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Boston
medical library
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DES PLAIES
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Pans. — Imprim. de Lacoub ci Comp., rue St-IIyaciclhc St- Michel, 3;
TRAITÉ ^
DE LA NATURE, DES COMPLICATIONS
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DES
PLAIES D ARMES 1 M
PAR
Ii£ BOCTEUE !.. SEEE1EE
CUIRURGIEN SOUS AIDE-MAJOR , ANCIEN INTERNE ET CHEF DE CLINIQUE DES
ITÔPITAUX DE MARSEILLE.
Ouvrage couronné (médaille d'or)
par M le Ministre de la Guerre, en 1344.
(CONCOURS GÉNÉRAL DE CHIRURGIE MILITAIRE.
LIBRAIRIE DES SCIENCES MÉDICALES
DE JUST ROUVIER, ÉDITEUR
Rue de l'École-de-Médeeine , 8.
Oclobre 1844.
jb&lCU
A IKON PERE,
itticljel Smkv , Codeur en mébccute , ancien mcbecùt en ttjjef bc
r^ôtel-SJwu bc iftarseille, profcssm-abjoint be tljarapcutique il be
ir.ûttne mébtcale à racole prcpiuratcrtrc be mebeetne be la même utile, etc.
C/ctee^icZ acccA/e? ta a'ecMcacc cœ 'mare A tentée?
ducc&J ntec/c'ca^f <z$€tcddc ce rt^ie wead Alauve? due
é a€ mtù à Aîa/t'/ <œd daaed candecïd &€c€ ttatej <n a&eZ
cedde ck *ne donne?.
D r L. SERRIER.
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in 2011 with funding from
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http://www.archive.org/details/traitdelanaturOOserr
INTRODUCTION
« La chirurgie militaire, disait Percy en 1792, resta
inconnue tant qu'on se battit avec les ongles, les poings
et les dents, premières armes qu'employa la férocité des
humains, les bâtons et les pierres dont on se servit en-
suite la laissèrent aussi dans le néant. Ce furent les lan-
ces, les épées et tous ces projectiles qu'inventa l'art af-
freux de se détruire qui fondèrent son existence et pré-
parèrent ses progrès. » A ces lignes qui tracent si bien,
en peu de mots» une partie de l'histoire de la chirur-
gie militaire de champ de bataille; nous ajouterons
les suivantes qui la complètent , en nous conduisant
jusqu'à nos jours.
— 2 —
L'invention de la poudre à canon, source féconde de
douleurs pour l'humanité, a fourni à la chirurgie mili-
taire française l'occasion de s'illustrer à jamais, en lui
permettant d'étaler aux yeux des peuples les fruits de
son génie, de son dévouement et de son courage.
Un coup d'oeil, rapidement jeté sur les pages de l'his-
toire, suffira pour amener la conviction des faits que je
viens d'énoncer. Il est impossible , en effet , de décorer
du nom de chirurgiens militaires ceux qui accompa-
gnaient Alexandre sur le champ de bataille, ceux qui
suivaient les légions romaines au combat, et Jean Pitard
ainsi que les Myres qui suivirent saint Louis en Terre-
Sainte pour prodiguer des soins à ses soldats , étaient
sans doute des hommes animés par des intentions très
louables, mais n'étaient pas des chirurgiens.
On pourra juger par les lignes suivantes , extraites
de l'esquisse du service de santé militaire par M. Gama,
quelle était la pauvreté de la chirurgie militaire au
moyen-âge, du temps de la chevalerie , et comprendre
ensuite combien de malheureux soldats devaient suc-
comber aux suites de leurs blessures sur lesquelles, dans
certains cas, on allait jusqu'à spéculer d'une manière
honteuse.
« Après un combat , dit M. Gama , la foule des com-
battants se réfugiait dans les couvents , les maisons de
charité, les hôtels-dieu, où ils trouvaient protection et
assistance, leurs blessures étaient pansées par les frères
chirurgiens, tous plus ignorants les uns que les autres.
Les appareils que tant de mains appliquaient sur des
— 3 —
blessures, nécessairement très variées, étaient une assez
pauvre chirurgie, mais il n'y en avait pas d'autre ; en-
core heureux quand ces blessés ne se confiaient pas à
des charlatans , à des moines mendiants , à des femmes
même qui suivaient les armées, vendant aux soldats
leurs remèdes secrets ou les guérissant par le pouvoir de
la magie... Des soldats vantaient aussi des drogues, dont
ils se disaient seuls possesseurs , et racontaient à leurs
crédules camarades, toujours dupes, les merveilles qu'ils
en avaient obtenues. Telle était la chirurgie militaire
depuis la guerre des Gaules , elle était devenue, pour
ceux qui en faisaient profit , un métier de filouterie et
d'extorsion soutenu par l'imposture (page 15). »
Un jour enfin le salpêtre détonna sur le champ de
bataille, les projectiles lancés par lui allèrent porter la
mort dans les rangs des combattants et firent ressortir
encore plus l'insuffisance , la pauvreté de la chirurgie
militaire contre leurs terribles effets... En un instant
une foule d'explications, de théories fausses, de moyens
thérapeutiques barbares furent imaginés contre ce dé-
sastreux moyen de destruction , inventé par l'homme
pour tuer son semblable, et de nombreuses victimes
payèrent encore de leurs jours les erreurs de la science.
Lorsque enfin , dans le cours du xvi e siècle , apparut
dans le monde chirurgical un grand génie qui renversa
par ses travaux les principes erronés posés avant lui.
AmbroiseParé exposa ses jours sur les champs de ba-
taille, étudia consciencieusement et, on peut le dire à sa
louange , sans but spéculatif, les plaies d'armes à feu ;
— 4 —
posa le premier, un grand nombre de sages préceptes ,
relatifs au traitement des lésions qui nous occupent, et
pressentit l'utilité des ambulances pour porter des se-
cours immédiats aux blessés.
L'idée qu'Ambroise Paré avait eue fut réalisée par
Sully sous Henri IV ; c'est en effet de cette époque que
datent les premières ambulances.
Sous Louis XIIÏ on créa un cbirurgien-major dans
chaque régiment, et ce dernier choisissait ses aides parmi
les jeunes soldats nrrivatit chaque année au corps. De
pareils officiers de santé, bien que choisis parmi les
soldats les plus intelligents, devaient offrir bien peu de
garantie.
Plus tard, la chirurgie militaire sortit du néant dans
lequel elle était plongée ; de nombreux officiers de santé
furent attachés à l'armée à l'époque des guerres de
l'Empire. A leur tète brillèrent quelques grands noms,
dont nous nous faisons justement gloire et en tète des-
quels marche le baron Larrey, qui fut l'inventeur des
ambulances volantes, perfectionna la chirurgie militaire
de champ de bataille , et arracha par son dévouement
tant de victimes à la mort.
Dans des temps qui nous touchent , des événements
politiques, et la guerre que nous soutenons depuis treize
ans en Afrique, ont permis d'étudier avec soin la ques-
tion des plaies d'armes à feu, d'y mettre, pour ainsi
dire, la dernière main, ont donné naissance à une foule
d'écrits, en tête desquels se distinguent ceux deDupuy-
tren, de MM. liaudens, Joberl de Lamballe, H. Larrey,
et ont consacré l'usage de moyens de transport ingé-
nieux , qui épargnent de nombreuses douleurs à nos
soldats blessés et nous permettent de leur faire parcourir,
sans trop de fatigues, des routes auparavant impratica-
bles pour eux.
Je ne m'arrêterai pas en commençant mon ouvrage
à faire l'histoire de toutes les productions qui ont paru
sur le sujet que j'ai à traiter, j'aurai trop à faire, car
Percy donne, dans son Manuel du chirurgien d 'armée ,
une liste de cinquante-neuf auteurs qui ont traité la
question des plaies d'armes à feu, depuis 1540 jusqu'à
lui, 1792; que serait-ce s'il fallait ajouter à cette liste,
déjà bien longue, celle de tous les écrits sur la matière
qui nous occupe ayant vu le jour de 1792 à 1843.
J'aborderai directement la question posée par M. le
ministre de la guerre , je la diviserai en deux parties ;
dans la première je m'occuperai des plaies d'armes à
feu en général. Je les étudierai dans les différentes ré-
gions du corps, dans la seconde*
La question des plaies d'armes à fen, en général, sera
subdivisée en trois parties, comme l'implique la manière
dont elle est posée par M. le ministre. — l°Dans la pre-
mière partie j'indiquerai les caractères généraux de ces
lésions dans les différents tissus de l'économie, les mus-
cles, les nerfs , les vaisseaux. — ■ 2° Dans la seconde, je
m'occuperai de leurs complications les plus fréquentes,
telles que la douleur, la stupeur, la commotion, le téta-
nos , l'étranglement , l'hémorrhagie , les corps étran-
— 6 —
gers, etc. — 3° Enfin, le traitement et 1 appréciation
des divers moyens thérapeutiques les plus employés se-
ront l'objet de la troisième partie de la question géné-
rale.
L'étude des plaies de tête, du cou, de la poitrine, de
l'abdomen, des membres et l'examen des cas qui récla-
ment l'amputation de ces derniers constitueront la se-
conde subdivision , non moins importante que la pre-
mière, qui complétera tout ce que renferme la question
longue et épineuse que j'entreprends de traiter.
PREMIERE PARTIE
Des plaies d'armes à feu considérées d'une
manière générale.
CHAPITRE PREMIER.
On entend par plaie d'arme à feu toute solution de con-
tinuité produite par un projectile lancé par la poudre à
canon, et sortant du calibre d'une arme à feu quelconque.
Il peut arriver cependant que de la poudre seule renfermée
dans le canon d'une arme à feu produise par sa déflagra-
tion une lésion plus ou moins- grave sur nos tissus. Mais
cette circonstance ne s'offrant que dans le plus petit nom-
bre des cas ; le plus souvent dans la vie privée , et jamais
sur le champ de bataille, où le premier soin du soldat est
de placer dans le canon de son arme un corps étranger
qui puisse atteindre son ennemi à distance, je ne ferai
que la mentionner.
Je ne m'occuperai pas longtemps non plus de l'histoire
des différentes armes à feu employées de nos jours dans
l'armée française, leur nombre est du reste assez restreint,
— 8 —
et l'histoire des différentes modifications qu'elles ont subies
depuis leur invention jusqu'à nos jours se trouve consignée
dans un assez grand nombre d'ouvrages pour que je
m'abstienne de faire ici une fastidieuse répétition.
Le fusil ordinaire , ou de munition est l'arme à feu la
plus répandue dans notre infanterie.
Le mousqueton ou carabine , et le pistolet, sont les
armes à feu de nos cavaliers.
Ces trois espèces d'armes facilement maniables par le
soldat auquel elles appartiennent prennent le nom d'armes
feu portatives, tandis qu'il en est d'autres que leur volume
et leur poids ont fait appeler bouches à feu ; ce sont les
armes à feu employées dans notre artillerie , les
canons, mortiers, obusiers, etc. Ces armes sont traînées
par des chevaux sur une espèce de voiture à deux roues
solidement construite, qu'on appelle affût. Leur nombre
est infiniment plus petit dans l'armée que celui des armes
à feu portatives, ce qui se comprend facilement quand on
pense qu'il faut plusieurs hommes pour servir une de ces
pièces et que du reste leur volume et leur poids ne leur per-
mettent pas d'être transportées partout avec facilité. Les
effets des bouches à feu sont terribles, lorsqu'ils sont bien
dirigés , ils ont souvent décidé du sort des batailles , et
ils épouvantent les peuples à qui leur civilisation peu
avancée ne permet pas de les manier habilement. Disons
un mot de chacune de ces espèces d'armes en particulier
§ PREMIER. DU FUSIL.
Le fusil est un cylindre de fer ou d'acier ouvert à une
de ses extrémités, et fermé à l'autre, qui est beaucoup
plus épaisse que l'on nomme culasse, cette culasse est
percée sur sa partie latérale doite d'un petit trou appelé
lumière , servant a mettre l'intérieur du canon en commu-
— 9 ■ —
nication avec l'extérieur, et permettant à la poudre qui
compose la charge de s'enflammer au moment où s'opère
la déflagration de l'amorce. Cette déflagration s'effectue
dans un appareil appelé platine se composant de plusieurs
pièces telles que, le chien, la pierre , le bassinet, le couvre-
feu, la gâchette et la sous-garde, le canon et cet ensemble de
pièces sont supportées par un bois servant d'une part à
soutenir le canon de l'arme dans presque toute son
étendue [fût) et de l'autre à l'appuyer contre l'épaule au
moment de s'en servir [crosse). Une baguette en bois, en
fer ou en acier se trouve logée à la face antérieure du ca-
non dans une gouttière creusée tout le long du bois, ou
dans de petits anneaux de fer ou d'acier soudés au canon
même de l'arme.
Il peut arriver qu'un soldat soit vivement assailli par
l'ennemi , et qu'il ait à combattre à la fois contre cinq ou
ou six d'entre eux. Une fois son arme déchargée il lui
serait très difficile de leur tenir tète, car il n'a pas dans ce
cas le temps de recharger son fusil à son aise. Il lui faut
donc quelque chose qui tienne ses ennemis en haleine, et
lui permette de les combattre avec avantage, c'est dans
ce but qu'on a ajouté au bout du canon du fusil de muni-
tion une espèce d'épée triangulaire ayant \ 2 ou 1 4 pouces
de longueur, nommée baïonnette.
Telle est la description abrégée du fusil de munition
ordinaire. Depuis quelque temps certains corps de l'armée
française ont des fusils dans lesquels la charge est enflam-
mée à l'aide d'un autre système d'amorces qui consiste
en une petite capsule contenant dans son fond une petite
quantité de poudre fulminaute laquelle est mise en défla-
gration par la percussion subite et violente qu'exerce sur
elle le chien disposé en forme de marteau. On a donné à
ce système d'armes le nom de fusils à percussion,
— 10 —
La carabine dont se se sert la cavalerie est construite
sur le même modèle, seulement elle est plus petite. Les
carabiniers portent des carabines dont l'intérieur du canon
est cannelé, de plus les balles y pénètrent avec difficulté,
souvent même on est obligé de les y pousser avec un
maillet. Les balles sortant de ces armes sont animées d'une
grande vitesse , et atteignent avec beaucoup plus de jus •
tesse le but où vise le soldat. Les chasseurs d'Orléans ont
des espèces de carabines portant beaucoup plus loin que
celles de tous les autres corps, et présentant cette grande
différence avec ces dernières, que les baïonnettes fixées
au bout du canon sont des armes blanches piquantes et
tranchantes , on conçoit combien ces deux modifications
font des armes dont nous occupons, des moyens de dé-
fense plus meurtriers que les fusils ordinaires.
§ II. DU PISTOLET,
Le pistolet est construit d'après le même système que
le fusil de munition, dans des proportions infiniment plus
petites. La crosse de cette arme est légère, recourbée, et
s'accommode parfaitement à la forme de la main destinée
à la manier.
Je ne m'arrêterai pas à décrire ici les armes de luxe ,
les fusils à deux coups, et tous les autres systèmes connus,
on ne les trouve qu'entre les mains des amateurs, et des
chasseurs qui ne veulent pas se résigner, avec juste rai-
son du reste, à se servir d'une arme aussi lourde que le
fusil de munition pesant environ quatorze livres.
DU CANON.
Le canon est un cylindre en fer, ou en bronze, parfaite-
ment égal dans toute son étendue à l'intérieur, plus épais
— il —
à l'extérieur, vers sa base qu'on nomme culasse qu'à l'ex-
trémité ouverte qui prend le nom de bouche. De chaque
chaque côté du canon, et plus près de la culasse que de la
bouche sortent deux cylindres massifs servant à soutenir
la pièce sur l'affût; ce sont les tourillons. La lumière est
percée près de la culasse à la face supérieure du canon,
elle sert comme dans le fusil à mettre la charge en com-
munication avec l'amorce.
Des canons ne sont pas tous du même calibre, c'est-à-
dire, qu'il en existe qui sont susceptibles de recevoir des
charges plus considérables les uns que les autres, nous
avons en France des pièces de 4, 6, 8, 12, 24, 36, etc. ,
il est des esprits destructeurs qui ont imaginé des bouches
à feu d'un énorme volume, et qui ont réalisé leurs idées
en faisant construire des canons de 48, 64, 96 et quelque-
fois même d'un calibre plus fort, témoin Marguerite ÏEn^
ragée dont les habitants de Gand, en guerre avec leur duc
Philippe , se servirent au siège d'Oudenarde (1452),
Froissart dit en parlant de cette pièce d'artillerie : « pour
« ébahir ceux de la garnison d'Oudenarde les Gantois fi-
« rent faire et ouvrer une bombarde merveilleusement
« grande, (Marguerite l'Enragée) laquelle avait 53 pouces
« de bec, et jettait carreaux merveilleusement grands t
t( gros et pesants ; et quand cette bombarbe desclignait ,
« on l'entendait, par jour, bien de 5 lieues loin, et par nuit,
« de dix , et menait un si grand bruit au descligner qu'il
« semblait que tous les diables fussent en chemin. »
Les rédacteurs des leçons orales de Dupuytren , parlent
de la bombarde que Mahomet II amena sous les murs de
Constantinople , laquelle portait un boulet en pierre de
850 livres. De celle qui fut fondue sous Louis XI, qu'on
chargeait avec 332 livres de poudre et 500 liv. déballes;
et enfin du canon pris par les Turcs en 1717 au camp de
_ J2 —
ftellegrade lequel se chargeait avec 52 livres de poudre,
et lançait des projectiles de 110 livres.
Les canons envoyent les projectiles qu'ils contiennent
d'autant plus loin qu'ils sont volumineux, et que la quan-
tité de poudre avec laquelle on les charges est plus con-
sidérable.
Le canon de 24 lance son boulet à 2,450 toises.
Celui de 42. à 2,080
Celui de 8 à 1,660
Celui de 4 , à 1,520
Les mortiers sont des espèces de canons très courts r
très larges, et très évasés, servant à lancer les bombes.
Les tourillons étant en général placés très près de l'extré-
mité correspondant à la culasse du mortier, on peut placer
ce dernier dans une direction presque perpendiculaire, ce
qui est fort commode pour lancer la bombe suivant telle
ou telle inclinaison.
Les pierriers sont des mortiers plus légers que ceux
dont nous venons de parler, ils sont destinés à lancer à
l'ennemi une grêle de pierres.
Enfin l'obusier est une espèce de canon lançant un pro-
jectile nommé obus qui est beaucoup plus meurtrier que le
boulet , et dont nous allons nous occuper dans un
instant.
§ III. — DE LA CHARGE DES ARMES A FEU.
La charge des armes à feu se compose d'une quantité
de poudre variant suivant le volume de l'arme, d'un seul
projectile, comme pour le fusil , de plusieurs, comme
lorsqu'on se sert de chevrotines , ou de petit plomb, et
enfin d'une très grande quantité de projectiles , comme
pour le canon chargé à mitraille. En troisième lieu la
charge est complétée par un corps comprimant le projec-
— 13 —
tile contre la poudre qui doit le chasser au loin. Ce corps
comprimant qui prend le nom générique de bourre, est
constitué soit par du papier, du carton , del'étoupe, de
l'herbe, etc.
La charge du fusil militaire s'appelle cartouche, c'est
un cylindre de papier contenant , la poudre et la balle,
et permet au soldat décharger son arme en un seul temps.
Le papier enveloppant la poudre et le plomb sert à son
tour de bourre lorsque la charge qu'il contenait est descen-
due dans le canon.
La charge du canon est appelée gargousse, elle diffère
de la cartouche en ce que la poudre et le plomb sont en-
veloppés par du carton plus ou moins épais.
§ IV. DE LA POUDRE.
La poudre de guerre est un mélange de charbon de
bois, de salpêtre et de soufre, dans lequel ces trois sub-
stances entrent dans des proportions déterminées de la
manière suivante par Dupuytren :
Salpêtre 75, 00
Soufre. . . \ . . 12, 50
Charbon 42, 50
La poudre est excessivement inflammable, sa déflagra-
tion produit environ 450 fois son volume de gaz. Le
dégagement de chaleur qui a lieu au moment de l'explo-
sion augmente la force élastique des gazs, au point qu'on
évalue à 40,000 atmosphères la force que ce développe-
ment donne à la poudre.
Qu'on se représente donc un projectile renfermé dans
le tube d'une arme à feu, au devant d'une quantité même
très minime de poudre , qu'on se figure cette substance
prisonnière dans un si petit espace, et acquérant subite-
ment un volume et une force si considérables, et on aura
— 14 —
la raison : 1° de la vitesse avec laquelle cheminent les
balles, boulets, etc. ; 2° de la force dont ils sont animés ;
3° et enfin de leurs effets destructeurs sur les corps orga-
niques et inorganiques qu'ils rencontrent dans leur course.
Il résulte aussi de ces considérations que tout coup de
feu s'accompagne, de lumière, et de détonation variant de
force selon le volume de l'arme et la distance à laquelle
on se trouve du lieu où le coup part.
L'action de la poudre s'enflammant à F air libre, et sans
être comprimée, se manifeste sur nos tissus par des brû-
lures plus ou moins profondes. Noircissant les organes qui
en sont atteints, et s'accompagnant d'incrustation des grains
de poudre dans l'épaisseur de la peau. Mais si la poudre
est renfermée dans un corps qui, sans la trop comprimer,
gêne cependant le mouvement d' expension qu'elle éprouve
lors de sa déflagration . Elle éclate , ce corps qui l'emprisonne ,
envoie au loin ses débris, et dans ce cas il y a toujours au
moment de la déflagration , une détonation plus ou moins
forte. Tout le monde connaît les accidents terribles qui
peuvent résulter de l'explosion des poires à poudre, des
gargousses, etc. Mon père qui a navigué pendant un assez
grand nombre d'années en qualité de chirurgien de la
marine royale, me racontait il n'y a pas longtemps l'his-
toire d'une blessure de ce genre qu'il a été à même d'ob-
server : Un malheureux avait volé à bord une quantité
assez considérable de poudre, qu'il avait serré fortement
dans un étui de carton. Pour que son larcin ne fut pas
découvert, il eut l'idée de s'attacher ce paquet de poudre
le long de la face interne et supérieure de la cuisse droite,
espérant par ce moyen pouvoir le descendre à terre et le
vendre sans que ses chefs s'en apperçussent. 11 eut l'im-
prudence de fumer sa pipe pendant tout le temps qu'il
mit à fixer le paquet de poudre contre sa cuisse. Une
— 15 —
étincelle tomba sans qu'il s'en apperçut, sur l'enveloppe
de la poudre et l'enflamma. Tout à coup une détonatiou
se fit entendre et le malheureux fut renversé. Lorsque mon
père , et ses camarades arrivèrent pour le secourir
ils le trouvèrent atteint d'une brûlure profonde atteignant
la face interne des deux cuisses ainsi que les bourses qui
étaient largement ouvertes, et laissaient pendre au dehors
le testicule droit. La brûlure s'étendait aussi à la partie
inférieure de l'abdomen et aux deux mains qui étaient oc-
cupées à attacher le paquet.
Ce malheureux fut très longtemps baigné d'une suppura-
tion abondante et fétide , toutes les parties brûlées se dé-
tachèrent sous forme d'escarres qui mirent les muscles à
découvert, enfin il ne dut son salut qu'aux soins qui lui
furent assiduement prodigués pendant plusieurs mois.
On se figure facilement d'après cela les effets de la
poudre quand elle fait éclater des corps durs, tels que des
canons de fusil , des bombes , des obus etc. trop faibles
pour s'opposer à son expansion, ou dans lesquels on l'a
renfermée en trop grande quantité. Il n'est pas d'années
où on n'entende parler d'individus qui ont eu les mains
fracassées par des armes à feu éclatées entre leurs doigts.
Enfin l'on connaît les effets désastreux et effrayants de
la poudre ramassée en grande quantité et comprimée , on
sait que villes, remparts, forteresses, rien ne résiste à ce
terrible produit de l'esprit humain, qui peut à son aide se
rapprocher du ciel en imitant presque la foudre.
§ V. DES PROJECTILES.
Les projectiles des armes à feu portatives sont les balles,
et le plomb de chasse dont on distingue plusieurs numé-
ros, ceux des bouches à feu sont, pour le canon; les bou-
lets, pour le mortier, la bombe, et pour l'obusier, l'abus.
— Î6 —
11 arrive quelquefois, qu'on charge un canon , soit , avec
une quantité plus ou moins grande de biscaïens sorte de
petits boulets , ou si l'on aime mieux de grosses balles,
soit avec des morceaux de fer de toute forme, des pierres
de toutes grosseurs ce qui constitue la charge à mitraille,
il est facile de concevoir les ravages qu'elle doit produire
dans les rangs ennemis.
Les balles sont ordinairement en plomb, métal qui ne
possède aucune qualité nuisible par ses propriétés physi-
ques , elles sont quelquefois en fer, on peut alors trouver
à leur surface une quantité assez grande d'oxide suscep-
tible de tromper les gens peu exercés, et de leur faire
croire qu'elles sont mâchées. D'autrefois, les balles en
plomb sont coupées en deux , et armées d'une petite
chaine de laiton. « Les balles qu'envoyaient les arabes, dit
M. Baudens dans sa relation de la prise du camp de Staoli,
en 1838, étaient ou en fer très oxidé et présentaient à leur
surface un grain très prononcé, c'est ce qui a fait dire à
tort qu'elles étaient mâchées, celles en plomb étaient ar-
mées d'une petite queue, d'autres étaient coupées en deux
et réunies par une petite chaine de laiton ( page \ 23 ) » .
L'histoire fait mention de balles en or , mais il faut
pour cela remonter au temps de la chevalerie, époque ou
tout, jusqu'aux choses les plus simples, était revêtu d'un
cachet particulier d'originalité et d'exagération. C'est ainsi,
qu'après la bataille de Pavie , François I €r se vit aborder
par un soldat qui lui offrit une balle en or qu'il avait fait
fabriquer pour le tuer dans la mêlée ; et peu de temps avant,
un jeune homme nommé Lachategneraye en avait fait fa-
briquer six du même métal, destinées à trancher les jours
de l'empereur Charles Quint.
Je ne ferai que mentionner en passant la question des
balles empoisonnées; je dirai a ce sujet avec M. Laroche,
— 17 —
chirurgien en chef de l'hôpital de Lyon : « Doit-on vérita-
« blement aborder la question des balles empoisonnées, et
a des balles mâchées, faut-il au dix-neuvième siècle accu-
« ser un parti entier, d'employer des moyens aussi infà-
« mes, qu'ils seraient lâches et inutiles. Ces erreurs gros-
« sières ne sont pas à réfuter » . ( Relation chirurgicale des
événements de Lyon en 4835, page 24).
Sur le champ de bataille, où le soldât est abondamment
pourvu de balles de plomb, on est sûr, ou presque sûr d'a-
vance, du projectile que renferment le fusil, la carabine
ou le pistolet; mais dans une guerre civile, le peuple n'est
pas toujours riche en projectiles, et alors, il emploie tout
ce qui lui tombe sous la main, les clous, les pierres, etc.,
on a même vu des personnes se servir de billes d'enfants
en guise de balles, et c'est ce qui a fait dire à M. Larrey H.
dans sa relation chirurgicale des événements de Juillet,
au Gros Caillou : « Se serait-on attendu qu'un des jouets
de l'enfance aurait servi de défense à des citoyens com-
battant pour leur indépendance. Les billes des écoliers
ont été employées à Paris comme au Caire, en guise de
balles de plomb, et les effets en ont même été tels, que
d'après la remarque de M. Larrey, ces sortes de projectiles
ont déterminé des lésions proportionnellement plus graves
que les balles ordinaires (page 99). »
Je ne parlerai pas avec détail des diverses espèces de
plomb de chasse, attendu qu'on n'observe presque jamais
sur le champ de bataille des blessures produites par ces
projectiles. Je rappellerai seulement, que lorsqu'un coup
de fusil chargé à plomb est reçu de très près, les petits
projectiles, n'ayant pas eu encore le temps de s'écarter
les uns des autres , frappent tous au même point , et
font ce qu'on appelle balle.
Avant de passer à l'examen des projectiles lancés parles
2
— 18 —
bouches à feu, je me demanderai, si la bourre qui sert a
comprimer la charge des armes à feu , ne doit pas être consi-
dérée elle-même comme projectile, lorsqu'elle est renfermée
seule avec la poudre dans le canon d'un fusil, d'un pisto-
let? Nul doute qu'on doive répondre affirmativement, sur-
tout, si le coup est reçu de très près. L'observation qu'on
va lire prouvera ce que j'avance.
Il y a quelques années, deux jeunes Marseillais de mes
amis, messieurs P... et B... se prennent de querelle au
sujet d'une femme, il en résulte des provocations, des in-
sultes, si bien qu'un duel doit avoir lieu le lendemain. Les
deux jeunes gens se rendent en effet sur le terrain avec
leurs témoins, qui ont assez d'adresse pour arranger l'af-
faire sans coup de feu. Mais l'un d'eux, saisissant un des
pistolets qui devait servir au combat, le place à un pied
de distance de la poitrine de son ami, et lui dit en plaisan-
tant : Mon cher, vous ne couriez pas grand danger, car il n'y
avait pas de balles dans les pistolets; en disant ces mots, l'im-
prudent lâche la détente, et le malheureux jeune homme,
contre la poitrine du quel le coup était dirigé, tombe raide
mort sur la place. La bourre avait traversé tous les vête-
ments, ouvert largement la poitrine où elle avait pénétré
et intéressé profondément le ventricule gauche du cœur.
Les boulets sont des sphères pleines, le plus ordinaire-
ment en fer, ou en fonte, on en a vu en pierre et en mar-
bre, ils varient naturellement de volume selon le calibre
du canon qui doit les contenir.
Les bombes, sont des sphères creuses que l'on remplit
de poudre, et que l'on place dans le mortier à l'aide de
deux anses, qui existent sur les parties latérales. La pou-
dre intérieure s'enflamme à l'aide d'une mèche longue
quand elles sont arrivées à leur destination, et au moment
où s'opère la déflagration, la bombe éclate en un plus ou
— Î9 -~
moins grand nombre de fragments anguleux, produisant
parle seul fait de leur forme des blessures plus graves que
les projectiles à surface polie, comme les balles.
Les obus sont aussi des sphères creuses pleines de pou-
dre, s'enflammant à l'aide d'une mèche. Ils sont lancés par
les obusiers, et réunissent aux effets du boulet ceux de la
bombe. J'ai déjà dit plus haut que la mitraille était compo-
sée d'un plus ou moins grand nombre de biscaïens, de
pierres, de clous, de morceaux de fer, de fonte, etc.
Enfin, je signalerai en dernier lieu, une classe de pro-
jectiles que j'appellerai secondaires, ce sont des corps étran-
gers mis en mouvement par les projectiles lancés par la
poudre à canon, et qui bien que n'étant mus pour ainsi
dire, que par une force secondaire, sont cependant sus-
ceptibles de produire de très graves désordres.
§ VI. — DU MODE DACTION DES PROJECTILES SUR LES TISSUS
DE NOS ORGANES.
Une balle ou un boulet, sortant d'une bouche à feu, sont
animés d'une force considérable, tendant à les pousser dans
la direction de l'arme. Tant que le projectile chemine avec
une grande vitesse il va parfaitement en ligne droite, et
n'obéit qu'à la force d'impulsion qui lui a été communi-
quée par la poudre. Mais, arrive un point, où la pesanteur
commençant à reprendre ses droits, lui fait décrire en l'en-
traînant vers le centre de la terre, une courbe à concavité
inférieure, allant toujours en augmentant, jusqu'au mo-
ment où cette dernière force prédominant sur la force d'im-
pulsion, finit par entraîner le projectile à la surface du sol.
Si la balle ou le boulet rencontrent un obstacle sur leur
passage, ils le brisent et le renversent avec plus ou moins de
force, selon qu'ils sont au commencement ou à la fin de
leur course,
_ 20 —
Les blessures produites par les balles étant celles qu'on
observe le plus communément , c'est d'elles d'abord dont
nous allons nous occuper; nous parlerons ensuite de celles
qui sont occasionnées par les boulets et les bombes.
Rien n'est plus bizarre et plus variable que la manière
dont se conduisent les balles , en traversant les membres
ou les cavités splanchniques. Elles présentent souvent des
trajets si étonnants , affectent des directions si anormales
qu'il faut réellement avoir été témoin de plusieurs de ces cas
pour pouvoir s'en faire une juste idée. C'est en se rendant
compte de la manière dont se comportent les balles sur
les tissus étrangers à notre organisation, comme le plâtre,
le bois , les métaux , les pierres , que Dupuy tren est par-
venu à nous faire connaître exactement une foule de faits
entièrement inexpliqués jusqu'à lui comme, par exemple,
la manière d'agir des balles sur les surfaces concaves et
convexes... Voici l'analyse de ses expériences et de ses
observations, qui peuvent être citées comme des modèles
de patience et de génie.
4° Une balle frappant perpendiculairement sur un corps
mou , comme du plâtre , s'y enfonce plus ou moins pro-
fondément en creusant un trajet proportionnel à son
volume , et dont le fond est plus large , plus évasé que
l'entrée. Tandis que si elle frappe obliquement ce plâtre,
elle creuse à sa surface un trajet inégal et plus ou moins
profond. Percy avait déjà parlé de la première de ces
deux manières d'agir des projectiles, car il dit dans sa
Pyrotechnie chirurgicale : « Une plaie d'arme à feu sans
sortie ressemble à une fistule , c'est-à-dire que son entrée
est étroite et son fond large. Il faut donc changer cette dis-
position par des incisions convenables. »
2° Une balle frappant sur un corps ligneux, un arbre,
par exemple , peut s'y enfoncer à des profondeurs varia-
— 21 —
Blés et produire les mêmes effets que sur le plâtre. Mais si
le corps ligneux est traversé de part en part, alors il pré-
sente deux ouvertures ayant chacune des caractères dif-
férents. Ainsi Dupuytren a remarqué que plus un projectile
est animé d'une grande vitesse plus le trajet qu'il par-
court est net, et que plus il approche de la fin de sa course
moins ce trajet est net. Il résulte de là que l'ouverture de
sortie doit être moins nette et plus large que celle d'en-
trée. . . et c'est parfaitement ce qu'on observe sur les tissus
vivants. Presque tous les auteurs sont d'un commun ac-
cord à ce sujet, on s'en convaincra par l'exposition de
l'opinion de quelques-uns, je commence par Dupuytren.
« Lorsque les parties molles d'une partie du corps , de
la cuisse par exemple , sont traversées par une balle tirée
à certaine distance , l'ouverture d'entrée est constamment
plus petite que celle de sortie, celle-ci est inégale, déchirée
et beaucoup plus grande que la première qui est ronde,
nette et comme faite à l'aide d'un emporte-pièce. »
Ledran s'exprime en ces termes (dans ses Réflexions ti-
rées de la pratique des plaies des armes à feu, page 44) : 1° La
peau est légèrement enfoncée à l'endroit par où la balle
est entrée , et elle est relevée du côté de la sortie. —
2° L'escarre, la contusion et l'ecchymose sont bien plus
considérables du côté de l'entrée. -— 3° La sortie est pour
l'ordinaire plus large que l'entrée.
M. Baudens [Clinique des plaies a" armes à feu) dit : «Que l'ou-
verture d'entrée des balles dans les tissus vivants est dépri-
mée, ronde, régulière et moins large ordinairement que celle
de sortie qui fait saillie au dehors (page M). » Voilà déjà
trois auteurs d'accord sur le point de la question qui nous
occupe , nous en trouverions probablement un plus grand
nombre si nous voulions pousser plus loin nos recherches,
îl est très facile, en effet, de se rendre compte de la diffé-
— 22 —
?ence qui existe entre l'ouverture d'entrée et ceUe de
sortie. Car lorsque la balle arrive, douée de toute sa force,
à la face antérieure de la cuisse , elle doit traverser plus
nettement et avec plus de facilité les tissus, que lorsqu'elle
sera arrivée au tiers postérieur du membre. Alors , en
effet, le frottement qu'elle aura éprouvé de la part des or-
ganes qu'elle vient de traverser lui aura fait perdre une
grande partie de l'impulsion communiquée par la poudre,
et les couches qui lui resteront à traverser, ne trouvant pas
de point d'appui derrière elles , se laisseront déprimer en
dehors dans le sens du trajet du projectile, ce qui rend
parfaitement compte de la disposition différente de l'ou-
verture d'entrée et de sortie des balles.
M. Malle (Compte-rendu de la clinique de Strasbourg)
n'admet pas la supériorité de volume de l'ouverture de
sortie sur celle d'entrée. Il cite, à l'appui de son opinion,
deux ou trois observations qui , bien que très véridiques ,
nous n'en doutons pas, ne peuvent pas être prises en con-
sidération en présence des faits nombreux observés par
les auteurs, et surtout par des auteurs recommandables.
Il s'appuie en second lieu sur des expériences faites sur
le cadavre, qui ne doivent pas, d'après moi, entrer en ligne
de compte, quand il s'agit d'un phénomène sur la pro-
duction duquel la contraction des tissus vivants exerce
une si grande influence.
Cette différence dans l'ouverture d'entrée et de sortie
se remarque aussi dans les tissus osseux composés de plu-
sieurs plans parallèles , ainsi : qu'une balle atteigne le
crâne dans son diamètre occipito-frontal , l'ouverture de
la table externe du coronal pourra être ronde ou régulière,
la lame interne sera brisée moins nettement et souvent
en un plus ou moins grand nombre d'esquilles. Enfin l'oc-
cipital sera presque toujours fracturé comminutivement
— 23 —
Il y a cependant un cas dans lequel l'ouverture d'en-
trée est plus large que celle de sortie ; c'est lorsque le
coup est tiré à bout portant. Alors , la force expansive de
la poudre combine son effet a celui de la balle et contond
violemment les parties. Ainsi, j'ai vu un individu qui, vou-
lant mettre fin à ses jours , se tira à bout portant un coup
de pistolet à la région précordiale. Ce malheureux avait
au niveau du sein gauche une solution de continuité suffi-
sante pour y loger le poing. Deux côtes étaient fracturées,
et la balle fut perdue dans la poitrine. 11 survécut trois
jours à son accident.
3o Dupuytren a remarqué en troisième lieu qu'une balle
qui frappe un corps très dur, comme une pierre, levait
voler en éclats, et cette loi trouve parfaitement son appli-
cation dans l'économie. En effet, qu'une balle dans le
plein de sa course frappe le corps du fémur, il est rare
qu'elle n'y produise pas une fracture comminutive, tandis
que , si le même os est traversé près de son extrémité
spongieuse, il arrive souvent que la balle s'y creuse un
canal, ou qu'elle le traverse sans produire la moindre petite
esquille.
Nous arrivons maintenant à l'action qu'exercent sur les
balles les surfaces concaves et les surfaces convexes. Les
déviations qu'éprouvent les projectiles sur ces surfaces
vont nous expliquer une foule de faits curieux dont il se-
rait impossible de se rendre compte sans la connaissance
parfaite de ces changements de direction.
4° Si une balle tombe perpendiculairement sur un point
d'une surface concave elle s'y enfonce directement à une
profondeur variable. Mais si elle y arrive obliquement, elle
suit la courbure de la surface concave , parvitent à l'ex-
trémité opposée a celle qu'elle a touché en arrivant, aban-
- 24 — .
donne la surface, et parcourt clans l'air un trajet opposé
à celui qui lui était imprimé par l'arme à feu.
Combien n'a-t-on pas vu de soldats assurer positive-
ment , et avec bonne foi , qu'ils avaient eu la tête , la poi-
trine traversées par des balles , et se poser comme des
gens échappés par miracle à une pareille lésion. La sur-
face interne des côtes et la surface interne des os du crâne
avaient joué chez eux te rôle que nous venons de voir
jouer à la surface concave. Dans ce cas, en effet , la balle
après avoir frappé obliquement la tête ou la poitrine , en-
tre dans ces cavités , rencontre la surface concave des os
du crâne ou des côtes , glisse sur elle et ressort au point
opposé à son entrée , sans porter atteinte à l'intégrité du
cerveau ou des organes intrathoraciques.
Quelquefois un cartilage, sur lequel frappe une balle ;
suffit pour la dévier de sa direction première, et lui faire
faire le tour d'un membre ou d'une partie du corps, comme
dans le cas suivant, rapporté dans le Compte-rendu de
la clinique de-Strasbourg : « Deux étudiants se battaient au
pistolet ; chez l'un deux , la balle frappa obliquement le
larynx , fît le tour du cou , et vint se placer au côté
opposé de l'organe de la voix » (M. Malle, page 165).
5° Si une balle frappe perpendiculairement sur une sur-
face convexe elle s'y enfonce , comme nous avons vu
qu'elle le faisait sur la surface concave, mais, si elle y
arrive poussée obliquement par l'arme à feu , elle est ré-
fléchie en formant un angle d'incidence égal à l'angle de
réflexion. Cette réflexion n'a pas toujours lieu sur le corps
humain ; ainsi , lorsqu'une balle arrive , par exemple, sur
la face externe du crâne, elle se trouve placée entre deux
effets de surface , celui de la surface convexe , qui tend à
la réfléchir, et celui de la surface concave représentée par
la peau , tendant à lui faire faire le tour du crâne et à la
— 25 —
faire sortir au point opposé à son entrée, ou plus ou moins
loin. Les mômes phénomènes se passent à la poitrine et
à l'abdomen.
Les divers tissus dont nous sommes vêtus exercent sur
le cours des balles une influence bien marquée ; il en est
qui se laissent traverser facilement , ceux-là gênent peu
leur action; mais il en est d'autres qui cèdent devant elles,
se laissent déprimer, s'enfoncent dans les chairs comme un
doigt de gant, empêchent le projectile de se perdre dans
une cavité splanchnique (la poitrine, le ventre) , et favo-
risent singulièrement leur extraction , qui souvent alors
s'opère spontanément, et sans l'intervention de l'art.
Dans certains cas , lorsqu'une balle rencontre une sur-
face osseuse, saillante ou tranchante, elle se divise en un
plus ou moins grand nombre de fragments Ainsi , M. Bau-
dens rapporte dans sa clinique des plaies d'armes à feu,
que chez un officier amputé au bivouac de Sig , pour une
fracture du fémur, la balle était restée entre les esquilles
divisée en deux parties, parfaitement symétriques, et tout
aussi nettement que t'aurait fait un instrument tranchant.
« Mon ami Pasquier, ajoute M. Baudens, a vu les deux
morceaux du projectile. Chez un militaire, blessé à Sidi-
Ferruch, le plomb avait porté sur le grand trochanter
sans le briser, et s'était séparé en trois morceaux isolés,
que M. Baudens retira dans le pli de l'aine (p. 25).
On pourrait multiplier les exemples de balles qui se
sont divisées sur la crête du tibia , et ont donné naissance
à un plus ou moins grand nombre d'ouvertures , mais cela
me mènerait trop loin ; et d'ailleurs tous les auteurs n'ad-
mettent pas ce fait comme avéré. Ainsi M. Jobert de Lam-
balle dit à ce sujet , dans son Traité des plaies d'armes à feu,
avec une ironie très prononcée : « Un peu de foi ne* gâte
rien , j'accepte donc ce fait. » Je sais qu'il serait par trop
— 26 —
servile de jurer toujours in verba magistri ; mais lorsqu'un
chirurgien , comme Percy , qui avoue avoir vu et pansé
huit milles plaies d'armes à feu environ, dit avoir vu plu-
sieurs fois ce fait. Lorsque Dupuytren et Larrey sont du
même avis, on peut bien l'adopter, quoiqu'il ne se soit pas
encore présenté dans votre pratique, et y croire sans avoir
l'air ironique, et sans paraître faire une grande concession»
Quelquefois la balle, avant d'arriver à nos organes ,
rencontre un corps dur sur lequel elle se brise , en plu-
sieurs fragments , constituant tout autant de projectiles
séparés, capables de produire des accidents très graves.
J'ai vu dans les hôpitaux d'Alger un grenadier du 64 e de
ligne, nommé Gaudin, qui était debout sur le champ de
bataille, lorsqu'une balle vint se briser en cinq fragments,
sur un rocher, à cinq ou six pas de lui. Le premier de
ces fragments l'atteignit au tiers supérieur et externe de
la jambe droite , dont le péroné fut fracturé. L'ouverture
de sortie de ce fragment correspondait au point opposé du
membre. Deux autres fragments pénétrèrent au tiers in-
férieur et externe de la même jambe , et furent extraits
près de la malléole externe. Le quatrième fragment entra
dans la fesse droite, et le cinquième se logea sous les tégu-
ments occipitaux où on le sentait très bien avec la pulpe
des doigts.
La balle agit-elle en écartant simplement les tissus ou
en les détruisants? On s'explique parfaitement bien com-
ment une balle pénètre dans des parties molles , tout
simplement en les écartant. Mais la question devient plus
difficile, quand on passe aux os , chez lesquels on ren-
contre souvent des perforations circulaires assez larges
sans trouver le moindre détritus de la substance enlevée ;
on ne conçoit guère cependant que les molécules osseu-
ses se laissent commodément écarter par un projectile.
27
Il est dans l'équipement de nos soldats, bien des causes
capables de ralentir le cours des balles et quelquefois
de détruire complètement leur force d'impulsion. Par
exemple le havresac , les buffleteries , et quelquefois la
cravatte que les officiers portent en expédition. Percy
reprochait au général Lasalle le volume énorme de sa
cravatte, un instant après le général reçoit a la gorge un
coup de pistolet, à bout portant, et la balle est arrêtée
dans la cravatte. Un de mes amis se battant en duel au
pistolet, a dû son salut à une pièce de cinq francs qu'il
portait dans son gilet, la balle vint s'applatir contre elle ,
et tomba aux pieds du jeune homme étonné , qui en fut
quitte pour une contusion aux fausses cotes droites.
Les balles produisent en se réfléchissant des blessures
si extraordinaires, qu'il y aurait des centaines de pages à
écrire , si on voulait citer tous les cas curieux que ren-
ferment les auteurs ; la moindre cause suffit pour les dé-
vier, et leur faire parcourir par exemple des trajets dont la
direction est opposée aux lois de la pesanteur. Ainsi, une
balle pénètre à peu près vers le centre de l'humérus,
passe le long du membre , par dessus la partie postérieure
du thorax, s'ouvre un chemin dans les muscles de l'abdo-
men, pénètre profondément dans les fessiers, et remonte
à la partie moyenne et antérieure de la cuisse opposée.
Dans un autre cas , la balle frappe la poitrine d'un homme
debout dans les rangs, et va se loger dans le scrotum. Il
est impossible d'établir des règles fixes pour ces dévia-
tions, il faudrait supposer pour cela que chaque individu
a des muscles d'une densité et d'une contractilité égales ,
chose impossible à réaliser.
La cause de ces déviations git dans la densité des diffé-
rents milieux que les projectiles traversent. Ainsi, un
corps charnu touché par une balle au moment où il est en
— 28 —
contraction , la réfléchira aussi bien que le premier corps
inorganique solide qu'elle aurait pu rencontrer. Les ten-
dons, les aponévroses, les surfaces concaves, convexes
des os, sont tout autant de causes qui font parcourir aux
projectiles les trajets extraordinaires dont les annales de
la science nous conservent la relation.
Quels sont maintenant les organes, les régions du corps
que les projectiles atteignent le plus souvent? et s'il n'en
existe pas sur lesquels les projectiles paraissent jusqu'à
nos jours avoir particulièrement exercé leur action; quelle
est ordinairement la fréquence relative des coups de feu
dans les différentes partie du corps?
Il est bon de faire observer avant de résoudre cette
question, que par bonheur pour l'humanité, chaque pro-
jectile lancé dans les rangs ennemis est loin d'y porter le
désordre et la mort. On a calculé en effet, qu'une seule
balle portait sur 2 ou 300, on a même dit sur 500.
Cette perte d'un si grand nombre de projectiles tient à
plusieurs causes dont on trouve facilement l'explication
dans les circonstances physiques etmoralesou se trouvent
les soldats sur le champ de bataille.
Nous savons d'abord que naturellement la balle décrit
une courbe qui lui fait tendre de plus en plus à se rappro-
cher de la surface du sol ; première circonstance qui peut
faire manquer un but situé à une grance distance. Tout le
monde sait en second lieu qu'il suffit du moindre mouve-
ment de la main pour ébranler une arme à feu, et dirigerle
projectile qu'elle lance dans un sens sinon opposé du
moins très éloigné de celui qu'on se propose d'atteindre.
Qu'on se figure en troisième lieu, un soldat entouré de
fumée, entendant autour de lui les cris de ses camarades
blessés. La détonation des bouches à feu, qu'on se le re-
présente rempli d'une ardeur guerrière agitantses membres
' — 29 —
de mouvements convulsifs, désordonnés, et l'on compren-
dra facilement l'incertitude des coups qu'il dirige,. tandis
que, au contraire, un tirailleur caché derrière des brous-
sailles, conservant tout son sang froid, et pouvant ajuster
son ennemi tant qu'il lui plait, l'atteindra beaucoup plus
sûrement et le plus souvent le blessera mortellement, en
adressant la balle qu'il lui lance soit à la tête, soit au
ventre, soit à la poitrine.
Voilà pour les coups nuls , quant aux coups qui por-
tent, on peut dire en général que c'est le hasard qui
préside à leur distribution ainsi , toutes les causes de dé-
viations des projectiles que nous venons d'examiner,
pourront, en se réunissant, faire arriver à la poitrine une
balle adressée au ventre. D'un autre côté, les corps inor-
ganiques voisins, tels que les pierres, les murs, seront
quelquefois cause qu'une balle qui les touche et qui
aurait été perdue, sera mortelle par la réflexion qu'elle
éprouve en arrivant sur leur surface, qui l'adresse en la
réfléchissant à tel ou tel organe d'un homme se trouvaut
dans les environs. En second lieu, les points de mire va-
rient suivant les nations, tel peuple par exemple, vise de
préférence à la tête, tel autre au ventre, tel autre à la poi-
trine , circonstance qui doit naturellement apporter une
grande variété dans le lieu, et par conséquent dans la
gravité de la blessure.
J'ai recueilli dans différents auteurs 784 observations
de plaies d'armes à feu que j'ai groupées par régions
afin de pouvoir déduire de ce travail la fréquence relative
des coups de feu dans telle ou telle région du corps. Mais
je le répète avant d'en présenter le tableau synoptique ,
ce n'est là qu'un travail d'à peu près , dont on ne peut
tirer que des conséquences peu sûres à cause du caprice
qui préside à la distribution des coups de feu.
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D'après ce tableau , voici l'ordre dans lequel doivent
être classées les régions du corps pour ce qui concerne la
fréquence, relative avec laquelle elles sont atteintes par le
coups de feu.
1° Jambe 100 cas.
2o Cuisse 97
3oFace. . 61
4° Bras 60
Main. . . - • . 57
6° Poitrine 53
7° Abdomen ......... 52
8° Epaule. 42
9° Crâne. . 37
10° Avant-bras 36
11° Articulation fémoro-tibiale. ... 35
12° Pied 29
13° Articulation huméro-cubitale. . . 23
14° Hanche 22
15° Cou 22
16° Organes génitaux. . . . . . . 18
17° Articulation tibio-tarsienne. ... 15
18° Articulation scapulo-humérale.* . . 13
19* Articulation coxo-fémorale ... 6
20° Colonne vertébrale 4
21° Articulation radio-carpienne ... 2
Total. 784 cas.
Parmi toutes ces blessures il est facile de concevoir
que les plus graves sont celles qui atteignent les cavités
splanchniques , et nous voyons heureusement pour le
soldat qu'elles n'occupent que les sixième, septième et
neuvième rangs dans notre échelle de fréquence. Viennent
ensuite les blessures des grandes articulations qui n'occu-
pent que les dix-huitième, dix-septième, treizième et
~- 32 —
onzième rangs Puis celles des membres volumineux,
comme la cuisse, la jambe, le bras, etc, qui occupent les
deuxième, premier et quatrième rangs. Il sembleraitd'après
cette classification que le caprice du sort qui préside en
grande partie à la distribution des plaies d'armes à feu,
sur telle ou telle région, du corps veille sans cesse sur le
guerrier, et tâche de diminuer les chances de mort, suspen-
dues à chaque instant sur sa tête, sur le champ debataille.
§ VII. — DU MODE D'ACTION DES PROJECTILES VOLUMINEUX
Les gros projectiles, en tète desquels se 'place toutna-
naturellement le boulet , produisent comme de raison des
effets plus meurtriers que la balle, dont ils imitent du
reste les effets sur les surfaces concaves et convexes. Leur
volume leur permet rarement de s'arrêter dans l'épaisseur
de nos parties sur lesquels ils agissent ordinairement en les
mutilant ou en les séparant totalement du reste du corps.
Cependant le baron Larrey assure dans le 3 me volume
de ses mémoires, avoir vu un boulet volumineux ( 5 livr. )
pénétrer par la partie inférieure et externe de la cuisse,
et aller se cacher dans l'aine d'où il fut extrait à l'aide
d'une large incision ; et les rédacteurs des leçons orales de
Dupuytren rapportent d'après M. Bégin, qu'un boulet de
9 livres se cacha si complètement dans la cuisse d'un
soldat que le chirurgien qui le pansa , ne s'aperçut pas
tout d'abord, de la présence de ce projectile dans l'épais-
seur du membre.
Quoiqu'il en soit, le boulet peut agir directement ou
obliquement sur nos tissus, et les résultats de son action
diffèrent essentiellement dans les deux cas. « Il y a
trois classes de désordres, dans l'action directe du boulet,
dit M. Baudens, (clinique des plaies d'armes à feu) : 1° le
projectile n'a entamé que les parties molles, les téguments
- 33 —
sont largement déchirés, les muscles, les tendons et les
aponévroses meurtris se confondent ; 2° le membre est
enlevé par le boulet, l'amputation est le seul remède; 3 le
boulet porte d'aplomb sur l'une des trois cavités splan-
chniques et détermine des désordres auxquels on ne sau-
rait remédier. »
Ces quelques mots tracent avec beaucoup de netteté
l'ensemble des lésions produites par le boulet, mais, quand
le choc est oblique, les résultats sont bien différents, et il
peut se faire qu'un membre soit broyé, réduit pour ainsi
dire en pâte homogène, sans que la peau paraisse le moins
du monde intéressée. Cette intégrité de l'enveloppe cuta-
née s'explique parfaitement par la rapidité d'action du
boulet, et surtout par l'obliquité selon laquelle le projec-
tile frappe le membre, obliquité qui permet à la peau , mem-
brane essentiellement élastique, décéder, de se laisser dis-
tendre sans se rompre, tandis que les organes sous-jacents
(muscles, os, vaisseaux), plus durs, ou moins extensibles
se rompent. Quand un pareil désordre se produit sur l'ab-
domen ou la poitrine, la peau reste intacte, mais les or-
ganes de la digestion ou de la respiration ayant subi d'é-
normes désordres, le blessé tombe sous le coup, sans qu'on
puisse trouver à la surface de son corps la moindre trace
de contusion ou de rupture à l'aide de la vue. C'est de là
que sont nées une foule d'explications plus ou moins erro-
nées, en tête desquelles figure celle du vent du boulet, dont
les effets prétendus ont été assez longuement réfutés par
une foule d'auteurs, pour que je ne m'y arrête pas ici.
Les bombes agissent d'abord par leur poids en tombant,
et ensuite, par leurs éclats, qui étant ordinairement plus
larges que les balles, produisent des blessures plus dan-
gereuses. Les obus agissent comme les boulets pendant
tout le temps de leur course, et de plus comme les bombes ,
3
— 34 —
lorsqu'ils éclatent. Quant à la mitraille, qui se compose de
biscaïens, de clous, de pierres, de fragments de fer et de
cuivre plus ou moins anguleux, elle produit des lésions
nombreuses et toujours plus graves que celles qui sont le
résultat des balles. En dernier lieu enfin, je ne ferai que
mentionner les boulets rouges qui, indépendamment de
leur action contondante, portent l'incendie sur tous les
points qu'ils touchent,
Comme les coups de feu par armes portatives sont les
plus communs, et que la balle est par conséquent le pro-
jectile dont on a le plus souvent à observer les effets, c'est
de cette espèce de plaie d'arme à feu qu'il s'agira spéciale-
ment pendant toute la durée de mon travail, me réservant
cependant de m'occuper secondairement des coups de
boulet et autres gros projectiles, quand il sera nécessaire.
§ VIII . DES PLAIES PRODUITES PAR LES PROJECTILES LANCÉS
PAR LA POUDRE A CANON , SUR LES DIVERS SYSTÈMES DE l'É»
CONOM1E.
Les projectiles, en cheminant à travers nos organes,
peuvent y produire des lésions simples, comme lorsqu'ils
n'intéressent que les muscles, ou bien causer de graves
accidents en portant leur action sur les os qu'ils brisent en
éclats, les vaisseaux qu'ils ouvrent largement, les cavités
splanchniques qu'ils peuvent traverser, etc., delà vont
naître pour nous tout autant de divisions que nous allons
examiner individuellement pour pouvoir établir ensuite,
d'une manière positive et logique les véritables caractères
des plaies d'armes à feu.
§ IX. — DES PLAIES SIMPLES.
La plaie d'arme à feu simple est celle dans laquelle la
peau et les muscles d'une région du corps, d'un membre
- 35 —
comme la cuisse ont été traversés sans lésion aucune du
système osseux, nerveux, vasculaire, etc.
La balle qui atteint un membre, peut le traverser de part
en part, et c'est le cas le plus ordinaire ; alors, la blessure
présente deux ouvertures, une d'entrée, et l'autre de sortie.
Tandis que si la balle s'arrête dans V épaisseur de ce mem-
bre, il n'y a qu'une ouverture d'entrée.
L'ouverture d'entrée est ordinairement ronde, nette ;
plus petite souvent que le projectile qui l'a produite, sa
circonférence est noirâtre, elle donne passage à une très
petite quantité de sang, dans la majorité des cas du moins.
L'ouverture de sortie est plus large, mâchée, et se trouve
ordinairement refoulée en dehors. En nous occupant du
mode d'action des projectiles sur nos tissus, nous avons
déjà assez insisté sur les causes qui déterminent cette dif-
férence entre les deux ouvertures faites par la balle, nous
nous occuperons seulement ici de la couleur bleuâtre fon-
cée, noirâtre, qui entoure l'orifice d'entrée. Cette couleur
est tout simplement le résultat de la poudre avec laquelle
le projectile a été en contact dans le canon de l'arme. Cette
poudre se dépose au pourtour de l'orifice d'entrée à me-
sure que le projectile pénètre dans jnos tissus, et lui donne
cette coloration qui avait fait croire aux anciens que le tra-
jet des plaies d'armes à feu, était cautérisé par la balle,
erreur qui a été assez combattue et assez définitive-
ment reléguée au chapitre des contes scientifiques pour
que je m'y arrête davantage. Quand le coup est tiré de
très près, les parties qui le reçoivent, sont encore plus
noires que lorsque la portée est ordinaire, parceque alors
la poudre se dépose en nature, et en quantité plus ou
moins grande sur les environs de la solution de continuité.
La balle détruit tout le long de son trajet a travers les
parties molles, une couche plus ou moins épaisse de tissus
— 36 —
qui sont contus, broyés, incapables de vivre, et qui cons-
tituent ce qu'on appelle l'escarre. Cette escarre doit être
éliminée par la suppuration, et la plaie ne se réunit que
lorsque cette élimination a eu lieu.
La plaie d'arme à feu simple a de la tendance à se rétrécir,
d'abord par l'effet delà contusion à la suite de laquelle les
tissus gonflés obstruent plus ou moins le trajet du projec-
tile, et en second lieu, par le fait seul de l'élasticité des
parties. Cette circonstance, jointe à la complication cons-
tante d'un corps étranger ( escarre ) et à la présence de l'é-
tranglement qui survient très souvent dans ce cas, a fait
penser à plusieurs auteurs , et entre autres à Dupuytren
qu'il y avait analogie parfaite entre une plaie d'arme à feu
simple, d'une part, et une plaie d'arme blanche piquante de
l'autre, Voici du reste les paroles de Dupuytren à ce sujet:
« Ces plaies offrent avec celles qui résultent d'une arme pi-
quante une ressemblance très grande; en effet, de l'introduc-
tion d'un instrument piquant, d'une épée par exemple, au mi-
lieu des tissus il résulte une plaie étroite avec tendance des
tissus à revenir sur elle-même et à retenir les liquides épan-
chés qui font alors l'office de corps étrangers , plaie qui est
ordinairement suivied'une violente inflammation et d'étran-
glement, lequel est déterminé principalement par les apo-
névroses qui s'opposent au libre développement, des par-
ties gonflées. Dans une plaie produite par une balle, on
trouve aussi un trajet étroit plus ou moins direct et tor-
tueux , mais tapissé souvent d'une couche de tissus ordi-
nairement gangrenés , qui forment une escarre , et par
conséquent un corps étranger, autour duquel il se déve-
loppe une violente inflammation suivie très communément
d'étranglement. Dans l'un ou l'autre cas de plaie par
arme piquante, ou de plaie par arme à feu qui traverse les
parties molles , le danger vient de l'inflammation et de
— 37 —
l'étranglement. Quand ces accidents arrivent , un même
mode de traitement également efficace leur est opposé;
c'est le débridement qui permet aux parties molles de se
développer librement, aux liquides épanchés, aux escar-
res, à la suppuration de s'écouler librement... »
Malgré les caractères de ressemblance qui paraissent
exister au premier abord entre ces deux ordres de lésions,
il est facile de trouver entre elles des différences bien
marquées, rendant leur identité beaucoup moins parfaite
qu'on a bien voulu la faire. La première de ces dissem-
blances gît dans la différence de la cause qui met en mou-
vement l'agent vulnérant. En effet, l'épée qui traverse un
membre est toujours mue par la main d'un homme ; elle
perce les tissus nettement et sans les contusionner, tandis
que la balle lancée par la poudre contusionne , déchire ,
et doit nécessairement amener à la suite de son action un
gonflement et un étranglement beaucoup plus considéra-
bles. Une autre différence réside dans la nature du corps
étranger contenu dans le canal de la blessure. Dans les
coups d'armes piquantes , ce corps étranger est liquide ,
librement épanché au milieu des tissus qui peuvent l'ab-
sorber, tandis que l'escarre qui résulte du passage de la
balle est solide, adhérente aux tissus qu'elle tapisse, des-
quels elle ne se détache que par la suppuration, de là vient
qu'on voit souvent des coups d'épée, traversant des mem-
bres de part en part , se guérir sans une goutte de pus et
sans étranglement , tandis qu'on ne voit pas souvent une
plaie d'arme à feu se réunir par première intention.
§ X. — DES PLAIES D'ARMES A FEU AVEC LÉSION DES OS.
L'os touché par une balle lui oppose toujours, en vertu
de sa structure organique , une résistance plus ou moins
efficace. Si le projectile est à la fin de sa course, et surtout
— 38 —
s'il arrive obliquement sur la surface osseuse , il peut se
faire que l'os ne soit que contusionné. Tandis que si la
balle le touche au plein de sa force et perpendiculaire-
ment à sa surface, il sera indubitablement brisé en un plus
ou moins grand nombre de fragments, nommés esquilles.
Quand une balle arrive sur la surface interne du tibia ,
ou sur toute autre surface osseuse qu'elle se borne à con-
tusionner, elle agit ordinairement en séparant le périoste
de la face externe de l'os. Il se forme alors une collection
purulente entre ce dernier et sa membrane nourricière ,
d'où résulte une nécrose entraînant l'exfoliation plus ou
moins lente d'une ou plusieurs lames de tissu osseux.
Mais ces cas sont rares, et les coups de feu produisent plus
souvent des fractures que des contusions du tissu osseux.
Les balles peuvent toucher indistinctement tous les os
de notre système ; la gravité des fractures qu'ils y produi-
sent se déduit du voisinage d'organes plus ou moins es-
sentiels à la vie, tels que le cerveau à la tête, les poumons
dans la poitrine; etc., et en second lieu, du plus ou moins
grand nombre de fragments que le projectile a produits.
Ainsi , une fracture comminutive du fémur nécessitera
sûrement l'amputation, tandis que si cet os est brisé trans-
versalement (ce qui du reste est fort rare), on pourra
tenter avec plus de chances la conservation du membre.
Dans la majorité des cas la balle , après avoir fracturé
l'os d'un membre , sort par le point diamétralement op-
posé ou par tout autre point ; mais il arrive quelquefois
qu'elle épuise son action sur le tissu osseux, alors elle n'a
pas assez de force pour se créer une route jusqu'au de-
hors et elle complique par sa présence la gravité de la
blessure.
Nous allons rapidement examiner la nature des frac-
tures occasionnées par les projectiles lancés par la poudre
— 39 —
à canon aux os longs, aux os plats et aux os courts. Nous
prendrons pour type des os longs le fémur. Pour type des
os plats le coronal , et pour type des os courts les os du
carpe ou du tarse.
La balle qui arrive sur le fémur peut atteindre cet os
au milieu de son corps , ou près de ses extrémités articu-
laires. Tout le monde sait que la structure des os longs
diffère, selon qu'on la considère à la partie moyenne de
la diaphyse ou près des extrémités articulaires. Dans le
premier endroit, la substance osseuse est compacte, dense,
serrée , par conséquent plus friable que les extrémités ,
qui sont spongieuses, aréolaires et par suite plus molles.
On conçoit parfaitement, à la suite de ces considérations
anatomiques , qu'une balle brisera presque toujours en
éclats la partie moyenne du corps du fémur, tandis qu'elle
pourra se creuser un canal parfaitement cylindrique, et
demeurer même fixée dans l'extrémité articulaire tibiale
de cet os. Ces faits , que le raisonnement fait admettre ,
sont d'observation journalière dans la pratique, et sur les
champs de bataille.
La balle atteignant un os plat , comme le coronal , le
traverse de part en part et y fait une ouvertnre parfaite-
ment circulaire , si elle est au plein de sa course. Tandis
que, si elle est douée d'une moindre force, il peut se faire
qu'elle ne brise que la lame externe, l'interne restant
intacte. Elle peut aussi, selon quelques auteurs, s'étendre
à une distance plus ou moins éloignée dans le diploé.
Ainsi Percy rapporte . dans son Manuel du chirurgien d'ar-
mée , avoir vu une balle qui s'était étendue comme une
pièce de 24 sous , entre les lames osseuses même , et ne
se montrait au dehors que de la largeur de quelques
lignes (p. 92).
Dans d'autres cas , la balle peut pénétrer dans l'épais-
— 40 —
seur de l'os par une fente si étroite qu'elle est à peine
reconnaissable à la vue. Ainsi M. Pages, chirurgien-major
du régiment royal Piémont, cité par Percy, a vu une balle
entrée sous le crâne par une fente si étroite que , sans la
trace du plomb qu'elle avait laissée sur les bords, on n'eût
pu l'apercevoir (p. 404). Enfin, dans d'autres cas plus
rares encore , la-lame interne est brisée , l'externe restant
intacte . et produit une quantité plus ou moins grande
d'esquilles qui agissent mécaniquement sur le cerveau
et y occasionnent des accidents toujours très fâcheux.
Quand la balle atteint h la fois la lame externe , le di-
ploé et la lame interne d'un os plat elle y produit ordinai-
rement un nombre indéterminé de fissures , qui partent
de la blessure comme d'un point central et s'irradient à
la surface de l'os. Quelquefois ces différentes pièces frac-
turées sont mobiles et constituent tout autant d'esquilles,
devenant des ennemis dangereux à la suite de leur action
sur les organes sous-jacents... Ce que je viens de dire du
coronal peut s'appliquer parfaitement à l'omoplate, à l'os
des îles, etc., sauf les modifications qu'apporterait néces-
sairement dans la lésion la situation anatomique de chacun
de ces deux os.
Les os courts , atteints par des balles , sont ordinaire-
ment brisés en un grand nombre de petits fragments. S'ils
sont un peu volumineux , ils peuvent se laisser pénétrer
par les projectiles et les loger, pendant un temps plus ou
moins long , dans l'intérieur de leur tissu , comme le cal-
caneum en a offert des exemples... Le voisinage des
grandes articulations, autour desquelles sont situées les
os courts, rend leur lésion en général très dangereuse.
Les fractures des os , par les projectiles de guerre , s'ac-
compagnent, dans la grande majorité des cas, d'accidents
très graves, résultant d'abord de la commotion plus ou
— 41 —
moins violente qu'éprouve le blessé au moment où son os
est brisé en éclat. Ensuite, peu de jours après la blessure,
la fièvre s'allume , la peau devient chaude , le pouls est
fort, fréquent, il y a de la céphalalgie et quelquefois des
convulsions , le membre acquiert un volume prodigieux ,
le blessé y éprouve de fortes douleurs occasionnées par
les esquilles , qui font office de corps étrangers , piquant
et irritant les parties au milieu desquelles elles se trou-
vent. Ces accidents peuvent cesser à la suite de l'emploi
sagement combiné des moyens thérapeutiques , que nous
examinerons à l'article du traitement. Sinon , la suppura-
tion arrive, coule avec abondance, s'altère au contact de
l'air, la constitution du blessé s'altère , la diarrhée colli-
quative survient et précède de peu la fin funeste de la
maladie.
Ces esquilles, dont la présence occasionne des acci-
dents si terribles et dont le nombre peut aller jusqu'à 10,
45, 20, etc., ont été divisées par Dupuytren en esquilles
primitives, secondaires et tertiaires. Les primitives sont
celles qui sont tout à fait séparées des tissus environ-
nants ; les secondaires sont celles qui y tiennent encore
par une portion de muscle , de tendon , de ligament , etc. ,
et qui ne sont détachées par la suppuration qu'au bout
d'un temps plus ou moins long. Enfin , les tertiaires sont
celles qui résultent de la contusion de l'os au voisinage
de la fracture , elles ne sont ordinairement expulsées
qu'au bout d'un temps très long , quelquefois plusieurs
années. J'établis cette division d'avance parce qu'on verra
plus bas , quand il s'agira de l'extraction des esquilles ,
que tous les auteurs ne sont pas également d'accord sur
l'urgente nécessité d'extraire de suite , ou du moins dès
qu'il est possible, les deux premières espèces d'esquilles,
— 42 —
§ XI. — PLAIES DARMES A FEU AVEC LÉSION DES
ARTICULATIONS.
La lésion des petites articulations , comme celles des
doigts, des orteils , entraine après elle peu d'accidents et
n'est pas plus grave , après tout , que la solution de con-
tinuité d'un os long à sa partie moyenne , mais il y a
beaucoup plus de dangers quand il y a blessure d'une
articulation volumineuse, comme l'articulation coxo-fémo-
rale, la scapulo-humérale , l'huméro-cubitale , la tibio-
fémorale, etc. Ces articulations peuvent être traversées
nettement par le projectile, ou bien celui-ci peut avoir
occasionné sur son passage une quantité considérable
d'esquilles (dix, quinze, vingt), etc. Alors il survient, au
bout de peu de temps , un gonflement considérable , don-
nant lieu le plus souvent à l'étranglement par la dureté
des tissus durs et fibreux qui tapissent ces articulations.
La fièvre s'allume , devient intense , la soif est ardente ,
la suppuration s'établit dans la cavité articulaire, elle est
abondante , fétide , altérée par le contact de l'air, qui a
libre accès dans l'articulation. Les cartilages articulaires
s'érodent , les surfaces osseuses se carient , les ligaments
sont détruits, et l'abondance de la suppuration amène
bientôt la diarrhée colliquative , le marasme , des fusées
purulentes, et la mort. Voilà ce qui arrive dans le plus
grand nombre des cas de grande lésion articulaire, ou l'on
n'a pas pu parvenir à se rendre maître de l'inflammation,
ou bien , ou le malade n'a pas voulu se soumettre à
temps à l'emploi du moyen thérapeutique terrible il est
est vrai , mais le seul efficace en pareille circonstance ,
l'amputation. Quand le sort veut qu'une pareille blessure
se termine d'une manière heureuse, ce qui, je le répète,
est fort rare ; le blessé est ordinairement privé toute sa
— 43 —
vie du mouvement de l'articulation traversée par le pro-
jectile. Les surfaces osseuses se soudent solidement entre
elles ; il se fait, en un mot, un travail d'ankylose.
La chance favorise quelquefois les blessés, et le projec-
tile au lieu de pénétrer dans la cavité articulaire propre-
ment dite, traverse transversalement ou d'avant en arrière
une des extrémités osseuses servant à former cette cavité ;
alors si le trajet de la balle a lieu à un pouce, un pouce et
demi plus haut que la surface articulaire, il ne se fait au-
cune esquille, et aucun épanchement dans l'articulation,
ce qui permet à la résolution et par conséquent à la guéri-
rison de s'opérer plus facilement et sans trop d'alarmes.
Tandis que si la balle traverse la tête articulaire à peu de
lignes de sa surface d'articulation, elle peut l'éclater et
donner lieu ainsi à la formation d'un plus ou moins grand
nombre d'esquilles dont les pointes se tourneront vers la
cavité articulaire, ou bien seront tout à fait détachées de
l'os et tomberont dans l'intérieur de l'article. . . La gravité
du cas est alors aussi grande que si le projectile était entré
au milieu delà cavité articulaire, et y avait exercé ses ra-
vages.
11 existe une très graude analogie entre les plaies con-
tuses et les plaies d'armes à feu, c'est un axiome dont nous
nous convaincrons plus en détail, quand nous examine-
rons la nature de ces lésions. Eh bien! on voit souvent à
la suite de plaies contuses produites par la chute de corps
lourds (pierres, pièces de bois) on voit souvent, dis-je, des
fissures osseuses s'étendant du point blessé jusqu'à l'arti-
culation située immédiatement au-dessus. La même chose
peut arriver dans les coups de feu, mais surtout dans ceux
qui sont produits par les projectiles de gros volume. J'ai
été à même de recueillir un très beau fait de fracture com-
minutivede la jambe, produite par la chute d'une grosse
— . 44 —
pierre, dans lequella cause fracturante avait agi jusquedans
l'articulation fémoro-tibiale, et, ce qu'il y a de plus remar-
quable, sur l'extrémité inférieure du fémur, et non sur le
tibia fracturé, ce qui étonna beaucoup à l'autopsie les chi-
rurgiens chargés du blessé pendant sa vie, et rendit fautive
l'amputation de la jambe qu'ils pratiquèrent au lieu d'élec-
tion , avec toute la conviction et la conscience possibles ;
voici le fait que j'extrais de ma thèse pour le doctorat
en médecine (1840, décembre).
Bonfillon (Joseph) , conducteur de voitures , âgé de
trente ans, fut porté à l'Hôtel-Dieu de Marseille le 18 mai
1839 à 6 heures du soir. Cet homme était endormi sur sa
charrette chargée de grosses pierres. Un accident de ter-
rain sur lequel passa l'équipage y détermina une violente
secousse, Bonfillon fut jeté sur le sol, deux grosses pierres
le suivirent dans sa chute, et l'une d'elle lui fracassa la
jambe droite. Arrivé à l'hôpital, le malade offre une large
plaie de 5 pouces de long à la face interne et à la partie
moyenne de la jambe. La peau est meurtrie au loin, trois
esquilles de 50 à 55 millimètres de long et deux plus pe-
tites sont de suite extraites par le chirurgien de garde,
elles appartiennent au tibia. Le péroné est fracturé trans-
versalement au même niveau que le tibia. Tous les mus-
cles de la région jambière antérieure sont lacérés, et il se
fait par la plaie une assez forte hémorrhagie. . . .
On pratique de suite la résection d'une pointe du tibia,
[fragment supérieur) qui fatiguait les chairs. On applique
un appareil contentif. Le malade prend du tilleul et onl ui
pratique une saignée de 360 grammes.
Le lendemain 19 la nuit a été assez bonne, l'amputa-
tion étant jugée nécessaire, on la pratique au lieu d'élec-
tion par la méthode circulaire ; elle ne présente rien de
particulier. (D. infus. tilleuL potion antispasmodique).
— 45 —
Le 24, premier pansement, pas de réunion, si ce n'est
dans l'espace de 1 4 ou 1 6 millimètres au milieu du moi-
gnon; du 24 au 28 rien de nouveau. Le 28 à quatre heu-
res du soir, frisson violent accompagné de sueur (60 cen-
tigrammes sulfate quinine) .
Le 29, chaleur à la peau, pouls à 130 , plaie blafarde
[Diète, potion stibiée à 0,4 avec sirop diacode, 60 grammes à
prendre par cuillerée d'heure en heure) .
Le 30, la suppuration est très abondante, le péroné fait
saillie à travers la peau ulcérée (mêmes prescriptions) , les
frissons persistent . le malade s'affaiblit d'instant en in-
stant, et succombe le 2 juin à quatre heures du matin.
Autopsie douze heures après la mort.
Le crâne n'a pu être examiné.
Poitrine. — Les plèvres pulmonaire et costale, de cha-
que côté, sont couvertes de fausses membranes. Le cœur
est à l'état normal.
Abdomen. — Le foie est sain , les reins le sont pareille-
ment , la veine cave inférieure , l'iliaque primitive , l'ilia-
que externe ne présentent aucune trace d'inflammation.
Examen du membre. — La veine fémorale contient, à la
partie supérieure de la cuisse, des caillots de sang en
assez grande quantité. On trouve à sa partie inférieure,
ainsi que dans la veine poplitée , du pus à l'état flocon-
neux. L'articulation tibio-fémorale est le siège d'un épan-
-chement purulent très considérable. Après avoir été lar-
gement ouverte , elle laisse apercevoir dans sa cavité une
séparation du condyle fémoral interne d'avec l'externe ,
sans aucune espèce de déplacement , se continuant avec
une fracture presque verticale du fémur, allant se termi-
ner 5 pouces plus haut à la face interne de l'os ; les deux
surfaces de l'extrémité spongieuse du fémur sont baignées
— 46 —
de pus et ont revêtu une couleur noirâtre. L'articulation
n'a aucune espèce de communication avec l'extérieur, et
les parties qui la recouvrent n'ont présenté dans le cours
de la maladie aucun signe physique ou physiologique de
la moindre contusion.
J'ai cité ce fait pour avoir l'occasion de recommander
aux chirurgiens militaires qui ont à traiter des plaies con-
tuses siégeant vers la partie supérieure , et même à la
partie moyenne des membres , d'examiner scrupuleuse-
ment l'articulation , immédiatement située au-dessus de
la lésion , et de ne pas balancer d'amputer au-dessus de
cette articulation s'ils y entrevoyaient des symptômes de
lésions plus ou moins graves.
g XII. PLAIES D'ARMES A FEU AVEC LÉSION DES
VAISSEAUX.
La balle , qui touche dans son trajet un vaisseau vei-
neux ou artériel, peut glisser à sa surface et ne faire que le
contusionner, elle peut le diviser dans une plus ou moins
grande étendue de son calibre , ou bien enfin le couper
transversalement. Le projectile produit sur le système
vasculaire le même effet que nous lui avons vu produire
plus haut sur les muscles qu'il traverse : il broie l'extré-
mité du vaisseau qui se crispe, se convertit en escarre, se
rétracte au milieu des parties environnantes et donne
moins facilement issue au sang qui circule dans son calibre
que lorsqu'elle est nettement coupée par le tranchant d'un
sabre, ou de toute autre arme tranchante.
Si le vaisseau coupé est de troisième ou quatrième or-
dre , l'escarre est une digue suffisante pour s'opposer à
l'hémorrhagie et permettre au travail d'oblitération de
s'effectuer. Le blessé ne présente alors aucun écoulement
de sang, mais si , lors de la chute de l'escarre, le travail
— 47 —
d'oblitération n'est pas achevé, il y a alors ce qu'on appelle
une hémorrhagie secondaire.
Si le vaisseau ouvert est au contraire volumineux ,
comme la crurale , la carotide , rien ne peut s'opposer à
l'écoulement de sang qui s'échappe au dehors avec au-
tant de force que dans une plaie d'arme blanche, et cause
des accidents promptement mortels si Fart n'intervient
de suite; c'est là ce qu'on appelle hémorrhagie primitive.
L'hémorrhagie primitive peut , dans certains cas , man-
quer, bien qu'il y ait lésion d'un gros tube vasculaire ,
c'est lorsqu'il y a stupeur violente ou syncope au moment
de l'accident, ou -bien lorsque la plaie , faite au calibre du
vaisseau, est assez petite pour être bouchée pendant un
certain temps par l'escarre , alors celle-ci , se détachant
au bout de 7, 8, 40, 12 jours et quelquefois plus, permet
au sang de couler librement hors du calibre du vaisseau.
Dupuytren cite , dans son Traité des plaies d'armes de
guerre, l'histoire d'un maçon qui eut le cou traversé de
gauche à droite par une balle , au niveau de l'angle du
maxillaire inférieur. Dix jours après l'accident survint
une forte hémorrhagie par la plaie et par la bouche ,
puis des convulsions et enfin bientôt après la mort. On
trouva à l'autopsie la carotide interne gauche ouverte
dans l'étendue de six lignes à un pouce de son ori-
gine. Il serait facile , en compulsant les annales de la
science, de multiplier a l'infini les citations de pareils
exemples.
Gomme on le conçoit fort bien , il n'est pas de vaisseau
qui ne soit susceptible d'être atteint par les projectiles
dont les trajets sont quelquefois si profonds et si capri-
cieux. Quoiqu'il en soit, la lésion des artères est beaucoup
plus à craindre que celle des veines. La blessure des gros
vaisseaux splanchniques expose aussi à, de funestes acci-
— 48 —
dents, d'autant plus graves, que, dans la majorité des cas,
la main du chirurgien ne peut les atteindre.
Il est encore une circonstance qui rend l'hémorrhagie
produite par un coup de feu plus difficile à arrêter que
celle qui est produite parlé tranchant d'une arme blanche.
C'est que, dans ce dernier cas, la solution de continuité est
ordinairement nette et saignante et permet quelquefois au
chirurgien de saisir et de lier les extrémités des vaisseaux
divisés. Tandis que, à la suite d'un coup de feu, les vais-
seaux divisés sont enfoncés plus profondément dans les
parties, dont le gonflement et l'attrition sont si considéra-
bles qu'ils ne permettent pas aux instruments chirurgi-
caux , et souvent à l'œil, d'arriver jusqu'à la source de
l'hémorrhagie.
Il est aisé de comprendre , maintenant que nous con-
naissons le mode d'agir des projectiles sur les tissus ,
comment il se fait qu'il y a absence d'hémorrhagie dans le
plus grand nombre des plaies par armes à feu.
§ XIII. PLAIES PAR ARMES A FEU AVEC LÉSION DES NERFS
Les branches nerveuses , les plus volumineuses comme
les plus fines , peuvent être atteintes par une balle. Elles
peuvent être totalement coupées en travers , ou simple-
ment déchirées et meurtries , dans une étendue plus ou
moins grande de leur surface. Ce second cas est plus fré-
quent et occasionne au malade des douleurs très violentes
qui , dans certaines circonstances , provoquent le tétanos
et qu'on ne fait cesser qu'en achevant, à l'aide d'une inci-
sion, la section du nerf demi-coupé.
Il est facile de comprendre que les lésions du système
nerveux doivent se traduire par des altérations plus ou
moins profondes dans les fonctions du mouvement et de
la sensibilité. Ainsi, il arrive dans certains cas qu'une des
— 49 —
branches principales d'un membre étant détruites, celui-ci
perd de sa sensibilité, se gonfle énormément, se couvre
de phlyctènes, prend une couleur livide et finit par tom-
ber en sphacèle. Ainsi, M. Baudens parle d'un cas dans
lequel il y avait déchirure de plusieurs grosses branches
de la fémorale, de l'une des deux racines du saphène
externe, de la branche externe du sciatique destinée à
former le poplité externe. Après trente-six heures , les
douleurs , qui avaient été très fortes après les premiers
instants de la blessure , cessèrent tout à coup , la cuisse
acquit un volume prodigieux , la décomposition s'en em-
para, et des gaz s'en échappèrent en abondance par les
plaies au milieu d'un liquide noir, fétide et ichoreux.
Dans d'autres cas , au contraire , la sensibilité s'exalte
dans une partie, bien que la plupart des gros troncs ner-
veux qui s'y distribuent aient été coupés en entier par la
cause vulnérante. Ainsi, M. Baudens rapporte l'observa-
tion d'un soldat qui reçut un coup de sabre dans le creux
de l'aisselle. Il y eut section complète de l'artère axillaire,
qui fut tordue sur-le-champ. Section radicale des nerfs
médian, cubital, cutané interne et externe, qui furent
fixés dans une anse de fil non serrée et rapprochés des
quatre extrémités nerveuses supérieures. Le fil fut placé
dans le tissu cellulaire voisin, et la sensibilité s'exalta tel-
lement, qu'au bout de vingt-quatre heures la moindre
pression exercée sur la main était douloureuse. Ce cas,
bien que ne se rapportant pas précisément à mon sujet
par la nature de la cause vulnérante (arme tranchante) ,
est cependant très remarquable , à cause de la concomi-
tance d'une lésion nerveuse et d'une lésion vasculaire si
considérables , et qui n'empêchèrent pas cependant le
membre de jouir de sa sensibilité normale.
Quand le projectile porte son action sur des parties plus
4
— 50 —
essentielles du système nerveux , comme le cerveau , le
cervelet , le pneumo-gastrique , on remarque de plus
grandes altérations dans les fonctions. Quand c'est le
cerveau qui est atteint, il peut y avoir mort instantanée,
quoiqu'on rapporte des cas de corps étrangers qui y sont
demeurés fixés pendant un temps assez long, ou bien il
y a perversion d'une ou de plusieurs fonctions , la mé-
moire, le jugement, la parole, la vue. Il est bien entendu
que dans tous les cas de lésion du cerveau on a à combattre
une inflammation ordinairement très dangereuse, et que
les lésions dont je viens de parler ne sont que secondaires,
c'est-à-dire qu'elles surviennent après l'encéphalite, lors-
que cette dernière a épargné les jours du malade. Elles
laissent chez le blessé des traces ordinairement très lon-
gues de l'accident qui l'a frappé.
Indépendamment des symptômes propres aux lésions
du système nerveux cérébral , la lésion du cervelet se
traduit encore au dehors par les troubles qui se manifes-
tent dans les organes génito-urinaires... Les blessures du
pneumo-gastrique amènent ordinairement après elles des
troubles considérables dans les fonctions respiratoires.
Il arrive, dans certains cas, que le projectile qui a dé-
chiré un nerf , au lieu de continuer sa marche, reste au
milieu des parties ^ prieisément sur la portion du sys-
tème nerveux qu'il vient de blesser : alors les douleurs
sont beaucoup plus vives ètl plus constantes , attisées
quelles sbnt Qfâiïir ainsi ;(tire , par la présence du corps
étranger qui froisse la fibre nerveuse. Le tétanos survient
presque toujours ,4a^s ^de^pâi'eilles blessures. Nous ver-
rons plus bas ,~qtraîîè^îr s'agira du traitement , qu'il n'y a
qu'un seul moyen de faire cesser les accidents ; c'est de
pratiquer l'extraction du corps étranger, quand elle est
possible.
51
§ XIV. — PLAIES D'ARMES A FEU AVEC LÉSION DES VISCÈRES-
Les viscères des trois cavités splanchniques peuvent
être indifféremment atteints par les projectiles lancés par
la poudre à canon. Ces viscères sont tous appelés à jouer
un rôle très important dans l'économie animale ; de là la
gravité de toutes les lésions qui les atteignent. Ainsi , le
cerveau présidant à la sensibilité et au mouvement, les
organes de la poitrine remplissant les fonctions impor-
tantes de la respiration et de la circulation , et ceux de
l'abdomen étant chargés de la digestion ; on comprend
facilement au premier aperçu quelles graves suites doi-
vent avoir de pareilles lésions, aussi la nature semble avoir
parfaitement compris l'importance de ces organes en les
renfermant dans des cavités , soit osseuses , soit musculo -
osseuses , dont les parois servent , dans certains cas heu-
reux , à atténuer les désordres que produiraient sur eux
les projectiles de guerre.
Le diagnostic de la lésion des viscères se tire d'abord
de la situation de la blessure. Ensuite , des symptômes
physiques ou physiologiques qu'on voit survenir dans
les premiers instants de la lésion. Qu'un soldat reçoive
une balle à la région frontale, qu'il tombe privé de
connaissance , qu'il soit atteint de convulsions , de para-
lysie, il est probable que le cerveau a été atteint. La cer-
titude arrive bientôt si , aux signes que je viens de men-
tionner, vient se joindre l'issue de la substance cérébrale
à travers la plaie. — Qu'un homme maintenant soit atteint
dune balle à la poitrine, qu'une suffocation intense se
déclare, que du sang s'échappe par la bouche et quelque-
fois par la plaie , que ses membres , sa poitrine et son cou
deviennent emphysémateux , il y aura de grandes pré-
somptions pour penser que le poumon est atteint. Tandis
— 52 —
que si, avec une ouverture d'entrée et de sortie à la poi-
trine, on ne voit survenir aucun de ces accidents, on
pourra légitimement penser que la balle n'a fait que con-
tourner la cavité thoracique , chance très heureuse qui ,
d'après M. Baudens , est beaucoup plus fréquente qu'on
ne le croit généralement.
Si , maintenant , un homme reçoit une balle à la région
épigastrique , qu'il y ait hématémèse et issue d'aliments et
de boissons par la plaie , nul doute que l'estomac n'ait été
blessé. Si , par une blessure de l'hypogastre , on voit s'é-
couler une quantité plus ou moins considérable d'urine ,
si du sang s'échappe en même temps par la verge, on
peut hardiment pronostiquer une lésion de la vessie. Il
en est de même de l'issue des matières fécales , qui indi-
que infailliblement l'ouverture plus ou moins étendue
du tube intestinal .
Quand les viscères sont largement ouverts par une
balle , il se fait dans la cavité qui les renferme un épan-
chement plus ou moins considérable des substances qu'ils
contiennent. Ainsi l'ouverture de cœur donne lieu à un
épanchement de sang rapide. Celle du poumon a un
épanchement de sang et d'air. L'ouverture de l'estomac
laisse épancher les matières alimentaires dans l'abdomen,
celle des intestins y verse des matières fécales , celle de
la vessie de l'urine.
Ces substances agissent toutes comme corps étrangers
et possèdent, pour la plupart, des qualités excessivement
irritantes , ayant une action promptement funeste sur les
séreuses qui tapissent les cavités viscérales (plèvre, péri-
toine) et constituent ainsi une des plus graves complica-
tions des plaies viscérales,
Il est des viscères qui contiennent à chaque instant de
l'existence le liquide qu'ils sécrètent, ou les substances
- 53 —
qu'ils sont destinés à renfermer, à élaborer. Ainsi , une
balle qui perfore le cœur, le foie, ou les poumons, trouve
toujours ces organes pleins de sang et donne lieu à une
hémorrhagie très grave. Tandis qu'il est des viscères qui
se trouvent quelquefois dans un état de vacuité complète ,
comme l'estomac, les intestins , la vessie. Il est aisé de
comprendre qu'une balle , traversant un de ces viscères
dans un pareil état de vacuité , produit une lésion beau-
coup moins grave en ce sens , qu'elle n'est pas compli-
quée de répanchement d'aliments , de matières fécales ,
d'urine dans la cavité péritonéale ; épanchement qui ar-
rive presque constamment quand le viscère est plein , à
moins qu'il ne fasse hernie au dehors au moment de la
blessure. Dans ce cas , l'issue des matières a lieu au de-
hors. Cette chance, très favorable pour le blessé, est mal-
heureusement très rarement observée dans les plaies
d'armes à feu produites par des projectiles d'un petit vo-
lume comme la balle.
Ainsi que nous venons de le voir, les projectiles ont
presque toujours assez de force pour s'enfoncer à des
profondeurs variables dans le parenchyme des viscères ,
ou pour les traverser de part en part. Il est pourtant des
cas où les balles arrivent à la surface de ces organes à la
fin de leur course , ou après avoir épuisé leur force sur
des corps intermédiaires à l'arme qui les lance et au
blessé , souvent encore la force d'impulsion des projec-
tiles est dépensée à briser les parois des cavités splanchni-
ques, comme celles du crâne, de la poitrine. Il en résulte
que la balle une fois arrivée sur la surface des viscères
n'a que la force d'y produire une simple contusion , qui
bien que peu grave en apparence , peut encore avoir des
suites très dangereuses. Ainsi, la contusion du cerveau peut
se terminer par une encéphalite mortelle, celle du poumon
_ 54 -
peut donner lieu à une pleuro-pneumonie intense, et celle
des intestins déterminer la formation d'une escarre qui ,
en se détachant, permettra aux matières fécales de s'épan-
cher dans la cavité abdominale. Heureusement pour le
blessé on observe, dans ce dernier cas, une adhérence de
l'intestin contus avec les anses voisines, adhérence qui
fait que l'escarre, une fois détachée, tombe dans la cavité
de l'anse intestinale lésée et ne permet pas à l'épanche-
ment de se former. Nous nous occuperons plus en détail
de la contusion des viscères en traitant spécialement des
plaies des cavités splanchniques.
Quant au pronostic , qu'on doit porter sur les lésions
viscérales , tous les détails dans lesquels nous venons
d'entrer démontrent suffisamment qu'il doit être de la
plus haute gravité
Après avoir parlé en détail, et séparément , de la na-
ture des plaies par armes à feu simples , de celles qui
s'accompagnent de fractures , de lésion des articula-
tions, des nerfs, des vaisseaux, des viscères, il nous serait
facile de réunir deux à deux , trois à trois chacun de ces
ordres de lésions , nous arriverions ainsi à étudier les
plaies compliquées des membres, des cavités splanchni-
ques , étude que nous ferons plus tard , et sur laquelle
nous n'insisterons pas ici pour ne pas nous exposer à
d'inutiles répétitions. Nous allons tâcher de déduire de
tout ce qui précède la réponse à la première partie de la
question , posée par le Conseil de santé : « Indiquer les ca-
ractères des plaies alarmes à feu. »
§ XV. — APPRÉCIATION DES CARACTÈRES DES PLAIES PAR
ARMES A FEU.
La marche la plus naturelle à suivre , pour arriver à la
véritable appréciation des caractères des plaies d'armes
— 55 -
à feu consiste à passer brièvement en revue la nature
des plaies par armes piquantes, tranchantes, et conton-
dantes, à rapprocher de ces lésions les plaies qui font le
sujet de notre étude, et à saisir à la suite de cet examen
comparatif les caractères propres aux lésions produites
par les projectiles de guerre, ceux qui les rapprochent des
autres espèces de blessures, et ceux qui les en différen-
cient. Cette marche toute logique, est du reste celle qui a été
suivie il y a 105 ans (4738) parLecat, alors chirurgien en
chef de l'hôpital de Rouen, qui fut couronné par l'Acadé-
mie royale de chirurgie, pour un mémoire dans lequel il
traitait une question à peu près analogue à celle dont je
m'occupe aujourd'hui, savoir : De la nature et du traitement
des plaies d'armes à feu. Commençons le parallèle.
Une arme piquante, étroite, acérée, dépourvue de tran-
chants latéraux, produit en s'enfonçant dans nos tissus une
lésion ordinairement peu dangereuse si elle se borne à
atteindre la peau et les muscles, plus dangereuse , si elle
attaque les vaisseaux, les nerfs, les articulations, très dan-
gereuse, et souvent mortelle quand elle touche un viscère
d'une haute importance physiologique comme le cerveau,
le cœur.
L'épée poussée par une main ennemie s'enfonce à des
profondeurs variables dans les régions vers lesquelles elle
est dirigée, elle perce rarement de part en part les cavi-
tés crânienne, thoracique ou abdominale. Elle produit
plus facilement cet effet sur les membres et encore le plus
souvent y parcourt-elle des trajet sinueux et obliques ten-
dant sans cesse à revenir sur eux-mêmes.
L'étranglement est un des accidents les plus redoutables
des blessures par armes piquantes , et surtout de celles
qui attaquent les membres. Cet étranglement est produit
mécaniquement par la résistance qu'opposent les aponé-
— 56 —
vroses au gonflement des tissus sous-jacents et à sa suite
surviennent : 1° ces abcès si vastes qui vont si loin si on
ne débride pas à temps, et 2° la gangrène si on n'en vient
pas au débridement.
Dans une plaie d'arme blanche étroite, qui a deux ou-
vertures, on a souvent de la peine à distinguer celle d'en-
trée de celle de sortie, tant elles ont d'analogie entre elles,
et tant, elles sont revenues sur elles-mêmes par l'effet de
l'élasticité de nos tissus. Voyons maintenant les points de
contact qui peuvent exister entre ces sortes de plaies, et
celles qui sont produites par la balle.
La plaie d'arme à feu qui borne son effet à la peau, et
aux muscles d'une région du corps, d'un membre, par
exemple, est de peu d'importance. Gomme la plaie d'arme
piquante, lorsqu'elle attaque les vaisseaux elle est plus
dangereuse ; mais déjà ici se présente une différence bien
tranchée entre les deux ordres de lésions; c'est que la
plaie par arme piquante s'accompagne ordinairement
d'hémorrhagie primitive, tandis que la plaie d'arme à feu
ne présente presque jamais cet accident que secondaire-
ment à moins qu'un gros vaisseau comme la crurale, la
carotide n'ait été ouvert.
La balle qui touche une partie de notre corps dans le
plein de sa course, se contente rarement de s'y enfoncer
à une profondeur variable, elle la traverse ordinairement
départ en part d'où résultent deux ouvertures, une d'en-
trée, l'autre de sortie offrant des^ caractères différentiels
dont nous nous sommes déjà occupés plus haut. De ces deux
ouvertures, celle d'entrée est plus étroite, plus nette, plus
enfoncée vers l'axe du corps, ou du membre, tandis que
celle de sortie est plus large, inégale, et déjetée en dehors.
Le fleuret qui traverse un membre y produit au contraire
— 57 —
deux solutions de continuité à très peu de chose près
semblables.
Le trajet de la plaie par arme à feu est recouvert dans
toute son étendue d'une couche de parties attrites , inca-
pables de vivre par la suite (escarre), et qui doivent être
détachées par la suppuration. Rien cle pareil ne se re-
marque dans la plaie par arme piquante.
Quelques auteurs ont prétendu que les parois du canal
creusé par la balle revenaient sur elles-mêmes, et for-
maient alors un trajet étroit et sinueux se rapprochant de
la blessure faite parle fleuret. Ces deux sortes de blessures
ne peuvent, selon moi, être logiquement comparées, car
il y a entre elles une différence bien grande gisant dans
la présence de l'escarre dans le premier cas, et dans l'ab-
sence de ce corps étranger dans le second.
La plaie d'arme piquante s'accompagne rarement de
fracture à moins que l'instrument ne soit poussé contre
une table osseuse, mince et fragile, comme la voûte orbi-
taire du coronal , la fosse temporale, tandis que la balle
au plein de sa course, brise impitoyablement l'os qu'elle
rencontre quelles que soient d'ailleurs la densité et la ré-
sistance que ce dernier lui oppose.
Jusqu'ici je ne vois qu'un seul point de ressemblance en-
tre les plaies par armes a feu et les plaies d'armes blanches,
c'est l'étroitesse et la longueur du trajet qu'elles parcourent
dans l'épaisseur de nos tissus (il est bien entendu que je ne
m'occupe en ce moment que des projectiles de petit volume
comme la balle) ; mais je trouve dans les accidents qui ac-
compagnent les lésions que nous examinons , un second
point tendant à les rapprocher ; c'est que dans la majorité
des cas, toutes deux sont suivies des deux mêmes accidents,
je veux dire l'étranglement, et le tétanos, qui cependant se
manifestent encore plus souvent à la suite des blessures par
~ 58 —
armes à feu, qu'à la suite des plaies par armes piquantes.
Les plaies par armes tranchantes sont ou à lambeaux ou
sans lambeaux, elles sont le résultat d'une arme agissant
sur nos tissus par une surface excessivement fine et étroite
à laquelle on donne le nom de tranchant. Cette arme est
presque toujours dirigée par la main de l'ennemi, et pro-
duit par conséquent des effets moins dangereux que
ceux qu'on voit résulter des plaies d'armes à feu. Je dis
presque toujours car on a vu des portions d'armes tran-
chantes et piquantes (sabre, baïonnette) emportées par des
boulets , aller produire à de grandes distances des bles-
sures excessivement profondes et dangereuses.
La surface de la solution de continuité produite par une
arme tranchante est nette, d'un beau rouge, le sang en
coule en nappe si des veines considérables ont été ou-
vertes , et par jet isochrone aux battements du pouls , si
des artères ont été lésées. Les lèvres de la plaie ont de la
tendance à s'écarter, et si on les rapproche à l'aide d'un
pansement méthodique il arrive fort souvent qu'elles se
réunissent en très peu de temps sans fournir une seule
goutte de suppuration, ou pour parler classiquement, par
première intention.
Les plaies par armes tranchantes s'accompagnent rare-
ment de fractures quand elles siègent aux membres et au
tronc, ce n'est que lorsque les os sont situés superficielle-
ment comme au crâne, qu'on observe cette fâcheuse com-
plication.
Les plaies par armes à feu produisent très rarement, à
la surface du corps , des plaies nettes comme celles dont
nous venons de parler. Le plus souvent elles consistent
en trajets longs et sinueux , creusés dans l'épaisseur de
nos parties, et, si quelquefois elles labourent la peau, elles
y font une plaie irrégulière qu'on reconnait bien facile-
— 59 —
ment ne pas avoir été produite par une cause tranchante.
Jamais la surface d'une plaie d'arme à feu n'est d'un
rouge vif comme le sont les lèvres d'une incision. Le sang
ne s'en échappe jamais primitivement , à moins de lésion
d'un gros vaisseau , e' il résulte de cette circonstance que
sur un organe très vasculaire, comme le foie, le poumon,
la rate , une plaie par arme à feu offre quelquefois moins
de danger qu'une solution de continuité, faite par la lame
d'un sabre , qui ouvre largement les vaisseaux et permet
facilement au sang , qui circule dans leur calibre , de s'é-
pancher dans les cavités viscérales. La même observation
s'applique aux lésions des gros vaisseaux par les armes
à feu.
La réunion immédiate de ces dernières blessures est
excessivement difficile, à cause de l'escarre, qui doit être
expulsée par la suppuration. Enfin , si les plaies par in-
strument tranchant s'accompagnent rarement de solution
de continuité aux os . celles par armes à feu en sont , au
contraire, fort souvent suivies , et c'est là une des causes
qui les rendent si dangereuses.
Nous venons de voir qu'il n'existe presque pas de res-
semblance entre la plaie par arme piquante et la plaie
d'arme à feu ; qu'il n'en existe aucune entre cette der-
nière et la plaie par arme tranchante. Nous allons être
plus heureux dans notre comparaison avec la plaie con-
tuse, et l'arrachement.
Quand un corps contondant frappe perpendiculaire-
ment la surface du corps , et qu'il n'est mu que par une
force peu considérable , il ne laisse après lui aucune trace
de son passage ; si la force qui le pousse est plus considé-
rable , les vaisseaux sous- cutanés sont rompus , le sang
s'épanche sous la peau, occupe une surface plus ou moins
large , et constitue ce qu'on appelle une ecchymose. Mais
— 60 —
il arrive rarement qu'une contusion soit si faible , le plus
souvent quand elle agit sur une large surface ; la peau est
déchirée , forme des lambeaux inégaux et mâchés , les
muscles sont lacérés et pendants à la surface de la plaie.
Les extrémités des vaisseaux ouverts sont tordues sur
elles-mêmes. L'hémorrhagie primitive est fort rare, mal-
gré la largeur et la profondeur de la blessure ; les os sont
comminués en un nombre plus ou moins considérable de
fragments. Si ces désordres atteignent une des trois cavités
splanchniques, la mort en est le résultat presque certain.
S'ils portent leur action sur une extrémité , l'amputation
est le seul moyen de salut offert au blessé. Quelquefois la
cause contondante agissant obliquement et avec rapidité
sur un membre , laisse la peau intacte et brise en mille
fragments tous les organes sous-jacents. Quoique très
dangereux, le cas est alors beaucoup moins grave que
lorsque l'enveloppe cutanée est largement ouverte. Toutes
les lésions dont je viens de parler ne se guérissent qu'a-
près suppuration, ou par seconde intention.
Les petits projectiles de guerre , et quelquefois les plus
volumineux, donnent lieu à la suite de leur action sur le
corps humain aux mêmes effets que nous venons de voir
résulter de l'application des corps contondants. En effet,
la balle à la fin de sa course , produit simplement une
ecchymose ; dans le plein de sa force, elle contond tout ce
qu'elle touche, fait sur nos parties des ouvertures d'entrée
contuses, des ouvertures de sorties plus contuses encore
et comme mâchées. Si elle touche un vaisseau , elle peut
glisser à sa surface ou le briser en le contondant. Les ex-
trémités de ce dernier se crispent, et il n'y a pas d'hé-
morrhagie primitive. Si elle atteint un os, une articulation,
elle les brise en un seul endroit, ou les réduit en une mul-
titude d'esquilles.
- (il —
Veut-on avoir maintenant des lésions aussi graves , et
de même nature que ces grandes plaies par arrachement,
qui séparent des membres du tronc, ouvrent largement
les articulations les plus vastes, et tout cela sans hémor-
rhagîe primitive ; on n'a qu'à étudier les effets du boulet
au plein de sa course, et on trouvera dans les auteurs une
foule d'observations établissant l'identité de ces deux
espèces de lésions,
Nous allons maintenant, pour apercevoir d'un seul
coup d'œil les rapports qui lient entre elles les différentes
espèces de plaies que nous venons d'examiner , et les
différences qui les caractérisent , les placer en regard les
unes des autres dans trois petits tableaux synoptiques. Il
nous sera ensuite beaucoup plus facile de tirer de justes
conclusions de la discussion dans laquelle nous venons
d'entrer.
PLAIE PAR ARME PIQUANTE.
1° Constituée ordinairement
par un trajet long et sinueux.
2° Offrant rarement une ou-
verture d'entrée et une ouver-
ture de sortie.
3° Ayant des ouvertures d'en-
trée et de sortie égales.
4° Sans escarre dans son
trajet.
5° S'accompagnant rarement
de fracture.
6o Compliquée presque tou-
jours de tétanos et d'étrangle-
ment.
7° N'offrant presque jamais
d'hémorrhagie secondaire.
PLAIE PAR ARME A FEU.
1° Constituée le plus souvent
par un trajet long et sinueux.
2° Offrant presque toujours
une ouverture d'entrée et une
de sortie.
3° Ayant des ouvertures d'en-
trée et de sortie, qui offrent des
caractères bien différents , et
inégales.
4° Avec une escarre dans son
trajet.
5° Compliquée très souvent
de fracture.
6° Compliquée presque tou-
jours de tétanos et d'étrangle-
ment.
7° N'offrant presque jamais
d'hémorrhagie primitive.
— 62
PLAIE PAR ARME TRANCHANTE.
1° Elle est nette , rouge et
vermeille.
2° Elle s'accompagne pres-
que toujours d'hémorrhagie
primitive, qui est encore plus
fréquente ici que dans les plaies
d'armes piquantes.
3° Quand on en affronte soi-
gneusement les bords, ils se
réunissent le plus souvent par
première intention.
4° Elle est rarement suivie
de fracture.
PLAIE PAR ARME CONTONDANTE.
1° La plaie contuse légère
produit simplement une ecchy-
mose.
2o La plaie contuse plus forte
détruit plus ou moins les par-
ties molles et produit des frac-
tures.
3° La contusion , porté au
dernier degré, broie les tissus
et les réduit en bouillie, qu'elle
qu'en soit la densité.
4° La plaie contuse s'accom-
pagne rarement d'hémorrhagie
primitive.
PLAIE PAR ARME A FEU.
l°Elle est déchirée, noirâtre
et livide.
2° Elle n'est presque jamais
suivie d'hémorrhagie primi-
tive.
3° Elle ne se réunit presque
jamais par première intention.
4° Elle s'accompagne de frac-
ture dans l'immense majorité
des cas.
PLAIE PAR ARME A FEU.
1° La balle, à la fin de sa
course, produit le même effet.
2° La balle , au plein de
sa course , produit les mêmes
effets.
3° Le boulet , au plein de sa
course, en fait de même.
4° L'hémorrhagie primitive
manque presque toujours, à la
suite des plaies d'armes à feu.
Il est aisé de se convaincre par là de l'analogie im-
mense, ou, pour mieux dire, de l'identité qui existe entre
les plaies par armes à feu et les plaies contuses. Comme
ces dernières, les plaies par armes à feu sont suivies de
commotion, de stupeur, comme elles, elles n'offrent jamais
d'hémorrhagie primitive, elles sont accompagnées de frac-
tures comminutives , et ne se réunissent qu'après suppu-
ration ; de telle sorte qu'on peut tirer de tout ce qui pré-
cède les conclusions suivantes , touchant les caractères
des plaies d'armes à feu.
— 63 — •
1° Elles sont le type de la plaie contuse.
2° Elles offrent presque toujours une ouverture d'entrée
plus petite que celle desortie, rarement une seule ouver-
ture d'entrée.
3° Elles sont recouvertes d'une escarre tout le long de
leur trajet.
4° Elles ne se réunissent qu'après suppuration.
5° Elles sont compliquées fort souvent de fractures, de
tétanos, d'étranglement, et de corps étrangers.
6° Elles ne sont presque jamais suivies d'hémorrhagie
primitive.
— 64 —
CHAPITRE SECOND.
DES ACCIDENTS QUI COMPLIQUENT LES PLAIES d'aRMES A FEU
Les principaux accidents pouvant aggraver par leur pré-
sence les plaies d'armes à feu sont : La commotion. — La
stupeur. — La douleur. — L'étranglement. — La présence
de corps étrangers. — Le tétanos. — La pourriture d'hô-
pital. — Les abcès viscéraux. — L'érysipèle et enfin l'hé-
morrhagie que nous devons étudier, bien qu'elle ne se pré-
sente que fort rarement ; et presque toujours d'une ma-
nière secondaire.
§ I er » — COMMOTION.
On entend par commotion, l'engourdissement , la ces-
sation de fonctions plus ou moins longtemps prolongée
d'un ou de plusieurs organes, à la suite de l'application
d'une cause contondante. La plaie d'arme à feu jouissant
au plus haut degré de tous les caractères de la contusion,
produit très souvent cette complication pouvant aller de-
puis le simple engourdissement de nos organes , jusqu'à
la cessation entière de leurs fonctions, qui peut amener la
mort lorsqu'il s'agit d'un organe très important comme le
cerveau.
Il n'est personne qui n'ait ressenti plusieurs fois dans
sa vie les effets d'une légère commotion. On sait, que
lorsqu'on reçoit un coup de bâton , un coup de pierre
sur la tête on éprouve des vertiges , des nausées , la
vision est subitement troublée. On croit voir des étin-
celles traverser l'espace , on chancelle , et si la com-
motion a été violente, la chute de l'individu frappé en est
— 65 —
le résultat. Peu à peu cet état se dissipe, et les choses re-
viennent à l'état normal, si la commotion a été plus vio-
lente l'engourdissement persiste plus longtemps et peut
être suivi d'une réaction plus ou moins dangereuse.
Tous les organes, pouvant être indistinctement atteints
par les projectiles de guerre sont susceptibles d'être com-
motionnés, le cerveau, le foie, les membres, etc. On
conçoit que la gravité de la commotion variera selon son
degré, et ensuite selon l'importance physiologique de
l'organe affecté. En traitant des plaies par armes à feu,
dans les différentes régions du corps, nous y étudierons la
commotion, ainsi que toutes les nuances particulières
qu'elle peut offrir,
§ II. — Stupeur.
« On entend par stupeur, dit Dupuytren (leçons orales)
un engourdissement ataxique, tantôt local , tantôt général
qui accompagne la lésion, Fattrition avec ou sans enlève-
ment d'une partie plus ou moins considérable par des
corps contondants, des balles, des boulets, des obus, et
autres projectiles de calibre et de vitesse variés. »
La stupeur agit sur nos organes en les privant de leur-
sensibilité et permet même d'y pratiquer des opérations
graves , sans que le blessé paraisse en être le moins du
monde incommodé, il n'est pas un chirurgien qui ne con-
naisse la réponse du cheveau Léger (cité par Quesnay) , à
qui Ton proposait l'amputation d'un de ses membres. J'ai
vu , pour ma part, un homme qui avait fait une chute d'un
lieu très élevé, à la suite de laquelle il était porteur d'une
fracture comminutive de la jambe gauche , être atteint
d'une stupeur si profonde, qu'il se laissa transporter sans
dire le moindre mot dans le local ou nous devions lui pra-
tiquer l'amputation de son membre. 11 nous supplia seu-
— 66 —
leracnt lorsqu'il sentit le tranchant du couteau s'enfoncer
dans ses chairs, il nous supplia, dis-jc, de vouloir bien
ne pas lui chatouiller la jambe. Ce fait prouve jusqu'à quel
point peut aller la perversion delà sensibilité ou son anéan-
tissement dans les cas de stupeur. On dirait, que dans ces
moments, l'existence de l'homme est purement végétative,;
La stupeur offre deux périodes, celle d'anéantissement,
et celle de réaction, dans la première qui suit immédiate-
ment la blessure, la peau est froide, le pouls petit, con-
centré, la partie blessée est livide, insensible, la bouche
est béante, le regard fixe et hébété, a quelque chose du
regard typhoïde. La plaie fournit peu de sang, il ne s'en
échappe que des liquides brunâtres et ordinairement peu
abondants II faut clans cette période tacher d'amener la
réaction, qu'on doit modérer quand une fois elle est arri-
vée, sans cela le pouls se relève, devient fort, fréquent,
le membre ou la partie blessée sont bientôt le siège d'un
gonflement considérable, lequel, si on n'y prend pas garde
se termine rapidement par la gangrène qui fait périr très
promptement le blessé. On remarque dans ces cas que la
putréfaction survient très promptement après la mort , on
dirait comme le fait fort judicieusement observer Dupuy-
tren, que dans la stupeur il y a atteinteportée au principe de
la vie. Du reste dans tous les cas de plaies d'armes à feu
s' accompagnant de stupeur, et nécessitant l'amputation
je crois qu'il est prudent de se débarrasser de la partie
blessée avant que la réaction n'arrive; l'opération est alors
moins douloureuse pour le blessé , et la réaction qui la
suit , se confondant avec celle qui devait suivre la stupeur
n'en est pas plus dangereuse pour cela, c'est là du reste une
question que nous examinerons plus en détail quand nous
traiterons de l'amputation en particulier.
— 67 —
§ III. — DOULEUR.
La douleur qu'on éprouve à la suite d'une plaie d'arme
à feu constitue rarement une fâcheuse complication
capable de produire de graves accidents, je ne l'ai men-
tionnée ici que pour pouvoir entrer dans quelques détails
sur sa nature intime, c'est-à-dire sur l'espèce de sensation
qu'elle fait éprouver au blessé. On peut l'étudier en deux
temps différents : î ° au moment même de la blessure ;
2° quelque temps après l'accident lorque la stupeur ou la
commotion sont dissipées, et quand arrive la réaction,
J'appellerai la première douleur primitive , et la seconde ,
douleur de réaction.
L'expérience prouve chaque jour, sur le champ de ba-
taille, qu'il est des individus qui au fort d'une action, alors
que l'excitation est chez eux au plus haut degré, peuvent
recevoir des coups de feu traversant les parties molles
sans toucher au système osseux , sans le sentir le moins
du monde, et ce qui le prouve, c'est qu'il continuent à
combattre pendant un temps plus ou moins long, au bout
duquel ils s'apperçoivent de leur blessure par le sang qui
s'en échappe , ou sur l'avertissement d'un de leurs ca-
marades .
D'autres fois quand le coup de feu produit des lésions
au système osseux, le soldat est averti de sa blessure par
une sensation d'engourdissement profond, analogue à celle
qu'il éprouverait s'il recevait un coup de poing appliqué
par une main vigoureuse, ou un violent coup de bâton,
sensation qui varie selon la grosseur du projectile. C'est
du reste à ce terme de comparaison que s'arrêtent presque
tous les soldats auxquels on demande ce qu'ils ont éprouvé
au moment de leur blessure. lime semble, répondent-ils
avoir reçu un grand coup de bâton, un violent coup de poing.
~ 68 —
Je terminerai ce qui a rapport à la douleur primitive
pour la citation d'un passage extrait de Ledran (réflexions
tirées de la pratique des plaies d'armes à feu) qui concorde
parfaitement avec tout ce que je viens de faire. «La dou-
leur, dit l'auteur que je cite, qui se fait sentir à l'instant
même qu'un homme est blessé par un arme à feu, suppo-
sant la plaie, la plus grande comme serait celle d'une
cuisse emportée, cette douleur, dis-je, n'est point aiguë,
et presque toujours le malade ne ressent qu'une douleur
gravative dans tout le membre comme si quelque fardeau
considérable fut tombé dessus , ou que quelque corps
ayant beaucoup de masse l'eut frappé sans faire de plaie
(pag. 19).»
La douleur de réaction varie selon la gravité des lésions
produites par le projectile, et selon la plus ou moins
grande sensibilité de l'organe blessé. Il est aisé de com-
prendre qu'un blessé dont une balle a brisé un os en un
grand nombre d'esquilles lesquelles au moindre mouve -
ment s'enfoncent dans les tissus environnants, doit éprou-
ver des douleurs infiniment plus vives que celui chez qui
la balle n'aura déterminé qu'un simple séton à travers la
fesse par exemple. Dans le premier cas, si on ne s'em-
presse de débarrasser la blessure des corps 'étrangers
piquants qu'elle contient, les douleurs continueront, et
pourront devenir excessives et constantes au point de
déterminer le tétanos.
Les douleurs de réaction sont aussi très violentes dans
les organes dont la structure est dense et serrée comme
l'œil. Dans les membres entourés de fortes aponévroses
d'enveloppe qui , en comprimant les parties sous-jacentes,
s'opposent à leur gonflement et donnent lieu à un accident
très grave que nous allons étudier en peu d'instants, l'é-
tranglement. Enfin, les douleurs qui résultent des déchi-
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rures incomplètes, des mâchurcs de filets nerveux consi-
dérables sont quelquefois intolérables, surtout lorsque le
projectile reste en contact avec la substance nerveuse, on
voit assez souvent en pareil cas survenir le tétanos. Ainsi :
un sous-officier du 2 e du génie fut blessé à la hanche d'une
balle qui pénétra dans le bassin. Dix- neuf jours après,
invasion du tétanos , combattu en vain par l'opium à
haute dose (121 grains en 25 jours). Il succomba avec
toute sa connaissance trois mois après, et repondit à un de
ses amis qui vint lui annoncer qu'il était décoré, « encore
un accès et ce sera fini. » La balle fut trouvée près du bord
externe du psoas comprimant la racine du nerf cru rai four-
nie par les deuxième et troisième nerfs lombaires, il y
avait aussi fracture de l'os coxal (M, Baudens).
§ IV. ÉTRANGLEMENT.
L'étranglement constitue un des accidents les plus fré-
quents, et les plus redoutables des plaies d'armes à feu.
Il consiste dans une gène une constriction exercée par les
tissus serrés aponévrotiques sur les tissus sous-jacents,
constriction qui les empêche mécaniquement de se gonfler
lorsqu'arrive l'inflammation qui suit presque nécessaire-
ment toute la plaie d'arme à feu , et produit si on n'y
remédie à temps par des incisions convenables, une foule
d'accidents comme , abcès profonds, fusées purulentes,
gangrène, etc.
Lorsqu'une plaie d'arme à feu suit une marche bénigne,
qu'elle n'a pas son siège dans des parties serrées et apo-
névrotiques comme la cuisse, un gonflement modéré s'y
déclare au bout d'un temps variable quelque fois de suite
après l'accident, d'autres fois 24, 36 ou 48 heures après.
Peu à peu la suppuration s'établit tout le long du trajet
creusé par la balle, l'escarre qui le tapisse, en est déta-
— 70 —
chée et éliminée par cette suppuration. Ses parois se rap-
prochent, contractent des adhérences salutaires et au bout
de très peu de temps la guérison peut être parfaite.
Mais les choses ne se passent pas toujours, aussi heu-
reusement, quand la balle a traversé la cuisse par exem-
ple, il arrive dans quelques cas qui ne sont que trop fré-
quents, qu'au bout d'un temps indéterminé (24 h. 2 jours
et quelque fois plus), le malade éprouve dans le membre
blessé une tension considérable, la partie augmente de vo-
lume, est dure, tendue, rénittente, le trajet de la balle est
presque totalement oblitéré par le rapprochement de ses
parois; c'est qu'alors les parties sous-jacentes à l'aponé-
vrose d'enveloppe font effort contre elle pour se gonfler,
irritées et contuses qu'elles ont été par le passage du pro-
jectile et souvent par des corps étrangers demeurés dans
la plaie comme des esquilles , des portions de vêtement
du blessé, etc. Dans cette circonstance, il faut à tout prix
donner aux tissus sous-aponévrotiques la liberté de se dé-
velopper à leur aise par des débridements largement pra-
tiqués, sans cela, la maladie suit un marche rapidement
funeste.
Si on débride, tous les symptômes cessent comme par
enchantement, la fièvre diminue, le gonflement marche à
son aise, les corps étrangers peuvent être extraits avec fa-
cilité, s'il y a en a dans la plaie. La suppuration a la liberté
de s'écouler au dehors, enfin la blessure de très compli-
quée qu'elle était, est ramenée de suite à de très bonnes
conditions.
Si au contraire, on ne débride pas à temps, et malheu-
reusement dans quelques cas on n'en a pas l'occasion,
quand par exemple , les blessés ne sont visités que deux
ou trois jours après l'application de l'appareil placé sur
le champ de bataille, alors, dis-je, la fièvre s'allume, la
— 71 —
soif est intense, les douleurs deviennent atroces et privent
le malade de repos, (il est peu de personnes qui ne con-
naissent les souffrances atroces que fait éprouver l'étran-
glement qui a lieu dans le panaris, qu'on se figure main^
tenant celles que doit faire éprouver cet accident, lorsqu'il
siège sur un membre entouré d'aponévroses fortes et résis-
tantes comme celles de la cuisse.) La suppuration s'établit
avec abondance et ne pouvant trouver une route facile
pour s'échapper au dehors, fuse au loin le long des mus-
cles qu'elle décole , et forme dans l'intérieur du membre
des clapiers considérables , le débridement effectué à ce
point de la maladie est déjà trop tardif, il donne bien il est
vrai , écoulement au pus , mais les foyers et les décol-
lements une fois établis, et mis en contact avec l'air ath-
mosphérique deviennent pour le blessé une cause d'affai-
sement, de marasme, et dans quelques cas, d'infection
purulente. Alors, le pouls devient petit, filiforme, la sup-
puration est abondante et fétide, la maigreur va tous les
jours en augmentant, la peau devient sèche, terreuse;
enfin la diarrhée colliquative arrive et termine ordinaire-
ment la scène. D'autrefois, quand on ne débride pas à
temps, et que la blessure contient des corps étrangers pi-
quants et par conséquent très irritants, le gonflement peut
marcher si vite qu'il amènera la gangrène du membre au
bout d'un temps très court.
L'étranglement varie de gravité selon l'importance phy-
siologique, et la structure des organes où il se développe.
Ainsi, il est naturellement plus bénin dans les membres
peu volumineux que dans les membres volumineux, dans
les tissus lâches que dans les tissus fibreux , et aponévro-
tiques. D'autres fois il tire sa gravité de certaines parti-
cularités anatomiques , qui doublent les dangers qu'il fait
courir au malade. Ainsi l'étranglement sous péricranien
— 72 —
n'est pas seulement dangereux parce qu'il occasionne de
la douleur, de la tension et des décollements, mais bien
surtout parce qu'il peut très promptement communiquer
au cerveau une inflammation ordinairement funeste.
Il est aisé, d'après tout ce que nous venons de dire, de
diagnostiquer l'étranglement , et de comprendre que le
pronostic qu'on doit en porter est toujours très grave.
Nous verrons plus bas , à l'article Traitement, quelles sont
les indications à diriger contre cette grave et fréquente
complication des plaies d'armes a feu.
§ Y. — • CORPS ÉTRANGERS.
La présence des corps étrangers dans la plaie est la
complication la plus habituelle des coups de feu. Ces
corps étrangers peuvent venir du dehors, ou appartenir à
notre propre organisation. C'est sur cette distinction 'que
je me fonderai pour établir la division suivante , qui me
paraît la plus rationnelle. Ils peuvent donc se diviser en
corps étrangers inorganiques, et en corps étrangers orga-
niques. Les premiers partent de l'arme et sont : le projec-
tile ou ses fragments , les diverses parties qui composent
la charge , telles que étoupe , bourre , fragments de cap-
sule f ou bien encore les fragments d'une arme éclatée.
Ces corps pénètrent quelquefois seuls dans nos tissus,
d'autres fois ils y entraînent des corps étrangers qu'ils
rencontrent dans leur course, ou qui composent une
partie des vêtements du blessé ou s'y trouvent enfermés,
comme des fragments de drap, des boutons, des pièces de
monnaie , des tire-balles , des portions d'armes, des pier-
res , des morceaux de bois ; ceux-ci ne pénétrant dans nos
tissus que secondairement , c'est-à-dire en vertu de l'im-
pulsion que leur communique le projectile , je les appel-
— 73 —
lerai corps étrangers inorganiques secondaires , tandis que je
donnerai aux premiers le nom d'inorganiques primitifs.
La môme division peut parfaitement s'appliquer aux
corps étrangers organiques. J'appellerai organiques primi-
tifs ceux que le projectile produit au moment de son ac-
tion sur nos tissus, comme l'escarre, les esquilles, l'épan-
chement, résultat de l'ouverture d'un vaisseau , les poils
que la balle peut pousser au devant d'elle. Tandis que je
donnerai le nom de corps organiques secondaires à ceux qui
se forment plus tard , comme les portions d'os nécrosés.
Les épanchements sanguins secondaires , les purulents
succédant à un état inflammatoire pneumonique ou pieu-
rétique. Quelquefois, enfin, il arrive que les plaies d'ar-
mes à feu sont compliquées dans le cours de leur traite-
ment de la présence de corps organisés vivants , mais
n'appartenant pas à l'organisation humaine, je veux parler
des vers qui, dans les pays chauds surtout, pullulent dans
certains cas à la surface des plaies, où siègent d'abon-
dantes et fétides suppurations, ou qui sont recouvertes de
larges escarres.... Le tableau synoptique suivant permet-
tra d'embrasser d'un coup-d'ceil rapide la division que je
viens d'établir.
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LES CORPS ÉTRANGERS SE DIvisENT EN
Toutes les fois qu'une plaie d'arme à feu présente deux
orifices, l'un d'entrée, l'autre de sortie, il est probable que
le projectile n'est plus dans les tissus; je dis il est proba-
ble, car il peut se faire que l'arme contînt plusieurs bal-
les, ou bien qu'une balle unique se soit brisée contre un
os et ne soit sortie qu'au tiers ou qu'à moitié. D'un autre
côté, quand la plaie ne traverse pas le membre de part en
part, on doit craindre que le projectile soit demeuré au
milieu des tissus , quoiqu'il puisse se faire qu'il en soit
sorti, nous verrons comment tout à l'heure, en parlant du
mode d'action des projectiles sur les vêtements du blessé.
11 est pourtant des auteurs qui donnent cette circonstance
— 75 —
de la présence d'une seule ouverture comme signe infailli-
ble de la présence de la balle au milieu des tissus ; ainsi
Ledran dit (dans ses Réflexions tirées de la pratique des plaies
d'armes à feu , p. 29) : « .... Si la balle qui fait la plaie ne
perce pas le membre de part en part, il faut nécessairement
qu'elle y reste , soit dans les chairs , soit entre les pièces
d'os, si elle en brise quelqu'un.... » C'est là une opinion
que des faits bien avérés démentent.
Si la balle n'est pas extraite et qu'elle soit logée au mi-
lieu des parties musculaires, elle y produit peu d'accidents
et finit par être renfermée dans un kyste isolateur qui la
sépare entièrement des parties environnantes ; souvent
aussi, elle voyage et vient, au bout de quelque années ou
d'un temps plus court, se présenter à un point de la sur-
face du corps , dans certains cas fort éloigné de celui par
où elle y a pénétré. Ainsi , on trouve à la page 118 du
Manuel du chirurgien a" armée , de Percy, l'histoire du sieur
Janin, ancien bas officier aux gardes suisses , qui reçut à
la bataille de Fontenoy une balle à côté du cartilage thy-
roïde. On n'osa en faire la recherche, et seize jours après,
elle sortit par les selles. En arrivant au cou , cette balle
avait percé l'œsophage , et de là avait parcouru toute
l'étendue du tube alimentaire.
D'autres fois, quand la balle est logée dans une cavité
splanchnique ou dans un viscère, elle y produit jdes trou-
bles fonctionnels très graves, quelquefois au contraire elle
est tout à fait innocente. Les auteurs sont remplis d'obser-
vations remarquables de corps étrangers demeurés dans
le crâne, la poitrine , l'abdomen; nous ne citerons ici que
quelques-unes des plus remarquables, nous réservant d'y
revenir plus haut, et de les examiner plus en détail quand
il s'agira des plaies d'armes à feu dans les différentes ré-
gions du corps : ainsi , d'après Percy, un seigneur, dont
— 76 —
l'amitié lui était chère, jouissait encore d'une parfaite
santé en 1792, quoiqu'il eut expectoré plusieurs postes
et jusqu'à des étoupes qui avaient servi à bourrer le fusil,
dont il avait reçu le coup dix ans auparavant [Manuel du
chirurgie d'armée, p. 125).
D'après le même auteur, Manget et Diemerbrock au-
raient connu chacun une femme qui portait dans la poi-
trine une balle , qui y roulait aux moindres mouvements
(pag. 126).
M. Malle cite le cas d'une balle qui resta logée plusieurs
années dans le crâne sur la glande pinéale ; et celui d'un
officier blessé à Wagram , lequel est parvenu à un âge
fort avancé, et chez qui on a trouvé une balle dans le lobe
gauche du cervelet (Compte-rendu de la clinique de Stras-
bourg) .
M. Baudens connait un militaire, blessé à Waterloo, qui
a gardé pendant plusieurs années une balle logée dans les
sinus frontaux , sans que la lame interne fut brisée; au-
jourd'hui , le projectile est arrivé à la région moyenne et
latérale du cou (Clinique des plaies ctarmes à feu, p. 79).
Voilà pour les cavités splanchniques ; il nous sera
maintenant aussi facile de trouver des cas remarquables
pour les membres ; par exemple celui qui est rapporté par
Percy, qu'on ne saurait trop citer quand il s'agit de corps
étrangers, d'un vieux carabinier qui portait une balle
depuis vingt-cinq ans au milieu du tibia , elle servait de
noyau à une exostose; et celui de Formey, dans lequel il
s'agit d'une balle qui resta sept ans dans le calcaneum
d'un soldat ; elle y entretint, il est vrai , pendant tout ce
temps un ulcère assez malin.
Les balles et les autres corps étrangers remplissent
quelquefois dans nos parties un but salutaire , au lieu de
causer des accidents. Ainsi, ditLedran (ouvrage déjà cité,
— W —
p. 239), « on a vu des éclats tic bombe, de grenade arrêtés
dans la cuisse sur la crurale ouverte , et ce corps , d'ac-
cord avec un caillot , arrêter le sang de l'artère, par son
séjour et par sa masse qui y faisait compression. » On
conçoit que, dans un pareil cas, il faut bien se garder
d'extraire le corps étranger avant d'avoir préalablement
remédié à l'hémorrhagie soit par la compression , soit par
la ligature.
En pénétrant dans nos tissus, les balles changent quel-
quefois de forme, s'applalissent, se réduisent en lames, en
lingots plus ou moins minces, comme dans le cas cité par
Percy, où une balle, tirée sur le crâne d'un cadavre, avait
forjeté la table interne de l'os et la tapissait comme d'une
feuille de fer blanc (Manuel du chirurgien d'armée, p. 103).
Les éclats d'obus , de grenades , de bombes, d'armes à
feu portatives éclatées, peuvent , tout aussi bien que les
balles, demeurer engagés dans nos organes. Ils y produi-
sent des effets beaucoup plus meurtriers que ces derniè-
res , a cause des pointes et des inégalités dont ils sont
garnis, inégalités qui piquent, dilacèrent les tissus, et pré-
disposent davantage au gonflement, à l'étranglement et
au tétanos.
Ces fragments anguleux peuvent avoir, dans certains
cas , un volume considérable. Ainsi, Ravaton parle d'une
portion d'anse de bombe , pesant près de trois livres , et
engagée depuis deux mois entre le tibia et le péroné. On
travailla , dit-il , à l'extraction de ce projectile pendant
près d'une heure, tirant de tous côtés et avec toutes sortes
d'instruments.
Enfin, les auteurs citent des observations de boulets
entiers demeurés au sein des organes, et dont la présence
a pu même être ignorée pendant un certain temps.
Quand une balle frappe sur les vêtements , sur les buf-
— 78 —
fîetterics d'un soldat, ou bien elle en emporte une ron-
delle plus ou moins large qu'elle chasse au devant d'elle ,
ou bien les vêtements étant d'un tissu élastique , comme
celui du calçon, de la chemise, cèdent sans se rompre, et
s' enfonçant en doigt de gant avec la balle au milieu des
chairs, empêchent le projectile de s'y perdre. Il arrive assez
souvent , dans ce cas , que la plaie n'a qu'une ouverture ,
et qu'on cherche en vain le corps étranger dans son tra-
jet. Celui-ci s'échappe du doigt de gant qui le contient , à
l'instant où le blessé quitte sa chemise , son caleçon pour
permettre au chirurgien d'examiner sa blessure. Cette
circonstance importante impose à ce dernier l'obligation
de visiter scrupuleusement les vêtements d'un homme qui
vient de recevoir un coup de feu, surtout lorsque la bles-
sure n'a qu'une seule ouverture ; il peut arriver par ce
moyen à la persuasion que le corps étranger n'est plus
dans la plaie , et épargner au blessé des recherches lon-
gues et douloureuses.
Les boutons, les pièces de monnaies d'un petit volume
pénètrent souvent avec la balle au sein des organes, tan-
dis que les pièces de monnaie d'un plus gros volume
comme, par exemple, un écu de cent sous, peuvent dans
certains cas en amortir l'action (j'en ai cité un cas remar-
marquable au commencement de mon travail). Les pierres,
les portions d'armes , les fragments de bois détachés par
les projectiles , surtout ceux d'un gros volume , comme le
boulet , sont doués d'une force d'impulsion suffisante pour
produire des blessures excessivement dangereuses. Quel-
ques observations, prises dans des auteurs recommanda-
bles en matière de plaies d'armes à feu, vont infirmer les
faits précédents , et nous empêcheront d'entrer dans de
plus amples détails au sujet de ces corps inorganiques se-
condaires.
— 79 —
Commençons par les corps étrangers de petit volume :
M. Baudens parle, clans sa C Unique des plaies d'armes à feu,
d'un soldat qui éprouva une fonte purulente du cristallin,
déterminée par la présence d'une petite pierre chassée
par l'explosion du fort de l'empereur (p. 164).
M. Laroche {Relation chirurgicale des événements de
Lyon 1835) cite le cas d'un factionnaire placé dans une
guérite, traversée par un boulet, et qui eut la cornée
transparente ouverte par un éclat de bois qui s'y fixa
(p. 54). Le même M. Laroche parle d'un de ses parents
qui avait clans sa poche vingt napoléons qui , rencontrés
par une balle , pénétrèrent dans la cavité abdominale et
furent tous plus ou moins déformés.
On peut lire, clans les leçons orales de Dupuytren, une
observation tirée du Journal général de médecine, tome 35,
page 387. Elle se rapporte à un soldat, nommé Mal va, qui
fut blessé en Pologne par une baïonnette démontée du fu-
sil qui la portait , et lancée par un boulet. Elle eut assez
de force pour pénétrer à la tempe droite, traverser la face
et sortir cle cinq pouces au dehors par le sinus maxillaire,
du côté opposé; elle avait pénétré jusqu'à la douille à
l'ouverture d'entrée.
Les corps , même de peu cle volume , lancés par les
boulets ont souvent assez de force pour produire des blés
sures graves , quand ils arrivent à la surface de notre
corps. Ainsi, un chirurgien de marine de mes amis, qui a
assisté à plusieurs affaires navales , m'a souvent parlé
cVun matelot qui fut renversé raicie mort par un boulet
qui l'atteignit à l'hypochondre droit. Ce malheureux avait
deux sous dans sa poche, et le boulet lança si fort dans
l'espace une de ces pièces de monnaie, qu'elle fut à dix
pas s'enfoncer de trois pouces clans une pièce de bois ex-
cessivement dure ; si cette pièce de monnaie eût touché
— 80 —
un soldat , elle lui aurait fait assurément une blessure
excessivement grave.
C'est principalement dans les affaires navales qu'on
peut observer de grandes lésions traumatiques produites
par des éclats de bois détachés de la mâture ou de toute
autre partie du navire. Ainsi, le même chirurgien de ma-
rine que j'ai cité me racontait avoir soigné un matelot à
qui un fragment de bois détaché du grand mat avait frac-
turé l'occipital , dont un fragment considérable était en-
levé et laissait à nu le cerveau lacéré. Cet homme fut très
longtemps malade. La suppuration du cerveau fut très
abondante. Enfin, la guérison arriva; mais le malheureux
blessé perdit entièrement la vue et conserva un penchant
extraordinaire pour la masturbation , à laquelle il se li-
vrait presque sans relâche. Nous pourrions multiplier à
l'infini le nombre des observations intéressantes; mais
cela nous mènerait trop loin. Il est temps maintenant de
dire un mot des corps étrangers organiques.
Les esquilles sont produites par le projectile au moment
de l'accident. Elles se divisent en primitives, secondaires,
tertiaires, comme nous l'avons vu plus haut, sont plus ou
moins nombreuses et réclament impérieusement l'indica-
tion de l'extraction ; sans cela, elles retardent considéra-
blement la cicatrisation, et, en second lieu, peuvent pro-
duire des accidents très graves. Ainsi, au crâne, elles
peuvent donner lieu aux phénomènes de la compression,
et plus tard à ceux de l'encéphalite , en s'enfonçant dans
la substance cérébrale, A la poitrine, elles peuvent déter-
miner des hémorrhagies et des pleuro-pneumonies très
graves, en perforant la plèvre et s'enfonçant dans le pa-
renchyme pulmonaire. Dans les plaies des membres, elles
piquent, irritent les muscles , augmentent les chances
d'étranglement et peuvent même déterminer une hémor-
— 81 —
rhagieinquiétan te, en érodant avec leurs pointesun vaisseau
artériel ou veineux avec lequel elles seraient en contact.
Les épanchements sanguins peuvent occasioner aussi
des accidents très graves , en déterminant des phénomè-
nes de compression mécanique sur les organes avec les-
quels ils sont en contact. Le sang épanché à la surface du
cerveau produit une paralysie plus ou moins complète ;
celui qui est dans les plèvres anéantit l'action du poumon
et produit une dsypnée ordinairement très forte. Indépen-
damment de ce mode d'action, ce corps étranger agit en-
core sur l'organisme par la perte de forces qu'il lui fait
éprouver en cessant de circuler dans les vaisseaux à l'ins-
tant où il s'épanche.
Enfin, les poils entraînés dans une plaie en retardent la
cicatrisation , étant une source continuelle d'irritation
d'autant plus perfide que , le plus souvent, on ne soup-
çonne pas même son existence. Ainsi, M. Laroche, que j'ai
déjà cité, parle d'un cas de plaie d'arme à feu où la balle,
entrée par le pubis, avait entraîné des poils qui entrete-
naient une abondante suppuration, à laquelle leur extrac-
tion mit subitement un terme.
Les portions d'os nécrosés, les séquestres sont tout au-
tant de causes qui s'opposent pendant un temps plus ou
moins long à la cicatrisation des plaies d'armes à feu. Si
la nécrose ne s'étend qu'à une seule lame d'un os plat
comme ceux du crâne , la guérison peut avoir lieu en peu
de temps ; mais si elle comprend toute l'épaisseur d'un
os considérable, comme le tibia, le fémur, la guérison,
lorsqu'elle arrive, se fait quelquefois atttendre pendant
plusieurs années.
Les épanchements sanguins secondaires ne diffèrent des
primitifs, dont nous avons déjà parlé, que par l'époque
plus reculée à laquelle ils surviennent. Nous n'avons donc
— Sa-
pas à y insister davantage ici. Quant aux épanchements
purulents qui se forment quelquefois dans les cavités vis-
cérales, nous nous en occuperons spécialement en décri-
vant les lésions de chacune de ces cavités en particulier.
Les vers qui surviennent quelquefois à la surface des
plaies d'armes à feu ont été considérés comme hôtes dé-
goûtants par certains chirurgiens, et comme hôtes utiles
par d'autres, parce que, disent ces derniers, ces animaux
détruisent les escarres et toutes les parties putréfiées de
la plaie, sans attaquer les parties vivantes. Pour moi, je
ferai tous mes efforts pour détruire ces animaux toutes les
fois que j'en rencontrerai clans un appareil ou a la surface
d'une plaie, car je crois que leur présence doit agir d'une
manière fâcheuse sur le moral du blessé.
§ VI. Tétanos.
Le tétanos est une de ces terribles maladies qu'on dé-
crit beaucoup mieux qu'on ne les définit ; aussi , presque
tous les auteurs qui s'en sont occupés en ont donné des
définitions différentes, ce qui ne fait qu'embarrasser,
qu'entraver la marche de la science, au lieu de la favori-
ser. La définition de M. Bégin est celle que j'adopte
comme fixant le mieux l'attention du chirurgien sur l'al-
tération de la moelle épinière, dont la lésion paraît être la
source des phénomènes graves qu'on observe dans cette
cruelle maladie. M. Bégin définit le tétanos « une irritation
inflammatoire delà moelle épinière, déterminant la rigidité,
la contraction convulsive et permanente d'une partie ou
de la totalité des muscles soumis à l'empire delà volonté. »
Les blessures par armes à feu compliquées de larges
lacérations aux parties molles, celles qui sont accompa-
gnées delà présence d'esquilles pointues, dedéchirure in-
— 83 —
complète de filets nerveux, donnent lieu, tout aussi bien
que les plaies par armes piquantes, à l'invasion du téta-
nos. Le développement de cette affection est encore aidé
par l'influence des causes morales; ainsi, les auteurs sont
remplis d'exemples dans lesquels le tétanos s'est déclaré
après une visite désagréable faite à un blessé, à la suite
d'une émotion vive produite par la peur, la colère ou tout
autre sentiment poussé jusqu'à l'exaltation.
Le tétanos se déclare de préférence sous l'influence
d'une température froide et humide, chez les blessés qui
sont obligés de voyager la nuit et de stationner le jour
dans des lieux malsains , circonstances qu'on rencontre
malheureusement à chaque instant en campagne. Ainsi, le
baron Larrey rapporte qu'à la révolte du Caire, en 1798,
les blessés furent placés dans l'hôpital de Birket-el-Fyl,
dont les murs étaient baignés trois mois de l'année par
l'eau du Nil , qui les entoure; sept d'entre eux furent
pris du tétanos et moururent en très peu de temps. Le
même auteur rapporte qu'au combat d'El-Àrich , les bles-
sés furent placés sous des tentes, sur un terrain humide,
exposés aux pluies qui tombèrent en abondance, et furent
frappés de tétanos, qui se manifesta dans tous ses genres
et se termina chez tous par la mort, du cinquième au sep-
tième jour.
Je trouve enfin dans les annales de notre guerre afri-
caine des faits qui méritent d'être signalés comme démon-
trant aussi très bien l'influence de la température humide
sur la production du tétanos. M. Hutin dit, par exemple,
dans sa Relation chirurgicale de l'expédition de Constantine
en 1836 : « Le tétanos se déclare lorsque des changements
surviennent subitement dans la température atmosphéri-
que. Cette remarque a été faite depuis longtemps, et nous
l'avons vérifiée à Bone. Dix militaires en ont été atteints à
— 84 —
la suite de blessures différentes reçues dans l'expédition.
Chez tous, ce fut à la suite d'un changement de tempéra-
ture : pendant les premiers jours qui suivirent notre arri-
vée à Bone, le ciel était pur et le temps chaud. Aux pre-
mières pluies, six blessés moururent tétaniques , et après
quelques beaux jours, les mauvais temps développèrent
la maladie chez les quatre autres (page 194). »
M. Baudens dit (dans sa Clinique des plaies d'armes à
feu) qu'à l'expédition du maréchal Clauzel contre lebey de
Tiltery, quarante hommes des moins grièvement atteints
avaient été placés dans une galerie de rez-de-chaussée si-
tuée au nord et fermée par de simples rideaux en toile,
sous l'empire d'une température froide et humide du mois
de décembre , pendant lequel régnait le vent nord- ouest.
Quinze cas variés de tétanos , dont douze ont été suivis de
mort, apparurent au bout de trois ou quatre jours. On fit
immédiatement transporter les autres blessés dans des
chambres bien closes , et le tétanos ne se montra plus
(page 63). »
Le tétanos, d'après Dupuytren, peut procéder de deux
manières différentes : ou de la partie blessée, ou de toute
autre partie du corps. Quand il procède de la partie bles-
sée , il s'annonce par un sentiment de roideur qui aug-
mente de moment en moment, et rend de plus en plus dif-
ficiles les mouvements de cette partie. [Leçons orales ,
p. 400, t. 6.)
M. Bégin trace, dans son Traité de pathologie, un tableau
frappant de vérité des symptômes qui, dans certains cas,
précèdent l'apparition du tétanos : « 11 est assez commun,
dit-il, de voir le malade devenir triste, morose, frappé de
terreur soudaine, inexplicable , perdre l'appétit et le som-
meil, avoir la bouche amère, la langue saburrale, éprou-
ver de la céphalalgie, puis des bâillements , des mouve-
mm 85 ~
mcnts convulsifs dans les mâchoires , le cou, les muscles
de la déglutition, et ces accès se montrer de plus en plus
fréquents et durables, jusqu'à l'invasion définitive de la
maladie. »
Quand une fois le tétanos s'est définitivement emparé du
blessé, les symptômes deviennent à chaque instant plus
alarmants. Les muscles de la déglutition commencent or-
dinairement par être spasmodiquement affectés. La fonc-
tion à l'accomplissement de laquelle ils concourent est
gênée, quelquefois abolie, de là, le mai se propage aux
muscles élévateurs de la mâchoire inférieure, (masseters,
temporaux, pterygoïcliens) celle-ci est fortement serrée
contre la supérieure, au point qu'il est quelquefois impos-
sible d'écarter l'une de l'autre les arcades dentaires, alors,
si le malade est porteur de toutes ses dents, on ne trouve
pas la moindre voie par laquelle on puisse lui faire avaler
la moindre quantité de boissons, et on est obligé de se
créer cette voie en cassant une ou plusieurs dents. La
roideur, passe ensuite au cou, puis au tronc, puis enfin
aux membres supérieurs et inférieurs.
Selon que la contraction tétanique des muscles agit de
manière à courber le tronc en avant, en arrière ou sur les
côtés la maladie prend différents noms emprosthotonos,
opisthotonos, pleurothotonos. Le serrement tétanique des
mâchoires s'appelle trismus. Les contractions musculaires
sont souvent portées si loin qu'on a vu la tête fortement
renversée en arrière aller toucher les épaules avec l'occi-
put, et dans des cas de renversement en avant le menton
toucher les genoux.
Les malades atteints de tétanos sont immobiles dans
leur lit et paraissent souffrir beaucoup lorsqu'on veut les
mouvoir ; les muscles de la paroi abdominale antérieure
sont souvent tellement rétractés vers la colonne vertébrale
— 86 —
qu'il est facile de sentir, et quelquefois même devoir cette
dernière à travers leur épaisseur, les muscles de la respi-
ration se prennent aussi , et si cet état se prolonge trop
longtemps , les malades peuvent périr par véritable as-
phixie à la suite de l'impossibilité où ils sont d'exécuter
les mouvements respiratoires, l'intelligence se conserve
jusqu'au dernier moment.
Dans certains cas le tétanos a une marche très rapide,
dans d'autres au contraire il prend la forme chronique,
« n'acquérant pas, dit M. Bégin, (loco citato) le degré
d'intensité qui le rendrait promptement et sûrement mor-
tel , mais assez violent pour ne pas laisser au malade de
repos, pour ne lui permettre ni l'ingestion des aliments
solides ni des boissons et pour épuiser l'action nerveuse,
ou entraîner la désorganisation complète de la moelle épi-
nière. »
Je terminerai ce qui se rapporte à la marche du tétanos
par une observation de tétanos aigu que j'emprunte à la
relation chirurgicale des journées de juillet, au Gros-Cail-
lou par M. le baron H. Larrey. Observation qui prouvera
que le tétanos emporte quelquefois, comme nous venons
de le dire ; les malades qui en sont atteints avant qu'on
ait eu pour ainsi dire le temps de remédier à leurs souf-
frances.
a *** soldat au quatrième régiment fut atteint d'une
balle qui était entrée près du bord postérieur de l'omo-
plate en fracturant cet os en travers, et était ressortie par
l'épaisseur du muscle deltoïde, l'état primitif ne présenta
pas le moindre caractère inquiétant , et la plaie paraissant
simple, fut traitée comme telle. Mais bientôt des douleurs
très vives se manifestent dans son trajet, sans cause acces-
soire bien appréciable, elles devinrent intolérables, et ne
tardèrent pas à prendre le caractère tétanique, la suppu-
— 87 —
ration avait cessé presque entièrement, les chairs qui for-
maient les lèvres de la plaie étaient devenus boursou filées,
brunâtres et presque sèches, les douleurs lancinantes et
profondes s'étendaient dans la poitrine et le dos, s'exas-
péraient à la moindre pression et au contact des corps
extérieurs, Tous les "muscles et principalement ceux du
bras correspondant éprouvaient des contractions spasmo-
diques. Déjà le corps se renversait brusquement en ar-
rière, et le malheureux patient n'avait plus d'autre faculté
que celle de calculer ses souffrances, quelques heures
avaient suffi à la progression de ces phénomènes précur-
seurs de la mort , en vain le chirurgien en chef avait-il
largement débridé les deux plaies, extrait quelques es-
quilles du côté de l'omoplate et pratiqué de fortes saignées
.^ocales à l'aide de ventouses scarifiées, en vain avait-on
ouvert les veines du bras plusieurs fois, employé des ca-
taplasmes émollients, des fomentations, des bains, et fait
prendre à l'intérieur quelques boissons antispasmodiques
la marche des symptômes eut une rapidité effrayante et au
bout de 24 heures tout était fini.
On trouva à l'autopsie des fragments aigus de l'omo-
plate, enfoncés dans les parties molles. (P- 456.)
§ VII. — POURRITURE d' HOPITAL s
La pourriture d'hôpital est encore comme le tétanos
une de ces affections dont il est plus facile de décrire les
symptômes , que d'en donner une définition courte et
exacte. Elle consiste en une gangrène humide qui fait
tomber rapidement en putrilage tous les organes qu'elle
atteint , et qui agit avec tant de rapidité que souvent
en 24 ou 48 heures elle double, ou triple la largeur
et la profondeur de la plaie sur laquelle elle a établi son
~ 88 —
Cette affection se développe fort souvent sur les plaies
qui sont le résultat de l'action des armes à feu , et ensuite
comme j'ai eu l'occasion de l'observer plusieurs fois, elle
attaque de préférence en seconde ligne les ulcérations sy-
philitiques. Rarement la pourriture d'hôpital se montre
par cas isolés, presque toujours, au contraire, elle règne
épidémiquement et moissonne en très peu de temps un
assez grand nombre de victimes.
Elle se développe au milieu de circonstances particu-
lières, et presque toujours d'une manière inattendue ,
quand il y a encombrement de blessés dans un même lieu,
que l'air y est vicié, humide, et ne peut se renouveler fa-
cilement. Quand les malades ont été exposés à des priva-
tions pénibles, obligés de faire des courses longues et
fatigantes Elle est essentiellement contagieuse, et peut se
gagner, non seulement par le contact du pus sécrété par
la plaie , mais encore par l'habitation dans le même lieu
renfermant un ou deux blessés qui en sont atteints.
M. Baudens dit dans sa clinique des plaies d'armes à
feu, que la pourriture d'hôpital est souvent le produit de
l'erreur, et de soins mal entendus. Cette opinion est je crois
un peu hasardée, car il n'est pas de complication des
plaies d'armes à feu plus facile à reconnaître, et se déve-
loppant plus largement malgré les soins les mieux enten-
dus et les plus actifs.
La plaie qui doit être affectée de pourriture d'hôpital
devient subitement plus douloureuse, ses bords se tumé-
fient, sa surface se recouvre de petites taches ou pelli-
cules blanchâtres assez analogues quant à la couleur à
celle des aphtes qui se développent dans certains cas sur
la muqueuse buccale. Bientôt, toutes ces taches s'élargis-
sent, se réunissent et forment une couche blanchâtre qui
recouvre toute la surface traumatique, la plaie devient
— 89 —
chaque jour do plus en plus grande, et prend en très peu
de temps un accroissement qui lui donne une étendue sou-
vent double , et triple de celle qu'elle avait auparavant.
On dirait que les tissus tombent en déliquium, et se con-
vertissent en un putrilage blanc et fétide.
L'état général se ressent aussi manifestement de cet
état de la surface traumatique ; la fièvre arrive, les traits
sont tirés , la langue est blanche au centre et rouge sur
les bords, le blessé est tourmenté d'une soif vive, ne peut
se livrer au repos , passe des nuits agitées , et si on ne se
presse d'enrayer les accidents ils peuvent devenir promp-
tement funestes au malheureux qui les éprouve.
Tous les organes voisins de la plaie sont susceptibles
d'être envahis par la pourriture d'hôpital ; elle n'épargne
ni les muscles , ni les nerfs , ni les vaisseaux ; ceux-ci
jouissent cependant d'une espèce d'immunité et sont
presque toujours les derniers atteints. Ainsi , j'ai vu un
homme , porteur d'un bubon ulcéré à l'aine, envahi par
la pourriture d'hôpital, présenter à la partie inférieure de
l'abdomen , et à la partie supérieure de la cuisse droite
une large solution de continuité , qui avait sept pouces de
haut en bas , et cinq pouces dans le sens de l'arcade de
Fallope. La pourriture d'hôpital avait détruit , à la partie
supérieure de la cuisse , les ganglions inguinaux et les
muscles. Les vaisseaux et nerfs cruraux étaient tendus au
milieu des parties putréfiées et au centre de la plaie , où
ils formaient une espèce de pont isolé de tout côté de la
surface ulcérée. Ce malheureux succomba affaibli par
l'abondance de suppuration , et probablement aussi à la
suite de l'absorption de ces principes putrides. On dirait ,
en voyant ainsi les vaisseaux isolés et respectés par la
marche rapidement envahissante du mal, on dirait, dis-je,
que la nature tache de conserver jusqu'à la fin les organes
— 90 —
chargés de distribuer aux autres la force et la vie , afin de
leur permettre de résister plus efficacement à l'ennemi
avec lequel ils sont aux prises.
Il est aisé de concevoir, d'après tout ce que nous ve-
nons de dire , que le pronostic de la pourriture d'hôpital
doit être dans tous les cas très grave, surtout lorsqu'elle
établit son siège sur une surface traumatique large, celle,
par exemple , qui résulte de l'amputation d'un membre
volumineux, comme la cuisse.
§ VIII. — ABCÈS VISCÉRAUX.
Les abcès viscéraux sont des collections purulentes qui
se développent au moment où on s'y attend le moins , et
sans qu'on en connaisse précisément la cause , en pre-
mière ligne dans le foie , puis dans les poumons , la rate ,
le cerveau , les cavités articulaires , soit après les plaies
d'armes à feu larges, et qui occasionnent de grandes sup-
purations, soit après les amputations qu'elles nécessitent,
soit enfin à la suite des plaies contuses en général. La
marche de cette affection est ordinairement très rapide, et
les désordres qui en résultent pardonnent rarement au
blessé qui en est atteint.
Ordinairement, rien n'indique dans les premiers jours
après la blessure ce qui se passera ultérieurement. Tout
à coup , et sans cause connue , arrivent des frissons , des
sueurs , la suppuration de la plaie tarit , devient fétide et
de mauvaise nature , le pouls devient petit , filiforme , fré-
quent. Le malade accuse des douleurs à la tête, à l'hypo-
chondre droit ou à la poitrine. Une teinte ictérique recou-
vre, dans certains cas , l'enveloppe cutanée, et la mort
arrive au milieu de la prostration la plus profonde. L'au-
topsie fait découvrir une plus ou moins grande quantité
d'abcès dans le foie ou les poumons , dans le cerveau ou
— 91 —
dans la rate, dans les synoviales ou dans les muscles. Ces
abcès sont plus ou moins volumineux , le pus qu'ils con-
tiennent est tantôt à l'état liquide , tantôt à l'état concret
et possède ordinairement une odeur fétide , analogue à
l'odeur de celui qu'on rencontre sur la surface trauma-
tique. Ainsi, chez un nommé Romani , qui succomba à
THôtel-Dieu de Marseille aux suites d'une fracture com-
minutive de l'avant-bras gauche , produite par une roue
de machine à vapeur (décembre 1838), le foie était d'une
couleur pâle et on apercevait à sa surface des tâches jau-
nes en très grand nombre , ce qui lui donnait un aspect
marbré. Il existait à la face antérieure et moyenne de son
moyen lobe une surface grisâtre , de 36 à 40 millimètres
de largeur ; une incision faite sur cette tache nous montra
une collection purulente de la grosseur d'une noix , con-
tenant du pus grisâtre et très fétide; un abcès pareil à
celui-ci existait dans l'épaisseur du grand lobe , et des
incisions , pratiquées sur tous les points de la surface hé-
patique où l'on pouvait découvrir une tâche jaune , met-
taient à nu de petits abcès de 40a 42 millimètres de dia-
mètre, contenant presque tous du pus à l'état concret. En
coupant le foie par tranches, on trouvait sur les deux sur-
faces de la section un nombre presque incalculable de ces
petites collections purulentes , permettant à peine de
trouver entre elles une portion de substance hépatique
saine.
Chez un nommé Terras, journalier, et chez un nommé
Boiron, ouvrier opticien, qui succombèrent, à peu de
jours d'intervalle l'un de l'autre , en septembre 1 839 , à
l'Hôtel-Dieu de Marseille, aux suites d'un coup de feu tiré
dans la bouche ; j'ai pu encore étudier avec soin les phé-
nomènes des abcès viscéraux , ou si l'on veut de l'infec-
tion purulente.
— 92 —
Chez le premier, qui succomba le quatorzième jour de
sa blessure, je trouvai trois abcès à la face inférieure du
grand lobe du foie, et une rougeur diffuse à la bifurcation
de la veine porte : tandis que chez Boiron on apercevait
plusieurs taches jaunes de forme arrondie à la face con-
vexe du foie, c'était la place de tout autant de foyers puru
lents , et de plus , en incisant le foie sur les divers points
de sa surface , on y rencontrait une foule de petits abcès
dont le pus était à l'état concret. La balle , fortement
aplatie, était logée dans les fosses nasales, et le lobe gau-
che du cervelet contenait un abcès en tout semblable à
ceux du foie.
Dans certains cas , ces abcès viscéraux sont plus volu-
mineux, ils peuvent acquérir la grosseur du poing et quel-
quefois plus. En un mot , ils sont susceptibles d'affecter
une infinité de formes.
Cette funeste complication des lésions traumatiques est
malheureusement si fréquente , et a été étudiée par tant
de chirurgiens distingués , que je ne puis m'empêcher de
retracer ici leurs travaux, d'une manière sommaire ce-
pendant.
Il était tout naturel que le chirurgien qui voyait , mal-
gré tous ses soins, périr un grand nombre de ses malades,
s'efforçât de chercher la cause de ces fréquents insuccès ,
qu'il voulût trouver l'espèce de rapport existant entre
la surface traumatique et la lésion viscérale. C'est dans
le but d'établir une corrélation entre ces deux points sépa-
rés , qu'ont été imaginées une foule d'hypothèses dont
je ne dirai que quelques mots.
Et d'abord, on a parlé de la métastase , on a dit que le
pus était subitement transporté de la surface suppurante
dans le parenchyme de l'organe où l'autopsie le fait dé-
couvrir. Cette théorie s'appuie sur la diminution notable
— 93 —
et subite de la quantité de pus fourni par la surface trau-
matique ; sur l'identité du pus de la plaie et de celui qu'on
trouve dans le viscère; sur l'absence des phénomènes in-
flammatoires du côté de l'organe où l'on trouve la collec-
tion purulente....
Vient ensuite la théorie de la résorption purulente , du
transport du pus en nature par le torrent circulatoire dans
l'organe oii on le rencontre .(Velpean) .
Puis, M. Cruvcilhier se demande si le pus qu'on ren-
contre dans les veines ne s'est pas développé dans l'inté-
rieur de ces mêmes tubes, et si le pus qu'on observe dans
le viscère n'est pas le résultat d'une phlébite locale capil-
laire? Cet auteur répond à sa question en disant que ces
abcès sont idiopathiques, que ce sont de gros tubercules
aigus, et il s'appuie à ce sujet sur l'opinion de Morgagni
et de Blandin [Anatomie pathologique).
Le mot sympathie a été aussi employé pour réunir, la
lésion viscérale à la lésion traumatique , dans le rapport
de cause à effet. On a voulu expliquer (Bichat, Desault) à
l'aide de ce mot la simultanéité des abcès au foie et des
plaies de tète ; puis on a parlé de la filtration des humeurs
à travers nos organes , comme à travers une véritable
éponge, de l'endosmose, de I'exosmose.
Quesnay disait que ces dépôts étaient dus à la fièvre
traumatique , qui a pour but la formation dune plus ou
moins grande quantité de pus. Il se demande ensuite si le
sang, avant d'arriver à la plaie , ne pourrait pas subir les
mômes modifications qui le feront pus quand une fois il y
sera arrivé. 11 pourrait se faire alors qu'un point d'irrita-
tion se changeât en foyer purulent. M. Cruveilhier, que
j'ai déjà cité , injecte du mercure dans les veines d'un
chien ; il le retrouve dans les poumons. Il enfonce un
bâton dans la veine crurale d'un autre chien et en y dé-
— 94 —
terminant ainsi une phlébite substitue du pus au mercure ;
le pus va aussi se loger dans les différents viscères. Il
conclue de là que les abcès qu'on rencontre clans ces der-
niers sont toujours le résultat de phlébites locales consé-
cutives, à une phlébite de l'organe blessé. Pour moi , les
cas que j'ai été à même d'observer m'ont convaincu qu'on
pouvait trouver à l'autopsie , des abcès en quantité même
innombrable , sans rencontrer dans les veines de la partie
blessée la moindre trace d'inflammation. Et c'est sans
doute pour répondre à cette réfutation , qui saute tout
d'abord aux yeux de l'esprit , que M. Cruveilhier a dit :
Que lorsqu'on ne trouvait pas de phlébite dans les parties
molles on devrait chercher dans les os , et qu'on y trou-
verait la clé des abcès viscéraux , c'est-à-dire une phlébite
des veines de Cos. C'est même par l'inflammation des
veines diploïques des os du crâne , qu'il explique l'exis-
tence des abcès au foie dans les plaies de la tête ; collec-
tions purulentes auxquelles on avait avant lui donné pour
cause la commotion, la sympathie.
J'ai fait des recherches , dans une foule de cas , pour
tâcher de trouver du pus dans les veines des os longs , et
dans celles du diploé au crâne ; elles ont été infructueuses
et m'ont laissé dans une ignorance aussi complète qu'a-
vant, des rapports qui lient l'abcès viscéral à la lésion
traumatique. Heureux ceux qui trouvent ce qu'ils cher-
chent ! Loin de moi cependant la prétention de nier le fait
avancé par un auteur aussi remarquable que M. Cruveil-
hier. Mais en matière d'observation touchant un fait dou-
teux , on doit , dans l'intérêt de l'art , dire ce qu'on a vu
et ne pas trpp jurer aveuglément in verba magistri.
Il arrive quelquefois que , dans des cas où les symp-
tômes observés pendant la vie portent à faire croire qu'il
existe des abcès viscéraux , on n'en rencontre pas à l'au-
— 95 — .
topsie, tandis qu'on les trouve chez des malades chez qui
on n'en avait nullement soupçonné l'existence pendant
la vie.
Ces abcès surviennent souvent dans les hôpitaux mal-
gré tous les soins qu'on peut avoir des malades , lesquels
sont souvent déraisonnables , et commettent en cachette
des écarts de régime qui augmentent naturellement l'état
fébrile, et influent notablement sur la marche de la suppu-
ration. L'air des salles les plus saines , les mieux aérées
ne les empêchent pas de se manifester : tandis que d'au-
tres fois des blessés , porteurs de lésions traumatiques très
graves, arrivent à une parfaite guérison, entassés dans des
lieux malsains et supportant les privations les plus gran-
des : je lisais dernièrement une relation chirurgicale des
affaires du Mexique, écrite à M. Roux, de Brignolles, pro-
fesseur à l'École préparatoire de médecine de Marseille, par
son frère, chirurgien-major à bord de la corvette de l'État
l'Expéditive. Il y était dit que les malades furent placés
dans de petites cabanes , que les habitants du pays ap-
pellent raouclies. Ils y étaient entourés de marais , répan-
dant sans cesse autour d'eux des exhalaisons si infectes
que M. Roux lui-même avait de la peine à les supporter,
D'après le rapport de ce chirurgien , quatre amputés , un
autre blessé , qui avait eu les deux condyles du fémur
traversés par une balle , un sixième qui avait eu à peu
près la même blessure au tarse , et enfin un septième, qui
eut les deux avant-bras traversés par la mitraille, la gorge
largement ouverte , et la mâchoire inférieure fracturée
en quatre fragments guérirent très promptement et sans
le moindre accident.
En somme, l'infection purulente est une maladie de na-
ture essentiellement variable et changeante, sur l'essence
de laquelle tout n'est pas dit, tant s'en faut, et qui, par
— 96 —
conséquent, nécessite, pour être approfondie , de longues
et pénibles recherches.
§ IX. ÉRYSIPÈLE.
L'érysipèle, complication légère dans certains cas, peut
devenir, dans d'autres, excessivement grave, lorsque, par
exemple, l'inflammation du tissu cutané se communique
de couche en couche jusqu'au centre des membres, ou
aux viscères contenues dans une cavité splanchnique,
comme cela arrive quelquefois pour le cerveau dans les
plaies de tète.
Quand l'érysipèle doit se propager de tissu en tissu et
devenir grave, la rougeur de la peau ne s'efface pas; elle
s'étend, au contraire, en surface, est réfractaire aux anti-
phlogistiques employés même avec énergie; le gonflement
augmente, la fièvre devient plus forte, la blessure est plus
douloureuse, la langue est sèche et se couvre quelquefois
d'un enduit saburral, le tissu cellulaire sous-cutané s'en-
ilamme et devient le siège de collections purulentes d'au-
tant plus étendues, qu'on reste plus longtemps à donner
issue au pus qu'elles contiennent. Il arrive , dans certains
cas, qu'un même membre, la cuisse, par exemple, offre
dix, quinze de ces collections, qui, se réunissant ensuite
les uns aux autres, constituent un vaste clapier sous-cu-
tané, d'où s'écoule une abondante suppuration mêlée à
des lambeaux de tissu cellulaire, sphacèle qu'on retire or-
dinairement par les incisions pratiquées pour évacuer
le pus.
Cet érysipèle , quoique très grave , et entraînant sou-
vent la mort du blessé , l'est cependant beaucoup moins
que celui dans lequel l'inflammation se propage du tissu
cellulaire sus-aponévrotique ou tissu cellulaire sous-apo-
névrotique. On voit alors survenir les symptômes de l'é-
— 97 —
tranglement, auxquels il faut se hâter de remédier, les
fusées purulentes intermusculaires, et, dans quelques cas
plus rares, la gangrène.
Cette différence de gravité entre l'érysipèle sus-aponé-
vrotique et le sous-aponévrotique est très manifeste dans
les plaies de tète. Ainsi, par exemple , lorsque le tissu cel-
lulaire sous-cutané s'enflamme consécutivement à la peau,
la collection purulente qui en résulte peut causer, il est
vrai, quelques décollements; mais elle se fait plus facile- '
ment jour au dehors que lorsqu'elle tire son origine du
tissu cellulaire sous-péricrànien. Cette calotte résistante
s' opposant à ce que le pus s'amasse en collection, celui-ci
s'étend à la surface des os , qu'il dénude, occasionne au
malade de très vives douleurs et produit souvent sur le
cerveau des effets morbides qui sont au-dessus des res-
sources de l'art.
Dès qu'on voit les environs d'une plaie d'arme à feu
avoir de la tendance à devenir érysipèlateux, il faut s'op-
poser par tous les moyens possibles à la naissance de
l'érysipèle, et si une fois il s'y déclare, redoubler d'efforts
pour l'empêcher de se développer en surface , et surtout
de se communiquer aux couches sous-jacentes. Nous ver-
rons tout à l'heure, quand il s'agira du traitement, quels
sont les moyens que la thérapeutique possède pour arriver
à ce résultat,
§ X. — HEMORRHAGIE.
Nous avons vu en nous occupant des caractères des
plaies d'armes à feu, que rarement elles s'accompagnaient
d'hémorrhagie primitive, que même dans beaucoup de cas
l'hémorrhagie secondaire manquait, et qu'enfin lorsque
l'hémorrhagie avait lieu primitivement elle était occasion-
née par l'ouverture d'un gros vaisseau chez qui l'escarre
~~ 98 —
ne suffisait pas pour s'opposer à l'écoulement de sang.
Nous allons étudier ici quelques instants celte rare mais
grave complication des plaies d'armes à feu.
Ce mot, dit M. Ghomel , en parlant de l' hémorrhagie
[Dictionnaire ch médecine, tome xrv, page H5) entraîne
d'après son étymologie , l'idée d'un écoulement de sang
dû à une solution de continuité.
M. Roche dit : « qu'on doit entendre par cette expression
tout écoulement de sang hors de ses vaisseaux, quelles
qu'en soient les causes, et soit qu'il s'échappe au dehors,
soit qu'il s'épanche au dedans. »
Ces définitions ont quelque chose de fautif en ce sens
qu'elles permettent de donner le nom d'hémorrhagie au
moindre écoulement de sang qui s'opère par l'orifice d'un
vaisseau lésé, tandis que, lorsqu'on prononce le mot hé-
morrhagie, l'esprit est subitement traversé d'une idée,
c'est celle du danger auquel le blessé est exposé par la
perle de son sang. Je dirai donc avec M. Sanson, qu'une
hémorrhagie «est l'écoulement de sang qui se produit à la
suite d'une lésion vasculaire, et qui a lieu en assez grande
abondance pour compromettre les jours du blessé. »
L' hémorrhagie peut se faire par deux ordres de vais-
seaux, les artères et les veines, la première est beaucoup
plus dangereuse que la seconde par des raisons anatomo-
physiologiques qui sont à la portée de tout le monde. Si
l'on examine en effet les fonctions et la structure des divers
organes de. la circulation tels que le cœur, les artères, les
veines, on arrivera tout naturellement aux conclusions
suivantes ; savoir : 1° que l'ouverture d'une artère est
d'autant plus dangereuse qu'elle a lieu sur un point plus
rapproché du cœur ; 2° que le sang qui s'échappe d'une
artère est plus précieux que celui qui coule d'une veine;
3° que l'impulsion que le sang artériel reçoit du cœur le
— 99 —
chasse avec force au dehors, tandis que le sang veineux
étant obligé de remonter contre les lois do la pesanteur, et
n'étant pas animé d'une force motrice analogue à colle qui
pousse le sang artériel , s'écoule en nappe à travers les
lèvres d'une plaie veineuse.
L'artère atteinte par un instrument tranchant ou pi-
quant, peut être simplement piquée, ou bien coupée dans
le tiers, le quart de son calibre, ou bien enfin, totalement
coupée en travers. Circonstances qui établissent de grandes
différences dans la gravité, et la curabilité de ces diverses
hémorrhagies. Mais une balle qui atteint un vaisseau volu-
mineux ne produit ordinairement que deux effets, ou bien,
elle le contond sans l'ouvrir, ou bien elle l'ouvre assez
largement pour 'donner lieu en très peu de temps à une
hémorrhagie inquiétante. Si elle atteint un petit vaisseau
elle laisse sur la blessure qu'elle y produit une escarre
suffisante pour s'opposer à l'écoulement de sang.
Les signes des lésions artérielles sont assez faciles à
connaître, ils sont, du reste indiqués par tous les auteurs.
Si la blessure du vaisseau siège sur un point que la vue
peut atteindre, il se fait de suite par la plaie un écoulement
de sang rutilant, vermeil, facilement coagulable, qui s'é-
chappe par mouvements isochrones à ceux du pouls. L'é-
coulement s'arrête ou du moins diminue considérablement
dès qu'on intercepte la circulation entre le point blessé et
le cœur, le blessé perd beaucoup de sang en très peu de
temps; il pâlit, une sueur froide- innonde son visage, et il
meurt si on ne lui administre promptement les secours de
la chirurgie. Il n'y a qu'une syncope qui puisse sauver ses
jours en favorisant la formation d'un caillot sauveur.
Les signes deriiémorrhagie ne sont pas si évidents lors-
qu'elle est interne, clans ces cas on n'est souvent guidé
que par les symptômes* hémorrhagiques généraux; la pâ-
— 100 —
leur du visage, la syncope, la faiblesse, la filiformité du
pouls, le froid des extrémités, les sueurs froides et vis-
queuses, etc. Nous renvoyons au plaies des cavités splan-
chniques pour des détails plus larges sur les hémorrhagies
internes.
L'écoulement de sang qui a lieu par une veine des mem-
bres, est beaucoup moins rapide et dangereux. Le sang qui
s'échappe de cet ordre de vaisseaux est noir, ou du moins
beaucoup plus foncé en couleur que le sang artériel. 11
coule en nappe , sans jet isochrone aux battements du
pouls, il s'arrête a la suite de la compression exercée entre
la blessure et les extrémités. La lésion des grosses veines
splanchniques est aussi très dangereuse, d'abord, à cause
de la grande perte de sang qu'elles occasionnent, et en-
suite, à cause de l'épanchement auquel elle donne lieu, qui
à son tour agissant comme corps étranger, est souvent la
cause d'accidents forts graves.
§ XI. — DE L'INFLUENCE DES DIVERSES CIRCONSTANCES PHYSIQUES
ET MORALES SUR LÀ PRODUCTION DES ACCIDENTS DONT NOUS
VENONS DE NOUS OCCUPER ; ET, PAR CONSÉQUENT SUR LA GRAVITÉ
DES PLAIES D'ARMES à FEU REÇUES SUR LE CHAMP DE BATAILLE.
Le soldat blessé sur le champ de bataille est exposé à
une foule de circonstances qui rendent sa blessure plus '
dangereuse que s'il l'avait reçue dans une circonstance de
la vie privée, et dans un lieu à portée de toute espèce de
secours. Qu'on se figure en effet; la position pénible d'un
soldat frappé d'une balle qui lui fracasse un membre, lui
fait une plaie de tète, du bas ventre, etc. , et qui avec une
pareille lésion est souvent obligé avant d'arriver à un hô-
pital ou a un lieu bien approvisionné de secours, de sup-
porter une route de deux, trois, quatre jours, et quelque-
fois plus. Sur une voiture mal suspendue, le jour par une
— toi ~~
chaleur par fois étouffante, et la nuit par une fraîcheur
perfide comme cela s'observe fréquemment en Algérie.
Tantôt privé des objets de première nécessité , tels
qu'aliments, boissons, linge à pansement, harcelé par l'en-
nemi qui ne respecte pas toujours sa douleur, et ne cesse
de diriger contre lui ses coups meurtriers, etc.
Nous pourrions prolonger à l'infini le tableau des souf-
frances que le soldat blessé est parfois obligé d'endurer en
campagne. Mais un coup d'œil rapide jeté sur l'histoire
de nos guerres nous montrera quelques unes de ces situa-
tions pénibles, où l'on ne se trouve par malheur, que trop
fréquemment .
Nous avons dit par exemple, que souvent on manquait
de linge, d'objets de première nécessité, etc. Ecoutons
parler à ce sujet M. Gama dans son esquisse historique du
service de santé militaire, et nous nous ferons une juste
idée du point jusqu'auquel peut aller cette affreuse pénu-
rie. Il s'agit des campagnes de Russie : « un lieu, dit cet
auteur, où l'on manque de tout, quelquefois même d'eau,
où les chirurgiens après s'être servi de leur propre linge,
sont obligés d'employer celui des blessés pour les panser,
ou l'on se trouve heureux d'avoir pu se procurer du vieux
papier et des morceaux de tapisseries qu'on emploie en
guise de compresses , et de bandages à fractures , n'est
point un hôpital , ce n'est qu'un misérable cloaque ou l'on
entasse les blessés en attendant qu'ils meurent (pag. 525).
Quelquefois, on trouve de l'eau à boire, du bois pour
faire du feu ; mais ce n'est que lorsque les blessés ont déjà
eu à souffrir toute une nuit au bivouac de la soif et du
froid que ces ressources sont découvertes, et bien souvent,
déjà les accidents les plus funestes ont eu îê temps de.se
déclarer. - •
Dans des circonstances plus malheureuses, on manque
— 102 —
d'aliments solides , tels que viande , biscuits , etc. , ainsi
que des objets nécessaires pour les préparer, tels que mar-
mites, bidons, etc. C'est alors qu'on peut dire que le be-
soin, que la faim sont ingénieux. Ainsi, M. Gama rapporte
qu'à la suite delà bataille d'Eslingen , on fit la soupe dans
les cuirasses des soldats, et que, faute de sel de cuisine,
on la sala avec de la poudre à canon. Cette soupe s'est plus
d'une fois faite avec de la viande de cheval.
D'autres fois, des hommes gravement blessés sont in-
quiétés par l'ennemi, et l'on est obligé, pour les soustraire
à ses coups meurtriers, de les transporter brusquement et
de leur faire, par conséquent, éprouver des secousses pou-
vant leur devenir très préjudiciables.
« En 1831, au passage de l'Atlas, M. Baudens se trou-
vait seul à l' arrière-garde avec neuf hommes amputés des
membres inférieurs ou atteints de fractures , lorsqu'il fut
attaqué avec fureur par les Arabes. Il obtint du comman-
dant de l'arrière-garde neuf hommes pour porter à dos
ses blessés. Il s'arma d'un fusil, prit le commandement de
ce petit détachement, qui, au sortir des portes de fer, fut
assailli par une vive fusillade et eut sept hommes hors de
combat. Parmi ces nouveaux blessés, les uns purent con-
tinuer à transporter les premiers , et ceux qui ne le pou-
vaient pas, aidèrent au moins à placer leurs camarades sur
le dos des soldats qui n'avaient pas éprouvé d'accident
(Gama, Esquisse historique, p. 591).
On est quelquefois obligé de pratiquer à la hâte , sur le
champ de bataille, une opération très grave, comme une
amputation, une désarticulation. Dans certains cas même,
on n'a pas le temps de la terminer au lieu où on l'a com-
mencée, assailli qulon est par Pennemi, qui vous oblige à
battre vivement en retraite , si on ne veut tomber en son
pouvoir ou s'exposer par trop témérairement à ses coups.
— 103 —
Ainsi, M. Gama rapporte que, pendant les guerres de la
Restauration, il venait de pratiquer une amputation sur
le champ do bataille et avait encore les vaisseaux à lier,
lorsqu'il s'aperçut qu'il était seul avec son blessé , tant
chacun s'était laissé surprendre par la fuite. « Et alors,
ajoutc-t-il fort naïvement, je«crus réellement voir des es-
cadrons ennemis sur mon dos ; mais, voulant arrêter avec
certitude l'hémorrhagie, je ne tournai pas la lète, de peur
qu'un instinct de conservation ne me troublât dans cette
fin d'opération, qui demande une attention sérieuse. —
Suivez maintenant tous ces fuyards, dis-je à mon amputé;
on achèvera de vous panser plus loin (p. 557). » N'au-
rait-il pas été possible que l'opérateur, agissant dans une
pareille disposition morale et au milieu d'un pareil dan-
ger, eut oublié de lier une artère encore assez importante
pour fournir une hémorrhagie secondaire inquiétante ?
Si encore, après avoir traversé de pareils dangers et
subi pendant plus ou moins longtemps des privations si
dures, on trouvait au terme de sa course un hôpital bien
approvisionné, ou seulement un lieu très sain, les acci-
dents des blessures seraient moins fréquents, et on pour-
rait apporter du soulagement à ceux qui se sont déclarés
pendant la route ; mais il arrive quelquefois qu'on n'a ,
pour placer ses blessés, qu'un lieu bas et humide, une
ferme, une église, où ils sont entassés les uns sur les au-
tres, sur le sol, ou tout au plus sur de la paille, où, par
conséquent, l'air se vicie et devient un véritable poison
pour les blessures. Alors , les étranglements , la pourri-
ture d'hôpital, le tétanos , les résorptions purulentes, les
hémorrhagies secondaires ne tardent pas à se manifester
et moissonnent un grand nombre de victimes.
Le sort d'un homme blessé dans une circonstance de la
vie civile n'est en rien comparable à celui des soldats at-
_ 104 —
teints par le plomb du champ de bataille. Le premier, en
effet, à peine blessé, est tranportô à bras, ou sur un bran-
card, ou dans une voiture bien suspendue, chez lui, ou à
l'hôpital le plus voisin. Ce trajet se fait en quelques minu-
tes, et sans qu'il ait à subir la moindre vicissitude atmos-
phérique. Arrivé à sa destination, le blessé civil est placé
dans un bon lit, d'où on ne le dérangera qu'après sa gué-
rison, et trouve autour de lui des chirurgiens qui peuvent
remplir a leur aise, et avec toutes les ressources convena-
bles , les indications que présente sa blessure. Pendant
toute la durée du traitement, il ne manque ni de linge, ni
de boissons, ni d'aliments, et, chose indispensable, il jouit
d'un repos absolu. Ces quelques mots font parfaitement
sentir contre combien de causes délétères physiques ont à
lutter les chirurgiens d'armée dans le pénible exercice de
leurs fonctions.
Si maintenant nous passons à l'examen des causes mo-
rales qui influent sur les blessés , en aggravant les acci-
dents de leurs blessures ou en y donnant naissance, nous
verrons que les chances sont ici à peu près les mêmes
pour le soldat et pour le blessé civil.
Le caractère du malade doit se placer en tête de la liste
de ces causes. Tout le monde sait qu'il est des gens qui
supportent avec le plus grand courage les blessures les
plus graves, et que d'autres, au contraire, tremblent pour
ainsi dire à la moindre égratignure, s'exagèrent leur mal,
et que, chez ceux-là, la peur donne souvent lieu à de très
funestes accidents. Il est aisé de comprendre que les pre-
miers doivent être plus facilement guéris que les seconds.
Les annales de la science nous offrent des exemples frap-
pants de ces deux états moraux opposés ; ainsi , pendant
la bataille d'Àusterlitz, M. Gama pratiquait l'extraction
d'une balle engagée dans le masseter d'un soldat qui se
— 105 —
plaignait beaucoup, lorsqu'il entend à côté de lui un ca-
marade du patient disant d'une voix assez forte : « 11 peut
bien tant crier, celui-là; voilà une fameuse blessure! —
Vous avez raison, lui dit ce chirurgien, mais voyons la
vôtre. » Et en soulevant la capote de ce soldat, il aperçut
un flanc emporté, laissant presque à nu les viscères, qui
n'étaient plus retenues que par des portions de muscles
réduits en escarres larges comme les deux mains.
11 est des hommes doués d'un moral très fort, qui sup-
portent sans froncer le sourcil l'opération la plus doulou-
reuse, et d'autres chez qui l'idée seule de l'amputation
suffit pour produire de très graves accidents , et souvent
même la mort. C'est ainsi qu'après les grandes affaires,
où les projectiles de guerre donnent lieu à un nombre
considérable de mutilations, on entend quelquefois des
blessés dire à un chirurgien: «. C'est à moi, monsieur; ve-
nez me couper la jambe; mon voisin peut attendre. »
M. Baudens parle, dans sa Clinique des plaies d'armes à
feu, d'une Arabe à qui il réséqua la moitié de la tête de
l'humérus pendant qu'il était assis près de sa tente sur un
sac d'orge, et qui, après l'opération, continua à vivre avec
les siens, mangeant et buvant à peu près comme en bonne
santé, faisant route sur une mule et venant se faire panser
tous les quatre jours. Le même auteur cite encore le fait
d'un nommé Bocuijdra , chef de la tribu des adjoutes, qui
le conjurait, cinq minutes avant de subir l'amputation de
l'avant-bras, de la lui pratiquer le plus bas possible, afin
d'avoir un moignon suffisant encore pour donner à son
fusil un point d'appui convenable et conserver sur les tri-
bus, dont il était la terreur, son ascendant moral. Cet
homme récita pendant toute l'opération des versets du
Coran, sans pousser un cri, et après voulut absolument
manger ou se sauver. Enfin, un autre Arabe , amputé
— 106 —
aussi de Pavant-bras par M. Baudens, fit route à pied plu-
sieurs jours et refusa une place sous latente d'ambulance,
proférant passer la nuit au café qui accompagnait l'expé-
dition.
Voilà assurément des sujets à moral solide ', chez
lesquels les accidents consécutifs auront moins de prise
que chez les méticuleux , comme par exemple celui dont
voici l'histoire : c'était un soldat qui se trouvait, en 1834,
à l'hôpital de Metz, pour y être traité d'une simple érosion
au-devant de la jambe. Il entendit un jour deux officiers
de santé causer, en se promenant au milieu de la salle,
d'une amputation qu'on devait pratiquer le lendemain à
un de ses voisins, et prit pour lui ce qu'ils disaient. Tout
à coup, une vive révolution morale s'opéra chez lui : la
suppuration de sa plaie s'arrêta subitement; des accidents
cérébraux se déclarèrent , et au bout de deux jours , ce
malheureux avait cessé de vivre (Paoli, aide-major, thèse
pour le doctorat) .
Toutes les influences morales dont je viens de m'occu-
pcr dépendent de la structure naturelle du blessé , et sont
propres à sa constitution; mais il est des impressions mo-
rales subites dont le plus courageux, aussi bien que le
plus méticuleux, ressentent également l'influence, comme
la joie, la tristesse, qui résultent d'une visite inattendue,
agréable ou désagréable. Des mauvais traitements que les
vaincus ont à supporter des vainqueurs, le cliquetis des
armes blanches, l'explosion des armes à feu , le son des
cloches, etc., suffisent, dans certains cas, pour produire
des accidents très graves, et dans quelques cas le té-
tanos.
Un homme avait été admis dans les salles de l'Hôtel-
Dieu de Marseille, pour un coup de feu qu'il avait reçu à
la jambe droite le 15 février 1839, à onze heures du ma-
— 407 —
tin. On débrida de suite la plaie, et on fit l'extraction de
plusieurs esquilles appartenant au tibia. Le membre,
qu'on espérait conserver, fut placé dans un simple appa-
reil à fractures, sur lequel on établit des irrigations froides
continues, et on pratiqua deux saignées de 360 grammes.
Tout alla bien jusqu'au lendemain, à trois heures du midi,
heure à laquelle les trois filles du blessé vinrent lé voir et
pleurèrent pendant deux heures au chevet de leur père.
Elles partirent à cinq heures, et a huit heures du soir, ce
malheureux est pris d'un délire subit qui oblige à l'atta-
cher et qui dure toute la nuit. Le lendemain 17, la parole
est embarrassée, la face est pâle, la bouche entr'ouverte,
la peau chaude, le pouls petit, fréquent; tous les muscles
sont le siège de violentes contractions spasmodiques.
(Diète, potion avec sirop diacocle, 4 5 grammes.) Ces symp-
tômes allèrent toujours en augmentant, et le 48, à deux
heures du matin, le blessé avait cessé de vivre.
M.Beaumont , chirurgien-major cité par M. Gama, rap-
porte le fait suivant, au sujet des blessés qui, après la ba-
taille cl'Eslingen, furent laissés à Madrid en 1808 :
« Les soldats espagnols malades étaient traités au même
hôpital que nos blessés, mais dans des salles particulières.
D'autres militaires, parents ou amis des Espagnols, obte-
naient à des temps marqués la permission cle venir les
voir. Un jour, une trentaine entrèrent à la fois, et au lieu
de se rendre dans les salles des Espagnols, ils se portèrent
dans celles des Français , les parcoururent en prenant un
ton de hauteur et d'arrogance , parlant à nos soldats en
maîtres, les injuriant, les forçant de se coucher, les frap-
pant même et s'emparant de ce qu'ils possédaient, s'ils le
trouvaient à leur convenance. On s'empressa de faire sor-
tir ces perturbateurs insolents ; mais leur apparition hos-
tile et leur rapacité avaient fâcheusement agi sur le moral
~ 108 —
de no? hommes et hâtèrent la mort de plusieurs, car, le
lendemain, l'état de situation des malades portait trente-
deux décès. [Esquisse historique, etc., p. 467.)
Ces fâcheux résultats ne se sont pas manifestés dans les
hôpitaux militaires où on a eu soin d'interdire toute visite
de parents et d'amis, etc. ; aussi, M. H. Larrey dit-il, dans
sa Relation chirurgicale des événements de juillet au Gros-
Caillou: « L'état moral des militaires du Gros-Caillou n'a
pas été agité par l'impression naturelle des visites des pa-
rents ou amis, et cette cause a exercé dans les hôpitaux
civils, et notamment à THôtel-Dieu, une influence très no-
table, quoique secondaire, sur la mortalité. »
Le cliquetis des armes blanches, l'explosion des armes
à feu, le son des cloches, agissent sur le moral des blessés
en le maintenant dans un éréthisme continuel qui leur
rappelle les dangers qu'ils ont courus, ceux que courent
peut-être encore des personnes qui leur sont chères, sans
qu'ils puissent voler à leur secours, et lorsqu'ils appar-
tiennent au parti vaincu, assouvir leur rage dans le sang
des vainqueurs.
Je ferai remarquer, en dernier lieu , qu'on trouve une
preuve frappante de l'influence du moral sur les lésions
traumatiques en général, dans la différence de gravité qui
existe entre les blessures des enfants et celle des adultes.
Qu'un homme de vingt-cinq ans reçoive, en effet, un coup
de feu qui lui fracture un membre , son imagination sera
de suite en proie à mille tourments à propos de l'avenir,
peut-être , se dira-t-il , sera-t-on obligé de me couper le
membre, peut-être ne pourrai-je plus secourir ma famille,
et même pourvoir à ma propre subsistance ; qui sait si
je guérirai ?... Toutes ces idées tristes, et une foule d'au-
tres que je pourrais accumuler ici , servant constamment
de point de mire à l'imagination du blessé , influant d'une
— 109 —
manière fâcheuse sur la marche physique de la lésion
dont il est porteur, suffisent dans certains cas pour l'ag-
graver, et souvent même amènent une fâcheuse termi-
naison.
L'enfant , au contraire , dans l'existence morale duquel
les pensées sérieuses jouent un si petit rôle , l'enfant , vi-
vant pour ainsi dire d'une vie purement végétative , n'é-
prouve qu'une seule espèce de chagrin , lorsqu'il est gra-
vement blessé ; c'est celui d'être forcé de rester au lit ,
et de ne pouvoir s'amuser avec ses petits compagnons.
Aussi voit-on chez ces petits malades les blessures les
plus graves se guérir en très peu de temps. J'ai vu ,
il y a cinq ans , un enfant de deux ans à qui un chien
avait emporté , d'un seul coup de dent , la peau de la ré-
gion hyposgastrique, les deux tiers de la verge, les bour-
ses et les deux testicules , être sur pied un mois et demi
après, avec une verge de six lignes seulement , sans avoir
éprouvé le moindre accident. Qu'une pareille blessure
soit faite à un homme de trente ans , qui en concevra la
gravité et les tristes résultats, et on ne la verra pas, à coup
sur, se terminer si promptement et d'une manière si
bénigne.
Nous pourrions citer encore une foule de faits , prou-
vant l'influence heureuse ou malheureuse du moral sur
les blessures, mais ils n'ajouteraient rien à ceux que nous
venons de relater. Nous allons , dans le chapitre suivant ,
nous occuper des indications que présentent les plaies
d'armes a feu en général.
— 110 —
CHAPITRE III.
DES INDICATIONS QUE PRÉSENTENT LES PLAIES d' ARMES A FEU,
ET APPRÉCIATION DES DIVERS MODES DE TRAITEMENT Qu'lL
CONVIENT DE LEUR APPLIQUER.
Après s'être assuré que la blessure du malade n'exige
pas des soins prompts et immédiats, le chirurgien doit
examiner avec beaucoup d'attention toute la surface du
corps du blessé , car souvent le coup de feu qu'il vient de
recevoir peut avoir occasionné la chute du corps, et il
serait bien possible qu'il y eût une contusion , une frac-
turc dans un point plus ou moins éloigné de la blessure,
et ces lésions , en demeurant ignorées pendant un temps
plus ou moins long, pourraient faire courir de graves dan-
gers au malade. . . Ce précepte fort sage est tiré de Ledran,
Cela fait, les soins de l'officier de santé doivent être
dirigés vers la plaie faite par le projectile , laquelle exige
un traitement local et un traitement général. Le trai-
tement local comprend le déhridement , l'application
des différents topiques antiphlogistiques , la manière de
panser les blessés , et le traitement général embrasse la
diète , le régime , l'emploi des antiphlogistiques généraux
et les divers soins qu'exige pendant quelque temps la
surveillance des blessés, pour les empêcher par exemple
d'être soumis à l'action des impressions morales trop vio-
lentes , etc. Passons en revue chacun de ces moyens thé-
rapeutiques...
g I« r . — DÉBRIDEMENT.
Le débridement se pratique dans deux vues différentes :
î° pour s'opposer aux accidents inflammatoires , permet-
— iii —
trc aux parties débridées de se gonfler librement et s'op-
poser à l'étranglement , et 2° pour extraire les corps
étrangers. Il consiste clans un plus ou moins grand nom-
bre d'incisions faites dans différentes directions , dans les
tissus aponévrotiques et musculaires , à l'ouverture d'en-
trée et de sortie , ainsi que clans le trajet du projectile ,
avec un bistouri droit , simple ou boutonné , conduit par
le doigt ou la sonde cannelée. Nous ne nous occuperons
dans ce paragraphe que de la première espèce de clébri-
dement.
11 est des auteurs qui veulent qu'on pratique le débri-
dement dès que la blessure est reçue , afin de s'opposer
aux accidents ultérieurs , c'est ce qu'on nomme debride-
ment préventif ) d'autres, au contraire, veulent qu'on le
pratique plus tard et lorsque les accidents commencent
à paraître. Il en est , enfin , qui sont d'avis cle ne pratiquer
le clébriclement dans aucun cas cle plaie d'arme à feù
simple.
L'opération du débridernent a tour à tour été consi-
dérée comme utile, puis comme inutile, puis enfin comme
barbare. Ainsi Lecat dit , dans son Mémoire sur les plaies
tfarmes à feu, couronné en 1738 par l'Académie royale de
chirurgie : « On détend , on débride la partie affectée ,
principalement par de grandes incisions , au moyen des-
quelles la substance clés parties surchargées se dégorge ,
le cours des liquides interceptés se rétablit, les solides
n'étant pas tiraillés perdent leur éréthisme, et repren-
nent le calme si nécessaire aux louables opérations de la
nature (p. 152).
Percy recommande formellement, lorsqu'une plaie tra-
verse un membre, d'en débrider les ouvertures et le trajet
de manière à ce que les deux doigts indicateurs pénétrant
— 112 —
l'un par l'ouverture d'entrée, l'autre par l'ouverture de
sortie , aillent se rencontrer par leur extrémité dans le
milieu du trajet.
M. Hutin, au contraire, dit dans sa Relation chirurgicale
de la prise de Constantine , que le débridement est souvent
inutile et que les plaies guérissent tout aussi bien sans lui.
M. Baudens dit, dans sa Clinique des plaies d'armes à feu,
que jamais il n'emploie le bistouri pour opérer le débri-
dement préventif, et il n'hésite pas à condamner cette
méthode comme barbare et souvent nuisible (p. 30). Ce
reproche cle barbarie me paraît bien peu fondé , car il est
aisé de comprendre que les douleurs et les accidents con-
sécutifs d'étranglement qui arrivent dans certains cas,
parce qu'on n'a pas débridé , ou qu'on a débridé trop
tard, sont bien plus à redouter que la douleur d'un instant
qu'on occasionne à un blessé, auquel on débride une
plaie d'arme à feu. Continuant ensuite son examen cri-
tique du débridement, M. Baudens ajoute : « La bles-
sure opérée par le bistouri , ne différant pas essentiel-
lement de la première , et devant comme elle être suivie
des phénomènes de l'inflammation n'entraînera-t-elle pas
un nouveau débridement? » (p. 36.)
Il me semble en premier lieu que la plaie faite par
le bistouris diffère essentiellement de la plaie d'arme à
feu qui est le type de la plaie contuse par excellence ;
d'ailleurs le débridement pratiqué à l'aide de l'instrument
tranchant peut être suffisamment aggrandi tout d'abord
pour permettre aux tissus sous-jacents de se développer à
leur aise, et par conséquent n'avoir pas besoin d'être refait
quoiqu'il devienne le siège d'une inflammation plus ou
moins vive. L'incision résultat du débridement produit du
reste une saignée locale très avantageuse. C'est l'opinion
— 113 —
dé plusieurs chirurgiens distingués, et entre autres, île
M. Bêgin.
M. Baudens ajoute enfin, (pag. 39 et 40] « que le gon-
flement trouvera de l'espace pour se développer dans le
canal creusé par la balle dans l'épaisseur des parties
molles — et que même dans les plaies compliquées le
chirurgien pourra presque toujours se dispenser de débri-
der, et s'opposer à l'étranglement si dans le principe il a
eu soin de purger le trajet de la plaie de la présence des
corps étrangers, s'il a su combiner avec habilité l'emploi
des saignées générales, locales, et révulsives, les moyens
diététiques, les topiques, réfrigérants beaucoup trop né-
gligés, le repos, la position, et le bandage suffisamment
compressif. » Il me semble d'abord que le plus souvent
pour purger la plaie des corps étrangers qu'elle contient,
on a besoin de pratiquer des débridements plus ou moins
étendus. Je conçois alors qu'on n'ait plus à les pratiquer
pour s'opposer à l'étranglement. En second lieu, l'emploi
de quelques uns des moyens dont parle M. Baudens,
comme le repos , la position n'est pas toujours facile a
mettre en pratique, en expédition»
Que penser du débridement préventif en présence d'o-
pinions si contradictoires, et si nettement formulées? Pour
ce qui me concerne : je pratiquerai toujours le plutôt
possible le débridement des plaies d'armes à feu qui au-
ront leur siège aux membres recouverts d'aponévroses
fortes et résistantes, comme la jambe, la cuisse , ou sui-
des parties recouvertes d'une toile organique inextensible
comme le crâne ; je ferai des incisions longues et pro-
fondes suivant les cas, et je ne craindrai pas d'être appelé
barbare pour avoir causé au blessé une douleur de cinq
minutes, qui dans bien des cas lui aura évité des accidente
consécutifs mille fois plus graves, — Dans les autres ré~
— 114 —
gions dans lesquelles le développement du gonflement
traurnatique ne sera pas enrayé par une disposition orga-
nique ; j'attendrai,..
En pratiquant ce débridement on doit se conformer à
des règles qui se trouvent indiquées avec détail dans tous
tous les auteurs; comme de faire les incisions selon l'axe
des membres, d'éviter de léser, les vaisseaux, les nerfs, les
veines, de toucher les articulations etc. Je n'y insisterai
par conséquent pas davantage:
Quand une fois l'opération du débridement est prati-
quée, et qu'on a appliqué sur la plaie saignante un appa-
reil simple, on peut abandonner le blessé sur le fourgon
ou le cacolet qui doivent le transporter, et se dispenser a
moins de douleur vives, ou de tout autre accident de vi-
siter sa blessure pendant deux ou trois jours... Alors , il
supportera plus facilement les secousses du transport,
tandis que, si on se contente d'appliquer un pansement
provisoire sur un coup de feu reçu à la cuisse où à la tête,
on n'est pas sûr de ne pas rencontrer à la levée de ce pre-
mier appareil, qui souvent ne peut se faire que deux ou trois
jours après , un gonflement énorme du membre inférieur,
ou un érysipèle avec étranglement au cuir chevelu", et
alors les accidents qu'on veut éviter par le débridement
préventif sont déjà arrivés, il est trop tard.
§ II. — SANGSUES
Les auteurs qui ne sont pas partisans du débridement
se sont demandés si en appliquant autour de la blessure
une quantité plus ou moins grande de sangsues , on ne
remplacerait pas cette opération par la saignée abondante
qui résulterait de la morsure de ces animaux. Il en est qui
sont fortement partisans de ce moyen thérapeutique ,
d'autres au contraire lui trouvent de graves inconvénients,
— 115 —
ooomio par exemple, de favoriser la congestion sanguine
au lieu de la diminuer, de nécessiter souvent la levée de
l'appareil, et de former dans certains cas autant d'ulcéra-
tions qu'il y a de piqûres (Larrey). Il est plus rationnel
il me semble, une fois la nécessité d'une saignée locale
admise, de la pratiquer a l'aide du débridement , qu'à
l'aide des sangsues, dont l'effet n'est pas si prompt, et qui
dans certains cas peuvent manquer , tandis que l'offi-
cier de santé a toujours dans sa trousse un bistouri à l'aide
duquel il peut pratiquer un débridement à toute heure,
et en toute circonstance.
§ III. — TOPIQUES.
Dans le cours du xvi e siècle les erreurs admises sur la
nature des plaies d'armes à feu, multiplièrent d'une ma-
nière prodigieuse, les topiques qu'on appliqua à la surface
de ces solutions de continuité. Aussi Braunschweig, chi-
rurgien de Strasbourg, les regardant comme des plaies
envenimées, enfonçait un morceau de lard dans le trajet
de la balle , et donnait à l'intérieur la thériaque à l'effet
d'expulser le venin.
Jean de Vigo, et Alphonse Ferri de Faenza les regar-
daient aussi comme des plaies envenimées. Le premier
les cautérisait avec un fer rouge, ou de l'huile brûlante
dans la vue de détruire le poison qu'elles contenaient. Et
le second . y appliquait un caustique de sa composition
dans lequel entraient, le sublimé, le vitriol et la litharge.
On sait que c'est à Ambroise Paré que la chirurgie
française est redevable de la suppression de ces caustiques
cruels et en particulier de l'huile bouillante, dont il se
repent lui-même avec une grande naïveté de s'être servi
comme tousses autres prédécesseurs. Après ce grand chi-
rurgien la question des plaies d'armes à feu a été étudiée
— 116 —
avec soin, avec un esprit dégagé d'idées préconçues, et
après trois siècles d'observations et de recherches, on est
arrivé à s'en faire les idées très nettes que nous en avons
aujourd'hui, et à établir : que les solutions de continuité
qui nous occupent sont de véritables plaies contuses
n'ayant rien de spécifique, de vénéneux dans leur nature,
et n'exigeant pour guérir que l'application méthodique
des topiques ordinaires, tels que les émollients, les réso-
lutifs, et un pansement simple.
Les émollients sous forme de cataplasmes sont trop
lourds et surchargent trop la partie surtout si le blessé est
obligé de subir les fatigues d'une longue route, comme
cela arrive souvent en campagne. Du reste comme le talent
du chirurgien militaire consiste à faire beaucoup avec peu,
et à se servir des moyens les plus simples pour arriver à
ses fins, il est un topique qu'on peut se procurer facile-
ment et qui jouit peut-être plus que tous les autres de
propriétés sédatives, tempérantes, et antiphlogistiques , je
veux parler de F eau froide appliquée en permanence sur
la blessure.
L'eau froide s'oppose à l'afflux du sang vers la partie
blessée; elle y entretient une fraîcheur modérée, la rend
moins douloureuse, et peut, dans certains cas, même très
graves, triompher de tous les accidents consécutifs.
L'application de ce moyen thérapeutique exige quel-
ques précautions qu'il est bon d'indiquer, et sans lesquel-
les, elle pourrait être suivie d'accidents très graves et diffi-
ciles à combattre; ainsi, il faut continuer cette application
pendant un certain temps (au moins pendant quatre ou
cinq jours après une blessure simple), ne jamais la cesser
brusquement , sous peine de voir arriver une réaction
beaucoup plus dangereuse ordinairement et plus difficile
à combattre que les accidents qui seraient survenus pri-
— 117 -
mitivement et que son emploi a enrayés. A laide de ces
précautions, faciles à observer, on parviendra, dans la
plupart des cas, à obtenir de très bons effets de l'emploi
de ce moyen thérapeutique.
Dans un cas de plaie d'arme à feu. sans complications,
plus le pansement est simple, mieux il vaut; ainsi, après
avoir débarrassé, à l'aide d'une lotion froide, l'ouverture
ou les ouvertures de la solution de continuité , des caillots
de sang, de la terre, des grains de poudre qu'elles peu-
vent contenir, après avoir ensuite rasé la partie, si elle est
garnie de poils, et débridé ou non, selon les circonstan-
ces, voici quel est le pansement qui me paraît devoir être
préféré :
4° Placer immédiatement sur la plaie un morceau de
mousseline grossière trempée dans l'eau froide , ou dans
une décoction émolliente.
2° Recouvrir ce dernier d'un gâteau de charpie sèche.
3° Àssujétir ces diverses pièces avec une ou plusieurs
compresses et une ou plusieurs bandes trempées dans de
l'eau froide simple, ou aiguisée d'un peu de sous-acétate
de plomb liquide, si on veut la rendre encore plus réso-
lutive.
Ce pansement peut demeurer en place trois ou quatre
jours, et même plus, selon les circonstances, époque à
laquelle la suppuration s'établit et commence à détacher
l'escarre. Alors, on n'a plus a craindre les accidents pri-
mitifs, et il est complètement inutile de continuer l'em-
ploi de l'eau froide.
Quoique, dans certains cas, la plaie fournisse une abon-
dante suppuration, il ne faut pas, pour cela, être prodigue
de pansements et se laisser subjuguer par l'idée que le
pus aura une action funeste sur la solution de continuité.
J'ai toujours vu retirer de bons effets des pansements ra-
— 118 —
res. même dans les cas de grandes lésions traumatiques ;
ils seront donc à fortiori au moins innocents dans un cas de
plaie d'arme à feu traversant tout simplement les parties
molles d'un membre. « En général, dit M. Hutin, on dé-
couvre trop souvent les plaies qui suppurent, dans la pra-
tique civile; surtout on croit que la présence du pus est
une chose à craindre, et tous les jours on renouvelle les
pansements. C'est un grand vice qu'il appartient à la chi-
rurgie militaire de détruire. » (Pielation de la prise de Cons-
tantine, p. 67.)
Quand une fois on a placé sur la plaie le simple appareil
dont je viens de parler, le blessé peut continuer sa mar-
che, s'il est atteint sur un point des extrémités supérieu-
res; mais si le projectile a frappé, au contraire, les mem-
bres inférieurs, il faut, autant que possible, le placer sur
une voiture, de manière à ce que ses membres infé-
rieurs soient dans une position horizontale, car, sans cela,
la partie blessée devient bientôt le siège de vives douleurs
et d'un gonflement considérable, comme je l'ai vu arriver
souvent quand on place sur un cacolet un blessé atteint de
coup de feu à la jambe, au pied, au genou, etc.
§ IV. — TRAITEMENT GÉNÉRAL.
Si la plaie siège sur une région du corps d'une haute
importance physiologique, où, malgré toute sa simplicité,
elle pourrait déterminer des accidents fâcheux , comme à
la tête, sur les parois de la poitrine ou sur celles de l'ab-
domen, il faut, s'il survient de la fièvre et une réaction
tant soit peu violente, pratiquer au blessé un nombre de
saignées générales proportionné à l'intensité des accidents
qu'il éprouve et à la force de sa constitution. A l'aide de
ce moyen sagement et énergiquement employé, on par-
vient, dans bien des cas , à enrayer une affection très
— 119 —
grave, une pneumonie, une pleurésie, et dans les blessu-
res des membres, on diminue les chances d'étranglement..
Il faut priver les malades d'une quantité plus ou moins
grande d'aliments, souvent de leur totalité, leur faire sui-
vre un régime doux et les surveiller, afin de les empêcher
de faire des excès de boissons ou autres. « Il est bon, dit
Ledran, de s'informer de la manière dont vivait le blessé
avant sa blessure, car la diète ne doit pas être égale à tous
lès blessés; ainsi, lorsqu'un homme est naturellement
grand mangeur, on peut, et Ton doit lui accorder quelque
nourriture, qu'on refuserait avec juste raison à quelqu'un
qui serait dans le même état, et mangerait peu lorsqu'il
est en santé. »
Vouloir priver d'aliments certains peuples, lorsqu'ils
sont blessés, serait chose impossible; ainsi, M. Bagre,
chirurgien aide-major au 8 e chasseurs à cheval, rapporte,
dans le trente-unième volume des Mémoires de chirurgie
militaire, avoir vu en Afrique, à l'hôpital turc, les Arabes
blessés se livrer à leur appétit sans retenue, prendre du
café, manger de la viande , etc. D'après le rapport de cet
officier de santé, la plupart étaient étendus sur des nattes
très minces, baignés de pus corrompu par la chaleur,
exhalant une odeur infecte et ne comprenant pas la néces-
sité d'un régime diététique quelconque. On sait, du reste,
qu'il est parfois dangereux de priver de liqueurs spiri-
tueuses, lorsqu'ils sont blessés, certains peuples habitués
à en faire largement usage dans l'état de santé.
Dans des cas, très rares, il est vrai, les boissons spiri-
tueuses, qui, ordinairement, sont d'un emploi funeste,
paraissent avoir exercé une heureuse influence sur la mar-
che de blessures excessivement graves. Je laisse parler à
ce sujet M. Paoli, chirurgien aide-major au 8 e léger {.thèse
pour le doctorat , i 843) : a Si quelquefois, dit-il, les boissons
— 120 —
spiritueuses ont une influence fâcheuse sur les suites de
l'inflammation, quelquefois aussi, comme s'il y avait,
ainsi que le dit le proverbe, un Dieu pour les ivrognes, sang
qu'on puisse expliquer leur action autrement que comme
toniques , elles ont une influence incontestablement salu-
taire, ainsi que j'en ai recueilli un cas en Afrique, chez un
militaire atteint de fracture comminutive de la partie su-
périeure du fémur, suite d'un coup de feu. Il ne fut pas
amputé par le chef de service, qui ne voyait pas dans sa
blessure une indication franche d'amputation, et croyait
le malade perdu. Ce malade commençait à tomber dans le
marasme à la suite des pertes abondantes que la suppura-
tion lui faisait éprouver, et avait déjà un commencement
de diarrhée colliquative , lorsqu'au bout de quelques
temps, il s'opéra en lui un changement qui le fit échapper
comme par miracle à la mort, son rétablissement datant,
selon lui, du jour où, en cachette, il se livrait à de larges
libations de vin et d'eau-de-vie. La même observation a
été faite pour les nombreux amputés de l'affaire de la
Tafna : les opérés , quoiqu'ayant vidé un petit tonneau
d'eau-de-vie qui se trouvait dans une des voitures de
transport , non seulement n'éprouvèrent aucun accident
en route, mais encore se trouvèrent en bonne voie de gué-
rison. »
Après avoir lu de pareilles observations , qui semblent
autoriser, dans certains cas, l'emploi des spiritueux, il est
bon, pour ne pas se laisser leurrer d'un vain espoir, de
faire remarquer qu'une pareille chance se manifeste peut-
être une fois sur mille, et que bien des blessés paient cha-
que jour de leur vie le moindre écart, la moindre impru-
dence commis dans le régime qu'on leur trace. Enfin,
pour terminer ce qui concerne le traitement des plaies
d'armes à feu simples,, on doit faire prendre au malade,
— 121 —
dans le principe, et si les circonstances le permettent, des
boissons rafraîchissantes, le garantir, autant que possible,
des vicissitudes atmosphériques, éviter de le soumettre à
de vives impressions morales dont l'effet pourrait être fu-
neste, même dans un cas de plaie d'arme à feu très-
simple.
§ V, — TRAITEMENT DES PLAIES D'ARMES A FEU, AVEC LÉSION
DES OS.
Quand un projectile a borné son action à contusionner
un os, et qu'il en résulte une inflammation du périoste,
avec collection purulente sous-périostique , et plus tard,
par conséquent, nécrose de l'os , le traitement le plus ra-
tionnel consiste à employer dans le principe les topiques
émollients, et plus tard, lorsque la collection purulente
est formée, à l'évacuer dès qu'on le peut, car c'est elle qui
fait tout le mal, en dénudant l'os, dont la nécrose sera
d'autant plus étendue, que le pus aura séjourné et fusé
davantage sur la surface osseuse.
L'homme qui reçoit une balle qui lui fracture le fémur
dans un point quelconque de son étendue, tombe sous le
coup et se trouve, à dater du moment de sa blessure, dans
l'impossibilité absolue de mouvoir son membre et de s'en
servir en aucune façon. Pour un homme qui ne serait pas
blessé sur le champ de bataille , l'indication serait facile à
remplir, car le chirurgien aurait tout le temps nécessaire
pourexaminerlablessure,voirsila fracture est simple, si, au
contraire, elle est accompagnée d'un plus ou moins grand
nombre d'esquilles, si elle est compliquée de lésion d'ar-
tères, des veines, des nerfs; dans ce cas, il s'empresserait
d'extraire tous les corps étrangers, de lier les vaisseaux
ouverts, ou du moins d'arrêter l'écoulement du sang par
la compression, et enfin d'appliquer \m appareil propre à
— 122 —
s'opposer à la mobilité des fragments et à favoriser leur
consolidation.
Mais il est un adage vulgaire qui dit : à la guerre comme
à la guerre y et qui exprime très bien la différence existant
entre la manière de pratiquer la chirurgie militaire dans
un hôpital ou sur un champ de bataille. Dans le premier
cas , en effet » on est pourvu de toutes les ressources ima-
ginables, et on a devant soi tout le temps nécessaire; dans
le second cas, au contraire, il faut faire beaucoup en très peu
de temps, et souvent avec très peu de ressources. Ainsi,
qu'un soldat ait, comme je l'ai déjà supposé, une fracture
du fémur, il est évident qu'au milieu de l'action , sous le
feu de l'ennemi, et quelquefois au milieu d'une retraite,
on ne pourra s'occuper d'une thérapeutique achevée et
parfaite. On appliquera le plus promptement possible au
blessé , et souvent sans défaire ses pantalons , un appareil
contentif grossier , consistant en deux ou trois attelles ,
maintenues autour de la jambe et de la cuisse par des
bandes, ou toute autre espèce de lien solide, on le placera
sur une voiture ou un brancard, à l'aide duquel il sera
transporté à l'ambulance , ou , à proprement parler, seu-
lement on lui soignera sa fracture, La, les esquilles seront
extraites après des débridements plus ou moins larges-,
lhémorrhagie, provisoirement arrêtée sous le feu de l'en-
nemi par la compression , sera définitivement combattue
après la ligature du vaisseau lésé , ou par l'amputation du
membre , et enfin on procédera , si on peut conserver le
membre , à l'application d'un appareil permanent con-
venable.
Quand on fait partie d'un petit détachement, et qu'on
est loin de l'ambulance, on doit attendre la première
halte , le premier bivouac pour prodiguer aux blessés ,
atteints de fractures , les soins dont je viens de parler, et
— 123 —
quand on n'a pas à sa portée , au moment de l'accident,
des attelles et tout ce qu'il faut pour appliquer un appa-
reil provisoire indispensable ; il faut se créer ces ressour-
ces comme on le peut , et appeler à son aide l'inspiration
du génie, à l'aide duquel on fait souvent beaucoup , et
bien, avec peu de chose.
Quand les os longs , comme le fémur, le tibia, l'humé-
rus, sont atteints par une balle qui les traverse près de
leurs extrémités articulaires sans les fracasser, le panse-
ment est très simple, absolument comme celui que néces-
site une plaie d'arme à feu des parties molles. Alors il
n'est pas nécessaire d'appliquer un appareil à fracture.
Tous les auteurs s'accordent à considérer les frac-
tures comminutives des os longs par armes à feu ; et sur-
tout celles qui siègent sur le fémur, comme des cas d'am-
putation. C'est une question que nous examinerons plus
bas avec détail, quand il s'agira des plaies des membres.
Une fois la plaie débarrassée de tous les corps étrangers
qu'elle contenait, les vaisseaux liés , en un mot toutes les.
indications les plus pressantes remplies, quel est l'appareil
le plus convenable à appliquer autour d'un membre frac^
turé chez un soldat, qui doit parcourir encore une route
plus ou moins longue avant d'arriver à un hôpital fixe et
approvisionné de secours ?
Si la route qui doit être parcourue est courte, si on est
pourvu de moyens de transport commodes , et si on a la
possibilité de changer le pansement toutes les fois que
le cas l'exigera, après avoir appliqué sur la plaie un pan-
sement simple et arrosé d'eau fraîche, on entourera le
membre de l'appareil contentif simple à bandelettes sé-
parées , dont on trouve la description dans tous les au-
teurs. On apportera le plus grand soin dans sa confec-
tion , afin que les secousses du transport ne le défassent
— Î24 —
pas, et on ne îe serrera pas trop, pour permettre au gon-
flement primitif de se développer à son aise et sans trop
de douleurs pour le blessé. On fera bien ensuite d'arroser
îe tout pendant les quarante-huit premières heures , ou
les trois premiers jours , avec de l'eau froide , agent thé-
rapeutique puissant -, sur la vertu duquel nous avons déjà
insisté, et ordinairement assez facile a se procurer. Mais si
au contraire, le blessé doit faire une longue route sur des
chariots , mais suspendus , et sur un chemin inégal , il im-
porte de placer le membre dans un appareil inamovible ,
solidement construit, et pas trop serré cependant, en-
veloppant le membre depuis son extrémité digitale
jusqu'à son insertion au tronc. On pourra laisser à cet
appareil des ouvertures , au niveau de la plaie produite
par la balle et des incisions qu'on aura faites pour extraire
les corps étrangers, les esquilles. Ces ouvertures permet-
tront au pus de s'écouler librement au dehors , et facili-
teront l'application des différents topiques sur les solu-
tions de continuité.
J'ai dit un peu plus haut qu'ils ne fallait pas trop serrer
l'appareil inamovible, car sans cela on s'expose à voir le
gonflement entravé dans sa marche, et la gangrène surve-
nir, surtout dans un membre de l'intérieur duquel on
n'aurait pas scrupuleusement extrait toutes les esquilles
On ne doit pas balancer un seul instant à fendre un appa-
reil inamovible dans toute sa longueur, et à l'enlever pour
en appliquer un second de même nature ou de nature
différente, si quelque temps après son application on en-
tend le blessé se plaindre de douleurs vives occasionnées
par sa dureté, ou par sa trop grande constriction. En
négligeant de se conformer à ce sage précepte on s'expose
souvent à donner naissance à des accidents très redou-
— 125 —
tables, et quelquefois irrémédiables Le cas suivant con-
firme pleinement la proposition que j'avance.
Un homme entre a la clinique de l'Hôtel-Dieu de Mar-
seille pour une fracture simple du tibia gauche. Les par-
I ties molles sont le siège d'un gonflement, assez considé-
rable, et les environs de la fracture sont ecchymoses. On
applique tout d'abord quelques résolutifs, et le quatrième
jour on enferme le membre dans un appareil amidonné.
Le soir, a la contre-visite, le malade a de la fièvre et se
plaint que son bandage est un peu serré, on ne l'écoute
pas croyant que ses plaintes sont exagérées. . . le lendemain
même plaintes. . . enfin le troisième jour on est frappé à la
visite, de l'odeur de sphacèle qu'exhale ce malheureux, on
coupe son appareil, et on trouve toute la peau de la région
jambière antérieure sphacelée. Les fragments delà frac-
ture baignaient dans une matière ichoreuse et fétide , et
huit jours après, cet homme avait succombé. (Extrait de
ma thèse pour le doctorat décembre 1840).
L'appareil dont il est ici question est connu depuis
fort longtemps , puisque l'idée première en remonte à
Galien qui dit ( Opéra omnia, tom. iv, page 176 bis, edito
veneta, 4619). «...Pour panser les os fracturés, prenez
delà poix, de l'encens en poudre, des fleurs de mauve,
du blanc d'œufs, et des dattes. Mêlez le tout ensemble,
et appliquez le composé avec des étoupes, des com-
presses et des bandes... De siècle en siècle la matière
plastique a subi des perfectionnements, on y a tour à tour
ajouté et substitué diverses substances qu'il serait trop
long d'énumérer, et dont les principales sont : la farine de
seigle (Monteggia). — Le vinaigre camphré (baron Lar-
rey). — L'acétate de plomb liquide (baron H. Larrey). —
L'amidon (Seutin). — La dextrine (Velpeau). La substance
dont je crois l'emploi préférable, et dont je me servirai
— 126 —
dans l'occasion est une solution d'amidon qu'on peut
préparer d'avance, et se procurer dans presque toutes les
circonstances, tandis qu'en expédition on n'a pas toujours
des œufs h son service, or nous savons qu'en chirurgie
militaire il faut viser au plus simple, au plus facile, et au
plus sûr.
On seconde ensuite l'application des moyens locaux
dont je viens de parler par la diète, les boissons délayantes,
et l'emploi des saignées générales faites en nombre pro-
portionné à l'intensité des accidents et la constitution plus
ou moins vigoureuse du sujet.
11 n'est pas besoin de dire, que tous les blessés atteints
de fractures aux membres inférieurs devront être placés
autant que possible dans la position horizontale , tandis
que les soldats porteurs de fractures aux membres supé-
rieurs , pourront, s'ils n'ont pas perdu trop de sang, et
surtout s'ils sont doués d'un moral énergique continuer
encore plus ou moins longtemps à marcher dès que leur
fracture aura été entourée d'un appareil solidement ap-
pliqué.
Je n'insisterai pas longtemps sur le traitement des acci-
dents terribles accompagnant; dans certaines circonstan-.
ces les fractures comminutives des membres, tels que, fu-
sées purulentes très étendues, étranglement, gangrène;
dans la majorité des cas , ils entraînent la mort du
blessé t malgré l'emploi le mieux entendu des moyens
thérapeutiques. Il n'y a qu'un moyen d'en triompher :
c'est de pratiquer à temps l'ablation de la partie frac-
turée.
Les fractures, suites de coup de feu, sont souvent ac-
compagnées, après leur consolidation, de difformités dans
les membres blessés, et en second lieu, comme elles sont
très longues à guérir, les articulations voisines se rouil-
_ 127 —
lent, pour ainsi dire, par le long repos auquel elles sont
soumises, et restent souvent des mois , et môme des an-
nées, avant de reprendre le libre exercice de leurs fonc-
tions, dont il faut aider le rétablissement par des frictions
huileuses et camphrées, et en tenant constamment le mem-
bre sous l'influence d'une douce température. L'usage de
certaines eaux minérales peut aussi quelquefois produire
de très bons effets en pareille circonstance.
Il arrive enfin que, chez quelques blessés, des esquilles
secondaires ou tertiaires mettent un temps infini à se dé-
tacher des parties environnantes, d'où résulte l'établisse-
ment de ces fistules en cul-de-poule, si faciles à reconnaî-
tre quand on a eu l'occasion d'en voir seulement quelques-
unes. Ces fistules persistent jusqu'à ce que la plaie ne
contienne plus de corps étrangers , et fournissent, dans
certains cas, une suppuration assez abondante.
Les os plats entrant dans la composition des parois des
cavités splanchniques, comme ceux du crâne, ceux de la
poitrine, se fracturent ordinairement en un assez grand
nombre d'esquilles, qu'il faut s'empresser d'extraire, parce
qu'elles agissent d'une manière funeste sur les organes
sous-jacents, qu'elles piquent, irritent, enflamment, com-
priment. Nous verrons, en nous occupant des plaies de
tète et des plaies de poitrine > les désordres qu'elles peu-
vent produire sur le cerveau et sur les poumons. On enlè-
vera sur le champ celles qu'on sentira les plus mobiles,
celles qui seront le plus à la portée des doigts et des ins-
truments. On appliquera sur la plaie un appareil simple,
et on attendra la circonstance propice la plus proche ,
pour ramener la plaie à des conditions de simplicité.
Quand les os courts, atteints par une balle, sont peu
volumineux, comme ceux du carpe» ils sont brisés en
mille fragments et nécessitent l'amputation de la partie du
niembrc immédiatement supérieure ; mais sils sont plus
volumineux, ils peuvent, non seulement fournir plu-
sieurs esquilles qu'il faut s'empresser d'extraire, mais en-
core contenir le projectile dans leur intérieur. Il résulte de
cette dernière circonstance des suppurations et des fistules
qui durent jusqu'à l'expulsion naturelle ou l'extraction du
corps étranger. J'ai cité plus haut un cas de ce genre, re-
latif au calcanéum.
§ VI. — TRAITEMENT DES PLAIES ^ARTICULATIONS.
La blessure des petites articulations, comme celles des
phalanges entre elles, est, en général, de peu de gravité, on
peut s'opposer à toute espèce d'accident, si de bonne heure
on a soin de régulariser la surface de la plaie , d'enlever
toutes les petites esquilles qu'elles contient, ou de pratiquer
soit une désarticulation facile , soit une amputation dans
la continuité des phalanges, on peut ensuite tenter la
réunion immédiate qui généralement ne se fait r pas long-
temps attendre, tandis que, si on s'est contenté d'extraire
les esquilles , la réunion ne se fait qu'après suppuration
comme dans tous les cas de plaies d'armes a feu. Mais le
danger grandit à mesure que le volume de l'articulation
augmente. Si par exemple, une balle traverse l'articula-
tion huméro-cubitale , la radio-carpienne , la tibio-tar-
sienne, la fémoro-tibiale, alors, de deux choses, l'une, ou
le projectile a traversé l'extrémité articulaire d'un de ces
os sans produire de fragments, et en s'y creusant tout
simplement un canal, ou bien il a donné lieu à la forma-
tion d'un nombre plus ou moins considérable d'esquilles
qui , en pénétrant dans l'articulation y causeront des acci-
dents inflammatoires de la plus haute gravité. Dans le pre-
mier de ces deux cas, on peut après avoir débridé les deux
ouvertures et soumis le blessé à un traitement antiphlo-
— 129 —
gistique générale énergique, espérer de conserver le mem-
bre ; mais il faut pour cela , je le répète , ne pas craindre
de faire de bonne heure de grandes incisions , pour donner
issue aux collections purulentes qui pourraient se former
plus tard , et procurer un libre champ au gonflement in-
flammatoire , d'appliquer dans le principe autour de la
partie blessée un grand nombre de sangsues , et de faire
des saignées générales en nombre proportionné à la gra-
vité des accidents et à la constitution du sujet... Malgré
toute l'assiduité des soins qu'on prodigue au blessé dans
un cas pareil , il est rare qu'il conserve après la guérison
l'intégrité des mouvements de son articulation, qui devient
assez ordinairement le siège d'une ankylose.
Dans le second cas, c'est-à-dire quand l'articulation est
le siège de grands désordres , il n'y a que deux moyens
thérapeutiques à employer : 1° l'amputation du membre
au dessus de l'articulation ; 2° ou seulement la résection
des extrémités articulaires. L'amputation est préférable .
pour bien des motifs, pour les grandes articulations, comme
la fémoro-tibiale, la coxo-fémorale , etc. Elle est préféra-
ble d'abord, parce qu'elle est plus promptement exécutée
que la résection , promptitude qui doit être prise en con-
sidération sur le champ de bataille ; ensuite parce qu'en
pratiquant l'amputation , on enlève non seulement les os
comminués , mais encore les portions de chairs contuses
parle projectile, qui, étant plus ou moins conservées dans
la résection , suffisent dans certains cas pour établir la
suppuration ou pour la prolonger, et empêcher par consé-
quent la réunion immédiate.
On se demande, d'un autre côté, si, quand une at>
ticulation aussi vaste que la coxo-fémorale est blessée,
il ne vaut pas mieux essayer de conserver le membre par
la résection que d'en priver îe blessé , en lui faisant subir
9
— . 130 —
une des plus affreuses mutilations que la chirurgie pro-
duise sur le corps humain. La solution de cette question se
trouve tout entière renfermée dans l'observation de résec-
tion fémoro-iliaque pratiquée sous les murs d'Anvers par
M. Seutin, sur un soldat nommé Lisieux. On y voit l'opéra-
teur obligé d'extraire six pouces environ du fémur par une
énorme incision partant en haut de la crête iliaque et des-
cendant jusqu'à trois pouces au-dessous du grand trochan-
ter. Croit-on que les douleurs occasionnées par une opéra-
tion si longue, agissant sur une surface si large, ne peuvent
pas être mises en parallèle avec les douleurs violentes, il
est vrai , mais si courtes , de la désarticulation? Et au
moins, dans ce cas, a-t-on plus de chance de réunion im-
médiate.
Je crois, pour mon compte, que, dans les cas de plaies
d'armes à feu aux articulations de second et de troisième
ordre, il faut préférer la résection à l'amputation, tandis
que je regarde ce moyen comme préférable pour les arti-
culations de premier ordre , comme la coxo-fémorale , la
tibio-fémorale, etc.
Il y a des blessés qui se refusent à l'amputation ou à la
désarticulation de leur membre ; ceux-là courent de gran-
des chances de mort. Voici quelle est la conduite qu'on
doit tenir à leur égard : simplifier la plaie autant que pos-
sible, placer le membre dans un appareil à fracture ordi-
naire et s'opposer avec énergie, par les antiphlogistiques
et le débridement, àl'invasion des accidents inflammatoires.
Plus tard, quand la suppuration est arrivée, il faut donner is-
sue au pus par de nouvelles incisions pratiquées au point
le plus déclive et attendre patiemment la guérison par an-
kylose, qui n'arrive que très rarement, pour ne pas dire
jamais, « car, dit Lcdran , si le chirurgien est assez heu-
reux pour empêcher tous les accidents dont ces sortes de
— 131 —
plaies sont susceptibles, ou pour en arrêter les progrès, il
doit craindre que la plupart de ses malades ne périssent,
dans la suite du traitement, par le marasme ou parle cours
de ventre, suites assez ordinaires des longues suppura-
tions. » (Réflexions tirées de la pratique des plaies d'armes à
feu, p. 220. )
Quand il se présente une fracture comminutive produite
par un projectile à la partie moyenne d'un membre volu-
mineux comme la jambe, que la vue ou le tact font recon-
naître des fissures osseuses pouvant s'étendre jusqu'à l'ar-
ticulation immédiatement supérieure, quand l'existence
des désordres articulaires dont je parle est confirmée par
des douleurs plus ou moins vives dans cette articulation,
il ne faut pas craindre d'amputer au-dessus d'elle; agir
autrement serait peine perdue et serait vouloir causer au
blessé d'inutiles douleurs. On en serait bientôt convaincu
par la prompte apparition des accidents articulaires. J'ai,
du reste, cité à l'appui de ce précepte un cas fort remar-
quable, à la page 4 4.
§ VII. — TRAITEMENT DES PLAIES DARMES A FEU, AVEC LÉSION
DES VAISSEAUX.
Quand nous nous occuperons de l'hémostatique , nous
aurons à revenir plus bas sur les moyens d'arrêter les hé-
morrhagies. Nous nous contenterons de donner dans ce
paragraphe quelques préceptes généraux sur les soins à
donner aux blessés atteints de lésions de vaisseaux plus ou
moins volumineux, et à ceux chez qui on soupçonne l'exis-
tence de cette grave complication.
Quand un vaisseau artériel de quatrième, troisième, et
même de second ordre, est ouvert, à la suite d'une plaie
d'arme à feu, nous avons vu qu'ordinairement il ne four-
nissait pas d'hémorrhagie. Le chirurgien se contentera
— 132 —
alors d'appliquer sur la blessure un pansement simple ;
mais, averti par ses connaissances anatomiques , et d'a-
près la situation de la blessure , que telle ou telle artère
peut avoir été touchée par le projectile, il surveillera son
malade avec beaucoup de soin tant qu'il lui sera confié ,
et le recommandera à l'attention de celui qui sera chargé
de le traiter plus ou moins longtemps après l'action.
Si des artères volumineuses comme la crurale, la caro-
tide ont été ouvertes par des projectiles, ou bien la plaie
de leur calibre est assez petite pour être bouchée par l'es-
carre, et alors il n'y a pas d'écoulement primitif de sang,
ou bien, au contraire, la plaie est large, et alors ce der-
nier s'effectue avec une rapidité et une abondance vrai-
ment effrayantes, devenant bientôt funestes au blessé, si
l'art n'intervient promptement. Quand il n'yapasd'lïémor-
rhagie primitive et qu'on soupçonne pourtant une lésion ar-
térielle, il faut établir entre la blessure etlecœur un point de
compression de précaution et se tenir sur le qui vive , dans
la crainte d'être assailli par une hémorrhagie secondaire
qui serait d'autant plus funeste qu'on s'y attendrait moins
et qu'on serait dans la pénurie cle moyens hémostatiques
préparés d'avance; mais quand l'écoulement du sang ar-
tériel au-dehors avertit manifestement le chirurgien du
danger que court son malade, il doit d'abord arrêter l'hé-
morrhagie par une compression bien faite, soit avec un
garot, un compresseur, de la charpie et des bandes, en un
mot, avec ce qui sera le plus a sa portée, car, en pareil
cas, le moindre retard est préjudiciable, et sur le champ
de bataille, il faut agir tuto et cito. Il attendra ensuite l'oc-
casion la plus prochaine et la plus favorable pour prati-
quer la ligature du vaisseau au-dessus du point blessé.
La lésion des artères et des veines renfermées dans les
cavités splanchniques occasionne des accidents très graves,
~ 133 —
et contre lesquels l'art est bien souvent d'une nullité dé-
sespérante. Nous y reviendrons dans la seconde partie de
notre travail à l'occasion des plaies de poitrine et de Y ab-
domen.
Dans la plupart des cas, on arrête avec assez de facilité
l'écoulement de sang résultant de l'ouverture des veines
des membres, en exerçant une compression modérée entre
la blessure et les extrémités digitales de ces membres.
11 n'y a qu'un petit projectile , comme un plomb de
chasse, qui soit susceptible de déterminer un anévrisme
artérioso-veineux par la lésion simultanée d'une artère et
d'une veine. Cette affection n'exige aucun traitement ex-
temporané spécial sur le champ de bataille ou sur le lieu
ou elle est produite; elle n'a besoin que de soins consécu-
tifs qu'on trouve consignés dans tous les auteurs,
§ VIII. — TRAITEMENT DES PLAIES p' ARMES A FEU , AVEC LÉSION
DES NERFS.
Quand un filet nerveux a été incomplètement coupé ou
contus, il n'y a qu'un seul moyen de faire cesser les dou-
leurs, ordinairement très violentes, qu'éprouve le blessé :
c'est d'en achever la section. Sans cela, on applique en
vain toute la série des émolliens et des narcotiques.
Quand plusieurs filets nerveux d'un membre ont été
coupés et qu'il en résulte le sphacèle de ce dernier. L'am-
putation est le seul moyen à employer pour sauver les jours
du blessé.
Dans certaines circonstances une portion du système
nerveux se trouve commotionnée, ébranlée, il en résulte
un trouble dans les fonctions de ces nerfs se manifestant
par des engourdissements, des paralysies même des orga-
nes qui en reçoivent leur influx nerveux. On voit souvent
par exemple, à la suite des blessures des régions sus et
— 134 —
sous claviculaires , axillaire , survenir des paralysies du
membre supérieur correspondant, qui souvent sont très re-
belles malgré l'emploi le mieux entendu de tous les moyens
thérapeutiques voulus en pareil cas, qui sont, les frictions
sèches, renduesplus tard excitantes, l'application d'un nom-
bre variable de moxas sur le trajet des principaux filets
nerveux du membre. Ces derniers agissent en excitant for-
tement, en réveillant pour ainsi dire la sensibilité endor-
mie, et c'est à leur aide que le Baron Larrey rapporte avoir
obtenu la guérison de certaines paralysies durant déjà de-
puis très longtemps, et qui semblaient devoir être incura-
bles.
Quand un projectile a pénétré dans nos tissus, où il est
demeuré après avoir contus ou déchiré une portion quel-
conque du système nerveux, il y entretient des accidents
souvent fort graves qui ne cessent que lorsqu'on l'a extrait.
Il faut donc s'occuper en première ligne de l'extraction de
ce corps étranger, et si on ne peut parvenir à la pratiquer,
se rejeter alors sur l'emploi des narcotiques, servant au
moins à calmer les souffrances des malheureux blessés.
Nous reviendrons plus bas sur la lésion des nerfs consi-
dérée dans chaque région du corps en particulier.
§ IX. — TRAITEMENT DES PLAIES D* ARMES A FEU AVEC LÉSION
DES VISCÈRES.
Nous avons vu plus haut que la gravité des blessures
viscérales se déduit : 1° de l'importance des fonctions phy-
siologiques que ces organes sont chargés de remplir, 2° des
fréquents accidents inflammatoires qui les accompagnent
3°. de l'épanchement de substances irritantes qui à leur
suite s'opère presque toujours dans l'intérieur des cavités
séreuses si inflammables.
Les vues de la thérapeutique doivent donc se diriger
— 135 —
spécialement contre ces trois accidents, elles consistent
dans un petit nombre d'indications fondamentales qu'on
doit remplir dans tous les cas dès qu'on le peut. Ce sont :
1° l'emploi d'abondantes saignées locales et générales;
2° l'extraction, si elle est possible, des corps étrangers
consistant ordinairement en épancliement sanguin, bilieux,
stercoral, urinaire, 3 e et enfin l'usage des moyens aptes à
empêcher la continuation de cet épancliement, comme
l'entéroraphie dans une plaie intestinale, la gastroraphie
dans celle de l'estomac, l'introduction d'une sonde dans
l'urètre, dans les lésions de la poche urinaire.
Outre ces corps étrangers provenant des viscères lésés,
il en est d'autres qui sont produits par les parois des ca-
vités viscérales, comme les esquilles des os du crâne, des
côtes, dans les plaies de tète et dans celles de poitrine. Il
est évident qu'il n'y a pour ces derniers aussi qu'une seule
indication principale, celle de l'extraction.
Ayant à examiner plus en détail dans la seconde partie
de ce travail, les plaies de chaque viscère en particulier, et
leur traitement, il est inutile d'y insister plus long-temps
dans ce chapitre.
§ X. — TR4ITEMENT DES PLAIES D' ARMES À FEU, COMPLIQUÉES
DE COMMOTION ET DE STUPEUR.
La commotion et la stupeur sont deux accidents des
plaies d'armes à feu qui n'exigent aucun traitement spécial,
et se dissipent d'eux mêmes quand ils proviennent d'une
cause qui ne les a pas développés a un degré très élevé ,
Dans ce cas, ils ne constituent pour ainsi dire pas des ac-
cidents à proprement parler, et sont des complications ha
bituelles de presque toutes les blessures. Chacun sait en
effet, que la moindre contusion à la tête est suivie de ver-
tiges, d'éblouissements, et que tout blessé éprouve, lors de
~~ 136 —
son accident, un petit moment de commotion, de stupeur,
qui se dissipe promptement, et qui dans certaines circons-
tances, est aussi rapide que la pensée.
Mais, quand la commotion a été plus violente, quand
elle a anéanti pendant un certain temps les fonctions d'un
organe; elle constitue une complication véritablement
grave contre laquelle il faut diriger des moyens capables
d'exciter l'organe commotionné, et de lui faire reprendre
ses fonctions. Quand c'est le cerveau qui est commotionné
on y parvient par les frictions sèches à l'extérieur, par
l'application de sinapismes aux extrémités inférieures en
mettant en contact avec la muqueuse nasale des vapeurs
irritantes, puis, quand l'organe sort de l'espèce de som-
meil dans lequel il était plongé, il survient ordinairement
une réaction variant de force selon le degré de la commo-
tion, réaction qui nécessite l'emploi d'une ou plusieurs
saignées générales. Au sujet delà commotion cérébrale; il
est bon de recommander aux praticiens la plus scrupuleuse
attention pendant quelques jours, à l'égard de leurs mala-
des commotionnés , car souvent on voit arriver quatre,
cinq, six, ou huit jours après l'accident, une inflammation
cérébrale, qui serait d'autant plus dangereuse qu'on ne
se serait pas attendu à son apparition , et qu'on n'aurait
enrayé son développement latent par aucune médication.
La stupeur a aussi comme la commotion sa période de
réaction. Le chirurgien doit appeler cette dernière, et sa-
voir la modérer lorsqu'elle est arrivée.
On peut profiter delà période d'anéantissement, quand
toute fois elle n'est pas profonde, pour pratiqueras diffé-
rentes opérations chirurgicales que nécessite la blessure,
car malgré l'opinion de quelques auteurs, je crois que ce
moment doit être choisi de préférence, d'abord parce que
le blessé ressent moins de douleurs à la suite des manœu-
— 137 —
vres auxquelles se livre le chirurgien, et ensuite parce que
ce dernier n'aura jamais la certitude de l'instant ou il sera
maître d'opérer, s'il est obligé d'attendre la cessation de
la stupeur qui n'arrivera peut-être qu'après vingt quatre
ou quarante huit heures, et sera immédiatement remplacée
par une réaction contre indiquant tout aussi bien qu'elle
toute manœuvre opératoire.
Quand la stupeur se termine par la gangrène de la par-
tie blessée, il est urgent de pratiquer l'ablation de cette
dernière, dès que les circonstances le permettent.
§XI. — TRAITEMENT DES PLAIES d' ARMES A FEU, COMPLIQUÉES
DE DOULEURS.
La douleur qui accompagne immédiatement toute plaie
d'arme à feu, est trop fugitive pour qu'on puisse diriger
contre elle des moyens thérapeuthiques. L'art n'a de prise
que sur la douleur de réaction, sur celle qui se développe
plus ou moins longtemps après l'accident, et qui est pro-
duite par des causes très variables. On conçoit que le
traitement le plus logique à opposer à la douleur, sera
celui qu'on dirigera contre la cause qui lui donne nais-
sance. Ainsi : un blessé dont les chairs d'un membre seront
piquées parles esquilles d'une fracture comminutive, sera
délivré de ses douleurs immédiatement après l'extraction
de ces pièces osseuses. Celui à qui une balle aura contus ou
déchiré à moitié un filet nerveux, sera soulagé dès qu'on
aura achevé la sectiori de cette branche nerveuse. Enfin,
celui qui éprouvera les douleurs si violentes de l'étrangle-
ment, cessera de se plaindre, dès qu'on aura permis au
gonflement de se développer en pratiquant des incisions
convenables.
— 138 —
§ XII. — TRAITEMENT DES PLAIES D'ARMES A FEU, COMPLI-
QUÉES d'étranglement.
L'étranglement a son moyen thérapeutique chirurgical,
spécifique, c'est le débridement, qui consiste, comme nous
l'avons déjà dit en un nombre plus ou moins considérable
d'incisions variant de longeur et de profondeur, suivant le
volume de la partie ou siège l'étranglement. Ces incisions
permettent aux tissus enflammés de se gonfler à leur aise,
et au chirurgien d'extraire avec facilité les corps étran-
gers que la plaie peut renfermer. Le débridement pratiqué
à temps calme les douleurs des blessés, et imprime à la lé-
sion traumatique une marche favorable, mais s'il est fait
trop tard, alors que la suppuration a déjà eu le temps de
fuser au loin dans les interstices musculaires, on doit se
méfier de l'abondance du pus, qui affaiblit le malade, l'ex-
pose à la résorption purulente, au marasme, et peut dans
bien des cas faire repentir le chirurgien de n'avoir pas
opéré plus promptement.
§XI11. — TRAITEMENT DES PLAIES D'ARMES A FEU, COMPLI-
QUÉES DE CORPS ÉTRANGERS.
Tous les chirurgiens sont d'un accord unanime sur la né-
cessité d'extraire les corps étrangers, qu'on peut regarder
comme de véritables ennemis enfermés dans notre organi-
sation, y développant une foule d'accidents très graves, et
s' opposant à la cicatrisation de la moindre blessure tant
qu'on n'en pratique pas l'extraction. Il est des cas cepen-
dant où le séjour d'un corps étranger dans l'économie cau-
se moins d'accidents que ceux qui suivraient son extrac-
tion, alors il convient de l'y laisser, d'après le conseil de
plusieurs auteurs recommandables. Mais ces cas ne cons-
tituant qu'une très rare exception, occupons nous de la
règle générale.
— 139 —
« .... Beaucoup de praticiens , dit M. Laroche , ont été
trop prodigues d'incisions. Je suis loin cependant de blâ-
mer une certaine hardiesse lorsqu'on est à la recherche
d'un corps étranger. Une incision qui procure la sortie
d'un corps étranger n'a jamais été reprochée, car, qui ne
connaît la douce joie d'un blessé , lorsque l'homme de
l'art lui met sous les yeux la balle auteur de tous ses
maux; cette vue seule le console, sa joie se manifeste
aussitôt , et dès lors il ne doute plus de son retour à la
santé. Cet état exerce l'influence la plus heureuse sur sa
guérison, il en éprouve de nouvelles forces, et date, pour
ainsi dire , sa convalescence de ce moment. Dans le cas
contraire , des pressentiments sinistres s'emparent de lui ,
il se croit perdu sans ressource, 11 est donc de la plus
haute importance de réussir dans cette extraction » [Re-
lation des événements de Lyon, pag. 33).
Ces lignes sont pleines de vérité , et on voit se réaliser
chaque jour dans les hôpitaux les faits qu'elles contien-
nent. Qui n'a souvent vu, en effet, un calculeux disputer
au chirurgien, qui l'a opéré, la pierre que ce dernier vient
de lui extraire de la vessie ? Qui n'a vu un homme à qui
l'on a enlevé des esquilles, les ramasser soigneusement.,
les plier dans un linge , et les conserver précieusement
comme une espèce de relique , qui lui rappelle les souf-
frances qu'il a endurées , et qui lui fait apprécier le bon-
heur qu'il éprouve à en être débarrassé... L'extraction
des corps étrangers est donc une indication indispensable
et naturelle ; examinons maintenant quelle est l'époque
à laquelle on doit la pratiquer.
D'après les accidents que nous leur avons vu produire,
lorsqu'on les laisse renfermés au milieu des tissus , il est
évident que plus vite on peut les extraire, mieux cela
vaut. Mais souvent on n'est pas maître d'agir selon que les
— 140 —
indications le comportent , et on se trouve dans telle ou
telle circonstance qui , obligeant de retarder l'opération
dont il s'agit , donnent le temps à des accidents plus ou
moins graves de se développer.
Quand on se trouve dans une ville assiégée, ou les am-
bulances, situées près des remparts, sont approvisionnées
de tous les secours nécessaires , on peut immédiatement
pratiquer cette extraction , mais sur le champ de bataille,
ou l'on est souvent obligé de panser les blessés avec une
grande promptitude pour les soustraire aux coups de l'en-
nemi , qui vous attaque vigoureusement ; il est impossible
de se livrer aux manœuvres, la plupart du temps longues et
délicates, que nécessite l'extraction des corps étrangers.
Aussi ne conçois-je pas trop l'utopie suivante, formulée
par un chirurgien aussi expérimenté que Percy : « . . . Dans
les sièges, dit-il, on enlève de suite les corps étrangers,
il n'en est pas de même dans les batailles ; on s'en tient
généralement à l'application d'un simple appareil ; ne
vaudrait-il pas mieux d'abord faire les incisions requises
et débarrasser les plaies de leurs corps étrangers ?. . . [Ma-
nuel du chirurgien d'armée , pag. 71 .) Sans doute il vaudrait
mieux, mais quand on ne peut pas agir comme on le veut
et comme on le doit, il faut se conformer à l'adage vul-
gaire : contre la force pas de résistance.
Ledran tient le même langage que Percy, dans ses Rê-
Jl exions tirées de la pratique des plaies d'armes à feu. a. .... La
célérité à opérer les débridements et à extraire les es-
quilles est, dit-il, une chose très essentielle ; quand je dis
célérité, je ne prétends pas dire se presser en opérant,
mais se presser d'opérer; ainsi donc, je ne puis approuver
la plupart des chirurgiens d'armée qui, dès qu'un homme
est blessé dans une bataille ou dans un siège , le pansent
avec la charpie et l'eau-de-vie, sans faire autre chose
— 141 —
jusqu à ce qu'il ait été transporté dans un lieu de repos ,
et je dis qu'il faut avant ce premier pansement faire tout
ce qui convient ; il est bien certain que le malade sera
plus facile à transporter , après avoir remis et assujéti
les os en leurs places , et môme après l'amputation du
membre si le fracas de l'os l'exige, qu'il ne l'est avec les
fracas que j'ai supposés , lesquels dans les mouvements
qui sont inséparables du transport , causent des tiraille-
ments très douloureux et des convulsions. Souvent après
le transport l'opération s'est trouvée impraticable, à cause
du gonflement qui avait gagné la partie supérieure du
membre » (pag. 66).
Toutes ces raisons sont sans doute excellentes , il est
évident qu'il faut extraire, dès qu'on le peut, tous les
corps étrangers qui sont à portée , et dont l'extraction
facile peut être opérée en peu d'instants , mais il en est
qui sont profondément enclavés dans nos tissus , et qui
exigent des opérations trop longues et trop délicates pour
être faites dans les premiers moments de l'accident, et sous
le feu de l'ennemi.
Les corps étrangers peuvent être classés dans l'ordre
suivant , pour ce qui a trait à la fréquence relative de la
présence de leurs différentes espèces dans nos tissus :
1° les projectiles ; 2° les esquilles; 3' les corps entraînés
par les projectiles , comme les pièces de monnaie , les
portions d'armes, de vêtements; 4° les liquides provenant
d'épanchements ; 5° les portions d'os nécrosés. — Je ne
m'occuperai en détail, dans ce paragraphe , que de l'ex-
traction des plus fréquents, c'est-à-dire des projectiles,
me réservant, s'il y a lieu de faire , au sujet des autres de
courtes réflexions spéciales.
Un précepte sur lequel les auteurs insistent beaucoup,
au sujet de l'extraction des corps étrangers, est celui de la
— 142 —
situation. Il consiste à faire placer le blessé, pendant qu'on
se livre à la recherche du corps étranger, dans la même
position qu'il avait au moment où il a reçu le coup de
feu. « Les anciens , dit Percy en parlant de l'extraction
des flèches , étaient si scrupuleux à observer ce précepte
qu'un d'eux fit Un jour remonter à cheval un guerrier qui
venait de recevoir une flèche , pour mieux imiter la posi-
tion dans laquelle il en avait été atteint » (pag. 59).
Si un projectile est plus près de la plaie par laquelle
il est entré , que du côté opposé du membre , il faut l'ex-
traire par la première voie, en ayant soin de faire refouler
le côté du membre opposé à la blessure vers cette der-
nière , afin d'en rapprocher le projectile et de le rendre
plus accessible aux instruments.
Une balle enfermée dans l'épaisseur d'un membre, ou
d'une partie du corps quelconque, comme la cuisse, la
fesse, peut quelquefois être très innocente, s'entourer d'un
kyste isolateur, la séparant totalement des parties environ-
nantes au milieu desquelles elle ne manifeste sa présence
que par quelques douleurs survenant de temps en temps,
et surtout lors des brusques changements de température.
Dans d'autres circonstances , les projectiles changent de
place, parcourent des trajets considérables et cela sans
causer d'accidents. Il faut pourtant, malgré le peu de
danger accompagnant dans la suite la présence de ces
corps étrangers , en tenter l'extraction après la blessure ,
à l'aide d'incisions larges et profondes , qu'il ne faut
pas hésiter un instant de pratiquer, car, d'après Percy,
* .... L'art désavoue quiconque craint de les entrepren-
dre » (pag. 149).
Quand un projectile est enclavé dans un os , il faut l'en
extraire avec le tire-fond, instrument dont nous nous oc-
cuperons sous peu, et si on craint de le refouler dans une
— 143 —
cavité splanchnique , comme la tète, la poitrine, on doit
faire usage du trépan et soulever ensuite ce projectile de
dedans en dehors avec un élévatoire.
Il est des auteurs qui défendent d'aller à la recherche
dune balle engagée dans une cavité splanchnique , de
peur de donner naissance , par les investigations aux-
quelles on se livrerait, à des accidents inflammatoires
1res graves (Percy, Ledran). M. Baudens veut, au con-
traire, qu'on se livre a la recherche d'une balle tombée
dans la cavité abdominale. Nous discuterons ces opinions
dans la seconde partie de notre travail.
Quand les projectiles sont situés superficiellement, soit
sous la peau, soit à une profondeur peu considérable dans
le tissu musculaire , l'extraction en est facile , et peut se
pratiquer avec un bistouri , des pinces a pansement et les
doigts, instruments qui ne suffisent pas quand la balle est
plus profonde. Il faut alors avoir recours à différents
moyens d'extraction dont nous allons nous occuper quel-
ques instants.
Presque tous les chirurgiens civils et militaires , qui
ont écrit sur les plaies d'armes à feu , ont voulu être les
inventeurs d'instruments nouveaux pour extraire les corps
étrangers. Cette manie d'innover a singulièrement aug-
menté l'arsenal chirurgical , sans pour cela produire de
meilleurs résultats, et comme cela arrive toujours on n'a
conservé de tous ces instruments que ceux, ou, pour mieux
dire , celui qui , bien que le plus simple , présente cepen-
dant le plus de perfection ; je veux parler du tire-balle de
Percy. Je n'ai pas besoin de faire ici la description minu-
tieuse de cet instrument, car elle se trouve consignée dans
tous les Traités de plaies d'armes à feu, je dirai seulement
que ce sont des pinces allongées , se décomposant en cu-
rette, en tire-fond, et en tire-balle, et qui, renfermant ainsi
— 144 —
trois instruments en un seul , offrent au chirurgien mili-
taire tous les avantages qu'il peut désirer.
On trouve dans Percy l'histoire de tous les moyens
d'extraction imaginés pour enlever les corps étrangers ,
provenant non-seulement des armes à feu , mais encore
d'autres sources , comme les flèches , les portions d'armes
blanches, les grains de plomb lancés par les frondes , etc.
Ces moyens sont très nombreux, et dans le principe ils
furent beaucoup plus meurtriers que les corps qu'ils
étaient destinés à extraire.
Percy parle d'abord de la tenaille extractive dont on se
servait pendant les guerres du Péloponèse , et qu'on ap-
pellait belulcum.
Sous le règne d'Auguste , on imagina les becs de canne.
Du temps de Gelse , on employait , pour faire l'extrac-
tion des grains de plomb et des pierres , que lançaient les
fustibulateurs et les lithoballes, les doigts et les pinces pour
les parties molles , et le trépan pour les parties osseuses.
Vinrent ensuite les prières : alors les chirurgiens, à deux
genoux devant leurs blessés , imploraient le ciel avec
beaucoup de sang-froid , et attendaient de lui les secours
qu'ils ne pouvaient retirer de leur art. Voici , d'après
Théodoric (lib. 1 er , chap. 22) , la formule bizarre d'une
de leurs prières : « 11 faut réciter à genou le Pater trois
fois , prendre ensuite le corps étranger (flèche) avec les
deux mains jointes et dire : Nicodème a retiré ainsi les
clous des pieds et des mains de Notre-Seigneur. » Alors il
viendra de lui-même. Que devaient devenir les blessures
contre lesquelles on dirigeait une pareille thérapeuthique?
Plus tard , on vit apparaître l'asphonsinum, d'Alphonse
Ferry qui était tellement persuadé des bons offices que
rendrait son instrument , qu'il lui donna son nom.
Vinrent ensuite le stylet flexible deLéonard Botal, et une
— 145 —
foule d'élévatoires et de tire-fonds dont la description me
mènerait trop loin. De nos jours, M. Bandons a imaginé
un tire-fond-canulc , à l'aide duquel il a extrait des corps
étrangers à une profondeur considérable à laquelle ne
pourrait arriver l'instrument de Percy.
Il est des détails sur lesquels il ne m'appartient pas d'in-
sister ici , par la raison qu'on les trouve dans une foule
d'auteurs , comme, par exemple , la manière de se servir
des pinces , du tire-balle , du trépan ; je serai du reste
forcé de revenir sur ces différents points , en m'occupant
spécialement de l'enlèvement des corps étrangers dans les
différentes régions du corps
L'extraction des esquilles n'offre pas d'indication spé-
ciale ; leur forme et leur grandeur nécessitent cependant ,
dans certains cas , des incisions beaucoup plus grandes que
celles qui suffisent pour donner passage à une balle, ou a
tout autre corps étranger qu'on extrait de nos tissus. .
Les morceaux de drap , d'étoffes , en s'imbibant de sang
et en se collant contre les parois du trajet de la blessure ,
demeurent quelquefois longtemps inaperçus et entretien-
nent des accidents qui ne cessent qu'après leur extraction,
En somme , les corps étrangers doivent être extraits dès
qu'on le peut, et quand on ne peut y parvenir , on doit
s'attacher à combattre énergiquement les divers symptô-
mes plus ou moins graves auxquels leur présence peut
donner lieu.
§ XIV. — TRAITEMENT DES- PLAIES D ARMES A FEU COMPLIQUEES
DE TÉTANOS.
Le traitement du tétanos survenu après une plaie d'arme
à feu doit d'abord être dirigé contre la blessure. Si elle est
le siège d'un étranglement , il ne faut pas épargner les dé-
bridements , et la couvrir ensuite de topiques émollients et
10
— 146 —
narcotiques. Si elle recèle dans son intérieur un corps
étranger dont la présence entretient les accidents , il faut
user de tous les moyens possibles pour l'extraire. Quand
une fois on s'est occupé des soins locaux , il faut recourir
aux saignées générales abondantes , aux applications réi-
térées de sangsues et de ventouses scarifiées le long de la
colonne vertébrale. Les saignées ont été pratiquées dans
certains cas avec une abondance vraiment extraordinaire.
Ainsi , M. Pelletier a tiré en peu de jours 44 ou 15 livres
de sang à un tétanique , et M. Lisfranc a fait faire à un pa-
reil malade huit saignées générales, et lui a fait appliquer
792 sangsues , soit le long du rachis , soit à l'épigastre.
On s'est ensuite servi contre cette terrible maladie d'une
foule de moyens thérapeutiques dont je me contenterai
de donner ici la liste, car l'inventeur de chacun d'eux
prétend en avoir obtenu de grands succès ; et cependant ,
malgré cette prétendue richesse de la thérapeutique , la
mort est la terminaison pa plus fréquente de cette grave
affection. Ces moyens sont : 4° les diaphoniques (eau de
sureau , ammoniaque liquide) ; 2° l'opium à très hautes
doses à des intervalles rapprochés ; 3° le musc ; 4° les bains
tièdes ; 5o les bains froids ; 6° les frictions mercurielles le
long du rachis ; 7° enfin le baron Larrey recommande de
faire l'amputation du membre quand le tétanos commence
par lui , et il appuie son opinion sur plusieurs cas de gué-
rison. Quelques officiers de santé militaire partagent aussi
l'opinion du baron Larrey a cet égard : ainsi , M. Hutin
rapporte, dans sa relation chirurgicale de la prise de Con-
stantine , deux observations de tétanos qui cessèrent im-
médiatement dès qu'il eut pratiqué l'amputation des deux
membres blessés. Dans la première de ces observations,
il s'agit d'un tétanos général survenu après une fracture
comminutive au tiers inférieur de la cuisse ; et dans la se-
- 147 —
coude , d'un trisnius qui se manifesta peu de jours après
une fracture de l'astragale et du calcanéum,
L'émétique à haute dose paraît aussi jouir de quelque
efficacité dans le traitement du tétanos ; car j'ai vu dans les
salles de l'Hôtel-Dieu de Marseille un marin atteint de té-
tanos spontané , il est vrai , a qui l'on avait fait trois sai-
gnées générales abondantes sans qu'il ressentît d'amélio-
ration notable , se trouver subitement mieux et guérir au
bout de huit ou dix jours , à la suite de l'administration de
75 grains d'émétique qu'on lui fit prendre pendant trois
jours : 25 grains le matin , 25 à midi, et 25 clans la nuit.
11 faut éviter ensuite de placer les blessés atteints de té-
tanos dans des lieux bas , humides , exposés aux change*
ments de température ; il faut , autant que possible ,
entretenir autour d'eux une chaleur douce et uniforme ;
éviter de les faire voyager la nuit, et si malheureusement
les circonstances de la guerre forcent à cette fâcheuse ex-
trémité , les couvrir le mieux qu'on pourra avec leurs effets
et des couvertures ; car nous avons été à même d'apprécier
dans le second chapitre de ce travail , que le froid humide
est une des causes qui produisent le plus habituellement
le tétanos.
§ XV. — TRAITEMENT DES PLAIES D ARMES A FEU, COMPLIQUÉES
Le traitement delà pourriture d'hôpital consiste d'abord
a éloigner le blessé du lieu où il a contracté le mal qui dé-
vore sa plaie, à lui donner une alimentation tonique et à
tâcher d'enrayer , par des topiques énergiques , la marche
incessamment envahissante de cette gangrène humide.
Il faut éviter de panser les blessures des hommes qui ne
sont pas atteints de pourriture d'hôpital avec les instru-
ments dont on s'est servi pour panser les plaies atteintes
— 148 —
de cette complication; ou bien, si on ne peut faire autre-
ment , il faut purifier ces instruments en les nettoyant avec
beaucoup de soin , et en les passant au feu.
On a tour à tour employé une foule d'acides plus ou
moins concentres pour s'opposer au développement de la
pourriture d'hôpital, le vinaigre, le suc de citrons, l'acide
hydrochlorique , etc. Ces topiques, qui peuvent suffire
quand la maladie est légère, sont d'un effet nul dans le cas
contraire. On a conseillé ensuite les pansements avec la
poudre de charbon, de quinquina, avec le chlorure d'oxyde
de sodium; mais, en général, ces moyens thérapeutiques
ont trop peu d'énergie, et l'on se voit obligé, le plus sou-
vent, d'en employer un plus douloureux, mais plus puis-
sent, le cautère actuel.
Dans certains cas, on est obligé d'en venir trois, quatre,
six fois et plus à l'application du feu avant que la plaie
soit redevenue vermeille et de bonne nature. J'ai été à
même d'observer la pourriture d'hôpital plusieurs fois, et
rarement j'ai vu une seule cautérisation arrêter le déve-
loppement de cette terrible complication des blessures.
§ XVI. — TRAITEMENT DES PLAIES d' ARMES A FEU COMPLIQUÉES
d'abcès VISCÉRAUX.
La thérapeutique est d'une nullité désespérante contre
cette fréquente complication des lésions traumatiques.
Son invasion, quelquefois si brusque, sa marche si rapide,
son siège se trouvant hors de la portée des sens, et enfin
l'ignorance dans laquelle nous sommes de la manière dont
agissent les causes qui la produisent, en font une affection
dénature essentiellement protéiformc contre laquelle on
ne peut ordinairement diriger qu'un traitement purement
moral,
— 149 —
§ XVII. — TRAITEMENT DES PLAIES d'àBMES A PEU, COMPLIQUÉES
d'luysipèle.
Le traitement de t'érysipèle est général ou loeal. Le
premier consiste en un régime doux et sévère, en boissons
délayantes et en saignées générales plus ou moins abon-
dantes et répétées.
Le traitement local varie ordinairement selon le lieu
occupé par la maladie , et en second lieu selon son éten-
due. Ainsi , quelques fomentations émollientes et le repos
suffisent, dans certains cas, pour dissiper Férysipèle su-
perficiel d'un membre, tandis que la thérapeutique doit
être plus énergique, si la maladie a son siège plus profon-
dément ou sur une région importante, comme la tête.
Dans un cas semblable , il faut s'opposer à tout prix à la
propagation de l'inflammation des couches superficielles
aux couches profondes ou vers les viscères, sous peine de
voir arriver en peu de temps des suppurations très abon-
dantes, des symptômes d'étranglement, et enfin l'inflam-
mation des organes situés dans les cavités splanchniques.
Nous nous sommes déjà occupés, clans d'autres chapitres,
de tous ces accidents et des moyens d'y remédier ; nous
n'y reviendrons pas ici, et nous nous contenterons d'indi-
quer que les moyens les plus vantés pour enrayer l'in-
flammation érysipélateuse sont les bains, les larges vési-
catoires , les frictions mercurielles , et enfin le feu , que
M. Baudens place en tête de tous, et regarde comme un
moyen héroïque à l'aide duquel il a obtenu de très beaux
succès.
§ XVIII. — traitement des plaies d'armes a feu compliquées
d'hémorrïïagie.
Les anciens chirurgiens, qui ne faisaient pas la ligature
des vaisseaux artériels et se servaient, lorsqu'ils prati-
— 150 —
quaient l'amputation des membres, de couteaux rougis au
feu, produisaient, par une cause différente, il est vrai, à
peu près les mêmes effets que ceux qui résultent de l'ac-
tion de nos projectiles de guerre. En effet , il se formait
une escarre à l'extrémité des vaisseaux ouverts, laquelle
arrêtait provisoirement l'écoulement de sang, qui se re-
nouvelait au bout de sept, huit, dix jours, en un mot, lors
de la chute de l'escarre. Des procédés plus sûrs sont au-
jourd'hui acquis à la science , et nous pouvons combattre
victorieusement l'hémorrhagie qui constitue une des com-
plications les plus terribles des lésions traumatiques.
Toutes les fois qu'une artère volumineuse est ouverte,
l'indication la plus naturelle est d'arrêter momentanément
le sang à l'aide d'une compression provisoire faite avec la
main ou un instrument, jusqu'à ce qu'on puisse l'arrêter
définitivement par la ligature. La compression faite avec
la main doit se pratiquer entre la blessure et le cœur, sur
un point où le vaisseau artériel est en contact avec un os
contre lequel on pourra facilement l'applatir. Pour toutes
les lésions artérielles du membre inférieur, on doit préfé-
rer la compression de la crurale sur la branche horizon-
tale du pubis , et pour celles du membre supérieur, on
devra de préférence comprimer la brachiale au tiers
supérieur du bras contre la face interne de l'humérus.
La compression faite à l'aide des doigts exige beaucoup
d'habitude et d'attention de la part de celui qui la prati-
que, surtout lorsqu'elle doit durer pendant un temps assez
long. En effet, lorsqu'on est chargé de comprimer une ar-
tère volumineuse et qu'on n'a pas l'habitude de cette im-
portante manœuvre chirurgicale , on est tout d'abord
porté à faire de grands efforts de pression, qui, fatiguant
bientôt les doigts, font que souvent on ne sent plus le vais-
seau qui échappe à leur action et fournit du sangpar la plaie
— 151 —
La compression peut s'exercer ensuite à l'aide de divers
instruments, la pelotte , le tourniquet, le garrot; mais il
faut recourir a la ligature dès que les circonstances le per-
mettent, et ne compter sur la compression que faute de
mieux.
La ligature employée par les anciens, comme le démon-
trent péremptoirement les annales de la chirurgie , a été
réhabilitée par le grand Ambroisc Paré. Elle peut se prati-
quer sur les deux bouts de l'artère lésée, ou bien entre le
cœur et la blessure à un point plus ou moins éloigné de
cette dernière.
Il est rare qu'on puisse lier les deux bouts d'une artère
divisée par un projectile de guerre. L'étroitesse de la bles-
sure, sa couleur noirâtre permettent rarement de voir les
organes blessés contenus dans son intérieur, tandis que,
dans une large plaie par instrument tranchant, dont les lè-
vres sont très écartées, on peut plus facilement exécuter
l'opération dont nous parlons.
La ligature est ou médiate ou immédiate. La première
comprend avec l'artère une quantité plus ou moins grande
des parties qui l'entourent, tandis que la seconde n'étreint
absolument que le tube artériel. Il est bien entendu que
cette division ne s'applique qu'à la ligature pratiquée sur
les lèvres d'une plaie.
Quand on se. décide à la ligature entre le cœur et la
blessure, il est deux points, l'un pour le membre inférieur
et l'autre pour le membre supérieur, qui doivent être pré-
férés pour aller à la recherche du vaisseau. Ainsi, on liera
la crurale à trois travers de doigt au-dessous du ligament
deFallopedansle triangle dont la base est fermée par ce liga-
ment, le côté interne par le premier adducteur, et le côté ex-
terne parlebord interne du couturier. Ce triangle est presque
isocèle, et l'artère peut être considérée comme la perpen
— 152 —
diculaire abaissée de son sommet sur le mileu de sa base.
On liera l'humérale le long du bord interne du biceps
dans presque tout son trajet , enfin toutes les artères du
tronc et des membres exigent des procédés particuliers
de ligature qu'il ne m'appartient pas d'indiquer ici. Je ne
décrirai pas non plus la manière de pratiquer l'opération
de la ligature, les instruments qu'elle nécessite, la ma-
nière d'agir de la ligature sur le tissu artériel ; je renvois
pour cela aux auteurs. . . .
Une discussion très vive s'est engagée entre les auteurs
pour savoir si on devait employer des ligatures fines, ou
grosses; quelle était la nature de la substance dont on
devait composer ces ligatures? Elles ont tour à tour été
faites: \° de substances faciles à absorber (la peau de
daim, la soie, le boyau de chat) ; 2° de matières animales
(les filets nerveux , les fibres de tendon, les lanières de
peau de mouton) ; 3° de matières métalliques (l'or, l'ar-
gent , le platine). Je n'embrasserai pas cette discussion
qui me mènerait trop loin , et je me bornerai à conseiller
la ligature plus ou moins épaisse de fil ciré , que j'ai vu
employer, et que j'ai employée avec succès dans tous les
cas.
On a aussi imaginé d'autres procédés pour arrêter le
sang qui s'échappe des bouts d'une artère ouverte. Ils sont
tous fondés sur les propriétés des diverses tuniques arté-
rielles , ce sont : \ ° la torsion , 2° le refoulement , qu'on
doit à M. Amussat.
On conçoit que de surveillance exigera un blessé à qui
on aura fait la ligature d'un gros vaisseau et combien on
devra se tenir en garde contre les hémorrhagies consécu-
tives survenant quelquefois malgré l'emploi de ce puis-
sant moyen.
Les hémorrhagies des grosses veines des membres se
— 153 —
traitent ordinairement par la compression , il est rare
qu'on soit obligé d'en venir à la ligature ; mais si la veine
ouverte est dans une cavité splanchnique le cas est ordi-
nairement au dessus des ressources de l'art
Je crois avoir terminé tout ce qui se rapporte au traite-
ment des blessures par armes à feu considérées d'une
manière générale. Il sera urgent pendant toute la durée
de ce traitement d'éloigner des blessés toutes les circon-
stances morales, capables d'agir sur eux d'une manière
fâcheuse; d'éviter qu'ils éprouvent de trop vives émotions,
de supprimer les visites de parents, d'amis etc. Si les
circonstances forcent le chirurgien à priver un ou plu-
sieurs de ses blessés d'un de leurs membres, ou à leur
faire subir une grave opération quelconque , il devra
gagner leur confiance ; les persuader que la sollicitude du
gouvernement veillera sur eux, et qu'ils pourront voir un
jour briller sur leur poitrine la croix des braves.
SECONDE PARTIE
Des blessures par armes à feu considérées dans
les différentes réglons du corps
Après être entré dans tous les détails que demande la
question des plaies d'armes à feu considérées d'une ma-
nière générale, nous allons, comme nous l'avons annoncé
dans notre introduction , appliquer les notions générales
que nous venons d'exposer a ces mêmes plaies considérées
dans chaque région du corps en particulier. Nous étudie-
rons successivement les plaies de tête, de la face , du cou,
de poitrine, de l'abdomen et enfin des membres. Nous ver-
rons que les plaies des cavités splanchniques sont toutes
très dangereuses, à cause de l'importance des organes
qu'elles renferment , et du trouble immense qui doit né-
cessairement résulter de la suspension, de la perversion,
ou enfin de la cessation complète des fonctions que ces or-
ganes sont destinés à remplir... Enfin notre travail sera
terminé par un chapitre dans lequel nous indiquerons :
1 le pansement extemporané qu'on doit appliquer aux di-
verses plaies d'armes à feu, sur le champ de bataille ; 2° la
manière la plus convenable de relever les blessés et de les
— 156 —
transporter sans trop de secousses pendant les trajets longs
et pénibles qu'ils sont obliges de faire , dans certaines cir-
constances forcées.
CHAPITRE PREMIER.
BLESSURES DU CRANE.
Les plaies de tète , comprenant naturellement celles du
crâne et celles de la face , seront l'objet de deux chapitres
particuliers, dans lesquels nous les étudierons dans tous
leurs détails , et avec toutes les complications qui peuvent
les accompagner.
Les projectiles de guerre de toutes les formes et de tou-
tes les dimensions atteignent indistinctement le crâne ; les
balles sont ceux dont a le plus souvent à combattre les
effets. Les boulets y font des blessures beaucoup plus ra-
res, mais en revanche terribles et presque toujours irré-
vocablement mortelles. Les téguments du crâne , les os
qui entrent dans la composition de cette boîte protectrice
du cerveau , les membranes d'enveloppe de ce viscère, et
enfin ce viscère lui-même peuvent être atteints par les pro-
jectiles lancés par la poudre à canon. Ces derniers orga-
nes sont lésés isolément, ou bien deux à deux , trois à
trois, etc. : ainsi la peau peut être contusionnée, ou même
déchirée par une balle à la fin de sa course , ou arrivant
obliquement sur elle sans qu'il existe la moindre altération
au tissu osseux. Une lésion organique du cerveau, au con-
traire, suppose nécessairement une lésion préalable du
tissu osseux et du tissu tégumentaire. Nous allons exami-
ner les effets des projectiles sur ces différents tissus, en
suivant leur ordre de superposition.
— 157 —
§. I. — LÉSIONS DES TÉGUMENTS.
Il est rare qu'une balle se contente de produire une sim-
ple contusion des téguments du crâne. Cela n'arrive que
lorsqu'elle est tout à fait à la fin de sa course, ou bien
lorsqu'elle a rencontré dans son trajet un ou plusieurs
corps él rangers résistants , contre lesquels elle a frappé et
qui lui ont enlevé une grande partie de sa force d'impul-
sion. N'ayant pas assez de force alors pour percer la peau
qui se laisse déprimer , et a plus forte raison les os sous-
jacents, elle rompt les petits vaisseaux contenus dans l'é-
paisseur des téguments crâniens et donne lieu à la forma-
tion d'une bosse sanguine ou d'un décollement plus ou
moins étendu .
La bosse sanguine offre des caractères qui ont été signa-
lés par tous les auteurs. Quand elle est peu volumineuse ,
elle est également dure et rénittente sur toute sa surface :
alors elle disparaît assez facilement par l'absorption du
sang épanché, sans causer d'autres accidents qu'un peu
de gène et un sentiment de tension dans la partie du crâne
où elle siège. Il suffit pour aider sa résolution d'employer
une légère compression et quelques lotions froides résolu-
tives. Mais quand le sang qui forme la bosse sanguine s'é-
chappe d'un tube artériel un peu volumineux, elle est dure
et résistante sur toute sa surface , excepté à son sommet
où elle est fluctuante et cède à la pression des doigts. Cette
circonstance importante est signalée par presque tous les
auteurs, comme une cause d'erreur pouvant faire croire à
un enfoncement des os du crâne vers le cerveau , tandis
que le doigt ne s'enfonce que dans le centre de la bosse
sanguine, entretenu liquide ordinairement au point cor-
respondant à la lésion du vaisseau , où l'on perçoit , dans
certains cas , des battements , des pulsations artérielles.
— 158 —
J.-L. Petit, en particulier, appelle i' attention des chirur-
giens sur cette difficulté de diagnostic , surtout lorsqu'il
existe des pulsations artérielles dans la bosse sanguine.
La bosse sanguine volumineuse ne se résout pas aussi
facilement que nous avons vu qu'elle le faisait quand elle
était légère. Quelquefois elle donne lieu à des accidents du
eôté du cerveau , à une suppuration plus ou moins abon-
dante ; nécessite des incisions assez larges au cuir chevelu
pour donner issue au sang épanché ou au pus , et l'emploi
d'une ou de plusieurs saignées générales.
Le projectile peut non seulement rompre les vaisseaux
contenus dans le derme chevelu , mais encore ceux qui
rampent entre la calotte aponévrotique épicrânienne et la
surface externe du crâne. Le sang, trouvant alors au des-
sus de lui un obstacle à son accumulation en un seul point,
détruit au loin les mailles lâches du tissu cellulaire sous-
aponévrotique . et , au lieu de constituer une tumeur plus
ou moins proéminente , forme une calotte d'une ou plu-
sieurs lignes d'épaisseur exactement moulée sur la surface
externe du crâne. Cette résistance résultant de la tension
aponévrotique fait éprouver au blessé des douleurs plus
violentes que lorsque la bosse sanguine a la liberté en-
tière de se développer. Aussi voit-on quelquefois , dans ce
cas, survenir des accidents généraux, tels que fièvre, cépha-
lalgie intense , quelquefois délire ; et si on ne donne issue
au sang épanché par des incisions convenables , sa pré-
sence sera une cause d'irritation continuelle , qui pourra ,
par sa propagation jusqu'au cerveau , doubler la gravité
du cas.
Si la contusion a décolé le périoste épicrânien et déter-
miné un épanchement sous-périostique , il faut non seule-
ment redouter les accidents dont nous venons de parler ,
mais encore la nécrose consécutive et plus ou moins éten-
— 159 —
due des os du crâne , dont nous allons nous occuper un
peu plus bas.
Dans l'immense majorité des cas, les projectiles arrivent
à la surface du crâne avec une force suffisante pour pro-
duire une plaie aux téguments. S'ils tombent perpendicu-
lairement à un point de la surface du crâne , ils blessen
non seulement ces téguments , mais encore ils fracturent
la boîte osseuse, et dès lors la plaie tégumentaire devient
tout à fait secondaire , et les soins de l'art doivent être spé-
cialement dirigés vers la fracture du crâne.
Nous avons vu plus haut , en nous occupant des di ff é
rentes directions que nos tissus impriment aux projectiles
lancés parla poudre à canon , comment il pouvait se faire
qu'une balle frappât à la région frontale et sortît à la ré-
gion occipitale sans avoir intéressé ni les os, ni le cerveau.
De pareils exemples ne sont pas rares et autorisent les
gens du monde a dire , sans connaissance de cause , que
M. un tel de leurs amis , ou qu'eux-mêmes ont eu le cer-
veau traversé par une balle , et qu'ils doivent leur guéri-
son a un miracle. . * Aux yeux du chirurgien , rien n'est
plus naturel et plus explicable que ce prétendu miracle.
Les balles ne parcourent quelquefois, entre les os et la
peau, que des trajets d'un ou plusieurs pouces. Alors les
deux ouvertures d'entrée et de sortie étant assez rappro-
chées l'une de l'autre, on peut détruire le pont cutané qui
les sépare, et en simplifiant ainsi la plaie, hâter singu-
lièrement sa cicatrisation. Mais dans le cas, par exemple,
où la tête est sillonnée du front à l'occiput, on ne peut
raisonnablement inciser en entier l'espèce de canal creusé
parle projectile. Les auteurs recommandent alors de faire,
de distance en distance, des incisions le long du trajet de
ce canal, pour s'opposer la stagnation de la suppuration,
— 160 —
que la disposition do la plaie rendrait facile, et pour hâter
ainsi la cicatrisation.
Quand un projectile donne lieu à une plaie à lambeau ,
après l'avoir débarrassée de tous les corps étrangers qu'elle
peut contenir , le sang , la boue , les cheveux , et y avoir
pratiqué les débridements convenables, il faut en affronter
les lèvres à l'aide des agglutinatifs ou de la suture , bien
qu'on sache que, presque sûrement , la suppuration arri-
vera. En agissant de la sorte, on peut espérer d'obtenir la
réunion immédiate sinon de la totalité, au moins d'une
partie de la plaie, et si on parvient à cet heureux résultat,
c'est toujours tant de gagné pour la rapidité de la guérison.
Si le lambeau est volumineux, et si sa base est inférieure,
on peut suivre le conseil de J. L. Petit , c'est-à-dire tra-
verser cette base avec la lame d'un bistouri, et donner lieu
ainsi à une ouverture par laquelle pourra s'échapper la
suppuration. Lorsqu'on est appelé à traiter une plaie de
cette nature, il faut s'assurer à chaque pansement que les
matières purulentes ne s'accumulent pas sous le lambeau,
et n'occasionnent pas de décollements.
Les vaisseaux contenus dans l'épaisseur des téguments
du crâne fournissent rarement une hémorrhagie inquié-
tante à la suite des plaies d'armes à feu. L'action de la
balle produit une escarre à leurs extrémités divisées , et
comme ils sont d'un petit volume, cette dernière suffit
primitivement pour triompher de l'impulsion que le sang
artériel possède dans leur calibre. Si toutefois une hémor-
rhagie secondaire venait à se déclarer , on en viendrait
facilement maître à l'aide de la compression, si facile à
exercer contre les parois du crâne
« Les plaies qui intéressent le crâne, dit Ledran, sont tou-
tes degrande conséquence, quoiquesouvent elles paraissent
— 161 —
petites, » dit Ledran dans ses Réflexions, tirées de la pra-
tique des plaies d'armes à feu, p. 450.
Souvent , en effet , à la suite d'une simple contusion té-
gumentaire occasionnée par une balle, on voit survenir des
accidents, que ne justifie nullement retendue de la bles-
sure, qui se propagent de couche en couche, de dehors en
dedans , arrivent jusqu'au cerveau . et occasionnent la
mort du blessé.
L'érysipèle est une des complications des blessures du
cuir chevelu, dont il faut le plusse méfier, non -seulement
parce qu'il peut déterminer une encéphalite consécutive ,
mais encore parce qu'il peut amener ce résultat en très
peu de temps. Voici la marche ordinaire de cette affection :
quatre ou cinq jours après la blessure, et quelquefois avant,
surtout si on n'a pas débridé la plaie, on voit survenir un
gonflement plus ou moins considérable des téguments crâ-
niens , qui sont d'une excessive sensibilité , puisque le
contact seul des cheveux est douloureux Ce gonflement
augmente rapidement d'intensité , envahit toute la calotte
épicrànienne , et peut se propager à la face. La fièvre se
déclare brusquement, ou augmente si elle existait déjà, en
un mot, on voit se développer successivement tous les
symptômes d'un érysipèle phlegmoneux des plus graves ;
si le projectile n'a atteint que la peau et le tissu cellulaire
sous-cutané, le gonflement se développera plus facilement,
et l'inflammation aura moins de chance de propagation
vers le cerveau que lorsque les tissus sous-aponévrotiques
ont été déchirés ; car, dans ce cas, le gonflement du tissu
cellulaire sous-aponévrotique enflammé sera bridé , et il
résultera de cet étranglement 4° des douleurs plus violen-
tes , 2° une congestion sanguine plus considérable , 3 J et
comme conséquence de ces deux phénomènes , le délire ,
et plus tard tous les symptômes annonçant la participation
il
— 162 —
du cerveau ; et de ses membranes , à l'état inflammatoire
des organes , ses voisins. Quand la marche de la maladie
est très prompte, cette dernière se termine ordinairement
parla mort.
On doit, dès le début de Férysipèle du cuir chevelu,
faire de larges et fréquentes saignées , et ne pas épargner
les incisions au cuir chevelu. Ce moyen permet aux tissus
enflammés de se développer a leur aise, et à l'inflamma-
tion de marcher du dedans au dehors, au lieu de suivre la
marche inverse, dont nous venons de constater les dange-
reuses suites.
Cet érysipèle, bien qu'arrêté dans sa marche , occa-
sionne, dans certains cas, de graves accidents. Ainsi, il
peut survenir une hémorrhagie veineuse ou artérielle pro-
duite par l'érosion d'un des vaisseaux contenus dans l'é-
paisseur des téguments du crâne. D'autres fois, les os du
crâne, dénudés largement par la suppuration, sont frappés
de nécrose nécessairement suivie, en général du moins,
de l' exfoliation de la pièce nécrosée. Si cette nécrose ne
porte que sur la table externe de l'os, l'élimination pourra
s'en faire sans danger; mais si , au contraire, elle porte
sur les deux tables, elle s'effectuera plus lentement; la
suppuration sera plus abondante, et l'inflammation élimi-
natoire pourra se propager jusqu'au cerveau.
En somme, le traitement des plaies d'armes à feu des
téguments du crâne se borne à l'application d'un panse-
ment simple; celles qui ne vont que jusqu'à l'aponévrose
ne nécessitent pas impérieusement le débridement pré-
ventif, qu'on doit au contraire toujours pratiquer, si l'apo-
névrose a été contuse et déchirée inégalement. Dans le
premier cas, cependant, le chirurgien se tiendra sur ses
gardes, afin d'être prêt à pratiquer le débridement à la
moindre apparence d'accident grave. On devra ensuite
— 163 —
surveiller avec beaucoup de soin les blessés pendant les
quatre ou cinq premiers jours après l'accident , et leur
faire pratiquer une ou plusieurs saignées générales, s'il
survient la moindre céphalalgie. En général, quand il s'a-
git de plaies à la tète, on doit s'habituer à une continuelle
circonspection, car, ainsi que le font judicieusement re-
marquer, d'après Lombard, les rédacteurs des Leçons ora-
les de Dapuytren, les contusions et les plaies de tête les plus
légères en apparence sont souvent suivies de terribles ac-
cidents. Ainsi, le chanoine Boudret, officiant dans l'église
métropolitaine de Besançon , ne se douta guère que le
cierge, pesant environ une once, qui lui tomba sur la tête
serait, peu de temps après, la cause de sa mort.
§ II. — Lésions des os.
Contusion. — Les os du crâne peuvent être contu-
sionnés par les projectiles lancés par la poudre à canon,
quand ceux-ci les atteignent à la fin de leur course, et ne
sont par conséquent plus susceptibles d'y déterminer une
solution de continuité. Dans le cas contraire, on y observe
des fractures simples ou multiples pouvant siéger sur tous
les points de la surface crânienne indistinctement , mais
se montrant de préférence sur les parties latérales , anté-
rieure et postérieure.
Quand l'os a été contusionné à travers les téguments.,
le périoste est détaché de la face externe du crâne , il se
forme un épanchement de sang d'abord, puis de pus entre
cette membrane nourricière de l'os, et l'os lui-même; cet
épanchement intercepte la circulation entre ces deux or-
ganes, d'où résulte la nécrose, et plus tard l'exfoliation
de l'os contus, qui peut porter, comme nous l'avons déjà
dit plus haut, sur la table externe seule ou bien sur la
table externe et sur l'interne toute à la fois
— 164 —
Jusqu'à présent nous avons vu tous les désordres qui
résultent de la contusion des os siéger à l'extérieur , et
n'avoir aucune action funeste sur le cerveau ; mais quand
celle-ci est plus forte, elle peut s'accompagner de com-
motion, de contusion cérébrale et consécutivement d'en-
céphalite, complication dont nous aurons à nous occuper
plus bas en parlant des fractures. Il peut se faire en der-
nier lieu , que la cause contondante détache les mem-
branes cérébrales de la surface interne des os du crâne ,
détermine la rupture de vaisseaux artériels ou veineux ,
et donne lieu par conséquent à un épanchement intra-
crànien pouvant nécessiter dans certains cas l'applica-
tion du trépan.
Le traitement de la contusion des os du crâne est fort
simple ; il consiste dans le premier cas , c'est-à-dire quand
les téguments ne sont pas déchirés par la balle , à donner
issue au sang, au pus épanché , et à laisser ensuite à la
nature le soin de l'exfoliation. Si dans les premiers jours
de la blessure on voit survenir de la céphalalgie et une
tendance des accidents à marcher du dehors au dedans,
on devra combattre cette tendance dangereuse par des
saignées générales plus ou moins répétées et d'une
abondance proportionnée à la constitution du blessé , par
la diète, de légers purgatifs, etc.. Si, au contraire, les
téguments ont été ouverts par le projectile au moment de
la blessure , on devra pratiquer les débridements néces-
saires pour permettre au gonflement inflammatoire de se
développer en liberté , surveiller avec soin les accidents
primitifs, et comme dans les cas précédents, attendre avec
patience que F exfoliation s'accomplisse. Si, enfin, la
paralysie , le coma , indiquaient un épanchement mtra-
crânien produit par la rupture des vaisseaux des ménin-
ges à la suite du décollement de ces membranes , on se
—. 165 —
conduirait comme nous indiquerons plus bas qu il faut le
faire à l'article compression cérébrale.
La nature travaille ordinairement à la régénération des
pièces d'os nécrosées. Des bourgeons se développent au
dessous de l'os ; ils agissent en poussant ce dernier du
dedans au dehors , et quand il est tout à fait détaché de
l'organisme et n'en fait plus partie, tout rentre dans l'état
normal et la plaie des parties molles marche vers une
prompte cicatrisation.
Fractures. — La simple solution de continuité d'un os ,
est en général une affection peu grave, et qui d'ordinaire
arrive promptement à la guérison. Mais ce qui aggrave
singulièrement les fractures , c'est que souvent elles sont
accompagnées de plaies des vaisseaux, des nerfs, des
viscères ; en un mot , d'organes plus ou moins importants
se trouvant dans le voisinage des os fracturés. Ainsi, bien
certainement , la fracture du coronal , considérée en elle-
même , n'est pas plus grave que celle de l'omoplate , de
l'os des iles, qui, comme lui, sont des os plats offrant la
même structure anatomique ; mais il est une circonstance
qui double la gravité de cette fracture du coronal, et celle
de tous les os du crâne en général , c'est le voisinage de
l'encéphale dont les lésions sont si souvent mortelles.
Les instruments tranchants ou piquants portés avec
violence à la surface des os du crâne peuvent y produire
des fractures de différentes formes , telle que des fentes ,
des fissures plus ou moins étendues ; s'ils sont mus avec
rapidité et adresse, ils peuvent enlever nettement une
portion plus ou moins considérable de la sphère osseuse
crânienne avec ou sans lésion du cerveau. Les anciens ont
assigné des noms bizarres à ces différentes espèces de
fractures, ils les ont appelées, suivant les cas : écopé, dicopé,
acopé, aposkepamismos , etc.. Les projectiles.de guerre
— 166 —
produisent ordinairement des fractures avec perte de sub-
stance aux os du crâne , formation d'un plus ou moins
grand nombre d'esquilles, enfoncement de ces esquilles
vers la cavité crânienne , compression du cerveau , sou-
vent déchirure delà substance cérébrale, et après avoir
donné lieu à une série de lésions si dangereuses , ils peu-
vent pénétrer dans le cerveau et désorganiser la substance
de cet organe dans une plus ou moins grande étendue...
On comprend aisément , à la suite de ce simple exposé,
de quelle gravité sont les fractures que nous étudions
en ce moment. Il est vrai que dans certains cas les pro-
jectiles se bornent à fracturer la table externe des os du
crâne ; mais cet heureux hasard se montre si peu souvent,
qu'on ne doit en parler que pour signaler sa rareté.
Les balles seront les projectiles dont nous étudierons
spécialement les effets ; car, il est facile de comprendre
qu'une bombe, qu'un boulet atteignant le crâne doivent
y produire des résultats irrémédiables , tels que, frac-
tures directes et indirectes énormes , lacération du cer-
veau, réduction en bouillie de la substance de cet or-
gane, etc.
Il est rare qu'une fracture existe aux os du crâne sans
qu'il y ait en même temps lésion aux téguments , de telle
sorte qu'on peut dans la majorité des cas s'aider de la vue
et du tact pour le diagnostic et l'application des moyens
thérapeutiques ; cependant le fait de l'intégrité des tégu-
ments pouvant exister , et embarrasser le diagnostic , il
est de notre devoir de le signaler ici.
Une balle arrivant sur le coronal ou sur tout autre os
du crâne peut y produire trois lésions différentes : \ ° une
fracture plus ou moins étoilée au point de contact ; 2° cette
fracture avec pénétration dans le cerveau ; 3° la fracture
d'entrée , la lésion du cerveau , et une seconde fracture
— 167 —
au point de sa sortie. Les fragments de la première frac-
ture sont dirigés vers l'intérieur de la cavité crânienne ,
et ont par conséquent de la tendance à s'enfoncer vers la
substance cérébrale ; tandis que les fragments de la se-
conde fracture, qui a ordinairement plus d'étendue, sont
déjetés de dedans en dehors par la balle, et n'ont par consé-
quent aucune action délétère sur le cerveau. On retrouve
ici l'application des lois physiques dont nous nous som-
mes occupés dans la première partie de ce travail , savoir :
que l'ouverture d'entrée des projectiles est plus petite
que l'ouverture de sortie.
Quand un projectile produit une simple fracture sans
lésion du cerveau , ou même avec une lésion superficielle
de ce viscère, le cas est susceptible de guérison. Quand ,
au contraire, il pénètre dans le cerveau et désorganise plus
ou moins profondément la pulpe de cet organe , le blessé
court un très grand péril et succombe 99 fois sur 100.
Quand enfin il y a fracture d'entrée, désorganisation du
cerveau et fracture de sortie, la mort est instantanée, et
l'art est obligé de confesser son impuissance.
Les projectiles peuvent produire sur les os du crâne des
fractures très remarquables : ainsi ils en brisent quelque-
fois la table externe sans blesser le diploé et la table in-
terne. Dans d'autres cas au contraire, on dit qu'ils portent
leur action seulement sur le diploé , et en dernier lieu , ce
qui est plus remarquable encore , ils donnent lieu à des
fractures de la table vitrée sans lésion apparente au de-
hors ; de telle sorte qu'au bout d'un temps plus ou moins
long , il peut arriver de voir succomber rapidement des
blessés porteurs de coups de feu à la tête, et qu'on n'a pas
surveillés avec soin dans le principe, vu l'absence de toute
lésion osseuse appréciable. On est ensuite fort étonné, à
l'autopsie de ces blessés , de trouver la lame interne du
— 168 —
frontal , des pariétaux , ou de l'occipital , brisée en un plus
ou moins grand nombre d'esquilles comprimant le cer-
veau , et quelquefois même pénétrant dans sa substance.
11 nous serait facile , en compulsant les annales de la
science , de citer un assez grand nombre de faits se rap-
portant à ces trois catégories de fractures : un seul exem-
ple nous suffira pour chacune d'elles. Ainsi M. Hutin rap-
porte , dans sa relation chirurgicale du siège de Constan-
tine , le fait d'un soldat qui eut une fracture de la table
externe du coronal sans l'interne , produite par une balle
qui se divisa en deux fragments; le premier fut extrait
sur le champ de bataille après le débridement des parties
molles, le second le fut au bivouac , et au bout de 28 jours
la guérison fut complète (p. 169).
La lésion du diploé peut avoir lieu, d'après M. Baudens r
« quand, par suite d'un choc violent éprouvé par le crâne,
les deux tables de ce dernier se sont rapprochées l'une de
l'autre. » Je n'ai jamais observé moi-même cette lésion ;
je pense qu'elle est très rare, et je suis porté à croire que
rarement le diploé peut être lésé, sans qu'il y ait au moins
une contusion plus ou moins violente de la table externe
du crâne. Enfin , nous emprunterons à Ambroise Paré
notre exemple de fracture isolée de la table interne des os
du crâne.
a Ce que (la fracture) j'ay veu advenir à un gentilhomme
de la compagnie de M. d'Estapes , lequel fut blessé sous la
brèche du château de Hedin , d'un coup d'arquebuse qu'il
reçut sur l'os pariétal , ayant un habillement de teste , le-
quel la balle enfonça sans être rompu , ny pareillement le
cuir , ny le crâne extérieurement , et le sixième jour mou-
rut apoplectique : donc advint que pour l'envie que j'avais
de cognoistre la cause de sa mort , je lui ouvris le crâne ,
auquel je trouvai la seconde table rompue , avec esquilles
— 169 —
d'os qui étaient insérez dans la substance du cerveau ,
encore quelapremièrefust entière, ce que pareillement atteste
avoir veu et montré à MM. Chapelain , premier médecin
du roi, et Chastelain , premier de la reine, à un gentil-
homme qui fut blessé à l'assaut de Roué. » (4 e livre, ch. 7,
pag. 225 , édit. 1652.)
Les fractures du crâne sont directes ou indirectes ; cel-
les-ci sont encore appelées par contre-coup. Les premières
s'observent le plus souvent , et leur fréquence s'explique
par la position apparente des parties latérales , antérieure
et postérieure du crâne plus accessibles que la base aux
projectiles de différente nature lancés par la poudre à
canon. Les fractures de la base du crâne n'ont lieu ordinai-
rement que lorsque le coup de feu a été tiré de haut en
bas sur le sommet de la tête , ou de bas en haut , comme
cela arrive chez les individus qui se suicident avec une
arme à feu , dont ils placent le canon contre la voûte pala-
tine, ou contre la région sus-hyoïdienne.
Les grandes fractures du crâne par contre-coup ne se
montrent ordinairement que dans les cas de blessures pro-
duites par les gros projectiles, comme les boulets, les bom-
bes, les pierres lancées par les mines , etc.... En voici un
exemple remarquable que j'ai déjà publié dans ma thèse
pour le doctorat en 1840. Je l'ai observé en 1839 à l'Hô-
tel-Dieu de Marseille , chez un ouvrier mineur. Cet homme
fut atteint à la tête par un fragment considérable de pierre
lancé en l'air par l'explosion d'une mme , au moment où
il retombait de très haut sur la surface du sol. Ce corps
contondant produisit la mort instantanée de ce malheureux
ouvrier , à l'autopsie duquel je trouvai lès lésions suivan-
tes : 1° fracture du coronal en quatre fragments ; 2° frac-
ture de l'apophyse zigomatique et de l'os de la pommette
du côté droit, près de son union avec l'apophyse jugale
— 170 —
du maxillaire supérieur; 3° fracture de la voûte orbitaire
droite du coronal et du corps du sphénoïde ; 4° fracture des
deux pariétaux ; 5° fêlure à la face antérieure du rocher
droit ; 6° enfoncement de la lame criblée de l'ethmoïde et
fracture de l'apophyse Cristagalli ; 7° broiement de la par-
tie antérieure et supérieure de l'hémisphère cérébral droit;
8" et en dernier lieu, énorme lacération des méninges....
Que peuvent les ressources de l'art contre de pareils dé -
sordres?
Nous avons vu que , dans presque tous les cas de frac-
ture des os du crâne par armes à feu , il y avait plaie aux
téguments , et qu'il était par conséquent facile de se ren-
dre compte de tous les désordres avec l'œil et le doigt.
Mais comme nous savons que la balle peut avoir fracturé
la table interne d'un os du crâne en laissant l'externe par-
faitement intacte , quels sont les signes qui peuvent guider
le praticien et le conduire au diagnostic précis de la lésion
qu'il a à traiter?
La plupart des auteurs sont d'accord sur la nature des
symptômes qui caractérisent les fractures douteuses des
os du crâne; mais tous n'ont pas la même opinion sur la
plus ou moins grande valeur de chacun de ces signes.
Ainsi , on a dit qu'au moment de l'accident le malade per-
cevait dans sa tête le son de pot cassé, qu'ensuite il por-
tait automatiquement la main sur le point blessé : ces
symptômes manquant , on a conseillé , pour s'assurer de
l'existence ou de la non existence de la fracture , de faire
mordre un linge au malade et de tirer fortement dessus
pendant qu'il le serre entre ses dents. Alors , a-t-on dit ,
une vive douleur se fait ressentir au point blessé. Enfin,
on a parlé de l'empâtement des parties molles au niveau
de la fracture , des hémorrhagies par le nez , les oreil-
les , etc. . .
— 171 —
M. Bégin a discuté, avec beaucoup de justesse, la va-
leur de chacun de ces signes, dans les Mémoires de méde-
cine et de chirurgie militaire. (T- 14 , P- 12) Voici com-
ment il s'exprime à ce sujet : « .., Le bruit, semblable à
celui d'un pot qui se casse , entendu par le malade à l'in-
stant du coup, peut dépendre de toute autre cause que de
la division des os du crâne. Les hémorrhagies par les yeux,
le nez, les oreilles, attestent que la commotion a été assez
violente pour rompre les vaisseaux délicats de ces parties,
mais elles ne démontrent pas que les os du crâne doivent
être nécessairement fracturés. Les douleurs continuelles
que le malade ressent à un endroit de la tête, et qui l'enga-
gent à y porter incessamment la main , peuvent dépendre
aussi bien d'une violente contusion des parties molles que
de la division des os. Il en est de même de la douleur
qu'éprouve le sujet lorsqu'il serre quelque chose entre ses
dents, et que l'on tire sur cet objet pendant qu'il est dans
la bouche du malade; enfin, l'empâtement des parties
molles dans un point du crâne, les traces d'humidité lais-
sées par elles sur des cataplasmes dont on recouvre la tête,
sont autant de signes que l'expérience désavoue , et dont
l'observation a fait depuis longtemps justice... »
M. Vidal de Cassis dit à son tour, au sujet du bruit de
pot cassé : «... Le saisissement du malade , au moment
de l'accident, l'empêche de percevoir le son de pot cassé,
qui se produit , dit-on , au moment de la fracture. » Ces
deux mots dit-on ne montrent-ils pas que l'auteur n'ac-
corde aucune espèce de confiance à ce signe, et que, dans
le cours de sa pratique, il n'a jamais été a même d'en con-
stater l'existence. Enfin, je terminerai ces réflexions sur la
valeur des signes des fractures du crâne douteuses, en ci-
tant l'opinion d'Ambroise Paré au sujet du linge placé entre
les dents du blessé. Voici les propres paroles de cet auteur :
- 172 —
« Ce que toutes fois je n'ay sceu trouver par expérience iacoit
quej'aye pansé plusieurs patiens qui avaient l'os fracturé.
En suivant le précepte de Guidon, je leur ai fait serrer avec
les dents une cordelette ou bien un mouchoir : néant moins
sans laisser la tenir ferme , ils ne faisaient point semblant
de se plaindre, ny de m'enseigner le lieu où l'os était
rompu. À cause de quoi je ne puis bonnement assurer que
cette raison de Guidon soit certaine, veu que je n'en ai rien
trouvé par expérience... »
Les Raisons exposées par MM. Bégin et Vidal, ainsi que
par Ambroise Paré , sont d'une excessive justesse et peu-
vent chaque jour être vérifiées dans la pratique des clini-
ques. Rien n'est plus difficile à diagnostiquer qu'une frac-
ture sans lésion des parties molles correspondantes : aussi
doit-on être très circonspect en pareil cas , s'entourer de
conseils éclairés, n'entreprendre qu'à la dernière extrémité
les manœuvres opératoires dangereuses, et ne prononcer
positivement qu'il y a fracture que lorsqu'on est aidé par
le sens de la vue , ou par le tact.
Le pronostic des fractures du crâne varie :
1o Selon le volume du projectile qui les produit : ainsi
un boulet, un éclat de mine, un fragment volumineux
d'obus, occasionnent ordinairement une blessure instanta-
nément mortelle , ou qui le devient peu d'heures après ;
2° Selon leur nombre , il est évident que si le crâne est
fracturé en un seul endroit, la blessure sera plus simple et
les accidents consécutifs moindres, que si le blessé est por-
teur de cinq ou six fractures ;
3° Selon le lieu qu'elles occupent : les fractures de la
base du crâne sont plus dangereuses que celles de la péri-
phérie de cette boîte osseuse, car c'est à la base du cerveau
que se trouve l'origine des filets nerveux crâniens, et avant
d'arriver à la base du crâne, le projectile a dû traverser
— 173 —
tout le cerveau s'il vient de haut en bas, et une foule d'or-
ganes importants s'il vient de bas en haut ,
4° Selon leur état de simplicité ou de complication : une
fracture , par exemple , qui aura été suivie d'une violente
commotion cérébrale, qui sera accompagnée de lacération
plus ou moins étendue de la substance du cerveau, exigera
une surveillance plus active et un traitement plus énergi-
que, que celui d'une simple fracture, avec ou sans esquilles,
qui pourra guérir sans plus d'accidents que la solution de
continuité de tout autre os du squelette.
Le traitement des fractures du crâne doit être "aussi
prompt et aussi énergique que les accidents qu'elles occa-
sionnent sont rapides dans leur marche. On a malheureuse-
ment à se repentir , dans bien des cas , d'une trop longue
expectation ; et alors que l'art offre encore des ressources,
il faut savoir racheter , par une thérapeutique éclairée et
hardie, les insuccès que son impuissance nous force si
souvent de déplorer.
Après avoir dissipé les accidents primitifs qui accompa-
gnent fort souvent les fractures du crâne , savoir la stu-
peur , la commotion cérébrale, etc. , il faut s'occuper du
traitement local. Si le projectile a respecté les téguments,
et que le malade présente des symptômes de nature à faire
croire à la présence d'une esquille comprimant le cerveau,
il faut pratiquer une incision cruciale sur les téguments
contus, afin de mettre à nu les surfaces osseuses et de pou-
voir les examiner librement. Si l'on n'y rencontre aucune
trace de fêlure ou de fracture plus étendue, il faut patienter
quelques instants , revoir le malade 7 ou 8 heures après ,
et si les symptômes de compression sont stationnaires ou
augmentent, appliquer une ou plusieurs couronnes de
trépan ; car on a probablement à combattre, dans ce cas,
_ 174 —
ou une fracture de la table interne des os du crâne, ou un
épanchement intra-crânien.
Les indications locales sont bien plus faciles à remplir
quand il y a place extérieure, Ordinairement , cette der-
nière est trop étroite pour laisser voir à priori toute l'éten-
due des désordres. Il faut donc l'agrandir afin de pouvoir
manœuvrer à son aise , et ramener promptement la plaie
à l'état de simplicité.
Si la balle a fait à l'os une perforation circulaire (ce qui
est très rare) , le cas n'offre aucune indication spéciale, mais
s'il y a des esquilles et des pièces d'os enfoncées vers l'in-
térieur du crâne, ou même dans la substance cérébrale, il
faut en opérer l'extraction dès qu'on le peut, sous peine de
voir les accidents cérébraux marcher avec une prodigieuse
rapidité, et donner la mort au blessé. Il est des esquilles et
des pièces d'os qui peuvent s'enlever , à l'aide de simples
pinces à pansement, d'autres, qui n'offrent aucune prise à
cet instrument , et sur lesquelles les élévatoires de toute
espèce n'ont aucune action, faute de point d'appui suf-
fisant ; il ne faut pas balancer, en pareil cas, d'appliquer le
trépan afin de pouvoir extraire ces os, ou au moins les ra-
mener à leur niveau normal, en agissant sur eux de dedans
en dehors. Je n'entreprendrai pas la description de tous
les leviers et de tous les élévatoires imaginés depuis les
temps anciens jusqu'à nos jours, ainsi que celle du manuel
opératoire de l'opération du trépan, ces détails me mène-
raient trop loin , et se trouvent d'ailleurs longuement ex-
posés dans tous les ouvrages classiques. Un pansement
simple et doux sera ensuite le complément de soins locaux
qu'on doit prodiguer à un blessé porteur d'une fracture des
os du crâne, mais comme nous verrons plus bas que la so-
lution de continuité des os du crâne est souvent accompa-
gnée de commotion, de compression, de contusion du cer-
— 175 —
veau et par suite d'encéphalite, il faut, toutes les fois qu'on
est appelé à traiter une pareille blessure, se tenir en garde
contre l'invasion de ces accidents, pratiquer au début une
ou plusieurs saignées, agir révulsivement, par des purga-
tifs , sur le canal intestinal , et si la fièvre redouble , si la
céphalalgie se déclare ou augmente , ne pas craindre de
renouveler les émissions sanguines deux , quatre , six et
même un plus grand nombre de fois. J'ai vu, clans des cas
pareils, la saignée de la jugulaire soulager instantanément
les blessés et enrayer la marche d'accidents, s'annonçant
sous de très fâcheux auspices. L'application d'un nombre
plus ou moins considérable de sangsues, derrière les apo-
physes mastoïdes , est souvent suivie d'une amélioration
sensible dans les accidents. Les sangsues opèrent un dégor-
gement , qui agit presque directement sur le système vei-
neux cérébral et peuvent, de cette manière, s'opposer ef-
ficacement à la formation d'une congestion sanguine vers
cet organe.
§ III. LÉSIONS DU CERVEAU ET DE SES MEMBRANES.
Les membranes cérébrales sont rarement blessées isolé-
ment par les projectiles de guerre; elles le sont presque
toujours en même temps que le cerveau, car le projectile
qui a assez de force pour briser les os, arriver jusqu'à la
dure-mère et la déchirer, épargne rarement le paren-
chyme cérébral, que sa mollesse et son peu de résistance
rendent si facilement perméable. Le cefveau peut être at-
teint parles balles sur tous les points de sa surface, à la
circonférence des hémisphères aussi bien qu'à la base. Les
blessures de cette dernière région sont beaucoup plus
dangereuses que les autres, sans doute parce qu'à la base
du cerveau se trouve le nœud de la vie, l'origine de tous
les nerfs crâniens, et sans doute encore parce que le corps
— 17G —
vulnérant n'y arrive qu'après un long trajet, pendant le-
quel il a eu le temps d'occasionner de graves désordres.
Le cerveau peut être blessé parle projectile lui-même,
ou bien par les esquilles osseuses que ce dernier détache
de la calotte crânienne et enfonce dans la substance céré-
brale. Quand le projectile est d'un petit volume, il s'y
creuse un trajet étroit et ne produit, dans certains cas heu-
reux, que des désorganisations auxquelles l'art, aidé delà
bonne constitution du blessé, peut encore porter remède ;
mais s'il est plus volumineux, il emporte ou déchire ordi-
nairement une portion du cerveau trop considérable pour
que la vie puisse continuer. C'est malheureusement la ter-
minaison la plus fréquente de ces sortes de blessures.
Les lésions du cerveau sont peu douloureuses en elles-
mêmes, et la substance de cet organe ne paraît pas douée
d'une sensibilité aussi exquise que sembleraient le com-
porter, d'une part, l'importance de ses fonctions, et de
l'autre, la gravité des désordres qui suivent ses blessures.
Ainsi, on a vu des chirurgiens, allant à la recherche d'une
balle perdue dans le cerveau, enfoncer leur sonde de cinq
a six pouces dans l'épaisseur de cet organe, sans que le
malade parût vivement affecté de cette manœuvre.
Les blessures dont nous nous occupons donnent pres-
que toujours lieu à des symptômes très graves , qui sont
en rapport avec l'importance physiologique des fonctions
élevées que le cerveau est appelé à remplir. Ainsi, elles
sont suivies, dans la majorité des cas, d'anéantissement,
de la perte de telle ou telle faculté, la mémoire, le juge-
ment, de tel ou tel sens, la vue, l'ouïe, de paralysies, de
la perte du sentiment , des mouvements volontaires , etc.
Elles donnent lieu à une suppuration longue et ordinaire-
ment assez fétide, et peuvent cependant, dans certains cas
exceptionnels, se terminer d! une manière heureuse. Ainsi,
j m ml
1 i L
M. Denis, chirurgien major au V régiment do chasseurs
d'Afrique, me racontait dernièrement avoir connu un oili-
cier (iui, voulant se suicider, se lira un coup de pistolet à
la tempe droite ; le projectile ressortit par la tempe oppo-
sée, entraînant avec lui des fragments du cerveau. La sup-
puration s'établit par les deux ouvertures; elle dura an
mois, et au bout de ce temps, elle tarit. Les deux plaies
extérieures se cicatrisèrent , et deux mois et demi après,
l'officier blessé était guéri, sans avoir éprouvé la perte
d'aucune faculté, d'aucun sens, etc. ; mais, malheureuse-
ment pour lui, il commit, quelque temps après, un grand
écart de régime, à la suite duquel se déclara une encépha-
lite secondaire, et il mourut en peu de jours.
Lamotte donne l'observation d'une blessure qui, bien
que produite par une arme blanche , n'en mérite pas
moins de trouver place ici : c'est celle d'un coup de sabre
qui coupa le pariétal droit dans l'étendue de deux pouces,
et le gauche dans retendue de trois ou quatre pouces, jus-
qu'auprès de l'oreille. Cette plaie comprenait, non seule-
ment le sinus longitudinal supérieur , les membranes du
cerveau, mais encore le cerveau lui-même. Elle fut suivie
de syncope, à cause de la perte de sang considérable
éprouvée par le blessé. Elle ne donna lieu à aucun acci-
dent grave et fut guérie en deux mois et demi.
L'encéphalite est la suite la plus redoutable des plaies
du cerveau. Son traitement doit être essentiellement anti-
phlogistique. Nous allons, du reste, nous en occuper plus
longuement dans le paragraphe suivant, en traitant des
complications des plaies du crâne.
§ IV. — COMPLICATIONS DES TLA1ES DU CRAXE.
Les accidents qui compliquent le plus ordinairement les
plaies du crâne sont : 1° la commotion ; 2° la compression ;
12
~~ 178 —
3° la contusion ; i° l'inflammation du cerveau, et en cin-
quième lieu, la présence de corps étrangers organiques ou
inorganiques, ayant pénétré dans la cavité crânienne, ou
s'étant logés dans l'épaisseur de ses parois. Les détails
dans lesquels nous allons entrer au sujet de ces complica-
tions nous mettront à même d'apprécier toute la gravité
des lésions qui nous occupent, et termineront ce que nous
avons à dire sur les plaies du crâne.
§ V. — COMMOTION CÉRÉBRALE.
Toutes les fois que la surface externe du crâne est sou-
mise à un choc extérieur, l'enveloppe osseuse du cerveau
s'affaisse plus ou moins, suivant la force du coup, com-
prime le cerveau, revient ensuite sur elle-même et re-
tourne au repos, après une série plus ou moins considéra-
ble d'oscillations. Pendant tout ce temps, le cerveau se
trouve plus ou moins secoué, et il en résulte ce qu'on
nomme commotion , c'est-à-dire anéantissement, suspen-
sion de toutes ses fonctions, pouvant n'être qu'un simple
vertige , tenant pendant quelques instants seulement le
blessé dans un état d'hébétude , d'autres fois , au con-
traire, suspendant totalement les fonctions cérébrales, et
occasionnant par conséquent la mort.
On a longtemps cherché la lésion anatomique corres-
pondant à la commotion du cerveau. Le résultat de ces
longues recherches a consisté seulement à noter une dimi-
nution notable de volume dans le cerveau des individus
morts par suite de commotion cérébrale. Les deux obser-
vations qui ont amené à établir ce fait sont dues, l'une à
Littré, l'autre à Sabatier. A part cela, aucun auteur n'a si-
gnalé une lésion de structure quelconque du tissu encé-
phalique, comme étant le propre de la complication des
plaies du crâne, dont nous nous occupons en ce moment.
— 179 —
D'un autre côté, au contraire, les auteurs sont tous du
même avis à peu près relativement aux symptômes de la
commotion cérébrale , qui se divise en trois degrés : le
premier offrant peu de gravité , le second étant plus sou-
vent suivi de réaction inflammatoire plus ou moins grave,
et le troisième, enfin, donnant bien souvent la mort au
blessé , au moment même de l'accident.
Il n'est, pour ainsi dire, personne qui n'ait éprouvé une
ou plusieurs fois , dans le cours de son existence , le pre-
mier degré de la commotion cérébrale, soit à la suite
d'une chute d'un lieu plus ou moins élevé , ou d'un coup
plus ou moins violent reçu sur la calotte crânienne. Ce
premier degré se manifeste par des ébîouissements , des
vertiges , durant pendant plusieurs secondes. Le blessé
croit voir une grande quantité d'étincelles se mouvoir
avec rapidité devant ses yeux. Il a besoin de trouver bien
vite un point d'appui, sous peine défaire une chute. Dans
certains cas même, il éprouve des vomissements, mais
jamais il ne perd le sentiment de son existence. Ordinai-
rement ces symptômes durent très peu , en général leur
existence est aussi passagère que la cause qui les produit,
et bientôt après tout rentre dans l'état normal.
Dans le second degré , le blessé éprouve d'abord tons
les symptômes précédents , seulement ils sont plus inten-
ses et occasionnent dans la majorité des cas la chute du
corps, puis, en second lieu, les sphincters se relâchent su-
bitement et il y a émission involontaire des urines et des
matières fécales. Le décubitus est dorsal, et l'immobilité
presque complète. La sensibilité est quelquefois obtuse ,
au point que les blessés ne sentent pas des tiraillements
violents exercés sur leur peau , tiraillements qui , dans
dans l'état normal , seraient pour eux la cause de vives
douleurs et de cris aigus. Les pupilles sont dilatées, l'ouïe
— 180 —
est quelquefois obtuse , d'autres fois tout à fait anéantie.
Tandis que dans certains cas , au contraire , elle est dans
toute son intégrité , alors le blessé entend parfaitement
toutes les questions qu'on lui adresse , mais il paraît en
être fatigué, se détourne assez souvent pour les éviter, et
s'il répond à quelques-unes, il le fait longtemps après et
avec un air de mécontentement manifeste , absolument
comme si on venait de le tirer d'un profond sommeil. La
respiration est lente , suspirieuse , le pouls large et lent
surtout dans les premiers moments après l'accident. Mais
il se relève bientôt à mesure que la réaction arrive.
Si la maladie doit avoir une terminaison funeste , les
symptômes restent pendant quelque temps stationnaires ,
puis tout à coup se manifeste une vive réaction inflamma-
toire, vient ensuite le délire, qui annonce l'invasion dune
encéphalite. Si, au contraire, l'invasion doit avoir une
heureuse terminaison, tous les symptômes diminuent d'in-
tensité à dater du moment de l'accident , les fonctions
troublées dans leur régularité reviennent à l'état normal ;
et la guérison ne se fait pas attendre.
On observe dans certains cas, à la suite des commotions
cérébrales un peu violentes, un trouble de certaines fonc-
tions intellectuelles persistant plus ou moins longtemps
après l'accident; ainsi, quelques malades sont inaptes
aux travaux intellectuels , bien qu'ils fussent avant leur
maladie habitués aux études sérieuses. D'autres conser-
vent, pendant un certain temps un affaiblissement remar-
quable de telle ou telle faculté de l'intelligence, comme
la mémoire, le jugement.
Le troisième degré de la commotion est encore plus
violent , il peut tuer instantanément le blessé qui le sup-
porte. « .... Celui-ci, ditDupuytren, tombe comme une
victime frappée d'un coup de massue. » îl y a des convul-
— 181 —
sions, suspension de toutes les fonctions de relation et de
nutrition, et, pour peu que cette suspension se prolonge ,
la mort ne tarde pas à arriver.
La commotion qu'on observe à la suite des coups de
feu du crâne est toujours directe , tandis que celle qui ré-
sulte , par exemple , d'une chute d'un lieu élevé sur les
extrémités inférieures, sur les fesses, est indirecte.
La commotion cérébrale peut encore se marier à la
compression et à la contusion du cerveau. Nous verrons
tout h l'heure quels sont les moyens d'asseoir un diagnos-
tic certain, quand deux ou trois de ces affections existent
simultanément.
Le traitement de la commotion cérébrale-est fort sim-
ple ; il faut , après avoir donné des soins à la blessure du
crâne , tâcher d'appeler la réaction , si le blessé est dans
la période d'anéantissement , et modérer cette réaction
une fois qu'elle est arrivée. On remplit la première indi-
cation à l'aide de frictions sèches pratiquées sur toute la
surface du corps, par l'instillation de liqueurs spiritueuses
dans les narines, et l'application de révulsifs sur les mem-
bres. Puis, lorsque l'application de ces .moyens thérapeu-
tiques a amené la réaction, on doit pratiquer une ou plu-
sieurs saignées générales , faire des applications plus ou
moins réitérées de sangsues derrière les apophyses mas-
toïdes, exercer en même temps une médication révulsive
sur le tube intestinal. On doit redoubler d'activité si la
commotion s'accompagne de délire , s'il y a menace d'en-
céphalite, et si cette dernière débutait brusquement et
avec beaucoup d'énergie , il ne faudrait pas craindre d'af-
faiblir le blessé par des émissions sanguines réitérées.
— 182 —
§ VI. — ■ COMPRESSION CÉRÉBRALE.
Dans l'état naturel, le cerveau est bridé dans ses mouve-
ments d'expansion par la calotte osseuse qui l'entoure ,
mais cette compression est douce, naturelle, uniforme, et
ne dépasse jamais les limites , au-delà desquelles elle de-
viendrait un état morbide. Mais, si, à la suite d'une plaie
du crâne , un corps étranger , de nature quelconque , pèse
sur la surface du cerveau ou s'enfonce dans son paren-
chyme, il en résulte des symptômes très graves, marchant
avec rapidité et donnant promptement la mort au blessé ,
si on ne détruit, en l'enlevant, la cause comprimante qui
agit sur le cerveau.
La compression cérébrale peut avoir lieu sur tous les
points de la surface du cerveau , sur la convexité de
ses hémisphères aussi bien qu'à sa base, mais elle est
plus dangereuse dans cette dernière partie, d'abord à
cause de l'importance des organes qui s'y trouvent, et en-
suite parce qu'un corps comprimant , situé à la base du
cerveau , se trouve tout à fait hors l'action des moyens
thérapeutiques chirurgicaux.
La compression cérébrale doit sa naissance à plusieurs
causes, et peut exister tout aussi bien à la suite d'un coup
de feu sans fracture , que dans un cas de plaie aux tégu-
ments accompagnée de fractures multiples aux os du
crâne. Ainsi , une balle peut avoir contusionné les os du
crâne et décollé la dure-mère de leur surface interne; or,
il résultera de ce décollement un épanchement de sang
plue ou moins considérable , qui pèsera sur le cerveau et
déterminera les symptômes de la compression.
Les esquilles- osseuses, détachées par les projectiles,
sont la cause la plus fréquente de lacompression cérébrale ;
celles-ci peuvent être tout simplement enfoncées vers la
— 183 —
cavité crânienne , et peser sur la surface du cerveau ,
ou bien aller plus loin et pénétrer à une profondeur varia-
ble dans le parenchyme de cet organe. Dans le premier
cas , les phénomènes de la compression , et tous les acci-
dents cessent immédiatement après l'extraction de la cause
comprimante, Ms dans le second, cette extraction ne met
pas à l'abri de l'encéphalite consécutive, pouvant survenir
h la suite de l'irritation occasionnée au cerveau par les
pointes piquantes des esquilles.
Les projectiles peuvent aussi , à leur tour , en pesant à
la surface du cerveau où en s'enfonçant plus ou moins
profondément dans sa substance , déterminer d'abord des
symptômes de compression, et ensuite une encéphalite
consécutive.
Ordinairement la compression cérébrale acquiert immé-
diatement après l'accident le degré qu'elle doit conserver
pendant toute la maladie , quand le corps étranger qui la
produit est, et sera toujours de même volume, et agit par
conséquent toujours avec la même puissance, comme une
esquille , une balle ; mais si le corps étranger est suscep-
tible d'augmenter de volume, et d'exercer par conséquent
une compression de plus en plus forte : alors aussi les
symptômes augmentent d'intensité et peuvent devenir très
graves de légers, et quelquefois même de nuls qu'ils étaient
les premiers moments après l'accident. Le fait que je si-
gnale s'observe dans les cas d'épanchements et sert même
à établir un point de diagnostic différentiel très important
entre la commotion et la compression du cerveau.
La compression cérébrale s'annonce, en général, par la
dilatation de la pupille, la lenteur du pouls, la respiration
stertoreuse , et surtout par la paralysie du côté du corps
opposé au côté de la tête où siège l'épanchement, ou toute
autre cause de compression. Quand le crâne est ouvert par
— 184 —
le projectile de guerre , il est aisé de savoir ou se trouve
l'agent comprimant, mais quand la paralysie résulte, par
exemple ? d'un épanchement purulent consécutif à une
encéphalite , survenue à son tour après une contusion , et
qu'il n'y a pas la moindre solution de continuité aux tégu-
ments et aux os du crâne, le cas est beaucoup embarras-
sant.
MM. Foville et Pinel-Grand-Champ ont assigné, à la suite
de recherches longues et curieuses , telle ou telle place à
l'agent compresseur, selon que la paralysie se manifesté
dans tel ou tel organe. Pour eux, la paralysie d'un bras in-
dique une compression exercée sur la couche optique et
ses irradiations; celle d'une jambe prouve la compression
du corps strié ; celle d'une moitié du corps doit faire
diagnostiquer la compression simultanée de ces dernières
portions du cerveau ; enfin, celle de la jambe droite et du
bras gauche (paralysie croisée) est un signe de compression
de la couche optique gauche et du corps strié droit.
D'après M. Cazc , la paralysie de la langue serait due à
la compression de la corne d'Ammon. Enfin M. Bouillaud
pense que la lésion des lobes antérieurs du cerveau dé-
termine la perte de la mémoire des choses.
L'extraction de l'agent comprimant est l'indication la
plus pressante qu'offre à remplir la compression cérébrale.
Quand le crâne n'a pas été ouvert, et qu'on a affaire à un
épanchement intracrànien , il est quelquefois fort difficile
de savoir oiil'on doit appliquer une ou plusieurs couronnes
de trépan pour donner issue au liquide. Il faut, en pareil
cas, que le chirurgien joigne, à une grande expérience et
à un grand tact, une certaine témérité, qui lui permette de
ne pas reculer devant un cas douteux.
Dans les temps anciens , on a singulièrement abusé de
l'opération du trépan , et on l'a employée comme une vé-
— 185 —
ritabîe panacée chirurgicale dans presque toutes les lésions
traumatiques du crâne. On est aujourd'hui revenu de ces
idées et on a singulièrement rétréci le cadre des cas chi-
rurgicaux exigeant impérieusement cette opération. Les
détails de la question du trépan exigeraient a eux seuls
plus de détails que n'en renferme l'ensemble de ce travail ;
ils se trompent , du reste , assez longuement exposés dans
les annales de la science pour que je me dispense de les
retranscrire ici
Il est des corps étrangers qu'on peut enlever avec des
pinces à pansement ou la pointe d'une spatule , d'autres
au contraire qui exigent l'application du trépan, et sur les-
quels on est forcé d'agir du dedans au dehors, comme, par
exemple, une balle, dont la plus grande portion de la
sphère se trouve emprisonnée dans le crâne... Quand la
plaie a été débridée, qu'on a enlevé les esquilles, que les
phénomènes de compression ont cessé plus ou moins
complètement, on doit se tenir sur ses gardes et user lar-
gement des saignées générales pour prévenir l'encéphalite
traumatique. Quand celle-ci survient et se termine par
suppuration , on doit faciliter, autant que possible, l'issue
du pus au dehors , et combattre la tendance de la masse
encéphalique à faire hernie au dehors, à travers les lèvres
de la solution de continuité des os. Si on a été obligé de
faire éprouver une grande perte de substance aux os du
crâne par l'opération du trépan. On fera porter au blessé ,
après sa guérison, une calotte de cuir ou une plaque de
plomb pour amortir les chocs que le cerveau pourrait es-
suyer de la part des agents extérieurs.
§ VII. CONTUSION DU CERVEAU , ET ENCÉPHALITE.
La contusion du cerveau peut aller depuis le simple
écoulement de quelques gouttes de sang jusqu'à la désor-
— 186 —
ganisation complète de la substance de cet organe. On
voit souvent survenir après elle les symptômes de la com-
pression cérébrale dont nous venons de nous occuper , et
ceux de l'encéphalite traumatique sur laquelle nous allons
insister quelques instants.
L'encéphalite peut survenir à la suite de toutes les
plaies d'armes à feu du crâne ; on l'observe aussi bien après
la simple contusion des téguments, qu'après le coup de feu
qui brise les os et enlève une portion d'hémisphère céré-
bral. Elle peut être diffuse, c'est-à-dire s'étendre à toute
la surface du cerveau , ou concentrée seulement au point
lésé. Elle se déclare , dans certains cas , à la suite de la
commotion et de la compression du cerveau ; d'autres fois,
au contraire , elle apparaît primitivement , et donne
naissance à la compression par les produits morbides
qu'elle fait naître dans l'intérieur du cerveau (suppura-
tion).
La compression , suite d'encéphalite , se manifeste plus
rarement quand l'arme a ouvert le crâne , et a établi ainsi
une voie plus ou moins facile à travers laquelle peuvent
s'écouler le sang ou le pus épanchés dans la cavité crâ-
nienne.
L'encéphalite se déclare sept , huit, dix jours, et quel-
quefois plus tard après l'accident. Alors la fièvre se déclare
et augmente subitement; le visage s'injecte, une agitation
violente se manifeste, la céphalalgie est intense, le pouls
dur, fort et fréquent ; le délire arrive bientôt après , et si
'on ne combat pas tous ces symptômes avec une extrême
énergie, on voit se manifester plus ou moins longtemps
après les symptômes de compression cérébrale , indiquant
la formation d'un épanchement purulent. Alors , au lieu
d'agitation , il y a coma ; la paralysie se montre dans telle
ou telle partie du corps , le malade tend à descendre vers
— 187 —
les pieds de son lit , etc... Il n'y a plus alors que la force
du pouls et la chaleur de la peau qui puissent faire distin-
guer l'encéphalite de la compression primitive... La mort
du sujet est la suite presque inévitable de cet état morbide.
Les fractures du crâne peuvent donner lieu a l'encépha-
lite même à une époque assez éloignée de celle de l'acci-
dent. Ambroise Paré dit qu'il faut se tenir en garde jus-
qu'au centième jour , «... et surtout, ajoute-t-il, fais avec
ton patient bon guet , tant en son boire , manger , repos ,
coït et autres choses. . . »
On combat l'encéphalite par des saignées générales plus
ou moins abondantes , par des applications de sangsues
derrière les apophyses mastoïdes , ou aux environs de la
blessure , d'après la méthode de M. Gama ; par des bois-
sons émétisées agissant comme dérivatives sur le tube in-
testinal , puis par l'application de révulsifs (vésicatoires ,
sinapismes) sur les membres inférieurs. Si on emploie les
afrusions froides, ou l'application de la glace sur la tête, il
faut n'en cesser l'usage que graduellement ; car si on le fait
d'une manière brusque , on voit , dans certains cas , sur-
venir une réaction violente promptement funeste au blessé.
M. Lallemand assure avoir obtenu de grands succès par
l'emploi de 1 emétique à haute dose, dans des cas de plaie
de tête où la saignée paraissait sans effet , et même aggra-
ver l'état des choses. Tous les auteurs n'accordent pas les
mêmes propriétés bienfaisantes à l'émétique. Les uns , du
même avis que l'honorable professeur de Montpellier, le
regardent comme un moyen puissant ; d'autres doutent de
ses vertus , et n'osent l'employer dans les grandes lésions
du crâne ; il en est enfin, et parmi eux se trouve M. Bégin,
qui proscrivent ce médicament , et regardent son admini-
stration comme très dangereuse. Citons quelques opinions.
«... Notre antiphlogistique par excellence dans les
~ !8S —
grandes occasions, dit M. Hutin , a été le tartre stibié,
qu'on me pardonne ce choc de mots en apparence si op-
posés , antiphlogistique et tartre stibiè. Les résultats prou-
vent qu'ils sont parfaitement alliables l'un à l'autre. L'é-
métiqueahautedose ralentitlacirculation générale avec une
constance et une facilité qui ne se démentent guère, et sans
parlerdessuccèsclel'écolerasorienne, sans parler des belles
cures de M. le professeur Lallemand , mon service à l'hô-
pital de Bone m'a fourni des exemples remarquables de
l'avantage de ce médicament contre l'inflammation trau-
matique. » [Relation de l 'expédition de Constantine, p. 1 99.)
M. Baudens ne l'a jamais employé et doute de ses bons
effets. « ... S'il est bien vrai , dit-il , qu'il soit (l'émétique)
le plus puissant de tous les antiphlogistiques , qu'il abaisse
la température de la peau en diminuant considérablement
le nombre des pulsations, en modérant l'hématose, en ra-
lentissant toutes les fonctions organiques, on conçoit tout
le parti qu'on peut tirer d'un pareil agent thérapeutique.
De même qu'il pourrait être excessivement nuisible , s'il provo-
quait des vomissements , ce qui doit être fort à craindre... »
Enfin, après le doute de M. Baudens , je citerai la pro-
testation de M. Bégin contre l'emploi de ce médicament , et
je me rangerai entièrement de son avis; car je ne com-
prends pas qu'on se décide à administrer à un blessé at-
teint de grave lésion à la tète 8 ou 1 grains de tartre stibié,
sans savoir s'il y aura tolérance ou non , et qu'on s'expose
ainsi à provoquer des vomissements qui pourront être très
nuisibles en augmentant la congestion sanguine vers la
tête.
a L'émétique à doses très faibles ne peut être supporté
par certains malades , dit M. Bégin ; il produit des nausées,
des hoquets , et quelquefois même des vomissements très
désagréables aux sujets qui sont blessés à la tête ; dans
— 189 —
d'autres circonstances , il provoque le développement
d'une irritation gastro-intestinale qui , réagissant sur l'en-
céphale , augmente la violence de la phlogose , et accroît
ainsi l'intensité des accidents et les dangers de la maladie
enfin chez la plupart des blessés. Lors même que l'éméti-
que ne détermine aucun désordre insolite , son action est
insuffisante pour détourner la fluxion cérébrale. Les symp-
tômes de l'inflammation du cerveau se développent et con-
tinuent leur marche malgré son administration. Comment
pourrait-il en être autrement en effet , lorsque la blessure
est grave et que les parties contenues dans le crâne ont
ou violemment contuses, ou piquées, ou déchirées par des
esquilles enfoncées sur elles. . » [Mémoires de méd. et de
cliirurg, milit. ,t. î 4 , p. 52.)
J'ai dit un peu plus haut que la commotion, la com-
pression et la contusion du cerveau existent quelquefois
combinées deux à deux, et dans certains cas même trois à
trois. Le diagnostic est alors plus difficile et les caractères
particuliers de chacune de ces complications beaucoup
moins tranchés. Je laisserai parler, à ce sujet, Dupuytren,
qui a parfaitement signalé , dans son Traité des plaies d'ar-
mes de guerre , les différents points de ralliement qui peu-
vent servir à guider le praticien dans ce cas difficile.
« Quand il existe à la fois, dit-il, commotion forte et
enfoncement des os, le| malade présente de suite la perte
de connaissance, qui caractérise la commotio net l'hémiplé-
gie accompagnée de respiration stertoreuse qui caractérise
la compression. Quand il y a compression et déchirement
deladuremère, ou épanchement dans la cavité del'arach-
noïde; si Ton arrive au moment du coup on peut suivre le
développementet les progrès de la paralysie qui commence
toujours très peu de temps après l'accident. Quand il y a
commotion et contusion, ce n'est qu'après le troisième
— 190 —
ou quatrième jour que se joignent à l'assoupissement qui
caractérise le^premier état, les accidents inflammatoires lo-
caux et généraux qui appartiennent au second, et c'est vers
le dixième ou douzième jour que se déclare l'hémiplégie
qui indique que l'inflammation se termine par suppuration.
Quand il y a épanchement et contusion, comme l'émiplé-
gie existe par le seul fait de l'épanchement sanguin, on ne
peut plus reconnaître la contusion qu'à l'élévation du
pouls à la coloration du visage, etc., qui arrivent vers le
quatrième ou cinquième jour après que le cerveau a été
contus, et qu'il s'enflamme, mais il est impossible de dis-
tinguer l'épanchement consécutif de l'épanchement pri-
mitif, sinon peut être à l'augmentation de l'intensité des
symptômes qui ne tardent pas à faire succomber le ma-
lade. Enfin, quand il y a commotion forte, épanchement
de sang au dessus et au dessons de la dure-mère, contu-
sion limitée à un point de la surface du cerveau et que l'on
est appelé assez à temps pour observer la marche des ac-
cidents , on peut voir d'abord exister seuls les accidents
du premier de ces états, à ceux-ci se joindre bientôt la pa-
ralysie occasionnée par la compression produite par le li-
quide épanché, et vers l'époque indiquée, les accidents
inflammatoires venir s'ajouter à ceux de la commotion et
de la compression qui existent déjà. (p. 475, t. vi. ).
§ VIII. CORPS ÉTRANGERS.
! Nous avons déjà vu de quelle nature sont les corps
étrangers qui compliquent par leur présence les plaies du
crâne. Nous savons aussi que les accidents qu'ils dévelop-
pent le plus souvent, sont la compression du cerveau, et
en second lieu l'encéphalite. Pour ne pas nous exposer à
d'inutiles répétitions, nous nous contenterons donc d'expo-
ser dans ce chapitre la manière la plus convenable d'ex-
— 191 —
traire les balles engagées sous la peau du crâne, dans le-
paisseur des os, celles qui ont pénétré dans l'intérieur du
crâne, et dans l'épaisseur de la substance cérébrale, et les
cas dans lesquels il convient de les abandonner et de ne
pas se livrer à de dangereuses recherches.
Une simple incision suffit pour mettre à découvert et ex-
traire une balle engagée sous les téguments crâniens.
Mais quand celle-ci à pénétré dans l'épaisseur des os,
il peut se présenter trois cas; 4° ou bien il n'y a d'engagé
dans le crâne qu'une petite portion de la sphère représen-
tée par la balle ; 2° ou bien le diamètre qui partage la balle
en deux segments égaux, se trouve au niveau de la sur-
face convexe du crâne ; 3° ou bien, en dernier lieu, la plus
grande partie de la balle se trouve engagée dans le crâne.
Les procédés d'extraction diffèrent essentiellement dans
ces trois cas. Dans le premier, ils sont très simples et des
pinces à pansement, un tire-fond, et le manche d'une spa-
tule, suffisent pour les mettre à exécution. Dans le second,
il faut éviter de trop presser sur la balle de peur de l'en-
foncer davantage et de donner lieu aux phénomènes de la
compression. Ce qu'il y a de plus rationnel à faire, si la
balle résiste trop, c'est d'enlever, à l'aide d'une couronne
de trépan sans pyramide, un disque osseux tout autour du
projectile qui de cette manière sera facilement extrait. En-
fin dans le troisième cas , il faut appliquer à côté de la
solution de continuité osseuse par laquelle la balle a péné-
tré, une ou plusieurs couronnes de trépan, à la suite de
cette opération, on pourra agir sur le projectile et le sou-
lever de dedans en dehors. — Si la balle a cheminé plus
ou moins loin entre les membranes cérébrales et la surface
interne du crâne, il faut tâcher de s'assurer de sa position
a l'aide d'une sonde en gomme élastique, et si on parvient
à la découvrir, faire avec le trépan une espèce de contre
— 192 —
ouverture osseuse, au niveau du point où elle est logée,
aiin de la retirer par la. — Enfin, si le cerveau est désor-
ganisé, et si le projectile est enfoncé trop au loin dans la
substance cérébrale, il est prudent de ne pas pousser trop
loin les investigations, car on a de nombreux exemples de
blessés qui ont vécu longues années porteurs de corps
étrangers dans le cerveau.
— 193 —
CHÂPiTRE M
BLESSURES LE LA IACE,
Les blessures de la face sont quelquefois très graves, à
cause des accidents qu'elles peuvent réveiller du côté du
cerveau; elles comprennent les plaies des oreilles, du nez,
des organes visuels , et enfin celles de la cavité buccale,
qu'on observe très souvent, parce que c'est dans la bouche
ou sous la région sus -hyoïdienne que les individus qui
tentent de se suicider placent ordinairement le canon de
l'arme qui doit leur ôter la vie.
Les blessures des parties externes de l'oreille sojit peu
graves et n'entraînent ordinairement après elles aucune
difformité choquante, comme celles qui résultent, par
exemple, de la perte d'une portion plus ou moins consi-
dérable du nez; mais quand le projectile pénètre dans le
conduit auditif externe, il produit des accidents plus gra-
ves, en tète desquels on distingue la surdité, pouvant ces-
ser, dans certains cas, après son ablation, si le projectile,
allant plus profondément, a désorganisé l'oreille interne,
fracturé le rocher. Le blessé est soumis à des accidents
cérébraux très graves , dont les symptômes et les effets
rentrent dans la catégorie de ceux que nous avons exa-
miné en parlant des fractures de la base du crâne.
Les yeux, plus exposés , par leur situation anatomique,
à être atteints par les projectiles de guerre, le sont en effet
assez souvent, et offrent une assez grande variété de lé-
sions sur lesquelles nous allons insister quelques instants.
Renfermés dans l'orbite, cavité osseuse qui les protège
13
— 194 ~
contre l'action des agents extérieurs, ils peuvent être lésés
seuls ou en môme temps que les parois de ces cavités, cir-
constance qui double la gravité de la blessure. Nous fe-
rons rentrer dans ce qui se rapporte aux blessures des or-
bites la lésion des sinus frontaux, qui n'en sont séparés que
par une lame très mince permettant de les faire considérer
comme une dépendance de l'apophyse orbitaire interne
du coronal.
La lésion du globe oculaire peut être produite par des
petits projectiles, comme des grains de plomb, de petits
morceaux de bois détachés des corps environnants, etc. ,
ou bien par la balle, ou bien enfin par des projectiles d'un
plus gros volume, et alors, il y a toujours désorganisation
complète de cet organe.
Quand un grain de plomb arrive sur le globe oculaire,
il peut s'arrêter dans les enveloppes de ce dernier ou bien
pénétrer dans son intérieur. Le résultat d'une pareille lé-
sion est toujours une contusion plus ou moins violente ou
une désorganisation plus ou moins profonde de l'œil, qui
peut, dans certains cas, perdre l'usage de ses fonctions,
tout en conservant son apparence normale , et dans d'au-
tres, se vider complètement. La contusion du globe ocu-
laire est accompagnée de douleurs très violentes , de cé-
phalalgie intense , et quelquefois même de troubles dans
les fonctions cérébrales, symptômes qui s'expliquent très
bien par la structure dense et serrée de l'organe blessé.
Quand on est assez heureux pour se rendre maître de l'in-
flammation par un traitement énergique, les symptômes
s'amendent peu à peu, et si la structure de l'organe n'a
pas été profondément altérée, tout rentre bientôt dans
l'état normal ; mais si, au contraire, le projectile a pro-
fondément désorganisé l'œil, et si le traitement tout d'a-
bord employé a été impuissant pour s'opposer à la mar-
— 195 —
che des accidents inflammatoires, le gonflement augmente
d'instant en instant; les douleurs sont affreuses, et enfin,
l'œil éclate et produit, en se vidant, un bruit considéra-
ble, qui a été compare par Dupuytren à une véritable ex
plosion. Voici, du reste, les paroles de cet auteur à ce su-
jet: « D'autres fois, dit-il, il survient, après la présence
du grain de plomb dans l'œil, une inflammation très vio-
lente de toutes les parties qui entrent dans la composition
de l'organe. Cette inflammation a lieu par étranglement,
et il en résulte d'affreuses douleurs, qui ne cessent que
lorsque l'œil éclate et fait explosion. Cette expression n'est
pas exagérée, ajoute Dupuytren; elle peint très bien ce
qui arrive. En effet, l'œil éclate quelquefois avec bruit, et
le flot de liquide purulent contenu dans sa cavité est lancé
a une certaine distance du malade, à un demi-pied, un
pied même; c'est ce que j'ai vu plusieurs fois. »
Quand le projectile est plus volumineux et produit, en
même temps qu'il tduche le globe oculaire, une lésion des
parties osseuses qui le protègent, il est aisé de compren-
dre que la blessure est infiniment plus grave, et qu'il faut
redoubler d'activité $our empêcher les accidents de se
propager jusqu'au parenchyme cérébral. Quelquefois, le
globe oculaire, frappé obliquement par un projectile d'un
volume même assez considérable, comme une balle, lui
résiste d'abord, et ensuite, en vertu de sa configuration
sphérique et de son élasticité , lui fait éprouver des ré-
flexions pouvant devenir funestes au blessé. En voici un
exemple très curieux, qui m'a été communiqué par un de
mes amis, lequel l'a observé l'année dernière à Bouf-
farick :
Le commandant de place de cette ville arabe vint aver-
tir, à neuf heures du soir, l'officier de santé dont je parle
qu'un soldat venait de tomber raide mort à la suite d l un
— lî>6 —
coup de feu qu'il avait reçu étant en faction, et le prier en
même temps de se rendre auprès de ce blessé pour cons-
tater son décès. Arrivé auprès du cadavre, l'officier de
santé le fait dépouiller de ses vêtements, et, pensant
qu'une mort aussi subite avait dû être produite par la lé-
sion profonde d'un ou de plusieurs organes contenus dans
une des cavités splanchniques, il examine avec attention
la tète, la poitrine et le ventre, sans y découvrir la moin-
dre trace de plaie d'arme à feu. L'examen attentif des
membres eut le même résultat négatif. On commença
alors à douter de la véracité du récit des camarades du
blessé, qui prétendaient avoir vu l'Arabe qui avait tiré le
coup de feu sortir de l'embuscade où il était placé, et
avoir entendu parfaitement l'explosion de l'arme à feu : si
bien qu'au moment de faire l'autopsie, on s'attendait à
trouver une cause interne de mort subite, comme un
épancheraient apoplectique , une rupture de gros vais-
seau, etc. Mais quel ne fut pas l'étonnement de ceux qui
assistaient à cette autopsie, lorsqu'apres avoir ouvert le
crâne et enlevé la dure-mère, on put voir le lobe anté-
rieur de l'hémisphère cérébral droit totalement désorga-
nisé par une balle qui était entrée dans le crâne, en perfo-
rant la paroi supérieure de l'orbite, et suivre, de dedans
en dehors, le trajet du projectile, qui avait frappé sur le
globe oculaire droit, s'était glissé entre lui et la paupière
supérieure, dont il avait percé la conjonctive au moment
de sa réflexion sur le globe oculaire, et de là avait péné-
tré dans l'orbite, dont il avait aisément perforé la voûte.
Cette observation , qui compte peu de sœurs dans la
science, doit engager les officiers de santé militaires qui se
trouvent dans le cas d'examiner des blessures par armes à
feu, à le faire avec une scrupuleuse attention, et souvent à
plusieurs reprises. Us pourront ainsi, dans certains cas,
— 197 —
trouver l'explication des effets qui, antécédemment, leur
paraissaient problématiques.
D'autres fois, l'œil , au lieu de réfléchir la balle dans
telle ou telle direction, se laisse entraîner par elle, et
chasser plus ou moins loin hors de la cavité orbitaire , en
tenant encore à son pédicule nerveux. Ainsi, d'après Du-
puvtren, Covillard aurait réussi à replacer dans l'orbite
un œil qui en avait été expulsé.
Les projectiles lancés par la poudre à canon, qui pé-
nètrent dans la cavité orbitaire, peuvent porter leur action
sur chacune des faces de cette cavité quand ils agissent
sur la face interne, sur la face inférieure ou sur la face ex-
terne; ils donnent lieu à un nombre plus ou moins consi-
dérable d'esquilles , qui aggravent singulièrement la bles-
sure, et augmentent les chances d'inflammation. Mais le
danger est loin d'être aussi grand que lorsque le projectile
perfore la paroi orbitaire supérieure , et pénètre dans le
cerveau, qui peut, comme nous venons de le voir dans le
fait que nous avons cité , devenir le siège d'une désorga-
nisation plus ou moins profonde.
Quand le projectile atteint le pourtour de la cavité,
comme les arcades sourcillières , il peut pénétrer dans
l'intérieur des sinus frontaux, et donner lieu à un emphy-
sème plus ou moins volumineux , ou bien, dans d'autres
cas , séjourner plus ou moins longtemps dans ces cavités
sans produire aucun accident , et sans faire souffrir le
blessé. J'ai vu un officier de l'armée de don Carlos, nommé
de Yillalba, qui portait depuis six mois, dans le sinus
frontal droit, une balle qu'il avait reçue en Espagne. Elle
avait pénétré à un pouce au-dessus de l'arcade sourcillière
droite; la direction de son trajet était oblique de haut en
bas et de dehors en dedans. On sentait manifestement le
projectile en faisant pénétrer par l'entrée de la blessure ,
— 198 —
qui était demeurée fistuleuse , un stylet qui allait jusque
dans le sinus frontal. Elle n'incommodait un peu le blessé
que lorsqu'il faisait de grands mouvements : alors il la
sentait manifestement remuer et éprouvait des douleurs
un peu violentes , mais passagères. Quand on lui apprit
qu'on ne pouvait lui extraire sa balle qu'en appliquant
une couronne de trépan, il se sauva de l'hôpital sans vou-
loir entendre parler d'opération , et disant qu'il préférait
garder toute sa vie sa balle dans le crâne,.. D'un autre
côté, M. Baudens rapporte, dans sa Clinique des plaies d'ar-
mes à feu , l'histoire d'un officier du 50 e de ligne, qui eut
l'arcade sourcillière droite fracturée. La balle demeura
engagée dans la lame interne du sinus frontal, et com-
prima le lobe antérieur droit du cerveau. Elle fut extraite ,
et il s'établit une fistule aérienne qui détermina un emphy-
sème de la paupière. L'emphysème et la fistule disparurent
par l'emploi du nitrate d'argent et d'une compression mé-
thodique. Le globe de l'œil n est nullement altéré dans sa
structure., mais ses fonctions sont abolies. La mémoire est
altérée : cet officier se souvient de tout ce qui est antérieur
à son accident , et il emploie fréquemment le mot chose.
(P-463.)
Le traitement antiphlogistique est celui qu'on doit op-
poser à toutes les lésions de l'appareil visuel que nous ve-
nons d'examiner. Si le projectile, qui a atteint le globe ocu-
laire, est de petit volume et s'il y est resté engagé, il faut,
s'il est accessible à la main ou aux instruments, l'extraire
le plus tôt possible, tandis que s'il a pénétré dans l'intérieur
de Poeil , il faut l'y laisser et se contenter de combattre les
accidents qu'il pourrait déterminer. Si le gonflement du
globe oculaire est porté à un degré très élevé, et si le chi-
rurgien juge qu'il doit finir par se vider, il pourra, pour
* rniiier plus tôt la maladie et pour épargner au blessé de
— 199 —
longues et vives douleurs, évacuer, par une incision, le pus
et les humeurs qui y sont contenus. Si la lésion se compli-
que de fracture de la cavité orbitaire avec esquilles , il va
sans dire qu'on devra les extraire le plus tôt et le plus
complètement qu'on le pourra , afin de simplifier la bles-
sure et de hâter sa cicatrisation ; à cet effet on n'épargnera
pas ses débridements et on ne sera pas arrêté par la
crainte de donner lieu à des cicatrices ou balafres , qui ne
sont rien en comparaison des accidents qui se manifestent
si on ne les pratique pas. Si la présence d'un petit corps
étranger dans le globe oculaire a déterminé l'opacité du
cristallin ou, autrement dit, une cataracte traumatique, on
remédiera à cet accident par l'opération chirurgicale, ap-
plicable dans le cas de cataracte spontanée.
Les blessures du nez portent sur !es parties molles, ou
sur les parties osseuses isolément , ou bien sur les parties
molles et sur les parties osseuses tout à la fois. Les balles
qui atteignent cet organe y produisent ordinairement des
plaies irrégulières, contuses, qu'on doit se hâter de réunir
le mieux qu'il est possible afin d'éviter les difformités cho-
quantes qui résulteraient d'une cicatrisation vicieuse , ou
de la perte d'une portion plus ou moins considérable de cet
organe ; si la balle a porté son action sur les os du nez, on
doit extraire toutes les petites esquilles mobiles qu'on juge
incapables de réunion , placer dans les narines des bouts
de sonde, qui serviront, pour ainsi dire, de moule à la cica-
trisation, employer les saignées générales répétées, pour
peu que la face menace de devenir le siège d'une inflam-
mation érysipélateuse, qui pourrait se propager jusqu'au
cuir chevelu, et de là jusqu'au cerveau. Enfin, si le projec-
tile a emporté le nez presque en totalité, on pourra, après
l'entière cicatrisation de la blessure et selon la volonté du
blessé , essayer de remédier à la difformité par la rhino-
— 200 — -
plasîi \ opération toujours assez chanceuse dans les suites,
et dont les résultats sont, en général, bien loin de se rap-
procher du naturel.
Je ferai rentrer les blessures par armes à feu, de toutes
les autres parties de la face , dans ce que je vais dire des
lésions de la bouche. Il est facile, en effet, de se convaincre
par l'examen anatomique que les os maxillaires supérieurs,
le maxillaire inférieur , la langue, les joues , les lèvres, la
région sus-hyoïdienne toute entière, entrent dans la com-
position delà cavité buccale. Cette marche m'évitera beau-
coup de répétitions, et je n'en serai pas moins complet
pour cela.
Les coups de feu qui atteignent la bouche sont tirés d'une
distance plus ou moins éloignée , comme cela arrive tous
les jouïs sur le champ de bataille ; ou bien ils sont tirés
directement dans cette cavité, ou contre une des parois
qui la composent (c'est ordinairement la paroi sus-hyoï-
dienne), et alors il en résulte des désordres effrayants et
presque toujours mortels.
Quand les coups de feu "viennent de loin . ils peuvent ,
après avoir perforé les parois de la cavité buccale , y en-
trer et s'y arrêter sans produire d'autres désordres; ou
bien, fracturer comminutivement un des deux maxillaires,
ou les deux maxillaires supérieurs , le maxillaire inférieur,
blesser la langue et , en un mot , produire de très grands
désordres , qui cependant, comme le démontre l'observa-
tion , guérissent plus facilement que toute autre plaie
d'arme à feu, même moins grave, située dans toute autre
région du corps. Yeut-on un exemple de l'innocuité de
certains coups de feu pénétrant dans la cavité buccale, on
n'a qu'à lire celui que cite M. Baudens d'un officier du
30 e de ligne , qui se battait en fumant un cigare et qui eut
la joue droite traversée par une balle, Ce'le-ci tomba
— 201 —
dans la bouche et l'officier la cracha de suite avec de la
fumée. [Plaies d'armes à feu , p. 183.) On peut consulter ,
en second lieu , celui que rapporte M. Dare, chirurgien-
major du corps royal, cité par Percy en 1792, d'une balle
qui entra dans la cavité buccale, et après avoir cassé une
dent molaire d'en bas , s'enclava entre les deux collatéra-
les , d'où on la fit sortir avec la pointe d'une spatule.
(P- 1 16.)
Le fait suivant, cité par le baron Larrey, nous montre,
au contraire, une de ces grandes fractures de la face, qui,
malgré l'énormité des accidents qui les suivent, laissent
cependant survivre le blessé , mais avec une difformité
quelquefois repoussante. Il s'agit, dans cette observation,
d'un soldat nommé Vauté, qui fut blessé à la face par un
boulet, au siège d'Alexandrie. Le projectile produisit les
désordres suivants: l ô ablation d'une partie de l'os de la
pommette du côté droit; 2° ablation des deux os maxil-
laires supérieurs ; 3° des deux os carrés du nez ; 4° des car-
tilages du nez; 5° du vomer; 6° de la lame médiane de
l'ethmoïde ; 7° de l'os de la pommette gauche; 8° d'une
partie de l'arcade zigomatique de ce côté ; 9° et enfin
d'une grande partie du maxillaire inférieur, 11 est inutile
de dire que toutes les parties molles correspondantes
étaient horriblement attrites. M. Larrey pansa ce mal-
heureux, lui enleva ses esquilles, retrancha les chairs trop
attrites, et au bout de deux mois, cette horrible plaie était
cicatrisée. Un masque d'argent doré que porta cet indi-
vidu lui permit d'entrer aux Invalides et de supporter en-
corda vie, qu'il avait conservée presque par miracle.
Les individus qui tentent de s'ôter la vie par le suicide
appliquent ordinairement le canon de leur arme ou con-
tre la paroi buccale inférieure (région sous-hyoïdienne) ,
oit t introduisent entre les arcades dentaires, dans Tinté-
rieur même de cette cavité. Dans ces derniers cas, l'ex-
pansion des gaz produits par la déflagration de la poudre
écarte violemment les parois molles et osseuses de la bou-
che, les déchire et les fracture , et la balle, dirigée de bas
en haut, et d'avant en arrière, perce la voûte palatine, en-
tre dans les fosses nasates, où elle s'arrête quelquefois, et
alors, le cas peut ne pas être subitement mortel ; mais, le
plus ordinairement, la balle poursuit son cours, fracture la
base du crâne et va désorganiser telle ou telle portion du
cerveau. La mort instantanée est le résultat le plus ordi-
naire dune pareille blessure.
Mais si les individus qui ont l'intention de se suicider
appliquent le canon du fusil ou du pistolet qui doit les dé-
truire contre la région sus-hyoïdienne, on observe, dans
certains cas , soit à la suite du mouvement qui se produit
lorsque la détente est lâchée, soit à la suite de toute autre
cause, que la balle prend une direction oblique de bas en
haut, et d'arrière en avant, qui la fait ressortir par un
point de la face, après avoir produit une mutilation horri-
ble, et le plus souvent mortelle. Le 54 e volume des mé-
moires de médecine et de chirurgie militaire contient un
fait de ce genre, publié par M. Chambolle, chirurgien en
chef de l'hôpital militaire de Dunkerque. Il s'agit, dans
cette observation, d'un sous-officier du 40° de ligne, qui
se tira un coup de fusil à bout portant dans la région sus-
hyoïdienne. « La balle, dit M. Chambolle, au lieu de suivre
une ligne parallèle à l'axe de la tête et de briser la base
du crâne, parcourut un trajet oblique de bas en haut, et
d'arrière en avant, et après avoir fracturé le corps de la
mâchoire inférieure, la voûte palatine, d'autres parties de
l'os maxillaire supérieur et le vomer, divisé le plancher
de la bouche, et emporté en biseau la pointe de la langue,
vint sortir au-dessus du point de jonction du frontal avec
— 203 —
les os nasaux, en enlevant complètement ces derniers,
ainsi que les parties molles qui les recouvrent, et en divi-
sant verticalement en deux parties à peu près égales le lo-
bule du nez. » (P. 259.)
Les malheureux qui survivent momentanément à de pa-
reilles blessures ne tardent pas à se repentir de leur ten-
tative: leur moral s'affecte, soit par l'idée du danger qu'ils
courent, soit qu'ils nourrissent toujours l'idée première
qui les a poussés au suicide. Us sont muets par suite des
lésions de leur cavité buccale; puis, quelques jours après,
arrivent les accidents consécutifs : la fièvre est intense, la
suppuration abondante, et enfin, dans certains cas, les ac-
cidents cérébraux se déclarent et entraînent promptement
ces infortunés au tombeau.
Deux observations que j'ai recueillies à la clinique chi-
rurgicale de l'Hôtel-Dieu de Marseille, et que j'ai déjà pu-
bliées dans ma thèse pour le doctorat, en 4840, termine-
ront ce que j'ai à dire sur les lésions de la bouche, et mon-
treront sous une forme pratique les indications qu'offrent
ces grandes blessures, et les complications qui les accom-
pagnent ordinairement.
1° Plaie tfarme à jeu ayant déterminé une fracture comminutive
du maxillaire inférieur. — Mort. — trois abcès au foie.
Terras (Etienne), cultivateur aux environs de Marseille,
poussé par un sentiment de jalousie, conçoit le projet de
se suicider. A cet effet, il applique , le 9 septembre 1839,
la bouche d'un canon de fusil chargé à plomb contre la ré-
gion sus-hyoïdienne, et lâche la détente à l'aide d'un fil
entortillé à son pied. Il tombe baigné dans son sang et est
transporté de suite à l'Hôtel-Dieu , où il nous offre^ les
symptômes suivants : destruction , avec broiement , de
toute la région sus-hyoïdienne, déchirure de la langue en
— 20* —
deux portions latérales, s'écartant chacune de là ligne mé-
diane, déchiiwedelalèvreinférieure en deuxlambeauxlaté-
raux et un lambeau moy en, dansl'épaisseur duquel se trouve
un fragment volumineux de la partie antérieure du corps
de la mâchoire inférieure. Les deux fragments latéraux de
cet os sont largement écartés et mobiles. — La lèvre su-
périeure est fendue sur la ligne médiane, depuis son bord
libre jusqu'à la cloison du nez. — Le lobule de ce dernier
organe n'existe plus. 11 y a en outre, à la région cervicale
antérieure et dans la direction de la trachée une plaie de
deux pouces de long, qui n'intéresse que les téguments. —
Toutes ces parties, lacérées et écartées les unes des au-
tres, forment une large ouverture à bords mâchés, d'où
s'écoule une assez grande quantité de sang, et au fond de
laquelle s'agite la langue chaque fois que le malade veut
essayer de parler. Terras est en outre presque suffoqué
par le sang qui se porte en quantité considérable vers le
fond del' arrière-gorge. Le chirurgien chef interne de garde
rafraîchit avec le bistouri les bords mâchés de toutes ces
plaies et y applique plusieurs points de suture, pour les
affronter. Il en place deux à l'extrémité de la langue,
quatre à la lèvre inférieure, deux à la lèvre supérieure,
cinq à la région cervicale antérieure. — Deux bouts de
sonde en gomme élastique sont introduits dans les narines
et fixés par un fil au bonnet du malade. Des gâteaux de
charpie et une fronde complètent le pansement Le blessé
se répent déjà de sa tentative pendant qu'on lui applique
ce premier appareil. A dix heures du soir, on lui pratique
une saignée de 360 grammes, et on lui donne du tilleul
pour boisson.
Le 1 1 , vingt-quatre heures après l'entrée du malade à
l'hôpital, la déglutition est difficile. Les liquides s'échap-
pent par la plaie du cou , dont le gonflement occasionne
— 205 —
au malade de vives douleurs, rougeur crysipélatcuse de
la face (diète, orangeade).
Le 12, diminution de la rougeur, la réunion semble
vouloir se faire partout.
Le 14 , une suppuration abondante et fétide s'écoule de
l'intérieur de la cavité buccale. On enlève les points de
suture du cou et du menton. Les plaies étaient en bonne
voie de cicatrisation lorsque , le 2 1 septembre , arrivent
des frissons et du délire (diète, décoct. quinquina).
Le 22, suppression totale de la suppuration.
Le 23 , k sept heures du matin, réapparition des fris-
sons ; mort dans la matinée.
Autopsie vingt-quatre heures après la mort.
Crâne. — Cerveau anémique.
Thorax. — Poumons parfaitement crépitants, concré-
tions polypeuses dans les cavités droites du cœur, et dans
toutes les veines de gros calibre.
Abdomen. — Trois abcès à la face inférieure du foie,
rougeur diffuse à la bifurcation de la veine porte.
Les os qui ont éprouvé des fractures n'offrent encore
aucune trace de réunion , ils sont rugueux et baignés do
pus fétide.
2° Plaie d'arme à feu suivie de fracture du maxillaire inférieur ,
de destruction de toutes les parties molles du coi. — Mort.
— Balle logée dans tes fosses nasales . — Abcès dans le foie
et le cervelet.
Le lendemain de l'arrivée du malade , dont nous ve-
nons de rapporter l'observation , on transporte à l'Hôtel-
Dieu , à huit heures du matin , le nommé Boiron , ouvrier
opticien , qui avait tenté de se détruire avec un pistolet
dont il avait appliqué la bouche du canon contre la région
— 20G —
sus-hyoïdieime ; cette région est totalement détruite. Des
parties latérales et inférieures des joues pendent des lam-
beaux de chair mâchés et frangés. Il y a fracture verti-
cale du maxillaire inférieur, à un pouce du côté gauche
de la ligne médiane. Les muscles qui fixent la langue a
cet os étant entièrement détruits, celle-ci descend jus-
qu'au niveau du bord inférieur du maxillaire inférieur.
Un fil traversant la langue la fait de suite remonter
dans sa position normale , et des points de suture réunis-
sent aussi bien que possible cette plaie horriblement mâ-
chée. Le malade est dans un profond désespoir, et ne
nourrit que l'idée de la mort qu'il ne cesse de manifester
sur le papier. Il y a une légère hémorrhagie (diète , bois-
sons à la glace) .
Le 1 2 , face pâle , décomposée , ecchymoses au pour-
tour des cavités orbitaires , douleurs générales , chaleur à
la peau, pouls vite et un peu plus fort que la veille, con-
tinuation de rhémorrhagie. Même abattement moral. On
ne touche pas à l'appareil appliqué la veille.
Le 13, on fait avec la sonde œsophagienne des injec-
tions de décoction d'orge dans l'estomac , car le malade
ne peut rien prendre par la voie alimentaire normale.
Le 14, suppuration abondante , découragement exces-
sif, douleurs abdominales (continuation des injections).
, La suppuration devient de plus abondante et le malade
s'affecte beaucoup de ne pouvoir prendre aucune espèce
de nourriture.
Le 20, Boiron présente, outre les symptômes habituels,
des douleurs abdominales violentes pour lesquelles on
ordonne une application de vingt sangsues ; il désigne
lui-même la région du foie comme étant la plus doulou-
reuse. Cette application ne produit aucun soulagement ,
et le 24 septembre ce malheureux cesse de vivre.
— 207 —
Autopsie vingi-q autre heures après la mort.
Écartcment complet des lambeaux qu'on avait réunis
à l'aide de la suture, fracture verticale du maxillaire infé-
rieur au niveau de la canine droite , destruction complète
du plancher de la cavité buccale. Le maxillaire inférieur
désarticulé laisse apercevoir une déchirure du voile du
palais, et sur la ligne médiane une ouverture à la voûte
palatine ; immédiatement derrière l'arcade dentaire, cette
ouverture communique 'avec les fosses nasales du côté
gauche , où se trouve logée la balle fortement aplatie. Les
organes thoraciques sont sains. Après avoir ouvert l'ab-
domen, on aperçoit sur la face convexe du foie plusieurs
taches jaunes de forme arrondie , ce sont de petits abcès
dont le pus est encore à l'état concret. Le cerveau offre
une forte injection veineuse de son hémisphère gauche ,
et le lobe droit du cervelet est le siège d'un abcès du vo-
lume d'une petite noix.
Comme on le voit par ces deux observations , le traite-
tement des grandes plaies d'armes à feu de la bouche con-
siste : \ ' à simplifier la plaie par l'extraction des esquilles ,
l'excision des bords confus; 2° à surveiller le développe-
ment des accidents consécutifs ; 3 à tonifier le blessé lors-
que la suppuration est très abondante; 4° et enfin à suivre
avec intelligence la cicatrisation pour diminuer, autant que
possible , la difformité, résultat presque inévitable d'une
pareille lésion.
-- 208 ~~
CHAPITRE III.
BLESSURES DU COU,
a V espèce de caprice qui préside aux plaies d'armes à
feu , dit M. Hutin [Relation cliir. de la prise de Coi.s'antine)
se fait surtout remarquer ici. On se demande comment il
est possible qu'une balle traverse le cou dans un sens ou
dans un autre , sans toucher à ses nombreux organes si
importants, si essentiels ; et dont la lésion serait suivie de
si funestes accidents. »
Le cou présente en effet dans sa structure anatomique
une foule d'organes de la plus haute importance physio-
logique , grouppés les uns contre les autres dans un très
petit espace , sillonné cependant très souvent dans tous les
sens par des projectiles sans que le blessé éprouve des ac-
cidents graves capables de compromettre son existence.
Ces organes sont, d'abord la moelle épinière , puis des
branches nerveuses parmi lesquelles on compte le nerf
phrénique elle pneumo-gastrique , les plexus cervicaux et
brachiaux ; vient ensuite la carotide et ses nombreuses di-
visions; les veines jugulaires, la trachée artère f le larynx
et l'œsophage.
§ i. PLAIES SIMPLES.
Les plaies d'armes à feu qui n'intéressent que îa peau
et les muscles des diverses régions cervicales sont, comme
partout ailleurs , exemptes de dangers, dans la majorité
des cas du moins. Elles nécessitent seulement une surveil-
lance assez active pour s'opposer à un gonflement trop
considérable qui pourrait comprimer la trachée artère , le
— 209 —
pharynx ou l'œsophage, et gêner ainsi soit les fonctions
vocales ou respiratoires , soit celle de la déglutition.
Quelquefois la balle éprouve au cou les réflexions dont
nous avons parlé au sujet de l'action des surfaces conca-
ves et des surfaces convexes sur les projectiles , c'est-à-
dire qu'elle pénètre dans cette partie du corps par un
point quelconque de sa surface, la contourne et vient sor-
tir par une ouverture voisine de celle qu'elle a faite en en-
trant , sans avoir causé aucune lésion dangereuse.
Les plaies d'armes à feu simples du cou exigent quel-
ques débridements lorsqu'elles siègent dans les muscles de
la région postérieure entourés d'aponévroses fortes et ré-
sistantes qui pourraient déterminer l'étranglement ; on les
recouvrira ensuite d'un simple appareil , et si la fièvre est
forte , et s'il survient des phénomènes inflammatoires lo-
caux intenses , on pratiquera au blessé une ou plusieurs
saignées générales.
§11. — PLAIES DELA MOELLE ÉPINIÈRE ET DES NERFS.
La moelle épinière ne peut être atteinte par une balle
qu'après une fracture préalable des vertèbres cervicales.
Quand cette fracture a lieu , il peut se faire que des es-
quilles s'enfoncent plus ou moins profondément dans la
substance du cordon nerveux rachidien , et produisent les
phénomènes d'une compression très grave ; d'autres fois
cette compression a lieu à la suite d'un épanchement qui
remplit plus ou moins complètement le canal rachidien.
La lésion de la moelle épinière cervicale s'annonce or-
dinairement par la paralysie plus ou moins profonde de
toutes les parties situées au dessous de la blessure , par
l'anéantissement de la sensibilité et de la myotilité. En
même temps les urines sont retenues dans la vessie , et les
matières fécales dans le rectum. La mort est la suite pres-
14
— 210 —
que inévitable d'une pareille blessure ; il peut arriver, il
est vrai , que les blessés vivent pendant un certain temps
avec les symptômes dont nous venons de parler ; mais ils
finissent toujours par succomber quand arrive la myélite
traumatique. Les désordres sont trop profonds dans le cas
qui nous occupe pour que le doigt et les instruments chi-
rurgicaux puissent les atteindre. Il faudrait pour arriver
jusqu'à la colonne vertébrale des débridements qu'on n'o-
serait jamais pratiquer dans une région si abondamment
pourvue de parties anatomiques essentielles à la vie. La
région cervicale postérieure pourrait seule être traversée
sans danger par les instruments , et probablement les ma-
nœuvres opératoires seraient rendues très difficiles par les
contractions vigoureuses des nombreux muscles de cette
région .
La lésion des nerfs phrénique et pneumo-gastrique peut
consister en une simple déchirure , une contusion , ou bien
dans leur section entière. Il en résulte de très grands trou-
blés physiologiques, se terminant d'autant plus rapide-
ment par la mort que la blessure du phrénique ou du
pneumo-gastrique existe rarement seule. Quand un de ces
filets nerveux a été incomplètement coupé , il y a , indé-
pendamment des symptômes dont nous venons de parler ,
des douleurs plus ou moins violentes , comme celles qui
résultent de la section de tout filet nerveux en général ;
mais le chirurgien a ici le désavantage immense de ne pou-
voir agir comme il le ferait dans tout autre cas de blessure
d'un filet nerveux. On achève en effet , sans hésiter, la
section d'une branche nerveuse d'un membre , ou de toute
autre partie du corps ; mais on n'osera jamais couper en
travers des nerfs si importants que le phrénique , ou le
pneumo-gastrique .
La commotion des nerfs du plexus brachial est ordinai-
— 211 -
rement suivie d'une paralysie plus ou inoins rebelle du
membre supérieur correspondant. . . Leur déchirure par les
projectiles de guerre ne donne pas lieu à d'autres consi-
dérations que celles dans lesquelles je suis entré au chapi-
tre des plaies des nerfs en général.
§ III. — TLA1ES DES VAISSEAUX.
La carotide primitive et ses principales divisions four -
nissent en peu d'instants une hémorrhagie primitive ou
secondaire, mortelle si on n'arrête promptement l'écou-
lement de sang par la ligature faite au dessous de la blés •
sure. Il y aurait en effet , en premier lieu , trop de difficulté
à chercher la branche artérielle lésée au milieu du trajet
contus et mâché du projectile ; et ensuite la compression
est impraticable au cou , faute de point d'appui suffisant
d'abord , et en second lieu , à cause de la gêne que ce
moyen hémostatique apporterait a l'exercice des fonctions
vocales , respiratoires et digestives. Cette compression
pourrait du reste déterminer une stase sanguine dange-
reuse dans le cerveau La ligature de la carotide primitive
est donc le seul moyen rationnel d'arrêter les hémorrhagies
du cou.
§ IV PLAIES DU LARYNX ET DE LA TRACHÉE ARTÈRE.
Quand une balle coupe en travers la trachée artère , le
danger est imminent, parce que l'extrémité inférieure,
bouchée subitement par du sang et se retractant au milieu
des parties environnantes, peut cesser pendant un certain
temps de recevoir l'air atmosphérique dans son calibre
et le malade périr suffoqué. L'introduction du sang dans
les voies respiratoires profondes est encore un sujet de
danger pour le blessé. Il faut en pareil cas tâcher d'af-
fronter les deux portions du canal aérien , placer une
- 212 —
canule dans la trachée , et employer comme le conseille
Dupuytren , les antiphlogistiques avec une extrême
énergie ,
Quand la trachée artère ou le larynx n'ont subi qu'une
petite perte de substance , les malades peuvent guérir
sans perdre l'usage de la parole, après la cicatrisation ;
mais quand la plaie est large, il en résulte une fistule qui
peut cependant encore, lorsqu'elle est bouchée, permettre
la formation de la voix. Ainsi , d'après les rédacteurs des
leçons orales de Dupuytren , Van-Swieten aurait vu un
soldat demander l'aumône de porte en porte, faisant voir
une large ouverture au larynx qu'il bouchait avec une
éponge ; alors , il pouvait parler facilement ; mais sitôt
que le trou était ouvert, il perdait la voix. Cette blessure
était le résultat d'un coup de feu, reçu plusieurs années
auparavant
Les plaies d'armes à feu des voies aériennes sont rare-
ment accompagnées d'emphysème , car l'étendue de la
plaie et les débridements qu'on y pratique établissent à
l'air un large passage à travers lequel il peut aisément
sortir des voies respiratoires.
§ V. PLAIES DE L'OESOPHAGE ET DU PHARYNX.
Ces deux portions du canal alimentaire sont situées
trop profondement pour être lésées seules , le plus sou-
vent elles sont blessées en même temps que la moelle
épinière , la carotide primitive , ou une grosse branche
artérielle. Il est alors bien facile de comprendre que la
blessure du pharynx ou celle de l'œsophage devient tout
à fait secondaire à côté d'une pareille lésion. Ordinaire-
ment les blessures dont nous nous occupons s'annoncent
par l'issue des aliments et des boissons à travers la plaie
extérieure. La thérapeutique en est fort simple, elle con-
— 213 —
siste à introduire une sonde œsophagienne dans l'estomac
et a nourrir le blessé par cette voie jusqu'à la parfaite ci-
catrisation de la plaie du canal alimentaire. Si ce dernier
est coupé en travers, les deux extrémités peuvent ne plus
correspondre l'une a l'autre , et les aliments parvenant
dans la cavité thoracique, y déterminer une pleurésie fort
grave.
§ VI. — COMPLICATION DE CORPS ÉTRANGERS.
Les projectiles , les esquilles et tous les corps étrangers
qui compliquent les plaies du cou par leur présence, doi-
vent être extraits lorsqu'ils sont à la portée des instru-
ments, et que leur extraction n'exige pas de trop grands
débridements. Dans le cas contraire , il vaut mieux
les laisser au sein des parties que de s'exposer en les
cherchant au milieu d'organes si délicats à produire, peut-
être une lésion plus grave que celle qu'on chercherait à
pallier. La trachéotomie est impérieusement indiquée dans
le cas où un projectile ou tout autre corps étranger aurait
pénétré dans la trachée artère. On doit y recourir
promptement et sans hésitation.
sfo&m
— 214 —
CHAPITRE IV.
PLAIES DE POITRINE PAR ARMES A FEU.
L'importance des organes contenus dans la cavité viscé-
rale , dont nous allons nous occuper, rend compte de la
gravité des blessures qu'y déterminent les projectiles
lancés par la poudre a canon. Il suffit, en effet, pour con-
cevoir cette gravité, de se rappeler que la poitrine ren-
ferme le cœur , les deux poumons , l'aorte et un grand
nombre de ses divisions, l'œsophage, etc. En un mot, les
organes chargés de présider aux deux fonctions de la
respiration et de la circulation.
Les auteurs divisent en général les plaies de poitrine :
\° en plaies non pénétrantes; 2° plaies pénétrantes sans
lésion des viscères ; 3° en plaies pénétrantes avec lésion
des viscères.
Dans l'exposé que nous allons faire des plaies par
armes à feu de la poitrine, nous suivrons l'ordre de super-
position des organes qui entrent dans sa composition.
Ainsi, nous étudierons d'abord les blessures des parois
qui comprennent des parties molles, cutanées et muscu-
laires, et des parties osseuses, telles que les côtes et leurs
cartilages , le sternum , la colonne vertébrale et l'omo-
plate ; nous suivrons ensuite les projectiles pénétrant à
travers les parois thoraciques, entrant dans les cavités
pleurales, en sortant, ou y restant sans produire de lé-
sions aux viscères, bien que semblant les avoir traversé
de part en part. Nous étudierons ensuite les plaies du
poumon, du cœur, des gros vaisseaux, et les nombreux
accidents qui les compliquent : l'hémorrhagie , l'emphy-
— 215 —
sème, l'é pan chaînent. Enfin, nous dirons quelques mots
des blessures de l'œsophage et de celles du diaphragme.
§ I. PLAIE DES PARTIES MOLLES QUI COMPOSENT LES
PAROIS.
Les projectiles qui arrivent sur la poitrine au plein de
leur force et perpendiculairement, se bornent rarement à
y produire une plaie simple et non pénétrante ; il n'y a
guère que les balles qui atteignent obliquement le thorax
qui se creusent à la surface de ses parois un trajet plus ou
moins étendu en largeur et en profondeur, ou bien qui
pénétrant sous la peau et quelquefois sous les muscles
glissent à la surface des côtes et vont sortir par le point
diamétralement opposé à leur entrée. C'est ce qui fait
croire à certains blessés qu'ils ont eu la cavité thoracique
traversée de part en part et fait considérer leur guérison
comme un véritable miracle par ceux qui ne connaissent
pas les nombreuses réflexions que les projectiles subissent
en traversant nos tissus. Nous n'avons pas besoin de
nous arrêter à expliquer ici pour la seconde fois la ma-
nière dont se produisent les blessures curieuses dont il
s'agit. Elles sont le résultat des mêmes lois physiques de
la réflexion des projectiles sur les surfaces convexes et
concaves que nous avons étudiées plus haut au chapitre
des plaies des téguments du crâne.
L'arme blanche, qui produit une piqûre ou une solution
de continuité plus ou moins large aux parois thoraciques,
n'occasionne pas de contusion, dans la majorité des cas du
moins , ce qui fait qu'un simple pansement , aidé de quel-
ques saignées générales , suffit pour guérir la blessure au
bout d'un certain temps, quelquefois très court. Mais la
balle , instrument contondant par excellence , peut dans
certains cas, bien que n'ayant pas fracturé les os des pà-
— 216 —
rois thoraciques, avoir déterminé une contusion assez vio-
lente pour se propager jusqu'à la plèvre ou jusqu'au
poumon , et donner lieu à une pleurésie ou à une pneu-
monie très dangereuses.
Les gros projectiles bornent rarement leur action aux
parties molles des parois. Le plus souvent, ils déterminent
des fractures comminutives aux côtes, au sternum, à la
colonne vertébrale, contusionnent et même opèrent, dans
certains cas, le broiement du cœur, des poumons, etc.,
blessures tout à fait au-dessus des ressources de l'art.
Le traitement des plaies d'armes à feu des parties molles
pariétales et du thorax est fort simple. Un pansement à
plat suffit si la balle s'est creusé un canal plus ou moins
profond dans l'épaisseur de la peau et des muscles sous-
cutanés. Si , au contraire , elle a suivi un trajet plus ou
moins long sous la peau, de manière, par exemple, à con-
tourner la poitrine depuis le sternum en avant jusqu'à
la colonne vertébrale en arrière , les soins à donner à la
blessure varieront selon que le projectile sera demeuré
dans les tissus (et alors il n'y aura que l'ouverture d'en-
trée), ou selon qu'il en sera sorti. Dans le premier cas, on
tâchera de reconnaître la place occupée par le projectile à
l'aide des doigts , promenés doucement sur le trajet de la
blessure. Si on le rencontre, on le fixera solidement , de
manière à le faire saillir à travers la peau, et il suffira d'une
simple incision pour l'amener au dehors. Puis ensuite, si le
trajet de la plaie contenait du sang épanché en trop grande
quantité pour qu'on puisse présumer que ce corps étran-
ger nuise à la cicatrisation , on pourra pratiquer deux ou
trois contre-ouvertures, afin de faciliter ce dernier travail.
Si le projectile est sorti en déterminant deux ouvertures,
tout le traitement se bornera à la dernière indication que
nous venons de signaler, et on pourrait même, pour faci-
— 217 —
liter la cicatrisation, si l'ouverture d'entrée et celle de sor-
tie étaient voisines Tune de l'autre, couper le pont qui les
sépare à l'aide dune incision , et n'en faire ainsi qu'une
seule et même plaie. Un pansement simple, soutenu par
un bandage de corps modérément serré, suffit pour amener
la guérison rapide de ces trajets creusés par les balles. Mais
quand l'action des projectiles se fait ressentir jusqu'à la
plèvre ou le poumon, et qu'il survient un point pleurétique
plus ou moins violent ou une pleuro-pneumonie au point
correspondant à la blessure , il faut ne pas être avare de
saignées , et harceler le mal avec autant d'activité qu'il
met d'énergie et de vitesse à envahir nos tissus. Il va sans
dire qu'il faut défendre au blessé de faire des efforts res-
piratoires trop étendus, de parler trop haut, déchanter ;
en un mot , il est urgent d'éviter tout ce qui peut exagérer
les mouvements des parois thoraciques. et retarder ainsi la
cicatrisation de la blessure.
§ II. FRACTURES DES CÔTES.
Les fractures des côtes peuvent siéger dans leur partie
cartilagineuse ou dans leur partie osseuse : les plus fré-
quentes s'observent dans la partie osseuse. Elles sont ordi-
nairement fort graves à cause des esquilles qui les accom-
pagnent , et causent en général de grands désordres ,
soit en irritant la plèvre, en piquant le poumon, en s'en-
fonçant plus ou moins profondément dans son parenchyme,
ou enfin en tombant dans une cavité pleurale.
Les fractures des cartilages costaux sont ordinairement
beaucoup moins graves que celles de la portion osseuse de
ces os, et cela parce qu'elles ne sont pas, comme ces der-
niers , accompagnées d'esquilles pointues et nombreuses,
Leur lésion est, par conséquent, moins souvent compli-
quée de pleurésie, de pleuro-pneumonie, de plaies du pou-
- 218 —
mon, accidents qui font toute la gravité des plaies de poi-
trine. Leur suite la plus habituelle est la nécrose du
cartilage touché par le projectile, nécrose qui détermine
une ou plusieurs fistules, ne s'oblitérant qu'après l'entière
élimination des parties mortes, qui souvent se fait très
longtemps attendre.
Les côtes peuvent avoir leurs portions osseuses fractu-
rées sur un ou plusieurs points de l'arc qui les compose.
Si le projectile ne produit qu'une ouverture d'entrée , la
côte ne sera fracturée qu'en un seul point , tandis que sh'l
donne lieu a une ouverture d'entrée et à une ouverture de
sortie, elle sera fracturée en deux endroits : ou , ce qui ar-
rive assez souvent, la fracture provenant de la sortie de la
balle aura son siège sur une côte différente de celle qui a
été fracassée par l'entrée du projectile.
La balle qui arrive perpendiculairement sur une côte, à
la partie latérale de la poitrine par exemple, détermine
dans cet arc osseux une courbure qui tend à détruire celle
qui lui est naturelle. Cette courbure allant jusqu'à l'excès,
la côte se fracture ordinairement en plusieurs fragments ,
qui ont tous de la tendance à blesser les organes intra-
thoraciques, parce que leur pointe se dirige vers l'intérieur
de cette cavité ; de là résultent les piqûres de la plèvre ,
quelquefois de l'artère intercostale, souvent du poumon.
La balle peut avoir épuisé sa force en fracturant une côte.
D'autres fois , elle va plus loin , perfore le poumon , en-
traînant avec elle une ou plusieurs esquilles qu'elle détache
tout à fait du corps de l'os , et qu'elle enfonce à une pro-
fondeur variable dans l'épaisseur de cet organe. Enfin ,
dans certains cas, elle perfore le poumon dans toute l'é-
tendue d'un des diamètres de la poitrine et ressort par un
point très éloigné de son entrée, en produisant une seconde
fracture de côte. Cette seconde fracture est beaucoup moins
— 219 —
dangereuse que la première, car le projectile qui , en en-
trant dans la poitrine , a poussé les esquilles de dehors en
dedans et dirigé par conséquent leur pointe vers les orga-
nes intra-thoraciques , les pousse en sortant dans une di-
rection inverse, c'est-à-dire de dedans en dehors, de telle
sorte que l'action de ces pointes ne peut se faire sentir que
sur les muscles et la peau , organes dune bien moindre
valeur importante physiologique que lés poumons , la
plèvre, etc.
D'autres fois, la balle après avoir fracturé une côte, et
après avoir ouvert une des parois thoraciques tombe dans
l'angle costo-diaphragmatique avec une ou plusieurs es-
quilles et y produit des accidents que nous examinerons
plus bas. Les fractures des côtes sont faciles à reconnaître.
Dans la majorité des cas, la plaie produite parle projectile
est assez étendue pour permettre au doigt de constater leur
existence; du reste, la crépitation, signe non équivoque
des fractures en général, éclairerait le diagnostic si la vue
et le tact ne suffisaient pas pour le confirmer. En outre, le
blessé éprouve de violentes douleurs lorsqu'il veut se livrer
au moindre mouvement d'inspiration, et si le poumon a
été'blessé en même temps, soit par la balle, soit par des
esquilles détachées de la côte, la dypsnée et le crachement
de sang viennent achever de corroborer le diagnostic.
Il faut en pareil cas se hâter d'enlever toutes les esquil-
les, ou du moins toutes celles qui sont à la portée du doigt
et des instruments. Si la plaie n'est pas assez large, pour
permettre le libre exercice de ces manœuvres chirurgica-
les, il faut l'agrandir de suite à l'aide de débridements con-
venables. Une fois les esquilles enlevées, la plaie doit être^
pansée simplement, et tous les soins du chirurgien doivent
se diriger sur les suites presque inévitables des fractures
comminutives savoir la pneumonie la pleurésie, etc. Il
— 220 —
sera prudent de pratiquer dès le début une ou plusieurs
saignées générales ; qu'on répétera plus tard lors de l'ap-
parition des accidents, en plus ou moins grand nombre
de fois, selon la constitution du sujet.
Les esquilles profondément engagées dans le poumon,
y déterminent souvent dans le principe une hémorrhagie
plus ou moins dangereuse, puis plus tard une inflamma-
tion suivie de suppuration qui peut amener le marasme du
blessé et la mort ; si le corps étranger n'est pas expulsé au
dehors.
Pendant toute la durée du traitement des fractures des
côtes, un bandage de corps un peu serré sera appliqué au-
tour de la poitrine, il aura pour but de gêner les mouve-
ments respiratoires, et de forcer le blessé à respirer en
entier par le secours du diaphragme.
§111. FRACTURES DU STERNUM.
Le sternum peut offrir dans ses fractures les mêmes phé-
nomènes à peu près que les os du crâne. Ainsi, une balle
peut arriver seulement à sa surface et la contusionner, ou
bien, s'enfoncer plus ou moins profondément dans son tis-
su, et en dernier lieu le perforer et entrer dans la poitrine,
après avoir déterminé un plus ou moins grand nombre de
fragments. Dans tous les cas il faut dès qu'on le peut pra-
tiquer l'extraction du projectile enfoncé dans l'os et enle-
ver les esquilles. Si le projectile était plus engagé du côté
de la 'poitrine que près des parties extérieures, et si on
craignait en se servant de tire-fond ou de tout autre ins-
trument, de l'enfoncer dans le médiastin antérieur, on
pourrait employer comme au crâne une couronne de tré-
pan qui comprendrait tout à la fois ce projectile et la ron-
delle osseuse qui l'emprisonne.
Dans les cas les plus simples, comme dans les cas les
— -221 —
plus compliqués de fracture du sternum, il faut se tenir en
garde contre les accidents consécutifs qui sont quelque
fois terribles, et les combattre énergiquement par les anti-
phlogistiques.
Dans quelques cas malheureux, le tissu cellulaire du
médiastin antérieur s'enflamme, et il s'y forme une collec-
tion purulente devenant quelquefois assez considérable,
et pouvant fuser jusque dans l'abdomen où son arrivée
cause de très grands désordres.
§ IV. FRACTURES DE LA COLONNE VERTÉBRALE.
Nous devrions à la rigueur ne nous occuper ici que des
fractures produites à la colonne vertébrale par les projec-
tiles qui ne pénètrent pas dans la cavité thoracique ; mais
pour ne pas être obligé de revenir deux fois sur le même
chapitre, nous dirons tout ce qu'il yak dire sur les frac-
tures des vertébrales dorsales produites par les projectiles
pénétrants, aussi bien que par les non pénétrants.
Les vertèbres dorsales peuvent être atteintes dans tou-
tes les parties qui les composent; dans les apophyses
épineuses , ou dans les transverses , ou enfin dans leurs
corps. Le voisinage du cordon nerveux qu'elles sont des-
tinées à loger dans le canal, qui résulte de leur réunion ,
constitue tout le danger de leurs blessures. Quand la
moelle épinière est intacte , qu'elle n'a été ni commotion-
née , ni contuse , ni déchirée , la fracture des vertèbres
peut guérir comme une fracture des côtes , comme celle
du sternum.
Mais si la moelle épinière a été déchirée par la pointe
d'une esquille ou par la balle , la lésion est presque tou-
jours au-dessus des ressources de l'art, et le blessé suc-
combe , dans certains cas , immédiatement après l'acci-
dent ; d'autres fois plus ou moins longtemps après. Alors
— - 222 — '
il y a ordinairement paralysie de tous les organes, auquel
se distribuent des nerfs émanant de la partie de la moelle
inférieure à la blessure (les extrémités inférieures , la ves-
sie, le rectum, etc.). Cet état se prolonge jusqu'au mo-
ment où arrive l'inflammation, provenant de l'irritation
causée par le corps étranger, et presque toujours cette
inflammation se termine d'une manière fatale.
§ V. — FRACTURES DE i/OMOPLATE.
Les fractures de la cavité glénoïde , de l'apophyse cora-
coïde et de l'acromion , rentrent dans la classe des lésions
articulaires de l'épaule ; aussi ne nous arrêterons-nous ici
qu'aux fractures de la portion de l'omoplate, faisant réelle-
ment fonction de paroi thoracique, c'est-à-dire la fosse sus-
épineuse , l'épine et la fosse sous-épineuse. Les solutions
de continuité de cet os par les projectiles de guerre sont
ordinairement étoilées et accompagnées d'un assez grand
nombre d'esquilles qu'il faut extraire le plus promptement
possible à l'aide de débridements convenables : ces dé-
bridements n'ont pas besoin d'être bien larges et bien pro-
fonds chez les sujets dont le système musculaire est fai-
blement développé , mais ils doivent posséder les qualités
contraires chez les sujets à constitution athlétique , dont
l'omoplate est recouvert par des muscles épais et vigou-
reux.
Si on n'a pas soin d'extraire avec minutie toutes les es-
quilles , elles piquent et irritent les chairs , font naître de
vives douleurs , qui , dans certains cas, donnent lieu à un
tétanos rapidement mortel. (Nous en avons cité plus haut
un exemple , appartenant a M. Larrey.) Il faut combattre
avec une extrême énergie cet accident , et tous ceux qui
pourraient survenir.
Après avoir vu tout ce qui se rapporte aux plaies par
— 223 —
armes à feu des parois de la poitrine, et avant de passer a
l'étude des lésions des viscères contenus dans cette cavité,
nous allons nous arrêter un instant à examiner la question
suivante , savoir , s'il est toujours facile de distinguer une
plaie pénétrante d'une plaie non pénétrante; et, dai;s le
cas contraire , si on doit chercher à acquérir la certitude
de la pénétration ou de la non pénétration par le cathété-
risme , ou par tout autre moyen d'investigation.
Ordinairement , une balle produit sur les parois de la
poitrine une solution de continuité suffisamment grande
pour éclairer le praticien à cet égard ; mais il peut se faire
dans certains Cas que le projectile soit d'un volume moins
grand que la balle , et qu'il ait déterminé une très petite
ouverture aux parois thoraciques, ou bien encore qu'il
n'ait pénétré dans une cavité pleurale qu'après avoir par-
couru sous la peau un trajet oblique peut-être de plu-
sieurs pouces de long. D'un autre côté, les symptômes qui
dénotent le plus ordinairement la blessure des organes
intra-thoraciques peuvent , dans certains cas , se manifes-
ter sans aucune lésion de ces derniers : ainsi , le crache-
ment de sang accompagnant ordinairement la déchirure
des tissus pulmonaires , peut , comme nous l'avons vu plus
haut , se manifester à la suite d'une simple contusion du
poumon, occasionnée par une blessure des parois ; de sorte
que si. on se basait sur ce signe pour diagnostiquer la pé-
nétration ou la non pénétration delà blessure, on pourrait
facilement tomber dans l'erreur. Du reste , quand il n'y a
pas de lésion aux viscères intra-thoraciques , la plaie pé-
nétrante n'est pas plus dangereuse que la non pénétrante
des parois, et il est inutile de chercher à s'en assurer par
des moyens qu'on n'a pas d'ailleurs le temps d'employer
sur le champ de bataille.
Dupuytren s'élève , avec juste raison , contre le cathé -
— 224 —
térisme, les injections, et une foule d'autres moyens inu-
tiles et souvent dangereux qu'employaient les anciens chi-
rurgiens, pour éclaircir le doute dont nous nous occupons
en ce moment. «Dans les temps anciens , dit-il , les chirur-
giens attachaient une grande importance à distinguer les
plaies qui pénétraient dans l'une ou l'autre cavité thora ci-
que de celles qui se perdaient dans l'épaisseur de leurs
parois. Dans ce but, on y introduisait des stylets ou des
sondes; on y poussait même des injections d'eau tiède , ou
bien , après avoir fait faire au blessé une inspiration pro-
fonde, on lui fermait la bouche et les narines , et on lui
commandait de faire un violent effort respiratoire. Si le
stylet ou la sonde pénétraient à une certaine profondeur
avec facilité , et suivant une direction qui les rapprochât de
la plaie ; ou bien si l'air expiré faisait irruption au dehors ,
à travers la solution de continuité , on prononçait que la
plaie était pénétrante , et, dans le cas contraire , on jugeait
qu'elle s'arrêtait dans l'épaisseur des parois thoraciques.
Ces manœuvres ont été , avec beaucoup de raison , con-
damnées et proscrites par les chirurgiens modernes , qui
les regardent comme infidèles, comme dangereuses même,
ou au moins comme inutiles.
« Elles sont inutiles , car un changement de rapport
survenu entre les plaies musculaires dans les divers mou-
vements du tronc peut très bien , la plaie étant étroite ,
changer la direction de son trajet , l'oblitérer même tout à
fait, et apporter ainsi un obstacle insurmontable à l'intro-
duction des sondes et des injections , a la sortie de l'air , et
faire déclarer non pénétrante une plaie qui pénètre réel-
lement.
« Elles sont inutiles , car tant qu'il ne survient pas d'acci-
dents , il est à peu près égal de savoir si la plaie pénètre ou
non, et lorsque ces accidents surviennent, ils suffisent or
— 225 —
dinairement pour éclairer ce qu'il peut y avoir d'obscur
dans le diagnostic. Enfin, ces manœuvres sont dangereu-
ses, parce qu'un stylet introduit, même avec laplus grande
précaution , peut détacher un caillot qui bouche une ar-
tère , et renouveler une hémorrhagie , ou tout au moins ac-
croître une irritation dangereuse. Un liquide étranger ,
quelque doux qu'il soit , peut du reste irriter , enflammer
la plèvre : il faut donc s'abstenir de ce moyen. » [Leçons
orales, t. 6, p. 318.)
Plusieurs autres auteurs, parmi lesquels on compte
Boyer, considèrent comme inutile l'emploi de ces moyens
d'investigation ; ils fondent leur opinion sur ce que la pé-
nétration d'une plaie de poitrine ne constitue un état de
gravité qu'autant que les viscères thoraciques sont lésés.
§ VI. — PLAIES DU POUMON.
Les poumons peuvent être atteints par les projectiles lan-
cés par la poudre à canon , sur tous les points de leur surface ,
aussi bien à la face antérieure qu'à la face postérieure, et
aussi bien à leur sommet qu'à leur base. Mais, dans ce
dernier cas , leur blessure suppose ordinairement une lé-
sion préalable de la cavité abdominale et du sceptum dia-
phragmatique ; les plaies d'armes blanches reçues dans les
combats n'atteignent guère, au contraire, les poumons
qu'à leur face antérieure, sur les parties latérales, et sur-
tout la droite.
La balle qui s'enfonce plus ou moins profondément dans
le tissu d'un poumon , ou qui traverse un de ces organes de
part en part, y détermine le même effet que nous lui avons
vu produire sur tous les organes en général , c'est-à-dire
qu'elle donne lieu à la formation d'une escarre suffisante
pour opposer une digue à l' hémorrhagie qui résulterait de
la lésion des petits vaisseaux , mais trop faible pour arrè-
15
— 226 —
ter l'écoulement de sang des gros vaisseaux. La blessure
est , dans ce dernier cas , aussi dangereuse que celle qui
serait produite par un coup de sabre ou d'épée, tandis que,
dans le premier cas , la plaie d'arme à feu offre , à tout
prendre , moins de danger que la plaie d'arme blanche.
Les auteurs indiquent , en général , le crachement de
sang comme étant le symptôme pathognomonique de la
blessure du poumon. Dans la plupart des cas en effet ce
crachement de sang a lieu avec plus ou moins d'abondance,
selon la profondeur et l'étendue de la blessure. Le malade
rend quelquefois seulement un petit nombre de crachats
sanguinolents , tandis qu'autrefois il vomit à pleine bou-
che une quantité considérable de sang spumeux et ruti-
lant. C'est ordinairement lorsqu'un gros tronc veineux ou
artériel a été ouvert que se manifeste cette abondante
hémorrhagie.
Mais il faudrait bien se garder d'asseoir son diagnostic
snr l'existence ou la non existence de ce seul signe , sous
peine de commettre , dans certains cas , une erreur com-
plète. Ainsi, il peut arriver qu'il y ait crachement de sang
sans blessure au poumon , dans les cas par exemple de
contusion des parois thoraciques par un gros projectile
ou simplement par une balle , et d'autres fois blessure du
tissu pulmonaire sans crachement de sang, comme cela
arrive lorsque la balle , n'attaquant que la surface de l'or-
gane , détermine une escarre qui bouche l'extrémité des
petits vaisseaux divisés.
La blessure des poumons se traduit, en second lieu, par
l'écoulement d'une plus ou moins grande quantité de sang
à travers les lèvres de la plaie extérieure , ordinairement
assez large pour lui donner passage. Ce sang s'échappe
avec plus ou moins d'impétuosité de la blessure du pou-
mon , tombe dans la cavité pleurale correspondante , y dé-
- 227 —
termine un épanchement , et lorsqu'il arrive au niveau de
la plaie des parois, s'échappe au dehors avec plus ou
moins de force.
Il résulte de cette accumulation de sang dans la cavité
thoracique une dypsnée subite et intense, et plusieurs au-
tres symptômes très-graves que nous étudierons plus en
détail, en nous occupant plus bas des épanchements thora-
ciques en général.
Le sang qui s'échappe dune blessure des parois thora-
ciques peut provenir encore de la lésion d'une artère in-
tercostale ou de la mammaire interne , et faire croire à
une blessure du poumon, qui peut être parfaitement sain.
Il importe donc de savoir positivement quelle est la lésion
qu'on a a combattre, car la thérapeutique de ces deux cas
varie du tout au tout. Ainsi, quand le sang provient d'une
lésion pulmonaire , il faut boucher la plaie extérieure et
favoriser son accumulation dans la cavité pleurale cor-
respondante, car sa présence aide puissamment à arrêter
l'hémorrhagie, en agissant mécaniquement comme agent
compresseur.
Dans les cas d'intégrité de la substance pulmonaire et de
lésion de Pinter costale -, il faut, au contraire, user de tous
les moyens possibles pour arrêter l'épanchement de ce li-
quide dans la poitrine, où il agirait comme corps étranger
très irritant et gênerait considérablement l'accomplisse-
ment des fonctions respiratoires. Voici ce que dit Dupuy-
tren au sujet du diagnostic de la blessure de l'intercostale,
quelquefois très difficile à établir :
a Quand l'épanchement se forme d'une manière évi-
dente, que le blessé ne crache qu'une très petite quantité
de sang, que l'examen de la plaie fait connaître que celle-
ci correspond à la hauteur occupée par une des artères in-
tercostales , que les circonstances commémoratives ap-
— 228 —
prennent que l'instrument vulnérant n'a dû qu'effleurer
en quelque sorte la surface du poumon, on a des raisons
de croire à la lésion de l'artère intercostale et de regarder
1 epanchement comme un effet de la lésion. » (Leçons ora-
les, t. 6, p. 323.)
Emphysème. — La blessure des poumons est, en troi-
sième lieu, fort souvent suivie d'emphysème (de avau» ,
j'enfle). Cet accident consiste en une infiltration d'air dans
le tissu cellulaire sous-cutané du cou , de la poitrine , du
ventre, du scrotum, des membres, pouvant acquérir, dans
certains cas , un volume énorme , et rendre beaucoup plus
grave la lésion principale, dont il n'est qu'un symptôme
L'emphysème peut avoir lieu dans plusieurs cas, et
dans chacun d'eux, son mode de production offre des dif-
férences qu'il importe de signaler; on l'observe: 1° dans
les plaies du poumon, sans déchirures des parois thoraci-
ques, comme celles qui seraient produites par l'action d'un
gros projectile atteignant obliquement, et à la fin de sa
course, la cavité thoracique; 2° dans les plaies sinueuses
des parois thoraciques , sans lésion pulmonaire ; 3° dans
les plaies des parois, compliquées de blessure au poumon.
Dans le premier cas, le projectile produit souvent la
fracture d'une ou plusieurs côtes dont les esquilles peu-
vent déchirer la plèvre et s'enfoncer à une profondeur va-
riable dans le poumon correspondant. Dès lors, l'air arri-
vant dans l'inspiration jusqu'à la blessure, s'échappe dans
la cavité pleurale, la remplit plus ou moins complètement,
et tendant ensuite à en être expulsé pendant les mouve-
ments expiratoires, il ne trouve d'autre voie que celle que
lui fournit la blessure faite aux parois thoraciques par les
pointes des côtes fracturées , et il fuit dans le tissu cellu-
laire environnant.
Dans le second cas, l'air pénètre dans la poitrine par la
— 229 —
blessure extérieure ; il remplit cette cavité, affaisse le pou-
mon sain contre la colonne vertébrale, et lorsque les mou-
vements respiratoires tendent à le chasser au dehors, il
trouve difficilement la route sinueuse qu'il a suivie en en-
trant, et s'infiltre dans le tissu cellulaire sous-cutané.
Quand la blessure des parois thoraciques est large ,
l'emphysème se montre rarement, parce qu'alors l'air at-
mosphérique trouve une égale facilité à entrer dans la poi-
trine et à en sortir.
Le même raisonnement s'applique au cas de blessure si-
multanée du poumon et des parois thoraciques ; seule-
ment, alors, l'air qui cause l'emphysème sort de la bles-
sure des viscères et trouve à s'échapper au dehors une fa-
cilité qui est en proportion directe de la largeur de la plaie
extérieure.
L'emphysème est caractérisé par une tumeur molle,
élastique, sans changement de couleur à la peau, qu'on
ne peut méconnaître quand on l'a bien observée une fois.
Lapalpation de cette tumeur fait éprouver aux doigts une
sensation analogue à celle qui résulte de l'écrasement de
l'amidon. Entre ces organes, c'est une espèce de crépita-
tion caractéristique produite par l'air fuyant de cellule en
cellule dans le tissu cellulaire à mesure que l'on comprime
la tumeur a l'extérieur. Cette tumeur est d'autant plus vo-
lumineuse que le tissu cellulaire de la partie où elle siège
est plus lâche, comme au scrotum et à la face. Rarement
on la voit survenir aux endroits ou le tissu cellulaire est
dense et serré , à la paume des mains et a la plante des
pieds, par exemple.
Littre rapporte l'observation d'un individu qui eut une
infiltration d'air si considérable , qu'il y avait onze pouces
d'intervalle entre la peau et la surface extérieure du ster-
num. Cet emphysème avait en outre neuf pouces au ven-
— 230 —
tre, six au cou et quatre dans les autres parties du corps.
L'air avait pénétré dans l'intérieur des yeux, et après la
mort, ils avaient seize lignes de diamètre. (Mémoire de l'A-
cadémie des Sciences, 1713). Cette observation, bien qu'é-
trangère à notre sujet sous le rapport de la cause de la
blessure (c'était un coup d'épée), nous montre cependant
le volume que peut, dans certains cas, acquérir la tumeur
emphysémateuse.
La masse d'air contenue dans la poitrine comprime quel-
quefois avec beaucoup de force le poumon lésé ou non
contre la colonne vertébrale, refoule le diaphragme vers
la cavité abdominale, et donne lieu ainsi à une dyspnée
plus ou moins intense.
Dans certains cas ou la plaie est produite par le projec-
tile aux parois thoraciques, est large, et surtout directe, il
arrive qu'une portion plus ou moins considérable de pou-
mon se précipite à travers les lèvres de cette solution de
continuité et vient faire hernie au dehors. On doit tout
d'abord essayer de réduire la portion herniée ; si on ne
peut y parvenir à la première tentative, temporiser et re-
commencer une seconde et une troisième fois , quand
même la substance pulmonaire aurait une légère teinte
livide, qu'elle peut perdre en rentrant dans la cavité tho-
racique. Ces précautions sont nécessaires, car on a vu des
chirurgiens , trompés par cette légère lividité , se hâter
d'exciser une portion de substance pulmonaire encore
parfaitement saine.
Nous venons de voir que les signes pour lesquels se tradui-
sent les plaies du poumon sont le crachement de sang, l'hé-
morrhagie, l'emphysème , la hernie du poumon , etc. Ces
blessures offrent plus ou moins de gravité selon qu'elles
sont situées à la base de l'organe ou à son sommet ; selon
qu'elles sont compliquées de la présence de corps étran-
— 231 —
gers ou que leur trajet ne contient que l'escarre, suite du
passage de la balle.
Il est facile de comprendre les raisons qui font qu'une
plaie du sommet du poumon est plus grave que celle qui
correspond , par exemple , au niveau du dixième ou du
onzième espace intercostal. Dans ce cas , en effet, l'épan-
chement de sang , suite presque nécessaire de la blessure
du viscère, n'aura que quelques pouces de hauteur et
trouvera, au bas de la poitrine, une ouverture par laquelle
il pourra s'échapper en partie au dehors, avec ou sans dé-
bridement préalable; tandis que si la plaie est située au som-
met , la poitrine sera pleine de sang avant que l'épanché •
ment arrive au niveau de la solution de continuité des parois.
Les corps étrangers qui peuvent s'engager dans la sub-
stance des poumons sont , en première ligne , les projec-
tiles et , en second lieu , les corps entraînés par ces der-
niers, et détachés, soit des vêtements dublessé, comme des
boutons des fragments de drap, etc., soit des esquilles
résultant de la fracture d'une ou plusieurs côtes. Dans les
cas où il est de toute impossibilité d'extraire les corps
étrangers engagés dans la substance pulmonaire , ils oc-
casionnent des accidents primitifs et consécutifs excessive-
ment graves , qui , le plus souvent , amènent la mort du
blessé,, à la suite d'un long et pénible marasme et de sup-
purations abondantes. Quelquefois, après avoir séjourné
pendant un temps indéterminé dans les poumons, ils tom-
bent dans la cavité pleurale, dans l'angle costo-diaphrag-
matique , où des kystes isolateurs les séparent ordinaire-
ment des parties environnantes. J'emprunte à M. Baudens
une observation qui trace, en peu de mots, le tableau com-
plet des désordres que font naître les corps étrangers
demeurés dans les voies aériennes ou tombés dans la
cavité des plèvres
— 232 —
Il s'agit d'un grenadier , blessé d'un coup de feu au tho-
rax pendant l'expédition de Médéahen 1830, et qui mou-
rut trois mois après à l'hôpital du Dey.
« 11 y avait (dit M. Baudens) fracture de la partie
moyenne de la quatrième vraie côte ; derrière cet arc
osseux un foyer de pus susceptible d'admettre le poing, et
circonscrit par de fausses membranes, épaisses d'un demi
pouce, développées entre le parenchyme pulmonaire et
les côtes. Ce foyer communiquait en dedans avec le trajet
que la balle s'était ouvert dans le poumon ; ce trajet, rempli
de pus , était tapissé d'une fausse membrane d'apparence
muqueuse, et contenait deux petites esquilles , dont l'une
faisait saillie dans la collection purulente dont nous avons
parlé, et au fond de laquelle je retrouvai deux pièces d'os
fixées par des adhérences. Au-dessous de cette collection
circonscrite, en siégeait une autre beaucoup plus considé-
rable, qui occupait la base de la poitrine et refoulait à la
fois le diaphragme et le poumon. Cet épanchement de ma-
tières purulentes avait environ quatre pouces de diamètre
en tout sens , et était entouré de fausses membranes très
épaisses, pointillées en rouge, qui, après avoir subi une
véritable organisation, étaient devenues comme tous les
tissus vivants susceptibles de phlegmasie : ce kyste conte-
nait plus d'un litre de sérosité purulente, au milieu de la-
quelle flottaient des débris de fausses membranes. On au-
rait pu lui donner issue sans arriver à la plèvre. Dans
l'angle costo-diaphragmatique siégeaient la balle et deux
longues esquilles , qui étaient tombées probablement peu
de temps après l'accident , et que des kystes isolateurs re-
tenaient en place. » [Clinique des plaies d'armes à feu t
p. 246.)
On doit se proposer en première ligne , dans le traite-
ment des plaies du poumon , d'empêcher l'invasion de la
— 233 —
pneumonie trauma.tique et de la modérer si elle est déjà
déclarée, lorsqu'on voit le blessé pour la première fois. On
parvient à remplir cette indication par des évacuations
sanguines abondantes, et répétées. Ainsi, on pratiquera
sans hésiter deux , quatre , six , huit , dix saignées en très
peu de temps, et on mettra le blessé à la diète la plus abso-
lue. On lui ordonnera le repos et le silence le plus com-
plets , et s'il survenait dans les environs de la blessure
des points plus ou moins douloureux, on pourrait appli-
quer à l'endroit de la douleur quelques ventouses scari-
fiées, ou un plus ou moins grand nombre de sangsues. Il
est des malades en expédition qui sont porteurs de plaies
de poitrine très graves et qui , bien que privés des secours
nécessaires, et même de moyens de transport commodes,
n'en arrivent pas moins à une guérison prompte et sûre ,
à laquelle sans doute la nature contribue plus que l'art, et
qui étonne ceux qui connaissent la gravité habituelle de
ces blessures. Ainsi , M. Hutin rapporte (Expédition de
Constantine, 1836) qu'un militaire, blessé d'un coup de feu
traversant la poitrine , fit une longue route sur de mau-
vais chemins, couché ou plutôt accroupi sur une prolonge
d'artillerie , sans matelas, sans paille et sans couverture.
Nous nous occuperons du traitement de l'hémorrhagie
en parlant des épanchements ; quant à celui de l'em-
physème, il est fort simple et consiste à pratiquer des
scarifications plus ou moins profondes sur la poitrine , le
ventre, le scrotum et les cuisses, pour s'opposer à la dis-
tention outre mesure de l'enveloppe cutanée, et à la réac-
tion que cet état peut produire sur les vaisseaux de la
poitrine en particulier. Si la poitrine était par trop remplie
d'air , il faudrait , d'après les conseils de Newson , de
J. Bell et de Dupuytren , ouvrir cette cavité absolument
comme s'il s'agissait de l'empyème v
— 234 —
Si la blessure du poumon est produite par un fragment
de côte resté à la portée des moyens chirurgicaux, il faut
s'empresser de l'extraire; dans le cas opposé, on doit
abandonner à la nature les corps étrangers profondément
situés dans l'épaisseur du viscère qui nous occupe, et
épargner au blessé des tentatives d'extraction plus nuisi-
bles qu'utiles.
Il n'y a qu'un seul cas , d'après Ledran , où l'on doive
tenter l'extraction d'une balle engagée dans le poumon ,
c'est lorsque celui-ci est adhérent à la plèvre à l'endroit
blessé , et que la balle peut se faire sentir au bout d'une
sonde grosse et mousse.
§ VII. PLAIES DU COEUR.
Le cœur se composant de plusieurs cavités , voisines les
unes des autres, et formées par des parois assez épaisses,
peut être blessé seulement dans une de ses cavités, comme
le ventricule droit ou le gauche , l'oreillette gauche ou la
droite, ou dans deux à la fois; tandis que , dans des cas
plus rares , il peut n'être le siège que d'une blessure plus
ou moins profonde des parois ventriculaires.
Dupuytren établit , dans sa Clinique chirurgicale , une
grande différence de gravité entre les blessures des cavités
gauches, et celles des cavités droites de cet organe. Dans tou-
tes les deux, il est vrai, il y a hémorrhagie considérable com-
promettant promptement la vie du blessé, mais les cavités
gauches contenant un sang neuf, un sang réparateur font
éprouver au malade une perte beaucoup plus dangereuse
que celle qui survient après les blessures des cavités
droites, ne contenant que du sang usé, pour ainsi dire, et
qui vient de servir d'aliment à tous nos organes. Les bles-
sures du cœur par armes blanches sont moins graves, en
général , que celles qui sont produites par les projectiles
— 235 —
lancés par la poudre à canon. Les premières, en effet,
lorsqu'elles sont le résultat d'une arme piquante peu
large , permettent aux parois de la solution de continuité
de se rapprocher et de s'opposer ainsi a l'hémorrhagie.
Le même résultat peut avoir lieu & la-$ùite des blessures
par armes tranchantes , mais seulement quand l'instru-
ment vulnérant a pénétré dans le tissu du cœur en suivant
la direction des fibres de ce viscère ; dans le cas contraire
la plaie reste béante , comme celle qui est produite par la
balle, et permet à lhémorrhagie de s'effectuer en toute
liberté.
Les plaies du cœur étaient réputées autrefois comme
inévitablement et subitement mortelles. Mais les idées des
praticiens ont changé à cet égard , depuis que la science
s'est enrichie de faits assez nombreux prouvant que non
seulement ces lésions ne sont pas instantanément mor-
telles, mais encore que les blessés qui en sont atteints
peuvent arriver à une guéri son parfaite ; ainsi , Ambroise
Paré raconte (1 e liv , chap 32) qu'un homme, blessé
dans un combat, poursuivit encore son adversaire l'espace
de deux cents pas , quoiqu'il eût au cœur une plaie assez
large pour recevoir le doigt.
Gourtial parle d'un homme , qui eut le ventricule gau-
che traversé d'un coup d'épée, fit encore cinq cents pas,
et n'expira qu'au bout de cinq heures, sans avoir éprouvé
d'oppression ni de difficulté dans l'exercice de la parole
(Cité par Dupuytren, Leç. oral., t. 6, p. 337).
D'autres fois, le corps vulnérant qui a blessé le cœur
reste enfermé dans la blessure pendant plus ou moins de
temps, sans déterminer d'accidents fâcheux , et n'y est
rencontré au'à l'autopsie qu'on pratique après la mort,
survenue souvent après un plus ou moins grand nombre
d'années. Ainsi, Latour cite le cas d'un soldat chez lequel
— 236 —
on trouva une balle chatonnée dans le ventricule droit,
près la pointe de l'organe, recouverte en partie par le pé-
ricarde et appuyée sur le sceptum médium. ( Histoire
philos, et médic. des causes et des effets des hémorrlmgies , t. i ,
pag. 75.) ' •-. j
Le danger des plaies du cœur consiste évidemment dans
la perte de sang considérable qu'elles font éprouver en
peu d'instants au blessé , et ensuite dans l'épanchement
subit qui, s'effectuant dans la cavité du péricarde et dans
celles des plèvres, gêne mécaniquement les mouvements
du cœur, puis les fonctions respiratoires, et entraîne rapi-
dement la mort.
Les symptômes qui annoncent cette lésion sont, en pre-
mier lieu , l'existence d'un coup de feu sur les parois
thoraciques, à la région précordiale ou dans son voisinage.
Les sueurs froides , les syncopes , la cessation des batte-
ments du cœur, et enfin l'écoulement du sang par la bles-
sure, la syncope est quelquefois le sauveur des blessés.
En suspendant tout à fait la circulation, elle permet à un
caillot plus ou moins volumineux de se former entre les lè-
vres de la blessure et d'arrêter ainsi l'écoulement du sang;
mais quand ce caillot est trop faible ou que la circulation
est accélérée par une cause quelconque, l'hémorrhagie se
renouvelle, et le danger est imminent.
Le traitement des plaies du cœur est tout à fait médi-
cal ; il consiste en un nombre plus ou moins considérable
de saignées générales, dans le repos physiqae et moral le
plus profond. Il faut éviter, en effet, toutes les émotions
morales, qui, en accélérant la circulation, peuvent déta-
cher un caillot sauveur déjà formé, ou détruire une adhé-
rence salutaire. Une fois qu'on est maître de l'hémorrhagie,
tout danger n'est pas passé, et on a besoin d'exercer encore
pendant plus ou moins longtemps, à l'égard du blessé, la
-~ 237 —
surveillance la plus active, afin decombattre avec avantage
la péricardite ou l'endocardite traumatique, qui pour-
raient survenir, et faire perdre en peu d'instants le fruit
des soins antérieurs.
§ VIIL PLAIES DES GROS VAISSEAUX.
Les plaies de l'aorte et de ses principales divisions, cel-
les des veines caves supérieure et inférieure, des vais-
seaux pulmonaires, etc , sont rapidement mortelles, d'a-
bord à cause de la grande perte de sang qu'elles font
essuyer au blessé, et en second lieu par l'accumulation de
ce liquide dans les cavités pleurales. Ici, l'action de la balle
ne suffit plus pour déterminer une escarre capable de faire
digue et de s'opposer à l'hémorrhagie , comme cela a lieu
dans les blessures d'artères de petit volume.
§ IX. — DES ÉPANCHEMENTS DANS LES PLAIES DE POITRINE.
Nous venons de voir que presque toutes les plaies pé-
nétrantes de poitrine, avec lésion des viscères ou des gros
vaisseaux, sont accompagnées d'hémorrhagie. Le sang
provenant de cette hémorrhagie constitue très souvent, en
s'accumulant dans les plèvres, une complication très dan-
gereuse, l'épanchement.
Les principales sources de l'épanchement sont : la lésion
de l'artère intercostale , celle du poumon , du cœur et
des gros vaisseaux.
Quand une artère intercostale est ouverte par un coup
de feu qui a occasioné une blessure large et directe, le
sang s'échappe au dehors et ne constitue pas d'épanche-
ment; mais si la blessure est, au contraire, étroite et si-
nueuse, et si, avant d'avoir ouvert l'artère, le projectile a
parcouru un trajet plus ou moins long dans l'épaisseur
— 238 —
* #
des parois thoraciques, afors, le sang trouve plus de faci-
lité à s'épancher en plus ou moins grande quantité dans
la poitrine. Il tombe dans la partie la plus déclive, c'est-à-
dire dans l'angle costo-diaphragmatique, s'élève par degré
jusqu'à la blessure des parois, refoule le poumon corres-
pondantcontre la colonne vertébrale, occasionne une dyps-
née considérable, et, en un mot, tous les symptômes de
l'épanchement que nous indiquerons un peu plus bas.
Il importe essentiellement de connaître, sous le plus
bref délai, quelle est la source de l'hémorrhagie, de sa-
voir si elle provient de l'intercostale ou du poumon. Dans
les cas de lésion de l'intercostale, on ne rencontre pas or-
dinairement le crachement de sang qui accompagne, dans
la majorité des cas, les plaies du parenchyme pulmo-
naire. On a proposé ensuite de placer dans la plaie (mais
il faut, pour cela, qu'elle soit primitivement assez large ou
qu'on la débride) une carte à jouer ; si le sang coule le long
de la face supérieure de cette dernière, a-t-on dit, il pro-
vient de l'intercostale, tandis que s'il coule en dessous, il
vient du poumon ou d'un gros vaisseau et a déjà rempli
la poitrine.
M. Baudens conseille, pour s'assurer si le sang vient de
l'intercostale, d'introduire le doigt indicateur dans la plaie,
de comprimer le vaisseau sur le bord inférieur de la côte,
pour suspendre le cours du sang.
« Puis, dit-il, en détachant doucement cet index, on
sent aisément la colonne sanguine tomber sur sa pulpe, si
elle vient de l'intercostale. » (Clinique des plaies d'armes à
feu, p. 274.) ,
Mais quand le sang provient de la lésion du poumon, du
cœur ou d'un gros vaisseau, l'écoulement en est très ra-
pide, et peu d'instants suffisent pour que la cavité de la
poitrine où il s'effectue soit totalement remplie , ou au
— 239 —
moins jusqu'au niveau de la blessure. Il faut cependant,
dans ce cas, fermer la plaie et s'opposer à sa sortie, tandis
qu'au contraire, dans la lésion de l'intercostale, il faut dé-
brider la plaie, si toutefois elle n'est pas assez large, pour
aller à la recherche de l'artère et essayer d'arrêter par tous
les moyens possibles l'accumulation du sang dans la poi-
trine. La raison de cette conduite est simple et facile à sai-
sir : c'est que, dans ce dernier cas , le sang est tout sim-
plement un corps étranger, irritant par sa présence les
plèvres avec lesquelles il est en contact, et s'opposant au
libre exercice des fonctions respiratoires, en exerçant sur
le poumon une compression souvent très violente, tandis
que, dans le premier cas, il rend un véritable service au
blessé, en contribuant à arrêter l'hémorrhagie. Il est, en
un mot, tout à la fois mal et remède. Je m'explique: dans
une large plaie de la substance pulmonaire, le sang, qui
coule abondamment dans la poitrine, refoule le poumon
lésé vers la colonne vertébrale, diminue, par conséquent,
son volume total, et secondairement celui de la blessure,
sur laquelle il fait l'effet d'un véritable agent compres-
seur. Il résulte, il est vrai , de ce refoulement une dyp-
sorée excessivement violente. Mais il vaut mieux , quelle
que soit l'intensité de cette dernière, laisser pendant quel-
ques jours un épanchement dans la poitrine que de ne
pas s'opposer à une hémorrhagie qui emporterait le ma-
lade en peu d'instants. Le poumon ainsi refoulé est rem-
placé dans ses fonctions par son congénère, qui redouble
d'activité et suffit pour accomplir, pendant tout le temps
de la blessure, l'acte respiratoire et l'hématose. Du reste,
il arrive souvent de rencontrer , à la suite des maladies
étrangères au domaine chirurgical , comme les pleurésies
de cause interne , l'affection tuberculeuse , des poumons
entiers dont les fonctions ne s'exercent pas depuis long-
— 240 —
temps , et sont ainsi accomplies par le poumon du coté
opposé , ou même quelquefois par une portion de ce der-
nier, qui entretient à lui seul la vie pendant un temps
quelquefois très long.
Il est un fait d'anatomie pathologique très important ,
qui peut faire varier le lieu de l'épanchement, et le bor-
ner , par exemple , seulement à la base de la poitrine , ou
au sommet ; et même , dans certains cas , empêcher le
sang de s'épancher dans cette cavité. Supposons, en effet,
une adhérence qui fixe un poumon à la plèvre costale dans
tout le pourtour d'une des cavités thoraciques , au niveau
par exemple du cinquième espace intercostal. Si une balle
s'enfonce dans le viscère au niveau de cette adhérence ,
il est évident que ce dernier étant fixé solidement aux pa-
rois thoraciques , versera au dehors tout le sang qui s'é-
chappera de la blessure de ses vaisseaux ; tandis que si le
projectile blesse le poumon dans le dixième espace inter-
costal , ou au niveau du troisième , l'épanchement n'occu-
pera , dans le premier cas, que la moitié inférieure de la
poitrine, et la moitié supérieure dans le second.
Le sang épanché agit de la même manière à regard des
gros vaisseaux ouverts : il bouche leur plaie, les comprime,
atténue l'effort imprimé par le cœur à la colonne sanguine
qui les parcourt, et favorise ainsi la formation d'un caillot
sauveur.
L'épanchement s'annonce par des symptômes faciles à
reconnaître : le malade est en proie à une suffocation qui
varie d'intensité , selon la quantité de sang épanché ; il
porte le tronc en avant, et ne peut que très difficilement
rester dans la position horizontale. S'il parvient à se cou-
cher, c'est toujours du côté de la blessure. Le liquide
épanché augmente la voussure du thorax , les intervalles
inter-costaux sont plus larges. La succussion fait percevoir
— 241 —
au malade et au chirurgien le ilôt do ce liquide , et la per-
cussion rend un son mat jusqu'au point correspondant au ni-
veau intérieur de 1 épanchement. La face est pâle, le pouls
est petit, filiforme; le malade est abattu, il a des sueurs froi-
des et visqueuses , des angoisses continuelles , et ne peut
rester seulement quelques minutes dans la môme position.
L'imminence de la suffocation oblige , dans certains cas ,
à évacuer une portion seulement de ce liquide épanché.
Si la plaie des parois thoraciques est voisine du diaphrag-
me , c'est cette voie qu'il faut choisir pour donner issue au
sang ; si , au contraire , elle est située à la partie supé-
rieure de la poitrine, il faut tâcher de placer le blessé dans
une position telle que sa plaie devienne le point le plus
déclive et le plus bas de la poitrine , ou , au pis-aller, pra-
tiquer une contre-ouverture au lieu d'élection de l'emphy-
sème. Dans un cas pareil à celui dont nous parlons en ce
moment , À. Paré plaça son blessé de manière à ce que
ses jambes fussent sur le lit , et la tète ainsi que la poitrine
pendantes en dehors ; le malade se maintenait dans cette
position à l'aide de ses mains , prenant un point d'appui
sur un tabouret plus bas que le lit.
Si on abandonnait l' épanchement aux ressources de la
nature , il pourrait , comme cela est arrivé dans des cas
très rares , être absorbé en totalité ; mais le plus souvent
il n'y a que la partie séreuse qui disparaît par absorption :
la partie fibreuse reste , s'entoure d'un kyste isolateur , et
détermine par sa présence une irritation continuelle sur
les plèvres. Cette irritation se termine le plus souvent par
une inflammation suppurative. Le malade est en proie à
une fièvre lente , avec exacerbation le soir. La dyspnée
est continuelle , les extrémités inférieures s'infiltrent , la
diarrhée colliquative survient , et un marasme plus ou
moins long entraîne sûrement le blessé au tombeau .
îs
242 ~
C'est ordinairement du dix au douzième jour qu'il faut
donner issue au liquide épanché, on le fait par la plaie
suffisamment débridée , si elle est étroite , et si elle siège à
la partie inférieure de la poitrine ; et par l'opération de
l'empyème, si la solution de continuité des parois corres-
pond à la partie supérieure de la poitrine.
Je sortirais de mon sujet, si je voulais décrire ici les di-
verses manières de procéder à l'opération de l'empyème
avec le bistouri ou le trocart ; ces détails se trouvent dans
tous les ouvrages de médecine opératoire , aussi bien que
ceux qui se rapportent à la manière de pratiquer le panse-
sement après l'opération. Je dirai seulement qu'il ne faut
pratiquer l'opération de l'empyème que lorsqu'on est cer-
tain de la cessation de l'hémorrhagie interne , certitude
qu'on acquiert parle retour des couleurs, la disparition des
sueurs froides, l'état du pouls ; car on conçoit que si on ou-
vrait trop tôt la poitrine, on s'exposerait à voir l'hémorrhagie
se reproduire a mesure que le sang contenu dans cette ca-
vité sortirait et cesserait de comprimer la cicatrice du
vaisseau ou du poumon, trop faible encore pour résister à
l'impulsion du sang. D'un autre côté , au contraire , il ne
faudrait pas trop temporiser, parce que l'épanchement étant
un véritable corps étranger , pourrait déterminer dans la
cavité des plèvres une inflammation excessivement dan-
gereuse.
Une fois l'opération faite , on doit exercer une grande
surveillance sur le blessé , l'empêcher de commettre la
moindre imprudence qui puisse produire une excitation
trop violente de la plèvre , ou renouveler une hémorrha-
gie si fraîchement arrêtée.
D'après Boyer , les moyens hémostatiques dirigés con-
tre l'ouverture de l'artère inter-costale sont plus nom-
breux que les cas bien avérés de lésion de ce vaisseau. Les
— 243 —
annales de la science comptent en effet les procédés de
Gérard, de Goulard, de Loltcri , de Quesnay , de Belloc ,
dcDesault et deBoyer; j'accorde la préférence au procédé
de Desault comme étant celui qu'on peut mettre le plus
facilement en exécution dans toutes les circonstances où
Ton peut se trouver, et comme remplissant d'ailleurs par-
faitement le but qu'on se propose. Il consiste à faire pé-
nétrer dans la plaie un morceau de linge de manière a ce
que la partie moyenne de ce dernier forme à l'intérieur
une cavité digitale qu'on remplit de charpie , et qui , tirée
ensuite de dedans au dehors , représente une espèce de
pelotte compressive appliquant l'extrémité de l'artère ou-
verte contre la côte correspondante , et arrêtant ainsi l'hé-
morrhagie.
§ X. — PLAIES DE l'03S0PHAGE.
Les plaies de l'œsophage par armes à feu sont assez ra-
res dans la portion thoracique de ce canal ; car sa situation
profonde et l'espèce de rempart que lui forme en arrière
la colonne vertébrale lui évitent une foule de blessures.
Du reste quand il est blessé , il l'est rarement seul , et sa
lésion se complique ou de celle du cœur , du poumon, ou
d'un gros vaisseau; et dès lors, on conçoit qu'elle est la
moins importante, et qu'elle n'exige que secondairement
les soins du chirurgien. L'épanchement des matières ali-
mentaires dans la cavité des plèvres , et la sortie de ces
aliments par la plaie , sont le résultat et constituent les
symptômes ordinaires de la lésion de l'œsophage. Le trai-
tement chirurgical de cette blessure consiste à introduire
dans l'estomac une sonde œsophagienne , et à nourrir le
malade d'aliments liquides par cette voie artificielle jusqu'à
l'entière cicatrisation de la plaie du canal alimentaire,
§XI. — PLACES DU DIAPHRAGME*
Le diaphragme, servant de plancher à la poitrine par sa
face supérieure , et de voûte à l'abdomen par sa face inté-
rieure , et se trouvant par tous ses points en contact avec
des organes d'une haute importance , est le plus souvent
blessé en même temps qu'un de ces viscères, le foie,
l'estomac, le poumon. Il est dès lors facile de com-
prendre le danger que courent les malheureux porteurs
dételles blessures.
Un des accidents les plus communs des plaies du dia-
phragme , consiste dans le passage des viscères abdomi-
naux à travers la solution de continuité de ce muscle qui
les étrangle, et occasionne presque toujours la mort au
bout d'un temps plus ou moins long, quelquefois peu de
jours après la blessure, d'autres fois, au contraire, plu-
sieurs années après.
Ce qu'il y a de remarquable dans les blessures du dia-
phragme, c'est que souvent un viscère volumineux de
l'abdomen passe dans la poitrine à travers une ouverture
qui n'a pas plus d'un pouce ou d'un demi pouce de dia-
mètre. Ainsi, Àmb. Paré rapporte l'observation d'un man-
œuvre , chez lequel on trouva l'estomac énormément dis-
tendu par des gaz , hernie dans la poitrine à travers une
ouverture du diaphragme, qui n'avait pas plus d'un demi
pouce de diamètre. On peut aussi lire, dans le cinquième
volume des Recueils de chirurgie militaire, un cas remar-
quable de ce genre, publié par M. Cherveau ; il s'agit d'un
soldat, qui reçut, en 1813, un coup de lance entre la sep-
tième et la huitième cote. Cinq ans après , il succomba
kdes symptômes d'étranglement, et on trouva, à son au-
topsie, une ouverture du diaphragme de sept à huit lignes
— 2io —
de diamètre, à bords cicatrisés, h travers laquelle était
étranglée une anse du colon de quinze pouces de long.
Les symptômes des blessures du diaphragme sont : la
dyspnée plus ou moins violente, dépendant du passage des
viscères abdominaux dans la poitrine ; les vomissements ;
le rire sardonique , qu'on a assigné comme leur signe pa-
thognomonique ; et enfin joignez à cela les symptômes de.^
plaies de poitrine ou du ventre qui viennent se joindre
à ces derniers , et se dessinent avec plus ou moins d'évi-
dence.
Le traitement en est purement médical et consiste dans
l'emploi énergique des saignées pour s'opposer au déve-
loppement des phénomènes inflammatoires. Cependant ,
M. Baudens (Clinique des plaies d'armes à feu , p. 303) con-
seille en cas d'étranglement, et comme dernière chance
de salut , d'ouvrir l'abdomen et de remplacer l'intestin
hernie par une portion d'épiploon, qui ferait bouchon et
s'opposerait aux accidents qui pourraient ultérieurement se
reproduire.
Je ne vois pas pourquoi on tourmenterait un malheureux
blessé par une opération si incertaine et si douloureuse.
§ XII. PLAIES DE POITRINE PAR LES GROS PROJECTILES DE
GUERRE.
Les boulets qui arrivent sur un des points de la surface
de la poitrine brisent les côtes , pénètrent dans la cavité
thoracique, et réduisent en bouillie le poumon, le cœur et
tout ce qu'ils rencontrent. La mort instantanée est le résul-
tat ordinaire de ces affreuses blessures , dans lesquelles le
chirurgien n'a pas même le temps de prodiguer quelques
consolations aux malheureux blessés... D'autres fois, le
projectile produit, sans entamer la peau, ce qu'on appelle
l'écrasement du thorax , fracture les côtes , contusionne les
— 24G —
poumons , etc. , et conduit les blessés à la môme termi-
naison fatale, bien que rien à l'extérieur n'annonce la gra-
vité des désordres sous-cutanés.
Les plaies de poitrine sont compliquées , dans certains
cas , de lésions très graves du côté de l'abdomen et gué-
rissent quelquefois, malgré cela, avec assez de rapidité et
avec un rare bonheur.
M. Baudens cite le fait d'un soldat qui guérit d'un coup
de feu avec perforation de l'abdomen , du thorax , lésion
du foie, du diaphragme, de la base du poumon droit, et
fractures des dixième et douzième côtes de ce côté.
D'autres fois enfin, elles sont accompagnées de fractures
plus ou moins compliquées aux membres supérieurs , qui
sont atteints par le projectile avant sa pénétration dans les
cavités pleurales.
— 247 —
CHAPITRE V.
PLAIES DE L'ABDOMEN.
Les projectiles lancés par la poudre à canon peuvent
borner leur action simplement aux parois de la cavité ab-
dominale , ou bien y produire des solutions de continuité
plus ou moins étendues, et pénétrer dans la cavité du péri-
toine sans léser aucun des viscères qui y sont contenus ; ou
bien enfin, blesser un ou plusieurs de ces viscères. De là
trois principales subdivisions , que nous passerons succes-
sivement en revue, savoir :
\ ° Les plaies non pénétrantes ;
2° Les plaies pénétrantes sans lésions viscérales ;
3° Les plaies pénétrantes avec blessure des viscères
intrapéritonéaux.
§ I er . — PLAIES NON PÉNÉTRANTES.
Les plaies non pénétrantes des parois abdominales peu-
vent être produites par les projectiles du plus gros vo-
lume, aussi bien que par la balle. Quand un boulet arrive
obliquement, par exemple, sur la région qui nous occupe,
il détermine une contusion plus ou moins violente qui ,
dans certains cas , bien que ne laissant pas de traces à
l'extérieur, produit des lésions très graves dans les viscè-
res abdominaux. Ces derniers peuvent être légèrement
contus, ou bien si le projectile était encore au plein de sa
course déchirés plus ou moins largement , et souvent ré^
duits en bouillie.
Les symptômes et les accidents qui annoncent et sui-
— 248 —
vent ces blessures, varient nécessairement selon le viscère
blessé. Ainsi, par exemple, la contusion du foie se mani-
feste par de vives douleurs à l'hypochondre droit ; elle est
souvent suivie d'hépatite aiguë , et son traitement est le
môme que celui qu'on emploie en pareil cas ; mais si ce
viscère est déchiré, et plus ou moins réduit en bouillie, il
en résulte un épanchement de sang considérable dans la
cavité péritonéale , lequel entraîne presque inévitable-
ment la mort du blessé, ce funeste résultat est encore plus
sûrement inévitable si la déchirure a porté sur la vésicule
biliaire.
La contusion de la rate, et sa déchirure ont à peu près
la même suite.
Lorsque l'estomac est contus, il peut avoir éprouvé une
déchirure d'un plus ou moins grand nombre des vaisseaux
de sa muqueuse, qui en versant du sang dans sa cavité,
peuvent donner lieu aune hématémèse abondante, quand
il est perforé totalement, et qu'il est plein d'aliments, il les
verse dans la cavité du péritoine et détermine une périto-
nite mortelle.
L'intestin grêle et le gros intestin, peuvent donner lieu
aux mêmes remarques ; on voit survenir à la suite de leur
contusion une entérite plus ou moins intense, contre la
quelle on dirige les moyens thérapeutiques ordinaires ;
mais si une ou plusieurs anses ont été déchirées par la
cause contondante, les matières fécales s'épanchent avec
plus ou moins d'abondance dans la cavité séreuse du pé-
ritoine, et l'irritent promptement; le ventre se balonne,
des coliques violentes surviennent en un mot, il se déclare
une péritonite sûrement mortelle. Il peut se faire cepen-
dant qu'un intestin violemment contus , contracte des
adhérences avec une anse voisine, et /rue si par hasard
l'inflammation se termine par gangrène, l'escarre tombe
— 249 —
dans l'intérieur du canal, Alors, l'individu blessé se trouve
sauvé de la mort par ces adhérences salutaires dont nous
aurons à nous occuper plus longuement un peu plus bas.
La contusion des reins est suivie ordinairement d'une
néphrite assez intense, et leur déchirure donne lieu à un
épanchement d'urine, liquide, dont chacun connaît les pro-
priétés irritantes à l'égard du péritoine ; quand à la vessie,
elle peut rarement être contusionnée ou déchirée par les
gros projectiles, tant qu'elle est a l'état de vacuité ; parce
qu'alors, sa position derrière le pubis la met à môme d'é-
viter la plupart des causes traumatiques qui attaquent l'ab-
domen par sa paroi antérieure. Mais quand elle est pleine,
elle subit la loi commune, et peut comme tous les autres
viscères être contusionnée ou déchirée. Sa contusion donne
lieu aune cystite plus ou moins intense, allant souvent
jusqu'à déterminer l'impossibilité d'excréter les urines.
Il faut dans ce cas, introduire une sonde par l'urètre, et
faire un usage énergique des antiphlogistiques. La rupture
du réservoir urinaire donne lieu à l'épanchement d'urine
dans le petit bassin où ce liquide détermine une inflamma-
tion générale rapidement mortelle. L'urine peut cependant
dans certains cas s'épancher hors la cavité péritonéale,
c'est lorsque la déchirure porte sur la face antérieure de la
vessie.
Comme on le voit par les détails dans lesquels nous ve-
nons d'entrer, la contusion plus ou moins violente des vis-
cères abdominaux à travers les parois de cette cavité, par
les gros projectiles, détermine des affections inflammatoi-
res contre lesquelles il faut diriger les moyens ordinaires,
c'est-à-dire, les antiphlogistiques locaux et généraux, les
émolliens, les narcotiques, etc,, mais, la contusion qui va
jusqu'au broiement, jusqu'à la déchirure, est toujours sui-
vie d'épanchements de sang, de bile, d'urine, de matières
— 250 —
*
fécales, amenant promptement la mort. Dans ces cas on doit
tout attendre de la nature, car l'impuissance de l'art est
bien constatée, et comme le dit Dupuytren (Leçons orales \
«l'alléger s'il est possible les souffrances du malade, mais
sans espoir de les guérir, voilà à peu près à quoi se borne le
devoir du chirurgien dans ces terribles lésions. »
Quand les gros projectiles atteignent les parois abdomi-
nales postérieures, ils peuvent occasionner un ébranlement
plus ou moins violent de la colonne vertébrale lombaire,
commotionner la portion de la moelle épinière correspon-
dante, fracturer même les vertèbres, dont les fragments
peuvent piquer et irriter les parties molles, ou même s'en-
fonçant dans la substance du cordon rachidien donner
lieu à une inflammation très dangereuse et à des paralysies
plus ou moins graves.
Quand le boulet ne borne pas son action à contondre les
parois abdominales, il produit dans certaines circonstan-
ces, des plaies de largeur variable, résultant de la déchi-
rure de la peau, des muscles, et des aponévroses qui les
composent. Ces solutions de continuité peuvent guérir
sans accident, mais quelquefois , l'inflammation qui les
accompagne se propage jusqu'au péritoine et devient
funeste au blessé. On observe après la guérison de ces
sortes de plaies un relâchement des parois abdominales
correspondant au point où elle siégeaient, qui permet aux
viscères de se précipiter au dehors à la suite du moindre
effort, et de constituer ce qu'on nomme une hernie ventrale
ou éventration.
Les projectiles de petit volume comme les balles, arri-
vant perpendiculairement sur les parois abdominales à la
fin de leur course, déterminent une contusion, qui peut se
propager comme celle que nous venons d'examiner jus-
qu'aux organes intérieurs, mais qui dans tous les cas est
— 251 —
beaucoup moins forte. Quand ils pénètrent dans l'épais-
seur de ces parois," ils s'y creusent des canaux plus ou
moins longs, soit entre la peau et les muscles, soit dans
l'épaisseur des muscles et de leurs aponévroses. Dans d'au-
tres cas, ils paraissent traverser la cavité abdominale, et
sortir au point diamétralement opposé à leur entrée, ils
contournent alors sous la peau, l'abdomen, par l'effet des
surfaces convexes et concaves, absolument de la même
manière que nous avons vu que cela arrivait à la tête et à
la poitrine,
Ces projectiles peuvent blesser dans l'épaisseur des pa-
rois abdominales l'artère épigastrique, l'extrémité infé-
rieure de la mammaire interne, et en pénétrant à travers
les parties musculo-aponévrotiques qui constituent la tra-
me de ces parois, donner lieu aux phénomènes de l'étran-
glement, et à une inflammation violente susceptible de se
propager de couche en couche jusqu'à la séreuse abdomi-
nale.
Le traitement de ces blessures consiste à extraire les pro-
jectiles qui seraient restés emprisonnés dans l'épaisseur des
parois abdominales. Il faut en pratiquant cette opération
ménager la grandeur des incisions, car plus elles sont lar-
ges, plus elles affaiblissent les parois abdominales et per-
mettent la formation des hernies consécutives.
M. Baudens, rapporte dans sa clinique des plaies d'ar-
mes à feu (p. 309), avoir extrait des balles châtonnées dans
l'épaisseur de ces parois sans le secours du bistouri et à
l'aide d'un procédé assez ingénieux, « 11 m'a suffit, dit-il,
pour réussir, de comprendre les balles dans un pli formé
au dépens des parties qui les recèlent et de les chasser de
proche en proche du dedans au dehors avec les doigts
placés derrière elle,»
Une fois les projectiles extraits j la plaie sera pansée
— 252 —
simplement , le malade gardera le repos pendant quelque
temps. On se tiendra en garde contre la péritonite consé-
cutive qui pourrait se développer, et à la première appa-
rition des symptômes de cette dernière, on fera un usage
énergique des antiphlogistiques locaux et généraux , des
émollients, des narcotiques, afin d'enrayer la marche de
l'inflammation de la séreuse abdominale.
§ IL — PLAIES PÉNÉTRANTES SANS LÉSIONS VISCÉRALES.
Après avoir donné lieu à des accidents plus ou moins
graves , en traversant les parois abdominales , les projec-
tiles vont souvent plus loin , ils ouvrent l'abdomen , quel-
quefois même tombent dans sa cavité et s'y perdent.
Quand la balle a perforé directement la paroi abdomi-
nale, il est ordinairement assez facile de constater la pé-
nétration de la blessure , mais quand elle arrive dans
l'abdomen après avoir parcouru sous la peau et dans l'é-
paisseur des muscles, un trajet oblique plus ou moins
long , on ne parvient pas si facilement à connaître la véri-
table nature de la lésion à laquelle on a affaire.
On se sert ordinairement , pour arriver à connaître le
trajet de la plaie, de sondes mousses, qui souvent, péné-
trant avec beaucoup de difficulté dans le canal résultant
du passage de la balle, occasionnent des douleurs au
blessé , et augmentent la tendance que l'inflammation a
dans tous les cas de plaie abdominale à envahir le péri-
toine ; c'est donc un moyen d'investigation plutôt dange-
reux qu'utile , et qui doit être banni de la thérapeutique
chirurgicale. On conseille ensuite, en général , de pousser
dans la cavité abdominale une injection douce émolliente,
pour s'assurer de la pénétration de la blessure. Ces ma-
nœuvres peuvent détruire un caillot salutaire déjà formé,
— 253 —
et déterminer une irritation plus ou moins violente du
péritoine. Du reste, une liqueur étrangère, quelque inno-
cente qu'elle soit, ne peut demeurer sans danger dans la
cavité de cette séreuse. 11 faut donc, d'après le conseil des
meilleurs auteurs, abandonner ce moyen d'investigation
aussi bien que le cathétérisme. On sait, du reste, que
dans toutes les lésions du bas-ventre on est exposé à voir
survenir, avec plus ou moins de force, l'inflammation du
péritoine ; on doit donc se tenir en garde contre elle ,
après la moindre blessure de l'abdomen , et ne pas hâter
son développement par une investigation laborieuse.
Quand un coup de feu est reçu de près, ou que le pro-
jectile pénètre directement dans l'abdomen, la plaie est
assez large et permet aux viscères contenus dans la cavité
abdominale de venir faire hernie au dehors , en quantité
plus ou moins considérable. Ces derniers ne sortent ce-
pendant presque jamais en aussi grande quantité, à la suite
des plaies d'armes à feu, que dans certaines plaies d'armes
blanches ouvrant largement les parois de l'abdomen. Ainsi
on trouve , dans la Gazette des Hôpitaux du 1 5 novembre
1842 , l'histoire d'un porcher blessé à l'abdomen par un
verrat , qui lui fit une large plaie aux téguments abdomi-
naux. Le malade supportait sa hernie dans ses deux mains,
lorsque le chirurgien arriva près de lui pour le panser
Elle se composait de l'estomac , de l'épiploon déchiré, du
colon transverse et d'une portion considérable de Tintes -
tin grêle ; une pareille hernie ne pourrait avoir lieu à la
suite d'une plaie d'arme à feu , que dans le cas où un pro-
jectile de gros volume aurait fait éprouver une perte de
substance considérable aux parois abdominales.
Quelquefois, cette portion herniée est fort difficile à faire
rentrer dans sa cavité normale ; on n'y parvient qu'après
avoir exercé sur elle de nombreux efforts de réduction, et
:£,>*
pratiqué des ttébridemen'ts plus ou moins largos à la plaie
qui la tient emprisonnée.
Dès qu'un blessé se présentera avec une portion d'in-
testin herniée , tous les efforts du chirurgien devront ten-
dre à la faire rentrer dans la cavité abdominale. Si les in-
testins et la blessure sont souillés de sang, de terre ou de
boue , on doit d'abord les laver avec une décoction émol-
liente, ou tout simplement avec de l'eau, si les circonstan-
ces ne permettent pas de se procurer le premier de ces
liquides. Puis , à l'aide de pressions , ménagées et habile-
ment exercées sur toute la surface de la tumeur , on doit
essayer de répartir également dans son intérieur les gaz,
les liquides, ou les solides qu'elle peut contenir ; si cette
manœuvre , longtemps répétée , ne suffit pas , on a con-
seillé d'attirer à l'extérieur une portion d'intestin intra-
abdominale, afin que les corps contenus dans les intestins
extra-abdominaux étant répartis dans une cavité plus
grande opèrent dans la tumeur une moindre distension, et
s'opposent moins à sa réduction. Je ne dirai rien de l'ap-
plication delà glace pilée, parce que c'est un moyen qu'on
n'a pas la faculté de pouvoir employer dans toutes les
circonstances , ni des piqûres qu'on a conseillées de prati-
quer à la surface de l'intestin hernie. C'est un moyen que
je considère comme fort dangereux par les suites auxquelles
il peut donner lieu , et que je ne conseillerai jamais d'em-
ployer. Enfin si, malgré tous les moyens que je viens de
mentionner, l'intestin se refuse à rentrer dans l'abdomen,
il reste , pour dernière ressource , l'opération du débride-
ment , qu'il faut pratiquer avec précaution et avec parci-
monie, si je puis m' exprimer ainsi.
L'épiploon vient aussi quelquefois faire hernie au dehors,
seul, ou accompagné des intestins. On doit , dans le pre-
mier cas , le réduire avec les mêmes précautions que
— 255 —
derniers, et, dans le second, réduire d'abord les intestins,
puis s'occuper de l'cpiploon. Une fois les parties herniées
réduites , on s'efforcera de s'opposer à l'invasion, au dé-
veloppement de la péritonite , dont toutes ces manœuvres
hâtent souvent l'apparition.
La balle qui perfore les parois abdominales et ouvre la
cavité du péritoine , sans produire de lésion dans les vis-
cères qu'elle contient, peut, en pénétrant dans l'épaisseur
des tissus , chasser devant elle une portion des vêtements
du blessé (de la chemise, du caleçon), et s'en coiffer
comme d'un véritable doigt de gant , qui l'empêchera de
tomber dans la cavité du péritoine et lui permettra d'être
extraite avec facilité par le chirurgien , ou souvent même
par le blessé pendant qu'il se déshabille pour faire panser
sa blessure. C'est là le cas le plus heureux, mais aussi le
plus rare. Ordinairement la balle se perd dans la cavité
abdominale, où elle se loge plus ou moins profondément et
où il faut l'abandonner, parce que d'abord on ne sait, dans
la plupart des cas où elle est logée, et en second lieu, parce
que son extraction nécessiterait souvent des manœuvres
trop longues et trop dangereuses par Faction funeste
qu'elles pourraient exercer sur le péritoine. On doit seu-
lement s'attacher , en pareil cas , à combattre l'inflamma-
tion. La balle ne s'oppose pas à la guérison, et on a des
exemples de personnes blessées par des coups de feu , qui
ont conservé , tout le reste de leur vie, le projectile dans
l'abdomen, sans en éprouver d'incommodité. D'autres fois,
la balle se fraye un passage à travers le canal intestinal et
vient sortir par l'anus , le périnée ou tout autre point de
la cavité abdominale.
Bordenave , ayant senti une fluctuation au périnée chez
un individu , blessé antérieurement d'un coup de feu , fit
une incision comme pour la lithotomie et en fit sortir des
— 2ob* —
portions de vêtements , une grande quantité de sang et
d'urine, et en lin la balle.
Ravaton cite le cas d'un officier de marine, qui rendit un
lingot de plomb par l'anus vingt -un jours après sa bles-
sure.
Schenkius rapporte l'histoire d'un soldat qui reçut une
balle, à un travers de doigt, au-dessus de l'estomac ; elle fut
rendue par les selles. (Cité par les rédacteurs des leçons
orales de Dupuytren.)
La nature se charge , elle aussi , quelquefois de l'expul-
sion non seulement de corps orbes et dépourvus d'aspéri-
tés, comme les balles , mais encore elle parvient à chasser
de nos tissus , sans aucun danger , des portions d'armes
pointues et même tranchantes. Ainsi, on trouve dans le
Dictionnaire des sciences médicales (t. 43, p. 36) l'observation
d'un nommé Desprès , soldat aux gardes-françaises et
maître d'armes, qui reçut un coup d'épée dans l'abdomen.
L'instrument se rompit et séjourna trois ans dans cette
cavité ; il détermina , au bout de ce temps , un abcès dans
la région lombaire et se forma une issue.
Alexandre Benedictus a vu un soldat rejeter par l'anus,
au bout de deux mois, le fer d'une flèche, dont il avait eu
le dos percé , et Fabrice de Hilden rapporte qu'un jeune
homme , qui avait reçu à la partie antérieure gauche de
l'abdomen un coup de poignard, rendit avec de très gran-
des douleurs par l'anus, au bout de douze mois, une por-
tion de cet instrument longue d'environ trois pouces.
De pareils exemples sont faits pour nous encourager à
avoir confiance aux forces de la nature , et nous engager à
ne pas fatiguer les blessés par des vaines tentatives d'ex-
traction, quand le corps étranger est profondément situé
dans la cavité abdominale,
__ 257 —
§ [II. — LÉSIONS DES VISCÈRES ABDOMINAUX*
Les viscères abdominaux peuvent être blesses par les
gros projectiles , ou par les projectiles de petit volume ,
comme les balles. Ce sont ces dernières blessures qui se
présentent le plus souvent à l'observation. Dans presque
tous les cas , les malheureux qui sont atteints de pareilles
lésions sont voués aune mort certaine , ou au moins cou-
rent de très grands risques; et tous les soins qu'on peut
leur prodiguer se bornent à pallier leurs douleurs , et à
leur faire des pansements simples , quand toutefois la mort
n'est pas instantanée , ou n'arrive pas avec une effrayante
rapidité. En un mot , c'est , pour ainsi dire, un traitement
purement moral.
Quand un boulet arrive dans la cavité abdominale, après
en avoir largement ouvert les parois , il réduit ordinaire-
ment en bouillie les viscères parenchymateux qui se trou-
vent sur son passage , le foie , la rate ; déchire F estomac,
les instestins, la vessie, ouvre les gros vaisseaux , fracture
la colonne vertébrale , le bassin , etc. , et donne lieu le plus
souvent à une mort instantanée. Si le malheureux blessé
ne succombe que quelques instants ou quelques heures
après, il est porteur d'épanchements de sang, d'urine, de
bile , de matières fécales , qui, joints à la contusion qu'ont
éprouvée les viscères, rendent inutiles tous les soins qu'on
lui administrerait. 11 faut, en pareil cas, extraire les corps
étrangers, appliquer sur la plaie un simple pansement,
donner à l'intérieur quelques calmants et prodiguer des
consolations morales aux blessés pendant le peu d instants
qui leur reste k vivre.
Les petits projectiles , bien que donnant lieu k de très
graves accidents , et souvent k la mort , n'ont cependant
pas une action aussi prompte ; ils produisent sur chacun
17
— 258 —
des viscères abdominaux des lésions caractérisées par des
symptômes particuliers plus ou moins faciles à reconnaître,
et donnent au chirurgien , dans certains cas , rares il est
vrai, la satisfaction de sauver les jours de son blessé.
Il arrive , dans certains cas , que le viscère lésé par le
projectile fait hernie à travers la solution de continuité des
parois abdominales : rien de plus facile alors que de recon-
naître la blessure à laquelle on a affaire, Mais quand la pa-
roi abdominale ne présente que la simple perforation ,
souvent très étroite ,; de la balle, comment parvenir à dia-
gnostiquer la lésion de tel ou tel viscère , de tel ou tel
vaisseau, etc?Ilfaut, pour cela, observer avec soin la
région occupée par la blessure , la nature des liquides qui
sortent de la cavité abdominale par cette dernière , tâcher
de savoir du blessé ou des camarades qui le transportent
quelle a été la direction suivant laquelle a pénétré la balle,
si elle a été reçue de près ou de loin , etc. Toutes ces cir-
constances peuvent amener a la connaissance de la bles-
sure intra-péritonéale : ainsi , des aliments plus ou moins
digérés , s'échappant par une plaie de l'épigastre , déno-
notent ordinairement la blessure de l'estomac.
La sortie des matières fécales à travers une plaie située
plus bas indique une lésion intestinale.
Une plaie-située dans l'hypochondre droit, avec épan-
chement considérable de sang ou de bile au dehors, est un
indice presque assuré de la blessure du foie ; tandis que ,
quand l'épanchement sanguin s'observe du côté gauche ,
il dénote une lésion de la rate. Une plaie située un peu au
dessus delà région lombaire , et qui est accompagnée de
difficulté d'uriner et de la sortie de quelques urines san-
glantes, appartient nécessairement aux reins. D'un autre
côté , si la plaie correspond à la région de la vessie , et si
elle donne passage à une plus ou moins grande quantité
— 259 —
d'urine, on ne doit pas avoir do doute sur l'ouverture du
réservoir ur inaire.
Quelquefois un projectile peut ouvrir un viscère abdo-
minal , ou une portion de ce viscère située hors la cavité
péritonéale , comme la face postérieure du rein , la face
antérieure de la vessie , le cœcum. . . : les chances d'inflam-
mation sont alors beaucoup moindres , parce que l'épan-
chement se forme , s'il a lieu , hors la cavité péritonéale.
§ IV. PLAIES DU FOIE.
Le foie peut être atteint paries balles, directement d'a-
vant en arrière à sa face antérieure , de haut en bas sur sa
convexité diaphragmatique , et enfin d'arrière en avant
à sa face concave. Ces projectiles peuvent pénétrer plus ou
moins profondément dans sa substance , y demeurer , ou
tomber dans la cavité péritonéale. On dit en général que
les blessures du foie par armes à feu sont moins graves
que celles par armes blanches tranchantes qui ouvrent lar-
gement les vaisseaux ; et donnent lieu à une hémorrhagie
abondante. Le fait est vrai, si la balle n'atteint que des
vaisseaux de petit volume ; mais si elle a déchiré un vais-
seau volumineux , l'hémorrhagie est tout aussi inquiétante
que celle qui résulte d'un large coup de sabre. Les plaies
d'armes à feu du foie donnent lieu à une hépatite plus ou
moins grave , se manifestant par des symptômes analogues
à ceux de l'hépatite interne; de plus, le sang qui s'épan-
che souvent en très grande abondance dans l'a cavité péri-
tonéale agit comme corps étranger, irrite la séreuse et dé-
termine une péritonite le plus ordinairement mortelle. La
mort est encore plus certaine, si la vésicule du fiel, ouverte,
laisse couler dans le sac péritonéal la bile qu'elle contient.
Le traitement de ces blessures doit être très actif; il
consiste en saignées locales et générales abondamment ré-
— 260 —
pétées, en applications de topiques émollients et narcoti-
ques sur l'abdomen. Le blessé doit être mis à la diète la
plus sévère et maintenu dans le plus grand repos; si le
projectile est perdu profondément dans la substance hépa-
tique , il faut s'abstenir de toute tentative d'extraction :
les manœuvres auxquelles on se livrerait ne feraient
qu'augmenter le danger de la blessure. On ne devrait es-
sayer de l'extraire que tout autant qu'il serait demeure à
la superficie de l'organe hépatique et a la portée des in-
struments.
M. Baudens, conseille en cas d'épanchement biliaire, d'in-
jecter dans l'abdomen une grande quantité d'eau tiède qui,
en ressortant par la plaie, entraînerait avec elle la bile
épanchée : voici du reste les propres paroles de l'auteur
dont je parle; «Quant àl'épanchement débile, attendu qu'il
est essentiellement mortel, je ne vois pas pourquoi lorsqu'il
aura été reconnu en portant le doigt dans la plaie, on ne
ferait pas arriver jusque dans le petit bassin une sonde
œsophagienne pour injecter de l'eau tiède en grande
quantité, dont le retour, effectué ainsi de bas en haut, la
ferait ressortir par la plaie abdominale, et aurait pour effet
d'entraîner avec elle la bile épanchée ( Clinique des plaies
d'armes à feu. page 396).
Je ne vois dans cette manière de faire, qu'un moyen
d'irriter encore plus le péritoine par l'introduction de la
sonde d'abord, et ensuite, par celle de l'eau en grande
quantité; et d'ailleurs sait-on, si, au moment où on recon-
naît l'épanchement, a bile n'a pas déjà exercé son action
délétère sur le péritoine , et si le contact de quelques ins-
tants ne suffit pas pour que cet effet soit produit? Il est donc
tout à fait inutile de chercher à détruire la cause, si déjà
l'effet est produit.
— 2(5 1 —
§ V. PLAIES DE LA RATE.
Les mêmes considérations dans lesquelles nous venons
d'entrer au sujet du foie, sont applicables à la rate ; ses
fonctions physiologiques la mettant à même de contenir,
dans certaines circonstances, une très grande quantité de
sang, les plaies qu'y produisent les balles sont ordinaire-
ment suivies d'un épanchement sanguin considérable dans
la cavité du péritoine. La splénite traumatique doit se com-
battre par le môme traitement antiphlogistique que nous
avons indiqué pour l'hépatite, et la péritonite, qui en ré-
sulte par un traitement antiphlogistique très énergique,
qui souvent demeure sans effet et n'empêche pas la mort
d'arriver avec une effrayante rapidité.
Je ne ferai que mentionner ici les plaies du pancréas. La
situation profonde de cette glande lui permet rarement
d'être touchée seule par|une balle; le plus souvent l'estomac
et les intestins sont blessés en même temps qu'elle. Dès lors
sa blessure devenant tout à fait secondaire , on ne doit
s'occuper qu'à porter remède à celle de l'estomac ou de
l'intestinf
§ VI. PLAIES DES VOIES URINA IRES.
Vessie. — La vessie varie de position selon qu'elle est
vide ou pleine. Dans le premier cas, elle est cachée der-
rière le pubis qui lui sert comme de bouclier , et la
préserve contre les causes traumatiques agissant d'avant
en arrière. Quand elle est pleine au contraire, elle aug-
mente considérablement de volume. fmonte souvent jusqu'à
l'ombilic, et c'est alors qu'elle peut être atteinte par sa
face antérieure, sa face postérieure, et ses parties latéra-
les. Le cas le plus heureux est celui où une balle pénétrant
c|ans la vessie par sa face antérieure 1 tombe dans Vinté-?
rieur de sa cavité. L'urine alors s'écoule librement au de-
hors par la blessure, et, si elle s'épanche dans l'abdomen,
elle est tout à fait en dehors de la cavité du péritoine. Mais
quand le projectile traverse aussi la paroi vésicale posté-
rieure, ce liquide tombe facilement dans la cavité périto-
néale et donne lieu à une péritonite mortelle.
Dans certains cas, une balle entre dans la cavité pel-
vienne par sa face postérieure, perfore le rectum, puis la
vessie, et produit ainsi une fistule recto-vésicale, donnant
lieu à des accidents primitifs excessivement graves et occa-
sionnant chez lé blessé, lorsque par hasard elle guérit, une
très pénible infirmité.
Indépendamment de la sortie de l'urine parla plaie ex-
térieure, on est encore averti des lésions de la vessie par
une hématurie plus ou moins abondante, et par des dou-
leurs violentes à l'hypogastre. Si la blessure a fait com-
muniquer le réservoir urinaire avec la cavité péritonéale,
le mal est au dessus des ressources de l'art. Dans tous les
cas de plaies de la vessie, on doit empêcher l'accumulation
de l'urine dans sa cavité. On y parvient en y introduisant
une sonde à demeure par laquelle ce liquide s'écoule à me-
sure qu'il y arrive, et qui permet au travail de cicatrisation
de la plaie de s'effectuer librement. Les accidents inflam-
matoires doivent être combattus par les antiphlogistiques
largement employés.
Les corps étrangers tombés dans la vessie comme les
balles, les portions de vêtements que ces dernières y
poussent, sont quelquefois expulsés par l'urètre avec
les urines. Dans d'autres cas, ils deviennent le noyau
de calculs dont il faut plus tard débarrasser le malade
par la taille c*u la lithotritie. D'autres fois les balles dé-
terminent un abcès au périnée, ou sortent par le rectum
après avoir usé la cloison vésico-rectale. Ledran a conseillé
— 2G3 —
de dissoudre les corps étrangers en plomb renfermés dans
la vessie, et par conséquent les balles, en faisant parvenir
dans cet organe du mercure à l'aide d'un entonnoir. Du-
puytren élève des doutes sur l'exactitude et la fidélité des
expériences de Ledran.
Je ne puis me résoudre à abandonner ce qui se rap-
porte aux corps étrangers servant de noyau à des calculs
plus ou moins volumineux , sans citer une observation
fort remarquable que j'ai recueillie à la clinique chi-
rurgicale |de l'Hôtel-Dieu de Marseille, en 1839. Elle sort
tout à fait de la question des plaies d'armes à feu, et se
rapporte plutôt à la question des corps étrangers introduits
dans la vessie. C'est pourquoi j'ai longtemps hésité à la
placer ici. Mais les détails intéressants qu'elle renferme,
engageront mes lecteurs, je l'espère du moins, à me par-
donner cette digression.
Symptômes de calcul vèsical ; application de la lithotritie, extrac-
tion, à la 4 e séance, d'une lanière de cuir longue de 8 pouces,
servant de noyau à un calcul.
Arnaud (Jean-Louis), âgé de 30 ans, paysan de la vallée
d'Àost (Piémont) , entra à l'Hôtel-Dieu le 1 2 mai \ 839, pour
réclamer nos soins; il souffrait depuis assez longtemps d'une
dysurie intense. Le chirurgien en chef introduisit une
sonde dans la vessie ; elle donna issue à une grande quan-
tité d'urine noirâtre et un peu fétide. Cet instrument re-
poussa, en entrant dans la vessie, un calcul engagé dans
le col de cet organe. La lithotritie proposée au malade fut
acceptée, et le 46 mai, on procéda à la première séance.
Le litholabe d'Heurteloup, modifié par Ségalas, saisit le
calcul sous un diamètre de quinze lignes. Ce dernier fut
broyé à l'aide du marteau et du volant pendant dix minu •
tes , sans que le malade se plaignît de vives douleurs.
L'instrument retiré, Arnaud fut mis clans un bain et placé
ensuite dans son lit. Dans la journée, les urines sont légè-
rement sanguinolentes , et pendant l'intervalle de quatre
jours qui séparent la première séance de la seconde, le
malade rend une assez grande quantité de détritus pier-
reux.
Le 20 mai, seconde séance: douze lignes d'écartement
entre les branches du litholabe , expulsion d'une égale
quantité de détritus.
Le 23 , troisième séance , encore douzelignes d'écartement
entre les branches du litholabe, mais cette fois l'instrument
amène au fond de sa cuillière un fragment de cuir long de
trois lignes et large d'une ligne. Cette circonstance fait
nattre mille questions, et donne de suite l'éveil aux assis-
tants. On demande au malade s'il n'a jamais été sondé,
s'il ne s'est jamais introduit de corps étrangers dans l'urè-
tre, il répond toujours négativement, et ne fait qu'un
aveu, celui de s'être livré avec fureur à la masturbation.
Le 27, quatrième séance : aucun corps étranger ne fut d'a-
bord saisi avec le litholabe; cependant, le malade ayant été
fortement renversé en arrière, l'opérateur saisit tout à coup
un corps mou paraissant élastique. 11 rapprocha les deux
branches avec force à l'aide duvolant et essaya de retirer l'ins-
trument de la vessie. Une résistance assez vive fut vaincue
au col vésical , elle se reproduisit au méat urinaire, mais
cette fois avec tant de force, qu'un bistouri était déjà prêt
pour la vaincre , quand enfin l'instrument sortit à la suite
de très violentes tractions, amenant au dehors une la-
nière de cuir longue de huit pouces, large d'une ligne et
demie , roulée sur elle-même et incrustée de matiè-
res calcaires. Ce fut alors que le malade nous fit l'aveu
dont voici les principales circonstances:
Il a assuré n'avoir connu aucune femme jusqu'à l'âge
— 265 —
do vingt-cinq ans, et ne s'être jamais livré à la masturba-
tion avant cette époque. A vingt-cinq ans, il contracta
l'habitude de l'onanisme, et de vingt-cinq à trente ans, il
n'a exercé que trois fois Faction du coït. Enfin, dans lo
courant du mois d'août 1838 , voulant se procurer des
jouissances qu'il ne trouvait plus dans la masturbation, il
s'enfonça un soir, après s'être couché, un des cordons de
ses souliers dans le canal de l'urètre, où il le fit pénétrer
de trois à quatre pouces. Le sommeil le surprit au milieu
de ses manœuvres, et le lendemain, à son réveil, il cher-
cha en vain son cordon de soulier, qui avait, pendant la
nuit, pénétré dansla vessie. Ce malheureux mourut quinze
jours après la dernière séance de lithotritie , et son autop-
sie nous permit de constater une cystite chronique, avec
épaississement et ulcérations nombreuses de la muqueuse
vésicale.
Reins. — Les reins peuvent être atteints par leur face
postérieure et par leur face antérieure. La première espèce
de blessure est beaucoup moins dangereuse que la se-
conde, parce que lorsque le rein est attaqué par sa face
postérieure et qu'il se fait un écoulement plus ou moins
grand d'urine , celle-ci coule à l'extérieur par le trajet du
projectile et ne s'épanche jamais ou rarement dans la ca-
vité péritonéale, tandis que si la plaie siège à la face anté-
rieure, l'épanchement urineux est presque inévitable, et à
sa suite se déclare une péritonite ordinairement mortelle.
Après les coups de feu aux reins, il se forme, d'après
M. Baudens, une escarre qui s'oppose dans les premiers
temps à l'issue des liquides sécrétés, comme elle s'oppose
aux hémorrhagies des artères lésées, lorsque celles-ci ne
sont pas d'un trop gros calibre. Quand le projectile a pé-
nétré dans la substance du rein par la face antérieure de cet
organe, l'urine ne sort pas toujours par la plaie des parois
— 266 —
abdominales, parce qu'il y a trop do distance entre elle et
la plaie viscérale. Le diagnostic doit alors se baser sur
l'hématurie plus ou moins abondante qui se manifeste, sur
les douleurs que le blessé éprouve, douleurs qui s'irra-
dient tout le long du cordon spermatique, par la rétraction
du testicule. Tous les secours de l'art se bornent, en pa-
reil cas, à combattre la péritonite qui ne tarde pas à sur-
venir et qui, le plus souvent, emporte le blessé en peu
d'instants. Si la blessure des parois est aux lombes et n'est
pas assez grande pour permettre le libre écoulement de
l'urine, il faut la dilater par des débridements convena-
bles, afin de s'opposer à l'infiltration de ce liquide dans le
tissu cellulaire des lombes, où sa stagnation dans le voisi-
nage du péritoine pourrait déterminer une inflammation
par contiguïté de tissu.
Uretères. — La profondeur de ces canaux rend les
moyens thérapeutiques tout à fait inutiles quand ils sont
blessés. Leur lésion donne lieu à un épanchement uri-
neux considérable, puisqu'il verse dans la cavité périto-
néale toute l'urine sécrétée par un rein ; cet épanchement
développe bientôt à son tour une péritonite mortelle. Du
reste, la situation anatomique des uretères leur permet
rarement d'être blessés isolément. Ils le sont souvent en
même temps que les intestins, et alors il est facile de
concevoir que deux lésions semblables , réunies , doivent
amener une mort prompte et sûre.
§ Vil. — PLAIES DU TUBE INTESTINAL.
Estomac. — L'estomac variant de position et de volume
selon son état de vacuité ou de plénitude, est plus facile-
ment atteint pendant qu'il se trouve dans ce dernier état.
Si la blessure est produite par un gros projectile, comme
un boulet, le viscère est largement déchiré; les aliments
— 267 —
qu'il contient se répandent dans la cavité du péritoine et y
déterminent une péritonite presque toujours mortelle.
Mais si, au lieu d'avoir été produite par un gros projectile,
la blessure est l'effet d'une balle, les blessés peuvent en-
core guérir à l'aide d'adhérences salutaires qui se forment
entre le pourtour cle la plaie viscérale et le péritoine pa-
riétal. Ces adhérences préservent le blessé de tout épan-
chement et réduisent sa lésion à un état de simplicité qui
lui permet de se cicatriser comme toute autre solution de
continuité; mais si la balle arrive sur l'estomac au mo-
ment surtout où il est plein d'aliments ou de boissons, la
même chance heureuse ne s'observe pas toujours , et il se
forme un épancheraient alimentaire aussi rapidement mor-
tel que lorsque la blessure est produite par un gros pro-
jectile.
Les plaies de l'estomac doivent se traiter par l'emploi
énergique des antiphlogistiques locaux et généraux, parla
diète la plus absolue d'aliments et de boissons , et le repos
le plus parfait; la plaie des parois abdominales n'offre en
elle-même aucune indication particulière.
Intestins. — Les blessures des intestins par les gros pro-
jectiles y déterminent des lacérations, suivies de l'épan-
chement abondant et rapide des matières fécales dans la
cavité péritonéale et occasionnent la mort instantanée, ou
très rapide. Mais les balles ne sont pas si promptes dans
leurs effets , en général du moins : ordinairement elles
laissent au malade et au chirurgien le temps de se recon-
naître. Elles peuvent produire trois espèces de désordres
dans les intestins : 4° la contusion ; 2° une plaie peu éten-
due; 3° une large déchirure, ou un nombre plus ou moins
considérable de petites plaies. Ainsi, j'ai été à même d'ob-
server un individu , qui avait reçu , en duel , une balle dans
la cavité abdominale ; la plaie d'entrée était située à un
— 268 —
pouce environ du côlé droit et sur la même ligne horizon-
tale que l'ombilic : il succomba , au bout de vingt-quatre
heures , à une péritonite , résultat de l'épanchement des
matières fécales , et a son autopsie, je trouvai cinq anses
d'intestin grêle , percées chacune de deux ouvertures , de
manière que la même balle avait donné lieu à dix plaies
intestinales.
La contusion des intestins se traduit par des symptômes
inflammatoires plus ou moins violents, et que l'on doit
combattre énergiquement par les saignées générales et
locales , par l'application des topiques émollients et
narcotiques; quelquefois cette contusion est très forte et
se termine plus ou moins longtemps après par la gangrène
d'une portion de l'intestin contusionné ; mais la nature ,
qui veille autant que l'art au chevet des blessés, établit des
adhérences entre la portion contuse et une anse intestinale
voisine , de telle sorte que , lorsque l'escarre se détache ,
elle tombe dans la cavité de l'intestin blessé, et à la place
de cette portion mortifiée se trouve un bouchon formé par
l'anse intestinale, qui a contracté les adhérences dont nous
avons parlé, sans cela les matières fécales s'épancheraient
dans le péritoine et y causeraient une inflammation mortelle.
Si l'intestin est légèrement ouvert par la balle , il peut
y avoir, malgré la petitesse de la blessure, un épanchement
mortel dans le péritoine. Mais ici encore, la nature se sert,
dans certains cas, des adhérences dont nous venons de
parler, sinon la muqueuse , faisant saillie entre les lèvres
de la blessure de la musculeuse et de la séreuse, forme un
bouchon qui s'oppose provisoirement à l'épanchement , et
donne à des adhérences salutaires le temps de se former.
Enfin , si l'intestin est largement déchiré, ou bien déchiré
en sept ou huit endroits , l'épanchement et la mort sont la
suite d'une pareille blessure.
— 209 —
La rupture des intestins se manifeste par le balonnc-
ment du ventre , des douleurs très vives qui empùehent le
malade de supporter la moindre pression sur l'abdomen ;
le pouls est petit , la peau froide , en un mot , on voit sur-
venir tous les symptômes de la péritonite dont nous allons
nous occuper un peu plus bas.
Quelle est la conduite que doit tenir le chirurgien dans
le cas de lésion du tube intestinal, produite par une arme
à feu ?
Si l'intestin blessé par la balle fait hernie à travers les
lèvres des parois abdominales, c'est ce qui peut arriver de
plus heureux au blessé , parce qu'alors Tépanchement des
matières fécales se fait au dehors , et que le chirurgien
peut appliquer sur la blessure intestinale un ou plusieurs
points de suture, ou retenir l'anse d'intestin blessée au de-
dehors, pour déterminer la formation d'un anus contre
nature.
Mais si l'épanchement s'est fait dans la cavité abdomi-
nale , et si l'ouverture des parois est petite , il n'y a que
la sortie des matières fécales par la plaie qui indique la lé-
sion de l'intestin , et qui annonce en même temps , pour
ainsi dire, que tout espoir est perdu.
M. Baudens, se fondant sur ce que , neuf fois sur dix au
moins , les intestins sont perforés , recommande d'agran-
dir toute plaie pénétrante de l'abdomen, afin d'aller porter
remède a une lésion intestinale qui serait restée cachée.
11 serait par trop hasardeux , je crois , d'agrandir une
plaie des parois abdominales pour aller à la recherche
d'une lésion dont on ne connaît pas le siège, dans des ré-
gions aussi délicates. Puisque un intestin ouvert ne mani-
feste pas toujours sa lésion dans les premiers moments de
la blessure, comment deviner qu'il est blessé? et dans cette
incertitude , pourquoi se livrer à des manœuvres très dan-
— 270 —
gereuses, dirigées contre un mal qu'on ne sait pas exister?
Si, d'un autre côté, l'épanchement est formé , si les ma-
tières fécales sortent par la plaie extérieure, il n'est plus
temps, et toute recherche est inutile. îl vaut clone mieux ,
je crois, en pareil cas , ne pas tourmenter le malade , avoir
confiance aux forces de la nature , se contenter de com-
battre énergiquement l'inflammation traumatique, et j'ose
assurer qu'en suivant cette conduite modérée ; on obtien-
dra , la statistique à la main , autant de succès qu'en se
conformant au précepte de M. Baudens.
§ VIII. — DES ÉPANCBEMENTS DANS LES PLAIES d' ARMES A FEU DE
l'abdomen.
Comme nous venons de le voir dans tout ce qui précède,
on dit qu'il y a épanchement dans une plaie d'arme à feu de
l'abdomen, toutes les fois que du sang veineux ou artériel, ou
bien une des substances sécrétées ou contenues dans les vis-
cèresde cette cavité s'y répandent en quantité plus ou moins
grande : les matières épanchées seront donc ou de la bile,
ou des matières alimentaires , ou de l'urine, ou des matiè-
res fécales.
Il est facile de se convaincre , par l'inspection anatomi-
que delà cavité abdominale, que, par une disposition orga-
nique admirable, les épanchements éprouvent de la peine,
de la résistance à se former. Cette résistance est occasionnée
par le contact parfait qui existe entre tous les viscères ab-
dominaux; ces viscères éprouvent, en outre, continuelle-
ment des mouvementsen masse provenant delà respiration,
mouvements , qui les compriment les uns contre les au-
tres avec plus ou moins de force : ils leur sont communi-
qués par le diaphragme , d'une part , et par la ceinture
musculaire abdominale . de l'autre , qui , d'après J. Bell ,
— 271 —
agissent comme deux mains entre lesquelles il existerait le
plus parfait accord.
Cette manière d'être des viscères abdominaux exerce une
influence salutaire dans le cas de lésion d'un vaisseau ou
d'un viscère : dans le premier, elle s'oppose à l'effusion dn
sang , surtout si le vaisseau lésé est d'un petit calibre ; et
dans le second, elle sert quelquefois à maintenir la bles-
sure d'un viscère en rapport avec la blessure des parois
abdominales , et à l'aide de cette heureuse circonstance ,
le blessé n'a pas d'épanchement intra-péritonéal , et peut
recouvrer la santé. Mais les malades ne sont pas toujours
assez heureux pour échapper à ce terrible accident : le
sang ou les autres matières s'épanchent là où se trouve le
plus de vide , entre les viscères , comme entre la surface
concave du foie et la face antérieure du colon transverse ,
à l'hypogastre, dans l'excavation pelvienne, etc.. Ces
épanchements produisent des symptômes particuliers , se-
lon le point de la cavité abdominale où ils se sont formés :
ainsi ils donnent lieu à des vomissements, à de la consti-
pation, à des envies continuelles d'uriner , selon qu'ils
compriment l'estomac , les intestins , ou le réservoir uri-
naire.
Êpanchement de sang. — Le foie , la rate, l'aorte abdo-
minale et ses collatérales , l'artère et la veine iliaque pri-
mitives , l'artère et la veine iliaque interne et externe , la
veine cave inférieure , tels sont les vaisseaux qui peuvent
devenir la source d'un êpanchement sanguin péritonéal.
Le blessé, qui a un de ces vaisseaux ouvert par une balle,
éprouve de suite tous les symptômes des hémorrhagies
foudroyantes : pâleur de la face et des muqueuses, sueurs
froides et visqueuses, froid des extrémités, syncopes, etc.;
en un mot , cet habitus hémorrhagique si facile à recon-
naître. Une syncope est, dans un cas pareil, ce qui peut
arriver de plus heureux au blesse ; car cette dernière in-
terrompt la circulation et favorise la formation d'un caillot
sauveur. Mais malheureusement la force que ce caillot
oppose au sang est de peu de valeur, surtout si la plaie
du vaisseau est grande, et au moindre effort que fait le
malade, on voit de nouveau l'hémorrhagie se reproduire
avec ses symptômes formidables.
Quand l'epancliement communique avec la plaie exté-
rieure, que celle-ci est large, le sang peut s'échapper li-
brement de l'abdomen ; mais si la plaie des parois est
étroite , le sang séjourne dans le péritoine , l'irrite et dé-
termine, si on ne lui donne promptement issue, une péri-
tonite plus ou moins grave : ainsi , dès qu'on aura déter-
miné avec soin le lieu occupé par l'epancliement , on fera
avec précaution une incision aussi petite qu'on le pourra,
afin d'éviter les hernies consécutives , et on videra ainsi
la matière de l'épanchement qui , dans certains cas, offre
une odeur fétide et se trouve accumulée en assez grande
quantité. On introduira une mèche dans l'incision, afin de
l'empêcher de se cicatriser , et on exercera une surveil-
lance très active sur le blessé. 11 arrive quelquefois qu'a-
près avoir divisé les parois abdominales et le péritoine , la
matière épanchée ne s'écoule pas facilement au dehors :
on tachera alors de faire prendre au malade une position
déclive qui facilite la sortie du liquide.
Les épanchements de bile, de matière fécale et d'urine,
arrivent, comme nous l'avons déjà dit, lorsque le foie,
l'intestin , la vessie sont lésés. La nature irritante de ces
matières rend l'inflammation qu'elles occasionnent promp-
tement et sûrement mortelle. Ainsi, dans les épanchements
de cette espèce, le chirurgien n'a que des soins moraux à
prodiguer aux blessés , assuré qu'il est le plus souvent de
la terminaison fatale qui va arriver Cependant il ne doit
pas pour cela négliger l'emploi des antiphlogistiques des
émûllionts et des narcotiques , qui pourront du moins ap-
porter quelque soulagement aux souffrances du malade.
§ IX. — DE LA PÉRITONITE TRAUMATIQUE.
La péritonite traumatique peut survenir dans tous les
cas de plaie d'armes à feu de l'abdomen , depuis la plus
légère contusion des parois de cette cavité, jusqu'à la rup-
ture d'un intestin , avec épanchement de matières sterco-
rales. Dans îe premier cas , elle se propage de couche en
couche, de l'extérieur à l'intérieur, et peut guérir, à l'aide
d'un traitement énergique, tandis que, clans le cas de plaie
pénétrante avec épanchement, la cause productrice de
l'inflammation étant directement appliquée sur la surface
péritonéale, la maladie épargne rarement le blessé, malgré
le traitement le plus énergique et le mieux entendu.
Les symptômes de la péritonite traumatique sont décrits
avec détail dans tous les auteurs ; ce sont : le balonnement
du ventre , une douleur abdominale insupportable à la
moindre pression, au point que souvent le blessé ne peut
tolérer le poids de la plus légère couverture; le froid est
général; le pouls petit, fréquent, misérable (abdominal) ;
la face est allongée par suite de la rétraction des traits ; il
y a diminution considérable du volume de la voix, qui est
presque éteinte et ressemble à celle des cholériques ; la
respiration est accélérée, etc. La terminaison de la périto-
nite, suite des coups de feu, est presque toujours funeste;
son traitement doit être antiphlogistique. Nous en avons,
du reste, assez parlé dans tout le cours de ce chapitre pour
y insister davantage ici.
Il existe une grande différence entre la péritonite traiu-
matique et celle de cause interne : le chirurgien doit s'at-
tendre à voir la première se développer à la suite de la
18
— 274 —
moindre blessure abdominale, et peut par conséquent, se
tenir prêt à la combattre à son début et même avant ; tan-
dis que la péritonite de cause interne, débutant le plus
souvent au moment où on y pense le moins, et sans cause
connue, rend le traitement plus incertain ; et déjoue les ef-
forts de la thérapeutique.
Enfin, il est inutile de répéter ici ce que nous avons déjà
dit au sujet de la péritonite adhésive, dont la nature sait si
bien se servir pour empêcher des épanchements sterco-
raux et alimentaires, qui, s'ils avaient lieu, se termine-
raient probablement toujours par la mort.
— 275 —
CHAPITRE VI.
PLUES PAU ARMES A FEU DES ORGANES GÉNITAUX.
La verge, le scrotum, les testicules peuvent être blessés
séparément, ou bien, ce qui arrive assez souvent, la lésion
de tous ces organes peut avoir lieu en même temps et être
produite par le même projectile , sans que le blessé soit
atteint d'infirmité ultérieure : ainsi, M. H. Larrey rapporte
l'observation d'un soldat du 3 e régiment , qui eut le pré-
puce perforé par une balle, une portion du gland empor-
tée, le scrotum traversé, ainsi que toute l'épaisseur de la
cuisse au niveau du troisième adducteur. Le blessé guérit
parfaitement et dit , en sortant de l'hôpital , qu'il se sen-
tait pourvu comme auparavant.
Du reste , les lésions des organes génitaux n'offrent au-
cune indication spéciale , et la guérison en est ordinaire-
ment assez prompte. Il faut seulement en modérer l'inflam
mation , et condamner les blessés qui en sont porteurs au
repos le plus parfait.
Les plaies des corps caverneux, qui offrent une hémor-
rhagie assez inquiétante dans les lésions par arme tran-
chante, ne présentent pas cette complication dans les coups
de feu , parce que la balle exerce une action escarrotique
sur les petits vaisseaux du tissu érectile qui les compose
Mais il résulte quelquefois,^' après M. Baudens, de la lésion
d'un seul corps caverneux de la verge , une courbure de
cet organe à concavité du côté blessé rendant le coït im-
possible.
Dans le cas où un testicule aurait été profondément dés-
— 276 ~
organise par une balle , par exemple , qui l'aurait traversé
en le réduisant en bouillie , le malade devant nécessaire-
ment perdre un organe ainsi mutilé, on pourrait en prati-
tiquer immédiatement l'ablation , et épargner ainsi au
blessé de violentes douleurs et les ennuis d'une longue
suppuration.
CHAPITRE VII.
PLAIES DES MEMBRES. — CAS QUI RÉCLAMENT E* AMPUTATION,
Nous avons déjà étudié , dans la première partie de
notre travail , les blessures de la peau , des muscles , des
vaisseaux, des nerfs , des os, des articulations, etc. ; il
nous serait donc facile en rassemblant deux à deux , ou
trois à trois , ces lésions , d'avoir sous nos yeux les bles-
sures qu'on observe le plus fréquemment aux membres ,
à la suite des coups de feu ; mais ce serait faire une répé-
tition longue et inutile. Nous croyons, en conséquence,
devoir passer outre sur la nature et les indications qu'of-
frent les plaies des membres supérieurs et inférieurs,
pour pouvoir arriver d'emblée à une question à la fois
très difficile et intéressante : celle des cas qui réclament
l'amputation, et le choix du moment le plus convenable
pour pratiquer cette opération.
Après une foule de controverses et de longs débats, les
chirurgiens sont arrivés aujourd'hui à être d'accord sur
la nature des plaies qui réclament l'amputation des mem-
bres. Ces lésions peuvent se classer sous les chefs princi-
paux suivants :
1° Enlèvement complet d'un membre par un gros pro-
jectile ;
2° Fracture comminutive de l'os principal d'un mem-
bre, comme l'humérus, le tibia, et surtout le fémur;
3° Lésion d'une grande articulation ;
4° Déchirure du vaisseau principal et de l'os principal
d'un membre ;
— 278 —
5° Enlèvement d'une grande partie des parties molles
d'un membre; comme , par exemple, de tout le mollet,
ou de tous les muscles de la région crurale postérieure ;
6° Fracas d'un membre sans lésion de la peau (Percy).
Toutes les fois qu'un boulet arrive perpendiculairement
sur un membre comme la cuisse , par exemple , et qu'il
en opère l'ablation complète , la plaie qui résulte de cette
ablation est noirâtre, mâchée , inégale. Des lambeaux de
muscles et de tendons pendent à sa surface , l'os est brisé
comminutivement et présente quelquefois des fissures qui
remontent jusqu'à l'articulation supérieure. Cette plaie ,
irrégulière et contuse , doit nécessairement être suivie
d'une suppuration longue et abondante , à laquelle peu
de malades survivent, quand toutefois ils ont pu traverser
sans danger les accidents primitifs. Le parti le plus sage
qu'on ait à prendre , dans un cas pareil , est de faire au-
dessus de l'amputation du coup de feu, une seconde am-
putation avec le couteau , par laquelle on substitue une
plaie nette et saignante à celle qui existait auparavant. Il
est un cas cependant où il est de toute impossibilité d'am-
puter sur les restes du membre ; c'est lorsque celui-ci a
été emporté trop près de son articulation avec le tronc ,
la cuisse dans le voisinage de l'articulation coxo -fémorale,
et le bras de la scapulo -numérale.
Il faut alors se contenter d'égaliser la plaie avec des
ciseaux et le bistouri , d'extraire de son mieux les es-
quilles , de recouvrir la surface traumatique d'un simple
appareil et de se tenir en garde contre l'hémorrhagie
secondaire , car ordinairement le vaisseau principal du
membre se rétracte au fond des parties, et s'il fournit une
hémorrhagie elle est presque toujours secondaire.
La recommandation d'amputer un membre, atteint seu-
lement de fracture comminutive de son os principal,
— 279 —
paraît a priori un peu trop hasardée, et l'on est porté na-
turellement a se demander pourquoi le chirurgien mili-
taire ne tenterait pas la conservation d'un pareil membre,
quand tous les jours on observe dans la pratique civile
des guérisons surprenantes , ayant pour sujet des fractu-
res comminutives beaucoup plus compliquées , en appa -
rence du moins, que celles qui résultent de l'action d'une
balle. Mais si l'on réfléchit un instant à l'immense diffé-
rence qui existe entre un soldat blessé sur le champ de
bataille, et un homme qui éprouve dans la vie civile une
fracture comminutive, même très compliquée, on ap-
prouve parfaitement la conduite du chirurgien militaire ,
qui ampute ainsi un membre fracturé comminutivement.
Supposons , en effet , qu'après avoir sur le champ de
bataille ou au bivouac extrait , tant bien que mal , le plus
grand nombre d'esquilles possible , et appliqué un appa-
reil autour de cette cuisse ou de cette jambe, on s'obstine
à les conserver ; il faudra souvent placer le blessé , qui
est , dans certains cas , obligé de faire une longue route
avant d'arriver à un hôpital régulier, sur un charriot, une
voiture mal suspendue, ou tout autre moyen de transport :
pendant ce trajet il sera soumis aux intempéries des sai-
sons, il éprouvera une foule de secousses qui, se commu-
niquant au membre fracturé , enfonceront les pointes des
esquilles dans les parties molles voisines, souvent dans un
vaisseau , un nerf ; détermineront des accidents inflam-
matoires très graves , tels que gonflement , étranglement,
et pourront même , dans certaines circonstances , donner
naissance à une hémorrhagie, ou au tétanos. On conçoit
aisément combien le cas est simplifié par l'amputation ,
et que de souffrances consécutives cette opération , bien
que très douloureuse en elle-même, épargne au blessé.
Les choses ne se passent point ainsi dans un hôpital
— 280 —
civil , où les malades sont immédiatement transportés
après leurs blessures et placés dans un bon lit , d'oii ils
ne doivent sortir qu'après leur guérison. Alors on com-
prend que , au milieu du repos le plus parfait , au sein de
toutes les ressources , on essaie de conserver des mem-
bres mutilés , et qu'on arrive souvent à des guérisons
presque miraculeuses. Ainsi, j'ai vu à l'Hôtel-Dieu de
Marseille un charpentier , nommé Peindrier , guérir au
bout de trois mois , par les irrigations froides et l'appareil
inamovible, d'un écrasement complet de la jambe droite
(avec intégrité de la peau) , d'une fracture sans déplace-
ment au quart inférieur du fémur du même côté, et dune
troisième fracture avec issue du fragment à travers les
parties molles, à la partie moyenne du même os.
Si cet ouvrier eût été soldat, et que sa blessure eut été
produite par un boulet sur le champ de bataille , il n'au-
rait probablement pas conservé son membre , qu'on au-
rait amputé au-dessus de la dernière fracture du fémur.
Les auteurs s'accordent tous à regarder la fracture du
fémur, en particulier, comme une indication immédiate
d'amputation.
« De toutes les fractures par armes à feu , dit M. Bau-
dens (Clinique des plaies d'armes à feu, p. 461) , celle qui ré-
clame le plus impérieusement l'amputation est sans con-
tredit la fracture du fémur ; toute fracture de cet os par
arme à feu exige immédiatement l'amputation. J'ai eu
trop à déplorer la violation de cette loi pour oser m'en
écarter jamais. Sur soixante blessés, j'en ai amputé quinze
immédiatement , treize ont guéri , vingt consécutivement ,
seize ont péri. Chez vingt j'ai tenté de conserver le mem-
bre, deux ont guéri avec un membre difforme. »
Je n'ai pas besoin d'insister sur les terribles désordres
qui suivent les plaies des grandes articulations, et qui font
— 2Si —
un devoir au chirurgien d'amputer les membres dont les
cavités, articulaires sont largement ouvertes, et commi-
nuées par les projectiles de guerre.
Percy voulait qu'on amputât un membre seulement
pour la lésion de son vaisseau principal ; de nos jours qu'on
obtient de si beaux succès à l'aide de la ligature, et qu'on
connaît je dirai presque l'innocence de cette opération, on
doit rayer une pareille blessure du catalogue de celles qui
nécessitent l'amputation.
Mais le cas est différent lorsque l'artère principale est
blessée simultanément avec Vos principal ; on peut bien
alors s'opposer àThémorrhagie par la ligature , mais reste
toujours la fracture comminutive, que nous venons de voir
entraîner à elle seule la nécessité de l'ablation du membre.
Lorsqu'un projectile emporte une grande quantité des
parties molles d'un membre et donne naissance à une
plaie très large, inégale, mâchée-, pouvant être suivie
d'accidents inflammatoires violents , d'une suppuration
longue et abondante, ne guérissant souvent qu'au bout
d'un temps fort long , et laissant après elle des cicatrices
difformes, des ulcères, en un mot, un membre plus
embarrassant qu'utile , et devenant pour le blessé une
source continuelle de douleurs. C'est au chirurgien de voir
si une pareille plaie est susceptible de guérison, si le blessé
aura assez de force pour résister aux accidents. consécu-
tifs, a la suppuration , etc. ; s'il juge négativement , il ne
doit pas hésiter à pratiquer l'amputation.
Enfin un membre fracassé , dont toutes les parties os-
seuses sont comminuées , les vaisseaux ouverts , les mus-
cles réduits en bouillie , et qui a pourtant son enveloppe
cutanée intacte , doit être , malgré cette dernière circon-
stance , considéré comme un corps étranger , dont il faut
— 282 —
au plus tôt débarrasser le blessé , sous peine de graves ac-
cidents.
On accuse vulgairement les chirurgiens militaires de
trop amputer; on prétend qu'ils sauveraient beaucoup
plus de membres s'ils temporisaient davantage. Je lisais
même dernièrement certain article de journal, dans lequel
un chirurgien civil, que je ne nommerai pas, allait jusqu'à
appeler brutale la chirurgie que nous exerçons sur le
champ de bataille. De pareils reproches, faits peut-être de
très bonne foi, ne peuvent venir que de gens n'ayant au-
cune expérience du champ de bataille, ne sachant pas
qu'il est nécessaire d'avoir plus de génie pour y exercer
la chirurgie, que pour la faire dans un hôpital , où l'on a
toute espèce de ressource , tandis qu'à la guerre il arrive
fort souvent qu'on a rien, ou presque rien, et il faut pour-
tant arriver aux mêmes résultats. Aussi les chirurgiens ex-
périmentés, qui pèsent les choses à leur juste valeur, et
savent apprécier les positions pénibles dans lesquelles nous
nous trouvons, ne nous blàment-ils pas, et approuvent-ils
au contraire la chirurgie active que nous pratiquons.
« Est-il possible , en effet , dit Dupuytren , dans le dés-
ordre et le tumulte d'un combat ou au milieu des difficultés
sans nombre qui se présentent dans les ambulances pour
le transport des blessés , de faire les opérations qui pour-
raient amener la conservation des membres, de donner
aux blessés les soins minutieux nécessaires à ces blessures,
d'agir enfin comme dans un hôpital civil , où régnent l'or-
dre , le silence et la tranquillité et où on peut disposer de
tout en abondance et avec facilité? Nous ne le croyons
pas ; aussi les chirurgiens militaires qui amputent les mem-
bres, soit pour des lésions d'artères principales seulement,
soit pour des fractures par des balles , ne sont-ils pas à
blâmer : le temps à consacrer pour pratiquer ces opéra-
— 283 —
lions délicates et pour donner des soins qui auraient pu
conserver les membres leur manquent, ainsi que les
moyens convenables de transport , qui ne se font souvent
que sur des charrettes ou des voitures mal suspendues ,
dont les cahots multipliés , en poussant les pointes des os
brisés contre les chairs, les déchirent, font éprouver d'atro-
ces douleurs , augmentent l'irritation , produisent des en-
gorgements inflammatoires excessifs, rendent la gangrène
presque inévitable, et la mort presque certaine. (Blessures
par armes de guerre.)
D'autres chirurgiens qui n'approuvent pas la conduite
des chirurgiens militaires , viendront nous dire , en se pa-
vanant d'une philantropie mal entendue, que l'amputation
est une opération dangereuse , inhumaine , douloureuse ,
qu'il y a plus d'honneur à conserver un membre qu'à
l'amputer, etc.... Ils peuvent avoir raison dans certains
cas , mais on peut leur répondre que sur le champ de ba-
taille , après un coup de feu qui fera courir au blessé mille
chances de mort , et ne lui en laissera peut-être pas une
de salut, il vaut mieux amputer de suite que de tenter la
conservation de la partie blessée , au péril de la vie C'est
ce qui a fait dire, à ce sujet , à M. Hennen , avec beaucoup
de justesse , qu'il vaut mieux vivre avec trois membres
que mourir avec quatre.
Après nous être occupé des cas qui exigent l'amputation
des membres , et avoir dit quelques mots pour justifier la
nécessité malheureusement trop fréquente de cette opéra-
tion, voyons en second lieu quel est le moment le plus con-
venable pour la pratiquer , à la suite des plaies d'armes à
feu reçues dans les combats.
Cette question , très importante , a été le sujet de dis-
cussions continuelles jusqu'à l'époque des guerres de l'em-
pire. Les uns voulaient qu'on pratiquât l'amputation im-
- 284 —
médiatcment après la blessure ; les autres qu'on tempori-
sât, qu'on laissât se calmer l'orage des accidents primitifs,
et qu'après on fit l'ablation des membres qu'on désespérait
de conserver. De là deux camps opposés : celui des par-
tisans de l'amputation immédiate, et celui des partisans
de l'amputation consécutive.
En 1745 , l'Académie royale de chirurgie, voulant met-
tre fin aux débats que soulevait cet important sujet , mit
au concours la fameuse question de l'amputation immé-
diate et de l'amputation consécutive. Faure, partisan de
l'amputation consécutive , eut les honneurs du concours.
Il eut cependant pour adversaire Boucher , qui réfuta plus
tard ses dix observations avec beaucoup de logique et
d'intelligence , et ébranla fortement les esprits en faveur
de l'amputation immédiate.
Les guerres de l'empire et beaucoup d'autres combats
ont fourni à la chirurgie française les matériaux nécessai-
res pour résoudre cette importante 'question, et, de nos
jours, l'amputation immédiate est celle qui est, avec
juste raison , préférée et mise en pratique. On peut facile-
ment se convaincre par la statistique des avantages im-
menses que présente ce mode opératoire. En effet, sur
300 cas d'amputations immédiates pratiquées à la suite
de différentee affaires , les rédacteurs des Leçons orales de
Dupuytren comptent 273 succès , tandis que 90 amputa-
tions consécutives furent suivies de 43 insuccès.
L'amputation immédiate se pratique ordinairement clans
les vingt-quatre premières heures après l'accident. On at-
tend , en général , que la stupeur et la commotion soient
dissipées en totalité ou en partie ; une , deux , trois heures
suffisent pour cela, d'après Dupuytren. En opérant dans
ce moment, on épargne au blessé les dangers de la réac-
tion , suite nécessaire de toute lésion traumatique, les dou-
— 285 —
leurs , du gonflement , des débrideincnts , de l'extraction
des esquilles, du transport; on agit au moment où il jouit
encore de sa vigueur physique et morale , où , par consé-
quent, il peut opposer une résistance énergique aux ac-
cidents qui se déclarent quelquefois après l'opération , et
enfin on le met à môme d'être transporté plus facilement
et avec moins de douleurs.
Si, au contraire, dans l'espoir de conserver un membre
fracturé comminutivement on temporise , le blessé est
obligé de supporter de grandes et profondes incisions pour
l'extraction des esquilles , puis les fatigues du transport;
viennent ensuite le gonflement souvent terminé par gan-
grène, la suppuration qui l'affaiblit et le met dans de très
mauvaises conditions pour supporter une opération aussi
grave que l'ablation d'un membre. Souvent même lors-
qu'on serait décidé à la pratiquer, le blessé s'y refuse ,
parce qu'on a laissé à son esprit le temps de réfléchir à
son avenir , parce qu'il pense à sa famille à laquelle il est
utile , et parce qu'il écoute peut-être les conseils de ses
ignorants camarades , lui persuadant qu'il guérira sans
opération , et l'engageant ainsi à s'opposer à la volonté de
celui qui veut leur sauver la vie.
En sortant un instant de la sphère des plaies d'armes à
feu , il est facile de se convaincre, par les cliniques des hô-
pitaux de l'immense différence qui existe entre le résul-
tat des opérations pratiquées immédiatement, et celui
des opérations qu'on pratique consécutivement , ou à la
suite des maladies chirurgicales chroniques. La guérison
est presque toujours rapide , en effet , à la suite des ampu-
tations pratiquées pour des fractures provenant de chutes,
d'écrasements, etc; à la suite de l'extirpation de tumeurs
fibreuses considérables dont la présence n'a pas altéré la
constitution , tandis que l'on voit presque toujours , au
— 286 —
contraire , survenir la mort chez les individus affaiblis par
de grandes douleurs, par des suppurations longues ou
abondantes , comme , par exemple , ceux qu'on a amputés
pour des tumeurs blanches , pour des fractures qui ont oc-
casionné des accidents consécutifs fâcheux , etc. Que de
malheureux atteints de tumeurs blanches eussent été sau-
vés , si on les eût opérés quelques semaines avant , et si
on n'eût pas attendu , pour en venir à l'opération , que la
désorganisation de l'articulation fût entière.
Je ne décrirai point ici les différents procédés d'amputa-
tion ; ils varient à l'infini , et doivent être employés de pré-
férence l'un à l'autre , selon le degré de désorganisation
de la partie sur laquelle on opère.
Une fois le membre amputé et la plaie réunie, il faut sur-
veiller avec soin le blessé : surtout s'il doit être transporté
plus ou moins loin, placer, autant que possible, son moignon
à l'abri de toute secousse ; prescrire une diète absolue, des
boissons rafraîchissantes, si les circonstances le permet-
tent, et enfin se tenir en garde contre les accidents consé-
cutifs, la phlébite, les abcès viscéraux, etc., et les inflam-
mations qui surviennent si souvent du côté de la poitrine,
lorsque les blessés sont soumis à l'influence des vicissitudes
atmosphériques.
~~ 287 —
CHAPITRE VIII.
1° DU PANSEMENT EXTEMPORANÉ QÙ'ëXÏGEAT SUR LE CHAMP DE
BATAILLE LES DIFFÉRENTES PLAIES d' ARMES A FEU ; 2° DE LA
MANIÈRE DONT ON DOIT RELEVER ET TRANSPORTER LES BLESSÉS
ATTEINTS DE CES PLAIES.
Mon intention n'est pas detuclier minutieusement dans
ce chapitre toutes les opérations et tous les pansements
que le chirurgien est appelé à pratiquer sur le champ-de
bataille pendant ou après un combat. Je ne ferai qu'indi-
quer la méthode la plus prompte à suivre, afin de permet-
tre aux blessés d'attendre un pansement complet et d'être
transportés sans danger pendant un plus ou moins grand
nombre d'heures.
Les pansements 'qu'on pratique sous le feu doivent être
très promptement exécutés, et aussi simples que possible.
Si, par exemple, un chirurgien, appelé auprès d'un soldat
qui vient d'avoir le bras fracassé, voulait, sur le lieu où la
blessure a été reçue, s'occuper de fendre les vêtements du
blessé ou de les lui enlever, de pratiquer les débridements
nécessaires, d'enlever les esquilles, et enfin d'appliquer un
appareil convenable, il en aurait certes pour fort long-
temps, et pendant qu'il s'occuperait de ce travail, deux,
trois ou quatre autres blessés réclameraient ses soins. Il
faut donc agir avec promptitude, afin que le blessé puisse
être enlevé rapidement du champ de bataille et transporté
en lieu sûr. Il pourrait se faire, du reste, que, pendant
qu'on donne ainsi des soins à un blessé, le corps d'armée
dont on faitpartie s'éloignât considérablement, et qu'on se
— 288 —
trouvât exposé seul, avec le blessé, aux coups de l'ennemi.
Le fait que je signale peut arriver surtout dans la cavale-
rie, qui charge l'ennemi avec une grande rapidité, et par-
court dans quelques secondes un très grand espace de
terrain.
Supposons donc un blessé atteint de coup de feu à la
tète Si la balle n'a touché que les téguments , n'a fait que
les labourer ou se creuser un trajet dans leur épaisseur,
appliquez un simple gâteau de charpie sur la blessure; re-
couvrez-le d'une bande, et attendez d'être au bivouac ou
d'être arrivé à une halte pour pratiquer les débridements
convenables. Si le projectile a fracturé les os et y a déter-
miné des enfonçures et un nombre plus ou moins considé-
rable d'esquilles, il ne faut pas s'attacher à les enlever tou-
tes, à relever les pièces d'os enfoncées; ces opérations
nécessitent des manœuvres qui prennent trop de temps et
exigent, du reste, plus de tranquillité qu'on en a sur le
champ de bataille. Il faudra se contenter d'extraire les
pièces d'os détachées qui s'enfoncent dans la substance
cérébrale, ou la compriment, sans la déchirer; puis on ap-
pliquera sur la plaie un pansement simple, dont on arro-
sera les pièces avec le liquide résolutif le plus facile à
se procurer, et qui a pourtant des effets très puissants : je
veux dire l'eau froide, dont je conseille d'arroser en géné-
ral tous les appareils qu'on applique sur le champ de ba-
taille.
Les plaies de la face n'exigent aucune indication extempo-
ranée spéciale ; il faut les recouvrir d'un simple appareil et
attendre d'être en lieu plus suret plus tranquille pour opé-
rer l'extraction des esquilles et faire le pansement définitif.
Les plaies de poitrine et du ventre exigent des panse-
ments trop délicats pour qu'ils soient définitivement appli-
qués sur le lieu du combat. Il faut se contenter déplacer
— 289 —
sur l'ouverture ou sur les ouvertures produites par la balle
au ventre ou à la| poitrine, un gâteau de charpie et une
compresse qu'on maintiendra à l'aide d'un bandage de
corps ou de tout autre. Si la blessure de la poitrine laisse
échapper une grande quantité de sang , il faut la fermer
aussi bien que possible à l'aide d'un emplâtre carré, ou de
bandelettes dediachylon, dont on aidera l'action par une
légère compression. Il faudra cependant ne pas faire cette
dernière trop forte, parce que le blessé, qui est déjà très
suffoqué par son épanchement intra-pleural, ne pourrait
la supporter.
Si une plaie de l'abdomen est accompagnée de la hernie
d'une portion plus ou moins grande d'anse intestinale, et
sucette dernière est atteinte de déchirure plus ou moins
large, il faut la maintenir au dehors par un fil traversant
le mésentère, et recouvrir le tout d'un linge fin. Si, au
contraire, l'anse intestinale est exempte de déchirure, on
doit essayer de la faire rentrer, et si on ne peut y parvenir,
attendre la halte ou le bivouac pour pratiquer les débri-
dements nécessaires à cette rentrée.
Les plaies des gros vaisseaux des membres donnent lieu
en général à une hémorrhagie rapidement mortelle. Si pour-
tant on arrive à temps auprès du blessé, il faut exercer une
compression assezforte sur la blessure, puis une autreentre
celle-ci et le cœur, ne pas perdre le blessé de vue, et
pratiquer l'amputation on la ligature dès que les circon-
stances le permettent.
Enfin, quand un blessé reçoit une balle qui lui fracture
un membre , on doit sur-le-champ entourer ce membre
d'atelles par-dessus le pantalon ou la veste, maintenir ces
atelles avec des bandes, des mouchoirs ou le premier lien
19
— 290 —
qu'on pourra se procurer; on le transportera ensuite à
l'ambulance , où des soins complets et définitifs lui seront
prodigués.
Il faut relever les blessés atteints de fractures des mem-
bres inférieurs avec beaucoup de précautions, afin d'éviter
des secousses qui pourraient agiter les esquilles et les faire
pénétrer dans les parties molles. Des infirmiers ou des ca-
marades saisiront le blessé par le tronc et le membre sain,
tandis que le chirurgien accompagnera le membre fracturé
de ses deux mains, et surveillera les mouvements des hom-
mes qui l'aident jusqu'à ce que le blessé ait été placé sur
un brancard-litière , une voiture ou tout autre moyen de
transport.
Les hommes atteints de fractures des membres supé-
rieurs peuvent , en général , se transporter eux-mêmes , à
moins qu'ils n'aient été frappés par un gros projectile , quj
aura déterminé chez eux une commotion générale, et les
aura fait tomber sous le coup.
Je ne m'arrêterai pas à faire ici l'historique de la chirur-
gie militaire de champ de bataille et des divers moyens de
transport, cela me mènerait trop loin et me ferait, du reste,
sortir du cadre de la question que je traite ; j'indiquerai
seulementles diverses positions que doivent avoir, pendant
le transport , les blessés atteints des divers coups de feu ,
dont je me suis occupé.
Les graves plaie de tête exigent la position horizontale.
Celles de poitrine exigent que le tronc soît placé dans
une position verticale, ou presque verticale, car la suffo-
cation qui les accompagne empêcherait les blessés de de-
meurer dans la position horizontale, et leur rendrait le
transport très douloureux.
— 291 —
Les viscères de l'abdomen ayant de la tendance à sor-
tir par les plaies de cette cavité , à la suite du moindre
effort. On doit placer les blessés, qui sont atteints de plaies
abdominales, sur un plan horizontal, les jambes et les
cuisses un peu relevées , et le tronc légèrement penché
en avant, et leur recommander de ne pas se livrer à des
efforts respiratoires trop violents, d'éviter de tousser, de
crier, etc.
Les hommes , atteints de fractures aux membres supé-
rieurs, ont quelquefois la force de se transporter eux-
mêmes, et de marcher pendant plus ou moins longtemps;
cela dépend de la somme d'énergie morale qu'ils possè-
dent, mais dans le cas où ils ne pourraient marcher, il est
mieux pour eux d'être assis que couchés, car dans la pre-
mière de ces positions ils ont moins de secousses à es-
suyer que dans la position horizontale.
Enfin , les fractures des membres inférieurs exigent la
position horizontale sur une voiture , un brancard-litière
ou un brancard à bras. Ce dernier moyen serait le plus
exempt de secousses, mais il est le plus rare, et le plus
difficile à se procurer, on transporte bien en effet un blessé à
bras pendant une heure ou deux, mais s'il fallait le trans-
porter ainsi pendant une ou plusieurs journées cela exi-
gerait l'emploi d'un trop grand nombre d'hommes , et
serait, du reste, très fatigant pour eux. Il faut, en pa-
reil cas, assujétir les membres fracturés, de manière à ce
qu'ils éprouvent pendant le transport le moins de se-
cousses possibles.
Il va sans dire que , pendant toute la durée de la mar-
che , le chirurgien doit visiter alternativement chaque
voiture, chaque cacolet, afin d'écouter les plaintes de ses
— 292 —
blessés^ de remédier aux accidents qui pourraient sur-
venir , comme une hémorrhagie , le dérangement d'un
appareil de fracture, etc., et surtout pour prodiguer à ces
malheureux des consolations capables de soutenir leur
moral chancelant, ou de le relever lorsqu'il est abattu.
FIS.
TABLE DES MATIÈRES.
Pag.
Introduction • '
PREMIÈRE PARTIE.
Des plaies d'armes à feu considérées d'une manière générale.
CHAPITRE PREMIER.
Nature des plaies d'armes à feu 7
§ I. — Du fusil 8
II. — Du pistolet, — du canon JO
III. — De la charge des armes à feu 12
IV. — De la poudre . 13
V. — Des projectiles ..... ... 15
VI. — Du mode d'action des projectiles sur les tis-
sus de nos organes 19
VII. — Du mode d'action des projectiles volumineux 32
VIII. — Des plaies produites parles projectiles lancés
par la [poudre à canon sur les divers sys-
tèmes de l'économie 34
IX. — Des plaies simples 34
X. — Des plaies d'armes à feu avec lésion des os . 37
XI. — Plaies d'armes à feu avec lésion des articula-
tions . , 42
XII. — Plaies d'armes à feu avec lésion des vaisseaux 46
XIII. — Plaies par armes à feu avec lésion des nerfs. 48
— 294 —
Pag.
XIV. — Plaies d'armes à feu avec lésion des viscères. 51
XV. — Appréciation des caractères des plaies par
armes à feu 54
CHAPITRE II.
Des accidents qui compliquent les plaies d'armes à feu. 64
§ I. — Commotion 64
II. - Stupeur 65
III. — Douleur. 67
IV. — Etranglement ., , , \ .69
V. -— Corps étrangers 72
VI. — Tétanos ............ 82
VII. — Pourriture d'hôpital ........ 87
VIII. — Abcès viscéraux. 90
IX. — - Erysipèle . ' \ . . 96
X. — Hémorrhagie 97
XI.- — De l'influence des diverses circonstances phy-
siquesetmorales surla production de ces ac-
cidents, et sur la gravité des plaies d'armes
à feu reçues sur le champ de bataille. . 100
CHAPITRE III.
Des indications que présentent les plaies d'armes à feu,
et appréciation des divers modes de traitement qu'il
convient de leur appliquer 110
§ I. — Débridement 110
II. — Sangsues 114
III. -• Topiques 115
IV. — Traitement général 118
V. — Traitement des plaies d'armes à feu, avec lé-
sion des os ,121
— 295 —
Pag.
VI. — Traitementdes plaies d'articulations . . . 128
VII. — Traitement des plaies d'armes à feu avec lé-
sion des vaisseaux. 131
VIII. — Traitement des plaies d'armes à feu , avec lé-
sion dos nerfs 133
II. — Traitement des plaies d'armes à feu , avec lé-
sion des viscères 134
X. — Traitement des plaies d'armes à feu, compli-
quées de commotion et de stupeur. . . 135
XI. — Traitement des plaies d'armes à feu, compli-
quées de douleurs 137
XII. — Traitement des plaies d'armes à feu, compli-
quées d'étranglement 138
XIII. — Traitement des plaies d'armes à feu , compli-
quées de corps étrangers 138
XIV. — Traitement des plaies d'armes à feu, compli-
quées de tétanos 145
XV. — Traitement des plaies d'armes à feu , compli-
quées de pourriture d'hôpital . . . . 147
XVI. — Traitement des plaies d'armes à feu, compli-
quées d'abcès viscéraux ...... H8
XVII. — Traitement des plaies d'armes à feu, compli-
quées d'érysipèle 9
XVIII. — Traitement des plaies d'armes à feu , compli-
quées d'hémorrhagie 149
SECONDE PARTIE.
Des blessures par armes à feu considérées dans les différentes
régions du corps.
CHAPITRE PREMIER.
Blessures du crâne ... 156
— 296 —
Pag.
§ I. ~~ Lésion des téguments. ....... 157
II. — Lésion des os 163
III- — Lésions du cerveau et des membranes. . . 175
IV. — Complications des plaies du crâne. . . 177
V. — Commotion cérébrale ,. 178
VI. — Compression cérébrale . 182
VII. — Contusion du cerveau et encéphalite . . . 185
VIII. — Corps étrangers 190
CHAPITRE II,
Blessures de la face . 193
CHAPITRE III.
Blessures du cou ' 208
§ I. — Plaies simples 208
II. — Plaies de la moelle épinière et des nerfs . . . 209
III. — Plaies des vaisseaux 211
IV. — Plaies du larynx et de la trachée artère . . . 211
V. — Plaies de l'œsophage et du pharynx . . . . 212
VI. — Complication des corps étrangers 213
CHAPITRE IV.
Plaies de poitrine par armes à feu 214
§ !• — Plaies des parties molles qui composent les
parois 215
II. — Fractures des côtes 217
III. — Fractures du sternum ....... 220
IV. — Fractures de la colonne vertébrale. . : . 221
V. — Fractures de l'omoplate . . .' . . . . 222
VI. — Plaies du poumon. ........ 225
— 297 —
Pag.
VII. — Plaies du cœur 234
VIII. — Plaies des gros vaisseaux 237
IX. — Des épanchemements dans les plaies de poi-
trine 237
X. — Plaies de l'œsophage 243
XI. — Plaies du diaphragme ........ 244
XII. — Plaies de poitrine par les gros projectiles de
guerre 245
CHAPITRE V.
Plaies de l'abdomen ........... 247
§ I. — Plaies non pénétrantes - . 247
II. — Plaies pénétrantes sans lésions viscérales . . 252
III. — Lésions des viscères abdominaux .... 257
IV. _ pi a ies du foie 259
V. — Plaies de la rate . 261
VI. — Plaies des voies urinaires 261
VII. — Plaies du tube intestinal 266
VIII. — Des épanchements dans les plaies d'armes à
feu de l'abdomen ........ 270
IX. — De la péritonite traumatique 273
CHAPITRE VI.
Plaies par armes à feu des organes génitaux . . . . 275
CHAPITRE VII.
Plaies des membres.— Cas qui réclament l'amputation . 277
CHAPITRE VUI.
1° Du pansement extemporané qu'exigent sur le champ
de bataille les différentes plaies d'armes à feu; 2° de
la manière dont on doit relever et transporter les bles-
sés atteints de ces plaies . 287
v