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Full text of "Chimie Minérale"

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M. Petrov, L. Mikhilev, Y. Koukouchkine 


CHIMIE 
MINÉRALE 


Éditions Mir Moscou 


M. M. HETPOB 
JI. A. MUXHJIEB 
10. H. KYKYIHIKHH 


HEOPTAHHUECKRKAA 
XUMHA 


H3HATEJIECTBO «XHMHA» 
JIEHHHTPAJ 


M. PETROV, L. MIKHILEV, Y. KOUKOUCHKINE 


CHIMIE MINÉRALE 


ÉDITIONS MIR :- MOSCOU 


Traduit du russe par 
EUGÈNE OUMANSKI 


Ha fpanyyscxom sasuke 


© Manarenberso «Xnmna»s 1981, c uamenenuaux 
© Traduction française Editions Mir 1984 


V- 


TABLE DES MATIÈRES 


INTTOQUCTION. à. 3 sis es à US se ds Med se ee 
$ 1. Rôle de la chimie dans le développement de l’industrie et de l’agricul- 
EURB 2  D 2  er /eSPUD PR nn ie Dre dr here 
$ 2. Fotos fondamentales de la chimie. Matière et corps. Objet de la 
Chimie Le de LORS a es Rd ei eo des 
$ 3. Lois stoechiométriques du point de vue de la théorie atomique et 
moléculaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . TT 
$ 4. Degrés d'oxydation des éléments. Classes des composés minéraux. 
Nomenclature 4 2 4 du um & e ee-se oh eu melon 


Chapitre premier. STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION PÉ- 
RIODIQUE ET LOI PÉRIODIQUE DE MENDÉLÉEV 


Structure ATOMIQUE. 4... 20 à 8. ee de ie Le va 2 Nu ner 8 A 6e 6 de 


$ 5. Modèële planétaire de l'atome . . . . . . . . . . . . . . . . . 
8 6. Radioactivité. Réactions nucléaires 
S- 7: "Atome de BON à: 4.2 44 à 4 ie nu Ur à di dus e ste à 
$ 8. Proprietés a ts et ondulatoires du microunivers . . . . . 
$ 9. Atomes polyélectroniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . 
Propriétés périodiques des éléments chimiques 
$ 10. Structure électronique des atomes . . . . . . . . . . . . . 
$ 11. Rayons atomiques . . . . . 
$ 12. Energie d'ionisation des atomes et affinité électronique 
$ 13. Structure de la classification périodique de Mendéléev 

$ 14. Historique de la découverte de la loi de périodicité 
$ 15. Portée de la loi de périodicité . . . . . .. . . . . . . . . . . 
$ 16. Modèle de l’« enveloppe » nucléaire de l'atome et stabilité des isoto- 


Chapitre 11. LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLECU- 
RS ES nn SANS US 2 er D'ooio es à 


18. Caractéristiques principales de la liaison chimique . . . . . . . 
19. Mécanismes de formation des liaisons chimiques . . . . . . . . 
20. Rupture homolytique et hétérolytique des liaisons chimiques . . . 
21. Liaisons multiples 

22. Orientation des liaisons et hybridation des orbitales atomiques , . 
23. Caractéristiques principales des molécules 
24: Liaison hydrogène 


ar 2838 8 SRE 5 


SS 


PSLELSS D 


6 TABLE DES MATIÈRES 


$ 25. Description de la liaison chimique dans la méthode des orbitales mo- 

léculaires (OM): 3 4 5 D su QAR à Li à Moi à 
$ 26. Interaction entre molécules 
ÿ 27. Liaison métallique .................... 
$ 28. Semiconducteurs et isolants 


Chapitre 1114 RÉACTIONS D'OXYDOREDUCTION . . . 


$ 29. Traits caractéristiques des réactions d’oxydoréduction 
$ 30. Série de tensions . . . . . . . .. . . . . . . . . . + . . . 
$ 31. Variation des propriétés oxydoréductrices des éléments en fonc- 
tion de leur structure atomique . . . . . . . . . . . . . . . 
$ 32. Principaux oxydants et réducteurs. Types des réactions d’oxydo- 
réduction 


$ 35. Energie interne et enthalpie 
8 36. Energie de Gibbs et entropie . . . . . . . . . . . . . . . . . 
$ 37. Conséquences de la loi de Hess 


Chapitre V. CINÉTIQUE} CHIMIQUE ET ÉQUILIBRE CHIMIQUE . 


$ 38. Vitesse des réactions chimiques. Loi d’action de masse 
8 39. Equilibre chimique .................. .. 
$ 40. Principe de Le Chatelier 


Chapitre VI. PROPRIÉÊTÉS DES SOLUTIONS 


8 41. Nature des solutions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 
$ 42. Concentration des solutions et son expression . . . . . . . . . . 
$ 43. Diffusion et osmose. Pression osmotique des solutions 
8 44. Diminution de la tension de vapeur des solutions 


Chapitre VIJ. SOLUTIONS ÉLECTROLYTIQUES . . . . . . . . 


& 45. Traits caractéristiques des solutions électrolytiques . . . . . . . 
$ 46. Théorie de la dissociation électrolytique . . . . . . . . . . . 
$ 47. Dissociation des électrolytes. Degré et constante de dissociation . 
$ 48. Loi de dilution. Dissociation graduelle 
$ 49. Réactions ioniques 
& 50. Hydrolyse des sels 
S:91: Electrolyse. . 5 su Lu is Si s EE Sa de 4 à 
$ 52. Sources chimiques de courant électrique 


Chapitre VIII. SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VII . .. 


HYAPOPÈNS LL LL LL ELA Lai iLREe SRE 
$ 53. Hydrogène à l'état naturel . . . . . . . . . . . . . . . . . . 
& 54. Préparation et propriétés de l’hydrogène 
Halogènes 12:02 SR AR ee à 


S 09: Généralités. à 2.2 Sen eue de. 0 ù a Li digue ee 
8 56. Propriétés physiques des halogènes . . . . . . . . . . . . . . 
$ 57. Propriétés chimiques des halogènes 
$ 98. Halogènes à l'état naturel 
$ 59. Préparation des halogènes 


NV 


TABLE DES MATIÈRES 7 


$ 60. Halogénures d'hydrogène, acides halohydriques et leurs sels . . . 225 


8 61. Combinaisons oxygénées des halogènes . .. . . . . . . . .. 227 

$ 62. Applications des halogènes et de leurs composés . . . . . . . . 232 

Chapitre IX. SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI . . . .. 233 

S 63: Généralités! 4 2 4 Li de 5 she eus Ra 233 

Oxveehé sis re au ss ad Sd ire de en 234 

$ 64. Propriétés et obtention de l'oxygène. Oxygène à l’état naturel et 

SON FOÏGT 222 718 D à ed 6 De Jet 18 où 6 Don AS do D dre du 234 

69. -O70n8 s'en ue D de M 0e D ra ee 0 rie ee Ge 236 

Principales combinaisons de l'oxygène . . . . . . . . . . . . . . . 237 
SD: Bad LS LS PR RS RS RAS NS ee de SUR. 237 

8 67. Peroxyde d'hydrogène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 240 
SOUIT 1 LL Gh.are on D oe a US UND eee à sie à 242 
8 68. Propriétés et applications du soufre . . . . . . . . . . . . . . 242 

$ 69. Soufre dans la nature. Préparation du soufre . . . . . . . . . . 244 
$ 70. Combinaisons du soufre avec l'hydrogène et les métaux . . . . . 245 
$ 71. Combinaisons oxygénées du soufre . . . . . . . . . . . . . . 247 
$ 72. Applications et production de l'acide sulfurique . . . . . . . 

$ 73. Acides persulfurique et pyrosulfurique . . . . . . . . . . . . . 256 
$ 74. Cycle du soufre dans la nature . . . . . . . . . . . . . . . . 258 
Sélénium.et tellure 2 4: 5 à 2 à à 8 à 4% à Us à & à "6 à ot 258 
$ 75. Propriétés et applications du sélénium et du tellure . . . . . . . 258 
$ 76. Propriétés des combinaisons du sélénium et du tellure . . . . . . 260 
Chapitre X. SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V M... . .. 264 
S r11.-Generalilés js uen ss eee se sé Digg 264 
ALOE: ie Se le ie) & a dérn de SN Sue as 265 
8 78. Propriétés et applications de l'azote. Azote dans la nature . . . . 265 
$ 79. Ammoniac et ses dérivés . . . . . . . . . . . . +. + + + + . 267 
$ 80. Procédés de préparation de l’ammoniac . . . . . . . . . . . . 274 
8 81. Applications de l’ammoniac et des sels d'ammonium . . . . . . 273 
$ 82. Combinaisons oxygénées de l'azote . . . . . . . . . . . . . . 274 
8 83. Acide nitrique et ses sels . . . . . . . . . . . . . . . . . . 276 
Phosphore. 2 SSSR SUR er Reese 280 
$ 84. Propriétés et préparation du phosphore. Phosphore dans la nature 280 
$ 85. Combinaisons hydrogénées du phosphore . . . . . . . . . . . 282 
$ 86. Combinaisons oxygénées du phosphore . . . . . . . . . . . . 283 
$ 87. Production des engrais minéraux . . . . . . . . . . . . . . . 285 
Arsenic. antimoine, bismuth . . .. . . . .. .. .. .. .. . . . . . . . 288 
$ 88. Généralités. Etat naturel de As, Sbet Bi . . . . . . . . . . . 288 

& 89. Arsenic et ses combinaisons . . . . . . . . . . . . . . . . . 

$ 90. Antimoine, bismuth et leurs composés . . . . . . . . . . . . 291 

Chapitre XI. CARBONE, SILICIUM, BORE M... . . . . . . . . . 294 

S 91." Généralités |: 354 De à 5 à aude Le se no a et bus 294 

CarDONé. 5 Lis semi red ses sure mets 294 

8 92. Carbone à l’état naturel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29% 
$ 93. Charbon. Adsorption sur le charbon. Noir de carbone . . . . . . «298 


$ 94.. Propriétés chimiques du carbone . . . . . . . . . . . . . . LAIT 


8 TABLE DES MATIERES 


& 95. Combinaisons oxygénées du carbone 
SUICIUM NS 2 De de a es nan te de D res 309 


8 96. Préparation, propriétés et applications du silicium . . . . . . . 309 
8 97. Combinaisons hydrogénées du silicium . . . . . .. . . . . .. 310 
$ 98. Combinaisons oxygénées du silicium . . . . . . . . . . . . . 311 


BOIG Hi 2 Lee nn are ON ere AU Re Die, ini Dre el 316 


$& 99. Bore dans la nature. Propriétés et préparation . . . . . . . . . 316 
8 100. Combinaisons hydrogénées du bore . . . . . .. . . . . . . . 318 
$ 101. Combinaisons oxygénées du bore . . . . . . . . . . . . . . 319 
Chapitre XII. COMPLEXES ................... 321 
& 102. Théorie de la coordination de Werner . . . . . . . . . . . . . 321 
$ 103. Nomenclature des complexes . . . . . . . . . . . . . . . 325 
$ 104. Isomérie des complexes . . . . . . . . . . . . . . . . . 326 
$ 105. Règle des cycles de Tchougaïev. Effet de chélation . . . . . . . 328 
$ 106. Liaison chimique dans les complexes . . . . . . . . . . . 330 
Chapitre XIII. MÉTAUX . .................... 333 
& 107. Généralités ................... . . .. 333 
$ 108. Propriétés chimiques des métaux . . . . . . . . . . . . . . 335 
$ 109. Extraction des métaux de leurs minerais . . . . . . . . . . . 338 
S- 110 AMIADES = sue HS LS sure di Dos D D Se ait 341 


8 111. Corrosion des métaux . . . ee... 


Métaux du sous-groupe principal du groupe I (métaux alcalins)  . . . . 349 
+ 112: Génerahiles 4 Sn 2 in vie De die des drees 349 
$ 113. Propriétés des métaux alcalins . . . . . . . . . . . . . .. 349 
$ 114. Métaux alcalins à l’état naturel. Préparation et applications . . 352 


Métaux du sous-groupe secondaire du groupe I (famille du cuivre) . . . 354 


s 115.-Genéraliles sun JS a mi sie sad nee 354 
$ 116. Propriétés du cuivre, de l’argent et de l'or . . . . . . . . . . 355 
$ 117. Etat naturel des éléments de la famille du cuivre. Préparation et ap- 
DicatiOns ass Da bs D'ou as à ee Du à 357 
Métaux du sous-groupe principal du groupe II... . . . . . . . .. 359 
$:118: Générales LL IS AS SLR RES N SSH 359 
$ 119. Propriétés du béryllium, du magnésium et des métaux alcalino- 
DOFUS 5 55 D 2 es DA ii Mode an ai ee ue *. . 360 
$ 120. Calcium et ses composés .. . . . . . . . . . . . . . . . . 362 
8 121. Dureté de l’eau et son élimination . . . . .. . . . . . . . . . 363 
$ 122. Etat naturel des éléments du sous-groupe principal du groupe II. 
Préparation et applications . . . . .. .. . . .. .. . . . . . . . 365 
Métaux du sous-groupe secondaire du groupe II (famille du zinc) . . . . 366 
8 123. Généralités . . . . . .. . 366 
$ 124. Propriétés du zinc, du cadmium et du mercure . . . . . . . . 367 
$ 125. Eléments de la famille du zinc dans la nature. Préparation et ap- 
DAICALIONS: EE me Lies set male ve Nr gaie at et de Ne 369 


Métaux du sous-groupe principal du groupe 111 
8 126. Généralités . . . . . . .. . . . . .…. . . . . . . . . . . 371 
$ 127. Propriétés de l'aluminium, du gallium, de l’indium et du thalli- 


um 
$ 128. Etat naturel des éléments du sous-groupe principal du groupe 111. 


TABLE DES MATIÈRES 9 


Métaux du sous-groupe secondaire du groupe 111. Lanthanides et actinides 376 


6 129. Généralités … . à 4 4 3 4 + + + 4 à 4 à à à 4 à à à 2 316 
$ 130. Propriétés des métaux de la famille du scandium . . . . . . . . 371 
$ 131. Eléments de la famille du scandium dans la nature. Préparation 

él aPpliCAtIONS 3: Se Las u es L'Ha Ere & din & 318 
$ 132: Lanthanñides  ::. 2 214 5 à » 3 LL a 4 a & & BH & & 318 
8 193: ACtIMiIdeS in Sd De bé Ds er de 383 
Métaux du sous-groupe principal du groupe IV (famille du germanium) 388 
$ 134. Généralités ....................... 388 
$ 135. Germanium et ses combinaisons . . . . . . . . . . . . . . . 388 
$ 136. Etain et ses combinaisons . . . . . . . . . . . . . . . . . 389 
$ 137. Plomb et ses combinaisons . . . . . . . . . . . . . . . . . 391 
$ 138. Etat naturel des éléments de la famille du gerimanium. Prépara- 

tion et applications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 392 
Métaux du sous-groupe secondaire du groupe IV (famille du titane) . . . 393 
S 1939. Géneralltes | 2 Le Sue ne ed M Se 393 
$ 140. Propriétés du titane, du zirconium et du hafnium . . . . . .. 394 
$ 141. Etat naturel des éléments de la famille du titane. Préparation et 

APDIICAUODS - ss si Leu ds Lisa Ress 396 
Métaux du sous-groupe secondaire du groupe V (famille du vanadium) . . 397 
s 142: Generalites:, . ss LS ue am sas died à 397 
& 143. Propriétés du vanadium, du niobium et du tantale . . . . . . . 398 
$ 144. Etat naturel des éléments de la famille du vanadium. Prépara- 

tion et applications . . . . . .. . .. .. .. . . . . . . . . . . 399 
Métaux du sous-groupe secondaire du groupe VI (famille du chrome) . . . 400 
$ 149: Généralités: 2 2% dus du Sa SUR De os 400 
$ 146. Propriétés du chrome, du molybdène et du tungstène . . . . . . 401 
8 147. Combinaisons du chrome . . . . . . . . . . . . . . . . . . 402 
$ 148. Composés du molybdène et du tungstène . . . . . . . . . . . 404 
$ 149. Eléments de la famille du chrome à l’état naturel. Préparation et 

APDLICAUIONS 8 4 due loi dei 0 le ce: Noa ie Greg 0 404 
Métaux du sous-groupe secondaire du groupe VII (famille du manganèse) 407 
$ 150. Généralités . . . . . .. . . .. . . . .... . . . . . . . . . 407 
$ 151. Manganèse et ses composés .. . . . .. .. .. .. . . . . . . . . 407 
8 152. Technétium et rhénium . . . . . . .. . . . . . . . . .. 410 
$ 153. Eléments de la famille du manganèse dans la nature. Préparation 

ÉL'ADPIICAUONS: à sis és Lorean em dada 411 
Métux du sous-groupe secondaire du groupe VIII (famille du fer) . . . 414 
$ 154. Généralités . . . . . .. . ... .... ...... ... . . . .. 414 
$ 155. Fer et ses combinaisons . . . . . . . . . . . . . . . . . . 414 
$ 156. Cobalt et ses combinaisons .. . . . . . .. .. . . .. . . .. 417 
$ 157. Nickel et ses combinaisons .. . . . . .. . . . . .. . . . . . 418 
$ 158. Etat naturel des éléments de la triade du fer. Préparation et appli- 

CAUIODS OR ES sed ras Nid dr nd à ai ed Don 419 
Platimoides: sis miam ss ee at Mises La saw 424 
S 199: "Généralités. 2 4. à à à Lea 6 4 ue Due D he & dd ina 424 
8 160. Propriétés des platinoïdes . . . . . . . . . . . . . . . .. 425 
$ 161. Platinoïdes dans la nature. Préparation et applications . . . . . 427 
Chapitre XIV. GAZ RARES ................... 428 


1162:-Générahtés. 2. 3 22 JS: ua dus LE R os dass 428 


40 TABLE DES MATIRRES 
$ 163. Propriétés des gaz rares . . . . . . . . . . . . . . . . . . 
$ 164. Préparation et applications des gaz rares . . . . . . . . . . . 


Chapitre XV. PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT ET RECUPE- 
RATION DES SOUS-PRODUITS DE L'INDUSTRIE CHI- 


NIQUE Se en ie ne ne Ron 

$ 165. Pollution du milieu environnant par les résidus industriels . . . 
$ 166. Protection de l'environnement . . . . . . . . . . . . . . . 
$ 167. Récupération des déchets et des sous-produits de l’industrie chi- 
MIQUE NS 2 eee dd Dino nd a D ide a ia ds ee 
Conclusion. Rôle de la chimie dans la représentation scientifique du 
IMONDE. sand De era in Sa ete eve ira 
ARNO . Sn. en 08 NU St de Disons dre dla 
Quelques problèmes types . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . 
Index des DONS Li dei ss oes ei e isa Les 
Index des matières . . . . . . .. . . . ee ee «+ + à ns 


INTRODUCTION 


$S 14. Rôle de la chimie dans le développement de l’industrie et de 
l’agriculture. Quatre industries clefs ont été énumérées au 26° Con- 
grès du PCUS: production de l'électricité, métallurgie, chimie et 
constructions mécaniques. La chimie se trouve donc parmi les indus- 
tries qui déterminent le développement de notre économie natio- 
nale. Elle constitue la base non seulement de l’industrie chimique et 
de la pétrochimie, mais aussi de l’industrie des matériaux de cons- 
truction, de l’industrie pharmaceutique. On peut dire avec certitude 
qu’il n'existe aujourd'hui aucune branche de l’économie nationale 
qui pourrait se passer des produits fournis par l’industrie chimique : 
cela est vrai aussi bien pour les constructions mécaniques que pour 
l'industrie légère ou l’agro-alimentaire. 

L'industrie chimique, plus que toute autre activité industrielle, 
est décisive pour le progrès de notre civilisation, car, quoi qu'il 
fasse, l’homme se retrouve partout en face des corps au sens chimi- 
que de ce mot. La chimie et l’industrie chimique lui donnent la 
possibilité de créer, en connaissance de cause, des matières nouvelles 
qui n'existent pas dans la nature. On connaît à ce jour plus de 6 mil- 
lions de composés chimiques dont le nombre s'accroît annuellement 
d'environ 200 000, près de 40 000 nouveaux composés étant obtenus 
en Union Soviétique. Dans notre pays on construit chaque année 
quelque 2 000 nouvelles usines chimiques. 

Il faut insister sur le fait que notre industrie chimique n'existe, 
pratiquement, que depuis la Grande Révolution Socialiste d'Octobre. 
La Russie tsariste était riche de chimistes éminents qui ont fait la 
gloire de la science russe: Lomonossov, Mendéléev, Boutlérov, Zi- 
nine. Pourtant, les conditions économiques et sociales de l’époque 
ne permettaient pas de traduire en réalisations industrielles les 
progrès de la science. La Russie d'alors présentait un exemple 
éclatant de la contradiction entre un niveau élevé de la science chi- 
mique et un état arriéré de l’ensemble de l'industrie du pays. 

La situation a totalement changé dès les premières années du 
pouvoir soviétique. Au cours de la période postrévolutionnaire 
particulièrement dure pour notre pays (1918-1922) on fonde sept 


42 INTRODUCTION 


centres d’études chimiques. Le rôle de ces établissements scientifi- 
ques a été déterminant pour la création, relativement rapide, d'une 
nouvelle industrie nationale, l’industrie chimique. 

Notre industrie chimique d'aujourd'hui est une branche immense 
et puissante de l’économie nationale. La part des produits chimiques 
dans la production globale est bien importante. De 1971 à 1980, la 
production de l’industrie chimique et pétrochimique a plus que dou- 
blé. Cela est dû, essentiellement, à l'efficacité élevée des produc- 
tions chimiques: l’industrie chimique est une des plus rentables. 
Ainsi, une tonne de polymères utilisée dans les constructions méca- 
niques fournit une économie de 6 000 roubles. Cela explique pour- 
quoi, au cours des derniers 15 ans, les investissements alloués à 
l’industrie chimique ont constitué près de 10 % de la totalité des 
capitaux investis dans l’industrie nationale. 

La productivité du travail et l'efficacité économique des pro- 
ductions chimiques s’accroissent considérablement lorsqu'on utilise 
des installations de grande puissance unitaire. Il existe en U.R.S.S. 
des installations qui produisent, par jour, 350 tonnes d'acide sul- 
furique (procédé par contact), ce qui est une performance mondiale. 
Bientôt on construira (le projet en est déjà prêt) des unités d’une 
puissance de 1350 t/jour. Actuellement, on met en œuvre des ihstal- 
lations de fabrication d'acide nitrique (1400 t/jour), tandis que des 
unités de production d’ammoniac, également les plus puissantes du 
monde (plus de 1000 t/jour) sont en service depuis longtemps déjà. 
Il est important de noter que ces installations fonctionnent pratique- 
ment sans consommer de l'énergie venant de l’extérieur. L'énergie 
nécessaire à leur marche se dégage au cours des réactions chimiques 
qui sont à la base de ces procédés de fabrication. On peut dire qu une 
seule de ces unités de production d’ammoniac est égale en puissance 
à toutes les installations dont notre pays disposait en 1948. 

Une large utilisation des produits de l’industrie chimique par 
les différentes branches de l’économie nationale a, pour ces dernières, 
des conséquences aussi bien quantitatives que qualitatives. Ainsi, 
la coupe et le forgeage cèdent de plus en plus leur place dans les 
constructions mécaniques au façonnage par coulage ou par pressage 
des matières plastiques, des résines synthétiques et des caoutchoucs, 
parfois combinés au bois, à la céramique, au métal. Cela veut dire 
qu’à la place des machines-outils pour usinage par coupe on a be- 
soin des machines capables de donner une forme aux pièces fabriquées 
par coulage, cylindrage, boudinage, etc. Certaines branches de l’in- 
dustrie légère sont rénovées de façon radicale. Ainsi, par exemple, 
au lieu de coudre les vêtements et les chaussures en matériaux tra- 
ditionnels, on colle et soude de nouveaux matériaux synthétiques. 

Une des plus importantes tâches économiques. de l’industrie chi- 
mique consiste à contribuer à assurer une meilleure productivité de 
l'agriculture. Pour cela, il faut avant tout accroître encore les capa- 


$ 1] ROLE DE LA CHIMIE DANS L'INDUSTRIE 143 


cités de production d’engrais chimiques. Comme l’a décidé le 26° 
Congrès du PCUS, on en produira vers la fin du onzième quinquen- 
nat 150 à 155 millions de tonnes par an. On prévoit non seulement 
d'augmenter les quantités produites, mais aussi, ce qui est très 
important, d'élever les teneurs moyennes en substances nutritives 
(azote, phosphore et potassium). Ces teneurs plus élevées en éléments 
fertilisants sont d’un très grand intérêt, car cela permet de transpor- 
ter les engrais chimiques à moindres frais, le « poids mort » étant 
réduit au minimum. Îl faut souligner qu'il arrive de transporter ces 
engrais à des distances considérables. 

Améliorer la productivité de l’agriculture, c'est aussi fabriquer 
plus d’insecticides, de désherbants et de fongicides, ainsi que de 
condiments d'origine chimique. 

On continuera de développer d'une façon accélérée une des bran- 
ches clefs de l’industrie chimique: production de résines synthéti- 
ques et de masses plastiques. On dit que le XX s. est le siècle des 
polymères. De 1980 à 1985, la production de polymères atteindra 6 
à 6,25 millions de tonnes par an. Un tel accroissement rapide de la 
production permettra d'assurer, dans les années à venir, un appro- 
visionnement sensiblement meilleur en ces matériaux des branches 
les plus importantes de l'économie nationale et, notamment, d'en 
élargir l’utilisation dans les constructions mécaniques, dans le 
bâtiment, dans la fabrication de tuyaux, de matériaux d'emballage 
et de conditionnement. 

Le développement de notre industrie automobile, la création 
d'un grand effectif de camions-benne à fort tonnage et de scrapers 
exigent un accroissement brusque de la production de pneus qui doi- 
vent, de plus, présenter une meilleure résistance à l'usure. Voilà 
pourquoi, en conformité avec les décisions du 26° Congrès du PCUS, 
on produira beaucoup plus de caoutchoucs synthétiques qui rempla- 
cent parfaitement le caoutchouc naturel. 

Les fibres chimiques jouent un rôle toujours plus important dans 
la fabrication d'articles de consommation courante et de divers arti- 
cles à usage industriel. Leur part s'élève aujourd’hui à 30 % dans 
l’industrie textile et à plus de 50 % dans l’industrie de la chaussure 
et de la mercerie. Il est prévu d'augmenter de 36 % la production 
de fibres artificielles au cours du onzième quinquennat. 

Le Programme du Parti Communiste de l’Union Soviétique, do- 
cument qui définit les objectifs principaux de notre Etat, énonce: 
« Une des plus grandes tâches consiste à développer par tous les 
moyens l’industrie chimique, à utiliser de façon complète, dans 
toutes les branches de l’économie nationale, les réalisations de la 
chimie moderne qui élargit immensément les possibilités de la crois- 
sance de la richesse nationale, de la fabrication de nouveaux moyens 
de production et articles de large consommation, plus perfectionnés 
et moins chers. » 


14 INTRODUCTION 


$ 2. Notions fondamentales de la chimie. Matière et corps. 
Objet de la chimie. Le monde qui nous entoure est matériel, consti- 
tué par les diverses formes de la matière: corps et rayonnements 
(champs). La chimie, une des sciences les plus anciennes, étudie 
les corps. 

On appelle corps la matière qui possède une masse au repos * et 
qui se caractérise, dans des conditions déterminées, de propriétés 
physiques et chimiques constantes. 

On range parmi les corps les particules élémentaires **, les ato- 
mes, les molécules ainsi que les gaz, les liquides et les solides qui en 
sont constitués. 

La caractéristique principale des rayonnements est leur énergie. 
L'exemple en est fourni par la lumière ou les rayons X. 

C'est la masse qui a servi pendant longtemps de critère pour dis- 
tinguer entre corps et rayonnement. Pourtant, au début de notre 
siècle, Einstein a établi que la masse m et l'énergie Æ sont liées par 
la relation £ = mc* où c est la célérité de la lumière. Il découle de 
cette relation qu'une certaine quantité d'énergie correspond à une 
certaine masse et vice versa. La masse et l’énergie sont deux caracté- 
ristiques de la matière. 

La variabilité paraît être la propriété fondamentale de la matière. 
Une des tâches principales de la chimie est donc l’étude des variabi- 
lités des corps ou, autrement dit, des processus de leur transforma- 
tion. Les propriétés d’un corps étant fonction de sa composition et de 
sa structure, on peut définir la chimie comme une science étudiant les 
corps, leur constitution, leurs propriétés et leurs transformations. 

L'étude de la constitution et des propriétés, la détermination 
des mécanismes et des lois de la transformation des corps naturels 
sont également nécessaires afin de résoudre un autre problème extré- 
mement important: obtenir par voie artificielle (synthétique) des 
corps déjà créés par la nature, ainsi que des corps que l'on ne ren- 
contre pas à l'état naturel. On peut donc dire que la chimie ne se 
limite pas à l’étude des corps naturels, mais crée elle-même de la 
matière à étudier. 

Chaque année on obtient une multitude de substances inexistan- 
tes à l’état naturel, mais qui possèdent des propriétés très précieu- 
ses, par exemple certains types de polymères. 


* La masse est la propriété qui caractérise l’attraction gravitationnelle ou 
l’inertie d’une particule lors du changement de son état. 

Poids et masse sont deux notions différentes. Le poids d’un corps diminue 
au fur et à mesure qu'il s'éloigne de la surface terrestre, alors que sa masse de- 
meure inchangée. Les objets éloignés dans l'espace n'ont pas de poids (« état 
d’apesanteur »), mais possèdent la même masse qu'au sol. 

** Aujourd’hui, on voit se développer non seulement la physique, mais aus- 
si la chimie des particules élémentaires. La chimie du proton est assez bien étu- 
diée. Il existe déjà des monographies consacrées à la chimie de l’électron. 


$ 2] NOTIONS FONDAMENTALES DE LA CHIMIE 15 


L’obtention de corps par voie artificielle est une tâche importan- 
te et passionnante de la chimie. Mais la nature recèle encore pas mal 
de transformations chimiques, dont les mécanismes restent cachés 
aux chercheurs. La découverte de ces secrets de la nature apporterait 
d'immenses avantages matériels. Ainsi, pour fixer l’azote atmosphé- 
rique sous forme de ses combinaisons, l'industrie est obligée de 
réaliser des conditions extrèmement rigoureuses. La synthèse de 
l'ammoniac à partir d'azote et d'hydrogène se fait sous une pression 
élevée (des milliers de pascals) et à haute température (plusieurs 
centaines de degrés); pour synthétiser l’oxyde d’azote (II) à partir 
d’azote et d'oxygène, il faut une température de l’ordre de 3000 °C. 
Or, les bactéries des nodosités des légumineuses fixent l’azote atmos- 
phérique dans les conditions normales *. Ces bacteries disposent de 
catalyseurs plus perfectionnés que ceux utilisés par l’industrie. La 
seule chose que l’on sait pour l'instant, c'est que ces catalyseurs 
biologiques renferment toujours les métaux: molybdène et fer. La 
chlorophylle qui permet aux végétaux d’assimiler le dioxyde de 
carbone, toujours dans les conditions normales, est un autre exemple 
de catalyseur très efficace. 

Propriétés des corps. Les propriétés (qualités particulières) se 
manifestent essentiellement dans les changements des corps. Ainsi, 
la qualité caractéristique de l’éther est sa volatilité; pour le fer 
c’est la susceptibilité à la corrosion. Les propriétés des corps peuvent 
être physiques et chimiques. Densité, dureté, couleur, état d’agréga- 
tion, points d’ébullition ou de congélation, etc., sont des propriétés 
physiques. Les processus liés aux changements des propriétés physi- 
ques (fusion de la glace, variation de la dureté lors du chauffage ou 
du refroidissement des corps) sont des processus physiques. Au cours 
des changements physiques les molécules des corps demeurent in- 
changées. 

Les propriétés chimiques se manifestent dans les transformations 
des corps: elles sont caractérisées par l’aptitude des corps à interagir 
dans les réactions. On appelle réaction chimique le processus au cours 
duquel des corps se transforment en d’autres corps. Une réaction 
chimique suppose toujours que des molécules ou des atomes se trans- 
forment en nouvelles molécules ou atomes séparés. Ainsi, la décom- 
position de l’eau en hydrogène et oxygène ou la combustion du so- 
dium dans le chlore avec formation de chlorure de sodium sont des 
transformations chimiques qui sont à leur tour l'expression des 
propriétés chimiques des corps. 

Eléments chimiques. Encore les Anciens considéraient que le 
monde était constitué par un petit nombre d'éléments. Ainsi, pour 
Aristote tous les corps étaient des combinaisons de quatre éléments: 


* On appelle normales les conditions de l’état d'un corps à une température 
de 25 °C et une pression de 0,1 MPa (0,1 MPa = 105 Pa — 760 mm Hg = 1 at.) 


16 INTRODUCTION 


l'air, la terre, l’eau et le feu. Plus tard, on y rajouta plusieurs élé- 
ments chimiques connus jusqu'à nos jours. 

Avec l'invention de la balance analytique (milieu du XVII s.) 
débute la période des études quantitatives des transformations chi- 
miques. Ces études conduisirent à l’idée que si une combinaison est 
décomposable en deux ou plusieurs corps de moindre masse, un corps 
simple (élément) ne peut être décomposé. 

Lorsqu'on a mieux connu la structure atomique, la notion d’élé- 
ment a reçu un contenu nouveau. 

Un élément chimique est l’ensemble des atomes ayant même char- 
ge nucléaire. La charge nucléaire coïncidant avec le numéro d'ordre 
(nombre atomique) que chaque élément possède dans la classifica- 


a) 


Fig. 1. Réseaux cristallins des variétés allotropiques du carbone : 
a — diamant ; b — graphite 


tion périodique de Mendéléev, il est possible de définir l'élément 
chimique comme ensemble des atomes ayant même numéro atomique. 

A l’époque où Mendéléev créait son tableau périodique, on ne 
comptait guère que 63 éléments chimiques. Nous en connaissons 
aujourd'hui de façon certaine 105 et, selon des informations qui 
appellent encore une confirmation, on aurait déjà obtenu le 106: 
élément. 18 éléments ne se rencontrent pas dans la nature: on les 
a obtenus par voie artificielle. 

Corps simple et composé chimique. Un corps simple est constitué par 
les atomes d’un même élément chimique. Pourtant, un élément chi- 
mique peut donner lieu à plusieurs corps simples. Le diamant et le 
graphite sont tous les deux des corps simples. L'un comme l’autre 
ne sont constitués que d’atomes de carbone. Cependant, leurs pro- 
priétés chimiques et, surtout, physiques ne sont pas les mêmes. Un 
autre exemple est fourni par les deux formes du phosphore: blanc et 
rouge. | 

L'existence de corps simples sous plusieurs formes a reçu le nom 
d'allotropie, chacune de ces formes étant une variété allotropique. 


$ :] NOTIONS FONDAMENTALES DE LA CHIMIE 17 


Elles se distinguent les unes des autres soit par le nombre d’atomes 
dans la molécule (par exemple l’oxygène O, et l’ozone O;), soit par une 
disposition relative particulière des atomes. La figure 1 montre les 
arrangements atomiques dans les réseaux cristallins du diamant et 
du graphite. 

Les composés chimiques sont aussi homogènes que les corps sim- 
ples, mais, à la différence de ces derniers, les composés comportent 
des atomes de plusieurs éléments. 

De mème que les corps simples, les composés chimiques peuvent 
parfois cristalliser sous plusieurs formes qui se caractérisent par une 
disposition différente des atomes et des molécules à l’intérieur du 
réseau cristallin. 

L'aptitude d’un même corps à former des cristaux de formes 
différentes suivant les conditions de la cristallisation est appelée 
polymorphisme. Le diamant et le graphite en sont des cas particu- 
liers. Sous certaines conditions, les formes polymorphes sont parfois 
transformables l’une dans l’autre. Dans ce cas, il y a également va- 
riation des propriétés du corps, de sa densité ou de son point de fu- 
sion par exemple. 


Le phénomène de polymorphisme est particulièrement caractéristique, 
par exemple. de la silice où le silicium est combiné à l'oxygène. Il en existe 
près de 13 formes polymorphes interconversibles à différentes températures, 
dont les densités varient assez sensiblement. Ainsi, le quartz bêta a une densité 
de 2650 kg/m*, alors que celle de la cristobalite alpha s'élève à 2220 kg/ms. 
L’interconversion des différentes formes polymorphes de la silice peut être 
représentée comme suit: 

573 °C 1050-1200 °C 
Quartz bêta Que alpha = 
128 °C 
Z Cristobalite alpha => Matière fondue 
253 °C 
Cristobalite bêta 


Lorsque le passage d’une forme polymorphe à une autre se fait 
de façon réversible et à une température inférieure au point de fusion 
du corps initial, une telle transformation est dite énantiotrope. Si, 
par contre, ce passage s'effectue à une température supérieure au 
point de fusion du corps de départ, on a affaire à une transformation 
monotrope. 

Certains corps, de composition chimique différente, sont aptes à 
former, dans des conditions déterminées, des cristaux de même for- 
me. Ce phénomène porte le nom d'isomorphisme et les substances 
correspondantes sont dites isomorphes. De tels corps sont suscepti- 
bles d’une cocristallisation avec formation de cristaux mixtes (solu- 
tions solides). C’est le cas, par exemple, de l’alun d’aluminium 
KAI(SO,):-12H,0 et de l’alun de chrome KCr(S0O,),-12H,0. Sont 
également isomorphes les composés KMnO, et KCIO, ou Na;PO, et 
Na:AsO,. Pour qu’une cocristallisation isomorphe se produise, il 


2—01151 


148 INTRODUCTION 


faut que les molécules qui y participent aient des tailles voisines et 
le même nombre d’atomes. En règle générale, les tailles des atomes 
analogues ne doivent différer que de 15 % au maximum. 

Combinaison chimique et mélange. Un mélange n’est pas obliga- 
toirement hétérogène. Ainsi, le lait ou l’air, parfaitement homogènes, 
sont de vrais mélanges. Dans un mélange, il est possible de distin- 
guer ses parties constituantes d’après leurs propriétés caractéristiques. 

Par contre, les propriétés d’un composé chimique diffèrent des 
propriétés de ses constituants. Si le mélange mécanique de soufre 
finement divisé et de fer en poudre peut être séparé à l’aide d’un 
aimant, le sulfure de fer FeS n'est pas séparable en éléments par voie 
mécanique. De plus, un mélange peut présenter n'importe quel rap- 
port de ses constituants, alors que dans les composés chimiques ces 
rapports sont strictement déterminés. 


$ 3. Lois stœchiométriques du point de vue de 1a& théorie atcmi- 
que et moléculaire. Depuis les temps reculés, l’homme cherche à 
pénétrer par sa pensée les profondeurs de la matière. Les savants de 
l'Antiquité (philosophes) méconnaissaient l'expérience comme moyen 
d'étudier la nature. Ils avaient pour méthode la spéculation. Le 
philosophe grec Démocrite considérait les atomes en tant que les 
plus petites particules de la matière, insécables et impénétrables, 
se mouvant constamment et ne différant les unes des autres que par 
leurs taille et forme. Pourtant, la doctrine de Démocrite n'avait pas 
été suivie: l'Antiquité fut dominée par la théorie d'un autre philo- 
sophe grec, Aristote, qui prônait l'existence de quatre éléments ou 
propriétés fondamentales de la nature. L'autorité d'’Aristote était 
tellement grande que ses œuvres furent sanctifiées après sa mort et 
fermement défendues par l'Eglise. Ce n'est qu'en XVIIe s. que la 
doctrine d’Aristote perd sa qualité de vérité infaillible et que celle 
de Démocrite devient le point de départ de la théorie de la matière. 

En 1741, dans son traité Eléments de la chimie mathématique, 
Lomonossov expose les idées qui constituent. au fond, la base de la 
théorie atomique et moléculaire moderne. I] y écrit que tous les 
changements des corps se produisent au moyen du mouvement. A la 
base de ce mouvement on trouve les éléments (il désigna par ce ter- 
me les atomes) qui, en se combinant, forment des corpuscules (mo- 
lécules). L'élément (atome) est la parlie du corps qui n’est pas com- 
posée d'autres corps plus petits et distincts. La doctrine de Lomonos- 
sov était également spéculative. 

Ce n’est qu'à la fin du XVIII. et au début du XIX°Ss., après qu'on 
a établi les lois de l'interaction chimique (lois stæchiométriques) * 
qu’apparaissent des données qui permettent à l’Anglais Dalton de 


* La stœchiométrie étudie les rapports quantitatifs (en masse et en volume) 
unissant les corps qui entrent en réaction. 


8 3] LOIS STŒCHIOMÊTRIQUES 19 


formuler les principes fondamentaux de la théorie atomique (1803). 
Selon Dalton, tous les atomes de chaque élément sont identiques et 
se caractérisent, en plus de leurs autres propriétés, par le fait de pos- 
séder un poids déterminé qu'il appela poids atomique. A côté de 
cette caractéristique essentielle de l'atome, Dalton formule son 
autre propriété: l'indivisibilité. 

Aujourd'hui, les principes de la théorie atomique sont univer- 
sellement admis et n’éveillent aucun doute. Il vaut donc mieux 
considérer les lois stœchiométriques en se plaçant sur le point de 
vue de la théorie atomique et non sous l’aspect historique de leur 
apparition et évolution. Cependant, avant de les aborder, il faut 
dire quelques mots sur les principes fondamentaux de la théorie 
atomique et moléculaire et sur la définition actuelle de l'atome et 
de la molécule. 

19 Tous les corps sont constitués de molécules, d’atomes ou 
d'ions. La molécule est la plus petite particule qui garde encore les 
propriétés de chaque composé chimique donné. 

29 Les molécules sont animées d’un mouvement continu. Ce mou- 
vement s'accélère avec élévation de la température. 

3° Les molécules des corps différents se distinguent les unes des 
autres par leurs masse, taille, composition, structure et propriétés 
chimiques. 

49 Les molécules peuvent être constituées soit d'atomes d'un 
seul élément (corps simples), soit d’atomes de plusieurs éléments 
(corps composés). Le nombre et la disposition des atomes dans la 
molécule sont d’une importance capitale. 

5° On appelle atomes les plus petites particules des éléments que 
l’on ne peut décomposer par voie chimique. Ainsi, l'atome est l'ul- 
time particule qui détermine les propriétés d’un élément. 

6° On appelle ions les particules chargées, composées d’atomes 
séparés ou de groupes d’atomes chimiquement liés qui présentent un 
excès ou un défaut d'électrons. Suivant le nombre d'électrons excé- 
dentaires ou manquants les ions sont à une charge, à double charge, 
ctc" 

La masse atomique (la masse atomique relative) est la masse d'un 
atome exprimée en unités de masse atomique. 

L'unité de masse atomique est prise égale a !/,, de la masse atomi- 
que de l’isotope du carbone #C. 

La masse moléculaire (la masse moléculaire relative) est la masse 
d'une molécule exprimée en unités de masse atomique. 

Loi de la conservation de la masse. Cette loi fut découverte par 
Lomonossov en 1748. Malheureusement, cette découverte de Lomo- 
nossoy, ainsi que plusieurs autres, demeura ignorée pendant long- 
temps. Voilà pourquoi la présente loi fut redécouverte en 1774 par 
Lavoisier. L’énoncé de la loi de la conservation des masses est actuel- 
lement le suivant: 


- 


20 INTRODUCTION 


La masse des corps qui entrent en réaction est égale à la masse 
des corps issus de la réaction. 


La théorie atomique explique parfaitement cette loi. Lors d’une 
réaction chimique le nombre d'atomes est le même avant et après 
la réaction. On peut l’illustrer par l'exemple suivant: 


H,SO, + 2NaOÏ — Na,SO, + 2H.0 


Pourtant, presque toutes les réactions chimiques s’accompagnent 
d'effets thermiques: il y a soit dégagement, soit absorption de la 
chaleur. Les réactions qui dégagent de la chaleur sont exothermiques, 
celles qui en absorbent sont endothermiques. L’interaction acide-base 
s'accompagne toujours de dégagement de chaleur (d'énergie) et la 
représentation symbolique ci-dessus n'est donc pas une expression 
complète du processus. Il est plus correct d'écrire cette réaction de 
la façon suivante: 


H,SO, + 2NaOH = NaSO, + 2H,0 + Q 


où Q correspond à une certaine quantité d'énergie (113,7 kJ en 
l'occurrence). 

Maintenant, lorsque l'équation est écrite sous sa forme complète, 
nous entrons en contradiction avec la loi de la conservation de la 
masse. En effet, si l’on se réfère à la relation d’Einstein, l’énergie 
dégagée au cours d'une réaction doit correspondre à la masse des 
produits de la réaction inférieure à la masse des réactifs de départ 
d’une quantité équivalente à l’énergie dégagée. 

Calculons cette perte de la masse des produits de la réaction pour 
l'interaction d’une mole * de H,S0O, avec 2 moles de NaOH. Comme 
nous l’avons indiqué plus haut, l'interaction de ces quantités d'acide 
sulfurique et d'hydroxyde de sodium fournit une énergie de 113,7 kJ 
(1 kJ = 101 g.cm°/s°). La relation d’Einstein nous donne la perte 
de masse (en g): 

= = Em = 126-1070 
où 3-10! est la vitesse de la lumière, en cm/s. 

Les balances les plus perfectionnées qui existent à ce jour ne 
permettent pas d'enregistrer d'aussi faibles variations de la masse. 
Ainsi, dans les limites de la précision des appareils de mesure, la 
loi de la conservation des masses est pratiquement applicable aux 
réactions chimiques, sans être toutefois théoriquement stricte. On ne 
peut l’appliquer aux processus qui s’accompagnent d’un très impor- 


* Une mole correspond à la quantité d'une substance contenant autant de 
molécules, atomes, ions, électrons ou autres unités de structure. que renferment 
d'atomes 12 g d'isotope du carbone !*C. 

On appelle masse molaire la masse d’une mole d’une substance. On l’exprime 
en g/mol ou en ikg/mol. 


S 3] LOIS STŒCHIOMÉÊTRIQUES 21 


tant dégagement de chaleur, comme c'est le cas des réactions ther- 
monucléaires qui font intervenir les noyaux atomiques. 

Les transformations des corps étant presque toujours accom- 
pagnées d’une absorption ou d’un dégagement d'énergie et une mas- 
se déterminée correspondant à une énergie donnée, la loi de la con- 
servation des masses et celle de la conservation de l'énergie ne peu- 
vent exister l’une sans l’autre. La nature ne connaît qu'une loi uni- 
que, la loi de la conservation de la masse et de l'énergie. 

La loi des proportions multiples est énoncée comme suit: 


Lorsque deux éléments se combinent en proportions multi 
ples, les diverses masses de l’un des éléments qui s’unissent à une 
même masse de l’autre sont entre elles comme des nombres en- 
tiers, généralement petits. 


Cette loi découle avec évidence de la théorie atomique. Ainsi, CO 
et CO, contiennent, pour 12 g de carbone, respectivement 16 et 
32 g d'oxygène, c'est-à-dire les masses d’oxygène qui s'unissent à 
une même masse du carbone sont entre elles dans le rapport de 1 : 2. 
Un autre exemple est fourni par les oxydes d’azote : N,0, NO, N.,0:, 
NO,(N,0,) et N°0. On y trouve, pour 14 g d’azote, respectivement 
8, 16, 24, 32 et 40 g d'oxygène, soit le rapport des nombres entiers 
1:2:93:475. 

Il faut dire qu'aujourd'hui on ne peut considérer cette loi comme 
parfaitement justifiée que si elle est appliquée aux composés à l'état 
gazeux (ou à l’état vapeur). Les composés à l’état solide peuvent 
déroger à cette loi. 

La loi des proportions définies stipule: 


Les proportions en masse des différents éléments qui consti- 
tuent un composé chimique donné sont invariables, quel que soit 
le mode de préparation de ce composé. 


Cette loi est claire et naturelle au point de vue de la théorie 
atomique. La molécule, particule représentative des caractères 
propres à chaque espèce chimique, est constituée par un nombre dé- 
terminé d’atomes identiques ou différents. La composition de la 
molécule de tout corps étant invariable (sinon ce serait la molécule 
d'un autre corps), la composition du corps lui-même l’est également. 
Les corps de composition invariable ont reçu le nom de daltonides 
en l'honneur de Dalton dont la théorie atomique a beaucoup contri- 
bué à faire admettre la loi de proportions définies. 

Pourtant, cette loi n’est valable que pour les substances gazeu- 
ses ou vaporisables. Les solides peuvent y déroger, ainsi que dans 
le cas de la loi des proportions multiples. Par exemple, la composi- 
tion de l’oxyde inférieuer de titane peut varier, suivant les condi- 
tions de sa synthèse, entre TiO,,, et TiO,.. Ainsi, TiO est un cas 
particulier des combinaisons de composition variable. On connaît 


29 INTRODUCTION 


actuellement un grand nombre de composés qui ne répondent pas à 

la loi des proportions multiples et à celle des proportions définies. 
De tels composés sont dus à la formation d’un réseau cristallin 

avec des défauts. Ainsi, TiO cristallise en une structure du type - 


Fig. 2. Réseau cristallin de TiO: 
1 — atomes de titane ; 2 — atomes d'oxygène 


NaCI (fig. 2). Si l’on représente les nœuds de ce réseau par des cro- 
chets et les sites interstitiels par des parenthèses, la structure de 
TiO, pourra être schématisée comme suit: 


[Ti] [O] [Ti] [0] [Ti] | J [Ti] [0] [Ti] [O] [Ti] [0] 


() () () () () () (0) () () 
[O] [Ti] [O] [Ti] [O] [Ti] [ [Ti] [O] [Ti] (O] [Ti] 
() () () () () () () (O) () 
[Ti] [OJ [Ti] [0] [Ti] [OJ [Ti] [0] [Ti] [O0] [Ti] [0] 
TiO TiO, TiOi+y 


On voit que le réseau cristallin de TiO,_, possède des lacunes 
(sites vacants) à l’emplacement de nœuds normalement occupés par 
les atomes d'oxygène, alors que dans le réseau cristallin de TiO, +, 
des atomes d'oxygène excédentaires occupent des positions inter- 
stitielles. C’est grâce à l’existence de lacunes ou d’atomes excéden- 
taires interstitiels dans le réseau cristallin que certaines substances 
manifestent beaucoup de propriétés nouvelles bien intéressantes, 
comme c'est le cas de semiconducteurs. 

Pour les différencier des daltonides, on donne aux composés de 
composition variable le nom de berthollides. 


$ 3] LOIS STŒCHIOMETRIQUES 23 


La loi des nombres proportionnels peut avoir la formulation sui- 
vante : 


Lorsque les masses de deux ‘éléments se combinent exac- 
tement avec une même masse d’un autre élément, elles peuvent 
se combiner exactement entre elles. 


Autrement dit, les éléments se combinent entre eux suivant des 
proportions déterminées (quantités équivalentes). 

L'équivalent (nombre proportionnel) d'un élément est la quantité 
de cet élément (en moles) qui se combine avec une mole d’atomes 
d'hydrogène ou remplace le mème nombre d’atomes d’hydrogène 
dans les réactions chimiques. 

La loi des nombres proportionnels est aussi une conséquence de 
la structure atomique des corps. Connaissant maintenant la compo- 
sition des molécules, HCI et NaCI, par exemple, il est facile de voir 
que la masse d'hydrogène égale à 1 mole d’atomes (1,0079 g) est 
équivalente à 22,98977 g de sodium (1 mole d’atomes). Dans H,0 et 
HCI les quantités équivalentes sont 7,999 g d'oxygène et 35,453 g 
de chlore : ce sont les quantités qui se combinent avec { mole d’ato- 
mes d'hydrogène. 

Ces exemples montrent que les masses équivalentes * coïncident 
parfois avec les masses atomiques, alors que dans d’autres cas elles 
ne représentent qu'une fraction de la masse atomique. Pendant long- 
temps les chimistes n’ont pas eu de méthode précise qui leur aurait 
permis de déterminer la formule de toute espèce chimique. Ainsi, on 
attribua à l’eau la formule HO. En prenant pour unité la masse ato- 
mique de l'hydrogène, on en déduisait une masse atomique de l’oxy- 
gène égale à 8, alors qu’en réalité 8 g/mol représentent la masse 
équivalente de l'oxygène. 

Par ailleurs, on aurait pu établir, au lieu du système des masses 
atomiques, une échelle des masses équivalentes. Pourtant, ce qui 
compliquait la tâche, c'est qu'à un même élément peuvent corres- 
pondre plusieurs masses équivalentes. C'est ainsi que la masse équi- 

valente du cuivre dans ses combinaisons CuO et Cu,0 est égale, res- 
pectivement, à 31,77 et à 63,54 g/mol. Le problème des équivalents 
des composés chimiques sera discuté plus bas (v. p. 169 et suivantes). 

L'établissement par Gay-Lussac de la loi de la combinaison des 
gaz en volume marqua une étape importante dans la création du sys- 
tème des masses atomiques: 


Dans les mêmes conditions de température et de pression 
les volumes des gaz réagissants sont dans un rapport simple 
entre eux, ainsi qu'avec les volum:s des produits gazeux issus 
de la réaction. 


__ * Masse équivalente: masse de l'équivalent d’un corps. On l’exprime en 
g'mol ou kg/mol. 


24 INTRODUCTION 


Ainsi, 2 volumes d'hydrogène et 1 volume d'oxygène s'unissent 
pour former 2 volumes de vapeur d’eau. En appliquant la théorie 
atomistique à la loi de Gay-Lussac, le célèbre savant Berzelius 
considérait que des volumes égaux de gaz devaient contenir le même. 
nombre d’atomes. Pourtant, ces idées ne retrouvaient pas les résul- 
tats expérimentaux. Si l’on suit Berzelius, un volume d'hydrogène 
et un volume de chlore donneraient en se combinant un seul volume 
d'hydrogène chloré. Or, en réalité on en obtient deux. 

En 1811, Avogadro définit la molécule et énonce l'hypothèse 
qui est devenue aujourd'hui une loi (loi d’Avogadro): 


Dans les mêmes conditions, des volumes égaux de gaz con 
tiennent le même nombre de molécules. 


Cette hypothèse expliquait bien les données expérimentales. 
Ainsi, deux volumes d'hydrogène chloré ne peuvent provenir d’un 
volume de chlore et d’un volume d'hydrogène que si les molécules 
d'hydrogène et de chlore se sont scindées en deux, donnant naissance 
à deux nouvelles molécules. Les molécules d'hydrogène et de chlore 
doivent donc comporter plusieurs atomes, dont le nombre serait 
pair et minimal: deux 


H, + Cl, = 2HCI 


Le nombre de molécules contenues dans une mole (molécule- 
gramme) de tout corps est égal à 6,02-10%. C'est le nombre d’Avo- 
gadro que l’on désigne par la lettre AV. 

Si, selon la loi d'Avogadro, des volumes égaux de gaz renferment, 
dans les conditions identiques, le même nombre de molécules, l'af- 
firmation inverse est également valable : un même nombre de mo- 
lécules de tout gaz dans les conditions physiques analogues occupe 
le même volume. Une mole de toute substance renfermant, par dé- 
finition, toujours le même nombre de molécules, on conçoit qu'une 
mole de tout corps gazeux occupe toujours le méme volume si les 
conditions demeurent invariables. 

Les lois des combinaisons en volume de Gay-Lussac et d'Avo- 
gadro conduisent à quelques conclusions importantes. 

1° Le volume d’une mole de tout gaz aux conditions normales 
(0 °C, 0,1 MPa) est égal à 22,414 1 (22,4 1 pour les calculs approchés). 

En utilisant cette valeur, il devient possible de calculer la masse 
d'un volume donné de gaz, le volume d’une masse donnée de gaz et 
enfin la masse moléculaire * d’un gaz si l’on en connaît le volume 
et la masse. Dans ce cas, on doit aussi connaître la température et 
la pression de ce volume ou de cette masse du gaz. 


* Pour déterminer la masse moléculaire d'un corps (en unites de masse 
atomique), on trouve ordinairement la masse molaire de ce corps (en g£: ‘mol ou 
kg'mol), numériquement égale à cette première. 


$ 3] LOIS STŒCHIOMÊTRIQUES 25 


Le calcul est possible soit à l’aide des proportions ordinaires, 
soit au moyen de l’équation d'état des gaz parfaits (équation de Cla- 
peyron-Mendéléev) : 

PV = RT 
où P, V, m, M et T sont respectivement la pression, le volume, une 
masse donnée, la masse moléculaire et la température absolue du 
gaz considéré ; 

R est la constante universelle des gaz (le travail d'expansion 

d’une mole de gaz, lorsque sa température s'accroît d’un degré), 

égale à 8,314 J/(mol-K). 

Connaissant la masse du gaz m et son volume V, ainsi que les 
conditions dans lesquelles il se trouve (P et T), on peut calculer sa 


masse molaire ou, en d’autres termes, la masse du gaz contenu dans 
22,4 1 à O °C et sous 0,1 MPa. 


EXEMPLE 1. Calculer la masse molaire du dioxyde de carbone si l'on 
sait qu’à 0 °C et 0.1 MPa 1 1 de gaz pèse 1,94 g. 

Réponse. Après avoir exprimé les données du problème avec les unités qui 
conviennent le mieux à la résolution de l’équation d'état des gaz parfaits (À = 
= 8,31 J/(mol-K) — 8,31 N-m/(mol.-K): 7 — 0 °C — 273 K ; P — 0,1 MPa = 
— 105 Pa — 105 N/m°; V — 1 1] — 10-8 m“), on a: 


mRT 1,94-8.31-273 
M -— DE 0-40 — — 44 g/mol 

2° On peut calculer la masse moléculaire d’un gaz (ou vapeur) 
en se servant du rapport des densités du gaz considéré et d'un gaz 
de référence, dont la masse moléculaire est connue. 

Pour trouver la densité d un gaz par rapport à un autre (qui sert 
de référence), il suffit de comparer, dans les conditions identiques, 
les masses de volumes égaux de ces gaz. Le nombre qui montre, de 
combien de fois la masse du gaz (ou de la vapeur) considéré est supé- 
rieure ou inférieure à la masse du même volume du gaz de référence, 
caractérise la densité du premier gaz par rapport au second. Ainsi, en 
comffontant dans les mêmes conditions la masse m, d'un certain 
volume du gaz (vapeur) considéré, dont nous désignerons la masse 
moléculaire par W,, à la masse m, de l'hydrogène occupant le mé- 
me volume, on obtiendra, d'après la loi d'Avogadro, la proportion 


m M > 


Me 2,016 


m,/m; étant la densité du gaz considéré par rapport à l’hydrogé- 
ne (Du), 
M, = 2,016D, 


Si la détermination n'exige pas une précision élevée, on peut 
admettre que la masse moléculaire d’un gaz ou d’une vapeur est 


26 INTRODUCTION 


approximativement égale à sa double densité par rapport à l’hy- 
drogène. 


EXEMPLE 2. Déterminer la masse moléculaire de l’azote sachant que sa 
densité par rapport à l'hydrogène est égale à 13,89. : 
Réponse. On trouve la masse molaire de l’azote: Af — 2-13,89 — 28 g/mol. 
La masse moléculaire de l’azote est donc égale à 28 unités de masse atomique. 


Si le gaz de référence est l'air, dont la masse moléculaire moyenne 
s'élève approximativement à 29 unités, on obtiendra, prâce au mé- 
me; raisonnement, la relation 


M; = 29D, r 
Où Dr eSt la densité du gaz (vapeur) testé par rapport à l'air. 


EXEMPLE 3. Déterminer la masse moléculaire de l'oxygène (densité par 
rapport à l'air — 1,104). 

Réponse. Trouvons la masse molaire de l'oxygène: M = 29.1,104 = 
— 32 g/mol. La masse moléculaire de l’oxygène vaut donc 32 unités de masse 
atomique. 


[1 faut insister sur le fait que c2s procédés de détermination de 
Ja masse moléculaire des corps gazeux et vaporisables, que ce soit 
à l’aide de l'équation d'état des gaz parfaits ou par détermination 
de la densité relative, ont tous pour base la loi d’'Avogadro. Ce n'est 
que le mode opératoire qui varie d’un procédé à l’autre. 

L'évolution de la chimie théorique dans la première moitié du 
XIX€ s. fut beaucoup influencée par la détermination des masses 
moléculaires suivant le postulat d’'Avogadro, même s'il ne s’appli- 
quait qu'aux gaz et aux substances volatiles *. La loi d'Avogadro a 
permis : 

a) de déterminer les masses atomiques des éléments formant des 
combinaisons gazeuses ou de ceux qui sont gazeux à l’état de corps 
simples ; 

b) de découvrir des espèces ayant même composition élémentaire 
(c'est-à-dire, comportant les mêmes éléments dans le même rapport 
des masses), mais possédant des masses moléculaires différentes : on 
apprenait de la sorte à distinguer la formule réelle d'une espèce 
chimique de sa formule la plus simple. Ainsi, le rapport C: H = 1:1 
est le même pour l’acétylène comme pour le benzène et la formule 
la plus simple des deux espèces répond à la composition CH, alors 
que la détermination des masses moléculaires conduit aux formules 
vraies: C,.H, pour l’acétylène et CH, pour le benzène; 

c) de découvrir nombre de composés ayant même composition 
élémentaire et mêmes masses moléculaires, mais différant par leurs 
propriétés chimiques et physiques: isomères. 

* C'est seulement vers la fin du XIX® s. que l'on a appris à déterminer la 


masse moléculaire des substances peu volatiles sur la base des propriétés de 
Jeurs solutions diluées: lois de Raoult et de Van't Hoff. 


$ 4] DEGRES D'OXYDATION. CLASSES DES COMPOSES MINERAUX 27 


3° Il est possible de trouver les rapports volumiques entre les 
gaz réagissants et les produits gazeux de la réaction. 

Comme un certain volume de tout gaz renferme, dans les condi- 
tions identiques, un même nombre de molécules, on en déduit qu’un 
même nombre de molécules de gaz différents occupe le même volu- 
me. La conséquence logique de cette déduction consiste en ce que 
les rapports volumiques entre les gaz réagissants et les produits 
gazeux de la réaction répondent à leurs coefficients dans l'équation 
de la réaction ou inversement, les coefficients de l'équation traduisent 
les rapports entre les gaz qui entrent en réaction et ceux qui en ré- 
sultent. 

Ainsi, si l’on se réfère à l'équation 

H, + Cl = 2HCI 


l'interaction d'un volume d’hydrogène avec un volume de chlore 
doit conduire à deux volumes d'hydrogène chloré. 


$ 4. Degrés d’oxydation des éléments. Classes des composés mi- 
néraux. Nomenclature. Pour établir les formules empiriques et for- 
mer les noms des composés chimiques, il faut connaître et savoir 
utiliser les degrés d'oxydation des éléments *. Si l’on suppose que 
les composés chimiques sont formés d'ions, le degré d’oxydation 
correspondra à la charge de l'ion constituant un composé donné. 
Mais en réalité, les composés ioniques purs sont pratiquement inexis- 
tants, ce qui rend le degré d'oxydation une grandeur conventionnel- 
le. En l’évaluant, on part du fait que dans les combinaisons le degré 
d'oxydation de l'hydrogène vaut ordinairement +1 et celui de 
l'oxygène —2. Cette règle ne s'applique pas aux hydrures des mé- 
taux actifs (NaH ou CaH,) où l'hydrogène a un degré d’oxydation 
—1, au peroxyde d'hydrogène et ses dérivés (H,0, ou BaO,) où 
l'oxygène est au degré —1, ainsi qu'au fluorure d'oxygène OF, où 
le degré d’oxydation de l'oxygène est égal à +2. 

On détermine le degré d'oxydation des autres éléments en se ba- 
sant sur le fait que la somme algébrique des degrés d’oxydation des 
atomes d’une molécule doit être nulle. Ainsi, dans PH, le phosphore 
est au degré —3, car la somme des degrés d’oxydation de trois atomes 
d'hydrogène est +3. Dans P,0;, le phosphore est déjà au dégré +3. 
Cela découle du fait que la somme des degrés d'oxydation de trois 
atomes d'oxygène est égale à —6. Pour avoir une somme algébrique 
nulle des degrés d'oxydation dans la molécule P,0;, il faut que la 
somme des degrés d'oxydation de deux atomes de phosphore soit +6. 
Le degré d’oxydation de chaque atome de phosphore dans ce com- 
posé vaut donc +3. Dans HBO, le bore possède un degré d’oxyda- 


* Le terme degré d'oxydation a pour synonymes: état d'oxydation, valence 
électrochimique, nombre d'’oxydation. 


28 INTRODUCTION 


tion +3, la somme algébrique des degrés d’oxydation d'un atome 
d'hydrogène et de deux atomes d'oxygène étant égale à —3. 

En règle générale, un élément présente plusieurs valeurs du degré: 
ainsi, celles du soufre sont d’oxydation +6, +5, +4, +3, +2,- 
+1, 0, —1, —2. Parmi plusieurs degrés d’oxydation d’un élément 
on peut dégager ceux qui sont stables (les plus fréquents). 

Voyons comment le tableau de Mendéléev permet de déterminer 
les principaux degrés d’oxydation des éléments. Tout d’abord, il 
faut distinguer les éléments des sous-groupes principaux de ceux 
des sous-groupes secondaires: les premiers sont disposés dans les 
groupes au-dessous des éléments des 2° et 3° périodes, alors que les 
seconds sont décalés dans le sens horizontal. 

On détermine les degrés d’'oxydation stables des éléments des 
sous-groupes principaux en se conformant aux règles suivantes. 

Les éléments des groupes Ï à III possèdent chacun un seul degré 
d’oxydation: positif et égal au numéro de la colonne. Les éléments 
des groupes IV à VI présentent, en plus d'un degré d’oxydation 
positif numériquement égal au numéro de la colonne et d’un degré 
négatif égal à la différence entre le nombre 8 et le numéro de la 
colonne, des degrés positifs intermédiaires que l'onobtientensoustray- 
ant du numéro de la colonne le nombre 2. Pour les groupes IV, 
V et VI les degrés d’oxydation intermédiaires sont respectivement 
égaux à +2, +3 et +4. Le bismuth, élément de la colonne V, pos- 
sède presque toujours un degré d'oxydation <+3. 

Les degrés d’oxydation des halogènes (Cl, Br, 1) varient de +7 
à —1 en sautant une unité: +7, +5, +3, +1, —1{. Le fluor, voisin 
immédiat de l'oxygène, ne manifeste dans ses combinaisons avec 
d'autres éléments qu'un seul degré d'oxydation: —1. 

Les éléments des sous-groupes secondaires ne présentent aucune 
relation simple entre leurs degrés d’oxydation stables et le numéro 
du groupe. Il ne reste donc qu'à retenir les nombres d'oxydation de 
certains éléments de ces sous-groupes: Cr (<—6 et 3), Mn (+7, 
+6, +4 et +2), Fe, Co, Ni (+3 et +2), Cu (+2 et +1), Ag (+1), 
Au (+3 et +1), Zn et Cd (+2), Hg (+2 et +1); le mercure au de- 
gré +1 ne se rencontre que dans les combinaisons comportant tou- 
jours deux atomes de mercure, telles que Ig,Cl.. 

Dans le cas des composés minéraux on distingue les classes prin- 
cipales suivantes: oxydes, hydroxydes (acides et bases), sels et ha- 
logénures d’acides (anhydrides halogénés). 

Ozxydes. On appelle oxydes les composés constitués par deux élé- 
ments, dont un est l’oxygène. Les atomes d'oxygène des oxydes ne 
sont pas liés entre eux, mais seulement avec les atomes de l'autre 
élément. 

On distingue les oxydes salifiables et non salifiables ou neutres 
(les derniers sont peu nombreux : CO, NO, N,0). Les oxydes sali- 
fiables se subdivisent en oxydes acides, oxydes basiques et oxydes am- 


$ 4] DEÉGRES D'OXYDATION. CLASSES DES COMPOSES MINÉRAUX 29 


photères. Le caractère d’un oxyde est déterminé par son aptitude à 
former des sels avec les acides et les bases (ainsi qu'avec les oxydes 
acides ou basiques). 

Les oxydes acides sont ceux qui forment des sels avec les bases 
ou les oxydes basiques, par exemple: 


SO; + 2NaOH —= Na,SOs + H,0 


Les oxydes basiques forment des sels avec les acides ou les oxy- 
des acides: 


FeO + 2HCI = FeCl, + H,0 


Enfin, les oxydes amphotères forment des sels aussi bien avec 
les acides (ou les oxydes acides) qu'avec les bases (oxydes basiques) 


Cr:03 +— 2NaOH = 2NaCrO, + H,0 
CroO3a + 6HCI — 2CrCl, + 3H,0 


La nature d'un oxyde est fonction de la position de l'élément 
correspondant dans le tableau périodique de Mendéléev. On sait 
que dans les périodes les propriétés métalliques des éléments s’ac- 
centuent de droite à gauche et dans les colonnes, de haut en bas. 
C'est le contraire pour les propriétés non métalliques. Dans les 
sous-groupes principaux la séparation entre les éléments formant les 
oxydes acides et les éléments qui forment les oxydes basiques passe 
par les éléments. dont tous les oxydes sont amphotères (diagonale- 
verticale Be-Al-Ge-Sn-Pb). Les éléments qui se trouvent à droite et 
en haut de cette ligne sont ceux à oxydes acides, à l'exception des 
éléments du groupe V, As et Sb, dont les oxydes de composition 
M,0; sont amphotères (alors que M,0, sont acides), et Bi, dont 
l'oxyde Bi,0, a un caractère basique. À gauche et en bas de cette 
même ligne on trouve les éléments formant les oxydes basiques, 
exception faite de deux éléments du groupe ITI, Ga et In, dont les 
oxydes sont amphotères. 

Comme exemples d'oxydes amphotères des sous-groupes secon- 
daires citons ZnO, Au,O;:, Cr,03, MnO,.. 

Lorsqu'un élément de cette série forme plusieurs oxydes suivant 
ses différents degrés d’oxydation, les oxydes amphotères séparent 
les oxydes basiques et acides de telle sorte que les oxydes qui cor- 
respondent aux degrés d'oxydation supérieurs sont acides et ceux 
qui correspondent aux degrés inférieurs sont basiques. Ainsi, MnO, 
est amphotère, MnO, et Mn,O, sont acides, MnO est basique. 

Il existe deux nomenclatures pour les combinaisons oxygénées : 
traditionnelle et internationale. D'après la nomenclature tradition- 
nelle, la combinaison avec l'oxygène d'un élément ne possédant 
qu'un seul degré d’oxydation est dite oxyde de cet élément, quelle 
qu'en soit la composition (K,0 oxyde de potassium, CaO oxyde de 
calcium, Al,0, oxyde d'aluminium). Si l'élément présente un degré 


30 INTRODUCTION 


d'oxydation variable, son dérivé oxygéné correspondant au degré 
d'oxydation inférieur de l'élément reçoit le nom d’oxyde suivi d’un 
adjectif se terminant par eux: Cu,O oxyde cuivreux, FeO oxyde fer- 
reux, Hg,0 oxyde mercureux, MnO oxyde manganeux. Dans ce cas, 
les oxydes qui correspondent au degré d’oxydation supérieur reçoi- 
vent la terminaison ique: CuO oxyde cuivrique. Fe,O;, oxyde 
ferrique, HgO oxyde mercurique, Mn,0O;, oxyde manganique. 

On appelle dioxydes les composés de type MO, : oxydes qui ren- 
ferment un atome central tétravalent et deux atomes d'oxygène. 
Il ne faut pas confondre dioxydes et peroxydes: dans ces derniers 
deux atomes d'oxygène sont liés à un métal bivalent typique, par 
exemple : 


O 
Bas | 
No 


Lorsqu'un des composés oxygénés d'un élément (supérieur ou in- 
termédiaire) est un dioxyde (répond à la formule MO.), sa combinai- 
son oxygénée de degré inférieur MO (parfois M,0:) est appelée 
oxyde de cet élément: 


CO, dioxyde de carbone CO oxyde de carbone 

SnO, dioxyde d'’étain SnO oxyde d'étain (stanneux) 

PbO, dioxyde de plomb PbO oxyde plombeux (protoxyde de 
plomb) 

MnO, dioxyde de manganèse MnO + de manganèse (manga- 
neux 

NO, dioxyde d'azote NO oxyde azotique (nitrique) 


Les oxydes acides et certains oxydes amphotères sont parfois 
appelés anhydrides des acides correspondants: B.0; anhydride bori- 
que. N.0; anhydride nitreux (azoteux), N.0, anhydride nitrique 
(azotique), As.0, anhydride arsénieux. 

Récemment, on a proposé une nomenclature plus stricte des 
oxydes qui assure une correspondance complète entre leurs formules 
et noms. Ainsi, si un élément forme plusieurs oxydes, on ajoute au 
mot « oxyde » un préfixe numérique qui désigne le nombre d'atomes 
d'oxygène rapportés à un atome de l'élément. Ainsi, M,0 demio- 
xyde *, MO monoxyde, M,0;, sesquioxyde, MO, dioxyde, M0; 
demipentoxyde, MO; trioxyde, M,0; demiheptoxyde, MO, tétro- 
xyde. 

Selon la nomenclature internationale, on donne aux combinaisons 
oxygénées d'un élément le nom d’oxyde suivi du nom de l’élément 
avec, entre parenthèses, un chiffre romain qui désigne le degré d'oxy- 
dation : CuO oxyde de cuivre (11), Cu,O oxyde de cuivre (1), Fe,O: 
oxyde de fer (III), FeO oxyde de fer (11). 


* Pourtant, en français on dira « monoxyde de diazote » pour N,0, ainsi 
que « trioxyde de dichlore » pour CI,0,, etc. (N.d.T.) 


$ 4] DEGRES D'OXYDATION. CLASSES DES COMPOSES MINERAUX 31 


Les formules graphiques montrent le nombre de liaisons entre 
les éléments. Comme l’atome d'oxygène est divalent et que chaque 
valence est figurée, de façon conventionnelle, par un trait, les struc- 
tures des oxydes peuvent être schématisées comme suit: 


M—0—M M=0  O0=M—0-—M==0 O=M=0 
O O0 OO O0  o O0 oO O 
NS 4 N 4 NX 
M—0—M NZ O=M—0—M—O M 
07 No | 0” “o _o” Ÿ‘o 
0 


Actdes et bases. L'interaction (directe ou indirecte) des oxydes 
avec l’eau conduit à leurs formes hydratées qui peuvent avoir la 
nature d’acides, de bases ou d’hydroxydes amphotères. Les oxydes 
acides forment avec l'eau les acides: 


SO, + H.0 = H,S0, 
les oxydes basiques, les bases: 
K,0 + H.0 = 2KOH 
les oxydes amphotères, les hydroxydes amphotères 
ZnO + H,0 = Zn(OH), == H,Zn0;, 


Les acides se composent d'hydrogène (susceptible d’être remplacé 
par un métal) et d'un groupe acide. 

En règle générale, les acides des éléments des groupes VI et VII 
se forment à partir d’oxydes de telle façon que le nombre d’atomes 
d'hydrogène dans la molécule (ou le nombre de molécules d'eau 
combinées) soit minimal : 


CLO,; + H,0 — 2HCIO, 
C1,0, + H,0 = 2HCIO, 
SO: + H,0 — H,S0, 


bès éléments des groupes JII à V dans leurs états d'oxydation 
correspondants forment deux types de combinaisons: dérivés ortho 
(H3BO:, H:A10:, H,Si0,, H:3PO:) et dérivés méta (HBO,, HAIO,, 
H,Si0;, HPO;). Dans la molécule d’un dérivé ortho, le nombre d'ato- 
mes d'oxygène est égal à celui d atomes d'hydrogène et correspond 
au degré d’oxydation de l’atome central. La seule exception est le 
cas des acides formés par les éléments du groupe V, de formule gé- 
nérale H:,PO,, que l’on considère comme des orthohydroxydes et 
qu'on appelle, par exemple, acide orthophosphorique pour H,PO, 
ou acide orthoarsénique pour H,AsO,. 

Si l’on enlève de l’eau à un orthoacide, on peut obtenir un mé- 
taacide : 

H,PO, = H,0 -+ HPO, 


32 INTRODUCTION 


Les métaacides comportent le moins d'atomes d'hydrogène. En 
détachant une molécule d’eau d’un métaacide, on obtient l’arhydri- 
de d'acide correspondant : 


2HPO>; Drsai H.,0 + P,0; 


Les acides du carbone et de l'azote n'existent que sous la forme 
méta (dans leurs noms le préfixe méta est omis). 

Il y a des acides qui contiennent deux atomes centraux et un 
nombre impair d’atomes d'oxygène: H,S,0, acide disulfurique, 
H,P,0: acide diphosphorique, H,Si,0, acide disilicique. L'ancienne 
nomenclature leur attribuait souvent le préfixe pyro (pyrosulfuri- 
que. pyrophosphorique, mais dimétasilicique). 

Les chimistes se sont largement servis des préfixes ortho, méta 
et pyro pour former des noms d’acides. La forme ortho est la plus 
riche en eau, la forme pyro * en renferme moins. La forme méta ** 
contient le moins d’eau. L'’illustration en est fournie par les équa- 
tions des réactions correspondantes : 


P,0, + H,0 = 2HPO; (métaphosphorique) 
P.0, + 2H,0 = H,P,0; (pyrophosphorique) 
P.0, + 3H,0 = 2H,PO, (orthophosphorique) 


En se représentant la formule graphique de tel ou tel hydroxyde, 
il faut partir du fait qu'il est constitué par un atome central — mé- 
tal ou non-métal — lié ordinairement aux hydroxyles OH par l’in- 
termédiaire de l'oxygène. Voilà pourquoi le nombre d’atomes d'hy- 
drogène permet de juger du nombre des groupes OH qui entourent 
l'atome central. Ainsi, les formules graphiques d'AI(OH);, et de 
H,SiO, ont la forme: 


Ï 


OH HO 0H 
A1Z-0-H Si 
No-H 1—o0o/ No-n 


Lorsque la molécule contient plus d’oxygènes que d’hydrogènes, 
les atomes d'oxygène excédentaires se joignent directement à l'ato- 
me central qui dépense alors deux valences par atome d’oxygène. 
La représentation graphique des formules HNO,., H,S0, et H;,PO, 


* Pyro. du grec pur, puros veut dire « feu ». On s’est servi de ce préfixe par- 
ce que les pyroacides étaient préparés en chauffant précautionneusement par 
flamme les orthoacides, par exemple: 


2H,PO, — H,0 À H,P;,0: 


Un chauffage plus fort et durable conduisait au détachement d’un plus 
grand nombre de molécules d'eau et à la formation de métaacides. 

** Le préfixe méta, d'origine grecque, signifie « après ». Les métaacides 
sont la dernière forme obtenue en éliminant l’eau des orthoacides. En poursui- 
vant la déshydratation, on assiste à la formation d'oxydes. 


$ 4] DEGRES D'OXYDATION. CLASSES DES COMPOSES MINERAUX 33 


donne les formes suivantes: 


H—O—N—0 S I—O0O—P—=0 


u—0/ No  #—-0/ 


Si la molécule possède deux atomes centraux, ces derniers se 
lient l'un à l’autre par l’intermédiaire d’un oxygène commun, alors 
que les groupes OH et les autres atomes d’oxygène se répartissent 
en proportions égales entre les deux atomes centraux. A titre d’exem- 
ple, considérons les formules graphiques de l'acide bisulfurique 
H,S,0, et de l'acide biphosphorique H,P,0,: 


V1 Spor” es 
H—0—S—0—S—0—H 67 1 [SO—H 
H—O” | 
O oO 
O0 O0 


Un tel arrangement atomique conduit à la règle que l’on appli- 
que au calcul de la valence de l’atome central en tenant compte de 
la composition de sa forme hydratée. Ainsi, dans la molécule H,SO, 
il y a quatre atomes d'oxygène qui possèdent ensemble huit valen- 
ces. Or. l'oxygène utilise deux valences pour assurer la liaison avec 
deux atomes d'hydrogène. Par conséquent, six valences (4-2 — 2 — 
— 6) sont employées pour attacher l’oxygène à l’atome central. Le 
soufre y est donc hexavalent. 

Cette règle simple est à recommander lorsqu'il s’agit de déduire 
une formule d'anhydride d’une formule d'acide, car une approche 
purement arithmétique est grave d'erreurs. Ainsi, dans HCIO, 
l'atome de chlore central est heptavalent, ce qui correspond à l’an- 
hydride CI,0.. L'équation de la décomposition de l'acide perchlo- 
rique sera donc de la forme 


2HCIO, = H,0 + CLO; 


Le< noms des acides, dont l’atome central est au degré d'oxyda- 
tion numériquement égal au numéro de la colonne dans le tableau 
périodique de Mendéléev, se forment à l’aide d'un adjectif se termi- 
nant par ique, dérivé du nom de l'élément: H,MoO, molybdique, 
HNO, azotique (ou bien nitrique, du nom latin de l’azote) et, excep- 
tionnellement, acide aurique pour H;AuO, et ferrique pour H,FeO, 
(ces deux derniers noms correspondent aux degrés d’oxydation su- 
périeur< des éléments qui ne coïncident pas avec le numéro des grou- 
pes: l'or est dans le groupe I et le fer dans le groupe VII). 

Dans les noms des acides formés par les éléments des groupes IV 
à VI, aux degrés d’oxydation inférieurs des atomes centraux cor- 
respondent les noms se terminant par eur: H,SO, acide sulfureux, 
H,SnO, acide stanneux, HNO, acide nitreux (azoteux). 


3—011%1 


34 INTRODUCTION 


On utilise les préfixes ortho ou méta, si cela contribue à préciser 
la formule de l’acide: acide orthoarsénique H,AsO,, acide métaar- 
sénique HAsO,. 

Pour désigner les degrés d’oxydation des halogènes, on se sert de. 
plusieurs préfixes et terminaisons: per et ique pour +7, ique pour 
+5, eux pour +3, hypo et eux pour +1. Par exemple, on dénomme 
HCIO, acide perchlorique, HBrO; acide bromique, HIO, acide io- 
deux, HCIO acide hypochloreux. 

Les bases contiennent un métal et un ou plusieurs groupes OH. 
Les bases solubles dans l’eau ont le nom d’alcallis. 

Traditionnellement, les noms des bases <e forment à l’aide du 
mot hkydroxyde suivi de l’adjectif approprié : hydroxyde ferrique pour 
Fe(OH});, hydroxyde ferreux pour Fe(OH),. La nomenclature inter- 
nationale veut qu'on donne à ces bases, respectivement, les noms 
d’hydroxyde de fer (III) et d’hydroxyde de fer (Il). 

Suivant le nombre d'hydroxyles qu'elles comportent les bases 
sont monoacides ou polyacides (NaOH base monoacide, Ca(OH), base 
diacide). 

Les hydrozydes amphotères se caractérisent par une dualité acide- 
base. Ils se comportent comme bases en présence d'acides 


Zn(OH), + H.SO, == ZnSO, + 2H,0 
et comme acides en présence de bases: 
H;,Zn0; + 2NaOH = NasZnO;, nu 2H,0 


Suite à leur double nature les hydroxydes amphotères possèdent 
chacun deux noms: Zn(OH), (ou H;,ZnO,) hydroxyde de zinc ou 
acide zincique, AÏ(OH); (ou H:AÏ10;) hydroxyde d'aluminium ou 
acide aluminique. 

Les sels se composent d’un ion métallique (reste de base) et d’un 
groupe acide. Leur préparation est possible par plusieurs voies. Ils 
peuvent résulter, par exemple, de l’action d’un acide ou d’un oxyde 
acide sur une base ou un oxyde basique: 


2HNO;, + Ca(OH}); — Ca(NO3): + 2H,0 
2HNO, + CaO = Ca(NO,). + H.0 
N205 + Ca(OH}; = Ca(NOs): + H20 
N°0, + CaO = Ca(NO,). 
Les hydroxydes amphotères ne forment des sels qu’avec les bases 
ou acides forts: 
Zn(0H). + H,S0, = ZnS0, + 2H.0 
Zn(OH), + 2NaOH = Na,Zn0. + 2H,0 


Les produits de la substitution complète des hydrogènes d’un 
acide par les atomes de métal sont appelés sels neutres (normaux). 


$ 4] DEGRES D'OXYDATION. CLASSES DES COMPOSES MINERAUX 35 


La nomenclature internationale des sels a pour base les princi- 
pes suivants. 

Lorsque l’atome central de l’acide est un élément des groupes I 
à VI, son degré d'oxydation correspondant au numéro du groupe est 
désigné par la terminaison ate (ou iate) que l’on ajoute à la racine du 
nom latin de l’atome central de l'acide. Le nom ainsi formé précède 
celui du métal : K;AÏO, orthoaluminate de potassium, KPO; méta- 
phosphate de potassium, BaSeO, séléniate de baryum. 

Pour les éléments des groupes IV à VI on désigne le degré d'oxy- 
dation inférieur de l’atome central de l’acide à l’aide de la terminai- 
son ite: K,PbO, plombite de potassium, CsNO, nitrite de césium, 
CaTeO, tellurite de calcium. 

Dans le cas des sels des oxoacides halogénés, les différents degrés 
d'oxydation de l’atome central sont exprimés à l’aide de préfixes et 
terminaisons per et ate pour le degré +7, ate pour +5, ite pour +3, 
hypo et ite pour +1: KCIO, perchlorate de potassium, Ca(BrO:)s 
bromate de calcium, KIO, iodite de potassium, Ba(ClO), hypochlo- 
rite de baryum. 

Si le métal présente deux degrés d’oxydation, on les indique entre 
parenthèses: FeSO, sulfate de fer (II), Fe,(SO,): sulfate de fer 
(ID) *. 

Les noms des sels des hydracides sont dérivés au moyen de la 
terminaison ure: AuCI chlorure d'or (1), AuCI, chlorure d'or (IIT), 
SnCl, chlorure d’étain (II), SnCl, chlorure d'étain (IV). 

Les polyacides fournissent, à côté des sels neutres, des sels acides 
(hydrosels), produits d’une substitution incomplète de l'hydrogène 
de l’acide par le métal: NaHSO,, KH,PO,, Ca(HCO:),. On les 
appelle, suivant la nomenclature utilisée, sulfate acide ou hydrosul- 
fate de sodium pour NaHSO,, phosphate diacide ou dihydrophospha- 
te de potassium pour KH,PO,, phosphate monoacide ou hydrophos- 
phate de potassium pour K,HPO,, carbonate acide ou hydrogénocar- 
bonate de calcium pour Ca(HCO:;).. 

Le diacide sulfurique peut présenter deux types de groupes acides 
(SO et HSO,;), d'où deux types de sels: Na,SO, sulfate de sodium 
et NaHSO, sulfate acide ou hydrosulfate de sodium (ancien nom: 
disulfate de sodium). Le diacide carbonique possède deux groupes 
acides (CO et HCO;), formant, par exemple, avec le calcium deux 
sels : CaCO, carbonate de calcium et Ca(HCO;), carbonate acide ou 
hydrogénocarbonate de calcium (ancien nom: bicarbonate de cal- 
cium). Le triacide orthophosphorique (ou phosphorique) peut avoir 
trois restes acides (PO, HPO‘-, H,PO:) et former trois types de 
sels: Na3PO, phosphate de sodium, Na,HPO, phosphate monoacide 
ou hydrophosphate de sodium, NaH,PO, phosphate diacide ou dihy- 
drophosphate de sodium. 


* Ou bien, sulfate ferreux et sulfate ferrique, selon l'usage français. (N.d.T.) 
3% 


36 : INTRODUCTION 


On obtient les sels acides par les procédés suivants. 
19 Neutralisation incomplète d'un acide ou d’un oxyde acide 
par une base: 


H,S0, + NaOH = NaHSO, + H.0 : 
SO, + NaOH = NaHSO, 


2° Action d'un acide ou d’un oxyde acide sur un sel neutre du 
même acide: 
K,S0, + H:S0, = 2KHSO, 
CaCO, + CO, + H,0 = Ca(HCO.) 


Les sels acides se transforment assez aisément en neutres 
1° par interaction avec un alcali 


NaHSO, + NaOH = Na,SO, + H.0 


2° par interaction avec un autre sel s’il y a formation d’un pro- 
duit volatil 


NaHSO, + NaCI = Na.SO, + HCI: 
3° par chauffage 
Ca(HCO;), = CaCO, + H,0 + CO. 


Les sels basiques (hydroxosels) résultent d’une substitution par- 
tielle des hydroxyles de la molécule d'une base par des groupes 
acides. 

Les bases polyacides présentent plusieurs restes. Il y en a trois 
pour AÏ(OH);,: AI(OH), AIOH=** et AÏ$*. En établissant la formule 
d'un sel basique, on écrit d’abord le reste basique et puis, à côté, 
le reste acide. Par la suite on ajuste leur nombre de façon à rendre le 
sel électroneutre. Supposons que l’on a à écrire la formule du carbo- 
nate basique de cuivre. Le reste de la base Cu(OH), est CuOH*. 
Connaissant l'acidité du reste basique et la basicité de l'acide, on 
obtient la formule du carbonate basique de cuivre: (CuOH),CO;. 

Pour les bases à trois hydroxyles ou plus il peut y avoir plusieurs 
sels basiques. Ainsi, Cr(OH);, et HNO; forment deux sels basiques. 
On déduit leur formule en écrivant d’abord les restes basiques de 
Cr(OH), et en déterminant leurs acidités: Cr(OH)5 et Cr(OH)**. 
Après avoir ajouté les restes acides, on a Cr(0OH),NO,; et CrOH(NO3).. 

Toujours suivant la nomenclature utilisée, un sel basique peut 
avoir deux noms: Cr(OH),NO, nitrate dibasique de chrome ou nitra- 
te de dihydroxochrome, CrOH(NO;), nitrate monobasique de chrome 
ou nitrate d’hydroxochrome, AI(OH),CI chlorure dibasique d’alu- 
minium ou chlorure de dihydroxoaluminium, AlOHCI, chlorure mo- 
nobasique d'aluminium ou chlorure d’hydroxoaluminium. 

En représentant graphiquement les formules des sels, il faut se 
rendre nettement compte de la structure des restes acides et basi- 


$ 4] DEGRES D'OXYDATION. CLASSES DES COMPOSES MINERAUX 37 


ques. Ainsi, l’acide orthophosphorique 


H—O\ 
H—0—P=0 
H—0/ 
peut former trois restes acides: 
OK OK ro 
H—0—P=0 —0—P-0 —0—P—0 
H—0/ H—0/ :  —0/ 


Les sels que l'acide orthophosphorique forme avec les restes de 
l'hydroxyde de calcium (Ca°* et CaOH*) peuvent avoir les formules 
graphiques suivantes: 


H—0O AM O HO—Ca—0 
N \N | 
O—P=0 > —0 HO—Ca—0—P=O 
/ | 
AS 4 HO—Ca—0 
O—P=0 / 
ZX Ca 
H—0O O—H N 
O 
N 
O—P=0O 
J 
Ca 
N7/ 
O 
sl acide sel neutre sel basique 


Nous donnons ci-après les noms de quelques sels répandus. 


Acide Formule de Sel neutre 
l’acide 

Nitrique HNOs Nitrate 
Nitréux HNO: Nitrite 
Aluminique (orthoalumi- H;,AlO; Aluminate (orthoalumi- 

nique) nate) 
Borique (orthoborique) HsBO; Borate (orthoborate) 
Bromhydrique HBr Bromure 
Dichromique H,Cr,0, Dichromate 
lodhydrique HI lodure 
Silicique H,SiOs Silicate 
Permanganique HMn0, Permanganate 
Métaaluminique HAIO, Métaaluminate 
Métaborique HBO, Métaborate 
Métaphosphorique HPO; Métaphosphate 


Arsénique H,AsSO, Arséniate 


38 INTRODUCTION 


Acide Formule de Sel neutre 
l'acide 

Arsénieux HsASO; Arsénite 
Orthophosphorique H,PO, Orthophosphate (phos- 

pbate) 
Pyrophosphorique H,P,0: Pyrophosphate 
Sulfurique H,SO, Sulfate 
Sulfureux H,S0, Sulfite 
Carbonique H,CO; Carbonate 
Phosphoreux H,POs Phosphite 
Fluorhydrique HF Fluorure 
Chlorhydrique HCI Chlorure 
Perchlorique HCIO, Perchlorate 
Chlorique HCIOs Chlorate 
Chloreux HCIO;, Chlorite 
Hypochloreux HCIO Hypochlorite 
Chromique H,CrO, Chromate 
Me (orthochro- HsCrOs Chromite (orhochromite) 

meux 

Cyanhydrique HCN Cyanure 


Les halogénures d'acides sont les produits de substitution des hy- 
droxyles des oxoacides par des atomes d’halogènes. 

Lorsqu'on déduit, par exemple, la formule du chlorure d’acide 
carbonique, on remplace de façon conventionnelle les hydroxyles de 
l'acide HO—C—OH par les atomes de chlore: CI—C—CI. 

I il 
O 

La définition des halogénures d’acide que nous avons donnée ci- 
dessus n’est destinée qu’à déduire leurs formules. Les procédés réels 
de préparation des halogénures d'acide minéraux sont spécifiques 
pour chaque composé de cette classe. I] existe également des halo- 
génures d’acide incomplets où les atomes d’halogènes n'ont pas rem- 
placé tous les hydroxyles, ainsi que des halogénures d’acide mixtes 
qui comportent des atomes d'halogènes différents. 

Les noms des halogénures d'acide se composent de celui de l’ha- 
logène (avec la terminaison ure), ainsi que du nom de l'acide de dé- 
part *. Ainsi, les halogénures d'acides SO,CI,, POBr; et BI; ont 
les formules graphiques et les noms suivants: 


CI 79 Br IL 
S Br—P—0O I—B 
c/ “o Br/ 1/ 
chlorure d'acide bromure d'acide iodure de bore 
sulfurique orthophosphorique 
(chlorure (bromure de 
de sulfuryle) phosphoryle) 


* Ou du radical correspondant. (W.d.T.) 


$ 4] DEGRES D'OXYDATION. CLASSES DES COMPOSES MINERAUX 39 


Une propriété chimique importante, commune à tous les halo- 
génures d'acide, est leur réaction irréversible avec l’eau, avec for- 
mation de deux acides: acide halohydrique (HF, HCI, HBr, HÏ) et 
acide dont l’halogénure en question est dérivé: 

SO,CL + 2H,0 = H,S0, + 2HCI 
POBr, + 3H,0 = H,PO, + 3HBr 
BI, + 3H,0 = H,BO, + 3HI 


CHAPITRE PREMIER 


STRUCTURE ATOMIQUE. 
CLASSIFICATION PÉRIODIQUE 
ET LOI PÉRIODIQUE DE MENDÉLÉEV 


STRUCTURE ATOMIQUE 


La découverte des rayons cathodiques (flux de particules néga- 
togènes) et du photo-effet (émission de particules négatogènes par un 
métal soumis à l’action de la lumière) dans la seconde moitié du 
XIXE s. suggéra l’idée d’une constitution complexe de l’atome. Ces 
découvertes témoignaient de la présence d'électrons dans les ato- 
mes. L'étude de la radioactivité des éléments chimiques (rayons @, 
B et y) démontra que les atomes possédaient, en plus des électrons, 
une matière chargée positivement. Les rayons canaux constituèrent 
une autre preuve de l’existence de particuies positogènes à l’inté- 
rieur des atomes. 

Un argument important en faveur de structure complexe des ato- 
mes fut la découverte de la loi de périodicité de Mendéléev : 


Les propriétés des corps simples, ainsi que les propriétés et 
les formes des combinaisons sont une fonction périodique des 
masses atomiques des éléments chimiques. 


Le raisonnement était le suivant: s’il y a une corrélation entre 
les éléments chimiques constitués d’atomes, c'est que les atomes 
possèdent quelque chose de commun et, par conséquent, ils doivent 
avoir une structure complexe. 


$ 5. Modèle planétaire de l’atome. C'est le physicien anglais 
Rutherford qui est le fondateur de la théorie moderne de l’atome. 
Ses expériences convaincantes montrèrent que pratiquement toute 
la masse ainsi que la matière chargée positivement de l’atome étaient 
concentrées dans une petite fraction de son volume. Rutherford 
baptisa cette partie de l’atome noyau. La charge positive du noyau 
était compensée par les électrons qui gravitaient autour. Dans ce 
modèle atomique, les électrons rappelaient les planètes gravitant 
autour du Soleil, d’où son nom de modèle planétaire. Par la suite, 
Rutherford put utiliser des résultats expérimentaux pour calculer 
les charges nucléaires. Elles s’avérèrent égales aux numéros d'ordre 
des éléments dans la classification périodique de Mendéléev. Les 


S »] MODELE PLANÊTAIRE DE L'ATOME 4 


travaux de Rutherford et de ses disciples donnèrent à la loi périodi- 
que de Mendéléev un sens plus clair et une formulation quelque peu 
différente : 


Les propriétés des corps simples, ainsi que les propriétés et 
les formes des combinaisons d’éléments sont une fonction pé- 
riodique de la charge nucléaire des atomes des éléments. 


Le plus simple noyau atomique est celui de l’hydrogène. Sa char- 
ge est égale en valeur et contraire en signe à celle de l’électron. Il a 
la masse la plus petite parmi tous les noyaux. Le noyau atomique 
de l'hydrogène fut reconnu pour une particule élémentaire. En 1920, 
Rutherford lui donna le nom de proton (du grec prôtos, premier). La 
masse du proton est approximativement celle de l'unité de masse 
atomique. 

Pourtant, les masses de tous les atomes, celui d'hydrogène 
excepté, sont numériquement supérieures aux charges des noyaux 
atomiques. Déjà Rutherford supposait que les noyaux devaient con- 
tenir en plus des protons des particules neutres possédant une cer- 
taine masse. Ces particules sont découvertes en 1932 par les physi- 
ciens allemands Bothe et Becker. Le physicien anglais Chadwick 
précise leur nature et les appelle neutrons. Le neutron est une parti- 
cule non chargée d’une masse sensiblement proche de celle du proton 
(donc, de l'unité de masse atomique). 

En 1932, le chercheur soviétique Ivanenko et le physicien alle- 
mand Heisenberg élaborent, indépendamment l’un de l’autre, la 
théorie du noyau, selon laquelle les noyaux atomiques se composent. 
de protons et de neutrons. 

Considérons la structure de l’atome d’un élément (du sodium par 
exemple) du point de vue de cette théorie. Le sodium est le 11° élé- 
ment de la classification périodique, avec un nombre de masse égal 
à 23. Vu le numéro d'ordre du sodium, sa charge nucléaire vaut 11+. 
L'atome de sodium possède donc 11 électrons dont la charge totale 
est égale en valeur à la charge positive du noyau. Si l'atome de so- 
dium perd un éléctron, la charge positive du noyau deviendra supé- 
rieure de 1 à la somme des charges négatives des électrons (10) et 
l'atome de sodium se transformera en ion chargé 1+. La charge du 
noyau atomique est la somme des charges des 11 protons du noyau, 
d'une masse totale de 11 unités. Le nombre de masse du sodium 
s'élevant à 23, la différence 23 — 11 — 12 correspond au nombre des 
neutrons de l’atome de sodium. 

On désigne les protons et les neutrons par le terme nucléons. 
Le noyau de l’atome de sodium en comporte 23, dont 11 protons 
(numéro d’ordre du sodium) et 12 neutrons. On écrit le nombre total 
de nucléons (nombre de masse) en haut et à gauche du symbole de 
l'élément et le nombre de protons (numéro atomique) en bas et à 
gauche, par exemple “Na. 


PA) STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDELÉEEV [CH I 


Tous les atomes d’un élément ont la même charge nucléaire, c’est- 
a-dire le même nombre de protons dans le noyau. Par contre, le 
nombre de neutrons varie d’un noyau atomique à un autre, l’élé- 
ment restant le même. Les atomes qui possèdent un nombre égal de 
protons et un nombre différent de neutrons sont dits isotopes. Ainsi, 
l'oxygène à l’état naturel se compose de trois isotopes : :*0(99,76 % 
{at.)], :0[0,04 % (at.)], 0 [0,20 % (at.)] 

Les atomes d'éléments différents, dont les noyaux comportent 
un même nombre de nucléons, sont isobares, par exemple: ;!*Cd 
‘et "Sn. 


$ 6. Radioactivité. Réactions nucléaires. On appelle radioacti- 
vité la transformation spontanée des atomes d'un élément chimique 
-en atomes d’un autre élément avec émission de quanta d'énergie, 
de particules élémentaires ou de noyaux. La radioactivité des élé- 
ments chimiques est le résultat de l'instabilité des noyaux. On con- 
naît aujourd'hui plusieurs formes de rayonnements émis par les 
<orps radioactifs, dont les plus répandus sont: 

19 Rayonnement alpha : flux de particules & qui sont des noyaux 
d’hélium. La charge d’une particule & vaut 2+ et sa masse environ 
-4 unités. Ainsi, en émettant une particule alpha, le noyau atomique 
perd une masse égale à 4 u.m.a. et sa charge positive diminue de 2 
unités. 

2° Rayonnement bêta : flux de particules B qui sont des électrons. 
Au point de vue de la théorie de la structure protonique et neutro- 
‘nique du noyau atomique, l’émission des électrons résulte des trans- 
formations de neutrons intranucléaires en protons. La masse de l’élec- 
tron constituant à peu près 1/2000 de la masse d’un nucléon, l’émis- 
sion d'un électron n’a pratiquement aucun effet sur la masse du 
noyau, alors que la charge nucléaire augmente d'une unité. 

3° Le rayonnement gamma est un flux de photons (quanta d'éner- 
.&gie). En émettant les rayons y le noyau ne change ni de charge, ni 
-de masse. La radiation y est le résultat du passage du noyau d'un 
-état excité à un état plus stable énergétiquement. Le noyau s’excite 
‘en émettant des particules & ou f. En règle générale, la désintégra- 
tion bêta s'accompagne d’une radiation y. Le rayonnement alpha 
‘est suivi (mais bien moins fréquemment) d'un rayonnement gamma. 
Beaucoup plus rares sont les autres formes de la désintégration radio- 
active que nous laisserons de côté. 

En 1913, le physicochimiste américain Fajans et, indépendam- 
ment de lui, le radiochimiste anglais Soddy ont formulé la règle de 
déplacement. D'après cette règle, la désintégration alpha conduit à 
Aa formation d’un atome de l'élément chimique dont la position dans 
la classification périodique est rétrogradée de deux places (cases) par 
æapport à l’élément de départ. En effet, l’émission d'un rayon alpha 
&ait diminuer de deux unités la charge positive du noyau et son nu- 


$ 6] RADIOACTIVITE. RÉACTIONS NUCLÉAIRES 43 


méro atomique. La désintégration bêta fait croître la charge nuclé- 
aire et, par conséquent, le numéro atomique de l'élément d'une uni- 
té : l'élément formé avance d’une place à droite par rapport à l'élé- 
ment initial. Le rayonnement gamma ne correspond à aucune trans- 
mutation des éléments. L'atome de radium, en émettant une parti- 
cule &, se transforme en radon, dont il est facile de calculer le numé- 
ro atomique et le nombre de masse : 


#6Ra —+ a+*#Rn 


Le mélange naturel des isotopes du potassium renferme parmi 
autres l'isotope radioactif $: ;,$K. Sa désintégration conduit à l’iso- 
tope correspondant : 


13K — B+ {Ca 


Ï]l existe quatre familles (séries) d’isotopes radioactifs génétique- 
ment liés, où chaque isotope résulte de la désintégration radioactive 
du précédent. Ces séries ont été découvertes en étudiant la radioacti- 
vité naturelle des éléments lourds de numéro atomique 81 et plus. 
La figure 3 présente la famille radioactive de l'uranium. On caracté- 
rise la vitesse de la désintégration radioactive d’un élément par sa 
période de demi-vie: temps nécessaire pour que la moitié du nombre 
initial d'atomes se désintègrent. On trouvera les périodes des élé- 
ments, ainsi que les types de la désintégration, sur la figure 3. Il 
faut dire qu'on n'avait pas compris tout de suite que les transmuta- 
tions radioactives aboutissaient à des isotopes d'éléments connus: 
voilà pourquoi plusieurs produits de désintégration qui font partie 
de la famille de l'uranium ont eu leurs propres désignations. 

En son temps, la règle de déplacement a permis de lier les séries 
radioactives à la classification périodique, de prédire l’existence de 
radioéléments encore inconnus, de caractériser chimiquement les 
radioéléments à transmutation rapide. 

Selon l'avis des savants, la radioactivité joue un rôle important 
dans le bilan thermique de notre planète. C'est la désintégration 
. V7 . . . . 
radioactive du radium, de l'uranium, du thorium et du potassium 
qui ferait monter la température des couches de la Terre en moyenne 
d'un degré par 100 m de profondeur croissante. La couche radioacti- 
ve de la croûte terrestre possède une épaisseur de plusieurs kilomètres. 

Réactions nucléaires. Dans une réaction nucléaire, on assiste à la 
transmutation des noyaux par l’action de particules élémentaires 
ou d’autres noyaux. Pratiquement, on réalise une réaction nucléaire 
en bombardant des noyaux plus lourds par des noyaux plus légers 
ou par des particules élémentaires. Aujourd'hui, on se sert largement 
de ce type de réactions pour préparer des isotopes (d'éléments con- 
nus), rares à l’état naturel, ou pour synthétiser de nouveaux élé- 
ments chimiques. 


44 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÉLÉEV [CH. 1 


g2Ù 
o4Pa 

Th 
9oTb 2 0104 ans 


Fig. 3. Famille radioactive de l'uranium 


La notation d’une réaction nucléaire rappelle celle d’une réaction 
chimique. On écrit à gauche les noyaux qui entrent en réaction, à 
droite les produits de la réaction nucléaire. Ainsi, en irradiant les 
noyaux d’azote ‘°N avec des noyaux d’hélium ;He (particules «) on 
obtient un noyau instable M qui émet bientôt un proton ;p. Il n’est 
pas difficile d'identifier l'élément qui résulte de cette réaction 


“IN + #He + !p+ 170 


$ 6] RADIOACTIVITE. RÉACTIONS NUCLÉAIRES 45 


La nature d’un élément est caractérisée par son numéro atomique : 
nombre de protons dans son noyau. Dans la présente réaction on 
obtient l’élément de numéro 8, c'est-à-dire l'oxygène. Le nombre de 
masse de cet isotope est égal à 17. L'oxygène naturel ne renferme 
que 0,04 % de cet isotope. 

Dans les laboratoires, on utilise comme source de neutrons un 
mélange constitué par une combinaison quelconque du béryllium 
et un élément radioactif émetteur de particules &. On a alors la ré- 
action nucléaire suivante: 


9Be+ 4He —+ 13C+ in 


Dès le début des années quarante, on se sert de réactions nuclé- 
aires pour obtenir des transuraniens. Le premier transuranien pré- 
paré suivant cette voie a été l’isotope neptunium 239 issu du bom- 
bardement de l'uranium 238 par des deutérons * de haute énergie: 


258U + 5D —+ SU + ip 
B3U —+ 22Np +8 


Quelques pays produisent d'importantes quantités (plusieurs 
tonnes) de combustible nucléaire : plutonium 239. On le prépare dans 
les réacteurs atomiques par action de neutrons lents sur l’uranium 
238. L'uranium 239 instable, produit de cette réaction, se transfor- 
me en neptunium 239 en émettant des particules 6. Ce dernier iso- 
tope présente également une radioactivité bêta et donne par trans- 
mutation radioactive le plutonium 239. Les réactions nucléaires 
correspondantes s’écrivent comme suit: 


FEU + gr — SU 
SU + B-+ END 
SU —+ B- #3 Pu 


Radioactivité artificielle. Il est possible de rendre radioactifs des 
atomes stables en les bombardant avec des noyaux ou des particules 
élémentaires. Jadis on ne pouvait utiliser pour un tel bombardement 
que & flux de particules & (appelées aussi hélions) résultant de la 
désintégration des éléments radioactifs naturels. Avec la mise en 
œuvre de divers accélérateurs (cyclotrons, synchrophasotrons) les 
possibilités d'obtention des isotopes radioactifs artificiels se sont 
considérablement élargies. Aujourd'hui, plusieurs pays (dont 
l'U.R.S.S.) possèdent toute une industrie des isotopes radioactifs, 
dont on fait un large usage dans les laboratoires de recherches et 
dans l’industrie. 

On prépare industriellement l’isotope radioactif bêta de l'hydro- 
gène, le tritium, en soumettant le béryllium au bombardement des 


* Les deutérons (ou deutons), noyaux de l'isotope lourd de l’hydrogène D 
(deutérium), se composent d'un proton et d’un neutron. 


46 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÉÊLEEV [CH. I 


deutons suivant la réaction: 
4Be -+ D —+ Be +iT 


Le carbone 14, isotope radioactif, présente une grande valeur 
pratique. On l’obtient par bombardement neutronique de l'azote: 


BN + on — ip +180 


Les isotopes radioactifs :T et C (atomes marqués ou traceurs ato- 
miques) ont permis de résoudre plusieurs problèmes relatifs au méca- 
nisme des réactions organiques. La méthode des traceurs atomiques 
a joué un rôle important non seulement dans la chimie, mais aussi 
dans la biologie, la médecine, l’agriculture, ainsi que dans diverses 
branches industrielles. 


$ 7. Atome de Bohr. L'’atome planétaire de Rutherford reflétait 
cette vérité évidente que la masse essentielle de l’atome se trouve 
concentrée dans une fraction minime de son volume, le noyau atomi- 


700 600 500 400 
À,nm 


Fig. 4. Une partie du spectre de l'atome de mercure 


que, les électrons étant répartis dans le reste du volume atomique. 
Pourtant, un électron qui décrit une orbite autoura du noyau entre en 
contradiction avec la théorie du mouvement des charges électriques: 
l'électrodynamique. | 

D'abord, un électron gravitant autour du noyau devrait. selon 
les lois de l'électrodynamique, tombera sur le noyau, car son énergie 
diminuerait nécessairement du fait du rayonnement. Ensuite, en 
s'approchant du noyau, cet électron rayonnerait des ondes toujours 
plus courtes formant un spectre continu. Or, les atomes ne disparais- 
sent pas: les électrons ne se précipitent donc pas sur le noyau. De 
plus, le spectre d'émission de l’atome est discontinu. 

Lorsqu'on porte un métal à sa température d’évaporation, ses 
vapeurs émettent une lumière, dont la couleur est variable suivant 
le métal. Le rayonnement de la vapeur métallique, décomposé dans 
un prisme, donne un spectre constitué de raies lumineuses séparées 
(fig. 4). Un tel spectre est dit « de raies » (« de lignes »). Chaque raie 
spectrale se caractérise par une certaine longueur d'onde ou une 
certaine fréquence du rayonnement électromagnétique. Actuelle- 


8 *] ATOME DE BOHR 47 


ment, on mesure les longueurs d'onde en nanomètres (1 nm — 
= 10 7m) 

En 1905, Einstein, préoccupé du phénomène de photoeffet (émis- 
sion d'électrons par des métaux soumis à l’action de la lumière), 
énonce l'hypothèse, selon laquelle la lumière se propagerait sous. 
forme de photons d'énergie Æ, liée à la longueur d'onde de la lumière 
À et à sa fréquence v par la relation 


E=hmhv 
où cest la vitesse de la lumière (3-10 cm/s), 

hk la constante de Planck (6,63-10-% J:.s). 

Ainsi. chaque raie spectrale serait due à des protons de même 
énergie. Par conséquent, les atomes rayonnent de l'énergie sous for- 
me de photons ou quanta d'énergie ayant des valeurs déterminées pour 
chaque type d'atome. 

En 1903, le physicien danois Bohr introduit dans le modèle pla- 
nétaire de Rutherford des conceptions quantiques qui expliquent 
l'origine des spectres atomiques discontinus. Sa théorie de la struc- 
ture de l’atome d'hydrogène se base sur deux postulats **. 


Premier postulat de Bohr: 


L’électron gravite autour du noyau, sans rayonner d'éner- 
gie, sur des orbites stationnaires strictement définies qui sa- 
tisfont à la théorie des quanta ***. 


L'électron placé sur chacune de ces orbites possède une énergie- 
déterminée. Plus une orbite est éloignée du noyau, plus l'énergie de- 
l'électron occupant cette orbite est élevée. 

Dans la mécanique classique, le mouvement de tout objet autour 
d'un centre est défini par le moment cinétique mur (où m est la mas- 
se du corps en mouvement, v est sa vitesse, r le rayon du cercle). 
Selon la mécanique quantique, l'énergie de cet objet ne peut avoir 
que çertaines valeurs: elle ne varie que par sauts. D'après Bohr, le- 
moment cinétique de l'électron dans l'atome d'hydrogène ne peut 
être égal qu'à un nombre entier de quanta d’action (k/2x). Autre- 

; ; h h hk le « 
ment dit, le produit mur aura les valeurs = ; 25= : 35 ou n;— (où » 
est un nombre naturel). Cette relation due, probablement, à la seule 


* Avant 195-1976, on se servait souvent d'une autre unité de mesure, ang- 
strôm (À) : 1 À — 10-8 cm (ou 10-19 m). 
** Postulat : proposition non évidente par elle-même, mais admise comme: 
principe premier sans être démontrée. 
*** La théorie des quanta fut créée en 1900 par le physicien allemand 
Planck qui considérait qu'une limite de divisibilité existait non seulement pour 
la matière et l'électricité, mais aussi pour l'énergie: quantum d'énergie. 


48 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÉLÉEV [CH. 1 


perspicacité de Bohr, fut ensuite démontrée mathématiquement par 
le physicien français de Broglie. 

Ainsi, le premier postulat de Bohr s'exprime mathématiquement 
par la relation 

h 
mur=n pr (1) 
ou, autrement dit, le moment cinétique angulaire de l’électron ne 
peut varier d’une façon continue. Sa variation n'est possible que 
par des portions déterminées (sauts). 

En conformité avec l’équation (1) le rayon minimal de l'orbite 
d'un électron et, par conséquent, l'énergie potentielle minimale (et 
totale) de l’électron correspond à r — 1. L'état de l’atome d’hydro- 
gène dui répond à nr = 1 est dit éfat normal ou fondamental. Un ato- 
me d'hydrogène dont l’électron occupe une autre orbite (nr — 2, 3, 
4, ...) est excité. 

L'équation (1) comporte deux inconnues: la vitesse de l’électron 
et le rayon de son orbite. Si l’on établit encore une équation compor- 
tant vet r, il devient possible de calculer les valeurs de ces impor- 
tantes caractéristiques de l’électron dans l’atome d'hydrogène. On 
obtient cette seconde équation en prenant en considération l'égalité 
des forces centrifuge et centripète qui agissent dans le système noyau 
de l’atome d'hydrogène-électron. 

La force centrifuge est égale à mv?/r. La force centripète qui dé- 
termine l'attraction de l’électron par le noyau est définie, selon la 


loi de Coulomb, par la relation 2e (e, étant la charge de l'électron, 


e, la charge du noyau). Compte tenu de l'égalité des charges de l’élec- 
tron et du noyau dans l'atome d'hydrogène, on peut écrire : 


mu* e° 
= 2) 


r r 


En résolvant le système des équations (1) et (2) par rapport à v 
et à r, on trouve: 


ho ” 
Fe 4ème F (3) 
dre 1 


ee — (4) 


h n 


Les équations (3) et (4) offrent la possibilité de calculer les rayons 
des orbites et les vitesses de l’électron pour toute valeur de n. Lors- 
que n = 1, le rayon de la première orbite de l'atome d'hydrogène 
(rayon de Bohr) vaut 0,053 nm. L’électron se meut sur cette orbite à 
2200 km/s. Les équations (3) et (4) montrent que les rayons des orbi- 
tes électroniques de l'atome d'hydrogène sont entre eux dans le 
rapport des carrés des nombres naturels et que la vitesse de l’élec- 
tron diminue, lorsque nr augmente. 


$ 8] PROPRIETES CORPUSCULAIRES ET ONDULATOIRES 49 


Deuxième postulat de Bohr: 


En passant d’une orbite sur une autre, l’électron absorbe ou 
émet un quantum d’énergie. 


Lorsque l'atome s’excite, c’est-à-dire que l’électron passe de 
l'orbite la plus proche du noyau sur une orbite plus éloignée, il y a 
absorption d’un quantum d'énergie. Lorsque, par contre, l’électron 
passe d’une orbite éloignée sur une orbite plus proche, il y a émission 
d’un quantum d'énergie (E, — E,) = hv 
(fig. 5). Après avoir déterminé les rayons 
des orbites et les énergies des électrons 17 
qui les occupent, Bohr a calculé l'énergie 


des photons et les raies qui leur corres- p/\ 
pondent dans le spectre discontinu de O= 
l'hydrogène. Ses résultats retrouvaient les 


données expérimentales. 

Le nombre nr qui détermine les dimen- 
sions des rayons des orbites quantifiées, 
les vitesses des électrons et leurs énergies, 
a été dénommé nombre quantique princi- 
pal. Par la suite, le physicien allemand Fig. 5. Schéma des transi- 
Sommerfeld a perfectionné la théorie de tions de l'électron 
Bohr. Il a supposé que l’atome pouvait 
posséder, outre les orbites circulaires, des orbites électroniques ellip- 
tiques : l'existence de ces dernières expliquait l'origine de la struc- 
ture fine du spectre de l'hydrogène. 

Cependant, la théorie de la structure atomique de Bohr-Sommer- 
feld qui réunissait des conceptions classiques et quantomécaniques 
était, de la sorte, construite sur des contradictions. Ses défauts prin- 
cipaux se résument à ceci: 

19 Cette théorie s’avère incapable d'expliquer tous les détails 
des caractéristiques spectrales des atomes. 

20 Elle ne permet pas le calcul quantitatif de la liaison chimique 
même dans une molécule aussi simple que celle d'hydrogène. 

VV 

$ 8. Propriétés corpusculaires et ondulatoires du microunivers. 
Les lois qui décrivent le mouvement des électrons et des autres par- 
ticules de faible masse (microobjets) diffèrent des lois définissant le 
mouvement des corps visibles à l'œil nu (macroobjets). 

La théorie moderne du mouvement des microobjets est basée sur 
l’idée de leur double nature. Il est établi que les microobjets se com- 
portent tantôt comme des particules, tantôt comme des ondes. 


E; 


Propriétés ondulatoires et corpusculaires de la lumière. On s'est aperçu pour 
la première fois de la double nature des microobjets en étudiant la lumière. 
D'une part, la lumière présente les phénomènes d’interférence et de diffraction, 
propres à tout processus ondulatoire. D'autre part, il y a des faits qui témoignent 


4—01151 


50 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÉLÉEV [CH. I 


des propriétés corpusculaires de la lumière, tel le photoeffet : émission d'électrons 
par des métaux et semiconducteurs soumis à l’action de la lumière, phénomène 
découvert par Stolétov en 1889. 

La théorie ondulatoire de la lumière ne peut expliquer le phénomène de 
photoeffet défini, en particulier, par les lois suivantes. 

49 Le nombre d'électrons libérés par la lumière pendant l'unité de temps 
est proportionnel au flux lumineux. 

20 La vitesse des électrons émis ne dépend pas de l'intensité du foyer 
lumineux. Elle n’est fonction que de la fréquence de la lumière appliquée et de 
la nature de la substance. 

Au point de vue de la théorie ondulatoire de la lumière, plus la source 
lumineuse est intense, plus l’amplitude de l'onde luminevse émise doit être 

rande. L'énergie que l'électron éjecté peut recevoir serait d'autant plus élevée. 
Pourtant selon les résultats expérimentaux. les vitesses des électrons éjectés 
par la lumière ne subissent aucune influence de l'intensité de la source lumineu- 
se. Elles ne sont déterminées que par la longueur d’onde ou la fréquence de la 


lumière. 
En 1905, Einstein déduit l’équation qui décrit le photoeffet : 


m L° 
2 


hv = A+ 


où À est le travail d'extraction électronique pour une substance donnée, 
m la masse de l'électron, 

v sa vitesse. 

11 découle de cette équation que si le rayonnement est composé de quanta, 
les électrons absorbent ces quanta en s’appropriant leur énergie. Lorsque cette 
énergie est supérieure au travail de sortie de l'électron d'une substance donnée, 
il quite cette dernière : alors son énergie diminue de 4. L'énergie qui lui reste 
est l’énergie cinétique de l’électron. Plus la lumière est intense, plus il y a d'élec- 
trons qui reçoivent son énergie; mais la portion d'énergie reste invariable et 
égale à hv. Ainsi. les lois du photoeffet peuvent être expliquées de façon satis- 
faisante si on admet Ja nature corpusculaire de la lumière. 

Propriétés corpusculaires et ondulatoires des particules. En 1924, de Broglie 
émet l'hypothèse que la double nature corpusculaire et ondulatoire est inhérente 
non seulement aux photons, mais à tout autre corps matériel. Selon lui, le 
mouvement de toute particule peut être considéré en tant qu'un processus ondu- 
latoire. De même que la lumière. ce mouvement doit satisfaire à la relation 
À = h/mv où m est la masse de la particule et v est sa vitesse. Ces ondes pour 
les particules matérielles ont été baptisées brogliennes. L'expérience a confirmé 
l'hypothèse formulée par de Broglie. En 1927, Davisson et Germer aux Etats- 
Unis et Tartakovski en U.R.S.S. observent la diffraction des électrons, en 
utilisant comme réseau de diffraction un cristal ou une lame de chlorure de 
sodium. Aujourd'hui la diffraction des électrons et des neutrons est devenue un 
intsrument important de la recherche expérimentale. 

Pour estimer l'ordre de grandeur de la longueur d'onde À liée au mouve- 
ment d’une microparticule. nous en ferons le calcul pour l’électron (sa masse 
est égale à 9,11 .10-31 kg) se déplaçant à une vitesse de 2200 km/s, soit 2,2 -106 m's 


à fi =: 0:39 pm 


La longueur d'onde calculée est égale à la longueur de Ja circonférence de 
la première orbite de Bobr (rg = 0,053 nm). 

Selon de Broglie, les propriétés ondulatoires de l'électron dans l'atome 
se manifestent dans le fait que la longueur d’onde caractérisant le mouvement 
de l’électron doit être contenue dans la longueur de l'orbite un nombre entier 


$ 8] PROPRIÊTES CORPUSCULAIRES ET ONDULATOIRES 51 


de fois, soit 2x7 — nÀ (fig. 6). En combinant cette équation à l'équation À = 
= h/mv, on obtient celle de Bohr (1). ; 

Ici il faut surtout insister sur le fait que les longueurs d'onde de l'électron 
dans l'atome ont le même ordre de grandeur que les dimensions de l'atome: 
autrement dit, il est possible de décrire le mouvement de l’électron dans l'atome 
en partant de ses propriétés ondulatoires. 

Principe d'incertitude. Le physicien al- 
lemand Heisenberg a critiqué le modèle pla- 
nétaire de Bohr en se basant sur la diffé- 
rence fondamentale qui existe entre les ma- 
cro et les microobjets, notamment quant aux 
conditions de leur observation. 

On détermine la position et la vitesse 
d'un macroobjet par observation visuelle. 
C’est la lumière réfléchie par le corps observé 
qui fournit l'information nécessaire. Ordinai- 
rement. cette lumière n'exerce aucun effet 
sur la position et la vitesse de l'objet. füt-ce 
un ballon de football ou une voiture, car 
l'action de la lumière sur des masses aussi 
importantes est tout à fait négligeable. Mais 
les choses se présentent sous un jour tout diffé- 
rent si l’on essaic d'observer l'électron à l’ai- Fig. 6. Onde électronique 
de de photons. car le photon agit sur l’élec- 
tron en modifiant de façon considérable la 
vitesse et la direction de son mouvement. Ainsi, ayant déterminé la position 
de l'électron, on ne peut plus connaître sa vitesse: elle a changé. 

On pourrait essayer d'observer l'électron à l’aide de photons du domaine 
spectral infrarouge: ces photons possèdent une énergie très faible. Alors. en 
principe, il serait possible de déterminer la vitesse. Mais, la sensibilité des 
appareils étant d'autant plus faible que les ondes lumineuses sont plus longues, 
on ne pourrait déterminer avec précision la position de l’électron. En effet, les 
ondes infrarouges ont les longueurs de l'ordre de quelques dizaines de milliers 
de nanomètres, alors que l’électron est à peu près 10 000 fois plus petit. 

Heisenberg a déduit la relation d'incertitude 


À 


k 


où Ap est l'incertitude (l'erreur) relative à la valeur de l'impulsion de l'objet 
(ou sa quantité de mouvement), 

Az l'incertitude sur la position de l'électron. 

Ainsi, si l’on a déterminé la position de l'électron à 10-1° cm près. l'in- 
certitude sur la vitesse est égale à 58000 km/s (et l'électron se déplace à 
2000 km/s ). 

I] ne faut pas interpréter le principe d'incertitude comme notre incapacité 
de mesurer avec précision certaines grandeurs : il s’agit là d’une propriété réelle 
des objets en mouvement. dont la trajectoire n’est pas une droite ou une courbe 
coulante, mais présente un certain caractère ondulatoire, pouvant être décrite 
à l’aide d'équations du mouvement ondulatoire. 


Modèle probabiliste de l'atome. La conséquence la plus importante 
de l'application du principe d'incertitude à la description des pro- 
cessus physiques à l’intérieur de l’atome est l'impossibilité de dis- 
poser des coordonnées précises de l’électron à tout moment donné. 
L'incertitude sur la position et la vitesse de l’électron est tellement 


&® 


52 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÉLÉEV [CH. 1 


importante qu’on n'espère pouvoir analyser la trajectoire de son 
mouvement. Pourtant, l'approche probabiliste permet quand même 
une description de l’atome. 

Dans la pratique, on recourt souvent aux lois probabilistes- 
(stochastiques). Dans ces cas-là, on renonce à considérer un seul 
objet: on étudie le comportement d’un grand ensemble d'objets 
qui détermine les conditions du comportement du système entier. 
On a affaire à de tels systèmes en étudiant, par exemple, le trafic 
des ;voyageurs: on ne considère pas chaque itinéraire individuel, 
mais l’intensité du trafic dans une direction donnée. Un autre exem- 
ple est fourni par la pression du gaz sur les parois du récipient: les 
caractéristiques du mouvement d’une molécule peuvent être très 
variables à chaque instant, alors que le comportement d’un grand 
ensemble de molécules n’est fonction que de la température et du 
nombre de particules dans l'unité de volume. 

De façon analogue, lorsqu'il s’agit de caractériser le comporte- 
ment de l’électron dans le champ du noyau atomique, il importe 
peut-être avant tout de connaître non la position de l’électron par 
rapport aux trois coordonnées, mais uniquement la probabilité de sa 
présence dans un volume déterminé de l’atome 

Equation de Schrüdinger. De Broglie avait posé la première pierre 
de la mécanique quantique (ondulatoire) qui décrit le mouvement 
des microparticules. La théorie moderne de la structure atomique 
tire son origine de la description quantomécanique de l’atome par 
Schrôüdinger. Ce dernier a proposé une méthode d'expression des lois 
du mouvement des particules auxquelles on a affaire dans la théorie 
des atomes et des molécules. 


On peut comparer l'onde électronique à une onde stationnaire qui apparaît, 
par exemple, sur une corde dont l’une des extrémités est fixe et l’autre soumise 


Fig. 7. Schéma d'une onde stationnaire 


à un mouvement de montée et de descente dans un même plan (fig. 7). Une onde 
stationnaire se caractérise par son mouvement forcé où les maxima et les minima 
de l’amplitude, de sens opposés, se succèdent restant dans le même plan. L'ampli- 
tude est nulle à mi-chemin entre le maximum et le minimum: c'est le point 
nodal ou le nœud. En passant par le nœud, l’onde change de sens et, donc, de 
signe. Comme l'onde stationnaire ne se déplace que dans un seul plan, son 
amplitude n’est fonction que d’une seule coordonnée. 

Les ondes électroniques pouvant se propager dans n'importe que plans, 
leur amplitude est une fonction de trois coordonnées : 4 (x, y, z). On l'appelle 


$ 8] PROPRIETES CORPUSCULAIRES ET ONDULATOIRES 53 


usuellement fonction d'onde. Schrôdinger a déduit une équation qui lie l'énergie 
d'un système électronique à la fonction d'onde. L'équation de Schrôdinger 
pour le mouvement d’une seule particule, tel l’électron dans l'atome d’hydro- 
gène. a la forme générale suivante: 


L (+ LT ] Um Et 


” 8rim \ ri dy® CE 


U étant l'énergie potentielle de l’électron, 
E l'énergie totale de l'électron. 


Sans élucider le sens mathématique de l'équation de Schrüdinger, 
mentionnons ses particularités. 

19 L’équation n’a des solutions que pour certaines valeurs déter- 
minées de l'énergie de l’électron. Le caractère quantique du compor- 
tement de l’électron dans l’atome se présente donc comme la consé- 
quence de la résolution de l’équation utilisant les caractéristiques 
ondulatoires du mouvement de l’électron. 

2° Les solutions de l’équation expriment les probabilités de trou- 
ver l’électron en tel ou tel point de l’espace entourant le noyau ato- 
mique, sans lier aucunement cette probabilité à la trajectoire du 
mouvement de l’électron. Dans le cas de systèmes polyélectroniques, 
la résolution de l’équation se complique: sa résolution rigoureuse 
n’est possible à l’heure actuelle que pour l’atome d’hydrogène (et 
les particules hydrogénoïdes, c'est-à-dire monoélectroniques, tels 
He”, LT: 9) 

Dans l’équation de Schrôdinger la fonction d'onde possède un 
sens physique limité, mais, ce qui est important, 1° est la mesure de 
la probabilité de présence de l'électron dans un certain volume à la 
distance r du noyau. La fonction 4xr°14* définit la probabilité de trou- 
ver l’électron dans une certaine couche sphérique (4nr° est la surface 
d’une sphère de rayon r) à la distance r du noyau. Dans l'atome d'hy- 
drogène le maximum de cette fonction pour l’électron de la plus petite 
énergie correspond à la distance égale au rayon de Bohr. 

Souvent on préfère considérer l’électron comme étalé sur l'atome 
sous la forme d'un nuage électronique. La fonction +* devient alors 
la mesure de la densité électronique dark un volume donné. Cette 
représentation de l’électron sous l’aspect d’un nuage, dont la densité 
en tout point est proportionnelle à 4°, est très répandue et utile. Le 
modèle probabiliste de l’atome rend vide de sens la notion d'’orbite 
électronique: on n’y a affaire qu’à la densité électronique étalée 
dans l’espace. La figure formée par l’électron « étalé » a le nom d'’or- 
bitale. On peut considérer que l'orbitale est l'espace comprenant 
90 % du nuage électronique. Il est possible d'obtenir l’orbitale 
sous la forme d’une fonction d’onde 1 en résolvant l’équation de 
Schrôdinger. L'’orbitale (la fonction d'onde) change donc de signe 
en passant par le point nodal. 

Une caractéristique très importante d'une orbitale est son type 
de symétrie. On appelle orbitaless les orbitales à symétrie sphérique. 


54 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÊLEEV (CH. I 


Les orbitales à symétrie axiale qui ont la forme d’haltères sont dé- 
nommées orbitales p. Lesorbitales d et f ont une forme plus co mpliquée. 

La résolution de l’équation de Schrôdinger montre qu’un niveau 
électronique peut contenir une orbitale s, trois orbitales p, cinq 
orbitales d et sept orbitales f. Les axes de trois orbitales p forment 
entre eux des angles de 90°. 

Les états quantiques discrets de l’électron dans l’atome se mani- 
festent dans la différence des formes des orbitales, ainsi que dans 
l'absence de formes intermédiaires et dans le fait que les orbitales 
ont une orientation spatiale déterminée: certaines directions privi- 
légiées se peuplent d’électrons, alors que d’autres restent vides. 

Caractéristiques quantiques des états électroniques dans l'atome 
(nombres quantiques). Les différentes formes des orbitales correspon- 
dent aux différences dans le caractère du mouvement de l’électron. 
L'absence de formes transitoires entre, par exemple, les orbitales s 
et p atteste que le passage de l’électron d'un état à un autre se 
fait par saut. Ainsi, l’électron présente des états quantiques diffé- 
rents suivant l'orbitale qu'il occupe. 

Il existe un système de caractéristiques quantiques de l'électron 
(nombres quantiques) qui sert à définir l’état de l’électron dans 
l’atome. 

Nombre quantique principal. L'énergie de l’électron et la taille 
du nuage électronique sont déterminées par la grandeur ». Plus nr 
est élevé, plus la taille du nuage électronique et l'énergie de l’élec- 
tron sont importantes. Le nombre quantique principal nr peut pren- 
dre toute valeur entière : 1, 2, 3, 4, 

Nombre quantique orbital. L' étude ‘des spectres atomiques a ré- 
vélé que les raies spectrales ont, elles aussi, une structure complexe. 
Elles sont composées de lignes fines ra pprochées les unes des autres. 
Sachant que toute raie du spectre est le résultat d'un passage quanti- 
que déterminé de l’électron, on peut admettre qu’un niveau énergéti- 
que se compose de plusieurs sous-niveaux énergéliques. 

L'énergie d'un électron dépend non seulement de la distance qui 
le sépare du noyau, mais aussi de son moment cinétique mvr. Le 
moment cinétique orbital de l'électron est également soumis aux lois 
de la quantification: il ne peut prendre que des valeurs déterminées. 
Le moment cinétique orbital de l’électron est caractérisé à l’aide du 
nombre quantique /, dit nombre quantique orbital ou secondaire. 
C'est un entier variant de O à (n — 1). À chaque valeur de ! corres- 
pond un moment cinétique orbital déterminé de l’électron, alors 
qu'à chaque moment orbital correspond une forme déterminée de 
l’orbitale. 

Le premier niveau énergétique (7 — 1) ne peut donc posséder qu'un 
seul sous-niveau à L — 0. Pour le niveau énergétique à nr = 2 
deux sous-niveaux sont possibles: à L = 0 et ! = 1. Le niveau à 
n — 3 peut se composer de trois sous-niveaux: L = 0, ! = 1 et 


$ 8] PROPRIÊTES CORPUSCULAIRES ET ONDULATOIRES 55 


l — 2. Le nombre de sous-niveaux énergétiques possibles est stricte- 
ment déterminé et numériquement égal au nombre quantique prin- 
cipal. 

Usuellement, on désigne les sous-niveaux quantiques à . 
—= 0,1,2,3, ... à l’aide de lettres et on leur attribue le nom d'éta 


Fig. S. Formes des orbitales électroniques pour quelques états électroniques 
différents dans les atomes 


électroniques (respectivement, états s, p, d, f). Un électron dans l’état 
s est appelé électron s, etc. Il découle de la résolution de l’équation 
de Schrüdinger (fig. 8) que les électrons s (2 = 0) occupent des orbi- 
tales sphériques, les orbitales des électrons p (1 = 1) sont en forme 
d'haltère, celles des électrons d ont la forme d’une rosette, tandis 
que les électrons f forment des nuages encore plus compliqués. 


56 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÉLÉEV [CH. 1 


L'usage veut que l’on désigne les états énergétiques de l’élec- 
tron avec des chiffres et des lettres. On place le chiffre correspon- 
dant au nombre quantique principal devant la lettre qui caractérise 
le nombre quantique secondaire. Ainsi, l’électron de l’atome d'’hy- 
drogène peut présenter l’état 2s. Cela veut dire qu’il se trouve sur le 
deuxième niveau énergétique dans l’état s: son nuage électronique 
est sphérique. La notation 3p caractérise un électron qui occupe le 
troisième niyeau énergétique dans l’état p (nuage électronique en 
forme d'haltôre). 

Nombre quantique magnétique. Si l’on examine le spectre des ato- 
mes d'hydrogène placés dans un champ magnétique extérieur, on 
peut remarquer que les raies spectrales se dédoublent encore plus. 
Il s'ensuit que les sous-niveaux énergétiques se décomposent à leur 
tour en champ magnétique. Comme l'enseigne le cours de physique, 
le mouvement de l’électron (courant électrique!) suivant un circuit 
crée un champ magnétique, la ligne qui passe par le nord et le sud 
de ce champ étant perpendiculaire au plan du circuit. Le moment 
cinétique orbital est indissolublement lié au champ magnétique de 
l’électron en mouvement; par conséquent, les caractéristiques ma- 
gnétiques du mouvement de l’électron doivent présenter une corréla- 
tion avec le nombre quantique orbital L. 

L'énergie de l’électron est fonction de l'orientation de son orbi- 
tale par rapport au champ magnétique extérieur. Elle est déterminée 
par l'interaction des champs magnétiques. C’est une grandeur quan- 
tifiée (qui varie par sauts). Voilà pourquoi les orbitales ne se dis- 
posent dans l’espace que d’une façon déterminée. Ainsi, les orbi- 
tales p qui ont la forme d’un haltère s'orientent perpendiculairement 
les unes aux autres suivant les axes des coordonnées cartésiennes. En 
conformité avec la direction des coordonnées les orbitales p sont 
désignées p,, p,y Ou p: (v. fig. 8). 

Dans le cadre de la mécanique quantique, le nombre des diffé- 
rentes orientations spatiales des orbitales est caractérisé par. le 
nombre quantique magnétique m,. Pour chaque valeur donnée du 
nombre quantique secondaire ! le nombre quantique magnétique 
prend toutes les valeurs entières de +2 à —[, O inclu. Lorsque ! — 
— 0, m, ne peut être que nul, ce qui veut dire que chaque couche 
ne peut contenir qu'une seule orbitale s orientée d'une seule manière 
possible. Lorsque À = 1, m, prend les valeurs +1, 0, —1, la couche 
pouvant renfermer trois orbitales. Lorsque ! = 2, m, peut valoir 
+2, +1, 0, —1, —2: cinq orbitales d possibles. Suivant leur confi- 
guration spatiale ces orbitales reçoivent les désignations d.:, d,s_», 
dixs dy et dxy (V. fig. 8). Enfin, lorsque l = 3, m, prend les valeurs 
+3, +2, +14, 0, —1, —2, —3: sept orbitales f. 

Nombre quantique de spin. Outre le moment cinétique orbital, 
l’électron possède son propre moment cinétique dû à la rotation de 
l'électron sur lui-même. Ce mouvement de rotation est dit spin. 


$ 8] PROPRIÊTES CORPUSCULAIRES ET ONDULATOIRES 57 


Ainsi qu'à tout autre mouvement, il lui correspond un moment ci- 
nétique. D'une façon approchée, le spin électronique peut être re- 
présenté en tant que la rotation de l’électron autour de son axe dans 
le sens des aiguilles d’une montre ou dans le sens inverse. Le mo- 
ment de spin électronique est une grandeur quantifiée qui peut pren- 
dre deux valeurs: <+14/2 et —1/2 ou tout simplement + et —. Le 
nombre de spin s est le quatrième nombre quantique. 

Etats énergétiques de l’électron dans l'atome d'hydrogène. L'atome: 
d'hydrogène possède un seul électron dont l’état fondamental se ca- 
ractérise par les nombres quantiques suivants: n = 1, = 0, m, — 
= 0,s— +1/2ou —1/2. Lorsque l’électron s’excite, le nombre quan- 
tique principal peut prendre les valeurs 2, 3, 4, etc. Le Tableau I 
regroupe tous les états électroniques possibles qui correspondent aux 
nombres quantiques principaux de 1 à 5. 


Tableau I 
Etots possibles de l'élection dsns l’atome d'hydrogène 


Nombres quantiques 


Nombre Etat Nombre 
prin- | secon- d d'états quantique Ro 
cipal | daire magnétique m;, e ph n dre sens ec Éjectro- 

d niques 
1 0 0 +— 2 s 2 
2 0 0 TT — 2 s | 8 
#0 0 +- 2 s 

1 +1, 0, —1 LE 6 , | je 

2 +2, +1, 0, —1, —2 + — 10 d 
4 0 0 re 2 s 

1 14, 0, —1 L— 6 p 

3 | +3, +2, +1, 0, + 14 j 

1.10. = 

0 +- 2 s | 

1 +1, 0, —1 + p 

2 +2, +1, 0, —1, —2] —— 10 d | 

+4, +3, +2, HE, += 18 Ed | 

0, —1, —2, —3, —4 


L 9 9 


Lorsque l'équation de Schrüdinger est résolue de façon stricte, on 
arrive à calculer les énergies qui correspondent à chaque état élec- 
tronique. Parfois, on représente les états électroniques qui répon- 
dent à des valeurs déterminées de », Let m, à l’aide de cases. Il y en 


58 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÊÉLÉEV [CE. I 


a deux, qui ne diffèrent que par leurs nombres quantiques de spin. 
La case est la représentation symbolique d’une orbitale. 


$ 9. Atomes polyélectroniques. La résolution stricte de l’équation- 
de Schrôdinger est possible dans le cas de l’atome d'hydrogène. On 
trouvera sur la figure 9 le schéma des états électroniques dans l’ato- 
me d'hydrogène pour les nombres quantiques principaux de 1 à 4. 


E = : &d 4f 


3s 


à CO OI 
[1 CL 


Fig. 9. Energies des niveaux électroniques dans l’atome d'hydrogène 


Dans les limites d’un même nombre quantique principal les états 
électroniques (s, p et d) de l’atome d'hydrogène sont dégénérés : 
ils ont tous la même énergie. 

S'il n’y avait aucune interaction entre les électrons d’un atome, 
on retrouverait les mêmes états électroniques dans un atome à 
électrons multiples. Mais, en réalité, les électrons se repoussent mu- 
tuellement. Ainsi, l’électron périphérique d'un atome est attiré par 
le noyau, mais repoussé par les électrons internes. Le noyau est 
pour ainsi dire blindé par les électrons internes, comme si sa charge 
diminuait jusqu’à une certaine valeur « effective ». Le blindage par 
les électrons internes est très sensible au niveau des électrons d, 
moins pour les électrons p et encore moins pour les électrons s. La 
dégénérescence des électrons se trouve ainsi levée: leurs énergies 
sont devenues différentes. On trouvera sur la figure 10 le schéma 
des états électroniques dans des atomes à plusieurs électrons. 

Dans le cas des atomes polyélectroniques, on est obligé de se ser- 
vir de solutions approchées de l'équation de Schrôdinger. Il existe 
une règle (formulée par le savanf soviétique Kletchkovski) qui per- 
met de disposer les étatè électroniques (orbitales) dans l'ordre de 
leur énergie croissante. La disposition des orbitales suivant leurs 
‘énergies, représentée sur la figure 10, n’est valable que pour les 
éléments légers. En commençant par le zinc, suite à l’accroissement 


8 9] ATOMES POLYELECTRONIQUES 59 


de la charge positive du noyau, la situation se complique. On repar- 
lera de ce problème plus loin. 

La structure électronique détermine les propriétés chimiques des 
éléments et de leurs combinaisons. Si l’on veut prédire les propriétés 
chimiques des éléments, il faut savoir établir la structure électroni- 


| 
ae 5d Af 
2 4d 
5s 
6 OÙ ot 
4p 


3d 


Fig. 10. Energies des niveaux électroniques dans les atomes à électrons 
multiples 


que des atomes. C’est essentiellement le principe de Pauli et la règle 
de Hund qui régissent le remplissage des couches électroniques des 
atomes. 

Nombre d'électrons sur les niveaux et les sous-niveaux électroniques. 
Principe de Pauli. Le principe de Pauli s’énonce comme suit: 


Un atome ne peut contenir deux électrons dans les états ca- 
ractérisés par quatre nombres quantiques tous identiques. 


En établissant la structure électronique d’un atome à électrons 
multiples, il faut partir du fait que les électrons remplissent toutes 
les orbitales de l’atome dans l’ordre d’accroissement de l’énergie de 
l’électron sur chacune des orbitales (v. fig. 10). Le principe de Pauli 
donne la possibilité de calculer la capacité des niveaux et des sous- 


60 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÉL£ÉEV [CH. I 


niveaux électroniques, qui s'avère égale au nombre des états élec- 
troniques correspondants (v. Tableau 1). 

Lorsque le nombre quantique principal nr = 1, le nombre quan- 
tique orbital ! et le nombre quantique magnétique m, n'ont qu’une 
seule valeur: 0. Alors la seule distinction possible entre les électrons 
se situera au niveau de leurs nombres quantiques de spin. La pre- 
mière couche électronique ne présente donc que deux états quanti- 
ques possibles caractérisés par les nombres quantiques suivants *: 
n=1Â, 1=0,m =0,s= +1/2 et n=1, 1=0, m =0, s = 
— —1{,2. La notation abrégée pour la première combinaison: 1; 0; 
0 ; +1/2, pour la seconde : 1 ; 0 ; O0 ; —1/2. La première couche électro- 
nique ne pouvant avoir qu'une seule valeur du nombre quantique 
orbital (0), les deux électrons de cette première couche sont des élec- 
trons s, qui occupent des orbitales s de symétrie sphérique. L'élé- 
ment qui possède un seul électron sur l'’orbitale 1s est l'hydrogène, 
alors que dans l’atome d’hélium l'orbitale 1s est peuplée de deux 
électrons. La notation pour la structure électronique de l'hydrogène 
est 1s 1, pour l'hélium 1s° **. Dans l’atome d'hélium la première 
couche électronique qui contient 2 électrons est donc complètement 
remplie (saturée). 

Revenons au Tableau 1. Lorsque n = 2, li peut prendre deux va- 
leurs : 0 et 1. Pour { — 0 deux combinaisons de nombres quantiques 
sont possibles : 2: 0; 0; +1/2 et 2; 0; 0; —1/2. Ainsi, la deuxième 
couche électronique peut contenir également deux électrons s (! = 0). 

Lorsque ! = 1, le nombre quantique magnétique prend déjà trois 
valeurs: “+1, O0, —1, et les combinaisons possibles des nombres 
quantiques sont les suivantes: 


25 1; +1; +1/2 2, 1; +1; —1:2 
25 1: O: 41/2 24: 05219 
25 1: —1; +1/2 2: 1, —1; —1/2 


La deuxième couche électronique peut donc contenir encore six 
électrons: électrons p, dont les orbitales ont la forme d’un haltère. 
Au total, il peut y avoir huit électrons sur la deuxième couche élec- 
tronique : deux électrons s et six électrons p. La deuxième couche 
complète s'écrit 2s°2pf. 

En poursuivant l'examen du Zableau 1, on comprendra facile- 
ment que la troisième couche peut comporter 18 électrons (3s°3p°3d19) 
et la quatrième 32 électrons (4s*4p‘4d°4f14), Les couches électroniques 
sont respectivement désignées par les lettres X (première couche, 


* Dans tous les en ce dispose les nombres quantiques selon l’ordre stric- 
tement defini: n, À, m 
*s Le premier chatte ei le nombre quantique principal. La lettre qui indi- 
que le type d’orbitale porte en exposant Je nombre d'électrons occupant l'orbita- 
le de ce type. + 7 


$ 9] ATOMES POLY£LECTRONIQUES 61 


n=1), Lin= 2), M(n=3), N(n=4), O0 (nr =5), P(n =6)et 
Q{(n = 71). 

Dans l’état fondamental de l’atome les électrons occupent les 
orbitales de la plus basse énergie (v. fig. 9). La première couche élec- 
tronique peut contenir deux électrons. Le troisième électron du 
lithium occupera le sous-niveau 2s. La structure électronique du 
lithium est 152251: 


Le béryllium a la structure électronique 1s°2s°, le sous-niveau 2s 
est saturé: 


Le cinquième électron du bore occupera le sous-niveau 2p et la 
structure électronique du bore s'’écrira donc 1s°2s°2p!: 


Remplissage des orbitales d'un sous-niveau. Règle de Hund. 
L'ordre, dans lequel les électrons remplissent les orbitales d’un 
sous-niveau, est donné par la règle de Hund (Tableau 2): 


A l’intérieur d’un sous-niveau les électrons remplissent le 
nombre maximal des orbitales. 


L’atome de carbone possède la configuration électronique 1s°2s*2p*. 
Conformément à la règle de Hund, le deuxième électron p occupera 


(CH. 1 


STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÉLÉEV 


62 


Tableau 2 


Structure électronique des atomes dans l’état fondamental 


te © e 
% 
( Q, Lo 
& 
Le 
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3 ER 
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Fe >: A NN NNNATINONIIINIINNAQNISIAQNNNINNANNIANANEN 
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CS NNNMINNNNNNNNNNNNNNNIOINNNNINNNINNNINNINNINNNNNNNINNNOQ 
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à = ee NL OOO0O000000000000000000000CO0O 
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4 


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© O © O CO OO DO CO OO OC © DO CO © © © © © © © DO OS À ES € © D 


ATOMES POLYELECTRONIQUES 


CN CN EN ON EN ON ON ENT ENT ENJ EN ENT GNT GNT ON ENT CN ONI ENT ENT OST ON EN END ON EN ON NI 1 


NNNNINNNNNNNOINNNNNINNNNNINNINNONINI 


quo ÿ Ta 


uou = — 
op pos enr | GILLES SRRARSRRERBSITISLIBSSBSIER 


$ 9] 


En quantique principal 


Orbitale 


.. électronique 


Jualu IA 


quotuÿip,l 
9P 91P10,P OIJUINN 


NN 


t- © v. 
= SRE 

| le 
Pa Rent 
, = en 
sn pa 
Va 
SN RS 

ei 


64 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÉÊLEEV 


Nombre quantique principal 


mù jp pr (9 


È 
: 1 | 2 | 3 | & | $ | 6 
5 Couche électronique 
Te | K L M | N O | P 
2e = 
2e 2 Orbitale 
59 = a ————_———————— 
Ze [es 8 | p | d | x | s | p | d | 8 
75 Re 2 8 18 32 2 6 5 2 
76 Os 2 8 18 32 2 6 6 2 
37 Ir 2 8 18 32 2 6 7 2 
18 Pt 2 8 18 32 2 6 9 4 
79 Au 2 8 18 32 2 6 | 10 | 
80 Hg 2 8 18 32 2 6 | 10 2 
81 T1 2 8 148 32 2 6 | 10 2 1 
82 Pb 2 8 148 32 2 6 | 10 2 2 
83 Bi 2 8 ‘| 18 32 2 6 | 10 2 3 
84 Po 2 8 148 32 2 6 | 10 2 4 
85 At 2 8 18 32 2 6 | 10 2 5 
86 Rn 2 8 48 32 2 6 | 10 2 6 
7 Fr 2 8 18 32 2 6 | 10 2 | 6 
88 Ra 2 8 148 32 2 6 | 10 2 | 6 
89 AC 2 8 18 32 2 6 | 10 2 6 
90 Th 2 8 18 32 2 6 | 10 2 | 6 
91 Pa 2 8 18 32 2 6 | 10 212 6 
92 U 2 8 18 32 2 6 11001 31216 
93 |Np | 2 | 8 | 18 | 3 | 2|6|10| 4121|6 
94 Pu 2 8 148 32 2 6 | 10 6 | 2 6 
95 Am 2 8 18 32 2 6 | 10 712 6 
96 Cm 2 8 148 32 2 6 | 10 712 6 
97 Bk 2 8 18 32 2 6 | 10 8 | 2 6 
98 Cf 2 8 18 32 2 6 | 14014102 6 
99 Es 2 8 18 32 2 6 | 10|11| 2 6 
100 Fm 2 8 18 32 2 6 1101121 2!|16 
101 Md 2 8 18 32 2 6 1101131 2 6 
102 (No) 2 8 18 32 2 6 | 10 114! 2 6 
103 (Lr) 2 8 18 32 2 6 | 10114 | 2 6 
104 Ku 2 8 18 32 2 6 110 114| 2 6 
105 NS 2 8 18 32 2 6 | 10114] 2 6 


© D 2 


D NN NN DD D DD D D D D DD D =» 


$ {] ATOMES POLY£LECTRONIQUES 05 


Dans l'atome d'azote ({s°2s°2p%) toutes les orbitales 2p se trou- 
vent occupées: 


LU) 


QD 


L'huitième électron de l'oxygène se situe sur une orbitale p 
déjà occupée par un électron, formant une paire d'électrons à spins 


opposés : 
2p 
HUE 


15 
8° 


Les orbitales des atomes de fluor et de néon se remplissent com- 
me suit: 


2p 
pu FILE 
15 
LA avt] 


Lorsqu'un atome possède plusieurs électrons cèlibataires, les 
moments de spin de ces derniers s’additionnent. Par conséquent, 
les spins des atomes de bore, de carbone, d'azote, d'oxygène, de 
fluor et de néon valent respectivement !/,, 1, 11/,, 1, !/, et 0. Compte 
tenu de ce fait, la règle de Hund reçoit la formulation suivante: 


Le spin total des électrons doit être maximal sur chaque 
sous-niveau donné. 


Règle de Kletchkovski. Certains niveaux électroniques commencent 
à se remplir avant que tous les niveaux précédents soient saturés 
(fig. 11). Ainsi, des électrons 4s apparaissent dans les atomes lors- 
que les orbitales 34 sont encore vides. On observe la même chose 
pour les électrons 5s et 4d, Gs et 5d. La regle de remplissage des orbi- 
tales a été formulée par le savant soviétique Kletchkovski. Cette 


501151 


66 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÊLÉEV [CH. TI 


— 

—— 

— 
—— 


1e ‘d { | 
di 
ue 1 SSSR 


ET; 
PL. 


ue 


NS 
\ \: 
NN 


de 

(= 
CES 
= 
(NS 


N Ne Ca Zn Zr Nd Hg 


Fig. 11. Encrgies électroniques en fonction du numéro atomique de l'élément : 


On prend pour unité d'éncrgic l'énergie de l'électron de l'atome d'hydrogène dans son 
état fondamental (non excité) 


règle consiste en ce que le remplissage des orbitales se fait de telle 
sorte que la somme des nombres quantiques principal et orbital 
croisse progressivement : (n +) = 1, 2, 3. ... Pour une même 


8 9] ATOMES POLYELECTRONIQUES 67 


valeur de la somme (n + !) le remplissage des orbitales va des 
plus élevés et des » plus petits aux Z moins élevés et aux » plus grands. 

Le Tableau 3 présente le remplissage des orbitales en tenant compte 
de la règle de Kletchkovski. Rappelons que la condition ! < nr —1 
doit être respectée dans tous les cas. Il découle du Tableau 3 que 
les électrons remplissent les sous-niveaux dans cet ordre: 


1s2s2p3s3p4s3d4p5skd5p6s4f5d6pis5f6d 


La règle de Kletchkovski permet de déterminer les structures 
électroniques des éléments connus, ainsi que celles des éléments 
transuraniens encore inconnus. Sans aucun doute, l'intérêt prin- 
cipal de la règle de Kletchkovski consiste en son pouvoir de prédic- 
tion. Si, en conformité avec cette règle, le dix-neuvième électron de 
l'atome de potassium se trouve sur l’orbitale 4s, cela veut dire que 
l'énergie de l’électron logé sur l'orbitale 4s est inférieure à celle de 
l’électron de l’orbitale 3d. Pourtant, le rapport des énergies électro- 
niques des orbitales 4s et 34 ne demeure pas inchangé. Sur la figure 11 
où les énergies des électrons de toutes les orbitales sont représentées 
en fonction de la charge nucléaire, on peut voir qu’à partir du scan- 


Tableau 3 
Remplissage des niveaux et des sous-niveaux atomiques 
selon la règle de Kletchkovski 
Etat électroni- | Nombre d'élec- | Nombre d'élec- 


trons de la couche 


| 


n + | 


que trons possibles 


1 1 0 Îs 2 2 

2 2 (0) 2s 2 

3 2 1 2p 6 } 8 

3 3 0 3s 2 

4 3 1 3p 6 } 8 

4 4 0 4s 2 

5 3 2 34 10 } 18 

5 4 1 Ap 6 

5 5 0 5s 2 

6 4 2 4d 10 | 18 
? 6 5 1 5p 6 

6 6 0 6s 2 

7 4 3 4 14 

1 5 2 7 40 32 

7 7 0 7s 2 

8 5) 3 5 14 

8 6 2 8. 10 92 

8 1 1 7p 6 


5% 


68 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÉLÉEV [CH. I 


dium l'énergie des électrons du sous-niveau 3d devient inférieure à 
celle des électrons du sous-niveau 4s. Ainsi chez l’atome de titane 
se détacheront d’abord les électrons du sous-niveau 4s, puis ceux 
du sous-niveau 3d. 

L'existence des écarts dans la structure des couches électroniques 
de certains atomes dans l’état fondamental — ,,Cr, .,Cu, ,,Mo, 
asPd, a7A£, gaGd, ;#Au (v. Tableau 2) — peut être expliquée par 
une stabilité particulière des orbitales occupées à demi ou comple- 
tement du sous-niveau correspondant. Ainsi, pour les orbitales d 
sont stables les configurations d° et d", pour les orbitales j les confi- 
gurations f? et f14. 


PROPRIETES PÉRIODIQUES DES ÉLÉMENTS CHIMIQUES 


$ 10. Structure électronique des atomes. Le Tableau 2 montre 
qu'il existe une périodicité dans la variation de la structure électro- 
nique des atomes rangés en fonction de l'ordre croissant de leurs nu- 
méros atomiques. Cette périodicité est liée au fait que des séructures 
électroniques analogues (mais non pas identiques) se retrouvent à inter- 
valles réguliers. Ainsi, le lithium a la structure électronique ,Li1s?2s!. 
Huit éléments plus bas on rencontre une structure électronique ana- 
logue de l'atome de sodium: ,,Nais°2s*2pf3s!. L'atome de potas- 
sium possède également une structure électronique analogue: 
19K1s°25°2pt3s"3pf4st. L’intervalle est toujours de 8 éléments. 

Plus loin des structures analogues réapparaissent chez les atomes 
de rubidium: :,Rbis°2s"2p3s"3p#3dl4s4pt5st et de césium 
ssCss"2s°2p#3s*3p63d\%4s"4pt4d5s"5p#6s!. Les intervalles entre les 
atomes de potassium, de rubidium et de césium sont de 18 éléments. 
L'élément suivant dont la structure électronique est analogue aux 
précédentes, est le francium: 
a7Fris"2s?2pt3s23p63d4s"4p4d4f5s5pt5d 6s"6pf7st.  L'intervalle 
césium-francium s'élève à 32 éléments. 

Il est donc possible d'écrire la structure électronique de tous les 
éléments considérés à l’aide de la formule générale (n — 1) s’p®ns!, 
à laquelle n'échappe que la structure électronique de l'atome de 
lithium décrite par la formule (7 — 1) s°ns'. L’unique différence con- 
siste en ce que contrairement à tous les autres éléments mentionnés 
la couche électronique précédente de l'atome de lithium contient 2 
électrons au lieu de 8, alors que dans la couche périphérique on trouve 
également un seul électron sur une orbitale s. 

Considérons l'atome d'oxygène. Il a pour structure électronique 
801s°2s2pt. Une structure électronique analogue se retrouve chez 
les atomes de soufre: ,,S1s*2s"2p%3s"3p*, de sélénium : 
s4Se1s°2s°2p3s"3p°3d4s4pt, de tellure: 
seTe1is*25*2p43s"3p63d4s"4p4d is" 5pt et de polonium: 


S 11] RAYONS ATOMIQUES 69 


gaPols*®2s°2p63s?3p3d"4s"4p*4d 4f45s5p$5d 6s6pt. La formule (n — 
— 1) Spfd'ns°p* embrasse la structure électronique de tous ces élé- 
ments à l'exception de l’oxygène [(r — 1) s°nspt] et du soufre 
[(r — 1) s‘pfns*ptl. La périodicité est observée à mêmes intervalles: 
8, 18, 18, 32 éléments. 

Les structures électroniques des éléments du sous-groupe du man- 
ganèse sont les suivantes: .,Mn1s*2s"2p°3s"3p$3d°4s, 
asTcis®2s"2p63s°3p°3d 4s"4p64di5s", 

-sReis’2s2p63s"3p3d"4s"4p64d 4fN5s"5p#5dfGs". Leur formule géné- 
rale est (7 — 1) s‘pfdns’. L'intervalle entre les atomes Mn, Te 
et Re est égal à 18 et 32 éléments. 

C'est donc la structure électronique des atomes qui explique les 
analogies des propriétés chimiques des éléments d’un même sous- 
groupe de la classification périodique, ainsi que la périodicité dans 
la variation de ces propriétés. 

La périodicité de la structure électronique se manifeste dans la 
réapparition, à intervalles déterminés, d'éléments s, p et d ayant 
même configuration des sous-niveaux électroniques. La périodicité 
de la structure électronique a pour résultat une variation périodique 
d’un certain nombre de propriétés chimiques et physiques des élé- 
ments. Cela concerne, en particulier, les rayons atomiques, les poten- 
tiels d’ionisation, d'affinité électronique. 


$ 11. Rayons atomiques. Les rayons des atomes et des ions sont 
une caractéristique très importante. Ce paramètre géométrique aide 
à expliquer un bon nombre de faits expérimentaux et de propriétés 


0,26 
Ti 0,22 
0,18 
0,14 
0,10 
0:06 
0,02 
72 76 80 84 


0 4 8 ed 20 24 28 32 36 40 44 48 52 56 
Numéros atomiques 


Fig. 12. Rayons atomiques cn fonction du numéro atomique des éléments 


des éléments chimiques et de leurs combinaisons. Les rayons atomi- 
ques des éléments chimiques varient de façon périodique en fonction 
du numéro atomique (fig. 12). Le rayon atomique diminue lorsqu'on 
passe des métaux alcalins aux halogènes. Le rayon de chaque métal 
alcalin suivant augmente de nouveau de façon à devenir supérieur 


70 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÊLEEV [CH. I 


au rayon atomique du métal alcalin précédent. Ainsi, le rayon ato- 
mique est égal à 0,186 nm pour le sodium, à 0,16 nm pour le magné- 
sium, à 0,099 nm pour le chlore, alors que le rayon de l’atome de 
potassium augmente de nouveau jusqu'à 0,231 nm. 

La loi générale de la variation des rayons atomiques consiste donc 
en ce que ces rayons diminuent généralement au fur et à mesure qu’un 
sous-niveau (s, p, d ou f) se remplit d'électrons. On trouve l’explica- 
tion de ce phénomène dans le fait qu'avec augmentation de la charge 
l'attraction par le noyau joue un rôle plus important que la répulsion 
mutuelle des électrons. 

Ordinairement, les rayons atomiques s’allongent lorsqu on des- 
cend le long d’un groupe de la classification périodique. Cela est 
vrai, par exemple, pour les métaux alcalins et alcalino-terreux, les 
halogènes, etc. Comme il y a 10 éléments 3d entre le calcium (élément 
4s) et le gallium (élément 4p), le rayon atomique de ce dernier (0,122 
nm) est inférieur à celui du calcium (0,143 nm). D'autre part, le 
rayon atomique du scandium (0,16 nm) qui est un élément d est plus 
grand que le rayon de l'atome d'aluminium. Voilà pourquoi les 
propriétés chimiques du gallium'le rendent « étranger » à la série 
B-AÏl-Ga, alors que les propriétés du scandium le font parfaitement 
entrer dans la série B-Al-Sc, bien que B, Al et Ga soient des éléments 
p et Sc un élément d. 

Une autre exception à la loi générale, selon laquelle les rayons 
atomiques augmentent à l’intérieur des groupes, est fournie par les 
éléments qui suivent les lanthanides. La diminution des rayons ato- 
miques des lanthanides parallèlement à l'augmentation de leur masse 
atomique est baptisée contraction lanthanique. Sa raison est la même : 
l'attraction subie par les électrons croît avec l'augmentation de la 
charge nucléaire. En même temps, dans les limites d’une même 
période le nombre de couches électroniques demeure constant. Suite 
à la contraction lanthanique, le rayon atomique du hafnium (0,157 
nm) se trouve égal à celui du zirconium (0,157 nm), ce qui a pour 
résultat des propriétés chimiques très voisines du zirconium et du 
hafnium ainsi que du niobium et du tantale. Outre la contraction lan- 
thanique, il existe encore la contraction actinique pour les éléments 5f. 

La diminution des rayons des atomes et des ions lorsque, dans 
une période, on passe d'une case à la suivante, est à peu près égale 
à leur augmentation dans les groupes: 


K Lu 


De la sorte, les rayons des éléments voisins disposés en diagonale, 
tels que Li et Mg ou Be et Al, s'avèrent voisins. Cette particularité 


$ 12] ÉNERGIE D'IONISATION DES ATOMES 71 


fut remarquée encore par Mendéléev. Conformément à ces « analogies 
diagonales », le lithium, par certaines de ses propriétés, est plus 
proche du magnésium que des autres métaux alcalins. Ainsi que le 
magnésium (et contrairement aux autres métaux alcalins), le lithium 
forme un phosphate et un carbonate peu solubles. Le lithium et le 
magnésium réagissent assez aisément sur l’azote moléculaire en for- 
mant des nitrures. 

La grande ressemblance entre le béryllium et l'aluminium est 
due également aux rayons voisins des ions Be** et AlS+. 

En analysant le minérai de manganèse, les époux Noddaki, dé- 
couvreurs du rhénium, ont d’abord décidé que la proportion de cet 
élément dans la croûte terrestre était infiniment petite. On supposait 
que le rhénium et le manganèse, éléments d’un même sous-groupe, 
devait voisiner à l’état naturel. Or, on a vite fait de constater que le 
rhénium est contenu dans les minerais de molybdène et non de manga. 
nèse. Cela est aussi une manifestation des analogies diagonales- 


$ 12. Energie d’ionisation des atomes et affinité électronique. 
On appelle énergie d’ionisation le travail nécessaire pour éloigner un 
électron d'une mole d'atomes non combinés à une distance infiniment 
grande *, par exemple: 


Na+EIl=Nat+e 


où EI est l'énergie d'ionisation. 

Parmi les procédés de détermination de l'énergie d'ionisation on 
trouve la méthode de choc électronique: irradiation des atomes d'un 
gaz par des électrons dont l'énergie est due à une différence de poten- 
tiel. La valeur minimale de la différence de potentiel qui assure à 
L'électron libre une énergie suffisante pour éjecter un électron de l'ato- 
me, est ce qu'on appelle potentiel d'ionisation. 

Voilà pourquoi, usuellement, on entend par l'énergie d’ionisa- 
tion la valeur, proportionnelle à cette première, du potentiel d'ioni- 
sation que l’on exprime en électron-volts (eV) ou en joules (J) rap- 
portés à une mole d’atomes (1 eV = 96 kJ). On distingue le premier, 
le deuxième, le troisième, etc., potentiels d'ionisation qui corres- 
pondent au dégagement du premier, du deuxième, du troisième... 
électrons de l’atome. Les potentiels d'ionisation sont une caracté- 
ristique importante des atomes. C'est une grandeur directement me- 
surable. Le potentiel d’ionisation est ume fonction composée de cer- 
taines propriétés de l’atome : charge nucléaire, rayon atomique, blin- 
dage de la charge nucléaire par les électrons internes, profondeur de 
pénétration des électrons périphériques dans les nuages électroniques 
inférieurs. La périodicité de la variation des potentiels d’ionisation 


* Les distances infiniment grandes par rapport à un atome sont inferieures 
à un centimetre. 


=) 
te 


STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDELÉEV (CH. I 


en fonction du numéro atomique des éléments est nettement visible 
sur la figure 13. La diminution des potentiels d'ionisation dans les 
groupes est due à l’allongement du rayon atomique. Dans les périodes 
les potentiels s’accroissent régulièrement de gauche à droite. Une des 
raisons de cet accroissement est la diminution des rayons atomiques. 


2000 


1000 


Potentiel d'ionisation, kJ 


0 10 50 30 10 50 56 
Numéros atomiques 


Fig. 13. Premiers potentiels d'ionisation des atomes en fonction du numero 
atomique des éléments 


On donne dans le Tableau 4 les valeurs des potentiels d’ionisation 
pour les éléments de la première et de la deuxième période. 
3 Le Tableau 4 et la figure 13 montrent que malgré la bonne régu- 
larité générale de la variation des potentiels d’ionisation on trouve 
à l'intérieur des périodes quelques écarts de cette variation progres- 
sive. Le potentiel d’ionisation s'accroît, quand on passe du lithium 
au béryilium, en raison de l’augmentation de la charge nucléaire, le 
blindage du noyau par rapport à l’électron 2s supplémentaire étant 
peu important : son attraction par le noyau est donc plus forte que 
sa répulsion par les autres électrons. Quand on passe du béryilium au 
bore, la charge nucléaire augmente également de l'unité, mais l’élec- 
tron supplémentaire se loge sur une orbitale p. Pour cet électron le 
blindage du noyau est plus sensible et, comme résultat, le potentiel 
d'ionisation de l’atome de bore se trouve inférieur à celui de l’atome 
de béryllium. L'électron supplémentaire de l'atome de carbone occupe 
l'orbitale p vide suivante. L’accroissement de la charge nucléaire 


6 12] ÉNERGIE D'IONISATION DES ATOMES 73 


Tableau { 
Potentiels d’ionisation de quelques éléments chimiques (en eV) 


Putentiels d'‘ionisation 
Numéro 


atomique 
11 II1 IV V VI | VII VII] 


. 
[er] 
an 
— 


DU — 
> =) C9 EL > 00 CO O1 C0 


489,8 
77,45] 97,8 1551,9 |666,8 
17,39/113,8 
87,231114,2 1157,1 |185,1 
97,161126,4 157,9 


+ 


DRE ESS 10 8% 


L 1 


r1O20wmE 


1 
2 
3 
4 
5) 
6 
7 
8 
9 
0 


EE 

2 

© 

(DO à = D mb 
L 1 * 


n'y est pas complètement compensé par le blindage: le potentiel 
d'ionisation augmente. Il s'accroît aussi dans l’atome d’azote par 
rapport à l'atome de carbone, toujours pour la même raison. Dans 
l'atome d'oxygène le nouvel électron va remplir une orbitale p: 
où il y a déjà un électron. La répulsion réciproque de deux électrons 
occupant une même orbitale est tellement forte que, bien que la 
charge nucléaire ait augmenté, le potentiel d’ionisation de l’atome 
d'oxygène diminue par rapport à l’azote. Le potentiel d’ionisation 
de l’atome d’azote est donc supérieur non seulement à celui de l’atome 
de carbone, mais aussi à celui de l'atome d'oxygène. 

Une situation analogue existe dans la troisième période. 

Comme il découle du Tableau 4, les potentiels d’ionisation des 
électrons qui occupent le niveau quantique externe diffèrent très 
sensiblement des potentiels d’ionisation des électrons du niveau quan- 
tique précédent. Kourbatov, professeur à l'Institut technologique, 
signalait ce fait encore en 1908. 

On appelle affinité électronique la quantité d'énergie qu'un atome 
neutre dégage, lorsqu'un électron vient s’y fixer, en faisant un ion 
négatif : 


Cl--e=Cl---A1£ 


AF étant l’affinité électronique en eV. 

On n'a trouvé aucune corrélation quantitative entre le premier 
potentiel d'ionisation et l’affinité électronique. Ce sont les éléments p 
du groupe VII qui présentent les plus grandes valeurs de l'affinité 
électronique. 


1 


A STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÊLÉEV [CH. I 


Affinité électronique, eV Affinité électronique, eV 
PS es à 3,62 DS ss de 1,90 
Cle de 3,82 PE 0,3 
LÉ RSRRE 3,54 AL SELS 0,4 
hits sse 3,24 Be ds ne 0 
Dr ie. 1,48 Mg ..... 0 

S 2,07 | É PRSRRRE 0,54 
Ni ses 6,2 Na . . . .. 0,74 
Pénesass 0,8 Ph cet ne 0,7 
Gus Lu 2 1,13 


$ 13. Structure de la classification périodique de Mendéléev. La 
période de la classification périodique est une série d'éléments qui 
commence par un métal alcalin et qui se termine par le gaz noble le 
plus voisin. Le numéro de la période coïncide avec la valeur du nombre 
quantique principal de la couche électronique externe. 

Chaque période, excepté la première, débute par un métal type. 
En parcourant une période de gauche à droite, on assiste à un affai- 
blissement progressif du caractère métallique et au renforcement du 
caractère non métallique. Les halogènes sont des non-métaux francs. 
Chaque période se termine avec un gaz rare qui sépare les non-mé- 
taux types des métaux types. 

La quatrième et la cinquième période comportent chacune 18 élé- 
ments. Dans ces périodes, à la différence de la deuxième et de la 
troisième, on trouve des décades intercalaires d'éléments. Les élé- 
ments des décades intercalaires (Sc à 502n, 39 YŸ à 48Cd, 5-La, -.Hf 
à Hg), ainsi que quatre éléments (59AC, 104Ku, 105 et 106) de la 
quatrième décade forment les sous-groupes secondaires. Ces élé- 
ments, dits de transition, se caractérisent par leurs orbitales d non 
saturées. 

La présence de ces décades dans les périodes fait que les métaux 
tvpes sont séparés des non-métaux types non plus par 6, mais par 
16 éléments. Par conséquent, les éléments voisins des périodes longues 
(4° et 5°) ont leurs propriétés chimiques beaucoup moins différentes 
que chez les éléments voisins des périodes courtes (2° et 3°). Dans la 
sixième période la décade intercalaire commence avec le lanthane 
(numéro atomique 57), alors que dans le cérium (numéro atomique 58) 
l'électron suivant se place sur une orbitale 4f. Le remplissage des 
orbitales 4f s'achève dans le lutécium. Les orbitales 5d restantes ne 
recommencent à se remplir que lorsque les orbitales 4f se sont trou- 
vées saturées. 

La septième période. inachevée, a une structure analogue. On n'y 
connaît que trois éléments de décade intercalaire : l’actinium, le kour- 
tchatovium et le nielsbohrium. 

Les éléments f voisins diffèrent très peu les uns des autres par leurs 
propriétés chimiques. On l'explique par le fait que les differences 
dans la structure électronique des éléments f ne se situent, dans la 


$ 13] STRUCTURE DE LA CLASSIFICATION DE MENDÊLÉEV 15 


plupart des cas, qu’au niveau de la troisième couche électronique à 
compter de l'extérieur. 

Les éléments d et f ne sont pas les seuls à présenter cette simili- 
tude plus grande entre les éléments voisins quand on passe des pério- 
des courtes aux périodes longues : c'est aussi le cas des éléments p. 
Ainsi, si Cet N sont tres dissemblants, Pb et Bi ont déjà certaines 
propriétés assez proches. 

Les éléments voisins des périodes II et III ayant leurs propriétes 
sensiblement différentes, Mendéléev les baptisa éléments typiques. 

L'appartenance des éléments à tel ou tel groupe et leur division 
en sous-groupes sont déterminées par la structure de leurs deux der- 
nières couches. La classification périodique comporte huit groupes 
d'éléments: c'est le nombre maximal d'électrons pouvant occuper 
la couche périphérique. 

Les sous-groupes principaux sont constitués par les éléments s 
et p avec, en tête, les éléments typiques. L'élément initial du sous- 
groupe principal du groupe VIII est l’hélium. Quant à l’hydrogène. 
aujourd'hui il est souvent rangé dans le groupe VII. 

Les éléments des décades intercalaires forment les sous-groupes 
secondaires. Celui du groupe VIII comporte les triades: Fe-Co-Ni, 
Ru-Rh-Pd, Os-Ir-Pt. 

Dans chaque groupe les éléments des sous-groupes principaux 
et secondaires s’écartent les uns des autres par leurs propriétés. Cet 
écart est le plus sensible dans les groupes I, IT, VII et VIII. Dans le 
centre du tableau de Mendéléev les caractéristiques des éléments des 
groupes principaux et secondaires se rapprochent. Le plus grand rap- 
prochement s’observe pour les groupes III et IV. 

Le troisième groupe de la classification périodique est le plus 
nombreux : il comporte les éléments 4f et 5f. 

Tout le monde reconnaît aujourd'hui que c'est la structure élec- 
tronique des atomes qui est à la base de la systématique des élé- 
ments chimiques que Mendéléev a mise en tableau et formulée sous 
la forme de sa loi de périodicité. Les propriétés chimiques des élé- 
ments sont déterminées par la structure électronique des atomes, la 
structure électronique étant à son tour fonction de la charge nuclé- 
aire. Comme la masse de l’atome est essentiellement concentrée 
dans son noyau, la première formulation de la loi périodique par son 
créateur était liée à la masse atomique. 


$ 14. Historique de la découverte de la loi de périodicité. Dmitri Mendé- 
léev découvrit la loi périodique en 1869. Il était à l’époque un professeur de 
chimie de 35 ans qui enseignait à l'Université et écrivait un ouvrage intitulé 
Principes de chimie. 

Tout d’abord, Mendéléev se proposa de systématiser les connaissances 
relatives à la chimic des éléments afin de rationaliser l’enseignement du cours 
de chimie minérale. La systématique des éléments chimiques qui existait à l’épo- 
que ne pouvait satisfaire Mendéléev : il entreprit d’en créer une nouvelle, lus 
parfaite. Mendéléev choisit comme principe de base de la systématique le poids 


76 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDELÉEV (CH. TI 


atomique * des éléments chimiques. 11 écrivait dans son ouvrage classique 
Principes de chimie: « Selon le sens de toutes les connaissances exactes sur les 
phénomènes naturels, la masse d’un corps est celui de ses caractères dont doivent 
dépendre toutes ses autres propriétés, car elles sont toutes déterminées par les 
mêmes conditions ou les mêmes forces qui agissent en déterminant le poids. et 
ce dernier est directement D Éobortionnel à la masse du corps. Il est donc tout 
à fait naturel de chercher les rapports qui unissent les propriétés et les ressem- 
blances des éléments à leurs poids atomiques. » 

Des tentatives qui visaient à révéler une corrélation entre une propriete 
quelconque des éléments chimiques et leurs autres propriétés avaient été entre- 
prises plus d’une fois bien avant Mendéléev. Ainsi. entre 1817 et 1829, le chi- 
miste allemand Dôbereiner avait découvert la « loi des triades » qui permettait 
de grouper par trois certains éléments. Il] avait noté que le poids atomique du 
terme moyen d'une telle triade était proche de la demi-somme des poids atomi- 
ques des deux autres éléments. Ainsi, la demi-somme des poids atomiques du 
chlore et de l'iode (35,5 - 127)/2 est égale à 81,25, se rapprochant de près du 
poids atomique du brome. Une situation analogue existe pour la triade Ca, 
Sr, Ba et quel ues autres. 

En 1862, le chimiste français de Chancourtois tenta de réunir tous les 
éléments sur la base de leurs poids atomiques. 11 disposa les éléments le long 
d'une hélice formant un angle de 45° à la surface d’un cylindre. Des lignes qui 
répondaient aux poids atomiques de 0 à 128 étaient tracées parallèlement à la 
base du cylindre. La directrice du cylindre était divisée en 16 parties (en confor- 
mité avec le poids atomique de l'oxygène qui était pris égal à 16). Une telle 
disposition mettait souvent des éléments semblables sur une même droite 
verticale. Ainsi, une même ligne réunissait S, Se, Te, ainsi que Li, Na, K. 
Pourtant, il y avait aussi beaucoup de dissemblances entre des éléments se 
trouvant sur même ligne verticale. 

En 1865, le chimiste anglais Newlands déclare avoir découvert la « loi des 
octaves ». Selon cette loi, à peu près chaque huitième élément présente des 
propriétés semblables. Newlands basa sa classification sur les poids équivalents 
et non atomiques. Une partie de son système des éléments chimiques est donnée 
ci-après (élément-numéro de sa place): 


H-1 F-8 CI-15 Co, Ni-22 Br-29 pd-36 1-42 Pt, Ir-50 
Li-2 Na- K-16 Cu-23 Rb-30 Ag-37 Cs-44 T1-53 
G1-3 Me-10 Ca-17 Zn-25 Sr-31 Cd-38 Ba, V-45 Pb-54 
Bo -4« Al-11 Cr-19 Y-24, Ce, La-33 U-40 Ta-46 Th-56 
C-59 Si-12 Ti-18 In-26 Zr-32 Sn-38 W-47 Hg-52 
N-6 P-13 Mn-20 As-27 Di. Mo-34 Sb-41 Nb-48 Bi-:5 
O-7 S-1: Fe-21 Sc-28 Ro. Ru-35 Te-43 Au-49 Os-51 


Newlands voulait faire entrer tous les éléments connus à l’époque (62) 
dans 8 groupes. Comme il n’y avait que 56 places. il fallut parfois mettre deux 
éléments à une même place. De plus, Newlands tenait à combler toutes les 
places qui découlaient de sa « loi des octaves ». sans que l’idée lui vint qu'il 
püt y avoir encore des éléments inconnus. 

Vers la fin des années 1860, on comptait plus de 50 tentatives pour classer 
les éléments chimiques. C'est le chimiste allemand Lothar Meyer qui s’approcha 
le plus de la découverte de la loi périodique. I] publia, en 1864, un tableau qui 
réunissait quelques groupes d'éléments bien caractérisés et, en 1868, son ta- 
bleau demi-long où. pour la première fois. figuraient les périodes (Tableau 5). 
Certains éléments connus à l'epoque n'entrèrent pas dans le tableau de Meyer: 
H. B. In. Y, Nb, Th. U. Le tableau commençait avec la deuxième période 
(probablement. Meyer n’osa pas accorder toute une période au seul hydrogène). 
12 éléments n’occupent pas Les bonnes places (ils sont marqués de pointilles). 
Tout cela montre bien qu’en 1868 le tableau était encore de loin inachevé. 


* Avant les années 1870, on utilisait le terme « poids atomique » pour ce 
qu’on appelle aujourd'hui « masse atomique ». 


$ 14] HISTORIQUE DE LA DÉCOUVERTE DE LA LOI DE PÉRIODICITE 17 


Tableau 5 
Forme demi-longue du tableau des éléments chimiques de Meyer 


NilCulZan 
Ag |Cd s 
Au | Hg|Pb]| Bi 


En 1869, Mendéléev publie la classification périodique des éléments chimi- 
ques et formule la loi périodique. Cette classification nous est parvenue prati- 
quement sans modifications. On n'a fait que la compléter avec des éléments 
nouvellement découverts. 

Meyer ne publia la version complète de son tableau qu'après le travail de 
Mendéléev auquel il se référait. Meyer écrivait notamment : « Grâce à une déter- 
mination plus correcte des poids atomiques des différents éléments, il est devenu 
possible de grouper tous les éléments suffisamment connus en un système unique. 
Récemment Mendéléev a montré qu'un tel arrangement était réalisable en dis- 
posant tout simplement tous les poids atomiques en série, sans aucun choix arbi- 
traire, par ordre croissant, en divisant ensuite cette série en tranches et en joignant 
ces dernières les unes aux autres sans modifier l'ordre. Le tableau ci-après 
est identique dans ses pus lignes à celui présenté par Mendéléev. » Ensuite 
Meyer donnait son tableau. 

Ce qui importe, ce n’est même pas le fait que Mendéléev avait publié son 
tableau un peu plus tôt que Meyer. Pour Meyer son tableau était une forme 
commode de systématiser les éléments: il ne discerna pas derrière elle une loi 
générale de la Nature. Il écrivait en 1870 qu’il y avait toute une série d'élé- 
ments dont les propriétés les laissaient hors de tout système, à condition de leur 
attribuer les poids atomiques universellement admis à l’époque. Cette circon- 
stance conduisait Meyer à la conclusion suivante: « I] serait prématuré d’ac- 
cepter les modifications des poids atomiques admis jusqu’à présent en partant 
d'une base aussi précaire. D'une manière générale, aujourd’hui on ne peut trop 
miser sur ce genre d'arguments. ni en attendre une solution aussi définitive du 
[ÉReRe que c'est le cas pour la détermination de la chaleur spécifique ou de 

a densité de vapeur. » Cette citation met clairement en évidence l’attitude de 
Meyer envers la loi périodique. Mendéléev ne se borna pas à corriger les poids 
atomiques du béryllium, de l’indium, du cérium, du lanthane, de l’ytterbium, 
de l’erbium, du thorium et de l’uranium: il prédit aussi avec une bonne préci- 
sion les propriétés de quelques éléments qui n'étaient pas encore découverts : 
gallium, scandium, germanium. C’est en cela que consiste le triomphe de la loi 
périodique de Mendéléev. 


Numérotation 


78 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDEL£EEV [CH. T 


‘ 


La classification périodique reflète la corrélation entre les éléments chimi- 
ques qui existe objectivement. Elle n’a rien d'imaginaire: la Nature même 
s'y reflète, et c’est à juste titre que Mendéléev baptisa sa classification « natu- 
relle ». La loi de Mendéléev est une clé importante pour comprendre le monde 
matériel, surtout pour un naturaliste qui a l'habitude et le désir de la prévision. 


$ 15. Portée de la loi de périodicité. La loi périodique de Mendé- 
léev est le fondement de la chimie moderne. Cela concerne tous les 
domaines de la pensée et de la recherche chimique. La chimie miné- 
rale en fournit un exemple éclatant. Cependant. ici nous ne nous éten- 
drons pas là-dessus, car notre exposé tout entier est fondé sur la loi 
périodique. Considérons donc quelques autres domaines de la chimie. 

Le problème des liens unissant la chimie analytique à la loi pério- 
dique fut posé pour la première fois par le chimiste russe Menchout- 
kine deux ans après la découverte de Mendéléev. L'auteur de la loi 
périodique insistait sur l'existence d'une analogie des propriétés 
d'éléments non seulement dans les groupes, mais aussi dans les pério- 
des, ainsi que dans le sens diagonal. Les analogies diagonales ont 
joué un rôle important dans la mise au point des méthodes d'analyse 
de nombreux éléments. La classification périodique permet de s'at- 
tendre à ce que les éléments disposés horizontalement dans les lon- 
gues périodes présentent la moindre différence entre leurs propriétés 
respectives. Il y a une grande analogie dans les propriétés de Zr- 
Nb-Mo, ainsi que de Hf-Ta-W. La loi diagonale autorise à s'attendre 
à une similitude des propriétés de Ti-Nb-W et de Zr-Ta-U. En effet, 
la détermination spectrophotométrique du niobium réagissant sur 
le rhodanate d'ammonium est perturbée en présence de Mo, W et 
Ti, Ti et W empêchant également la détermination avec le peroxyde 
d'oxygène. 

L'analogie des propriétés chimiques qui découle de la position 
des éléments dans la classification périodique peut étre utilisée 
pour la mise au point de nouvelles méthodes d'analyse. On sait, par 
exemple, que la réaction avec les ions SCN est caractéristique de 
Mo(V). L'’analogie horizontale permet de supposer que Nb(V) don- 
nera la même réaction. En effet, aujourd'hui les ions SCN trouvent 
un large usage dans la détermination photométrique du niobium. 

L'égalité des charges et des rayons des ions engendrant une 
analogie de leurs propriétés est d’un grand intérêt pour la chimie 
analytique et autres sciences connexes. Encore dans les années vingt, 
l'éminent géochimiste soviétique Fersman avait démontré d’une 
manière convaincante que toute la classification périodique pouvait 
être divisée en « champs » et « blocs » formés d'éléments à caracté- 
ristique géochimiques et cristallochimiques * analogues. Fersman 


* La géochimie étudie la composition chimique de la Terre, les lois de la 
propagation et de la distribution ainsi que les modes de combinaison et les voies 
de migration des éléments chimiques sur la Terre. La cristallochimie étudie les 
lois qui lient la structure d'un cristal à ses propriétés physiques et chimiques. 


8 15] PORTÉE DE LA LOI DE PÉRIODICITÉ 79 


écrivait: « Chaque champ répond à une association géochimique 
déterminée d'éléments. Tout champ ayant sa place déterminée dans 
le système de Mendéléev, ces associations répondent aussi aux lois 
de périodicité qui s’y rattachent. » 

Les « champs » et les « blocs » de Fersman servent de principes 
directeurs pour la recherche scientifique et l’activité pratique des 
géologues. Les lois qui régissent l’association des éléments et leur 
comportement présentent un intérêt exceptionnel pour l'activité 
de l’homme. Ces lois ont pour base la classification périodique de 
Mendéléev. Il est établi aujourd'hui que la loi périodique n'est pas 
valable que pour notre planète : cette loi a une valeur vraiment uni- 
verselle. 

L'obtention d’alliages à propriétés préfixées a connu de grands 
succès au cours de ces dernières décennies. Les métallochimistes se 
guident également sur la classification périodique. Les conclusions 
principales qui concernent les conditions de formation des alliages 
(solutions solides) de tel ou tel type sont les suivantes. 

19 Les conditions optimales pour réaliser une solution solide con- 
tinue entre deux éléments sont : appartenance des éléments à un même 
groupe de la classification périodique, même type de leur réseau 
cristallin, faible différence entre leurs rayons atomiques (10 ‘ 
au maximum), valeurs voisines des potentiels d’ionisation et des 
électronégativités. | 

2° Si les rayons atomiques diffèrent de 10 à 20 %, on observe un 
grand écart entre les potentiels d’ionisation et les électronégativites. 
Par conséquent, la formation de solutions solides n'est alors possible 
que dans des conditions limitees. 

3° Lorsque les rayons atomiques présentent une différence supe- 
rieure à 20 %, de tels éléments ne peuvent, en règle générale, inter- 
agir entre eux et souvent ne sont même pas miscibles à l’état fondu. 

Les grandes réalisations dans la synthèse et l'identification des 
éléments chimiques artificiels auraient été absolument impensables 
sans la loi périodique. Cela concerne aussi bien l'obtention du tech- 
nétium, du prométhéum et de l’astate que la synthèse des éléments 
transuraniens (qui succèdent à l'uranium). Les progrès de la phy- 
sique et de la chimie des transuraniens, de la création des bases de la 
théorie de la fission nucléaire doivent beaucoup à la loi de Mende- 
léev. 

On pourrait parler encore et encore de l'influence fructueuse de 
la loi périodique sur le développement des différentes sciences. Mais 
cela demanderait des connaissances spéciales chez les étudiants. 
L’exposé qui précède doit suffir pour faire comprendre l'importance 
de la loi périodique, une des lois fondamentales de la Nature. Sa 
portée est comparable à celle de la loi de la gravitation universelle de 
Newton, de la théorie transformiste de Darwin ou du principe de rela- 
tivité d’Einstein. 


80 STRUCTURE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÊLÉEV [CH. I 


$ 16. Modèle de l°’ « enveloppe » nucléaire de l’atome et stabi- 
lité des isotopes. Il a été établi expérimentalement que les caracté- 
ristiques des noyaux atomiques telles que stabilité, abondance natu- 
relle, énergie de couplage nucléonique dans le noyau, nombre d'iso- 
topes varient de façon périodique avec l'augmentation du nombre de 
protons et de neutrons. Ce fait a donné lieu à l'hypothèse sur les 
couches nucléaires des atomes. On pense que les couches nucléaires 
se remplissent de nucléons (protons et neutrons) d’une manière ana- 
logue au remplissage des couches atomiques par les électrons. Sont 
stables et abondants les atomes dont les noyaux comportent un nom- 
bre déterminé de protons ou de neutrons, à savoir : 2, 8, 20, 50, 82, 114, 
126. Ces nombres ont éte baptisés magiques. On suppose qu'ils sont 
liés à la capacité des couches. 

La stabilité des noyaux croit lorsque, avec l'augmentation du 
nombre de masse, le nombre de protons ou de neutrons s'approche 
d’un nombre magique. Elle baisse brusquement quand le nombre de 
nucléons est immédiatement supérieur au nombre magique. La 
stabilité et l'abondance des atomes croissent de nouveau au voisi- 
nage du nombre magique suivant. Ordinairement, un élément possé- 
dant une quantité de protons égale à un des nombres magiques a plus 
d’isotopes que les éléments qui l'entourent dans la classification pé- 
riodique. 

Les isotopes dont les noyaux comportent un nombre magique de 
protons et de neutrons, sont dits doublement magiques. Ces isotopes 
sont les plus stables et les plus abondants. La double périodicité 
(séparément pour les protons et pour les neutrons), caractéristique 


Tableau 6 
Composition de l’atmosphère 


Corps C:104, 9, nan ro Corps C-104,% st nos 
N> 180 840 2-1019 | Nils 0,01 1,5-1011 
O: 209 480 5-1018 Os 0,01-0,07 1,2.101 
Ar 9 340 NO; 0,001-0,02 3-1010 
CO: 314-318 NO 0,0002-0,002 
Ne 18,2 SO: 0,0002-1,0 
He 5,24 H,S 0,0002 
CH, 1,0-2,0 3,8-101: HNO; 1-1010 
Kr 1,1 HNO: 2-108 
H 0,5 . | NOs 1-10° 
N:0 0,25-0,5 6-1011 N°05 2-109 
CO 0,1 3-101° H,CO 1,5-1010 
Xe 0,087 (formal- 


déhyde) 


$ 17] ABONDANCE DES £LEMENTS CHIMIQUES SUR LA TERRE 81 


des noyaux atomiques, témoigne du fait qu’à l’intérieur des noyaux 
les nucléons occupent différentes couches, dont chacune comporte 
un nombre déterminé de nucléons. En se basant sur la théorie des 
couches nucléaires des atomes, on cherche actuellement dans la na- 
ture des atomes à numéros atomiques 114, 126 et plus. 

Si ce modèle du noyau est confirmé et justifié, la loi périodique 
s'’avérera encore plus universelle qu'on ne le pense aujourd'hui. 


$ 17. Abondance des éléments chimiques sur la Terre. La Terre a 
pour couches externes l’atmosphère, l’hydrosphère et la lithosphère. 
L'atmosphère est l'enveloppe supérieure constituée par un mélange 
complexe de gaz, dont les plus abondants sont l'azote et l'oxygène. 
Le Tableau 6 présente les concentrations moyennes (C) des gaz qui 
composent l’atmosphère du niveau de la mer à 25 km d'altitude, par 
rapport à l’air sec. 

L'eau couvre un peu moins de trois quarts de la surface terrestre. 
Ce sont pour la plupart les eaux des océans. Cette partie de la Terre 
est appelée hydrosphère. C'est au fond la solution aqueuse d’un élec- 
trolyte minéral de composition complexe. On trouvera ci-après la 
composition élémentaire de l’hydrosphère. 


Concentration, Concentration, Concen- 
mg/l mg/l tration, 
m£g/1 
CI 19 000 AS 0,003 T1 0,00001 
Na 10 600 Sn 0,003 He 5.107 
M 1 300 Pb 0,003 Au 4.107$ 
S (SO) 900 (2600) U 0,003 La 3-10-6 
a V 0,002 Ce 4.107" 
K 380 Mn 0,002 Pr 2-10-° 
r 9 Ti 0,001 Nd 8.107 
C (HCO;) 28 (140) Th 9,0007 sm 1.107: 
N: 13 Co 0,0005 Eu 41078 
Os 8 Ni 0,0005 Gd 2.107 
Sr 8 Ga 0,0005 Dy 2-107° 
B 4,8 Cs 0,0005 Ho 8-1078 
Si 3 Sb < 0,0005 Er 2-10 
F 1,3 Hg 0,0003 Tm 4-1078 
Ar 0,6 Y 0,0003 Yb 2.107 
N (NO3) 0,5 (2) Ne 0,0003 Lu 4.108 
i 0,2 Kr 0,0003 Ra 3-10711 
Rb 0,12 Ag 0,0003 Pa 2.107132 
P (POË-) 0,07 (0,2) Bi 0,0002 Ra Q. 1015 
I 0,05 Cd 0,00011 
Ba 0,03 W 0,0001 
Al 0,01 Ge 0,0001 
Fe 0,01 Xe 0,0001 
Zn 0,01 Cr 0,00005 
Mo 0,01 Sc 0,00004 
Se 0,004 Be 0,0000% 
Cu 0,003 Nb 0,00001 


6—01151 


82 STRUCTUÜRE ATOMIQUE. CLASSIFICATION DE MENDÉLÉEV [CH. I 


La lithosphère ou la croûte terrestre est la couche solide supérieure 
de notre planète, d’une profondeur de 30 km environ. Sous la croûte 
se trouve la plus puissante des couches terrestres, le manteau de la 
Terre, qui constitue 80 % du volume et 2/3 de la masse du globe ter- 
restre. 

La croûte (l'écorce) terrestre se compose de roches éruptives mag- 
matiques, sédimentaires et autres. La composition chimique de l’é- 
corce terrestre est très complexe, car les différentes roches y sont 
réparties inégalement. On y trouve surtout des silicates et des alu- 
mosilicates de calcium, de magnésium et des métaux alcalins ainsi 
que des carbonates. La partie supérieure de la croûte est riche en 
sels d'aluminium et de métaux alcalins, alors qu’en profondeur il 
y a plus de composés du magnésium et du fer. 

Le manteau se compose essentiellement de silicates de magné- 
sium et de fer: sa composition correspond à celle des météorites 
pierreuses. Le noyau de la Terre a la composition des météorites fer- 
reuses (sidérites): il renferme du fer métallique avec du nickel. 

Nous donnons ci-après les compositions moyennes oxydique et 
élémentaire de la lithosphère (en %). 


Oxydes Eléments 
59,12 SiO, 46,42  O 
15,34 AIO; 27,50 Si 

6,88 Fe.O; 8,08 Al 
5.08 Ca 5,08 Fe 
3,49  MgO 3,61 Ca 
3,84 Na,0O 2,83 Na 
3,14 K,0 2,58 K 
1,15 H,0 2,00 Mg 
1,05  TiO, 0,44 Ti 
0,30 P,0; 0,12 P 
0,10 Mn 
0,10 Ba 
Total: 99,39 Total: 98,86 


On remarquera facilement que la lithosphère de la Terre est cons- 
tituée pour trois quarts de deux éléments : oxygène et silicium. Si 
l'on y ajoute l’eau de l’hydrosphère et l'oxygène de l'air, la part 
de ce dernier élément devient encore plus importante, d’où l’inté- 
rêt particulier des combinaisons oxygénées des différents éléments 
pour la chimie. 

De façon générale, on peut dire que la lithosphère renferme de 
préférence les éléments se trouvant au début de la classification pério- 
dique, jusqu'au 28° environ. 

L'étude de l’abondance de divers éléments et de leurs isotopes 
sur la Terre permet de tirer les conclusions suivantes. Sont le plus 
abondants : 


8 17] ABONDANCE DES ÉLÉMENTS CHIMIQUES SUR LA TERRE 83 


1° Eléments à numéro atomique pair, dont 80, 149i, 28Fe, 20C, 
1:M£g. 

2° Fer et ses voisins dans la classification périodique (maximum 
de fer). 

3° Eléments dont les isotopes ont un nombre de masse multiple 
de 4: He, O, Ne, Si, S, Ar, Fe, Ni. 

4° Isotopes à nombre pair de protons ou de neutrons dans le 
noyau: près de 60 % de tous les isotopes stables. 

5° Isotopes dont le nombre des nucléons est un multiple de 4 
(doublement magiques), par exemple: ‘He (z — 2, N = 2), 10 
(z = 8, N = 8), Ca (z = 20, N =: 20), *SPb (z = 82, N — 126). 

Ainsi, les éléments sont plus ou moins répandus sur la Terre en 
fonction non de leurs propriétés chimiques, mais des propriétés de 
leurs noyaux, dont les plus importantes sont la parité et la saturation 
des couches nucléaires. 

La composition isotopique des échantillons de roches lunaires et 
de météorites s’est avérée analogue à la composition isotopique des 
éléments terrestres. On peut en conclure que les processus de forma- 
tion d'éléments sont partout du même type. 


CHAPITRE II 


LIAISON CHIMIQUE 
ET STRUCTURE DES MOLÉCULES 


$ 18. Caractéristiques principales de la liaison chimique. La théo- 
rie de la liaison chimique est à la base de toute la chimie théorique. 
C'est grâce à la liaison chimique que les atomes forment des parti- 
<ules plus complexes : molécules, radicaux, cristaux, etc. La liaison 
chimique résulte de l'interaction de deux (parfois plusieurs) atomes. 
La formation d'une liaison se déroule avec dégagement d’énergie. 

Parmi les hypothèses qui ont précédé la doctrine quantique nous 
mentionnerons la théorie de la formation de la liaison chimique de 
Lewis. En 1916, il émit l'hypothèse selon laquelle la liaison chimi- 
que était le résultat de la formation d’une paire (doublet) électro- 
nique commune entre deux atomes. Chaque atome apporterait un 
électron à ce doublet commun. La liaison de ce type est dite cova- 
lente. Les schémas de formation des liaisons chimiques dans les 
molécules H.,, F,, NH, et CH, sont représentés ci-dessous. Les élec- 
‘trons sont figurés par des symboles différents suivant l'atome auquel 
ils appartiennent : 


Il H 


XX es a °* 
HXH OO XFXF:.  XNYH  HxCcX*H 
NC. ee M * 


IT H 

Après la formation des liaisons chimiques, chaque atome de la 
molécule possède une configuration électronique stable à 2 ou 8 
électrons. La théorie de Lewis embrassait un grand nombre de faits, 
mais ne parvenait pas à expliquer la cause de la formation des liai- 
sons chimiques. 

C'est la mécanique quantique qui a permis d'’élucider le méca- 
nisme de la formation des liaisons chimiques par la mise en commun 
de doublets électroniques. En considérant les électrons dans l’atome 
en tant que des nuages électroniques, on peut représenter la forma- 
tion de doublets communs comme le résultat d’un recouvrement de 
<es nuages (fig. 14). L’excès de densité électronique sur la ligne qui 
joint les deux noyaux les serre ensemble. Ainsi, les forces qui con- 


$ 18] CARACTÉRISTIQUES DE LA LIAISON CHIMIQUE 85 
2 ——_— 


tribuent à la formation d’une liaison chimique ont une nature élec- 
trique. 

L'idée de Lewis sur la paire d’électrons mise en commun a un 
sens profond du point de vue de la mécanique quantique. Ainsi, cha- 
que atome de la molécule d'hydrogène 
possède deux électrons. Conformément au 
principe d'exclusion de Pauli, ces deux 
électrons doivent avoir leurs nombres de 
spin différents, sinon chaque atome d’hy- 
drogène posséderait deux électrons à qua- 
tre nombres quantiques identiques. 

Le recouvrement des nuages  élec- 
troniques (accouplement des électrons) 
ne peut donc avoir lieu que si leurs spins Fig. 14 Formation d'une 
sont opposés. La méthode décrivant les liaison chimique par recou- 
liaisons chimiques, dont la formation vrement de deux nuages 
est liée à des doublets électroniques com- électroniques 
muns, est dite méthode de liaison de va- 
lence (LV). En écrivant les formules structurales, on schématise sou- 
vent les paires d'électrons qui assurent la liaison, par des traits 
de valence : 


Densité électronique élevée 


FF: où :F:F: 

Aujourd’hui, on considère que le critère le plus strict de la nature- 
d’une liaison chimique est la densité électronique entre deux atomes. 
Malheureusement, ce critère reste encore difficilement accessible 
à la vérification expérimentale. La caractérisation énergétique d'une 
liaison chimique présente un grand intérét. Lorsqu'une liaison chi- 
mique se forme, l'énergie totale du système composé de molécules. 
est inférieure à l’énergie des constituants (atomes). 

On définit la valence comme l'aptitude de l’atome d’un élément 
chimique à fixer ou à remplacer un certain nombre d’atomes d'un 
autre élément. À ce point de vue, il est le plus simple de déterminer 
la valence d’un atome d’après le nombre d’atomes d'hydrogène for- 
mant des liaisons chimiques avec cet atome ou d’après le nombre 
d’atomes d’hydrogène remplaçables par l'atome de cet élément. 
La valence est une des plus importantes caractéristiques d’un élé- 
ment. C'est l'indice de l’aptitude des atomes à former des liaisons 
chimiques. 

Avant l'avènement de la mécanique quantique, les chimistes 
définissaient la valence comme le quotient obtenu en divisant la 
masse atomique de l'élément par sa masse équivalente. Certains 
éléments possédant plusieurs masses équivalentes, il fallait admet- 

“tre l’existence de plusieurs valeurs de la valence pour ces éléments. 
Cette définition de la valence garde son importanee jusqu'à nos jours. 


86 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLECULES [CH. IT 


Parfois on identifie la valence au degré d'oxydation (v. p. 27). Mais 
une telle identification s'avère souvent incorrecte. 

Dans le cadre de la représentation quantomécanique de l'atome, 
la valence est définie comme le nombre des électrons non appariés 
(célibataires) qui participent à la formation des liaisons chimiques. 
En plus des électrons non appariés, la valence d’un atome dépend du 

nombre d’orbitales vides et satu- 
rées de la couche électronique de 

valence. 
On appelle énergie de liaison 
l'énergie qui se dégage lorsque des 
Atomes isolés atomes séparés se réunissent en 
molécules *. Onl’exprime usuelle- 
ment en joules par mole (J/mol). 
C'est une des plus importantes ca- 
ractéristiques de la liaison chimi- 

Basse que. L'édifice le plus stable est 

énergie celui qui renferme le moins d’éner- 

: + : gie. On sait, par exemple, que les 

Fig (5. Enerrie du syame de dax Éiomes d'hydrogène lendent à se 

la distance internucléaire : réunir en molécules (autrement 

1 — attraction; 2 — répuision dit, à former un système plussta- 

ble), car un système composé de 

molécules H, comporte moins d'énergie qu'un système composé du 
même nombre d’atomes H à l’état libre. 

La courbe énergétique de la figure 15 caractérise l'interaction 
des atomes d’hydrogène. Le rapprochement des atomes s’accompa- 
ne d'un dégagement d'énergie, d'autant plus important que le re- 
couvrement des nuages électroniques est plus marqué. Pourtant, 
dans les conditions ordinaires, les noyaux de deux atomes ne peuvent 
fusionner du fait de la répulsion coulombienne. Cela signifie qu'à 
une certaine distance l'attraction des atomes se verra remplacer par 
leur répulsion. De cette façon. la distance interatomique r,, à la- 
quelle répond le minimum de la courbe énergétique, correspond à la 
longueur de la liaison chimique et l'énergie Æ, à l'énergie de cette 
liaison. 

Une condition sine qua non de la formation d'une molécule à 
partir de deux atomes d'hydrogène sont les nombres quantiques de 
spin différents de leurs électrons. Si les spins sont identiques, la 
molécule ne peut se former, car cela contredirait le principe de Pauli. 
Lors du rapprochement de deux atomes d'hydrogène, dont les élec- 
trons ont les nombres quantiques de spin identiques, il y aura non 


Haute 
énergie 


* Il ne faut pas oublier qu’il y a des cas où l'énergie dégagée lors de la for 
mation d’une molécule à partir de deux atomes isolés correspond non pas à une 
seule, mais à plusieurs liaisons. 


$ 18] CARACTERISTIQUES DE LA LIAISON CHIMIQUE 81 


pas attraction, mais répulsion des atomes (v. fig. 15). Dans les diffé- 
rents atomes l'énergie de liaison varie entre 170 et 420 kJ/mol. 

Structures électroniques des atomes excités. La valence d’un atome 
étant fonction du nombre de ses électrons non appariés, il est utile 
de considérer les structures des atomes dans l’état excité. Le passage 
d’un électron sur un sous-niveau ou un niveau énergétique plus élevé 
(excitation) demande une dépense d'énergie. Une liaison chimique, 
en se formant, dégage de l’énergie. La liaison sera stable si l’augmen- 
tation de l'énergie atomique due à l'excitation est inférieure à l’éner- 
gie de la liaison chimique qui se forme. En d'autres termes, il est 
nécessaire que l'énergie dépensée pour exciter les atomes soit com- 
pensée par l’énergie dégagée lors de la formation de la liaison. 

Nous donnons ici les nombres des électrons non appariés pour les 
états fondamental et excité de quelques atomes: 


Li Be E C N O F Ne 
Etat fondamental... 14 0 1 2 3 2 1 0 
Etat excité àn—2 .... 1 2 3 4 3 2: 1 0 


On peut se rendre compte que le nombre des électrons non appa- 
riés dans l’état fondamental des atomes ne retrouve pas toujours 
les valeurs des valences qui correspondent à la position des éléments 
dans la classification périodique. 

L'’atome de lithium dans l’état fondamental possède un seul élec- 
tron célibataire. qui peut participer à la formation d’un doublet 
électronique de liaison avec un autre atome. Le lithium joue le rôle 
d’un élément univalent, ce qui coïncide avec le numéro du groupe 
où il se trouve. 

Le béryllium dans l’état fondamental n’a pas d'électrons non ap- 
pariés. Or, il révèle une valence égale à 2 dans ses combinaisons. 


On l'explique par ce qu’en se combinant chimiquement, l’atome de 
béryllium s'excite *: 


24 2p 2 2p 
get +1 | | sil I 


L'énergie d’excitation de l'atome de béryllium de l’état 2s° à 
l’état 2s!2pl est égale à 259 kJ/mol. L'énergie dégagée par la forma- 
tion d'une liaison chimique varie entre 160 et 400 kJ. Ainsi, bien 
que l'excitation de l'atome de béryllium exige une certaine énergie, 
cette énergie est de loin inférieure à celle dégagée lors de la formation 


de deux liaisons chimiques. Finalement, le système perd de l’énergie 
en devenant plus stable. 


._ * Le symbole d’un élément marqué d'un astérisque, tel que Be*, correspond 
à un atome excité. Par souci de . icité, ici comme ailleurs, les orbitales ato- 
miques de types différents seront placées au même niveau. 


88 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLECULES (CH. 11 


L’excitation de l’atome de bore 


HI L-"Hn] 


ne demande pas non plus une énergie trop élevée, car là l’électron 
passe d’un sous-niveau sur un autre dans les limites d'un même ni- 
veau quantique. L'atome de bore excité peut former deux liaisons 
chimiques supplémentaires. Par conséquent, la formation des liai- 
sons chimiques produit beaucoup plus d'énergie que n’en consomme 
l'excitation de l’atome de bore. 

Le carbone dans l’état fondamental possède deux électrons non 
appariés. Or, on sait bien qu'il est tétravalent par excellence dans 
ses combinaisons. C'est dans l’état excité que ses quatre valences se 


manifestent : 
28 2p = CP 
MNT) —c 


L'excitation de l’atome de carbone 2s°2p° — 2s!2p$ demande une 
énergie de 400 kJ/mol. L'énergie qui se dégage, par exemple, lors 
de la formation de chaque liaison C—H dans les hydrocarbures, est 
de l’ordre de 360 kJ. Cela fait 720 KkJ pour deux liaisons, soit 320 kJ 
de plus que l'énergie nécessaire pour l'excitation. 

L'excitation de l'azote, de l'oxygène et du fluor dans les limites 
du deuxième niveau quantique ne peut faire croître le nombre d’élec- 
trons non appariés. L'excitation des électrons de ces atomes par tran- 
sition sur le niveau quantique suivant exige une énergie beaucoup 
plus élevée que celle dégagée par la formation de liaisons supplé- 
mentaires. Voilà pourquoi les combinaisons de l'oxygène tétravalent 
doivent être très instables. 

Trois éléments de la troisième période — chlore, soufre et phos- 
phore — peuvent manifester une valence correspondant au numéro 
du groupe de la classification périodique, car l'énergie d’excitation 
de l’électron de l'état 3s ou 3p à l’état 3d ou 4sest de loin inférieure à 
l'énergie d’excitation 2s — 3s ou 2p — 3s. Ainsi, le chlore peut être 
heptavalent dans l’état CI*-3s!3p$3@, le soufre hexavalent dans l’état 
S*-3s!3p%3d° et le phosphore pentavalent dans l’état P*-3s13p%3d1. 

Paramètres de la liaison chimique. Outre son énergie, une liaison 
chimique est caractérisée par sa longueur, sa multiplicité et sa pola- 
rité. Pour une molécule qui comporte plus de deux atomes, des carac- 
téristiques importantes sont les valeurs des angles entre les liaisons 
et la polarité de la molécule entière. 


8 19] FORMATION DES LIAISONS CHIMQUES 89 


La multiplicité de liaison est définie par le nombre de doublets 
électroniques qui lient deux atomes. Aïnsi, la liaison réunissant les 
atomes de carbone est simple dans l’éthane H;C—CH,, double dans 
l’éthylène H,C=CH, et triple dans l’acétylène HC=CH. L'énergie 
d’une liaison croît parallèlement à sa multiplicité: les énergies des 
liaisons C—C, C=C et C=C valent respectivement 263, 422 et 
535 kJ//mol. 

On appelle longueur de liaison la distance séparant les noyaux 
des atomes liés. Ces longueurs sont de l’ordre de quelques dixièmes 
du nanomètre suivant la combinaison concernée. Plus une liaison est 


multiple, plus elle est courte: les longueurs des liaisons NSN=—N e 


—N=N— et N=N sont égales respectivement à 0,145, 0,125 et 
0,109 nm ; pour les liaisons C—C, C=C et C=C elles sont respective- 
ment de 0,154, 0,134 et 0,120 nm. 

La polarité de liaison est conditionnée par le déplacement du dou- 
blet électronique de liaison vers un des atomes, ce qui donne lieu à 
un dipôle * dont la mesure est le moment dipolaire: produit de la 
charge par la distance entre les charges. On l’exprime en coulomb- 
mètres (C-m). Lorsque une charge négative égale à la charge de l’élec- 
tron (1.6-10-1? C) et la même charge positive sont séparées par une 
distance de 0,1 nm, le moment dipolaire est égal à 1,6-10-1?.10-19 — 
= 1,6-10-* C:m. 

On sait que le moment dipolaire de la molécule HCI vaut 3,44 < 
x 140730 C.m, la distance internucléaire étant de 0,127 nm. Si l’atome 
de chlore portait une charge de —1 et l’atome d'hydrogène une charge 
de +1, le moment dipolaire de la molécule HCI serait égal à 1,6 : 
+ 40-19.4,27.10-10 — 2,03-10-% C:m. On peut en déduire que l'atome 
d'hydrogène est porteur d’une charge positive et l'atome de chlore 
porte une charge négative égale à 3,44-107%0: 2,03-107% = 0,17 
de la charge d’un électron. Un calcul analogue pour la molécule de 
KCI à l’état vapeur conduit aux valeurs des charges portées par les 
atomes de potassium et de chlore, égales chacune à 0,83 de l'unité 
de charge. 


$ 19. Mécanismes de ormation des liaisons chimiques. Dans la 
méthode LV, on distingue deux mécanismes de formation des liaisons 
chimiques: d'échange et donneur-accepteur. 

Mécanisme d'échange. Ce mécanisme intervient dans les cas où 
chaque atome formant liaison fournit un électron au doublet commun. 

Dans les molécules H, et Li,, les liaisons sont formées par les 
électrons s non appariés des atomes (fig. 16, a), dans les molécules F, 
et CG par les électrons p non appariés (fig. 16, b). Les liaisons des mo- 


* Dipôle: ensemble de deux charges électriques de signe opposé, mais éga- 
les en valeur absolue, qui sont séparées par une certaine distance. 


90 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLECULES [CH. II 


lécules HF et HCI sont constituées d’électrons s de l'hydrogène et 
d'électrons p des halogènes (fig. 16, c). 

Une particularité de la formation de combinaisons selon le méca- 
nisme d'échange est sa saturabilité: un atome ne peut former qu’un 


Fig. 16. Formation des liaisons chimiques par recouvrement de nuages élec- 
troniques : 
a — deux nuages 5: b — deux nuages p; c — nuages setp 


aombre limité de liaisons. Celui-là dépend, en particulier, du nombre 
des électrons de valence non appariés. 
Il découle des schémas électronographiques 


que l'atome d'azote possède 3 électrons non appariés et l’atome d’hy- 
drogène n'en a qu'un. Selon le principe de saturabilité, c'est la com- 
biainson NH; qui doit être stable, et non NH, ou NH. En effet, 
la formation de chaque liaison chimique entre l’atome d'hydrogène 
et l'atome d’azote correspond au dégagement d’une certaine quantité 


8 11] FORMATION DES LIAISONS CHIMQUES 91 


d'énergie. Plus importante est l'énergie dégagée lors de la formation 
de la molécule à partir d'atomes, plus cette dernière sera stable. 
Voilà pourquoi parmi les combinaisons énumérées de l'azote avec 
l'hydrogène, c'est la molécule NH, qui doit présenter la meilleure 
stabilité : lors de sa formation tous les électrons de l’atome d’azote 
se sont trouvés couplés. Néanmoins, il existe des molécules à nombre 
impair d'électrons: NO, NO;, CIO. Toutes ces combinaisons se dis- 
tinguent par leur réactivité élevée. 

Au cours de certaines réactions chimiques, on peut voir se former 
des groupes à valence non saturée, appelés radicaux: H, NH,, O, 


2) 2, 2p 
s"Lta[ta tal à 
F F F 
— SJ ELIENENER 

H H 


bd) 2, 
N F,B° NH, 


H 
H H H 
NH. 


Fig. 17. Configurations électroniques des molécules BF;, NH, et BF; - NH; 


CH;, etc. La réactivité des radicaux est extrêmement élevée et leur 
durée de vie est, le plus souvent, très courte. 

Mécanisme donneur-accepteur. On sait que deux composés à va- 
lence saturée : l’ammoniac NH, et le trifluorure de bore BF, peuvent 
entrer en réaction l’un avec l’autre: 


Examinons le mécanisme de cette réaction. La figure 17, a pré- 
sente les orbitales du bore peuplées par leurs propres électrons ainsi 
que par des électrons du fluor (sur la figure ces derniers sortent des 
cases). Notons que des quatre orbitales du bore trois sont peuplées 
et une reste vacante. Dans la molécule d’ammoniac (fig. 17, b), toutes 
les quatre orbitales de l’azote sont remplies. Trois orbitales abritent 
des électrons d'azote et d'hydrogène (mécanisme d'échange) et la 
quatrième, un doublet dont les deux électrons appartiennent à l'azote. 
Une telle paire d'électrons est dite doublet non partagé. 

La combinaison H,N- BF, se forme du fait que le doublet non partagé 
de l’ammoniac cie l’orbitale vacante du fluorure de bore (fig. 17. c) 
On assiste alors au dégagement d'une certaine quantité d'énergie, 
l'énergie potentielle du système diminuant d'autant. C'est ce qu'on 
appelle mécanisme donneur-accepteur, l'atome qui cède son doublet 


92 LIAISON CHIMIQUE ET STRI'UTURE DES MOLECULES iCH. 11 


pour former liaison étant donneur (ici c’est l'atome d'azote) et l'atome 
qui abrite ce doublet sur son orbitale vacante étant accepteur (atome 
de bore). La liaison donneur-accepteur est une variété de la liaison 
covalente. 

Dans H;,N-BF;, l'azote et le bore sont tétravalents. L’atome d’azo- 
te voit sa valence augmenter de 3 à 4 par utilisation de la paire d’élec- 
trons non partagée pour la formation d'une liaison chimique supplé- 
mentaire. La valence de l’atome de bore s'accroît grâce à la pré- 
sence d’une orbitale vide sur son niveau électronique de valence. 
On voit donc que la valence des éléments n'est pas déterminée que 
par le nombre des électrons non appariés : elle dépend aussi de la pré- 
sence de doublets non partagés et d'orbitales vacantes sur le niveau 
électronique de valence. 

Un cas plus simple de la formation d’une liaison chimique selon 
le mécanisme donneur-accepteur est la réaction de l’ammoniac avec 
l'ion hydrogène : 

NH;+H*= NH} 


Ici, c'est l’orbitale vide de l’ion hydrogène qui joue le rôle d’ac- 
cepteur de doublet électronique. L’atome d'azote de l'ion ammonium 
NH est tétravalent. 

Electronégativité. Dans le cas général, la paire électronique formée 
(nuage diélectronique) se trouve plus près de l’un ou de l’autre de 
deux atomes réunis. L'électronégativité caractérise l'aptitude des 
atomes d'une molécule à déplacer le doublet commun. 

Il existe plusieurs méthodes de calcul des électronégativités 
atomiques. Dans une de ces méthodes, l’électronégativité d’un atome 
est prise égale à la somme de son énergie d'ionisation et de son affinité 
électronique. Supposons qu'un électron de l’atome À passe à l’atome 
B en formant la molécule A*B-. Lors d’une telle transition le dé- 
tachement de l’électron de l'atome A nécessitera une énergie d’ioni- 
sation £7Z,. Pourtant, l’addition de l’électron à l’atome B fera dé- 
gager une énergie égale à l'énergie d'affinité électronique AE. 
L'énergie totale du système AB changera d'une quantité AE» — 
— EI,. Si, par contre, l'électron passe de l'atome B à l'atome A, 
l'énergie totale du système changera d'une quantité A1Æ£1 — ÆElp. 
En fait, l’électron emprunte la direction qui assure le plus important 
dégagement d'énergie. Lorsque 


AËB — EI\ > AE; — Els. 


l’électron passe de l’atome A à l'atome B. Donnons à l'inégalité 
ci-dessus la forme suivante: 
AE» + Elr > AE \ + ET, 


La somme de l'énergie d'’affinité électronique et de l'énergie 
d'ionisation d’un atome donné est l’électronégativité de cet atome 


$ 19) FORMATION DES LIAISONS CHIMQUES 93 


(EN). Si l'électron passe (se déplace) de l’atome A à l’atome B, 
cela veut dire que l’électronégativité de l’atome B est supérieure à 
celle de l'atome A. 

On a pris égale à l'unité l’électronégativité de l’atome de lithium: 
l'électronégativité des autres atomes est calculée par rapport à celle 
du lithium (Tableau 7). On constate en examinant le Tableau 7 


Tableau 7 
Electronégativités relatives des atomes 
1 | 11 111 IV V VI | VIII VIII 
H 
2,1 
Na Mg Al Si P S CI 
0,9 1,2 1,5 1,8 2,1 2:9 3,0 
K Ca Sc Ti Cr Mn Fe (Co Ni 
0,8 4,0 1,3 1,3 1,6 1,6 1,6 1,7 1,8 
Zn Ga Ge As Se Br 
1,6 1,6 2,0 2,0 2,4 2,8 
Rb Sr Y Zr Nb Ru Rh  Pd 
0,8 1,0 1,9 1,5 1,7 2,0. 2,1 2,1 
Ag Cd In Sb Te I 
1,9 1,7 1,7 1,8 2,1 2,6 
Cs Ba La Hf Os Ir Pt 
0,75 | 0,9 1,2 1,4 24 2,14 2,1 
Hg Pb Bi Po At 
1,8 1,6 1,8 2,3 2,2 
Fr Ra 
0,7 0,9 


que l’électronégativité augmente de gauche à droite le long des pério- 
des et manifeste une tendance à diminuer avec accroissement du 
numéro atomique chez les éléments d'un même sous-groupe. 

v Dans une molécule composée de deux atomes à électronégativités 
différentes, il y a déplacement d& doublet électronique vers l'atome 
le plus électronégatif. Ce dernier acquiert ainsi une charge négative, 
l’autre atome devenant porteur d’une charge positive. La molécule 


94 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLECULES [CET IT 


se trouve en possession d’un pôle positif et d’un pôle négatif. La 
liaison chimique où le doublet électronique est déplacé vers un des 
partenaires, est appelée liaison polaire. 

L'atome de chlore, d’électronégativité 3,0, et l’atome d'hydrogène, 
d'électronégativité 2,1, forment la molécule de chlorure d'hydrogène, 
dans laquelle le doublet électronique est rapproché de l'atome de 
chlore. Une charge effective négative apparaît donc sur l’atome de 
chlore et une charge positive sur l’atome d'hydrogène. La comparai- 
son des électronégativités des atomes de sodium et d'hydrogène per- 
met de conclure que dans l’hydrure de sodium, c'est l'hydrogène 
qui est chargé négativement. 

Dans une molécule formée par deux atomes identiques, le doublet 
électronique appartient à titre égal à chacun des deux atomes: une 
telle liaison n'est pas polaire. Des liaisons non polaires se réalisent 
dans les molécules H,, N,, Cl,, O,, etc. Ces molécules sont non po- 
laires. 

Lorsque les électronégativités des atomes formant une molécule 
sont très différentes, le doublet électronique s'approche tout à fait 
de l’atome le plus électronégatif. Une telle liaison est voisine de 
l'ionique. Cependant, il n'existe pas de molécules composées d'ions 
« purs ». La charge effective du chlore dans NaCl est égale à —0,83 
et la charge effective du sodium à +0,83. Les molécules NaCI n'’exis- 
tent qu’à l’état vapeur. 


$ 20. Rupture homolytique et hétérolytique des liaisons chimiques. 
L'énergie nécessaire pour rompre une liaison chimique est égale à 
l'énergie dégagée lors de sa formation. 

Deux types de rupture sont possibles en principe : rupture homo- 
lytique et rupture hétérolytique. Dans la rupture homolytique d’une 
liaison covalente, le doublet de liaison se rompt, chaque atome 
gardant un électron de la paire commune: 


H=H=2H° où bien HI ci=H*+ci* 


La rupture pendant laquelle les deux électrons passent à un des 
atomes, donnant deux ions de signes contraires, est dite héférolytique. 
Un exemple en est fourni par la dissociation ionique de la molécule 
HCI 

H | ;: CI=H*+C; 

$ 21. Liaisons multiples. Liaison sigma. La liaison chimique 
entre atomes est due au recouvrement des nuages électroniques. Lors- 
que ce recouvrement se fait le long de la ligne joignant les noyaux 
atomiques, la liaison correspondante est dite liaison ©. Elle peut 
être formée par deux électrons s, un électron s et un électron p ou 
deux électrons p (fig. 18). On appelle liaison simple la liaison chimique 
réalisée par un seul doublet électronique. C'est toujours une liaison 0. 
Les orbitales s ne forment que des liaisons 0. 


6 21] LIAISONS MULTIPLES 95 


Liaison pi. 1 y a des cas où le nombre de doublets formant liaison 
entre deux atomes est supérieur à l'unité. Il s’agit alors d’une liaison 
multiple. La molécule d'azote peut servir d'exemple de formation 
d’une telle liaison. On a représenté sur la figure 19 la disposition spa- 
tiale des orbitales p demi-remplies de deux atomes d'azote. Dans Îa 


P—P 


Fig. 19. Recouvrement des orbitales Fig. 20. Liaison x formée par deux 
atomiques dans la molécule N: électrons p 


molécule d'azote, les orbitales p, forment une liaison o. Une autre 
liaison est formée par les orbitales p. qui fournissent deux zones de 
recouvrement : au-dessus et au-dessous de l’axe des x. Une telle lia- 
son est dite liaison n (fig. 20). La seconde liaison x de la molécule 
d'azote est formée d'orbitales p,. Dans une liaison x le recouvrement 
des nuages électroniques est moins important que dans une liaison 
simple : voilà pourquoi les liaisons x présentent, en règle générale, 
une résistance moins élevée que les liaisons o formées par les mêmes 
orbitales atomiques. 

Les orbitales du type p peuvent fournir des liaisons ©, ainsi que 
des liaisons n. Dans le cas des liaisons multiples, une de ces liaisons 
est obligatoirement une liaison o. Des trois liaisons de ligolécule 


06 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLÉECULES [CH. IT 


d'azote une est du type © et deux autres du type x: 


Z 
afafa 
Z 


$ 22. Orientation des liaisons et hybridation des orbitales atomi- 
ques. La configuration géométrique est une importante caractéri- 
stique pour les molécules comportant plus de deux atomes. Elle dé- 
pend de la disposition mutuelle des orbitales atomiques qui parti- 
cipent à la formation des liaisons chimiques. 

La théorie de la structure antérieure à la théorie quantique at- 
tribuait une structure linéaire à la molécule d’eau, alors que les 


Y y 
5 | 
: 
| | 
+6 
1 | H 
1-0 0"! 
6: à /i 
Ho H | 


Fig. 21. Orientation des liaisons dans la molécule H,0 


données expérimentales montrent que les liaisons de cette molécule 
forment entre elles un angle de 104,5°. La valeur de cet angle peut 
être expliquée en se fondant sur la théorie quantique. Le schéma 
électronique de la couche de valence de l’atome d'oxygène est 2s°2p*. 
Deux orbitales p non appariées forment entre elles un angle de 90°. 
Le recouvrement maximal des nuages électroniques des orbitales s 
des atomes d'hydrogène avec les nuages des orbitales p de l'atome 
d'oxygène correspond à la disposition des liaisons sous un angle de 
90°. La liaison O—H de la molécule d'eau est polaire. L'atome d'hy- 
drogène est porteur d’une charge positive effective +, l'atome d'oxy- 
gène porte une charge ——. La répulsion mutuelle des charges posi- 
tives des atomes d'hydrogène ainsi que celle des nuages électroniques 
(fig. 21) expliquent l'augmentation de l'angle de liaison jusqu’à 
104,5°. 

L'électronégativité du soufre est petite devant celle de l'oxygène. 
Voilà pourquoi la polarité de la liaison H—S dans H,S est inférieure 
à la polarité de la liaison H—O dans H,0. La longueur de la liaison 
H—S (0,133 nm)est plus grande que celle de la liaison H—0O (0,056 nm) 
et l'angle formé par deux liaisons H—S s'approche de 90° (92° 
pour H,S). Une situation analogue existe dans H,Se où l’angle de 
liaison est égal à 91°. 


$ 22] ORIENTATION DES LIAISONS ET HYBRIDATION DES OA 97 

Pour la même raison, la molécule d’ammoniac a une structure 
pyramidale avec une valeur supérieure à 90° pour l’angle formé par 
les liaisons de valence H—N—H (il vaut 107,3°). Quand on passe 
de l’ammoniac à PH,, AsH, et SbH,, les angles deviennent respec- 
tivement égaux à 93,3, 91,8 et 91,3°, se rapprochant sensiblement de 
l'angle droit. 

Hybridation des orbitales atomiques. Les atomes excités de béryl- 
lium, de bore et de carbone ont les configurations respectives 2s!2p!, 
2st2p° et 2s!2p%. On peut donc penser que les liaisons chimiques de 
ces atomes mettront en jeu des orbitales atomiques différentes et 
non pas identiques. Ainsi, les combinaisons BeCl,, BCI., CCI, pré- 
senteraient des liaisons non équivalentes en résistance et en orienta- 
tion et les liaisons © d’orbitales p seraient plus solides que les liai- 
sons 6 d’orbitales s, car le recouvrement des orbitales p est favorisé. 
Or, l'expérience montre que les molécules dont les atomes centraux 
possèdent des orbitales de valence différentes (s, p, d), ont toutes 
leurs liaisons équivalentes. 

Slater et Pauling en ont fourni l'explication. Selon leur avis, les 
orbitales différentes d'énergies suffisamment proches * forment le 
nombre correspondant d'orbifales hybrides. Leur nombre est égal à 
celui des orbitales atomiques participant à l’'hybridation. Les orbi- 
tales hybrides sont toutes identiques quant à la forme du nuage élec- 
tronique et leur énergie. Elles sont plus allongées en direction de la 
formation des liaisons chimiques que les orbitales atomiques et as- 
surent de ce fait un meilleur recouvrement des nuages électroniques. 

L'hybridation des orbitales atomiques consomme de l'énergie: 
c'est pourquoi dans un atome isolé les orbitales hybrides sont ins- 
tables et tendent à se transformer en orbitales atomiques « pures ». 
La formation de liaisons chimiques stabilise les orbitales hybrides. 
Comme les liaisons engendrées par les orbitales hybrides sont plus 
solides, un tel système dégage plus d'énergie et devient par là plus 
stable. 

Hybridation sp. Elle a lieu, par exemple, lors de la formation des 
halogénures de Be, Cd et Hg(I[l). Dans leur état de valence, tous les 
halogénures comportent sur le niveau énergétique correspondant des 
électrons s et p non appariés. Au cours de la formation de la mole- 
cule, une orbitale s et une orbitale p donnent naissance à deux orbi- 
tales sp hybrides faisant entre elles un angle de 180° (fig. 22, a, 
chaque orbitale hybride y est figurée différemment). 

Selon les données expérimentales, les halogénures de Be, Zn, 
Cd et Hg(Il) sont linéaires, les deux liaisons étant de même longueur. 

Hybridation sp°. L'hybridation d’une orbitale s et de deux orbi- 
tales p conduit à trois orbitales hybrides sp° qui se trouvent dans 


* Une trop grande différence d'éhergie empêche l’hybridation. 
7—01151 


98 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLECULES [CH 71 


un même plan en font des angles de 120° (fig. 22, b). Ce type d'hy- 
bridation se réalise dans BCI, par exemple. 

Hybridation sp*. Elle est caractéristique, en particulier, des com- 
binaisons du carbone. L'hybridation d’une orbitale s et de trois orbi- 
tales p a pour résultat la formation de quatre orbitales hybrides sp 


a) 


s+p sp 


S+P+P+p 


Fig. 22. Hybridation d'orbitales : 


a — une orbitale « et une orbitale p: b — une orbitale « et deux orbitales p: 
c — une orbitale s et trois orbitales p 


orientées vers les sommets d’un tétraèdre, l'angle entre les orbitales 
valant 109° (fig. 22, c). L'hybridation se manifeste dans la parfaite 
équivalence des liaisons chimiques de l’atome de carbone avec autres 
atomes, dans les combinaisons CH,, CCI,, C(CH;),, par exemple. 


L'orientation des liaisons dans les molécules NH, et H,0 peut également 
trouver une explication dans l'hypothèse d'hybridation des orbitales etectroni- 
ques. Une hybridation peut faire intervenir des orbitales complètes comme des 
orbitales remplies à moitié. Ainsi, dans l’atome d'azote une orbitale 2s peut 


$ 22] ORIENTATION DES LIAISONS ET HYBRIDATION DES OA 99 


participer à l'hybridation à côté de trois orbitales 2p. On peut s'attendre à ce 
que les quatre orbitales hybrides seront orientées vers les sommets d'un tétraèdre. 
Trois orbitales hybrides ne seront remplies qu'à moitié et la quatrième sera 
complètement peuplée. L’angle formé par les directions des orbitales sera voisin 
de l'angle tétraédrique (près de 109°), ce qui retrouve bien les données expéri- 
mentales (107,5°). 

La molécule d’ammoniac résulte du recouvrement de trois orbitales sp3 
avec l’orbitale 1s de l’atome d'hydrogène (fig. 23, a). 

L'ion ammonium se forme par la mise en commun d'un doublet électronique 
libre : entre une des orbitales sp* complètes et l'orbitale 1s vacante de l'ion 


Fig. 23. Formation des molécules d'ammoniac (a) et d'eau (b) 


hydrogène. Il est prouvé que l'ion NH a une configuration tétraédrique réguliè- 
re. 


La présence dans une molécule d'orbitales hybrides complètement remplies 
(c'est le cas pour la molécule d'ammoniac) influence beaucoup sa polarité glo- 
bale. 11 est nécessaire d'en tenir compte en déduisant la polarité des molécules 
des polarités des liaisons isolées. 

La configuration de la molécule d'eau est également representable en par- 
tant d’une hybridation sp* des orbitales de l'atome d'oxygène (fig. 23. b). 
Dans ce cas, deux orbitales sp% se trouveront complètement remplies. Suite 
à l'hybridation sp*, l'angle formé par les liaisons de valence de la molécule 
d'eau est également Sréche du tétraédrique (104.5°). 


Une hybridation peut faire intervenir non seulement des orbi- 
tales s et p, mais aussi des orbitales d et f. Le Tableau 8 regroupe les 
différentes formes de molécules et d'ions, engendrées par des orbi- 
tales pures et hybrides. L'examen du Tableau 8 conduit aux conclu- 
sions suivantes: si l’on sait qu'une molécule ou un ion AB, a une 
structure linéaire, c’est que l'atome À possède des orbitales hybrides 
sp; lorsqu'une molécule ou un ion AB, présente un angle de 120° 
entre ses atomes, l’atome A possède des orbitales sp” ; dans une molé- 
cule ou un ion de forme tétraédrique, l’atome central a des orbitales 
sp”, et ainsi de suite. 

Notons pour conclure que l'hypothèse d'hybridation permet de 
comprendre certaines particularités de la structure moléculaire qu'il 
est impossible d'expliquer d’une autre manière. 

Effet de l'hybridation des orbitales sur la résistance des liaisons. 
Comme il découle de la figure 22, a, l'hybridation des orbitales s 


et p conduit à un déplacement du nuage électronique en direction de. 
la formation de liaisons avec un autre atome. Les zones de recofÿre- 


ri 


100 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLECULES [CH. IT 


Tableau 8 
Configuration spatiale de certains molécules et ions 
re Orbitales de valence Configuration E 
EU drton de l’atome central spatiale xemples 
AB. p? (pures) angulaire H,S 
sp (hybrides) linéaire BeCI., CO. 
AB; p° (pures) pyramidale PHs 
sp? (hybrides) triangulaire BF;, CO; 
AB, sp* (hybrides) tétracdrique CH,, BF: 
dsp® (hybrides) carrée [PdCIl,]*- 
[Pt (NH3)4l°* 
AB: sp°d (hybrides) bipyramidale PCI; 
ABs sp3d? (hybrides) octaédrique SFsr PFe 
AB: d*sp* (hybrides) octaédrique [CO [NH3)e]%* 
AB, sp*d' (hybrides) cubique PbFi{- 


ment des orbitales hybrides sp sont donc plus grandes que celles des 
orbitales pures s et p, d’où une meilleure solidité des liaisons engen- 
drées par ces premières. 

Les liaisons formées d'électrons s sont les moins résistantes. On 
trouve ce type de liaison dans les molécules des métaux alcalins: 
Li,, Na,, etc. Deux orbitales s identiques ne peuvent fournir un re- 
couvrement assez important en raison de la répartition sphérique 
(non orientée) de la charge. La liaison de la molécule d'hydrogène 
échappe seule à cette règle. L'orbitale s de l’atome d'hydrogène, vu 
son rayon réduit, se caractérise par une densité électronique élevée. 

Le caractère orienté des orbitales p favorise leur recouvrement, 
sensiblement meilleur. Il est établi expérimentalement que pour les 
orbitales hybrides formées d’orbitales atomiques s et p, le plus grand 
recouvrement est assuré par une hybridation du type sp. On a ras- 
semblé dans le Tableau 9 les données relatives aux longueurs et aux 
énergies des liaisons C—H dans divers composés. 


Tableau 9 


Caractéristiques des liaisons C—H suivant le type 
d'hybridation 


Longueur de Energie de 
Hybridation Molécule la liaison liaison, 
C—H, nm kJ/mol 


Acétylene 0 ,1060 æ 505 


Ethylène 0,1069 = 443 
Méthane 0,1090 — 430 
Radical CH 0,1120 RTE 


8 23] CARACTERISTIQUES DES MOLÉCULES 401 


L'examen du Tableau 9 montre que la solidité des liaisons aug- 
mente dans l'ordre orbitales p-orbitales sp°-orbitales sp?-orbitales sp. 
Lorsque l'hybridation fait intervenir des orbitales d, la résistance 
des liaisons s’en trouve sensiblement renforcée. 


$ 23. Caractéristiques principales des molécules. Polarité molé- 
culaire *. Une molécule composée de deux atomes d’électronégativités 
différentes est polaire (HF, HBr). Les molécules formées par des ato- 
mes identiques sont non polaires (H., F., I.). 

Dans le cas d’une liaison simple, la polarité de la molécule est 
d'autant plus marquée que la différence est plus grande entre les 
électronégativités des atomes formant liaison. Lorsque les atomes 
sont réunis par une liaison multiple, les valeurs des électronégati- 
vités respectives des atomes ne renseigneront pas toujours d’une 
façon univoque non seulement sur la polarité de la liaison, mais éga- 
lement sur l’orientation du dipôle. Ainsi, la différence des électroné- 
gativités du carbone et de l’oxygène est égale à l’unité. On pourrait 
supposer que le moment dipolaire de la molécule CO est voisin de 
celui de la molécule HCI, les électronégativités des atomes d’hydro- 
gène et de chlore présentant la même différence égale à 1. Pourtant, 
uno = 3,44-10-% Cm et uco = 0,344-10-% Cm. Un autre 
fait inattendu de prime abord est que l'extrémité négative du dipôle 
dans la molécule CO est dirigée vers l'atome de carbone, moins élec- 
tronégatif. 

Les électrons non appariés du carbone et de l'oxygène de la molé- 
cule CO forment deux liaisons. Les doublets communs de ces liaisons 
sont déplacés vers l'atome d'oxygène: 


La présence d’une orbitale vide sur l'atome de carbone et de dou- 
blets non partagés sur l’atome d'oxygène a pour résultat la formation 
d’une troisième liaison, du type donneur-accepteur. Gela provoque un 
déplacement de la densité électronique de l'atome d'oxygène vers 
l’atome de carbone. Ce déplacement est tellement important que la 
densité électronique excédentaire se trouve désormais non pas sur 
l'atome d'oxygène, mais sur celui de carbone. 


* On caractérise la polarité des molécules par leur moment dipolaire u, 
égal au produit de la charge électrique élémentaire e par la longueur de dipôle 
l (distance entre les charges): u = el. 


402 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLÊCULES [CH. IT 


Les molécules composées de plus de deux atomes et qui peuvent 
comporter des liaisons polaires, ne sont pas pour autant polaires dans 
tous les cas. La molécule linéaire de dioxyde de carbone O=C—=0 
ou la molécule triangulaire de fluorure de bore BF, sont non polaires, 
malgré la présence de liaisons polaires, car, suite à la symétrie des 
liaisons, les barycentres des charges moléculaires positives et néga- 
tives se trouvent au centre des molécules. L'hybridation des liaisons 


+ 
6! +6! 
+d RD 5 FN 
0. 


ED > 


Fig. 24. Répartition des charges dans les molécules NH; (a) ct NF; (b) et 
orientation de leurs dipôles 


(sp, sp”, sp, sp*d par exemple) rend les molécules et les ions non 
polaires. Par contre, si les liaisons sont formées par deux ou trois 
orbitales p pures (H,S, AsCI.,), une telle molécule est polaire. 

Il y a des cas où l’hybridation des orbitales fait croître la polarité 
des molécules. Ainsi, la polarité de la molécule d'ammoniac s'accroît 
sensiblement du fait de l'occupation par un doublet non partagé 
d'une des quatre orbitales hybrides sp*. Alors le barycentre des char- 
ges négatives subit un déplacement considérable et la polarité de 
la molécule augmente (fig. 24). 

L'importante contribution du doublet électronique non partagé 
au moment dipolaire moléculaire découle de façon évidente des ré- 
sultats de la détermination du dipôle de la molécule NF;. Il est 
établi que uxr, = 0,77-10-% C.m et l'extrémité négative du dipôle 
est dirigée vers l'atome d'azote (v. fig. 24). L'atome de fluor étant 
beaucoup plus électronégatif que l’atome d'azote, cette orientation 
du dipôle ne peut résulter que de la contribution du doublet non 
partagé à la polarité totale de la molécule. 

Polarisabilité et effet polarisant des ions et des molécules. Un ion 
ou une molécule sont déformés en champ électrique : il s'y produit un 
déplacement relatif des noyaux et des électrons. Cette déformabilite 
des ions et des molécules a reçu le nom de polarisabilité. Ce sont les 
électrons de la couche externe, liés le moins solidement, qui sont 
déplacés en premier lieu. 

À conditions égales (même rayon et même charge), la plus grande 
polarisabilité est caractéristique des ions qui ont leur couche pé- 
riphérique à 18 électrons saturée. Les ions qui possèdent tmre-couche 


$ 23] CARACTÉRISTIQUES DES MOLECULES 103 


externe à 18 électrons non saturée sont moins polarisables ; le sont 
encore moins les ions qui ont la structure des gaz rares à 8 électrons. 

Lorsque la structure des couches électroniques est la même, la 
polarisabilité des ions décroît parallèlement à l'augmentation de la 
charge positive. par exemple 


Fe- > Ne > N+> Mg?* > AI“ > Sit* 


Pour les ions issus des analogues électroniques, la polarisabilité 
augmente avec le nombre de couches électroniques, par exemple 
Li* < Nat <K* <Rb*<Cs* 

ou 


Fe- << Cl- < Br- <I- 


La polarisabilité des molécules est fonction de la polarisabilité 
des atomes constitutifs, de la configuration géométrique, du nombre 
et de la multiplicité des liaisons, etc. On ne peut comparer entre elles 
que les polarisabilités des molécules de structure analogue qui ne dif- 
fèrent que par un atome. Dans ce cas, il est possible d’assimiler la 
différence de polarisabilité entre molécules à la différence de pola- 
risabilité entre atomes. 

A l'origine d'un champ électrique peut être soit une électrode 
chargée, soit un ion *. Ainsi, un ion est capable lui-même de pola- 
riser d’autres ions ou molécules. L'effet polarisant d’un ion aug- 
mente lorsque la charge s'accroît et que le rayon diminue. Les charges 
et les rayons étant les mêmes, l'effet polarisant s’amplifie quand on 
passe des cations qui ont la couche électronique d'un gaz rare aux 
ions dont la couche externe à 18 électrons est en train de se saturer. 
Les ions qui ont leur couche à 18 électrons entièrement remplie pre- 
sentent le plus grand effet polarisant. 

En règle générale, l'effet polarisant des anions est de loin infé- 
rieur à celui des cations. On l'explique par la taille beaucoup plus 
importante de ces premiers. 

Une molécule est polarisante lorsqu'elle est polaire. Son effet 
polarisant est d'autant plus marqué que son moment dipolaire est 
plus élevé. 

Propriétés magnétiques des corps. Tout corps est soit paramagné- 
tique. soit diamagnétique. On est en présence d'un corps paramagné- 
tique lorsque ses atomes (ou molécules) possèdent un moment magné- 
tique permanent. Un corps est diamagnétique lorsque ses atomes 
n'ont pas de moment magnétique permanent. Certains solides (peu 
nombreux), dont le fer, le cobalt, le nickel, ont la faculté de s’ai- 
manter dans des conditions déterminées et de rester aimantés en 


* Les ions possèdent un champ électrique très fort. L'intensité de ce champ 
à 4 nm de l'ion porteur de la charge d’un électron est de l’ordre d'un milliard de 


V/m. Un champ de même intensite existe dans la couche bipolaire entourant une 
électrode. 


404 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTÜRE DES MOLÉCULES [CH. II 


qe 


l'absence d'un champ magnétique extérieur. On les appelle ferro- 
magnétiques. 

Les corps paramagnétiques ont la propriété d'être attirés par 
un champ magnétique, tandis que les corps diamagnétiques en sont 
re poussés. 

Les propriétés magnétiques des corps sont déterminées par les 
propriétés magnétiques des ions, des atomes et des molécules. La 
susceptibilité magnétique des atomes dépend des moments magné- 
tiques intrinsèques des nucléons et des négatons (électrons). Les mo- 
ments magnétiques des protons et des neutrons sont mille fois en- 
viron plus petits que ceux des électrons. C’est donc le moment total 
des électrons d'un atome qui détermine principalement le moment 
magnétique atomique. 

Les moments magnétiques permanents dus aux électrons sont, 
d'une part, le résultat de leur rotation sur eux-mêmes (moment ma- 
gnétique de spin) et, d'autre part, le résultat de leur mouvement orbi- 
tal autour du noyau (moment magnétique orbital). S'il y a deux élec- 
trons sur une même orbitale (la chose n’est possible que lorsque leurs 
spins sont opposés), leurs champs magnétiques se neutralisent. Si 
les moments magnétiques de tous les électrons de l’atome compen- 
sent ainsi les uns les autres (cela se produit lorsque tous les électrons 
sont appariés), le moment total est nul et l'atome est diamagnétique. 
Lorsque, dans un atome, il y a des électrons non appariés, le moment 
total diffère de zéro et l’atome est paramagnétique. 

La même chose est vraie pour les molécules. S'il y a des électrons 
célibataires dans une molécule, cette dernière est paramagnétique. 
Une molécule diamagnétique ne possède pas d'électrons non couplés. 
La contribution du moment magnétique orbital au moment magné- 
tique total créé par les électrons est peu importante. 


Le moment magnétique de spin total des électrons non appariés. exprimé 


en magnétons de Bohr, peut être déduit selon la formule p4,= V1 Œ + 2) où 
t est le nombre des électrons non appariés (t — 1, ug1= 1,73; t = 2, pe] = 
9.802 s 1= 3, pe]= 3.87; t = 4, pe] — 4,90 


Dans la plupart des cas, la méthode LV considérée plus haut 
renseigne bien sur la présence ou l'absence d'électrons célibataires 
responsables des moments magnétiques des molécules ou des ions. 
Ainsi, la plupart des combinaisons des éléments des sous-groupes 
principaux sont diamagnétiques. Sont paramagnétiques les molé- 
cules qui renferment un nombre impair d'électrons : NO, NO, CIO, 
ainsi que nombreuses combinaisons des éléments à et f. 

Dans un certain nombre de cas, la méthode LV s'avère incapable 
d'expliquer la présence de paramagnétisme : tel est le cas de la molé- 
cule O, par exemple. C'est une autre méthode de description des 
liaisons chimiques, la méthode des orbitales moléculaires (OM), 
qui en fournit une explication. 


$ 24] LIAISON HYDROGÈNE 105 


& 24. Liaison hydrogène. La liaison hydrogène est une forme 
particulière de la liaison chimique. On sait que les combinaisons de 
l'hydrogène avec des non-métaux hautement électronégatifs, tels 
F, e N, ont des températures d'’ébullition anomalement élevées 
(en ‘C): 


HO an a 100 ER 19 
HS ee Li su —60 HCI ....... —84 
HS ....... —4i HBr 44 2 40 —67 
HiTe: 4 0.2. 20 NÉ ie 0 2: —35 


Si la température d’ébullition décroît régulièrement dans la série 
H,Te-H.Se-H,sS, elle s'accroît brusquement quand on passe de H,S 
à H,0. On observe la même situation dans la série des halogénures 
d'hydrogène. C’est le signe d'une interaction spécifique entre les 
molécules de H,0 ou celles de HF. Cette interaction doit empêcher 
le détachement des molécules les unes des autres: diminuer leur 
volatilité et, par là, élever la température d'ébullition des corps 
correspondants. Suite à une grande différence d’électronégativité 
entre les atomes, les liaisons chimiques H—F, H—O, H—N sont 
très polarisées. L’atome d'hydrogène porte donc une charge effec- 
tive positive + 6 ; les atomes F, O et N, porteurs d’un excès de densité 
électronique, sont chargés négativement. L'interaction coulombienne 
fait que l’atome d'hydrogène positif d’une molécule est attiré vers 
l'atome électronégatif d’une autre molécule. Une attraction s'exerce 
donc entre les molécules (les pointillés représentent les liaisons hy- 
drogène) : 


+06 
H 
OS N +0 —0 +6 —8 +6—0 
O—H” OH H—F...H—F...HF 
NN; —0 
H 
+0 


On donne le nom de liaison hydrogène à la liaison formée au moyen 
d’un atome d'hydrogène faisant partie d’une des deux particules liées 
(molécules ou ions). 

L'énergie de la liaison hydrogène (21 à 29 kJ/mol) est environ 
10 fois moins élevée que l'énergie d’une liaison chimique ordinaire. 
Et pourtant, cette liaison est à l’origine de l'existence à l'état va- 
peur des molécules dimères (H:0):, (HF), ainsi que 


O—H---0 
H—c” \c-H (dimère de l'acide formique) 
O-.--H—-H 


406 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLECULES [CH. II 


Il existe aussi des liaisons hydrogène intramoléculaires. Ainsi, 
dans l'aldéhyde salicylique 


il se forme une liaison hydrogène intramoléculaire entre le groupe 
hydroxyle et l'oxygène carbonylique. L'existence d’une telle liaison 
se manifeste dans le fait que le point d'ébullitionte cet aldéhyde 
(1,6 °C) est de loin inférieur à celui de son isomère, le p-hydroxyben- 
zaldéhyde (116 “C). Un point d'’ébullition aussi élevé s'explique, 
chez ce dernier, par l'existence de chaînes polymères 


formées à l'aide de liaisons hydrogène. 
Les liaisons hydrogène ont également un grand rôle biologique. 
En particulier, elles assurent la formation de la double hélice des 


acides nucléiques, responsable de la transmission d’information 
dans l'organisme vivant. 


$ 25. Description de la liaison chimique dans la méthode des orbitales 
moléculaires (OM). Les chimistes se servent largement de la méthode des liaisons 
de valence (LV). Dans cette méthode. une molécule complexe est considérée en 
tant qu'un assemblage de liaisons dicentriques et diélectroniques isolées. On 
suppose que Îles électrons responsables de la liaison chimique sont localisés 
entre deux atomes. La méthode LV est bien applicable à la plupart des molécu- 
les. Mais il y a des molécules auxquelles cette méthode ne peut être appliquée 
ou bien les résultats qu'elle fournit ne retrouvent pas l'expérience. 

Il est établi que dans certains cas, ce ne sont plus les doublets électroni- 
ues, mais des électrons isolés qui jouent le rôle déterminant dans la formation 
e la liaision chimique. L'existence même de l'ion HŸ témoigne de la réalité 

d'une liaison chimique formée par un seul électron. Lorsque cet ion se forme 
à partir d'un atome d'hydrogène et d'un ion hydrogène. il se dégage une énergie 
de 255 kJ:mol. L'ion H}? présente donc une liaison chimique assez solide. Si l’on 
essaie de décrire la liaison de la molécule d'oxygène suivant la méthode LV, 
on arrivera à la conclusion que. premièrement. cette liaison est double (a et x) 
et que. deuxiémement,. tous les électrons de la molécule d'oxygène sont appariés : 
la molécule O, serait donc diamagnétique. Or. des résultats expérimentaux 
montrent que si. d'après son énergie, la liaison dans la molécule d'oxygène 
est double, la molécule n'est pourtant pas diamagnétique. mais paramagnétique. 
Elle comporte deux électrons non appariés. La méthode LV est incapable d ex- 
pliquer, ce fait. 

On considère aujourd'hui comme le meilleur procédé de traitement quanto- 
mécanique de la liaison chimique la méthode des orbitales moléculaires (OM). 
Mais elle est beaucoup plus compliquée que la méthode LV et moins évidente 
que cette derniére. DA 


$ 25] LIAISON CHIMIQUE DANS LA MÊTHODE OM 407 


Selon la méthode OM, tous les électrons d’une molécule se trouvent sur 
des orbitales moléculaires. Dans cette méthode, on part des fonctions d'onde 
des électrons isolés. L'orbitale moléculaire (OM) que l'électron occupe dans la 
molécule est définie par la fonction d'onde Ÿ correspondante. 

Types des orbitales moléculaires. Lorsque l'électron d'un atome se rappro- 
chant d'un autre atome commence à subir l'influence de cet autre atome, le 
caractère de son mouvement et, donc. sa fonction d'onde varient. On ne connaît 
pas les fonctions d’onde (orbitales des électrons) de la molécule qui s’est formée. 


Fig. 25. Recouvrement des fonctions d'onde des atomes d'hydrogène lors de 
l'addition (a) et de la soustracion (b) de ces fonctions : 
1 — fonction d'onde atomique : 2 — fonction d'onde moléculaire 


a) b) c) 
{s 15 6! Ca 


Fig. 26. Formation des orbitales liantes o, (b) et antiliantes ©, (c) à partir 
des orbitales atomiques 1s (a) 


Il existe plusieurs procédés de détermination de la forme des orbitales moléculai- 
res en partant des orbitales atomiques connues. Le plus souvent, on les obtient 
par combinaison linéaire des orbitales atomiques (LCAO *). Sous sa forme graphi- 
que la plus simple. une orbitale moléculaire représentée en tant que combinai- 
son lineaire d'orbitales atomiques s'obtient en additionnant ou en soustrayant 
les fonctions d'onde que l'on trouve sur la figure 25. 

Des OA sont aptes à former des OM lorsque elles ont des énergies voisines 
et la même symétrie par rapport à l'axe de liaison. Considérons quelques exem- 
ples de formation d'orbitales moléculaires. Les fonctions d'onde (orbitales) 1s 
de l'hydrogène peuvent donner deux combinaisons linéaires: soit par addition 
(fig. 25. a). soit par soustraction (fig. 25. b). Lorsque les fonctions d'onde s’ad- 
ditionnent. la densité du nuage électronique, proportionnelle à wŸ?, s'accroît 
dans la zone de recouvrement. Une charge négative excédentaire apparaît 
alors entre les noyaux atomiques et les attire l’un vers l'autre. Les orbitales 
atomiques de deux atomes d'hydrogène sont présentées sur la figure 26, a. 


* Suivant l'expression anglo-saxonne linear combination of atomic orbitals. 
(N.d.R.) 


408 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLÊCULES [CH. II 
RÉ 


L'orbitale moléculaire de la molécule d'hydrogène obtenue par addition des 
fonctions d'onde des atomes d'hydrogène, est dite liante (fig. 26. b). Lorsque 
les fonctions d'onde sont soustraites, la densité du nuage électronique dans la 
zone internucléaire devient nulle et ce nuage est « expulsé » de la région intera- 
tomique. L’orbitale moléculaire qui s’est ainsi formée ne peut lier les atomes 
(fig. 26, c): elle est antiliante. 

Les orbitales s de l'hydrogène ne formant que des liaisons ©, les OM obtenues 
reçoivent les désignations o1 (fig. 26. b) et ©, (fig. 26. c). Les OM formées à 
partir d'orbitales atomiques 1s sont désignées par o1 Î{s et oà 1s. 

L'énergie potentielle (et totale) des électrons d’une OM liante se trouve 
inférieure, et celle des électrons d'une OM antiliante supérieure à l'énergie des 


ä Oanis De 


/ 
= \ 
\ H 
Orbitale /  Orbitale 


atomique \ ” atomique 


Accroissement d'énergio 


3,1 


Orbitales moléculaires 


Fig. 27. Variation de l'énergie des orbitales atomiques au cours de la forma- 
tion des orbitales moléculaires liante et antiliante 


électrons des orbitales atomiques (fig. 27) *. L'’accroissement de l'énergie des 
électrons sur les orbitales antiliantes est quelque peu supérieur, en valeur 
absolue, à la diminution de leur énergie sur les orbitales liantes. L'électron 
se trouvant sur une orbitale liante assure la liaison entre les atomes en stabili- 
sant la molécule, tandis que l’électron d'une orbitale antiliante déstabilise la 
molécule en affaiblissant la liaison entre ses atomes. 

Des OM se forment également à partir d’orbitales 2p de même symétrie. 
Les orbitales o liante et antiliante issues des orbitales 2p situées sur l'axe des z 
(fig. 28, a) sont désignées respectivement par oj2p. et Oa2p4; les orbitales x 
liante et antiliante (fig. 28. b). par x12p, et ra2p.. Les orbitales x 2py et Ta2Py 
se forment de façon analogue. En haut de la figure 29 on trouvera Île diagramme 
des énergies relatives des orbitales moléculaires issues des orbitales atomiques 2p. 
Les OM peuvent se former à partir d'orbitales de nature différente, mais obliga- 
toirement de la même symétrie par rapport à l'axe de liaison. Les orbitales 
moléculaires liantes et antiliantes issues d'orbitales s et p,. sont représentées 
sur la figure 28, c. I] découle des figures 27 et 29 que le nombre des OM est 
égal à celui des OA participant à la formation des liaisons chimiques. 

Système d'orbitales moléculaires. Les orbitales atomiques <se combinent en 
un système d'orbitales moléculaires. La figure 27 présente le jeu des OM issues 
des orbitales 1s; la figure 29. les OM qui se forment à partir des orbitales atomi- 
ques 2s et 2p de la deuxième couche électronique. 11 est à noter que l’orbitale 
©]2s et l’orbitale o,2p. sont situées dans un même espace. Suite à la répulsion 
entre électrons. l'énergie de l'orbitale o,2p. se trouve parfois supérieure à l’éner- 
gie des orbitales x12p, et xji2p, (fig. 30). 


* Dans la méthode OM, les orbitales, moléculaires comme atomiques, sont 
figurées par des traits. Le nombre des traits correspond au nombre des ogbitales. 


b) 


Fig. 28. Différents cas de formation d'orbitales moléculaires liantes et anti- 
liantes : 
a — OMo, et 0, à partir d'OA p; c — OMn, et «4, à partir d'OA p; b — OMo, 
et 01 à partir d'OA pets 


Ga 2Pz 
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9-5 


Fig. 29. Schéma des orbitales moléculaires pour les molécules formées par les 
éléments de la deuxième période 


410 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLÉCULES [CH. I] 


Remplissage des orbitales moléculaires. Les électrons remplissent les orbita- 
les moléculaires dans l’ordre de l'énergie croissante des orbitales. Dans le cas 
où l'énergie des OM est identique (orbitales x, ou x), le remplissage se pro- 
duit suivant la règle de Hund de telle manière que le moment de spin de la 
molécule soit maximal. Chaque OM, ainsi qu'une OA, ne peut contenir plus 


ay 
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Fig. 30. Schéma des orbitales moléculaires tenant compte de l'interaction des 
orditales o,2s et o12p, 


de deux électrons. Comme nous l'avons déjà mentionné, les propriétés magnéti- 
ques des atomes ou des molécules sont déterminées par la présence ou l’absence 
d'électrons non appariés: s’il y en a. la molécule est paramagnétique; s’il n°y 
en a pas. elle est diamagnétique. 

Examinons l'ion H*, 


| i 
OM de H; 


Sur ce schéma l'unique électron de l'ion est logé sur l'orbitale moléculaire 
0j. 11 s’agit d'un composé stable: l'énergie de liaison est égale à 255 kJ/mol, 
la longueur de liaison à 0,106 nm. L'ion moléculaire H* est paramagnétique. 
En admettant que la multiplicité d’une liaison est définie par le nombre de 
doublets électroniques, la multiplicité de liaison dans /* est égale à 1/2. Le 
processus de formation de H peut s'écrire comme suit: 


H{1s'] + H*{1s°] — Hi [(o115)!] 


Cette notation signifie que l'orbitale moléculaire oj, issue d'orbitales 
atomiques 1s, renferme un électron. / 


$ 25] LIAISON CHIMIQUE DANS LA METHODE OM iii 


La molécule d'hydrogène ordinaire 


OM de Ha 


renferme déjà deux électrons de spins opposés sur l’orbitale 0) 1s: 
2H{1s) —+ H2[(o11s)°] 
L'énergie de liaison dans H, (435 kJ/mol) est plus grande que dans Hi. 
D'autre part, cette première liaison est plus courte (0,074 nm). C’est une liaison 


simple et la molécule H, est diamagnétique. 
L’ion moléculaire He*# 


He(1s] + He*[1s!] —+ He: [(0,1s)}*(0a1s)1] 


possède déjà un électron sur l'orbitale o,1s: 


VA de Hed lOA de Ho* 


il 
OM de He, 


L énergie de liaison dans He (238 kJ/mol) est moins élevée que dans H.. 
alors que la longueur de liaison (0,108 nm) est plus importante. La multiplicité 
de cette liaison est égale à 1/2 (demi-différence entre les nombres des électrons 
sur les orbitales liantes et antiliantes). 

La molécule hypothétique He, 


OA de He | OA de He 
OM de He, 


aurait deux électrons sur l'orbitale oj1s et deux électrons sur l’orbitale o, fs. 
Comme un électron sur une orbitale antiliante annule l'effet liant d'un électron 
sur une orbitale liante, la molécule He, ne peut exister. La méthode LV conduit 
à la même conclusion. 

Le Tableau 10 montre l’ordre de remplissage des orbitales moléculaires 
pour les molécules des éléments de la deuxième période. 11 découle des schémas 
présentés que les molécules B, et O, sont paramagnétiques et que la molécule 
Be, ne peut exister. 


1412 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLECULES [CH. II 


Tableau 10 
Ordre de remplissage des orbitales moléculaires 


\ 
Lui, feel [ne Lo feu co [vo | not 


Multiplicité 

de lia's0on 
Energie de liai- 
son, kJ/mol 


La formation des molécules à partir des atomes des éléments de la deuxième 
période peut ètre écrite de la façon suivante (A étant les couches électroniques 
internes) : 


Lis: 2Li[K2st] — Li.[ A A(o12s)°] 

Be, : 2Bel A2s°] + Be.l À K(o,2s)2(0,2s)°] 

B.: 2B[K2s*2p1] + BK A(o12s)* (0325) (t12py) (x12p :)!] 

C2: 2CTK2522p°?] + CA A (0125) (6,25) (112p)*] 

Ne: 2N[K2s22p9] + N{K K(o125)*(0,2s)*(r12p) (012p.)°] 

O,: 20[K2s°2p}] + OA A (0125) (0425) (t12P) (012P2) (ta 2P y) (Ha2P z)!] 
Fo: 2F{A2s32p5] — FA K A(o12s)?(0,2s)*(t12p)*(o12P+)* (fa 2p)t] 

(Ne): 2Nel[ A2s2p5] + Nef KÆK(o12s)=(0,2s)*(x2p) (012p.) (ta2p)*(02p,)? 


Propriétés physiques des molécules et méthode OM. La réalité des orbitales 
moléculaires liantes et antiliantes est confirmée par les propriétés physiques 
des molécules. La méthode OM prédit que les potentiels d’ionisation molecu- 
laires doivent être supérieurs aux potentiels d’ionisation atomiques lorsque, 
au cours de la formation d'une molécule, les électrons se logent sur des orbitales 
liantes. Les potentiels moléculaires seront inférieurs aux potentiels atomiques 
si les électrons occupent des orbitales antiliantes. Comme le montre Le Ta- 
bleau 11. les potentiel: d'ionisation des molécules d'hydrogène et d'azote (orbi- 
tales liantes) sont plus élevés que les potentiels d’ionisation des atomes d’hydro- 
gène et d'azote. alors que les potentiels d’ionisation des molécules d'oxygène 
et de fluor (orbitales antiliantes) sont moins élevés que les potentiels des atomes 
correspondants. Lorsqu'une molécule s’ionise, sa liaison devient moins solide si 
l’électron détaché a appartenu à une orbitale liante (H., et N,) et plus solidé si 
l'électron a quitté une orbitale antiliante (O0, et F;). 


113 


LIAISON CHIMIQUE DANS LA METHODE OM 


& 25] 


089 | 6901! — | #67 | S6z | 076 | SE | SUH} FYOr 001 96L yO£ | 1€9 | L8S | O8 | SGG | UONB1908 


-sIp ap 
o]41ou 
A —  —_—_—_——— 

O+4N kO+N=1:0+9=10+:9= : : : : ; 

= #$O0N — #O0N — 409 +09 | +4 +0 =N I+N +H 


eZ ——_—_]_—…——— 


suOI 
A 
216 | 1G€1] OSFT] ESS] OLTII OOSF) S8Y1 0801 | OL9F | | OICH | 06€+ | OISE 
J | e | | O | N | H UOI)USIUOI ,P [911U9)04 
S0[N99104 sW0]Y 


Suof 39 sa[nogjotu ‘sawuoju sonbjonb op uojiujooss;p op sajfioug 39 uOJ)USJu0;,p S[21)1U9)0q 


IT nv] vu 


8—01151 


114 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOL£ÉCULES (CH. II 


% 


Molécules diatomiques à atomes différents. Les orbitales moléculaires pour 
les molécules à atomes différents sont construites de façon analogue. à condition 
que les potentiels d'ionisation des atomes de départ sont suffisamment voisins. 
On a représenté sur la figure 31 le diagramme de formation des OM et de leur 
remplissage par électrons pour la molécule CO. Les énergies des orbitales atomi- 


+ + 


OA de C OM de CO OA d'o 


Fig. 31. Diagramme des orbitales moléculaires pour la molécule CO 


1 
| 
| 


== es ouf 


OA de N OM de NO OA d'O 
Fig. 32. Diagramme des orbitales moléculaires pour la molécule NO 


ques de l'oxygène les situent plus bas que les orbitales correspondantes du 
carbone. Ces énergies se trouvent plus près du noyau, car l'oxygène possède 
un potentiel d'ionisation plus élevé que celui du carbone. Les 10 électrons des 
couches périphériques des atomes de départ remplissent l’orbitale liante oj2s 
et l'orbitale antiliante o,2s, ainsi que les orbitales liantes x7,2p et o,2p.. La 
molécule CO s'avère isoélectronique par rapport à la molécule N,. L'énergie de 


$ 26] INTERACTION ENTRE MOLÉCULES 415 


liaison des atomes dans la molécule CO (1105 kJ/mol) est même plus élevée que 
dans la molécule d’azote (940 kJ/mol). La liaison C—0O est longue de 0,113 nm, 
La molécule NO (fig. 32) NIK2s22p3] + O[ A2s°2pt] = NO[KK(o12s)? 
(Ga2s)*(t12p)*(o12px)*(xa2p)] possède déjà un electron sur une orbitale anti- 
liante. L'énergie de liaison dans NO (680 kJ/mol) est donc moins importante 
que celle dans N, ou CO. Lorsqu'un électron quitte la molécule NO (ionisation 
en NO*), l'énergie de liaisons augmente jusqu'à 1050-1080 kJ/mol. 
Examinons la formation des orbitales moléculaires dans la molécule de 
fluorure d'hydrogène HF (fig. 33). Le potentiel d’ionisation du fluor (17,4 eV, 
soit 1670 kJ/mol) étant supérieur à celui de l'hydrogène (13,6 eV, soit 


Ed Ca 1S2P, \ 


: 7 Se 
\ \ F 
“ Non liante \ 
1 1 
Ne D ne 
» Non liante ,” 


\ + FA 2 
G} 1s Pr 


Fig. 33. Diagramme des orbitales moléculaires pour la molécule HF 


1310 kJ/mol), les orbitales 2p du fluor possèdent une moindre énergie que l’or- 
bitale 1s de l'hydrogène. Suite à la différence considérable de leurs énergies, l’or. 
bitale 1s de l'atome d'hydrogène et l’orbitale 2s de l'atome de fluor n’entrent 
pas en interaction. Ainsi, l’orbitale 2s du fluor devient, sans subir aucune modi- 
fication, OM dans HF. Les orbitales de ce type sont dites non liantes. Les orbi- 
tales 2p, et 2p. du fluor ne peuvent non plus interagir avec l'orbitale fs de 
l'hydrogène suite à leur symétrie différente par rapport à l'axe de liaison. Elles 
deviennent également des orbitales moléculaires non liantes. Une OM liante 
et une OM antiliante se forment à partir de l'orbitale Îs de l'hydrogène et de 
l'orbitale 2p, du fluor. Les atomes d'hydrogène et du fluor sont joints par une 
liaison à 2 électrons, d’une énergie de 560 kJ/mol. 


$ 26. Interaction entre molécules. Plus haut ($$ 18, 19), nous avons 
parlé des liaisons responsables de la formation de molécules à partir 
d’atomes. Or, une interaction existe également entre les molécules. 
Cette interaction est à l’origine de la condensation des gaz et de leur 
transformation en corps liquides et solides. Van der Waals fut le 
premier à donner une formulation (en 1871) aux forces d'interaction 
des molécules. On les appelle aujourd'hui forces de Van der Waals. 
On distingue parmi elles les forces d'orientation, d'induction et de 
dispersion. 
Les molécules polaires, suite à l’interaction électrostatique des 
extrémités opposées des dipôles, s’orientent dans l’espace de telle 
sorte que l'extrémité négative du dipôle d’une molécule fasse face à 
l'extrémité positive d’une autre molécule (fig. 34, a). L'énergie de 


$S* 


116 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLÉCULES [CH. IT 
CE PS Re EE EE 


cette interaction est déterminée par l’attraction électrostatique des 
deux dipôles. Plus le dipôle est grand, plus l'attraction intermolé- 
culaire est élevée. 

Une molécule polaire peut faire croître la polarité des molécules 
voisines. En d’autres termes, le dipôle d’une molécule provoque l’ac- 
croissement du dipôle d’une autre molécule, et une molécule non 
polaire peut devenir polaire (fig. 34, b). Le moment dipolaire qui 


. ; 9 (XD 
Nr x © © 
EXD HO œ, 


Fig. 34. Forces d'interaction entre molécules : 
a — d'orientation ; db — d'induction ; e — de dispersion 


résulte de la polarisation par une autre molécule ou un ion est appelé 
moment dipolaire induit, le phénomène portant le nom d’induction. 
De cette manière, l’interaction d’induction se superpose toujours à 
l'interaction d'orientation. 

On n'’observe aucune interaction d'orientation ou d’induction 
chez les molécules non polaires (H,, N.) ou chez les atomes des gaz 
rares. Or, on sait que l’hydrogène, l'azote et les gaz rares se liqué- 
fient. Pour expliquer ces faits, London introduisit en 1930 la notion 
de forces intermoléculaires de dispersion. Ces forces agissent entre tous 
les types d’atomes et de molécules, indépendamment de leur struc- 
ture. Elles sont provoquées par les moments dipolaires instantanés 
qui surgissent de façon concertée dans un grand groupe d’atomes 
(fig. 34, c). L'orientation de ces dipôles peut varier à chaque instant 
donné, mais leur apparition concertée assure des forces d'interaction 
faibles qui conduisent à la formation de corps liquides et solides. 


$ 27. Liaison métallique. Les structures cristallines des métaux 
ont pour trait caractéristique le déplacement libre de leurs électrons 
dans tout le volume du métal. L'’opacité, l'éclat « métallique » et 
une bonne conductivité électrique des métaux sont le résultat de ce 
déplacement libre des électrons. Lorsque des atomes métalliques se 
lient entre eux (liaison métallique), leurs électrons se trouvent ap- 
partenir à tous les atomes du cristal : ils ne sont plus sur leurs orbi- 
tales atomiques, mais sur des orbitales « moléculaires ». 

La liaison métallique est une liaison où les électrons de chaque 
atome isolé appartiennent à tous les atomes qui sont en contact. 
Cela assure un meilleur recouvrement des nuages électroniques en 


$ 27] LIAISON METALLIQUE 117 


comparaison du recouvrement électronique dans les molécules ne 
comportant que deux atomes. 

Lors de la formation d’une liaison métallique, V atomes fournis- 
sent /V orbitales « moléculaires ». Si la différence d'énergie entre 
« la plus basse » et « la plus haute » orbitale est égale à AE (plusieurs 
volts), la différence énergétique entre deux orbitales voisines sera 
donnée par AE/N (N étant de 
l’ordre du nombre d’Avogadro: 
6,02-10%). On voit que cette 
différence est très petite (près de 
10-% V) et que les électrons n’é- 
prouvent aucune difficulté à passer 
d'une orbitale « moléculaire » sur 
une autre, ce qui leur permet de 
se déplacer dans le volume du 
métal. 

A la place de l'unique niveau 
électronique de l'atome, le métal 
condensé dispose de toute une 
zone (bande) d'énergie constituée ra pu 
par les orbitales « moléculaires » 


KA 
& Une 


très rapprochées. 
Lorsque le nombre des atomes 
en interaction est suffisamment 


Fig. 35. Formation et recouvrement 
des bandes énergétiques dans le cris- 
tal de sodium en fonction de la dis- 


grand, on y trouve des orbitales tance interatomique 


électroniques dont l'énergie se rap- 

proche de celle des orbitales électroniques des atomes isolés. Cela 
veut dire que certains atomes du métal (atomes non ionisés) n'ont 
pas mis en commun leur électron. 

Les diverses approches théoriques de l’étude des solides ont pour 
principe fondamental l’idée de bande électronique d'énergie. De même 
que dans l’atome isolé il y a des niveaux d'énergie permis et inter- 
dits où les électrons se logent, le cristal met à la disposition des 
électrons des bandes permises ou interdites par énergie. 

La scission en bandes des niveaux électroniques d'énergie se 
produit lorsque les atomes isolés se rapprochent pour former un cris- 
tal. Avec la variation de la distance il apparaît des bandes d'énergie 
qui correspondent à tel ou tel type d'orbitales. Outre cela, à une 
distance déterminée ces bandes commencent à se recouvrir. L’ap- 
parition et le recouvrement des bandes énergétiques en fonction de 
la distance interatomique sont schématisés sur la figure 35 pour le 
cristal de sodium. Au fur et à mesure que les atomes se rapprochent, 
les niveaukélectroniques discrets commencent à se transformer en 
bandes énergétiques. Le processus débute par les orbitales périphéri- 
ques, les plus éloignées du noyau. Les atomes se rapprochant encore 
plus, on voit se recouvrir les bandes énergétiques voisines. La valeur 


118 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLECULES , [CH Il 


de r, caractérise la distance interatomique dans le cristal de sodium 
complètement formé. Notons que les niveaux énergétiques internes 
1s, 2s, 2p ne se scindent en bandes qu’à des distances inférieures à rs. 

La théorie des bandes d'énergie fournit une explication concrète 
de certaines propriétés des métaux, telles que leur conductivité calo- 
rifique et électrique. C’est la liberté relative de déplacement, dont 
jouissent les électrons dans le cristal, qui détermine ces propriétés 
des métaux. Ainsi, l'électron soumis à une force qui correspond à 
la tension appliquée commence à se mouvoir et son énergie cinétique 
augmente. Cela permet à l’électron de passer à un niveau énergétique 
plus élevé. Comme la différence d'énergie entre niveaux est très fai- 
ble, le mouvement de l’électron commence déjà à une intensité très 
basse du champ électrique. 

L’atome de sodium a la configuration électronique Na 1s°2s?2pf3st. 
Posons qu’un cristal correspond à une mole de sodium. Dans ce cas, 
la bande électronique formée par les électrons 3s renferme NV ve 
et V électrons. V niveaux peuvent contenir au maximum 24 élec- 
trons. La bande 3s n'est donc remplie qu’à moitié. Par conséquent, 
en champ électrique les électrons se déplaceront sans problèmes en 
occupant les niveaux vacants de la même bande 3s; même si cette 
zone ne présentait aucun recouvrement avec la bande 3p, le sodium 
serait un bon conducteur d'électricité. Il l’est à plus forte raison en 
présence de ce recouvrement. 

Indiquons pour conclure que dans les métaux la bande où se trou- 
vent les électrons de valence n’est normalement remplie qu'en partie 
ou bien se recouvre avec la zone vacante la plus voisine. Parfois, 
comme dans le sodium, les deux versions coexistent. 


$ 28. Semiconducteurs et isolants.On sait que chaque atome de 
silicium est tétraédriquement entouré par ses voisins. Sa structure 
cristalline rappelle celle du diamant. Tout atome de silicium est lié 
à d’autres atomes de silicium par quatre liaisons équivalentes. Les 
liaisons chimiques sont réalisées à l’aide d'orbitales hybrides du 
type sp. 

A la différence des métaux, la scission en bandes des niveaux élec- 
troniques d’énergie dans le cristal de silicium présente une particu- 
larité (fig. 36). Au cours de la formation du réseau cristallin à partir 
d’atomes, à une certaine distance r” (r° > r,) il se produit une hy- 
bridation d’orbitales selon le type sp*, ce qui donne l'unique bande de 
valence hybridée sp. Dans une mole de silicium cette zone peut con- 
tenir au maximum 8 électrons. Tous ces électrons participent à 
la formation de liaisons chimiques entre les atomes voisins. 

Une autre particularité de la structure en bandes du silicium con- 
siste en ce que la zone 4s, vacante, ne se recouvre pas avec la bande 
de valence lorsque les distances interatomiques r = r,, mais en est 
séparée par une zone d'énergies interdites (bande interdite) A£. Les 


& 28] SEMICONDUCTEURS ET ISOLANTS 119 


électrons qui se trouvent dans la bande de valence ne peuvent par- 
ticiper à la conduction électrique, car ils sont tous engagés dans 
la formation de liaisons chimiques. Pour conférer au silicium une 
conduction électrique, il faut faire passer ses électrons dans la 
zone 4s, en les dotant d'une énergie au moins égale à AE. Dans le 
cas considéré, la zone 4s est ce qu’on appelle bande de conduction. 
La zone comprise entre la limite supérieure de la bande de valence et 
la limite inférieure de la bande de conduction est dite bande interdite. 

La bande interdite est la plus importante caractéristique d’un 
corps cristallin. Suivant la largeur de cette bande, tous les corps cris- 
tallins sont divisés en métaux, semiconducteurs et isolants. Dans les 
métaux, la largeur de la bande interdite est nulle. Si elle est élevée 


Bande de conduction 
Ar 
=—=Bande de —— 


—— valence — 


Fig. 36. Formation des bandes d'énergie dans le silicium (a) et structure en 
bandes du silicium (b) 


(plus de 4 eV), un tel corps est dit isolant: ici on n'arrive pas à faire 
passer l'électron dans la bande de conduction ni en chauffant le corps 
ni en le plaçant dans un champ électrique. Les corps qui ont une bande 
interdite valant entre 0,1 et 4,0 eV sont semiconducteurs. Leur con- 
ductivité électrique est faible à la température ordinaire. [ls se com- 
portent en isolants à des températures proches de 0 K. Une tempé- 
rature élevée confère à une partie des électrons une énergie qui leur 
permet de franchir la bande interdite et la conductivité électrique 
s'accroît. [l y a ici une différence de principe entre métaux et semi- 
conducteurs: si, chez les métaux, la conductivité décroît avec l’aug- 
mentation de la température, elle croît avec la température chez les 
semiconducteurs. 
En 1819, Dulong et Petit découvrent la règle suivante: 


La chaleur atomique de la plupart des corps simples, à l’état 
solide, est comprise entre 20 et 30 J/(mol-°C) [en moyenne près 
de 25 J/(mol.°C)|]. 


420 LIAISON CHIMIQUE ET STRUCTURE DES MOLECULES (CE. 11 
om 


La chaleur atomique est le produit de la chaleur spécifique d’un 
corps simple (à l’état solide) par la masse atomique de l'élément 
correspondant. Cette grandeur étant plus ou moins constante, il 
devient possible, en mesurant la chaleur spécifique, de calculer de 
façon approchée la masse atomique. L'avantage de ce procédé de 
détermination des masses atomiques consiste en ce qu’il est appli- 
cable aux solides. 

Il est à noter que cette règle est valable aussi bien pour les mé- 
taux qui ont des électrons libres que pour les non-métaux qui n’en 
ont pas. On en tire la conclusion que la chaleur spécifique de beau- 
coup de corps simples ne dépend pas de la présence d'électrons libres. 
Or, cette conclusion contredit la théorie. Il ne reste alors qu’à faire 
l'hypothèse que le nombre d'électrons contribuant à la chaleur spé- 
cifique est de loin inférieur à celui des électrons de valence. Cette 
hypothèse paraît probable, mais demande une explication. 

Si l’on se réfère à la théorie cinétique classique, à zéro absolu 
tous les électrons d’un métal doivent occuper le plus bas niveau 
d'énergie ou, autrement dit, avoir une énergie égale à zéro. D'autre 
part, selon la théorie des orbitales « moléculaires » appliquée aux 
métaux, même à zéro absolu seuls deux électrons pourront occuper 
l’orbitale d'énergie minimale. Les autres électrons devront se placer 
sur des orbitales ayant une énergie plus élevée. L'énergie de ces 
électrons sera donc toujours supérieure à zéro. Lorsque la température 
monte, les électrons occupant les orbitales supérieures peuvent, en 
acquérant de l'énergie, passer sur les orbitales suivantes d'énergie 
plus élévée. Les électrons placés sur les orbitales situées plus bas ne 
peuvent (jusqu’à une certaine limite) acquérir de l'énergie, car toutes 
les orbitales supérieures voisines sont complètes. Ainsi, seuls Îles 
électrons qui se trouvent sur les plus hauts niveaux de la zone d'orbi- 
tales « moléculaires » peuvent s'approprier de l'énergie. Cela ne 
constitue qu’une partie insignifiante du nombre total des électrons 
de valence. La contribution à la chaleur spécifique totale ne sera 
donc fournie que par une faible quantité d'électrons, pratiquement 
la même pour les divers corps simples, métaux ou non-métaux. 


CHAPITRE III 


RÉACTIONS D’OXYDORÉDUCTION 


$ 29. Traits caractéristiques des réactions d'oxydoréduction. Ini- 
tialement, on appela oxydation tous les processus où il y avait ad- 
dition de l’oxygène (comme le rouillage des métaux à l'air). On don- 
nait le nom de réduction aux processus de détachement de l’oxygène 
combiné à un métal 


t 
CuO + H, — Cu + HO 


Mais, au fur et à mesure que des faits s'’accumulaient, les notions 
d'oxydation et de réduction devenaient plus générales. Le terme 
d’oxydation embrassa, en plus de l'addition de l'oxygène, le dé- 
tachement de l’hydrogène par, exemple: 


2H,S + O0. = 25 + 2H,0 


De même, on rangea parmi les processus de réduction ceux où il 
y avait addition de l'hydrogène, telle la réaction de l'hydrogène 
sur la vapeur de soufre avec formation de sulfure d'hydrogène : 


H+S=HS 


Par la suite, on rattacha aux phénomènes d’oxydation et de ré- 
duction des réactions où n'intervenaient ni oxygène ni hydrogène. 
la combustion de l'aluminium dans le brome par exemple : 


2A1 + 3Br; = 2AlBr, 


Encore plus tard, on classa dans la catégorie des réactions d'oxydation 
celles qui se produisent en solution aqueuse et s’accompagnent d'élé- 
vation du degré d’oxydation des éléments. Ainsi, en faisant passer 
du chlore à travers une solution de chlorure de fer (11), on assiste à 
la réaction 

2FeCl, + Cl, = 2FeCl, 


où le degré d’oxydation du fer passe de +2 à +3. La transformation 
inverse de FeCl, en FeCl, reçut le nom de réduction. 

Le développement de la théorie de la structure atomique créait 
la base d’une interprétation scientifique des plus diverses réactions 


422 RÉACTIONS D'OXYDOREDUCTION , {CH I 


d'oxydation et de réduction avec ou sans participation d'oxygène 
et d'hydrogène. Aujourd’hui, parmi les réactions chimiques les plus 
diverses, on dégage deux types de réactions qui diffèrent l’un de 
l’autre d’une façon essentielle. On rattache au premier type les réac- 
tions au cours desquelles le degré d’oxydation des éléments combinés 
ne varie pas. La formation de nouvelles molécules ne se produit, dans 
ces réactions, que par regroupement d'atomes ou d'ions. Parmi ces 
réactions on trouve: 
a) une grande quantité de réactions d’échange du type 


AB + CD = AD + BC 
(BaCL, + K,S0, = BaSO, + 2KCI par exemple) 


b) certaines réactions d’addition 
CaO + H,0 = Ca(OH}: V4 
c) certaines réactions de décomposition 


CaCO, = CaO + CO, 


[Il est facile de voir qu’au cours de ces réactions les éléments ne 
changent pas de degré d'oxydation. 

Il en est tout autrement dans les réactions du second type où le 
degré d’oxydation des atomes ou des ions subit des variations. Soit 
la réaction 


Zn + 2HCI = ZnCl, + H, 


On y voit participer les atomes de zinc, les ions hydrogène et 
chlore, le degré d'oxydation du zinc passant, au cours de cette réaction, 
de O0 à + 2 et celui des ions hydrogène de + 1 à 0. 

On appelle réaction d'oxydoréduction (réaction rédox) une réaction 
qui a pour résultat un changement du degré d'oxydation des éléments 
qui y interviennent. 

Le processus au cours duquel des électrons sont cédés et le degré 
d'oxydation augmente, est dit oxydation. 

Le corps comprenant un élément apte à céder ses électrons est ap- 
pelé réducteur. En cédant ses électrons, le réducteur s'oxyde. 

On appelle réduction le processus de fixation d'électrons avec di- 
minution du degré d'oxydation. 

On appelera donc oxydant le corps qui comprend un élément apte 
a fixer des électrons. En fixant des électrons, l'oxydant se réduit. 

Les atomes métalliques dont le niveau énergétique périphérique 
est pauvre en électrons (1 à 3), ont tendance à en céder au cours d'une 
réaction chimique (oxydation), alors que les non-métaux (4 à 7 
électrons sur le niveau extérieur) en fixent volontiers en se réduisant. 
Par conséquent, les atomes des métaux sont réducteurs (ils s'oxydent 


$ 30] SÉRIE DE TENSIONS 123 


en cédant des électrons) et les atomes des non-métaux sont oxydants 
(ils fixent des électrons en se réduisant)*. 

Voici quelques exemples de réactions d'oxydoréduction. 

1° Combustion du magnésium à l’air (ou dans l'oxygène): 


0) 


) 0 +2 —2 
2Mg + O, = 2Mg 

L'atome de magnésium cède deux électrons à l'atome d'oxygène. 
Ce dernier passe du degré O0 à —2 et le magnésium passe du degré 0 
à + 2. Ainsi, le magnésium s'oxyde et l'oxygène se réduit. Le mag- 
nésium est un réducteur et l'oxygène, un oxydant. 

29° Combustion du cuivre dans le chlore: 


0 0 +2 —1 
Cu + CI, = CucClIl, 

L'atome de cuivre cède deux électrons à la molécule diatomique 
de chlore. Le degré d’oxydation du chlore passe de 0 à —1, celui du 
cuivre de O0 à + 2. Le chlore, oxydant, se réduit. Le cuivre, réduc- 
teur, s'oxyde. 


3° Oxydation du chlorure de fer (II) en solution aqueuse par le 
chlore : 


+2 —! 0 ne 
2FeCl, + Cl, = 2FeCl, 

L'ion fer à double charge cède un électron à l’atome de chlore en 
passant du degré + 2 à + 3, alors que le chlore passe du degré 0 
à —1. Le chlorure ferreux qui se comporte en réducteur s’oxyde en 
chlorure ferrique FeCl;. Le chlore qui se comporte ici en oxydant, 
se réduit. 

On peut juger de l’aptitude d’un métal (ou de son ion hydraté) 


à s’oxyder (se réduire) en milieu aqueux au cours d’une réaction chi- 
mique en trouvant sa place dans la série de tensions. 


$ 30. Série de tensions. Lorsqu'on plonge une plaque métallique 
dans l’eau (ou dans la solution d'un sel du métal considéré), des ions 
métalliques se détachent de la surface de la plaque sous l’action des 
molécules polaires d’eau. Il reste alors à la surface du métal une cer- 
taine quantité d'électrons excédentaires. Les ions métalliques hydra- 
tés (entourés de molécules d'eau) demeurent à proximité de la surfa- 
ce de la plaque métallique. C’est ainsi que se crée la couche bipolai- 
re (la double couche). La différence de potentiel qui existg dans ce 
cas entre le métal et la solution est appelée potentiel d'électrode du 
métal (fig. 37). Suivant la nature chimique du métal (structure ato- 
mique, susceptibilité à l'hydratation des ions), il envoie dans la solu- 
tion telle ou telle quantité d'ions, et le nombre d'électrons demeu- 
rant à la surface métallique varie en conséquence. Ainsi, chez le 


* Des atomes non métalliques peuvent aussi servir de réducteurs : on en rc- 
parlera plus loin. 


124 RÉACTIONS D'OXYDOREDUCTION , (CH. III 


cuivre, le mercure, l’argent, l’or et quelques autres métaux cette fa- 
culté d'envoyer des ions en solution n’est que très faiblement accusée. 

La valeur du potentiel d’électrode caractérise quantitativement 
l'aptitude d’un métal à céder ses électrons, c'est-à-dire ses propriétés 


Molécule polaire d'eau 


Plaque métallique 
Ù 
Ù 


O ED > 


Fig. 37. Apparition d'une différence de potentiel entre le métal ct la solution 


réductrices. Des réactions d’oxydoréduction sont à la base de l’ac- 
tion des piles galvaniques. Connaissant les potentiels d'électrode des 
métaux, on fabrique des piles galvaniques à force électromotrice pré- 
fixée. 

Ordinairement, on détermine les potentiels d’électrode relatifs, 
car il n'existe aucune méthode de mesure directe des potentiels d’élec- 
trode des métaux. Cette détermination consiste à mesurer la force 
électromotrice d’une pile galvanique constituée par une électrode de 
référence à l'hydrogène, dont le potentiel est pris égal à zéro, et par 
une électrode en métal testé. L'électrode de référence est une plaque 
de platine revêtue d'une couche de platine finement divisé et saturé 
en hydrogène sous une pression de 0,1 MPa. Cette plaque est plongée 
dans une solution normale d'acide sulfurique. La plaque de platine 
saturée en hydrogène se comporte comme une électrode d'hydrogène. 
Près de la surface de cette électrode, un équilibre s’installe entre les 
molécules d'hydrogène, ses atomes et ses ions: 


H: = 2H 3 2H* + 2e 


$ 30] SÉRIE DE TENSIONS 125 


La différence de potentiel entre le métal plongé dans la solution 
de son sel, dont la concentration en ions métalliques est égale à 
1 mol/l, et l’électrode de référence à l'hydrogène est le potentiel nor- 
mal d’électrode, désigné par £”. La figure 38 présente le schéma de 
l'installation servant à déterminer le potentiel d’électrode du cuivre. 
On mesure à l’aide d’un voltmètre la force électromotrice de l’élément, 
égale dans le cas considéré à 0,34 V. Ainsi, le potentiel normal du 
cuivre par rapport à l’électrode de référence vaut 0,34 V. Parconven- 
tion on considère que le potentiel d’électrode a le même signe que la 


Fig. 38. Installation servant à déterminer le potentiel normal du cuivre: 
1 — solution d’un sel cuivrique ; £ — solution 1 N de H;:S0, 


charge de l’électrode correspondante par rapport à l’électrode de ré- 
férence à l'hydrogène. Les électrodes, chargées AE sont par rap. 
port à l’électrode à l'hydrogène, présentent donc un potentiel posi- 
tif. Dans le schéma examiné, les ions cuivre passent de la solution sur 
l'électrode de cuivre. Par conséquent, le cuivre a un potentiel posi- 
tif. Le Tableau 12 rassemble des potentiels normaux d'électrode re- 
latifs aux solutions aqueuses. 

Comme en témoigne le Tableau 12, l'aptitude des atomes à céder 
des électrons (oxydation) diminueetleur aptitude à en fixer (réduction) 
s'accroît parallèlement à l’augmentation de la valeur algébrique 
des potentiels normaux £. Ainsi, les atomes de fer (E — — 0,441 V) 
s'oxydent moins aisément que ceux de zinc (E = — 0,763 V), alors 
que les ions cuivre (E = 0,34 V) sont beaucoup plus faciles à réduire 
que les ions plomb (E — — 0,126). Les données présentées, relati- 
ves aux potentiels d’électrode d’'atomes et d'ions, permettent de pré- 
voir la possibilité d’une réaction d'oxydoréduction entre deux corps 
quelconques. 

En se servant des potentiels normaux d’électrode, il faut tenir 
compte des remarques suivantes. 


126 REACTIONS D'OXYDOREDUCTION (CH. III 


Tableau 12 


Potentiels normaux d'électrode à 25 °C 


Electrode Processus d'électrode Potentiel, V 
Métaux 
Zi*/Zi Zit+ezZi —3,02 
K+/K Kt+tez=kK —2,92 
Ca°*/Ca Ca**+ 2e Ca —2,84 
Na*/Na Nat+e Na —2,71 
Mg°*/Mg Mg°* + 2e = Mg —2,38 
AIS+/AI AlS+—+ 3e = Al —1,66 
Mn?+/Mn Mn°*+ + 2e = Mn —1,05 
Zn°+/Zn Zn?*+2e = Zn —0,763 
Cr3+/Cr Crst+3ez Cr —0,74 
Fe=+/Fe Fe?* + 2e = Fe ,441 
Co?+/Co Co°* + 2e = Co 0,277 
Ni?+/Ni Ni®*+2ez= Ni —0 ,23 
Sn?+/Sn Sn?*+ + 2e == Sn —0 ,136 
Pb°+/Pb Pb?*+ 2e = Pb —0 ,126 
Fe+/Fe Fest + 3e = Fe —0,036 
2H+/H, Htbez + H, 0,000 
Cu°*/Cu Cu?* + 2e = Cu 0,34 
Hg**+/Hg Hg°* + 2e = Hg 0,70 
Hg*/Hg Hg*+e = Hg 0,798 
Ag'/Ag Ag'+ez Ag 0,799 
Pt*+/Pt Pt®*+2e 2 Pt 1,20 
Auñ*/Au Au + 3e == Au 1,50 
Au*/Au Au* +e = Au 1,70 
Fe3+/Fe°+ Fei*Lezz Fe°* 0,77 
Non-métauzx 

Te/Te*- Te + 2e == Te?- —1 ,14 
Se/Se*- Se + 2e == Se°- —0,78 
S/S?- S+2e = S° —0,51 
1,/217 _ L+ezi- 0,536 
Br,/2Br- Br,+ez=Br- 1,06 
CI,/2C1- À ci+e= CI- 1 ,358 
F,/2F- LFtenF- 2,85 

© MnO;/Mn°*+ MnO: + 8H++ 5e- = Mn°* + 4H,0 1,52 


g 30] SÉRIE DE TENSIONS 127 


19 Un métal qui se trouve dans le Tableau 12 au-dessus de l'’hy- 
drogène, le déplacera lors d’une réaction de ses solutions aqueuses si 
la concentration de ces dernières en ions hydrogène est égale à 1 mol/l. 

20 Les ions métalliques situés au-dessous de l'hydrogène dans le 
Tableau 12, se réduisent (fixent des électrons) lors d’une réaction sur 
l'hydrogène. 

3° Le Tableau 12 peut servir à prévoir le sens des réactions d’oxydo- 
réduction entre tels ou tels éléments ou leurs ions. Une expérience 
nous permettra d'illustrer cette 
possibilité (fig. 39). Le bécher 7 
contient une solution d’iodure de 
potassium KI et le bécher 4 une 
solution de chlorure  ferrique 
FeCl;. Les deux solutions com- 
muniquent à travers la jonction 
liquide 2 (tube en II rempli de 
solution de KCI) qui assure la 
conduction ionique. Les élec- 
trodes de platine à sont plongées 
dans les solutions. Si l’on ferme le 
circuit en y branchant un volt- 
mètre sensible 3%, ce dernier 


Fig. 39. Appareil illustrant l'appari- 


indiquera la présence de courant 
électrique. Les électrons se dépla- 
cent de la solution d'’iodure de 
potassium vers la solution de 


tion de courant électrique au cours 
d'une réaction d'oxydoréduction : 
1, 4 — respectivement solutions de KI et 
de FeCl,:; 2 — jonction liquide ; 3 — voit- 
mètre : 5 — électrode de platine 


chlorure ferrique, c'est-à-dire des 

ions iode aux ions fer (oxydant). L'apparition du courant électrique 
dans cet élément galvanique est donc le résultat de deux demi-réac- 
tions : il y a oxydation dans le récipient 7 


21=-— 2e = I, 
et réduction dans le récipient 4 
F+ + e = Fe°* 
Les deux processus étant simultanés, on obtiendra l'équation io- 
nique de la réaction après avoir multiplié par 2 les deux membres 


de la dernière équation (afin d’égaler les nombres des électrons cédés 
et fixés) et en additionnant les équations ci-dessus : 


21- + 2Fe+ = I, + 2Fe°* 


L'équation moléculaire de cette réaction aura la forme 
2KI + 2FeCl, = I, + 2FeCl, + 2KC1 


On peut s’assurer de la présence d'iode dans le récipient Z en y 
ajoutant une goutte d'empois d’amidon (coloration bleue). La pré- 


4128 RÉACTIONS D'OXYDOREDUCTION (CH III 


sence d'ions Fe** est révélée à l’aide du ferricyanure de potassium 
(précipité bleu). 

On pouvait prévoir la possibilité de cette réaction rédox en consi- 
dérant les valeurs des potentiels d'électrode Feÿ*/Fe?+ (0,77 V) et 
1,/21- (0,536 V). 


$ 31. Variation des propriétés oxydoréductrices des éléments en 
fonction de leur structure atomique. L’aptitude des éléments chimi- 
ques à fixer ou à céder des électrons est liée à la structure des atomes 
et à leur situation dans la classification périodique des éléments. 

1° Dans les réactions chimiques, les atomes des métaux ne peu- 
vent que céder des électrons et servir de réducteurs. Les métaux al- 
calins et alcalinoterreux sont les réducteurs les plus actifs (v. Ta- 
bleau 12). 

2° Les atomes des non-métaux (le fluor excepté) peuvent se pré- 
senter soit en oxydants, soit en réducteurs, suivant les propriétés 
des corps avec lesquels ils entrent en interaction. Ainsi, le soufre 
joue le rôle d’oxydant en réagissant sur le fer F 


0 O0  +2—2 
Fe + S = FeS 
et ce même soufre s’oxyde à l’air 
0 O0  +4—2 
S + O0, = SO, 
comme un réducteur. Cependant, les non-métaux chimiquement ac- 
tifs sont surtout oxydants. On les utilise souvent comme tels dans la 
pratique (oxygène, fluor, chlore). 
3° Suivant les propriétés du partenaire, les atomes d'hydrogène 


sont également tantôt oxydants, tantôt réducteurs. L'hydrogène 
est réducteur dans la réaction 


0 0 +41 

Cl: + Ha = 2HCI 
car le doublet électronique de la molécule HCI est fortement déplacé 
vers le noyau de l’atome de chlore. Le chauffage du sodium dans un 
jet d'hydrogène conduit à l’hydrure de sodium 

0 0 +1—1 

2Na + H: = 2NaH 
Ici, le doublet de liaison est rapproché du noyau de l’atome d’hydro- 
gène qui y est au degré d'oxydation—1. Dans cette réaction, l’hy- 
drogène se comporte en oxydant. Mais la tendance à céder des élec- 
trons est plus caractéristique de l'hydrogène. C’est donc en tant que 
réducteur que l'hydrogène est utilisé dans les divers procédés chimi- 
ques, en laboratoire comme à l'échelle industrielle. 


4% Les molécules monoatomiques des gaz rares (He, Ne, Ar) ne 
manifestent guère des propriétés oxydantes ou réductrices, en accord 


6 32] PRINCIPAUX OXYDANTS ET R£EDUCTEURS 429 


avec la structure de leurs atomes (niveau énergétique périphérique 
rempli à 8 électrons). 

5° Les ions métalliques ou non métalliques sont dépourvus de pro- 
priétés réductrices lorsqu'ils sont au degré d’oxydation supérieur. 
Dans les réactions d'oxydoréduction, ces particules ne peuvent se 
comporter qu'en oxydants en fixant des électrons. Les corps compor- 
tant des ions au degré supérieur sont donc souvent utilisés comme 
oxydants: permanganate de potassium KMnO,, acide nitrique 
HNO;, bichromate de potassium K,Cr.O: et autres. 

6° Les ions positifs aux degrés intermédiaires peuvent être soit 
réducteurs, soit oxydants suivant Îles propriétés du partenaire : 


+2 (L +3— 1 
2FeCl, + Cl, = ne. (Fe°+ réducteur) 


+2 L 
FeO +- Co — e + É0, (Fe*+* oxydant) 


1° Les corps qui comportent des anions non métalliques (Cl-, 
Br-, S°-, [- par exemple) ne peuvent être que des réducteurs. 

Dans chaque période, le pouvoir réducteur des éléments décroit 
et le pouvoir oxydant s’amplifie dans l’ordre croissant des numéros 
atomiques. Ainsi, dans la deuxième période, le lithium est unique- 
ment un réducteur et le fluor uniquement un oxydant. C'est le résul- 
tat du remplissage progressif par électrons du niveau énergétique 
extérieur (l'atome de lithium ne possède qu'un seul électron, alors 
que l'atome de fluor en a sept des huit possibles sur ce niveau). 

Dans les limites de chaque sous-groupe principal, l'accroissement 
du numéro atomique s'accompagne de l’amplification du pouvoir 
réducteur, alors que le pouvoir oxydant s’estompe. Si, dans le sous- 
groupe principal du groupe VI, l’oxygène est un oxydant fort, le tel- 
lure est, par contre, un oxydant bien faible et il y a des réactions où 
il se comporte en réducteur. Les combinaisons chimiques de ces élé- 
ments présentent des caractères analogues. La valeur du rayon ato- 
mique est une des raisons qui expliquent ces variations. 


$ 32. Principaux oxydants et réducteurs. Types des réactions d'oxy- 
doréduction. Parmi les oxydants forts de large emploi pratique on 
trouve les halogènes (F,, Cl, Br., [:), l'oxyde de manganèse MnO., 
le permanganate de potassium KMnO., l'oxyde de chrome (l’anhydri- 
de chromique) CO, le chromate de potassium K,CrO, le dichrema- 
te de potassium K Cr,0., l'acide nitrique HNOs et ses sels, l'oxygè- 
ne O:, l'ozone Os le peroxyde d’ hydrogène H,0., l'acide PAU 


concentré H,$0.,, l'oxyde de cuivre Gu0, l'oxyde d'argent Ag. 0, 
9—01151 


130 R£EACTIONS D'OXYDOR£DUCTION [CH. III 


+4 +4 

l’oxyde de plomb PbO,, hypochlorites (par exemple, NaCIO) et au- 
tres combinaisons. 

Les métaux alcalins et alcalinoterreux sont de très forts réduc- 

teurs. on autres réducteurs citons hydrogène, os oxyde de 


carbone ‘Co. sulfure d'hydrogène H 6, oxyde de soufre “So... acide sul- 
fureux H.$0, et ses sels, halogénures d’ hydrogène (à l'exception du 


fluorure d'hydrogène), chlorure d’étain SnCL., sulfate de fer FeSO.. 

On distingue trois types des réactions d’ ’oxydoréduction : inter: 
moléculaires, intramoléculaires et réactions de dismutation. 

Les réactions intermoléculaires sont celles où les molécules (ato- 
mes, ions) des éléments faisant partie d'un corps (appelé oxydant) 
agissent sur les molécules (atomes, ions) d'un autre corps (appelé ré- 
ducteur) : 


+4 —! +2 0 
MnO, + 4HCI — MaCL, + Cl + 2H,0 


Dans les réactions intramoléculaires, les éléments d'un mère « corps 
changent de degré d'oxydation de telle sorte que l’un des éléments 
s'oxyde et que l’autre se réduit. Telles sont, par exemple, les réac- 
tions de décomposition du sel de Berthollet et de l’oxyde de mercure 
(IT) : 

+52 1 0 
2KCIO, — 2KCI + 30, 
+22 ) 0 
2Hg0 — 2He + O: 

Dans les réactions de dismulation, les atomes d’un méme corps réa- 
gissent les uns sur les autres de façon que les uns cèdent des électrons 
(s’oxydent) et que les autres fixent des électrons (se réduisent). C'est, 
par exemple, la dissolution du chlore dans l’eau: 


0 + 1 —1 
Cl, + H,0 = HCIO + HCI 
ou 
0 () +1 | 
CI + C1 + H,0 = HCIO + HCI 


$ 33. Equations d oxydoréduction. Toutes les réactions chimiques 
se déroulent en conformité avec la loi de la conservation de la masse 
et de l'énergie. Au cours d’une réaction d'oxydoréduction, la somme 
des charges électriques des corps de départ doit égaler la somme des 
charges des produits de la réaction, bien qu'il y ait variation des deg- 
rés d’oxydations d'éléments isolés entrant dans la composition des 
espèces réagissantes. L'équation globale d’une réaction d'oxydoré- 
duction peut être obtenue à l’aide soit de la méthode de bilan élec- 
tronique, soit de celle de demi-réactions. 


8 33] ÉQUATIONS D'OXYDOREDUCTION 131 


Dans la méthode de bilan électronique, on compare les degrés d'oxy- 
dation des atomes dans les corps de départ et les produits. L’oxydant 
doit avoir fixé autant d'électrons que le réducteur en a cédé. Les 
exemples qui suivent illustrent l'application de cette méthode. 

Lorsqu'on réunit les solutions d’iodure de potassium et de chlo- 
rure de fer (III), une réaction se produit: 


KI + FeCl, — la + FeCl: + KCI 


Les éléments soulignés ont changé de degré d'oxydation au cours 
de la réaction. Cette dernière se compose de deux processus : oxyda- 
tion des ions iode et réduction des ions fer (111). Nous exprimerons le 
passage des électrons des ions iode aux ions fer tripositifs par les 
équations électroniques : 

{ 


9 


21- — 2e = I. (oxydation) 
Fe+t + 1e — Fe°* (réduction) 


On se sert de coefficients (à gauche des équations écrites) afin de 
mettre en équilibre les nombres d'électrons cédés par les ions iode et 
fixés par les ions fer. Comme la molécule d’iode se forme après avoir 
cédé deux électrons et que l'ion fer tripositif ne fixe qu'un électron, 
on a mis à gauche les coefficients 1 et 2. Cela veut dire que deux ions 
iode sont oxydés par deux ions fer. Maintenant, on peut établir l’équa- 
tion complète de la réaction 


2KI + 2FeCl, = IL, + 2FeCl, + 2KCI 
L'oxygène oxyde l'aluminium suivant le schéma 
Al + O; > ALO; 


En écrivant l’oxydation de l’aluminium et la réduction de l’oxy- 
gène sous forme d'équations électroniques, on a: 


4 | Al — 3e = Alt  (oxydation) 
3 | O0: + 4e = 20°- (réduction) 


On a mis les coefficients 4 et 3 pour rendre égaux les nombres des 
électrons cédés par l'aluminium et fixés par les molécules d'oxygène. 
Ainsi, quatre atomes d'aluminium interagissent avec trois molécules 
d'oxygène. L’équation définitive de la réaction d'oxydation de l’alu- 
minium s'écrit donc: 

4Al + 30; — 2ALO3; 


Dans la méfhode de demi-réactions (électrono-ionique), appliquée 
aux réactions d'oxydoréduction en solution aqueuse, les coefficients 
sont trouvés à l’aide d'équations électrono-ioniques. Dans ces derniè- 
res, à la différence des équations électroniques, on écrit les ions qui 
existent réellement en solution. 

Examinons la réaction d’oxydoréduction qui a lieu lorsqu'on fait 
passer du sulfure d'hydrogène à travers une solution de permangana- 


9* 


132 RÉACTIONS D'OXYDOREDUCTION (CH. III 


te de potassium additionnée d'acide sulfurique. Dans ce cas, la colo- 
ration cramoisie disparaît et la solution se trouble, suite à la forma- 
tion de soufre libre. La première demi-réaction a pour schéma: 


HS = S + 2H+ + 2e (1) 


Ici, le sulfure d'hydrogène sert de réducteur, car il s’oxyde en cé- 
dant deux électrons. 

Parallèlement au dégagement du soufre, la solution de permanga- 
nate de potassium se décolore, car l'ion MnO;, cramoisi, se transfor- 
me en ion Mn** qui est presque incolore (rose en concentrations éle- 
vées). C’est la seconde demi-réaction 


MnO3 + 8H+ + 5e — Mn°* + 4H,0 (2) 

Les équations (1) et (2) expriment donc les demi-réactions sous 

la forme ionique. On voit que l'ion permanganate MnO: y fixe cinq 
électrons, alors que la molécule de sulfure d'hydrogène n’en cède que 
deux. Il est donc nécessaire, avant d'établir l’équation globale de la 


réaction par addition de ces deux équations, d’égaler les nombres des 
électrons cédés et acceptés : TT 


SIHS —2e  S+2H+ 
2 | MnO; + 8H* + 5e = Mn°* + 4H.0 
OH3S + 2MnO; + 161% — 5S + 10H* + 2Mn°+ + 8H,0 

Après avoir soustrait 10H+ des deux membres de cette équation, 

on obtient l'équation iono-moléculaire : 
5H.S + 2Mn0; + EH* = 5S + 2Mn°* + 8H.0 

Pour passer maintenant à l'équation moléculaire, il faut écrire à 
côté de chaque anion le cation correspondant et à côté de chaque ca- 
tion l'anion qui manque: 

5H,S + 2KMnO, + 3H,S0, = 5S + K.S0, + 2MnSO, + 8H.0 
La méthode de bilan électronique est également applicable à 


l'établissement de l'équation de cette réaction d’oxydoréduction. 
Ecrivons le schéma de la réaction 


— 2 +7 0 +2 
H,S + KMnO, -E H,S0, —+ S + K,S0, -+ MnSO, + H.0 


Puis on établit les équations électroniques en tenant corapte des 
variations des degrés d'oxydation et du bilan des électrons cédés et 
fixes : 


e 
5 S-—2e—-=S (oxydation) 
21Mn'* + 5e — Mn°* (réduction) 


L'équation globale de la réaction s'écrit : 
5H,S + 2KMnO, + 3H,S0, = 5S + 2MnSO, + K.S0, + 8H.0 


8 33] ÉQUATIONS D'OXYDOREDUCTION 133 


Une réaction d’oxydoréduction intéressante a lieu lors de la dis- 
solution du cuivre dans l'acide nitrique dilué. En établissant l’équa- 
tion globale de cette réaction, nous nous servirons d’abord de la 
méthode de bilan électronique: 


0 +5 +2 +2 
Cu + HNOs —> Cu(NO:)s + NO + H,0 
Les équations électroniques montrent les variations des degrés 
d’oxydation du cuivre et de l'azote: 


31 Cu — 2e — Cu°* (oxydation) 
2 | N$+ +- 3e  N°* (reduction) 


3Cu + 2N°+* = 3Cu°* + 2N°*+ 


Dans une équation moléculaire d'oxydoréduction, il est plus aisé 
de placer les coefficients en commençant par le second membre. 


3Cu + HNO, —+ 3Cu(NO)à ++ 2NO + H,0 


On voit que sur huit atomes d'azote deux seulement se réduisent, 
alors que les six autres restent au degré +5 et participent à la forma- 
tion du sel. L’équation globale de la réaction est donc de la forme 


3Cu + 8HNO, = 3Cu(NO,), + 2NO + 4H,0 


Maintenant, nous procéderons à l'établissement de l'équation 
globale de cette même réaction à l’aide de la méthode de demi-réac- 
tions. Les molécules (atomes) de cuivre se transforment en ions 
Cu°* qui colorent la solution en bleu: 


Cu — 2e = Cu°+ (oxydation) 
NO3 + 4H* + 3e = NO + 2H,0 (réduction) 


Egalons le nombre des électrons cédés et acceptés 


3 | Cu — 2e — Cu°* 
21 NO; + 4H* + 3e = NO + 2H,0 


Finalement, on obtient les équations globales électrono-ionique 
et moléculaire : 


3Cu + 2N0;: + 8H* — 3Cu** + 2NO + 4H,0 
3Cu + 8HNO; = 3Cu(NO3): + 2NO + 4H,0 


Considérons encore quelques réactions d’oxydoréduction se dé- 
roulant en solution aqueuse (en milieu acide, alcalin et neutre) et 
s’accompagnant d'oxydation et de réduction d'ions. Pour établir 
leurs équations globales, on se servira de la méthode de demi-réac- 
tions. 

1° Une solution orange de dichromate de potassium additionnée 
d'acide sulfurique devient verte avec précipitation d’iode lorsqu'on 


1434 RÉACTIONS D'OXYDOREDUCTION . [CE IIT 


y a ajouté une solution d’'iodure de potassium : 
K,Cr,0, + KI + H,S0, —+ Cra(SOuls + Ia + K2SO, + H,0 


{°re demi-réaction Cr:05- + 14H+ + 6e = 2C* + 7H,0 
2€ demi-réaction 21- — 2e = I. 


Pour établir une équation d'oxydoréduction entre ions en solu- 
tion, on met en équilibre le nombre des électrons cédés et fixés avant 
de faire la somme, terme par terme, des équations des demi-réactions : 


Cr:05- + 14H+ + 6e = 2C+* + 7H,0 
3|21* = 2e—1, 


Cr.03- + 14H+ + 61- = 2Cn0+ + 3L + 7H,0 
Pour passer de cette équation à l'équation moléculaire, on ajoute 
à chaque anion son cation et à chaque cation son anion: 
K,Cr,0:- + 111,80, + 6GKI = Cro(SOi)s + 3l + 4K,S0, + 1H.0 
2° Une solution alcaline de sulfate de chrome (III) est additionnée 
de peroxyde d'hydrogène. La solution verte vire au jaune, cales 


ions chrome (III) deviennent ions chromate. 
La réaction suit le schéma: 


Cro(SOs)s + KOH + H:0: 7 K,CrO, + K:SO, + H,0 


17e demi-réaction 2Cr* + 160H- — 6e = 2Cr0j- + 8H,0 
2©  demi-réaction H,0, + 2e = 20H- 


Après avoir égalé les électrons cédés et acceptés, il vient 
2CS+ + 160H- — 6e — 2Cr02- + 8H,0 
3H,0, + 6e = 60H” 
On additionne terme par terme les deux équations 
2Cr5+ + 160H- + 3H,0, = 2CrO$- + 60H- + 8H.,0 
2Cr3*+ + 100H- + 3H:09 = 2Cr0% + 8H20 
Après avoir écrit à côté de chaque anion le cation qui lui corres- 


pond et à côté de chaque cation l’anion correspondant, on a l’équa- 
tion moléculaire suivante: 


Cra(SO:)s + 10KOH + 3H,0: — 2K:CrO, + 3K:S0, + 8H,0 


3° Lorsqu'on ajoute du sulfite de potassium à une solution neutre 
de permanganate de potassium, la solution perd sa coloration, l'oxy- 
de de manganèse ([V) de couleur brune précipite. La solution a dé- 
sormais une réaction alcaline: 


KMnO, + K:SOs + H20 —+ MnOs! + K.S0, + KOH 


1°"€ demi-réaction MnOz + 2H,0 + 3e — MnO, + 40H- 
2°  demi-réaction SOS” LE H20 — 2e = S0?- + 2H* 


O1 


8 33] ÉQUATIONS D'OXYDOREDUCTION 13 


Après mise en équilibre du nombre des électrons, on a: 
2MnOz + 4H,0 + 6e = 2MnO, + 80H- 
3S03- + 3H,0 — 6e — 3S02- + 6H* 


En additionnant terme par terme ces deux équations, on obtient 
l'équation ionique globale: 


2Mn03 + 3S02- + 7H,0 = 2Mn0, + 3S03- + 6H,0 + 20H- 


Après avoir soustrait 6H,0 des deux membres de l'équation, il 
vient 


2MnO:z + 3S03%- + H4.0 = 2Mn0. + 3S02- + 20H- 
L'équation moléculaire de la réaction a la forme 
2KMnO, + 3K:S03 + H,0 = 2MnO, + 3K,S0, + 3KOH 


En partant de ces exemples de calcul des coefficients pour les 
équations moléculaires globales des réactions d'oxydoréduction, on 
peut comparer la méthode de bilan électronique et celle de demi-ré- 
actions. Dans le premier cas (bilan électronique), on exprime les 
processus d'oxydoréduction à l’aide d'équations électroniques, ce 
qui permet une simplification considérable, sans refléter toutefois 
la situation réelle. La méthode de demi-réactions présente l'avanta- 
ge de tenir compte des ions réels et de la nature du milieu (acide, al- 
calin ou neutre) au moyen des équations électrono-ioniques. 

Les réactions d’oxydoréduction sont d'un grand intérêt biologi- 
que et industriel. Des réactions d’oxydoréduction très complexes se 
déroulent dans les organismes animaux et végétaux en dégageant 
l'énergie nécessaire à leur vie. La combustion des divers combusti- 
bles, la corrosion des métaux, l’électrolyse, tous ces processus ont pour 
base des réactions d’oxydoréduction. C'est à l’aide de ces réactions 
que l’on extrait les métaux de leurs minerais. On s’en sert largement 
à l’échelle industrielle pour produire nombreux produits de valeur: 
ammoniac, alcalis, acides nitrique, chlorhydrique, sulfurique, etc. 
C'est grâce aux réactions d'oxydoréduction que l’énergie chimique se 
transforme en électrique dans les piles galvaniques et les accumula- 
teurs. 


CHAPITRE IV 


EFFETS ÉNERGÉTIQUES 
DES RÉACTIONS CHIMIQUES 


$ 34. Notions de la thermochimie. Loi de Hess. L'établissement 
d'une mesure exprimant la tendance des corps à interagir est un pre- 
blème extrèémement important. 

En 1867, Berthelot énonça un principe selon lequel l’aptitude réac- 
tionnelle des réactifs était définie par la chaleur de réaction. Ce cri- 
tère est très séduisant, car il se prête facilement à une évaluat{ôn ex- 
périmentale. En outre, il semble très plausible. En effet, plus une 
réaction dégage de chaleur, plus aisée, semble-t-il, devrait être l’inte- 
raction des corps et plus stables les produits formés. 

Le principe de Berthelot s'accorde avec le fait que les corps exo- 
thermiques (qui se forment avec dégagement d'énergie) sont, en règle 
générale, stables, résistants et peu réactifs. Par contre, les corps 
endothermiques (qui se forment avec absorption d'énergie) sont insta- 
bles et hautement réactifs. Or, malgré cette vraisemblance et cet at- 
trait du principe de Berthelot, on ne peut l'utiliser comme mesure 
de l'aptitude réactionnelle (affinité chimique) des corps. On connaît pas 
mal de réactions chimiques qui sont soit exothermiques, soit endo- 
thermiques suivant les conditions de leur déroulement. Ainsi, à 
600 °C l'hydrogène et l'oxygène réagissent avec explosion et en dé- 
gageant beaucoup de chaleur, alors qu’à 4000 “C il y a. au contraire, 
décomposition des vapeurs d’eau en hydrogène et oxygène avec ab- 
sorption de chaleur. 

L'existence de nombreux processus chimiques réversibles et de 
réactions endothermiques spontanées fait donc voir que l'effet ther- 
mique ne peut servir à mesurer l’affinité chimique dans tous les cas. 

Cependant, la chaleur de réaction est un indice de grand intérêt 
pour la chimie et la technologie chimique. Les effets thermiques des 
processus chimiques sont étudiés par la thermochimie. 

La chaleur de réaction Q est la quantité de chaleur dégagée ou 
absorbée au cours d’une réaction. L'effet thermique est positif dans 
les réactions exothermiques et négatif dans les réactions endother- 
miques. Toutes les réactions chimiques se déroulent soit à pression 
constante, soit à volume constant. Les premières sont dites isobares ; 


& 41] NOTIONS DE LA THERMOCHIMIE. LOI DE HESS 137 


les secondes, isochores. Ordinairement, la chaleur de réaction est ex- 
primée en joules et rapportée à une mole de substance. Lorsqu'une 
réaction chimique est écrite avec indication de l'effet thermique, 
c'est une équation thermochimique. Sous sa forme générale, l'équation 
thermochimique se présente comme suit: 


pour une réaction exothermique A+B- C+0Q 
pour une réaction endothermique D+L--M—(Q 


La chaleur de réaction dépend de l’état d’agrégation des réactifs. 
Voilà pourquoi, dans les équations thermochimiques, les symboles 
des réactifs sont habituellement suivis de l'indice de leur état d'ag- 
régation [A (g) pour l’état gazeux, B (s) pour l’état solide et C (1) 
pour l’état liquide]. 

Au terme d’une étude large et systématique des réactions chimi- 
ques exo et endothermiques, Hess énonça sa loi: 


L'effet thermique d’une réaction ne dépend que de l’état 
initial et de l’état final du système, quelle que soit la voie em- 
pruntée par la transition. 


En d'autres termes, l'effet thermique de toute réaction est le mé- 
me, soit que la combinaison finale se forme directement à partir des 
corps de départ, soit qu’elle résulte d’une série de réactions successi- 
ves. Illustrons-le par un exemple. La transformation du graphite en 
dioxyde de carbone peut emprunter les voies suivantes: 


C(s)—> CO, (g) 


Qù | Î @s 


—> CO (g) — 


Toutes les trois réactions sont exothermiques : 
1 
C(s) +- 0: = CO(s) + Q, 


1 
CO(g) + 7 0: — CO;,(g) + Q2 
C(s) + 0, = CO,(g) + Q 


Si les conditions d’état des corps initiaux et finals restent les mé- 
mes (même pression et même température au début et à la fin de la 
réaction), la chaleur dégagée sera identique, soit que le graphite 
s'oxyde immédiatement en CO, soit qu'il se transforme d'abord en 
CO et puis s’oxyde en CO,. On peut exprimer cet état des choses par 


l'équation 
Q mn Q: ES Q: 


Dans le cas des réactions mentionnées, on mesure aisément les 
chaleurs Q et Q,. La valeur de @, est difficile à déterminer par voie 
expérimentale, car la combustion du carbone avec un accès limité 


138 EFFETS ENERGEÉTIQUES DES RÉACTIONS CHIMIQUES , [CH IV 


d'oxygène conduit, en règle générale, à un mélange de CO et CO. 
La loi de Hess permet de calculer très facilement la chaleur dégagée 
par la réaction de combustion du carbone avec formation d'oxyde de 
carbone: c'est la différence des chaleurs Q et Q.. 

La loi de Hess se vérifie pour tout processus chimique qui s’ac- 
compagne d’une variation d'énergie. Outre les chaleurs des réactions 
chimiques, elle permet de calculer les énergies des liaisons chimiques 
ou des réseaux cristallins, la chaleur de dissolution, etc. La découver- 
te de la loi de Hess date de l’époque où l’on œuvrait à formuler la 
loi de la conservation de l'énergie. C'est là que se manifesta pour la 
première fois la propriété fondamentale de l'énergie interne d'un sys- 
tèeme d’être une fonction de l’état, c'est-à-dire l'indépendance de 
l'énergie interne du système de la voie du passage de l’état initial 
à l’état final. 


$ 35. Energie interne et enthalpie. Conformément à la loi de la 
conservation de l'énergie, pour tout processus doit se vérifier l'éga- 


lité * f 
Q = (U; — U;) + 4 = AU + À | 
où @ est la chaleur. 

U, et U, les énergies internes respectivement de l’état final et de 
l'état initial, 

A le travail. 

Cela veut dire que la chaleur communiquée à un système (en 
chimie, c’est un corps ou un ensemble de corps) est utilisée pour 
changer l'énergie interne et pour effectuer un travail. L'énergie in- 
terne est constituée d'énergies diverses: mouvement de translation 
et mouvement rotatif des molécules, mouvement oscillatoire des ato- 
mes à l’intérieur de la molécule, mouvement des électrons dans les 
atomes. Le travail en question est le travail contre toutes les forces 
qui agissent sur le système (pression extérieure, tension superfi- 
cielle, etc.). 

Pour une réaction chimique se déroulant à pression constante, 
le travail est égal au produit de la pression P par la variation de vo- 
lume 

A=P(V: — V,) 


où V. et V, sont, respectivement, le volume des produits de la réac- 
tion et le volume des corps de départ. 

Dans ce cas. la chaleur communiquée au système dans le cadre du 
processus isobare s'exprime comme suit: 


Q» = (Us — Us) + P (Va — Vi) = (Ua + PVa) — (Ui + PV) 


* Le symbole A désigne la différence. Pour les réactions chimiques, cette 
différence est trouvée en soustrayant les quantités relatives à l’état initial (aux 
réactifs de départ) des quantités relatives à l’état final (aux produits de la ré- 
action). 


$ 36] ÉNERGIE DE GIBBS ET ENTROPIE 139 


Si l’on désigne U + PV par FH, cette expression prendra la forme 
QPp = H3 — H; = AH 


La grandeur H est appelée enthalpie (des mots grecs en dans, et 
thalpein chauffer). C’est une caractéristique importante des corps. 
Ainsi, la variation de l’enthalpie des produits de la réaction par rap- 
port à l’enthalpie des corps initiaux est numériquement égale à la 
chaleur absorbée ou dégagée dans un processus isobare. 


$ 36. Energie de Gibbs et entropie. Un principe fondamental de la 
mécanique veut que tout système tende à avoir l'énergie potentielle 
minimale. Suivant la distance qui le sépare de la surface terrestre, 
chaque corps peut être caractérisé par sa réserve d'énergie potentiel- 
le. Le corps tend spontanément à s'approcher de la Terre, ce qui fait 
décroître son énergie potentielle. L'énergie potentielle sert donc de 
mesure pour la tendance des corps vers la Terre. La perte d'énergie 
potentielle ne dépend pas du trajet du corps, mais uniquement de la 
hauteur initiale et finale. 

Pour les phénomènes chimiques, il existe également une mesure de 
la force motrice des réactions chimiques. C'est l'énergie de Gibbs, 
dite également potentiel isobare-isotherme ou potentiel isobare tout 
court. Dans les processus spontanés, l’énergie de Gibbs diminue éga- 
lement en s’approchant du minimum. La variation d'énergie de Gibbs 
ne dépend pas de la voie empruntée par la réaction. Sa valeur doit 
être négative dans les processus spontanés. Par conséquent, l’inéga- 
lité AG << 0 est une condition sine qua non de la possibilité d’une 
transformation chimique. Lorsque AG >> 0, on est assuré qu'une telle 
transformation n'aura pas lieu de façon spontanée, de même qu'il 
est impossible qu'un corps se déplace de lui-même du bas vers le 
haut. 

La chaleur de réaction, sur laquelle se base le principe de Berthe- 
lot, et l'énergie de Gibbs sont liées par la relation 


AG = AH — TAS 


où Z est la température absolue, 

S l’entropie. 

L’entropie est la mesure quantitative du désordre. Voici quelques 
exemples qui nous aideront à caractériser cette notion. 

La décomposition de la vapeur d’eau à haute température suivant 
la réaction 


2H,0 — 2H; + O: 
conduit à la formation de trois molécules à la place de deux. Le sys- 


tème est devenu plus désordonné: son entropie a augmenté. Ici, 
AS a une valeur positive. 


440 EFFETS ÉNERGÉTIQUES DES RÉACTIONS CHIMIQUES , (CH. IV 


La formation de l’ammoniac à partir de l’hydrogène et de l’azo- 
te 


No + 3H, Fe 2NH; 


où quatre molécules de départ ne donnent que deux molécules, s’ac- 
compagne d une diminution de l'entropie (AS << 0). Le système est 
devenu moins désordonné. 

Lors d’une réaction chimique, la variation d'enthalpie peut être 
comprise entre 40 et 400 kJ/mol, alors que l’entropie ne peut varier 
que de 4-120 J/(mol-K). 

Deux facteurs déterminent le sens d'un processus chimique: 
Ja variation d'enthalpie et la variation d’entropie. D'une part, tout 
système tend à augmenter son entropie ; d'autre part, ce même systè- 
me tend à réduire son enthalpie. Un processus est possible ou non 
suivant les contributions respectives des composantes enthalpique et 
entropique à l'énergie de Gibbs. 

Considérons la variation d’enthalpie AH et son influence sur le 
signe de AG. Il découle de l’équation qui lie ces grandeurs Li A 
réactions s accompagnant d'un dégagement d'énergie (valeur féga- 
tive de AA) sont probables, alors que les réactions absorbant de l’éner- 
gie (AH >> 0) sont peu probables. Qui plus est, aux températures 
proches de O0 K (dans ce cas le produit T'AS s'approche de zéro) seule 
la valeur de AH détermine le signeet la valeur de AG. Par conséquent, 
la probabilité d'une réaction ne dépend, à très basses températures, 
que du signe et de la valeur de AH : autrement dit, le principe de Ber- 
thelot se vérifie dans ces conditions. 

Lorsque les températures sont voisines de la normale, le produit 
TAS reste petit devant AH pour la plupart des réactions. C’est donc 
toujours le signe et la valeur de AH qui déterminent le signe et la va- 
leur de AG à ces températures peu élevées. En règle générale, les ré- 
actions exothermiques sont possibles dans les conditions ordinaires 
de laboratoire, alors que les réactions endothermiques sont, par 
contre, peu probables dans ces conditions : elles sont caractérisées par 
une valeur positive de AH et, la contribution de T'AS étant peu impor- 
tante. leur énergie de Gibbs AG est également positive. 

A des températures élevées (7 => 1000 K), la valeur absolue de 
TAS devient supérieure à celle de A et le signe de AG dépend 
désormais du signe de T AS. Comme l'échelle Kelvin n’a que des va- 
leurs positives, le signe de AG dépend du signe de AS. Lorsque la 
variation d'entropie est positive, le terme T'AS dans l'équation AG — 
— AH — TAS devient de plus en plus négatif parallèlement à l’ac- 
croissement de la température. Voilà pourquoi, plus la température est 
élevée, plus une telle réaction est probable (si l'on suppose que 
AH ne varie pas). En réalité, AH varie en fonction de la températu- 
re, mais d’une façon insignifiante. Lorsque AS a une valeur inférieu- 
re à zéro, le terme T'AS devient positif et la réaction moins probable. 


S 37] CONSÉQUENCES DE LA LOI DE HESS 141 


Ainsi. les réactions qui conduisent à l'accroissement de l'entropie 
(celles dont les produits présentent plus de particules — molécules 
ou atomes — que les réactifs de départ) doivent être probables dans 
les conditions de très hautes températures. 

C'est aussi la raison pour laquelle la molécule d'eau se décompose 
en hydrogène et oxygène à une température très elévée. La tendance 
des molécules complexes à se décomposer en molécules simples à hau- 
tes températures est un phénomène général. C'est, par exemple, le 
principe du procédé de craquage du pétrole où, à température élevée, 
les hydrocarbures lourds se dissocient en hydrocarbures plus légers. 
A plus de 100 000 K, non seulement les molécules se dissocient en 
atomes, mais les atomes aussi se désintègrent en noyaux et électrons 
en formant le plasma. 

Il existe des tables des valeurs standards * de l'enthalpie AH,.,, 
de l'entropie S.,. et de l'énergie de Gibbs G.,. pour les corps à l’état 
normal (à une température de 25 °C et sous une pression de 0.1 MPa). 
L'énergie de Gibbs y est calculée pour les réactions de combinaison 
de corps simples. telle la formation de l'ammoniac à partir de l’azo- 
et et de l'hydrogène ou bien de l'oxyde de zinc (11) du zinc métalli- 
que et de l’oxygène. Ces données de base permettent de déterminer 
par calcul la possibilité d’une réaction. les chaleurs de réaction, 
l'énergie de liaison pour les molécules simples, etc. 


$ 37. Conséquences de la loi de Hess. Dans les calculs thermochi- 
miques, on se sert fréquemment de la notion de chaleur de formation 
AH$orm. 11 s’agit de la chaleur qui se dégage lorsque des corps sim- 
ples ont formé un corps composé. Les chaleurs de formation des corps 
simples, stables à 25 °C et sous 0,1 MPa, sont prises égales à zéro. La 
première conséquence de la loi de Hess est liée à la chaleur de forma- 
tion : 
La chaleur de réaction est égale à la somme des chaleurs de 
formation des produits de la réaction, moins la somme des cha- 
leurs de formation des corps initiaux. 


L'équation correspondante s'écrit : 
À Hréact — AH form. prod AH torm. corps init 


Cette règle offre de grandes possibilités pour le calcul thermochi- 
mique, car il y a des tables de référence où figurent les chaleurs de 
formation de nombreux composés. Supposons, par exemple, qu'on a 
à calculer l'effet thermique de la réaction de formation de l'alcool 
méthylique à partir de l'oxygène et de l'oxyde de carbone ([l): 


2H,(&) + Co(g) = CH,OH(I) AH 


réact 


_* Ona choisi comme normale (standard) la température égale à 298 K 
(25°C). 


142 EFFETS ÉNERGÉTIQUES LES RÉACTIONS CHIMIQUES [CH. IV 


Dans un ouvrage de référence * on trouve: AH ,,rm.cH:oH = 
— —238 kJ ; AHrm. co — —110 KkJ. La chaleur de formation de 
l'hydrogène, corps simple, est nulle. Par conséquent, l'effet thermi- 
que de Ja réaction AHiéaet = AHiorm. cH5oN — AH {orm. co = 
— —238 + 110 — —128 kJ. La réaction est donc exothermique. 

Souvent, dans les calculs thermochimiques, on se sert des cha- 
leurs de combustion des différents corps, dont les valeurs figurent 
également dans des tables de référence. On prend pour la chaleur de 
combustion normale la chaleur dégagée lors de la combustion du corps 
correspondant dans l'oxygène. Les conditions de la combustion sont 
choisies de façon à obtenir des produits comme CO, (g), H,0 (1), 
N, (g), halogénures d'hydrogène, etc. La deuxième conséquence de 
la loi de Hess est liée à la chaleur de combustion: 


La chaleur de réaction est égale à la somme des chaleurs de 
combustion des corps initiaux, moins la somme des chaleurs de 
combustion des produits de la réaction. 


Ainsi, le calcul de l'effet thermique pour la formation de l'oxala- 
te de méthyle à partir de l'alcool méthylique et de l'acide lt se 
présente comme suit: 

COOH COOCII, 

(S) + 2CHS$OH (D) — : (1) :-2H,0 (1) 

COON COOCH; 


Conformément à la règle ci-dessus, 


réac comb. corps init 


A, gact = M comb. H:C204 24 Hcomb. cHsOH — AA comb. (COOCH:): 


La chaleur de combustion de l'eau est, naturellement, nulle, 
car l’eau est par définition un produit final de la combustion. On trou- 
ve dans les tables de référence: AHcomb. H2C20, = —246 KkJ; 
AH com». CH30OH — —125 kJ ; AH conb. (COOCH3)2 — —1672 KkJ. 
On a donc: AH,sner — —246 — 2-725 + 1672 — —24 kJ. 

Il vaut mieux effectuer le calcul des chaleurs de réaction à l’aide 
des données de référence relatives aux chaleurs de formation. Les 
valeurs des chaleurs de combustion sont supérieures d’un ordre de 
grandeur environ à celles des chaleurs de formation. Lorsqu'on fait 
intervenir dans le calcul les chaleurs de combustion, la chaleur de ré- 
action est obtenue en tant qu’une petite quantité qui représente la 
différence entre des nombres beaucoup plus importants. La précision 
du calcul s’en ressent. 

Il existe aussi d’autres conséquences de la loi de Hess qui permet- 
tent de calculer les chaleurs de dissolution des corps, l'énergie des ré- 
seaux cristallins et l'énergie des liaisons chimiques. 

* Cf. par exemple, SpatTkiiit CHPABOUIHHK HaHKO-XHMNHICCKUX BCIHAHH 


(Mémento sommaire des grandeurs physico-chimiques). Ion pen. K. Î. Mumenko 
À. À. Papznenn JI., Xumuñ, 1974, 200 c. 


CHAPITRE V 


CINÉTIQUE CHIMIQUE 
ET ÉQUILIBRE CHIMIQUE 


$ 38. Vitesse des réactions chimiques. Loi d'action de masse. 
Un des paramètres fondamentaux des processus chimiques réalisés 
dans l’industrie est la vitesse avec laquelle ces processus s'effectuent. 
On dispose parfois d’un procédé de transformation bien simple que 
l’on ne peut pourtant appliquer, car le temps nécessaire pour obtenir 
le produit v est trop important : un tel procédé ne peut être rentable. 

La théorie relative aux vitesses des réactions chimiques est appe- 
lée cinétique chimique. La vitesse d’une réaction chimique est la varia- 
tion des concentrations des espèces réagissantes par unité de temps. 
Si, à un instant donné, une des espèces a eu la concentration C, 
(en mol/]l) * et qu'après un temps t (en s) sa concentration a diminué 
jusqu’à C; (en mol/l), c’est que pendant cet intervalle de temps, la 
réaction s’est déroulée avec une vitesse moyenne & {en mol/(l-s)]: 


Ca— Ci 


l'= 1 


Il faut savoir que la concentration des corps gazeux varie paral- 
lèlement à la pression : à une pression plus élevée correspond un moin- 
dre volume etc, donc, une concentration plus haute. 

Nombre de facteurs déterminent la vitesse de réactions chimiques: 
nature des espèces réagissantes ; leurs concentrations; catalyseurs ; 
degré de finesse (pour les solides) ; milieu (surtout pour les réactions 
ce produisant en solution); forme du réacteur (pour les réactions en 
chaîne) ; intensité de la lumière visible ou ultraviolette (pour les ré- 
actions photochimiques) ; intensité des rayons gamma (pour les réac- 
tions radiochimiques), et ainsi de suite. Les quatre premiers facteurs 
sont de la plus grande importance : on va donc les examiner de plus 
près. 


* Les concentrations des gaz sont proportionnelles à leurs pressions partiel- 
les. La vitesse d’une réaction en phase gazeuse peut donc être exprimée par la va- 
riation de pressions partielles par unité de temps. On appelle pression partielle 
d'un constituant d’un mélange de gaz la pression que ce constituant exercerait 
s'il occupait. à la même température, le même volume que le mélange entier. 


144 CINETIQUE CHIMIQUE ET EÉQUILIBRE CHIMIQUE [CH. V 


Nature des espèces réagissantes. Les deux réactions ci-dessous nous 
permettrons d'illustrer l’influence de la nature des corps en réaction 
sur la vitesse de réactions chimiques: 


2NO + O, = 2N0, 
2C0 + 0, = 2CO, 


Dans les conditions normales, l’oxyde d'azote (11) réagit avec une 
grande vitesse sur l'oxygène de l'air en se transformant en dioxyde 
d'azote de couleur brune. Dans les mêmes conditions, l’oxyde de car- 
bone (IT) n’agit pratiquement pas sur l'oxygène. Si l’oxyde de carbo- 
ne réagissait sur l'oxygène aussi vite que l’oxyde d'azote, l'intoxica- 
tion « oxycarbonée » serait inexistante. 

Concentration des réactifs. Une réaction] chimique est le résultat 
d'une collision entre les molécules, les atomes ou les ions de deux ou 
plusieurs corps au cours de leur mouvement désordonné. L'’interac- 
tion n’est possible que dans ce cas-là. Lorsqu'un corps A interagit 
avec un autre corps B en formant la combinaison AB, la condition 
nécessaire pour que cette réaction se produise est la rencontre des mo- 
lécules À et B à un même instant et en un même point de l’espace. 
La réaction est d'autant plus rapide que ces rencontres sont plus fré- 
quentes dans l'unité de volume de la solution ou du mélange de gaz. 

Le nombre de collisions et, par conséquent, la vitesse de réaction 
sont fonction de la concentration des espèces réagissantes: plus il y 
a de molécules, plus fréquentes sont leurs collisions. Une formulation 
générale de l’influence de la concentration sur la vitesse de réaction 
est fournie par la loi d'action de masse, énoncée en 1867 par deux cher- 
cheurs norvégiens Guldberg et Waage. Le chimiste russe Békétov 
avait donné dès 1864 une formulation analogue pour le cas particu- 
lier des réactions de déplacement des métaux par l'hydrogène. La 
loi d'action de masse s’énonce comme suit: 


La vitesse d’une réaction chimique est proportionnelle au 
produit des concentrations des espèces réagissantes. 


Pour la réaction 
À + B = AB 
la loi d'action de masse s'écrit comme 
v = k{A][B] 


£ étant le coefficient de proportionnalité ou la constante de vitesse 
de réaction, 
{A] et (B] les concentrations des corps en réaction. 

Lorsqu'une réaction fait intervenir plusieurs molécules d'un mé- 
me corps, dans l'expression de la vitesse de réaction la concentration 
de ce corps sera élevée à la puissance correspondant à son coefficient 


$ 38] VITESSE DES RÉACTIONS CHIMIQUES 145 


stœchiométrique dans l’équation de la réaction. Ainsi, pour la réac- 
tion 
2A+C=D+M 
la vitesse est exprimée par 
v = k {AJ#{C] 


Cette équation devient surtout évidente si l’on écrit la réac- 
tion sous la forme 


A+A+C=D+M 


Aujourd'hui, on donne souvent à l'équation de la loi d'action de 
masse le nom de loi de la vitesse. 

La constante de vitesse de réaction a le sens physique de la vitesse 
de réaction lorsque le produit des concentrations des espèces réagis- 
santes est égal à l'unité. Usuellement, en comparant entre elles des 
réactions différentes, on a affaire non pas à leurs vitesses absolues, 
mais aux constantes de vitesse. 

Suivant le nombre des molécules intervenant dans la réaction, 
on distingue les réactions monomoléculaires, bimoléculaires, trimo- 
léculaires, et ainsi de suite. La dissociation de l’iode moléculaire en 
atomes (1, = 21) est une réaction monomoléculaire: l’acte élémen- 
taire ne fait intervenir qu’une seule molécule. L’interaction de l’io- 
de avec l'hydrogène (1, + H, = 2HIT) est une réaction bimoléculai- 
re, deux molécules participant à l’acte élémentaire. La probabilité 
d’une collision simultanée de trois molécules ou plus est très petite: 
de telles réactions ne se produisent pratiquement jamais. Les réac- 
tions dont l'équation comporte plusieurs molécules réagissantes, 
passent ordinairement par une série de stades successifs bi etmonomo- 
léculaires. 

Une notion importante de la cinétique chimique est l'ordre de 
réaction. Il ost la somme des exposants des concentrations de chaque 
réactif dans l'expression de la loi de la vitesse. Ainsi, la réaction de 
dissociation en atomes de l’iode moléculaire est une réaction d'ordre 
4, car dans la loi de vitesse de cette réaction v = k {I,], l’exposant 
de la concentration de l'iode est égal à l'unité. La réaction iode-hy- 
drogène est déjà d'ordre 2 (ordre { pour la concentration de l’hydro- 
gène ct ordre 1 pour la concentration de l’iode, car v — k[H,] [L,]). 

Si unc réaction bimoléculaire (trimoléculaire) est toujours d'ordre 
2 (3), l'inverse n'est vrai que bien rarement. Ainsi, l'interaction 
2N0O + H, = N,0 + H,0 est décrite par la loi de vitesse v = 
= k [NO [H,} qui montre qu'il s’agit là d’une réaction d'ordre 3. 
Or, cela ne veut pas dire que c’est une réaction trimoléculaire : elle 
se produit par des chocs bimoléculaires successifs. 

Température. Avec l'accroissement de la température, les chocs 
moléculaires entre les espèces en réaction deviennent plus fréquents 


1U—01151 


446 CINÊTIQUE CHIMIQUE ET ÉQUILIBRE CHIMIQUE , [CH V 


et la réaction s'accélère. Elle se ralentit, au contraire, si la tempéra- 
ture baisse. La vitesse d’une réaction chimique se trouve multipliée 
par 2 à 4 lorsque la température monte de 10 degrés. Elle diminue 
d'autant si la température baisse de ces mêmes 10 degrés *. Le nom- 
bre qui montre de combien de fois a augmenté ou diminué la vitesse 
d’une réaction chimique, lorsque la température a varié de 10 de- 
grés, est le coefficient de température de cette réaction. 

Cet accroissement important de la vitesse avec élévation de tem- 
pérature ne peut être expliqué par l’augmentation du nombre global 
de chocs moléculaires. Selon la théorie cinétique des gaz, la vitesse 
de mouvement moléculaire est proportionnelle à la racine carrée de la 
température exprimée en degrés Kelvin. Dans ce cas, une élévation 
de température de 273 jusqu’à 373 K a pour résultat une vitesse de 
mouvement moléculaire 1,2 fois plus grande seulement, puisque 

Para V3 | 4.2 


Üozs V 273 ci 


La théorie cinétique des gaz permet de calculer le nombre de chocs 
entre particules. Ce calcul montre que si chaque choc conduisait à 
une interaction, toute réaction se déroulerait avec la vitesse dAne 
explosion. En réalité, une proportion très faible des chocs se térmi- 
nent par un acte d'interaction, alors que la grande majorité de ces 
collisions restent stériles: les molécules se heurtent et s’éloignent 
l’une de l’autre, sans avoir réagi. Voilà pourquoi on a été obligé d’in- 
troduire la notion de chocs efficaces ou actifs. Le nombre de ces chocs 
à température donnée est proportionnel au nombre total des chocs 
entre les molécules en réaction. Avec élévation de température, le 
nombre des chocs actifs augmente beaucoup plus vite que celui des 
chocs « totaux ». La réaction ne se produit que lorsque les molécules 
qui entrent en collision possèdent une énergie suffisante pour effec- 
tuer l’acte réactionnel élémentaire. 

Cet acte ne dure que près de 107! s. Pour que les molécules aient 
le temps de réagir, il faut que leurs liaisons chimiques soient « relä- 
chées »: cela n’est possible qu'en présence d'une énergie moléculai- 
re excédentaire. Les molécules qui possèdent ce surplus d'énergie 
sont dites activées. L’activation des molécules peut résulter du chauf- 
fage du corps qui accélère le mouvement de translation des molé- 
cules, ainsi que le mouvement oscillatoire des atomes et des groupes 
atomiques à l’intérieur des molécules. Tout cela affaiblit les liai- 


* Un nombre immense de réactions chimiques diverses se déroulent dans 
l'organisme de l’homme et des animaux. Beaucoup de ces réactions s’accélérent 
à température élevée. Dans l'organisme atteint d’une maladie (infectieuse par 
exemple), des réactions sont déclenchées qui contribuent à éliminer la source de 
Ja maladie. L'élévation de la température corporelle est donc, ordinairement, 
une réaction de défense qui aide l'organisme à vaincre le phénomène morbide. 


$ 38] VITESSE DES RÉACTIONS CHIMIQUES 4147 


sons intramoléculaires. Ainsi, pour réagir, les molécules doivent 
franchir une certaine barrière énergétique. 

Compte tenu de ce qui vient d’être exposé, nous pouvons repré- 
senter la variation de l'énergie du système À + B se transformant en 
S par la courbe donnée sur la figure 40, a. La molécule S se forme à 
partir des molécules A et B, suite à une redistribution des atomes et 
des liaisons chimiques. Tout d'abord, les molécules activées A et B 


ZHini 


Chemin réactionnel Chemin réactionnel 


Fig. 40. Relief énergétique des chemins réactionnels pour un processus endo- 
thermique (a) et un processus exothermique (b) 


entrent en collision pour former un complexe activé AB au sein du- 
quel la redistribution des atomes aura lieu. L'énergie à conférer aux 
molécules afin qu'elles aient l'énergie du complexe activé est dite 
énergie d'activation E,. Comme le montre la figure 40, a, dans le cas 
considéré l'énergie des produits de la réaction est plus élevée que celle 
des espèces initiales : la réaction À + B —-S est endothermique. La 
différence entre les énergies des produits de la réaction et des corps de 
départ est ce qu’on appelle effet thermique de la réaction AH. La 
courbe correspondante pour une réaction exothermique.C + D — P 
est présentée sur la figure 40,b. 

La corrélation entre la constante de vitesse de réaction k et l’éner- 
gie d'activation E, est donnée par l'équation d’Arrhenius: 


k = Ae—Ea/RT 


où À est un coefficient préexponentiel lié à la probabilité et au 
nombre des chocs, 

e la base des logarithmes naturels, 

R la constante des gaz, 

T la température absolue. 

I1 découle de cette équation qu’une énergie d'activation plus 
élevée correspond à une constante de vitesse de réaction plus petite, 
donc, à une réaction plus lente. 


10° 


148 CINÊÉTIQUE CHIMIQUE ET ÉQUILIBRE CHIMIQUE ‘ [CH V 


Tableau 13 


Energie de liaison et énergie d’activation de 
quelques réactions 


Energie, kJ/mol 


Réaction 
d'activation de liaison 
2HI=H; +1: 184 301 H—I 
2N0 + Br, = 2NOBr 5,4 | 644 N—=0O 
188 Br—Br 
CN-+ CHI = CH,CN + I- 84 196 CHs3—Ï 
H, + Cl, = 2HC] 251 * 435 H—H 
242 CI=CI 


* Energie minimale du quantum de lumière amorçant la réaction. 


En règle générale, il n’y a aucun rapport direct entre l'énergie 
d'activation et l'énergie des liaisons chimiques qui se rompent. 
On a rassemblé au Tableau 13 les données correspondantes pour quel- 
ques réactions. On y voit que l’énergie d'activation est presque tou- 
jours inférieure à l'énergie de toute liaison rompue. Seule l'énergie 
d'activation de la réaction hydrogène + chlore est voisine de l'éner- 
gie de la liaison interatomique dans la molécule de chlore. Ces 
données fournissent déjà une première hypothèse sur le mécanisme de 
cette réaction. Probablement, le premier acte de cette interaction 
est La rupture de la molécule de chlore en ses atomes. Le second acte 
serait l'interaction des atomes de chlore avec la molécule d'hydro- 
gène. L'énergie d'activation de cette étape de la réaction serait in- 
férieure à l’énergie de liaison dans la molécule d'hydrogène. Ces éta- 
pes réactionnelles seraient les premiers stades d’un processus en 
chaîne que l’on pourrait représenter comme suit : 


CI, —+ 2CI 
CI + He HCI+ H 
H + CL + HCI + CI 


Notons qu’il y a d’autres données expérimentales qui confir- 
ment la réalité de ce mécanisme en chaîne *. 


* Recémment, l’académicien soviétique Nicolaï Séménov a découvert un 
nouveau type de réactions en chaîne: réactions à ramification énergétique de 
la chaîne. Ainsi, l’interaction de l’atome de fluor avec la molécule d'hydrogène 


$ 38] VITESSE DES RÉACTIONS CHIMIQUES 149 


La réaction de décomposition de l’iodure d'hydrogène (v. Ta- 
bleau 13) attire une attention particulière. Seules les molécules HI 
participent à cette réaction. S'il y avait ici une rupture préalable 
de la liaison H—I, l'énergie d’activation calculée £,,, serait égale 
à l'énergie de liaison, soit à 301 kJ/mol. Or, l'énergie d’activation de 
ce processus, déterminée par voie expérimentale (£,,,), ne vaut que 
184 kJ/mol. Il se trouve que le complexe activé de cette réaction est 
composé de deux molécules HI. Dans ce complexe H::.I, les liai- 


H...I 

sons H:.--H et I---1 commencent à se former avant que les liai- 
sons H---I soient complètement rompues. L'énergie dégagée lors 
de la formation des liaisons H:--:H et I---I est utilisée pour rom- 
pre les liaisons H-:-1. On a représenté sur la figure 41 les barriè- 
res d'énergie pour le complexe activé et pour le processus avec ruptu- 
re préalable des liaisons chimiques dans les molécules d’iode et 
d'hydrogène. 

Ainsi, l'énergie d'activation dépend du chemin emprunté par 
la réaction. 

Catalyseurs. On peut modifier le déroulement d’une réaction par 
introduction de catalyseurs dans le système. On appelle catalyseurs 
les corps qui font varier la vitesse d’une réaction, tout en gardant 
leur composition chimique après des réactions intermédiaires. L’ef- 
fet des catalyseurs sur la vitesse de réaction est appelé catalyse. 

Les catalyseurs peuvent diminuer l’énergie d'activation en orien- 
tant la réaction vers un autre chemin. L’abaissement de l’énergie 
d'activation conduit à l'accroissement de la part des particules 
réactives, le processus d'interaction s’en trouvant accéléré. Les 
catalyseurs qui accélèrent une réaction sont positifs. Il existe aussi 
des catalyseurs négatifs qui freinent les réactions en fixant les molé- 
cules ou les radicaux intermédiaires actifs : la réaction ne peut plus 
suivre le chemin qui correspond à la plus basse énergie d'activation. 


se déroule suivant la réaction 
F -H, — HF + H: 
L'atome d'hydrogène issu de ce processus réagit sur la molécule de fluor: 
H-+F, = HF*+F:. 


C'est une réaction exothermique qui dégage une chaleur de 403 kJ/mol. Après 
l'acte élémentaire de la réaction, cette énergie excédentaire passe principale- 
ment dans la molécule HF qui s’excite. En entrant en collision avec une molécu- 
le F,, elle peut lui céder son excès d'énergie suffisant pour la rupture de la liai- 


son F—F: 
HF* LF, = HF +2F 


Au cours de cette réaction la molécule HF* se désexcite en passant à l'état 
normal. De cette manière, un atome de fluor issu d’un processus quelconque don- 
ne naissance à trois nouveaux atomes de fluor. 


450 CINETIQUE CHIMIQUE ET £QUILIBRE CHIMIQUE (CH. V 


Les catalyseurs se divisent en homogènes et hétérogènes. L'état 
d'agrégation d’un catalyseur homogène est identique à celui d'au 
moins un des réactifs. Les catalyseurs hétérogènes présentent un état 
d'agrégation autre que celui des réactifs. 

La catalyse homogène s'effectue le plus souvent par formation de 
produits intermédiaires instables. Soit une réaction 


A+<B—cC 


qui demande une énergie d'activation élevée £,. En présence d’un 
catalyseur deux réactions ont lieu: 


A + Cat —+ ACat et ACat + B —+ C + Cat 


où Cat est le catalyseur. 
Lorsque la plus grande énergie d’activation (E; ou E;) pour ces 
deux réactions successives est inférieure à l'énergie d'activation pour 


Energiu du système 
Energie du système 


Chemin réactionnel Chemin réactionnel 


Fig. 41. Relicf énergétique du chemin Fig. 42. Relief énergétique du chemin 


rcactionnel pour le processus réactionnel lors d'une catalyse homo- 
2HI =H,+L : gène 
1 — calculé: 2 — cxpérimental 


la réaction en l'absence du catalyseur (E,), un tel catalyseur est posi- 
tif (fig. 42). 

Un exemple des réactions catalytiques de ce type est fourni par 
l'oxydation de l’oxyde de soufre (IV) en oxyde de soufre (VI) en pré- 
sence d'oxyde d'azote (II). Cette réaction 


SO: + O: — SO; 


ne se produit pratiquement pas sans le catalyseur, alors qu'aux con- 
ditions normales, l’oxyde d'azote (11) s'oxyde facilement en dioxyde 
d'azote : 

2NO + O0, = 2N0, 


$ 38] VITESSE DES RÉACTIONS CHIMIQUES 151 


qui, à son tour, est capable d’oxyder l’oxyde de soufre ([V) en oxyde 
de soufre (VI): 


SO, + NO, = S0, + NO 


Dans ce processus on peut considérer NO, comme intermédiaire 
et NO comme catalyseur. 

Si la théorie de la catalyse par formation d’intermédiaires s'appli- 
que aux processus homogènes (où toutes les espèces concernées pré- 
sentent le même état d’agrégation), la catalyse en milieu hétérogène 
trouve son explication dans le cadre de la théorie de l’adsorption acti- 
vée. 

On appelle adsorption la faculté d'un corps de fixer à sa surface 
d’autres corps. 

C’est la théorie multiplète de la catalyse hétérogène, élaborée par 
l'académicien soviétique Balandine, qui a reçu la plus large approba- 
tion. Selon cette théorie, l’aptitude du catalyseur à accélérer une 
réaction est fonction de la structure spatiale des molécules réagis- 
santes, ainsi que de la géométrie de la disposition des centres actifs 
à la surface du catalyseur. Souvent, ces centres catalytiquement ac- 
tifs sont tout simplement les atomes de la surface du catalyseur. 
Les molécules réagissantes s’adsorbent sur ces centres (atomes). 

La théorie multiplète veut que la disposition géométrique des cen- 
tres actifs à la surface corresponde à la disposition des atomes dans 
la molécule catalysée. Les molécules s’adsorbent sur plusieurs centres 
actifs, ce qui conduit à un affaiblissement des liaisons chimiques et 
puis à leur redistribution. 

Suivant les réactions, le nombre de centres d’adsorption dans un 
centre catalytiquement actif peut être égal à 2, 4, 6, ... Ces centres 
sont appelés respectivement doublets, quadruplets, sextets, etc. 
(multiplets dans le cas général). Dans le cadre de cette théorie, le 
mécanisme catalytique d'une réaction d'échange 


AB + CD = AC + BD 


avec intervention de deux atomes de catalyseur formant doublet 
peut être schématisé comme suit: 


A—B 2A--B AB 
K K=K! KæKI/|IK 
C—D V C::D” C D 


Les distances entre les centres actifs K son telles que dans les mo- 
lécules adsorbées AB et CD, seules les liaisons chimiques sont redis- 
tribuées, alors que la position des atomes reste inchangée. Dès que 
les liaisons se sont réarrangées, les molécules AC et BD se dé- 
sorbent. 

Comme exemple d’une réaction catalytique hétérogène, citons 
l'oxydation du dioxyde de soufre par l’oxygène en présence de plati- 


152 CINÊTIQUE CHIMIQUE ET ÉQUILIBRE CHIMIQUE JCH. V 
| 


ne ou de V,0,. Un autre catalyseur possible de ce processus, d’un 
effet plus faible, est Fe,0:. Voilà pourquoi, lorsqu'on brüle du souf- 
re sur une cuiller de fer, on voit se former, à côté du dioxyde de souf- 
re incolore, de l’oxyde de soufre (VI) sous forme d’une fumée blanche. 
Pour la même raison, la calcination de la pyrite 


doit s'accompagner de la formation de faibles quantités d'oxyde de 
soufre (VI). 

Les catalyseurs et la catalyse jouent un rôle extrêmement impor- 
tant dans l'industrie chimique moderne. On estime que plus de 
10 % de toutes les productions chimiques utilisent des catalyseurs. 
Dans l’industrie pétrochimique, pharmaceutique et alimentaire le 
taux des procédés catalytiques récents s'approche de 90 %. La pré- 
paration des principaux produits de la grande industrie chimique 
(hydrogène, ammoniac, acides sulfurique et nitrique) est entière- 
ment basée sur des réactions catalytiques. Les catalyseurs ont trouvé 
des applications particulièrement diverses dans la technologie de la 
synthèse organique. On s'en sert pour fabriquer alcools, acides orga- 
niques. aldéhydes, phénol, résines et fibres synthétiques, caout- 
choucs artificiels, combustibles moteurs, colorants, médicaments. 

Les catalyseurs permettent d'améliorer très considérablement la 
rentabilité des différentes productions, car les procédés cataly£iques 
se déroulent à plus basses températures et pressions que les procédés 
sans catalyse. On dépense moins d'énergie et on utilise des appareils 
moins chers. 

Nombre de procédés possibles énergétiquement et avantageux 
économiquement ne sont pas encore réalisés tout simplement parce 
qu’on n'a pas trouvé de catalyseurs appropriés suffisamment actifs. 


$& 39. Equilibre chimique. Les réactions chimiques peuvent être 
réversibles ou irréversibles. Les réactions irréversibles se produisent 
dans un seul sens. Ainsi, la décomposition du nitrate d'ammonium 


NHÇ4NO;s + 2H,0 + N,0 


est un processus irréversible : toute tentative pour obtenir du nitra- 
te d’ammonium par interaction de N.0 et de l’eau est vouée à l'échec. 
Les réactions irréversibles sont moins nombreuses que les réversibles. 
La réaction de l’hydrogène sur l’iode peut servir d'exemple d’une 
transformation réversible. En mélangeant de l'hydrogène gazeux 
avec des vapeurs d'iode dans un récipient fermé à température nor- 
male, on y découvre au bout d’un instant de l’iodure d'hydrogène qui 
s’est formé selon la réaction 


Ha + la + 2HI 


D'autre part, en plaçant dans un récipient fermé de l'iodure 
d'hydrogène gazeux, on y voit paraître, quelque temps après, les 


8 39] ÉQUILIBRE CHIMIQUE 153 


vapeurs violettes d’iode, l’iodure d'hydrogène s'étant décompose : 
2HI + Hs + 


Pour indiquer le caractère réversible d’une réaction, on met deux 


flèches aux sens opposés : 
réaction directe 
Hat be 2 HI 
réaction inverse 
L'interaction de l'hydrogène avec les vapeurs d’iode se produit 
d’abord avec une vitesse relativement élevée v, dans le sens de la 


formation de HI]: 
VV. — k [H,][1,] 


Au fur et à mesure que HI s’ac- 
cumule, le processus inverse (dé- 
composition de HI en H,et I.) com- 
mence à se dérouler avec une vites- 
se v,_ croissante : 


VV. — k; (H1}? 


Au bout d’un certain temps la 
vitesse de la formation de HI de- 
vient égale à celle de sa décompo- 
sition, c'est-à-dire : 

v.—=v. et k[H,llle] = k; (HIF 


En d’autres termes, un équilibre 
chimique s'établit (fig. 43). 

On appelle équilibre chimique 
l'état d’un système où la vitesse de 
la formation des produits de la réac- 
tion (vitesse de la réaction directe) 
est égale à la vitesse de leur trans- 
formation dans les réactifs de dé- id ns Her 
part (vitesse de la réaction inverse). , _"Oator de H1: à — décom- 
Ainsi, l'équilibre chimique est un position de HI 
équilibre mobile qui s'accompagne 
d’une formation et d’une décomposition constantes de molécules. Les 
concentrations des réactifs à l'équilibre sont dites équilibrées. 

Compte tenu de l'égalité des vitesses de la réaction directe et de 
la réaction inverse, on peut écrire: 

k [HIj? 


hi [Hell] 


La constante d'équilibre K peut être exprimée * par le rapport des 
constantes de vitesse des réactions directe et inverse. Alors, pour la 


(en), x 


Equilibre 


20 40 60 80 4100 t,mn 


Fig. 43. Etablissement De 
1: 


= K 


* En pratique, la constante d'équilibre est, le plus souvent, calculée en 
partant des concentrations équilibrées déterminées par voie expérimentale. 


454 CIN£ÊTIQUE CHIMIQUE ET ÊQUILIBRE CHIMIQUE (CH. V 


réaction 
H, + 1, = 2HI 
l'expression de la constante d'équilibre aura la forme 


__ [HI 
_ {H2]11Bl] 


On met en numérateur le produit des concentrations des produits 
de la réaction et en dénominateur le produit des concentrations des 
réactifs initiaux. Les exposants sont égaux aux coefficients stæœchio- 
métriques correspondants. 

Lorsque les conditions ambiantes demeurent inchangées, l’état 
d'équilibre se conserve pendant un temps indéfiniment long. Les va- 
riations de la température, de la concentration des réactifs (ou, par- 
fois, de la pression dans le cas de systèmes gazeux) peuvent rompre 
l'égalité des vitesses des réactions directe et inverse, en rompant du 
même coup l'équilibre établi. Au bout de quelque temps, les deux vi- 
tesses redeviennent égales, mais, dans ces nouvelles conditions, les 
concentrations équilibrées des réactifs sont autres que précédemment. 
Le passage du système d’un état d'équilibre à un autre est dit dé- 
placement de l'équilibre. On peut comparer l'équilibre chimique à la 
position d'un fléau de balance. De même que la position du fléau 
change si l’on ajoute un poids sur un des plateaux, l'équilibre chimi- 
que peut se déplacer dans le sens de la réaction directe ou inverse sui- 
vant les conditions opératoires. Chaque fois on voit s'établir Œn nou- 
vel équilibre qui correspond aux conditions nouvelles. 

Habituellement, la valeur numérique de la constante d'équilibre 
varie en fonction de la température. C'est le résultat de variations 
inévales des vitesses de la réaction directe et de la réaction inverse 
lors d’un changement de température. A température constante, les 
valeurs des constantes d'équilibre ne dépendent ni de la pression, ni 
du volume, ni de la concentration des réactifs ou des produits de la 
réaction. Il est toujours aisé de déduire la constante d'équilibre de 
l'équation globale de la réaction. 

Connaissant la valeur numérique de la constante d'équilibre, on 
peut calculer les valeurs des pressions ou des concentrations équi- 
librées pour chaque espèce qui participe à la réaction. Admettons, 
par exemple, qu’on a à calculer la concentration équilibrée de HI 
résultant de l'interaction iode-hydrogènes 


H, + I, = 2HI 


Pour le faire, on exprime les concentrations équilibrées des espe- 
ces réagissantes par leurs concentrations initiales. Désignons par C 
les concentrations initiales de l'hydrogène et de l’iode et par x la 
diminution de ces concentrations au moment où l'équilibre est at- 
teint (les concentrations sont exprimées en mol/l). Alors les concentra- 


$ 40] PRINCIPE DE LE CHATELIER 155 


tions équilibrées des réactifs deviennent: [1,] = C — x; [H.,] — 
= C— zx; [HI] = 2x. Connaissant la constante d'équilibre 


__ [HIR _ 2(x} 
7 [H]IR)  (C—2} 


on calcule aisément x et, donc, les concentrations équilibrées. 


$ 40. Principe de Le Chatelier. Une influence régulière des con- 
ditions environnantes (par exemple, de la température, de la pression 
ou des concentrations des réactifs) sur l’état d'équilibre des réactions 
chimiques réversibles fut établie en 1847 par le chimiste et mé- 
tallurgiste français Le Chatelier. La règle ou le principe de Le Cha- 
telier s'énonce comme suit : 


Lorsqu’une action extérieure est exercée sur un système en 
équilibre, le système réagit de façon à intensifier les processus 
qui tendent à minimiser cette action. 


Effet des concentrations des corps réagissants sur l'état d'équilibre. 
Lorsque l'acide sulfurique est préparé par le procédé de contact, 
l'oxydation du dioxyde de soufre en trioxyde en présence d’un cata- 
lyseur (Pt ou V,0,) s’effectue selon l’équation 


2S0, + O? + 250, 


Si l’on ajoute à ce système en équilibre un excès d'oxygène, on 
verra s’intensifier le processus qui tend à diminuer la concentration 
en oxygène. Ce processus est la réaction directe entre SO, et O, 
qui fait déplacer l'équilibre du système dans le sens de la formation 
de SO;,. L'examen de l'expression pour la constante d'équilibre con- 
duit à la même conclusion: 


K — [SO:l* 
[50,1 10:] 


Une concentration plus élevée de l'oxygène (dénominateur dans 
cette expression) doit faire croître la concentration du trioxyde de 
soufre (numérateur), À étant une constante. Ainsi, une élévation de 
la concentration de l'oxygène fera déplacer l’équilibre dans le sens 
de la réaction directe, ce qui correspond à une consommation plus 
complète de SO, et à un meilleur rendement en SO.. 

Effet de la pression sur l'état d'équilibre. L'importance de la pres- 
sion est essentielle dans le cas de réactions entre gaz. Nous avons déjà 
fait remarquer qu'une pression accrue correspondait à une concentra- 
tion plus élevée des espèces réagissantes et, parallèlement, à une ré- 
action plus rapide. L'interaction entre produits gazeux peut présen- 
ter trois cas différents. 

1° Les proportions des gaz en réaction sont telles que le nombre to- 
tal de moles des corps de départ est égal au nombre total de moles 


156 CINÊTIQUE CHIMIQUE ET ÉQUILIBRE CHIMIQUE (CH. V 


des corps formés. Naturellement, les volumes totaux des gaz entrant 
en réaction seront dans ce cas les mêmes que les volumes totaux des 
gaz issus de la réaction 


N, + 0, = 2NO 


Si l’on double la pression dans le réacteur fermé, le volume de- 
viendra aussitôt deux fois moins grand et la concentration des gaz 
doublera en conséquence. La réaction directe et la réaction inverse 
s’accélèrent d’une façon identique. Il n’y a donc aucun déplacement 
de l'équilibre. 

On en tire la conclusion que lorsque les volumes des produits ga- 
zeux initiaux et finals d’un système en équilibre sont les mêmes, une 
variation de pression ne rompt pas l’équilibre. 

2° Le nombre total de moles des corps de départ est supérieur au 
nombre total de moles des corps formés. Alors le volume total des 
gaz entrant en réaction est également plus grand que le volume total 
des gaz issus de la réaction 


N: + 3H, = 2NH, 


On déduit de cette équation que quatre moles de corps initiaux 
donnent deux moles de produit de la réaction et que la réaction con- 
duit à une réduction du volume. Si l’on fait monter la pression, la 
concentration des corps de départ s’accroîtra plus que celle du pro- 
duit de la réaction : l'équilibre est déplacé dans le sens de la formation 
d'ammoniac. 0 

3° Le nombre total de moles des corps de départ est inférieur au 
nombre total de moles des corps formés. La somme des volumes des 
gaz qui entrent en réaction est alors moins élevée que la somme des 
volumes des gaz résultant de la réaction 


N:04 LS 2NO; 


Ici, une mole de N,0, fournit deux moles de NO. : la réaction di- 
recte conduit à un nombre plus élevé de moles et, par conséquent, à 
une pression plus élevée. Lors de la réaction inverse, il y a décrois- 
sement du nombre de moles et donc de la pression. Si l’on fait monter 
la pression dans un tel système en équilibre, le système réagira ten- 
dant à retrouver son état initial. Alors l'équilibre se déplacera du cô- 
té de la réaction inverse (baisse de pression), avec un accroissement 
de la concentration de N.0,. Si l’on diminue la pression, le déplace- 
ment de l'équilibre s'effectuera dans le sens où la pression monte 
(réaction directe) et c'est la concentration de NO, qui s’en trouvera 
augmentée. 

Les exemples ci-dessus conduisent à deux conclusions suivantes: 

a) les variations de pression ne modifient pas l’équilibre que dans 
les réactions réversibles qui s’accompagnent d'un changement de 
volumes de gaz; 


$ 0] PRINCIPE DE LE CHATELIER 157 


b) l'accroissement de pression déplace l'équilibre dans le sens où 
le volume diminue et la diminution de pression le déplace dans le 
sens où le volume augmente. 

Effet de la température sur l'état d'équilibre. La formation de l’eau 
à partir de l’hydrogène et de l'oxygène est un processus exothermi- 
que (qui dégage de la chaleur) 


2H, + Où = 2H,0(c) + 485 k] 
soit, pour obtenir une mole de H,0, 


Ha + Où == HO (0)+242 KI 


Le processus de décomposition de l’eau est, naturellement, en- 
dothermique. Conformément au principe de Le Chatelier, une élé- 
vation de température dans ce système en équilibre doit faire dépla- 
cer l'équilibre dans le sens où la réaction est endothermique (décom- 
position de l’eau). Cela aura pour résultat un abaissement de la con- 
centration équilibrée de la vapeur d’eau et un accroissement des con- 
centrations équilibrées de l'hydrogène et de l'oxygène. 

Si l’on baisse la température de ce système, la réaction se produira 
de préférence dans le sens où elle est exothermique (formation d’eau). 

Considérons un système en équilibre formé d'azote, d'hydrogè- 
ne et d’ammoniac. La réaction de formation de l’ammoniac à partir 
des éléments est un processus exothermique: 


N, + 3H, = 2NH, + 92 kJ 


Lorsque l'ammoniac se dissocie en hydrogène et azote, la même 
quantité de chaleur est absorbée. Si l'on se réfère au principe de Le 
Chatelier, l’abaissement de la température de ce système équilibré 
provoquera un déplacement de l'équilibre vers la droite (concentra- 
tion plus élevée de l’ammoniac). Pourtant, dans les conditions in- 
dustrielles, la synthèse d’'ammoniac à partir d'azote et d'hydrogène 
est conduite à des températures assez élevées. Cela s'explique par le 
fait qu’à basse température l'équilibre est lent à s’établir, bien que 
le rendement en produit désire soit effectivement plus élevé. La durée 
du processus devient tellement importante qu'il est plus rentable de 
l'effectuer avec des rendements moins élevés, mais plus rapidement. 

En résumant ce qui vient d’être exposé, nous pouvons formuler la 
règle suivante : dans un sytème à l’état d'équilibre le chauffage pro- 
voque le déplacement de l'équilibre dans le sens de la réaction endo- 
thermique et le refroidissement, dans le sens de la réaction exothermi- 
que. 
Les catalyseurs influencent notablement le déroulement des pro- 
cessus chimiques. L'introduction d’un catalyseur dans un système 
équilibré ne peut modifier son état d'équilibre, car, en accélérant la 
réaction directe, le catalyseur accélère d'autant la réaction inverse. 


158 CINÊTIQUE CHIMIQUE ET ÉQUILIBRE CHIMIQUE | [CH. V 


Cependant, en présence d’un catalyseur, l'équilibre met moins de 
temps à s'établir. 

Les relations, considérées dans ce chapitre, qui lient la vitesse 
des processus chimiques et l’équilibre chimique aux conditions de dé- 
roulement des réactions offrent la possibilité de contrôler des proces- 
sus en les orientant sciemment vers le résultat désiré. Un exemple 
éclatant de l’application pratique de ce principe est fourni par la ré- 
duction du fer par l’oxyde de carbone (11) dans les hauts fourneaux. 


Autrefois, les gaz qui sortaient des hauts fourneaux contenaient encore une 
proportion importante d'oxyde de carbone: cela faisait perdre beaucoup de 
chaleur. Pendant longtemps, on avait attribué ce défaut à un contact insuffisant 
entre l’oxyde de carbone et le minerai de fer. On espérait en venir à bout en 
augmentant de plus en plus la taille des hauts fourneaux (jusqu’à 30 m de hau- 
teur). Pourtant, la teneur des gaz en oxyde de carbone demeurait la même. 
Alors une expérience (qui coûta bien cher) démontra que la réduction de l’oxyde 
de fer par l’oxyde de carbone n’était pas complète. Connaissant les lois de l’équi- 
libre chimique, on aurait pu l'apprendre sans toutes ces dépenses inutiles (cet 
exemple est dû à Le Chatelier). 


CHAPITRE VI 


PROPRIÉTÉS DES SOLUTIONS 


$ 41. Nature des solutions. Le rôle des solutions est important 
dans la nature comme dans l’industrie. Les alchimistes pensèrent que 
les corps ne pouvaient réagir qu’à l’état dissous. De nombreux procé- 
dés industriels sont effectués en solution: préparation de carbonate 
de sodium ou d’acide nitrique, isolement et purification de métaux 
rares, blanchiment et teinture des étoffes. L’eau à l’état naturel con- 
tient des corps dissous : c’est donc toujours une solution. Les solutions 
aqueuses naturelles participent aux phénomènes pédogénétiques et 
assurent la nutrition des végétaux. Les processus physico-chimiques 
complexes qui ont lieu dans l'organisme animal et humain se produi- 
sent également en solution. Selon certains auteurs, la formation de 
protides à partir de substances minérales (l’origine de la vie sur la 
Terre) se déroula également en solution aqueuse. 

Les solutions au sens large sont classées en gazeuses, liquides et 
solides. L'air est une solution gazeuse ; la solution de sucre dans l’eau, 
une solution liquide; les divers alliages métalliques, des solutions 
solides (cristallisées). On appelle solution un système homogène cons- 
titué de deux ou plusieurs composants indépendants en proportions 
variables. Un des constituants d'une solution est considéré comme un 
solvant, tous les autres étant des solulés ou corps dissous. Le solvant 
est celui des corps présents dont la quantité prédomine dans un svs- 
tème donné. De ce point de vue, l’air est une solution d'oxygène, de 
vapeur d'eau, de gaz carbonique et de gaz rares dans l'azote, car la 
proportion de l'azote dans l'air est égale à 78 % (vol.). L'alcool 
éthylique ou l’alcool méthylique sont miscibles à l’eau en toutes pro- 
portions. Voilà pourquoi, suivant les proportions relatives de l'alcool 
et de l’eau, ce système peut être soit une solution d'alcool dans l’eau, 
soit une solution d’eau dans l’alcool. Les électrolytes * à l’état dis- 
sous (par exemple, l’acide sulfurique dans l’eau) sont toujours considé- 
rés comme des solutés, sans tenir compte de leur quantité relative. 


* On appelle électrolytes les corps qui présentent une conductivité électrique 
à l'état dissous ou fondu. 


160 PROPRIÊTES DES SOLUTIONS [CH. VI 


Les solutions où le solvant est un liquide sont celles qui intéres- 
sent tout spécialement la chimie. Bien que, ces dernières années, les 
solvants non aqueux prennent une place de plus en plus importante 
dans le cadre de la chimie et de la technologie chimique, l’eau reste 
quand même le solvant le plus important et le plus répandu. Voilà 
pourquoi ce chapitre traite principalement de solutions aqueuses. 

Une solution est homogène en tout point de son volume. Cette 
propriété des solutions les rapproche des composés chimiques. Pour- 
tant, à la différence des combinaisons chimiques, la composition d’une 
solution peut être très variable. Ainsi, les propriétés du mélange d'’al- 
cool et d’eau varient très considérablement en fonction des propor- 
tions des constituants de cette solution. On voit donc que ni la loi des 
proportions définies ni la loi des proportions multiples ne peuvent 
être appliquées aux solutions. Les solutions se rapprochent davanta- 
ge des composés non stæœchiométriques ou, parfois, des mélanges. 

Pendant longtemps il y eut deux approches du problème de la 
pature des solutions: physique et chimique. La théorie physique fut 
développée par Van'’t Hoff, Arrhenius et Ostwald. Mendéléev et au- 
tres chimistes russes furent partisans de la théorie chimique des solu- 
tions. 

Pour Van’t Hoîff, fondateur de la théorie physique des solutions, 
le processus de dissolution était semblable à celui d'’évaporation. Il 
comparait le comportement du soluté au comportement d’un gaz dis- 
sous dans un autre gaz. Selon Van'’t Hoff, l’eau (ou tout autre sol- 
vant) serait pour le corps en dissolution ce que le vide plus ou moins 
poussé est pour le gaz. Ainsi que ce dernier, le soluté tend à se propa- 
ger uniformément dans tout le volume du solvant. 

La dissolution des corps est souvent accompagnée d'un dégage- 
ment ou d’une absorption de la chaleur et parfois d’une variation de 
volume. Pour Mendéléev, ces phénomènes étaient un indice certain 
d’une interaction entre le soluté et le solvant. Il développa consé- 
quemment l’idée de l’existence d’une interaction chimique entre les 
particules du soluté et les molécules du solvant. En ternks moder- 
nes, les principes fondamentaux de la théorie de Mendéléev se résu- 
ment à ceci: 

19 Une solution se forme et existe grâce aux interactions entre 
toutes les particules: celles qui existaient déjà comme celles qui se 
sont formées lors de la dissolution. 

29 La solution est un système dynamique où les composés qui se 
dissocient se trouvent en équilibre mobile avec les produits de leur 
dissociation conformément à la loi d'action de masse. 

Par composés constituant, en particulier, une solution aqueuse, 
Mendéléev entendait les composés hydratés ou hydrates. Plus tard, 
Kabloukov introduisit la notion d’hydratation des ions et des molé- 
cules en solution aqueuse et de solvatation dans le cas général. 

La formation d’hydrates en solution aqueuse (solvates pour Les 


$ 41] NATURE DES SOLUTIONS 161 


solvants autres que l’eau), qui sont des combinaisons assez instables 
des particules dissoutes avec le solvant, est aujourd’hui un fait expé- 
rimental. 

L'hydratation est parfois observable sans qu'on ait recours aux 
appareils spéciaux. Ainsi, le sulfate de cuivre anhydre CuSO, est 
une substance blanche. Sa solution dans l’eau prend une coloration 
bleue. Cette couleur est due aux ions cuivre hydratés. Ces particules 
hydratées sont parfois tellement stables que, même lorsqu'on a sé- 
paré le soluté de l’eau (et qu’il est donc redevenu solide), des molécu- 
les d’eau restent dans les cristaux. C'est ainsi qu'après évaporation 
d’une solution aqueuse de sulfate de cuivre, on obtient, en phase so- 
lide. le sel CuSO, -5H,0 dont l’eau est dite de cristallisation. 

Ce sont les savants russes Kabloukov et Kistiakovski qui proposè- 
rent et développèrent la notion d'hydratation. Ces idées ont servi de 
base à la fusion des théories chimique et physique. 

La solvatation (ou l’hydratation, dans le cas de l’eau) est due à 
l'action des forces d'interaction intermoléculaire (forces de Van der 
Waals) entre le soluté et le solvant. La solvatation doit donc être 
d'autant plus aisée que les molécules constituant la solution sont 
plus polaires. L’eau est un bon solvant dans nombre de cas, car ses 
molécules sont très polaires. 

L'effet calorifique qui accompagne le processus de dissolution est 
rapporté à une mole de soluté et appelé chaleur molaire de dissolution. 
Cette chaleur est fonction de la nature du soluté et du solvant, ainsi 
que. dans une certaine mesure, de la température de dissolution. 

La chaleur de dissolution Q est la somme algébrique de deux 


quantités : 
Q = Qi 7 Qs 


où @Q, est la chaleur dépensée pour distribuer les particules du solu- 
té (molécules, atomes ou ions) entre les molécules du sol- 
vant, 

Q, est l'effet thermique de solvatation. 

Dans le cas d’un solide qui se dissout dans un liquide, Q, corres- 
pond à l’énergie nécessaire pour rompre le réseau cristallin du solide 
et les liaisons intermoléculaires du solvant. La valeur de Q, est con- 
sidérablement plus petite lorsque c'est un liquide ou un gaz qui est 
dissous dans un liquide. Cela concerne surtout les gaz, car leurs 
liaisons intermoléculaires sont beaucoup plus faibles que celles des 
solides et des liquides. 

L'effet thermique de solvatation est la chaleur dégagée lors de 
l'interaction des molécules du soluté et du solvant avec formation de 
nouvelles liaisons. Le signe de Q dépend de l’importance relative de 
chacun de ces deux termes. 

Le processus de dissolution peut donc être écrit sous la forme sui- 
vante : 

Corps à dissoudre + Solvant -= Corps en solutinn +Q 


11—01151 


162 - PROPRIÊTES DES SOLUTIONS [CH VI 


Le processus de dissolution est réversible : suivant les conditions, 
il y a soit dissolution, soit libération du corps dissous. Vu la réver- 
sibilité du processus de dissolution, il obéit à la règle de Le Cha- 
telier. Si la dissolution d’un corps se produit avec absorption de cha- 
leur, une élévation de température doit conduire à une meilleure so- 
lubilité. Par contre, s’il y a déga- 
gement de chaleur lors de la dis- 
solution, l'accroissement de tem- 
pérature correspondra à une solu- 
bilité plus mauvaise. 

La figure 44 présente les solu- 
bilités de quelques corps en fonc- 
tion de la température. On y voit 
que la solubilité des sels croît gé- 
néralement avec la température, 
soit d'une façon modérée (NaCI), 
soit très notablement (KNO:;, 
AgNO;); les cas sont rares où la 
solubilité décroît lorsque la tem- 
pérature augmente. La forme 
complexe de la courbe de solubi- 
lité du sulfate de sodium est liée 
à un changement de composition 
de la phase solide, lorsque 
Na,S0,-:10H,0 devient sulfate 
de sodium anhyvdre. 

En examinant la courbe de so- 
lubilité de chaque sel, on déter- 
mine le signe de son effet thermi- 
que de dissolution. Ainsi, en con- 
frontant la faible augmentation 
Fig. 44. Solubilité dans l'eau de quel- de la solubilité de NaCl avec un 
ques sels en fonction de la tempéra- accroissement relativement plus 

ture important de la solubliité de 

KNO; dans le même intervalle 

de température, on se rend compte que la dissolution de NaCl 

s'accompagne d'un faible effet endothermique, alors que celle 

de KNO, présente un effet endothermique plus fort. La brisure de la 

courbe de solubilité du sulfate de sodium témoigne de ce que la dis- 

solution de Na,S0,-10H,0 est un processus endothermique et celle 
du sulfate anhydre un processus exothermique. 

Au sens qualitatif, la solubilité d’un corps est son aptitude à for- 
mer un système homogène avec un autre corps jouant le rôle de sol- 
vant. Cette aptitude dépend de la nature des forces d'interaction mo- 
léculaire solvant-solvant, soluté-soluté, solvant-soluté. La meilleu- 
re solubilité est atteinte lorsque toutes ces forces ont un caractère 


160 


13 


Ca 3 
_- 
| d 
= 
_ 


Gt 


Solubilite, g par 100 g d'eau 
œ 


20 40 61) 80 400 
Température, C 


8 41] NATURE DES SOLUTIONS 163 


semblable. Les composés non ou peu polaires présentent une bonne 
solubilité dans les solvants non ou peu polaires. Ils se dissolvent 
moins bien dans les solvants hautement polaires. Ainsi, l’oxyde de 
carbone (11) CO, composé peu polaire (moment dipolaire 1 — 0,4 X 
X 10-32 C:m), est bien soluble dans le benzène dont les molécules 
sont non polaires (u — 0), alors que sa solubilité dans l’eau, composé 
à caractère polaire marqué (u = 6,11-107% C-m). est limitée. Le 
brome et l’iode sont des corps non polaires (1 = 0), ce qui les rend 
mieux solubles dans les solvants non polaires, tels le benzène ou le 
sulfure de carbone (u = 0), que dans l’eau. L'eau dissout parfaite- 
ment les composés polaires, tels l’ammoniac ou l’éthanol, non seule- 
ment parce que leurs molécules présentent une polarité élevée (res- 
pectivement 4,94-10-% et 5,66-10-% C:m), mais aussi parce que la 
pature des liaisons des constituants de départ est conservée en solu- 
tion. Aux liaisons hydrogène qui ont existé entre les molécules de 
chaque composant (eau, ammoniac et alcool) 
H H 
H—0...H | | C.H,—0.-.H 
H—N.-.-H—N | 
H...0—H | | H...0—C.H, 
H H 


succèdent les liaisons identiques entre le solvant et le soluté: 


H CH; 
| | 
H—N...H O...H 
| | | | 
H...0—H H-..0—H 


L'eau est un des solvants les plus importants. On sait que la con- 
figuration de toute molécule est définie par la disposition spatiale 
des noyaux des atomes constitutifs. Les trois noyaux de la molécule 
d’eau (un d'oxygène et deux d'hydrogène) forment dans l’espace un 
triangle isocèle : 


O 


p 4 104,579 H 


H 


Les liaisons forment entre elles un angle de 104,5°. L'oxygène 
participe à ces liaisons avec ses deux électrons non appariés des orbi- 
tales 2p: 


11* 


164 PROPRIÉÊTES DES SOLUTIONS | [CH. VI 


L'atome d'oxygène possède, dans sa couche de valence, encore 
deux doublets électroniques non partagés. Selon la théorie de l'hybri- 
dation (p. 97), toutes les orbitales de valence de l’atome d'oxygène 
(celles à doublets non partagés comme celles à électrons appariés) 
peuvent participer à l’hybridation. De la sorte, l’hybridation englo- 
be une orbitale s et trois orbitales p : il se forme quatre orbitales hy- 
brides du type sp. Or, comme on le sait, les orbitales sp° sont orientées 
vers les sommets d’un tétraëdre: 


H 


Comme les atomes d'oxygène et d'hydrogène ont des électronéga- 
tivités sensiblement différentes, les liaisons O—H sont fortement 
polarisées et les deux atomes portent des charges effectives assez éle- 
vées : négative pour l’atome d'oxygène et positive pour l’atome d’hy- 
drogène. Les liaisons polaires faisant un angle, la molécule entière est 
également polaire. Suite à la présence de charges effectives élevées sur 
les atomes d'hydrogène et d'oxygène, les molécules d’eau forment en- 
tre elles des liaisons hydrogène. Chaque molécule d’eau peut former 
deux liaisons hydrogène avec les oxygènes de deux molécules d’eau 
voisines. À leur tour, deux autres molécules d’eau peuvent se fixer 
sur l’oxygène de la première molécule avec leurs hydrogènes : 


o—H 


4 


Gus a 
OH 
O0 
É N 
H 
De la sorte, chaque molécule d’eau se trouve attachée par des liai- 
sons hydrogène à quatre molécules voisines. 


8 41] NATURE DES SOLUTIONS 165 


A l’état solide (glace), l’eau présente une structure strictement or- 
donnée : son réseau est constitué d'éléments tétraédriques. La forma- 
tion d’un tel réseau est liée à l’orientation des liaisons hydrogène. 
Lorsque la glace fond, sa charpente tétraédrique se désintègre en frag- 
ments isolés. Selon certains avis, ces fragments subsistent dans 
l’eau liquide. Malgré l'agitation thermique qui s'accélère avec la tem- 
pérature, ces agrégats « résiduels », semblables à des icebergs, demeu- 
rent longtemps présents dans l’eau liquide. 

Suite au caractère dipolaire de ses molécules, l’eau dissout par- 
faitement un grand nombre de composés à liaisons ioniques. L'éner- 
gie nécessaire pour détruire le réseau cristallin ionique est compensée 
dans une large mesure par l'énergie de formation des liaisons ion- 
dipôle (énergie de formation des ions hydratés). 

Quantitativement, la solubilité d’un corps est définie par sa 
concentration dans la solution saturée: là où un équilibre s’est 
établi entre la solution et la substance qui ne s’est pas dissoute. 

On caractérise la solubilité limite des corps à l’aide du coefficient 
de solubilité qui est le nombre de grammes du corps se dissolvant 
dans 100 g d’eau à une température donnée. Le coefficient de solu- 
bilité de KCI à 0 °C vaut 27,6. Cela veut dire que sa solution saturée 
renferme, à cette température, 27,6-100/(100 + 27,6) = 21,6 % de 
sel. 

Pour une solution saturée de KCI à 40 °C (elle renferme 28,57 % 
de sel dissous), le coefficient de solubilité est déduit de la propor- 
tion suivante: 


28,57 g de sel dissous dans 71,43 g d'eau 
z g de sel dissous dans 100 g d'eau 
D'où z=40 g 


On appelle saturée la solution qui est en équilibre avec la phase 
solide du corps dissous et qui en renferme la plus grande quantité 
possible dans les conditions données. Dans une telle solution, les 
quantités de molécules qui passent en unité de temps de la phase 
solide en solution et de la solution en phase solide, sont les mêmes. 

Une solution dont la concentration est inférieure à celle de la 
solution saturée, est dite non saturée. Il est possible d'y dissoudre, 
dans les mêmes conditions, une quantité supplémentaire de même 
corps. 

[1 peut y avoir, pour certains corps solides, des solutions sursatu- 
rées qui contiennent plus de soluté que ne permet de s'y attendre 
la solubilité de ce corps dans les conditions données. Usuellement, 
on prépare les solutions sursaturées en refroidissant les solutions 
qui ont eté saturées à une température plus élevée. En règle générale, 
les solutions sursaturées sont peu stables (systèmes métastables). 
En y introduisant de petits cristaux (germes cristallins) de corps 
dissous, on assiste à une cristallisation violente avec libération 


166 . PROPRIÊTES DES SOLUTIONS [CH. VI 
es 


de l'excès de soluté. Une solution sursaturée ne peut donc se former 
en présence du corps à dissoudre en phase solide. Parfois, la cristal- 
lisation peut être amorcée par un corps solide étranger. Voilà pour- 
quoi, dans la pratique analytique, on amorce souvent une cristalli- 
sation en frottant une baguette en verre contre la paroi du récipient 
qui contient une solution sursaturée. Certaines des menues parti- 
cules de verre qui résultent du frottement servent de centres de 
cristallisation. 

Les solutions sursaturées sont souvent le fait de substances à struc- 
ture moléculaire complexe. Si le chlorure d’argent en solution sursa- 
turée précipite très vite (Ag* et CIl- ont une forme sphérique et 
deviennent facilement centres de cristallisation), l’acétate de sodium, 
par contre, a tendance à former des solutions sursaturées, car la 
basse symétrie de l'ion acétate empêche la formation du germe cris- 
tallin. 

Les solutions sont dites concentrées si elles renferment beaucoup 
de soluté et diluées si elles en renferment peu. 

Suivant les solubilités respectives des corps, les concentrations 
de leurs solutions saturées peuvent présenter des différences bien 
sensibles: parfois ces solutions sont soit très concentrées, soit très 
diluées. Ainsi, à 20 “C, le coefficient de solubilité d'AgNO, vaut 
215 et celui d AgÏ 3-10-6. La solution saturée du premier sel con- 
tient donc 215-100/(100 + 215) = 68 % du soluté, alors que celle 
du second sel en renferme 3-10-%-100/(100 + 3-10-9) — 2,9.10-5 %. 


$ 42. Concentration des solutions et son expressivn. Expression 
de la concentration des solutions sous forme de titre. Sous cette forme, 
la concentration montre combien d'unités de masse de soluté con- 
tiennent 100 unités de masse de solution. Ainsi, une solution titrant 
12 de KOH contient 12 unités de masse de KOH pour 100 unités 
de masse de solution. Pour la préparer, il faut prendre 12 unités 
de masse de KOH et 88 unités de masse de solvant. 


1° Calcul du pourcentage du soluté. 


EXEMPLE. On à dissous 50 g de CuSO, -5H,0 dans 450 g d'eau. AU 
le pourcentage du cristallohydrate et du sel anhydre. 

Réponse. La masse totale de la solution est égale à 500 g. Le taux du cristal- 
Johydrate est déduit de la proportion 


500 g de solution 100 
50 g de soluté z 


se 
©“ © 


D'où r = 10 %. alors que le taux du sel anhydre CuSO, sera donné par 31,96 X 
X 100500 = 6,39 % où 31.96 g est la quantité de CuSO, qui répond à 50 g 
de CuSO, -5H,0. 


2° Calcul de la masse du soluté ou du solvant d’après la masse 
de la solution et sa concentration. 


$ 42] CONCENTRATION DES SOLUTIONS 167 


EXEMPLE. Combien de grammes de sel et d’eau renferment 800 g d'une 
solution titrant 12 % de NaNO. ? 
Réponse. La masse du sel dissous constitue 12 % de la masse de la solution: 
800-12;/100 = 96 g 
et la masse du solvant (88 % de la masse de la solution): 
800 -88/100 = 704 g 


3° Calcul de la masse de la solution d’une concentration connue 
d'après la masse du soluté ou du solvant. 


EXEMPLE 1. Combien de grammes de solution à 3 % de MgSO, peut-on 
préparer en dissolvant dans l’eau 100 g de MgSO, -7H,0? 
Réponse. On écrit la proportion 
246 g de MgSO,-7H,0 contiennent 120 g de MgSO, 
100 g de MgSO, -7H,0 contiennent zx g de MgSO. 
z = 48.7g 


Conformément aux données du problème, la masse du sel anhydre est égale 
à 3 % de la masse de la solution: 


3 % de la masse de la solution = 48,7 g 
100 % de la masse de la solution = zg 
z = 1023 g 
EXEMPLE 2. Combien de grammes de solution à 5 % de KOH peut-on 
préparer avec 100 g d'eau? 


Réponse. Dans le cas envisagé. 100 g d'eau correspondent à 95 % de la 
masse totale de la solution. D'où la masse de la solution: 


100.100,95 = 105,2 g 


4° Calcul de la masse du soluté ou du solvant à prendre pour pré- 
parer la solution d'une concentration déterminée. 


EXEMPLE 1. Combien de grammes de HCI doit-on dissoudre dans 250 g 
d’eau pour obtenir une solution à 10 % de HCI? 

Réponse. 250 g d'eau constituent 90 % de la masse de la solution et la 
masse de HCI est égale à 10 % de la masse de la solution, soit 


250 10/90 = 27,7 g 
EXEMPLE 2. Dans combien d'eau faut-il dissoudre 100 g de MgSO, -7H,0 
pour obtenir une solution renfermant 5 % de sel anhydre ? 
Réponse. 100 g de MgSO,-7H,0 renferment 48,84 g de MgSO, et 51,16 g 


d’eau. Il est donné que 48,84 g de sel constituent 5 % de la masse de la solu- 
tion. la masse du solvant étant égale à 


48,84 -95/5 — 928 g 


11 reste donc de prendre 928—51,2 — 876.8 g d'eau. 
On peut trouver d’abord la masse globale de la solution: 


48,84-100/5 = 976,8 g 
et puis la masse du solvant: 
976,8 — 100 = 876,8 g 


168 __ PROPRIÊTES DES SOLUTIONS _ [CH. VI 


5 9 Calculs par utilisation de la densité des solutions. Le volume 
d’une solution est égal à la masse divisée par sa densité. 


EXEMPLE 1. Combien de grammes de solution à 10 % de H,SO, faut-il 
pour une réaction d'échange avec 100 ml de solution à 13,7 % de Na,CO, (la 
densité de cette solution p = 1,145 g/cemÿ)? 

Réponse. 100 ml de solution ont une masse de 114,5 g, dont 114,5-0,137 = 
= 15,68 g de Na,CO:. L'équation de la réaction 


Na,CO3 — H,S0, =— Na,SO, + CO; + H,0 
nous permet de trouver la quantité nécessaire de l'acide sulfurique: 
15,68 -98,06/106 = 14,5 g 


Enfin, on passe à la solution titrant 10 % de H.SO, : 
14,5-100/10 = 145 g 


EXEMPLE 2. Combien de millilitres de solution à 9.5 % de Na,CO; 
(p — 1,10 g/cmÿ) faut-il ajouter à 100 g d'eau pour obtenir une solution à 3 % ? 
Réponse. Désignons le volume cherché par r ml. Sa masse est alors égale 
à z-1,10 g et la masse de Na,CO; qui y est contenu à x-1,10-0,095 g. Conformé- 
ment aux données du problème, la masse du soluté constitue 3 % de la masse 


de la solution obtenue (1,10 x + 100): 
1,10-0,095 z _ 
1,140 z—+ 100 me 


D'où z= 42 ml. 
EXEMPLE 3. Combien de millilitres de solution à 35 % d’ammoniac 
(p = 0,94 g/cmÿ) faut-il prendre pour préparer 33 g de (NH,),S0; ? 
Réponse. De l’équation de la réaction 
2NH; + H,S0, = (NH4)sSO 
on déduit la masse de l'ammoniac: 
34-33/132 = 8,5 g 


puis la masse et le volume de sa solution à 35 % : 


8,5-100 … 85100 _.. 
ps ee “it-Lpg 2,8 nl 


EXEMPLE 4. Combien de millilitres de solution à 32,5 % de NH, (p = 
—= 0,888 g/cmÿ) doit-on prendre pour préparer du sulfate d’ammonium (NH,),S0O, 
avec 250 ml de solution à 27,3 % de H,SO, (p = 1.2 g/cm®)? 

Réponse. On trouve la masse de la solution d'acide: 250.1,2 = 300 g. 
La solution renferme 300-:0,273 = 81.9 g de H,S0,. On tire de l'équation 


2NH; + H,S0, = (NH4)2S0:4 
la masse de pie ayant réagi: 
34,06-81,9 
98,08 
A cette quantité d'ammoniac correspondent : 
34,06-81,9-100 34,06-81,09-100 
98,08-32,5 98,08-32,5-0,888 


de solution titrant 32,5 % en ammoniac. 


g, soit —=98,6 ml 


$ 12] CONCENTRATION DES SOLUTIONS 169 


Equivalent et masse équivalente des éléments et des combinaisons. 
Comme nous l’avons déjà dit, on appelle masse équivalente la masse: 
d'un équivalent (nombre proportionnel) d’un corps (en g/mol ou 
kg/mol). On calcule la masse équivalente d’un élément donné en 
considérant ses combinaisons avec d’autres éléments, par exemple 
chlore, brome ou soufre, de masse équivalente connue. 

Les éléments se combinent ou se substituent les uns aux autres 
dans les quantités égales ou proportionnelles à leurs équivalents. 
La valeur de l'équivalent d’un élément combiné peut varier en fonc- 
tion de la nature de la transformation qu’il subit en se combinant 
chimiauement. Ainsi, lorsque H,S se forme à partir de ses éléments 
(H, + S = HS), la masse équivalente du soufre est égale à 16 g/mol, 
son équivalent valant 1/2 de mole; par contre, lors de la formation 
de SO, (S + O. = SO.) sa masse équivalente est égale à 8 g/mol 
et l'équivalent à 1/4 de mole. Pour juger de l'équivalent et de la 
masse équivalente d’un élément, il faut, évidemment, partir d'une 
combinaison quelconque de cet élément. D'où la règle: 


La masse équivalente d’un élément est égale à la masse molai- 
re des atomes de cet élément, divisée par sa valence dans la com- 
binaison chimique considérée. 

EXEMPLE 1. 0,304 g de A US ont déplacé 0,0252 g d hydrogène. 
Calculer la masse équivalente E magnésium. 


Réponse. Les masses des éléments combinés étant proportionnelles à leurs 
masses équivalentes, on peut établir la proportion 


0,304 g de Mg ont déplacé 0,0252 g de H 
E g/mol de Mg correspondent à 1 g’mol de H 


D'où E = 12,06 g/mol. 

EXEMPLE 2. Trois combinaisons oxygénées du chrome renferment respec- 
tivement 48; 31, 58 et 23. 53 % d'oxygène. Déterminer les masses équivalentes 
E du chrome pour one de ces combinaisons si la masse équivalente de l’oxy- 
gène est égale à 8 g/mol. 

Réponse. Dans la première combinaison 

48 g d'oxygène sont combinés à 52 g de chrome 
8 g/mol d'oxygène correspondent à E, g'mol de chrome 


D'où E, = 8.67 g/mol. 
On tire des proportions analogues pour la deuxième et la troisième com- 
binaison : 


__ 68,42-8 __ 76,478 _, 
Este 17,38 g/mol Es= 55 53 - =26,0 g/mol 


Les masses équivalentes du chrome dans ses oxydes sont entre elles comme 
les nombres 8,67: 17,38: 26 = 1: 2: 3, ce qui montre l'existence d'une corré- 
oe entre la loi des nombres proportionnels et celle des proportions multi- 
ples. 


L’équivalent d'un acide est la quantité de cet acide qui renferme 
un équivalent d'hydrogène pouvant être substitué par un métal. 


470 . PROPRIÉÊTÉES DES SOLUTIONS (CH. VI 
CPE mom emmgmmme 


EXEMPLE. On a déplacé 0,0403 g d'hydrogène de 1,8 g d'acide. Trouver 
l'équivalent de l'acide. 

Réponse. On déduit l'équivalent de l'acide de la proportion 

0.043 g d'hydrogène tirés de 1,8 g d'acide 
1,008 g d'hydrogène tirés de x g d'acide 
D'où r = 45 g. 

Les équivalents des acides HCI, HNO,, CH,COOH sont numéri- 
quement égaux à leurs masses molaires (respectivement 36,46; 
63,01 et 60,03 g), car ils renferment chacun une mole d’atomes 
d'hydrogène remplaçable par un métal. L’équivalent d'un acide 
peut donc être calculé en divisant sa masse molaire par sa basicité. 

L'équivalent d'une Lase est sa quantité qui réagit avec un équiva- 
lent d'acide. L'équivalent de NaOH est numériquement égal à sa 
masse molaire (40 g), alors que les équivalents de Ca(OH), et 
d'AI(OH), valent respectivement 1/2 et 1/3 de leurs masses molaires 
(37 et 26 g). Ainsi, l'équivalent d’une base peut être trouvé en 
divisant sa masse molaire par la valence du métal ou, ce qui revient 
au méme, par l'acidité de la base. 

Pour la même raison, l'équivalent d'un sel est trouvé en tant que 
le résultat de la division de sa masse molaire par le produit du 
nombre des ions métalliques par la valence du métal. Ainsi, les 
équivalents des sels NaCI, KNO, sont les mêmes que leurs masses 
molaires. tandis que pour MgSO,, AICI;, AI,(S0,); les équivalents 
correspondent respectivement à 1/2, 1/3 et 1/6 de leurs masses 
molaires. 

Les équivalents des composés chimiques peuvent aussi avoir 
des valeurs variables. Dans ces cas, la valeur de l'équivalent du 
composé chimique est déterminée par le caractère de sa transforma- 
tion, ce qui peut étre illustré par quelques exemples de formation 
et de comportement de sels acides et basiques. Ainsi, les équivalents 
de H,S0,. KHSO,, Cu(OH), et Cu(OH)CI valent 1/2 de leurs moles 
respectives dans les réactions 


H,S0, + 2KOH = K,S0, + 2H,0 
KHSO, + BaCL. = BaSO, + KCI + HCI 
Cu(OH). + 2HCI = CuCl, + 2H,0 
Cu(OH)Ci + H,S = CuS + HCI + H.0 
Dans les réactions 
H.SO, + KOH — KHSO, + H.0 
, KHSO, + KOH = K,S0, + H.0 
Cu(OH). + HCI = Cu(OH)CI + H,0 
Cu(OH)CI + HCI = CuCl, + H,0 


les valeurs des équivalents de ces mêmes composés coïncident avec 
leurs masses molaires. 


] 


$ 42] CONCENTRATION DES SOLUTIONS 171 


Expression de la concentration des solutions en unités de normalité 
et de molarité. Conversion réciproque des différentes unités relatires 
à la concentration. On appelle molarité d'une solution le nombre de 
moles de soluté que contient 1 litre de cette solution. Lorsqu'un 
litre de solution renferme une mole de soluté, une telle solution est 
dite molaire. Les solutions qui contiennent dans 1 litre des fractions 
de mole (0,1; 0,2; 0,01; 0,001) sont respectivement décimolaire 
(0,1 M), didécimolaire (0,2 M), centimolaire (0,01 M), millimolaire 
(0,001 M), et ainsi de suite. Les solutions dont le litre renferme 
1, 3, 4, ... moles de soluté, sont dimolaire (2 M), trimolaire 
(3 M), tétramolaire (4 M), etc. 

Le nombre d'équivalents-grammes de soluté par litre de solution 
exprime la concentration équivalente (la normalité) d'une solution. 
Un corps qui possède une bonne solubilité et un petit équivalent 
peut donner des solutions de concentration équivalente élevée. 

On appelle normale une solution dont 1 litre renferme 1 équiva- 
lent-gramme de soluté. Les solutions contenant dans un litre des 
fractions d'équivalent, par exemple, 0,1; 0,2; 0,02; 0,001, sont 
dites respectivement décinormale (0,1 N), didécinormale (0.2 N), 
dicentinormale (0,02 N), millinormale (0,001 N) et celles qui contien- 
nent 2, 3, 4 et plus d'équivalents sont respectivement dinormale, 
trinormale, tétranormale, etc. 

En passant de la concentration molaire à la concentration équi- 
valente et vice versa, il faut tenir compte du nombre d'équivalents 
faisant partie d'une mole de corps concerné. Dans le cas des solutions 
des composés du type HCI, HNO,, KOH et autres, pour lesquels 
l'équivalent coïncide avec 1 mole, la molarité et la normalité des 
solutions se trouvent confondues. 

Chez les composés du type CaCl,, H,S0,, Ba(OH)., l'équivalent 
vaut 0,5 mole. Les solutions normales de ces corps sont donc 0,5 M 
et leurs solutions molaires sont dinormales. Une solution 7,59 M de 
H,PO, est 22,5 Net la solution 1,2 N d'Al,($0,), est en même temps 
une Solution 0,2 M. 

Lorsqu'on passe des concentrations exprimées en pourcentage 
aux concentrations équivalentes et molaires, on a à tenir compte de 
la densité des solutions. 


EX EMPLE 1. Déterminer les concentrations molaire et équivalente d'une 
solution à 49% de H,PO,4 (p = 1.33 g'cm*). 

Réponse. La masse d'un litre de solution est égale à 1330 g et renferme 
1330 -0,49 = 651,7 g de H,PO,, soit 


1330 -0,49;/98 = 6,65 mol 


I] s’agit donc d'une solution 6,65 M. Pour passer à la concentration équiva- 
lente. il faut tenir compte du fait que la solution molaire de H,PO, correspond 
à sa solution trinormale. La normalité de la solution 6.65 M de H,PO, vaut 
donc 19,95 N (6,65-3). 


472 + PROPRIÉÊTES DES SOLUTIONS ; [CH. VI 


EXEMPLE 2. Calculer le pourcentage de H,S0, dans sa solution 5 M 
(p = 1,29 g/cmÿ). 

Réponse. 1 litre de solution a une masse de 1290 g et renferme 98.08-5 — 
= 490,4 g de H,S0,. Par conséquent. la solution contient : 


490,4 100/1290 = 38 % de H,S0, 


L'emploi des concentrations équivalentes simplifie considérable- 
ment les calculs. On sait que les corps se combinent dans des quan- 
tités proportionnelles à leurs équivalents. Cela veut dire, par exem- 
ple, que 1 équivalent de BaClI, fait précipiter. d’une solution d’acide 
sulfurique, 1 équivalent de BaSO, en laissant en solution 1 équiva- 
lent de HCI. En réagissant avec une solution d'AgNO,, 1 équivalent 
de BaCL, fait précipiter 1 équivalent d’'AgCl laissant à l’état dissous 
un équivalent de Ba(NO:).. Les solutions de même normalité ren- 
fermant le même nombre d'équivalents, leurs volumes réagissent 
dans le rapport 1: 1. 

C'est ainsi qu’un litre de solution normale de H,S0, doit étre 
additionné d’un litre de solution normale de BaCl, si l’on veut que 
BaSO, précipite complètement. On obtient le même résultat en 
ajoutant 0,5 1 de solution 2 N ou 0,25 1 de solution 4 N de BaCI,, 
et ainsi de suite. Si l’on emploie des solutions plus diluées, la préci- 
pitation de 1 équivalent de BaSO, demandera 2 1 de solution 0,5 N, 
4 ] de solution 0,25 N ou 10 1 de solution 0,1 N de BaCI.. 

Le produit de la normalité d’une solution par son volume en 
litres fournit le nombre total d'équivalents contenu dans ce volume 
de la solution. En désignant les normalités de deux solutions en 
réaction par V, et V. et leurs volumes par V, et V,, on trouve que 

NiVi=WiaVa, soit = 
c'est-à-dire que les volumes de deux solutions en réaction sont inverse- 
ment proportionnels à leurs concentrations équivalentes. 

Le fait que l’emploi des concentrations équivalentes simplifie 
les calculs est illustré par les exemples suivants. 


EXEMPLE 1. Combien de grammes de Na,CO, peut-on décomposer par 
l'action de 100 ml de solution 4 N de HCI? 

Résolution détaillée. 

19 Calcul de la masse de HCI contenue dans 100 ml de solution 4 N: 


1000 ml de solution 4 N renferment 36,46-4 g de HCI 
100 af de solution 4 N renferment z g de HCI 


— 36,46.4.0,1 g 


29 Calcul de la masse du carbonate de sodium décomposé. En partant de 
l'équation de la réaction 


Na,CO, + 2HCI = 2NaCl + H,0 + CO, 


$ 42] CONCENTRATION DES SOLUTIONS 173 


on trouve: 
Décomposition de Fi de Na,CO, due à 36.46 -2 g de HCI 
Décomposition de y g de Na,CO; due à 36,46 -0,4 g de HCI 


y=212g 


Résolution simplifiée. 100 ml de solution 4 N de HCI contiennent 0,4 équi- 
valent de HCI. Pour réagir avec cette que de HCI, il faut la mème quantité 
de Na,CO; (en équivalents). 1 équivalent de Na,CO, vaut 0,5 mol, soit 53 g, 
alors 0,4 equivalent est égal à 53-0,4 = 21,2 g de Na,CO:. 

EXEMPLE 2. Combien de litres de solution 0,1 N d'AgNO, faut-il pour 
effectuer une réaction d'échange avec 0,5 1 de solution 0.3 N d’AICI, ? 

Résolution détaillée. 

19 Calcul de la masse d’AICI, en solution : 0,5 1 de solution 0,3 N renferme: 


133,3-0,5-0,3/3 g 
20 Calcul de la masse d'AgNO, à l’aide de l'équation de la réaction 
3AgNO; + AIÏCI, = 3AgCl4 + AI(NO:)s 
133,3 g d’AICIL, réagissent avec 170-3 g d'AgNO; 
ESS g d’AICI; réagissent avec z g d'AgNO:s 
z = 110-0,5-0.3 g 
39 Calcul du volume d'une solution 0,1 N d'AgNO;: 
1 1 de solution 0,1 N contient 170.0,1 g d'AgNOs 
y l de solution 0,1 N contiennent 170-0,5-0,3 g d'AgNOs 
y = 1,51 


Résolution simplifiée. On dénombre dans 0,5 1 de solution 0.3 N d'AÏCI, 
0,5-0.3 — 0,15 équivalent d’AICI,. Pour réagir avec cette quantité d’AlCI;, 
on a besoin de la même quantite d'AgNO, (en équivalents), soit 0,15. Un litre 
de solution d'AgNO, renferme 0,1 équivalent et 1,5 1 0,15 équivalent. On abou- 
tit} au même résultat en utilisant la formule 


V'agNOs _ N kicia — " 0,5-0,3 : 
DE CRIE TER soit V'AgNOs = 01 =1,9 l 
A!Cls AgNO: ’ 


En mélangeant des solutions à concentrations équivalentes 
différentes, on obtient une solution dont la concentration est définie 
par le nombre total d'équivalents dans 1 1 de solution. Ainsi, si l'on 
mélange 5 1 de solution 4 N de HNO, et 2 1 de solution 0,5 N, le 
volume total s'élévera à 7 1 et le nombre total d'équivalents à 5-4 + 
+ 2.0,5 = 21. La solution résultante sera donc trinormale. 

Strictement parlant, le volume de la solution résultant de la 
dilution d’une solution concentrée avec une solution moins concen- 
trée ou de l’eau n'est pas égal à la somme des volumes concernés, 
mais, lors d’un calcul approché, on peut négliger la variation du 
volume total après mélange. 

Certains des problèmes semblables, relatifs au mélange de solu- 
tions, sont aisés à résoudre à l’aide d’une équation à une inconnue. 


174 . PROPRIÊTÉS DES SOLUTIONS ; [CH. VI 


EXEMPLE. Combien de litres de solution 6 N de NaOH doit-on ajouter 

à 4,5 de solution 0.8 N de KOH pour que la solution mélangée soit dinormale ? 

Réponse... 4,5 1 de solution 0.8 N renferment 4.5-0,8 = 3.6 équivalents de 

K OH. Si l’on y ajoute r 1 de solution 6 N de NaOH.,. le nombre total d'équiva- 

lents égalera 3.6 + 67. le volume total étant égal à 4.5 + r (en 1). Comme il 

découle des données du problème, chaque litre de la solution mélangée doit 
comporter 2 équivalents. soit 

GER 

4,5 x 


= 2 


D'où r — 1.35 1]. 


Equivalents et normalité des solutions des orydants et des réducteurs. 
Comme nous l'avons déjà dit, les équivalents des éléments et de 
leurs combinaisons sont fonction du caractère des réactions chimi- 
ques auxquelles ils participent. Un même élément ou une même 
combinaison peuvent présenter une valeur variable de leur équiva- 
lent suivant le type de la réaction. Cela est vrai, notamment, pour 
les corps qui interviennent dans les réactions d'oxydoréduction. 
Ainsi, HI est oxydé en iode élémentaire par des sels de fer (111) 
suivant la réaction 


2HI + 2FeCl, = I, + 2FeCl, + 2HCI 


21- — 2e = 1], 


Dans cette réaction, l'équivalent du réducteur HI est égal à sa 
masse molaire, car l’ion négatif Î- perd un électron en se transfor- 
mant en iode élémentaire. 

Si l’on ajoute un excès d’eau chlorée à une solution aqueuse de 
HI, la réaction conduira à la formation d'acide iodique suivant 
l'équation 

HI + 3CIl, + 3H,0 = HIO, + 6HCI 
1- + 3H.0 — 6e = 103 + 6H* 


Dans ce cas, l'équivalent de HI vaut 1/6 de sa masse molaire. 

L’équivalent d'un oxydant (d'un réducteur) est égal à sa masse 
molaire divisée par le nombre d'électrons qu'une molécule d'oxydant 
(de réducteur) gagne (perd) au cours de la réaction d'orydoréduction 
considérée. 


EXEMPLE 1. Calculer l'équivalent de FeCl, réducteur. 

Réponse. Vu que l'ion Fe°* perd un électron au cours de l'oxydation en se 
transformant en ion Fe’*, l'équivalent de FeCl, est égal à la masse molaire du 
sel, soit 126.8 g'mol. 

EXEMPLE 2. Quelle fraction d'équivalent vaut 0.971 g de K,CrO, oxy- 
dant ? 

Réponse. En agissant comme oxydant. K.CrO, fixe trois électrons et se 
transforme en un composé comportant un ion Cr°*. L'équivalent de K,CrO, 
est égal à M3, soit 194.23 g. et 0,971 g vaut 0,971 -3/194.2 — 0.015 équivalent. 

EXEMPLE 3. Combien de grammes de FeSO, peut-on oxyder en présence 
de H,SO, à l'aide de 100 ml de solution 0,25 N de K.CrO, ? 


$ 43] DIFFUSION ET OSMOSE. PRESSION OSMOTIQUE 199 


… Réponse. 100 ml de solution 0,25 N de K,CrO, renferment 0.025 équivalent 
d'oxydant qui peut oxyder 0.025 équivalent de réducteur. Comme l'équivalent 
du réducteur FeSO, est égal à sa masse molaire (Fe°* — e — Fe3*), soit 151,9, 
la masse cherchée égalera 151.9-25/1000 — 3,8 g. 


La concentration équivalente (la normalité) d'une solution d’oxy- 
dant ou de réducteur est également donnée par le nombre d'équiva- 
lents que contient 1 litre de solution. 


$ 43. Diffusion et osmose. Pression osmotique des solutions. Cer- 
taines propriétés des solutions diluées des non-électrolytes se prètent 
à une description quantitative et peuvent 
être exprimées sous forme de lois. 

Soit une solution concentrée d’un corps 
quelconque, placée dans un récipient cy- 
lindrique. Versons par-dessus, en prenant 
toutes les précautions pour éviter le mé- 
lange, une couche de solution plus diluée 
ou de solvant. Après un certain temps, 
la concentration en corps dissous devien- 
dra la même en tout point de la solution. 
Cette égalisation progressive de la concen- 
tration est due à la tendance des particu- 
les des deux constituants de la solution — 
solvant et soluté — à se répartir unifor- 
mément dans tout le volume de la solution. 
Vu la tendance générale à accroître le 
désordre, ces particules se déplacent en 
direction des concentrations plus faibles. 
Les particules du soluté se placent parmi 
les particules du solvant et celles du sol- Le 
vant parmi celles du soluté. Ce phénomè- Fig. #5. Osmomètre élémen- 
ne, dü à l'agitation thermique des molé- ,_ uen . — 

° . ° — CC, = — Imem- 
cules, est appelé diffusion. branc semi-perméable ; 3 — cau 

Considérons maintenant un cas parti- 
culier de la diffusion, lorsque la solution et le solvant ou bien deux 
solutions de concentrations différentes sont séparés par une cloison 
perméable aux molécules du solvant et imperméable aux molécules 
du corps dissous: c'est ce qu’on appelle membrane semi-perméable. 
On l'utilise dans l'appareil appelé osmomètre. 

L'osmomètre élémentaire (fig. 45) est constitué par un tube en 
verre (il vaut mieux qu'il soit gradué) dont le bout élargi est fermé 
avec une membrane semi-perméable (un tissu animal ou bien de la 
cellophane, film macromoléculaire spécialement traité). On verse 
dans le tube une solution quelconque, du sucre dans l’eau par exemple. 
Après avoir noté le niveau du liquide dans le tube, on le plonge dans 


NS 


476 .. . PROPRIÊTES DES SOLUTIONS [CH. VI 


U 


le solvant (eau dans ce cas particulier) de façon à faire coïncider 
les niveaux des deux liquides. Au bout d’un temps, le liquide dans 
le tube se met à monter pour atteindre une certaine hauteur (h). 
Cette montée du liquide dans le tube est provoquée par l’osmose. 

L'osmose est une diffusion unilatérale à travers une membrane 
semi-perméable. Comme on peut le voir sur la figure 46, les molé- 
cules d’eau qui passent par unité de temps du solvant vers la solu- 
tion sont plus nombreuses que celles qui suivent le trajet inverse. 


Fig. 46. Pénétration des molécules d'eau à travers une membrane semi- 
perméable : 
1 — molécules d'eau; 2 — molécules de sucre ;: 3 — membrane 


Dans le solvant, la concentration en ses propres molécules est plus 
élevée que dans la solution qui renferme, en plus du solvant, les 
molécules du corps dissous. Le déplacement des molécules de solvant 
vers la solution (de l'endroit où leur concentration est plus élevée 
vers l'endroit où elle l’est moins) est donc dû à la tendance à aug- 
menter le désordre. De plus, il ne faut pas oublier que les molécules 
de solvant sont retenues dans la solution par les forces de solvatation 
qui les attachent aux particules du corps dissous et qui sont sûre- 
ment plus puissantes que les forces d'interaction entre les particules 
du solvant. 

L'osmose rend la solution plus diluée, mais sa concentration en 
molécules de solvant reste néanmoins inférieure à celle du solvant 
même. Pourtant, la pression hydrostatique supplémentaire exercée 
sur les molécules du solvant dans le récipient intérieur (elle est due 
à la différence de niveaux entre les récipients, désignée par h) rend 
égale la vitesse de pénétration à travers une membrane semi-per- 
méable dans les deux sens. 

Lorsque le liquide dans le tube a cessé de monter, cela veut dire 
que le système est parvenu à l’état d'équilibre: désormais le même 
nombre de molécules traversent la membrane dans les deux sens 
opposés (du solvant vers la solution et de la solution vers le sol- 
vant). Plus la concentration en corps dissous est élevée, plus les 
molécules de solvant/ont tendance à diluer la solution en pénétrant 
à travers la membrane et la hauteur de la colonne de liquide néces- 
saire pour arrêter l’osmose est d'autant plus importante. 


$ 43] DIFFUSION ET OSMOSE. PRESSION OSMOTIQUE 174 


Ainsi, en présence d'une membrane séparatrice, l'équilibre entre 
la solution et le solvant n’est possible que lorsqu'une certaine pres- 
sion supplémentaire, dite pression osmotique, est appliquée à la 
membrane du côté de la solution. Soulignons que la pression osmoti- 
que n'apparaît que dans un système constitué de solvant, de solu- 
tion et d'une membrane semi-perméable. 

H existe une multitude de membranes semi-perméables naturelles 
d'origine animale ou végétale: membranes cellulaires, parois des 
vaisseaux sanguins, du tube digestif, des hématies... L'osmose est 
donc d'une importance capitale pour les phénomènes biologiques: 
elle règle les processus d’absorption et de sécrétion, d'alimentation 
radiculaire, etc. 

En pratique, on utilise habituellement des membranes semi-per- 
méables artificielles, dont la meilleure est un sel de composition 
Cu.{Fe(CN),l. On le prépare suivant la réaction 


K{Fe(CN)el + 2CuSO, = Cu,[Fe(CN)el} + 2K,S0, 


conduite dans les pores d’un récipient en porcelaine non cuite qui 
sert de charpente ou support. Pour mesurer la pression osmotique, 
ce récipient est rempli de solution à tester, raccordé à un manomètre 
et plongé dans un autre récipient rempli d’eau. 

La détermination de la pression osmotique des solutions en fonc- 
tion de la variation de concentration et de température a permis de 
constater que, bien qu'il y ait des différences notables entre la 
pression osmotique et la pression gazeuse, l'aspect quantitatif de 
ces deux phénomènes présente une certaine analogie et toutes les 
lois relatives à la pression gazeuse se trouvent applicables à la pres- 
sion osmotique. 

Par analogie avec la pression gazeuse, la pression osmotique 
d’une solution diluée est proportionnelle à la concentration de la 
solution: en d'autres termes, elle monte lorsque la concentration 
en’corps dissous croit et elle baisse lorsque cette concentration dimi- 
nue. Vu que la concentration est inversement proportionnelle au 
volume, la pression osmotique obéit à la loi de Boyle-Mariotte. 

De même que la pression gazeuse, la pression osmotique aug- 
mente avec la température : elle est proportionnelle à la température 
absolue de la solution (loi de Gay-Lussac). 

Si l’on compare les pressions osmotiques de deux solutions de 
non<lectrolytes de même molarité, on les trouvera égales lorsque 
la température est la même. Les solutions caractérisées par une 
pression osmotique identique sont dites isotoniques. Inversement, 
lorsque les solutions de deux ou plusieurs corps sont isotoniques, 
on peut affirmer que leurs concentrations molaires sont identiques. 


Ainsi, la loi d’Avogadro est également applicable à la pression osmo- 
tique des solutions. 


12—01151 


1478 - PROPRIÊTES DES SOLUTIONS à [CH. VI 


L'analogie quantitative entre la pression gazeuse et la pression 
osmotique a trouvé son expression la plus complète dans la loi de 
Van't Hoff: 


La pression osmotique d’une solution diluée est numérique- 
ment égale à la pression qu’exercerait une quantité donnée de 
corps dissous, occupant sous forme de gaz, à température donnée, 
un volume égal au volume de la solution. 


La pression osmotique étant décrite par une loi relative aux 
gaz, on peut étendre à son calcul l'équation d'état des gaz parfaits 
PV = RT, après l'avoir légèrement modifiée. Dans cette équation, 
V est le volume de la solution qui renferme 1 mole de corps dissous. 
Par conséquent, la concentration molaire de la solution C vaut 1/V. 
Alors l'expression qui sert à calculer la pression osmotique prend 
la forme : 


LP oui = CRT 


En remplaçant C par le rapport m/M où m est la masse du soluté 
dans 1 litre de solution et 4/7 est la masse molaire du soluté. on a: 


m 
Porn = RE RAT 


Dans l'organisme des mammifères et de l'homme. la pression osmotique 
vaut environ U,8 MPa, chez les poissons à squelette osseux entre 1 et 1.5 MPa, 
chez les plantes des prés entre 0.5 et 1,0 MPa et chez les halophytes entre 6,0 
et 8.0 MPa. 

A l'époque où les Egyptiens construisaient leurs pyramides, il n'existait 
pas encore de matières explosives. Les Egyptiens <e servirent donc. sans le 
savoir, du phénomène d'osmose. On pratiquait dans la roche une ouverture où 
l'on enfonçait un coin en bois. Arrosé d'eau, ce coin gonflait peu à peu et fina- 
lement écartait les parois rocheuses. Le gonflement du coin était dü à la péné- 
tration osmotique de l’eau dans les cellules des tissus ligneux. 


$ 44. Diminution de la tension de vapeur des solutions. Loi de 
Raoult. Au-dessus de tout liquide (solvant ou solution), il existe 
une certaine pression due à la vapeur qui sature l’espace environ- 
nant. Cette pression caractérise l'état d'équilibre entre la phase 
liquide et les molécules de solvant qui se trouvent au-dessus. Nous 
ne considérons dans ce cas que les solutions de corps non fugitifs 
dont la tension de vapeur est déterminée par une certaine concentra- 
tion des molécules de solvant, la concentration en molécules de 
corps dissous étant pratiquement nulle ou, en tout cas, négligeable. 

La tension de vapeur de ces solutions est inférieure à la tension 
de vapeur du solvant à la même température. Cette diminution 
de la tension de vapeur est due au fait que la surface de la solution, 
à la différence de celle du solvant, est partiellement occupée par 
les molécules du corps dissous non volatil. Cela provoque une dimi- 
nution du nombre de moléctüles de solvant évaporées par unité de 


$ 44] DIMINUTION DE LA TENSION DE VAPEUR DES SOLUTIONS 179 


temps, alors que le nombre des molécules qui quittent la phase 
gazeuse pour se déposer à la surface de la solution demeure inchangé. 
car la surface totale de la solution reste la même. 

En plus de cela, il faut tenir compte des forces de solvatation qui 
agissent entre les molécules du solvant et du corps dissous. Ces 
forces sont supérieures à celles qui assurent la cohésion intermolécu- 
Jaire dans le solvant, d'où une moindre tendance des molécules 
du solvant à passer à l’état gazeux. 

Ainsi, l’addition à un solvant de tout corps non volatil soluble 
dans ce solvant et qui forme effectivement une solution, provoque la 
rupture de l'équilibre entre le solvant et sa vapeur saturée en con- 
duisant à un nouvel équilibre où la tension de vapeur de la solution 
sera quelque peu inférieure à la tension de vapeur du solvant à la 
même température. 

Si l’on désigne par p, la tension de vapeur du solvant et par p la 
tension de vapeur de la solution, la différence p, — p — Ap corres- 
pond à la diminution de la tension de vapeur. En rapportant cette 
différence à la tension de vapeur du solvant, on obtient ce qu'on 
appelle abaissement relatif de la tension de vapeur du solvant: 

Po — P ayd 


ou 
Po Po 


Selon la loi de Raoult, l’abaissement relatif de la tension de 
vapeur du solvant est égal au rapport du nombre de moles r du 
corps dissous au nombre total de moles V + n dans la solution 
(soluté + solvant): 


Lo DE N—+n Pu N+n 


Le rapport n/(N + n) est appelé fraction molaire du soluté, 


d'où une autre formulation de la loi de Raoult: 


L’abaissement relatif de la tension de la vapeur saturée du sol- 
vant au-dessus de la solution est égal à la fraction molaire du 
corps dissous. 


En partant des dns ci-dessus, on peut calculer: 


P=Po x + et Ap= Po 


Parallélement à l’abaissement de la tension de vapeur, on voit 
varier la température d’ébullition et le point de congélation: la 
solution bout plus haut et se congèle plus bas que le solvant corres- 
pondant. 

On sait que la tension de vapeur d'un liquide en ébullition de- 
vient égale à la pression extérieure. La tension de vapeur de la solu- 
tion est plus basse que celle du solvant pur: c'est, probablement, 
pour cette raison que la solution doit être portée à une température 


12* 


180 . PROPRIÊTES DES SOLUTIONS | (CH. VI 


plus élevée afin que sa tension de vapeur atteigne le niveau de la pres- 
sion extérieure et que la solution puisse bouillir. 

Le diagramme de la figure 47 présente la corrélation entre les 
grandeurs mentionnées pour le cas de l’eau et des solutions aqueuses. 
Le point À du diagramme répond à la tension de vapeur de l’eau et 
de la glace à O C, la courbe 4B à la variation de la tension de vapeur 


P, MPa 


O,1F 


At 


cong t, C 


Fig. 47. Pression de la vapeur au-dessus de l'eau pure et au-dessus d'une so- 
lution en fonction de la température 


de l’eau entre 0 et 100 °C, le segment AC à la variation de la tension 
de vapeur de la glace, lorsque la température baisse au-dessous de 
zéro. et la courbe A,B, à la variation de la tension de vapeur d'une 
solution aqueuse entre la température de congélation et la températu- 
re d’ébullition. À chaque température donnée, la tension de vapeur 
de la solution s'avère inférieure à la tension de vapeur du solvant, 
voilà pourquoi tous les points de la courbe 4,B, sont situés plus bas 
que les points correspondants de la courbe 48. 

Le diagramme met en évidence le fait que la tension de vapeur 
de la solution à 100 °C reste inférieure à la pression atmosphérique 
extérieure (point D) *. La solution ne bout pas à cette température. 
La tension de vapeur n'’atteint la valeur de la pression atmosphérique 
qu’au point B,, c’est-à-dire à une température plus élevée (100 + 
+ Atsr) °C qui est la température d'ébullition de la solution. Le 
diagramme montre également que des cristaux de glace n'apparai- 
tront dans la solution que lorsque cette dernière aura été refroidie 
jusqu’à une certaine température inférieure au point de congélation 


* Cette différence est moins importante que celle montrée sur la figure. Afin 
de mieux mettre en évidence l'existence de cet écart, on n'a pas respecté les pro- 
portions. 


$ 44] DIMINUTION DE LA TENSION DE VAPEUR DES SOLUTIONS 181 


de l’eau (At4ong). Alors la solution et la glace auront la même tension 
de vapeur et pourront donc coexister en équilibre (point 4,). Ainsi, 
les limites de l’état liquide de la solution s'étendent, par rapport 
au solvant, d'un nombre de degrés égal à la somme de l’accroisse- 
ment de la température d'ébullition de la solution At;:4 et de l’abais- 
sement de sa température de congélation Afcong- 

Les valeurs des grandeurs After et Afoong Sont proportionnelles 
à la molalité * de la solution. Les solutions molales de différents 
corps (non-électrolytes) présentent une valeur de l'accroissement de 
la température d’ébullition et une valeur de l’abaissement de la 
température de congélation caractéristiques de chaque solvant donné. 
La première grandeur est dite constante ébullioscopique du solvant 
Er et la seconde, constante cryoscopique du solvant E ong- 

On détermine les deux constantes (Tableau 14) en partant des 
données expérimentales relatives à Afer et Afcong Pour les solutions 


Tableau 14 


Caractéristiques relatives à l’ébullition et la congélation 
de quelques solvants 


fcong: °C Econg- °C/mol 


Eau 

Benzene 

Acide acétique 
Acétone 
Ethanol 
Naphtalène 


d'une molalité connue d’avance. Inversement, connaissant les cons- 
tantes ébullioscopique et cryoscopique du solvant et la molalité de 
la solution, on peut calculer ses Atong et Ater. Ainsi, lorsqu'on dis- 
sout g grammes d'un non-électrolyte S de masse molaire M g dans À 
grammes d'un solvant, il est possible de déduire la molalité de la 
solution obtenue m£$ de la proportion 

g/M moles dans À g de solvant 

ms moles dans 1000 g de solvant 

CDS — g- 1000 

d'où Ms= Fr 
Comme les grandeurs Atep et Atcong Sont proportionnelles à la molalité 

: + 1000 g- 1000 

te = Ea = MA 


et Atcong — E eong 


* Molalité: nombre de moles de corps dissous dans 1000 g de solvant. 


182 . PROPRIÊTES DES SOLUTIONS , (CH. VI 


Il découle de ces expressions que, en conformité avec le sens phy- 
sique des constantes ébullioscopique et cryoscopique, At = Eeb 
et Atcons = Econg lorsque g = M et À — 1000 grammes. 

Il existe une certaine corrélation entre les propriétés envisagées 
des solutions : elles sont toutes proportionnelles au nombre de moles 
de corps dissous par unité de volume de la solution ou par unité 
de masse du solvant. Les lois de Van’t Hoff et de Raoult ne se véri- 
fient que pour les solutions diluées, dans lesquelles la proportion 
des molécules de solvant fixées sous forme de solvates est suffisam- 
ment faible: on peut considérer que les propriétés de ces solutions 
dépendent bien peu de la nature du corps dissous. Lorsque la con- 
centration est plus élevée, la part des molécules de solvant partici- 
pant à la solvatation augmente et celle des molécules de solvant qui 
n'y interviennent pas, diminue. Les propriétés des solutions con- 
centrées commencent à dépendre des propriétés chimiques du corps 
dissous. 

Les lois de Van't Hoff et de Raoult permettent de déterminer 
les masses molaires des corps dissous à partir d’une seule ou de quel- 
ques-unes des quatre propriétés mentionnées de leurs solutions diluées. 

La méthode basée sur la mesure de la pression osmotique de la 
solution d’une concentration déterminée, fut largement utilisée à 
l’époque où l'étude des solutions diluées ne faisait que commencer. 
Aujourd hui, on s'en sert, de préférence, lorsqu'il s’agit de détermi- 
ner la masse molaire d'un polymère. 

La méthode qui part de l’abaissement de la tension de vapeur de 
la solution présente l'avantage de permettre la détermination de la 
masse molaire du corps dissous dans un large intervalle de tempéra- 
tures : entre le point de congélation et le point d’ébullition de la 
solution. Pourtant, une telle détermination s'avère moins précise. 

Grâce à sa simplicité, on utilise le plus souvent la méthode cryos- 
copique qui consiste à déterminer expérimentalement l’'abaissement 
de la température de congélation de la solution à l’aide d’un thermo- 
mètre approprié qui permet de mesurer la température à 0,01-0,005 °C 
près. La méthode cryoscopique n’est inapplicable que lorsque la 
solubilité du non-électrolyte testé est trop faible à la température de 
congélation de la solution. 

La méthode ébullioscopique, basée sur la mesure de l'accroisse- 
ment de la température d’ébullition de la solution, est d'un emploi 
moins fréquent. Elle est moins précise, car la température d'ébulli- 
tion subit une forte influence des variations de pression atmosphéri- 
que. De plus, les constantes ébullioscopiques de nombreux solvants 
sont inférieures à leurs constantes cryoscopiques (v. Tableau 14). 
Ainsi, pour l’eau, la constante ébullioscopique vaut moins d'un 
tiers de la crroscopique et les valeurs expérimentales proportionnelles 
à ces constantes sont donc d’autant moins élevées, ce qui explique 
une erreur relative plus importante. 


CHAPITRE VII 


SOLUTIONS ÉLECTROLYTIQUES 


$ 45. Traits caractéristiques des solutions électrolytiques. C'est 
Faraday qui introduisit, dans la première moitié du XIX®° s., la 
notion d’électrolytes et non-électrolytes. Il baptisa électrolytes les 
corps dont les solutions possèdent une conductivité électrique, et 
non-électrolytes les corps dont les solutions ne conduisent pas le 
courant électrique. Les sels, les acides et les bases, fondus ou dis- 
sous, sont des électrolytes. Comme nous l'avons montré au Chapi- 
tre VI, les propriétés des solutions diluées de non-électrolytes varient 
proportionnellement à la molalité de la solution. Un même nombre 
de moles de tout non-électrolyte, dissous dans une même quantité 
d'un solvant, provoque toujours le même accroissement (abaisse- 
ment) de sa température d’ébullition (de congélation). Ainsi, si l’on 
dissout une mole de saccharose dans 1000 g d’eau, le point de congé- 
lation de cette solution monomolale vaudra —1,86 °C. La solution 
monomolale de tout autre non-électrolyte (alcool par exemple) 
présentera la même valeur de l'abaissement de la température de 
congélation. 

Les lois de Raoult et de Van't Hoff retrouvaient parfaitement 
les résultats expérimentaux, tant qu'on n'étudia que les solutions 
aqueuses de substances organiques, ainsi que des solutions non aqueu- 
ses (dans l’éther, le benzène. etc.), mais ces lois se trouvèrent inappli- 
cables aux solutions aqueuses des acides, des bases et des sels, c est-à- 
dire aux solutions des électrolytes. Ainsi, une solution qui renferme 
pour 1000 g d'eau une mole de chlorure de sodium, gèle non pas à 
—1.86 °C, mais à une température deux fois plus basse qui corres- 
pond, approximativement, au point de congélation de la solution 
dimolale de tout non-électrolyte. La dissolution du chlorure de 
sodium a donc donné lieu à l'apparition d'un nombre de particules 
deux fois plus élevé que pour un non-électrolyte et ces particules 
ont provoqué un double abaissement du point de congélation. La 
même anomalie est observée pour les autres sels ainsi que pour les 
acides et les bases. Dans le cas de ces composés l’abaissement de la 
température de congélation et l'élévation de la température d'ébulli- 
tion sont toujours supérieurs à la valeur théorique. 


184 SOLUTIONS £LECTROLYTIQUES [CH. VII 


$& 46. Théorie de la dissociation électrolytique. En 1887, le savant 
suédois Arrhenius propose sa théorie de la dissociation électrolytique 
dont le principe est le suivant: 


Les corps dont les solutions sont électrolytiques, se décompos- 
ent, au cours de leur dissolution, en fragments (ions) qui 
portent des charges positives et négatives. 


La présence d'ions rend les solutions conductrices. Plus le nombre 
de particules dissociées en ions est élevé, mieux elles conduisent le 
courant électrique (leur conductivité est d'autant meilleure). Au fur 
et à mesure qu'un électrolvte se dissocie en ions, le nombre total de 
particules se trouvant en solution croît, car là une particule donne 
naissance à deux ou plus. Les lois de Raoult et de Van't Hoff se 
vérifient donc, également, pour les solutions d'électrolytes si l’on 
tient compte des particules non dissociées comme des ions qui résul- 
tent de leur décomposition. On baptisa cations les ions à charge posi- 
tive et anions les ions à charge négative. Les ions positifs métalliques 
et l'ion hydrogène sont des cations. Les restes d’eau et d’acides sont 
des anions. La valeur de la charge d’un ion coïncide avec la valence 
de l'atome ou du reste acide. Le nombre des charges positives est 
égal à celui des charges négatives : la solution est donc électroneutre. 

On représente la dissociation électrolytique de la manière sui- 
vante: 

AL(SO,)h = 2AP+ + 3503- 
H,S0, = 2H+ + S03- 
Ca(OH), = Ca?+* + 20H- 


La théorie de la dissociation électrolytique a fourni l’explica- 
tion de nombreux phénomènes liés aux propriétés des solutions 
électrolytiques, mais elle n'a pas pu expliquer pourquoi certains 
corps sont électrolytes et d’autres ne le sont pas ou, encore, quel est 
le rôle du solvant dans le processus de formation d'ions. Les réponses 
à ces questions n'ont pu être données qu'après avoir éclairci la nature 
de la liaison chimique. L'expérience montre que la dissociation ioni- 
que des molécules des sels, des acides et des bases ne se produit que 
dans les solvants à molécules polaires et que les propriétés électroly- 
tiques sont caractéristiques des corps à liaison ionique et à liaison 
polaire forte. 

La dissociation électrolytique des combinaisons dépend aussi 
bien de la nature de leurs liaisons chimiques que de celle du solvant. 
Des expériences mettent en évidence cette influence réciproque. En 
fermant avec un conducteur quelconque un circuit constitué d'électro- 
des et d'une lampe électrique, on voit cette dernière s’allumer. Si 
l’on ferme successivement un tel circuit avec des cristaux de chlorure 
de sodium, d’hydroxyde de sodium anhydre, d'acide borique ou de 


& 46] THÉORIE DE LA DISSOCIATION ÊLECTROI.YTIQUE 1485 


sucre, la lampe ne s'allume pas. En refaisant cette expérience avec 
les solutions de ces mêmes corps dans l’eau distillée, on se rend com- 
pte que les solutions de chlolure de sodium, d'hydroxyde de sodium 
et d’acide borique conduisent le courant électrique, alors que la 
solution de sucre n’est pas un conducteur. 

Pour considérer le mécanisme de la dissociation, reférons-nous à un 
exemple concret. Soit un cristal ionique (de chlorure de sodium par 
exemple) introduit dans de l’eau. Chaque ion de la surface du cristab 
forme autour de lui un champ électrostatique : de signe positif autour 


C æœ 


Fig. 48. Orientation des molécules d'eau dans le champ électrostatique des 
ions du chlorure de sodium 


de Na* et de signe négatif autour de C1-. L’effet de ces champs s'étend 
à une certaine distance du cristal. En solution, le cristal est entouré 
de molécules polaires d’eau agitées d’un mouvement désordonné. 
À proximité des ions électriquement chargés, la nature de ce mouve- 
ment moléculaire change (fig. 48): les dipôles s’orientent de façon 
que leur extrémité positive se trouve dirigée vers l’ion chlore, de 
charge négative, tandis que leur extrémité négative fait face à l'ion 
sodium positif. Ce phénomène qui a lieu en champ électrostatique est 
dit orientation des molécules polaires. Les ions et les dipôles d’eau 
sont soumis aux forces coulombiennes d'attraction. Cette interaction 
ion-dipôle dégage une énergie qui favorise la rupture des liaisons 
Ur du cristal: les ions se détachent et passent en solution 
(fig. 49). 

Dès la rupture des liaisons ioniques, les ions détachés se trouvent 
recouverts d'une couche de molécules polaires d’eau : c’est le phéno- 


186 SOLUTIONS ELECTROLYTIQUES [CH. VIT 
ml 


mène d’hydratation des ions. La chaleur dégagée au cours de ce proces- 
sus est appelée chaleur d'hydratation. On l’exprime en joules par mole 
{J/mole). L'hydratation d'une mole d’ions sodium dégage 422 kJ 
et celle d'une mole d'ions chlorure, 351 kJ. Les chaleurs d'hydrata- 
tion des ions sont supérieures aux effets thermiques de nombreuses 
réactions chimiques. 

Les ions hydratés à charges opposées peuvent entrer en interaction. 
Mais la force de cette interaction se trouve affaiblie par la présence 


Q © 
DE — ER * 50 


Fig. 49. Détachement des ions sodium et chlore du cristal de chlorure de 
sodium et leur hydratation 


de la couche de molécules d’eau que ces ions sont obligés de trainer; 
ils peuvent donc exister à l’état libre. La force d'interaction des ions 
hydratés est fonction de certaines propriétés du solvant, dont la per- 
méabilité diélectrique. 

La perméabilité diélectrique montre de combien de fois la force 
d'interaction entre deux charges dans un milieu donné est inférieure 
à celle qui s'exerce dans le vide. 

La dissociation électrolytique est plus aisée dans les solvants de 
perméabilité diélectrique élevée: l'interaction des ions y est plus 
faible. Il est à noter que la perméabilité diélectrique élevée d'un 
solvant favorise la dissociation sans pour autant la provoquer. Les 
molécules polaires du solvant jouent un rôle actif dans le processus 
de dissociation. 

On trouvera ci-après les valeurs de la perméabilité diélectrique 
pour quelques solvants à 25 °C: 


Éd: 35e La sa de LG 80 

Acide formique . . . . . . . . 57,9 (20 °C) 

Ammoniac liquide . . . . . . . 25,4 (77 °C) 
2 


Alcool éthylique . . . . . . . ) 25 


$ 46] THÉORIE DE LA DISSOCIATION ELECTROLYTIQUE 187 


AC6IONE. 5 5 De Sa sh 29,74 
Chloroforme . . . . . . . . . . 4,724 
Ether éthylique . . . . . . . . 4,22 
Sulfure de carbone . . . . . . 2,625 
Benzène . . . . ...... .. 2,275 


Compte tenu de l’hydratation des ions, les équations de dissocia- 
tion électrolytique des électrolytes devraient s’écrire comme suit : 
NaCl + zH,0 = Na*-nH.0 + CI--mH,0 
Pourtant, vu que la composition des ions hydratés n'est pas tou- 
jours constante et que la liaison correspondante n'est pas très ré- 
sistante, on écrit ces équations sous une forme simplifiée : 
NaCI = Na* + CI- 


Considérons maintenant la dissolution des combinaisons polaires 
sur l'exemple de HCI. Lorsque le chlorure d'hydrogène se dissout 


dissolution dansH,0 À ÿ 0 €? 


Fig. 51. Dissociation électrolytique des molecules à liaison polaire 


dans l’eau, les dipôles d'eau s'orientent autour des molécules dis- 
soutes de HCI, provoquant une polarisation encore plus grande de ces 
dernières (fig. 50). La liaison polaire entre les atomes d'hydrogène 
et de chlore devient ionique. Le doublet électronique commun se 
déplaçant tout à fait vers l'atome de chlore, la molécule se dissocie 
par rupture hétérolytique. L'atome de chlore devient ion chlorure 
hydraté et le proton forme avec la molécule d'eau une particule 
composée à charge positive, H,0*, dite hydroronium * (fig. 51): 
HCI + rH,0 = H,0+ + CI- ( — 1) H,0 

* Il existe plusieurs formes de l'ion hydrogène hydraté: H,0*, H,0*, 

H,0+, H,0i. 


188 SOLUTIONS ÉLECTROLYTIQUES , [CH. VII 


L'hydroxonium H,0* et l'ion chlorure hydraté pouvant être 
remplacés, dans les équations de dissociation électrolytique, par les 
symboles de l’ion hydrogène et de l’ion chlore, l'écriture suivante de 
cette équation est également possible : 

HCI = H+* + Ci- 

11 découle de ces exemples que seuls les composés à liaison ioni- 
que ou polaire (sels, bases, acides) peuvent se comporter en électro- 
lytes. On a également éclairci le rôle du solvant : les électrolytes ne 
se dissocient en ions que dans les solvants polaires. 

I1 faut savoir distinguer les électrolytes des conducteurs solides : 
métaux, graphite, charbon. Dans ces derniers, la conductivité est 
due aux électrons. 

Dans une solution, les ions hydratés sont animés d'un mouve- 
ment permanent désordonné (chaotique). Si l’on plonge dans une 
telle solution deux électrodes et que l’on applique à ces électrodes, 
à l’aide d’une pile, un champ électrique positif à l’une et un champ 
négatif à l’autre, les ions hydratés commencent à se mouvoir d’une 
manière orientée. Les ions positifs (ions métalliques et ion hydrogè- 
ne) se déplacent vers l’électrode négative — cathode — d’où leur 
nom de cations. Les ions négatifs (ions non métalliques, restes des 
molécules d’eau et d’acides) se dirigent vers l’électrode positive — 
anode — et on les appelle anions. Une fois arrivés à la cathode, les 
cations captent des électrons et deviennent des atomes neutres, tandis 
que les anions perdent à l'anode leurs électrons excédentaires en se 
transformant aussi en particules neutres. Ainsi, chez les électrolytes, 
ce sont les ions qui assurent le transfert d'électrons. 

Les ions n’ont pas les mêmes propriétés que les atomes. Ainsi, les 
atomes neutres de sodium agissent sur l’eau en déplaçant son hydro- 
gène, alors que les ions sodium hydratés n'ont pas cette faculté. 
Les molécules et les atomes de chlore possèdent une couleur verdâtre 
et une odeur étouffante, tandis que les ions chlore hydratés sont inco- 
lores et inodores. Les molécules et les atomes d'hydrogène forment 
un gaz combustible incolore, mal soluble dans l'eau et les ions hydro- 
gène ne brülent pas et existent en solution aqueuse sous forme de 
H,0*. L'ion MnO; possède une couleur cramoisie, bien que le man- 
ganèse qui entre dans sa composition soit gris et que l’oxygène libre 
soit un gaz incolore. 


$ 47. Dissociation des électrolytes. Degré et constante de disso- 
ciation. Dissociation des acides. Les équations de dissociation 
électrolytique de quelques acides: 


HCI = H+ + CI- 
HNO, = H+ + NO; 
H,S0, = 2H*+ + SO:- 


” 


& 17] DISSOCIATION DES £LECTROLYTES 189 


témoignent de la présence obligatoire d'ions hydrogène dans une 
solution d'acide. Cela explique une série de propriétés caractéristiques 
des acides : saveur acide de leurs solutions diluées, formation de sels 
par interaction avec les bases, etc. 

Au point de vue de la théorie de la dissociation électrolytique, 
on appelle acides les électrolytes qui donnent, en solution aqueuse, 


% 


des ions hydrogène à charge positive sans fournir aucun autre ion 
positif. 

Il y a des composés qui, en se dissociant, donnent lieu à l’appari- 
tion, à côté des ions H*, d’ions métalliques, également positifs. Il 
s’agit dans ce cas d’un sel acide et non d’un acide pur. Ainsi, la 
dissociation électrolytique de l’hydrosulfate de sodium conduit à 
des ions positifs sodium et hydrogène: 


NaHSO, = Na* + H* + SO{- 
Un sel acide garde, dans une certaine mesure, les propriétés d’un 
acide grâce à la présence d'ions hydrogène. 
Dissociation des bases. La dissociation électrolytique des bases 
solubles dans l’eau : 
NaOH = Na* + OH- 
KOH = K+ + OH- 
Ca(OH), = Ca** + 20H- 


a toujours pour résultat la présence en solution d’ions hydroxyle à 
charge négative, responsables des propriétés communes à toutes les 
bases : interaction avec les acides, formation de sels. On peut donner 
aux bases, ainsi qu'aux acides, une définition qui part de la nature 
de leur dissociation électrolytique : on appelle bases les électrolytes 
qui donnent, en solution aqueuse, des ions hydroxyle à charge néga- 
tive sans fournir aucun autre ion négatif. 

Lorsque, dans la solution d’un corps, on trouve à côté des ions 
OH- des ions groupe acide à charge négative, c'est qu'on a affaire 
à un sel basique, par exemple: 


Ca(OH)CI = Ca?+* + OH- + CI- 


Dissociation des sels. En se plaçant sur le point de vue de la theo- 
rie de la dissociation électrolytique, on appelle sel neutre (normal) 
un électrolyte qui se scinde en solution aqueuse en ions métalliques 
positifs et en ions groupe acide à charge négative: 


NaCI = Na* + CI- 
AI(NO;): — AlS+ + 3NO; 
K:,PO, = 3K* + POi- 


Les acides oxygénés, ainsi que les bases, peuvent être considérés 
en tant que des hydroxydes de formule générale ROH où R est le 


1490 SOLUTIONS ELECTROLYTIQUES [CH. VII 


métal ou le non-métal correspondant. La dissociation des hydroxydes 
est possible suivant deux voies, figurées par des pointillés : 


1) R—O—H; 2) R—O—H 


Dans le premier cas, l'hydroxyde a les propriétés d'une base; 
dans le second, celles d’un acide. Le mode de dissociation d'un hydro- 
xyde dépend de la situation de l'élément R dans la classification 
périodique, ainsi que de la charge et du rayon des ions formant l’hy- 
droxyde. L'effet polarisant de l’ion sur la liaison O—H est d'autant 
plus marqué que sa charge est plus grande et que son rayon est moins 
long. Un tel hydroxyde (à liaison O—H polarisée) aura un caractère 
plus acide que basique. Au contraire, lorsque l’ion d'un élément 
présente une faible charge et un rayon relativement grand, son effet 
polarisant sur les groupes O—H voisins est peu important et ces 
groupes se comportent dans la combinaison comme une entité. Voilà 
pourquoi les hydroxydes des éléments appartenant aux sous-groupes 
principaux des groupes I et II de la classification périodique, tels 
KOH, NaOH, Ca(OH),, se présentent comme des bases types. Une 
charge positive élevée et un faible rayon, caractéristiques des non- 
métaux. ont pour effet une action polarisante prononcée sur le 
groupe O—H, dont l’hydrogène, devenu cation H* mobile, confère 
à l’hydroxyde les propriétés d’un acide. 

Lorsqu'un élément forme plusieurs hydroxydes, sa valence plus 
élevée correspond à l’affaiblissement des propriétés basiques et au 
renforcement des propriétés acides: Fe(OH), est une base plus forte 
que Fe(OH), et H,S0, un acide plus fort que H,S0O:. 

Certains métaux, situés au voisinage du milieu des périodes dans 
la classification de Mendéléev et possédant de ce fait des propriétés 
intermédiaires entre métaux et non-métaux, forment des hydroxydes 
amphotères (v. p. 34). Ce sont: 


pour le groupe 11: beryllium et zinc 

pour le groupe 111: aluminium, gallium et indium 

pour autres groupes : chrome (11) et (111), étain (11) et (IV), plomb (11) et 
(IV) et autres 


En écrivant l'équation d’une réaction entre hydroxyde amphotère 
et acide, on donne à l’hydroxyde la forme d'une base (R—O—H). 
Dans le cas d’une réaction hydroxyde amphotère-base, il vaut mieux 
représenter ce premier en tant qu'un acide (HRO). 

Lorsqu'un hydroxyde porte plus de deux hydroxyles, il peut don- 
ner naissance à des molécules d’eau: 


H;,CrO; — H,0 + HCrO, 


S 47] DISSOCIATION DES ÉLECTROLYTES 191 


Un tel hydroxyde forme avec les alcalis des sels de métaacides : 
Cr(OH)3 + NaOÏ — NaCrO, + 2H,0 


métachromite 
de sodium 


Degré de dissociation électrolytique. Comme nous l'avons fait 
remarquer plus haut, les ions hydratés de charges contraires peuvent 
entrer en interaction lorsqu'ils se trouvent en solution, bien que 
cette interaction soit peu importante et dépende de la nature du 
solvant utilisé. La dissociation électrolytique est donc un processus 
réversible : 


HF = H+-+F- 
NH,OH = NH} + OH- 


A chaque moment donné, il y a donc, dans une solution aqueuse 
d’électrolytes, des ions ainsi que des molécules. Entre ces deux formes 
s’installe, pratiquement de façon instantanée, un équilibre chimique 
mobile : état où la vitesse de la réaction directe (dissociation) est 
égale à la vitesse de la réaction inverse (molarisation). 

On doit à Arrhenius la notion de degré de dissociation électrolyti- 
que a: 

 — Nombre de molécules dissociées en ions 
Nombre total de molécules du rorps dissous 


Si l’on désigne par Ÿ le nombre total de molécules en solution et 
par n le nombre de molécules dissociées en ions, 


a = nÎN 


Lorsque r — KV, le degré de dissociation &« = 1. Dans ce cas, 
toutes les molécules’ de soluté se sont scindées en ions. Lorsque 
n = 0, cela veut dire que le corps en question ne se dissocie pas en 
ions: c'est donc un non-électrolyte. Les valeurs du degré de disso- 
ciation varient entre 0 et 1. On l’exprime soit en fractions d'unité, 
soit en pour cent. Ainsi, le degré de dissociation électrolytique pour 
la solution 0,01 N d'acide acétique (0.01 équivalent par litre de 
solution) vaut, à 18 °C, 4,3-10-2. soit 4,3 %. Cela veut dire qu'à 
l'équilibre 

CH,COOH = H* + CH,CO0- 


quelque 96 molécules sur 100 gardent leur état moléculaire: en 
outre, on trouve en solution quatre ions H* et quatre ions CH;CO00-. 
Cent particules initiales forment 104 particules. 

Le degré de dissociation électrolytique dépend de la nature de 
l’électrolyte et de la concentration de la solution. C’est ainsi qu’à 
18 °C a = 0,055 % pour la solution 0,1 M de HCIO et a = 1,3 % 
pour la solution 0,1 M d’acide acétique. 


192 SOLUTIONS ELECTROLYTIQUES : [CH. VII 
oo 


On peut illustrer la corrélation entre le degré de dissociation 
électrolytique d’un électrolyte et la concentration de la solution à 
l’aide d'une expérience. L’acide acétique concentré (anhydre) ne 
conduit pas l’électricité. En le diluant avec de l’eau, la lampe électri- 
que mise en circuit donne une lumière de plus en plus intense, ce qui 
correspond à l'augmentation de la con- 
centration en ions H*et CH,CO0- ou, 
en d'autres termes, à l’accroissement du 
degré de dissociation électrolytique pa- 
rallèlement à la dilution (fig. 52). 

Notons que dans le cas d’électrolytes 
forts (dont le degré de dissociation s’ap- 
proche de l'unité) *, les notions « degré 
de dissociation électrolytique de l’élec- 
trolyte » et « fraction non dissociée de 
l'électrolyte » ont un caractère conven- 
tionnel. 

Le degré de dissociation expérimen- 
Fig. 52. Circuit servant à tal des électrolytes forts ne permet pas 
détecter la conduction élec- de juger de leur dissociation réelle: on 


1 


“sn l'appelle alors degré de dissociation appa- 

1 — lampe électrique ; 2 — 80- , : snféri 

lution électrolytique : s — élec. ete. Sa valeur est toujours inférieure à 
trodes celle du degré de dissociation vraie. 


Selon les résultats de l'étude aux 
rayons X, les réseaux cristallins de nombreux électrolytes forts sont 
constitués d'ions: cela suffit déjà pour comprendre que les électro- 
lytes forts se dissocient Complètement; leurs solutions ne peuvent 
renfermer de molécules non dissociées. Or, parallèlement à l’accrois- 
sement de la concentration de la solution d’un électrolyte fort, on 
voit augmenter l'attraction entre ions à charges contraires. Certains 
de ces ions, qui se sont suffisamment approchés, forment des paires 
d'ions. Ces paires, n'étant pas des molécules individuelles, se com- 
portent comme telles. Elles se distinguent des molécules par le fait 
que les ions qui les constituent ne se touchent pas: ils sont séparés 
par une ou plusieurs couches d'eau (fig. 53). L'expérience reproduit 
la formation de paires d’ions comme l’absence de dissociation complè- 
te chez les électrolytes forts. 

La conductivité électrique d’une solution électrolytique est fonc- 
tion de la quantité d'ions en solution. Le degré de dissociation électro- 
lytique augmente avec la dilution en s’approchant de 100 %. La 
conductivité augmente aussi jusqu’à un certain moment, puis elle 
commence à diminuer du fait de la dilution de la solution (abaisse- 
ment de la concentration en électrolyte). 


* Un critère plus strict pour distinguer les électrolytes forts des électrolytes 
faibles est lié à la constante de dissociation (voir plus loin). 


8 47] DISSOCIATION DES ELECTROLYTES 193 


[1 est peu commode de se servir des valeurs d’& pour comparer la 
force des électrolytes, car là on ne peut utiliser que des solutions 
de même concentration. Il est beaucoup plus pratique de caracté- 
riser l'aptitude d’un électrolyte à se dissocier en solution à l’aide 
de la constante de dissociation, grandeur indépendante de la concentra- 
tion de la solution. 


Dans le cas des solutions d’électrolytes faibles (x < 1), on peut 
parler de l'existence d’un équilibre entre les ions et les molécules 


0 0 ANS 
ave $°e & 
26" 208 “20 0e 


ions hydratés paire d'ions 


Fig. 53. Formation d'une paire d'ions 


non dissociées (qui sont alors bien réelles). Sous une forme générale 
cet équilibre s'écrit donc 
CA = C*-- A7 
où C*+ est le cation, et 
A7 l'anion. 
Selon la loi d'action de masse, la vitesse de dissociation à tempé- 
rature constante est donnée par 


v, = k, (CA) 
et la vitesse du processus inverse — l'association — par * 
Ua = Ka 1C*) [A] 


Ces vitesses deviennent égales l’une à l’autre dès que le corps est 
dissous. Il s'établit alors un équilibre chimique mobile où v, = v,, 


soit 
k, [CA] = k, [C*] [A] 
Après avoir divisé les deux membres de l'équation par k, et 
{CA]J, on a: 
k, __[C*] [AT] 
ka CA 
La grandeur Xa dite constante de dissociation montre le rapport 
du produit des concentrations ioniques dans la solution d’un électro- 


= K4 


* Usuellement, on exprime les concentrations ioniques en moles par litre 
de solution. 


13—01151 


194 SOLUTIONS ELECTROLYTIQUES [CH. VII 


lyte faible à la concentration en molécules non dissociées. Pour un 
électrolyte faible, cette grandeur est constante à température donnée 
et indépendante de la concentration. 

Il est à souligner que la notion de constante de dissociation n’a 
aucun sens pour les électrolytes forts en solution diluée, car il n'y 
existe pas de molécules non dissociées. De façon formelle, il est 
possible de calculer cette grandeur pour un électrolyte fort en partant 
de son degré de dissociation apparente, mais elle variera en fonction 
de sa concentration. 

Ainsi, la constante de dissociation peut servir de critère de divi- 
sion des électrolytes en forts et faibles. Les électrolytes faibles sont 
caractérisés par une constante de dissociation qui est absente chez 
les électrolytes forts. La constante de dissociation des électrolytes 
faibles est une mesure de leur force relative : plus elle est élevée, plus 
la dissociation de l’électrolyte est prononcée à conditions égales, 
donc plus il est fort. 


8 48. Loi de dilution. Dissociation graduelle. La Loi de dilu- 
tion d'Ostwald lie entre eux le degré de dissociation, la constante de 
dissociation et la concentration d’une solution. Soit la solution d’un 
acide faible HA qui se dissocie suivant le schéma 


HA = H* + A° 


En désignant la concentration de l’acide par € mol/l et son degré 
de dissociation par &, la concentration en ions H+ s'écrit: 


[H*j == Ca 


Comme, au cours de la dissociation d’un acide monobasique, le 
nombre de cations est égal au nombre d'’anions, la concentration de 
ces derniers sera égale à celle des ions hydrogène: 


[A-] = (H*] = Ca 


Si le litre de solution a contenu initialement C moles et que Cœ 
moles se sont dissociées en ions, le nombre de moles non dissociées 
est donné par € — Ca. En substituant ces valeurs des concentrations 
dans l'équation pour la constante de dissociation, on obtient: 

CaCa Ca? 


Kom = 


Cette équation est l'expression mathématique de la loi de dilu- 
tion d'Ostwald. L'équation se simplifie, lorsque « < 1, car alors 
la valeur d’x en dénominateur devient négligeable: 


Ka = Ca? 
D'où le degré de dissociation 
=) Ka/C 


$ 48] LOI DE DILUTION 195 


Cette équation simplifiée illustre bien la formulation de la loi 
de dilution: 


Le degré de dissociation d’un électrolyte augmente avec 
l'accroissement de la dilution (avec l’abaissement de la 
concentration). 


Pour la plupart des électrolytes faibles, les valeurs de X4 sont 
tabulées, ce qui facilite les divers calculs relatifs aux électrolytes. 

EXEMPLE. Déterminer «a pour une solution 0,1 M d'acide acétique à 
18°C, Ky = 1,8-10-6. 

Réponse. 


ip S — = V1,8.1071—10-2. V 1,8 & 0,013 ou 1,3% 


Les polyacides et les bases faibles, lorsqu'on les dissout dans l’eau, 
se dissocient en ions en plusieurs stades, par détachement successif 
d’un, deux et plus d'ions H* ou OH-. Nous allons considérer quel- 
ques exemples de dissociation graduelle d'acides polybasiques. 

a) Le diacide sulfhydrique se dissocie en deux stades: 

Ir stade: H,S == H* + HS- 


ion hydro- 
sulfure 


II stade: HS- == H* + S°- 
b) Le triacide orthophosphorique se dissocie en trois étapes: 
1" stade: H,PO, == H* + H,PO; 
II stade: H,PO%5 = H* + HPOf 
IIIe stade: HPOZ- = H* +’PO3- 


Il est naturel que pour chaque stade de l’état d'équilibre, il va 


sa propre constante de dissociation qui va décroissant du premier 
au dernier stade. 


Pour H,S: 
pin EUST Lg gage Km MUST à 0ejom 
Pour H,PO, : 
= = 7,110 Ko = 6,2. 10-+ 
K, RE — 4,40 10-19 


La dissociation graduelle est possible pour les bases dont la 
molécule comporte plusieurs ions hydroxyle : 
I*" stade: Mg(OH), == MgOH* + OH- 
1I® stade: MgOH* = Mg°* + OH- 
13* 


196 SOLUTIONS ÉLECTROLYTIQUES [CH. VII 


Les constantes de dissociation valent respectivement : 


x. IMeOH®] [OII-] k.— IMg®*] [O1r-] 
1 [Mg(Ol).] 27 [MgOH*] 
On trouvera ci-après les valeurs des constantes de dissociation 
à 25 °C pour quelques électrolytes faibles : 


Ki Ka K3 

NO sis srsègs 7,1:10-1 

HP mea: 6,8-10-1 

CILCOOH . .... .. 1,8-10-5 

CIO sisi ue 3.0-10-8 

ILSD Sie ee 1,310?  6,3-10-9 

H,COs -....... 4,2-10-7  4,7.40-1 
TRE RE 8,9-10-8 1,0. 10-15 

HPO, 5225242 7,1:40-3 6,2.10-8  4,4.10-13 


Produit ionique de l'eau. Un galvanomètre sensible branché sur 
le circuit destiné à déterminer la conductivité de l’eau distillée 
montre la présence de courant électrique. Cela signifie que les molé- 
cules d’eau sont faiblement dissociées en ions: 


2H.0 = H,0* + OH- 


ou, sous forme simplifiée, 
H.0 = H* + OH- 


En appliquant la loi d'action de masse à la dissociation de l'eau, 
on a: 
._ [H+)[0H-] 
SET HO 


Comme seule une faible fraction de l’eau se dissocie en ions, on 
peut considérer sa concentration comme invariable et constante. En 
désignant K {H,0] par Keaur On a: 


Keau = |[H*][OH-] 


Cette grandeur qui est le produit des concentrations respectives 
des ions H* et OH” dans l’eau, est appelée produit ionique de l'eau. 

Il est établi qu’à 25 °C, le produit ionique de l’eau Keau — 10716, 
Connaissant la valeur numérique de X,u, on est en mesure de déter- 
ne la teneur de l’eau en ions hydrogène et ions hydroxyle (en 
mol/l). 

Comme Keau = {H*] {0OH-] = 10-14 et qu’au cours de la disso- 
ciation de l’eau {H*] = {0H-}, le produit ionique de l’eau est repré- 
sentable sous la forme: {H*]? — 10-14 ou {OH-]? = 10-44. Ainsi, 


{H+] = {0H-] — 10-14 —"10-7. 


ou bien Æ {[H:0]={[H*] (0H-] 


$ 48] LOI DE DILUTION 197 


La concentration des ions hydrogène dans une solution aqueuse 
d’électrolyte peut être exprimée par la concentration des ions hydro- 
xyle et inversement : 

1-14 10-11 
T+1 mens "| = —m—— 
[H*] - TS ou [OII-] T°] 


Ainsi, lorsque [H*] — 10-% mol/], [OH-] — 10-° mol/I. 

On peut également exprimer les concentrations des ions H* et 
OH- en grammes par litre de solution. Dans ce cas on multiplie la 
valeur de la concentration (en mol/l) par la masse correspondante 
d’une mole d'ions (par 1 pour les ions hydrogène et par 17 pour les 
ions hydroxyle). 

Toute variation de la teneur en ions H* (et, naturellement. en 
ions OH-) a pour résultat un changement d’acidité ou d'alcalinité du 
milieu (en mol/l): 


4071 40-2 40-3 10-13 10-58 10-8 10-7 10-8 40-9 10-10 40-11 40-12 40-13 40-12 
[H*] 


a | 
Accroissement de l'acidité du milicu Accroisgement de l'alcalinité du milieu 


Milieu neutre 


Ezxposant d'hydrogène. Exprimées en moles par litre, les concentra- 
tions de l'ion hydrogène ne sont ordinairement que de petites frac- 
tions d’unité. L'usage de tels nombres n'est pas toujours pratique. 
On a donc introduit une unité spéciale pour la mesure des concentra- 
tions de l'ion hydrogène, désignée par le symbole pH. On appelle 
exposant (potentiel ou puissance) d'hydrogène le logarithme décimal 
négatif de la concentration de l’ion hydrogène: 


pH — —log {H*] 


De cette façon lorsque, par exemple, la concentration des ions hydro- 
gène [H*] est égale à 105 mol/1, log 1075 = —5 et —log 1075 = 5. 
Donc, pH = 5. 

Les exemples suivants montrent, comment on passe de la con- 
centration des ions hydrogène à l'exposant d'hydrogène: 


[H*+]— 10-° log [H*]= —7 pH= 7,0 
[H*]= 10-9 log [H*]— —9 pH= 9,0 
|H+] = 5.10-3 log [H*]=0,70—3=—2,30 pH= 2,30 
[H+]= 3-10-7 log [H*]=0,48—7—-—6,52 pH=6,52 
[H*] = 2 log [H*}= 0,2 pH= —0,20 


De façon analogue, le logarithme décimal négatif de la concentra- 
tion de l'ion hydroxyle est dit exposant d'hydroxyle et désigné par 
pOH. 


198 SOLUTIONS ÉLECTROLYTIQUES | (CH. VII 


Le caractère du milieu, exprimé en termes de pH et de pOH, 
peut être représenté comme suit: 


pli =7— milieu neutre pOH = 7— milieu neutre 
pH < 7—milieu acide pOH > 7— milieu acide 
pH > 7— milieu alcalin pOH < 7— milieu alcalin 


109 1071 1072 1073 1071 1075 10-68 10-* 10-78 109 10-10 10-11 10-12 10-13 10-14 


Accroissement de l'acidité | Accroissement de l'alcalinité 
Milieu neutre 


Si l'on connaît pH, on trouve facilement pOH, car pH - pOH=— 
— 14. Ainsi, lorsque pH = 5, pOH = 9. 

La détermination chimique de la valeur de pH d'une solution 
se fait à l’aide d'indicateurs acide-base. Les indicateurs sont des 
réactifs spéciaux dont la coloration varie suivant l'acidité du milieu. 
On utilise le plus souvent à cet effet le papier de tournesol, l’orangé 
de méthyle et la phénolphtaléine. La couleur du tournesol varie pour 
les pH allant de 5,0 à 8,0, celle de l’orangé de méthyle pour les va- 
leurs entre 3,1 et 4,4, celle de la phénolphtaléine entre 8,2 et 10,0. 
Cela est montré sur le schéma ci-dessous (les hachures indiquent Île 
domaine de virage des indicateurs): 


roux ZA 0 Toumeso 
pe meiore | KZ mouse poupe | prénoiomniéine 


SR 
13 11 9 7 5 3 { po 


Il existe également beaucoup d’autres indicateurs acide-base, 
moins répandus. 


On a à déterminer l'acidité d'un milieu dans les usines et les laboratoires 
chimiques, dans les confiseries et les boulangeries. Les laboratoires de chimie 


$ 49] RÉACTIONS IONIQUES 199 
EE 


agricole surveillent l'acidité des sols: lorsque sa valeur est trop importante, 
on pratique le chaulage du sol. En médecine, l'acidité est une caracteristique 
importante des diverses solutions physiologiques, notamment du suc gastrique. 


$ 49. Réactions ioniques. La vitesse élevée de nombreuses réac- 
tions chimiques se déroulant en solution électrolytique est due au 
fait que ces réactions s'effectuent non pas entre des molécules, mais 
entre des ions. Il vaut mieux écrire ces réactions sous la forme iono- 
moléculaire. Par souci de simplicité, de telles équations sont dites 
ioniques. Cette expression ionique des équations de réactions chimi- 
ques permet de distinguer entre les réactions à sens unique et Îles 
réactions réversibles. 

Nous allons considérer quelques types de réactions chimiques du 
point de vue de la théorie de la dissociation électrolytique, tout en 
essayant d'établir les critères de leur réversibilité ou irréversibilité. 

Réactions réversibles. Lorsqu'on mélange les solutions de chlorure 
de sodium et de nitrate de potassium, aucun changement n'inter- 
vient. Le chlorure de sodium se dissocie en solution en ions sodium 
et ions chlorure et le nitrate de potassium en ions potassium et ions 
nitrate. L'équation moléculaire de cette réaction s'écrit: 


NaCl + KNO, = NaNO, + KCI 


Les substances formées sont parfaitement solubles dans l’eau, 
ce sont des électrolytes forts qui se trouvent en solution sous forme 
d'ions. L'expression ionique de la réaction hypothétique peut être 
la suivante: 


Na* + Cl- + K+ + NO; = Na* + NO5 + K+ + Ci- 


Dans les deux membres de l’équation figurent les mêmes ions. 
Ainsi, en réalité, la réaction n’a pas lieu. Lorsqu'une telle solution 
est évaporée à sec, le résidu solide se présente comme un mélange 
de quatre sels: NaCI, NaNO:, KCI, KNO:. La proportion plus ou 
moins élevée de tel ou tel sel dans le précipité est fonction de sa 
solubilité. 

Réactions irréversibles. Il est possible de dégager plusieurs types 
de réactions pratiquement irréversibles. 

19 Réactions de double échange avec formation d'un corps peu 
soluble. 

En mélangeant une solution de chlorure de sodium et une solu- 
tion de nitrate d'argent, on voit apparaître le précipité blanc d’AgCl 
(les sels de sodium et d’acide nitrique sont solubles dans l’eau). 
Dans l'équation moléculaire, la flèche dirigée vers le bas indique la 
substance qui précipite : 

NaCI + AgNOs Z NaNO, + AgCl, 


Récrivons maintenant cette équation en représentant les substan- 
ces solubles sous forme d'ions et les substances peu solubles, qui ne 


200 SOLUTIONS £LECTROLYTIQUES , [CH. VII 


donnent pratiquement pas d'ions, sous forme de molécules: 


Na*i+!Cl- + Ag* + NO; > Na* + NO + AgCl 


Cette équation montre que la réaction entre NaCI et AgNO, se 
ramène à l'interaction des ions Ag* et Cl”, car tous les autres ions 
présents dans la solution ne réagissent pas. Cette réaction est donc 
exprimable par l'équation 


Ag* + Cl- x AgCI 


Une telle écriture a reçu le nom d'’équation ionique abrégée ou 
d’équation ionique tout court. On n’y écrit que les ions qui partici- 
pent réellement à la réaction. Pour pouvoir écrire une équation 
ionique, il faut savoir si les corps qui participent à la réaction et qui 
en résultent sont hydrosolubles. On peut l’apprendre en consultant 
une table de solubilité des acides, des sels et des bases. Notons que 
tous les sels de sodium et de potassium ainsi que les nitrates et la 
plupart des acétates possèdent une bonne solubilité dans l'eau. Les 
hydroxydes de tous les métaux, à l’exception des métaux du sous- 
groupe principal du groupe I et de certains métaux du sous-groupe 
secondaire du groupe II de la classification périodique, sont insolu- 
bles dans l’eau. 

Les réactions qui s’accompagnent de formation de corps peu so- 
lubles sont donc, pratiquement, à sens unique ou, autrement dit, 
presque complètes. 

2° Réactions avec formation de corps gazeux peu solubles. 

L'interaction du carbonate de sodium avec un acide fort peut 
servir d'exemple d'une telle réaction. Donnons à l'équation de cette 
réaction la forme moléculaire et iono-moléculaire : 


Na,CO, + 2HCI —J2NaCl + H,0 + CO;t 
2Na* + COS- + 2H* + 2C1- — 2Na* + 2CL- + H,0 + COat 
COS- + 2H+ + H,0 + CO;! 


Si l’on conduit cette réaction dans un récipient ouvert, le dioxyde 
de carbone disparaît du milieu réactionnel et ne peut donc plus 
participer au processus inverse. Cette réaction est pratiquement 
complète. 

39 Réactions avec formation de corps difficilement dissociables 
(eau, acide acétique, hydroxyde d'ammonium, acide cyanhydrique, 
etc.) : 

a) réactions de neutralisation avec formation d'eau 


HCI + NaOH à NaC] + H,0 
H*+ + Cl- + Na* + OH- — Na* + Cl- + H,0 
H*+ + OH- + H,0 


& 50] HYDROLYSE DES SELS 201 


b) réaction avec formation de bases peu dissociables (tel l’hydro- 
xyde d'ammonium à Æa = 1,8-10-5) 
NH,CI + NaOH + NH,OH + NaCl 
NHé + Cl- + Na* + OH- — NH,OH + Na* + CI- 
NH? + OH- + NH,OH 


c) réactions avec formation d'acides peu dissociables (l'acide- 
acétique à Xa = 1,8-10-5 par exemple) 
2CH,COONa + H,S0, + Na,S0, + 2CH,COOH 
2CH,COO- + 2Na* + 2H* + S0Z- — 2Na* + S03- + 2CH,COOH 
CH,COO- + H* < CH.,COOH 


Au cours de la formation de composés difficilement dissociables, 
les ions des espèces réagissantes se trouvent fixés et la solution de- 
vient un bien faible conducteur de courant électrique. On peut s'en 
rendre compte à l’aide d’une expérience où l’hydroxyde de baryum 
est neutralisé par l'acide sulfurique. Lorsque l’on plonge les électro- 
des dans une solution saturée d'hydroxyde de baryum, additionnée 
de quelque gouttes de phénolphtaléine, la lampe électrique mise en 
circuit s'allume. Au fur et à mesure qu'on ajoute avec précaution, 
a l’aide d'une burette, de l’acide sulfurique dilué et qu'on agite 
énergiquement la solution, la lumière de la lampe devient de plus. 
en plus faible et, enfin, s'éteint tout à fait; parallèlement, la colora- 
tion cramoisie de la solution disparaît. Cette dernière ne conduit 
pratiquement plus le courant électrique. Cela s’est produit, parce que 
tous les ions de la solution ont formé un corps peu dissociable (H,0} 
et un corps peu soluble (BaSO,) et la solution a presque complète- 
ment perdu son caractère électrolytique : 


Ba(OH}, + H:S0, + BaSO,} + 2H,0 
Ba+ + 20H- + 2H+ + S02- > BaSO,| + 2H,0 
4° Réactions ioniques d'oxydoréduction. 11 y a beaucoup de réac- 
tions d'oxydoréduction qui deviennent pratiquement irréversibles: 
en solution *. Ainsi, 
Zn + H,S0, (dil) — ZnSO, + H. 
Zn + 2H+ = Zn°* + H, 
2KMnO, + 16HCI (cone) = 2MnCl, + 5C1, + 2KCI + 8H.0 
2MnO- — 10C1- — 16H+ = 2Mn°* + 5CI, + 8H.0 


$ 50. Hydrolyse des sels. La dissolution de certains sels dans l’eau 
rompt l'équilibre de dissociation de cette dernière. Si l’on éprouve à 
l’aide d'indicateurs — tournesol, phénolphtaléine ou orangé de 


* Pour plus de détails sur les réactions d’oxydoréduction voir le Chapitre- 


202 SOLUTIONS ÉLECTROLYTIQUES [CH. VII 
RE 


méthyle — les solutions aqueuses de carbonate de sodium et de sul- 
fate d'aluminium, on trouve que la solution de Na,CO; a un caractère 
basique et celle de Al,(SO,):, un caractère acide. Par contre, les 
solutions d’autres sels, tels que le chlorure de sodium ou le nitrate de 
potassium, sont neutres. La variation du pH de certaines solutions 
salines par rapport au pH du solvant (eau) est due à la réaction de ces 
sels avec l’eau. Ce phénomène est appelé hydrolyse. 

L'hydrolyse (gr. hudôr, eau et lusis, décomposition) est la décom- 
position d’un corps par l’eau. Ici, c'est l’hydrolyse des sels qui nous 
préoccupe. 

On dit qu’un sel est hydrolysé lorsqu'on est en présence d’une 
interaction entre les ions du sel et les ions de l’eau qui modifie le 
rapport entre les ions H* et OH- de la solution. Nous examinerons 
l'hvdrolyse en fonction de la nature des bases et des acides formant 
le sel. 

1° Hydrolyse des sels dérivés d'une base forte et d'un acide faible. 
L'exemple d’un tel sel est fourni par l’acétate de sodium issu d'une 
base forte (hydroxyde de sodium) et d'un acide faible (acétique). Ce 
sel est partiellement hydrolysé lorsqu'on le dissout dans l’eau 


NaCH,CO0 + H,0 = NaOH + HCH,CO0O 
Nat + CH,COO- + H,0 = Na* + OH- + HCH,CO0O 

Après avoir éliminé les mêmes ions dans les deux membres de 

l'équation, on écrit l'équation ionique abrégée : 
CH,C00- + H,0 = OH- + HCH,COO 

On peut se rendre compte que l'hydrolyse de NaCH,CO0 a con- 
duit à un excès d'ions OH- dans la solution: le milieu est devenu 
alcalin. Comme nous l'avons déjà dit. l’eau se dissocie, bien que 
faiblement, suivant l'équation H,0 = H* + OH-. Les ions acétate 
qui fixent les ions hydrogène, font déplacer l'équilibre de dissocia- 
tion de l’eau vers la droite. 

L'hydrolyse du carbonate de sodium s'effectue de façon analogue. 
Les représentations moléculaire et ionique de cette réaction sont 
les suivantes: 

Na.CO, + H,0 = NaOH + NaHCO, 
COH- + H,0 = OH- + HCOÿ 

On se rend aisément compte que l’hydrolyse de l'ion est, au fond, 

un processus inverse de la dissociation: 
CO3- + H+ + OH- =: HCO3; + OH- (hydrolyse) 
mm” 
H,0 
ICO; = H+ + COF (dissociation) 

Au cours de l’hydrolyse, les ions hydrogène se fixent sur les restes 

de la molécule d’acide faible. Ainsi, dans un sel formé par une base 


$ 50] HYDROLYSE DES SELS 203 


forte et un acide faible, c’est l’anion issu de l'acide faible qui est 
hydrolysé. Par contre, lors de la dissociation, les ions H* sont déta- 
chés du groupe acide ou de l'acide. 

La dissociation des électrolytes faibles étant graduelle, leur hydro- 
lyse doit également se dérouler en plusieurs stades. Le détachement 
du premier ion hydrogène de l'acide carbonique 


H,CO, = H* + HCO; 


se caractérise par une constante de dissociation Æ, = 4,2-10-°; 
celui du second ion hydrogène 


HCO; = H* + COÿ- 


par À, — 4,7-:10-1, Le groupe acide retient donc son second ion 
hydrogène beaucoup plus solidement que le premier. On en déduit 
que l'addition des ions hydrogène au cours de la première étape de 
l'hydrolyse : 

CO3- + H,0 == HCO3 + OH- 
doit être beaucoup plus marquée qu'au cours de la seconde étape: 


L'hydrolyse de l'ion carbonate fournit des ions OH- dont l’accu- 
mulation, conformément au principe de Le Chatelier, doit empêcher 
l'hydrolyse. Voilà pourquoi l’hydrolyse du carbonate de sodium est 
inhibée en présence d'’alcalis, alors qu'en milieu acide il y a fixation 
des ions hydroxyle et l’hydrolyse s’intensifie. 

2° Hydrolyse des sels dérivés d'une base faible et d'un acide fort. 
Un tel sel est, par exemple, le chlorure d'ammonium. Dissous dans 
l’eau, ce sel se dissocie en ions. L’ion ammonium, reste de base fai- 
ble, agit sur l'eau selon la réaction 


NH3 + H,0 = NH,OH + H* 
Les ions hydrogène libres issus de cette réaction rendent le milieu 


acide. L'hydrolyse du chlorure d'ammonium représentée sous la 
forme moléculaire s'écrit : 


NH,CI + H20 = NHÇOH + HCI 
Le cas du sulfate d'aluminium peut également servir d'exemple 


d’une telle hydrolyse. Ce sel, dissous dans l’eau, subit une hydrolyse 
partielle : 


2AÏ%+ + 3S07- + 2H,0 72 2AÏ0OH°?*+ - 2H+ + 3S02- 
AË+ + H,0 = AIOH®+ + H+ 
[Il découle de cette équation que c'est l'ion aluminium qui est 


hydrolysé: cela donne un excès d'ions H* et la réaction du milieu 
devient acide. Les stades suivants de l'hydrolyse ne se réalisent pra- 


204 SOLUTIONS ELECTROLYTIQUES , [CH. VIT 


tiquement pas. L'hydrolyse du sulfate d'aluminium est inhibée 
en présence d'acides et activée en milieu basique. 

3° Hydrolyse des sels dérivés d'une base faible et d'un acide faible. 
Suivant la force de la base et de l'acide qui sont à l’origine de ces 
sels, trois cas d'hydrolyse sont possibles. 

a) Sel formé par une base faible et un acide faible de force différente. 
C'est le cas, par exemple, du cyanure d’ammonium NH,CN 
(Kxir,on = 1,8-107$ et Æncx = 5,0-10719). 

L'hydrolyse de NH,CN est représentable comme suit: 

NH,CN + H.0 = NH,OH + HCN 
NH; + CN- + H,0 = NH,OH + HCN 


L'hydrolyse portant à la fois sur l’anion et sur le cation, la réac- 
tion se trouve déplacée vers la droite beaucoup plus sensiblement 
que ce serait pour les sels NH,CI et NaCN. Dans cette réaction, les 
cations du sel fixent les ions hydroxyle et les cations, les ions hydro- 
gène. De la sorte. l'hydrolyse du cation favorise celle de l'anion. 
Comme les ions CN- attachent les ions H* plus solidement que les 
ions NH* ne fixent les ions hydroxyle, la solution présente une con- 
centration en ions libres OH- plus élevée que celle en ions H*: 
le milieu est faiblement basique. 

b) Sel formé par une base faible et un acide faible de même force. 
Considérons à titre d'exemple l’acétate d'ammonium NH,CH;,CO0. 
Les constantes de dissociation de NH,OH et de CH,COOH sont 
pratiquement identiques et égales à 1.8-10-%. La réaction d’hydrolyse 
a la forme iono-moléculaire suivante: 


NH? + CH,COO- + H.0 = NH,OH + CH,COOH 


La teneur de la solution en ions acétate et en ions ammonium 
étant la mème et la force de la base et de l'acide identique, la réac- 
tion du milieu est neutre. 

Ainsi, la réaction du milieu résultant de l'hydrolyse d'un sel 
formé par une base faible et un acide faible, est fonction de la force 
relative de la base et de l’acide correspondants. Si leur force est 
égale, le milieu est neutre. 

c) Sel formé par une polybase faible et un polyacide faible. Nous 
allons considérer le cas du sulfure d'aluminium AlS, que l’on pré- 
pare par frittage de l'aluminium avec le soufre. Le sel ALS, ne figure 
pas dans la table de solubilité des sels, car sa dissolution s'accom- 
pagne de son hydrolyse complète. Comme résultat, on a un précipité 
gélatineux d'hydroxyde d'aluminium. alors que la solution sent 
l'hydrogène sulfuré. 

L'ion aluminium fixe par hydrolyse les ions OH-: 

AB+ + H,0 = AIOH?* + H*+ 


et l'ion sulfure, au contraire, les ions H*: 
S?- + H,0 = HS- + OH- 


$ 50] HYDROLYSE DES SELS 205 


La solution ne présente donc aucun excès ni d'ions H* ni d'ions 
OH:-. L'hydrolyse ne s’arrète pas aux premiers stades, mais se pour- 
suit jusqu à la formation des produits finals: Al(OH); et Hs. 
Voici l'équation de la réaction d'hydrolyse de ce sel: 


On voit donc que les sels dérivés des polybases faibles et des 
polyacides faibles subissent, en solution aqueuse, une hydrolyse 
poussée et souvent complète. 

4° Les sels dérivés d'une base forte et d'un acide fort ne sont pas 
hydrolysables. Leur dissolution dans l’eau ne conduit à aucune ruptu- 
re de l'équilibre entre les ions H* et OH-, la réaction du milieu de- 
meurant neutre. La réaction d’un tel sel avec l’eau se présente com- 
me suit: 

NaNO, + H,0 = NaOH + HNO, 
Na* + NO; + H.0 = Na*  OH- + H+ + NO; 

En éliminant les ions de même nom dans les deux membres de 
l'équation, on aboutit à l'équation ionique qui témoigne du main- 
tien de l'équilibre de la réaction de dissociation de l’eau: 

H.0 = H* + OH- 


Il va de soi qu une telle solution a une réaction neutre. 

La température est un des facteurs essentiels qui influent sur 
l'hydrolyse. Plus elle est élevée, plus l’hydrolyse est intense. Ainsi, 
si l’on ajoute quelques gouttes de phénolphtaléine à une solution 
d'acétate de sodium, il n’y aura aucune réaction colorée à températu- 
re ordinaire (tout au plus une teinte rose légère si la solution d’acéta- 
te de sodium est concentrée). Mais, dès qu on a chauffé la solution. 
elle se colore en cramoisi, révélant la présence d'ions OH” en excès: 


NaCH,C00 + H.0 = CH,COOH + NaOH 
Na+ + CH,COO- + H,0 = CH,$COOH + Na* + OH- 
CH,C00- + H,0 = CH,COOH + OH- 
Une fois la solution refroidie, la teinte cramoisie disparaît. Le 
processus est donc réversible: 
augmentation de température 
CH,C0O0-+H,0 2 CH,COO0H + OH- 
diminution de température 
L'effet de la température sur l’hydrolyse est également observable 
pour la solution de FeCl, lorsque, lors du chauffage, il y a précipita- 
tion d'un mélange de sels basiques et d’hydroxyde de fer (III), 
signe d'une intensification de l’hydrolyse du sel : 
FeCl; + H,0 = FeOHCI, + HCI 
FeOHCL + H,0 == Fe(OH),Cl + HCI 
Fe(OH).Cl + H.0 = Fe(OH), + HCI 


206 SOLUTIONS ÉLECTROLYTIQUES [CH. VII 


Sous la forme ionique : 
Fe%+ + H,0 == FeOH°* + H+ 
FeOH®+ -L H,0 += Fe(OH) + H*+ 
Fe(OH)+ + H,0 = Fe(OH\, + H*+ 


Cette intensification de l’hydrolyse avec élévation de température 
s'explique par une plus grande dissociation endothermique de l'eau: 


H,0 = H* + OH- — 57 kJ/mol 


Lorsqu'on augmente la température, l'équilibre de cette réaction 
se déplace dans le sens de la formation d'ions H* et OH-: ceux qui 
sont nécessaires pour réaliser l’hydrolyse. 

Le degré d'hydrolyse est le rapport de la quantité du sel hydrolysé 
à la quantité totale du sel dissous. Plus la base ou l'acide sont fai- 
bles, plus le degré d’hydrolyse est élevé : une solution 0,1 N d'acétate 
de sodium est hydrolysée à 0,08 % et celle de carbonate de sodium 
à 2,9 %. 

L'hydrolyse d'un sel est un processus réversible qui obéit donc 
à la loi d'action de masse. Cela permet de déduire l’expression mathé- 
matique de la constante d'hydrolyse. L'équation de l’hydrolyse de 
l'acétate de sodium peut s'écrire : 

CH,COONa + H,0 == CHÿCOOH “+ NaOH 
CH,CO00- + H.0 = CH,COOH + OH- 
D'où 
._ {CH,COOH] [OH-] : _ [CH:COOH] [ON-] _ 
__ [CH,CO0”] [H,0] ECO [CH,C00-] = An 

Comme le produit Æ [H,0] est constant, À, est une grandeur 
constante qui exprime l'aptitude d’un sel à être hydrolysé. C'est la 
constante d'hydrolyse des sels. 


$ 51. Electrolyse. Comme nous l'avons démontré plus haut, les 
électrolytes diffèrent nettement, en tant que conducteurs, des con- 
ducteurs solides de première espèce (métaux, graphite). Dans les 
électrolytes, l'effet d’un champ électrique continu confère un mouve- 
ment orienté aux ions de signes contraires, qu'il s’agisse d’un électro- 
lyte dissous, fondu ou solide. A la cathode ou à l’anode, ces ions 
captent ou cèdent desélectrons, touten subissant des modifications qua- 
litatives. On voit donc que, si dans un conducteur de première espèce 
le courant électrique est le mouvement orienté des électrons, dans 
un électrolyte * c’est le mouvement orienté des ions. 

Les processus d'oxydation et de réduction qui ont lieu aux électro- 
des lorsqu'un courant continu est envoyé dans un système compor- 
tant un électrolyte, sont dénommés électrolyse. Les réactions chimi- 


* Les électrolytes solides sont nommés conducteurs de seconde espèce. 


8 51] ÉLECTROLYSE 207 


ques que l’on observe au cours d’une électrolyse s'effectuent à l’aide 
de l'énergie du courant électrique amené de l'extérieur. En d'autres 
termes, lors de l’électrolyse l'énergie électrique se transforme en 
énergie chimique. Dans ce cas, les processus d'oxydation et de réduc- 
tion sont séparés: ils se déroulent sur deux électrodes différentes. 
L’électrode qui assure la réduction est dite cathode et celle qui est. 
responsable de l’oxydation, anode. La cathode est branchée sur le 
pôle négatif et attire les cations; l’anode, branchée sur le pôle positif, 
attire les anions. Le mouvement des électrons dans le circuit exté- 
rieur est le résultat de ces processus. 

Prenons à titre d'exemple l’électrolyse du chlorure de sodium à 
l’état fondu. 

Fondu, le chlorure de sodium se dissocie en ions Na* et CI-. 
Lorsqu'on applique une tension aux électrodes, le courant électrique 
commence à passer à travers le sel en fusion. Ce courant apparait 
du fait que les cations s'approchent de la cathode, captent un élec- 
tron et se transforment en atomes neutres: 


Nat te = Na 


Ces atomes se dégagent à l’électrode correspondante. Les ions chlorure 
s'approchent de l’anode, cèdent chacun un électron et se transfor- 
ment également en atomes: 


Cl — e = CI 
Deux atomes de chlore se réunissent en molécule 
2C1 = Cl 


et du chlore gazeux se dégage au-dessus du bain fondu. 

Souvent, l’électrolyse des électrolytes en solution dans l'eau se 
complique du fait de la participation, aux processus d’électrode, 
d'ions H* et OH-. Ces ions peuvent se décharger aux électrodes en 
même temps que les ions de l’électrolyte. En outre, les molécules 
d'eau subissent également une oxydation ou une réduction aux 
électrodes. Ainsi, l’électrolyse du chlorure de sodium en solution 
dans l’eau se présente autrement que lorsqu'elle est effectuée à l’état 
fondu. En solution aqueuse, on voit se décharger à la cathode non 
plus les ions Na*, mais les ions H*. C'est donc l'hydrogène qui se 
dégage sur la cathode. Quant à l’anode, dans ce cas précis les pro- 
cessus y sont les mêmes, que ce soit à l’état fondu ou en solution. 

De plusieurs phénomènes d'’électrode possibles dans une situa- 
tion donnée se réalise celui qui consomme le moins d'énergie. Cette 
consommation dépend des valeurs des potentiels d'électrode des 
réactions électrochimiques correspondantes dans les conditions don- 
nées. Les ions réduits à la cathode sont ceux qui participent à la 
réaction électrochimique présentant le plus grand potentiel positif 
d’électrode £. Ainsi, des ions Na* et H*, ce sont les ions H* qui se 


208 SOLUTIONS ELECTROLYTIQUES fCH. VII 


réduiront sur la cathode, car Eon+/x, = 0 et EXa+yxa = —2,71 V. 
Dans une solution aqueuse neutre de Nal, on verra également se ré- 
duire sur la cathode les ions H*, puisque E>n-yx, = —0,41 V 
{en milieu neutre) et ÆExa+xa = —2,71 V. En ce qui concerne 
l'oxydation à l’anode, elle fait intervenir avant tout les ions qui 
participent à la réaction électrochimique ayant le potentiel d’électrode 
le moins positif. Dans le dernier cas considéré, le choix porte sur 
les ions [- et les molécules d'eau. Or, comme E1,,721- = 0,54 V et 
Eo,u,o = 0,81 V (en milieu neutre), ce sont les ions I- qui s’oxy- 
deront. 

Au cours de l'électrolyse des solutions aqueuses neutres de NaCI, 
effectuée à l’aide d'électrodes de platine, les potentiels (E£c,y2a- = 
= {1.35 V et Eo,yu,o = 0.81 V) indiqueraient que c’est le dégage- 
ment d'oxygène qui est favorisé. Cependant. la réaction d’oxydation 
des molécules d'eau avec dégagement d'oxygène se trouve inhibée 
lorsqu'elle est conduite sur une électrode de platine, car son énergie 
d'activation est alors trop élevée *. Voilà pourquoi on voit se déchar- 
ger surtout des ions Cl-. 

On peut essayer de calculer la valeur de la tension appliquée à 
laquelle l’électrolyse doit commencer. En effectuant, par exemple, 
l’électrolvse à électrodes en platine de l'acide chlorhydrique en 
solution dans l’eau, on voit se dégager de l'hydrogène à la cathode 
et du chlore à l’anode. Ces gaz s'adsorbent sur les électrodes créant, 
au fond, deux nouvelles électrodes: à hydrogène et à chlore. Elles 
forment l'élément galvanique correspondant dont la force électro- 
motrice (f.é.m.) est donnée par 


E° —= E Cap2ci- — ESH+/H2 = — 1,358 ns 0,000 = 1,358 V 


En l'absence de certains effets qui compliquent les choses, il 
suffirait, pour assurer l’électrolyse complète de l'acide chlorhydrique 
en solution aqueuse, d'appliquer aux électrodes une tension à peine 
supérieure à 1,338 V. Le signe de la tension appliquée doit être 
inverse à celui de la force électromotrice (f.6.m.) de l'élément galva- 
nique formé. Cependant, si l'on veut que ces phénomènes d’électro- 
de se réalisent, il faut que les ions s’approchent des électrodes, 
s’adsorbent à leur surface, se réunissent en molécules après la décharge, 
et, enfin, se désorbent. Tous ces processus se déroulent avec des 
vitesses déterminées et consomment une énergie supplémentaire qui 
correspond à un accroissement de la tension appliquée. Cette tension 
supplémentaire est appelée surtension. Elle se compose de la surten- 
sion sur la cathode AËE% et de la surtension sur l'anode AË,. De 
plus, un surcroît de tension est nécessaire pour surmonter la résistan- 
ce de la solution électrolytique (AU), comme c'est le cas pour tout 


* En électrochimie, on parle de grande surtension électrolytique, 


$ 51] ÉLECTROLYSE 209 


conducteur d'électricité. Finalement, la tension, à laquelle l'électro- 
lyse se produit (tension de décomposition), est égale à 


U= Ei — E + AE, + AE, + AU 


Ordinairement, la surtension n’est pas très élevée dans les réac- 
tions cathodiques qui aboutissent à la séparation d’un métal. Mais 
pour l’hydrogène, la surtension atteint des valeurs relativement éle- 
vées : jusqu’à près de 1,8 V. Elle dépend de plusieurs facteurs, dont 
la matière de la cathode, l’état de sa surface, la densité du courant 
et autres. La haute surtension d'hydrogène permet d'isoler à la 
cathode les métaux dont le potentiel d’électrode est plus négatif que 
le potentiel de l’électrode à hydrogène, c’est-à-dire les métaux qui 
se trouvent à gauche de l’hydrogène dans la série des tensions. 

Les réactions anodiques s'’accompagnent souvent de dégagement 
de gaz. Elles se caractérisent par une surtension assez élevée. Celle 
d'oxygène atteint normalement des valeurs importantes (de l’ordre 
de 1,5 V). 

Les valeurs que l’on trouve dans les diverses tables sont usuelle- 
ment celles des potentiels normaux relatifs aux électrodes de référen- 
ce. En pratique, les processus électrochimiques se déroulent dans des 
conditions qui diffèrent des conditions normales. Les potentiels 
d'équilibre réels sont fonction de la concentration, de la températu- 
re, de la composition de l'électrolyte et parfois aussi de l’acidité 
du milieu. Il faut connaître la valeur de bien nombreux paramètres 
si l’on veut prendre en compte tous les facteurs qui déterminent la 
tension assurant l’électrolyse. D'habitude, on ne fait d’abord qu'esti- 
mer la valeur de cette tension que l’on précise ensuite par voie expé- 
rimentale. 

Un rôle important est celui de la matière dont les électrodes sont 
faites. Suivant cette matière, les anodes peuvent être inertes (en 
matière non oxydable) ou actives (en matière oxydable au cours de 
l’électrolyse). 

Nous allons envisager l’électrolyse du vitriol bleu en solution 
dans l'eau avec une anode inerte et une anode active. En tant qu'ano- 
de inerte nous prendrons, par exemple, une électrode en graphite. 


Le potentiel d'électrode ÆEcucu vaut 0,34 V: il est beaucoup 
plus positif que pour l’électrode à hydrogène. C'est donc du cuivre 
qu'on verra se déposer sur la cathode au cours de l’électrolyse: 


Cu?+ + 2e = Cu 


Comme ÆEon- est plus négatif qu’Æsoi-, le processus anodique 
sera le suivant: 


OH-—2e=0+H* 20 = O,+ (en milieu basique) 
14—01151 


210 SOLUTIONS ÉLECTROLYTIQUES ; [CH. VII 


ou 
H30 — 2e = O+2H+t 20 = O.+t (en milieu acide) 

Si l’on se réfère aux valeurs des potentiels d’électrode. l'oxyda- 
tion anodique des ions OH- doit être plus aisée que celle de l’eau. 
Pourtant, la concentration des ions OH” est de loin inférieure à la 
concentration de l’eau. Les deux processus sont donc probables. 
C’est le caractère du milieu (basique, neutre ou acide) qui favorisera 
l'un ou l’autre. 

Lorsqu'on prend en tant qu'anode active du cuivre métallique, 
l'oxydation anodique est subie non plus par l’eau ou les ions hydro- 
xyle, mais par la matière de l’anode. Cela a lieu parce que Efus+ycu 
est moins positif que le potentiel d'oxydation de l'eau. Par consé- 
quent, les ions Cu** de la solution se déposeront sur la cathode et 
les atomes de cuivre de l’anode s'oxyderont et passeront en solution 
sous forme d'ions Cu**. On constate que pour un nombre donné 
d'ions cuivre déposées sur la cathode, il y en a autant qui se sont 
détachés de l’anode au cours de son oxydation. L'électrolyse se 
poursuivra jusqu'à ce que l’anode soit complètement dissoute. On 
utilise l’électrolyse à anode en cuivre appliquée à une solution de 
vitriol bleu pour préparer du cuivre pur par raffinage électrochimi- 
que. Au cours de l’électrolyse et de la dissolution de l’anode de cui- 
vre, les impuretés contenues dans le cuivre s’oxydent et passent en 
solution, ou bien précipitent sous forme de boues. 

Afin de prévoir le résultat de l’électrolyse d'une solution électro- 
lytique dans l’eau, on peut se guider sur les faits suivants: 

1° Lorsqu'on électrolyse les sels simples des métaux dont le 
potentiel d'électrode est plus négatif que celui de l'aluminium 
(y inclus ce dernier), ce sont les ions hydrogène qui se déchargent 
sur la cathode. 

2° En électrolysant les sels simples des métaux ayant un poten- 
tiel d’électrode plus positif que celui de l'hydrogène, ce sont les 
métaux correspondants qui se déposent sur la cathode. 

3° Lorsqu'on a à électrolyser des sels des métaux dont le poten- 
tiel d’électrode est intermédiaire entre le potentiel de l’aluminium 
et celui de l’hydrogène, à la cathode il y a simultanément dépôt de 
métal et dégagement d'hydrogène. 

4° Lors de l’électrolyse des sels d'hydracides ou de ces acides 
mêmes (HCI, HBr, HI, HS), on voit apparaître à l'anode les élé- 
ments correspondants (Cl,, Br,, I,, S). 

n° Si l’on soumet à l'électrolyse les sels d'acides oxygénés ou 
ces acides mêmes (HNO;, H,S0,, H;,PO,), c'est l'oxygène qui se 
dégage à l’anode, car là l'oxydation anodique fait intervenir les 
ions hydroxyle ou l’eau. 

Le physicien et le chimiste anglais Faraday décrivit quantitati. 
vement les phénomènes qui se produisent au cours de l’électrolyse- 
Il énonça, dans les années 1830, les lois suivantes: 


& 51] ÊLECTROLYSE 211 


La masse des substances qui se forment au cours de l’électrolyse 
est proportionnelle à la quantité d'électricité qui a traversé 
l’électrolyseur. 

Une même quantité d'électricité transforme par électrolyse 
des quantités équivalentes de composés chimiques différents. 


Pour transformer un équivalent de tout corps, il faut faire passer 
à travers l’électrolyseur 96 500 coulombs d'électricité. Cette quantité 
d'électricité, dite faraday ou nombre de Faraday, est désignée par F. 

On peut présenter les lois de l’électrolyse sous une forme mathé- 
matique : 


où g est la masse d’une substance transformée chimiquement, 

£ l'équivalent chimique de cette substance, 

I l'intensité de courant (en A), 

t la durée de l’électrolyse (en s). 

L'examen de cette formule conduit aux conclusions suivantes. 

1° Lorsque Zt — 96 500 C, g = €. Pour transformer chimique- 
ment un équivalent * d’un corps, il faut faire passer à travers l’é- 
lectrolyte 96 500 C ou 26,8 A-h d'électricité (1 A-h = 3 600 OC). 

2° Lorsque Zt = 1 C, g — £/F. Le rapport £/F est l'équivalent 
électrochimique. C'est la masse d’une substance transformée chimi- 
quement par passage à travers l'électrolyte d'un coulomb d'électri- 
cité. 

3° Lorsqu'une même quantité d'électricité passe à travers une 
série d’électrolytes, les masses des substances réduites à la cathode 
et oxydées à l’anode sont proportionnelles à leurs équivalents chi- 
miques. 

Ainsi, les lois de l'’électrolyse permettent une détermination 
directe des équivalents de diverses substances. 


L'électrolyse est largement utilisée industriellement pour séparer et épurer 
les métaux, pour préparer alcalis caustiques, chlore, hydrogène, acide persulfuri- 
que et ses sels, permanganate de potassium et dioxyde de manganèse. Alumi- 
nium, magnésium, sodium et cadmium ne sont obtenus que par électrolyse. 
Le raffinage du cuivre, du nickel et du plomb est entièrement effectué par voie 
électrochimique. 

L'électrolyse sert de base à la galvanostégie et à la galvanoplastie. 

La galvanostégie consiste à recouvrir une surface métallique avec une couche 
d’un autre métal. On le fait habituellement pour éviter la corrosion et donner 
aux articles métalliques un meilleur extérieur. En tant que métaux de protec- 
tion on utilise le chrome, le nickel, etc. Au cours de l’électrolyse, l’objet sur 
lequel on porte la couche de protection sert de cathode. 

La galvanoplastie est destinée à obtenir des empreintes et des copies de 
différents objets **. Ainsi, pour fabriquer les clichés d'imprimerie ou la copie 


* Ici, il s’agit de l’équivalent d'oxydoréduction. 
en ss La galvanoplastie fut découverte en 1836 par l’académicien russe Boris 
akobi. 


14* 


242 SOLUTIONS ÉLECTROLYTIQUES , [CE vu 


métallique des disques phonographiques on prépare d’abord leur empreinte 
sur une plaque de cire. Puis on recouvre la surface du moule de cire avec de la 
poudre raphitée, lui conférant ainsi une conductivité électrique. Au cours de 
’électrolyse, le moule de cire sert de cathode: le métal s’y dépose, formant 
une copie fidèle de l’objet de départ. La cire est ensuite facile à éliminer par 
chauffage. 


$ 52. Sources chimiques de courant électrique. Les différentes formes de 
l'énergie, dont l'homme a besoin, ont souvent pour origine l'énergie chimique 
libérée dans les réactions diverses. La transformation de l'énergie chimique * 
en chaleur se produit de la façon la plus simple: il suffit pour cela de brûler une 
substance à l'air. 11 est beaucoup plus difficile de transformer l'énergie chimi- 
que en électrique **. Dans les centrales thermiques, l'énergie chimique con- 
tenue dans la houille ou le pétrole est transformée en énergie thermique par 
combustion de ces substances. Ensuite. on obtient de l'énergie électrique à l’aide 
de machines thermiques. Dans les éléments galvaniques, la transformation 
de l'énergie chimique en électrique est possible, en principe, avec un rendement 
atteignant cent pour cent. Certainement, le rendement réel est plus bas, mais 
il peut quand même aller jusqu'à 90 %. Le rendement réalisé dans les centrales 
thermiques n'est que de l'ordre de 35 %. 

Un grand objectif économique consiste à mettre au point des procédés 
peu chers permettant une transformation directe de l'énergie chimique en 
électricité. Une des voies pour résoudre ce problème est la création de nouveaux 
types de piles galvaniques et d’accumulateurs. 

Les éléments galvaniques — premières sources de courant — parurent au 
début du XIX° «. Des lors il devint possible d'obtenir d'assez grandes quantités 
d'énergie. C'est grâce à ces éléments qu'on a pu étudier et mettre en application 
le phénomène d'électrolyse. La pile Daniell-Iakobi est un des premiers éléments 
galvaniques. Elle comprend une électrode en zinc plongée dans une solution de 
sulfate de zinc et une électrode en cuivre immergée dans une solution de sulfate 
de cuivre. Le: deux solutions sont séparées par une cloison poreuse ou bien réu- 
nies à l'aide d'une jonction liquide. 

Examinons le principe de fonctionnement des éléments galvaniques sur 
l'exemple de la pile Daniell-Iakobi. Si l’on place une plaque de zinc dans une 
solution de sulfate de cuivre, on verra se produire, à la surface de la plaque, une 
réaction d’oxydoréduction : 


Zn + CuSO, = ZnSO, + Cu 
Zn + CU?+ = Zn°+ LE Cu 


Ce processus consiste en ce que les ions cuivre, en se rapprochant de Ia 
plaque de zinc, gagnent des électrons et se réduisent en atomes neutres qui se 
déposent à la surface de la plaque. Les atomes de zinc privés d'électrons passent 
en solution sous forme d'ions. On assiste donc à un mouvement régularisé d'ions 
et d'électrons à la surface du zinc métallique : c’est un courant électrique à courte 
distance. Si l’on veut utiliser ce courant, il faut séparer dans l’espace les proces- 
Le perte et de capture d'électrons : c’est ce qui est réalisé dans la pile Danieli- 
IJakobi. 


* L'énergie chimique est la fraction de l'énergie interne, liée non pas au 
mouvement chaotique des particules, mais à l’interaction des noyaux et des 
électrons qui détermine la structure chimique des corps. 

** L'énergie électrique est celle du mouvement régularisé des électrons. 
Les électrons et les ions du courant électrique subissent une agitation thermo- 
cinétique et la régularité de leur mouvement s’en ressent : les particules chargées 
s’écartent de temps en temps des lignes de force du champ électrique, bien que, 
en moyenne, leur déplacement soit orienté. 


$ 52] SOURCES CHIMIQUES DE COURANT £LECTRIQUE 213 


Lorsque du zinc métallique est plongé dans une solution de ZnSO,, certains 
atomes de la surface passent en solution sous forme d'ions en laissant des élec- 
trons (fig. 54). Au bout de quelque temps un équilibre s’installe: 


Zn = Zn°* + 2e (1) 


Un processus analogue a lieu lorsqu'on immerge du cuivre métallique 
dans une solution de CuSO, : 


Cu == Cuf* + 2e (2) 


Dans le cas du zinc, le déplacement de l'équilibre vers la droite est plus 
important que dans le cas du cuivre. Cela signifie que la plaque de zinc garde 
plus d'électrons que celle de cuivre. La charge négative de la plaque de zinc 


Fig. 54. Pile cuivre-zinc de Daniell-lakobi 


est donc plus importante ou, en d’autres termes, l’électrode de zinc est plus 
négative que celle de cuivre. Si l’on réunit les deux électrodes à l’aide d'un 
conducteur, leurs charges s’égaliseront, des électrons passant de la plaque de 
zinc vers celle de cuivre. Ce passage provoque, conformément au principe de 
Le Chatelier, un déplacement des équilibres (1) et (2). L'électrode de zinc perdant 
des électrons, l'équilibre (1) se déplace vers la droite: le zinc se dissout. Par 
contre, l'équilibre (2) se déplace vers la gauche, car l'électrode de cuivre porte 
désormais plus d'électrons. Par conséquent, des ions cuivre s'approcheront de 
l'électrode, capteront des électrons et se déposeront sous forme d'atomes à la 
surface du métal. Suite au déplacement des équilibres (1) et (2), il y a accumula- 
tion d’ions positifs Zn?* autour de l’électrode de zinc et d'ions négatifs SO- 
autour de l’électrode de cuivre. Pour avoir un circuit électrique fermé, il faut 
relier les deux solutions par un conducteur d'ions. C’est, par exemple, un tube 
en verre rempli de solution de ZnSO, ou de CuSO,. Alors, des ions SOi- migre- 
ront de l’électrode de cuivre vers celle de zinc et les ions zinc, au contraire, de 
l’électrode de zinc vers celle de cuivre. L'égalité des charges des deux solutions 
sera ainsi assurée et la pile galvanique pourra fonctionner. 

On voit donc qu’il est impossible de créer une pile galvanique qui ne com- 
porterait que des métaux: il faut toujours aussi un électrolyte. L'énergie électri- 
que qui naît dans les piles galvaniques a pour origine des transformations d'oxy- 


214 SOLUTIONS ÊÉLECTROLYTIQUES [CH. VIT 
NN 


dation et de réduction, auxquelles répond un saut de potentiel entre l’électrode 
et la solution. 

La différence de potentiel (la tension) entre les électrodes d'une pile galva- 
nique est une de ses caractéristiques essentielles. Elle se FARPOrS à un tel état 
de la pile où les électrodes sont en équilibre chimique avec la solution qui les 
entoure et où le courant qui passe entre les électrodes est infiniment petit: 
cas des électrodes disjointes. Cette tension est dite force électromotrice CS 
On la déduit de la différence des potentiels d'électrode correspondants. Connais- 
sant les potentiels d’électrode normaux 


Znt+2e=Zn EYna+yzn = —0,76 V 
Cut + 2e = Cu Etusrcu = 0134 V 
on obtient la f.é.m. normale pour la pile Daniell-Iakobi 
EQu=zn = ECur+/cu — EZn2+/zn = 0,34—(—0,76)=1,10 V 
en soustrayant la valeur du potentiel de l’électrode moins positive de celle 
du potentiel de l'électrode plus positif. 


Les électrodes des piles galvaniques peuvent être de deux types. Dans 
le premier cas, l’électrode participe directement aux réactions d'oxydoréduc- 


2FeÆ 2Fe° 


®% 


Fig. 55. Pile galvanique à électrodes inertes fonctionnant par oxydoréduction 


tion: c'est ce qu'on observe pour la pile considérée. De tels éléments sont à 
électrode consommable de Dans le second cas, l’électrode ne sert qu'à trans- 
mettre les électrons. Une pile galvanique à électrodes du second type est repré- 
sentée sur la figure 55. La demi-pile gauche est constituée de la solution d’un 
mélange de sels de Sn°* et de Sn'* dans laquelle est plongée une électrode de 
platine. L'équilibre qui s'établit à la surface de l'électrode : 


Snt+ + 2e == Sn?*+ 


détermine son potentiel. Dans la demi-pile droite, l'électrode de platine est 
longée dans la solution d’un mélange de sels de Fe**+ et de Fe’+. L'équilibre 
à la surface de la seconde électrode 


Fes+ + ee Fe°+ 
détermine son potentiel. De telles piles galvaniques sont dites à électrodes inertes. 


$ 52] SOURCES CHIMIQUES DE COURANT ÉLECTRIQUE 215 


Les éléments galvaniques se subdivisent à leur tour en deux types: primai- 
res et secondaires. Les éléments primaires ne peuvent être rechargés, une fois leur 
substance active consommée. Il n'y est pas possible d’inverser le processus 
d’électrode en changeant le sens du courant. Usuellement. on donne à ces élé- 
ments galvaniques le nom de pile. Les éléments secondaires peuvent être régéné- 
rés (rechargés) après leur épuisement en inversant le sens du courant. C'est la 
réversibilité électrochimique des électrodes qui rend un tel rechargement pos- 
sible. Ces éléments galvaniques, utilisés pour obtenir de l'énergie électrique, 
sont dénommés accumulateurs. Les accumulateurs emmagasinent de l'énergie 
électrique sous forme d'énergie chimique. Nous allons considérer deux accumu- 
lateurs usuels: acide (au plomb) et alcalin (au fer-nickel). 

Accumulateur au plomb. Le pôle positif de cet accumulateur est constitué 
ar une électrode en diokvde de plomb. Ce dernier remplit sous forme de pâte 
es mailles d'une grille de plomb. L'’électrode de plomb sert de pôle négatif. 

On utilise comme éectrlste une solution aqueuse à 25-30 % d'acide sulfurique. 
L'équation ci-après représente le processus de génération de courant dans un 
accumulateur au plomb (la réaction se produit de gauche à droite): 


décharge 
Pb + PbO, + 2H,S04 ==> 2PbSO, + 2H,0 
charge 


Lors de la recharge les réactions se produisent dans le sens inverse. 
Au pôle négatif on a la réaction 


Pb +2 Pb°+ b 2e 


Les ions Pb°*+ se déposent sur l’anode sous forme de sulfate de plomb PbSO,, 
peu soluble. Au pôle positif on observe la réaction 


PbOs - 4H+ + 2e =e Pb®+ + 2H,0 


et les ions Pb°+ se déposent sur la cathode sous forme de PbSO,. 

La f.é.m. d’un accumulateur au plomb croît avec la concentration de l'élec- 
trolyte en acide sulfurique. Ainsi, s’il y a 240 g d'acide sulfurique par litre 
d'électrolyte, sa f.é.m. vaut 2,0 V, alors qu’à 420 g/l elle atteint 2,1 V. Au cours 
de la décharge de l'accumulateur, l’acide sulfurique est progressivement fixé 
et la f.é.m. diminue. La concentration de l’acide sulfurique permet de juger 
du degré de décharge d’un accumulateur. En pratique, il s'avère plus commode 
de mesurer la densité de la solution de H,SO, qui est une fonction de la concen- 
tration. 

Il ne faut pas que la décharge d’un accumulateur au plomb soit trop impor- 
tante : si sa f.é6.m. dd jusqu'à 1,8 V, on peut considérer que l’accumulateur 
est complètement épuisé. La présence d'impuretés fait baisser le rendement 
d’un accumulateur. Il faut donc que les matériaux dont il est fait soient de haute 
pureté. L'eau qu'il contient s’évapore au cours du fonctionnement et se décom- 
pose en partie lors de la recharge, d'où la nécessité de rajouter de temps en temps 
de l'eau distillée. 11 ne faut pas qu'un accumulateur reste longtemps déchargé. 
Comme on sait, sa décharge conduit à la formation de sulfate de plomb. Ce 
sulfate est d’abord finement dispersé, mais, avec le temps, de gros cristaux se 
forment par recristallisation. Ces cristaux détruisent les parois des électrodes, 
mettant l'accumulateur hors de service. On évite ce processus, dit sulfatation 
des plaques, en rechargeant l'accumulateur immédiatement après la décharge. 

Accumulateur alcalin. Une plaque de fer (ou de cadmium) de grande surface 
constitue le pôle négatif d'un tel accumulateur, le pôle positif étant en nickel 
rempli d'oxyde de nickel (III). Une solution à 20 % d'hydroxyde de potassium 
sert d'électrolyte. La charge et la décharge (génération de courant) d’un accu- 


216 SOLUTIONS ÉLECTROLYTIQUES (CH. VI 


mulateur alcalin se produisent suivant l'équation 


décharge 
Fe + Ni,0, + 3H,0 > Fe(0H), + 2Ni(OH}, 


charge 


Au pôle négatif se produisent les réactions 
Fe = Fe?+ LE 2e 
Fe?+ L 20H- = Fe(OH), 
Au pôle positif on a: 
Ni30s + 3H230 + 2e == 2Ni+t  60H- 
Nièt + 20H- = Ni(OH), 


Ainsi que dans l’accumulateur au plomb, les électrodes sont poreuses 
à surface développée. La f.6.m. de l’accumulateur alcalin vaut 1,3 V. D'habi- 
tude, ces accumulateurs sont commercialisés sous forme de batteries comportant 
plusieurs couples disposés en série. 

I1 ne s'agit pas actuellement d'obtenir de grosses quantités d'énergie 
électrique à l’aide d'éléments galvaniques de puissance unitaire élevée. I] est 
beaucoup plus simple et rentable d'utiliser à cet effet les centrales thermiques, 
hydro-électriques et électronucléaires. Cependant, il y a chaque année de plus 
en plus d'appareils industriels ou ménagers qui demandent des sources de courant 
autonomes, légères et peu encombrantes. Les autos et les avions modernes, les 
appareils de radio et électriques à transistors, les montres électroniques et les 
avertisseurs, les satellites artificiels et les laboratoires spatiales ont besoin 
d’une large gamme d'éléments galvaniques. Il y a des cas où rien ne peut les 
remplacer en tant que source de courant. Leurs dimensions et formes peuvent 
être les plus diverses. Ils ne comportent aucune pièce mobile soumise à l’usure 
et sont relativement légers, autonomes, peu sensibles aux vibrations. Ils fonc- 
tionnent sans bruit et se prêtent bien au réglage. 


CHAPITRE VIII 


SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VII 


HYDROGENE 


$ 53. Hydrogène à l’état naturel. La situation de l'hydrogène 
au sein de la classification périodique des éléments est assez ambi- 
guë. Autrefois, on le plaçait dans le sous-groupe principal du grou- 
pe Ï. Aujourd'hui, on le dispose plus souvent au début du sous-groupe 
des halogènes. Les arguments en faveur de son classement au début 
du sous-groupe des métaux alcalins sont les suivants. 

1° De même que les métaux alcalins, l'hydrogène est au degré 
d’oxydation +1 dans la plupart de ses combinaisons. 

2 Pareillement aux métaux alcalins, l'hydrogène possède des 
propriétés réductrices nettement marquées. 

3° Les réactions de déplacement réciproque sont caractéristiques 
de l'hydrogène et des métaux, y compris les métaux alcalins. 

Les traits suivants font ressembler l’hydrogène aux halogènes. 

1° Ainsi que les atomes des halogènes, l’atome d'hydrogène est 
capable de fixer un électron en formant l'ion hydrogène isoélectro- 
nique à l’atome du gaz rare le plus voisin. 

2° Tout comme les halogènes légers, l'hydrogène — corps sim- 
ple — est gazeux dans les conditions normales et sa molécule se 
compose de deux atomes. 

3° L'hydrogène combiné est remplaçable par un halogène. La 
chimie organique dispose de nombreux exemples de réactions pareil- 
les. 

4° Le potentiel d’ionisation de l'hydrogène est comparable à 
ceux des halogènes. Ainsi, le potentiel d’ionisation de l’atome d'’hy- 
drogène vaut 13,6 eV, celui de l’atome de fluor 17,4 eV et celui de 
l'atome de lithium seulement 5,6 eV. 

L'hydrogène est un des plus répandus éléments terrestres. La 
teneur totale en hydrogène de l'écorce terrestre est égale à 1 % 
(massiques). Si l’on exprime cette quantité en termes atomiques, 
il se trouve que pour 100 atomes constituant l'écorce terrestre, il 
y en a 17 d'hydrogène. 

Outre l'hydrogène léger :H, on connaît bien ses deux autres iso- 
topes: le deutérium D et le tritium °T. Le rôle du deutérium est. 


218 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VII [CH. VIII 
EE 


important dans la technique atomique. L'eau lourde D,0 sert à 
ralentir les neutrons dans les piles nucléaires. Le tritium est l’isoto- 
pe radioactif de l'hydrogène. En se désintégrant, son noyau émet 
une particule B et se transforme en noyau de l’atome d'hélium (iso- 
tope de l’hélium de nombre de masse 3): 


ST — f + 3He 


En substituant le tritium à l’hydrogène léger (ordinaire) combi- 
né, on obtient des produits « marqués », largement utilisés en chimie 
et en médecine. 


$ 54. Préparation et propriétés de l'hydrogène. En laboratoire, 
l'hydrogène est usuellement préparé par l’action d’un acide (acide 
Chlorhydrique ou sulfurique dilué) sur le zinc: 


Zn + H,S0, = ZnS0, + Hs 


Les procédés industriels partent d'une matière première moins 
Chère. C’est ainsi qu'on fait agir de la vapeur d’eau sur du charbon 
incandescent : 


C + H,0 = CO + H, 


Le mélange qui en résulte est appelé gag à l'eau. En présence 
d’un catalyseur (Fe,0:), à 500 °C, l’oxyde de carbone (II) est trans- 
formable en CO, suivant la réaction 


CO + H.0 = CO, + H, 


On n’a aucune difficulté à débarrasser l’hydrogène de CO.. 

L'industrie utilise de grandes quantités d'hydrogène pour fabri- 
quer l’ammoniac. Par hydrogénation (addition d'hydrogène) on 
transforme les combustibles solides (houille, schistes) ainsi que les 
combustibles liquides lourds (résidus de transformation du pétrole 
et du goudron de houille) en combustible léger pour moteurs. 


L'hydrogénation des huiles végétales (d’hélianthe, de coton, de soja) per- 
met d obtenir des graisses solides utilisées dans la fabrication de margarine, 
dans la savonnerie, etc. L'hydrogénation des huiles conduit à des glycérides 
saturés fondant plus haut que les corps gras de départ. 


Chimiquement, l'hydrogène est un corps assez actif. Il agit facile- 
ment, à température élevée, sur plusieurs non-métaux : chlore, brome, 
oxygène, soufre et autres. La réaction explosive avec le fluor se 
produit dès la température ordinaire: 

H: + Fe = 2HF + 535 kJ 


L'hydrogène manifeste ses propriétés réductrices en déplaçant 
des métaux de leurs sels ou oxydes: 


CuO + H; = Cu + H,0 


$ 55] GENÉRALITES 219 


Dans l'interaction avec les métaux actifs (alcalins et alcalino- 
terreux), l'hydrogène se comporte en oxydant: 


2Na + Hs = 2NaH 


L'hydrogène des hydrures alcalins et alcalinoterreux est au degré 
d’oxydation —1. Les hydrures des métaux alcalins ont l’aspect et 
les propriétés physiques qui les font ressembler aux halogénures des 
mêmes métaux. En agissant sur l’eau, ils forment de l'hydrogène: 


NaH + H,0 = NaOH + H,i 


On connaît actuellement les hydrures de la plupart des éléments chimiques. 
Leurs propriétés et leur structure permettent de les classer en quatre groupes: 

hydrures gazeux ou volatils: (BH:):, NH, CH,, 

hydrures salins: NaH, CaH., 

hydrures polymères: (BeH.),, (AlH:).. 

hydrures interstitiels (métalloïdes): composés non stoechiométriques que 
l'on peut considérer comme des solutions solides d'hydrogène dans un métal 
(par exemple, hydrogène en solution dans le palladium). 

Nu 


L'activité chimique de l'hydrogène est particulièrement élevée 
au moment de son dégagement (à l’état naissant). Cela est dû au 
fait qu'au premier instant (lors de l’interaction du zinc avec un acide 
par exemple), l’hydrogène a la forme atomique. Dans les réactions 
où l’hydrogène intervient sous sa forme atomique, aucune énergie 
n’est dépensée pour rompre les liaisons H—H, comme c’est le cas 
en présence de molécules H,. On sait que la molécule d'hydrogène 
est assez stable : l'énergie de sa liaison chimique s'élève à 430 kJ/mol. 
A la différence de l’hydrogène moléculaire, l'hydrogène atomique 
réagit dès la température ordinaire en réduisant les oxydes métalli- 
ques, en se combinant à l'oxygène moléculaire, au soufre, au phospho- 
re et à l’arsenic. 

HALOGNES 


$ 55. Généralités. On appelle halogènes les éléments fluor, chlore, 


brome, iode et astate *. 
Tableau 15 


Certaines propriétés des atomes d’halogènes 


Premier po- | Electronétga- 


Elé- | Numéro | , Configuration des deux | Rayon, |tentiel d’lo- [tivité relative 
ment | atomique ques (état fondamental) Si re Pine) 

F 9 1s22s°2p5 0,072 1682 4,0 

CI 17 2s22p°3s°3p5 0,099 1255 3,0 

Br 35 3s?3p3d194s%4p5 0,114 1142 2,8 

I 53 4s?4pt4d195s°5p5 0,133 1008 2,6 


* L'astate ne sera pas considéré dans ce livre. 


220 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VII , (CH. VIII 


L'examen de la structure électronique des atomes d’halogènes 
(Tableau 15) montre qu'à chacun de ces atomes manque un électron 
pour avoir une couche stable à 8 électrons. Les halogènes sont donc 
aptes à capter un électron pour former un ion négatif: 


eClete—°Cl2 ou Cle Cl- 


La molécule de chlore résulte de l’accouplement des électrons 
célibataires de deux atomes de chlore: 

°Cle + Cl: —+ :CI:CI: 

Le fait que les atomes d’halogènes portent sur leur niveau énergé- 
tique extérieur un électron non apparié est à l'origine de leur état 
univalent. Pour pouvoir manifester des valences plus élevées, l’atome 
doit s’exciter en désaccouplant ses doublets électroniques et en 
faisant passer un de ses électrons p ou s sur le sous-niveau éner- 
gétique suivant (d). 

Comme l'excitation d’un électron, liée à sa transition sur le 
niveau énergétique suivant, demande une trop grande consommation 
d'énergie, le fluor est toujours univalent. Les halogènes qui suivent 
le fluor dans la classification périodique possèdent sur leur couche 
de valence des orbitales d vacantes. L'énergie nécessaire pour assurer 
une transition électronique à l’intérieur d’un même niveau énergé- 
tique est beaucoup moins importante. Une telle excitation pour 
l'atome de chlore peut être représentée comme suit: 


Etat fondarental 


Premier état excité 


Deuxieme etat excite 


Troisième état excité 


Ainsi, le chlore, le brome et l'iode peuvent présenter dans leurs 
combinaisons une valence égale à 1, 3, 5 ou 7. L'énergie dépensée 
po ur exciter les atomes se trouve compensée par celle qui se dégage 
lo rs de la formation de nouvelles liaisons chimiques. 


$ 56. Propriétés physiques des halogènes. Le fluor et le chlore 
sont gazeux dans les conditions normales (Tableau 16). Le fluor est 
jaune très pâle et le chlore vert-jaune. Le brome est un liquide 
brun-rouge et l’iode un solide brun foncé à éclat métallique qui forme 
par chauffage des vapeurs d’un violet foncé. Lorsqu'on refroidit ses 
vapeurs, l’iode redevient solide sans passer par l’état liquide *. 


* Au cours d’un chauffage rapide, surtout sous pression, l’iode fond à 
113,7 °C. 


$ 56] PROPRIÊTES PHYSIQUES DES HALOGÈNES 221 


Le passage direct d’un corps de l’état solide à l'état gazeux est dénommé 
sublimation. On s’en sert souvent pour purifier les corps (iode sublimé). 


La volatilité des halogènes diminue parallèlement à l’augmenta- 
tion de la charge du noyau atomique qui s'accompagne de l’accrois- 
sement des forces intermoléculaires qui retiennent les molécules des 
halogènes dans le réseau. 


Tableau 16 
Propriétés physiques des halogènes 
Fluor Chlore Brome | 1ode 

Etat d'agrégation à Gaz Gaz Liquide Solide 

20 °C 
Couleur du gaz ou de | Jaune clair | Vert-jaune | Brun-rouge |Violet foncé 

la vapeur 
Taux de dissociation 4,3 0,035 0,23 2,8 


thermique des mo- 
lécules à 4000 °C, % 


Masse volumique, 1110 1560 3120 4940 
kg/m° (liq) (liq) 

Température, °C: 
de fusion —219,6 —101,3 —17,3 113,7 
d’ébullition —188 ,1 —34 ,1 57,9 182,8 


Tous les halogènes possèdent une odeur forte et sont très toxiques. 
Aspirés même à faible dose, ils provoquent une irritation des voies 
respiratoires et des muqueuses buccale et nasale ; à forte dose, ils 
ont un effet suffocant. Le fluor provoque l'inflammation des mu- 
queuses et de fortes brülures cutanées. Les lésions dues aux halogènes 
liquides sont rebelles à la guérison. 

La solubilité des halogènes dans l’eau est variable. Il est impos- 
sible de préparer une solution aqueuse de fluor, car ce dernier réagit 
sur l’eau. Dans un volume d'eau on dissout 2,3 volumes de chlore 
à 20 °C. La solution de chlore dans l’eau, d’une couleur vert-jaune, 
est appelée eau de chlore. Pour le brome, la solubilité dans l’eau est 
approximativement égale à 3,5 g/l et pour l’iode, à 0,3 g/1. La solu- 
tion aqueuse de brome, l’eau de brome, est colorée en brun-rouge. 
L'eau d'iode est usuellement préparée en ajoutant à l’eau une faible 
quantité d'iodure de potassium. 

Le brome et l’iode sont mieux solubles dans divers solvants orga- 
niques (alcool, benzène, essence). Lorsqu'on agite du brome ou de 
l'iode avec un solvant organique, leur plus grande partie passe dans 
le solvant. Les halogènes à liaison moléculaire covalente (non polaire) 
se dissolvent le mieux dans les solvants organiques à molécules non 
ou peu polaires. 


292 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VII (CH. VIII 


. 


$ 57. Propriétés chimiques des halogènes. Les halogènes forment 
des molécules diatomiques qui ne se dissocient en atomes qu'à 
hautes températures (v. Tableau 16). Lorsque deux atomes d’halogè- 
ne se rapprochent, les nuages de leurs électrons p non appariés se 
recouvrent en formant une molécule X, (X=halogène) dans laquelle 
l'atome d’halogène acquiert une structure à huit électrons. Les halo- 
gènes agissent énergiquement, avec dégagement de chaleur. sur les 
métaux en formant des sels (le mot halogène est dérivé des mots 
grecs hals sel, et gennän engendrer). Ainsi, un fil de cuivre chauffé 
devient incandescent en présence de chlore. La même chose se produit 
pour une limaille de fer chauffée, alors que le fer en poudre brüle 
dans le chlore sans aucun chauffage préalable. Le chlore agit sur 
le cuivre et le fer suivant les réactions 


Cu + Cl, = CuCl, et 2Fe + 3Cl, = 2FeCl, 


Le fluor et le chlore se combinent avec la plupart des métaux 
dans les conditions ordinaires. En l’absence d’eau, il se forme parfois 
à la surface de métaux une pellicule dense qui protège le métal (le 
chlore sec liquéfié est transporté dans les bouteilles en acier.) Le 
brome et l’iode sont moins actifs que le chlore, mais ils réagissent 
quand même avec plusieurs métaux dans les conditions normales. 

Les halogènes entrent en réaction avec l’hydrogène en formant 
une combinaison de composition HX : 


H, + X, = 2HX 


Le fluor réagit sur l'hydrogène avec explosion en dégageant 
535 kJ d'énergie. La réaction du chlore avec l’hydrogène est très 
lente dans les conditions ordinaires, mais sous l’action de la lumière 
solaire directe ou à température élevée, cette réaction est également 
explosive. Ce phénomène a trouvé son explication dans le cadre de 
la théorie des réactions en chaîne *. 


Dans certaines réactions photochimiques, un quantum de lumière (photon) 
absorbé provoque une chaîne de réactions consécutives. Au cours de la synthèse 
de chlorure d'hydrogène à partir d'hydrogène et de chlore, pour chaque photon 
absorbé il se forme jusqu’à 100 molécules HCI. Ce processus consiste en ce que 
l'énergie du rayonnement ultraviolet provoque la dissociation de la molécule 
de chlore en atomes. ces derniers réagissant ensuite sur les molécules d'hydrogène 
pour engendrer une molécule de chlorure d'hydrogène et un atome d'hydrogène. 
Cet atome réagit à son tour sur une molécule de chlore en formant une molécule 
de chlorure d'hydrogène et un atome de chlore, et ainsi de suite. On a, de la 
sorte, une chaîne de réactions consécutives: 


CI, + Photon —+ CIl- + CI: 
Cl: -- H, + HCI + H: 


Les réactions de ce type sont dites en chaîne. 


* En 1956, l'académicien soviétique Nikolaï Séménovy s'est vu décerner un 
prix Nobel pour avoir élaboré cette théorie. 


$ 57] PROPRIÉÊTES CHIMIQUES DES HALOGÈNES 223 


Le brome et l’iode ne réagissent sur l'hydrogène qu’à température 
élevée, la réaction étant limitée dans le cas de l’iode, car l’iodure 
d'hydrogène formé suivant la réaction 


He + I, = 2HI 


est facilement décomposable. 

Le fluor, le plus électronégatif de tous les éléments chimiques 
(v. Tableau 15), est au degré d’oxydation —1 dans toutes ses combi- 
naisons, y Compris celle avec l’oxygène (OF.,). Les autres halogènes 
peuvent présenter, par contre, des degrés positifs. Le fluor entre en 
réaction avec la quasi-totalité des corps simples ou composés. dont 
certains gaz rares. En réagissant sur l’oxyde de silicium (IV) amor- 
phe, le fluor s'enflamme : 


2F: + SiO: — SIF, + O: 


Etant un oxydant très fort, le fluor décompose l'eau: 


Le chlore réagit sur l’eau à la lumière, donnant les acides chlor- 
hydr ique et hypochloreux : 


Le brome en solution dans l’eau forme également les acides brom- 
hydrique et hypobromeux qui s’y trouvent en équilibre avec le 
brome. 

Dans les conditions normales ou à température élevée, les haloge- 
nes se combinent directement à nombreux non-métaux. C'est ainsi 
que le phosphore introduit dans le chlore s’enflamme en donnant du 
chlorure de phosphore (III) et du chlorure de phosphore (V): 


2P + ACI, = 2PCI, et PCI, + Cl, = PCI, 


Le phosphore se combine énergiquement au brome (à froid) et 
à l’iode (à chaud). L’azote, l'oxygène et certains autres non-métaux 
ne réagissent pas directement avec les halogènes. 

La réaction caractéristique de l’iode est son interaction avec l'ami- 
don. Le composé qui se forme est d'un bleu intense. Cette réaction 
permet de détecter l’iode, même si sa concentration dans une solu- 
tion est inférieure à 10-° mol/l. La chimie analytique se sert large- 
ment de la réaction iode-amidon. 

Dans la série F-CI-Br-I, l'activité chimique (pouvoir oxydant) 
va décroissant du fluor à l’iode, rorrélativement à l’augmentation 
progressive des rayons et à la diminution du premier potentiel d'io- 
nisation de leurs atomes (v. Tableau 15). Le fluor déplace donc de 
leurs combinaisons le chlore, le brome et l’iodé; le chlore déplace le 


224 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VII [CH. VIII 
oo mm mm. 


brome et l’iode, et le brome ne déplace que l’iode: 
Cls + 2NaBr = Br, + 2NaCl 
CL + 2KI = I, + 2KCI 
Br +2KI=I, + 2KBr 


$ 58. Halogènes à l’état naturel. Aucun halogène, à l’exception 
de l'iode, ne se trouve dans la nature à l’état libre. Les sels qui en 
contiennent se rencontrent sous forme de gîtes ou à l’état dissous dans 
l’eau des mers et des lacs ainsi que dans les eaux de sources pétroli- 
fères. 

Le fluor est contenu dans les minéraux: la fluorite CaF,, la cryo- 
lithe Na,AÏF, et l’apatite Ca, (PO,), (F, Cl). L'écorce terrestre en 
renferme 0,08 % (massiques). 

Le sel gemme (halite) NaCI est une des combinaisons naturelles du 
chlore. Ses gisements se sont formés par dessèchement de mers et de 
lacs. Le chlorure de sodium se trouve en quantités importantes dans 
l’eau des océans, des mers et des lacs salins. Le chlore entre égale- 
ment dans la composition d’une roche constituée principalement 
par un mélange cristallin des minéraux halite NaCI, sylvine KCI et 
carnallite KCI-MgCl,-6H,0. La teneur en chlore de l’écocre terrestre 
s'élève à 0,2 % (massiques). 

L'iode et le brome se rencontrent sous forme d’impuretés isomor- 
phes dans les chlorures de Na, K et Mg. A l'état libre, l’iode est con- 
tenu dans les eaux de gisement de pétrole et dans certaines algues ma- 
rines, telle la laminaire. La proportion du brome dans l'écorce ter- 
restre atteint 3-10 et celle de l’iode 4-10-° % (massiques). 


$ 59. Préparation des halogènes. On obtient le fluor par électro- 
lyse de composés fluorés (ordinairement, de KHF, à l’état fondu) 
suivant le schema 


KHF, = KF + HF 
2HF 2 2H++2F- 
A la cathode | | A l’anode 
2H*+2e=H,;<+! '—2F—2=7F, 


Pour préparer du fluor en laboratoire, on place le sel KHF,, 
facilement fusible, dans un récipient en cuivre 2 (fig. 56) qui sert de 
cathode. L’anode, constituée par un fil en nickel de gros diamètre, 
se trouve à l’intérieur du cylindre de cuivre Z muni d'orifices dans sa 
partie inférieure. L'électrolyseur est équipé d’évents. 

A l'échelle industrielle, l’électrolyse est conduite dans un élec- 
trolyseur en acier dont les parois servent d’anode. Comme cathode, 
on utilise des tiges en graphite. Entre la cathode et l’anode, il y a 
une membrane qui sépare l'hydrogène du fluor. 


$ 60] HALOGENURES D'HYDROGEÈNE, ACIDES HALOHYDRIQUES 225 
——— ——_—_—__—_—_—_—_—_—_—__—_—_—_—— 


Le chlore est obtenu par électrolyse de solutions concentrées de 
chlorure de sodium dans l'eau. Du chlore se dégage sur l’anode de 
charbon, alors que sur la cathode il y a dégagement d'hydrogène. 
Dans la solution, on voit s'accumuler de 
l'hydroxyde de sodium. Les réactions sont 
les suivantes : 


2NaCl == 2Na* + 2CI- 
A la cathode: 2H,0 + 2e = H, + 20H- 
A l'anode: 2CI- — 2: = CL 
En solution: 2Na* + 20H- = 2NaOH 

Dans les laboratoires. on obtient le chlo- 
re en faisant agir de l'acide chlorhydrique 
concentré sur des oxydants forts: 
2KMnO, + 16HCI = 2KCI + 2MnCl, + 8H,0+5CI, 

Le brome est tiré de l'eau decertainslacs Fig. 56. PREUIAONS 
salins, de l’eau de mer, parfois des composés P°T PP 


: sé fluor : 

bromés entrant dans la composition de sels  ; : __ cylindres de cuivre 
fossiles, des eaux de gisement. L'iode est 

extrait des eaux de gisement ainsi que des cendres d'algues marines. 
Au cours de la préparation de brome et d’iode, on peut utiliser l'ap- 
titude du chlore à les déplacer des halogénures (v. pp. 223-224). 


$ 60. Halogénures d'hydrogène, acides halohydriques et leurs sels. 
On appelle halogénures d'hydrogène les corps constitués d'un hydrogè- 
ne et d'un halogène. A l'exception de l'hydrogène fluoré, tous les 
halogénures d'hydrogène sont des gaz incolores. Le fluorure d'hydro- 
gène est dans les conditions ordinaires un liquide bas-bouillant : 
l'acide fluorhydrique. Sa température d'ébullition relativement 
élevée (Tableau 17) est due à l'association des molécules HF. Les ha- 
logénures d'hydrogène se caractérisent par une odeur forte, fument à 
l'air, irritent les parois des voies respiratoires (surtout le fluorure 
d'hydrogène). 

Les molécules des halogénures d'hydrogène sont polaires, d'où 
leur bonne solubilitée dans l'eau avec féfmation d'acides de formule 


générale HX. Ces acides se dissocient en solution aqueuse suivant les 
schémas 


HX + H°,0 = H,0* + X- ou HX = I1* + X- 


Le fluorure d'hydrogène se prépare par interaction de la fluorite 
CaF, avec de l'acide sulfurique concentré dans un four en acier à 
120-300 °C : 

CaF, + H:S0, = CaSO, + 2HF 
15—-011951 


226 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VII , (CH. VIN 


Tableau 17 
Propriétés des halogénures d’hydrogène 


Chaleur de formation 
à partir des élé- 
ments, kJ/mol 


Longueur de la liaison 
H—X, nm 0,141 0,162 


Moment dipolaire de la 


molécule à l'état 
gazeux, p-107%0 C.m 
Température, °C: 
de fusion — 51 
d'ébullition —35 
Solubilité à 10 °C, mol/l 12 
Degré de dissociation 
ur la solution 
1 N, % 


1,25 


Le chlorure d'hydrogène est obtenu par plusieurs procédés, dont 
le plus répandu à l'heure actuelle est la synthèse à partir des élé- 
ments : 

H, + Cl, = 2HCI + 185 kJ 

Beaucoup de chlorure d'hydrogène se forme en tant que sous- 

produit au cours de la chloration de composés organiques : 


RH + Cl, = RCI + HCI (R = radical organique) 


Un autre procédé industriel d'obtention de HCI consiste à chauf- 
fer du chlorure de sodium en présence d'acide sulfurique concentré : 


2NacCl + H:S04 — NaSO, + 2HCI+ 


L'hydrogène bromé ou iodé ne peut être obtenu par ce procédé, 
car ces deux halogénures s’oxydent en présence de H,SO, concentré. 
On les prépare par hydrolyse du bromure de phosphore (III) ou de 
l'iodure de phosphore (III): 

PBr: + 3H,0 _— H,PO; + 3HBr et Pls + 3H,0 — H3POs + 3HI 


HF excepté, tous les autres halogénures d'hydrogène, dissous 
dans l’eau, forment des acides forts. La constante de dissociation de 
l'acide fluorhydrique est égale à 6,7-10-*. Cela veut dire qu’en solu- 
tion aqueuse 0,1 N, HF ne se dissocie qu'à 9 %, du fait de l’existen- 
ce de liaisons hydrogène et d’association des molécules HF. 


8 61] COMBINAISONS OXYGÉNÉES DES HALOGÈNES 297 


Une particularité du fluorure d'hydrogène et de l'acide fluorhy- 
drique est leur action sur l’oxyde de silicium (IV): 


SiO, + 4HF = SiF, + 2H,0 


Le verre comportant de l’oxyde de silicium (IV), on ne peut pré- 
parer ou conserver HF dans les récipients en verre ou céramiques. 
Le fluorure d'hydrogène liquide anhydre dissout parfaitement de 
nombreux sels. 

L'acide chlorhydrique est un liquide incolore d’une odeur forte qui 
renferme 42 % HCI à 18 °C. 


Dans le commerce, on trouve l'acide chlorhydrique de concentrations 
différentes. L'’acide chlorhydrique utilisé comme réactif possède une densité 
de 1190 kg/mS et renferme près de 37 % de chlorure d'hydrogène. L'acide chlor- 
hydrique industriel (acide muriatique) contient au moins 31 % de HCI (on le 

répare par synthèse directe à partir de chlore et d'hydrogène). Pour transporter 
’acide chlorhydrique, on utilise des bouteilles en verre ou des réservoirs métal- 
liques caoutchoutés (revêtus à l’intérieur d’une couche de caoutchouc). 


Les acides iodhydrique et bromhydrique diffèrent notablement de 
l'acide chlorhydrique par leur comportement envers les oxydants. 
Ils sont oxydés par l'oxygène moléculaire dès la température ordi- 
naire (l’action de la lumière accélère cette réaction), l'oxydation de 
l’acide bromhydrique étant beaucoup plus lente que celle de l'acide 
iodhydrique. 

Les sels des acides halohydriques ont un comportement variable 
dans l’eau. La plupart des chlorures présentent une bonne solubilité 
dans l’eau. Les chlorures d’Ag (1), Pb (II), Cu (I) et Hg (1) sont peu 
solubles. La solubilité des bromures et des iodures est comparable à 
celle des chlorures, tandis que les fluorures possèdent, dans la plupart 
des cas, une mauvaise solubilité dans l’eau: sevls les fluorures de 
Na, K, Al, Sn et Ag se dissolvent bien. 

La très mauvaise solubilité et la coloration différente d'AgCl 
(blanc), AgBr (jaune pâle) et Agl (jaune) sont utilisées pour identi- 
fier les anions chlore, brome et iode. 


$ 61. Combinaisons oxygénées des Halocènes Les halogènes ne 
réagissent pas directement sur l'oxygène, mais il est possible de pré- 
parer, par voie indirecte, des composés oxygénés pour tous les halo- 
gènes (à l'exception du fluor) où leur degré d'oxydation peut varier 
entre +1 et +7. Le fluor forme la combinaison OF, dans laquelle 
il est au degré —1. 

Le fluorure d'oxygène OF, est un gaz incolore dont l'odeur rappel- 
le celle de l'ozone. C'est l'unique composé où l’oxygène possède un 
degré d'oxydation positif. On le prépare par réaction du fluor sur 
l’eau ou sur une solution à 2 % de NaOH. 


15% 


228 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VII [CH. VIII 


La dissolution du chlore dans l’eau s'accompagne d’une réaction 
réversible (hydrolyse) : 
Cl + H:0 = HCI + HOCI 


où l'équilibre ne s’installe que lorsqu'un tiers environ de tout le 
chlore dissous a réagi. Cette interaction est liée à la polarisation de la 
molécule de chlore: déplacement du doublet électronique commun 
vers un des atomes de chlore sous l’effet des molécules polaires d’eau : 


- + 
«Cl: C1: + H°O:H = H°Cl: + :C1:0 2H 


L'hydrolyse du chlore est donc une réaction d'oxydoréduction au 
cours de laquelle un des atomes de chlore se réduit et l’autre s’oxyde. 

L'acide hypochloreux est très faible (X = 3,7-10# à 18 °C) et 
instable même en solution diluée. Au fur et à mesure de sa décomposi- 
tion 

HCIO = HCI + O 
l'équilibre de la réaction 
Cl, + H,0 = HCI + HOCI 


se déplace vers la droite. Finalement, tout le chlore a réagi sur l’eau 
et seul l’acide chlorhydrique reste en solution. La lumière accélère 
cette réaction, voilà pourquoi l'eau de chlore est à conserver à l’a- 
bri de la lumière. L'’acide hypochloreux est un oxydant très fort. 


Le chlore complètement sec n'agit pas sur les colorants. mais en présence 
d'humidité on observe une destruction rapide des matières colorantes par l'oxy- 
gène atomique dégagé au cours de la décomposition de l’acide hypochloreux. 


Les sels de l'acide hypochloreux sont dits kypochlorites. 

Il est possible de faire déplacer vers la droite l’équilibre de l’hy- 
drolyse du chlore si l’on fait passer ce dernier non pas dans l’eau, 
mais dans une solution alcaline : 

Cl, + KOH = KCIO + KCI + H,0 


L'action du chlore sur la chaux éteinte (blanche) Ca (OH), con- 
duit au chlorure de chaux: 
Cl + Ca(OH), = CaOCI, + H:0 


que l’on peut considérer comme un sel mixte des acides hypochloreux 
CI 


et chlorhydrique | Ca . Le chlorure de chaux est une poudre 


NocI 
blanche qui sent fort le chlore. 
La décomposition de l'acide hypochloreux en présence de sub- 
stances absorbant l’eau (tel CaCI.) permet d'obtenir un gaz brun-jau- 


12 


S 61] COMBINAISONS OXYGÊÈNÉES DES HALOGÈNES 2929 


ne instable sentant le chlore : l'oryde de chlore (1) C!,0 qui est l’an- 
hydride de l'acide hypochloreux. 

L’acide hypochloreux anhydre subit, en solution dans l’eau, trois 
transformations différentes qui se produisent simultanément et 
indépendamment les unes des autres (réactions parallèles *) : 


HOCI — HCI + O (a) 
2HOCI = H.0 + CI1,0 (b) 
3HOCI — 2HCI + HCIO, (c) 


En faisant varier les conditions, on peut obtenir que la réaction 
se produise de préférence selon un de ces mécanismes : suivant l’équa- 
tion (a) sous l'effet de la lumière solaire directe ou en présence de 
substances pouvant se combiner à l'oxygène ou encore en présence de 
certains catalyseurs (sels de cobalt, etc.); suivant l'équation (b) 
en présence de corps absorbant l’eau (comme CaCl.) ; suivant l'équa- 
tion (c) à haute température. 

Lorsqu'on fait passer du chlore dans une solution alcaline chau- 
de, on assiste aux processus suivants : 


3Cl, + 3H.0 == 3HCI -- 3HOCI 
3HOCI —+ 2HCI + HCIO, 
5HCI + HCIO, + 6KOH = 5KCI + KCIO, + 6H,0 
Au total: 
3C1, + 6KOH = KCIO, -- 5KCI + 3H,0 
Le chlorate de potas:tum formé (sel de Berthollet) KCIO, qui, à la 
différence du chlorure de potassium. est mal soluble dans l’eau, cris- 
tallise, une fois la solution refroidie. 
L'acide chlorique se forme suivant la réaction d'échange 
Ba(CiO,). + H:S0, = BaSO,{ + 2HCIO, 


et n'existe qu'en solution. C'est un acidà fort et un oxydant énergi- 
que, bien que ses sels en solution n aient pas de propriétés oxydantes. 
Tous les sels de HCIO, (chlorates) sont toxiques. On ne connaît aucun 
anhydride qui correspondrait à l'acide chlorique. 

Une oxydation ménagée des chlorates donne un gaz jaune très 
instable : l’oryde de chlore (IV) CIO.. Ainsi, si l’on porte à 60 °C 
un mélange humide de chlorate de potassium et d'acide oxalique, on 
voit se produire la réaction 


2KCIO, + H,C:0, — K:CO; eu CO; + H,0 + 2CIO, 
L'action de l'oxyde de chlore (IV) sur une solution d'’alcali con- 
duit au chlorite (sel de l'acide chloreux): 
2CI0, + 2KOH = KCIO, + KCIO, -+ H,0 


* Si un ou plusieurs corps peuvent réagir simultanément suivant deux direc- 
tions ou plus, de telles réactions sont dites parallèles. 


230 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VII [CH. VIII 


L'’acide chloreur HCIO, est peu stable. Sa force et son pouvoir 
oxydant le placent en position intermédiaire entre les acides hypo- 
chloreux et chlorique. 

Soumis au chauffage, KCIO, fond d’abord pour commencer à se 
décomposer ensuite, vers 400 °C, suivant deux directions: 


2KCIO, = 2KCI + 30, (en présence du catalyseur MnO.) 
4KCIO, = KCI + 3KCIO, (en l'absence de catalyseur) 


Le perchlorate de potassium KCIO,, peu soluble, est facilement 
séparé de KCI qui possède une bonne solubilité. 

L'acide perchlorique anhydre HCLO, (le perchlorate de potassium 
est son sel) est un liquide fumant très hydrophile. Il est instable et 
peut exploser au cours du stockage. Porté au-dessus de 90 °C, HCIO, 
se décompose en explosant. Il explose également au contact des sub- 
stances organiques (bois, charbon, etc.). C'est un des plus forts acides. 
Ses solutions diluées n’ont aucun pouvoir oxydant. Ainsi que l'aci- 
de même, la plupart des perchlorates sont incolores, bien solubles dans 
l'eau et les solvants organiques, ils se décomposent au-dessus de 300- 
600 °C avec dégagement d'oxygène. Leur préparation industrielle se 
fait par électrolyse des solutions de chlorates: 


KCIO, + H,0 = H: + KCIO, 


La confrontation des propriétés chimiques essentielles (de l’aci- 
dité et du pouvoir oxydant) des oxoacides du chlore fait voir que les 
propriétés acides s’accentuent et les propriétés oxydantes s’atténuent 
parallèlement à l’augmentation du degré d’oxydation du chlore: 


Renforcement des propriétés fes 
HOCI, HCIO,, HCIO, HCIO, 


Renforcement de l’activité oxydante 


Les sels des oxoacides du chlore ne manifestent aucun pouvoiroxy- 
dant en milieu neutre ou alcalin. On peut expliquer l’accentuation 
des propriétés acides dans la série ci-dessus par l’affaiblissement de 
la liaison H—0O, provoqué par l’accroissement de la charge effecti- 
ve positive sur l’atome de chlore avec, comme résultat, son attrac- 
tion plus intense exercée sur les atomes d'oxygène. De plus, la ré- 
pulsion réciproque des atomes d'hydrogène et de chlore, qui portent 
des charges de même signe, croît avec l’augmentation de la charge 
sur l’atome de chlore. Cette loi générale d'’affaiblissement de la liai- 
son H—O avec augmentation de la charge effective positive de l’ato- 
me central (soufre, azote, etc.) est valable pour tous les oxoacides. 

Étant des oxydants forts, les oxoacides halogénés sont faciles à 
réduire. Un halogène est un oxydant d'autant plus fort et se réduit 
donc d'autant plus facilement, que son degré d'’oxydation est moins 
élevé. La nature des produits de la réduction est fonction de l'acidité 
du milieu, de la force et de la quantité du réducteur, de la tempéra- 


8 61] COMBINAISONS OXYGENÉES DES HALOGÈNES 231 


ture. Nous donnons ci-après quelques exemples de réactions où des 
composés oxygénés du chlore se comportent en oxydants: 


5HCIO, + 6P + 9H,0 = 6H,PO, + 5HCI 
HCIO, + 480, + 4H,0 = 4H,S0, + HCI 
5HOCI + Br, + H,0 = 2HBr0, + 5HCI 
6FeSO, + KCIO, + 3H,S0, = 3Fe.(S0,)s + KCI + 3H,0 


Il est aisé de se rendre compte des propriétés des combinaisons 
oxygénées du brome et de l’iode en partant de la réaction réversible : 
X: + H:0 = HX + HOX 


Lorsqu'on passe du chlore au brome et puis à l'iode, l'équilibre 
de cette réaction est déplacé de plus en plus vers la gauche. 

Les acides hypobromeux et hypoiodeux ne sont connus que sous for- 
me de solutions. Le long de la série HOCI-HOBr-HOI on voit dimi- 
nuer la stabilité, le pouvoir oxydant et la force des acides. À côté 
de la décomposition selon la réaction 


HOX = HX +0 


les acides hypobromeux et hypoiodeux présentent également l’équi- 
libre 


3HOX = HXO, + 2HX 


out à la formation des acides bromique HBrO, et iodique 
10. 

L'’acide bromique n'existe qu’en solution, alors que l’acide iodi- 
que peut avoir la forme de cristaux incolores facilement solubles. Les 
propriétés de l’acide bromique le rapprochent de l’acide chlorique, 
tandis que toutes les propriétés acides et oxydantes de l'acide iodi- 
que sont accusées beaucoup moins que chez HCIO:. 

De même que les chlorates, les bromates et les iodates n'ont aucun 
caractère oxydant en milieu neutre et alcalin. Une déshydratation 
prudente de HIO; peut permettre d'obtenir de l’oxyde d'iode (V) 
1:0;, poudre blanche déliquescente qui, dissoute dans l’eau, redevient 
acide iodique. Cet oxyde d'iode est un oxydant fort qu’on utili- 
se dans la gazométrie pour identifier l’oxyde de carbone (II) 

1.0, + 5CO = 5C0, + I, 
L'acide perbromique HBrO,, obtenu tout récemment, n’a pas encore 
éte suffisamment étudié. 

L'acide periodique HIO, est un corps cristallin incolore que l’on 
isole ordinairement sous forme du cristallohydrate HIO,-2H,0. 
On peut le préparer par électrolyse de l'acide iodique: 

HIO; + H,0 — H: + HIO, 


Cet acide, ainsi que ses sels (periodates), est bien étudié. Ses pro- 
priétés acides sont moins marquées que chez HCIO,, mais son pouvoir 


239 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VII [CH. VIII 


oxydant est beaucoup plus net. L'acide periodique HI0O,-2H,0 
a le comportement d'un acide pentabasique. 


$ 62. Applications des halogènes et de leurs composés. On utilise 
le fluor liquide en tant qu'oxydant des propergols. On s’en sert massi- 
vement pour préparer des composés organiques fluorés et, en faibles 
quantités, pour obtenir CIF, (oxydant des carburéacteurs liquides et 
agent de fluoration), SbF;, fluorures de Ca. Ag, Mn, Al (agents de fluo- 
ration). Les divers composés du fluor trouvent des applications mul- 
tiples : le fluorure d'hydrogène sert à obtenir le fluor et la cryolithe 
synthétique K,AIF,, à graver sur verre et à synthétiser différents 
hydrocarbures fluorés. Les fluoro et les chlorofluorohydrocarbures de 
la série grasse sont souvent employés comme agents frigorifiques. 

Le chlore sert à préparer du chlorure d'hydrogène et de l'acide 
chlorhydrique, à blanchir les étoffes et la pâte à papier, à désinfec- 
ter l’eau potable (quelque 1,5 g par 1 m° d'eau), à fabriquer chloru- 
re de chaux, composés organiques chlorés, substances toxiques. Le 
chlorure d'hydrogène, l'acide chlorhydrique et ses sels sont d’un lar- 
ge usage industriel: fabrication de résines et caoutchoucs synthé- 
tiques et d’autres produits d'hydrochloruration des composés orga- 
niques pour le chlorure d'hydrogène ; préparation de chlorures de zinc, 
manganèse, fer ct autres métaux, élimination des carbonates, oxy- 
des et autres dépôts et impuretés de la surface de métaux et des 
forages pour l'acide chlorhydrique. 

Le chlorure de sodium sert d’assaisonnement indispensable, c'est 
aussi un produit conservant. On en tire le chlore. C’est la matière 
de base de la fabrication d'hydroxyde et de carbonate de sodium. On 
l’emploie dans la teinture, la savonnerie, etc. 

Le brome est utilisé dans les dopes ajoutés aux combustibles mo- 
teur et aussi pour préparer les bromures de potassium et de sodium (mé- 
decine, photographie). 

Pour préparer la teinture d'iode (solution alcoolique à 5 *d'iode), 
on prend de l’iode sublimé. L’iodure de potassium est employé dans 
la médecine et la chimie analytique et l'iodure d'argent dans la fa- 
brication de matériel sensible. 

Parmi les composés oxygénés des halogènes, on utilise le plus fré- 
quemment les hypochlorites, les chlorates et les perchlorates. 
L'Aypochlorite de potassium, oxydant fort, est utilisé pour le blanchi- 
ment des tissus de coton et de lin ainsi que de la pâte à papier. La 
réaction suit le schéma : 


KCIO + H,0 + CO, — KHCO, + HCIO 
HCIO = HCI + O 
Le chlorure de chaux CaOCI, est utilisé comme décontaminant et 


désinfectant, le sel de Berthollet KCIO, dans la fabrication d'’allu- 
mettes, les perchlorates dans la pyrotechnie. 


CHAPITRE IX 


SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI 


$ 63. Généralités. Le sous-groupe principal du groupe VI de la 
classification périodique de Mendéléev comprend les éléments oxygè- 
ne, soufre, sélénium, tellure et polonium. Le niveau énergétique ex- 
térieur des atomes de ces éléments (Tableau 18) comporte six électrons 
(dont deux sur le sous-niveau s et quatre sur le sous-niveau p), d’où 
leur tendance à compléter leur niveau externe jusqu'à l’octet. 


Tableau 13 


Certaines propriétés des atomes des éléments 
du sous-groupe principal du groupe VI 


. : Electro- 
Configuration des deux Premier négativité 


lé t Numéro dernières couches ; potentiel 
Elémen atomique électroniques d'ionisation, 


s relative 
(état fondamental) kJ/mol 


(selon) 
Pauling) 


1s22s22pt 
2s°2pt3s?3p! 
3s°3p43d1°4s24 p\ 
4s°4 p64d195s?5p 
os*5pt5dl16s°6p! 


Les atomes des éléments considérés (à l'exception du poloniun) 
ne forment pas de cations, bien qu ils soient porteurs d'une charge ef- 
fective positive dans certaines de leurs combinaisons (SF,, TeF,). 
Par contre, la formation d’anions M°- en est caractéristique. 

Les éléments de ce sous-groupe ont un caractère non métallique 
marqué (mais moins accusé que chez les halogènes). [ls forment aisé- 
ment des combinaisons avec les métaux, telles que Na,O, Nas, 
Na.Se, Na,Te que l’on appelle respectivement oxyde, sulfure, sélé- 
niure et tellurure. Ces éléments se combinent à l'hydrogène pour don- 
ner des composés H,.M (H.0, HS, If,Se, H.Te). 


234 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI , (CH. IX 


L’eau est un électrolyte amphotère, car elle se dissocie, simultané- 
ment, en ions hydrogène et ions hydroxyle. Les solutions aqueuses de 
sulfure, séléniure et tellurure d'hydrogène sont des acides faibles 
dont la force croît et la stabilité baisse de l’acide sulfhydrique à l’aci- 
de tellurhydrique. L'eau ne commence à se décomposer qu'à 1000 °C, 
alors que le tellurure d'hydrogène est instable même à température 
ordinaire. Lorsqu'une mole de H.0 se forme à partir de ses éléments, 
il y a dégagement de 243 kJ, tandis que la formation de 1 mole de 
HS ne donne que 19 kJ d'énergie. En ce qui concerne H.Se et H.Te, 
leur formation s'effectue avec absorption, respectivement, de 80 et 
143 kJ. D'autre part, la chaleur de formation (et, donc, la stabilité 
chimique) des combinaisons oxygénés va croissant dans l'ordre 
S-Se-Te. RE 

L’atome d'oxygène n’a pas d’orbitales vacantes sur sa couche élec- 
tronique de valence (v. Tableau 18). Voilà pourquoi, à la différence 
des autres éléments de ce groupe, l'oxygène n'est jamais tétra ou he- 
xavalent. Suite à son électronégativité élevée (v. Tableau 19), 
l'oxygène porte une charge effective négative dans ses combinaisons, 
excepté OF, où il est au degré “+ 2. Tous les autres éléments de ce 
groupe ont des degrés d'oxydation positifs jusqu’à “+ 6 lorsqu'ils 
sont combinés à l'oxygène. 


Tablenu 19 


Propriétés physiques des éléments du sous-groupe 
principal du groupe VI 


Oxygène Soufre | Sélénium Tellure 


| Etat d'’agrégation Gaz Solide Solide Solide 
Masse volumique, kg/m| 1140 (liq) 2070 4790 6240 
Température, °C: 
de fusion —218,9 119 220,2 452 
d'ébullition — 182,96 444,6 688 1396 


Quelques propriétés physiques de l'oxygène, du soufre, du sélé- 
nium et du tellure à l'état libre figurent au Tableau 19. Le polonium 
et ses combinaisons, dont les propriétés chimiques sont mal connues, 
ne seront pas considérés ici. 


OXYGENE 


$ 64. Propriétés et obtention de l'oxygène. Oxygène à l'état na- 
turel et son rôle. L'oxygène est un gaz incolore, inodore et insipide. 
Il est peu soluble dans l’eau: 3 volumes d'oxygène dans 100 volu- 


$ 61] PROPRIÊTES ET OBTENTION DE L'OXYGENE 235 


mes d'eau à 20 °C. A la pression normale, l'oxygène se liquéfie à 
— 182.96 °C et se solidifie à — 218, 9 °C (v. Tableau 19). A l’état 
liquide et solide, l’oxygène est bleu pâle. Sa molécule est diatomique, 
non polaire. 

La préparation industrielle de l’oxygène se fait, principalement, 
par distillation fractionnée de l’air liquide. Il est stocké et transpor- 
té en bouteilles d’acier. Dans les conditions de laboratoire, l'oxygène 
est préparé par décomposition de substances riches en cet élément. 
Usuellement, c’est le chlorate (v. p. 230) ou le permanganate de potas- 
sium KMnO,. Ce dernier se décompose suivant la réaction: 


2KMnO, — K,MnO, + MnO: + O: 


La propriété chimique la plus importante de l'oxygène est son ap- 
titude à se combiner à la plupart des corps simples avec dégagement 
de chaleur et de lumière. Souvent, pour provoquer la combustion 
d’un corps dans l'oxygène, on est obligé d'élever la température, car 
l'oxygène est un corps assez inerte à la température ordinaire (la liai- 
son entre les atomes d'oxygène est très résistante). A côté de la com- 
bustion, on connaît de nombreux phénomènes d'oxydation lente par 
intervention de l'oxygène : respiration des organismes vivants, cor- 
rosion des métaux, putréfaction, etc. La chaleur dégagée se disperse 
dans l’espace environnant, mais parfois elle s’accumule et peut pro- 
voquer une inflammation. C’est ainsi que s’enflamment spontané- 
ment les chiffons encrassés, le foin humide, la paille, le charbon et 
autres substances combustibles. 

Tous les phénomènes d'oxydation sont beaucoup plus énergiques 
dans l'oxygène pur qu'à l’air. Ainsi, un copeau qui se consume lente- 
ment à l'air, s’enflamme et brûle d'un feu clair dès qu'on l’a intro- 
duit dans de l’oxygène pur. Le soufre qui donne une flamme à peine 
visible à l’air, brüle d'une flamme lilas très yive dans l'oxygène pur. 
Une aiguille d’acier, ortée a linen desc 06 l'air et introduite dans 
un récipient contenant de l'oxygène pur, s'oxyde énergiquement en 
faisant jaillir des étincelles. 

L'oxygène est l'élément le plus répandu sur notre planète: il for- 
me 49 % de la masse totale de l'écorce terrestre, l’hydrosphère et 
‘ atmosphère. L'air en renferme quelque 21 % (volumiques) ou 23 % 
(massiques). 

L'oxygène de l'air est sans cesse consommé dans les phénomènes 
de respiration, combustion, putréfaction, corrosion, etc. Parallèle- 
ment, sa quantité dans l'air est constamment renouvelée sous l'effet 
de la lumière solaire. Les végétaux dégagent dans l’atmosphère, grâ- 
ce aux processus de nutrition, à peu près 6 fois plus d'oxygène qu'ils 
ne consomment pour la respiration. 

Très souvent, l’oxygène se trouve dans la nature à l’état combiné. 
Il entre dans la composition de l’eau, des minéraux et des organismes 
vivants. L'eau renferme 88,89 % (massiques) d'oxygène. La partie 


236 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI , (CH IX 


de l'écorce terrestre, accessible à l’homme, en contient 47,3 % (mas- 
siques) sous forme d’oxydes et de sels oxygénés. C'est aussi un élé- 
ment constitutif de l'organisme de l’homme, des animaux et des végé- 
taux. Dans les organismes vivants, il y en a quelque 65 % (massi- 
ques). 

Le rôle technique et industriel de l'oxygène est extrêmement im- 
portant. Les brüleurs spéciaux où les gaz combustibles sont brülés 
dans le courant d'oxygène pur, donnent une température de loin supé- 
rieure à celle que la flamme a dans l'air. La flamme de l'hydrogène 
brülé dans un courant d'oxygène atteint 2000 °C et celle de l’acétylène 
3000 °C. La flamme de ces gaz est utilisée pour souder et couper les 
métaux, pour fondre du platine, du quartz et d'autres matières très 
difficilement fusibles. On se sert de l'oxygène liquide ou de l'air li- 
quide enrichi en oxygène pour préparer des mélanges explosifs. 


Le mélange de toute masse poreuse combustible avec de l'oxygène liquide 
est explosif. On donne à ces mélanges explosifs (ou détonants) le nom d’oryli- 
quites (orylignites). Ces explosifs puissants remplacent avec succès la dynamite 
dans la construction de tunnels ou dans l'exploitation en carrière des gisements 
de minerais. 

La cartouche à oxygène liquide est un petit sac rempli d’une masse com- 
bustible poreuse (foin, paille, sciure, charbon) et muni d'un allumeur électri- 
que. Cette cartouche est chargée immédiatement avant l'utilisation en la plon- 
£geant dans de l’oxygène liquide. 


L'oxygène liquide est un des composants utilisés pour la propul- 
sion des fusées. L’oxygène aide à intensifier certains procédés métallur- 
giques et chimiques. On l’emploie de plus en plus largement dans di- 
vers appareils spéciaux, dont on équipe les avions. les sous-marins, 
les mines ou les hôpitaux. 


$ 65. Ozone. On appelle ozone une variété allotropique de l'oxy- 
gène. dont la molécule comporte trois atomes d'oxygène (O.,). C'est 
un gaz bleu clair d'une odeur caractéristique, 1,5 fois plus lourd que 
l'oxygène et beaucoup mieux soluble dans l’eau. Il fond à — 192 °C 
et bout à — 112 °C. L'ozone est bleu foncé à l’état liquide et presque 
noir à l'état solide. 

Dans la nature, l'ozone se forme à partir de l'oxygène de l’air au 
cours des décharges atmosphériques (30, == 20;), ainsi que par oxy- 
dation de la résine des conifères. L'air contenant un peu d'ozone a 
un effet favorable sur l’organisme humain. car il tue les microorganis- 
mes pathogènes. On considère comme particulièrement sain l’air des 
bois de conifères qui renferme toujours une certaine quantité d'ozone. 

Ordinairement. l'ozone est préparé par action d'une décharge si- 
lencieuse (décharge électrique sans étincelles) sur l'oxygène gazeux. 
L'ozoneur utilisé en laboratoire est schématisé sur la figure 57. Son 
élément principal est constitué par deux tubes en verre, dont l’un 
est placé à l’intérieur de l’autre, entre lesquels on fait passer de l'oxy- 


$ 66] EAU 237 


gène (ou de l'air) parfaitement sec. Dans le tube interne, il y a une 
tige métallique et le tube externe est enroulé d'un filament métal- 
lique. La tige et le filament sont réunis aux pôles d'une bobine à hau- 
te tension. La décharge silencieuse a lieu dans l’espace entre les 
parois des deux tubes. L'oxygène qui en sort renferme quelques pour 
cent d'ozone. 

La propriété chimique la plus caractéristique de l'ozone est sa 
très grande activité oxydante. Bien des corps qui ne réagissent pas 


MISSESSSSUUEE GR 
ENSSSSSSSBESBET, a 
0, BSSSSSSSESEE 
ES — : 


ISSESSSBRRERS'E 


Fig. 57. Schéma d'un ozoneur élémentaire 


avec l’oxygène à la température normale, entrent en réaction avec 
l'ozone. C'est ainsi qu’en faisant passer de l’air ozoné renfermant 
2-3 % (massiques) d’ozone, dans une solution aqueuse d’iodure de 
potassium, on voit se libérer de l’iode (la solution se colore en bleu 
en présence d'amidon) : 


L'argent métallique noircit sous l'effet de l'ozone en formant à 
sa surface de l’oxyde d'argent (Il): 


Ag + Os = AgO + O: 


Dans l'atmosphère d'ozone, le sulfure de plomb se transforme en 
sulfate suivant la réaction 


PbS + 20, = PbSO, + O, 


À la différence de l'oxygène, l’ozone oxyde à froid de nombreuses 
substances organiques. Ainsi, il détruit les tuyaux en caoutchouc. 
L'air ozoné oxyde énergiquement l’éther, l’alcool, du coton imbibé 
de téreébenthine qui s'enflamment. En tant qu'oxydant fort, l'ozone 
est utilisable pour parachever l’épuration de l’eau potable afin de la 
débarrasser des microorganismes pathogènes ainsi que pour établir 
la constitution chimique des molécules de certains corps. 


Principales combinaisons de l’oxygène 


$ 66. Eau. L'eau est la substance la plus répandue sur la Terre. 
Elle recouvre 3/4 de la surface du globe terrestre (océans, mers, lacs, 
glaciers). De grandes quantités d’eau sont contenues dans l’atmosphè- 
re et dans la croûte terrestre. Notre planète est littéralement imprei- 
gnée d'eau et enveloppée de vapeur d'eau. L'eau participe au cycle 


238 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI , ICH. IX 


complexe des transformations de la chaleur, de l'humidité et des corps 
sur la Terre. Tout organisme vivant en comporte. 

L'organisme des animaux et des plantes renferme en moyenne 
plus de 50 % d’eau. Celui de l’homme en est constitué à 65 % (jus- 
qu'à 75 % pour un nouveau-né et 60 % pour un adulte). La perte, 
par l'organisme humain, de 10 % de son eau peut être fatale. On peut 
donc dire que l’eau est indissociable de la Vie sur notre planète. 
Le rôle vital de l’eau est connu à l'homme depuis des temps reculés. 
Ce n'est pas par hasard qu'’Aristote compta l'eau parmi les quatre 
éléments (principes indestructibles) de la Nature. 

La réserve globale de l’eau libre sur la Terre s'exprime par une 
quantité immense : 1,4 milliards de km“. A peu près la même quanti- 
té d’eau se trouve à l’état lié (physiquement ou chimiquement) dans 
les roches sédimentaires ou cristallines. Cependant, les réserves en 
eau douce potable sont très limitées. 

Les besoins en eau de la population, de l’industrie et de l agricul- 
ture croissent d’année en année. Plusieurs chercheurs prédisent pour 
l'avenir la famine d’eau. Selon les démographes *, la population de 
notre planète doublera vers 2000 pour atteindre un niveau supérieur 
à 6 milliards, tandis que la consommation d'eau douce se multiplie- 
ra par cinq. Voilà pourquoi aucun problème nest aussi actuel que 
la protection des ressources d’eau et l'épuration des eaux résiduaires. 

En U.R.S.S., on accorde une très grande attention aux proble- 
mes relatifs à l’utilisation rationnelle et surtout à la protection des 
ressources d'eau. 

L'eau pure est transparente et incolore. Elle n'a aucune odeur ni 
saveur (la saveur de l’eau potable est due aux selset gaz qui ysont dis- 
sous en faibles quantités). L'eau possède certaines propriétés physi- 
ques spécifiques qui la distinguent des autres liquides. Nous avons 
déjà parlé de la température d'’ébullition anomalement élevée de 
l’eau dans la série des composés H,0-H,S-H,Se-H,Te. On sait bien, 
de plus, qu’en gelant l’eau se dilate au lieu de se comprimer comme 
le font la plupart des autres liquides. La glace est donc moins dense 
que l’eau : elle flotte à sa surface. Ce fait a une importance vitale pour 
la flore et la faune aquatiques. Si la glace était plus dense que l’eau, 
cette dernière gèlerait jusqu’au fond, créant des conditions extré- 
mement difficiles pour les organismes vivants. 

En règle générale, la densité des corps augmente lorsque la tempe- 
rature baisse. La densité de l’eau liquide est maximale à 4 °C et non 
pas à 0 °C. Cette propriété de l’eau empêche les cours d'eau, lesétangs, 
les lacs, etc., de geler complètement, car au-dessous de 4 °C les cou- 
ches supérieures. moins denses, ne se mélangent plus aux couches 
inférieures, dont la densité est maximale. 


* Démographie: science ayant pour objet l'étude quantitative de l'état et 
des variations des populations humaines. 


$ 66] EAU 239 


L'eau possède une capacité calorifique * très élevée qui varie 
d'une façon anomale avec la température. Cette capacité calorifique 
élevée rend les eaux naturelles d'importants accumulateurs de la 
chaleur. En été, elles absorbent la chaleur pour la rendre progressi- 
vement à l’environnement en automne. La chaleur dégagée au cours 
du refroidissement d’un degré d'un mètre cube d’eau suffit pour 
chauffer d’un degré à peu près 3000 m* d'air. Voilà pourquoi au bord 
des mers et des lacs, il n’y a ordinairement aucune variation brusque 
de température (en hiver et en été, le jour et la nuit). 

Le passage de l’eau à l’état vapeur exige une très grande quantité 
de chaleur. La chaleur nécessaire pour transformer en vapeur 1 mole 
d'eau à 100 °C, est égale à 40,5 kJ. Cette grande chaleur de vaporisa- 
tion explique la large utilisation de l’eau dans les installations éner- 
gétiques à vapeur. 

L'aptitude de l’eau à mouiller les surfaces et sa tension superfi- 
cielle élevée sont aussi des propriétés importantes. C’est grâce à elles 
que l’eau peut monter à une grande hauteur dans les tubes étroits 
dits capillaires. C’est un phénomène de très grand intérêt: il permet 
aux eaux souterraines de monter vers la surface du sol pour alimen- 
ter les plantes. Les mêmes phénomènes capillaires assurent la circu- 
lation de la sève à l’intérieur des plantes. 

En son temps, l’eau avait été choisie en tant que corps étalon pour 
la mesure de certaines grandeurs physiques fondamentales: masse, 
densité, température, chaleur, capacité calorifique. Toutes les ano- 
malies de l’eau sont dues aux particularités de gæ structure molécu- 
laire et aux forces intermoléculaires. Nous avons déjà mentionné. 
au Chapitre IT, l'existence de liaisons hydrogène entre les molécules 
d'eau. 

L'eau solide — la glace — se caractérise par une structure ajou- 
rée bien ordonnée. Les liaisons hydrogène jouent un grand rôle dans 
la formation de la structure cristalline de la glace. Sa densité rela- 
tivement petite s'explique par la présence de vides dans sa structure. 
Lorsque la glace fond, l’intensification de l'agitation thermique des 
molécules détruit sa structure ajourée, les vides étant comblés. La 
densité s’en trouve accrue. L'eau liquide garde des fragments du ré- 
seau cristallin de la glace, que l’on peut considérer comme des poly- 
mères peu stables (H,0),. Pendant que la température monte jus- 
qu’à 4 °C, la destruction des fragments cristallins se poursuit et le 
liquide continue à se condenser, malgré l'accroissement de l'agita- 
tion thermique. Au-dessus de 4 °G, cette dernière devient tellement 
importante que la densité de l’eau commence à diminuer. Il est établi 
que même à la température normale l’eau est essentiellement consti- 


* On appelle capacité calorifique la quantité de chaleur nécessaire pour fai- 
re croître d’un degre la température de 1 kg de substance donnée. 


240 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI , (CH. IX 


tuée de molécules polymères, le taux de molécules monomères ne 
s'elevant qu’à 1 %. 

La dissociation électrolytique de l’eau, l’hydratation des ions et 
les réactions d’hydrolyse ont été examinées plus haut. On aura en- 
core souvent l’occasion de décrire les propriétés chimiques de l’eau 
en considérant la chimie de divers éléments. Ici, nous noterons simp- 
lement que l’eau est un corps très réactif. Cela s'explique, notamment, 
par la présence dans sa molécule de deux doublets électroni- 
ques non partagés. 

Il est à souligner que l’eau exerce une influence notable sur les 
propriétés de nombreux corps ainsi que sur la vitesse de déroulement 
de nombreuses réactions. En effet, même les substances très soigneu- 
serment séchées comportent des quantités microscopiques d'humidité 
dont l'effet est parfois très important. La préparation de substances 
parfaitement sèches est un problème très difficile. Des expériences 
montrent que lorsque le brome a été séché pendant 9 ans, sa tempéra- 
ture d'ébullition est supérieure de 59 °C à celle qui figure dans les 
ouvrages de référence. La température d'ébullition du soufre, déshy- 
draté dans les mêmes conditions, a augmenté presque de 100 °C. 
On sait aussi qu'après un séchage prolongé, le gaz détonant n'explo- 
se pas à haute température, l'oxyde de carbone (I) ne brüle pas dans 
l'oxygène, l’acide sulfurique n'agit pas sur les métaux alcalins et les 
métaux alcalins et l'hydrogène ne réagissent pas avec le chlore. La 
chimie toute entière est, ainsi. une chimie sur fond de traces d’eau. 


$ 67. Peroxyde d'hydrogène. Les méthodes physico-chimiques 
modernes ont permis d'établir que les deux atomes d'oxygène du pe- 
roxyde d'hydrogène H,0, sont di- 
rectement liés entre eux par une 
liaison covalente non polaire (fig. 
98). Les liaisons qui unissent les 
atomes d'hydrogène aux atomes 
d'oxygène sont, par contre. polaires 
(suite au déplacement des électrons 
communs vers l'oxygène). La mo- 
lécule entière H,0, est donc polai- 
Fig. 58. Structure de la molécule re. Les molécules H,0, s'associent 

202 entre elles par l’intermédiaire de 

liaisons hydrogène. Dans ces asso- 

ciations, l'énergie de la liaison O—O vaut 210 KkJ, ce qui est de 
loin inférieur à l'énergie de la liaison H—O (470 kJ). 

Le peroxyde d'hydrogène à l’état pur est un liquide visqueux in- 
colore de masse volumique 1440 kg/m%, qui fond à — 0,46 °C et 
bout à 151,4 °C. A la différence de l’eau, le peroxyde d'hydrogène est 
peu stable. Il se décompose dès la température ordinaire et très fa- 
cilement à la lumière ou au contact de certains catalyseurs (MnO,, 


$ 67] PEROXYDE D'HYDROGÊNE 241 


PbO,, etc.). La réaction est la suivante: 
H,0: —= H,0 + O 


Sa stabilité augmente considérablement en solution aqueuse diluée. 
La faible stabilité des molécules H,0, est le résultat de la petite éner- 
gie de la liaison O—0O. Le peroxyde d'hydrogène est miscible à l’eau 
en toutes proportions. On le conserve dans les récipients en verre fon- 
cé, à frais. Au contact de la peau une solution concentrée de peroxy- 
de d'hydrogène provoque des brülures, la peau atteinte devenant 
blanche. 

Le pouvoir oxydant du peroxyde d'hydrogène est également dû 
à la faible résistance dela liaison O—0O. Ainsi, le papier iodo-ami- 
donné (impreigné de KI et d’amidon) se colore en bleu en présence 
d'iode libéré lorsqu'on l’a mouillé avec du peroxyde d'hydrogène: 


2KI + H20: = Le + 2KOH, 21- + H:0; = le + 20H - 
21-—2e— 1,  H:20, + 2e = 20H- 
H,0, se comporte donc en oxydant par rapport à [-. Le peroxyde 


d'hydrogène peut aussi être réducteur, mais uniquement vis-à-vis 
des oxydants forts: 


Cl + H:0s — 2HCI + Os 
H,0, — 2e = 0, +2H+, Cl + 2 = 2CI- 
On l’applique fréquemment comm: oxydant pour blanchir les 
étoffes et autres matériaux. Tout en détruisant les matières coloran- 


tes, le peroxyde d'hydrogène n'’affecte presque pas le produit à blan- 
chir. 


Une autre application du peroxyde d'hydrogène consiste à restaurer les 
vieux tableaux peints à l’huile qui ont noirci à cause de la transformation du 
blanc de plomb (PbOH),CO, en sulfure de plomb PbS, noir, sous l'effet des 
traces de sulfure d'hydrogène contenues dans l'air: 


(PbOH),COs + 2H,S = 2PbS + 3H,0 + CO, 
Le peroxyde d'hydrogène appliqué oxyde PbS noir en PbSO; blanc: 
PbS + 4H303 = PbSO, + 4H,0 
Le peroxyde d'hydrogène concentré à 85-90 %, mélangé à certai- 
nes matières combustibles, est utilisé pour la fabrication d’explosifs. 
On se sert de H,0, pur (en tant qu’oxydant) pour assurer la pro- 
pulsion des fusées et des avions à réaction. La médecine emploie la 


solution à 3 % de H,0, comme désinfectant pour déterger les plaies, 
rincer la gorge, etc. 


Le peroxyde d'hydrogène est faiblement acide: 
H,0: = H* + HO; 
HO; = H+ + 07 
1801151 


242 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI (CH. IX 


, 


Son interaction avec les alcalis en fournit une confirmation 
Ba(OH); + H:0, = 2H,0 + BaO, 


Le peroxyde de baryum BaO, est un sel du peroxyde d'hydrogène 
et non pas un oxyde de baryum (IV). Confrontons deux composés 
oxygénés de composition analogue, SnO, et BaO.. Ils ont un compor- 
tement différent vis-à-vis des acides qui déplacent le peroxyde d’hy- 
drogène de ses sels: 


Ba0, + H,S0, = BaSO, + H,0; 
SnO: + 2H,S0,4 — Sn(SO,)2 + 2H,0 


La préparation du peroxyde d'hydrogène se fait par électrolyse 
des solutions d'acide sulfurique. La solution aqueuse de H,0, est 
concentrée par distillation fractionnée sous vide (l’eau s’évapore plus 
facilement que H,0,). Il est possible de tirer le peroxyde d'hydrogè- 
ne de BaO, par action d'acide sulfurique dilué (voir plus haut) ou de 
dioxyde de carbone sous pression : 


Ba0O, + CO: + H:,0 — BaCO, + H,0: 


On sépare facilement H,0, formé des sels insolubles. Ordinaire- 
ment, le peroxyde d'hydrogène est commercialisé sous forme de solu- 
tions aqueuses à 3 % et à 30 %. La dernière solution est appelée 
perhydrol. 


SOUFRE 


$ 68. Propriétés et applications du soufre. Le soufre à l’état 
libre forme trois variétés allotropiques : rhombique («), monoclinique 
(B) et molle. Le soufre rhombique est le plusstable. Le soufre monocli- 
nique (cristaux longs aciculaires d’un jaune sombre) n’est stable qu’à 
une température supérieure à 96,5 °C. 

Nous donnons ci-après les masses volumiques et les températures 
de fusion des variétés du soufre: 


Masse 


T t 
Rhombique . . . . . . . . 2070 112,8 
Monoclinique . . . . . . . 1960 119 


En fondant, le soufre rhombique devient un liquide mobile jaune. Si l’on 
poursuit le chauffage, il prend peu à peu une couleur brun rougeâtre et, au 
voisinage de 250 °C, s’épaissit tellement qu’on peut renverser le récipient sans 

u’il s'écoule. Au-dessus de 300 °C, le soufre redevient liquide et bout à 444.6 °C, 
onnant des vapeurs jaune orange. Si l’on le refroidit lentement, tous ces phéno- 
mènes se reproduisent dans l’ordre inverse. 

En refroidissant rapidement du soufre porté à l'ébullition (par exemple, en 
en versant un filet dans de l’eau froide), on le voit se transformer en une masse 
résineuse brun foncé. C'est ce qu'on appelle soufre mou. Au bout d’un temps, 
cette masse devient cassante et jaunit en <e transformant peu à peu en soufre 


s 68] PROPRIÊTES ET APPLICATIONS DU SOUFRE 243 
4 


rhombique. Outre les variétés allotropiques mentionnées du soufre, on en con- 


naît d'autres qui sont peu stables et se convertissent avec le temps en soufre 
rhombique. 


On sait que la structure moléculaire du soufre"dépend de la tempé- 
rature : c’est cela qui conditionne l'existence de ses veriétés allotro- 
piques. Dans les conditions normales, les nœuds du réseau cristallin 
du soufre sont occupés par des molécules cycliques’octatomiques (fig. 
59, a). Au-dessus de 160 °C, ces cycles se rompent en formant des chaî- 


s * 3) 
LEXS j S S 
LE AN 


Fig. 59. Structure des molécules peques octatomiques de soufre (a) et des 
macromolécules de soufre mou (b) 


nes ouvertes composées d’un grand nombre d'atomes —S—S—S—S— 
—$S . ..—S—. Ces chaînes peuvent s'attacher l'une à l’autre, ce qui fait 
croître la viscosité du soufre. Au-dessus de 190 °C, les chaînes lon- 
gues se rompent à leur tour en donnant des chaînes plus courtes, la 
viscosité du soufre diminuant en conséquence. Le soufre mou est com- 
posé de macromolécules à plusieurs milliers d’atomes formant des 
chaînes en zigzag (fig. 59, b). 


Dans les vapeurs de soufre, on a détecté des molécules S4, Se, Sa, Sa 
à l'état d'équilibre. Les molécules S,; prédominent à 450 °C et S, à 800 °C. 
La variation des proportions respectives des différentes molécules de soufre 
s'accompagne d'un changement de couleur des vapeurs: elles sont rouges au- 
dessus de 450 °C, puis elles redeviennent plus claires pour prendre, à 650 °C, 
en ne jaune paille. Les molécules $S, se dissocient en atomes au-dessus de 


Le soufre est insoluble dans l’eau, légèrement soluble dans le ben- 
zène, l'alcool, l’éther et autres solvants organiques et bien soluble 
dans le sulfure de carbone. 

Le soufre est un non-métal type. Il se combine directement à 
beaucoup de métaux en dégageant une forte chaleur : 


S + Cu = Cu +0Q 
Ïl forme des combinaisons avec à peu près tous les non-métaux 
mais d'une façon moins aisée et énergique que dans les cas des métaux. 


On obtient, par exemple, du sulfure de carbone en faisant passer 
des vapeurs de soufre sur du charbon incandescent : 


C + 28 æ CS, 
16s 


244 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI * [CH IX 


Les combinaisons halogénées du soufre peuvent avoir des composi- 
tions variables : SF,, SF,, SF,, SCI,, SCL, S.CL,, S,Bra. Ces combinai- 
sons sont, dans la plupart des cas, facilement hydrolysables. 

À chaud, le soufre réagit sur les acides-oxydants 


S + 2H,S04 = 3S0, + 2H,0 
et se dissout dans les solutions aqueuses d’alcalis: 
3S + 6NaOH — 2Na,S + Na.SO: + 3H.0 


Avec l'oxygène, le soufre forme plusieurs oxydes, dont les plus 
importants sont SO, et SO;. Le soufre se combine directement à l’hy- 
drogène à haute température en donnant du sulfure d'hydrogène. 

La majeure partie du soufre produit est utilisée pour fabriquer 
l’acide sulfurique et l’hydrosulfite de calcium Ca (HSO:),, dont on se 
sert pour tirer la cellulose du bois. Le soufre est employé dans la fa- 
brication d’allumettes, en pyrotechnie, dans l’agriculture pour lutter 
contre les maladies des plantes — principalement, dans les vignes 
et les cotonneries —, en médecine pour traiter certaines maladies 
cutanées. On consomme beaucoup de soufre pour vulcaniser le caou- 
tchouc. 


$ 69. Soufre dans la nature. Préparation du soufre. L'homme 
antique connaissait déjà le soufre à l’état libre. Les Egyptiens en pré- 


Fig. 60. Four d'affinage de soufre brut: 


1 — cuve de distillation ; 2 — chambre de condensation 


paraient des couleurs, l’appliquaient comme désinfectant et comme 
remède contre les lésions cutanées, etc. 

La croûte terrestre en renferme près de 0,1 % en masse. Le souf- 
re naturel est soit à l’état libre, soit à l’état combiné: ZnS, PbS, 
HgS, FeS,, CaSO,, SrSO,, BaSO,, CaSO,-2H,0, Na,S0,-10H,0, 


$ 70] COMBINAISONS DU SOUFRE AVEC L'HYDROGENE 245 


MgSO,-7H,0 et autres composés. Il est présent dans les divers com- 
posés des houilles, des pétroles et des gaz naturels, dans les organis- 
mes végétaux et animaux. En U.R.SS., il y a beaucoup de soufre 
natif en Turkménie (désert de Kara-Koum), en Uzbekistan, sur la 
Volga et dans les Carpates. D’importants gisements de soufre sont 
situés aux Etats-Unis, en Italie et au Japon. 

Habituellement, le soufre natif renferme des impuretés. On se 
sert pour l'en débarrasser de sa fusion facile, en obtenant ainsi du 
soufre brut. 


L'épuration est poursuivie dans les fours où le soufre est porté à l’ébullition 
(fig. 60). Les vapeurs de soufre passent dans une chambre revêtue de briques. 
Tant que la chambre est froide, les vapeurs se déposent sur ses parois sous forme 
d’une poudre jaune pâle (fleur de soufre). Lorsque la température de la chambre 
atteint 120 °C, les vapeurs se condensent et le liquide obtenu est coulé dans 
des moules en bois où il se solidifie en bâtonnets (soufre en canons). Le soufre 
élémentaire est également tiré de la pyrite FeS, (par chauffage du minerai dans 
un four à cuve sans accès d'air, à plus de 600 °C: FeS, = FeS -L S), du sulfure 
d'hydrogène renfermé dans lesgaz de cokerie, des gaz de craquage du pétrole. 


$ 70. Combinaisons du soufre avec l'hydrogène et les métaux. 
Les combinaisons hydrogénées du soufre, de composition variable, 
tels H,S, H,S,, H,S:, sont des gaz ou des liquides huileux d’odeur 
te Des dérivés de H,S, se rencontrent à l’état naturel (la pyrite 
FeS.). 

Considérons de plus près le sulfure d'hydrogène (hydrogène sulfuré) 
qui en est le plus stable. Le sulfure d'hydrogène naturel est présent 
dans les gaz volcaniques, dans l’eau des sources minérales. Il se for- 
me au cours de la putréfaction des organismes végétaux et animaux. 

Dans la molécule de sulfure d'hydrogène, les liaisons S—H lon- 
gues de 0,135 nm forment un angle voisin de l’angle droit (l'angle va- 
lentiel H—S—H vaut 92 °C). Bien que la molécule H,S soit polaire, 
sa polarité n’est pas trop importante: si la perméabilité diélectrique 
de l’eau est égale à 81, sa valeur ne s’élève qu’à 9 pour le sulfure d'hy- 
drogène liquide. 

Dans les conditions ordinaires, le sulfure d'hydrogène est un gaz 
incolore, plus lourd que l'air, à odeur désagréable d'œuf pourri. Il 
se dissout assez mal dans l’eau, mieux dans les solvants organiques. 

On peut l'obtenir par action directe du soufre sur l'hydrogène: 


S + Hz H,S 


L'équilibre de cette réaction se trouve déplacé vers HS lorsque 
la température ne dépasse pas 350 °C. Au-dessus de cette températu- 
re, la réaction inverse s'accélère. La dissociation thermique totale du 
sulfure d'hydrogène a lieu à 1700 °C. En pratique, on prépare H,S 
non pas par synthèse directe à partir de soufre et d'hydrogène, mais 
en soumettant les sulfures de certains métaux à l’action d’acides di- 


246 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI [CH. IX 
CRE mm 


lués : 
FeS + H,S0, = FeSO, + H,S1 


Le sulfure d'hydrogène est très toxique. L'air qui contient seule- 
ment 0,1 % (volumiques) de H,S provoque déjà une intoxication bien 
grave, d'autant plus dangereuse que l’on ne perçoit plus l'odeur 
de l'hydrogène sulfuré après un empoisonnement léger. Cet effet 
toxique s'explique par l'interaction de H,S avec l'hémoglobine. L'hé- 
moglobine contient du fer qui forme le sulfure FeS en présence d’hy- 
drogène sulfuré ; le sang devient alors vert noir. La concentration li- 
mite de H,S dans l'air des entreprises industriellesest fixée à 10 mg/m$. 
L'antidote courant est le chlore inhalé en faibles quantités et, prin- 
cipalement, l'air pur. 

En présence d’une quantité suffisante d’air, le sulfure d’hydrogè- 
ne brüle suivant la réaction 


2H,S + 30: — 2H,0 + 250, + 1125 kJ 
C'est aussi un réducteur puissant qui décolore, par exemple, l’eau 
de brome et l’eau d'iode: 
H,S + Br, = S + 2HBr 


L’oxygène de l'air l’oxyde lentement: 


ce qui fait que la solution aqueuse de sulfure d'hydrogène se trouble 
avec le temps. Là, le sulfure d'hydrogène se comporte comme un 
acide faible en se dissociant par stades: 


H.S = H* + HS- (K; = 9.108) 
HS-=H*t+sS- (Ka = 4-108) 


Les sels neutres et acides de l'acide sulfhydrique sont appelés, 
respectivement, sulfures et hydrosulfures. Tous les hydrosulfures sont 
solubles dans l’eau (d’ailleurs, ils ne sont connus qu’à l’état dissous). 
On les prépare en faisant passer un excès de sulfure d'hydrogène dans 
les solutions alcalines: 


HS + NaOH = NaHS + H,0 


La solubilité variable des sulfures permet de les subdiviser en: 

1° solubles dans l’eau (sulfures des métaux alcalins: Na,S, K,S), 

2° insolubles dans l’eau, mais solubles dans les acides chlorhydri- 
que et sulfurique dilué (FeS, MnS, ZgS), 

3° insolubles dans l’eau et les acides (PbS, CuS, HgS, NiS). 

Les sulfures sont préparables par combinaison directe des métaux 
avec le soufre *. Pour obtenir les sulfures insolubles dans l’eau et les 


* On se sert de la réaction du soufre sur le mercure pour éliminer le mercure 
qui s’est répandu. 


$ 71] COMBINAISONS OXYGÉNBES DU SOUFRE 247 


acides, on fait passer du sulfure d'hydrogène à travers les solutions 
des sels correspondants: 


Ni(NOs): + HS = NiS! + 2HNO, 


Les sulfures des métaux lourds, insolubles dans l’eau, mais solu- 
bles dans les acides, se préparent par l’action des sulfures des métaux 
alcalins en solution sur les solutions des sels correspondants : 


K.S + ZnS0, = K,S0, + ZnS} 
Les sels de l'acide sulfhydrique sont hydrolyséss 
NaS + H,0 = NaHS + NaOH soit 
St- + H,0 = HS- + OH 


ce qui fait que leurs solutions aqueuses ont une réaction alcaline. Les 
sulfures des métaux alcalins et alcalinoterreux sont incolores. Plu- 
sieurs autres sulfures sont colorés: PbS, CuS, CoS, NiS sont noirs; 
CdS est jaune; ZnS est blanc. On utilise les solubilités et les couleurs 
différentes des sulfures des métaux lourds dans une méthode d’analy- 
se qualitative des cations. 


A côté des sulfures, on connaît les polysulfures : sels des acides H,S,, H,S3,.. 
.. HS, Parfois, on les appelle aussi combinaisons polysulfurées. On les pré- 
pare soit en dissolvant du soufre dans des solutions alcalines concentrées, soit 
en chauffant les sulfures en présence de soufre: Na,S  S — Na,sS,, NasS + 
+ 2S = NaSs, NaS LE 3S = Na.S,, et ainsi de suite jusqu’à Na,S,. Au fur 
et à mesure que leur teneur en soufre augmente, la couleur des polysulfures vire 
du jaune (Na,S,) au rouge (Na.S,). Les groupes acides des polysulfures se pré- 
sentent sous forme de chaines. 

On a obtenu un grand nombre de composés du type H,S,, dits hydrogènes 
polysulfurés ou sulfanes. L action d'acides sur les polysulfures correspondants 
donne un me d'hydrogènes polysulfurés. Ces derniers, peu stables, se 
décomposent facilement: H,S, — H,S + (n — 1)S. Un mélange de polysul- 
fures de sodium ou de potassium (foie de soufre) est utilisé dans l’industrie du 
cuir pour débarrasser les peaux du poil. Le foie de soufre se prépare en fondant 
de la soude Na,CO, ou de la potasse K,CO, avec du soufre. Le polysulfure de 
calcium} est appliqué en tant qu’insecticide. 


$ 71. Combinaisons oxygénées du soufre. L'oxyde de soufre 
(IV) ou gaz sulfureux, substance incolore à odeur forte, se condense 
à — 10 °Cen un liquide incolore. Il est plus que 2 fois plus lourd que 
l’air et possède une bonne solubilité dans l’eau (40 volumes de SO, 
dans { volume d'eau aux conditions ordinaires). Cet oxyde est to- 
rique: plus de 30-50 mg/m$ d’air provoquent une crise d’étouffement, 
la bronchite, la pneumonie. Parfois SO, se dégage de fentes de la croù- 
te terrestre ou au cours des éruptions volcaniques. 

Industriellement, SO, est souvent obtenu par combustion du sou- 
fre dans les fours spéciaux 


S + O, = SO, 


248 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI , [CH IX 


ainsi que par calcination de sulfures métalliques, le plus souvent de 
la pyrite jaune: 
ares, + 110, — 850.1 + 2Fe.O; 


Comme le soufre entre, en proportions importantes, dans la com- 
position descombustibles solides, leur combustion donne de grandes 
quantités de SO,. Son captage constitue un problème technique de 
grande importance, car SO, est, d'une part, une matière première 
précieuse de l’industrie chimique et, d'autre part, un polluant. 

En laboratoire, on l’obtient par action de l’acide sulfurique sur 
les sulfites et sur le cuivre: 


Na,SO, + H,S0, (dil) = Na,SO, + SO. + H.0 
Cu + 2H,S0, (conc) = CuSO, + SO: + 2H.,0 


La molécule SO, est polaire. Les liaisons S—0, longues de 
0,143 nm, forment entre elles un angle de 120 *. 

L'oxyde de soufre (IV) est un corps chimiquement actif. En tant 
qu'oxydant il décolore la fuchsine et certains autres colorants orga- 
niques. Cette propriété determine l'application de SO, au blanchi- 
ment de la paille, de la laine et de la soie. Le passage de SO, à tra- 
vers une solution aqueuse de sulfure d'hydrogène libère du soufre: 


SO, + 2H,S = 2H.0 +135 
Cependant, les propriétés réductrices sont plus caractéristiques 
de SO,. Ainsi, il décolore l’eau de brome: 
SO: + 2H,0 + Br, =— H,S0, + 2HBr 


Sous l’action de la lumière solaire directe, SO, se combine au 
chlore, donnant du chlorure de sulfuryle: 


SO, + Cl, = SOC, 


C'est un liquide incolore d'odeur forte, facilement hydrolysable 
en tant que chlorure d’acide sulfurique: 


SO.CI, + 2H,0 = H:S0, + 2HCI 


L’action de l’oxygène, sur SO, n'est suffisamment rapide qu'en 
présence de catalyseurs: 


Lorsque le soufre est brûlé à l’air, moins de 4 % du soufre initial 
passent dans SO.. 

Dissous dans l’eau, l'oxyde de soufre (IV) réagit sur cette derniè- 
re en formant de l'acide sulfureux H,SO.. On voit s'établir un équi- 
libre 

SO, H'H,0 =1H,S0,"z H* + HSO; 


$ 71] COMBINAISONS OXYGÊNÉES DU SOUFRE 249 


La présence constante d’une proportion importante d'oxyde de 
soufre (1V) libre (non lié chimiquement à l’eau) détermine l'odeur 
forte des solutions aqueuses de SO. 

La grande variété des propriétés de SO, permet de l’utiliser dans 
des domaines très divers. Sa liquéfaction facile (à — 10 °C) et l'’éva- 
poration rapide de SO, liquide avec une importante absorption de cha- 
leur le prédestinent à l'usage dans les installations frigorifiques. C'est 
aussi un bon désinfectant. Mais c'est la fabrication d'acide sulfuri- 
que qui consomme la majeure partie de SO, produit. 

Acide sulfureux et ses sels. L'acide sulfureux H,SO, est un composé 
peu stable qui se dissocie facilement en SO, et H,0 et n'existe donc 
que sous forme de solutions. Si l’on chauffe une solution aqueuse 
d'acide sulfureux, l'équilibre du système 


H,S0, = H:0 + SO 


se déplace vers la droite (formation de gaz). En faisant bouillir l’aci- 
de sulfureux en solution dans l’eau, on obtient sa décomposition com- 
plète avec élimination de SO, de la solution. L’acide sulfureux s'oxy- 
de lentement en acide sulfurique par action de l'oxygène de l'air. 
H,S0; est un acide dibasique!: 


H,S0, = H+ + HSOz (K, — 2.10-%) 
HSO3 + H+—+ SO- (K, = 6.10-8) 
qui forme des sels neutres (sulfites) et acides (hydrosulfjites) : 
2NaOH “SO, = Na,S0, + H,0 
NaOH + SO, = NaHSO, 
La plupart des sulfites ne se dissolvent pas dans l’eau (à l’excep- 


tion des sulfites alcalins et du sulfite d’ammonium). Tous les sulfi- 
tes et les hydrosulfites sont décomposés par les acides: 


Na,S0, + H:S0, = Na.S0, +!H,S0;s 
H:S0; — SO: + H,0 
De même que l'acide sulfureux, les sulfites et les hydrosulfites 


sont des réducteurs forts. Ils sont progressivement oxydés par l'oxy- 
gène de l’air même à l’état solide: 


2Na:S0;s + Os = 2Na,S0, 
Les oxydants comme KMnO,, Br;,, L,, etc., agissent sur les sul- 
fites et les hydrosulfites beaucoup plus vite (pratiquement, de façon 


instantanée). Cela permet d'utiliser NaHSO; comme « antichlore » 
(produit servant à éliminer le chlore des étoffes à blanchir): 


NaHSO, + Cl, + H,0 = NaHSO, + 2HCI 


250 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI , [CH IX 


Les sulfites fixent non seulement l'oxygène, mais aussi le soufre, 
en devenant des sels de l’acide thiosulfurique (hyposulfureux) appelés 
thiosulfates: 


Na,SO,; + S = Na,S,0; 


A l'acide thiosulfurique répond la formule structurale 


H—S2  O 
Ng+s ‘ 
H—0O 0 


dont il découle qu'un atome de soufre est au degré + 6 et l'autre au 
degré — 2. Cet acide a à peu près la même force que l'acide sulfuri- 
que, mais il est instable à l’état libre en se décomposant en acide sul- 
furique et soufre: 


Na.S,0;, + H,S04 = Na;:SO, + H:S20s 
H,S:0; = H,S0;, + S? 


Par contre, plusieurs sels de l’acide thiosulfurique (on ne lui 
connaît que des sels neutres) sont tout à fait stables. Les thiosulfates 
sont, pour la plupart, incolores et bien solubles dans l’eau. Leurs 
propriétés portent l'empreinte de la présence de deux atomes de sou- 
fre ayant des degrés d’oxydation différents. Ainsi, la présence de 
S?- leur confère des propriétés réductrices. Le thiosulfate de sodium 
(Na,S,0:), appelé souvent hkyposulfite, en est le plus intéressant du 
point de vue pratique. On l'utilise comme réducteur pour fixer le 
chlore : 


Na,S,0; + H,0 + Cl = 2NacCl + H,S0, + S 
manque 


S + 4H30 + 3Cl, = H3S0, + 6HCI 
exces 
Na;S:03 + 4Cl + 2H,0 = 2H,S0, + 2NacCl + 6HCI 


Le thiosulfate de sodium est appliqué en photographie où il sert 
à fixer les clichés en éliminant le bromure d'argent qui ne s’est pas 
décomposé, des plaques, pellicules ou du papier. Ce procédé est basé 
sur l’aptitude de Na,S,0, en solution à former avec AgBr un composé 
complexe soluble dans l’eau: 


2Na,S,04 + AgBr = NaBr “+ Na,[Ag(S,0,):] 


Les clichés traités au thiosulfate de sodium et soigneusement la- 
vés à l’eau deviennent insensibles à l’action de la lumière. 


$ 71] COMBINAISONS OXYGENÉES DU SOUFRE 251 


Une propriété importante du thiosulfate de sodium est sa faculté 
de former en présence d'’iode le tétrathionate de sodium incolore: 


1, + Nos” No s/ No 

| =32Nal + | 

LS CA P° 
_: Ko N—0/” No 


La chimie analytique se sert largement de cette réaction (en volu- 
métrie). 

Oxyde de soufre (VI) ou anhydride sulfurique. La combustion du 
soufre ou le grillage des sulfures métalliques conduisent à la forma- 
tion d'oxyde de soufre (IV). La petite fumée blanche observable dans 
les produits de combustion du soufre provient de la présence, dans 
ces produits, d'environ 4% de SO:. Cela signifie que l’oxygène de l’air 
oxyde lentement SO, en SO;. Ce processus peut être catalysé par du 
platine finement divisé, porté sur de l’asbestic (amiante en fibre), 
par l’oxyde de vanadium (V) V.0, ou par l’oxyde d'azote (II) NO. 
À 44,8 °C, les vapeurs de SO, donnent un liquide transparent et 
incolore, alors qu’à 16,8 °C, SO, liquide se solidifie eu une masse 
incolore. L’anhydride sulfurique fume abondamment à l’air, car il 
réagit sur la vapeur d'eau en formant de fines gouttes d'acide 
sulfurique. 

L'oxyde de soufre (VI) existe sous forme de trois variétés: 
So0 gr S30 9 et (SO3):. Les molécules SO; sont aisément polyméri- 
sables en cycles ou chaînes: 


Le / 
ee: + 0 0 p 0 p 0 | ,0 
S S Ns/ Ns/ Ns/ NS/ 
I TK Î Ï f ] 
O O O O O O O 
monomère 0 | | 0 olymère 
NS 2 pos 
S S 
PAR / \ 
O O O 
trimère 


L'’anhydride sulfurique est très soluble dans l’acide sulfurique et 
bien peu soluble dans l’eau. SO; anhydre est un oxydant assez fort : 
en sa présence le phoshore s’enflamme, l’iodure de potassium libère 
de l’iode, et ainsi de suite. 

Acide sulfurique. L'acide sulfurique anhydre a la forme d'un li- 
quide huileux et incolore qui se fige en une masse cristalline à 10,5 °C. 


259 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI __ [CH. IX 


On l'appelle monohydrate, car pour une mole de SO, il contient une 
mole de H,0. Le monohydrate dissout parfaitement l’anhydride sul- 
furique, ce qui donne l'oléum : acide sulfurique fumant qui dégage de 
l’anhydride sulfurique. Ce dernier forme de fines gouttelettes d’aci- 
de sulfurique au contact de la vapeur d’eau contenue dans l'air (brouil- 
lard au-dessus de l’oléum). Normalement, on prépare un oléum 
renfermant, dans le monohydrate, une quantité excédentaire de SO; 
(18 à 20 %). A chaud, SO, se dégage du monohydrate jusqu'à ce que 
la concentration de l’acide ne devienne égale à 98,5 %. L’acide sul- 
furique concentré d’une densité de 1820 à 1840 kg;mS (92-96 %) 
est baptisé huile de vitriol. Ce nom date de l’époque où l'acide sulfu- 
rique était obtenu à partir du vitriol vert FeSO,.. 

En solution dans l’eau, H,SO, est un acide dibasique fort. Sa dis- 
solution dans l’eau s'accompagne de dégagement d’une chaleur con- 
sidérable. Voilà pourquoi, en préparant des solutions diluées de 
H,S0, à partir de ses solutions concentrées, on ne versera jamais l'eau 
dans l'acide sulfurique concentré: on doit, au contraire, verser un filet 
mince d'acide sulfurique, plus lourd, dans l'eau. 

L’acide sulfurique concentré absorbe avidement l'humidité: on 
l'utilise dans l’asséchement des gaz. Il déshydrate de nombreux corps 
organiques en les carbonisant. L’interaction du sucre avec l'acide 
sulfurique concentré peut être représentée comme suit: 


Cr2H 39011 + H,S04 — 12C + H,S0,°11H20 
ou bien 
H°S0:; 
Ct2H 2011 ———+ 12C + 11H,0 


L’acide sulfurique concentré provoque de graves brülures. En cas 
d’une lésion due à l’acide sulfurique, on procédera immédiatement 
à un lavage abondant à l’eau. 

L’acide sulfurique concentré se comporte en oxydant fort, surtout 
à chaud: 

H,S04 + 8HI = 41, + H,S + 4H,0 
H.S0, + 2HBr = Br, + SO, + 2H,0 


Toujours à chaud, il oxyde le charbon en CO, et le soufre en SO, : 
S + 2H,S0,4 — 3S0: + 2H,0 
L’acide sulfurique concentré oxyde également, à température éle- 


vée, plusieurs métaux, y compris ceux qui se trouvent à droite de 
l'hydrogène dans la série de tensions (cuivre, argent, mercure): 


Cu + 2H,S04 = CuSO, + SO: + 2H,0 
2Hg + 2H,S04 = Hg:SO4 + SO: + 2H.0 


8 71] COMBINAISONS OXYGENBES DU SOUFRE 253 


Les métaux qui occupent, dans la série de tensions, une position 
à droite de l'hydrogène, ne se dissolvent pas dans l’acide sulfurique 
dilué. 

Notons le fait que le fer qui se trouve beaucoup plus à gauche que l'hydrogè- 
ne dans la série de tensions, ne se dissout pas, pratiquement, dans H,S0, con- 
centré (bien qu'il soit soluble dans H,SO, dilué avec dégagement d'hydrogène). 
Cette stabilité du fer par rapport à Ÿ'acide sulfurique concentré est due à la 
formation d'une pellicule d'oxydes de fer. bien résistante, qui n'entre pas en 
réaction avec l'acide et préserve Île fer d’une destruction plus poussée. Cela 
permet d'utiliser des citernes en acier pour transporter l’acide sulfurique con- 
centré. 


Dans les réactions d'oxydoréduction avec les métaux, le degré 
de réduction de l'acide sulfurique concentré dépend de l’activité du 
métal-réducteur. Ainsi, en chauffant H,SO, concentré avec du zinc, 
on assiste au dégagement de SO, suivi de formation de soufre élé- 
mentaire et de sulfure d'hydrogène: 


&Zn + 5H,S04 = 4ZnS0, + 4H,0 + H,S 


L’acide sulfurique dilué ne manifeste aucun pouvoir oxydant dû 
à Sf+. Tous les métaux qui précèdent l'hydrogène dans la série de 
tensions le déplacent de H,SO, dilué, à condition que le sel formé 
y soit soluble: 


Mg + H:2S04 = MgSOa + Hs 
Fe + H,S04 = FeSOs + H; 


Sels de l'acide sulfurique. L'’acide sulfurique forme des sels acides 
(hydrosulfates) et neutres (sulfates). Les sels neutres sont plus usuels. 
Ïls sont, pour la plupart, solubles dans l’eau, à l'exception du sulfa- 
te de calcium CaSO,, peu soluble, du sulfate de plomb PbSO,, en- 
core moins soluble, et du sulfate de baryum BaSO,, pratiquement 
insoluble. 

Plusieurs sels de l’acide sulfurique renferment de l’eau de cristal- 
lisation (cristallohydrates). Autrefois, on les appelait couramment 
vitriols ou couperoses: CuSO,-5H,0 vitriol bleu (couperose bleue); 
FeSO,-7H,0 vitriol vert (couperose verte) ; ZnSO,-7H,0 vitriol blanc 
(couperose blanche). A chaud, ces sels se débarrassent facilement de 
leur eau de cristallisation: 


t 
CuSO,-5H,0 —> CuSO, + 5H:0 
bleu lanc 


Suivant leur comportement vis-à-vis du chauffage, les sulfates 
anhydres peuvent être divisés en deux groupes: sels des métaux al- 
calins et alcalinoterreux qui restent intacts même à une température 
supérieure à 1000 °C et sels des métaux lourds qui se décomposent à 
t < 1000 °C. En se décomposant, les sulfates anhydres donnent les 
oxydes correspondants. 


254 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI (CH. IX 


L'acide sulfurique forme volontiers des sels doubles dits aluns: 
alun de potassium KAI (S0,),-12 H,0, alun de chrome et de potas- 
sium KCr (S0,),:-1211,0, alun de fer et de potassium KFe (SO,), X 
X 12H,0 ; 

Les sulfates suivants ont une valeur pratique importante. 

1° Sulfate de calcium CaSO,. On le rencontre à l’état naturel sous 
forme d’anhydrite CaSO, et de gypse (plâtre) CaSO,-2H,0. En por- 
tant ce dernier à 150-170 °C, on observe une déshydratation partiel- 
le : 

CaSO,-2H1,0 —> CaSO,: + H,0+1 1 H,0 
avec formation d’albätre. Ce dernier, mélangé à de l’eau de façon à 
donner une masse pâteuse, se solidifie rapidement : 


CaSO,-+ H:0+1 1 H,0=CaS0,-2H,0 


On se sert de cette propriété de l’albâtre pour préparer des moules 
de toutes sortes. On l’emploie aussi comme liant des enduits divers. 
En chirurgie, on l'utilise pour immobiliser les membres fracturés. 

2° Vitriol bleu (CuSO,-5H,0. Il sert à préparer certaines 
couleurs minérales. Sa solution aqueuse s'emploie pour traiter les 
plantes (pulvérisation) et les semences (mordançage). 

3° Vitriol vert FeSO, -7H,0. Il est appliqué à l’imprégnation du bois 
(afin de le préserver de la putréfaction), à la préparation d'encres 
et à la lutte antiparasitaire. 

4° Aluns KCr (S0,),:12H,0 et KAI (S0,),-12H,0. Ils sont uti- 
lisés dans le tannage des peaux et dans la fabrication de peintures. 


$ 72. Applications et production de l’acide sulfurique. L'’acide 
sulfurique est un des plus importants produits de l'industrie chimi- 
que. Il est consommé en quantités énormes pour fabriquer des engrais 
minéraux (superphosphate, sulfate d'ammonium), pour préparer 
d’autres acides à partir de leurs sels, dans la fabrication d'explosifs. 
L'industriejpétrolière s’en sert largement pour le raffinage des produits 
tirés du pétrole. L’acide sulfurique concentré s'emploie comme ca- 
talyseur dans la fabrication de fibres synthétiques, de masses plasti- 
ques, etc. En U.R.S.S., la production d'acide sulfurique a connu une 
croissance incessante au cours du dixième quinquennat. En 1980, 
on a produit 23 millions de tonnes d’acide sulfurique, soit 103 % 
par rapport à 1979. 

La production industrielle moderne d'acide sulfurique comporte 
les procédés principaux suivants. 

1° Préparation d'oxyde de soufre (IV). 

2° Oxydation de l'oxyde de soufre (IV) en oxyde de soufre (VI). 

3° Absorption de l’oxyde de soufre (VI) par l'acide sulfurique con- 
centré. 


$ 372] APPLICATIONS ET PRODUCTION DE H;SO, 255 


On prépare SO, en partant des matières premières suivantes: 
pyrite FeS, ; gaz issus des procédés de réduction de certaines combi- 
naisons naturelles de métaux non ferreux (telle la calcination de la 
galène : 2PbS + 30, = 2PbO + 2S0,); sulfure d'hydrogène des gaz 
de cokéfaction de la houille ; soufre libre. 


La récupération des gaz perdus de la métallurgie des métaux non ferreux 
acquiert une importance primordiale sous le jour de la protection de l’atmosphè- 
re contre les gaz toxiques. En 1972, l’Union Soviétique produisait 30 % de son 
acide sulfurique sur la base de ces gaz. Son coût était inférieur de 30 % à celui 
de l'acide sulfurique fabriqué à partir de la pyrite. 

La pyrite demeure une matière première importante de la fabrication de 
SO,. Aujourd'hui, les réacteurs destinés au grillage de la pyrite ont une puis 
sance allant jusqu'à 1400 t par jour. Le rendement élevé de ces appareils est at- 
teint grâce au choix des conditions optimales pour le grillage. Dans toutes les 
usines de l’U.R.S.S., on ne traite qu'une pyrite broyée (dont les particules ne 
mesurent que quelques dixièmes du millimètre) que l’on soumet au grillage 
« par fluidisation » (dans un courant d'air) à 800 °C. La réaction est la suivante: 


4FeS, + 110, — 2Fe,03 + 8S0, 
Dans quelques usines, SO, est préparé par combustion directe du soufre : 
S + O: — SO: 


La transformation de SO, en SO, est possible par deux procédés : 
aux oxydes d'azote et par contact. Le dernier présente certains 


avantages par rapport au premier et le supplante peu à peu dans 
l’industrie. 


Le procédé aux orydes d'azote se présente comme suit. L'oxyde de soufre (1V), 
débarrassé de la poussière à l’aide d’un filtre électrostatique. est envoyé dans une 
colonne où il rencontre la nitrose (solution d'oxydes d'azote dans l'acide sulfu- 


rique concentré) qui descend du haut de la colonne. La nitrose est un système 
complexe en équilibre: 


NO + NO, + 2H,S0, = N303 + 2H,S0, == 2S0,(OH)(ONO) + H,0 
qui comporte simultanément des oxydes d'azote chimiquement liés en acide 


OH 
/ 


nitrosulfurique  0—S et dissous dans l'acide sulfurique. Lorsque 


NO—N=0 
la nitrose entre en contact avec l’oxyde de soufre (IV) chaud et l’eau, on a les 
réactions 


2S0,(0H)(ONO) + H,0 = 2H,S0, + NO + NO, 
NO; en SO: + H,0 — H,S0:, + NO 


Ainsi, NO participe à ce processus en tant que catalyseur. L’aci- 
de sulfurique obtenu par le procédé aux oxydes d'azote a une concen- 
tration de l’ordre de 70 à 78 %. 

Le procédé par contact a le schéma suivant. L’oxyde de soufre 
(IV), préalablement débarrassé des impuretés, est oxydé à 400- 
600 °C en présence de catalyseurs (Pt, V,O.) par l'oxygène de l’air 


256 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI , [CH IX 
dans les caisses de catalyse (fig. 61) suivant la réaction 
2S0, + O; 2 2S0s 
La réactinn est exothermique. L'’élévation de température dépla- 
çant l’équilibre vers la gauche, il devient nécessaire d’évacuer la 


chaleur excédentaire. On l'utilise pour chauffer les gaz envoyés vers 
le catalyseur. A cet effet, la caisse de catalyse comporte plusieurs 


Acide dilué Acide concentré Acide à 96- 98° 


\ 


\ SO, - 0, 
\ 
\A 
à 
dr 
Résidu 
Four Chambre Tour } Tour Caisse  Absorbeur ile 
N e ù Stockage 
à pyrites poussières de lavage de séchage de catalyse 


Fig. 61. Fabrication d'acide sulfurique (procédé par contact) 


couches de catalyseur séparées par des échangeurs de chaleur. Ensuite 
l’oxyde de soufre (VI) va dans l’absorbeur (colonne à garnissage d’an- 
neaux), arrosé avec de l'acide sulfurique à 96-98 %, où l’on obtient 
de l'oléum: 


SOs + H,S04 — H3S20; 


Le procédé par contact fournit donc un acide sulfurique de con- 
centration élevée. 


$ 73. Acides persulfurique et pyrosulfurique. Les acides qui comportent 
une chaîne peroxyde (0—O0), sont dits peracides, tel l'acide persulfurique 


0 O 
/ 
Ns—0—057 

07 | | So 
OH OH 


L'acide persulfurique H,S:30, a la forme de cristaux incolores qui absorbenut 
avidement l'humidité. C'est un oxydant très fort. Il carbonise non seulement 
le papier ou le sucre (comme l'acide sulfurique concentré), mais aussi la paraf- 
fine. L’acide persulfurique doit ces propriétés à la présence dans sa structure 
d'une chaîne peroxyde. La structure spatiale de l’ion S,02- est représentée sur 
la figure 62. On prépare l'acide persulfurique par électrolyse d’une solution 


$ 73] ACIDES PERSULFURIQUE ET PYROSULFURIQUE 257 


aqueuse concentrée d'hydrosulfate de potassium : 
KHSO, = K* + HSO; 
A la cathode 
2H,0 + 2e + H, + 20H- 
A l'anode 
2HS0; — 2e —> H:S20: 
Lorsque les espaces cathodique et anodique ne sont pas séparés par une 


membrane, l'interaction de l’hydroxyde de potassium et de l'acide persulfurique 
produit du persulfate de potassium K,S:0, peu soluble. 


Fig. 62. Structure de l'ion S:0$ 


‘acide persulfurique se prépare également par électrolyse de l'acide 


sulfurique concentré : 
H,S0, = H* + HSO: 


A la cathode A l'anode 
2H* + 2e + H, 2HSO:— 2e —+ H;S:20s 


En se dissolvant dans l'eau, l’acide persulfurique agit sur elle suivant 


l'équation 
H,S:20: — 2H; —= 2H,S0,4 + H,0; 


Le peroxyde d'hydrogène est évacué du mélange réactionnel sous une pres- 
sion réduite (pour éviter sa décomposition). C'est le procédé industriel de fabri- 
cation de peroxyde d'hydrogène. 

Les sels de l'acide persulfurique (persulfates) sont des oxydants forts. 

L'oxyde de soufre (VI) en solution dans l'acide sulfurique entre enréaction 
avec ce dernier pour former l'acide pyrosulfurique: 


H,S0, + SO, = H,S,0; 


L’acide pyrosulfurique est donc de l’oléum comportant 45 % de SO. 
Sal structure est la suivante: 


(0) O0 

] Î 
HO—S—0—S—O0H 

I ] 

O0 O 


Ses cristaux, très hygroscopiques, fondent à 35 °C. L'action de l'eau trans- 
forme l'acide pyrosulfurique en acide sulfurique: 


H,S,0; + H,0 — 2H,S0, 


Les sels de l'acide pyrosulfurique (pyrosulfates) se préparent par chauffage 
des hydrosulfates correspondants: 


2KHSO, — K 2S20 7 + H,0 
17—-01151 


258 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI (CH. IX 


Ce sont des corps cristallins incolores qui redeviennent hydrosulfates étant 
dissous dans l’eau. Le chauffage les décompose : 


Na2S20 = Na2SO, + SOs 


$ 74. Cycle du soufre dans la nature. À l'époque géologique lointaine où 
la croûte terrestre se formait. dans les conditions de haute température et de 
manque d'oxygène, le soufre ne se rencontrait qu'à l’état de sulfures. Avec l’ap- 
parition sur notre planète de l’eau liquide, les sulfures se transformèrent progres- 
sivement en carbonates en dégageant du sulfure d'hydrogène : 


CaS + CO: + H,30 = CaCO; + H,S 
Le sulfure d'hydrogène était oxydé par l'oxygène de l'air: 
2H,S + O, = 2H,0 + 2S 


En présence d'eau et d'oxygène de l'air en excès, le soufre se transformait 
peu à peu en acide sulfurique: 


2S + 30, + 2H,0 = 2H,S0, 


Cet acide sulfurique entrait en réaction avec divers sels contenus dans le 
sol ou dans l’eau (surtout avec les carbonates) : 


CaCO;' L H,S0, = CaSO, + CO, - H,0 


La majeure partie de ces sulfates était emportée par les fleuves dans les 
mers qui, en séchant, formèrent des couches de minéraux, principalement de 
gypse CaSO, -2H,0. 

A côté de cette série des transformations (sulfures = H,S + S + H,S0, + 
— sulfates) qui se produisent dans la nature en élevant le taux d’oxydation du 
soufre. on observe des processus de réduction qui conduisent de nouveau à la 
formation de sulfure d'hydrogène. Une partie des sulfates descend vers les 
couches profondes de Ja Terre où ils réagissent, à haute température, sur des 
corps organiques : 

CaSOs + CH, — Cas  COz + 2H,0 — CaCO, - HS + H,0 


Le sulfure d'hydrogène se dégage alors sous forme de gaz ou se dissout dans 
les eaux souterraines. 

Les plantes absorbent les sulfates de l'eau du sol. ce qui fait que le soufre, 
ayant subi des processus biochimiques complexes, se retrouve dans les matières 
protéiques. Après la mort des organismes animaux et végétaux, leurs matières 
protéiques se décomposent en libérant le soufre sous forme de sulfure d'hydro- 


gène. 2 
Tout ce cycle des transformations du soufre dans la nature peut être schéma- 


tise comme suit: 
— H,S — Sulfures 


Sulfures —+ H,S — S > H.S0, — Sulfates — j_ Protéine + H,S — Sulfures 


SÉLENIUM ET TELLURE 


$ 75. Propriétés et applications du sélénium et du tellure. Le 
sélénium et le tellure appartiennent aux oligo-éléments: leur con- 
centration dans l'écorce terrestre vaut respectivement 105 et 10-7 % 
(massiques). Ils forment rarement des minéraux individuels. D'’ha- 
bitude, on les trouve, à l’état naturel, dans les sulfures et dans le 


soufre natif. 


$ 75] PROPRIÊTÉES ET APPLICATIONS DE Se ET DE Te 259 


La densité, les températures de fusion et d’ébullition des corps 
simples correspondants augmentent parallèlement à l'accroissement 
de la charge nucléaire des atomes des éléments considérés (v. Ta- 
bleau 19). 

Le sélénium et le tellure sont tirés, principalement, des déchets 
de fabrication d'acide sulfurique qui s'accumulent dans les chambres 
à poussières, ainsi que des boues qui se forment au cours du raffina- 
ge électrolytique du cuivre. Parmi d’autres impuretés, les boues con- 
tiennent également du séléniure d'argent Ag,Seet quelques tellurures. 
Le sélénium est extrait de la boue par grillage oxydant : 


Ag:Se + O, = 2Ag + SeO. 


À côté de l’oxyde de sélénium (IV), le grillage des boues donne 
de l’oxyde de tellure (IV) TeO., ainsi que des oxydes de métaux 
lourds. L’oxyde de sélénium (IV), facilement sublimable, est aisé à 
séparer des oxydes métalliques. 

L'oxyde de soufre (IV) agit sur les oxydes SeO, et TeO, en milieu 
aqueux en réduisant le sélénium et le tellure : 


SeO, + H:0 = H3Se0; 
acide celénieux 


H,Se0; + 2S0, = H,0 + Se} + 2H,S0, 


Le sélénium précipite sous forme de poudre d'un rouge vif ou 
foncé. 

Le sélénium, de même que le soufre, possède plusieurs variétés 
allotropiques (sélénium amorphe, rouge; vitreux, presque noir; 
caoutchouté ; cristallin monoclinique, rouge ou rouge orangé). La 
plus stable de ces formes est le sélénium cristallin de couleur grise qui 
possède des propriétés semiconductrices. Sa conductivité augmente 
brusquement (de 1000 fois environ) sous l’action de la lumière. Cela 
permet de fabriquer des cellules photorésistantes au sélénium. 

Le tellure présente aussi des variétés allotropiques: cristalline 
et amorphe. Le tellure cristallin, d'un gris argenté, est fragile, 
facilement réduit en poudre. Sa conductivité électrique, in- 
signifiante, augmente à la lumière. Le tellure amorphe est brun, 
moins stable que le sélénium amorphe. Il cristallise à 25 °C. 

Le sélénium et le tellure ressemblent beaucoup au soufre par leurs 
propriétés chimiques. Ils brülent à l’air (flamme bleue pour le séle- 
nium et bleu verdâtre pour le tellure) en formant les oxydes corres- 
pondants MO,.. A la différence de SO,, ces oxydes sont des corps cri- 
stallins. SeO, est bien soluble dans l’eau et TeO, y est peu soluble. 

Le sélénium est le seul à réagir partiellement sur l'hydrogène, à 
températures élevées : 


Se + H, C2 H,Se 


260 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI ; (CH. IX 


Le tellure ne se combine pas à l'hydrogène de façon directe. Le sé- 
lénium comme le tellure réagissent à chaud sur plusieurs métaux, don- 
nant des sels (séléniures et tellurures, K,Se et K,Te par exemple). 
Si le sélénium amorphe entre en réaction avec l'eau à température 
élevée (le sélénium cristallin ne réagit pas sur l’eau), le tellure le 
fait même à la température ordinaire : 

Se + 2H,0 = SeO, + 2H, 
amorphe 


De même que le soufre, le sélénium et le tellure s’oxydent en aci- 
des correspondants (H.SeO,, H,TeO,-2H,0), mais dans des condi- 
tions plus rigoureuses et par l'intervention d’autres oxydants: 


4Se + 3HCIO, + 4H,0 = 4H,Se0, + 3HCI 
Te + 3H304 (à 30 %) = H,TeOr 


Le sélénium et le tellure se dissolvent lentement, en imitant le 
soufre, dans des solutions alcalines bouillantes: 


3Se + 6KOH = 2K,Se + K,Se0, + 3H,0 


Le sélénium sert à fabriquer des redresseurs de courant électri- 
que, des cellules photosensibles, des piles solaires qui transforment 
l’énergie solaire en énergie électrique. On l’ajoute dans le verre pour 
éliminer la teinte verdâtre due à la présence de combinaisons du fer. 
Le séléniure de cadmium confère au verre une coloration rubis. De 
petites quantités de sélénium sont utilisées dans l’industrie du caou- 
tchouc. 

Le tellure est surtout utilisé en tant que semiconducteur. 


$ 76. Propriétés des combinaisons du sélénium et du tellure. 
Le séléniure et le tellurure d'hydrogène peuvent résulter de l’action 
d'acides ‘dilués sur des séléniures et des tellurures métalliques: 


Na:Se + H,S0,4 = NaSO, + H.Se 
Na,Te + H,80, = Na;SO + H,Te 


Dans les conditions normales, le séléniure et le tellurure d’hydro- 
gène sont des gaz incolores à odeur caractéristique désagréable (plus 
fétide que pour H.S). Le séléniure d'hydrogène est plus toxique et le 
tellurure d'hydrogène moins toxique que le sulfure d'hydrogène. Les 
combinaisons hydrogénées du sélénium et du tellure sont des réduc- 
teurs plus forts que le sulfure d'hydrogène. Leur solubilité dans l’eau 
est à peu près identique à celle de H,S. Les solutions aqueuses de 
H,Se et H,Te présentent une réaction acide marquée, suite à la dis- 
sociation : 

H,Se = H* + HSe- 


HSe- += H+ + Se*- 


$ 76] COMBINAISONS DU SELENIUM ET DU TELLURE 26€ 


Dans la série O-S-Se-Te, les rayons ioniques passent de 0,136 
à 0,211 nm. On doit donc s'attendre à ce que la capacité des ions M?- 
de retenir l'ion hydrogène diminue en conséquence. Des données 
expérimentales confirment cette tendance. Les premières constantes 
de dissociation des chalcogénures * d'hydrogène sont les suivantes: 
Ko = 2-10"; Kus = 910%, Kuse = 110%; Kyre = 2 X 

X 103. Ainsi, les acides sélénhydrique et tellurhydrique sont plus 
forts que l'acide sulfhydrique. 

L'aptitude à la dissociation thermique des chalcogénures d’hy- 
drogène croît le long de la série O-S-Se-Te : l’eau se prête le moins à 
la décomposition thermique, alors que le séléniure et le tellurure 
d'hydrogène sont bien instables et se décomposent dès une légère élé- 
vation de température. 


La stabilité variable des molécules H,0, H,S, H,Se et H,Te est liée à la 
c'HROUON successive de leurs chaleurs de formation (en kJ/mol) à partir des 
éléments: 


HO D ce 288,3 H,Se ....  —79,42 
HS ae 20,9 HTe .... —142,12 


On peut se rendre compte que l’eau est un composé hautement exothermi- 
ue, le sulfure d'hydrogène l’est moins, tandis que le séléniure et le tellurure 
hydrogène ‘sont des composés endothermiques. 


Les sels des acides sélénhydrique et tellurhydrique (séléniures et 
tellurures) ont des propriétés qui les rapprochent des sulfures. On les 
obtient, ainsi que les sulfures, par l’action du séléniure (du tellurure) 
d'hydrogène sur des sels métalliques solubles. Les séléniures et les 
tellurures sont proches des sulfures en ce qui concerne la solubilité 
dans l’eau et dans les acides. Ainsi, en passant à travers une solution 
aqueuse de CuSO,, le séléniure d'hydrogène donne un précipité de 
séléniure de cuivre, insoluble dans l’eau et dans les acides dilués: 


H,Se + CuSO, = H,S0, + CuSe! 


Le sélénium et le tellure forment avec l’oxygène les combinaisons 
SeO,, Se0:, TeO, et TeO;, dont SeO, et TeO, se préparent par combu- 
stion à l'air du sélénium et du tellure, par calcination des séléniures 
et des tellurures métalliques, ainsi que par combustion des sélé- 
niures et des tellurures d'hydrogène : 


Te + O0, = TeO;, 
2ZnSe + 30, = 2Zn0 + 2SeO, 
2H,Te + 30, = 2H,0 + 2TeO, 


_* Le terme chalcogènes désigne les éléments de la famille de l'oxygène con- 
sidérés dans ce chapitre. (V.d.T.) 


262 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE VI [CH. IX 


SeO, et TeO, sont des oxydes acides (anhydrides). Dissous dans 
l’eau, ils forment respectivement l'acide sélénieux et l'acide tellureux : 


SeO, + H,0 — H,Se0, 
TeO, + H,0 —= H:TeO; 


La dissociation de ces acides en solution dans l’eau est moins 
marquée que celle de l’acide sulfureux. L’acide sélénieux n’est stab- 
le qu’au-dessous de 70 °C; au-dessus de cette température il se dé- 
compose en anhydride et eau. L’acide tellureux n’a jamais été obte- 
nu à l’état libre : il n'existe qu’en solution aqueuse. 

Alors que les combinaisons du soufre au degré + 4 (SO,, H,SO., 
sulfites) se comportent de préférence en réducteurs, le degré d’oxyda- 
tion du soufre s’élevant jusqu’à + 6, SeO, et TeO., ainsi que les 
acides qui leur correspondent, manifestent surtout des propriétés 
oxydantes en se réduisant respectivement en Se et Te. 

Les acides sélénieux et tellureux ne se comportent en réducteurs 
qu'en présence d'oxydants forts: 


3H,ScO3 + HCIO, = 3H,Se0, + HCI 
acide 
sélénique 


3H,TeO, -- HCIO, = 3H,TeO, + HCI 
acide 
tellurique 

L’acide tellurique libre est obtenu le plus souvent sous forme du 
cristallohydrate H,TeO,-2H,0 que l’on peut écrire H,TeO,. Dans 
l'acide orthotellurique H,TeO,, les atomes d'hydrogène peuvent être 
substitués, entièrement ou en partie, par des atomes métalliques, 
ce qui donne des sels du type Na,TeO.. 

Les acides sélénique H,SeO, et tellurique H,TeO, sont des corps 
cristallins incolores, bien solubles dans l’eau. La force de l'acide sé- 
lénique se rapproche de celle de l’acide sulfurique, alors que H,TeO, 
est un acide bien faible. L’acide sélénique se combine énergiquement 
à l’eau et carbonise les corps organiques. Ces deux acides ont un pou- 
voir oxydant plus marqué que celui de l’acide sulfurique. Si l’acide 
sulfurique concentré n'oxyde que HBr et HI (avec libération de Br, 
et [.), les acides sélénique ct tellurique oxydent de plus HCI suivant 
la réaction 


H,SeO, + 2HCI = H,SeO, -+ H:0 + Cl 


L'or qui ne se dissout pas même dans l'acide sulfurique chaud, 
est soluble à chaud dans l'acide sélénique anhydre. 

Les oxydes qui correspondent aux acides sélénique et tellurique 
(SeO, et TeO.,) se préparent selon des procédés différents. Chauffé, 
l’acide sélénique ne dégage pas SeO.. L’oxyde de sélénium (VI) est 
préparable par interaction du séléniate de potassium avec un excès 


$ 76] COMBINAISONS DU SELÉNIUM ET DU TELLURE 269 


de l’oxyde de soufre (VI): 
. K.Se0, + SO, = K:S0, + SeO, 


L'oxyde de tellure (VI) se forme en portant l'acide tellurique à 
300 °C (un chauffage plus fort conduit à la décomposition de TeO, 
en TeO, et O,): 


300° C 
H,TeO, — TeO; + H,0 


L'oxyde de sélénium (VI), corps cristallin incolore (F — 118 °C), 
est bien soluble dans l’eau avec formation d'acide sélénique. L’oxy- 
de de tellure (VI) est une poudre jaune qui ne se dissout pas dans l’eau 
ni dans les solutions diluées d’acides et d’alcalis, mais seulement 
dans les solutions aqueuses concentrées d’alcalis : 


TeO; + 2KOH — K,TeO, + H,0 


CHAPITRE X 


+ 


SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V 


$ 77. Généralités. Ce sous-groupe de la classification périodique 
comprend azote, phosphore, arsenic, antimoine et bismuth. 

Les atomes de la famille de l’azote possèdent cinq électrons sur 
leur couche électronique périphérique (Tableau 20). Il est donc natu- 
rel de s'attendre à ce qu'ils aient tendance à compléter leurs orbita- 
les externes pour se constituer une couche à 8 électrons. Mais cette 
tendance doit être moins nette que chez les éléments correspondants 
des sous-groupes principaux des groupes VI et VII qui manquent d’un 
moindre nombre d'électrons pour compléter leur couche externe jus- 
qu'à ce qu'ils y aient une structure à 8 électrons. Cette tendance doit 
également s’atténuer à l’intérieur du sous-groupe de l’azote au bis- 
muth. Le détachement d'électrons des atomes neutres des éléments 
du groupe V sera plus aisé que dans le cas des éléments des groupes 
VIet VII, en raison des rayons atomiques plus importants chez les 
éléments considérés. Les éléments du sous-groupe de l’azote ont dans 
leurs combinaisons les degrés d'oxydation allant de —3 à +5. 
Mais leurs degrés d’oxydation les plus caractéristiques sont les degrés 
—3 et “+5. Bien que ces éléments appartiennent à un même sous- 


Tableau 20 


Certaines propriétés des atomes des éléments 
du sous-groupe principal du groupe V 


Configuration des deux . Premier Electronéga- 
Numéro dernières coucies Rayon de | potentiel |tivité relative 
Elément | atomique électroniques l'atome, | d’ionisation. (selon 
(état fondamental) en kJ/mol Pauling) 
N (il 1s?2s22p3 0,092 1405 3,0 
P 15 2s°2p93s?3p° 0,128 1062 2,1 
As 33 3s°2p°3d104s°4p3 0,139 966 2,0 
Sb 91 4s*4 pt4d\05s°5 p3 0,159 832 1,8 
i os?5pt5d106s26p° 0,1 1,8 


$ 78] PROPRI£ETES ET APPLICATIONS DE L'AZOTE 265 


groupe, certaines de leurs propriétés, présentent des différences bien 
nettes. Il est donc plus commode de considérer d’abord les propriétés 
de l’azote, puis celles du phosphore, pour passer ensuite à trois au- 
tres éléments: arsenic, antimoine et bismuth. 


AZOTE 


$ 78. Propriétés et applications de l'azote. Azote dans la nature. 
L'azote naturel est constitué par deux isotopes stables 1 N (99,635 % 
massiques) et NN (0,365 % massiques). L'azote chimiquement pur 
est, dans les conditions ordinaires, un gaz incolore et inodore qui 
fond à — 209,86 °C et bout à — 195,8 °C. Le réseau cristallin de 
l'azote solide est du type moléculaire, mais l'attraction mutuelle 
des molécules N, est tellement faible que l'azote ne se liquéfie et 
ne cristallise qu’à des températures extrêmement basses. La masse 
volumique de l’azote gazeux aux conditions normales est égale à 
1,2506 kg/m°. Sa solubilité dans l’eau est faible (2,23 m1/100 ml de 
H,0 à 0 °C; 1,42 m]/100 ml à 40 °C et 1,32 m1;100 ml à 60 °C). La 
molécule d'azote est diatomique (N.) avec une triple liaison: une 
liaison © et deux liaisons x. Pratiquement, elle ne se dissocie pas en 
atomes même à hautes températures. Au voisinage de 2700 °C et 
sous pression normale, les molécules d'azote ne se dissocient qu’à 
0,1 %, alors que, dans les mêmes conditions, le taux correspondant 
pour les molécules O, atteint 10 %. 

L’azote libre est chimiquement inerte à température ordinaire. A 
chaud, il réagit sur le calcium et quelques autres métaux. Le magné- 
sium et l'aluminium brülent dans l’azote en donnant des nitrures 
(Mg,N, et AIN). Avec l'oxygène, l'azote forme, à 3000 °C, l'oxyde 
d'azote (II) NO. I] ne réagit sur l'hydrogène en formant l'ammoniac 
que dans les conditions de températures et de pressions élevées et en 
présence de catalyseurs. L'azote ne se combine pas directement aux 
halogènes et au soufre. Il donne le dicyane (cyanogène) (CN), au 
contact au coke porté à l’incandescence. 

Dans la nature, l’azote est à l’état libre ou combiné. La majeure 
partie de l’azote libre se trouve dans l'air. L’immense « océan » aé- 
rien, dont nous habitons le « fond », est un mélange de gaz. Les con- 
stituants principaux de l’air sont les suivants: 

constituants invariables (dont la concentration est pratiquement 
constante pour toute région du globe terrestre): 


Azote . . « + « 75,6 %o (massiques) 78,09 % 41015 t 
(volumiques) 

Oxygène ,. , . 23 % (massiques) 21 % 1,5-1016 t 
(volumiques) 


Gaz rares . . . 1,3 °o (massiques) Près de 0,9 % Près de 5,1-1013 
(volumiques) 


266 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V [CHE OX 


, 


constituants variables (dont la concentration varie suivant la ré- 
gion du globe où la prise d’échantillon a été effectuée) : 


Oxyde de carbone (IV) . . . 0,03-0,06 % 0,02 (0,04) % (volumiques) 
(massiques) 

Vapeur d'eau ....... 1,9% Jusqu'à 3 % (volumiques) 
(massiques) 


impuretés (poussière naturelle et industrielle, gaz industriels, 
microorganismes utiles ou nuisibles, etc.). 


A proximité des grands centres industriels, l’atmosphère est polluée par 
des gaz de rebut et autres déchets de fabrication en quantités importantes. 
Ainsi. autour des entreprises produisant l’acide nitrique ou sulfurique, l'air 
renferme beaucoup d’oxydes d'azote et de SO.,. Dans les régions de production 
de pétrole et de gaz naturel, l’air atmosphérique a une odeur spécifique due 
à la présence de gaz de pétrole. Enfin, aux endroits où sont concentrées des 
matières végétales ou animales en cours de décomposition, l’air est chargé 
de quantités notables d'aramoniac et de sulfure d'hydrogène. 


L'air pur, débarrassé des poussières, de l’oxyde de carbone (IV), 
de la vapeur d’eau ct des autres impuretés, est incolore, transparent, 
insipide et inodore. La masse d’un litre d'air à O °C et sous 0,1 MPa 
est égale à 1,293 g. À — 140 °C et sous une pression voisine de 4 
MPa, l’air se condense en un liquide incolore transparent. Sous pres- 
sion atmosphérique, l'air liquide bout à — 190 °C. On peut le con- 
server assez longtemps dans des vases en verre ou en métal ou dans 
des containers à doubles parois entre lesquelles l'air a été éliminé. 
Comme l'oxygène bout à — 183 °C et l’azote à — 195 °C, la liqué- 
faction de l’oxygène est plus aisée que celle de l’azote. On tire l'oxy- 
gène de l'azote de l'air liquide par évaporation fractionnée. 

L'’azote entre dans la composition de tous les organismes vivants, 
car il est un constituant indispensable de toutes les matières protéi- 
ques. 

L'azote combiné se trouve dans l'air sous forme d’ammoniac (qui 
résulte de la décomposition des composés organiques azotés) et, aussi, 
sous forme de traces de combinaisons oxygénées (NO, et autres). Dans 
les zones superficielles de l'écorce terrestre, on trouve des sels d'am- 
monium ainsi que des nitrates. La bonne solubilité de ces composés 
explique l'absence d’amas importants de ces substances dans la croùû- 
te terrestre. IL y a également de l'azote combiné dans les houilles (1 
à 2,5 o massiques) et les pétroles (0,02 à 1,5 % massiques). 


Les organismes animaux et les plantes ne sont pas capables de fixer l'azote 
libre de l'atmosphère. Or, certaines bactéries nitrifiantes du sol (nitroso et 
nitrobacters). les azotobacters ou les colonies de bactéries qui se développent 
eur les nodosités des légumineuses, fixent, à l'opposé des animaux et des plan- 
tes, l'azote libre. Les cadavres de ces bactéries enrichissent le sol en certaines 
combinaisons azotées qui sont assimilées par les plantes en se transformant en 


$ 79] AMMONIAC ET SES DÉRIVES 267 


protéines végétales. Ces dernières deviennent des protéines animales dans l’orga- 
nisme des animaux qui se nourissent des plantes. L'azote retourne dans le sol 
au cours de la putréfaction des substances organiques azotées ou avec l'eau de 
pluie sous forme de solutions d’ammoniac, d'acide nitrique, etc. Les cultures 
agricoles évacuent du sol d'immenses quantités de corps organiques azotés 
(entre 100 et 200 kg par hectare). Les engrais organiques et, le plus souvent, les 
engrais minéraux (« chimiques ») rendent au sol une partie de son azote. 

Certains processus favorisent la libération de l’azote combiné. Dans le sol, 
c'est la tâche des bactéries dénirifiantes. L’azote libre se dégage également 
lors de la combustion de divers combustibles et au cours de la décomposition 
des substances organiques. 


Industriellement, l’azote est obtenu en quantités importantes par 
liquéfaction de l’air suivie de sa distillation fractionnée. Lorsque de 
l’air liquide est soumis à l’évaporation afin d'obtenir de l’azote et de 
l'oxygène, il y a parallèlement dégagement de gaz rares. 

Dans les laboratoires, on prépare l'azote en décomposant à chaud 
un mélange de nitrite de sodium et de chlorure d’ammonium: 


NHQNO: — N: + 2H:0 


On consomme beaucoup d'azote libre pour synthétiser l’ammoniac. 
On s’en sert aussi pour créer une atmosphère inerte lorsqu'il s’agit de 
remplir des ampoules électriques, de pomper sous pression de l’es- 
sence ou autres liquides combustibles et inflammables, de déshydra- 
ter des explosifs. 


$ 79. Ammoniac et ses dérivés. Propriétés physiques de l’ammo- 
niac. L'ammoniac NH, se présente sous forme d’un gaz incolore à 
odeur caractéristique, presque 2 fois plus léger que l'air. Il se liqué- 
fie sous pression normale à — 33 °C et se solidifie à — 78 °C. C'est 
un gaz facilement comprimable: il suffit d’une faible pression (0,6 — 
—0,7 MPa) pour qu'il passe à l’état liquide à température normale, 
donnant un liquide volatil. C’est sous cette pression que l’ammoniac 
est conservé dans des bouteilles en acier. 

Sa faible concentration dans l’air atmosphérique (0,5 % volumi- 
ques) irrite les muqueuses. Si la concentration est plus élevée, on ob- 
serve des atteintes des yeux et des voies respiratoires, des crises d’é- 
touffement et la pneumonie. Sa concentration maximale permise dans 
l'air des entreprises industrielles est de 20 mg/m“. 

En cas d’une intoxication par l’ammoniac, les premiers soins con- 
sistent à donner à respirer de l'air frais, à laver abondamment les 
yeux avec de l’eau, à faire inhaler de la vapeur d’eau. 

La molécule NH, se forme par accouplement de trois électrons 
p de l'atome d'azote avec trois électrons s des atomes d'hydrogène. 
Les axes des nuages haltéroïdes des électrons p sont mutuellement per- 
pendiculaires. Les trois atomes d'hydrogène se fixent sur l'atome 
d'azote de façon à former, entre leurs liaisons, des angles de 100°: 


268 SOÜUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V [CH. X 


la molécule d’ammoniac a donc une forme pyramidale. Suite à l’élec- 
tronégativité différente de l'azote et de l'hydrogène (v. Tableau 6), 
les liaisons H—N sont polaires. Les doublets communs sont déplacés 
vers l’atome d'azote. La molécule entière présente également une for- 
te polarité. Les molécules d'ammoniac liquide, ainsi que celles d’eau, 
s'associent entre elles par formation de liaisons hydrogène : 


H H H H—O H:.. O-H 
| | | | | | 
HN: HN: U=N.:: H...0—H H... 

| | Molécule d'eau 
H H H associée 
Molécule d'ammoniac 
associée 


Cela rend élevée (23,5 kJ/mol) la chaleur d’évaporation de l’am- 
moniac liquide, car, en plus de l'énergie nécessaire pour surmonter 
les forces d'attraction intermoléculaire, il faut une énergie supplé- 
mentaire pour rompre les liaisons hydrogène. La chaleur de vaporisa- 
tion de l’ammoniac est de loin supérieure à celles de la plupart des 
autres gaz liquéfiés. L’évaporation de l’ammoniac liquide absorbe 
donc une quantité importante de chaleur du milieu environnant. 

La solubilité de l’ammoniac dans l’eau est parfaite : 700 volumes 
d’ammoniac dans 1 volume d’eau à 20 °C et près de 1200 volumes à 
0 °C. Cette solubilité élevée de l’ammoniac est due, en majeure par- 
tie, à la formation de liaisons hydrogène entre les molécules d’ammo- 
niac et les molécules d’eau : 


LH H H H H 


| | | | | 
H—N-.H—N..-H—N...H—O H...C—H...N—H...N—H...O—I 
| | | | | | | | | 
il MH H O-..0—IH H H H 
La solution aqueuse à 10 % d’ammoniac est dite ammoniaque 
(alcali volatil). La solution aqueuse concentrée d’ammoniac que l’on 
trouve dans le commerce renferme 25 % d’ammoniac et a une densi- 
té de 910 kg/mÿ. 
Propriétés chimiques de l'ammoniac. L'ammoniac ne brûle pas à 
l'air, mais se consume dans l'oxygène pur: 


4NHs +30; = 6H,0 + 2N, 


Dans des conditions favorables, l’ammoniac peut quand même 
être oxydé par l’oxygène de |’ air. Ainsi, on voit se former de l’oxy- 
de d'azote (11) et non pas de l’azote libre lorsqu'on fait passer un mé- 
lange d’ammoniac et d'air sur du platine incandescent (catalyseur) : 


4NH, + 50, = 4NO + 6H,0 


A hautes températures, les atomes d'hydrogène de l’ammoniac 
sont substitués, entièrement ou en partie, par des atomes métalliques. 


& 79] AMMONIAC ET SES DÉRIVES 269 


La substitution de tous les trois hydrogènes de la molécule d’ammoniac 
conduit aux nitrures. Deux hydrogènes substitués donnent les 
imides; un seul hydrogène substitué, les amides ou les amidures. 
Ainsi, le passage de NH, sur de l’aluminium incandescent s’accom- 
pagne de la réaction 


2A1 + 2NH, + 2AIN + 3H, 


Les nitrures sont pour la plupart des corps solides. L'eau décom- 
pose les nitrures des métaux actifs: 


MgsN2 + 6H:0 = 3Mg(0H), + 2NH, 


Lorsqu'on fait passer NH, sec au-dessus de sodium métallique 
chauffé, il se forme un corps salin, l’amidure de sodium: 


2NH, + 2Na = 2NH.Na + H, 
L'amidure de sodium est hydrolysé en présence d’eau : 
NaNH: + H,0 = NaOH + NHs 


Outre les dérivés métalliques de l’ammoniac, on connaît des com- 
binaisons qui résultent de la substitution des hydrogènes de l’ammo- 
niac par des atomes d’halogènes. L'interaction de l’iode pulvérulent 
avec une solution aqueuse concentrée d'’ammoniac (à froid) donne un 
précipité brun foncé: le nitrure d'iode (mélange de NI, avec NHI, 
et NH,Ï), composé très instable qui n'existe qu'en milieu aqueux. 
Le nitrure d’iode sec explose au moindre contact. 

On a, également, obtenu le nitrure de chlore NCI, et le nitrure de 
fluor NF,. Le premier de ces composés est un liquide huileux de cou- 
leur jaune, dont les vapeurs ont une odeur forte. Porté à plus de 
90 °C ou soumis à un choc, NCI, se décompose en explosant : 


2NCI, = N, + 3C1 
Le nitrure de fluor, gaz incolore. est bien stable à l’opposé des ni- 
trures d'iode et de chlore. 


On connaît un dérivé hydroxylé de l’ammoniac, l’hydrozylamine 
NH,0OH, qui résulte de l’électrolyse de l’acide nitrique qui se réduit : 


HNOs + 6H = NH,0H + 2H,0 


Un autre dérivé important de l’ammoniac est l'hydrazine H,N — 
NH,. Ce liquide incolore est facilement soluble dans l’eau. Elle se 
forme par oxydation partielle de l’ammoniac: 


L'hydrazine est appliquée en tant que réducteur. Le mélange de 
vapeurs d’hydrazine avec de l’air brûle en dégageant une forte cha- 
leur : 


NH, + O4 = 2H,0 + Ne + 625 kJ/mol 


270 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V [CH X 


Cette faculté de l'hydrazine permet de l'utiliser (ainsi que cer- 
tains de ses dérivés organiques) en qualité de propergol. 

Les réactions d’addition se déroulant dans les conditions ordinai- 
res sont les plus caractéristiques de l’ammoniac en raison de la struc- 
ture de la molécule NH, qui possède une paire électronique non par- 
tagée. Ainsi, la dissolution de l’ammoniac dans l’eau donne une base 
faible, l’hydrozyde d'ammonium : 


NH: + H30 = NH,ÇOH == NH} + OH- 


En agissant sur les acides, le gaz ammoniac et ses solutions 
aqueuses forment des sels d'ammonium : 
NH; - HCI — NH,CI, 
ou 
NH, + H+= NH+ 
L'ion ammonium NH? se forme du fait que le doublet non partagé 


de l’atome d'azote occupe l’orbitale vacante de l’ion hydrogène. Cet- 
te interaction peut être schématisée comme suit: 


+ 
5, ; H + 
ou HN: + H =[u:ñ:ul 
H* Il H 


Ainsi, la présence d’un doublet non partagé sur l’atome d'azote 
fait apparaître une liaison chimique entre l’atome d’azote et l'ion 
hydrogène. La charge de l’ion hydrogène est mise en commun et, 
désormais, le doublet non partagé de l'azote appartient aussi bien à 
l'azote qu'à l’ion hydrogène fixé. Par conséquent, l’atome d'azote de 
Ja molécule NH, joue le rôle de donneur et l’ion hydrogène de l’aci- 
de, le rôle d’accepteur. 

De même que l’eau, l’ammoniac forme avec certains sels des com- 
binaisons dites ammoniacates. Le caractère de la formation et la sta- 
bilité des ammoniacates les font ressembler aux cristallohydrates : 


CaCl, + 8NH, = CaCl -8NH;, 
CuSO, + 4NH,4 = CuSO,-4NH, 
CaCl, + 2H,0 = CaCl, -2H,0 
CuSO, + 5H,0 = CuSO,-5H,0 


& 80] PROCÉDÉS DE PRÉPARATION DE L'AMMONIAC 271 


Les sels d’ammonium sont des corps cristallins solides, blancs 
pour la plupart, bien solubles dans l’eau. Ils se décomposent à chaud 
et la nature de leur décomposition dépend de l’anion du sel. Lorsque 
le sel dérive d’un acide volatil, l'élévation de température fait appa- 
raître de l’ammoniac et de l’acide qui peuvent former de nouveau le 
sel dès que la température a baissé : 

chauffage refroidissement 
NHÇCI ———> NH, + HCI ——— NH CI 

La décomposition des sels ammoniacaux dérivés des acides non 

volatils donne de l’ammoniac et un sel acide: 


(NH4)3PO:4 = 2NHst + NH,H,PO, 


La décomposition des sels d'ammonium dérivés des acides-oxydants 
a pour résultat l'oxydation de l'ion ammonium: 


(NH,)2Cr:0; — Not + Cr:0s + 4H,0 


L'ammoniac peut être identifié grâce à son odeur. ainsi que par 
virage d’un papier à phénolphtaléine ou d’un papier de tournesol 
humides. 


$ 80. Procédés de préparation de l’ammoniac. L’ammoniac est 
obtenu par plusieurs procédés. 

1° Procédé au cyanamide, basé sur l'interaction du carbure de cal- 
cium CaC, avec l'azote à 1000 °C; 


CaC, + N° = CaCN, + C 
suivie de la décomposition du cyanamide calcique par l’eau: 
CaCN: + 3H,0 — CaCO, + 2NH;3t 


Le cyanamide calcique est utilisable en tant qu’engrais azoté pour 
fertiliser les sols acides, car le carbonate de calcium issu de l'hydroly- 
se de CaCN, réduit l'acidité des sols. 

2° Séparation de l’ammoniac de l’eau ammoniacale formée au cours 
de la distillation sèche du charbon. 

3" Syntèse de l'ammoniac à partir de ses éléments en utilisant l’azo- 
te de l'air: 

Na + 3Ha = 2NH, + 92 k]/mol 


Ce dernier procédé est le plus répandu à l’échelle industrielle. 
Comme le montre l’équation de la réaction, l'équilibre chimique se 
déplacera du côté de la formation d’ammoniac si l’on élève la pres- 
sion ou si l’on abaisse la température (Tableau 21). Pourtant, à basse 
température, l'équilibre est très long à s'établir. On a donc besoin 
d’un catalyseur. Ce catalyseur est du fer en éponge (obtenu par ré- 
duction de la magnétite Fe;O,), additionné d’une faible quantité 
(près de 3 %) d'ALO. et K.0 (adjuvants actifs). Le rendement en am- 


272 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V [CH. X 
RE 


moniac atteint 97 % sans qu’on ait recours à un catalyseur. Mais 
l'application des pressions aussi importantes présente de grandes dif- 
ficultés techniques liées à la nécessité d'employer des appareils spé- 
Ciaux. 

Tableau 21 


Concentrations d’ammoniac (% volumiques) dans le mélange 
équilibré en fonction de la pression et de la température 


Teneur en ammoniac suivant la pression (en MPa) 


Température, 
ue € 


La préparation de l’ammoniac comporte les étapes suivantes: 
a) obtention d'azote et d'hydrogène ; b) synthèse d’ammoniac à par- 
tir du mélange azote-hydrogène ; c) séparation de l’ammoniac des 
gaz n'ayant pas réagi. 

Le mélange d'azote et d'hydrogène (1 : 3) est soumis à une épura- 
tion soigneuse, car les impuretés, surtout les composés sulfurés, em- 
poissonnent le catalyseur. Le compresseur confère au mélange la 
pression requise avant de l’envoyer dans la colonne de synthèse (fig. 
63). Cette colonne, en acier spécial, est conçue pour résister aux pres- 


Fig. 63. Synthèse de l'ammoniac : 


1 — turbocompresseur ; 2 — colonne de synthèse ; 3 — refroidisseur ; 4 — sépara- 
ur: 5 — compresseur de circulation 


sions élevées. Sa hauteur peut atteindre 18 m. Le mélange azote- 
hydrogène passe entre les tubes de l'échangeur de chaleur et, porté à 
la température nécessaire, pénètre par la conduite centrale dans la cais- 


$ 51] APPLICATIONS DE L'AMMONIAC ET DES SELS D'AMMONIUM 973 


se de catalyse où se déroule la réaction: N, + 3H, = 2NH,. La 
température du mélange gazeux monte. Mais aucune surchauffe du 
système équilibré ne survient, car le mélange N, + H, qui arrive 
dans la colonne de synthèse refroidit la caisse de catalyse et les tubes 
en passant à travers l’espace entre les tubes. Après la colonne de syn- 
thèse, le mélange réactionnel va vers le refroidisseur qui sert à sépa- 
rer l’ammoniac du mélange azote-hydrogène qui n’a pas réagi (70- 
80 %). Ici, l’ammoniac se condense par refroidissement, après quoi 
il passe dans le séparateur. Le mélange azote-hydrogène est renvoyé 
dans la colonne de synthèse par un compresseur de circulation. 

Un tel procédé de fabrication où les substances n'ayant pas réagi 
sont séparées des produits de la réaction et retournent dans le réacteur, 
est appelé procédé à recyclage. En faisant circuler le mélange azo- 
te-hydrogène, on peut se limiter à des pressions peu élevées. Aujour- 
d'hui, l’ammoniac est synthétisé sous une pression de 30 MPa, alors 
que les installations les plus récentes utilisent des pressions encore 
moins élevées: jusqu'à 15 MPa. 

Le procédé de laboratoire consiste à soumettre des sels d’ammo- 
nium à l’action d'un alcali ( à chaud): 


2NH,CI + Ca(OH), = 2NH,4 + CaCl, + 2H,0 


$ 81. Applications de l’ammoniac et des sels d’ammonium. La 
plus grande partie de l’ammoniac produit sert à fabriquer de l’acide 
nitrique et autres substances azotées, telles que (NH.,),S0,, NH,NO:, 
carbamide (urée) CO (NH,),, etc. Outre cela, il est utilisé : 

dans les installations frigorifiques : l'évaporation de l’ammoniac 
liquéfié absorbe une grande quantité de chaleur ; 

dans les laboratoires chimiques : les solutions aqueuses d'ammo- 
niac sont des bases volatiles faibles ; 

en médecine : sous forme d'’alcali volatil ; 

dans le ménage : comme détachant (sous forme de mélanges : am- 
moniaque —+ éther diéthylique + alcool éthylique ; ammoniaque + 
chloroforme + essence + alcool éthylique). 

Les sels d'ammonium ont un grand intérêt pratique. Le nitrate 
d'ammonium additionné de sulfate d'ammonium s'emploie comme en- 
grais azoté. De plus, le nitrate d'ammonium sert à fabriquer des ex- 
plosifs : les ammonals. Ici, on utilise la propriété du nitrate d'ammo- 
nium de se décomposer en explosant en présence de corps oxydants. 
Les ammonals sont utilisés dans les travaux de minage. 

Le chlorure d'ammonium (sel ammoniac ou salmiac) est utilisé 
pour braser les métaux. NH.CI réagit à chaud sur les oxydes métal- 
liques (par l’intermédiaire de HCI libéré au cours de la décomposition 
de NH,CI), en nettoyant ainsi la surface du métal. On l’applique éga- 
lement comme électrolyte dans les piles sèches. 


18—01151 


274 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V [CH. X 


U 


$ 82. Combinaisons oxygénées de l'azote. L'’azote forme avec 
l'oxygène cinq oxydes où il présente tous les degrés d’oxydation de 
+ 4à + 5: N,0, NO, N.0;, NO, et N,0,. À l'exception de l’oxyde 
d'azote (V), tous les oxydes d’azote sont des gaz aux conditions ordi- 
naires. N,0, est un solide. 


L'oryde d'azote (1) N,0 a la formule structurale O: * N ** N 
ou O=N=—N. L'atome d'azote, lié à l'oxygène à l’aide de deux dou- 
blets électroniques et à l’autre atome d'azote à l’aide d’un seul dou- 
blet, cède en même temps à ce dernier deux électrons non partagés 
pour assurer la liaison. 

La préparation de cet oxyde d'azote est possible par décomposi- 
tion du nitrate d’ammonium à 250 °C: 


NH,NOs = N:0 + 2H,0 
N,0 est un gaz incolore, à une faible odeur agréable et une saveur 
douceâtre. Aspiré, il produit un effet enivrant et anesthésiant, ce qui 
détermine son emploi en médecine en qualité d’anesthésique. Porté 
à plus de 500 °C, N.0 se décompose en azote et oxygène. 


L’oxyde d'azote (11) NO se forme à partir de ses éléments au cours 
des décharges électriques : 


Na + O = 2N0 

L'industrie le prépare par oxydation catalytique de l’ammoniac 
en présence de platine ou d’oxydes de fer et de chrome: 

En laboratoire, NO est obtenu en soumettant le cuivre à l’action 
de l’acide nitrique dilué: 

NO se présente comme un gaz incolore et inodore, peu soluble dans 
l’eau. A l'air, il s’oxyde facilement en NO, : 

2NO + O, = 2N0, 


L'oxyde d'azote (III) ou l’anhydride nitreux (azoteux) N,0, peut 
résulter de l'interaction du nitrite de sodium avec l'acide sulfurique 
dilué à 0 °C: 

NaNO, + H,S0, = NaHSO, + HNO, 

L'acide nitreux (azoteux) HNO, n'existe que sous forme de solu- 

tions très diluées, étant assez aisément décompose : 
2HNO, — N°20; + H,0 

N,0, se condense à froid en un liquide bleu. Ce corps, très insta- 
ble, est facile à décomposer: 

N,0, = NO + NO, 


$ 82] COMBINAISONS OXYGENEÉES DE L'AZOTE 275 


Les sels de l’acide nitreux (nitrites) peuvent être obtenus en fai- 
sant passer un mélange équimoléculaire d’oxydes d'azote (II) et 
(IV) dans une solution alcaline: 


NO + NO: + 2NaOH = 2NaNO, + H,0 


A la différence de l’acide nitreux, les nitrites sont des corps sta- 
bles. C’est essentiellement le nitrite de sodium qui présente un intérêt 
pratique, car on l'utilise dans la fabrication de colorants et dans la 
pratique de laboratoire. 

HNO, est un acide faible (Ka — 104). Dans leurs réactions chi- 
miques, l’acide nitreux et les nitrites se comportent tantôt en oxy- 
dants, tantôt en réducteurs. En présence de réducteurs forts, ils 
se réduisent, le plus souvent, en NO: 


2NaNO, + 2KI + 2H,S0, = NaSO, + K:2S0,4 + 2N0 + 2H,0 + I, 

Les oxydants forts peuvent oxyder HNO, et les nitrites en acide 
nitrique et nitrates: 

2KMnO, + 5NaNO, + 3H,S0, = K:S0, + 5NaNO, + 2MnSO, + 3H.0 

L'oxyde d'azote (1V) NO, se forme par oxydation de NO ou par 

décomposition des nitrates des métaux lourds: 
2Pb(NOs): = 2PbO + 4NO, + Os 

On le prépare en laboratoire par action de l'acide nitrique con- 

centré sur le cuivre: 
Cu + 4HNO, = Cu(NO;); + 2NO, + 2H,0 
NO;, gaz brun à odeur fétide, est très toxique et se dissout bien 


dans l’eau. Il se dimérise aisément à froid, donnant un corps presque 
incolore de formule N,0,: 
abaissement de température jusqu’à = 11 °C 
NO NU 
élévation de température jusqu'à 140 °C 
NO, doit sa tendance à se dimériser à la présence d’un nombre im- 
pair d'électrons dans sa molécule : 


XX X X 
x O:N:OX 

X X XX 

** XX XX , XX 
KkO:N:0% ON: 07 

XX XX XX XX 

monomère dimère 

(5+6-1— 17) (5-2+6-4—34) 


La dissolution de NO, dans l’eau conduit à un mélange d'acide 
nitreux et d'acide nitrique. Or, HNO, étant instable, surtout à chaud, 


15* 


276 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V , [CH. X 


la dissolution de NO, dans de l’eau chaude donne comme produits 
principaux de la réaction l'acide nitrique et l’oxyde d'azote (II): 


2NO: + H,0 DE HNO, + HNO; 


3NO: + H°20 — 2HNO; + NO 


La dissolution de NO, dans l’eau en présence d’un excès d'oxygène 
sous pression se produit suivant l’équation 


4NO. + 2H,0 + O0, = 4HNO, 


L'oryde d'azote (V) ou l’anhydride nitrique (azotique) N,0, est le 
produit de la déshydratation de l'acide nitrique par l’oxyde de phos- 
phore (V): 

2HNO; + P,0; — N:0; + 2HPO; 

Ce corps instable se décompose lentement dans les conditions 

ordinaires : 
2N:0: — 2N:0, + O;, 

N:0, est un oxydant fort. Sa dissolution dans l’eau conduit à 

l’acide nitrique. 


$ 83. Acide nitrique et ses sels. L’acide nitrique est préparé sui- 
vant plusieurs procédés différents. 

1° Procédé à l’ammoniac (industriel). La possibilité de préparer 
l’acide nitrique à partir de l’ammoniac est liée à l’aptitude de ce 
dernier à s’oxyder lorsqu'un mélange d'’ammoniac et d'air en excès 
est mis en contact avec un catalyseur platine-rhodium chauffé : 


L'alliage platine-rhodium assure un haut rendement en NO, 
une réaction rapide et une longue durée de service. Mais ces métaux 
sont très chers, alors que, dans un tel processus, on en perd inévita- 
blement une partie. L'étude effectuée par des chercheurs soviétiques 
a abouti à la constatation que l’ammoniac était bien oxydable sur 
un Catalyseur comportant une toile de platine rhodié et une couche 
de catalyseur non platiné (oxydes de fer et d’autres métaux). 

Ce procédé de fabrication d'acide nitrique comprend plusieurs 
stades. 

De l’air épuré est mélangé à de l’ammoniac pur. Le catalyseur 
est utilisé sous forme de toiles en fils fins. Un paquet de plusieurs 
toiles se fixe horizontalement dans la partie centrale de la caisse 
de catalyse (fig. 64). On chauffe les toiles avant d'y introduire un 
mélange ammoniac-air. Par la suite, le catalyseur est maintenu à 
chaud par la chaleur qui se dégage au cours de l'oxydation de l’am- 
moniac. Après la caisse de catalyse, le mélange comportant NO, 
air et vapeur d’eau et ayant une température élevée passe entre les 


8 83] ACIDE NITRIQUE ET SES SELS 277 


tubes de l’échangeur de chaleur et se refroidit en chauffant le mélange 
ammoniac-air qui entre dans l’appareil. Il se refroidit de nouveau 
en passant à travers les tubes d’une chaudière à vapeur où NO se 
transforme en NO:. Ensuite, le mélange gazeux qui contient désor- 
mais NO, va dans une tour d’absorption remplie d’anneaux de por- 


Arroseur 
Gaz 


Catalyseur 


—— NO 


Fig. 64. Installation d'oxydation cata- Fig. 65. Tour d'absorption de NO: 
lytique de l'ammoniac 


celaine. Le garnissage est arrosé avec de l’eau en haut de la tour 

(fig. 65). Pour assurer une absorption plus complète de NO,, on in- 

stalle l’une après l’autre plusieurs tours d'absorption. Il s’y produit 

la réaction | 
3NO, + H,0 = 2HNO, + NO 


29 Procédé de laboratoire: action de l’acide sulfurique concentré 
sur le nitrate de sodium à une température légèrement élevée : 


NaNO, + H,S0, = NaHSO, + HNO, 


Ce procédé fut utilisé par l’industrie avant qu'on n'ait mis au 
point le procédé à l’ammoniac. 
3° Procédé à l'arc qui comprend les stades suivants: 


a) formation de NO au cours du passage d’un courant d'air à travers un arc 
électrique: N; + O, == 2N0. Cette réaction étant réversible, NO est à évacuer 
rapidement de la zone de l'arc électrique et à refroidir pour éviter qu'il ne se 
décompose en azote et oxygène. Voilà pourquoi l'arc électrique placé dans un 
champ électromagnétique est étendu de façon à former un disque d’un diamètre 
allant jusqu'à 3 m; 

b) oxydation de NO en NO;; 

c) obtention de HNO;. La teneur en NO, du mélange gazeux étant relati- 
vement faible, on prépare d’abord le nitrate de calcium Ca(NO.), (salpêtre de 


chaux) : 
2Ca(0H)4 + 4NO, + O, = 2Ca(NOs): + 2H,0 


Après avoir évacué l’eau, Ca(NO:), peut servir à produire de l'acide nitri- 
que. 


278 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V [CH. X 
REP PP GPO 


Ce procédé ne s’est pas généralisé, car il consomme trop d'énergie électrique 
et qu'un tel acide revient trop cher. 


L’acide nitrique pur est un liquide incolore, ordinairement coloré 
en jaune par l’oxyde d’azote (IV) qui y est dissous, ce dernier résulte 
de la décomposition de l’acide nitrique à la lumière: 


&HNO, = 2H,0 + 4NO, + Os 


C'est un acide fort qui possède un pouvoir oxydant nettement 
prononcé. L'’acide nitrique commercial a ordinairement une concen- 
tration de 65 % et une densité de 1400 kg/m°. HNO, est miscible à 
l'eau en toutes proportions. Il détruit très vite les tissus animaux 
et végétaux. Même une faible quantité d’acide nitrique dilué laisse 
des tâches jaunes sur la peau. 

L’acide nitrique concentré agit sur plusieurs non-métaux : HNO; 
bouillant oxyde le soufre en H.S0, ; le charbon est oxydé en CO.. 
Ün copeau qui se consume à peine, s’enflamme dans les vapeurs 
d'acide nitrique. L'’essence de térébenthine brûle, dès qu’on l’a 
versé dans de l’acide nitrique concentré. La solution bleue d'indigo 
se décolore. HNO, concentré n’agit pas sur l’or et le platine. Le fer, 
l'aluminium et certains autres métaux sont passivés par l'acide 
nitrique concentré qui forme à leur surface une couche résistante 
d'oxydes, insoluble dans les acides. Cela permet de stocker et de 
transporter l'acide nitrique dans des réservoirs en acier. 

Lorsque l’acide nitrique agit sur un métal, le produit de la ré- 
duction sera, de préférence, tantôt l’oxyde d'azote (IV), tantôt 
l'oxyde d'azote (11): cela dépend de la concentration de l'acide et 
de l’activité du métal. Parfois l’acide nitrique est réduit en oxyde 
d'azote (I) et même en ammoniac qui forme avec HNO, le nitrate 
d’ammonium. Les métaux oxydés par l’acide nitrique donnent ordi- 
nairement les nitrates correspondants. 

Il est à noter que l'action de l’acide nitrique sur les métaux 
actifs peut conduire au dégagement d'hydrogène. Mais l’hydrogène 
naissant (atomique) est un réducteur fort que l'acide nitrique, oxy- 
dant fort, oxyde immédiatement en eau. Si l’on arrose un métal 
comme le magnésium, d'acide nitrique en petite quantité, l'hydro- 
gène naissant, sans avoir le temps de s’oxyder, passe à travers la 
couche d’acide et se retrouve dans les produits gazeux de la réaction. 

Considérons quelques cas de l'interaction acide nitrique-métaux : 

1° Action de l'acide nitrique concentré sur les métaux peu 
actifs (Cu, Hg, Ag, Pb): 


Cu + 4HNO, = Cu(NO,), + 2H30 + 2N0, 
2° Action de l'acide nitrique dilué sur les métaux peu actifs : 
3Cu + 8HNO;=3Cu(NO;), + 2NO + 4H,0 


$ 83] ACIDE NITRIQUE ET SES SELS 


s 
o 


3° Action d'un acide nitrique très dilué sur les métaux actifs : 
4Zn + 10HNO, = 4Zn(NOse + NH4NO; + 3H:0 


& Action sur l'or et le platine de l’ « eau régale » (mélange de 
HNO, concentré et de HCI concentré dans le rapport de 1 à 3): 


Au + HNO, + 3HCI = AuCI, + NO + 2H.0 
AuCI, + HCI = H{[AucCl,] 


Notons que l’action de l'acide nitrique sur les métaux a souvent 
pour résultat un mélange de composés azotés où l'azote a des degrés 
d'oxydation peu élevés. Normalement, un de ces composés prédo- 
mine. 

Les tonnages fabriqués font de l'acide nitrique un des plus im- 
portants produits de l’industrie chimique. On en tire des engrais, de 
la poudre sans fumée. des explosifs (nitroglycérine, dynamite), 
des colorants, des plastiques. 

Les sels de l’acide nitrique (nitrates) ont l’aspect de corps solides 
cristallins de couleur blanche, bien solubles dans l’eau. Les nitrates 
des métaux alcalins ou alcalinoterreux sont appelés salpêtres (NaNO; 
salpêtre du Chili, KNO, salpêtre proprement dit, Ca(NO;), salpêtre 
de chaux). 

Les nitrates se décomposent à chaud. Les sels des métaux situés 
à gauche du magnésium dans la série de tensions, donnent les nitri- 
tes avec dégagement d'oxygène : 


2KNO; — 2KNO, + O: 


On se sert de cette réaction en utilisant le nitrate de potassium en pyrotech- 
aie et en fabriquant de la poudre noire ou fumée qui est un mélange finement 
divisé de nitrate de potassium, de charbon de bois et de soufre. La poudre 
noire brüle suivant la réaction 


2KNOs + 3C LS = K,S + 3CO0, L N3 + 617 kJ 


Cette réaction peut fournir d'autres corps solides sous forme de fumée 
(K3CO3, K2S0,). 


Les nitrates des métaux se trouvant à droite du magnésium dans 
la série de tensions (le cuivre inclu) se décomposent à chaud en oxy- 
des métalliques, oxyde d'azote (IV) et oxygène : 


2Pb(NOs)e = 2PbO + 4NO, + O, 


Les nitrates des métaux encore moins [actifs donnent par décom- 
position à chaud les métaux libres: 


Dissous dans l'eau, les nitrates n'ont à peu près aucun pouvoir 
oxydant. L'usage principal que l'on fait des nitrates des métaux 
lourds consiste à en tirer les oxydes métalliques, alors que les sal- 


280 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V | [CH. X 


pêtres (nitrates de sodium, de potassium, de calcium, d'ammonium) 
sont utilisés en quantités importantes en tant qu'engrais azotés. 
Le salpêtre d'ammonium sert à préparer des mélanges explosifs — 
les ammonals — employés lors des travaux de minage. 


PHOSPHORE 


$ 84. Propriétés et préparation du phosphore. Phosphore dans 
la nature. Le phosphore existe sous trois variétés allotropiques : 
phosphore blanc, rouge et noir. 

Le phosphore blanc, solide, jaunit, puis rougit rapidement à la 
lumière. Sa formule moléculaire est P,. Chaque atome de cette mo- 
lécule étant directement lié à trois autres atomes, toutes les liaisons 
interatomiques de la molécule P, doivent avoir la même longueur. 
C’est donc un tétraëdre régulier où les angles formés par les liaisons 
valent 60°. Chaque atome de phosphore y participe avec trois orbi- 
tales p. Ces orbitales ne forment que des liaisons o. Lorsque quatre 
atomes de phosphore se réunissent en molécule, l’angle entre les 
orbitales p se réduit de 90 jusqu'à 60°. La molécule P, est donc com- 
parable à un ressort comprimé : cela expliquerait la haute réactivité 
du phosphore blanc. 

Les molécules de phosphore blanc sont réunies en réseau cristal- 
lin parles forces de Van der Waals, bien faibles, ce qui fait que le phos- 
phore blanc se désagrège facilement en molécules sous l'influence de 
divers effets (température, solvant, etc.). La même cause le rend 
facilement fusible, volatil et soluble dans nombre de solvants. Il 
fond à 44 °C en donnant un liquide incolore qui bout à 287 °C. Le 
phosphore blanc présente une mauvaise solubilité dans l’eau, mais 
il se dissout aisément dans de nombreux solvants organiques, sur- 
tout dans le sulfure de carbone. 

Le phosphore blanc est très toxique : 0,15 g constitue la dose lé- 
tale pour l’homme. 

Il s'évapore facilement dès la température ordinaire. Ses vapeurs 
s’oxydent. L'énergie de ces réactions se transforme partiellement en 
énergie lumineuse, ce qui explique sa luminescence dans l'obscurité. 
Vu la basse température d'inflammation du phosphore blanc sec, 
son oxydation lente devient aisément combustion: autrement dit, 
le phosphore blanc est ce qu'on appelle pyrophorique. 

Le phosphore brülant laisse sur la peau des lésions qui guérissent 
très lentement. Le phosphore blanc est à manier avec une très grande 
prudence. On le conserve dans de l’eau. S'il est placé dans un ré- 
cipient en verre, il faut mettre ce dernier dans une boîte métallique 
remplie de sable. On ne le coupera que sous l’eau et on n’y touchera 
jamais avec la main: les brucelles sont indispensables dans ce cas. 


$S 54] PROPRIÊTES ET PRÉPARATION DU PHOSPHORE 28T 


On évitera à tout prix que des morceaux de phosphore ne s'éparpil- 
lent : ils peuvent provoquer un incendie. 

Le phosphore blanc est utilisé, principalement, pour fabriquer 
du phosphore rouge et aussi en qualité de substance incendiaire et 
fumigène de combat. 

On obtient le phosphore rouge en portant le phosphore blanc à 
250-300 °C sous pression et à l’abri de l’air. Le catalyseur est de 
l'iode en très faible quantité. Le phosphore rouge est un haut poly- 
mère de couleur cerise, non toxique. D'une oxydation beaucoup plus. 
difficile que le phosphore blanc, il n’est pas lumineux dans l'obscurité 
et ne s’enflamme qu’à 260 °C. 


Le phosphore rouge commercial renferme habituellement un peu dephospho- 
re blanc qui provoque parfois l’auto-inflammation du phosphore rouge. Cette 
présence explique également la transformation du phosphore rouge en une masse 
humide lorsqu on le conserve dans un bocal mal fermé et non paraffiné (le 

hosphore blanc s’oxyde en oxyde de phosphore (V). ce dernier formant avec 
"humidité de l’air l’acide phosphorique sirupeux). On applique le phosphore. 
rouge dans la fabrication d’allumettes : la surface latérale de la boîte est enduite 
d'un mélange comportant du phosphore rouge, du verre pilé et autres produits. 


Le phosphore noir est préparé par traitement du phosphore blanc 
à 200 °C et sous une pression très élevée. I1 a également une structure 
polymère avec un angle de 99° entre les liaisons. Son aspect et cer- 
taines propriétés physiques le font ressembler au graphite. Cette 
substance, grasse au toucher, conduit le courant électrique. Le 
phosphore noir est très inerte et ne s’enflamme qu'à 490 °C. 

Le phosphore est un non-métal franc. Mais c'est le phosphore 
blanc qui présente les réactions les plus énergiques. Le phosphore 
agit le plus aisément sur l’oxygène et le chlore. Lorsque l'oxygène ou 
le chlore sont présents en excès, le phosphore forme des combinaisons. 
où il est au degré +5, alors qu’il donne des combinaisons de degré. 
+3 s’il y a un déficit en O, ou CI, : 


34P + 20: = 2P.,0; &P + 30; — 2P,0; 
2P + 5Cl, = 2PCI, 2P + 3CL, — 2PCI, 


À chaud, le phosphore réagissant avec les métaux donne des phos- 
phures : 
3Ca + 2P — Ca;P; 


Avec le soufre, le phosphore forme à chaud le sulfure de phosphore. 
(IIT' ou le sulfure de phosphore (V) si le soufre est pris en excès: 


2P + 3S = P,Ss 2P +55 = P,S, 
Le phosphore est préparé à partir du phosphate de calcium tiré. 


des phosphorites ou des apatites. Le coke C y sert de réducteur; le- 
quartz (ou le sable siliceux) SiO., de scorificateur. On peut repré 


282 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V (CH. X 
CE 


senter l'obtention du phosphore par le schéma suivant: 


Cas(PO,): + 3SiO: = 3CaSiO, + P,0; 
P,0, + 5C = 2P + 5CO 
Ca (PO) + 3810, + 5C — 3CaSiO, + 2P + 5CO 


L'oxyde de carbone (II) et le phosphore en phase vapeur passent 
par un réfrigérant où le phosphore se dépose sous forme du phosphore 
blanc, alors que CO est évacué. De temps en temps, on débarrasse 
le four de CaSiO, fondu (scorie). La scorie est utilisable dans la fabri- 
cation de briques ou de verre industriel. Tous les produits étant 
évacués du four électrique, le phosphore s'obtient en continu. L'ali- 
mentation en mélange initial se fait également en continu depuis 
‘une trémie à l’aide d’une vis transporteuse. 

Dans la nature, on ne trouve que du phosphore combiné. L'écor- 
ce terrestre en renferme 12-10-° % (massiques). L’apatite 
Ca,;(PO,),(F, Cl) est le minéral phosphoré le plus répandu. Parmi 
les roches, ce sont les phosphorites. Le taux de P.0, dans les phos- 
phorites peut varier entre 12 et 24 % (massiques). En U.R.S.S., 
d'immenses gisements de phosphorites se trouvent au Kazakhstan 
{région d’'Aktioubinsk). Il y a des gisements de phosphorites en 
Ukraine, sur la haute Kama (phosphorites de la Viatka), dans les 
monts Oural (Sterlitamak), à Egorievsk (région de Moscou). Un 
gisement d’apatites mélangées d’alumosilicate(néphéline) se trouve 
dans les Khibines (presqu'île de Kola). 

Le phosphore se trouve dans les plantes, ainsi que dans l’organis- 
me des animaux et de l’homme (os, tissus musculaires et nerveux, 
Æmail des dents). 


$ 85. Combinaisons hydrogénées du phosphore. L'hydrure de phos- 
phore PH, (la phosphine) s'obtient par l'action de l’eau sur le phos- 
phure de calcium : 


Ca»Pe + 6H,0 = 3Ca(0H}); + 2PH, 
L’acidification du milieu favorise le déplacement de cette réaction vers 


Ja formation de phosphine. On peut également préparer PH, en chauffant du 
Dbhosphore blanc avec une solution alcaline concentrée: 


4P + 3NaOH = 3H,0 = PH, + 3NaH,PO, 


L'hypophosphite de sodium NaH,PO, est un sel de l'acide hypophosphoreux 
{monobasique) : “ 


H_0—p” 


IN 
O0 H 


$ 86] COMBINAISONS OXYGENÉES DU PHOSPHORE 283 


La phosphine est un gaz toxique incolore qui sent le poisson 
pourri. Elle s’enflamme spontanément à l'air: 
2PH; + 402 = P,0; + 3H,0 

La formation de la phosphine s'accompagne souvent de celle d'une autre 

combinaison hydrogénée du phosphore — P,H, — qui s’enflamme à l'air 

encore plus facilement que la phosphine. Ces proprietés des composés PH, 


et P.H, sont à l’origine des feux follets qui apparaissent dans les cimetières 
ou les marais stagnants. 


Les propriétés basiques de la phosphine sont de loin plus faibles 
que celles de l’ammoniac : ses solutions aqueuses (où elle a la forme 
PH,0H) ne sont pas alcalines. L'’interaction de la phosphine avec 
l'eau étant bien faible, elle s’y dissout beaucoup plus mal que l’am- 
moniac. Sous l’action d'acides très forts, la phosphine forme des 
sels de phosphonium : 


PH, + HI = PH,I PH, + HCIO, = PH,CIO, 
iodure de perchlorate de 
prosphonium phosphonium 


$ 86. Combinaisons oxygénées du phosphore. Le phosphore forme 
avec l’oxygène les oxydes P,0, et P.0,. L'oxyde de phosphore (III) 
P.0, résulte d’une oxydation lente du phosphore en présence d'une 
quantité limitée d'oxygène: 
4P + 30: — 2P:0; 


Il s’agit d’une substance blanche, cristalline, très toxique. Chauf- 
fé à l'air, P,0, s'’oxyde en oxyde de phosphore (V). La dissolution 
de P,0,; dans l'eau fournit l'acide phosphoreuzx : 

P:0; + 3H,0 —= 2H,POs 


H,PO; est une substance cristalline incolore, déliquescente à 
l'air et bien soluble dans l’eau. Dans les réactions chimiques, il 
se comporte comme un acide dibasique de force moyenne : 


Ses sels s'appellent phosphites. Cet acide est un réducteur puissant. 

L'oryde de phosphore (V) P,0, se présente sous l'aspect de cristaux 
blancs hygroscopiques. Il résulte de la combustion du phosphore dans 
l'oxygène ou l’air en excès: 


4P + 90 — 2P:0; 
On s'en sert pour l’asséchement de gaz et de liquides et, parfois, 


pour déshydrater des corps qui comportent de l’eau chimiquement 
liée. Cet oxyde donne trois acides: méta, ortho et pyrophosphorique. 


284 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V [Ch. X 


En dissolvant P,0, dans l’eau, on obtient d’abord l'acide métaphos- 
phorique : 
P,0; + H,0 . 2HPOs 
puis, après un bouillissage prolongé, l'acide orthophosphorique : 
P:04 —<- 3H,0 — 2H,PO, 


Un calcinage ménagé de l'acide orthophosphorique donne de 
l'acide pyrophosphorique : 


2H,PO, — H,P,0: + H,0 


Tous les trois acides sont représentables en tant que des combinai- 
sons de la molécule P,0, avec un nombre variable de molécules d'eau. 

C'est l'acide orthophosphorique (ou l’acide phosphorique tout 
court) qui est utilisé le plus. Il n'est pas toxique, ce qui permet de 
l’employer dans l’industrie alimentaire pour la fabrication de sirops. 

Etant tribasique, l'acide phosphorique forme des sels neutres et 
acides (phosphates et hydrophosphates) : phosphate de sodium Na,PO,, 
hydrophosphate de sodium Na.HPO, et dihydrophosphate de sodium 
NaH,PO,. Ces phosphates diffèrent les uns des autres par leur solu- 
bilité dans l’eau: les sels monométalliques y sont solubles, les di- 
métalliques le sont moins et les sels trimétalliques sont, dans la 
plupart des cas, insolubles dans l’eau. Les sels de l’acide phosphori- 
que trouvent une large application dans l'agriculture en qualité 
d'engrais, tel le superphosphate. Ce mélange de sels calciques est obte- 
nu par traitement des phosphorites ou des apatites à l’aide d'une 
quantité appropriée d'acide sulfurique technique : 


Cas(PO,): + 2H,S0, nd Ca(H.PO,): + 2CaSO., 


C'est le dihydrophosphate de calcium, soluble dans l’eau et bien 
assimilé par les plantes, qui constitue la fraction active du super- 
phosphate. Le sulfate de calcium est du poids mort. Il est donc plus 
rentable de produire du superphosphate concentré (double). On le 
fait en préparant d’abord de l'acide phosphorique technique : 


Cas(PO,): + 3H,S0, . 3CaSO, | + 2H,PO, 
et puis l’engrais: 
Ca;(PO,): —— 4H3PO,4 _— 3Ca(H,PO,); 
A la différence du superphosphate ordinaire, le superphosphate 
concentré ne renferme pratiquement aucun poids mort. 


Un autre bon engrais phosphaté pour les sols acides est obtenu 
en neutralisant l'acide phosphorique par la chaux éteinte: 


L'’hydrophosphate de calcium CaHPO,, insoluble dans l'eau, se 
dissout dans les acides du sol. 


$ 87] PRODUCTION DES ENGRAIS MINÉRAUX 285 


Les phosphates moulus (phosphorites ou apatites concentrées) et 
la farine d'os {os d'animaux calcinés et broyés qui contiennent du 
phosphate tricalcique Ca;(PO.,).| sont des engrais phosphatés bon 
marché pour les sols acides. 


$ 87. Production des engrais minéraux. L'emploi généralisé des 
produits chimiques dans l’agriculture soviétique est un des aspects 
de la révolution scientifique et technique en cours. Un facteur im- 
portant du développement de la production agricole consiste à amé- 
liorer à bon escient la fertilité des sols. 


L'utilisation rationnelle des engrais n'est possible que si l’on tient compte 
du chimisme du sol et des particularités physiologiques des plantes. L'étude 
des rapports qui unissent les plantes, le sol et la fertilisation est la tâche prin- 
cipale de la chimie agricole. Le fondateur de cette science dans notre pays, 
l'académicien D. Prianichnikov, écrivait: « Non seulement le sol exerce une 
influence multiforme sur la plante, cette dernière influe à son tour sur le sol 
(accumulation des matiè res organiques, enrichissement en azote, etc.). De 
même, l’engrais qui produit son effet sur la plante. subit en retour l'effet 
de celle-là inst. Le phosphorite est décomposée par les sécrétions acides des 
racines du lupin). Même chose en ce qui concerne l'influence des engrais 
sur le sol: tout en modifiant la constitution chimique du sol, ils subissent 
des transformations dues à l'effet du sol (décomposition des ‘carbonates et 
des phosphates.) » 

Depuis 1964, un service agrochimique d'Etat fonctionne en U.R.S.S.: 
il met au point des recommandations scientifiques qui concernent la distribution 
et l'utilisation efficace des engrais minéraux et des autres produits chimiques. 

Tout le territoire de l’U.R.S.S. est partagé entre les laboratoires agrochi- 
miques zonaux qui assurent un contrôle agrochimique régulier (tous les 3 à 5 
ans) de toutes les terres exploitées par les kolkhozes et les sovkhozes. Les pédo- 
logues prélèvent des échantillons de sols, les analysent dans les laboratoires et 
établissent des cartogrammes agrochimiques où figurent les principaux éléments 
nutritifs des sols. Ces cartogrammes sont remis aux agronomes des entreprises 
agricoles. En partant de ces cartogrammes, les spécialistes des laboratoires 
zonaux recommandent d'appliquer tels ou tels engrais suivant le terrain et la 
culture. Ces recommandations subissent une vérification expérimentale préa- 
lable, destinée à contrôler leur effet sur le rendement et la qualité des cultures 
agricoles. A cette fin, les spécialistes des laboratoires de chimie agricole prati- 

uent des expériences au champ, en faisant varier les doses des engrais intro- 
uits. 

L'utilisation des engrais chimiques suivant les conseils soigneusement élabo- 
rés des laboratoires de Chimie agricole parallèlement à une technique culturelle 
avancée assure une très bonne efficacité de la fertilisation. 

Le plan pour le onzième quinquennat prévoit que la production des engrais 
minéraux atteindra vers 1985 150 à 155 millions de tonnes en unités convention- 
nelles (36 à 37 millions de tonnes de matières actives) et que les engrais potas- 
siques ne seront livrés qu’en granules ou en gros cristaux. 


On sait qu’une grande partie de l'azote, du phosphore et du po- 
tassium (éléments nutritifs majeurs) est évacuée du sol au moment de 
la récolte. Il devient donc nécessaire d’enfouir dans le sol des engrais 
minéraux afin de compléter ses réserves en substances nutritives. 
On juge de la valeur fertilisante des engrais minéraux d’après leur 
teneur en N, P.0,, K,0, CaO, etc. 


286 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V [CH X 
EN 


La composition de ces engrais peut être très variable. Il est 
possible de dégager, d'une manière conventionnelle, deux groupes 
d'engrais: simples et complets (complexes). Les engrais simples ne 
renferment qu’un seul élément fertilisant : azote, potassium ou phos- 
phore. Les engrais complets en renferment plusieurs suivant les be- 
soins de telle ou telle culture et les données naturelles (sol, climat...). 
On classe les engrais simples d’après leur composition chimique en 
azotés, phosphatés et potassiques (v. Tableau 22). 

Nous donnons ci-après la composition de quelques engrais com- 
plets (% massiques): 


N P20s K 2 
Ammophos (dihydrophosphate d'ammonium) NH,H,PO, 10-12 58 
Diammophos (hydrophosphate d’ammonium) (NH,).HPO, 21 53 
Salpêtre de potasse (nitrate de potassium) KNO;: 13,5 46,5 
Nitrophoska (engrais ternaire) 12 12 12 


Les engrais azotés sont fabriqués à partir d'ammoniac, d'acide 
nitrique et de nitrates. Ainsi, l’ammonitrate se prépare par neutra- 
lisation de l’acide nitrique à 50-60 % par le gaz ammoniac: 


HNO, + NH, = NHQNOs + 149.5 kJ 


le salpêtre de chaux et d’ammonium s'obtient en mélangeant de 
l’ammonitrate fondu (94-95 %) avec du calcaire finement broyé: 


2NH,NO, + CaCO, = (NH4):COs + Ca(NOs)e 


les ammoniacates sont fabriqués en dissolvant du salpêtre d'ammo- 
nium et du salpêtre de chaux dans de l’ammoniac liquéfie. 

Ce sont les phosphorites et les apatites qu'on utilise comme ma- 
tière première de la fabrication d'engrais phosphatés. Le constituant 
principal de ces minéraux est le phosphate de calcium Ca;(PO,):. 
Au cours de leur traitement chimique, le phosphate tricalcique, pra- 
tiquement insoluble dans l’eau, se transforme en phosphates dicalci- 
que (hydrophosphate de calcium) CaHPO, et monocalcique (dihydro- 
phosphate de calcium) Ca(H,PO,)., facilement assimilables par les 
plantes. 

En fabriquant les engrais potassiques, on a recours aux miné- 
raux naturels: kaïnite, carnallite et sylvinite. Ainsi, la sylvinite 
est traitée à l’eau chaude pour séparer KCI de NaCI. La solubilité 
du chlorure de potassium est beaucoup plus élevée à 100 qu’à 0 °C, 
alors que pour le chlorure de sodium elle reste pratiquement invaria- 
ble dans cet intervalle de températures. 

L’'ammophos est produit en saturant l'acide phosphorique en 
ammoniac dans les proportions équimoléculaires : 


NH, + H4PO, -> NH4H3PO4 


8 87] PRODUCTION DES ENGRAIS MINERAUX 28T 


Tableau 22 
Engrais commerciaux et leur composition 
Teneur en 
Dénomination Composition chimique élément 


fertilisant, % 


Engrais azotés (élément fertilisant: N) 


Ammonitrate (nitrate d’ammonium) | NH,NO: 35 
Salpêtre de chaux et d’ammonium | CaCO; + NH,NOs 15,6 
Sulfate-nitrate d’ammonium (sulfo- 
nitrate) NHQNO; et (NH,):SO, | 85,5 à 26,5 

Sulfate d'ammonium (NH,):S0, 20,5 à 21 
Chlorure d'ammonium NH,CI 26,9 
Carbonate acide d'’ammonium NH,HCO; 47,7 
Ammoniac liquide NH; 82,3 
Salpêtre du Chili (nitrate de sodium) | NaNO; 16,5 
Salpêtre de chaux (nitrate de calcium)| Ca(NOs), 17 
Urée (carbamide) CO(NH.), 46,6 
Cyanamide calcique CaCN, 35 
Carbamidoforme CO(NEHL): + CH,0 31 
Eau ammoniacale NH, +- H,0 16 à 20 
Ammoniacate NH,NOs + NH; | 

CO(NIL,): + NHs 45 

Ca(NOs)sNHs | 

Engrais phosphatés (élément fertilisant : P,0s) 
Superphosphate pulvérulent Ca(H:PO;h: 14 à 19 
Superphosphate granulé Ca(H,PO,): 19,5 à 22 
Superphosphate concentré Ca(H,PO,): 45 à 48 
Phosphate dicalcique précipité CaHPO, -2H,0 25 à 35 
Phosphates moulus Cas(PO,): 22 à 30 
Engrais potassiques (élément fertilisant : K:0) 

Chlorure de potassium KCI 63,2 
Sylvinite KCI: NaCI 12 à 15 
Carnallite KCI-MgCl, -6H,0 12 à 13 
Kaïnite KCI-MgSO,-3H,0 8 à 12 
Sulfate de potassium K,S0, 49 à 52 
Potasse K,CO; 58 


Si l’ammoniac est pris en excès, on obtient le diammophos: 
2NH; + H,PO, — (NH,):HPO,4 
La grande diversité des engrais minéraux produits permet leur 


utilisation efficace en conformité avec la constitution du sol et la 
culture pratiquée. 


-288 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V [CH. X 


ARSENIC, ANTIMOINE, BISMUTH 


$ 88. Généralités. Etat naturel de As, Sb et Bi. Bien que la con- 
figuration électronique des atomes d'’arsenic, d’antimoine et de bis- 
muth soit analogue à celle des atomes d'azote et de phosphore 
{v. Tableau 20), certaines de leurs propriétés sont bien dissemblables. 
Conformément aux données du Tableau 20, l'énergie d’ionisation des 
atomes diminue lorsque leur taille augmente. En d’autres termes, 
les électrons du niveau énergétique périphérique sont de moins en 
moins bien attachés au noyau, d’où l'affaiblissement du caractère 
non métallique et le renforcement du caractère métallique dans la 
série N-P-As-Sb-Bi. 

As, Sb et Bi ont pour degrés d'oxydation caractéristiques —3, 
+3 et 5, le bismuth étant de préférence, dans ses combinaisons, 
au degré +3. 

Les proportions de ces trois éléments sont bien faibles dans l’écor- 
ce terrestre. On les y rencontre le plus souvent sous forme de sulfu- 
res: arsénopyrite FeAsS, auripigment As.S;, réalgar AsS, stibine 
Sb,S:, bismuthine Bi,S:. Pour obtenir l'arsenic, l’antimoine et le 
bismuth à l’état libre, on soumet leurs combinaisons sulfurées à une 
Calcination à l'air en réduisant ensuite les oxydes formés par le 
Carbone : 


2Sb.Ss + 90; — 2Sb,0; + 6S0: Sb,0; + 3C — 2Sb + 2CO 


$ 89. Arsenic et ses combinaisons. On connaît trois variétés de 
l'arsenic : gris ou métallique (densité : 5700 kg/m), noir (4700 kg/m) 
et jaune (2080 kg/m°). C'est l’arsenic gris — substance cristalline à 
éclat métallique — qui est le plus stable aux conditions ordinaires. 
Il conduit la chaleur et l'électricité. Chauffé à l’abri de l’air à 610 “C, 
l'arsenic gris se volatilise. 


Au-dessous de 800 °C, la densité des vapeurs d’arsenic répond à la formule 
moléculaire As, et au-dessus de 1700 °C, à la formule As,. Tant que le niveau 
de 2000 °C n'est pas dépassé, les vapeurs d'arsenic demeurent un mélange équi- 
libré formé de molécules As,, As, et As. Au-delà, seules les molécules monoato- 
miques subsistent. 


L'arsenic jaune possède un réseau cristallin moléculaire dont les 
nœuds sont occupés par les molécules As,. L'arsenic jaune s'oxyde 
facilement à l'air (à l'exemple du phosphore). La sublimation de 
l'arsenic gris dans un courant d'hydrogène donne de l’arsenic noir 
amorphe : ce dernier ne s’oxyde pas à l'air, mais se transforme en 
arsenic gris à 285 °C. Ordinairement, l’arsenic est tiré de l’arsénopyri- 
te FeAsS, calcinée en vase clos: 


4FeAsS = 4FeS + As, 


L’arsenic ainsi obtenu est sublimé et ramassé dans les récepteurs 
appropriés. 


& 89] ARSENIC ET SES COMBINAISONS 289 


A température normale, l’arsenic gris est relativement stable à 
l’air (ne s'’oxyde, bien légèrement, qu’à la surface), alors qu’à tem- 
pérature élevée, il brûle en donnant As,0.. Dans un vase rempli de 
chlore, l’arsenic s’enflamme pour former AsCIL.. Il agit sur plusieurs 
métaux et non-métaux. Avec les métaux il forme des arséniures : 


3Mg + 2As — Mg3As 


La décomposition des arséniures par les acides conduit à l’arsine 
(hydrogène arsénié) : 


M£sAS + 6HCI — 3MgCle + 2ASH; 
L'arsine se prépare, également, par une autre réaction 
AS203 + 6Zn . 12HC1 = 6ZnCl, + 2ASH; Su 3H,0 


L'arsine, gaz incolore sentant l’ail, est un poison très fort. Porté 
à 230 °C, il se décompose en ses éléments. Contrairement à l’ammo- 
niac, l’arsine n’agit ni sur l’eau ni sur les acides. 

Les combinaisons oxygénées de l’arsenic sont représentées par deux 
oxydes: As,0, et As,O.. L'oxryde d'arsenic (III) résulte de la combus- 
tion de l’arsenic ou de la calcination des minerais arsénifères. C’est 
une substance cristalline, blanche, sublimable à chaud, très toxique. 
AS:03, peu soluble dans l’eau, agit sur cette dernière en formant 
l'acide arsénieurx : 

As:0, + 3H,0 = 2H,As0; 

I1 s’agit d'un acide faible, inexistant à l’état libre. Lorsqu'il 
est dissous dans l’eau, on observe un équilibre mobile entre les aci- 
des ortho et métaarsénieux : 


H,As0, = H,0 + HAs0O, 
Les sels de l’acide arsénieux (arsénites) se forment parinteraction 
d'As,0; avec les alcalis : 
As:03 + 6NaOH = 2Na,As0, + 3H.0 
Les arsénites s’hydrolysent en solution aqueuse. 


Le caractère amphotère de l’oxyde d’arsenic (III) se manifeste 
dans son interaction avec l’acide chlorhydrique concentré : 


AS:0s + 6HCI — 2AsCI; + 3H,0 
Cependant, son caractère acide est plus marqué que le caractère 
basique. Les combinaisons de l’arsenic au degré +3 sont des réduc- 
teurs qui s'oxydent en donnant des combinaisons où l’arsenic passe 


au degré +5. Ainsi, pour obtenir l’acide arsénique H,AsO,, on oxy- 
de As,0; par l’acide nitrique concentré : 


3AS:0s + 4HNO; + 1H,0 — 6H,As0, + 4NO 
L'’acide arsénique est blanc, cristallin, hygroscopique. C’est un 
acide faible (Æ;, = 5,62-10-*), bien soluble dans l’eau. Il forme des 
19—01151 


290 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V (CH. X 


sels (arséniates) à propriétés voisines de celles des phosphates corres- 
pondants. Contrairement à l'acide orthophosphorique, l’acide or- 
thoarsénique H,AsO, est un oxydant qui oxyde SO, en SO. et I- en 
I,. Outre l'acide orthoarsénique, on connaît les acides métaarsénique 
HAsO, et diarsénique H,As,0.. 

Les combinaisons sulfurées AsS,; et ASS;, très caractéristiques 
de l’arsenic, sont préparées en soumettant les sulfures alcalins à 
l’action d'’arsénites ou d’arséniates: 


2Na,AsO, + 3NaS + 6H,0 = AS, + 12Na0H 
2NasAsO, + 5Na&S + 8H.0 = AsSs + 16Na0H 


Les sulfures d'arsenic, insolubles dans l'acide sulfurique concentré, 
peuvent se dissoudre dans l’acide nitrique concentré : 


3ASSs + 40HNO,; + 4H,0 nt 6H,As0, + 15H,S0, + 40NO 


La réaction des arsenics sulfurés sur les sulfures alcalins ou sur 
le sulfure d’ammonium produit les thiosels correspondants : 


ASS 3 + 3(NH,):S —_— 2(NHy)sASSs 
thioarsénite 
d'ammonium 

ÀSeS + 3(NH,):S — 2(NH4)s5ASS:4 
thioarséniate 
d’ammonium 


Les sels des acides thioarsénieux et thioarsénique sont stables, 
alors que ces acides mêmes ne le sont nullement : ils se décomposent 
étant dissous dans l’eau: 

2H,ASS3 — ASS 3 + 3H,S 
2H,AsS, = ASS, + 3H.S 


Voilà pourquoi, lorsqu'on acidifie une solution de thiosel, on 
voit précipiter le sulfure correspondant : 


2(NH,)3ASS + 6HCI — A£eSs} + 6NH,CI + 3H,S 


On introduit de faibles quantités d'arsenic dans les alliages de 
métaux non ferreux pour les rendre plus durs et plus résistants à la 
corrosion. Mais les combinaisons de l’arsenic utilisées en médecine et 
en agriculture, présentent un intérêt beaucoup plus considérable. 
Malgré la toxicité de l’arsenic et de tous ses composés, de très faibles 
doses de ces substances produisent un effet bénéfique sur les organis- 
mes vivants. Appliqués à faible dose, les arséniates et les arsénites 
améliorent l'appétit et l’assimilation des substances azotées et phos- 
phorées, exercent une action tonifiante sur l'organisme en général 
et particulièrement sur le système nerveux. Nombreux sont les 
médicaments qui renferment de l'arsenic (novarsénol, salvarsan). 
Les arséniates et les arsénites servent également à protéger les cultu- 


$ 90] ANTIMOINE, BISMUTH ET LEURS COMPOSES 291 


res contre les parasites (insecticides), les maladies (fongicides) et les 
mauvaises herbes (herbicides ou désherbants). Dans ce cas, on utili- 
se, notamment : hydroarsénite de sodium Na.HAsO;, hydroarsénite 
de calcium CaHAsO., arséniate de sodium Na;AsO,-2H.0, hydro- 
arséniate de calcium CaHAsO,. Certains composés arséniés sont uti- 
lisables en qualité de substances toxiques de combat. 


$ 90. Antimoine, bismuth et leurs composés. L’antimoine est un 
métal blanc, cassant, de densité 6680 kg/mS. Le bismuth, métal 
un peu rougeâtre, est également cassant ; il a un bas point de fusion 
(271 °C). L’antimoine se combine aisément au chlore pour former deux 
chlorures SbCI1, et SbCI,, tout en dégageant une grande quantité 
de chaleur. Le bismuth pulvérulent s’enflamme en réagissant sur 
le chlore. De même que l’arsine (hydrogène arsénié), la stibine (hydro- 
gène antimonié) peut résulter de la réduction de composés antimonieux 
par l'hydrogène atomique: 


Sb.0; + 6Zn +- 6H,S0, = 2SbH; + 3H,0 _. 6ZnSO, 


La stibine, moins stable que l’arsine, se décompose dès la tem- 
pérature ordinaire. La bismuthine BiH; est encore moins stable. 
Cette dernière est préparée par action de l'acide chlorhydrique sur 
l’alliage bismuth-magnésium. A l'air, à température normale, l’an- 
timoine et le bismuth ne subissent aucune transformation. À chaud, 
l’antimoine brüle en donnant l’oryde d’antimoine (III) Sb.0:, un 
corps solide de couleur blanche. Le bismuth ne s’oxyde en oxyde 
de bismuth (III) Bi,0;:, jaune, qu à très haute température. 

Sb,0; a un caractère amphotère : il agit sur des acides comme sur 
des bases: 


Les sels de l'acide métaantimonieur HSbO,, ainsi que les sels 
issus de la base faible Sb(OH), (ils renferment le cation Sb$+), sont 
hydrolysés en présence d'eau: 

H20 
NaSbO, + H;,0Ï= NaOH +{HSbO, 77 NaOH + Sb(OH), 


SbCI, +[2H,0 =+ Sb(OH).CI + 2HCI 


Le chlorure d'antimonyle Sb(OH).CI est une combinaison instable £ 
O 


/ 
Sb(OH):C1=Sb"  +H.0 
K 
Cl 


NaSbO, étant beaucoup plus hydrolysable que SbCl;, le caractère 
basique de Sb,0, est plus marqué que le caractère acide. 


19° 


292 SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE V [CH. X 
PS A 


Bi,0;, n'agit que sur les acides. C’est donc un oxyde purement 
basique : 


Bi,04 + 6HNO, = 2Bi(NOs)s + 3H:0 


Les oxydes Sb,0, et Bi,0; ne se dissolvent pas dans l’eau. Les 
hydroxzydes correspondants Sb(OH), et Bi(OH);, corps solides blancs, 
également insolubles dans l’eau, sont préparés en faisant agir des 
solutions de sels d’antimoine et de bismuth sur des alcalis: 


SbCIl, + 3NaOH = 3NaCl + Sb(OH);} 
Bi(NOs)a + 3NaOH = 3NaNOs + Bi(OH}s} 


L'hydroxyde de bismuth (III) est une base très faible. Les sels 
de bismuth (III) sont donc facilement hydrolysés donnant des sels 
basiques peu solubles dans l’eau: 


Bi(NOs)s + H:0 = Bi(OH)(NOs)a + HNOs 


On connaît l’oryde d'antimoine (V) Sb,O,, un solide jaune, presque 
insoluble dans l’eau, ainsi que l’oxzyde de bismuth (V) Bi,0;, d’un 
brun rougeâtre. A l’oxyde d’antimoine (V) correspondent les acides 
métaantimonique HSbO,, orthoantimonique H,SbO, et diantimonique 
H,Sb,0;,. Deux acides bismuthiques extrêmement instables (HBiO, 
et H,BiO,) correspondent à l’oxyde de bismuth (V). Les sels de ces 
acides (bismuthates) se préparent par l’action d’oxydants forts (CL,, 
NaCIO) sur l'hydroxyde ou l’oxyde de bismuth (II1) en milieu alcalin. 
Les bismuthates sont des oxydants très forts: ainsi, en milieu acide, 
ils oxydent Mn** en MnO:: 

10KBiO, + 14H,S0, + 4MnSO, = 
— 3K,S0, + 5Bi.(S0,)s + 4KMnO, + 14H,0 


Les sulfures d'antimoine Sb,S; et Sb,S,; ressemblent, par leur 
comportement, aux combinaisons arséniées correspondantes. L’an- 
timoine donne également des thiosels: Na;SbS:, Na;SbS,, etc. Les 
acides thioantimonieux (sulfoantimonieux) et thioantimonique (sul- 
foantimonique), instables, se décomposent en sulfures correspondants 
et sulfure d'hydrogène. 

Le bismuth ne forme qu’un seul sulfure, Bi,S:. 

Il est donc possible de séparer les sulfures d’arsenic et d’anti- 
moine du sulfure de bismuth en dissolvant les deux premiers dans 
les sulfures alcalins ou dans le sulfure d’ammonium. 

On additionne d’antimoine certains alliages pour les rendre plus 
durs. Les alliages où l’antimoine voisine avec l’étain, le plomb et 
le cuivre (on y ajoute parfois du zinc et du bismuth), servent à con- 
fectionner les coussinets. Les alliages qui contiennent 6 à 22 % 
(massiques) d’antimoine s'appellent régules ou babbits (ou, encore, 
métal blanc). Ces alliages qui se caractérisent par une dureté suffi- 
sante, une bonne résistance à l'usure et une incorrodabilité élevée, 


$ 90] ANTIMOINE, BISMUTH ET LEURS COMPOSES 293 


sont utilisés dans la construction de machines-outils, ainsi que dans 
le transport ferroviaire et automobile. L’alliage de composition 
(% massiques) Pb(82)-Sn(3)-Sb(1,5) remplit parfaitement les moules 
lors de la confection de caractères d'imprimerie (il se dilate en se 
solidifiant). L’antimoine est également ajouté au plomb dont on 
fait les balles, ainsi qu’au plomb utilisé pour la fabrication de gaines 
de câbles télégraphiques, téléphoniques et électriques ou de plaques 
d’accumulateur. 

Les combinaisons antimoniées d'intérêt pratique sont: 

le sulfure d'antimoine (III) Sb,S;: fabrication d’allumettes et 
feux d'artifice ; 

le sulfure d'antimoine (V) Sb.S,: vulcanisation du caoutchouc 
(le caoutchouc vulcanisé à Sb,S,;, de couleur rouge, est très élastique); 

l’oxyde d’antimoine (111) Sb,0;,: fabrication de peintures et de 
tissus ignifuges. 

Le bismuth sert, principalement, à obtenir des alliages à basse 
température de fusion. Plusieurs alliages du bismuth deviennent, à 
basses températures, des supraconducteurs. 

Parmi les combinaisons du bismuth, c’est l’oryde de bismuth 
Bi,0; qui est le plus utilisé: 

préparation de médicaments utilisés dans les maladies gastro- 
intestinales ; 

comme catalyseur dans la fabrication de polymères; 

comme fondant dans la fabrication d’émaux, de porcelaine et de 
verre (il facilite la fusion du mélange de substances de départ). 

Les sels de bismuth ont des applications diverses: fabrication de 
rouge à lèvres nacré, de peinture de signalisation routière, et ainsi 
de suite. 


CHAPITRE XI ; 


CARBONE, SILICIUM, BORE 


$ 91. Généralités. Le carbone et le silicium se trouvent dans le 
sous-groupe principal du groupe IV. Leurs atomes possèdent, sur la 
couche électronique externe, des électrons 2s et 2p aptes à former les 
liaisons chimiques (Tableau 23). 


Tableau 23 
Quelques propriétés des atomes de carbone, de silicium et de bore 


: Elcctroné- 
Configuration des deux Premier gativité 


Numéro dernières couches Rayon potentiel 
Elément | atomique électroniques atomique, | d'ionisation, |  felative 


(état fondamental) su kJ/mol Pauline) 


1s°2s°2p° 0,0914 1088 
2s?2pt3s°3p° 0,132 787 
1s°2s°2p! 0,098 799 


Suivant les conditions et la nature du partenaire, les liaisons 
sont formées soit uniquement par les électrons p, soit simultané- 
ment par les électrons p et s. Le carbone et le silicium n'engendrent 
pas d’ions négatifs, suite à la faible affinité électronique de leurs 
atomes. Ils ne forment pas non plus d'ions positifs, vu leur énergie 
d’ionisation élevée. Le carbone et le silicium présentent la particu- 
larité de se combiner à plusieurs éléments selon le mécanisme cova- 
lent. 

Le troisième élément considéré dans ce chapitre, le bore, appar- 
tient au sous-groupe principal du groupe III. Sa configuration élec- 
tronique diffère de celles du carbone et du silicium, mais il présente 
une analogie plus grande avec le silicium qu'avec l'aluminium. 


CARBONE 


$ 92. Carbone à l’état naturel. Le carbone est relativement peu 
abondant dans l'écorce terrestre: ses atomes ne constituent que 
0,14 % du nombre total d’atomes de l’écorce, soit 0,35 %(massiques). 


$ 92] CARBONE À L'ETAT NATUREL 295 


Mais son importance est immense, vu le rôle exceptionnel que le 
carbone joue dans la nature vivante. Les combinaisons carbonées 
servent de base aux organismes végétaux et animaux. Le carbone 
entre dans la composition de la houille, du pétrole, du gaz naturel 
et de plusieurs minéraux de formule générale MeCO, (Me étant un 
métal divalent), dont la dolomite CaCO, - MgCO;, la magnésite MgCO:, 
la sidérite FeCO;. la malachite (CuOH),CO;. Sous forme de CaCO;, 
le carbone est présent dans les roches telles que la craie, le marbre, 
le calcaire ainsi que dans les hydrogénocarbonates de calcium 
Ca(HCO,), et de magnésium Mg(HCO;), que l’on trouve à l’état dis- 
sous dans de nombreuses eaux naturelles. L’oxyde de carbone (IV) 
(gaz carbonique) est un constituant de l'air. 


Il n'existe sur la Terre aucun autre élément qui pourrait former un nombre 
aussi énorme de combinaisons (plus de trois millions) : cela s'explique par l'’ap- 
titude du carbone à former des chaînes homologues linéaires, ramifiées et cycli- 
ques. L'étude des nombreuses combinaisons du carbone incombe à la chimie 
organique. 


Le carbone naturel existe, à l’état libre, sous forme de deux va- 
riétés allotropiques: le graphite et le diamant. 


Le charbon de bois et le coke, qui ont une structure amorphe, ne peuvent 
être considérés en tant que des variétés allotropiques du carbone, car ce sont 
a composés ‘organiques complexes (bien que constitués, principalement, de 
carbone). 


Le diamant, de densité 3500 kg/mÿ, est le plus dur des minéraux 
naturels. Il réfracte et diffuse fortement les rayons lumineux, ne 
conduit pas l'électricité et conduit mal la chaleur. Difficilement fu- 
sible, il s'évapore sensiblement à la température du blanc. Il résiste 
à l’action des acides et des alcalis. La taille des diamants naturels 
peut varier entre des grains microscopiques et des cristaux bien gros 
d’une masse atteignant des centaines et des milliers de carats 
(1 carat = 0,2 g). Les gros cristaux pesant plus de 100 carats sont 
bien rares. La masse des diamants extraits est généralement comprise 
entre 0,1 et 1 carat. 


Le plus gros diamant du monde, d'une masse de 3106 carats [(620 g)] fut 
trouvé en 1905 en Afrique du Sud. On en fit 105 brillants. Précedemment (en 
1893), on y avait trouvé un diamant de 971,5 carats et plus tard (1936), un 
autre qui pesait 726 carats. On en a fait également des brillants de tailles diver- 
ses. 


La couleur et la limpidité des diamants sont variables. A côté 
des diamants incolores, il en existe qui sont presque noirs (ainsi 
que blancs, bleus, verts, jaunâtres, bruns, rougeâtres, gris foncé). 
Suivant la qualité des cristaux (taille, forme, couleur, nombre et 
nature des défauts) et leur destination on distingue les diamants de 
joaillerie et les diamants industriels. 


296 CARBONE, SILICIUM, BORE j [CH. XI 


Les premiers sont des diamants naturels de forme parfaite, d’une belle eau, 
sans fissures, corps étrangers ou autres défauts. Ils sont taillés à facettes (à l’aide 
d’une poudre de diamant) afin de leur donner une forme qui révèle au mieux 
les propriétés optiques du diamant : indice de réfraction élevé et une forte dif- 
fusion de la lumière. Les diamants se taillent, de préférence, en brillant *. 
Tous les autres diamants extraits, quelle que soit leur taille ou qualité, sont 
industriels. 

En Russie, les premiers diamants furent découverts en 1829 dans l’Oural 
moyen. Sous le régime soviétique, d’autres gisements ont été trouvés, y compris 
des placers diamantifères à pierres de bonne qualité. 

Aujourd'hui, de plus en plus souvent, l’industrie fait appel aux outils 
à diamants synthétiques ou naturels: meules et affiloirs.'outils coupants et frai- 
ses à pastilles diamantées, ustensiles de forage (trépan à diamant, couronne 
diamantée pour forer les roches dures). L'utilisation des différents outils à dia- 
mants permet à l'industrie de réduire le coût de la production (outils plus 
résistants, meilleur traitement, produits finis plus fiables et durables, meilleure 
productivité du travail). De plus, on utilise des pâtes à diamants, surtout pour 
roder des pièces et des surfaces (affütage précis des outils de tour en acier dur). 
La production de diamants naturels ne peut satisfaire. depuis longtemps déjà, 
la demande toujours croissante de l’industrie. Actuellement on utilise. à côté 
des diamants naturels, des diamants artificiels. 

En U.R.S.S., les premiers diamants synthétiques ont été obtenus à l’Insti- 
a de la physique des pes pressions sous la direction de l’académicien Véréch- 
tchaguine. 

a transformation du graphite (abondant dans la nature) en diamant exige 
une pression très élevée (1000 MPa) et une température supérieure à 2500 °C, 
ainsi que l'emploi de certains métaux (tels que le fer ou le nickel et leurs allia- 
ges) qui favorisent la destruction ou la déformation du réseau cristallin du 
graphite ou bien réduisent l'énergie nécessaire pour réarranger ce réseau. 

Les dimensions et la pureté des cristaux sont fonction des conditions de la 
synthèse (leur taille maximale est de 4 mm). 

Depuis 1965, l’industrie soviétique produit des diamants industriels de 
synthèse de résistance ordinaire, élevée et très élevée. 


Le graphite diffère nettement du diamant par ses propriétés phy- 
siques. C'est une masse gris-noir, grasse au toucher, de densité 
2200 kg/mS. A la différence du diamant, le graphite est très mou: 
il laisse des traces noires sur le papier. On peut l’égratigner par un 
coup d'ongle. Le graphite conduit bien la chaleur et le courant élec- 
trique, il est opaque comme un métal : sa surface réfléchit la lumière. 
L'Union Soviétique possède de puissants gisements de graphite dans 
l’Altaï, en Sibérie et en Ukraine. 

La diversité des propriétés du graphite le rend utilisable dans 
plusieurs domaines industriels. Ainsi, grâce à son inertie chimique 
et à sa conductivité électrique, le graphite est une bonne électrode. 
L'aptitude à la trituration (séparation de menues écailles) permet 
d'utiliser le graphite dans la fabrication de crayons et de matières lu- 
brifiantes. Vu son point de fusion élevé (le graphite ne s’évapore pas 
même au blanc), on l’emploie mélangé à de l’argile pour confection- 
ner des creusets servant à fondre les métaux. 


._ * Mais aussi en rose, en poire, {en navette ou en forme rectangulaire (taille 
émeraude). (W.d.T.) 


6 92] CARBONE À L'ÊTAT NATUREL 297 


L'industrie consomme, en plus du graphite naturel. d'importantes quan- 
tités de graphite artificiel que l’on apprécie plus hautement que le graphite 
paturel en raison de sa pureté et de sa masse réduite. C'est, en particulier, un 
ralentisseur efficace de neutrons rapides (v. p. 385). On prépare le sraphite 
artificiel en calcinant un mélange de sable et d’anthracite (ou de coke) divisé 
dans un fjfour {électrique spécial. 


C'est la structure de leurs cristaux qui conditionne les propriétés 
si différentes du diamant et du graphite. L'étude aux rayons X a 
permis d'établir l’arrangement des atomes de carbone dans les cris- 
taux de ces substances. Il s'est avéré que tous les carbones du dia- 
mant se trouvent à une même distance (0.1545 nm) les uns des autres 
(v. fig, 1, a, p. 16). Chaque atome occupe le centre d’un tétraëdre 
régulier, étant directement lié par des liaisons covalentes (hybrida- 
tion sp) à quatre carbones voisins qui forment les sommets de ce 
tétraèdre. Cette structure du diamant où n'interviennent que des 
liaisons 6 covalentes de grande résistance, est responsable de sa 
dureté exceptionnelle, ainsi que de l'absence d'électrons libres, 
c'est-à-dire de la conductivité électronique. 

La structure du graphite est tout à fait autre (v. fig. 1, b). Les 
cristaux de graphite sont composés d'atomes de carbone, mais les 
forces de cohésion entre ces derniers ne sont pas partout les mêmes. 
Les carbones se trouvant dans un même plan sont unis par des liai- 
sons covalentes solides de façon à former des hexagones réguliers 
ayant des côtés communs. Ces hexagones sont nombreux dans chaque 
plan. La distance séparant les plans voisins du cristal de graphite 
(0,34 nm) est supérieure de 2,5 fois à celle qui sépare les carbones. 
voisins appartenant à un même plan (0,1415 nm); voilà pourquoi 
les carbones situés dans le même plan sont liés entre eux beaucoup: 
plus solidement que ceux qui se trouvent dans deux plans différents. 
Un effort bien faible suffit pour diviser un cristal de graphite en 
écailles séparées, alors que la destruction d’une liaison unissant 
les carbones qui appartiennent au même plan s'avère beaucoup plus 
difficile. Cela explique la stabilité chimique élevée du graphite: 
il résiste même aux alcalis et aux acides chauds, à l'exception de 
l’acide nitrique fumant. Le graphite est thermostable. [Il commence 
à se sublimer à 3700 °C. Il est possible de le faire fondre dès 3800- 
3900 °C sous une pression de 10,5 MPa. Vu la haute stabilité ther- 
mique du graphite, on l’utilise comme lubrifiant dans les machines 
qui fonctionnent à température élevée. 

Tout carbone du réseau cristallin du graphite n'est lié qu à trois 
atomes voisins. Cette liaison est assurée par trois électrons placés 
sur des orbitales hybrides sp°. Le quatrième électron de chaque atome 
de carbone n'est pas localisé, d’où la bonne conductivité électrique 
du graphite. Les deux variétés allotropiques du graphite naturel 
correspondent à deux états d'hybridation du carbone: sp* et sp. 


298 CARBONE, SILICIUM, BORE : [CH. XI 


Le corps simple (variété allotropique du carbone) répondant à l'état d'hy- 
bridation sp, dont l'existence est possible, n'a pas été trouvé dans la nature. 
11 a été isolé par les chercheurs soviétiques Korchak, Sladkov et Kassatotchkine 
lors de l’oxydation catalytique de l’acétylène C,H,. On l’a baptisé carbine. 
‘C'est une poudre noire à cristaux fins qui possède des propriétés semiconductri- 
ces. Sa conductivité électrique augmente considérablement sous l'effet de la 
lumière, ce qui la rend applicable à la fabrication de cellules photosensibles. 
Portée à 2300 °C, la carbine se transforme en graphite. Cette substance a une struc- 
ture linéaire (—C—C=C=C=), chaque carbone formant deux liaisons, © et 
x, avec chacun des deux atomes voisins. La longueur de liaison entre les carbo- 
nes varie suivant leur état d'hybridation dans l’ordre décroissant : diamant 
40,1545 nm)-graphite (0,1415 nm)-carbine (0,1284 nm). 


$ 93. Charbon. Adsorption sur le charbon. Noir de carbone. Par- 
mi les minéraux utiles riches en carbone, les charbons présentent un 
intérêt particulier pour l’industrie moderne. Ce sont des restes pétri- 
fiés de végétaux et d'animaux ayant 
vécu sur notre planète avant l’épo- 
que actuelle. On distingue trois va- 
riétés de charbons fossiles: anthra- 
cite, houille et lignite. De ces trois 
variétés l’anthracite renferme le 
plus de carbone (95 % massiques), 
le lignite étant le moins riche en 
carbone (65-70 % massiques). Les 
charbons fossiles sont utilisés com- 
me combustibles: directement ou 
Fig. 66. Pouvoir absorbant des après transformation en un combus- 

particules superficielles tible plus précieux: coke, huile ou 

gaz combustible. De plus, la houille 

sert de matière première dans la fabrication de plusieurs composés 

chimiques de valeur. Le rôle du charbon est de plus en plus impor- 

tant, en ce qui concerne l’approvisionnement de notre pays (et, no- 

tamment, de sa partie orientale) en combustibles et en énergie élec- 

trique. Le onzième plan quinquennal prévoit de produire 770 à 800 
millions de tonnes de houille vers 1985. 

En chauffant du bois à l’abri de l'air, on voit partir ses consti- 
tuants volatils qui laissent un résidu solide appelé charbon de bois. 
Dans ce charbon, auquel on donne souvent le nom de carbone amorphe, 
la liaison chimique entre les atomes de carbone est identique à celle 
du graphite, mais les cristaux sont très menus et disposés d’une ma- 
nière désordonnée. Sa surface est très grande du fait de l’existence 
de nombreux vides et canaux microscopiques. 

L’aptitude du charbon à absorber des gaz, des vapeurs, des sub- 
Stances colorantes et odorantes en solution est sa propriété la plus 
remarquable. Les corps dont la surface est susceptible d'adsorber 
d’autres corps, sont dits adsorbants. Le pouvoir adsorbant résulte des 
conditions particulières qui existent à la surface de certains corps. 


OO0O000B00O 


(6000000000 


8 93] CHARBON 299 


Si, à l'intérieur du corps, toutes les forces qui agissent entre ses 
particules sont mutuellement équilibrées, à sa surface ne sont en 
équilibre que les forces orientées vers l’intérieur du corps (cf. l'en- 
tourage des particules A et B, fig. 66). Cette situation crée à la sur- 
face de l’adsorbant un champ de forces responsable de l'attraction 
des particules de gaz ou de solution vers l’adsorbant. 

Les propriétés adsorbantes dépendent de la nature de l’adsorbant, 
de la disposition des particules à sa surface et de la dimension de cette 
dernière. L’adsorbant fixe d'autant plus de matière que sa surface 
est plus grande. Cette dernière caractéristique est fonction du degré 
de finesse (taux de réduction) de l’adsorbant (en admettant que ses 
particules ont une forme cubique): 


Longueur Nombre de Surface Longueur Nombre de Surface 
de l'’arête cubes dans totale, cm? de l'arète cubes dans totale, cm2 
du cube, mm 1 cm3 du cube, mm 1 cms 
10 1 6 | 40!: 6 
| 103 60 1073 10°1 6000 
0,1 105 600 104 10°1 60 000 
0,01 109 6000 


Parfois l’adsorption est suivie d’un autre processus, lorsque le 
corps adsorbé se dissout dans la substance qui l’a fixé (passe de la 
surface vers l’intérieur). Ce phénomène est baptisé absorption. Le 
processus entier s'appelle sorption. La désorption est le phénomène 
inverse de la sorption. 

L’adsorption est un processus réversible. Des molécules adsor- 
bées quittent la surface passant dans le milieu environnant, tandis 
que d’autres molécules les remplacent. Il y a là un équilibre : la sur- 
face fixe par unité de temps autant de molécules qu’elle en perd. 
La position de cet équilibre dépend de la concentration en substance 
adsorbée et de la température. Le nombre absolu de molécules ad- 
sorbées croît avec la concentration. L’adsorption s'accompagne d’un 
dégagement de chaleur (principe de Le Chatelier). Une élévation de 
température déplace l’équilibre dans le sens de la désorption. Si 
la température baisse, l'équilibre se déplace, au contraire, dans le 
sens où le nombre de molécules adsorbées augmente. 

Bien que le charbon de bois possède une structure poreuse, son 
pouvoir adsorbant n'est pas élevé, car les pores se trouvent pour la 
plupart bouchés avec des produits de décomposition du bois. Pour 
libérer les pores de ces matières résineuses, le charbon de bois (de 
bouleau dans la plupart des cas) est calciné dans un courant de va- 
peur d’eau: on obtient ainsi du charbon actif (activé). La surface 
totale de tous les pores d’un gramme de charbon actif peut atteindre 
1000 m°. Le Tableau 24 présente les quantités de quelques gaz, ad- 
sorbées par 1 g de charbon actif à 15 °C sous la pression normale. I] 
découle du Tableau 24 que le pouvoir adsorbant du charbon actif 


300 CARBONE, SILICIUM, BORE , [CH. NI 


est faible pour les gaz difficilement liquéfiables (H,, O,, CH) 
et suffisamment élevé pour les gaz faciles à liquéfier (SO,, CL, NH). 


Tableau 24 


Adsorpt'on de gaz sur charbon actif 


Quantité de Quantité de 
Point gaz adsorbée Point gaz adsorbée 
Corps adsorbé| d'’ébuliition, par 1 K Corps adsorbé| d’ébullition, par 1x 
°C d’adsorbant, °C d'adsorbant, 
cmÿ cm 
SO, — 410,1 380 CO: —78,5 47,6 
CI, — 34,1 235 CH, — 161,6 16,2 
NHs — 33,5 181 O, — 183 8,2 
H,S — 60,8 99 H, — 252,8 4,7 


Les propriétés d’adsorption du charbon de bois trouvent de nom- 
breuses applications pratiques. Dans les masques à gaz il absorbe 
un bon nombre de gaz toxiques : chlore, phosgène, ypérite, etc. L’in- 
dustrie pétrolière s’en sert pour débarrasser les gaz naturels de pétrole 
des vapeurs d’essence. Dans les sucreries on décolore les sirops en 
les traitant au charbon activé qui absorbe les pigments colorants. 
L'alcool ethylique est débarrassé des impuretés toxiques (huiles de 
fusel) par filtrage sur charbon. 


Un bon pouvoir adsorbant est caractéristique des charbons préparés par 
calcination des restes d'animaux. Ainsi, le charbon d'os se prépare par distillation 
sèche (calcination en vase clos) des os animaux dégraissés. I] renferme 7 à 11 % 
(massiques) de carbone et quelque 80 % (massiques) de phosphate de calcium. 
Ce charbon d'os sert à décolorer les solutions et, en médecine, à absorber certai- 
nes substances toxiques ayant pénétré dans l'organisme humain. 


Mentionnons encore ure variété du charbon: le noir de carbone 
qui est un corps pulvérulent de couleur noire. Le noir est obtenu par 
combustion de diverses substances organiques en présence d’une 
quantité insuffisante d’air. Dans ces conditions, tout le carbone n'est 
pas oxydé en CO,, mais se dégage, en proportion importante, à l’état 
libre. C’est le cas de la flamme filante que donnent l’acétylène, 
le pétrole lampant ou le benzène qui brülent à l’air. Une telle flamme 
déposera à une surface froide une couche de suie constituée de noir 
de carbone. 

Industriellement, le noir est préparé par décomposition thermi- 
que du méthane qui est un constituant du gaz naturel: 


CH, = C + 2H;t 
Il existe d’autres procédés où le noir est obtenu par combustion 


de résines, de térébenthine et d’autres substances, toujours en limi- 
tant l’acces de l’air. 


$ 94] PROPRIETES CHIMIQUES DU CARBONE 301 


On l'utilise pour fabriquer des couleurs de peinture et des encres 
d'impression, ainsi que des teintures pour cuir. On en consomme 
beaucoup en tant que charge des mélanges de caoutchouc. 


$ 94. Propriétés chimiques du carbone. Le carbone (surtout le 
diamant) est très inerte dans les conditions ordinaires: il ne réagit 
que sur des oxydants très énergiques. Son activité chimique aug- 
mente à chaud. A l’état amorphe, le charbon et le coke brülent ai- 
sément à l’air, donnant l'oxyde de carbone (IV) CO,. En présence d’une 
quantité insuffisante d'oxygène, le carbone ne s’oxyde qu’en oxyde 
de carbone (II) CO. Le diamant ne brûle que dans l’oxygène pur à 
700-800 °C. L'’oxydabilité du carbone permet de l'utiliser pour ré- 
duire plusieurs oxydes métalliques. 

A chaud, le carbone se combine au soufre pour former le sulfure 
de carbone: 


C + 28 = CS, 


Le procédé industriel consiste à faire passer des vapeurs de soufre à travers 
une couche de charbon incandescent. Le sulfure de carbone est un liquide à bas 
point d'ébullition (46 °C). presque insoluble dans l'eau, mais qui est un bon sol- 
vant pour graisses, résines, soufre, phosphore et iode. 


Le carbone ne se combine pas aux halogènes que d’une façon 
indirecte (le fluor excepté). Ainsi, le tétrachlorométhane (le tétra- 
chlorure de carbone) CCI, se prépare en faisant passer du chlore à 
travers du sulfure de carbone à 60 °C, en présence de catalyseur 
Fes : 


Le tétrachlorométhane CCI,, liquide incolore qui bout à 77 °C, 
très mal soluble dans l’eau, dissout parfaitement les graisses, les 
huiles, les résines et les peintures. 

Le carbone se combine directement à l’azote à température éle- 
vée. Le cyanogène (cyane, dicyane), gaz incolore qui en résulte, est 
toxique : 


2C —— N: — CN, ou (CN): 


Sa structure est linéaire: N=C—CÆ=N. Le cyanogène se dissout 
bien dans l’eau en s’hydrolysant lentement : 


(CN)2 + 4H20 = (NH4)2C204 
oxalate 
d’ammonium 


L'action du cyanogène sur l'hydrogène conduit au composé HCN 
qui possède un caractère acide fort, d’où son nom d'acide cyanhydri- 
que : 


302 CARBONE, SILICIUM, BORE __ [CH. XI 


L'acide cyanhydrique (prussique) NCH est un liquide incolore à 
bas point d’ébullition (25 °C), d’une odeur caractéristique, très to- 
xique. C’est un électrolyte faible (Xa = 4,7-10-10). Ses sels sont dits 
cyanures. Le cyanure de potassium KCN, corps cristallin incolore fa- 
cilement soluble dans l’eau, en est le plus utilisé. Le cyanure de 
potassium se décompose à l’air en présence de CO, et de vapeur d’eau, 
car l’acide carbonique, plus fort que l’acide cranhydrique, déplace 
ce dernier de son sel: 


KCN + H,0 + CO, = KHCOs + HCN 


Les cyanures s’hydrolysent facilement en formant l’acide cyan- 
hydrique très toxique : 


CN- + H.0 = HCN + OH- 


Les solutions aqueuses de cyanures de potassium et de sodium 
ont la faculté de dissoudre l'or et l’argent en présence d'oxygène 
de l’air. On les utilise donc pour extraire l’or des minerais: 


4Au + 8NaCN + 2H,0 + O0, = 4Na[Au(CN).] + 4NaOH 


Le carbone agit à haute température sur les métaux en donnant 
des carbures. Ces derniers peuvent résulter également de l'interaction 
du charbon avec des oxydes métalliques. La pratique fait fréquem- 
ment appel au carbure de calcium, préparé par chauffage du charbon 
en présence de chaux anhydre: 


3C + CaO = CaC, + CO 


$ 95. Combinaisons oxygénées du carbone. Oxyde de carbone (II) 
CO. La molécule de cette combinaison possède la structure 


XCX:0: ou C 0. Les électrons p non appariés du carbone et de l’oxy- 


gène forment deux liaisons covalentes. La troisième liaison, du type 
donneur-accepteur, est due au doublet non partagé de l’atome d’oxy- 
gène (donneur) et à l’orbitale vacante de l’atome de carbone (accep- 
teur). Comme résultat, les atomes de carbone et d'oxygène possèdent 
chacun huit électrons sur leur niveau périphérique. 

L'oxyde de carbone (IÏ) est un gaz incolore et inodore, très toxi- 
que, un peu plus léger que l'air. Les premiers signes d’une intoxica- 
tion oxycarbonée sont le mal de tête et le vertige suivis de perte de 
connaissance. L’air qui contient 0,1 % de CO, présente un danger 
mortel. L'action toxique de CO réside en ce qu’il se combine à l’hé- 
moglobine sanguine la transformant en carboxyhémoglobine de cou- 
leur écarlate. L’oxygène, dont la place se trouve ainsi occupée, ne 
peut plus se combiner à l’hémoglobine et l’homme meurt, asphyxié. 
Pourtant, CO est progressivement désorbé du sang si l’on respire de 
l’air pur ou, mieux, de l’oxygène. L'air pur constitue donc l’antidote 


8 95] COMBINAISONS OXYGENÉES DU CARBONE 303 


principal de l’oxyde de carbone (II). Dès l’apparition des premiers 
signes de l’intoxication, on emmènera l’intoxiqué à l’air frais. 

L'oxyde de carbone (II) se liquéfie à —191,5 °C, se solidifie à 
—205 °C, se dissout mal dans l’eau et ne présente aucune interac- 
tion avec cette dernière. CO est un oxyde neutre qui n’agit, dans les 
conditions ordinaires, ni sur les acides ni sur les bases. Il se forme 
par combustion du charbon et de composés carbonésen présence d'oxy- 
gène en quantité insuffisante, ainsi qu'au cours de la réaction entre 
CO, et un charbon incandescent : 


On en trouve dans les gaz de cheminée (1 à 4 % massiques) et 
dans les gaz d'échappement des moteurs à explosion (2 à 10 % mas- 


siques). Il est obtenu en laboratoire par réaction à chaud de l'acide 
sulfurique concentré sur l’acide formique : 


H—C—0H —+ CO+ + H,0 
| 


L'acide sulfurique joue ici le rôle de déshydratant. CO brüle à 
l’air d’une flamme bleuâtre, dégageant beaucoup de chaleur: 


2CO + 0, = 2C0, + 569 kJ 


En plus de l'oxygène, l’oxyde de carbone réagit sur le chlore 
(à la lumière solaire directe ou en présence de charbon actif comme 
catalyseur), cette réaction conduisant au phosgène : 


CO + Cl, = COCI, 


Le phosgène (oxychlorure de carbone) COCI, est un gaz incolore 
très toxique, 3,5 fois plus lourd que l’air, à odeur caractéristique. 
Peu soluble dans l’eau, le phosgène s’y hydrolyse pourtant peu à peu 
en tant qu'un dérivé de l'acide carbonique: 


/ 
O=C"  +2H.0—2HCI+H,CO;, 
Na 


Suite à sa toxicité élevée, le phosgène fut utilisé au cours de la Première 
Guerre mondiale en qualité de gaz toxique de combat. On peut le neutraliser 
à l’aide de la chaux éteinte: 


COCI, + 2Ca(0H), = CaCIl, + CaCO, + 2H,0 
Le phosgène est la matière première de la fabrication de quelques colorants. 
Une propriété importante de CO est son aptitude à réduire à chaud 


certains métaux oxydés. On s’en sert, par exemple, dans le procédé 
de fusion au haut fourneau pour obtenir la fonte des minerais de 


304 CARBONE, SILICIUM, BORE [CH. XI 


fer : 
Fe:0Os + 3CO — 2Fe un 3CO:.t 


A haute température ct sous pression, l’oxyde de carbone (II) se combine 
directement à certains métaux avec formation de composés carbonylés: 


Fe + 5CO — Fe(CO}s 
Ni + 4CO = Ni(CO), | 
Cr + 6CO — Cr(CO)s 
Les métaux de ces composés ont le degré d’oxydation zéro. 
Les carbonyles métalliques sont des liquides bas-bouillants ou des corps 
cristallins, parfaitement solubles dans les solvants organiques. Ils sont tous 
toxiques. Ces composés se décomposent à température élevée en métal et CO. 


On applique les carbonyles métalliques en qualité de catalyseurs dans la synthèse 
de composés organiques. 


L'oxyde de carbone (11) joue un rôle important en tant que cons- 
tituant des combustibles gazeux (gaz à l’air, gaz à l’eau, gaz mixte). 
Le gaz à l'air s'obtient par soufflage à l’air d’une couche de charbon 
incandescent. Ce procédé est effectué dans 
un haut four cylindrique appelé généra- 
teur (gazogène) (fig. 67). Le charbon y 
est chargé par le haut, l’air arrivant par 
le bas. Dans la partie inférieure du géné- 
rateur, dans les conditions d’un afflux 
continu d'air (d'oxygène), le carbone 
s’oxyde de façon complète: C + O, = 
— CO,. Ensuite, le dioxyde de carbone 
formé monte vers le haut pour réagir sur 
le charbon incandescent en traversant 
ses couches successives : CO, + C = 2CO. 
On obtient à la sortie du générateur un 
mélange d'oxyde de carbone (II) et d'azote 
de l’air, les volumes respectifs de ces deux 
corps étant dans le rapport 1 : 2. C’est ce 
qu'on appelle gaz à l’air (gaz de gazogène). 

Le passage de la vapeur d'eau à travers 
du charbon incandescent fournit du gaz à 
l'eau : 


NN 


à S 
LASSSSKES 2 
AN QU 
SR |: ONE 2 
Q ue (0 
OO ( 


NT Z 
/ 
nu 


PTT TLITT TT TT TTL D TT ITTT A 


Fig. 67. Schéma d'un gazo- 
gene C + H,0 = CO + H, — 132 kJ 


Ce gaz est composé des volumes égaux de CO et de H,. Son avan- 
tage par rapport au gaz à l’air consiste en ce qu'il comporte deux 
gaz combustibles (CO et H,), alors que le gaz à l’air n’en renferme 
qu'un (CO). Le gaz à l’eau possède un pouvoir calorifique beaucoup 
plus élevé. Cependant, sa préparation est un processus endothermi- 
que : la vapeur d’eau refroidit rapidement le charbon incandescent. 


$ 95] COMBINAISONS OXYGENÉES DU CARBONE 305 


Voilà pourquoi on fait alterner le passage de la vapeur d’eau avec 
le passage de l’air. Dans ces conditions, on voit sortir du générateur 
un gaz mixte (mélange de H,, CO, N, et CO.). Si l’on veut obtenir 
en continu un gaz s'approchant par sa composition du gaz à l’eau, 
on envoie dans le générateur un mélange vapeur d’eau + oxygène. 


En U.R.S.S., la production de gaz s'est constamment accrue au cours du 
dixième quinquennat. On a produit 289 milliards de m° de gaz en 1975 et 435 mil- 
liards de m° en 1980, soit un accroissement de 50,5 %. Le onzième plan quinquen- 
nal prévoit que vers 1985 la production de gaz atteindra 600 à 640 milliards 
de m*. 


Oxyde de carbone (IV) (gaz carbonique, anhydride carbonique) CO.. 
La molécule de dioxyde de carbone a la structure O‘*CX:0, soit 


O=C=0. L'atome de carbone y est excité (C*2s!2p3). Ses deux orbi- 
tales hybrides forment deux liaisons o avec deux orbitales p de 
l'atome d'oxygène. Chaque atome d'oxygène garde ainsi un électron 
p non apparié qu'il utilise pour former des liaisons x avec deux élec- 
trons p de l’atome de carbone. 

L'oxyde de carbone (IV) est toujours présent dans l'air. Dans la 
nature. il se forme au cours de l'oxydation des corps organiques 
(putréfaction des restes de végétaux et d'animaux), dans les pro- 
cessus de combustion et de respiration. 


Le gaz carbonique de l’air serait vite épuisé, étant absorbé par les plantes, 
si les phénomènes de combustion, de respiration, de putréfaction ne contribuaient 
pas à son renouvellement constant. Les plantes utilisent CO, dans la réaction 
photochimique 


mCO; + nH20 + Ch(H30)n + mOs t 


qui enrichit l'atmosphère en oxygène. 

La quantité de CO, contenue dans l'air est donc la différence entre celle 
ui a été dégagée dans ta tu et celle que les végétaux ont absorbée. 
a concentration de CO, dans l'air augmente sans cesse, car l’homme brüûle 

les combustibles en quantités toujours croissantes (autos, avions, navires). 
Aujourd’hui, cette concentration s’est accrue de 11 % par rapport à ce qu’elle 
était au XIX°® s. et la température des couches inférieures de l’atmosphère 
a augmenté de 1 °C. Cette anomalie est due à la faculté qu'ont CO, et H,CO, 
de retenir le rayonnement thermique de la surface terrestre, tout en laissant 
passer (comme c'est aussi le cas du verre) la radiation solaire à ondes courtes. 
Dans un avenir pas tellement éloigné, la teneur en CO, de l'atmosphère peut 
augmenter d'une dizaine de fois, ce qui fera monter la température moyenne de 
l'air de 10-12 °C. 


Une quantité élevée de CO, dans l'atmosphère est nuisible au 
fonctionnement des systèmes respiratoire, cardiovasculaire et ner- 
veux. Le cerveau est particulièrement sensible à la concentration 
élevée de CO, dans l'air aspiré. 


Pour les vaisseaux cosmiques, la concentration admissible en CO, ne doit 
pas dépasser 0,5 % (volumiques). On s'y sert d’alcalis pour absorber le gaz 


20—01151 


306 CARBONE, SILICIUM. BORE , [CH. XI 


carbonique excédentaire. Les vaisseaux spatiaux américains sont équipés de 
cartouches spéciales à LiOH. L'absorption de CO, se fait suivant la reaction 
2LiOH + CO, = Li9CO3 + H,0 
Les peroxydes alcalins sont un peu moins actifs dans ce cas, mais, en re- 
vanche, l'air s'enrichit en oxygène: 
2Na,0O; + 2CO;s —_— 2Na,COs nu O0: 4 


Dans l’industrie, CO, se forme au cours de divers processus de 
fermentation, telle la fermentation du glucose : 
CeHysO — 2C:H,0H + 2CO; 
glncose éthanol 


ainsi que lors de la cuisson du calcaire: 
CaCO, = CaO + CO,1 


Parfois, on obtient de faibles quantités de CO, (en laboratoire) 
par l’action de l'acide chlorhydrique sur le marbre: 


CaCO, + 2HCI — CaCl, + COst + H30 


Dans les conditions ordinaires, l’oxyde de carbone (IV) est un 
gaz incolore et inodore, environ 1,5 fois plus lourd que l’air, soluble 
dans l’eau, assez aisément liquéfiable: on peut le rendre liquide à 
température normale sous une pression de 5,85 MPa. La densité de 
CO, liquide est égale à 774 kg/mS. Il est stocké et transporté dans 
des bouteilles en acier. Il s’évapore rapidement et, donc, se refroi- 
dit très vite. Son point de congélation vaut —56,2 °C. CO, solide est 
sublimable (capable de se vaporiser sans passer par l’état liquide) : 
il forme la « glace sèche » dont on se sert, par exemple, en transpor- 
tant les denrées périssables. 

Le carbone de CO, a le degré d’oxydation supérieur, c'est pour- 
quoi l’oxyde de carbone (IV) ne brüle pas et n'entretient pas la com- 
bustion. Cependant, une bande de magnésium allumé à l'air, con- 
tinue de brûler dans l’atmosphère de CO,. Cela s'explique par le 
caractère électropositif très marqué du magnésium, capable de s'ap- 
proprier l'oxygène de CO, : 

2Mg + CO, = 2MgO + C 


A la différence de CO, l’oxyde de carbone (IV) réagit sur les 
alcalis aux conditions ordinaires: 
CO; + Ca(OH}; = CaCO, + H,0 
Il agit également sur l’eau, en formant l'acide carbonique: 
CO, + H:0 = H:CO; 
On utilise CO, pour éteindre les incendies. Dans les extincteurs 


à mousse, CO, se forme par réaction de l'acide sulfurique sur une 
solution d’hydrogénocarbonate de sodium, additionnée d’un agent 


8 95] COMBINAISONS OXYGENÉES DU CARBONE 307 


moussant : 
NaHCO,; + H,S0, — NaHSO, + COst + H,0 


Li 


L’inconvénient des extincteurs à mousse consiste en ce que le 
gaz carbonique formé entraîne avec lui une partie de l'acide sulfu- 
rique sous forme de gouttes. Les extincteurs remplis de CO, liquide 
n'ont pas cet inconvénient. De plus, CO, est consommé en quanti- 
tés considérables pour préparer des boissons gazeuses, fabriquer le 
carbonate de sodium et l’urée. 

Acide carbonique et ses sels. L'acide carbonique H,CO;, combinai- 
son instable, n'existe qu’en solution dans l’eau. La plus grande partie 
de l’oxyde de carbone (IV) dissous dans l’eau s’y trouve sous forme 
de molécules CO,, le reste formant l'acide carbonique. 

C'est un diacide faible à dissociation graduelle (X, = 4,4-10-7 
et X, — 4,7-10-1), La dissolution de CO, dans l’eau conduit à l’équi- 
libre mobile suivant: 


H,0 + CO, == H,CO0, = H* + HCO; 
HCO; = H* + COi- 


Lorsqu'on chauffe une solution aqueuse de CO,, la solubilité du 
gaz diminue, une partie de CO, se dégage de la solution et l’équi- 
libre se déplace vers la gauche. 

Etant dibasique, l'acide carbonique forme des sels neutres (car- 
bonates) et acides (kydrogénocarbonates). La plupart de ces sels sont 
incolores. 

Parmi les carbonates ne sont solubles dans l’eau que les sels des 
métaux alcalins et d'ammonium. Les carbonates et les hydrogéno- 
carbonates alcalins s’hydrolysent dans l’eau, d'où la réaction alcaline 
de leurs solutions: 


Na,CO, + H,0 = NaHCO, + NaOH 


Les carbonates de sodium et de potassium fondent sans se dé- 
composer, alors que la plupart des autres carbonates se décomposent 
à chaud en oxyde métallique et oxyde de carbone (IV): 


MeCOs = MeO + CO: 
Les acides forts déplacent l’acide carbonique des carbonates: 


K:CO;s + H,S0, = K,S0, + H,0 + CO; f 


A la différence de la plupart des carbonates, tous les hydrogéno- 
carbonates se dissolvent dans l’eau. Ils sont moins stables que les 
carbonates des mêmes métaux et se décomposent facilement à chaud, 
donnant les carbonates correspondants: 

2KHCO, — K:COs + H,0 + CO; 
Ca(HCO;): = CaCO, + H,0 + CO, 4 
2° 


308 CARBONE, SILICIUM, BORE , [CH XI 


De même que les carbonates, les hydrogénocarbonates sont dé- 
composés par les acides forts: 
KHCO, + H,S0, == KHSO, + H,0 + CO,4 


C'est le carbonate de sodium (soude) Na,CO, qui présente le plus 
grand intérêt et qu’on applique le plus largement. C'est une poudre 
blanche qui se dissout dans l’eau avec dégagement de chaleur. On 
l'utilise dans la fabrication de savon et de verre, dans les industries 
textile, pétrolière et celle de peintures et vernis. 

Aujourd'hui, la soude est surtout préparée par le procédé à l’am- 
moniac. On fait passer sous pression un mélange gazeux de NH, et 
CO, à travers une solution refroidie de chlorure de sodium NaCl, en 
provoquant les réactions suivantes: 


NH, + CO: + H,0 — NH,HCO, 
NH,HCO, + NaCl = NaHCO.J + NH,CI 


L'hydrogénocarbonate de sodium, peu soluble dans l’eau froide 
(contrairement au chlorure d'ammonium), précipite presque entière- 
ment. Le précipité est filtré et calciné suivant la réaction 


2NaHCO, — Na,CO; + CO:t + H,0 


L'hydrogénocarbonate de sodium NaHCO, est une poudre blanche 
donnant une faible réaction basique en solution dans l’eau, suite à 
son hydrolyse. Son nom commercial est bicarbonate de soude (ou sel de 
Vichy). On l’applique en médecine pour traiter l’hyperacidité gastri- 
que, il y a alors neutralisation: 

H—R + NaHCO, + NaR + H,0 + CO;t 
acide 


On l'utilise également comme source de CO, en confiserie, en pani- 
fication, ainsi que dans les extincteurs. 


La fermentation panaire s'accompagne de formation d'acides organiques 
qui entrent en réaction avec NaHCO;. Le gaz carbonique qui se dégage alors 
forme des bulles de gaz dans la pâte, la rendant plus molle et poreuse. Une telle 
pâte donne des produits poreux, légers et mieux digestibles. 


Le carbonate de calcium CaCO, est le constituant principalde la 
craie, du calcaire et du marbre. Le calcaire naturel finement divisé 
sert à traiter les sols trop acides. Les acides du sol sont neutralisés 
suivant la reaction 

CaCO, + 2HR = CaR, + H,COs 


Il y a parallèlement amélioration de la structure du sol: les terrains 
argileux deviennent meubles et perméables à l’eau et à l’air, plus 
faciles à chauffer et à labourer. Le calcaire sert également à préparer 
de la chaux anhydre (chaux vive) selon la réaction 


CaCO, —> CaO + CO, 


S 96] PRÉPARATION, PROPRIEÊTES ET APPLICATIONS DU Si 309 


La craie est un matériau de construction très utilisé, tandis que 
le marbre s'emploie pour revêtir des immeubles, confectionner des 
panneaux de distribution d'électricité et, aussi, en tant que matière 
utilisée dans l’art sculptural. 

L'emploi du carbonate de potassium (potasse) K,CO, se limite es- 
sentiellement à la fabrication de verre. 


SILICIUM 


8 96. Préparation, propriétés et applications du silicium. C’est 
Berzelius qui obtint pour la première fois du silicium amorphe (pou- 
dre brune) suivant la réaction 


SiF, + 4K = Si + 4KF 


Un peu plus tard on découvrit une autre variété du silicium: sili- 
cium cristallin. A l'heure actuelle, on dispose de plusieurs procédés 
de préparation du silicium cristallin, dont la réduction par le coke: 


SiO, + 2C = Si + 2C0 


Le silicium amorphe est préparable en calcinant à haute tempé- 
rature un mélange de sable quartzeux fin et de magnésium en poudre, 
placé dans une éprouvette en verre difficilement fusible ou dans un 
creuset : 


SiO, + 2Mg = 2MgO + Si 


Le mélange réactionnel refroidi (Si, MgO et SiO, n'ayant pas 
réagi) est traité successivement à l’acide chlorhydrique et à l'acide 
fluorhydrique : 


MgO + 2HCI = MgCl, + H,0 SiO, + 2HF = SiF, + 2H,0 


Le silicium qui ne réagit pas sur les acides, reste dans le creuset 
sous forme d’une poudre amorphe de couleur brune, de densité 
2330 kg/m*. Le silicium amorphe se dissout dans quelques métaux 
à l’état fondu. Si l'on refroidit lentement une solution de silicium 
dans du zinc fondu, on voit précipiter des cristaux de silicium. 

Le silicium cristallin ressemble au silicium amorphe aussi peu 
que le diamant au graphite. Cette variété du silicium est colorée 
en gris acier. Sa densité s'élève à 2400 kg/m$. Son réseau cristallin 
s'apparente à celui du diamant, mais le silicium cristallin est moins 
solide et possède un point de fusion plus bas (1420 °C). A la différence 
du diamant, le silicium cristallin possède un éclat métallique et un 
caractère semiconducteur. C’est un corps chimiquement inerte. 

_Le silicium amorphe agit sur le fluor dans les conditions ordi- 
naires : 

Si + 2F,—SiF, 


310 CARBONE, SILICIUM. BORE [CH. XI 
meme 


Il entre en réaction avec plusieurs non-métaux à température 
élevée : 


400 °C 1000 °C 


Si + 2CL, SiCl,  3Si + 2N, Si,Na 
600 °C 2000 °C 


Si + O, SiO: Si+C——— sSiC 

Le carborundum SiC est presque aussi dur que le diamant. On en 
fait des meules et des pierres à affûter. 

Le comportement du silicium vis-à-vis des métaux est variable: 
il se dissout parfaitement dans certains métaux fondus (Zn, Al, Sn, 
Pb) sans présenter aucune interaction. Il réagit sur certains autres 
métaux fondus (Mg, Cu, Fe), formant des composés dits siliciures, 
tel Mg.Si. Dans ce dernier cas, le silicium se comporte en oxydant. 

Dans les conditions normales, les acides sont sans action sur le 
silicium, à l’exception de l'acide fluorhydrique : 

Si + 4HF = SiF, + 2H, 

Insoluble dans l'eau, le silicium se dissout dans les solutions 
aqueuses d'alcalis: 

Si + 2NaOH + H,0 = Na,SiO, + 2H. 

Le silicium possède une affinité pour l'oxygène beaucoup plus 
marquée que celle du carbone. On s’en rend compte en confrontant 
leurs chaleurs de combustion respectives : 

C + 0, = CO, + 395 kJ 

Si + O0, = SiO, + 861 k] 
De là l'emploi du silicium pour la « désoxydation » des alliages de 
fer, par exemple 


2FeO + Si = 2Fe + SiO, 


L'oxyde de silicium SiO, issu de la réduction de l’oxyde métallique, 
passe dans la scorie. Le silicium allié aux aciers en améliore la ré- 
sistance mécanique, l’élasticité et la résistance à la corrosion. Un 
acier contenant 4 % de Si s’aimante et se désaimante plus vite que 
le fer pur. Les aciers au silicium servent à fabriquer transformateurs, 
ressorts, etc. L’acier à 12-18 % de Si résiste très bien aux acides. 
Les alliages aluminium-silicium (4,5 à 14 % de Si), dits alpaz, 
présentent une résistance mécanique élevée. 

Une qualité très importante du silicium est sa conductivité élec- 
trique : le silicium soigneusement purifié peut servir de semiconduc- 
teur. On l'utilise pour fabriquer des redresseurs de courant alterna- 
tif et des piles solaires qui transforment l'énergie solaire en énergie 
électrique. 


$ 97. Combinaisons hydrogénées du silicium. Un mélange de 
combinaisons hydrogénées du silicium (silanes) résulte de l’action 
de l'acide chlorhydrique dilué sur le siliciure de magnésium. Ce 


$ 98] COMBINAISONS OXYGENÉES DU SILICIUM 311 


dernier est obtenu en chauffant intensément du sable quartzeux fin 
en présence d’un excès de magnésium : 


SiO, + 2Mg = 2MgO + Si 
2Mg + Si — Mg.Si 


Le traitement à l'acide chlorhydrique de la masse obtenue s’ac- 
compagne de lueurs brusques avec dégagement d’une fumée blanche. 
Les lueurs sont dues à l’inflammation spontanée des silanes à l'air 
et la fumée blanche est constituée de SiO,. Le monosilane SiH, est 
le plus simple des silanes. En s’y référant, les équations de ces réac- 
tions s'écriront comme suit: 


Leur composition chimique et leur structure rapprochent les 
silanes SiH,, Si,H,, etc., des hydrocarbures méthaniques (CH,, 
C,H4...). Il y a également une certaine similitude des propriétés 
physiques: ainsi que les hydrocarbures, les silanes ne sont pas coôlo- 
rés. Le monosilane SiH, et le disilane Si,H, sont des gaz aux condi- 
tions ordinaiers, alors que les silanes supérieurs de Si,:H, à SisH,, 
sont des liquides. Tous les silanes possèdent une odeur caractéristi- 
que. Ce sont des poisons forts. 


La stabilité des silanes est de loin inférieure à celle des hydrocarbures, car 
l'énergie de la liaison Si—Si (176 kJ/mol) est petite devant celle de la liaison 
C—C (347 kJ/mol). Plus il y a d’atomes de silicium dans la molécule, moins les 
silanes sont stables. Ils possèdent une réactivité beaucoup plus élevée que les 
hydrocarbures de la série méthanique. Les silanes se décomposent assez aisément 
à chaud en silicium et hydrogène. Ils réagisent sur les halogènes avec dégage- 
ment d'hydrogène halogéné : 


SiH, + Cl, = HCI + SiH,Cl 
monochlo- 
rosilane 


Les silanes réagissent lentement sur la vapeur d’eau: 
SiH3 + 2H30 = SiOs + 4H; 


Les dérivés DA tIqUes des silanes (composés organosiliciés ou silicones) 
présentent un grand intérêt pratique. 


$ 98. Combinaisons oxygénées du silicium. L’oxyde de silicium (IT) 
SiO ne se rencontre pas à l’état naturel. On l’obtient en four électri- 
que par réduction de la silice avec du silicium, du charbon ou 
du carbure de silicium: 
SiO, + Si — 28i0 
SiO0: + C = Si0 + CO 
2Si0, + SiC = 3Si0 + CO 


312 CARBONE, SILICIUM, BORE [CH. XI 


L'oxyde de silicium (II) est un corps brun jaunâtre de densité 
2200 kg/m* qui s’oxyde lentement à l'air: 


2Si0 + O, = 2Si0, 
et se dissout facilement dans les solutions alcalines: 
SiO + 2KOH = K,SiOs + H: 


Sous le nom commercial monoz SiO est utilisé pour fabriquer cer- 
taines peintures et pour filtrer l’air (il retient les microbes). C’est 
aussi un isolant. 

L'oryde de silicium (IV) SiO,, solide incolore ne fondant qu'à 
1713 °C, insoluble dans l’eau et les acides (excepté HF), est la com- 
binaison oxygénée la plus caractéristique et la plus stable du sili- 
cium. On connaît plusieurs variétés polymorphes de la silice SiO,, 
dont le quartz, la cristobalite et la tridymite. 


C'est le quartz que l’on rencontre le plus souvent dans la nature. Le quartz 
hyalin, dit cristal de roche, est transparent et incolore. Il existe du quartz enfumé 
(cristal brun ou améthyste brûlée) et violet (améthyste). Le sable ordinaire est 
San Rats de fins grains de quartz. Sa coleration jaunâtre ou rougeâtre témoigne 
de la présence de composés du fer. 


Le quartz reste stable à une température ne dépassant pas 870° Ce 
la cristobalite l’est entre 870 et 1470 °C, alors que la tridymite est 
stable au-dessus de 1470 °C: on rencontre souvent ce minéral dans 
les météorites. Toutes les trois variétés de la silice ont une structure 
analogue: tétraèdre où chaque atome de silicium est entouré de 
quatre atomes d'oxygène: 


O O O0 O 
_o—si—0—$i—0—8—0—8i-0— 
0 0 0  o 
_o—$i—0—$i—0—$i—0—$i—0— 
0 0 0  o 


C'est la structure différente des réseaux cristallins de l’oxyde de 
carbone (IV) à l’état solide et de l’oxyde de silicium (IV) qui détermi- 
ne la différence de leurs propriétés. CO, solide possède un réseau 
moléculaire composé de molécules faiblement liées entre elles, d’où 
la volatilité de CO.. Les réseaux atomiques constitués d’atomes de 
silicium liés entre eux par l'intermédiaire de l'oxygène, se distin- 
guent par leur résistance considérable, ce qui explique la non-vola- 
tilité de SiO, et, comme résultat, l’abondance de la silice dans 
l'écorce terrestre : SiO, libre constitue 12% de sa masse totale, alors 


6 98] COMBINAISONS OXYGENÉES DU SILICIUM 313 


que si l’on considère le silicium et l’oxygène des silicates de roche, 
leur part s’élèvera à près de 43 % de la masse de l'écorce terrestre. 
La silice naturelle n’est pas toujours cristalline : elle se rencontre 
aussi à l’état amorphe: c’est le tripoli (terre à diatomées ou terre 
d’infusoires), masse poreuse à grains fins, formée de restes d’organis- 
mes minuscules. On en trouve des quantités remarquables dans les 
organismes d’animaux et de végétaux: les premiers lui doivent leur 
dureté (écailles des poissons, carapaces des insectes, plumes des 
oiseaux, carapace de tortue, dents) et les seconds, la rigidité de ER 
tiges. 
SiO, finement divisé se dissout aisément dans les solutions alca- 
lines bouillantes, donnant les sels correspondants (silicates) : 


SiO, + 2KOH = K,Si03+ 11,0 


Fondue avec des carbonates ou des oxydes métalliques, la silice- 
forme également des silicates : 


SiOs + CaCO, = CaSiO, + CO,+  SiO, + PbO = PbSiO, 


Acides siliciques et leurs sels. A l’oxyde de silicium (IV) correspond 
une multitude d'acides de formule générale 2xSiO,-yH,0. Les acides 
de cette composition à x >> 1 sont dits polysiliciques. L'acide dimé- 
tasilicique H,Si,0, ou 2Si0,-H,0 en est le plus simple. Lorsque 
z = 1ety = 2, c'est l'acide orthosilicique H,$SiO, ou SiO,-2H,0. 
On n'arrive pas à isoler chaque acide individuel, vu leur faible 
stabilité. 

Les formules des acides siliciques se déduisent de la compo- 
sition des sels naturels. C'est ainsi que l'acide polysilicique 
H ,Si4032(4Si0,-4H,0) correspond au talc (silicate de magnésium} 
Mg:{Si,0,0l(0H),. Tous ces acides sont très faibles. Comme SiO, ne 
se dissout pas dans l’eau, on les obtient d'une façon indirecte. Ainsi, 
en ajoutant de l'acide chlorhydrique à une solution de silicate de 
sodium Na,SiO:, on voit se former, suivant les concentrations des 
solutions utilisées, soit un précipité gélatineux (parfois toute la 
solution devient une masse gélatineuse), soit une solution colloïdale. 
Ce précipité n’a pas une composition chimique déterminée et la for- 
mule H,Si0;, qu'on lui attribue en partant du schéma réactionnel 


Na,SiO, + 2HCI — 2NaCl + H,SiO, 


n'est qu’une convention. 

En réalité, on y est en présence d'un mélange d'acides siliciques- 
zSiO, -yH,0 avec une forte teneur en eau. Chauffé, ce mélange perd 
peu à peu son eau, redevenant, après une calcination prolongée, de: 
l'oxyde silicique SiO,. Une déshydratation partielle du mélange 
gélatineux d'acides siliciques conduit au silicagel, masse solide, 
blanche, très poreuse, d’un grand pouvoir adsorbant. 


314 CARBONE, SILICIUM, BORE (CH. XI 


La surface hydrophile du silicagel (constituée de particules polaires) adsorbe 
énergiquement l'eau et faiblement les liquides non polaires (hydrocarbures, 
éthers, huiles). Le silicagel absorbe également des substances dissoutes dans les 
solvants organiques. L'industrie s’en sert pour capter certains gaz et la vapeur 
d'eau, pour épurer le pétrole et le kérosène. C'est aussi un catalyseur. On en 
fabrique plusieurs types qui diffèrent les uns des autres par la taille et la distri- 
bution des pores. 


Les silicates alcalins qui résultent de la fusion de la silice avec des 
alcalis, ont l’aspect d’une masse vitreuse ; on les a dénommés verre 
soluble à cause de leur solubilité dans l’eau. Industriellement, le 
silicate de sodium Na,SiO, se prépare en faisant fondre du sable avec 
du carbonate de sodium : 


Na,CO, “+ SiO, = Na,SiO, + CO.4 
ou bien avec un mélange de sulfate de sodium et de charbon: 
Na.0 «CO, + SiO, = NasO -SiO, + CO, + 
2Na,S0, + 2810, + C = 2Na,SiO, + 280,1 + CO,+ 


Les silicates alcalins s'’hydrolysent fortement en solution dans 
l'eau (réaction basique): 
2Na,SiO3 + H,0 += Na.Si,0, + 2NaOH 
dimétasilicate 
de sodium 
Si0?- + H,0 = HSiO; + OH- 
2HSi0z = Si,Oÿ- + H,0 


Les solutions aqueuses de verre soluble (verre de silice) sont uti- 
lisées pour imprégner tissus et bois (cela les rend ignifuges), préparer 
des peintures ignifuges à bois. On les emploie comme colles, etc. 

Le verre ordinaire (verre à vitres) se prépare par fusion d'un sable 
siliceux mêlé de calcaire et de carbonate de sodium : 


Na,CO, + CaCO, + 6Si0, = Na,0 -CaO -6Si0, + 2C0,1 
ou bien 
NasO CO, + CaO-CO, + 6Si03 = Naz0 -CaO -6Si0, + 2C0,t 


La fusion du verre est effectuée dans les fours spéciaux à 1400 °C. 
Le verre chaud se solidifie assez lentement, ce qui permet d'en fabri- 
quer par soufflage toutes sortes d'articles (bouteilles, bocaux, verres, 
etc.). 


En faisant varier la composition chimique du mélange vitrifiable, on 
obtient des verres répondant à des exigences déterminer. Ainsi, en remplaçant 
le carbonate de sodium Le le carbonate de potassium K,CO:, on fabrique du 
verre difficilement fusible dont on fait la verrerie de laboratoire et diverses 
pièces d'appareils chimiques. Le cristal contient de l’oxyde de plomb PbO. 
Un tel verre se caractérise par un coefficient de réfraction élevé: on l'utilise 
pour des ouvrages d'art. Le verre à teneur élevée en éléments bore, aluminium, 


$ 98] COMBINAISONS OXYGÈNÉES DU SILICIUM 315 


arsenic et potassium, appelé pyrex, sert à fabriquer une verrerie chimique de 
haute qualité. 

Le verre de quartz qu'on prépare par fusion de quartz SiO, en four électrique 
à 1755 °C, a des caractéristiques très précieuses. Son très faible coefficient de 
dilatation thermique (5,4-10-?7 par 1 °C) le rend insensible aux changements 
brusques de température. On peut, par exemple, plonger un verre de quartz porté 
au rouge dans de l'eau froide sans qu’il éclate. Le verre de quartz laisse bien 
passer les rayons ultraviolets et infrarouges (le verre ordinaire ne laisse passer 
qu'un pour cent environ de rayons ultraviolets). On l'applique donc dans la 
fabrication de lampes à vapeur de mercure, utilisées en médecine comme sources 
de rayons ultraviolets. 

On obtient les verres colorés en additionnant le mélange en fusion de diver- 
ses substances. Ainsi, CoO colore le verre en bleu; Cu.0. en rouge; Cr.0:, en 
vert éclatant. Le verre additionné d'une faible quantité d'argent est jaune, 
alors que l'or lui confère un rouge vif (verre rubis). Encore Lomonossov s'occupa 
des procédés de fabrication de verre coloré. 


Aujourd'hui, le verre ordinaire sert de matière de base pour dif- 
férents matériaux industriels: coton de verre, verre mousse (verre 
poreux pour bâtiment de densité 200 à 500 kg/m°) de bonne insono- 
rité et de bon pouvoir calorifuge. verre à haute résistance trempé 
de façon spéciale (stalinite) et tissu de verre de bonne résistance méca- 
nique pour les vêtements de travail. 

La production de verres se ramène donc à obtenir des silicates 
divers. Conformément au dixième plan quinquennal, l'industrie 
soviétique produit aujourd’hui plus de verres de qualités diverses, 
dont le verre à vitres (verre blanc), le verre poli. le verre athermane 
et divers verres architecturaux et de construction. La verrerie n'est 
qu'une partie de l'industrie des silicates. 

Les silicates naturels sont représentés par l'asbeste (amiante) 
MgalSi,0,0K(OH),, la kaolinite A1 {Si,0,,1(0OH), et autres. Dans la 
nature on trouve le plus souvent des alumosilicates: le feldspath potas- 
sique ou l'orthoclase K{AISi,0.], la muscovite (le verre de AMoscovrie, 
le mica potassique) KATAAISi30,,1(OH, F),. etc. 

Sous l’action de l’humidité et de l’oxyde de carbone (IV) de l'at- 
mosphère, plusieurs minéraux, dont les feldspaths, se détruisent 
Jentement : c'est ce qu’on appelle altération. Au cours de ces modi- 
fications de nouveaux minéraux font leur apparition. par exemple: 


4K[AISisO,] + 2CO0, + 4H30 = 
—_ AÏ,[Si,0,0l(0H}s + 2K;:C0;s + 8SiO; 


C'est donc l’altération et la migration des produits d'altération 
qui sont à l’origine des gisements d'argile, de sable et de certains 
sels. 

Parmi les silicates naturels. les argiles présentent un intérêt pra- 
tique particulier en tant que matière première de divers produits 
céramiques et du ciment. 


On distingue la céramique grossière et la céramique fine. La première englobe 
briques de construction, poterie, produits antiacides et réfractaires. drains, 


316 CARBONE, SILICIUM, BORE [CH. XI 
eu 


tuiles de toit, carreaux de revêtement. Les objets en porcelaine et en faïence 
sont de la céramique fine. 

La céramique grossière est faite d'argiles bon marché où la kaolinite voisi- 
ne avec des quantités considérables d’impuretés de toutes sortes. L'argile est 
cuite à une température relativement basse (inférieure à 1000 °C). Les produits 
de la céramique fine sont façonnés en argile blanche et cuits à 1200-1400 °C. 

Pour obtenir du ciment, un mélange d'argile et de calcaire en proportions 
déterminées est soumis à la cuisson à 1400-1500 °C dans un four à ciment. La 
masse frittée qui en résulte est ensuite réduite en poudre fine. Le ciment est un 
silicate composé où l’on trouve principalement les éléments Ca. Al, Fe. Si. O. 
11 possède la propriété précieuse de former une masse pierreuse à haute résistance 
mécanique quelque temps après avoir été mélangé à du sable et à de l’eau. En 
mélangeant ciment. sable. pierres cassées, gravier, eau et certains additifs, on 
prépare le béton. matériau de construction de ee importante. Le béton 
adhère parfaitement au fer. formant une masse bien solide. On appelle béton 
armé le béton dans lequel sont enrobées des armatures métalliques. 

En U.R.S.S.. au cours du dixième quinquennat on a mis en service des 
unités de production de feuilles en fibro-ciment. tuyaux et carreaux cérami- 
ques, éléments préfabriqués en acier-béton, etc. Le onzième plan quinquennal 
prévoit de porter la production de ciment à 140-142 millions de tonnes vers 
1985 (en 1980 on a produit 125 millions de tonnes). 


BORE 


$ 99. Bore dans la nature. Propriétés et préparation. Les combi- 
naisons naturelles du bore sont principalement l'acide borique H,BO; 
et quelques sels d’acides boriques, tels que les borax Na,B,0,-10H,0. 
L'écorce terrestre renferme 10% % (massiques) de bore. Le bore na- 
turel est constitué de deux isotopes: ;°B (19 %) et !'B (81 %). 

Le bore appartient au sous-groupe principal du groupe TITI de la clas- 
sification périodique des éléments; sa structure électronique est 
15°2s°2p'. Il se trouve immédiatement au-dessus de l’aluminium. 
Dans la deuxième période, les rayons atomiques décroissent lorsqu'on 
passe du bore au carbone, alors qu'ils vont croissant du carbone au 
silicium à l'intérieur du groupe IV, cela fait que les rayons des ato- 
mes de bore et de silicium sont voisins. Le bore diffère sensiblement 
de l'aluminium. tout en présentant de grandes analogies avec le 
silicium. Ïl se combine aux atomes d’autres éléments à l'aide de trois 
liaisons covalentes. Avec certains éléments, le bore forme encore une 
liaison, du type donneur-accepteur. en mettant à la disposition du 
doublet électronique de l'autre atome son orbitale p. Ainsi, le bore 
manifeste, dans ses combinaisons, une valence égale à trois ou une 
covalence égale à quatre. 

Le bore est préparé en réduisant son oxyde par le magnésium ou 
l'aluminium à hautes températures : 


B.0, + 3Mg = 3MgO + 2B 


Après refroidissement, le mélange réactionnel est traité à l'acide 
chlorhydrique. Le magnésium n'ayant pas réagi et l'oxyde de magné- 
sium formé se dissolvent, alors que le bore qui ne réagit pas sur l'aci- 


$ 99] PROPRIÊTÉS ET PRÉPARATION DU BORE 317 


de chlorhydrique. demeure sous forme d'une poudre brun foncé 
(bore amorphe). De même que le silicium, le bore amorphe est soluble 
dans certains métaux fondus (aluminium, etc.). En refroidissant 
cette solution on libère du bore cristallin rouge à éclat métallique. 
La densité du bore amorphe vaut 1730 kg/m* et celle du bore cristal- 
lin 2340 kg/m$. Le bore cristallin est presque aussi dur que le dia- 
mant. C’est un semiconducteur. Sa conductivité électrique se trouve 
multipliée par 30 lorsqu'on fait monter la température de 5 jusqu à 
100 °C et par 100 si la température est portée à 6000 “C. Le bore amor- 
phe fond à 2075 °C et le bore cristallin vers 2300 °C. 

Les propriétés chimiques du bore le font ressembler encore 
davantage au silicium. Le bore cristallin est inerte dans les condi- 
tions ordinaires. Le bore amorphe s’oxyde lentement à l'air: 


4B + 30: —_ 2B:0; 


A chaud, le bore réagit sur tous les éléments d'électronégativité 
élevée : oxygène. halogènes, soufre et azote. Ainsi, le bore amorphe 
porté à 700 ° C brüle à l'air d’une flamme rougeâtre. en formant l’anhr- 
hydride borique B,0;. Dans les conditions de températures élevées. 
le bore se comporte en réducteur même vis-à-vis des oxydes aussi 
stables que P,0;. CO, et SiO, : 


Le bore porté à haute température réduit l'hydrogène de l’eau 
lorsqu'on le met en contact avec de la vapeur d'eau: 


2B + 3H,0 = B:0; + 3H; 


Le caractère réducteur du bore dans ces réactions est dû à la 
chaleur de formation élevée de B,0: (1254 kJ/mol). Le bore peut 
aussi jouer le rôle d'oxydant. Fondu avec des métaux, il forme des 
borures où son degré d'oxydation est égal à —3: 


La composition des borures est tantôt normale (Na,B, Mgs3B:), tantôt 
anomale (AÏB;,, AlB;,s). On y rencontre des liaisons chimiques de types diffé- 
rents (métallique, ionique, covalente). Par leurs propriétés les borures rappel- 
lent les siliciures. Certains borures se caractérisent par une haute dureté, une 
bonne résistance pyroscopique (ils fondent à 3000 °C et plus) et une grande 
inertie chimique, ce qui détermine leurs diverses applications industrielles. 


On connaît des carbures de bore (tel B,C) dont la dureté s'approche 
de celle du diamant. 

Le bore résiste bien à l’action des acides. Il ne se dissout que dans 
les acides oxydants: 


B =. 3HNO, = 3NO; . H3BO; 


acide 
orthoborique 


318 CARBONE, SILICIUM, BORE , [CH. XT 


Ainsi que le silicium, le bore est soluble dans les solutions aqueu- 
ses d’alcalis avec dégagement d'hydrogène : 


2B + 2KOH + 2H,0 = 2KBO, + 3H; 


Avec les halogènes, le bore donne à chaud des composés BX; 
(X = halogène). Les halogénures de bore ont la nature d'halogénures 
d'acide: ils fument à l'air humide en s’hydrolysant : 


Les halogénures BF, et BCIl; sont gazeux dans les conditions 
ordinaires. BBr, est liquide; Bl;, solide. 


Une propriété importante de l’isotope 1°B est la faculté qu'ont ses noyaux 
atomiques de capter les neutrons thermiques lents qui amorcent et propagent 
les réactions nucléaires en chaîne. Cet isotope permet de contrôler le déroule- 
ment de la réaction en chaîne en l'’arrêtant, si nécessaire. Cette aptitude à capter 
activement les neutrons (le noyau de l’atome dé bore possède une place vacante 

our { neutron) permet aussi d'utiliser l’isotope !°B pour la protection contre 
a radiation neutronique. 


Le rôle du bore est grand dans la sidérurgie et la métallurgie des 
métaux non ferreux. En ajoutant à un acier une très faible propor- 
tion de bore (0,0005 à 0,005 %}), on améliore sa pénétration de trempe 
et. par conséquent, sa résistance. Le cuivre est additionné de bore 
pour absorber les gaz qui y sont dissous, ce qui améliore considérable- 
ment la qualité du cuivre. L'amélioration de la tenue à l’usure et de 
la réfractarité des alliages fer-métaux non ferreux additionnés de bo- 
re s'explique par la formation de borures métalliques de haute du- 
reté et résistance. 


Il serait séduisant de pouvoir remplacer les combustibles hydrocarbonés 
par un combustible à base de borures d'hydrogène, vu que la chaleur de com- 
bustion du bore (59 514 kJ/kg) est bien supérieure à celle du carbone 
(32 760 kJ/kg). 

Les combustibles à base de boranes permettraient de réduire les dimensions 
d'un avion pour une même autonomie en distance. En élevant sa vitesse, on 
pourrait augmenter la charge utile et diminuer le parcours au décollage. 


$ 100. Combinaisons hydrogénées du bore. Le bore ne se cobmine 
pas à l’hydrogène de façon directe. Les borures d'hydrogène * (bora- 
nes) sont préparés à l’aide de procédés indirects. Ainsi, l’action d’un 
acide sur le borure de magnésium conduit à un mélange de boranes 
divers où prédomine le tétraborane B,H,,. Les borures d'hydrogène 
sont incolores, gazeux pour les boranes inférieurs, liquides ou solides 
pour les boranes lourds. Très toxiques, ils ont le plus souvent une 
odeur désagréable. Chimiquement, les boranes ressemblent aux si- 
lanes (hydrures de silicium). De même que les silanes, les borures 


* On les appelle aussi hydrures de bore, ce qui est même plus correct, car le 
bore est moins électronégatif que l'hydrogène, si l’on se réfère à l’échelle d'élec- 
tronégativités de la Commission internationale de Nomenclature. (V.d.T.) 


$ 101] COMBINAISONS OXYGÊNÉES DU BORE 319 


d'hydrogène sont instables dans les conditions ordinaires. Le mélan- 
ge de boranes issu de l’action d’acides sur le borure de magnésium, 
s'enflamme spontanément à l'air: 


2B4Hio + 110, — 4B,0; + 10H,0 
Comme les silanes, les boranes sont hydrolysés par l’eau en dé- 
gageant de l'hydrogène: 
B.He, + 6H,0 = 2H,B0, + 6H, 


$ 101. Combinaisons oxygénées du bore. Le bore forme avec l’oxy- 
gène plusieurs oxydes dont le plus important est B,0;. L'oxyde de 
bore (III) B,0; résulte de la combustion à l’air d’un bore porté à 
700 °C. Pratiquement, on le prépare par calcination de l'acide ortho- 
borique (borique): 
2H,B0, = B,0, + 3H,0 


B,0, est un corps incolore hygroscopique qui se dissout dans l’eau 
avec formation d'acide borique : 


B,0; + 3H,0 — 2H,BOs 


L’acide borique H,BO;, substance cristalline incolore, bien soluble 
dans l’eau chaude, est un acide très faible (Xa = 5,8-10-1). A 
chaud, il perd graduellement son eau, donnant l’un après l’autre 
l'acide métaborique HBO,, l'acide tétraborique H,B,0;, et B,0;: 

H,B0O; — HBO, + H,0 4HBO, — H2B40; + H,0 
H,B,0; — 2B,0; + H,0 

Trois acides correspondent donc à l’oxyde de bore (II1): méta, 
tétra et orthoborique, le dernier étant le plus stable. Ses sels sont, 
par contre, moins stables que ceux des acides méta et tétraborique. 
Ainsi, l’action de l’hydroxyde de sodium sur une solution d'acide 
borique conduit non pas à l'orthoborate, mais au tétraborate de so- 
dium : 

2NaOH + 4H,BO, = Na,B,0, + 7H:0 

En présence d'un excès d’alcali, le tétraborate formé se transfor- 

me en métaborate de sodium: 


Na,B40, + 2NaOH = 4NaBO, + H:30 
L’acidification des solutions de tétraborates ou de métaborates 
donne, au contraire, de l'acide orthoborique : 
Na.B,0; + H,S0, —= Na,S0, + H:B,0; 
H,B,0; + 9H,0 = 4H,B0; 


On s’en sert dans la pratique pour obtenir l'acide borique. 
On applique ce dernier en médecine comme désinfectant, ainsi 


320 CARBONE. SILICIUM, BORE , (CH. XI 


que pour tanner le cuir et préparer certains peintures et émaux. 
Parmi les sels des acides boriques, c’est le fétraborate de sodium 
Na,B,0: (borarx) qui présente la plus grande valeur pratique. 


On l’isole à partir de ses solutions dans l’eau sous forme de gros cristaux 
incolores de composition Na,B,0,-10H,0. En élevant progressivement la tem- 
pérature, on voit d’abord partir l’eau de cristallisation, après quoi le borax 
fond en une masse vitreuse transparente. A l'état fondu le borax réagit sur 
divers oxydes métalliques, donnant des sels doubles colorés de l’acide métabori- 
que : 

Na,B,0, + CoO = 2NaBO, + Co(BO:), = Na,Co(BO:), 
bleu 
Cra03 + 3Na.B,0, = Na,Cr:(BO;)a 
vert 


L'aptitude du borax fondu à dissoudre des oxydes métalliques 
détermine son emploi dans le brasage de métaux: on recouvre de 
borax l'endroit à braser et. dès qu'on y touche avec un fer à souder 
bien chauffé, l’oxyde métallique se dissout dans le borax, la surface 
métallique s’en trouve débarrassée et la brasure v adhère parfaite- 
ment. La chimie analytique utilise aussi, parfois, cette propriété 
du borax, pour découvrir quelques métaux dont les oxydes donnent, 
avec le borax, une coloration caractéristique. Le borax s'emploie 
également dans les glaçures appliquées sur la vaisselle en porcelaine 
et en faïence, dans la fabrication de verre de haute qualité, de pein- 
tures-émaux ignifuges, de savons et de détergents. 


CHAPITRE XII 


COMPLEXES 


$ 102. Théorie de la coordination de Werner. Vers la fin du XIX®Ss., 
les chimistes s’aperçurent de l'existence de nombreux composés 
complexes, inexplicables du point de vue des notions sur la valence 
qui régnaient à l’époque. Ces composés furent baptisés complexes. 
En 1893, le chimiste suisse Alfred Werner formula sa théorie qui 
expliquait la structure et certaines caractères des complexes. C'était 
la théorie de la coordination (d’où l’autre nom des complexes com- 
posés de coordination). 

On savait que le sel CoCl, (où toutes les valences de l’ion cobalt 
sont saturées) était capable de fixer une à six molécules d’ammoniac, 
formant des composés bien stables et bien caractéristiques, tel 
CoCl,-6NH;. On savait aussi que les sels Fe(CN), et KCN pouvaient 
se réunir en une molécule complexe, Fe(CN);-3KCN. Une des pre- 
mières définitions données aux complexes fut donc la suivante: 


Le complexe est un produit de combinaison de composés 
simples capables d’exister individuellement. 


Cette définition phénoménologique fut donnée, notamment, par 
Lev Tchougaïev. 

Dans un complexe, tel que CoCIl,-6NH; ou Fe(CN).-3KCN, les 
caractères de ses constituants se trouvent sensiblement modifiés ou, 
même, ne se manifestent pas du tout. Ainsi, aucun réactif analyti- 
que connu n'indiquera la présence d'ions Co* et d’ammoniac libre 
dans une solution aqueuse de CoCIl,-6NH;. Dans la solution de 
Fe(CN);-3KCN, on n'arrive pas à découvrir ni l'ion Fe* ni l’ion 
CN- 


Le sulfate de chrome (III) et les sulfates alcalins forment, par 
cocristallisation à partir de leur solution dans l’eau, des sels doubles 
dits aluns: M,SO,-Cr,(S0,)::24H,0 (M = ion alcalin). Mais 
les aluns se dissocient en leurs constituants dès qu'on les a dissous 
dans l’eau: on ne les considère donc pas comme des complexes. Vu 
l'existence de tels composés, on rajouta à la définition ci-dessus cette 
précision : 

| Les complexes existent à l’état solide comme en solution. 
21—01151 


322 COMPLEXES , (CH. XII 


La théorie de Werner portait, principalement, sur les complexes 
métalliques des éléments d (éléments des décades intercalaires). Ces 
derniers temps, la théorie de la coordination s'applique de plus en 
plus aux combinaisons des non-métaux et il existe déjà une chimie 
des complexes des éléments normaux (non transitionnels). 

Selon la théorie de Werner, c’est l’ion métallique qui occupe la 
position centrale dans un complexe (l'ion cobalt (IIT1) dans le com- 
posé CoCi,-6NH;). On l'appelle ion central ou atome central. Autour 
de l’ion central sont disposés (coordinés) les ligands (coordinats) — 
molécules ou groupes acides: 


"NH: NHs NHs73+ "CN CN CN3- 
Colll NLe14 
Pl NK / | NX 
UNH, NHs NH: CH CN CN 


La coordination des ligands autour de l'ion central est le trait 
distinctif des composés de coordination (complexes). 

On appelle coordinence (indice de coordination) le nombre des li- 
gands disposés autour de l'ion central. Dans les ions complexes con- 
sidérés, l’hexaammine-cobalt (III) et le cyanoferrate (III). les coor- 
dinences sont égales à six. L’ion complexe (sphère interne d'un com- 
plexe) est constitué par l'ion central et les ligands (coordinats) qui 
l'entourent. En représentant un composé de coordination, on met 
entre crochets l'ion complexe: [Co(NH:),]°* ou {Fe(CN).l5-. Les 
autres constituants d'un tel composé sont disposés en dehors 
des crochets. Ainsi, les formules des complexes CoCIl,-6NH, et 
Fe(CN):-3KCN s'écriront {Co(NH:),1Cl; et K:ÏFe(CN),l. La charge 
totale des ions de la sphère externe doit être égale en valeur et con- 
traire en signe à la charge de l'ion complexe: 


07 K+ 
[Co(NH3)61°*CI- K*{Fe(CN)s] 
cr K+ 


Une des idées principales de la théorie de Werner consistait 
ce que le nombre de ligands d’un ioncomplexe devait égaler six 
ou quatre. Fait remarquable, ces coordinences se manifestaient pour 
des ions métalliques présentant de fortes différences de valence, de 
charge et de rayon. Cette généralisation contribua beaucoup à la 
reconnaissance de la théorie de la coordination. Cela permettait 
de prédire aisément la structure et les propriétés de composés nou- 
vellement obtenus. Cependant. déjà à l’époque, on connaissait des 
complexes possédant une coordinence autre que six ou quatre. Tels 
sont, par exemple, les composés du molybdène Na,{Mo(CN),] ou de 
l'argent [Ag(NH.),lCI dont les coordinences valent respectivement 
8 et 2. 


Ss 102] THÉORIE DE LA COORDINATION DE WERNER 323 


Il se peut que les ligands d'un ion complexe soient de nature 
différente, par exemple NH, et CI-. La théorie de la coordination 
permet de prévoir sans difficulté la structure des composés de coor- 
dination correspondants en tenant compte de la constance de l’in- 
dice de coordination. Ainsi, les composés du platine (II) sont tétra- 
coordinés (leur coordinence est quatre). Alors les composés stæ- 
chiométriques PtCIl,-4NH;, PtCL-3NH;, et PtCIL,-2NH; peuvent 
s’écrire comme suit: TPUNH;)lCL, [Pt(NH;);,CI]CI et [PUNH:)2Cl). 
Il est possible de poursuivre la substitution des molécules d'am- 
moniac de l’ion complexe par les ions chlorure suivant les réactions 


K[PINH,CI,] + KCI = K,[PtCL,] + NH, 


On voit donc que les complexes peuvent être cationiques, dont 
l'ion complexe est un cation, anioniques où l’ion complexe est un 
anion, ou non électrolytiques, comme [Pt(NH;),CL]. 

La charge d’un ion complexe est égale à la somme algébrique 
des charges (degrés d’oxydation) de ses constituants. Ainsi, la charge 


de l'ion {Pt2+(NH.)CI,]- est égale à —1 (somme algébrique 
+2 + 0 + 3(—1) — —1. Connaissant la charge de l’ion complexe, 
il est facile de calculer la charge (degré d’oxydation) de l’atome 


Es 0 - 
central. Dans le complexe {Co(NH;),(NO,).CI, l’ion complexe a la 
charge +1, car le complexe entier est neutre, alors que l’ion chlorure 
porte la charge —1. On en déduit la somme algébrique x + 4-0 + 
+ 2(—1) = +1, d'où x = +3. 
A l'état dissous, les complexes se comportent en électrolytes 
forts. Ils se dissocient complètement en cations et anions: 


[PU(NH,)4ICL —+ [PU(NHS) + + 2C1- 
K.{PtCI,] — 2K+ + [PtCI,}2- 


Une telle dissociation est dite primaire. 

Mis en solution, l’ion complexe conserve son caractère d’un tout 
unique. Les propriétés de ses constituants (ions et molécules) diffè- 
rent sensiblement de celles qu'ils ont à l’état non complexé. Par contre 
les ions « externes » ne changent pas: ceux de [Pt(NH;),ICL, sont 
identiques aux ions chlorure dans CaCl, et ceux de K,{PtCl,] aux 
ions potassium dans K,SO,. La dissociation secondaire a lieu lors- 
que des ligands quittent l'ion complexe : 


[PtCI,2- æ PLCI; + CI- 


La dissociation secondaire s'effectue par stades, car l'ion {PtC1,]*- 
est un électrolyte faible. Nous avons parlé des constantes d’équi- 
libre qui caractérisent l'équilibre des solutions d’électrolytes faibles. 
Dans le cas des complexes, ces constantes s’appellent constantes 


o1* 


324 COMPLEXES ‘ [CH. XII 


d’instabilité *. Pour le premier stade de dissociation de l'ion [PtCl,l?-, 
la constante d'’instabilité a la forme: 

— [PtCI:][Cl-] 

#7 [PtCI£-] 


La constante d’instabilité est d'autant plus faible que le com- 
plexe est plus stable (qu’il est moins dissociable). Le deuxième, 
le troisième et le quatrième stade de dissociation s'expriment par 
les équations et les constantes d'instabilité suivantes: 


PLCI; æ PICI,+CI- = CLIN] 


[PtCl;] 
= : [PtCI+}(CI-] 
PICI, = PICHC ko 
: - [Pt2+][C1"] 
+ 2 — 


Le produit des constantes d’instabilité correspondant à chaque 
stade de la dissociation donne la constante totale d'’instabilité 


d’un complexe: 
K = kkkska 


Pour l’ion [PtCl,l?-, l'expression de cette constante se présente 
comme suit: 


__ [Pt?+][Ci] 
dE [PtCIS-] 


En solution, les positions vacantes autour de l'ion central seront 
occupées par des molécules de solvant. La dissociation des ions 
complexes en solution est donc, au fond, une réaction de substitu- 
tion qu’il conviendrait mieux d'écrire de la façon suivante: 

(PtCl,]2- + H,0 = [PtCl,H,0]- + CI- 
[PtCI,H,0]- + H,0 =+ [PtCl,(H:0),1° + Ci- 
[PtCL,(H,0),1° + H,0 = [PtCI(H.0),l* + Ci- 

[PtCI(H,0),]* + H:,0 = [Pt(H,0),41°* + Ci- 

Parfois, en représentant de façon schématique l'équilibre dans 
une solution, on n'écrit pas les molécules du solvant, mais leur pré- 
sence est toujours sous-entendue. On écrit donc souvent PtClz à la 
place de [PtCI:H,0]- ou PtCl, à la place de {PtCI,(H:0),l. Cette 
écriture conventionnelle des particules complexes en solution a 
nécessité l'introduction du terme ligandité. Si l'indice de coordina- 
tion des complexes du platine (II) demeure toujours égal à 4, la 
ligandité de {PtCI,;H,0]-en solution vaut trois, celle de {PtCI,(H:0}] 
deux. 


* La grandeur inverse à la constante d’instabilité est dite constante de stabi- 
lité (ou degré de perfection) d'un complexe. 


& 103] NOMENCLATURE DES COMPLEXES 325 


En phase solide, les complexes ont également tendance à con- 
server constant leur indice de coordination. Ainsi, lorsqu'on chauffe 
le composé {Pt(NH;),ICL, une molécule d'ammoniac quitte l'ion 
complexe : 

[Pt(NH;)4lCls = [PUNH;),ICL, + NH, 


Le site qu'elle a laissé vacant sera occupé par un ion venant de la 
sphère externe : 
[Pt(NH3)slCls = [Pt(NHs),CIICI 


L'étape suivante de la transformation thermique peut s’écrire, 
sous sa forme totale, comme suit: 


[Pt(NH,).CI]CI = [PL(NH,),CL] + NH, 


Un des mérites de la théorie de la coordination est d’avoir in- 
troduit, en chimie minérale, des représentations structurales. A 
l’époque où l’étude aux rayons X était encore inexistante, la théorie 
de la coordination avait permis de justifier la structure spatiale de 
plusieurs complexes connus. En se servant du principe que l’on ap- 
plique à la déduction des structures stériques des composés carbo- 
nés, Werner vint à la conclusion que les complexes hexacoordinés 
avaient une structure octaédrique 


et que les complexes tétracoordinés étaient carrés ou tétraédriques: 


À 
2 N 


$ 103. Nomenclature des complexes. La nomenclature des com- 
plexes la plus usitée est celle recommandée par l’Union internatio- 
nale de Chimie pure et appliquée (IUPAC). En français, on com- 
mence par nommer l’anion, puis le cation. S'il s'agit d'un non- 
électrolyte, on le désigne par un seul mot. Le nom de l’atome central 
est suivi de l'indication de son degré d’oxydation en chiffre romain, 
entre parenthèses. Un ligand neutre a le même nom que la molécule, 
les ligands-anions sont affectés de la terminaison o. On nomme 
d'abord les ligands négatifs, puis neutres. Le nom de la molécule 
d'eau coordinée se termine également par 0. On indique le nombre 


326 COMPLEXES [CH. XII 


de ligands par les préfixes di, tri, tétra, penta, hezxa, etc. Le préfixe 
mono est généralement omis. Le nom de l’ion complexe s'écrit en 
un mot: chlorure d’hexaammine-cobalt (111) {Co(NH;),iCl:; chlorure 
d’aquopentaammine-cobalt (III) {Co(NH:),H,O0ICI,; dibromodiam- 
mine-platine (11) {Pt(NH:).Br,l; trinitrotriammine-cobalt (III) 
{Co(NH3)s(NO:)s] - 

Le mot ammine (avec deux m) ne s'applique qu’à l’ammoniac. 
Pour toutes les autres amines on n’emploie qu’un seul m. 

Lorsque l’ion complexe est un anion, on affecte son nom de la 
terminaison ate :tétrachloropalladate (II) d'ammonium (NH,),{[PtCl,]; 
pentabromoammineplatinate (IV) de potassium K{PtNH,Br,l. 

Dans le cas où les ligands sont des molécules complexes et, sur- 
tout, lorsque leur nom comporte déjà des préfixes (di, tri, etc.), leur 
nombre est indiqué à l’aide des préfixes bis, tris, tétrakis et ainsi de 
suite, par exemple: nitrate de dichloro-bis-(éthylènediamine)- 
cobalt (III) {Co(NH,C,H,NH,),CIL,INO;. Le nom d'un tel ligand est, 
usuellement, mis en parenthèses. 

Lorsqu'un ligand lie deux ions centraux, on fait précéder son 
nom de la lettre grecque pu: 


H: 
N 


D 
(NH;3),Co Co(NHs)a | (NO;)4 nitrate d'octoammine-u-amido-u- 
à hydroxodicobalt (III) 


Les ligands formant pont sont nommés en dernier lieu. 
La nomenclature permet de décrire la structure spatiale des com- 
posés de coordination. On en parlera au paragraphe suivant. 


$ 104. Isomérie des complexes. On appelle isomères les composés 
ayant la même composition quantitative et qualitative, la même 
masse moléculaire, mais des propriétés chimiques et physiques 
différentes. Le phénomène d’isomérie a toujours joué un grand rôle 
dans la création et le développement des théories visant à expliquer 
la structure de composés chimiques. Les faits expérimentaux qui 
témoignaient de l’existence de composés isomères avaient beaucoup 
contribué à fonder la théorie de la coordination. 

On dénombre plusieurs types d’isomérie. Nous n’en considé- 
rerons que les plus répandus. 

Isomérie géométrique. La possibilité d’une isomérie géométrique 
des composés de coordination découlait logiquement des repré- 
sentations spatiales. Si l’on admet que les composés hexacoordinés 
ont la forme d’un octaèdre, il s'ensuit que les complexes de compo- 
sition MA,X, formeront des couples d’isomères, dont on peut 


& 104] ISOMÉRIE DES COMPLEXES 327 


représenter la structure de la façon suivante : 


A X 
A X A A 
A À A A 
A X 
isomère cis isomère trans 


Cis veut dire « à côté » et trans, signifie « de part et d'autre ». 
En effet, dans l’isomère cis les deux ligands X se trouvent l’un à 
côté de l’autre, alors que dans l’isomère trans ils sont disposés de 
part et d'autre du plan de la molécule. 

La nomenclature reflète la structure géométrique des complexes. 
On ns . exemple, cis-Cr(NH;),Cl,ICI ou trans-K{Co(NH;), x 
X (NO:);l. 

L'existence de deux corps isomères de la composition {Pt(NH;),Cl;] 
a permis à Werner d'attribuer aux complexes du platine (II) une 
structure plane-carrée. En effet, la disposition tétraédrique des 
ligands autour de l’atome central ne laisse aux composés de compo- 
sition [MA,X,| qu’une seule forme possible : 


Aucun déplacement des ligands À ou X ne modifiera cette structure 
géométrique. Par contre, les complexes MA,X, possédant une struc- 
ture plane-carrée peuvent présenter deux arrangements différents : 


À A A X 
isomère  cis isomèrè trans 


Isomérie des hydrates. L'exemple classique d’une telle isomérie 
est le cas des cristallohydrates de CrCl;. La composition CrCl;-6H,0 
répond à trois composés qui différent les uns des autres par leur 
couleur et leur conductivité: [Cr(H,0),Cl:l, [Cr(H,0),CIICI, - H,0, 
{Cr(H,0),C1,]CI-2H,0. Ces différences sont dues à la disposition des 
molécules d’eau (tantôt à l’intérieur du complexe, tantôt, en partie, 
sous forme d'eau de cristallisation). 


328 COMPLEXES (CE. XII 


Un autre exemple caractéristique de cette isomérie est fourni 
par les complexes {Co(NH:),NO;KNO:),: H,0 et [Co(NH:),H,01] x 
X (NO). Il est établi que, suivant les conditions, le cristallohydrate 
peut se transformer en aquo-complexe ou inversement. 


8 105. Règle des cycles de Tchougaïev. Effet de chélation. On connaît 
depuis longtemps des complexes comportant des ligands dont la capacité de 
coordination est supérieure à l'unité. On a remarqué il y a longtemps la stabilité 
BRUGES des complexes que l'éthylènediamine forme avec le cobalt et le 
platine. 

L'éthylènediamine NH,CH,CH,NH, renferme deux groupes amine: elle 
occupe donc deux sites de coordination. La divthylènettiomine 
NH,CH,CH,NHCH,CH,NH, en possède trois, pouvant occuper trois sites de 
coordination. Suivant le nombre de sites qu’ils occupent, les ligands sont mono- 
dentés, bidentés, tridentés, et ainsi de suite. Notons qu'un ligand polydenté peut 
PARAEIREE à la coordination avec une partie seulement de ses groupes fonction- 
nels. 

Naturellement, les groupes fonctionnels capables de former des liaisons 
de coordination avec l'ion métallique peuvent être différents. Ainsi la glycine 
(glycocolle) NH,CH,COOH est un bon ligand bidenté. Elle occupe un site 
de coordination avec son groupe amine et un autre avec son carboxyle dépro- 
tone : 


Dans ce complexe, la giycine a donc à la fois le caractère d'un ligand neutre 
et celui d’un reste acide. De tels ligands forment souvent des composés non 
électrolytiques, peu solubles ou bien faciles à extraire à l’aide de solvants 
peu polaires. Ces complexes ont trouvé un large usage en chimie analytique. 

En 1906, Tchougaïev publie une monographie où l'on trouve, pour le 
moins, deux découvertes de taille à enrichir la science chimique mondiale: 
c'est, premièrement, l’énoncé de la règle des cycles et, deuxièmement, la des- 
cription d’une détermination sensible du nickel à l’aide de la diméthylglyoxime. 

La règle des cycles s'énonce comme suit: 


Les complexes dont les ligands forment un cycle fermé, sont plus 
stables que leurs analogues ne comportant pas de cycle. Les cycles les 
plus stables sont ceux a cinq et à six chaînons. 


Ainsi, des deux ions complexes analogues 
CH, — NH, NH; —CH,7 a+ CH;NH; NH,CHs 7 2+ 
NN N 
Cu Cu 
A N 
CH; — NH; NH,—CH,_ _CH»3NH; NH;,CHs_ 


c'est le np à éthylènediamine qui est le plus stable, car il renferme des 
ligands à chaîne fermée (cycle pentagonal). 


et 


$ 105] REGLE DES CYCLES DE TCHOUGAYEV 329: 


La réaction de Tchougaïev est bien connue en chimie analytique. Elle per- 
met une détermination qualitative et quantitative des ions nickel (11) en solu- 
tion par emploi d’un réactif organique, la diméthylglyoxime: 


HO—N N—0OH 


Le nickel (11) forme un complexe de couleur vive par interaction avec deux 
molécules de diméthylglyoxime dont chacune a perdu un proton: 


La stabilité de ce complexe est assurée par deux groupements cycliques- 
rar Aujourd'hui. on sait qu’en plus des deux cycles pentagonaux 
ormés par les azotes oximiques et l'ion nickel, le complexe en question possède- 
deux cycles hexagonaux supplémentaires. formés à l’aide de liaisons hydrogène. 

Tchougaïev a eu le mérite d’avoir lié, pour la première fois, la nature et 
la stabilité des complexes à un groupement atomique concret du ligand organi- 
que. Ces idées sont à l’origine de nombreuses études relatives à la synthèse- 
et à l'emploi analytique des réactifs organiques et des complezones *. 11 est 
bien naturel que les ligands aptes à former plusieurs cycles avec un même ion. 
métallique, possèdent un pouvoir complexant particulièrement élevé. Les 
complexones et la plupart des réactifs analytiques organiques donnent avec les. 
ions métalliques des complexes polycycliques. 

Des données quantitatives sur une meilleure stabilité des complexes à li- 
gands polydentés par rapport aux monodentés n’ont été obtenues que vers les. 
années 1940 : il s’agissait des valeurs des constantes d’instabilité des complexes 
correspondants. 

Les cycles formés par les ligands coordinés autour d’un ion métallique ont 
été baptisés chélates (ce qui veut dire « pince »). Aujourd'hui, on appelle chélates 
ou composés chélatés les complexes qui renferment de tels cycles. Par effet de- 
chélation on entend la différence de stabilité entre les composés chélatés et les 
composés analogues sans cycles. Ces termes et ces notions sont d’un usage très- 
fréquent dans la littérature chimique. 


* On appelle complezones les corps organiques à plusieurs groupes fonction- 
nels dans la molécule. En agissant sur un ion métallique, elles forment plusieurs 
cycles à la fois. Parmi les complexones les plus répandues figure l'acide éthy- 
lènediaminetétracétique (EDTA): 


/ 
HOOC—CH, CH,— COOH 


330 COMPLEXES [CH. XII 


$ 106. Liaison chimique dans les complexes. Il existe plusieurs 
théories décrivant la liaison chimique dans les composés de coor- 
dination. dont celle des liaisons de valencè présente le mérite d’être 
concrète et simple, quant à ses principes fondamentaux. Nous ne 
<onsidérerons donc que cette théorie. 

L'interaction donneur-accepteur entre les ligands et l'atome 
<entral joue un rôle important dans la formation d'un composé de 
Coordination. C'est l'ion métallique qui est. le plus souvent, accep- 
teur, car il possède des orbitales vacantes. Les éléments des décades 
intercalaires (éléments d) doivent être particulièrement riches en 
orbitales vacantes, si l’on tient compte de leurs orbitales d. 

Certaines définitions des complexes reflètent directement le 
rôle important de l'interaction donneur-accepteur entre l'atome 
central et les ligands. Ainsi, selon le chimiste soviétique Nekrassov, 
les complexes sont les composés qui se forment à partir de leurs cons- 
tituants, sans qu'il y ait apparition de nouveaux doublets électro- 
niques. D’autres chimistes appellent composé de coordination le 
produit d'association d’un ion métallique et d’un donneur d'élec- 
trons. 

La théorie des liaisons de valence se fonde pour beaucoup sur 
la conception d'hybridation des orbitales atomiques que l’on doit 
essentiellement, comme nous l'avons déjà dit, à Pauling. Cette 
conception permet d'interpréter les formules structurales d’une 
Feb simple, en termes de la méthode des liaisons de valence 
(v. $ 22). 

Examinons la structure de l’ion complexe [Ag(NH:).]* du point 
de vue de la méthode LV. L'ion argent a la configuration électroni- 


que suivante: 
4d 5s 5p 
CU U LEUR EE 


Cet ion possède sur sa couche de valence des orbitales vides 
qui se comportent en accepteurs de paires d'électrons: 


4d 5s SF 
CDD ELLE EEE 


NH, NE, 


Les orbitales 5s et 5p de l’ion Ag* forment deux orbitales hybri- 
des sp. Le recouvrement des orbitales de l'atome central avec les 
orbitales des molécules d’ammoniac peut être représenté comme 


& 106] LIAISON CHIMIQUE DANS LES COMPLEXES 331 


suit : 


HAN + 
NZ DE 

On traite de façon analogue la structure de l'ion complexe 
{PL(NH;),°*: 


Sd üs 6p 
pe Gone (AAA 4 TT T1 


Pour former des liaisons solides, il est énergétiquement avan- 
tageux de libérer une des orbitales 54 par appariement d'électrons 


| 5d 6s 6p 
Pt**_ (ion complexe) LULU 


od 6s Gp 
CUCDCATEPAENENSTES 


NH; NH3 NH NEs 


[ee cnH,),]" 


Une orbitale 5d, une orbitale 6s et deux orbitales 6p donnent 
quatre orbitales hybrides dsp*. Ces orbitales étant orientées vers 
les sommets d’un carré, la configuration de l’ion complexe est plane- 
carrée : 


HN NH, 
Pt 


HN NH, 


Le ligand dont l'atome donneur possède, dans sa couche de va- 
lence, des doublets d'électrons et des orbitales vacantes, peut être à 
la fois donneur et accepteur. Supposons que dans un atome mé- 
tallique l'orbitale d;:_,: est vacante et l'orbitale d,, est remplie. 
Au cours de l'interaction atome de métal — molécule d'ammoniac, 
le doublet de l’ammoniac s'installe sur l'orbitale d;s-,s Vacante du 


332 COMPLEXES , (CE. XII 


métal. Une liaison simple du type donneur-accepteur se forme entre 
l'atome d'azote et l’atome métallique: 


Dans la molécule de phosphine PH;, l'atome de phosphore dispose, 
en plus d’un doublet électronique non partagé, d'orbitales d vacantes. 
Cela permet au phosphore de former avec un atome métallique une 
liaison donneur-accepteur ordinaire (phosphore —-’métal), ainsi qu’une 
seconde liaison (métal + phosphore) qui résulte du déplacement du 
nuage électronique de l’orbitale d,, du métal vers l’orbitale ana- 
logue vacante de l'atome de phosphore : 


Cette dernière liaison qui appartient également au type donneur- 
accepteur, est souvent appelée liaison n dative. Les orbitales p peu- 
vent également fournir des liaisons datives. Mais les orbitales d, 
suite à leur orientation spatiale favorable, assurent un meilleur 
recouvrement et, par conséquent, des liaisons plus résistantes. 


CHAPITRE XIII 


MÉTAUX 


$ 107. Généralités. Il y a bien longtemps déjà, on divisait les 
corps simples en métaux et non métaux. On considérait comme 
métaux les substances malléables, à éclat « métallique ». Lomo- 
nossov écrivait dans son ouvrage « Principes de la métallurgie »: 
« On appelle métal un corps clair, dont le forgeage est possible. » 
Au fur et à mesure que la chimie se développait, on trouva beau- 
coup d’autres caractères distinctifs inhérents aux métaux. Une 
diagonale tracée du bore à l’astate sépare la classification pério- 
dique en non-métaux (en haut et à droite, excepté les éléments des 
sous-groupes secondaires) et en métaux (en bas et à gauche). Les 
éléments situés au voisinage de cette diagonale, tels Al, Ti, Ga, Nb, 
Sb, ..., présentent des propriétés intermédiaires. Soulignons qu’une 
limite nette entre métaux et non-métaux n'existe pas. Certains 
éléments (Te, As, Sb, Ge) se comportent tantôt comme métaux, tan- 
tôt comme non-métaux, suivant les conditions auxquelles ils sont 
soumis. 

Tous les métaux, à l'exception du mercure, sont solides dans les 
conditions ordinaires. Ils sont opaques et possèdent l'« éclat métal- 
lique » qui provient de leur faculté de réfléchir les rayons lumi- 
neux tombant sur leur surface. Cette faculté est particulièrement 
marquée chez l'argent et l’indium : ces deux métaux servent donc à 
confectionner des miroirs ordinaires, ainsi que des miroirs pour 
projecteurs, phares, etc. Les métaux ne gardent leur éclat que tant 
qu'ils sont une masse compacte. À l'état finement dispersé, la plu- 
part des métaux perdent leur éclat en devenant tout noirs. Les mé- 
taux qui réfléchissent dans une mesure à peu près égale tous les 
rayons lumineux du spectre visible, possèdent une couleur blanc 
argent. L’aluminium et le magnésium gardent leur éclat même 
réduits en poudre. L’aptitude à réflechir les ondes radio conditionne 
leur emploi dans la radiodétection (repérage d'objets de toutes 
sortes dans l'air, sur l’eau et sur le sol). 

Les vapeurs des sels volatils de certains métaux confèrent à la 
flamme d’un brûleur des colorations caractéristiques: violette pour 


334 METAUX  [CH. XIII 


le potassium, jaune pour le sodium, rouge pour le strontium, rouge- 
orange pour le calcium: c'est de là que partent les diverses mé- 
thodes d’analyse spectrale qualitative et quantitative. 

Tous les métaux conduisent la chaleur et l’électricité. Les meilleurs 
conducteurs sont l’argent, le cuivre et l'aluminium. La conducti- 
vité électrique des métaux dépend de la température: elle baisse 
lorsque la température augmente. Les métaux présentant une bonne 
conductivité électrique sont en même temps de bons conducteurs de 
la chaleur. 

Les métaux se caractérisent par certaines propriétés précieuses : 
ductilité, élasticité. résistance mécanique. Ils peuvent changer leur 
forme sous pression, sans se détruire. Cette propriété des métaux permet 
de les laminer ou de les étirer en fil. La résistance et la ductilité 
des métaux sont fonction de la température : lorsque la température 
augmente, la résistance diminue et la ductilité croît. Les métaux dif- 
fèrent nettement les uns des autres par leur dureté. Ainsi. le potas- 
sium et le sodium sont des métaux mous (on peut les couper avec 
le couteau). Le chrome est presque aussi dur que le diamant : il laisse 
des traces sur le verre. La température de fusion et la densité des 
métaux varient, aussi. très considérablement. C'est le mercure qui 
a le point de fusion le plus bas (—38,87 °C), tandis que le tungstène 
fond à 3370 °C. La densité du lithium est égale à 590 kg/m® et celle 
de l’osmium à 22 480 kg/m*. Le comportement vis-à-vis d'un champ 
magnétique varie également suivant les métaux. On distingue dans 
ce cas trois groupes de métaux: 

métaux ferromagnétiques qui s'’aimantent sous l’action d'un champ 
magnétique faible (fer, cobalt, nickel et gadolinium); 

métaux paramagnétiques qui ne s'aimantent que faiblement 
(aluminium, chrome, titane et la plupart des lanthanides); 

métaux diamagnétiques qui ne sont pas attirés par un aimant et 
qui en sont même légèrement repoussés (bismuth, étain, cuivre, etc.). 

A l’état libre, 82 éléments sur 104 possèdent des propriétés phy- 
siques générales caractéristiques des métaux. Îl est naturel de sup- 
poser que les atomes de ces éléments présentent des analogies de 
structure. Les atomes des éléments des sous-groupes principaux 
des groupes Ï à III portent peu d'électrons sur leur niveau énergé- 
tique périphérique (1-3) et, tendant à recouvrer un état plus stable 
(la structure des atomes des gaz rares), abandonnent assez facile- 
ment ces électrons en devenant des ions positifs. Cette particularité 
conditionne la structure originale du réseau cristallin des métaux, 
constituée d'ions positifs et d’atomes neutres occupant les nœuds du 
réseau. Entre les nœuds on trouve des électrons qui n’appartiennent 
à aucun atome déterminé. Les faibles dimensions des électrons leur 
permettent de se déplacer plus ou moins librement à l’intérieur du 
cristal métallique, en passant d’un atome ou ion à un autre atome 
ou ion. Lorsque ces électrons se rapprochent suffisamment d’un 


$ 108] PROPRIÊTES CHIMIQUES DES METAUX 335- 


ion, on assiste à la formation d'un atome neutre qui ne tarde pas 
à se décomposer de nouveau en ions et électrons. Le cristal métallique- 
présente donc un certain équilibre 


Me'+ + ne = Me? 


où z est la multiplicité de la charge ionique. 

Les propriétés caractéristiques des métaux découlent de leur 
structure. Les électrons remplissant l’espace interatomique réflé- 
chissent les rayons lumineux, d’où l'opacité et l'éclat du métal.En 


a) b) C) 


06® O0 2,09 
CROIS 80€ @0 
06 0®@0 0®0 


Fig. 68. Déplacement des couches dans les réseaux crsitallins atomique (a), 
ionique (b) et métallique (c) sous l'effet d'une action mécanique appliquée- 
à un corps solide 


se déplaçant à l’intérieur du réseau cristallin, les électrons assurent 
le transport de l'énergie calorifique entre les couches chauffées et 
froides. Le mouvement chaotique des électrons est régularisé par 
l’action d'une tension électrique appliquée: ainsi le métal conduit 
l'électricité. Une élévation de la température du métal fait croître 
les amplitudes des vibrations des atomes et des ions qui occupent 
les nœuds du réseau spatial. Cela gène le déplacement des élec- 
trons et la conductivité électrique baisse. 

Une propriété bien précieuse des métaux consiste à pouvoir se 
déformer sans destruction, tandis que les solides à réseau atomique 
ou ionique (diamant, chlorure de sodium et autres) sont détruits 
par martelage. Lorsqu'on soumet à un effort mécanique un solide 
à réseau atomique. ses différentes couches se déplacent les unes par 
rapport aux autres, se détachant par suite de la rupture des liaisons 
covalentes. La rupture des liaisons dans un réseau ionique provoque 
une répulsion réciproque des ions à charges de même nom. Bien 
qu'une contrainte mécanique fait déplacer les différentes couches 
du réseau spatial des métaux, leur cohésion est conservée, car les 
électrons peuvent toujours se redistribuer (fig. 68). 


$ 108. Propriétés chimiques des métaux. Les métaux cèdent plus 
ou moins facilement les électrons de la couche périphérique, en 
formant des ions à charge positive. A la différence des non-métaux, 
les atomes métalliques ne fixent pas des électrons pour devenir des 


336 MÊTAUX , [CH XI 


ions négatifs. Cela permet de les considérer comme éléments électro- 
positifs et réducteurs. L'aptitude à céder des électrons varie d'un 
métal à un autre. Un métal cède des électrons au cours des réactions 
Chimiques d'autant plus facilement (son pouvoir réducteur est d’au- 
tant plus élevé) que son atome en possède moins sur son niveau 
énergétique externe. Ainsi, les métaux du sous-groupe principal du 
groupe Ï, dont les atomes ne portent qu'un seul électron sur le niveau 
périphérique, sont les réducteurs les plus énergiques. L’aptitude des 
atomes métalliques à céder des électrons est particulièrement mani- 
feste dans les réactions de déplacement réciproque de métaux de 
leurs sels en solution. Ainsi, le fer se dissout aisément dans une 
solution de sulfate de cuivre en réduisant les ions cuivre: 


——— 920 ——— 
4 +2 ) 
Fe + CuSO, = FeSO, un Cu 


Nombreux sont les métaux qui déplacent l'hydrogène des acides. 
Presque tous les métaux réagissent sur l'oxygène de l’air. Beau- 
Coup donnent cette réaction dans les conditions ordinaires, surtout 
en présence d'humidité. Certains métaux ne sont oxydés par l'oxygène 
de l’air qu'à température élevée et quelques-uns ne le sont pas même 
à très haute température. Dans ce dernier cas, il s’agit des métaux 
dits nobles: or, platine, palladium et autres. On ne peut obtenir les 
oxydes de ces métaux que par voie indirecte. 

Les métaux les plus actifs (alcalins et alcalinoterreux) agissent 
sur l’eau même dans les conditions ordinaires. On peut juger de l’ac- 
tivité d’un métal en considérant son potentiel normal d’électrode 
{v. p. 126). Les métaux peu actifs (Cu, Hg, Ag, Au, etc.) ont des 
potentiels d’électrode positifs, alors que les potentiels des métaux 
plus actifs sont négatifs. 

; v les valeurs des potentiels d’électrode de quelques métaux 
{en : 


<— Augmentation du pouvoir réducteur des atumes métalliques 


Li | Cs K | Na Mg |A Zn | Fe 


—3,04 | —3,01 | 2,0 | -2,8 | —2,71 | 2,5 | 4,6 | 0,76 | —0,44 


Lit | Cst | K+ | Ca* | Na+ | Me’ | Al5* | Zn°* | Fe®+ 


Augmentation du pouvoir axydant des ions métalliques —> 


$ 108] PROPRIÊTÉS CHIMIQUES DES MÊTAUX 3317 


<— Augmentation du pouvoir réducteur des atomes métalliques 


H: 


Ni | Sn | Pb Cu 


Ag | He Au 
—0,25 | —0,14 | 0. | 0,00 | 0,34 | 0,80 | 0,86 | 1,50 


N?+ Sn°* Pb=* 2H* Cu?* AuS* 


Ag* | Hg°* 


Augmentation du pouvoir oxydant des ions métalliques —> 


La série de tensions fournit une idée de l’ordre suivant lequel 
les ions métalliques se déchargent au cours de l’électrolyse. Ainsi, 
les ions cuivre sont beaucoup plus faciles à décharger que les ions 
fer. La série de tensions permet également de juger de l’aptitude 
des métaux à se dissoudre dans les acides et à déplacer les autres 
métaux de leurs sels en solution. La série de tensions caractérise le 
pouvoir réducteur des métaux et le pouvoir oxydant de leurs ions. 
Le pouvoir réducteur d’un métal est d’autant plus élevé et le pouvoir 
oxydant de ses ions l'est d'autant moins que la valeur algébrique 
de son potentiel est plus basse. Parmi les métaux figurant ci-dessus, 
le lithium métallique est le réducteur le plus fort et l'or. le plus 
faible. Inversement, Li* est l’oxydant le plus faible et AuS*,l’oxy- 
dant le plus fort. 

Il ne faut pas oublier que la série de tensions ne permet de juger du 
pouvoir réducteur ou de l’activité chimique des métaux que dans 
le cas des réactions d'oxydoréduction se déroulant en milieu aqueux. 
« A sec », le césium est notablement plus actif que le lithium. Ainsi, 
le césium s’enflamme spontanément à l'air, ce qui n’est pas le cas 
pour le lithium. Dans les réactions, le sodium est plus actif que 
le calcium. Cela est conforme à leurs situations respectives dans la 
classification périodique. Pourtant, en milieu aqueux, le pouvoir 
réducteur du sodium est inférieur à celui du calcium, si l’on en juge 
d’après leurs tensions rédox. Bien que Cs* et Li* aient les mêmes 
charges, le rayon de Li* est considérablement moins important (l’ion 
lithium ne renferme qu'une seule couche électronique, tandis que 
l'ion césium en possède cinq). Voilà pourquoi l'attraction exercée 
sur les molécules polaires d'eau par un ion lithium se trouvant à 
la surface du métal est plus forte que celle exercée par un ion césium. 
Cela favorise la dissolution du lithium. Par conséquent, la varia- 
tion du pouvoir réducteur de ces métaux en milieu aqueux ne corres- 
pond pas à la variation de leur activité à l’air. 

Il découle des valeurs des potentiels d’électrode que tous les 
métaux situés à gauche de l'hydrogène dans la série de tensions doi- 


22—01151 


338 MÉTAUX _ [CH. XII 


vent le déplacer des acides dilués. Pourtant, en pratique, ce dé- 
placement ne se réalise pas toujours. Le plomb ne se dissout pas 
dans l’acide sulfurique dilué, bien qu’il précède l'hydrogène dans 
la série de tensions. La réaction débute suivant le schéma 


Pb + H.S0,—+ PbSO, + Hot 


mais ne dure pas longtemps, car le plomb métallique se revèt d’une 
couche protectrice de sel PbSO,, peu soluble, qui interdit l’accès 
de la surface du plomb aux ions hydrogène. 

L’activitéchimique considérable des métaux (susceptibilité à l’oxy- 
dation par l'oxygène de l’air, interaction avec l’eau et les acides, 
ainsi que, pour certains métaux, avec les alcalis, interaction avec 
des solutions de sels) fait que les métaux ne se rencontrent dans 
l'écorce terrestre que, principalement, à l’état combiné: oxvdes, 
sulfures, sulfates, chlorures, carbonates. 

On ne trouve à l’état libre que les métaux situés à droite de 
l'hydrogène dans la série de tensions (argent, mercure, or, platine 
et certains autres). Ces métaux (tel l’or) peuvent être tirés des roches 
par voie mécanique. 


$ 109. Extraction des métaux de leurs minerais. La plupart des 
métaux sont produits par traitement chimique approprié de leurs 
composés faisant partie des roches (minerais). 

On appelle minerai une formation minérale naturelle qui cou- 
tient des métaux en telles combinaisons et concentrations qui justi- 
fient, techniquement et économiquement, l'extraction des métaux 
purs. Les minerais dont on n'extrait qu'un seul métal, sont appelés 
simples ou monométalliques (minerai de fer). Les minerais fournissant 
plusieurs métaux sont dits complexes, tels les minerais plombo-zincifè- 
res. Des minerais complexes on tire parfois des métaux rares. 

On distingue, de plus, des groupes de minerais suivant l'oxydant 
auquel le métal s'y trouve combiné. D'après ce critère les mine- 
rais sont subdivisés en oxydés, carbonatés, phosphatés. silicatés, 
alumosilicatés, sulfurés, halogénés. Les minerais oxydés simples sont 
constitués par des minéraux tels que le rutile TiO,, la pyrolusite 
MnO,, la cassitérite SnO... 

Outre les minerais oxydés simples, on rencontre dans la nature 
des minerais orydés composés qui comportent des combinaisons de 
deux oxydes, dont l'un à caractère basique et l'autre à caractère 
amphotère ou acide. Ainsi, la magnétite (ferroferrite) Fe;0, est cons- 
tituée d’un oxyde basique, FeO, et d'un oxyde amphotère, Fe,03. 

+2 +3 
Par conséquent, Fe:0, ou FeO:-Fe,0;, est un oxyde mixte qui est 
+2 +3 
en même temps un sel : FeO + Fe,0;, — Fe(FeO.),. Le minerai oxydé 
composé qui renferme le minéral Fe(CrO,), ou FeO-Cr,O; (chromite) 
fournit l'exemple d’un autre oxyde salin (sel de l'acide chromeux). 


& 109] EXTRACTION DES METAUX DE LEURS MINERAIS 33% 


Les combinaisons oxyde métallique-oxyde non métallique que 
l’on rencontre dans la nature, sont! aussi des sels d'acides déterminés. 
(CaO-CO, ou CaCO; par exemple). 

Les minerais carbonatés comportent des oxydes métalliques com- 
binés à l’oxyde de carbone (IV): MeO:CO.. Dans cette catégorie, 
on trouve les minerais constitués de minéraux tels que la magnésite 
MgCO;, la sidérite (fer spathique) FeCO;, la malachite CuCO,; - Cu(OH).. 

Les roches sulfatées et phosphatées qui comportent des sels des 
acides sulfurique et phosphorique, ne sont pratiquement pas uti- 
lisées pour obtenir des métaux, car là il est très difficile d'extraire le 
métal pur (il renfermera toujours du soufre ou du phosphore qui 
ont un effet négatif sur la qualité du métal). 

Les roches silicatées et alumosilicatées contenant des sels d’acides 
polvsiliciques, se caractérisent par leur stabilité remarquable. On 
n’en extrait que les métaux que l’on ne trouve pas dans la nature 
sous forme d’oxydes ou de sels d’autres acides. 

Les minerais sulfurés comportent des sulfures et des polysulfures. 
Ces minerais sont constitués par les minéraux tels que la pyrite Fes,, 
la chalcopyrite (pyrite à cuivre) CuFeS,. la sphalérite (blende de zinc} 
ZnS, la galène (plomb sulfuré ou blende cristallisée) PS. 

Dans les minerais halogénés, on trouve le plus souvent des sels de 
l'acide chlorhydrique: l’halite (sel gemme ou chlorure de sodium) 
NaCI, la sylvine KCI, la carnallite KCI-MgCl,-6H,0. On en extrait 
des métaux légers. 

C'est le processus de réduction qui permet d'isoler les métaux 
de leurs combinaisons contenues dans les minerais: 


Me'* + ne — Me? (Me = métal) 


Les procédés dont on se sert pour obtenir un métal à l’état libre- 
à partir de ses minerais naturels, sont divers. 

19 Méthode pyrométallurgique. C’est la réduction des métaux com- 
binés à température élevée, à l'aide de charbon, d'oxyde de car- 
bone (IV). d'aluminium ou d'hydrogène. On utilise la calcination 
en présence de carbone pour réduire l'étain de la cassitérite SnO, 
ou le cuivre de la cuprite Cu,0O: 


SnO;3 + 2C = Sn + 2C0  Cu,0 + C — 2Cu + CO 
Les minerais sulfurés sont calcinés «en vase ouvert» et puis. 
réduits à l’aide du charbon: 
27nS + 30, = 2Zn0 + 2S0,  ZnO + C — Zn + CO 
| Dans le cas des minerais carbonatés, les métaux sont extraits: 
également par carbonisation en présence de charbon. car ces mi- 


nerais se décomposent à chaud, donnant des oxydes. Ces derniers se 
réduisent par l’action du charbon: 


MeCO, = MeO + CO,  MeO + C — Me + CO 


19e 
- 


340 MÊÉTAUX | [CH. XIII 


Cependant, le charbon (coke) ne réduit que les métaux dont les 
carbures ne sont pas très stables. Dans le cas contraire, on emploie 
l'hydrogène : 

WO, + 3Hs = W + 3H,0 
Mo0O;3 + 3H, = Mo + 3H,0 


L'extraction de tels métaux est également possible par métallo- 
thermie: réduction d’un métal oxygéné par un métal plus actif, 
ayant une plus grande affinité pour l'oxygène. Dans ce cas, on uti- 
lise souvent l'aluminium dont l'oxyde se forme en dégageant une 
grande chaleur (4Al + 30, = 2A1,0; -- 1676 kJ/mol). Seuls le 
béryllium, le magnésium et le calcium sont supérieurs à l'aluminium 
sous ce rapport. 

Lorsque l'aluminium réagit sur un oxyde métallique présentant 
une moindre chaleur de formation, la chaleur dégagée au cours de la 
réaction est suffisante pour réduire le métal oxydé: 


CroOs + 2A1 — 2Cr + ALO; 
3MnO, + 4A1 = 3Mn + 2A1,0, 


Un bon rendement en métal réduit est atteint lorsque la chaleur 
dégagée au cours de la réduction est de l’ordre de 2310 kJ par kilo- 
gramme de charge. Cette chaleur assure la fusion du métal et de la 
charge. 

2 Méthode hydrométallurgique qui consiste à extraire les mé- 
taux à partir de leurs minerais à l’aide de réactifs (H,SO,, KCN, 
etc.) donnant des combinaisons solubles dans l’eau. Les solutions 
obtenues sont ensuite traitées de façon à en isoler le métal à l’état 
libre. Ainsi, au cours du traitement à l'acide sulfurique dilué d'un 
minerai renfermant CuO, le cuivre passe en solution sous forme de 
sulfate : 


CuO + H,S0, = CuSO, + H,0 


Puis, on l’en extrait soit par électrolyse, soit en le déplaçant 
du sulfate par le fer: 


CuSO, + Fe = Cu + FeSO, 


On utilise la même méthode pour préparer l'argent, le zinc, le 
cadmium, le molybdène, l'uranium. 

3° Electrothermie qui consiste à réduire les métaux légers actifs 
(tels que K, Na, Ca, Mg, Al) des chlorures, oxydes ou hydroxydes 
fondus par l'intermédiaire du courant électrique (électrolyse). 
L'électrolyse sert également à purifier certains métaux. 

On voit donc que tous les procédés d'obtention des métaux à par- 
tir de leurs combinaisons sont basés sur des processus d’oxydoré- 
duction. 


$ 110] ALLIAGES 341 


$ 110. Alliages. Les métaux purs ont beaucoup moins d’appli- 
cations pratiques que leurs alliages. Cela est lié au fait que les allia- 
ges ont souvent de meilleures caractéristiques techniques que les 
métaux purs. Ainsi, le laiton (alliage de cuivre et de zinc) est sen- 
siblement plus dur que le cuivre ou le zinc. En règle générale, les 
alliages fondent plus bas que les métaux de départ. Les points de 
fusion respectifs du sodium et du potassium valent 97,5 et 62,3 °C, 
alors que l’alliage comportant 56 % (massiques) de Na et 44 % 
(massiques) de K, fond à 19 °C. De même, les résistivités électriques 
des alliages et des métaux qui les constituent présentent des écarts 
considérables. Si la résistance spécifique du nickel est égale à 7:10-% 
et celle du chrome à 15-10”*, sa valeur atteint 110-10-$ Q-cm pour 
le nichrome, alliage qui comporte 80 % (massiques) de Ni et 20 % 
(massiques) de Cr. L'industrie utilise aujourd’hui un grand nombre 
d'alliages très divers à caractéristiques définies d'avance, obtenus 
à partir d'une quarantaine d'éléments chimiques en différentes 
combinaisons et proportions. 

La possibilité même d'obtenir des alliages découle de la faculté 
qu'ont les métaux fondus de se dissoudre l’un dans l’autre et de 
former des mélanges en se solidifiant après refroidissement. Les cas 
typiques suivants sont alors possibles. 

1° Les métaux fondus sont miscibles entre eux en toutes pro- 
portions en se dissolvant l’un dans l’autre de façon illimitée. C'est 
le cas des métaux à réseaux cristallins de même type, ainsi que de 
ceux dont les atomes ont des dimensions voisines. Le refroidissement 
de tels mélanges conduit à la formation de solutions solides. Ce sont 
Ag-Cu, Cu-Ni, Mn-Fe, Ag-Au, Pt-Au, par exemple. 

2° Les métaux fondus sont miscibles en toutes proportions, mais 
la masse solide qu'on obtient après refroidissement est constituée 
de petits cristaux de chaque métal formant alliage. Ces cristaux sont 
facilement observables à l’aide d’un microscope. Ce phénomène est 
caractéristique des alliages Pb-Sn, Bi-Cd, Ag-Pb par exemple. Ces 
alliages hétérogènes ne sont pas des solutions solides. 

3° Mélangés, les métaux fondus entrent en réaction donnant des 
combinaisons chimiques dites intermétalliques. C'est le cas, par 
exemple, des métaux Cu et Zn, Zn et Hg, Ag et Zn, Na et Pb. 
Généralement, les métaux ainsi combinés n’ont pas la même valence 
que dans leurs combinaisons avec des non-métaux (Cu.,Sn, Zn:Hg, 
Ag,2ns). 

A chacun des types d’alliages ci-dessus répond une structure 
déterminée du réseau cristallin. Dans le réseau cristallin d’une solu- 
tion solide, les différents atomes se trouvent confondus. Certains 
atomes du métal-solvant se voient remplacer, dans son réseau cristal- 
lin, par des atomes du métal dissous. Ce phénomène a lieu lorsque 
les atomes des deux métaux ont des dimensions voisines. Si la diffé- 
rence est plus importante, les atomes du métal dissous occupent 


342 MÊTAUX (CH. XIII 
oo 


‘non pas des nœuds du réseau cristallin, mais des sites intersti- 
tiels. 

L'industrie se sert très largement des alliages, vu la possibilité 
-de faire varier leurs propriétés. L’incorporation de faibles quantités 
de certains métaux rares revêt une grande importance, car ainsi 
On obtient des alliages très durs, résistants et élastiques. Ainsi, en 
incorporant seulement quelques millièmes de pour cent de chrome 
à un acier ordinaire au carbone, on améliore très sensiblement sa 
résistance et sa dureté. Le cuivre, le nickel et le fer, additionnés d’un 
peu de béryllium, deviennent très durs. 


$ 111. Corrosion des métaux. L'’interaction des métaux avec le 
milieu ambiant conduit à la formation, à leur surface, de combi- 
maisons à propriétés différant nettement de celles du métal en ques- 
tion. Chimiquement, il s’agit là d’oxydoréduction. 

On appelle corrosion le processus spontané et irréversible de des- 
truction d’un métal qui engendre des combinaisons chimiques sous 
T'effet chimique du milieu ambiant, tout en changeant les propriétés 
physiques et chimiques du métal. La vitesse de la corrosion est 
fonction de la nature du milieu. Dans l’atmosphère ordinaire, les 
métaux sont détruits par l’action de l'oxygène, de l’azote, de la va- 
peur d’eau ou de l’oxyde de carbone (IV). Dans l’industrie, les mé- 
taux peuvent être attaqués par des substances plus corrosives: alca- 
lis, oxydes d'azote ou de soufre, acides et halogènes. Si l’on tient 
également compte des températures et des pressions élevées caracté- 
ristiques des procédés industriels, on comprendra que dans ces condi- 
tions la vitesse de la corrosion des métaux peut s’accélérer très no- 
tablement. 

Cependant, des métaux différents placés dans un même milieu, 
n'ont pas tous la même stabilité à la corrosion. L’aluminium, l'étain, 
le zinc, le plomb se recouvrent, dans l’atmosphère ordinaire. d'une 
couche compacte qui leur évite le contact de l’air. Le fer se recouvre 
à l’air d’une couche poreuse d’oxydes, hydroxydes et sels de fer, 
perméable à l’air. Voilà pourquoi le fer est vite corrodé. En certains 
milieux, la corrosion est possible même pour des métaux peu actifs 
ou relativement inertes. Ainsi, l’argent noircit au contact d'un air 
renfermant du sulfure d'hydrogène : 


4AG +- 2H,S + O2 — 2Ag:S + 2H:0 


On fait une distinction entre la corrosion chimique et la corrosion 
électrochimique. 

Corrosion chimique. Elle se produit en l'absence d’électrolytes et, 
le plus souvent, à températures élevées, par transition directe d'’élec- 
trons du métal à d’autres corps se trouvant dans le milieu ambiant. 
&£lle peut résulter de l’action de la vapeur d’eau sur le métal, à tem- 


g 111] CORROSION DES METAUX 343 
ss) 


pérature élevée : 
3Fe + 4H,0 = 4H, + Fe,O, 


en] 


à +2 +3 
2Fe-Fe +  4H,0=4H,-+Fe0-Fe.0; 
+ 


soit 


Le 


On connaît deux variétés de la corrosion chimique. 

1° La corrosion atmosphérique est due à l'effet des gaz de l’at- 
mosphère (0,, N:, CO.) et d'impuretés accidentelles. La vapeur 
d’eau (constituant de l’atmosphère) forme à la surface métallique 
une fine couche d'humidité qui favorise la corrosion. Les équations 
ci-après correspondent respectivement à la corrosion atmosphérique 
du zinc, du lithium et du fer: 


U— he 


e +2-2 
2Zn + O: au 2Zn0 
— -6e SE 
À +1 -3 
6Li “+ N, — 2Li,N 


2€ 


U +2 0 
Fe + CO; + H:0 — FeCO; + H: 


2° La corrosion par les gaz se produit au contact des gaz corrosifs 
(SO;, CL, oxydes d'azote). Ainsi, dans les usines, les dépôts de loco- 
motives, sur les ponts de chemin de fer, SO, s’oxyde dans la couche 
humide à la surface métallique, donnant de l’acide sulfurique qui 
détruit le métal. La corrosion est particulièrement rapide lors de 
l'intervention du fluor ou du chlore: 


ee 
2Fe + 3C1l, —+ 2FeCls 


—— 6e 


Corrosion électrochimique. La corrosion de ce type est responsable 
des plus grandes pertes de métaux. Elle se produit en présence d’un 
électrolyte par transitions électroniques entre différents endroits 
du métal. 

Les métaux et les alliages ne sont pas tout à fait homogènes. 
Lorsqu'ils entrent en contact avec un électrolyte (acide, base, sel), 
certains sites de la surface se comportent en anode (cèdent des élec- 
trons) et d'autres (inclusions de toutes sortes) jouent le rôle de catho- 
de. Une multitude de paires microgalvaniques se crée ainsi à la sur- 


344 METAUX (CH. XUI 
oo mm" + 


face du métal. Plus le métal est hétérogène, plus sa destruction en 
milieu électrolytique est rapide. L'expérience représentée sur la 
figure 69 illustre le principe de la corrosion électrochimique. On 
plonge, dans un tube en U rempli de NaCl en solution, une tige de 
fer et une tige de cuivre réunies entre elles par l'intermédiaire d'un 
conducteur en cuivre qui passe par un gal- 
vanomètre. L'aiguille du galvanomètre est 
déviée en direction de la tige de cuivre. Il y 
a donc. dans le conducteur de cuivre, un 
flux d'électrons dirigé du fer vers le cuivre: 
Fe—2e + Fe*t. On peut détecter des ions 
Fe** dans le coude gauche en y introduisant 
du ferricyanure de potassium (réactif de 
Fe?*) qui donnera une coloration bleue. En 
ajoutant une solution de phénolphtaléine 
dans le coude droit, on voit apparaître une 
Solution de NaCI coloration cramoisie qui témoigne de la pré- 
Fig. 69. Corrosion élec 2 0CE d'ions OH”, issus de la réaction 
trochimique du fer au O2 + 2H,0 + 4e + 40H. La tige de ciuvre 
contact du cuivre qui fournit les électrons constitue donc la 
cathode et la tige de fer l’anode. Les anions 
OH- apparaissent en solution suite à la réduction de l'oxygène dis- 
sous dans l’eau par les électrons qui arrivent sur la tige de cuivre. 
Les cations Fe** réagissent en solution sur les anions: 


Fet+ + 20H- + Fe(OH). 
4Fe(OH)}; + O2 + 2H,0 — 4Fe(OH), 


Peu à peu on voit se déposer au fond du tube de la rouille, com- 
posée principalement de Fe(OH).. 

La corrosion électrochimique est donc un phénomène d’oxydoré- 
duction qui se produit lors du contact de deux métaux ou bien à la 
surface d'un métal contenant des impuretés qui jouent le rôle d’un 
métal moins actif. A l’anode (métal plus actif), il y a oxydation des 
atomes métalliques avec formation de cations (dissolution). À la 
cathode (métal moins actif), il y a réduction fournissant des anions 
correspondants ou des atomes d'hydrogène formés à partir de ca- 
tions H*. Les métaux purs présentent une meilleure résistance à 
la corrosion. 


Ainsi, il existe à Delhi (Inde) une colonne qui ne «e rouille pas. On l'obser- 
ve depuis plusieurs siècles. Rien ne la détruit: ni la pluie. ni le soleil. ni les 
rayures qu'on y laisse exprès. Selon les savants, cette stabilité est due, première- 
ment. aux conditions climatiques particulières et, deuxièmement, à la pureté 
exceptionnelle du fer dont cette colonne est faite. 


Un métal ou un alliage subit une corrosion électrochimique lors- 
que sa surface est recouverte d’une couche d’électrolyte et qu'il y a 


$ 111] CORROSION DES MÉÊTAUX 345 


contact entre deux métaux d'activité chimique différente. Le rôle 
de métal moins actif peut être joué par un non-métal ou une combi- 
naison chimique. On a schématisé sur la figure 70 les processus élec- 
trochimiques qui se produisent dans le fer galvanisé et le fer-blanc 
Jorsque leur couche protectrice présente une rupture. 


— y [HO ENT LOUE 


7 LUZ 7 


4 
2 


Fig. 70. Processus électrochimique résultant d'un défaut de la couche protec- 
trice dans le fer-blanc (a) et le fer galvanisé (b) 


Dans le fer galvanisé (v. fig. 70, b) des électrons passent du zinc 
au fer: 


Zn — 2e —+ Zn°*+ 
Zn°* + 20H- —+ Zn(OH); 


A la surface du fer on voit se décharger des ions hydrogène : 
2H+ + 2e = He 


Ainsi, la rupture de la couche de zinc du fer galvanisé conduit 
à la destruction de cette couche protectrice, car le zinc est plus actif 
que le fer. 

Dans le fer-blanc (v. fig. 70. a) à couche protectrice rompue, des 
électrons passent du fer à la surface de l’étain: 


Fe — 2e —+ Fe°+ 
Fe2+ + 20H- —+ Fe(OH), 
Les ions hydrogène se déchargent à la surface de l’étain: 
2H+ —+ 2e — H: 


Dans ce cas, la couche de protection demeure intacte: c'est le 
fer qui subit la destruction. Les endroits où la couche d'étain est 
rompue se recouvrent de rouille sous forme de points brun-rouge. 
Plus tard, on voit apparaître des trous. 

La vitesse de la corrosion électrochimique dépend : 1° des situa- 
tions respectives des métaux en contact dans la série de tensions: 
la corrosion est d'autant plus rapide que les métaux formant le 
couple électrochimique sont plus éloignés l’un de l’autre dans la 


346 MÉÊTAUX [CH. XHIT 


série de tensions ; 2° de la composition de la solution électrolytique 
baignant le métal: plus elle est acide et plus elle renferme d’oxy- 
dants, plus grande est la vitesse de corrosion. La corrosion s'accélère 
notablement avec élévation de température. 


La corrosion électrochimique attaque les tuyauteries et les câbles électri- 
‘ques enterrés par action de courants « vagabonds ». Ces courants résultent du 
fonctionnement des transports électrifiés (trains électriques. trams. métro) 
des machines de soudage électrique, etc. Certaines substances actives qui se 
trouvent dans le sol à l’état dissous (sels, acides) favorisent cette corrosion. 


Les phénomènes corrosifs irréversibles causent un grand pré- 
judice à l’économie nationale. Les pertes de fonte et d'acier dues à la 
corrosion se comptent par dizaines de millions de tonnes. Les cons- 
tructions mécaniques y sont particulièrement sensibles: une seule 
pièce corrodée peut mettre hors de service toute une machine. La 
corrosion fausse les indications des appareils et déstabilise leur 
fonctionnement, elle met hors d'usage des appareils électriques. La 
protection des métaux contre la corrosion est donc un problème de 
première importance pour la technique, l’industrie, l’agriculture. 

Protection des métaux contre la corrosion. Des mesures de protection 
contre la corrosion sont prévues au stade de projet et au cours de la 
fabrication de différents objets en métal. Tout objet métallique doit 
avoir une surface bien lisse et sans fissures: l’humidité ne pourra 
s’v accrocher et l'effet de la corrosion s’en trouvera réduit. 


Pour protéger le métaux ou les alliages soumis à des hautes températures, 
on y allie, en surface ou en volume. d'autres métaux. A haute température, 
du chrome ou du nickel alliés à l'acier se déplacent par diffusion vers sa surface 
pour y former une couche d'oxyde. plus stable que Cr,0, sur le chrome pur. 
Un procédé répandu est l’alliage en surface : la surface d’un alliage est saturée 
en métal (ou, parfois en non-métal) formant une couche résistante d'oxyde (alu- 
minium, chrome, etc.). 

La saturation s'effectue par déposition sous vide ou par rechargement du 
corps à allier. Ensuite, on procède obligatoirement à un traitement thermique. 
Parfois, ce traitement donne des composés intermétalliques. C'est ainsi qu'en 
saturant en silicium la surface du molvbdène et en la soumettant ensuite au 
traitement. on obtient le composé MoSi, qui protège le métal contre l'air. 


Pour protéger contre la corrosion les articles en métal au cours 
de leur utilisation, on a recours aux procédés suivants. 

1° On graisse les articles en métal avec des huiles inoxydables. 
Ces dernières, liquides à chaud, mouillent bien le métal et, en se 
figeant, forment à sa surface une couche qui l’isole du milieu am- 
biant. Pour assurer une meilleure protection, ces graisses sont addi- 
tionnées d'inhibiteurs. 

2° On recouvre la surface métallique de composés macromolécu- 
laires en solution dans un solvant à bas point d’ébullition. Une fois 
le solvant évaporé, la surface du métal se trouve revêtue d’un film 
polymère qui ne laisse pas passer les oxydants. 


g {tt} CORROSION DES METAUX 347 


3 On applique à la surface métallique un pigment (substance 
colorante) en solution dans l'huile cuite (huile végétale partielle- 
ment oxydée). En couche mince, l'huile cuite est vite oxydée par 
l'oxygène atmosphérique, formant une pellicule compacte sur le 
métal. 

4% On crée à la surface métallique une couche d'oxyde que l’oxy- 
gène atmosphérique n'arrive guère à pénétrer. Une telle oxydation 
se fait par voie thermique, chimique ou électrochimique. 

Dans le procédé thermique, on soumet le métal à une haute tem- 
pérature : l'oxydation donne une couche d'oxyde protégeant le métal, 
mais ce dernier subit une certaine déformation. Le procédé thermi- 
que est donc d’un emploi très restreint. 

Le procédé chimique consiste à oxyder une pièce métallique à une 
température plus basse que précédemment, à l’aide d'un oxydant 


approprié (c’est ainsi qu'on applique sur des pièces en acier un re- 
vêtement noir résistant). 


La pièce en acier. soigneusement dégraissée et débarrassée des pellicules 
d'oxyde, est plongée dans un mélange de solutions — NaOH (800 gl). NaNO: 
(50 g/l), NaNO, (200 g'1) — porté à 140 °C. Le nitrate et le nitrite oxydent la 

ièce. La formation de la couche d'oxyde dure 20 à 90 mn. Puis la pièce est 
avée dans l'eau courante et enduite de graisse. L'acier ainsi traité est dit bruni. 


5° On applique également des revêtements métalliques. Pour le 
faire, on utilise soit des métaux protégés par une pellicule résistante 
due à l’action de l'air ou d’autres oxydants (Al, Zn, Sn, Cr, Pb, 
Ni), soit des métaux peu réactifs (Au, Ag, Cu). Il existe deux mé- 
thodes pour appliquer les revêtements métalliques: thermique et 
électrochimique. 

Le procédé thermique est utilisé lorqsu'il s’agit de porter un revète- 
ment en métal facilement fusible sur un métal à point de fusion plus 
élevé. Pour déposer un tel revêtement sur une tôle d'acier, on la 
plonge dans un bain de métal fondu (Sn, Zn, Pb). Avant et après 
l'immersion dans le métal liquide, la tôle passe à travers une couche 
de flux ou d'huile qui protège sa surface contre l'oxydation immé- 
diate. Le zinc et l'étain mouillent bien l'acier. Quant au plomb, on 
améliore son pouvoir mouillant en l’additionnant d’un peu d'étain. 

Dans le procédé électrochimique on plonge dans un bain rempli 
de solution aqueuse d’un sel du métal à déposer (par exemple, NiSO.) 
une plaque de ce métal (Ni) qui sert d’anode et la pièce à revêtir 
qui sert de cathode. Lorsqu'on fait passer un courant continu à tra- 
vers la solution de sel, une couche métallique (Ni) se dépose sur la 
cathode (la pièce traitée). L’anode se dissout. Par ce procédé on 
obtient un revètement protecteur homogène, de toute épaisseur 
voulue, en Al, Zn, Sn. Cr, Pb, Ni, Au, Ag et autres métaux. 

6° On applique à la pièce métallique, de l’extérieur, un potentiel 
négatif plus élevé que celui fourni par le métal le plus actif du couple 


348 METAUX [CH. XIII 


corrosif. Ce type de protection est assuré soit à l’aide de protecteurs, 
soit au moyen d'un potentiel extérieur. 

Le premier procédé consiste à raccorder à la pièce soumise à la 
corrosion électrochimique un protecteur en un métal plus actif que 
ceux de la pièce à protéger: la corrosion attaquera le protecteur en 
épargnant la pièce. Ainsi, le palier de bronze et le collet de l’arbre 
de l’hélice propulsive de bateau forment un couple corrosif (fig. 71). 
C'est la surface de l'arbre qui sera détruite et on risque ainsi de 


AV 
AParss 


4 Lorerrsrr 
LIST # 


Fig. 71. Protection contre la corrosion Fig. 72. Protection contre la corrosion 


e 


à l’aide du potentiel extérieur d'un par un potentiel négatif extérieur 
protecteur 


perdre l’hélice. Si l’on raccorde une plaque de zinc à la coque, la 
corrosion détruira la plaque en laissant l'arbre intact. 

Pour créer un potentiel extérieur, on réunit la charpente métalli- 
que au pôle négatif d'une dynamo. son pôle positif étant mis à la 
terre (fig. 72). 

79 On peut réduire la vitesse de corrosion des surfaces métalliques 
en contact avec des acides par utilisation d’inhibiteurs. Ces derniers 
sont le plus souvent des composés organiques azotés. Grâce au doublet 
électronique non partagé de l'azote, ces composes s'adsorbent à la 
surface métallique en l’isolant du milieu ambiant. 


L'effet protecteur des inhibiteurs est illustré par l'expérience suivante. 
On introduit une plaque d'acier dans une éprouvette contenant de l’acide sulfu- 
rique à 20 %. 11 v a alors dégagement d'hydrogène suivant la réaction: Fe + 
+ H,S0, = FeSO, -: H.. Dans une autre éprouvette avec la même solution, 
on plonge une plaque identique et on ajoute une pastille d'urotropine (C;H,,N;). 
La vitesse de dissolution de la plaque s’en trouve fortement lente. 


On se sert largement d’inhibiteurs pour pouvoir transporter des 
acides en citernes d'acier. 


$ 113] PROPRIETÉS DES METAUX ALCALINS 349 


METAUX DU SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE I 
(MÉTAUX ALCALINS) 


$ 112. Généralités. On regroupe sous le nom de métaux alcalins 
les éléments du sous-groupe principal du groupe Î de la classifica- 
tion périodique, dont les oxydes (M,0) forment par interaction avec 
l’eau des bases solubles : alcalis *. 

Les atomes de tous les métaux alcalins possèdent sur leur niveau 
énergétique externe un seul électron s (Tableau 25), relativement 


Tableau 25 
Quelques caractéristiques des atomes des métaux alcalins 


Configuration Rayon, nm 


i Premier ro” 
Elé- Numéro dernières potentiel négativité 


: couches : os: relative 
ment | atomique | éjectroniques |de 1'atomel %° Un F/IORSAE On (selon 


état fon- kJ/mol Pauling) 
amental) 


1s°2s1 0,1586 | 0,0189 632 


2s®2p*3st | 0,1713 | 0,0278 498 
3s33pt4st | 0,2162 | 0,0592 418 
4s?4pS5s1 | 0,2287 | 0,0734 401 
5s®ñpt6st | 0,2518 | 0,0921 316 
6s?26p*6s1 | 0,2447 


facile à détacher : dans ce cas, l’atome devient un ion simple positif 
(cation) ayant la couche électronique stable du gaz rare correspon- 
dant (deux et huit électrons). Les métaux alcalins sont des métaux 
francs qui ne présentent qu'un seul degré d’'oxydation égal à +1. 

Par rapport aux autres éléments de la même période, les atomes 
des métaux alcalins ont les plus grandes dimensions et les potentiels 
d’ionisation les plus bas. Le long de la série Li-Cs les rayons atomi- 
ques augmentent (le nombre de couches électroniques va croissant) 
et l’énergie d'’ionisation diminue en conséquence. Parallèlement, on 
assiste à l’accentuation du caractère métallique. 


$ 113. Propriétés des métaux alcalins. Les métaux alcalins, d’un 
blanc argent, se caractérisent tous par une dureté insignifiante, 
une faible densité, une basse température de fusion et d’ébullition, 
une haute conductivité électrique. Leurs réseaux cristallins ont une 
structure identique. Lorsque la taille de l’atome augmente, du li- 
thium au césium, la liaison métallique s’affaiblit. Voilà pourquoi, 


* Dans le présent livre nous ne considérerons pas le francium et ses combi- 
naisons. 


350 MÊTAUX [CH. XIII 


de Li à Cs, on voit diminuer la dureté, la température de fusion 
(de 180,5 jusqu’à 28,6 °C) et la température d’'ébullition (de 1300 
jusqu’à 685 °C) des métaux. 

Les métaux alcalins (ainsi que leurs combinaisons) confèrent à la 
flamme des couleurs caractéristiques: cramoisie pour le lithium, 
jaune pour le sodium, violette pour le potassium, lilas pour le rubi- 
dium, bleu violacé pour le césium. Les électrons des atomes excités 
de ces métaux, après avoir obtenu par chauffage une énergie supplé- 
mentaire, la rendent sous forme de quanta de lumière. 

Les métaux alcalins appartiennent aux corps les plus actifs chi- 
miquement. Ils agissent énergiquement sur l'oxygène et sur l’eau: 


2Me + 2H.,0 = 2MeOH + H, 


En triturant un métal alcalin avec du soufre en poudre, on ob- 
tient des sulfures Me.S. La réaction des métaux alcalins sur le brome 
est encore plus aisée. Ces métaux s’enflamment dans l’atmosphère 
de fluor et de chlore en présence d'humidité. La réaction avec l’iode 
n’a lieu qu’à chaud. 

La conservation et la manipulation des métaux alcalins exigent 
une stricte observation des règles de sécurité. Ils sont à stocker à l’a- 
bri de l’air et de l'humidité pour éviter des explosions et des incendies. 
On les conserve donc sous une couche de kérosène dans les vases 
hermétiquement clos. Il ne faut pas éteindre les métaux alcalins 
flambants avec de l’eau, car cette dernière donne avec eux une réac- 
tion explosive. On ne doit pas non plus rincer à l’eau les récipients 
où l’on avait mis un métal alcalin. Les solvants à utiliser dans ce cas 
sont certains liquides organiques, tels que l’éthanol. 

On peut juger de l’activité chimique relative des métaux alcalins 
d’après les chaleurs de formation de leurs combinaisons (en kJ/mol): 


Oxyde Hydroxyde Chlorure 


Lithium 297 481 408 
Sodium 209 426 412 
Potassium 180 426 435 
Rubidium 174 422 439 
Césium 171 418 443 


L'activité chimique vis-à-vis de l'oxygène et de l’eau (formation 
d'oxydes et d’hydroxydes) diminue du lithium au césium. Cela est, 
d'ailleurs, confirmé par le fait que le lithium remplace (réduit) les 
autres métaux alcalins dans leurs oxydes: 


2Li + K°0 = 2K + L.0 


Il y a pourtant plusieurs faits qui contredisent, de prime abord, 
cette loi qui veut que l’activité chimique diminue avec augmenta- 
tion du numéro atomique. On sait, par exemple, que l'aptitude à 


8 113] PROPRIÊTÉS DES MÉTAUX ALCALINS 3OÈ 


s'enflammer spontanément à l’air devient toujours plus marquée 
quand on passe du lithium au césium (le rubidium et le césium s’en- 
flamment sans chauffage). Le césium est beaucoup plus énergique 
que le lithium dans l'interaction avec l'eau. En réalité, ces observa- 
tions n'entrent pas en contradiction avec le fait que le rubidium et 
le césium sont moins actifs que le lithium à l'égard de l'oxygène et 
de l’eau. Bien que, en s’oxydant et en réagissant sur l’eau, le rubi- 
dium et le césium dégagent moins de chaleur que le lithium, cette 
énergie s'avère suffisante pour assurer une fusion rapide de ces mé- 
taux (le rubidium, le césium et le lithium fondent respectivement 
à 39, 28,5 et 179 °C). Le métal fondu s'’oxyde beaucoup plus vite et, 
finalement, s’enflamme. 

Les métaux alcalins réagissent à chaud sur l'hydrogène avec for- 
mation d’hydrures: 

2Na + H, = 2NaH 


Ces hydrures sont des composés ioniques cristallisés. Le passage 
du courant électrique à travers un hydrure alcalin en solution dans 
l'ammoniac liquide (ou à travers un hydrure à l’état fondu) libère 
du métal alcalin sur la cathode et de l'hydrogène sur l’anode. L'hy- 
drogène y a donc le degré d’oxydation —1 et le métal alcalin le de- 
gré +1. Les hydrures alcalins réagissent sur l’eau: 


LiH + H,0 = LiOH + Hs 


Ce sont des réducteurs forts, capables, par exemple, de réduire 
l'oxyde de carbone (IV) en carbone libre: 


CO, + 2NaH = C + 2NaOH 


A l'air, dans les conditions normales, le lithium se recouvre vite 
d’une pellicule rouge foncée : mélange de Li,N avec Li,0. En brülant 
à l’air, seul le lithium forme l’oxyde Li,0 (mélangé d’une propor- 
tion importante de Li,N), tous les autres métaux alcalins donnant 
des peroxydes: Na,O., K,0,, Rb,0,, Cs04. 

En présence de réducteurs forts (charbon, soufre, iodures), les 
peroxydes alcalins font montre de leur caractère oxydant 


2Nal + NasO, + 2HeSO4 = Ie + 2NasSO4 + 2H30 
alors qu'en présence d’oxydants forts, ils se comportent en réduc- 
teurs : 
Ci + NaOs = 2NacCl + O: 
Les oxydes alcalins peuvent être tirés des peroxydes par chauffage 
en présence du métal alcalin correspondant : 
Na:O: + 2Na = 2Na,0O 
Dissous dans l’eau, les oxydes alcalins donnent des alcalis. Les: 
hydroxydes des métaux alcalins (alcalis caustiques) sont des corps 


352 MÉTAUX (CH. XIII 


très hygroscopiques. Ils corrodent lentement le verre et même la 
porcelaine suivant la réaction 


SiO;, + 2Na0OH = Na:SiOs + H,0 


$ 114. Métaux alcalins à l’état naturel. Préparation et applications. 
L'activité chimique élevée des métaux alcalins exclue la possibilité 
de les trouver dans la nature à l’état libre. Ils ne s’y rencontrent 
donc qu’à l’état combiné. Leurs proportions respectives dans l'écorce 
terrestre sont les suivantes (% massiques): 


Li 2,2.10-3 Rb  1,2-10-° 
Na 2,83 Cs 6.104 
K 2,59 


Comme il découle des données ci-dessus, le sodium et le potassium 
sont les plus répandus des métaux alcalins: on les rencontre sous 
forme de chlorures, sulfates, silicates et certaines autres combinai- 
sons. Le lithium, le rubidium et le césium entrent dans la composi- 
tion du réseau cristallin des minéraux formés par des éléments à rayons 
atomiques et ioniques voisins. Le rayon ionique du rubidium 
(0,073 nm) le rapproche du potassium (0,059 nm), d’où la présence 
de composés du rubidium dans les minéraux potassés. Le lithium 
accompagne le magnésium et le fer. Le francium qui n’a pas d’isoto- 
pes stables, se trouve, en très faibles quantités, dans les minerais 
radioactifs d’'actinium et d'uranium. 

Les métaux alcalins sont préparés par électrolyse de leurs chloru- 
res (ou hydroxydes) à l’état fondu: 


A la cathode : 2Nat —2e=2Na 
A l'anode : 2CI- —2e= Cl, 


La technique nucléaire utilise le lithium pour préparer le tri- 
tium : 


SLi + dn = ?H + £He + 4.664108 k] 


L'acier et la fonte, additionnés d’un peu de lithium, deviennent plus 
résistants et durs car, au cours de leur fusion, le lithium fixe l'hydro- 
gène, l'oxygène et l'azote. La présence de 0,012 % (massiques) de Li 
fait croître la conductivité et la densité du cuivre (le métal étant 
débarrassé des gaz et du soufre). Le lithium aide à débarrasser de 
l'azote et de l'oxygène les gaz rares, dont on remplit les lampes à 
incandescence. 

Le sodium à l’état liquide est utilisé comme agent de transfert 
de chaleur dans les piles nucléaires. [Il sert de catalyseur dans la 
fabrication de caoutchouc synthétique. On en prépare un amalgame 
(alliage avec le mercure) employé comme agent réducteur. On con- 
somme beaucoup de sodium pour obtenir du peroxyde de sodium. 


$ 111] PREPARATION ET APPLICATIONS DES MÉTAUX ALCALINS 353 


La principale application du rubidium et du césium est la fabri- 
cation de cellules photosensibles, appareils qui transforment directe- 
ment l'énergie lumineuse en énergie électrique (fig. 73). Les parois 
d'un vase sous vide (7) portent un miroir (2) constitué par une fine 
couche de rubidium ou de césium et qui est branché sur un circuit 
extérieur. Au-dessus du miroir, à l'intérieur du vase, il y a un anneau 
(3) en platine, branché sur le même 
circuit. La surface du métal alcalin 
étant éclairée, les électrons qui s’en 
détachent atteignent l'anneau 3 et 
un courant continu apparaît dans 
le circuit. 

Les combinaisons des métaux 

alcalins ont une grande importance 
pratique. Le chlorure de sodium NaCl 
est utilisé comme sel de cuisine et 
aussi comme matière première de la 
production de carbonate de soude : =. 
anhydre (sel de soude) :Na,CO;, d'hy- Le : _e : Re 
drogénocarbonate de sodium (bicarbo- tai aïlcalin; 3 — anneau en fil de 
nate de sodium) NaHCO, et d’hy- R'AËRS 
droxyde de sodium (soude caustique) 
NaOH, ainsi que de chlore et d’autres produits. C'est la 
production de fibres artificielles (secteur industriel connaissant 
aujourd'hui un progrès rapide) qui consomme le plus d’hydroxyde 
de sodium (soude caustique). On s’en sert également pour saponifier 
les graisses, raffiner les produits pétroliers, ainsi que dans les accu- 
mulateurs alcalins, dans l’industrie du cuir et dans l'industrie 
textile. etc. 


En U.R.S.S., la production de soude caustique a augmenté au cours du 
dixième quinquennat. Ainsi, en 1980 on en a produit 2,8 millions de tonne 
(103 ®, par rapport à 1979). 


Le carbonate de soude anhydre Na,CO, et le carbonate de sodium 
cristallin Na,CO.,-10H,0 sont consommés en grandes quantités par 
l'industrie chimique, la verrerie, la savonnerie, l’industrie papetière 
et autres branches industrielles. La médecine et l’industrie alimen- 
taire (confiserie) utilisent l’hydrogénocarbonate (ou, anciennement, 
le bicarbonate) de sodium NaHCO.. 

Les peroxydes de sodium Na.O, et de potassium K,0, présentent 
également un intérêt pratique: ils servent à régénérer l'oxygène 
dans les sous-marins et les masques à oxygène : 


2Na.0: + 2C0: —= 2Na:COs + O:+ 
Le peroxyde de sodium est appliqué, en outre, comme décolorant. 
Dans ce cas on utilise son aptitude à l’hydrolyse avec formation de 
2301151 


354 METAUX [CH. XII 


peroxyde d'hydrogène : 
Na,0, + 2H,0 = 2NaOH + H.04 


Quelque 90 % des composés potassés produits sont utilisés en 
qualité d'engrais. Chaque année, lors de la récolte, on extrait du sol 
d'immenses quantités de combinaisons du potassium. Pour compen- 
ser ces pertes, on introduit dans le sol des sels comme KCI, K.,SO, 
ou KNO:. 

L'hydroxyde de lithium LiOH sert à fabriquer des lubrifiants de 
haute qualité et le carbonate de lithium Li,CO, est utilisé dans la 
fabrication de verre et de céramique. 


METAUX DU SOUS-GROUPE SECONDAIRE DU GROUPE 1 
(FAMILLE DU CUIVRE) 


$ 115. Généralités. La famille considérée comprend le cuivre, 
l’argent et l'or. 

Les atomes de ces éléments ont chacun un seul électron s sur 
leur niveau périphérique (Tableau 26). La différence entre les élé- 
ments du sous-groupe secondaire et ceux du sous-groupe principal 
consiste en ce que les atomes des premiers ont sur leur avant-dernier 
niveau non seulement des électrons s et p, mais aussi des électrons d. 
Cela permet aux éléments de la famille du cuivre d’avoir, dans leurs 
combinaisons, des degrés d’oxydation supérieurs à +1. Ainsi, les 
composés caractéristiques du cuivre ont le degré d'oxydation supé- 
rieur +2, alors que pour l'or, c’est le degré +3. Cette faculté qu'ont 
les atomes de cuivre et d’or de céder respectivement deux et trois 
électrons s'explique par le fait que les orbitales 3d et 4s du cuivre, 
5d et Gs de l'or ont des énergies voisines. Pour l'argent, le degré 
d'oxydation normal est +1 et seuls les oxydants les plus forts sont 
capables de l'oxyder jusqu'au degré +2. 


Tableau 26 


Quelques caractéristiques des atomes des éléments 
de la famille du cuivre 


Electroné- 
gativité 
relative 

(selon 
Pauling) 


Configuration Rayon, nm 
Numé- | des deux dernières 
ro ato- | couches électro- 


Premier 
potentiel 
de l'ion | d'ionisatinn, 


mique niques (état atomique M+ kJ/mol 


fondamental) 


3s°3p%3d104s1 0,1191 | 0,0325 745 
4s?4p#4d105s1 0,1286 | 0,0536 132 
9s°9p#54106s1 0,1187 | 0,0633 891 


$ 116] PROPRIÊTÉES DU CUIVRE, DE L'ARGENT ET DE L'OR 355 


Le long de la série Cu-Ag-Au, les températures de fusion varient 
de 1083 à 1063 °C et les températures d’ébullition de 2582 à 2707 °C. 
Les densités respectives valent 8920, 10 500 et 9300 kg/m*. 

Ces valeurs, beaucoup plus élevées que celles qui caractérisent 
les métaux alcalins, proviennent des dimensions réduites des atomes 
et d’un assemblage plus compact du réseau cristallin des éléments 
de la famille du cuivre. 


$ 116. Propriétés du cuivre, de l’argent et de l’or. Chaque métal 
de ce sous-groupe a une coloration spécifique : le cuivre est rose, 
l’argent blanc, l’or jaune-orange. Tous ces métaux (et surtout l'or) 
sont malléables et ductiles. Ainsi, il est possible de réduire l'or en 
feuilles d’une épaisseur de 0,0002 mm ou d'’étirer 1 g d’or en un fil 
de 3420 m. L'argent (suivi du cuivre) est le meilleur conducteur de 
l'électricité et de la chaleur. Les charges nucléaires des atomes de 
ces éléments, beaucoup plus importantes que celles des atomes des 
métaux alcalins correspondants, ont une force d'attraction supérieure 
à la répulsion réciproque des électrons. Cela fait que les métaux de 
la famille du cuivre diffèrent nettement des métaux alcalins par leur 
comportement vis-à-vis de l'oxygène, de l'eau, des acides dilués 
et des sels en solution. 

Seul le cuivre réagit directement sur l’oxygène. À l’air, il se re- 
couvre peu à peu d’une couche compacte de sel basique (CuOH).CO;, 
de coulenr verte: 


2Cu + O; + H,0 + CO: — (CuORH).CO; 


Porté à 400 °C , le cuivre forme à l'air l’oxyde de cuivre (II), 
alors qu'en présence d’une quantité insuffisante d'air et à 800 °C, 
il donne l’oxyde de cuivre (I): 


4Cu + 0, = 2Cu,0 
Les oxydes d'argent et d’or, de degré d’oxydation +1, sont obte- 
nus par une voie indirecte: 
2AgNO, +I2KOH = Ag:20 + H,0 H{2KNO, 
2AuCI + 2NaOH =—FAu.O + H.0f+ 2NaCl1! 
Tous les oxydes des éléments de la famille du cuivre sont prati- 


quement insolubles dans l’eau. On n'obtient les hydroxydes de ces 
éléments que d'une façon indirecte : 


CuSO, + 2NaOH = Cu(OH}. + Na,SO, 


En règle générale, les hydroxydes MOH possèdent une mauvaise 
solubilité dans l’eau et se décomposent facilement en oxyde corres- 
pondant et eau: 


2MOH = M,0+H,0 
23* 


356 MÊTAUX (CH. XIII 


L'hydroxyde de cuivre, insoluble dans l’eau, se dissout dans l’hy- 
droxyde de sodium en solution concentrée, ainsi que dans la solution 
aqueuse d’ammoniac: 


Cu(OH), + 2NaOH = Na,[Cu(OH),] 
Cu(OH), + 4NH, = [Cu(NH,),](OH): 


Dans ce cas, la dissolution est conditionnée par l'aptitude des 
ions cuivre Cu°* à se transformer en ions complexes [Cu(NH.).,]?* : 
la base insoluble Cu(OH), donne alors un complexe soluble 
[Cu(NH;),](OH).. Sur le niveau de valence de l'ion Cu?*, il y a une 
orbitale 4s et trois orbitales 4p vacantes. Lorsque Cu(OH), entre en 
réaction avec NH;, on observe l’hybridation de ces quatre orbitales. 
L'ion complexe [Cu(NH;),1** résulte de l'interaction donneur-accep- 
teur entre les doublets électroniques non partagés des molécules 
d’ammoniac et les quatre orbitales hybrides sp° de l’ion Cu°*. 

Le chlorure d'argent, insoluble dans l’eau, est facile à dissoudre 
dans l’ammoniac en solution aqueuse suivant la réaction 


AgCI + 2NH, = [Ag(NH3).lCI 


Là aussi, la dissolution d’AgCI est due à la transformation de 
l'ion argent Ag* en ion complexe [Ag(NH,),]* avec formation du sel 
complexe [Ag(NH.),ICI, bien soluble dans l’eau. L’ion complexe 
[Ag(NH,).]* se forme par interaction donneur-accepteur entre les 
paires électroniques non partagées des molécules d’ammoniac et les 
orbitales hybrides sp du niveau de valence de l'atome d'argent 
(v. p. 330). 

La dissolution de l’or dans l’eau régale est également liée à la 
formation d’un complexe soluble: l’or passe d’abord à l’état de 
chlorure d’or (III) (par détachement d’un électron s du niveau pé- 
riphérique et de deux électrons d de l’avant-dernier niveau) suivant 
la réaction 


Au + HNO, + 3HCI = AuCIL + NO + 2H,0 


pour former ensuite, en présence d’un excès de HCI, l'acide complexe 


HIAuCI., |: 
AuCl, + HCI = H{AuCI,] 


L'ion Au** peut être représente par le schéma suivant : 


5d 6s 6p 
FOOS CA3 ERY EE CE AN 1 EN EE 


L’ion complexe [AuCI,]- est le résultat d’une interaction donneur- 
accepteur des doublets non partagés des ions chlore avec quatre 
orbitales hybrides dsp* de l'ion or Au**. 


$ 117] PREPARATION ET APPLICATIONS DE Cu, D'Ag ET D'Au 357 


On a pu obtenir, à l’état solide, Cu(OH), bleu clair, CuOH jaune 
et AuOH violet. Le cuivre, l'argent et l’or, situés à droite de l’hydro- 
gène dans la série de tensions, ne se dissolvent pas dans HCI et 
H,SO, dilués. Le cuivre et l’argent sont solubles dans les acides oxy- 
dants: par exemple, dans l'acide sulfurique concentré à chaud: 


Cu + 2H,S0, — CuSO, + SO, + 2H.0 
2Ag + 2H,S0, = Ag-S0, + SO, + 2H.0 
ainsi que dans l’acide nitrique dilué: 
3Cu + 8HNO, = 3Cu(NO;)> + 2NO + 4H,0 
ou concentré : 
Cu + 4HNO, = Cu(NOs): + 2NO, + 2H,0 


L'or demeure insoluble même dans l'acide nitrique concentré, 
on ne peut le dissoudre que dans l’eau régale (v. p. 279). 

À température élevée et en présence d'oxygène, le cuivre et l'ar- 
gent réagissent sur le chlorure d'hydrogène : 


2Cu + 4HCI + Os — 2CuCl, + 2H,0 
Cette réaction se déroule en deux étapes: 


2Cu + O0, = 2Cu0 
2Cu0 + 4HCI = 2CuCl, + 2H,0 


A chaud, le cuivre se combine aisément aux halogènes, au soufre 
et au phosphore. L'argent forme des combinaisons stables avec le 
soufre et le sélénium. Une propriété commune aux ions cuivre, argent 
et or est leur tendance marquée aux réactions de complexation, ce 
qui n’est pas caractéristique des métaux alcalins. 


$ 117. Etat naturel des éléments de la famille du cuivre. Prépa- 
ration et applications. L'activité chimique peu élevée du cuivre, de 
l'argent et de l'or rend possible leur existence dans la nature à l’état 
libre. L'or naturel a presque toujours cette forme (or natif ou vierge). 
Les teneurs respectives de l'écorce terrestre en ces éléments sont les 
suivantes (% massiques): 5,5-10-* pour Cu, 14-105 pour Ag, 5-10”? 
pour Au. On connaît plus de 200 minéraux cuprifères, dont la chalco- 
pyrite CuFeS., la malachite (CuOH),CO;, la chalcosine (chalcosite) 
Cu,S. On considère comme « payants » les minerais qui contiennent 
au moins 0,5 % (massiques) de cuivre. Les minéraux argentifères 
font habituellement partie des minerais sulfurés de zinc, de plomb 
et de cuivre. En U.R.S.S., des gisements de minerais plombo-argenti- 
fères sont situés dans l'Oural et dans l’Altaï, ainsi qu’au Kazakhstan 
et au Caucase septentrional. Les minéraux aurifères sont très rares. 
C'est, par exemple, la calavérite AuTe, et le sylvane (sylvanite) 
AuAgTe,. 


358 METAUX [CH. XII] 


Pour extraire le cuivre des minerais oxydés, on les soumet à la 
calcination en présence de carbone: 


Cu:0 + C = 2Cu + CO 


L'extraction du cuivre des minerais sulfurés se fait après leur 
grillage préalable, au cours duquel la plupart des sulfures se trans- 
forment en oxydes. Ce minerai grillé qui renferme Cu,S, Cu,O, FeO, 
Fe,0:, FeS et autres composés, ainsi que du stérile, est additionné 
d'agents fondants (SiO,, CaCO:) et refondu. Alors le stérile et une 
partie du fer passent dans la scorie qui se forme par les réactions 
suivantes: 

2FeO + SiO, = Fe,SiO, 
2FeS + 6Fe,0, + 7Si0, = 7Fe,SiO, + 250, 


Après séparation de la scorie, le minerai refondu passe dans un 
convertisseur où l’on obtient du cuivre métallique (brut ou noir) 
en aérant le minerai fondu: 


2Cu,S + 30, — 2Cu,0 + 280,  2Cu.0 + Cu,S = 6Cu + SO, 


Le raffinage du cuivre brut se fait par électrolyse: l’anode est 
en cuivre noir. le cuivre pur se libérant à la cathode. 

L'argent est obtenu. le plus souvent, en tant que sous-produit 
lors du traitement de minerais sulfurés de métaux lourds (minerai 
cuprifère, plombo-zincifère) qui renferment presque toujours une 
certaine quantité de sulfure d'argent Ag.S. En ce qui concerne l'or, 
souvent présent dans les minerais sous formes de grains ou de paillet- 
tes, on l'en extrait par plusieurs procédés: mécaniquement, s'il 
s’agit de l'or natif des minerais riches ou par cyanuration, si l’on a af- 
faire à des minerais pauvres. Ce dernier procédé part de la propriété 
de l'or de se dissoudre dans les solutions de cyanures (NaCN, KCN) 
en donnant des complexes solubles. On l’en précipite ensuite à l’aide 
du zinc ou de l'aluminium. 

Plus de 50 % du cuivre produit est consommé par l’industrie 
électrotechnique. La métallurgie s’en sert pour obtenir quelques al- 
liages: le bronze (90 % de Cu, 10 % de Sn), le cupronickel (80 % 
de Cu, 20 % de Ni), le laiton (60 % de Cu, 40 % de Zn) et d’autres. 


Au cours du dizième quinquennat a production soviétique du cuivre a été 
multipliée par 1,2-1,3. 


Parmi les combinaisons chimiques du cuivre, c'est son oxyde 
Cu,O qui présente un grand intérêt pratique: semiconducteur, il 
est utilisé dans les redresseurs cuivre-oxyde de cuivre. La malachite 
(CuOH),.CO, est une pierre fine. Les sels de cuivre servent à fabriquer 
des couleurs minérales (verte, bleue, violette, brune et noire). Le 
vitriol bleu CuSO, -5H,0 est le produit de base dont on tire d’autres 
combinaisons du cuivre. C’est aussi un pesticide. 


8 118] GENÉRALITÉES 359 


Des alliages à base d'argent sont utilisés dans la confection de 
bijoux et de vaisselle. L'argent est utilisé pour revêtir les contacts 
en télégraphie et en téléphonie, ainsi que dans la fabrication de 
miroirs. On l’emploie dans les accumulateurs à l’argent-zinc de puis- 
sance élevée, pour argenter les fils en radiotechnique haute fréquence, 
pour revêtir certaines pièces importantes des appareils de radio. 

Le nitrate d'argent AgNO, ct les halogénures d'argent sont ses 
composés les plus importants. Le nitrate sert à fabriquer des miroirs 
et à argenter des surfaces en verre. Les halogénures AgCIl, AgBr, Agl 
se décomposent à la lumière avec formation d'argent amorphe. Ces 
sels (particulièrement AgBr) sont utilisés pour préparer l’émulsion 
sensible à la lumière du matériel photographique : papier, pellicules, 
plaques. 

On fait de l'or des films minces pour lentilles et réflecteurs des 
appareils à rayons infrarouges. Des appareils chimiquement inatta- 
quables sont faits en divers alliages de l’or avec le platine et autres 
métaux. On revèt d'or certains éléments vitaux des appareils de 
radio : cela les rend résistants à la corrosion et élimine les résistances 
de contact. 

L'or est également utilisé en revêtement d'articles d'ornement, 
ainsi que dans les soins dentaires. Pour confectionner les bijoux, on 
se sert le plus souvent d’un alliage or-cuivre, plus dur que l'or pur. 
Les combinaisons de l'or n’ont pas trouvé d’applications notables. 
Toutefois, on utilise AuCI, ou H[AuCI,] pour dorer et colorer le verre 
et la porcelaine. 


MÉTAUX DU SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE II 


$ 118. Généralités. Ce sous-groupe comprend béryllium, magné- 
sium, calcium, strontium, baryum et radium. Les quatre derniers 
éléments sont dits métaux alcalino-terreux, car leurs hydroxydes 
M(OH), ont un caractère alcalin, tandis que leurs oxydes MO rap- 
pellent par leur fusion difficile les oxydes des métaux lourds qu'on 
appelait autrefois terres. TS 

Les atomes de tous les éléments considérés ont, dans leur état 
fondamental, deux électrons s couplés sur le niveau périphérique 
(Tableau 27). Dans l’état excité un des électrons externes occupe une 
orbitale p (s'p!), l'atome pouvant ainsi être divalent. Les rayons 
atomiques des éléments de ce sous-groupe sont plus petits que ceux 
des métaux alcalins correspondants (ainsi, les rayons atomiques du 
lithium et du béryllium valent respectivement 0,1586 et 0,1040 nm), 
alors que leurs énergies d’ionisation sont, au contraire, plus grandes. 
632 Ainsi, le premier potentiel d'ionisation du lithium est égal à 
_. et celui du béryllium à 899 kJ/mol (cf. Tableaux 25 
et 27). 


360 METAUX [CH. XIII 


Tableau 27 


Quelques caractéristiques des atomes des éléments 
du sous-groupe principal du groupe II 


Configuration Rayon, nm 
des deux 
dernières couches 
cctroniques | atomique 


Premier 
tentiel RETTté 
de Lion d'ionisation, |rela nest (selon 


(étatf fondamental) DL3+ kJ/mol Pauling) 


1s°2s° 

2s°2p63s? 
3s°3pf4s° 
4s?4p95s? 
9s?5pt6s° 
6s°6p°7s 


e 


SL ootbeu 


OO => © à 
+ 


1 


Les éléments du sous-groupe considéré (à l’exception du béryllium) 
ont un caractère nettement métallique, ne cédant sous ce rapport 
qu'aux métaux alcalins. Ce caractère métallique va croissant du 
béryllium au radium, suite à l’augmentation progressive des rayons 
atomiques et ioniques. 


$ 119. Propriétés du béryllium, du magnésium et des métaux 
alcalino-terreux. Tous ces éléments, de couleur blanc argent, sont 
légers (le radium excepté), bien que considérablement plus denses 
que les métaux alcalins. Le béryllium et le magnésium ont un réseau 
cristallin hexagonal. Le calcium, le strontium et le baryum cristalli- 
sent en un réseau cubique à faces centrées. C'est le béryllium qui 
forme le réseau cristallin le plus solide, car ses ions et ses atomes sont 
les plus petits. Cela fait que la dureté, les températures de fusion et 
d’ébullition du béryllium sont de loin supérieures à ces caractéristi- 
ques chez les autres éléments du sous-groupe. 

Du point de vue chimique, les éléments en question se caractéri- 
sent par une activité élevée. Ils s’oxydent tous à l’air. La couche 
d'oxyde qui se forme à la surface du béryllium le recouvre solidement 
en le protégeant contre une oxydation plus poussée. La pellicule 
d'oxyde du magnésium et, surtout, des métaux alcalino-terreux, a 
des propriétés protectrices beaucoup plus faibles. Ces métaux réagis- 
sent sur l’eau en remplaçant son hydrogène (Ca - 2H,0 = Ca(OH).,+ 
+ H,), ainsi que sur les non-métaux O., CI,, S, N.. 

Il ya pourtant des écarts considérables dans l’activité des métaux 
considérés vis-à-vis des non-métaux, de l’eau et des acides. Le béryvl- 
lium ne s’enflamme à l'air qu'à une température très élevée, le 
magnésium et le calcium à une température plus basse, tandis que 
le strontium et le baryum sont facilement inflammables. Au cours 
de l'interaction avec l’eau, le magnésium forme d'abord l’oxyde, 


8 119] PROPRIÊTES DE Be ET DE Mg 361 


puis, par hydratation, l’hydroxyde de magnésium : 


Mg + H.0 = MgO + H;, 
MgO + H,0 = Mg(OH} 


Les métaux alcalino-terreux réagissent sur l'eau en donnant des 
alcalis : 


Ba + 2H,0 — Ba(OH), + H: 


Parallèlement à l’accroissement des rayons des ions M°* dans la 
série Be-Ba, la solubilité des hydroxydes M(OH), augmente rapide- 
ment et leur caractère basique se renforce. 

À l'exception de BeO, les oxydes de ces éléments possèdent un 
réseau cristallin ionique. Parmi les hydroxydes, seul Be(OH), 
amorphe présente un caractère amphotère (de même que Al(OH);), 
se dissolvant aussi bien dans les acides que dans les bases: 


Be(OH), + 2KOH = K.{[Be(OH).] 
Be(0H), + 2HCI = BeCIl, + 2H.0 
L'hydroxyde de magnésium, insoluble dans les alcalis, se dissout 


pourtant dans l’eau en présence de sels ammoniacaux par formation 
de l’hydroxyde d’ammonium peu dissociable : 


Mg(OH), + 2NH,CI = MgCl, + 2NH,OH 


Les hydroxydes de tous les éléments de ce sous-groupe se décom- 
posent à chaud: 
Ba(OH). — BaO + H.0 


Les oxydes MO sont incolores. difficilement fusibles, résistants à 
la chaleur. On connaît les peroxydes suivants: MgO. (uniquement 
sous forme d'hydrate), CaO,, SrO, et BaO.. Le peroxyde de béryl- 
lium n'a jamais été obtenu. Les peroxydes s’hydrolysent fortement 
dans l’eau: 


BaO, + 2H,0 — Ba(OH), + H,0. 
Ils entrent en réaction même avec les acides faibles: 
BaO, + CO, + H.0 = BaCO, + H,0, 
Les peroxydes se décomposent au-dessus de 800 °C: 
2BaO, = 2Ba0 + O, 


Dans la série de tensions, ces métaux se situent, à gauche de: 
l'hydrogène, suivant cet ordre: Ra, Ba, Sr, Ca, Mg, Be. Ils peuvent 
remplacer l'hydrogène dans les acides et l’eau, mais le béryllium ne 
décompose pas l’eau à cause de sa couche d'oxyde protectrice. La 
réaction du magnésium sur l’eau est très lente, elle s'accélère à chaud. 
Les autres métaux sont plus énergiques dans cette réaction. 


362 METAUX [CH. XIII 


Les métaux de ce sous-groupe, leurs oxydes et leurs hydroxydes 
forment avec les acides les sels correspondants: 
Mg + H2S0, = MgSO, + H;, 
BaO + 2HCI — BaCl, + H,0 
Sr(OH); + 2HNOs; — Sr(NO3): + 2H,0 
Les sulfates, les carbonates et les phosphates de ces métaux ont 
une mauvaise solubilité dans l’eau, alors que leurs chlorures, bro- 
mures, iodures et nitrates s’y dissolvent bien. Les sulfures MS sont 
peu solubles dans l’eau et facilement hydrolysables. Les hydrogéno- 
-carbonates (qui ne sont connus qu'en solution dans l’eau) se for- 
ment à partir des carbonates: 
Lorsqu'on, chauffe un hydrogénocarbonate en solution, il se 
décompose en laissant précipiter le carbonate: 
Ba(HCO;); = RaCO,4 + CO: + H:0 
Ces métaux se combinent à l'azote en donnant des nitrures. 
Cette réaction se produit dans l'atmosphère d'azote, le métal étant 
porté à 900 °C: 
3Be + Na — BesN: 
Les nitrures sont hydrolysés suivant la réaction 
Ba;N: + 6H,0 = 3Ba(OH), + 2NH, 
Les combinaisons volatiles du calcium colorent la flamme en 


rouge-orange, les combinaisons du strontium et du radium en rouge 
de carmin et celles du baryum en vert-jaune. 


$ 120. Calcium et ses composés. Dans le sous-groupe principal 
du groupe ÏI, le calcium mérite une attention particulière. Nous nous 
-étendrons donc un peu plus sur ses propriétés. 

Le calcium est un métal blanc argent, malléable, fondant à 
-850 °C. Il est plus solide et dur que les métaux alcalins. C'est un 
métal actif qui réagit, dans les conditions ordinaires, sur l'oxygène 
atmosphérique, l’eau et les halogènes: 

2Ca + O4 = 2Ca0 + 2H,0 = Ca(OH}); + Hs 
Ca + Ck = CaCli, 
La réaction avec les autres non-métaux et l'hydrogène se produit 
a chaud: 
3Ca + N, = CaN, 
Ca + S = CaS 
3Ca + 2P = Ca;P: 
Ca + 2C = Cac, 
Ca + H: = CaH, 


8 121] DURETÉ DE L'EAU ET SON ELIMINATION 363 


Le calcium fixe l'oxygène et les halogènes des oxydes ou des halogé- 
nures des métaux moins actifs: 


2Ca + TiO, = 2Ca0 + Ti 
2Ca + TiCl, = 2CaCl, + Ti 


Plusieurs composés du calcium sont utilisés par l’économie na- 
tionale, dont particulièrement CaCO;, CaSO,, Ca;(PO,), et CaCL.. 

Le carbonate de calcium CaCO, est le principal constituant du 
calcaire, de la craie, du marbre. Le calcaire sert à préparer de la 
chaux (chaux vive ou calcinée, chaux éteinte ou blanche, chlorure 
de chaux ou poudre de blanchiment). La métallurgie consomme beau- 
coup de calcaire en qualité de fondant (castine). Sous forme de pierres 
concassées les calcaires sont utilisés pour empierrer les routes ou ré- 
duire l'acidité des sols. 

La craie trouve des applications dans l’industrie papetière et 
dans l'industrie du caoutchouc (en tant que charge), dans la fabrica- 
tion de poudre dentifrice ou de bâtons de craie pour écrire au ta- 
bleau. Elle sert également à blanchir les murs. 

Le marbre est un matériau de construction et de revêtement. On 
en fait, aussi, des panneaux de distribution d'électricité. 

Le sulfate de calcium CaSO, est largement employé dans les 
travaux d'’enduisage, en médecine: bandes et bandages plâtrés 
(v. $ 71). 

Le phosphate de calcium Ca3(PO,)., constituant essentiel des 
phosphorites et apatites. est la matière première de la production 
d'engrais phosphatés (v. $ 87). 

Le chlorure de calcium CaCI, est bien peu abondant dans la nature. 
Il se décompose à chaud suivant l'équation 

CaCl,-6H,0 = CaCl,-2H,0 + 4H,04 
CaCl,-2H,0 = CaCl, + 2H,04 


Le chlorure de calcium anhydre est très hygroscopique, on l’utili- 
se pour déshydrater liquides et gaz. La solution aqueuse de CaCI,, 
dont la tension de vapeur est très faible, absorbe l'humidité de l’air 
et ne se dessèche pas pendant longtemps. Une route en terre battue 
ou en pierres concassées, arrosée de solution de CaCl,, garde l’humi- 
dité bien plus longtemps que si on l'avait arrosée d'eau. Le chlorure 
de calcium est utilisable pour préparer des mélanges réfrigérants. 
Ainsi, le point de fusion d’un mélange constitué de 58,8 % de 
CaCL, -6H,0 et de 41,2 % de neige est égal à —55 °C. 

Les injections intraveineuses de CaCI, atténuent les spasmes 
cardiovasculaires, améliorent la coagulabilité sanguine, aident à 
traiter les inflammations, les œdèmes, les phénomènes allergiques. 


$ 121. Dureté de l’eau et son élimination. Le carbonate de cal- 
cium contenu dans les roches naturelles se dissout partiellement sous 


364 METAUX (CH. XIII 


l'effet de l’eau et de l’oxyde de carbone (I1V)en donnant l'hydrogéno- 
carbonate : CaCO, + CO, + H,0 = Ca(HCO;).. Ce dernier se retrouve 
dans les eaux souterraines et les rivières qui l'emportent très loin. 

L'eau naturelle à forte teneur en ions Ca** et Mg** (sous forme 
de sels de Ca ou de Mg) est dite dure. Si cette teneur est faible (moins 
de 80 mg de Ca** ou 50 mg de Mg** par litre d'eau) ou inexistante, 
une telle eau naturelle est douce. 

En eau dure, le savon mousse mal, car les sels de Ca et de Mg 
le fixent sous forme de combinaisons insolubles. Un savon est consti- 
tué, principalement, de sels sodiques des acides macromoléculaires 
C,:H;35—C—OH (acide stéarique) et C;,;H3,—C—OH (acide oléique). 

] ] 


(®) O 


En eau dure, on a la réaction suivante: 
2C1:H35—C—ONa + Caî*+* + (C:1-:Hs33—C—0),Ca Ÿ +2Na* 
I Ï 


L'action détergente du savon s’affaiblit donc sensiblement dans 
une eau dure. Dans une telle eau les légumes sont bien difficiles 
à cuire. 

L'eau dure (calcaire) laisse dans les chaudières un dépôt de 
tartre : 


Ca(HCO;): = CaCO,! + CO: + H,0 


Le tartre conduit mal la chaleur, provoque une consommation accrue 
de combustible et accélère l'usure des chaudières. 

On distingue la dureté due aux carbonates qui résulte de la présen- 
ce, dans l’eau, d'hydrogénocarbonates de Ca et de Mget la dureté perma- 
nente qui est due à la présence de sulfates et de chlorures de Ca et de 
Mg, corps qui ne se décomposent pas dans l’eau bouillante. Les hydro- 
génocarbonates sont faciles à éliminer par simple bouillissage de 
l’eau: les ions Ca** et Mg** forment alors des combinaisons in- 
solubles(CaCO; et MgCO:), d’où le nom de dureté temporaire. La 
somme des deux duretés (permanente et temporaire) est la dureté 
otale. On l’élimine à l’aide de réactifs appropriés. tels que le 
carbonate de sodium ou le lait de chaux: 


CaCi, + Na:CO; — CaCOs! + 2NacCl 
Ca(HCO,); + Ca(OH,) = 2CaCO,4 — 2H.0 


On peut également fixer les ions Ca** et Mg** par l’intermédiaire 
d’échangeurs de cations, corps complexes (composés macromolécu- 
laires naturels du silicium et de l’aluminium), insolubles dans l’eau 
et capables d'échanger leur cations (Na* contre les cations Ca°*+ 
et Mg** par exemple). Lorsqu'on fait passer de l'eau dure à travers 
une couche d’échangeur cationique, il y a échange de cations suivant 
la réaction Ca°* + Na,R = 2Na* + CaR (R — groupe acide com- 


& 122] PRÉPARATION ET APPLICATIONS DE Bec ET DE Mg 365 


plexe). Ainsi les ions Ca** (Mg**) sont éliminés de la solution. L'échan- 
geur cationique peut être régénéré par une solution concentrée de 
NaCI: CaR + 2NaCl = CaCl, + Na,R. Après un tel lavage l’é- 
changeur cationique devient de nouveau utilisable pour l’épuration 
de l’eau. 


$ 122. Etat naturel des éléments du sous-groupe principal du grou- 
pe II. Préparation et applications. L'activité chimique élevée de ces 
éléments exclue leur existence dans la nature à l’état libre. Les élé- 
ments les plus répandus à l’état combiné sont Ca (3,63 % massiques) 
et Mg (2,09 % massiques). La teneur en Ra de l’écorce terrestre ne 
s'élève qu’à 10-11 % (massiques). Les minéraux énumérés ci-après 
renferment tel ou tel élément du sous-groupe considéré: la calcite 
et l’aragonite CaCO;. la talcite Mg.[Si,0,,|(OH):, la fluorite CaF,, 
le béryl Be;AL{Si,0,,1, la célestine SrSO,, la strontianite SrCO;, la 
barythine BaSO,, la withérite BaCO,.. Le radium est contenu, en très 
faibles quantités, dans les minerais uranifères (0,3 grammes de Ra 
par tonne d'uranium). 

La séparation de ces métaux se fait par électrolyse de leurs sels 
fondus (des chlorures le plus souvent), le strontium et le baryum 
étant extraits par aluminothermie: 


4SrO + 2Al = 3Sr + SrO-Al,0, 
métaaluminate 
de strontium 


4BaO + 2AÏ = 3Ba + BaO-Al.0O, 
métaaluminate 
de baryum 


Le béryllium trouve un large emploi dans la production de 
bronzes au bérvllium (0,5 % massiques de Be), d’aciers alliés et 
d’autres alliages. Le cuivre additionné de béryllium a des caracté- 
ristiques mécaniques et anticorrosives améliorées. Le béryllium est 
utilisé dans les piles nucléaires en qualité de réflecteur des neutrons. 
Il sert également à fabriquer des sources de neutrons. On en fait les 
fenètres des tubes à rayons X (il est 16-17 fois plus perméable aux 
rayons gamma que l'aluminium). On utilise BeO (F = 2550 °C) 
pour confectionner des creusets réfractaires. 

Le magnésium est un constituant important des alliages légers 
répondant aux compositions suivantes (% massiques): 89-91 d’Al 
et 9-11 de Mg (magnalium) ; jusqu’à 10,5 d’Al, 4,5 de Zn, 17 de Mn 
et jusqu à 83 de Mg (électron). Ces alliages ont de bonnes caracté- 
ristiques mécaniques et anticorrosives, sont antimagnétiques et ne 
jettent pas d’étincelles sous l’action de chocs ou du frottement. On 
les emploie dans la construction aéronautique et dans la production 
de moyens de transport terrestre. Le magnésium est utilisé pour obte- 


« 


nir des métaux à partir de leurs oxydes ou chlorures difficiles à 


366 MÊTAUX (CH. XII 


réduire. La faculté qu'a le magnésium de brüler à l’air d’une flamme 
éblouissante, riche en rayons à ondes courtes, conditionne son emploi 
en pyrotechnie et en photographie. Parmi ses composés, la magnésie 
calcinée MgO (F = 2800 °C), préparée par calcination de la magnésite 
MeCO:, présente un grand intérêt pratique. Elle sert à produire des 
matériaux réfractaires (chamotte) et du ciment magnésien (mélange 
de MgO calciné à 800 °C avec une solution à 30 % de MgC]l.) dont 
on fait des éléments et des structures des constructions. légers. réfrac- 
taires et imperméables au son. 

On utilise le calcium en qualité de réducteur des oxydes de plu- 
sieurs métaux rares, ainsi que pour obtenir des alliages durs avec 
le plomb. 

Le strontium et le baryum ne trouvent qu'une application limi- 
tée. Ainsi, le baryum est introduit dans certains alliages (régules au 
plomb). On se sert du sulfate de baryum pour fabriquer la peinture 
décorative lithopone (BaSO, + ZnS) et le papier glacé, ainsi que 
pour diagnostiquer certaines maladies. Les nitrates et autres sels de 
strontium et de baryum s’emploient pour fabriquer des fusées de 
signalisation, des balles et des obus traceurs. 


METAUX DU SOUS-GROUPE SECONDAIRE DU GROUPE II 
(FAMILLE DU ZINC) 


$ 123. Généralités. Ce sous-groupe comprend le zinc, le cadmium 
et le mercure. Ce sont des éléments d dont toutes les orbitales d 
sont occupées (Tableau 28). Dans toutes leurs combinaisons, ils 


Tableau 28 
Quelques caractéristiques des atomes des éléments de la famille du zinc 


Configuration Rayon, nm Premier Electroné- 
EIé- | Numé- des deux D —— tentiel gativité 
ment | ete. rene tomi de l'ion donation relative 
mique atomique ° 
À (état fondamental) q M2+ kJ/mol 


(selon 
Pauling) 


3s°3p63d104s12 0,1065 | 0,0311 907 
4s°4p$4d105s2? 0,1184 | 0,0507 
5s25p°5d106s? 0,1126 | 0,0605 


présentent le degré d’oxydation +2 (seul le mercure peut avoir le 
degré « formel » +1 dans les combinaisons de structure —Hg—Hg—). 
A la différence des métaux alcalino-terreux, l’avant-dernier niveau 
énergétique de Zn, Cd et Hg renferme non pas 8, mais 18 électrons, 
d’où la différence considérable entre les propriétés des éléments de 
ces deux sous-groupes, alors que l’existence d’une certaine analogie 


8 124] PROPRIÊTES DU ZINC, DU CADMIUM ET DU MERCURE 367 


s'explique par la présence de deux électrons s sur le niveau périphéri- 
que des éléments du sous-groupe principal et du sous-groupe secon- 
daire. Les atomes (et les ions) de la famille du zinc sont plus petits 
que les atomes et les ions des éléments correspondants du sous-groupe 
principal. Voilà pourquoi les premiers sont chimiquement moins actifs 
que les seconds: à la température normale, ils sont plus difficiles 
à oxyder et n’entrent pas en réaction avec l'eau. La densité de ces 
métaux croît du zinc (7 130 kg/m) au mercure (13 600 kg/m°), 
alors que les températures de fusion et d’ébullition, ainsi que la 
dureté, vont décroissant. Ainsi, le zinc fond à 419.4 °C et le mercure 


à —38,9 “C. 


$ 124. Propriétés du zinc, du cadmium et du mercure. A l’état 
libre, les éléments de la famille du zinc sont colorés en blanc argent. 
Le zinc est fragile à la température ordinaire. mais porté à 100- 
150 °C, il devient ductile et se prête aisément au laminage. A 200) °C. 
le zinc redevient fragile (il est alors facilement réduit en poudre). 
Le cadmium est beaucoup plus ductile que le zinc. Il présente une 
bonne malléabilité et s’étire en fil dans les conditions normales. 
devenant cassant dès 80 °C. Le mercure est liquide dans les con- 
ditions ordinaires. Il forme des alliages liquides ou solides. dits 
amalgames, avec plusieurs métaux. tels que Na, K. Ag, Au. Zn, 
Cd, Sn. Pb. Notons que ce sont de préférence des métaux situés 
au voisinage du mercure dans la classification périodique. 

Bien que l'énergie d'’ionisation du cadmium soit inférieure à 
celle du zinc, ce premier est également stable à l’air et dans l'eau, 
étant protégé par une couche d’oxyde résistante. Le mercure liquide, 
dépourvu d’une telle protection, est néanmoins aussi stable dans 
ces deux milieux: son potentiel d’ionisation élevé explique ce phé- 
nomène. 

Les oxydes de ces trois métaux sont pratiquement insolubles dans 
l’eau. Les hydroxydes de zinc et de cadmium se forment lorsque 
leurs sels en solution sont mis en contact avec des quantités équiva- 
lentes d'’alcalis: 


ZnSO, + 2NaOH = Na,SO, + Zn(OH},} 
CdCI, + 2KOH = 2KCI + Cd(OH).; 


Ces hydroxydes se décomposent à chaud en libérant de l'eau: 
150 °C 
Zn(OH)s -——> ZnO + H,0 


300 °C 
Cd(OH}; —-—> CdO + H,0 


L'hydroxyde de mercure, instable, se décompose dès qu’il s’est 
formé : 


Hg(NO;), + 2NaOH = 2NaNO, + Hg(OH}), = 2NaNO, + HgO + H.0 


368 MÉTAUX (CH. XIII 


L'hydroxyde de zinc se dissout facilement dans un excès d’'alcalis 
en donnant des hydrorozincates: 


Zn(OH): + 2KOH = K:.[Zn(0H)i] 


L'hydroxyde de cadmium ne se dissout que dans des alcalis con- 
centrés bouillants en formant des hydroxocadmiates : 


Cd(OH}). + 2NaOH = Na.[Cd(0H)J] 


Les hydroxydes de zinc et de cadmium sont solubles dans l’am- 
moniac en solution aqueuse. Ils forment alors des complexes dits 
ammoniacates : 


Zn(OH): + 4NH, = [Zn(NHs)J(OH)s 
Cd(OH)s + 4NH3 = [Cd(NHs)4(OH}, 


Les oxydes de tous les éléments considérés, ainsi que les hydroxy- 
des de zinc et de cadmium, forment des sels avec les acides: 


ZnO + 2HCI — ZnCl, + H,0 
Cd(OH); + H:S0, = CdSO, + 2H,0 


Le zinc, le cadmium et le mercure réagissent directement sur 
les halogènes et le soufre (combinaisons MX, et MS). Les sulfures 
de ces éléments ne se dissolvent pratiquement pas dans l’eau. Le 
sulfure de zinc ZnS est soluble dans les acides minéraux; le sulfure 
de cadmium CdS, dans l’acide nitrique chaud et dans l’acide sulfuri- 
que bouillant ; le sulfure de mercure HgS, dans l’eau régale. 

Le zinc et le cadmium, situés à gauche de l’hydrogène dans la 
série de tensions, se dissolvent dans les acides dilués avec dégage- 
ment d'hydrogène. Le zinc est également soluble dans les solutions 
aqueuses d'alcalis: 


Zn + 2NaOH + 2H,0 = Na.[Zn(OH),] + Ha 
Le mercure qui se trouve à droite de l'hydrogène dans la série 


de tensions, ne se dissout que dans l’acide nitrique concentré et 
dans l'acide sulfurique concentré chaud: 


Hg + 4HNO, — Hg(NO;): + 2N0, + 2H,0 
2Hg + 2H,S0, = Hg,S0,4 + SO: + 2H,0 


L'action de l'acide nitrique dilué sur le mercure pris en excès 
conduit au nitrate de mercure (Ï): 


6Hg + 8HNO, — 3Hg.(NOs)a + 2NO + 4H,0 


A la différence du zinc et du cadmium, les atomes de mercure 
peuvent se lier entre eux par une liaison covalente, en formant le 
groupe H : Hg- dont chaque atome est au degré d'oxydation +1. 
Les oxydants font croître, sans difficulté, le degré d’oxydation du 
mercure (Hg,Cl, + CI, = 2HgCl,) et les réducteurs transforment 


$ 125] PREPARATION ET APPLICATIONS DE Zn, DE Cd ET DE Hg 369 


Hg** en Hgi* et puis en mercure métallique: 


Hg(NOs)2 + Hg = Hg:(NO3): 
2HgCl, + SnCl, = Hg;Cl, + SaCl, 
Hg;Cl, + SanCl, — 2Hg + SnCl, 


Toutes les combinaisons des éléments de la famille du zinc sont 
toxiques (surtout les composés du mercure). La vapeur de mercure 
est également très toxique. 


Le soufre fixe le mercure en sulfure. Voilà pou on répand du soufre 
pulvérulent dans les endroits où l’on a laissé couler du mercure. La « démercu- 
ration » se fait aussi avec du chlorure de fer FeCl.. 


$ 125. Eléments de la famille du zinc dans la nature. Préparation 
et applications. Le zinc et le cadmium, chimiquement actifs, ne 
se rencontrent qu’à l’état combiné, la proportion du zinc dans l’écor- 
ce terrestre (1,1-10-* % massiques) étant de loin supérieure à la te- 
neur en Cadmium (1,5-10-6 % massiques). Le soufre est, ainsi que le 
cadmium, peu abondant dans la nature (0.8-10-5 % massiques). Le 
mercure naturel peut être combiné ou libre. On trouve du zinc et du 
cadmium (sous forme de sulfures ZnS et CdS) dans les minerais 
plombo-zincifères ou plomb-zinc-cuivre. Les minéraux zincifères 
d'intérêt pratique sont la sphalérite (blende de zinc) ZnS et la smithso- 
nite ZnCO;, pour le mercure, c'est le cinabre HgsS. 

La réduction du zinc et du cadmium contenus dans les minerais 
sulfurés est effectuée en deux étapes. D'abord, le minerai est soumis 
au grillage oxydant, au cours duquel Île soufre est éliminé (consu- 
mé) : 

2ZnS + 30, = 2Zn0 + 2S0,{ 
Ensuite, le minerai grillé est réduit par le carbone: 
ZnO + C = Zn + CO! 


Lors du grillage du cinabre HgS en présence d'oxygène de l’air, 
la réduction se produit en une seule étape. vu l'instabilité thermique 


de HgO: 
850 °C 
HgS + O2 ——} Hg + SO: 


Il existe un autre procédé industriel où le minerai renfermant du 
sulfure de zinc est soumis au grillage. les produits de la réaction 
étant extraits du minerai grillé à l’aide de l’acide sulfurique dilué: 


ZnO + H,$0, = ZnSO, + H.0 
Le sulfate de zinc en solution est électrolysé : le zinc est déposé 


sur la cathode. Le cadmium est déplacé de son sulfate en solution 
par le zinc métallique. 


24—01151 


370 MÉTAUX [CH. XIII 


Le zinc est utilisé principalement pour préparer des alliages et 
pour revêtir des métaux. Parmi les alliages du zinc, nous citerons le 
laiton: 60 % massiques de Cu et 40 % de Zn. et l'argentan (maille- 
chort): 65 % de Cu. 15 % de Ni et 20 % de Zn. L'oxyde. le sulfate, 
le chlorure et le sulfure de zinc présentent un grand intérêt pratique. 
L'oxyde de zinc ZnO sert de base au blanc de zinc qui présente un bon 
pouvoir couvrant et une bonne stabilité chimique. L'industrie du 
caoutchouc consomme beaucoup de ZnO (charge du caoutchouc dans 
la fabrication de pneus). Il entre dans la composition de quelques 
verres et glaçures. Le sulfate de zinc ZnSO, sert à imprégner le bois 
(traitement fongicide) et le chlorure de zinc ZnCIl, à fabriquer des 
couleurs minérales et à nettoyer les surfaces lors du brasage du laiton, 
du cuivre. du fer. Le sulfure de zinc ZnS est utilisé dans le lithopone 
(peinture décorative composée de ZnS et de BaSO,). ainsi que pour 
confectionner des luminophores. Mélangé au sulfure de cadmium 
CdS, il sert à fabriquer des écrans et des tubes cathodiques de télé- 
vision. 

Le cadmium est essentiellement utilisé dans divers alliages. 
Le cuivre additionné de cadmium devient beaucoup plus résistant. 


Le cadmium possède une propriété importante : il absorbe bien les neutrons. 
Des barres en cadmium sont utilisées pour contrôler la réaction de fission de 
l'uranium dans les réacteurs nucléaires. 


Des sels de cadmium servent le plus souvent à fabriquer des pein- 
tures caractérisées par une grande diversité des couleurs et par un 
bon éclat. Ainsi, le sulfure de cadmium CdS est le constituant princi- 
pal des peintures cadmopone (CdS + BaSO,) et zincocadmopone 
(ZnS + CdS + BaSO,) dont la couleur imite l’ivoire. 

Le séléniure de cadmium CdSe est ajouté au verre pour obtenir 
une couleur rubis. Les halogénures de cadmium (qui colorent la flam- 
me en bleu) sont utilisés en prrotechnie. 

L'industrie électrotechnique est le principal utilisateur du mercu- 
re (redresseurs, lampes à lumière du jour. lampes de quartz à mercu- 
re). On l'emploie dans divers appareils de mesure (baromètres. mano- 
mètres, thermomètres). Beaucoup de mercure est consommé pour 
préparer le fulminate de mercure ITg(CNO).. explosif. dont on charge 
les amorces percutantes. 

Des sels de mercure trouvent leur place en médecine. en agricul- 
ture (pesticides), ainsi que dans la fabrication de couleurs minérales. 
Ainsi. l'arséniate acide de mercure HgHAsO, est un composant des 
peintures hydrofuges et toxiques (antisalissure) pour navires de mer. 
Le chlorure mercurique HgCI, en solution aqueuse diluée (au 1 : 1000€) 
est utilisé en médecine comme désinfectant. {Le chlorure de mercu- 
re (ÏI1), dit aussi sublimé corrosif. est un des plus forts poisons. alors 
que le calomel Hg,Cl, n'est pas toxique.Ï Le sulfate de mercure HgSO, 


6 127] PROPRIÉTÉS D'AI, DE Ga. D'In ET DE TI 371 


est un catalyseur précieux que l'on applique dans la production de 
certains produits organiques (aldéhyde acétique, anhydride phtali- 
que). 


MÉTAUX DU SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE III 


$ 126. Généralités. Ce sous-groupe comprend quatre métaux : 
aluminium, gallium, indium et thallium. Ces métaux sont des élé- 
ments p dont l'atome a sur son niveau énergétique externe trois 
électrons de valence: deux sur le sous-niveau s et un sur le sous-ni- 
veau p (Tableau 29). Lorsque l'atome s'excite. un des électrons s 


Tableau 29 


Quelques caractéristiques des atomes des métaux 
du sous-groupe principal du groupe III 


Configuration Rayon, nm Prctér Electro- 
EJé- | Numé- des deux potentiel négativité 
ment |ro ato- | dernières couches de l'ion | d’ionisation, ja 


(état fondamental) Pauling:) 


mique électroniques atomique M3+ kJ/mol 


2529 p63st3p1 0,1312 | 0,0221 
3s3p63d104s4pt | 0,1254 | 0,0298 
4st4pt4dt05s25p1 | 0,1382 | 0,0481 
5s*5pt5d106s26p1 | 0,1319 | 0,0580 


du niveau périphérique passe sur le sous-niveau p. Ces métaux sont 
donc normalement trivalents (et le thallium aussi monovalent). Le 
caractère métallique augmente de l'aluminium au thallium. 

Les oxydes et les hydroxydes d'aluminium, de gallium et d'in- 
dium sont amphotères. Les oxydes de thallium (T1,0 et T1,0,) sont 
uniquement basiques. Le gallium et l'indium ont des réseaux cristal- 
lins que l’on ne rencontre pas. normalement, chez les métaux (rhom- 
bique pour le gallium, tétragonal pour l'indium). Dans le réseau 
du gallium, ce ne sont pas des atomes ou ions individuels qui occu- 
pent les nœuds. mais les molécules diatomiques Ga,. faciles à dé- 
truire : le gallium fond à 30 °C. Dans le gallium fondu les molécules 
diatomiques sont en partie dissociées. On y trouve des atomes et 
des ions liés entre eux par une liaison métallique : le gallium liquide 
conduit mieux l'électricité que le gallium solide. 


$ 127. Propriétés de l’aluminium, du gallium. de l’indium et 
du thallium. Tous les quatre sont des métaux blancs argentés, re- 
lativement mous et ductiles. Leur densité croît de l'aluminium au 
thallium. De tous ces métaux le gallium est le plus dur, tandis que 


21* 


372 METAUX [CH. XL 


son point de fusion est le moins élevé (30 °C). L'aluminium possède 
la meilleure conductivité électrique. Chimiquement. l'aluminium, 
le gallium et l'indium présentent de grandes analogies. A l'air. ils 
se recouvrent tous d’une couche d'oxyde bien résistante. Leur activi- 
té chimique élevée devient particulièrement manifeste après élimi- 
nation de cette couche. Ils réagissent sur les non-métaux (halogènes, 
soufre). donnant des combinaisons de degré d'oxydation +3. Ainsi, 
le gallium réagit à froid sur tous les halogènes. à l’exception de 
l'iode : 
2Ga + 3C1, = 2GaCl, 

L'aluminium, le gallium et l'’indium ont un comportement va- 
riable vis-à-vis de l’eau. L’aluminium dépouillé de sa couche pro- 
tectrice réagit rapidement sur l’eau à température normale: 


Le gallium ne décompose pas l’eau et l’indium en est lentement 
corrodé. Tous les trois métaux dégagent l'hydrogène des acides 
dilués : 

2A1 + 3H,S0, = Al(SOi)s + 3H: 
2Ga + 6HCI = 2GaCl, + 3H, 
21n + 6HCI = 21nCl, + 3H, 


Mais le thallium est pratiquement insoluble dans ces deux acides, 
car sa surface se recouvre rapidement d’une pellicule dense et peu 
soluble de chlorure TICI ou de sulfate TI,S0.. 

L’acide nitrique concentré, à froid, ne dissout pas l'aluminium, 
car il en est vite oxydé en un oxyde insoluble dans les acides. Par 
contre, le gallium et l’indium sont solubles dans l’acide nitrique 
concentré. | 

L'aluminium et le gallium présentent une bonne solubilité dans 
les solutions alcalines (l'indium ne s’y dissout que lentement) avec 
formation de sels: hydroroaluminates, hydroxogallates et hydroxo- 
indates: 

2A1 + 6KOH + 6H,0 = 3H, + 2KAUOH),] 
hexahydroxoalu- 
minate de potassium 


L'aluminium à l’état anhydre peut être substitué, dans ses sels, 
par un métal plus actif, tel que le potassium * : 


3K + AICI, — 3KCI + Al 
Le thallium présente des analogies avec l'argent, ainsi qu'avec 
ses voisins immédiats dans la période : le mercure et le plomb. Il ne 


* C'est suivant cette réaction que l'aluminium à l'état libre fut obtenu 
pour la première fois (en 1827). 


$ 128] PRÉPARATION ET APPLICATIONS D'AI, DE Ga, D'In 313 


réagit sur l'eau qu'en présence d oxygène : 
4T1 + 2H,0 + O, = 4TIOH 


Le thallium entre facilement en réaction avec les halogènes. Il 
interagit à chaud avec le soufre, se dissout aisément dans l'acide 
nitrique. Le thallium ne réagit pas sur les alcalis. 


$ 128. Etat naturel des éléments du sous-groupe principal du groupe 
III. Pééperalion et applications. Ces éléments se rencontrent dans la 
nature uniquement sous forme de combinaisons. D'après son abon- 
dance l'aluminium occupe la troisième position parmi tous les élé- 
ments. après l’oxygène et le silicium (sa proportion dans l'écorce 
terrestre s'élève à 8,13 % massiques). Le gallium. l'indium et le 
thallium sont des éléments assez peu répandus: les teneurs respecti- 
ves sont égales à 1,7-10-%, 1-10-5 et 3-10-5 % (massiques). Ces élé- 
ments sont disséminés dans différents minéraux et roches. 

Le gallium, l’indium et le thallium sont tirés des résidus de 
minerais non ferreux que l'on soumet à un traitement chimique 
complexe. Ainsi, le gallium est obtenu par électrolyse de Ga(OH); 
dans NaOH fondu (l’électrolvte contient ces deux hydroxydes dans 
le rapport de 1 à 6). L'indium se prépare par électrolyse d'InCl, à 
l'état fondu, l'opération s'effectuant en deux étapes. D'abord. le 
chlorure d’indium est électrolysé avec une cathode en mercure: 
l'indium métallique libéré à la cathode forme un amalgame avec le 
mercure. Cet amalgame qui renferme 30 à 40 % (massiques) d'in- 
dium est ensuite placé dans un autre électrolyseur où il joue le rôle 
d’anode, la cathode étant constituée par de l’indium pur à l'état 
liquide, le chlorure d’indium fondu servant d'électrolyte. Le passage 
du courant provoque Îles réactions: 


A l'anode: In — 3e = In°* 
A la cathode: Inÿ* + 3e = In 

L'indium obtenu par ce procédé est très pur. On peut également 
le tirer du chlorure d’indium en solution par l'action du zinc: 

2In$+ + 3Zn = 3Zn°?* + 2In 

Le zinc sert aussi à isoler le thallium de la solution de TI,S0, : 

Zn + TI,S0, = 2Tl + ZnSO, 

L'Union Soviétique dispose de grosses réserves de minerais d’alu- 
minium. Des gisements de boxites qui renferment, à côté 
d’A1,03- H,0 (32 à 60% massiques), des combinaisons du fer et du sili- 
cium (Fe,0;:, SiO.), se trouvent dans l'Oural, en Bachkirie et au 
Kazakhstan. Un minéral aluminifère important est la néphéline 


(néphélite) NalAISiO,] (l’aluminium est élaboré par fusion de ce 
minéral). En UÜ.R.S. os la néphéline giît. avec l'apatite, dans les 


374 MÊTAUX [CH. XIII 


Khibines. Des gisements de minerais d'aluminium existent égale- 
ment en Sibérie. 

L'aluminium est extrait de ses minerais par électrolyse. Préala- 
blement, la matière première est soigneusement débarrassée des impu- 
retés (Fe,03. SiO,). car au cours de l'électrolyse d'ALO;. le fer et 
le silicium dont les potentiels de décomposition sont moins élevés, 
se déposeraient sur la cathode en même temps que l'aluminium. 


D S — 


Fig. 71. Préparation de l'aluminium par électrolyse du mélange AlO:-NasAÏFs 
a l'état fondu : 


1 — anodes en pâte . graphite : 2 — cathode (sole du four) : 3 — corps du four : 
— "aluminium liquide ; 5 — mélange fondu 


L'électrolyse d'un oxyde d'aluminium (II1) pur et anhydre pré- 
sente de grandes difficultés, puisque Al.0, ne conduit pas l'électri- 
cité et ne fond qu'à 2050 “C. Voilà pourquoi on soumet à l’électrolyse 
une solution à 10 % d'oxyde d'aluminium (JII) dans la cryolithe * 
NaslAIF,] fondue à 900- 950 °C. 

L'électrolyseur pour élaboration d aluminium se compose d'une 
enveloppe en tôle de fer. revétue à l’intérieur de briques réfractaires 
(fig. 74). Le fond (sole) en graphite sert de cathode. Les anodes sont 
des armatures d'aluminium remplies de pâte de graphite. Dans la 
cryolithe fondue. l’oxyde d'aluminium (11) se dissocie en ions: 


AlOs = Al+ + AlOÏ- et 2ALO, == AlS+ + 3A10z 
Le passage du courant électrique provoque la libération d'alumi- 


nium à la cathode. alors qu à l'anode il y a décharge d’anions et dé- 
gagement d'hydrogène atomique qui oxyde les anodes en graphite: 


* La cryolithe est bien rare dans la nature. On la prépare artificiellement 
par action de l'acide fluorhydrique sur l'hydroxyde d'aluminium. suivie de neu- 
tralisation de la solution acide pie ne ; 


Na,CO, + 2HF = 2NaF + CO, + H,0 
AIF; + 3NaF — Na: [AIF,] 


$ 128] PREPARATION ET APPLICATIONS D'AI, DE Ga, D'Iîn 315 


À la cathode: Al3%+ + 3e — Al 
A l'anode: 2A103 — 6e + Al,0, + 30 


L'aluminium, plus dense qu'Al,0, en solution dans la crrolithe. 
s'accumule au fond de l'électrolyseur. On l'en évacue de temps en 
temps, tout en alimentant la solution en nouvelles doses d'oxyde 
d'aluminium ([I1). Les anodes à graphite usées sont remplacées de 
façon automatique. 

L'aluminium présente le plus grand intérêt pratique parmi les 
métaux du groupe III. On en obtient des alliages légers à excellentes 
caractéristiques mécaniques (résistance. dureté, etc.), dont le plus 
important pour l'industrie aéronautique et automobile est le duralu- 
min. de composition suivante (% massiques): Al (94). Cu (4). Mg, 
Mn, Fe, Si (0,5 chacun). Cet alliage. aussi résistant que l'acier, est 
presque 3 fois plus léger. [l est facile à laminer. étirer (tréfiler), 
emboutir et filer. L'alliage aluminium-magnésium (magnalium) 
sert à fabriquer des structures de navire (de mer ou de rivière), des 
évaporateurs pour réfrigérateurs ménagers. des citernes pour pro- 
duits alimentaires. L'alliage aluminium-manganèse est utilisé pour 
produire des radiateurs d'auto et de tracteur. Le génie civile utilise 
des alliages de l'aluminium avec le magnésium et le silicium (mousse 
d'aluminium). 

On fait en aluminium des appareils chimiques. des câbles électri- 
ques, des condensateurs. des miroirs. L'aluminium réduit certains 
métaux oxydés (chrome, manganèse): 


Cr.03 + 2A1 = ALO, + 2Cr 


Cette réduction est possible, vu la grande affinité chimique de l'alu- 
minium pour l'oxygène. Ainsi, la réaction 
4A]l + 30; — 2AL0O;, 


dégage une chaleur très importante (1672 kJ'’mol). 

Une application très importante de l’aluminium est la calorisa- 
tion (aluminiage, aluminisation): saturation en aluminium des sur- 
faces en acier ou en fonte pour les protéger contre l’oxydation à une 
température allant jusqu'à 900 °C. La calorisation est effectuée en 
plongeant l’objet à protéger dans de l'aluminium fondu ou, plus 
souvent, en chauffant la pièce à traiter avec un mélange d'alumi- 
nium pulvérulent et d'oxyde d'aluminium (III). L'aluminium pé- 
nètre dans la couche superficielle de la pièce, en formant avec le fer 
une solution solide. 


En U.R.S.S., au cours du dixiéme quinquennat la production d'aluminium 
a été multipliée par 1,2-1,3. 


Les composés d'aluminium ayant un intérêt pratique sont l’oxy- 
de, le chlorure et le sulfate Al,(S0.,),- 18H,0, ainsi que l'alun de 


376 MÊTAUX [CH. XIIT 


potassium KAI(S0.,),.-12H,0. La chamotte (brique réfractaire) ren- 
ferme 45 % (massiques) d'oxyde d'aluminium Al,0O.. Le chlorure 
d'aluminium AlCI, sert de catalyseur dans la transformation de 
pétrole et dans diverses synthèses organiques. Le sulfate d’'alumi- 
nium est appliqué à l'épuration de l’eau, car le précipité AI(OH}, 
qu'il forme par hydrolyse entraîne les particules en suspension, les 
bactéries, etc. L’alun de potassium sert à tanner les peaux et à mor- 
dancer les tissus de coton à teindre. 

Le bas point de fusion (29,8 °C) et le haut point d'ébullition 
(2237 °C) du gallium déterminent son utilisation, à l'état liquide, 
dans les thermomètres de quartz à hautes températures, ainsi que 
dans la préparation d’alliages à bas point de fusion. Le thallium (très 
pur) est utilisé dans la fabrication de semiconducteurs pour « doper » 
le germanium et le silicium (ainsi on améliore la conductibilité 
« par trous »). 

Les composés intermétalliques que le gallium forme avec l'anti- 
moine et l’arsenic possèdent eux-mêmes des propriétés semiconduc- 
trices. 

On fait d'indium des réflecteurs de haute qualité. Les alliages 
Ga-Al, In-Pb servent de brasures. Le thallium entre dans la compo- 
sition d'’alliages pour paliers et d’alliages résistants aux acides. 
L’alliage qui renferme 10 % de T1, 20 % de Sn et 70 % de Pb résiste 
même à un mélange d'acides sulfurique, chlorhydrique et nitrique. 


METAUX DU SOUS-GROUPE SECONDAIRE DU GROUPE III. 
LANTHANIDES ET ACTINIDES 


$ 129. Généralités. Ce sous-groupe comprend le scandium, l'yt- 
trium, le lanthane, l’actinium, ainsi que deux familles de quatorze 
éléments chacune qui suivent le lanthane et l'actinium dans la classi- 
fication périodique de Mendéléev et qu on appelle respectivement 
lanthanides et actinides. 


Tableau 30 
Quelques caractéristiques des atomes des éléments 
de la famille du scandium 
Configurati Rayon, nm Elect 
RE NE 
Ft ro ato- | dernières couches de l'ion dicton relative 
men mique électroniques atomique M3+ kJ ol , (selon 
(état fondamental) ‘ /m Pauling) 
Sc 21 3s°3p*3d!4s° 0,157 0,0193 632 1.3 
Y 39 4s°4pf4d15s° 0,1693 | 0,0640 615 1,3 
La 57 5s°5p#5d16s° 0,1915 | 0,0819 540 1.1 
AC 89 6s°6p%6d!1s° 0,1895 665 1 ,1 


$ 130] PROPRIÊTES DES MÉTAUX DE LA FAMILLE DU SCANDIUM 377 


Les atomes de ces éléments disposent de trois électrons de valen- 
ce: deux électrons dans l’état s sur le niveau périphérique et un 
dans l’état dsur l’avant-dernier niveau (Tableau 30). Les métaux de la 
famille du scandium sont des éléments d normalement trivalents. 
Leurs atomes se rapprochent des atomes des éléments du sous-groupe 
principal, quant au nombre d'électrons de valence. mais en diffèrent 
pour ce qui concerne la configuration des deux derniers niveaux 
énergétiques. Vu la grosse taille de leurs atomes et ions et la présence 
de deux électrons seulement sur le niveau externe, les éléments du 
sous-groupe secondaire sont des métaux plus francs que les éléments 
du sous-groupe principal. Ce caractère métallique accusé les fait 
ressembler, quelque peu, aux métaux alcalino-terreux. 


$ 130. Propriétés des métaux de la famille du scandium. Ce sont, 
à l’état libre, des métaux blanc argent. Ils ne cèdent en activité 
chimique qu'aux métaux alcalins et alcalino-terreux. Leur réactivité 
croît de façon significative dans la série Sc-Y-La-Ac. Au contact de 
l'air ces éléments se recouvrent vite d’une couche d'oxyde qui les 
préserve de l'oxydation ultérieure. Ils réagissent à chaud sur la plu- 
part des non-métaux et, à l’état fondu, sur les métaux. Le lanthane, 
porté à 450 °C dans l'atmosphère d'oxygène, s’enflamme et brüle 
en se transformant en oxyde La,O.,. À haute température, il entre en 
réaction avec l'azote pour former un nitrure noir: 


2La + N: = 2LaN 
On peut juger de l’accroissement de l’activité chimique du scan- 


dium au lanthane d’après les quantités d'énergie dégagées au cours 
de l'interaction de ces métaux avec des non-métaux actifs (en kJ, mol): 


Oxydes Chlorures 
Scandium 1722 928 
Yttrium 180 987 
Lanthane 1915 1109 


Le scandium (ainsi que son oxyde et son hydroxyde) est le seul 
à manifester un faible caractère amphotère (analogie avec l’alumi- 
nium). Ainsi, il se dissout un peu, à chaud, dans des solutions aqueu- 
ses d’alcalis en formant des hkexahydrozoscandates : 


2Sc + 6H,0 + 6KOH = 3H, + 2K{Sc(OH),] 
L'oxyde de scandium (III) donne des scandates par fusion en 
présence d’alcalis: 
Sc:03 + 2NaO0H = 2NaScO, + H:0 
L'hydroxyde de scandium est soluble dans les solutions alcali- 


nes « 
Sc(OH), + 3NaOH = Na.(Sc(OH),] 


318 MÊTAUX (CH. XIII 


Le scandium et ses analogues précèdent l'hydrogène dans la série 
de tensions (le potentiel d’électrode du lanthane vaut —2,24 V). 
Le scandium ne réagit pas sur l’eau, tandis que le lanthane la dé- 
compose lentement dès les conditions normales: 


2La + 6H,0 = 2La(OH), + 3H, 


Les métaux considérés se dissolvent aisément dans les solutions 
diluées de HCI et H,S0, : 


2Sc + 6HCI = 2ScCl, + 3H, 
et réduisent en ammoniac un acide nitrique très dilué: 
8Sc + 30OHNO, = 8Sc(NOs)s + 3NH4NO; + 9H,0 


$ 131. Eléments de la famille du scandium dans la nature. Pré- 
paration et applications. Les éléments en question sont très disper- 
sés à l'état naturel (le scandium a été découvert dans la thortvéitite 
Sc,0,-2Si0,). Leurs concentrations respectives (*o massiques) dans 
l’écorce terrestre sont les suivantes : 2-10 (Sc), 2,8-10-3 (Y}), 1,8 « 
x 4073 (La), 6-10-1% (Ac). Le scandium, l’yttrium et le lanthane voi- 
sinent, dans les minerais, avec les lanthanides, le zirconium, le 
hafnium, le thorium, etc. L'actinium a été trouvé dans les minerais 
uranifères. On prépare Sc. Y. La et Ac à l’état libre par électrolyse 
des chlorures fondus ou par métallothermie. 

Aujourd'hui. les éléments de cette famille, ainsi que leurs com- 
binaisons, trouvent des applications dans le matériel de pointe. 
On se sert du scandium pur pour préparer des alliages qui résistent 
à des températures très élevées. L'yttrium est utilisé comme dope 
dans la fabrication d'alliages spéciaux, le lanthane et son oxyde 
servent à absorber les traces de gaz (O,, CO,, N:) dans les appareils 
à vide poussé. De plus, La.O. est utilisé pour fabriquer des glaçures 
et des verres optiques pour objectifs photographiques. 


$ 132. Lanthanides. Généralités. Dans la sixième période de la 
classification périodique des éléments, le lanthane (numéro atomi- 
que 57) est immédiatement suivi de 14 éléments numérotés de 58 à 71. 
Les propriétés de ces éléments sont analogues à celles du lanthane, 
d'où leur nom générique de lanthanides. On les appelle aussi élé- 
ments des terres rares. 

Dans la série Ce-Lu, au fur et à mesure que la charge nucléaire 
des atomes s'accroît, les nouveaux électrons remplissent non pas le 
sous-niveau 5d, mais le sous-niveau 4f (Tableau 31). Dans l'atome 
de cérium. l’électron 5d que possédait le lanthane passe sur le sous- 
niveau f. Si l’on considère le caractère du remplissage du sous-niveau 
4f, la famille des lanthanides se subdivise en deux sous-familles : 
celle du cérium (éléments Ce-Gd) dont les orbitales 4f n’abritent 


$ 13°] 


319 


LANTHANIDES 


Quelques caractéristiques des atomes des lanthanides 


Tableau 31 


: Configuration des deux Ron Electroné- 
Sa mérn dernières couches | de te 
ato- électroniques (état ato- | in (sclen 
micue fondamental) mique M2* Paulins) 
Sous-famille du cérium 
Ce (cérium) n8 |4s*4pf4dl04f*5s"5p"Gs: 0,1825 | 0,100 1,1 
Pr (praséodyme) 59 | 4s*4pt4d104f35s°5 p66s? 0,1828 | 0,100 1.1 
Nd (uéodyme) 60 | 4s*4pf4dt04f.5s<°5p#Gs* 0,1821 | 0,099 1:2 
Pm (prométhéum) | 61 |4s°4pf4dt04f55s%5p6Gs® 0,098 
Sm (samarium) 62 |4s4pt4di04 8525 psGs2 0,1802|0,097| 1.2 
Eu (europium) 63 |4s°4p4d104f55s25 p#6s* 0,2042 [0,096 
Gd (gadolinium) 64 | 4s°4pt4dt04fî5s"5p65d16s? | 0,1802 | 0,094 1.1 
Sous-famille du terbium 
Tb (terbium) 65 |4s*4p*4d104f95s25 péGs? 0,1782 10,092 1:2 
Dy (dy<prosium) 66 |4s°4pt4d104f105s25 péGs* 0,1773 10,091 
Ho (holmium) 67 |4s*4pf4d'04f115s°5pt6s° 0,1776 | 0.089 1,2 
Er (erbium) 68 |4s*4pt4d04f125s25 pé6s® 0,1757 10,087 1.2 
Tim (thulium) 69 |4s*4pt4dt04f135s25 p66s° 0,1746 | 0,086 1.2 
Yb (ytterbium) 70 | 4s*4pf4d104fl15s25 péGs? 0,1940 | 0,085 1.1 
Lu (lutécium) 71 |4s"4pf4dt04ft15<5p65d\6s? | 0,1747 | 0,084 1,2 


pas d'électrons appariés, et celle du terbium (éléments Tb-Lu) où 
il y a des électrons appariés sur les orbitales 4/: 


Sous-famille Ce Pr Nd Fm Sm Eu Gd 
du cérium 4f®  4f5  A4ft 4 4 4f* 4/75d1 
Sous-famille Tb  Dy Ho Er Tm Yb Lu 
du terbium 4f9 4f\0  4fit 4fis  4fis 4j} 4fW5ql 


Les lanthanides sont des éléments f, à l'exception du gadolinium 
et du lutécium dont les atomes ont chacun un électron dans l’état 5d, 
en plus de la configuration stable f et f'*. 

Une faible excitation suffit pour qu'un (plus rarement deux) 
électron 4f passe dans l’état 5d. Les autres électrons 4f, « blindés » 
par les électrons 5° et 5p°, ont peu d'effet sur les propriétés de la 
plupart des lanthanides. Ce sont donc, principalement, les électrons 
5d et Üs* qui déterminent les propriétés de ces éléments. Voilà pour- 
quoi les lanthanides présentent une grande analogie avec les élé- 
ments du groupe III: le scandium et ses analogues. 

Un fait remarquable : les dimensions des atomes des lanthanides 
sont très voisines (v. Tableau 31). Parallèlement à l'accroissement 


38) MÊTAUX [CH. XITT 


« 


du numéro d'ordre (de 57 à 71), les rayons atomiques diminuent 
(contraction lanthanique). Cet effet est dû à l'augmentation de l’at- 
traction entre le noyau (dont la charge positive croît) et les électrons. 

La périodicité du remplissage des orbitales 4f prédétermine l’exis- 
tence de variations périodiques des propriétés (particulièrement des 
degrés d’'oxydation) des éléments des sous-familles du cérium et du 
terbium : 


Ce Pr Nd Pm Sm Eu Cd 
+3, --4 +-3, -L4 +3 +3 —+-3, +2 +3, +2 +3 
Tb Dy Ho Er Tm Yb Lu 


+3, +4 +3, +4 3 +3 +3,(+2) +3, +2 +3 


Les configurations électroniques les plus stables sont celles qui présentent 
le nombre maximal d'électrons et les spins parallèles sur les orbitales /, soit 
f* et fi, C'est la raison pour laquelle les atomes Eu et Yb cèdent assez facile- 
ment non pas trois, mais deux électrons. devenant des ions Eu?* et Yb*+. Dans 
ce cas, ils ont sur leurs orbitales 4f respectivement 7 et 14 électrons. L’atome 
Ce ne possède que deux électrons à spins parallèles sur ses orbitales 4f. Dans 
ses réactions. l’atome de cérium peut donc céder, en plus de ses deux électrons 
6s, les deux électrons des orbitales 4/: c’est alors l'ion Ce*+. Le terbium pré- 
sente un phénomène analogue. Après avoir cédé quatre électrons (deux de l’orbi- 
Se Fe des orbitales 4/). l’ion Tbt+ acquiert la configuration électronique 
stable 4/°. 


Propriétés des lanthanides. À l'état de corps simples, tous les 
Janthanides sont des métaux blanc argent (la teinte jaune du pra- 
séodyme et du néodyme est due à la couche d'oxyde qui recouvre leur 
surface). Tous ces métaux sont bien malléables. Ils sont presque tous 
paramagnétiques : seuls le gadolinium, le dysprosium et l'holmium 
manifestent un caractère ferromagrétique. 

De cérium au lutécium, on observe une périodicité interne dans 
la variation de la densité et des températures de fusion et d'ébulli- 
tion : ces propriétés varient suivant le même ordre dans les deux sous- 
familles, celle du cérium et celle du terbium (Tableau 32). Les tempé- 
ratures de fusion y vont croissant, à l'exception de l’europium et de 
l'yvtterbium. Ces deux éléments ont aussi des points d’ébullition 
plus bas que les autres éléments de la série des lanthanides. Ainsi que 
pour le lanthane, la réactivité des lanthanides n’est inférieure qu’à 
celle des métaux alcalins et alcalino-terreux. Ils perdent vite leur 
éclat au contact de l’air humide. Portés à 200-400 °C, ils s’enflam- 
ment à l'air et se consument en un mélange d'oxydes (M,0.) et de 
nitrures (MN). Le cérium en poudre s’enflamme facilement à l'air 
dès la température ordinaire. On utilise cette faculté du cérium dans 
les pierres à briquet. 

Les lanthanides réagissent sur les halogènes et, à chaud, sur 
l'azote, le soufre, le carbone, le silicium, le phosphore, l'hydrogène. 
Etant situés bien à gauche de l'hydrogène dans la série de tensions, 


$ 132] LANTHANIDES 381 


Tableau 32 
Propriétés physiques des lanthanides 
Température, °C 
Métal Densité, kg/ms3 
de fusion d'ébullition 
Sous-famille du cérium 

Lanthane 6120 . 3420 
Cérium 6770 3470 
Praséodyme 6710 3017 
Néodyme 7010 hr 3210 
Prométhéum 

Samarium 7540) 1072 1670 
Europium 9240 826 1430 
Gadolinium 7890 1312 2830 

Sous-famille du terbium 

Terbium 8250 1368 2480 
Dysprosium 8560 1380 2330 
Holmium 8780 1500 2380 
Erbium 9060 1525 2390 
Thulium 9320 1600 1720 
Ytterbium 6950 824 1320 
Lutécium 9850 1675 2680 


les lanthanides (dont les potentiels d'électrode varient entre —2,4 
et —2,1 V) sont oxydés par l’eau chaude suivant la réaction 


Ils se dissolvent parfaitement dans les solutions dilués de HCI, 
HNO; et H,S0,. Les lanthanides restent stables dans les solutions 
d'acide phosphorique et d’acide fluorhydrique, car là ils se recou- 
vrent d’une couche protectrice de sels peu solubles. Ils sont insolubles 
dans les solutions aqueuses d’alcalis. Leur activité chimique diminue 
quelque peu du cérium au lutécium, suite à la réduction des rayons 
atomiques et ioniques. 

Comme nous l'avons déjà signalé, les lanthanides ont le plus 
souvent le degré d’oxydation +3 et, parfois, dans les oxydes, <+4 
(CeO,, PrO,, TbO,). Le samarium, l’europium et l’ytterbium sont 
au degré +2 dans leurs oxydes, halogénures et sulfates. Les oxydes 
des lanthanides, très stables chimiquement, ont des points de fusion 
élevés. Ainsi, La,O, fond au-dessus de 2000 °C et CeO, à près de 
2500 °C. Ils sont pratiquement insolubles dans l’eau. Les hydroxydes 


382 METAUX [CH. XIE 


correspondants sont également insolubles dans l'eau, ainsi que dans 
les solutions aqueuses d’alcalis. 

Les oxydes et les hydroxydes des lanthanides se dissolvent dans 
les acides (à l'exception de HF et de H,PO,). L’hydroxyde de cérium 
Ce(OH), forme avec les acides réducteurs des sels où le cérium est 
au degré d'oxydation +3: 


2Ce(0H), — 8HCI — 2CeCl, + CI, + 8H.0 


Lanthanides dans la nature. Préparation et applications. Les lantha- 
nides naturels, extrémement dispersées, ne se rencontrent jamais à 
l’état libre : on ne les trouve que combinés les uns aux autres ou au 
Janthane et l’yttrium. La séparation des éléments individuels pré- 
sente de grandes difficultés, vu la similitude extrême de leurs pro- 
priétés. L'écorce terrestre renferme 0,01 % (massiques) de lanthane 
et lanthanides, soit à peu près la même proportion que pour le cuivre. 
Le lanthane, le cérium et le néodyme sont trois lanthanides les plus 
répandus. 

L'élément radioactif prométhéum est, par contre, très rare. On 
l’a isolé en 1947 des produits de fission de l'uranium dans une pile 
nucléaire. 

Ordinairement, les lanthanides sont préparés par électrolyse des 
chlorures ou des fluorures fondus. Il est également possible de les 
obtenir par métallothermie en réduisant les fluorures ou les chloru- 
res par des métaux actifs. 

On s'en sert dans la production de fonte et d'’aciers de haute 
qualité. L'introduction de ces éléments dans la fonte sous forme de 
ferrocérium (alliage fer-cérium) ou d'alliage de divers lanthanides 
améliore la résistance mécanique de la fonte. Ajoutés à l'acier en 
faibles doses, les lanthanides le débarrassent du soufre, de l'azote et 
d'autres impuretés (ces métaux chimiquement actifs réagissent avec 
les impuretés). Cela donne des aciers à haute ténacité, résistants à la 
chaleur et à la corrosion. On en fait des pièces des avions supersoni- 
ques, les enveloppes des satellites artificiels de la Terre. Les lantha- 
nides aident à obtenir des alliages tenaces à chaud de métaux légers 
(magnésium et aluminium). C'est à l’aide d’alliages de lanthanides 
que l'on effectue la réduction métallothermique de nombreux métaux 
(titane, vanadium, zirconium, niobium, tantale) en utilisant à cet 
effet la grande affinité des lanthanides pour l'oxygène. 

Les lanthanides jouent aussi un grand rôle dans l'industrie des 
silicates. L'addition au mélange vitrifiable d'oxydes de lanthanides 
confère au verre une bonne transparence, tout en le rendant résistant 
non seulement aux rayons ultraviolets, mais aussi aux rayons X. 
Les verres additionnés de lanthanides sont indispensables pour les 
appareils astronomiques et spectroscopiques. La présence de Nd.0, 
‘donne des verres d’un rouge vif et celle de Pr,O., des verres verts. 


$ 133] ACTINIDES 283 


Les oxydes de lanthanides sont également utilisables pour colorer 
porcelaine, glaçures et émaux. 

Les oxydes de gadolinium, de samarium et d'europium entrent 
dans la composition des enrobages céramiques des réacteurs nucléai- 
res qui servent à retenir les neutrons thermiques. Certains composés 
de lanthanides font partie de peintures, de vernis, de lumenophores, 
de catalyseurs. 


8 133. Actinides. Généralités. Quatorze éléments suivant l'acti- 
nium dans la septième période de la classification périodique cons- 
tituent la série des actinides. Ainsi que chez les lanthanides. ce 
sont les orbitales 5f des atomes des actinides que les électrons remplis- 
sent au fur et à mesure qu’augmente le numéro atomique (Tableau 33). 


Tableau 35 


Configurations électroniques et masses atomiques des isotopes 
les plus répandus des actinides 


Configuration des 


é Masse atomique deux dernières 
Elément Moue de l'isotope couches électroniques 
le plus répandu de l'atome 


(état fondamental) 


Th (thorium) 90 232 Gd°7s° 
Pa (protactinium) 91 231 5f*6d1s° 
U (uranium) 92 238 5/*6d7s° 
Np (neptunium) 93 237 9f*6d7s* 
Pu (plutonium) 94 242 5f87s° 
Am (américium) 95 243 5f77s° 
Cm (curium) 96 248 5f*6d7s° 
Bk (berkélium) 97 249 9f"6d7s° 
Cf (californium) 98 249 5f107s° 
Es (einsteinium) 99 254 9f117s°? 
Fm (fermium) 100 253 5f127s° 
Md (mendélevium) 101 256 5/1937s° 
(No) (nobélium) 102 254 5f147s2 
Lr (lawrencium) 103 257 5/"6d47s° 


Tous les actinides sont radioactifs. La plupart d'eux se sont 
complètement désintégrés au cours de l'existence de la Terre et ne se 
trouvent plus dans la nature. On les obtient par voie artificielle. 
Le fait que le thorium, le protactinium et l'uranium existent à 
l'état naturel s'explique par ce qu'ils ont des isotopes relativement 
stables (à grande demi-période). 

Ce sont les sables monazités qui servent de source industriel du 
thorium. On en tire également des éléments des terres rares. On con- 


384 MÉÊTAUX [CH. XIII 


naît deux minéraux riches, la thorite ThSiO, et la thorianite (Th, 
U)O,. Mais ces minéraux sont bien rares dans la nature. Ils ne for- 
ment jamais d'amas considérables. 

Le protactinium est un élément extrêmement dispersé. On l'ex- 
trait des résidus de la transformation de l'uranium. Mais aujour- 
d’'hui un de ses isotopes, le protactinium-231, est synthétisé de façon 
artificielle dans les réacteurs nucléaires. Ce procédé en fournit plus 
que les minerais d'uranium. 

Pour l'uranium, on connaît près de 200 minéraux. Pourtant, 
les minéraux exploitables sont bien peu nombreux. Nous en cite- 
rons le nasturane (uraninite ou pechblende), auquel on attribue usuelle- 
ment la formule U,0,. Un autre minéral assez répandu est l’uranite 
Ca(UO,),(PO,),-7H,0. Le neptunium et le plutonium se rencontrent 
aussi dans la nature en quantités insignifiantes. Mais leur existence 
est due aux processus naturels, pareils à ceux que l’homme réa- 
lise dans les réacteurs nucléaires. 

Nous donnons ci-après les isotopes les plus répandus obtenus par 
voie artificielle : 


Maxse ato- Péricde de Masse ato- Période de 
mique de demi-vie de mique de demi-vie de 
l'isotope l’isotope, ans l’isotope l'isvtope, ans 
Np 236 5 000 Cm 242 162,5 jour: 
237 2,2-109 + … 
7,6 
Pu 238 86,4 Se ; 
239 24 360 249 9 320 
240 6 580 Bk 247 7.1 
241 Re 249 314 jours 
242 3,19. 
LA Cf 249 3690 . 
244 1,6-105 250 10,9 
Am 241 458 251 800 
242 _ 152 252 2.2 
243 PAs0 Es 253 20 jours 
254 250 jours 


Il existe aujourd'hui, dans différents pays du monde, une pro- 
duction bien organisée de métaux actinides qui fournit annuelle- 
ment les quantités suivantes: 


Neptunium Dizaines de  Californium  Fractions 
kilogrammes de gramme 
Plutonium Plusieurs Einsteinium Fractions de 
tonnes milligramme 
Américium Dizaines de Fermium Milliards 
kilogrammes d’'atomes 
Curium Plusieurs Mendélévium  Milliers 
kilogrammes d’atomes 
Berke]ium Plusieurs 


décigrammes 


$ 133] ACTINIDES 385 


C'est l’uranium et le plutonium qui sont les actinides les plus 
utilisés. Les noyaux de deux isotopes de l'uranium (“SU et *““U) et 
de deux isotopes du plutonium (“’Pu et **!Pu) sont capables, en 
captant un neutron, de se désintégrer en deux fragments. Au cours 
de chaque fission le noyau émet, outre les fragments, deux ou trois 
neutrons. Cela assure non seulement la 
poursuite de la fission commencée, 
mais aussi son accroissement rapide, 
à la manière d'une avalanche (fig. 75). 

La fission nucléaire dégage une 
énergie immense. Ainsi, la fission de 
l'uranium 235 s'accompagne de dé- 
gagement de quelque 75 millions de 
kilojoules d'énergie par gramme d'’ura- 
nium. Cela a conditionné l’utilisation 
de l'uranium et du plutonium en 
qualité de combustible nucléaire dans 
les installations d'énergie nucléaire 
et en tant qu’explosif dans les bombes 
atomiques. 

L'explosion de la matière nucléai- Fig. 75. Fission nucleaire 
re se produit à condition que le pro- 
cessus en chaîne évolue de façon à dégager une énergie suf- 
fisamment élevée. Pour l’assurer, il faut disposer d’une certaine 
masse de matière en fission. La masse minimale de la substance 
fissile, nécessaire pour que l'explosion se produise, est dite masse 


Fig. 76. Schéma d’une bombe atomique : 


1 — charge d'explosif ; 2 — combustible nucléaire; 3 — réflecteur des neutrons ; 
4 — amorce 


critique. Pourtant, lorsque deux fragments de substance fissile dont 
la masse totale est égale à la critique, sont séparés par une certaine 
distance, l’explosion n’a pas lieu. Pour qu’elle se produise, il suffit 
de mettre en contact les deux fragments. Tel est le principe de fonc- 
tionnement de la bombe atomique (fig. 76) : l’amorce 4 fait exploser 
la charge d’explosif classique 7, ce qui met en contact les fragments 
de combustible nucléaire 2 qui ont la masse totale égale à la criti- 
que, la bombe explose. 


25—-01151 


386 METAUX [CH. XII 


Propriétés des actinides. Les éléments actinides, surtout ceux 
qui suivent l'uranium, sont caractérisés par leur état trivalent stable. 
Cela les fait ressembler à l’actinium et aux lanthanides. Le lawren- 
cium est le dernier élément de la série des actinides. L'élément sui- 
vant, le kourtchatovium ,,,Ku, présente, comme il fallait s’y attendre, 
des propriétés très différentes de celles des actinides: son comporte- 
ment chimique le rapproche du zirconium et du hafnium. 

Bien que le fait de réunir les quatorze actinides en une seule fa- 
mille n’appelle aucune objection valable, il faut bien dire que les 
irrégularités qu'ils présentent sont beaucoup plus nombreuses que 
dans le cas des lanthanides. 

Il est utile de mentionner une certaine analogie de propriétés 
qui rapproche le thorium du zirconium et du hafnium, le protactinium 
du niobium et du tantale et, surtout, l’uranium du molybdène et 
du tungstène. Un fait très intéressant est l'existence d’un neptu- 
nium et d’un plutonium heptavalents, prouvée récemment par les 
chercheurs soviétiques Krot et Helman. Cela permet de faire un rap- 
prochement certain entre le neptunium et deux éléments du grou- 
pe VII, le technétium et le rhénium. 

Nous donnons ci-après les états de valence connus actuellement 
pour les actinides (les états les plus stables et les plus caractéristiques 
sont marqués d’un trait): 


mAC' 3 »Bk 3 4 
Th 3,4 veCf 3 
e1Pa 3, 4, 9 #ES 3 
s2U 3, 4, 5, 6 100FM 3 
ssNP 3, 4, 9, 6, 7 101 Md 2, 3 
4 Pu 3, 4, 5, 6, 7 1o2(No) 2, 3 
sAm 3,4, 5 203 Lr 3 
Cm 3,4 


Les rayons des ions M°* et M‘* des métaux actinides décroissent 
parallèlement à l’augmentation du numéro atomique. C’est la con- 
traction actinique dont la cause est la même que pour la contrac- 
tion lanthanique : le remplissage s’effectuant dans les couches élec- 
troniques internes dont le nombre demeure inchangé, on assiste à 
l'accroissement de l'attraction coulombienne de chaque électron 
vers le noyau (dont la charge augmente), d’où la « contraction » 
des couches électroniques. 

Ainsi que les lanthanides, les actinides se caractérisent par 
une activité chimique élevée. On ne peut les obtenir que par élec- 
trolyse des sels fondus ou par réduction de leurs halogénures par des 
métaux aussi actifs que le calcium ou le baryum. Le Tableau 34 
regroupe quelques propriétés physiques des actinides. 


8 133] ACTINIDES 387 


Tableau 34 
Propriétés physiques de quelques actinides 


Température, °C 


Métal on 
de fusion d'’ébullition 

Actinium 1 100 

Thorium 11 720 4 550 3000 à 4400 
Protactinium 15 370 1 873 

Uranium 19 040 1 132 3 818 
Neptunium 20 450 637 

Plutonium 19 740 640 3 235 
Américium 143 670 995 2 607 
Curium 13 500 1 310 


Les hydroxydes M(OH).,, peu solubles dans l’eau, présentent un 
caractère basique. Les sels des métaux actinides où ces derniers ont 
le degré d’oxydation “3, ressemblent par leurs propriétés aux sels 
analogues des lanthanides. Ainsi, les fluorures MF, et les oxalates 
M:(C230,)3 sont peu solubles même dans les solutions acides, alors 
que les nitrates M(NO:):, les sulfates M,(S0,); et les perchlorates 
M(CIO,); sont bien solubles dans l’eau. 

Les oxydes MO, sont des solides pratiquement insolubles dans 
l'eau. Les hydroxydes M(OH),, à caractère basique, y sont égale- 
ment insolubles. Les sels où les actinides sont au degré d’oxydation 
+4, ressemblent par leurs propriétés aux sels de Cet+. 

L'action de l’eau (hydrolyse) sur les ions actinides étant d’au- 
tant plus forte que leur charge est plus grande, lesions M°*et Mf* n’exis- 
tent pas en solution aqueuse. Dans l’eau, ils se transforment res- 
pectivement en ions MO* et MO;*. Les liaisons qui unissent les 
atomes d'oxygène aux ions actinides aux degrés d'oxydation +5 
et +6 sont tellement solides que les ions MO5 et MO°* demeurent 
intacts au cours de plusieurs transformations chimiques. 

Les réactions de disproportionation sont extrêmement caracté- 
ristiques des combinaisons des actinides. Ainsi, l’ion plutonium 
pentavalent dans PuO; se transforme dans l’eau en ions plutonium 
tri et hexavalents : 


3PuO$ + 4H+* = Puÿ* + 2PuOf* + 2H,0 


Plusieurs sels d’actinides possèdent une bonne solubilité dans 
divers solvants organiques non miscibles à l’eau. L’extraction des 
composés d’actinides de leurs solutions dans l'eau, effectuée à l’aide 
de substances organiques, est basée sur cette faculté. Les procédés 
d'extraction sont largement utilisés pour isoler et séparer des actini- 
des ayant des propriétés voisines. 


25° 


388 MÊTAUX (CH. XIII 


Les hexafluorures d'uranium, de neptunium et de plutonium (MF) 
présentent un intérêt particulier. Ces composés se sont avérés facile- 
ment volatils: ils s'évaporent rapidement dès la température nor- 
male. Cette propriété importante est utilisée en technologie. Ainsi, 
la volatilité d'UF, a permis de mettre au point un procédé de sé- 
paration par diffusion d'un mélange isotopique de “UF, et de *SUF,. 


METAUX DU SOUS-GROUPE PRINCIPAL DU GROUPE IV 
(FAMILLE DU GERMANIUM) 


$ 134. Généralités. Le germanium, l’étain et le plomb appartien- 
nent au sous-groupe principal du groupe IV. 

Leurs atomes comportent 18 électrons sur l’avant-dernier niveau 
énergétique (Tableau 35), alors que l'atome de carbone y a deux 


Tableau 835 
Quelques caractéristiques des atomes des éléments 
de la famille du germanium 

: Rayon, nm Premier |Elcctront- 
ee | sSuméro | Gonfiqueaon de polentie |'Ratisité 
ment En ches électroniques onidte de l’ion ns tn e 

(état fondamental) D12+ kJ/mol Pauling) 
Ge 32 3s23p%3d1°4s°4p° 0,139 0,065 761 1,8 
Sn 50 4s*4p*4d195s?5p* 0,158 0,102 707 1,8 
Pb 82 5s*5p#5dl6<"6p* 0,174 0,126 715 1,8 


électrons et l'atome de silicium huit électrons. Quand on passe 
du carbone au plomb, l'attraction des électrons périphériques par 
le noyau va décroissant, parallèlement à l'augmentation de la taille 
des atomes. Voilà pourquoi les liaisons covalentes bien solides qui 
s'établissent entre les atomes de carbone deviennent beaucoup plus 
faciles à rompre dans le cas du silicium. L'énergie d’agitation ther- 
mique favorise cette rupture, les électrons périphériques se libè- 
rent et commencent à migrer à l’intérieur du corps. Sous certaines 
conditions, le germanium acquiert une conductivité électronique, 
devenant un semiconducteur. Dans l’étain et dans le plomb, cette 
aptitude des électrons à se détacher de leurs atomes est encore plus 
accusée, d'où le renforcement du caractère métallique chez ces élé- 
ments. 


$ 135. Germanium et ses combinaisons. Dès 1871, Mendéléev 
avait prédit l'existence d’un élément situé dans la quatrième période 
entre le gallium et l’arsenic. I] avait prévu non seulement les pro- 


& 136] ÊTAIN ET SES COMBINAISONS 389 


priétés de cet élément (« ékasilicium »), mais aussi celles de quel- 
ques-unes de ses combinaisons. 15 ans plus tard (1886), le chimiste 
allemand Winkler isolait du minéral argyrodite un nouvel élément 
qui avait les caractéristiques de l’ékasilicium. Il le baptisa ger- 
manium en l'honneur de sa patrie. 

Le germanium est blanc grisâtre, dur et cassant. Il est deux fois 
plus lourd que le silicium (leurs densités respectives valent 5330 et 
2330 kg/m°). C’est un semiconducteur qui possède une très faible con- 
ductivité électrique et une résistance électrique très élevée (57 000 
fois plus grande que celle du cuivre). Le germanium résiste à l’action 
de l’air et de l’eau dans les conditions ordinaires. À températures 
élevées, il réagit sur l'oxygène et certains autres non-métaux, don- 
nant des composés de degré d’oxydation +4: 


Ge + O0: = GeO; 


I1 n’a un degré d’oxydation négatif que dans les combinaisons 
avec certains éléments plus électropositifs que lui, tel le magnésium : 


2Mg + Ge = Mg,.Ge 
germaniure 
de magnésium 


« 


Le germanium ne se combine pas directement à l'hydrogène. 
Le germane GeH, n’est préparable que d’une façon indirecte : 


Le germane GeH, est un gaz instable, très toxique. 

Le germanium, situé dans la série de tensions entre le cuivre et 
l'argent, ne se dissout pas dans les acides dilués. Cependant, il est 
soluble dans les solutions concentrées d'acides oxydants (cette solu- 
bilité augmente à chaud): 


Ge + 4H,S0, = Ge(SOi}s + 2S0; + 4H,0 


Au cours de l'interaction avec l'acide nitrique concentré Je ger- 
manium se comporte comme un non-métal (analogie avec le car- 
bone) : 

Ge + 4HNO, = H,GeO, + 4NO, + H:0 


Le germanium n’agit sur les alcalis qu’en présence d'oxydants en 
formant des hexahydroxogerman tes: 


Ge + 2Na0H + H,0; — Na.[Ge(0H},] 


$ 136. Etain et ses combinaisons. L’étain est un des rares métaux 
que l’homme connaît depuis des temps préhistoriques. À l’état libre, 
l'étain présente trois variétés allotropiques (comme le carbone). 
Outre l'étain blanc ordinaire (forme B de densité 7300 kg/m*), il existe 
un étain gris de densité 5750 kg/m° (forme a). L’étain gris est stable 
au-dessous de 13,2 °C. L'étain blanc l’est au-dessus de cette tem- 


39 MÊTAUX [CH. XIII 


pérature. À basses températures, la structure cristalline de l’étain 
subit des modifications. Recristallisé à froid, l’étain change son 
volume : il y a une sorte de microexplosion, l’étain blanc se trans- 
formant progressivement en étain gris pulvérulent. 


Cette transformation est presque instantanée à une température inférieure 
à —39 °C. Elle se propage lentement autour du point où elle a commencé, 
ainsi qu’une inflammation dans l’organisme vivant, d’où le nom de « peste de 
l'étain » que l'on donne à ce processus. La peste de l'étain est une « maladie 
contagieuse ». Des barreaux d’'étain sous-refroidis, mais « sains », sont conta- 
minés au contact de l'étain « malade ». Le processus débute par l'apparition 
de petites excroissancrs de métal atteint. 

Aujourd’hui, on a appris à « soigner » la peste de l'étain. On a établi que 
de petites quantités de zinc et d'aluminium ajoutées à l'étain accélèrent la 
peste. Par contre, le bismuth, l’antimoine et le plomb sont des « vaccins » 
efficaces contre cette maladie. 


Une troisième variété allotropique, l'étain y, est stable au- 
dessus de 161 °C. C'est un corps très fragile (on peut le réduire en 
poudre). 


L'air et l’eau sont sans action sur l’étain dans les conditions 
ordinaires. À chaud, l’étain réagit sur l'oxygène et quelques autres 
non-métaux : 


Sn + O: = SnO: 
Il n’a un degré d'oxydation négatif qu'en se combinant à des 
éléments plus électropositifs : 


2Ca + Sn = Ca,Sn 
stannure 
de calcium 


L'’étain ne réagit pas directement sur l'hydrogène. Le stannane 
SnH, est préparable par voie indirecte: 
Ca,Sn + 4HCI — 2CaCl, + SnH, 


C'est un gaz instable et très toxique. : 
L'étain est facile à dissoudre dans les solutions concentrées de 


HCI et de H,SO, : 
Sn + 2HC1 = SnCl, + H. 
Sn + 4H,S0, = Sn(SO): + 2503 + 4H20 
L'action de l’étain (qui a dans ce cas le comportement d'un 


non-métal) sur l'acide nitrique concentré conduit à un acide peu 
soluble, acide stannique H,SnO; (xSnO,-yH,0): 


Sn + 4HNO, = H,Sn0, + 4NO: + H20 
Cependant, au contact de l'acide nitrique dilué l'étain se com- 
porte en métal: 
3Sn + 8HNO; = 3Sn(NO,); + 2N0 + 4H,0 


8 197] PLOMB ET SES COMBINAISONS 394 


Sa dissolution, à chaud, dans les solutions aqueuses d'alcalis 
conduit aux hkexahydrozxostannates : 


Sn + 2KOH + 4H,0 = K,[Sn(OH)e] + 2H: 


Les oxydes d’étain SnO et SnO, sont des solides colorés respective- 
ment en noir et en blanc. Les hydrozyde