l’eau régale est également liée à la
formation d’un complexe soluble: l’or passe d’abord à l’état de
chlorure d’or (III) (par détachement d’un électron s du niveau pé-
riphérique et de deux électrons d de l’avant-dernier niveau) suivant
la réaction
Au + HNO, + 3HCI = AuCIL + NO + 2H,0
pour former ensuite, en présence d’un excès de HCI, l'acide complexe
HIAuCI., |:
AuCl, + HCI = H{AuCI,]
L'ion Au** peut être représente par le schéma suivant :
5d 6s 6p
FOOS CA3 ERY EE CE AN 1 EN EE
L’ion complexe [AuCI,]- est le résultat d’une interaction donneur-
accepteur des doublets non partagés des ions chlore avec quatre
orbitales hybrides dsp* de l'ion or Au**.
$ 117] PREPARATION ET APPLICATIONS DE Cu, D'Ag ET D'Au 357
On a pu obtenir, à l’état solide, Cu(OH), bleu clair, CuOH jaune
et AuOH violet. Le cuivre, l'argent et l’or, situés à droite de l’hydro-
gène dans la série de tensions, ne se dissolvent pas dans HCI et
H,SO, dilués. Le cuivre et l’argent sont solubles dans les acides oxy-
dants: par exemple, dans l'acide sulfurique concentré à chaud:
Cu + 2H,S0, — CuSO, + SO, + 2H.0
2Ag + 2H,S0, = Ag-S0, + SO, + 2H.0
ainsi que dans l’acide nitrique dilué:
3Cu + 8HNO, = 3Cu(NO;)> + 2NO + 4H,0
ou concentré :
Cu + 4HNO, = Cu(NOs): + 2NO, + 2H,0
L'or demeure insoluble même dans l'acide nitrique concentré,
on ne peut le dissoudre que dans l’eau régale (v. p. 279).
À température élevée et en présence d'oxygène, le cuivre et l'ar-
gent réagissent sur le chlorure d'hydrogène :
2Cu + 4HCI + Os — 2CuCl, + 2H,0
Cette réaction se déroule en deux étapes:
2Cu + O0, = 2Cu0
2Cu0 + 4HCI = 2CuCl, + 2H,0
A chaud, le cuivre se combine aisément aux halogènes, au soufre
et au phosphore. L'argent forme des combinaisons stables avec le
soufre et le sélénium. Une propriété commune aux ions cuivre, argent
et or est leur tendance marquée aux réactions de complexation, ce
qui n’est pas caractéristique des métaux alcalins.
$ 117. Etat naturel des éléments de la famille du cuivre. Prépa-
ration et applications. L'activité chimique peu élevée du cuivre, de
l'argent et de l'or rend possible leur existence dans la nature à l’état
libre. L'or naturel a presque toujours cette forme (or natif ou vierge).
Les teneurs respectives de l'écorce terrestre en ces éléments sont les
suivantes (% massiques): 5,5-10-* pour Cu, 14-105 pour Ag, 5-10”?
pour Au. On connaît plus de 200 minéraux cuprifères, dont la chalco-
pyrite CuFeS., la malachite (CuOH),CO;, la chalcosine (chalcosite)
Cu,S. On considère comme « payants » les minerais qui contiennent
au moins 0,5 % (massiques) de cuivre. Les minéraux argentifères
font habituellement partie des minerais sulfurés de zinc, de plomb
et de cuivre. En U.R.S.S., des gisements de minerais plombo-argenti-
fères sont situés dans l'Oural et dans l’Altaï, ainsi qu’au Kazakhstan
et au Caucase septentrional. Les minéraux aurifères sont très rares.
C'est, par exemple, la calavérite AuTe, et le sylvane (sylvanite)
AuAgTe,.
358 METAUX [CH. XII]
Pour extraire le cuivre des minerais oxydés, on les soumet à la
calcination en présence de carbone:
Cu:0 + C = 2Cu + CO
L'extraction du cuivre des minerais sulfurés se fait après leur
grillage préalable, au cours duquel la plupart des sulfures se trans-
forment en oxydes. Ce minerai grillé qui renferme Cu,S, Cu,O, FeO,
Fe,0:, FeS et autres composés, ainsi que du stérile, est additionné
d'agents fondants (SiO,, CaCO:) et refondu. Alors le stérile et une
partie du fer passent dans la scorie qui se forme par les réactions
suivantes:
2FeO + SiO, = Fe,SiO,
2FeS + 6Fe,0, + 7Si0, = 7Fe,SiO, + 250,
Après séparation de la scorie, le minerai refondu passe dans un
convertisseur où l’on obtient du cuivre métallique (brut ou noir)
en aérant le minerai fondu:
2Cu,S + 30, — 2Cu,0 + 280, 2Cu.0 + Cu,S = 6Cu + SO,
Le raffinage du cuivre brut se fait par électrolyse: l’anode est
en cuivre noir. le cuivre pur se libérant à la cathode.
L'argent est obtenu. le plus souvent, en tant que sous-produit
lors du traitement de minerais sulfurés de métaux lourds (minerai
cuprifère, plombo-zincifère) qui renferment presque toujours une
certaine quantité de sulfure d'argent Ag.S. En ce qui concerne l'or,
souvent présent dans les minerais sous formes de grains ou de paillet-
tes, on l'en extrait par plusieurs procédés: mécaniquement, s'il
s’agit de l'or natif des minerais riches ou par cyanuration, si l’on a af-
faire à des minerais pauvres. Ce dernier procédé part de la propriété
de l'or de se dissoudre dans les solutions de cyanures (NaCN, KCN)
en donnant des complexes solubles. On l’en précipite ensuite à l’aide
du zinc ou de l'aluminium.
Plus de 50 % du cuivre produit est consommé par l’industrie
électrotechnique. La métallurgie s’en sert pour obtenir quelques al-
liages: le bronze (90 % de Cu, 10 % de Sn), le cupronickel (80 %
de Cu, 20 % de Ni), le laiton (60 % de Cu, 40 % de Zn) et d’autres.
Au cours du dizième quinquennat a production soviétique du cuivre a été
multipliée par 1,2-1,3.
Parmi les combinaisons chimiques du cuivre, c'est son oxyde
Cu,O qui présente un grand intérêt pratique: semiconducteur, il
est utilisé dans les redresseurs cuivre-oxyde de cuivre. La malachite
(CuOH),.CO, est une pierre fine. Les sels de cuivre servent à fabriquer
des couleurs minérales (verte, bleue, violette, brune et noire). Le
vitriol bleu CuSO, -5H,0 est le produit de base dont on tire d’autres
combinaisons du cuivre. C’est aussi un pesticide.
8 118] GENÉRALITÉES 359
Des alliages à base d'argent sont utilisés dans la confection de
bijoux et de vaisselle. L'argent est utilisé pour revêtir les contacts
en télégraphie et en téléphonie, ainsi que dans la fabrication de
miroirs. On l’emploie dans les accumulateurs à l’argent-zinc de puis-
sance élevée, pour argenter les fils en radiotechnique haute fréquence,
pour revêtir certaines pièces importantes des appareils de radio.
Le nitrate d'argent AgNO, ct les halogénures d'argent sont ses
composés les plus importants. Le nitrate sert à fabriquer des miroirs
et à argenter des surfaces en verre. Les halogénures AgCIl, AgBr, Agl
se décomposent à la lumière avec formation d'argent amorphe. Ces
sels (particulièrement AgBr) sont utilisés pour préparer l’émulsion
sensible à la lumière du matériel photographique : papier, pellicules,
plaques.
On fait de l'or des films minces pour lentilles et réflecteurs des
appareils à rayons infrarouges. Des appareils chimiquement inatta-
quables sont faits en divers alliages de l’or avec le platine et autres
métaux. On revèt d'or certains éléments vitaux des appareils de
radio : cela les rend résistants à la corrosion et élimine les résistances
de contact.
L'or est également utilisé en revêtement d'articles d'ornement,
ainsi que dans les soins dentaires. Pour confectionner les bijoux, on
se sert le plus souvent d’un alliage or-cuivre, plus dur que l'or pur.
Les combinaisons de l'or n’ont pas trouvé d’applications notables.
Toutefois, on utilise AuCI, ou H[AuCI,] pour dorer et colorer le verre
et la porcelaine.
MÉTAUX DU SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE II
$ 118. Généralités. Ce sous-groupe comprend béryllium, magné-
sium, calcium, strontium, baryum et radium. Les quatre derniers
éléments sont dits métaux alcalino-terreux, car leurs hydroxydes
M(OH), ont un caractère alcalin, tandis que leurs oxydes MO rap-
pellent par leur fusion difficile les oxydes des métaux lourds qu'on
appelait autrefois terres. TS
Les atomes de tous les éléments considérés ont, dans leur état
fondamental, deux électrons s couplés sur le niveau périphérique
(Tableau 27). Dans l’état excité un des électrons externes occupe une
orbitale p (s'p!), l'atome pouvant ainsi être divalent. Les rayons
atomiques des éléments de ce sous-groupe sont plus petits que ceux
des métaux alcalins correspondants (ainsi, les rayons atomiques du
lithium et du béryllium valent respectivement 0,1586 et 0,1040 nm),
alors que leurs énergies d’ionisation sont, au contraire, plus grandes.
632 Ainsi, le premier potentiel d'ionisation du lithium est égal à
_. et celui du béryllium à 899 kJ/mol (cf. Tableaux 25
et 27).
360 METAUX [CH. XIII
Tableau 27
Quelques caractéristiques des atomes des éléments
du sous-groupe principal du groupe II
Configuration Rayon, nm
des deux
dernières couches
cctroniques | atomique
Premier
tentiel RETTté
de Lion d'ionisation, |rela nest (selon
(étatf fondamental) DL3+ kJ/mol Pauling)
1s°2s°
2s°2p63s?
3s°3pf4s°
4s?4p95s?
9s?5pt6s°
6s°6p°7s
e
SL ootbeu
OO => © à
+
1
Les éléments du sous-groupe considéré (à l’exception du béryllium)
ont un caractère nettement métallique, ne cédant sous ce rapport
qu'aux métaux alcalins. Ce caractère métallique va croissant du
béryllium au radium, suite à l’augmentation progressive des rayons
atomiques et ioniques.
$ 119. Propriétés du béryllium, du magnésium et des métaux
alcalino-terreux. Tous ces éléments, de couleur blanc argent, sont
légers (le radium excepté), bien que considérablement plus denses
que les métaux alcalins. Le béryllium et le magnésium ont un réseau
cristallin hexagonal. Le calcium, le strontium et le baryum cristalli-
sent en un réseau cubique à faces centrées. C'est le béryllium qui
forme le réseau cristallin le plus solide, car ses ions et ses atomes sont
les plus petits. Cela fait que la dureté, les températures de fusion et
d’ébullition du béryllium sont de loin supérieures à ces caractéristi-
ques chez les autres éléments du sous-groupe.
Du point de vue chimique, les éléments en question se caractéri-
sent par une activité élevée. Ils s’oxydent tous à l’air. La couche
d'oxyde qui se forme à la surface du béryllium le recouvre solidement
en le protégeant contre une oxydation plus poussée. La pellicule
d'oxyde du magnésium et, surtout, des métaux alcalino-terreux, a
des propriétés protectrices beaucoup plus faibles. Ces métaux réagis-
sent sur l’eau en remplaçant son hydrogène (Ca - 2H,0 = Ca(OH).,+
+ H,), ainsi que sur les non-métaux O., CI,, S, N..
Il ya pourtant des écarts considérables dans l’activité des métaux
considérés vis-à-vis des non-métaux, de l’eau et des acides. Le béryvl-
lium ne s’enflamme à l'air qu'à une température très élevée, le
magnésium et le calcium à une température plus basse, tandis que
le strontium et le baryum sont facilement inflammables. Au cours
de l'interaction avec l’eau, le magnésium forme d'abord l’oxyde,
8 119] PROPRIÊTES DE Be ET DE Mg 361
puis, par hydratation, l’hydroxyde de magnésium :
Mg + H.0 = MgO + H;,
MgO + H,0 = Mg(OH}
Les métaux alcalino-terreux réagissent sur l'eau en donnant des
alcalis :
Ba + 2H,0 — Ba(OH), + H:
Parallèlement à l’accroissement des rayons des ions M°* dans la
série Be-Ba, la solubilité des hydroxydes M(OH), augmente rapide-
ment et leur caractère basique se renforce.
À l'exception de BeO, les oxydes de ces éléments possèdent un
réseau cristallin ionique. Parmi les hydroxydes, seul Be(OH),
amorphe présente un caractère amphotère (de même que Al(OH);),
se dissolvant aussi bien dans les acides que dans les bases:
Be(OH), + 2KOH = K.{[Be(OH).]
Be(0H), + 2HCI = BeCIl, + 2H.0
L'hydroxyde de magnésium, insoluble dans les alcalis, se dissout
pourtant dans l’eau en présence de sels ammoniacaux par formation
de l’hydroxyde d’ammonium peu dissociable :
Mg(OH), + 2NH,CI = MgCl, + 2NH,OH
Les hydroxydes de tous les éléments de ce sous-groupe se décom-
posent à chaud:
Ba(OH). — BaO + H.0
Les oxydes MO sont incolores. difficilement fusibles, résistants à
la chaleur. On connaît les peroxydes suivants: MgO. (uniquement
sous forme d'hydrate), CaO,, SrO, et BaO.. Le peroxyde de béryl-
lium n'a jamais été obtenu. Les peroxydes s’hydrolysent fortement
dans l’eau:
BaO, + 2H,0 — Ba(OH), + H,0.
Ils entrent en réaction même avec les acides faibles:
BaO, + CO, + H.0 = BaCO, + H,0,
Les peroxydes se décomposent au-dessus de 800 °C:
2BaO, = 2Ba0 + O,
Dans la série de tensions, ces métaux se situent, à gauche de:
l'hydrogène, suivant cet ordre: Ra, Ba, Sr, Ca, Mg, Be. Ils peuvent
remplacer l'hydrogène dans les acides et l’eau, mais le béryllium ne
décompose pas l’eau à cause de sa couche d'oxyde protectrice. La
réaction du magnésium sur l’eau est très lente, elle s'accélère à chaud.
Les autres métaux sont plus énergiques dans cette réaction.
362 METAUX [CH. XIII
Les métaux de ce sous-groupe, leurs oxydes et leurs hydroxydes
forment avec les acides les sels correspondants:
Mg + H2S0, = MgSO, + H;,
BaO + 2HCI — BaCl, + H,0
Sr(OH); + 2HNOs; — Sr(NO3): + 2H,0
Les sulfates, les carbonates et les phosphates de ces métaux ont
une mauvaise solubilité dans l’eau, alors que leurs chlorures, bro-
mures, iodures et nitrates s’y dissolvent bien. Les sulfures MS sont
peu solubles dans l’eau et facilement hydrolysables. Les hydrogéno-
-carbonates (qui ne sont connus qu'en solution dans l’eau) se for-
ment à partir des carbonates:
Lorsqu'on, chauffe un hydrogénocarbonate en solution, il se
décompose en laissant précipiter le carbonate:
Ba(HCO;); = RaCO,4 + CO: + H:0
Ces métaux se combinent à l'azote en donnant des nitrures.
Cette réaction se produit dans l'atmosphère d'azote, le métal étant
porté à 900 °C:
3Be + Na — BesN:
Les nitrures sont hydrolysés suivant la réaction
Ba;N: + 6H,0 = 3Ba(OH), + 2NH,
Les combinaisons volatiles du calcium colorent la flamme en
rouge-orange, les combinaisons du strontium et du radium en rouge
de carmin et celles du baryum en vert-jaune.
$ 120. Calcium et ses composés. Dans le sous-groupe principal
du groupe ÏI, le calcium mérite une attention particulière. Nous nous
-étendrons donc un peu plus sur ses propriétés.
Le calcium est un métal blanc argent, malléable, fondant à
-850 °C. Il est plus solide et dur que les métaux alcalins. C'est un
métal actif qui réagit, dans les conditions ordinaires, sur l'oxygène
atmosphérique, l’eau et les halogènes:
2Ca + O4 = 2Ca0 + 2H,0 = Ca(OH}); + Hs
Ca + Ck = CaCli,
La réaction avec les autres non-métaux et l'hydrogène se produit
a chaud:
3Ca + N, = CaN,
Ca + S = CaS
3Ca + 2P = Ca;P:
Ca + 2C = Cac,
Ca + H: = CaH,
8 121] DURETÉ DE L'EAU ET SON ELIMINATION 363
Le calcium fixe l'oxygène et les halogènes des oxydes ou des halogé-
nures des métaux moins actifs:
2Ca + TiO, = 2Ca0 + Ti
2Ca + TiCl, = 2CaCl, + Ti
Plusieurs composés du calcium sont utilisés par l’économie na-
tionale, dont particulièrement CaCO;, CaSO,, Ca;(PO,), et CaCL..
Le carbonate de calcium CaCO, est le principal constituant du
calcaire, de la craie, du marbre. Le calcaire sert à préparer de la
chaux (chaux vive ou calcinée, chaux éteinte ou blanche, chlorure
de chaux ou poudre de blanchiment). La métallurgie consomme beau-
coup de calcaire en qualité de fondant (castine). Sous forme de pierres
concassées les calcaires sont utilisés pour empierrer les routes ou ré-
duire l'acidité des sols.
La craie trouve des applications dans l’industrie papetière et
dans l'industrie du caoutchouc (en tant que charge), dans la fabrica-
tion de poudre dentifrice ou de bâtons de craie pour écrire au ta-
bleau. Elle sert également à blanchir les murs.
Le marbre est un matériau de construction et de revêtement. On
en fait, aussi, des panneaux de distribution d'électricité.
Le sulfate de calcium CaSO, est largement employé dans les
travaux d'’enduisage, en médecine: bandes et bandages plâtrés
(v. $ 71).
Le phosphate de calcium Ca3(PO,)., constituant essentiel des
phosphorites et apatites. est la matière première de la production
d'engrais phosphatés (v. $ 87).
Le chlorure de calcium CaCI, est bien peu abondant dans la nature.
Il se décompose à chaud suivant l'équation
CaCl,-6H,0 = CaCl,-2H,0 + 4H,04
CaCl,-2H,0 = CaCl, + 2H,04
Le chlorure de calcium anhydre est très hygroscopique, on l’utili-
se pour déshydrater liquides et gaz. La solution aqueuse de CaCI,,
dont la tension de vapeur est très faible, absorbe l'humidité de l’air
et ne se dessèche pas pendant longtemps. Une route en terre battue
ou en pierres concassées, arrosée de solution de CaCl,, garde l’humi-
dité bien plus longtemps que si on l'avait arrosée d'eau. Le chlorure
de calcium est utilisable pour préparer des mélanges réfrigérants.
Ainsi, le point de fusion d’un mélange constitué de 58,8 % de
CaCL, -6H,0 et de 41,2 % de neige est égal à —55 °C.
Les injections intraveineuses de CaCI, atténuent les spasmes
cardiovasculaires, améliorent la coagulabilité sanguine, aident à
traiter les inflammations, les œdèmes, les phénomènes allergiques.
$ 121. Dureté de l’eau et son élimination. Le carbonate de cal-
cium contenu dans les roches naturelles se dissout partiellement sous
364 METAUX (CH. XIII
l'effet de l’eau et de l’oxyde de carbone (I1V)en donnant l'hydrogéno-
carbonate : CaCO, + CO, + H,0 = Ca(HCO;).. Ce dernier se retrouve
dans les eaux souterraines et les rivières qui l'emportent très loin.
L'eau naturelle à forte teneur en ions Ca** et Mg** (sous forme
de sels de Ca ou de Mg) est dite dure. Si cette teneur est faible (moins
de 80 mg de Ca** ou 50 mg de Mg** par litre d'eau) ou inexistante,
une telle eau naturelle est douce.
En eau dure, le savon mousse mal, car les sels de Ca et de Mg
le fixent sous forme de combinaisons insolubles. Un savon est consti-
tué, principalement, de sels sodiques des acides macromoléculaires
C,:H;35—C—OH (acide stéarique) et C;,;H3,—C—OH (acide oléique).
] ]
(®) O
En eau dure, on a la réaction suivante:
2C1:H35—C—ONa + Caî*+* + (C:1-:Hs33—C—0),Ca Ÿ +2Na*
I Ï
L'action détergente du savon s’affaiblit donc sensiblement dans
une eau dure. Dans une telle eau les légumes sont bien difficiles
à cuire.
L'eau dure (calcaire) laisse dans les chaudières un dépôt de
tartre :
Ca(HCO;): = CaCO,! + CO: + H,0
Le tartre conduit mal la chaleur, provoque une consommation accrue
de combustible et accélère l'usure des chaudières.
On distingue la dureté due aux carbonates qui résulte de la présen-
ce, dans l’eau, d'hydrogénocarbonates de Ca et de Mget la dureté perma-
nente qui est due à la présence de sulfates et de chlorures de Ca et de
Mg, corps qui ne se décomposent pas dans l’eau bouillante. Les hydro-
génocarbonates sont faciles à éliminer par simple bouillissage de
l’eau: les ions Ca** et Mg** forment alors des combinaisons in-
solubles(CaCO; et MgCO:), d’où le nom de dureté temporaire. La
somme des deux duretés (permanente et temporaire) est la dureté
otale. On l’élimine à l’aide de réactifs appropriés. tels que le
carbonate de sodium ou le lait de chaux:
CaCi, + Na:CO; — CaCOs! + 2NacCl
Ca(HCO,); + Ca(OH,) = 2CaCO,4 — 2H.0
On peut également fixer les ions Ca** et Mg** par l’intermédiaire
d’échangeurs de cations, corps complexes (composés macromolécu-
laires naturels du silicium et de l’aluminium), insolubles dans l’eau
et capables d'échanger leur cations (Na* contre les cations Ca°*+
et Mg** par exemple). Lorsqu'on fait passer de l'eau dure à travers
une couche d’échangeur cationique, il y a échange de cations suivant
la réaction Ca°* + Na,R = 2Na* + CaR (R — groupe acide com-
& 122] PRÉPARATION ET APPLICATIONS DE Bec ET DE Mg 365
plexe). Ainsi les ions Ca** (Mg**) sont éliminés de la solution. L'échan-
geur cationique peut être régénéré par une solution concentrée de
NaCI: CaR + 2NaCl = CaCl, + Na,R. Après un tel lavage l’é-
changeur cationique devient de nouveau utilisable pour l’épuration
de l’eau.
$ 122. Etat naturel des éléments du sous-groupe principal du grou-
pe II. Préparation et applications. L'activité chimique élevée de ces
éléments exclue leur existence dans la nature à l’état libre. Les élé-
ments les plus répandus à l’état combiné sont Ca (3,63 % massiques)
et Mg (2,09 % massiques). La teneur en Ra de l’écorce terrestre ne
s'élève qu’à 10-11 % (massiques). Les minéraux énumérés ci-après
renferment tel ou tel élément du sous-groupe considéré: la calcite
et l’aragonite CaCO;. la talcite Mg.[Si,0,,|(OH):, la fluorite CaF,,
le béryl Be;AL{Si,0,,1, la célestine SrSO,, la strontianite SrCO;, la
barythine BaSO,, la withérite BaCO,.. Le radium est contenu, en très
faibles quantités, dans les minerais uranifères (0,3 grammes de Ra
par tonne d'uranium).
La séparation de ces métaux se fait par électrolyse de leurs sels
fondus (des chlorures le plus souvent), le strontium et le baryum
étant extraits par aluminothermie:
4SrO + 2Al = 3Sr + SrO-Al,0,
métaaluminate
de strontium
4BaO + 2AÏ = 3Ba + BaO-Al.0O,
métaaluminate
de baryum
Le béryllium trouve un large emploi dans la production de
bronzes au bérvllium (0,5 % massiques de Be), d’aciers alliés et
d’autres alliages. Le cuivre additionné de béryllium a des caracté-
ristiques mécaniques et anticorrosives améliorées. Le béryllium est
utilisé dans les piles nucléaires en qualité de réflecteur des neutrons.
Il sert également à fabriquer des sources de neutrons. On en fait les
fenètres des tubes à rayons X (il est 16-17 fois plus perméable aux
rayons gamma que l'aluminium). On utilise BeO (F = 2550 °C)
pour confectionner des creusets réfractaires.
Le magnésium est un constituant important des alliages légers
répondant aux compositions suivantes (% massiques): 89-91 d’Al
et 9-11 de Mg (magnalium) ; jusqu’à 10,5 d’Al, 4,5 de Zn, 17 de Mn
et jusqu à 83 de Mg (électron). Ces alliages ont de bonnes caracté-
ristiques mécaniques et anticorrosives, sont antimagnétiques et ne
jettent pas d’étincelles sous l’action de chocs ou du frottement. On
les emploie dans la construction aéronautique et dans la production
de moyens de transport terrestre. Le magnésium est utilisé pour obte-
«
nir des métaux à partir de leurs oxydes ou chlorures difficiles à
366 MÊTAUX (CH. XII
réduire. La faculté qu'a le magnésium de brüler à l’air d’une flamme
éblouissante, riche en rayons à ondes courtes, conditionne son emploi
en pyrotechnie et en photographie. Parmi ses composés, la magnésie
calcinée MgO (F = 2800 °C), préparée par calcination de la magnésite
MeCO:, présente un grand intérêt pratique. Elle sert à produire des
matériaux réfractaires (chamotte) et du ciment magnésien (mélange
de MgO calciné à 800 °C avec une solution à 30 % de MgC]l.) dont
on fait des éléments et des structures des constructions. légers. réfrac-
taires et imperméables au son.
On utilise le calcium en qualité de réducteur des oxydes de plu-
sieurs métaux rares, ainsi que pour obtenir des alliages durs avec
le plomb.
Le strontium et le baryum ne trouvent qu'une application limi-
tée. Ainsi, le baryum est introduit dans certains alliages (régules au
plomb). On se sert du sulfate de baryum pour fabriquer la peinture
décorative lithopone (BaSO, + ZnS) et le papier glacé, ainsi que
pour diagnostiquer certaines maladies. Les nitrates et autres sels de
strontium et de baryum s’emploient pour fabriquer des fusées de
signalisation, des balles et des obus traceurs.
METAUX DU SOUS-GROUPE SECONDAIRE DU GROUPE II
(FAMILLE DU ZINC)
$ 123. Généralités. Ce sous-groupe comprend le zinc, le cadmium
et le mercure. Ce sont des éléments d dont toutes les orbitales d
sont occupées (Tableau 28). Dans toutes leurs combinaisons, ils
Tableau 28
Quelques caractéristiques des atomes des éléments de la famille du zinc
Configuration Rayon, nm Premier Electroné-
EIé- | Numé- des deux D —— tentiel gativité
ment | ete. rene tomi de l'ion donation relative
mique atomique °
À (état fondamental) q M2+ kJ/mol
(selon
Pauling)
3s°3p63d104s12 0,1065 | 0,0311 907
4s°4p$4d105s2? 0,1184 | 0,0507
5s25p°5d106s? 0,1126 | 0,0605
présentent le degré d’oxydation +2 (seul le mercure peut avoir le
degré « formel » +1 dans les combinaisons de structure —Hg—Hg—).
A la différence des métaux alcalino-terreux, l’avant-dernier niveau
énergétique de Zn, Cd et Hg renferme non pas 8, mais 18 électrons,
d’où la différence considérable entre les propriétés des éléments de
ces deux sous-groupes, alors que l’existence d’une certaine analogie
8 124] PROPRIÊTES DU ZINC, DU CADMIUM ET DU MERCURE 367
s'explique par la présence de deux électrons s sur le niveau périphéri-
que des éléments du sous-groupe principal et du sous-groupe secon-
daire. Les atomes (et les ions) de la famille du zinc sont plus petits
que les atomes et les ions des éléments correspondants du sous-groupe
principal. Voilà pourquoi les premiers sont chimiquement moins actifs
que les seconds: à la température normale, ils sont plus difficiles
à oxyder et n’entrent pas en réaction avec l'eau. La densité de ces
métaux croît du zinc (7 130 kg/m) au mercure (13 600 kg/m°),
alors que les températures de fusion et d’ébullition, ainsi que la
dureté, vont décroissant. Ainsi, le zinc fond à 419.4 °C et le mercure
à —38,9 “C.
$ 124. Propriétés du zinc, du cadmium et du mercure. A l’état
libre, les éléments de la famille du zinc sont colorés en blanc argent.
Le zinc est fragile à la température ordinaire. mais porté à 100-
150 °C, il devient ductile et se prête aisément au laminage. A 200) °C.
le zinc redevient fragile (il est alors facilement réduit en poudre).
Le cadmium est beaucoup plus ductile que le zinc. Il présente une
bonne malléabilité et s’étire en fil dans les conditions normales.
devenant cassant dès 80 °C. Le mercure est liquide dans les con-
ditions ordinaires. Il forme des alliages liquides ou solides. dits
amalgames, avec plusieurs métaux. tels que Na, K. Ag, Au. Zn,
Cd, Sn. Pb. Notons que ce sont de préférence des métaux situés
au voisinage du mercure dans la classification périodique.
Bien que l'énergie d'’ionisation du cadmium soit inférieure à
celle du zinc, ce premier est également stable à l’air et dans l'eau,
étant protégé par une couche d’oxyde résistante. Le mercure liquide,
dépourvu d’une telle protection, est néanmoins aussi stable dans
ces deux milieux: son potentiel d’ionisation élevé explique ce phé-
nomène.
Les oxydes de ces trois métaux sont pratiquement insolubles dans
l’eau. Les hydroxydes de zinc et de cadmium se forment lorsque
leurs sels en solution sont mis en contact avec des quantités équiva-
lentes d'’alcalis:
ZnSO, + 2NaOH = Na,SO, + Zn(OH},}
CdCI, + 2KOH = 2KCI + Cd(OH).;
Ces hydroxydes se décomposent à chaud en libérant de l'eau:
150 °C
Zn(OH)s -——> ZnO + H,0
300 °C
Cd(OH}; —-—> CdO + H,0
L'hydroxyde de mercure, instable, se décompose dès qu’il s’est
formé :
Hg(NO;), + 2NaOH = 2NaNO, + Hg(OH}), = 2NaNO, + HgO + H.0
368 MÉTAUX (CH. XIII
L'hydroxyde de zinc se dissout facilement dans un excès d’'alcalis
en donnant des hydrorozincates:
Zn(OH): + 2KOH = K:.[Zn(0H)i]
L'hydroxyde de cadmium ne se dissout que dans des alcalis con-
centrés bouillants en formant des hydroxocadmiates :
Cd(OH}). + 2NaOH = Na.[Cd(0H)J]
Les hydroxydes de zinc et de cadmium sont solubles dans l’am-
moniac en solution aqueuse. Ils forment alors des complexes dits
ammoniacates :
Zn(OH): + 4NH, = [Zn(NHs)J(OH)s
Cd(OH)s + 4NH3 = [Cd(NHs)4(OH},
Les oxydes de tous les éléments considérés, ainsi que les hydroxy-
des de zinc et de cadmium, forment des sels avec les acides:
ZnO + 2HCI — ZnCl, + H,0
Cd(OH); + H:S0, = CdSO, + 2H,0
Le zinc, le cadmium et le mercure réagissent directement sur
les halogènes et le soufre (combinaisons MX, et MS). Les sulfures
de ces éléments ne se dissolvent pratiquement pas dans l’eau. Le
sulfure de zinc ZnS est soluble dans les acides minéraux; le sulfure
de cadmium CdS, dans l’acide nitrique chaud et dans l’acide sulfuri-
que bouillant ; le sulfure de mercure HgS, dans l’eau régale.
Le zinc et le cadmium, situés à gauche de l’hydrogène dans la
série de tensions, se dissolvent dans les acides dilués avec dégage-
ment d'hydrogène. Le zinc est également soluble dans les solutions
aqueuses d'alcalis:
Zn + 2NaOH + 2H,0 = Na.[Zn(OH),] + Ha
Le mercure qui se trouve à droite de l'hydrogène dans la série
de tensions, ne se dissout que dans l’acide nitrique concentré et
dans l'acide sulfurique concentré chaud:
Hg + 4HNO, — Hg(NO;): + 2N0, + 2H,0
2Hg + 2H,S0, = Hg,S0,4 + SO: + 2H,0
L'action de l'acide nitrique dilué sur le mercure pris en excès
conduit au nitrate de mercure (Ï):
6Hg + 8HNO, — 3Hg.(NOs)a + 2NO + 4H,0
A la différence du zinc et du cadmium, les atomes de mercure
peuvent se lier entre eux par une liaison covalente, en formant le
groupe H : Hg- dont chaque atome est au degré d'oxydation +1.
Les oxydants font croître, sans difficulté, le degré d’oxydation du
mercure (Hg,Cl, + CI, = 2HgCl,) et les réducteurs transforment
$ 125] PREPARATION ET APPLICATIONS DE Zn, DE Cd ET DE Hg 369
Hg** en Hgi* et puis en mercure métallique:
Hg(NOs)2 + Hg = Hg:(NO3):
2HgCl, + SnCl, = Hg;Cl, + SaCl,
Hg;Cl, + SanCl, — 2Hg + SnCl,
Toutes les combinaisons des éléments de la famille du zinc sont
toxiques (surtout les composés du mercure). La vapeur de mercure
est également très toxique.
Le soufre fixe le mercure en sulfure. Voilà pou on répand du soufre
pulvérulent dans les endroits où l’on a laissé couler du mercure. La « démercu-
ration » se fait aussi avec du chlorure de fer FeCl..
$ 125. Eléments de la famille du zinc dans la nature. Préparation
et applications. Le zinc et le cadmium, chimiquement actifs, ne
se rencontrent qu’à l’état combiné, la proportion du zinc dans l’écor-
ce terrestre (1,1-10-* % massiques) étant de loin supérieure à la te-
neur en Cadmium (1,5-10-6 % massiques). Le soufre est, ainsi que le
cadmium, peu abondant dans la nature (0.8-10-5 % massiques). Le
mercure naturel peut être combiné ou libre. On trouve du zinc et du
cadmium (sous forme de sulfures ZnS et CdS) dans les minerais
plombo-zincifères ou plomb-zinc-cuivre. Les minéraux zincifères
d'intérêt pratique sont la sphalérite (blende de zinc) ZnS et la smithso-
nite ZnCO;, pour le mercure, c'est le cinabre HgsS.
La réduction du zinc et du cadmium contenus dans les minerais
sulfurés est effectuée en deux étapes. D'abord, le minerai est soumis
au grillage oxydant, au cours duquel Île soufre est éliminé (consu-
mé) :
2ZnS + 30, = 2Zn0 + 2S0,{
Ensuite, le minerai grillé est réduit par le carbone:
ZnO + C = Zn + CO!
Lors du grillage du cinabre HgS en présence d'oxygène de l’air,
la réduction se produit en une seule étape. vu l'instabilité thermique
de HgO:
850 °C
HgS + O2 ——} Hg + SO:
Il existe un autre procédé industriel où le minerai renfermant du
sulfure de zinc est soumis au grillage. les produits de la réaction
étant extraits du minerai grillé à l’aide de l’acide sulfurique dilué:
ZnO + H,$0, = ZnSO, + H.0
Le sulfate de zinc en solution est électrolysé : le zinc est déposé
sur la cathode. Le cadmium est déplacé de son sulfate en solution
par le zinc métallique.
24—01151
370 MÉTAUX [CH. XIII
Le zinc est utilisé principalement pour préparer des alliages et
pour revêtir des métaux. Parmi les alliages du zinc, nous citerons le
laiton: 60 % massiques de Cu et 40 % de Zn. et l'argentan (maille-
chort): 65 % de Cu. 15 % de Ni et 20 % de Zn. L'oxyde. le sulfate,
le chlorure et le sulfure de zinc présentent un grand intérêt pratique.
L'oxyde de zinc ZnO sert de base au blanc de zinc qui présente un bon
pouvoir couvrant et une bonne stabilité chimique. L'industrie du
caoutchouc consomme beaucoup de ZnO (charge du caoutchouc dans
la fabrication de pneus). Il entre dans la composition de quelques
verres et glaçures. Le sulfate de zinc ZnSO, sert à imprégner le bois
(traitement fongicide) et le chlorure de zinc ZnCIl, à fabriquer des
couleurs minérales et à nettoyer les surfaces lors du brasage du laiton,
du cuivre. du fer. Le sulfure de zinc ZnS est utilisé dans le lithopone
(peinture décorative composée de ZnS et de BaSO,). ainsi que pour
confectionner des luminophores. Mélangé au sulfure de cadmium
CdS, il sert à fabriquer des écrans et des tubes cathodiques de télé-
vision.
Le cadmium est essentiellement utilisé dans divers alliages.
Le cuivre additionné de cadmium devient beaucoup plus résistant.
Le cadmium possède une propriété importante : il absorbe bien les neutrons.
Des barres en cadmium sont utilisées pour contrôler la réaction de fission de
l'uranium dans les réacteurs nucléaires.
Des sels de cadmium servent le plus souvent à fabriquer des pein-
tures caractérisées par une grande diversité des couleurs et par un
bon éclat. Ainsi, le sulfure de cadmium CdS est le constituant princi-
pal des peintures cadmopone (CdS + BaSO,) et zincocadmopone
(ZnS + CdS + BaSO,) dont la couleur imite l’ivoire.
Le séléniure de cadmium CdSe est ajouté au verre pour obtenir
une couleur rubis. Les halogénures de cadmium (qui colorent la flam-
me en bleu) sont utilisés en prrotechnie.
L'industrie électrotechnique est le principal utilisateur du mercu-
re (redresseurs, lampes à lumière du jour. lampes de quartz à mercu-
re). On l'emploie dans divers appareils de mesure (baromètres. mano-
mètres, thermomètres). Beaucoup de mercure est consommé pour
préparer le fulminate de mercure ITg(CNO).. explosif. dont on charge
les amorces percutantes.
Des sels de mercure trouvent leur place en médecine. en agricul-
ture (pesticides), ainsi que dans la fabrication de couleurs minérales.
Ainsi. l'arséniate acide de mercure HgHAsO, est un composant des
peintures hydrofuges et toxiques (antisalissure) pour navires de mer.
Le chlorure mercurique HgCI, en solution aqueuse diluée (au 1 : 1000€)
est utilisé en médecine comme désinfectant. {Le chlorure de mercu-
re (ÏI1), dit aussi sublimé corrosif. est un des plus forts poisons. alors
que le calomel Hg,Cl, n'est pas toxique.Ï Le sulfate de mercure HgSO,
6 127] PROPRIÉTÉS D'AI, DE Ga. D'In ET DE TI 371
est un catalyseur précieux que l'on applique dans la production de
certains produits organiques (aldéhyde acétique, anhydride phtali-
que).
MÉTAUX DU SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE III
$ 126. Généralités. Ce sous-groupe comprend quatre métaux :
aluminium, gallium, indium et thallium. Ces métaux sont des élé-
ments p dont l'atome a sur son niveau énergétique externe trois
électrons de valence: deux sur le sous-niveau s et un sur le sous-ni-
veau p (Tableau 29). Lorsque l'atome s'excite. un des électrons s
Tableau 29
Quelques caractéristiques des atomes des métaux
du sous-groupe principal du groupe III
Configuration Rayon, nm Prctér Electro-
EJé- | Numé- des deux potentiel négativité
ment |ro ato- | dernières couches de l'ion | d’ionisation, ja
(état fondamental) Pauling:)
mique électroniques atomique M3+ kJ/mol
2529 p63st3p1 0,1312 | 0,0221
3s3p63d104s4pt | 0,1254 | 0,0298
4st4pt4dt05s25p1 | 0,1382 | 0,0481
5s*5pt5d106s26p1 | 0,1319 | 0,0580
du niveau périphérique passe sur le sous-niveau p. Ces métaux sont
donc normalement trivalents (et le thallium aussi monovalent). Le
caractère métallique augmente de l'aluminium au thallium.
Les oxydes et les hydroxydes d'aluminium, de gallium et d'in-
dium sont amphotères. Les oxydes de thallium (T1,0 et T1,0,) sont
uniquement basiques. Le gallium et l'indium ont des réseaux cristal-
lins que l’on ne rencontre pas. normalement, chez les métaux (rhom-
bique pour le gallium, tétragonal pour l'indium). Dans le réseau
du gallium, ce ne sont pas des atomes ou ions individuels qui occu-
pent les nœuds. mais les molécules diatomiques Ga,. faciles à dé-
truire : le gallium fond à 30 °C. Dans le gallium fondu les molécules
diatomiques sont en partie dissociées. On y trouve des atomes et
des ions liés entre eux par une liaison métallique : le gallium liquide
conduit mieux l'électricité que le gallium solide.
$ 127. Propriétés de l’aluminium, du gallium. de l’indium et
du thallium. Tous les quatre sont des métaux blancs argentés, re-
lativement mous et ductiles. Leur densité croît de l'aluminium au
thallium. De tous ces métaux le gallium est le plus dur, tandis que
21*
372 METAUX [CH. XL
son point de fusion est le moins élevé (30 °C). L'aluminium possède
la meilleure conductivité électrique. Chimiquement. l'aluminium,
le gallium et l'indium présentent de grandes analogies. A l'air. ils
se recouvrent tous d’une couche d'oxyde bien résistante. Leur activi-
té chimique élevée devient particulièrement manifeste après élimi-
nation de cette couche. Ils réagissent sur les non-métaux (halogènes,
soufre). donnant des combinaisons de degré d'oxydation +3. Ainsi,
le gallium réagit à froid sur tous les halogènes. à l’exception de
l'iode :
2Ga + 3C1, = 2GaCl,
L'aluminium, le gallium et l'’indium ont un comportement va-
riable vis-à-vis de l’eau. L’aluminium dépouillé de sa couche pro-
tectrice réagit rapidement sur l’eau à température normale:
Le gallium ne décompose pas l’eau et l’indium en est lentement
corrodé. Tous les trois métaux dégagent l'hydrogène des acides
dilués :
2A1 + 3H,S0, = Al(SOi)s + 3H:
2Ga + 6HCI = 2GaCl, + 3H,
21n + 6HCI = 21nCl, + 3H,
Mais le thallium est pratiquement insoluble dans ces deux acides,
car sa surface se recouvre rapidement d’une pellicule dense et peu
soluble de chlorure TICI ou de sulfate TI,S0..
L’acide nitrique concentré, à froid, ne dissout pas l'aluminium,
car il en est vite oxydé en un oxyde insoluble dans les acides. Par
contre, le gallium et l’indium sont solubles dans l’acide nitrique
concentré. |
L'aluminium et le gallium présentent une bonne solubilité dans
les solutions alcalines (l'indium ne s’y dissout que lentement) avec
formation de sels: hydroroaluminates, hydroxogallates et hydroxo-
indates:
2A1 + 6KOH + 6H,0 = 3H, + 2KAUOH),]
hexahydroxoalu-
minate de potassium
L'aluminium à l’état anhydre peut être substitué, dans ses sels,
par un métal plus actif, tel que le potassium * :
3K + AICI, — 3KCI + Al
Le thallium présente des analogies avec l'argent, ainsi qu'avec
ses voisins immédiats dans la période : le mercure et le plomb. Il ne
* C'est suivant cette réaction que l'aluminium à l'état libre fut obtenu
pour la première fois (en 1827).
$ 128] PRÉPARATION ET APPLICATIONS D'AI, DE Ga, D'In 313
réagit sur l'eau qu'en présence d oxygène :
4T1 + 2H,0 + O, = 4TIOH
Le thallium entre facilement en réaction avec les halogènes. Il
interagit à chaud avec le soufre, se dissout aisément dans l'acide
nitrique. Le thallium ne réagit pas sur les alcalis.
$ 128. Etat naturel des éléments du sous-groupe principal du groupe
III. Pééperalion et applications. Ces éléments se rencontrent dans la
nature uniquement sous forme de combinaisons. D'après son abon-
dance l'aluminium occupe la troisième position parmi tous les élé-
ments. après l’oxygène et le silicium (sa proportion dans l'écorce
terrestre s'élève à 8,13 % massiques). Le gallium. l'indium et le
thallium sont des éléments assez peu répandus: les teneurs respecti-
ves sont égales à 1,7-10-%, 1-10-5 et 3-10-5 % (massiques). Ces élé-
ments sont disséminés dans différents minéraux et roches.
Le gallium, l’indium et le thallium sont tirés des résidus de
minerais non ferreux que l'on soumet à un traitement chimique
complexe. Ainsi, le gallium est obtenu par électrolyse de Ga(OH);
dans NaOH fondu (l’électrolvte contient ces deux hydroxydes dans
le rapport de 1 à 6). L'indium se prépare par électrolyse d'InCl, à
l'état fondu, l'opération s'effectuant en deux étapes. D'abord. le
chlorure d’indium est électrolysé avec une cathode en mercure:
l'indium métallique libéré à la cathode forme un amalgame avec le
mercure. Cet amalgame qui renferme 30 à 40 % (massiques) d'in-
dium est ensuite placé dans un autre électrolyseur où il joue le rôle
d’anode, la cathode étant constituée par de l’indium pur à l'état
liquide, le chlorure d’indium fondu servant d'électrolyte. Le passage
du courant provoque Îles réactions:
A l'anode: In — 3e = In°*
A la cathode: Inÿ* + 3e = In
L'indium obtenu par ce procédé est très pur. On peut également
le tirer du chlorure d’indium en solution par l'action du zinc:
2In$+ + 3Zn = 3Zn°?* + 2In
Le zinc sert aussi à isoler le thallium de la solution de TI,S0, :
Zn + TI,S0, = 2Tl + ZnSO,
L'Union Soviétique dispose de grosses réserves de minerais d’alu-
minium. Des gisements de boxites qui renferment, à côté
d’A1,03- H,0 (32 à 60% massiques), des combinaisons du fer et du sili-
cium (Fe,0;:, SiO.), se trouvent dans l'Oural, en Bachkirie et au
Kazakhstan. Un minéral aluminifère important est la néphéline
(néphélite) NalAISiO,] (l’aluminium est élaboré par fusion de ce
minéral). En UÜ.R.S. os la néphéline giît. avec l'apatite, dans les
374 MÊTAUX [CH. XIII
Khibines. Des gisements de minerais d'aluminium existent égale-
ment en Sibérie.
L'aluminium est extrait de ses minerais par électrolyse. Préala-
blement, la matière première est soigneusement débarrassée des impu-
retés (Fe,03. SiO,). car au cours de l'électrolyse d'ALO;. le fer et
le silicium dont les potentiels de décomposition sont moins élevés,
se déposeraient sur la cathode en même temps que l'aluminium.
D S —
Fig. 71. Préparation de l'aluminium par électrolyse du mélange AlO:-NasAÏFs
a l'état fondu :
1 — anodes en pâte . graphite : 2 — cathode (sole du four) : 3 — corps du four :
— "aluminium liquide ; 5 — mélange fondu
L'électrolyse d'un oxyde d'aluminium (II1) pur et anhydre pré-
sente de grandes difficultés, puisque Al.0, ne conduit pas l'électri-
cité et ne fond qu'à 2050 “C. Voilà pourquoi on soumet à l’électrolyse
une solution à 10 % d'oxyde d'aluminium (JII) dans la cryolithe *
NaslAIF,] fondue à 900- 950 °C.
L'électrolyseur pour élaboration d aluminium se compose d'une
enveloppe en tôle de fer. revétue à l’intérieur de briques réfractaires
(fig. 74). Le fond (sole) en graphite sert de cathode. Les anodes sont
des armatures d'aluminium remplies de pâte de graphite. Dans la
cryolithe fondue. l’oxyde d'aluminium (11) se dissocie en ions:
AlOs = Al+ + AlOÏ- et 2ALO, == AlS+ + 3A10z
Le passage du courant électrique provoque la libération d'alumi-
nium à la cathode. alors qu à l'anode il y a décharge d’anions et dé-
gagement d'hydrogène atomique qui oxyde les anodes en graphite:
* La cryolithe est bien rare dans la nature. On la prépare artificiellement
par action de l'acide fluorhydrique sur l'hydroxyde d'aluminium. suivie de neu-
tralisation de la solution acide pie ne ;
Na,CO, + 2HF = 2NaF + CO, + H,0
AIF; + 3NaF — Na: [AIF,]
$ 128] PREPARATION ET APPLICATIONS D'AI, DE Ga, D'Iîn 315
À la cathode: Al3%+ + 3e — Al
A l'anode: 2A103 — 6e + Al,0, + 30
L'aluminium, plus dense qu'Al,0, en solution dans la crrolithe.
s'accumule au fond de l'électrolyseur. On l'en évacue de temps en
temps, tout en alimentant la solution en nouvelles doses d'oxyde
d'aluminium ([I1). Les anodes à graphite usées sont remplacées de
façon automatique.
L'aluminium présente le plus grand intérêt pratique parmi les
métaux du groupe III. On en obtient des alliages légers à excellentes
caractéristiques mécaniques (résistance. dureté, etc.), dont le plus
important pour l'industrie aéronautique et automobile est le duralu-
min. de composition suivante (% massiques): Al (94). Cu (4). Mg,
Mn, Fe, Si (0,5 chacun). Cet alliage. aussi résistant que l'acier, est
presque 3 fois plus léger. [l est facile à laminer. étirer (tréfiler),
emboutir et filer. L'alliage aluminium-magnésium (magnalium)
sert à fabriquer des structures de navire (de mer ou de rivière), des
évaporateurs pour réfrigérateurs ménagers. des citernes pour pro-
duits alimentaires. L'alliage aluminium-manganèse est utilisé pour
produire des radiateurs d'auto et de tracteur. Le génie civile utilise
des alliages de l'aluminium avec le magnésium et le silicium (mousse
d'aluminium).
On fait en aluminium des appareils chimiques. des câbles électri-
ques, des condensateurs. des miroirs. L'aluminium réduit certains
métaux oxydés (chrome, manganèse):
Cr.03 + 2A1 = ALO, + 2Cr
Cette réduction est possible, vu la grande affinité chimique de l'alu-
minium pour l'oxygène. Ainsi, la réaction
4A]l + 30; — 2AL0O;,
dégage une chaleur très importante (1672 kJ'’mol).
Une application très importante de l’aluminium est la calorisa-
tion (aluminiage, aluminisation): saturation en aluminium des sur-
faces en acier ou en fonte pour les protéger contre l’oxydation à une
température allant jusqu'à 900 °C. La calorisation est effectuée en
plongeant l’objet à protéger dans de l'aluminium fondu ou, plus
souvent, en chauffant la pièce à traiter avec un mélange d'alumi-
nium pulvérulent et d'oxyde d'aluminium (III). L'aluminium pé-
nètre dans la couche superficielle de la pièce, en formant avec le fer
une solution solide.
En U.R.S.S., au cours du dixiéme quinquennat la production d'aluminium
a été multipliée par 1,2-1,3.
Les composés d'aluminium ayant un intérêt pratique sont l’oxy-
de, le chlorure et le sulfate Al,(S0.,),- 18H,0, ainsi que l'alun de
376 MÊTAUX [CH. XIIT
potassium KAI(S0.,),.-12H,0. La chamotte (brique réfractaire) ren-
ferme 45 % (massiques) d'oxyde d'aluminium Al,0O.. Le chlorure
d'aluminium AlCI, sert de catalyseur dans la transformation de
pétrole et dans diverses synthèses organiques. Le sulfate d’'alumi-
nium est appliqué à l'épuration de l’eau, car le précipité AI(OH},
qu'il forme par hydrolyse entraîne les particules en suspension, les
bactéries, etc. L’alun de potassium sert à tanner les peaux et à mor-
dancer les tissus de coton à teindre.
Le bas point de fusion (29,8 °C) et le haut point d'ébullition
(2237 °C) du gallium déterminent son utilisation, à l'état liquide,
dans les thermomètres de quartz à hautes températures, ainsi que
dans la préparation d’alliages à bas point de fusion. Le thallium (très
pur) est utilisé dans la fabrication de semiconducteurs pour « doper »
le germanium et le silicium (ainsi on améliore la conductibilité
« par trous »).
Les composés intermétalliques que le gallium forme avec l'anti-
moine et l’arsenic possèdent eux-mêmes des propriétés semiconduc-
trices.
On fait d'indium des réflecteurs de haute qualité. Les alliages
Ga-Al, In-Pb servent de brasures. Le thallium entre dans la compo-
sition d'’alliages pour paliers et d’alliages résistants aux acides.
L’alliage qui renferme 10 % de T1, 20 % de Sn et 70 % de Pb résiste
même à un mélange d'acides sulfurique, chlorhydrique et nitrique.
METAUX DU SOUS-GROUPE SECONDAIRE DU GROUPE III.
LANTHANIDES ET ACTINIDES
$ 129. Généralités. Ce sous-groupe comprend le scandium, l'yt-
trium, le lanthane, l’actinium, ainsi que deux familles de quatorze
éléments chacune qui suivent le lanthane et l'actinium dans la classi-
fication périodique de Mendéléev et qu on appelle respectivement
lanthanides et actinides.
Tableau 30
Quelques caractéristiques des atomes des éléments
de la famille du scandium
Configurati Rayon, nm Elect
RE NE
Ft ro ato- | dernières couches de l'ion dicton relative
men mique électroniques atomique M3+ kJ ol , (selon
(état fondamental) ‘ /m Pauling)
Sc 21 3s°3p*3d!4s° 0,157 0,0193 632 1.3
Y 39 4s°4pf4d15s° 0,1693 | 0,0640 615 1,3
La 57 5s°5p#5d16s° 0,1915 | 0,0819 540 1.1
AC 89 6s°6p%6d!1s° 0,1895 665 1 ,1
$ 130] PROPRIÊTES DES MÉTAUX DE LA FAMILLE DU SCANDIUM 377
Les atomes de ces éléments disposent de trois électrons de valen-
ce: deux électrons dans l’état s sur le niveau périphérique et un
dans l’état dsur l’avant-dernier niveau (Tableau 30). Les métaux de la
famille du scandium sont des éléments d normalement trivalents.
Leurs atomes se rapprochent des atomes des éléments du sous-groupe
principal, quant au nombre d'électrons de valence. mais en diffèrent
pour ce qui concerne la configuration des deux derniers niveaux
énergétiques. Vu la grosse taille de leurs atomes et ions et la présence
de deux électrons seulement sur le niveau externe, les éléments du
sous-groupe secondaire sont des métaux plus francs que les éléments
du sous-groupe principal. Ce caractère métallique accusé les fait
ressembler, quelque peu, aux métaux alcalino-terreux.
$ 130. Propriétés des métaux de la famille du scandium. Ce sont,
à l’état libre, des métaux blanc argent. Ils ne cèdent en activité
chimique qu'aux métaux alcalins et alcalino-terreux. Leur réactivité
croît de façon significative dans la série Sc-Y-La-Ac. Au contact de
l'air ces éléments se recouvrent vite d’une couche d'oxyde qui les
préserve de l'oxydation ultérieure. Ils réagissent à chaud sur la plu-
part des non-métaux et, à l’état fondu, sur les métaux. Le lanthane,
porté à 450 °C dans l'atmosphère d'oxygène, s’enflamme et brüle
en se transformant en oxyde La,O.,. À haute température, il entre en
réaction avec l'azote pour former un nitrure noir:
2La + N: = 2LaN
On peut juger de l’accroissement de l’activité chimique du scan-
dium au lanthane d’après les quantités d'énergie dégagées au cours
de l'interaction de ces métaux avec des non-métaux actifs (en kJ, mol):
Oxydes Chlorures
Scandium 1722 928
Yttrium 180 987
Lanthane 1915 1109
Le scandium (ainsi que son oxyde et son hydroxyde) est le seul
à manifester un faible caractère amphotère (analogie avec l’alumi-
nium). Ainsi, il se dissout un peu, à chaud, dans des solutions aqueu-
ses d’alcalis en formant des hkexahydrozoscandates :
2Sc + 6H,0 + 6KOH = 3H, + 2K{Sc(OH),]
L'oxyde de scandium (III) donne des scandates par fusion en
présence d’alcalis:
Sc:03 + 2NaO0H = 2NaScO, + H:0
L'hydroxyde de scandium est soluble dans les solutions alcali-
nes «
Sc(OH), + 3NaOH = Na.(Sc(OH),]
318 MÊTAUX (CH. XIII
Le scandium et ses analogues précèdent l'hydrogène dans la série
de tensions (le potentiel d’électrode du lanthane vaut —2,24 V).
Le scandium ne réagit pas sur l’eau, tandis que le lanthane la dé-
compose lentement dès les conditions normales:
2La + 6H,0 = 2La(OH), + 3H,
Les métaux considérés se dissolvent aisément dans les solutions
diluées de HCI et H,S0, :
2Sc + 6HCI = 2ScCl, + 3H,
et réduisent en ammoniac un acide nitrique très dilué:
8Sc + 30OHNO, = 8Sc(NOs)s + 3NH4NO; + 9H,0
$ 131. Eléments de la famille du scandium dans la nature. Pré-
paration et applications. Les éléments en question sont très disper-
sés à l'état naturel (le scandium a été découvert dans la thortvéitite
Sc,0,-2Si0,). Leurs concentrations respectives (*o massiques) dans
l’écorce terrestre sont les suivantes : 2-10 (Sc), 2,8-10-3 (Y}), 1,8 «
x 4073 (La), 6-10-1% (Ac). Le scandium, l’yttrium et le lanthane voi-
sinent, dans les minerais, avec les lanthanides, le zirconium, le
hafnium, le thorium, etc. L'actinium a été trouvé dans les minerais
uranifères. On prépare Sc. Y. La et Ac à l’état libre par électrolyse
des chlorures fondus ou par métallothermie.
Aujourd'hui. les éléments de cette famille, ainsi que leurs com-
binaisons, trouvent des applications dans le matériel de pointe.
On se sert du scandium pur pour préparer des alliages qui résistent
à des températures très élevées. L'yttrium est utilisé comme dope
dans la fabrication d'alliages spéciaux, le lanthane et son oxyde
servent à absorber les traces de gaz (O,, CO,, N:) dans les appareils
à vide poussé. De plus, La.O. est utilisé pour fabriquer des glaçures
et des verres optiques pour objectifs photographiques.
$ 132. Lanthanides. Généralités. Dans la sixième période de la
classification périodique des éléments, le lanthane (numéro atomi-
que 57) est immédiatement suivi de 14 éléments numérotés de 58 à 71.
Les propriétés de ces éléments sont analogues à celles du lanthane,
d'où leur nom générique de lanthanides. On les appelle aussi élé-
ments des terres rares.
Dans la série Ce-Lu, au fur et à mesure que la charge nucléaire
des atomes s'accroît, les nouveaux électrons remplissent non pas le
sous-niveau 5d, mais le sous-niveau 4f (Tableau 31). Dans l'atome
de cérium. l’électron 5d que possédait le lanthane passe sur le sous-
niveau f. Si l’on considère le caractère du remplissage du sous-niveau
4f, la famille des lanthanides se subdivise en deux sous-familles :
celle du cérium (éléments Ce-Gd) dont les orbitales 4f n’abritent
$ 13°]
319
LANTHANIDES
Quelques caractéristiques des atomes des lanthanides
Tableau 31
: Configuration des deux Ron Electroné-
Sa mérn dernières couches | de te
ato- électroniques (état ato- | in (sclen
micue fondamental) mique M2* Paulins)
Sous-famille du cérium
Ce (cérium) n8 |4s*4pf4dl04f*5s"5p"Gs: 0,1825 | 0,100 1,1
Pr (praséodyme) 59 | 4s*4pt4d104f35s°5 p66s? 0,1828 | 0,100 1.1
Nd (uéodyme) 60 | 4s*4pf4dt04f.5s<°5p#Gs* 0,1821 | 0,099 1:2
Pm (prométhéum) | 61 |4s°4pf4dt04f55s%5p6Gs® 0,098
Sm (samarium) 62 |4s4pt4di04 8525 psGs2 0,1802|0,097| 1.2
Eu (europium) 63 |4s°4p4d104f55s25 p#6s* 0,2042 [0,096
Gd (gadolinium) 64 | 4s°4pt4dt04fî5s"5p65d16s? | 0,1802 | 0,094 1.1
Sous-famille du terbium
Tb (terbium) 65 |4s*4p*4d104f95s25 péGs? 0,1782 10,092 1:2
Dy (dy<prosium) 66 |4s°4pt4d104f105s25 péGs* 0,1773 10,091
Ho (holmium) 67 |4s*4pf4d'04f115s°5pt6s° 0,1776 | 0.089 1,2
Er (erbium) 68 |4s*4pt4d04f125s25 pé6s® 0,1757 10,087 1.2
Tim (thulium) 69 |4s*4pt4dt04f135s25 p66s° 0,1746 | 0,086 1.2
Yb (ytterbium) 70 | 4s*4pf4d104fl15s25 péGs? 0,1940 | 0,085 1.1
Lu (lutécium) 71 |4s"4pf4dt04ft15<5p65d\6s? | 0,1747 | 0,084 1,2
pas d'électrons appariés, et celle du terbium (éléments Tb-Lu) où
il y a des électrons appariés sur les orbitales 4/:
Sous-famille Ce Pr Nd Fm Sm Eu Gd
du cérium 4f® 4f5 A4ft 4 4 4f* 4/75d1
Sous-famille Tb Dy Ho Er Tm Yb Lu
du terbium 4f9 4f\0 4fit 4fis 4fis 4j} 4fW5ql
Les lanthanides sont des éléments f, à l'exception du gadolinium
et du lutécium dont les atomes ont chacun un électron dans l’état 5d,
en plus de la configuration stable f et f'*.
Une faible excitation suffit pour qu'un (plus rarement deux)
électron 4f passe dans l’état 5d. Les autres électrons 4f, « blindés »
par les électrons 5° et 5p°, ont peu d'effet sur les propriétés de la
plupart des lanthanides. Ce sont donc, principalement, les électrons
5d et Üs* qui déterminent les propriétés de ces éléments. Voilà pour-
quoi les lanthanides présentent une grande analogie avec les élé-
ments du groupe III: le scandium et ses analogues.
Un fait remarquable : les dimensions des atomes des lanthanides
sont très voisines (v. Tableau 31). Parallèlement à l'accroissement
38) MÊTAUX [CH. XITT
«
du numéro d'ordre (de 57 à 71), les rayons atomiques diminuent
(contraction lanthanique). Cet effet est dû à l'augmentation de l’at-
traction entre le noyau (dont la charge positive croît) et les électrons.
La périodicité du remplissage des orbitales 4f prédétermine l’exis-
tence de variations périodiques des propriétés (particulièrement des
degrés d’'oxydation) des éléments des sous-familles du cérium et du
terbium :
Ce Pr Nd Pm Sm Eu Cd
+3, --4 +-3, -L4 +3 +3 —+-3, +2 +3, +2 +3
Tb Dy Ho Er Tm Yb Lu
+3, +4 +3, +4 3 +3 +3,(+2) +3, +2 +3
Les configurations électroniques les plus stables sont celles qui présentent
le nombre maximal d'électrons et les spins parallèles sur les orbitales /, soit
f* et fi, C'est la raison pour laquelle les atomes Eu et Yb cèdent assez facile-
ment non pas trois, mais deux électrons. devenant des ions Eu?* et Yb*+. Dans
ce cas, ils ont sur leurs orbitales 4f respectivement 7 et 14 électrons. L’atome
Ce ne possède que deux électrons à spins parallèles sur ses orbitales 4f. Dans
ses réactions. l’atome de cérium peut donc céder, en plus de ses deux électrons
6s, les deux électrons des orbitales 4/: c’est alors l'ion Ce*+. Le terbium pré-
sente un phénomène analogue. Après avoir cédé quatre électrons (deux de l’orbi-
Se Fe des orbitales 4/). l’ion Tbt+ acquiert la configuration électronique
stable 4/°.
Propriétés des lanthanides. À l'état de corps simples, tous les
Janthanides sont des métaux blanc argent (la teinte jaune du pra-
séodyme et du néodyme est due à la couche d'oxyde qui recouvre leur
surface). Tous ces métaux sont bien malléables. Ils sont presque tous
paramagnétiques : seuls le gadolinium, le dysprosium et l'holmium
manifestent un caractère ferromagrétique.
De cérium au lutécium, on observe une périodicité interne dans
la variation de la densité et des températures de fusion et d'ébulli-
tion : ces propriétés varient suivant le même ordre dans les deux sous-
familles, celle du cérium et celle du terbium (Tableau 32). Les tempé-
ratures de fusion y vont croissant, à l'exception de l’europium et de
l'yvtterbium. Ces deux éléments ont aussi des points d’ébullition
plus bas que les autres éléments de la série des lanthanides. Ainsi que
pour le lanthane, la réactivité des lanthanides n’est inférieure qu’à
celle des métaux alcalins et alcalino-terreux. Ils perdent vite leur
éclat au contact de l’air humide. Portés à 200-400 °C, ils s’enflam-
ment à l'air et se consument en un mélange d'oxydes (M,0.) et de
nitrures (MN). Le cérium en poudre s’enflamme facilement à l'air
dès la température ordinaire. On utilise cette faculté du cérium dans
les pierres à briquet.
Les lanthanides réagissent sur les halogènes et, à chaud, sur
l'azote, le soufre, le carbone, le silicium, le phosphore, l'hydrogène.
Etant situés bien à gauche de l'hydrogène dans la série de tensions,
$ 132] LANTHANIDES 381
Tableau 32
Propriétés physiques des lanthanides
Température, °C
Métal Densité, kg/ms3
de fusion d'ébullition
Sous-famille du cérium
Lanthane 6120 . 3420
Cérium 6770 3470
Praséodyme 6710 3017
Néodyme 7010 hr 3210
Prométhéum
Samarium 7540) 1072 1670
Europium 9240 826 1430
Gadolinium 7890 1312 2830
Sous-famille du terbium
Terbium 8250 1368 2480
Dysprosium 8560 1380 2330
Holmium 8780 1500 2380
Erbium 9060 1525 2390
Thulium 9320 1600 1720
Ytterbium 6950 824 1320
Lutécium 9850 1675 2680
les lanthanides (dont les potentiels d'électrode varient entre —2,4
et —2,1 V) sont oxydés par l’eau chaude suivant la réaction
Ils se dissolvent parfaitement dans les solutions dilués de HCI,
HNO; et H,S0,. Les lanthanides restent stables dans les solutions
d'acide phosphorique et d’acide fluorhydrique, car là ils se recou-
vrent d’une couche protectrice de sels peu solubles. Ils sont insolubles
dans les solutions aqueuses d’alcalis. Leur activité chimique diminue
quelque peu du cérium au lutécium, suite à la réduction des rayons
atomiques et ioniques.
Comme nous l'avons déjà signalé, les lanthanides ont le plus
souvent le degré d’oxydation +3 et, parfois, dans les oxydes, <+4
(CeO,, PrO,, TbO,). Le samarium, l’europium et l’ytterbium sont
au degré +2 dans leurs oxydes, halogénures et sulfates. Les oxydes
des lanthanides, très stables chimiquement, ont des points de fusion
élevés. Ainsi, La,O, fond au-dessus de 2000 °C et CeO, à près de
2500 °C. Ils sont pratiquement insolubles dans l’eau. Les hydroxydes
382 METAUX [CH. XIE
correspondants sont également insolubles dans l'eau, ainsi que dans
les solutions aqueuses d’alcalis.
Les oxydes et les hydroxydes des lanthanides se dissolvent dans
les acides (à l'exception de HF et de H,PO,). L’hydroxyde de cérium
Ce(OH), forme avec les acides réducteurs des sels où le cérium est
au degré d'oxydation +3:
2Ce(0H), — 8HCI — 2CeCl, + CI, + 8H.0
Lanthanides dans la nature. Préparation et applications. Les lantha-
nides naturels, extrémement dispersées, ne se rencontrent jamais à
l’état libre : on ne les trouve que combinés les uns aux autres ou au
Janthane et l’yttrium. La séparation des éléments individuels pré-
sente de grandes difficultés, vu la similitude extrême de leurs pro-
priétés. L'écorce terrestre renferme 0,01 % (massiques) de lanthane
et lanthanides, soit à peu près la même proportion que pour le cuivre.
Le lanthane, le cérium et le néodyme sont trois lanthanides les plus
répandus.
L'élément radioactif prométhéum est, par contre, très rare. On
l’a isolé en 1947 des produits de fission de l'uranium dans une pile
nucléaire.
Ordinairement, les lanthanides sont préparés par électrolyse des
chlorures ou des fluorures fondus. Il est également possible de les
obtenir par métallothermie en réduisant les fluorures ou les chloru-
res par des métaux actifs.
On s'en sert dans la production de fonte et d'’aciers de haute
qualité. L'introduction de ces éléments dans la fonte sous forme de
ferrocérium (alliage fer-cérium) ou d'alliage de divers lanthanides
améliore la résistance mécanique de la fonte. Ajoutés à l'acier en
faibles doses, les lanthanides le débarrassent du soufre, de l'azote et
d'autres impuretés (ces métaux chimiquement actifs réagissent avec
les impuretés). Cela donne des aciers à haute ténacité, résistants à la
chaleur et à la corrosion. On en fait des pièces des avions supersoni-
ques, les enveloppes des satellites artificiels de la Terre. Les lantha-
nides aident à obtenir des alliages tenaces à chaud de métaux légers
(magnésium et aluminium). C'est à l’aide d’alliages de lanthanides
que l'on effectue la réduction métallothermique de nombreux métaux
(titane, vanadium, zirconium, niobium, tantale) en utilisant à cet
effet la grande affinité des lanthanides pour l'oxygène.
Les lanthanides jouent aussi un grand rôle dans l'industrie des
silicates. L'addition au mélange vitrifiable d'oxydes de lanthanides
confère au verre une bonne transparence, tout en le rendant résistant
non seulement aux rayons ultraviolets, mais aussi aux rayons X.
Les verres additionnés de lanthanides sont indispensables pour les
appareils astronomiques et spectroscopiques. La présence de Nd.0,
‘donne des verres d’un rouge vif et celle de Pr,O., des verres verts.
$ 133] ACTINIDES 283
Les oxydes de lanthanides sont également utilisables pour colorer
porcelaine, glaçures et émaux.
Les oxydes de gadolinium, de samarium et d'europium entrent
dans la composition des enrobages céramiques des réacteurs nucléai-
res qui servent à retenir les neutrons thermiques. Certains composés
de lanthanides font partie de peintures, de vernis, de lumenophores,
de catalyseurs.
8 133. Actinides. Généralités. Quatorze éléments suivant l'acti-
nium dans la septième période de la classification périodique cons-
tituent la série des actinides. Ainsi que chez les lanthanides. ce
sont les orbitales 5f des atomes des actinides que les électrons remplis-
sent au fur et à mesure qu’augmente le numéro atomique (Tableau 33).
Tableau 35
Configurations électroniques et masses atomiques des isotopes
les plus répandus des actinides
Configuration des
é Masse atomique deux dernières
Elément Moue de l'isotope couches électroniques
le plus répandu de l'atome
(état fondamental)
Th (thorium) 90 232 Gd°7s°
Pa (protactinium) 91 231 5f*6d1s°
U (uranium) 92 238 5/*6d7s°
Np (neptunium) 93 237 9f*6d7s*
Pu (plutonium) 94 242 5f87s°
Am (américium) 95 243 5f77s°
Cm (curium) 96 248 5f*6d7s°
Bk (berkélium) 97 249 9f"6d7s°
Cf (californium) 98 249 5f107s°
Es (einsteinium) 99 254 9f117s°?
Fm (fermium) 100 253 5f127s°
Md (mendélevium) 101 256 5/1937s°
(No) (nobélium) 102 254 5f147s2
Lr (lawrencium) 103 257 5/"6d47s°
Tous les actinides sont radioactifs. La plupart d'eux se sont
complètement désintégrés au cours de l'existence de la Terre et ne se
trouvent plus dans la nature. On les obtient par voie artificielle.
Le fait que le thorium, le protactinium et l'uranium existent à
l'état naturel s'explique par ce qu'ils ont des isotopes relativement
stables (à grande demi-période).
Ce sont les sables monazités qui servent de source industriel du
thorium. On en tire également des éléments des terres rares. On con-
384 MÉÊTAUX [CH. XIII
naît deux minéraux riches, la thorite ThSiO, et la thorianite (Th,
U)O,. Mais ces minéraux sont bien rares dans la nature. Ils ne for-
ment jamais d'amas considérables.
Le protactinium est un élément extrêmement dispersé. On l'ex-
trait des résidus de la transformation de l'uranium. Mais aujour-
d’'hui un de ses isotopes, le protactinium-231, est synthétisé de façon
artificielle dans les réacteurs nucléaires. Ce procédé en fournit plus
que les minerais d'uranium.
Pour l'uranium, on connaît près de 200 minéraux. Pourtant,
les minéraux exploitables sont bien peu nombreux. Nous en cite-
rons le nasturane (uraninite ou pechblende), auquel on attribue usuelle-
ment la formule U,0,. Un autre minéral assez répandu est l’uranite
Ca(UO,),(PO,),-7H,0. Le neptunium et le plutonium se rencontrent
aussi dans la nature en quantités insignifiantes. Mais leur existence
est due aux processus naturels, pareils à ceux que l’homme réa-
lise dans les réacteurs nucléaires.
Nous donnons ci-après les isotopes les plus répandus obtenus par
voie artificielle :
Maxse ato- Péricde de Masse ato- Période de
mique de demi-vie de mique de demi-vie de
l'isotope l’isotope, ans l’isotope l'isvtope, ans
Np 236 5 000 Cm 242 162,5 jour:
237 2,2-109 + …
7,6
Pu 238 86,4 Se ;
239 24 360 249 9 320
240 6 580 Bk 247 7.1
241 Re 249 314 jours
242 3,19.
LA Cf 249 3690 .
244 1,6-105 250 10,9
Am 241 458 251 800
242 _ 152 252 2.2
243 PAs0 Es 253 20 jours
254 250 jours
Il existe aujourd'hui, dans différents pays du monde, une pro-
duction bien organisée de métaux actinides qui fournit annuelle-
ment les quantités suivantes:
Neptunium Dizaines de Californium Fractions
kilogrammes de gramme
Plutonium Plusieurs Einsteinium Fractions de
tonnes milligramme
Américium Dizaines de Fermium Milliards
kilogrammes d’'atomes
Curium Plusieurs Mendélévium Milliers
kilogrammes d’atomes
Berke]ium Plusieurs
décigrammes
$ 133] ACTINIDES 385
C'est l’uranium et le plutonium qui sont les actinides les plus
utilisés. Les noyaux de deux isotopes de l'uranium (“SU et *““U) et
de deux isotopes du plutonium (“’Pu et **!Pu) sont capables, en
captant un neutron, de se désintégrer en deux fragments. Au cours
de chaque fission le noyau émet, outre les fragments, deux ou trois
neutrons. Cela assure non seulement la
poursuite de la fission commencée,
mais aussi son accroissement rapide,
à la manière d'une avalanche (fig. 75).
La fission nucléaire dégage une
énergie immense. Ainsi, la fission de
l'uranium 235 s'accompagne de dé-
gagement de quelque 75 millions de
kilojoules d'énergie par gramme d'’ura-
nium. Cela a conditionné l’utilisation
de l'uranium et du plutonium en
qualité de combustible nucléaire dans
les installations d'énergie nucléaire
et en tant qu’explosif dans les bombes
atomiques.
L'explosion de la matière nucléai- Fig. 75. Fission nucleaire
re se produit à condition que le pro-
cessus en chaîne évolue de façon à dégager une énergie suf-
fisamment élevée. Pour l’assurer, il faut disposer d’une certaine
masse de matière en fission. La masse minimale de la substance
fissile, nécessaire pour que l'explosion se produise, est dite masse
Fig. 76. Schéma d’une bombe atomique :
1 — charge d'explosif ; 2 — combustible nucléaire; 3 — réflecteur des neutrons ;
4 — amorce
critique. Pourtant, lorsque deux fragments de substance fissile dont
la masse totale est égale à la critique, sont séparés par une certaine
distance, l’explosion n’a pas lieu. Pour qu’elle se produise, il suffit
de mettre en contact les deux fragments. Tel est le principe de fonc-
tionnement de la bombe atomique (fig. 76) : l’amorce 4 fait exploser
la charge d’explosif classique 7, ce qui met en contact les fragments
de combustible nucléaire 2 qui ont la masse totale égale à la criti-
que, la bombe explose.
25—-01151
386 METAUX [CH. XII
Propriétés des actinides. Les éléments actinides, surtout ceux
qui suivent l'uranium, sont caractérisés par leur état trivalent stable.
Cela les fait ressembler à l’actinium et aux lanthanides. Le lawren-
cium est le dernier élément de la série des actinides. L'élément sui-
vant, le kourtchatovium ,,,Ku, présente, comme il fallait s’y attendre,
des propriétés très différentes de celles des actinides: son comporte-
ment chimique le rapproche du zirconium et du hafnium.
Bien que le fait de réunir les quatorze actinides en une seule fa-
mille n’appelle aucune objection valable, il faut bien dire que les
irrégularités qu'ils présentent sont beaucoup plus nombreuses que
dans le cas des lanthanides.
Il est utile de mentionner une certaine analogie de propriétés
qui rapproche le thorium du zirconium et du hafnium, le protactinium
du niobium et du tantale et, surtout, l’uranium du molybdène et
du tungstène. Un fait très intéressant est l'existence d’un neptu-
nium et d’un plutonium heptavalents, prouvée récemment par les
chercheurs soviétiques Krot et Helman. Cela permet de faire un rap-
prochement certain entre le neptunium et deux éléments du grou-
pe VII, le technétium et le rhénium.
Nous donnons ci-après les états de valence connus actuellement
pour les actinides (les états les plus stables et les plus caractéristiques
sont marqués d’un trait):
mAC' 3 »Bk 3 4
Th 3,4 veCf 3
e1Pa 3, 4, 9 #ES 3
s2U 3, 4, 5, 6 100FM 3
ssNP 3, 4, 9, 6, 7 101 Md 2, 3
4 Pu 3, 4, 5, 6, 7 1o2(No) 2, 3
sAm 3,4, 5 203 Lr 3
Cm 3,4
Les rayons des ions M°* et M‘* des métaux actinides décroissent
parallèlement à l’augmentation du numéro atomique. C’est la con-
traction actinique dont la cause est la même que pour la contrac-
tion lanthanique : le remplissage s’effectuant dans les couches élec-
troniques internes dont le nombre demeure inchangé, on assiste à
l'accroissement de l'attraction coulombienne de chaque électron
vers le noyau (dont la charge augmente), d’où la « contraction »
des couches électroniques.
Ainsi que les lanthanides, les actinides se caractérisent par
une activité chimique élevée. On ne peut les obtenir que par élec-
trolyse des sels fondus ou par réduction de leurs halogénures par des
métaux aussi actifs que le calcium ou le baryum. Le Tableau 34
regroupe quelques propriétés physiques des actinides.
8 133] ACTINIDES 387
Tableau 34
Propriétés physiques de quelques actinides
Température, °C
Métal on
de fusion d'’ébullition
Actinium 1 100
Thorium 11 720 4 550 3000 à 4400
Protactinium 15 370 1 873
Uranium 19 040 1 132 3 818
Neptunium 20 450 637
Plutonium 19 740 640 3 235
Américium 143 670 995 2 607
Curium 13 500 1 310
Les hydroxydes M(OH).,, peu solubles dans l’eau, présentent un
caractère basique. Les sels des métaux actinides où ces derniers ont
le degré d’oxydation “3, ressemblent par leurs propriétés aux sels
analogues des lanthanides. Ainsi, les fluorures MF, et les oxalates
M:(C230,)3 sont peu solubles même dans les solutions acides, alors
que les nitrates M(NO:):, les sulfates M,(S0,); et les perchlorates
M(CIO,); sont bien solubles dans l’eau.
Les oxydes MO, sont des solides pratiquement insolubles dans
l'eau. Les hydroxydes M(OH),, à caractère basique, y sont égale-
ment insolubles. Les sels où les actinides sont au degré d’oxydation
+4, ressemblent par leurs propriétés aux sels de Cet+.
L'action de l’eau (hydrolyse) sur les ions actinides étant d’au-
tant plus forte que leur charge est plus grande, lesions M°*et Mf* n’exis-
tent pas en solution aqueuse. Dans l’eau, ils se transforment res-
pectivement en ions MO* et MO;*. Les liaisons qui unissent les
atomes d'oxygène aux ions actinides aux degrés d'oxydation +5
et +6 sont tellement solides que les ions MO5 et MO°* demeurent
intacts au cours de plusieurs transformations chimiques.
Les réactions de disproportionation sont extrêmement caracté-
ristiques des combinaisons des actinides. Ainsi, l’ion plutonium
pentavalent dans PuO; se transforme dans l’eau en ions plutonium
tri et hexavalents :
3PuO$ + 4H+* = Puÿ* + 2PuOf* + 2H,0
Plusieurs sels d’actinides possèdent une bonne solubilité dans
divers solvants organiques non miscibles à l’eau. L’extraction des
composés d’actinides de leurs solutions dans l'eau, effectuée à l’aide
de substances organiques, est basée sur cette faculté. Les procédés
d'extraction sont largement utilisés pour isoler et séparer des actini-
des ayant des propriétés voisines.
25°
388 MÊTAUX (CH. XIII
Les hexafluorures d'uranium, de neptunium et de plutonium (MF)
présentent un intérêt particulier. Ces composés se sont avérés facile-
ment volatils: ils s'évaporent rapidement dès la température nor-
male. Cette propriété importante est utilisée en technologie. Ainsi,
la volatilité d'UF, a permis de mettre au point un procédé de sé-
paration par diffusion d'un mélange isotopique de “UF, et de *SUF,.
METAUX DU SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE IV
(FAMILLE DU GERMANIUM)
$ 134. Généralités. Le germanium, l’étain et le plomb appartien-
nent au sous-groupe principal du groupe IV.
Leurs atomes comportent 18 électrons sur l’avant-dernier niveau
énergétique (Tableau 35), alors que l'atome de carbone y a deux
Tableau 835
Quelques caractéristiques des atomes des éléments
de la famille du germanium
: Rayon, nm Premier |Elcctront-
ee | sSuméro | Gonfiqueaon de polentie |'Ratisité
ment En ches électroniques onidte de l’ion ns tn e
(état fondamental) D12+ kJ/mol Pauling)
Ge 32 3s23p%3d1°4s°4p° 0,139 0,065 761 1,8
Sn 50 4s*4p*4d195s?5p* 0,158 0,102 707 1,8
Pb 82 5s*5p#5dl6<"6p* 0,174 0,126 715 1,8
électrons et l'atome de silicium huit électrons. Quand on passe
du carbone au plomb, l'attraction des électrons périphériques par
le noyau va décroissant, parallèlement à l'augmentation de la taille
des atomes. Voilà pourquoi les liaisons covalentes bien solides qui
s'établissent entre les atomes de carbone deviennent beaucoup plus
faciles à rompre dans le cas du silicium. L'énergie d’agitation ther-
mique favorise cette rupture, les électrons périphériques se libè-
rent et commencent à migrer à l’intérieur du corps. Sous certaines
conditions, le germanium acquiert une conductivité électronique,
devenant un semiconducteur. Dans l’étain et dans le plomb, cette
aptitude des électrons à se détacher de leurs atomes est encore plus
accusée, d'où le renforcement du caractère métallique chez ces élé-
ments.
$ 135. Germanium et ses combinaisons. Dès 1871, Mendéléev
avait prédit l'existence d’un élément situé dans la quatrième période
entre le gallium et l’arsenic. I] avait prévu non seulement les pro-
& 136] ÊTAIN ET SES COMBINAISONS 389
priétés de cet élément (« ékasilicium »), mais aussi celles de quel-
ques-unes de ses combinaisons. 15 ans plus tard (1886), le chimiste
allemand Winkler isolait du minéral argyrodite un nouvel élément
qui avait les caractéristiques de l’ékasilicium. Il le baptisa ger-
manium en l'honneur de sa patrie.
Le germanium est blanc grisâtre, dur et cassant. Il est deux fois
plus lourd que le silicium (leurs densités respectives valent 5330 et
2330 kg/m°). C’est un semiconducteur qui possède une très faible con-
ductivité électrique et une résistance électrique très élevée (57 000
fois plus grande que celle du cuivre). Le germanium résiste à l’action
de l’air et de l’eau dans les conditions ordinaires. À températures
élevées, il réagit sur l'oxygène et certains autres non-métaux, don-
nant des composés de degré d’oxydation +4:
Ge + O0: = GeO;
I1 n’a un degré d’oxydation négatif que dans les combinaisons
avec certains éléments plus électropositifs que lui, tel le magnésium :
2Mg + Ge = Mg,.Ge
germaniure
de magnésium
«
Le germanium ne se combine pas directement à l'hydrogène.
Le germane GeH, n’est préparable que d’une façon indirecte :
Le germane GeH, est un gaz instable, très toxique.
Le germanium, situé dans la série de tensions entre le cuivre et
l'argent, ne se dissout pas dans les acides dilués. Cependant, il est
soluble dans les solutions concentrées d'acides oxydants (cette solu-
bilité augmente à chaud):
Ge + 4H,S0, = Ge(SOi}s + 2S0; + 4H,0
Au cours de l'interaction avec l'acide nitrique concentré Je ger-
manium se comporte comme un non-métal (analogie avec le car-
bone) :
Ge + 4HNO, = H,GeO, + 4NO, + H:0
Le germanium n’agit sur les alcalis qu’en présence d'oxydants en
formant des hexahydroxogerman tes:
Ge + 2Na0H + H,0; — Na.[Ge(0H},]
$ 136. Etain et ses combinaisons. L’étain est un des rares métaux
que l’homme connaît depuis des temps préhistoriques. À l’état libre,
l'étain présente trois variétés allotropiques (comme le carbone).
Outre l'étain blanc ordinaire (forme B de densité 7300 kg/m*), il existe
un étain gris de densité 5750 kg/m° (forme a). L’étain gris est stable
au-dessous de 13,2 °C. L'étain blanc l’est au-dessus de cette tem-
39 MÊTAUX [CH. XIII
pérature. À basses températures, la structure cristalline de l’étain
subit des modifications. Recristallisé à froid, l’étain change son
volume : il y a une sorte de microexplosion, l’étain blanc se trans-
formant progressivement en étain gris pulvérulent.
Cette transformation est presque instantanée à une température inférieure
à —39 °C. Elle se propage lentement autour du point où elle a commencé,
ainsi qu’une inflammation dans l’organisme vivant, d’où le nom de « peste de
l'étain » que l'on donne à ce processus. La peste de l'étain est une « maladie
contagieuse ». Des barreaux d’'étain sous-refroidis, mais « sains », sont conta-
minés au contact de l'étain « malade ». Le processus débute par l'apparition
de petites excroissancrs de métal atteint.
Aujourd’hui, on a appris à « soigner » la peste de l'étain. On a établi que
de petites quantités de zinc et d'aluminium ajoutées à l'étain accélèrent la
peste. Par contre, le bismuth, l’antimoine et le plomb sont des « vaccins »
efficaces contre cette maladie.
Une troisième variété allotropique, l'étain y, est stable au-
dessus de 161 °C. C'est un corps très fragile (on peut le réduire en
poudre).
L'air et l’eau sont sans action sur l’étain dans les conditions
ordinaires. À chaud, l’étain réagit sur l'oxygène et quelques autres
non-métaux :
Sn + O: = SnO:
Il n’a un degré d'oxydation négatif qu'en se combinant à des
éléments plus électropositifs :
2Ca + Sn = Ca,Sn
stannure
de calcium
L'’étain ne réagit pas directement sur l'hydrogène. Le stannane
SnH, est préparable par voie indirecte:
Ca,Sn + 4HCI — 2CaCl, + SnH,
C'est un gaz instable et très toxique. :
L'étain est facile à dissoudre dans les solutions concentrées de
HCI et de H,SO, :
Sn + 2HC1 = SnCl, + H.
Sn + 4H,S0, = Sn(SO): + 2503 + 4H20
L'action de l’étain (qui a dans ce cas le comportement d'un
non-métal) sur l'acide nitrique concentré conduit à un acide peu
soluble, acide stannique H,SnO; (xSnO,-yH,0):
Sn + 4HNO, = H,Sn0, + 4NO: + H20
Cependant, au contact de l'acide nitrique dilué l'étain se com-
porte en métal:
3Sn + 8HNO; = 3Sn(NO,); + 2N0 + 4H,0
8 197] PLOMB ET SES COMBINAISONS 394
Sa dissolution, à chaud, dans les solutions aqueuses d'alcalis
conduit aux hkexahydrozxostannates :
Sn + 2KOH + 4H,0 = K,[Sn(OH)e] + 2H:
Les oxydes d’étain SnO et SnO, sont des solides colorés respective-
ment en noir et en blanc. Les hydrozyde